William Kelly
Ces « Remarques » ont d’abord paru en anglais dans le périodique « Bible Treasury » vol. 2, de janvier 1858 à décembre 1859. Une traduction française a été publiée en 1865 (librairies Grassart et Meyruis à Paris, Émile Béroud à Genève et Paul Recordon à Vevey). Un texte revu et complété a ensuite paru sous forme de livre en 1871, avec le titre « Lectures on Revelation », dont la traduction est donnée ci-après, sans toutefois reprendre la longue « Introduction » et diverses notes de controverses (par rapport à d’autres opinions ou sur des questions de traduction du texte biblique).
Comme d’habitude, W. Kelly a fait sa propre traduction du texte biblique de l’Apocalypse. La présente traduction a utilisé la version française J.N. Darby et dans quelques cas la traduction tirée du texte de W. Kelly.
Les subdivisions des chapitres ont été ajoutées par Bibliquest
Table des matières abrégée :
Table des matières détaillée :
1.1 - Retour en arrière sur les desseins de Dieu
1.2 - Ch. 11:19 — Le temple et l’arche
1.3 - Ch. 12:1 — La femme revêtue du soleil
1.4 - Ch. 12:2, 5 — L’enfantement du fils mâle
1.8.3 - Comment le chrétien peut jouir de sa part céleste
1.8.4 - Hébreux 9:23. Purification des cieux
1.11.1 - Le témoignage de Jésus. Ce que le résidu juif connaitra
1.11.2 - Comment Dieu enseigne
1.12 - Autres interprétations de ces chapitres d’Apocalypse
1.13 - Récapitulé sur ce chapitre
2.1 - Rappel général sur le ch. 12
2.1.1 - La femme et le fils mâle
2.1.4 - Le lien entre la chute de Satan et le ch. 13
2.5.2 - La renaissance de la bête et les pieds de la statue de Daniel 2 en argile et en fer
2.5.3 - Ch. 13:4 — L’hommage rendu au dragon et à la bête
2.5.4 - Un frein temporaire à l’iniquité — 2 Thes. 2:6-7
2.6.1 - Ch. 13:5a en comparaison avec Daniel 7
2.6.2 - Ch. 13:6. Problème de la soumission aux autorités
2.6.3 - Ch. 13:5b en comparaison avec Daniel 7
2.6.4 - Ch. 13:6b. Les objets de la haine de Satan
2.7.1 - Ceux qui habitent sur la terre
2.7.2 - Ch. 13:8 — Un problème de traduction
2.8.1 - La généralité de ce principe
2.8.2 - Agir selon notre position céleste ou terrestre
2.8.3 - Compter vraiment sur Dieu
2.9 - Ch. 13:11 — l’antichrist
2.9.2 - Une bête — la deuxième
2.9.4 - L’antichrist en 1 Jean 2
2.9.5 - L’antichrist en 1 Jean 4
2.9.6 - L’antichrist et 2 Jean 7 à 10
2.9.7 - L’antichrist en Daniel 11
2.9.8 - L’antichrist, ou « le roi » en Daniel 11 et Ésaïe 30 et 57
2.9.9 - L’antichrist en 2 Thessaloniciens 2
2.9.10 - L’antichrist en Apocalypse 19
2.13.2 - Ch. 13:18. Le nombre 666
2.14 - Tirer parti de ces prophéties pour le temps présent
2.14.2 - L’utilité majeure de la prophétie
3.1 - Place du ch. 14 dans son contexte
3.2 - Ch. 14:1 — Les 144000 sur la montagne de Sion
3.2.1 - La montagne de Sion en 2 Samuel 5
3.2.2 - La montagne de Sion en Hébreux 12
3.2.3 - Ce que représentent ceux sur « la montagne de Sion »
3.2.4 - Caractères particuliers des 144000
3.3 - Ch. 14:2-4. Autres caractères de ce résidu
3.3.1 - Séparés de l’idolâtrie ambiante
3.3.2 - Détails du v. 5. Irréprochables
3.4 - Ch. 14:6-7 — L’ange avec l’évangile éternel
3.4.3 - Le message de l’ange — l’évangile éternel
3.5 - Ch. 14:8 — Chute de Babylone
3.6 - Ch. 14:9-12 — Contre ceux qui rendent hommage à la bête
3.7 - Ch. 14:13 – Ceux qui meurent dans le Seigneur
3.8 - Ch. 14:14-20 — La moisson et la vendange
3.9 - Résumé-conclusion sur le ch. 14
3.9.2 - Intérêt de ce chapitre pour nous chrétiens
4.1 - Rappel sur les ch. 12 à 14
4.2.1 - Le temps de la colère de Dieu
4.2.2 - Un peu de chronologie. Situation de la chute de Babylone
4.3.2 - Debout sur la mer de verre
4.3.3 - Détails de traduction de 15:2 et 13:17
4.4.2 - Les voies et les actes
4.4.3 - Roi des nations, et non pas Roi des saints (en général)
4.4.4 - Roi des nations, et non pas Roi des Juifs (ici)
5.2.1 - Variantes par rapport aux trompettes
5.2.2 - Interprétation symbolique
5.10.3 - Ch. 16:20-21 — Encore l’interprétation historique
5.10.4 - Enseignement pour les chrétiens du temps actuel
7.1 - Les ch. 17 et 18 : deux aspects d’un même jugement
7.2 - Babylone : l’ennemi constant de Dieu
7.3 - Babylone, une image appropriée pour représenter la chrétienté corrompue
7.4 - Le croyant par rapport au monde
7.5 - Babylone aujourd’hui (Rome)
7.6 - Motifs de se séparer de Babylone (18:4) — l’esprit de Babylone
8.1 - Importance morale de la chute de Babylone
Sous la septième trompette, les anciens anticipaient ce qui
résulterait de l’établissement effectif du trône
sur la terre. Mais
voilà maintenant le temple
qui apparaît de nouveau, de sorte que, de
fait, nous revenons en arrière, car ce qui nous est présenté ce sont les
desseins de Dieu en rapport avec le Seigneur Jésus dès le commencement — car
c’est Christ Lui-même qui est évidemment, je pense, le fils mâle qui doit
paître toutes les nations avec une verge de fer. Dieu revient à Son propos en
Christ, né en tant qu’héritier du monde, (et non pas en relation avec l’appel
de l’Église, mais) comme l’Homme puissant destiné à tout gouverner d’une main
puissante. Il me semble que ceci rend compte d’un autre trait remarquable de la
vision. Il n’y est fait allusion ni à la mort ni à la résurrection de Christ,
mais seuls Sa naissance et Son
enlèvement (non pas Sa mort) y sont sommairement mentionnés. La femme nous est
présentée en grand tourment pour enfanter ; puis le fils mâle naît ;
et alors nous Le voyons enlevé vers le trône de Dieu en haut. Bien entendu,
ceci n’est pas présenté comme s’il s’agissait d’un récit historique. Il y a
longtemps que le Seigneur Jésus est né et qu’il est mort ; et s’il se fût
agi d’histoire, Sa mort et l’importance de celle-ci n’auraient pas été passées
sous silence, et n’auraient pu l’être.
Il est clair qu’ici, le Saint Esprit rattache la naissance de Christ et son enlèvement vers le trône de Dieu dans le ciel, à Israël et aux desseins de Dieu à l’égard de ce peuple. La naissance de Christ est d’une importance spéciale pour Israël. C’est pourquoi Sa généalogie est donnée avec soin en Matt. 1 ; et en Matt. 2, nous voyons tout Jérusalem troublée au sujet de Sa naissance. C’était là l’œuvre du dragon. Hérode était en quelque sorte l’expression de la puissance du dragon, qui aurait volontiers dévoré l’enfant dès Sa naissance, par le moyen de ce méchant roi comme instrument. L’enfant fut délivré ; mais, historiquement, au lieu d’être élevé sur le trône de Dieu, il fut emporté en Égypte.
Notre chapitre ne saurait donc être regardé comme historique, au moins au début ; et même quand il est fait allusion à des faits historiques, ils ne sont pas du tout arrangés historiquement, mais simplement liés aux pensées de Dieu à l’égard d’Israël. L’Église, comme telle, est passée sous silence. Elle peut être incluse mystiquement dans la personne et la destinée du fils mâle, mais il n’y a pas de manifestation progressive des pensées de Dieu touchant Son dessein d’avoir une épouse céleste pour Son Fils. Il n’est rien dit au sujet d’une épouse pour le fils mâle. Ce que nous trouvons ici, c’est la mère, mais non pas la femme de l’Agneau. Israël fut la mère de Christ, car c’est d’Israël selon la chair que le Christ est né. C’est là la grande question sur laquelle l’apôtre Paul insiste en Rom. 9, parce que les Juifs pensaient qu’il faisait peu cas de leurs privilèges, et qu’il y était même contraire vu la force avec laquelle il faisait ressortir la grâce de Dieu envers les Gentils. Mais il n’en était nullement ainsi. Il démontre qu’en fait, c’était eux qui méconnaissaient leur privilège le plus élevé. C’est à eux qu’avaient été donnés l’adoption et la gloire et les alliances, et la loi et le service divin et les promesses. Ils avaient aussi les pères, et en dernier lieu il leur fut donné un Fils, l’enfant mâle, qu’ils ne connurent pas — le Christ ; car c’est d’eux selon la chair que descendait Celui qui est Dieu sur toutes choses béni éternellement. Loin de minimiser la juste gloire d’Israël, l’apôtre l’exaltait beaucoup plus que les Juifs eux-mêmes ne le faisaient.
Déjà en Rom. 9 Paul ne s’étend pas sur le sujet de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus : il en est de même ici, ces deux pensées sont liées l’une à l’autre en Apoc. 12. Le fils mâle est enfanté, mais Il quitte la scène où le dragon s’opposait à Lui, et Il prend sa place sur le trône de Dieu, ce à quoi personne, sinon une personne divine, n’avait droit. Il siégera bientôt sur Son propre trône, mais ce sera quand Il gouvernera la terre d’une manière directe et publique ; car Dieu ne se dessaisira jamais du droit et du titre que le Seigneur Jésus possède quant à la terre, et pareillement quant aux cieux. Outre Son droit essentiel comme Créateur, Il a acquis un nouveau droit comme Rédempteur. Mais comme tel, Il veut faire beaucoup mieux que paître les nations avec une verge de fer, ou même bénir Son peuple terrestre : Il veut ouvrir son propre cœur. Il faut que Son amour ait libre cours, et ait un objet qui en soit digne. Christ veut faire participer à Sa gloire en haut, ceux qui ne méritaient rien d’autre que le jugement.
Il n’est fait aucune allusion ici à ce qui est fait par Christ et pour Christ pendant qu’Il est sur le trône de Dieu. C’est d’Israël qu’il est question. Ces quelques pensées aideront peut-être à saisir la place et la portée propres de cette nouvelle vision.
Le temple de Dieu est donc ouvert dans le ciel (*), et on y voit l’arche de Son alliance, gage de Sa fidélité envers Son peuple. En effet, comme nous l’avons vu au dernier chapitre, il y avait un résidu qu’il avait fallu mesurer, et qui s’approchait de Dieu pour rendre culte ; c’est à ces témoins qu’était confié un témoignage à rendre aux droits du Seigneur sur la terre, puisque le royaume était enfin annoncé. Maintenant nous sommes en présence d’un autre ordre d’idées. En Apoc. 4, il y avait le trône et un arc-en-ciel à l’entour. Ici nous avons le temple, et l’arche de l’alliance de Dieu qui apparaît au-dedans. Cela prépare à faire la différence entre les deux sujets. Au ch. 4 il s’agissait de la puissance de Dieu sur la création. Des jugements providentiels allaient tomber sur la terre, et l’arc-en-ciel était destiné à montrer, avant qu’aucun jugement ne s’exerce, que Dieu n’oublierait pas d’user de miséricorde. L’arc-en-ciel soit autour du trône au ch. 4, soit autour de la tête de l’ange puissant au ch. 10 avant le son de la dernière trompette, était la garantie que Dieu travaillait non pas pour la destruction, mais pour la délivrance de la terre. Maintenant nous touchons un autre point ; car aussi béni que soit le trône, il ne nous fait pas entrer dans les profondeurs du caractère de Dieu autant que le temple accompagné de l’arche. Nos cœurs sont moins disposés à l’adoration devant des manifestations de la puissance divine que quand nous nous approchons de la demeure ou de l’habitation de Dieu Lui-même ; car bien que rien ne doive nous faire autant honte que la manière pauvre et inadéquate dont nous répondons à Sa sainteté, cependant c’est justement dans cet état que Dieu nous a rencontrés dans Sa grâce.
(*) La véritable leçon est probablement o en to ourano
, c’est-à-dire : qui est dans le ciel. Il en
est ainsi du moins selon bon nombre de manuscrits.
Maintenant Dieu va nous montrer non seulement des jugements frappant la création et le genre humain, mais le lien entre Satan et l’apostasie finale de ce siècle. Il y a eu une allusion, sous forme de figure, à son influence au ch. 9:2, où l’on a vu la fumée montant du puits de l’abîme ; puis au ch. 11:7, la bête monte de cet abîme ; mais ici (ch. 12), la source du mal est entièrement dévoilée. N’est-il pas précieux de voir qu’avant que Dieu dévoile le flot du mal à son comble, et qu’Il nous en montre non seulement le développement et les instruments parmi les hommes, mais la grande source cachée, et le personnage de celui qui se met à sa tête, et qui doit encore susciter cette terrible conspiration contre Dieu — n’est-il pas précieux, dis-je, de voir avant tout cela que le temple de Dieu est ouvert dans le ciel, et qu’on y voit dedans l’arche de l’alliance de Dieu ? car, en de telles circonstances, le cœur n’aspire pas simplement à la manifestation de la puissance de Dieu, mais il a besoin de savoir que la sainteté de Dieu est garantie et qu’en vertu de cela son peuple est maintenu. Aussi voyons-nous que quand le temple est ouvert en haut, ce n’est pas un arc-en-ciel qui apparaît, mais c’est la relation de Dieu avec Son peuple qui est présentée dans la figure de l’arche.
Car l’arche a toujours été tout près de Dieu, et elle a donc été
ce à quoi la foi s’est le plus attachée. Israël se montrait mort à tout
sentiment juste et pieux, quand ils voulurent exposer l’arche dans l’espoir
d’être délivrés des Philistins. La douleur qui fit mourir Éli,
et les transports de joie de David attestent pareillement de ce qu’était
l’arche aux yeux de ceux qui avaient un cœur vrai. Ici, il s’agit de l’arche de
l’alliance de Dieu
dans le ciel, et non pas simplement de l’arche
d’Israël qu’on pouvait emporter. Le roi particulièrement doué de sagesse
[Salomon] n’a pas eu une saine appréciation de la valeur de l’arche, ce qui
montre la supériorité de David, car la foi est toujours, si l’on peut dire,
plus sage que la sagesse. Nous aurions beau être doués de l’intelligence
humaine la plus vaste, et de la sagesse naturelle la plus élevée que Dieu
puisse conférer, nous n’arriverions pourtant jamais à la hauteur de la simple
foi. Salomon paraît devant le grand autel. C’était un spectacle magnifique. Et
ce roi auguste apportait des offrandes convenables. Mais David montre sa foi en
ce qu’il n’attachait pas seulement de la valeur à l’autel, mais par-dessus tout
à l’arche. L’arche était une chose cachée ; même le souverain
sacrificateur ne pouvait la voir, car elle était enveloppée d’un nuage
d’encens. Il fallait marcher par la foi et non par la vue pour apprécier
l’arche de Dieu. C’est pourquoi David ne pouvait avoir du repos tant que
l’arche de Dieu n’avait pas sa place stable en Israël (Ps. 132) ; et il
n’éprouva jamais de joie plus profonde que quand l’arche fut ramenée à
Jérusalem. Il est vrai que l’arche attirait le jugement sur tous ceux qui la
méprisaient ; et le cœur de David lui-même eut peur pendant quelque temps,
et l’arche resta dans la maison d’Obed-Édom le Guitthien. Mais David retrouva la source de sa confiance en
Dieu, qui marqua si généralement sa carrière, car nous le voyons ensuite se
réjouir lors de l’accueil de l’arche à son retour, et il se réjouit plus qu’en
toutes ses victoires réunies.
Ici (11:19), il ne s’agit pas du tout de l’arche de l’alliance de l’homme, mais de l’alliance de Dieu ; le temple de Dieu est ouvert dans le ciel, mais non pas encore sur la terre (c’est-à-dire qu’on a seulement le dessein de Dieu à son égard) ; et en liaison avec ceci, l’arche de l’alliance de Dieu apparaît, gage certain de miséricorde et signe de fidélité envers Son peuple. Mais les circonstances restent telles qu’elles nécessitaient le jugement ; et c’est pourquoi « il y eut des éclairs et des voix, et des tonnerres, et un tremblement de terre et une grosse grêle » (*), choses qui étaient toutes des signes de jugement de la part de Dieu. Le jour de paix et de gloire est encore à venir. Ainsi donc, on a la réunion de ces deux choses : d’abord le gage de l’intérêt que Dieu prend à Son peuple, et de Son triomphe pour Son peuple, puis les signes de Son jugement sur le mal qui doit être mis de côté avant qu’arrive le temps de la pleine bénédiction.
(*) Il est étonnant que le vrai rapport de ce verset avec le contexte ait échappé à l’attention de tant de chrétiens intelligents ; c’est peut-être dû simplement au rattachement malheureux du verset 19 avec la fin du ch. 11, au lieu qu’il soit mis en tête de la nouvelle vision au début du ch. 12.
« Et un grand signe parut dans le ciel, une femme revêtue du soleil, et ayant la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles » (12:1).
Il s’agit probablement ici, me semble-t-il, d’une allusion au songe bien connu de Joseph (Gen. 37) où celui-ci vit le soleil, la lune et les étoiles, et l’interpréta en l’appliquant à ses parents et à ses frères. Ici, les symboles ont un caractère plus général, et ils se rapportent naturellement : le soleil, à la gloire suprême ; la lune, à la gloire qui dérive de celle-là ; et les étoiles, à une autorité inférieure et subordonnée. Tout cela est vu en rapport avec Israël ; car Dieu veut, en ce qui concerne le monde, que toute puissance et toute gloire aient leur centre en Israël. Quant à l’Église, elle aura tout en perfection avec Christ et en Christ ; mais pour ce qui concerne la terre, c’est Israël qui sera le centre. La femme est le symbole du dessein de Dieu comme se rattachant à Israël.
Au verset suivant, nous avons autre chose : c’est l’homme qui procède de la femme. Nous lisons : « étant enceinte, elle crie étant en travail d’enfant et en grand tourment pour enfanter » (12:2), et un peu plus loin (12:5) « elle enfanta un fils mâle, qui doit paître toutes les nations », etc. Ainsi nous voyons que ce qui a tant d’importance n’est pas la femme pour ce qu’elle est en elle-même, même revêtue de tous ces symboles de puissance glorieuse, mais l’importance de la femme vient de ce que c’est d’elle que naît le fils mâle. Nous allons voir que cette pensée n’est nullement étrangère à l’Écriture.
Prenez, par exemple, les Psaumes, où on retrouve la même chose
sous forme d’allusion de manière mystique. Ainsi, au Psaume 87 où l’Éternel est
célébré, il est dit : « La fondation qu’il a posée est dans les
montagnes de sainteté ». Il appelle le monde à comparer ce qu’il a de
mieux avec ce que Lui peut produire. « L’Éternel aime les portes de Sion, etc ». Il a choisi Sion parmi toutes les villes
d’Israël, parce que le choix souverain de Dieu doit être mené à bonne fin, au
milieu même de son peuple. « Je ferai mention de Rahab
et de Babylone à ceux qui me connaissent ». Rahab
était un nom figuratif pour l’Égypte, et l’Égypte et Babylone étaient les
nations les plus renommées au temps du Psalmiste. La Philistie,
avec Tyr et l’Éthiopie étaient sans doute des pays d’ordre inférieur, mais très
renommés pour leur trafic, leur commerce, leur habileté, etc. On disait
d’eux : « celui-ci était né là ». Et de Sion, il sera dit :
« Celui-ci et celui-là sont nés en elle ; et le Très-haut, Lui,
l’établira. Quand l’Éternel enregistrera, etc ».
Je crois que ce passage renferme une allusion voilée à la naissance de Christ,
où Dieu et Son peuple se glorifient pour ainsi dire de ce que celui-ci
est
né là, quels que soient les personnages célèbres qui aient pu exister ailleurs.
L’allusion est, je pense, principalement, sinon exclusivement, au Seigneur
Jésus. Que les autres se vantent de leurs grands hommes, mais l’Éternel
comptera, quand Il enregistrera les peuples, que CELUI-CI est né là. Lorsqu’il
enregistre tel peuple, à quoi pense-t-Il ? Voyons ! c’est à Christ, à Celui qui est né de femme, né d’Israël, et
est maintenant enlevé au ciel. Quand le regard cherche Christ, on trouve des
passages de l’Écriture le concernant plus ou moins nettement tout au long de
l’Écriture ; car Celui qui a écrit la Parole avait toujours Christ en vue.
Ce n’est pas la mort de Christ dont parle ce psaume 87, car ce sujet aurait
spécialement mis le péché des Juifs sous leurs yeux ; mais c’est Sa
naissance qui a été ou aurait dû être un sujet de joie sans mélange. C’est
pourquoi, lorsque Jésus naquit, les armées célestes éclatèrent en
louanges : « Gloire à Dieu dans les lieux très-hauts ;
et sur la terre paix et bon plaisir dans les hommes ». Il n’y avait nul
trouble parmi ces multitudes célestes, quels que fussent les sentiments
d’Hérode et de tout Jérusalem. Leur grande joie provenait de ce que Christ
serait pour Dieu et pour les hommes, et spécialement pour la cité de
David : autrement dit, c’était justement les sentiments qui convenaient à
ces multitudes célestes ; n’étant pas occupées d’elles-mêmes, il leur
était permis de discerner les conseils de Dieu quant à Son peuple.
Il y a un ou deux autres passages dont je voudrais faire brièvement mention ici, parce qu’ils peuvent nous aider à saisir la signification de cette femme et de son enfant, non seulement quant à au fait de la naissance elle-même, mais dans sa relation avec la prophétie. Michée 5 contient un passage qui à la fois s’éclaire à la lumière d’Apoc. 12 et éclaire Apoc. 12. « Maintenant attroupe-toi, fille de troupes ; il a mis le siège contre nous, ils frappent le Juge d’Israël avec une verge sur la joue ». Ces derniers mots font ressortir ce que nous n’avons pas en Apocalypse : le rejet de Christ et l’opprobre dont il est couvert par Son propre peuple. Alors le Saint Esprit interrompt le cours du chapitre par une parenthèse, car tel est bien le verset 2 en entier : « Mais toi, Bethléhem Éphrata, bien que tu sois petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit dominer en Israël, et duquel les origines ont été d’ancienneté, dès les jours d’éternité ». C’est le Christ, selon la chair, qui est Dieu sur toutes choses, béni éternellement (Rom. 9:5). Vous avez là les deux aspects de la gloire de Christ : Sa gloire comme homme, comme Messie, et avec elle Sa gloire comme Celui dont les origines ont été d’ancienneté, dès les jours d’éternité. Ayant montré ensuite qui est celui-ci (l’homme qui doit être frappé, mais qui est une personne divine, ce qui rendait impardonnable l’acte de le frapper, s’il n’y avait eu l’intervention de la miséricorde infinie), le Saint Esprit reprend : « Ils frappent le juge d’Israël avec une verge sur la joue… C’est pourquoi il les livrera jusqu’au temps où celle qui enfante aura enfanté ; et le reste de ses frères retournera vers les fils d’Israël ». Remarquez qu’ils sont livrés par Dieu « jusqu’au temps où celle qui enfante aura enfanté ». Cela montre que nous ne devons pas prendre la naissance du fils mâle pour une allusion purement littérale à la naissance de Christ dans le monde, mais plutôt comme se rattachant à l’accomplissement des conseils de Dieu à l’égard d’Israël. Christ est né (Michée 5:2) ; ensuite vient Sa réjection, puis l’appel de l’Église, comme si c’était la mesure de la durée de Sa rejection sur la terre et de Son exaltation dans le ciel.
Mais ici la prophétie passe par-dessus tout ce qui se rapporte à l’Église, et traite la naissance de Christ d’une manière figurée, la rattachant à la manifestation du conseil divin, qui lui-même est symbolisé par une naissance. Le Juge d’Israël est frappé avec une verge sur la joue, et en conséquence, Israël est abandonné jusqu’au temps où, en se servant du langage de Jérémie (30:7), le temps de la détresse de Jacob viendra, et qu’il en sera délivré. Dans le passage de Michée, il s’agit, dans un sens figuré, du travail de Sion jusqu’à l’enfantement du grand dessein de Dieu concernant Israël. « Et le reste de ses frères retournera vers les fils d’Israël ». Durant tout le temps de l’appel de l’Église, le résidu des Juifs (« ceux qui doivent être sauvés ») est pris et sorti d’Israël, et cesse de s’occuper de ses espérances juives, et est absorbé dans l’Église. Mais quand le propos de Dieu quant à la terre commencera à recevoir exécution au dernier jour, le résidu de ce jour-là fera partie d’Israël, et reprendra l’ancienne position juive. Les branches naturelles seront greffées sur leur propre olivier.
Un autre passage traite de l’enfantement de Sion, mais dans un sens bien différent. Au dernier chapitre d’Ésaïe, il est parlé d’une naissance, — une naissance qui doit avoir lieu en un jour.
« Une voix de tumulte vient de la ville, une voix du temple, une voix de l’Éternel qui rend la récompense à ses ennemis. Avant qu’elle ait été en travail, elle a enfanté ; avant que les douleurs lui soient venues, elle a donné le jour à un enfant mâle. Qui a entendu une chose pareille ? qui a vu de telles choses ? Fera-t-on qu’un pays enfante en un seul jour ? Une nation naîtrait-elle en une fois ? Car aussitôt que Sion a été en travail, elle a enfanté ses fils. Amènerais-je jusqu’au moment de l’enfantement, et je ne ferais pas enfanter ? dit l’Éternel. Moi qui fait enfanter, je fermerais la matrice ? dit ton Dieu. Réjouissez-vous avec Jérusalem et égayez-vous à cause d’elle, vous tous qui l’aimez, etc. » (És 66:6-10). Ici, il ne s’agit évidemment pas du temps dont parle Apoc. 12. Il est donc clair qu’il y a trois grandes phases critiques se rattachant à l’histoire d’Israël. Il y a d’abord la naissance du Messie ; en second lieu le passage de Michée, ou le progrès des conseils de Dieu à l’égard d’Israël vers leur maturité, et l’effet qu’ils ont, — ce passage se reliant à Apoc. 12, où Dieu déploie Son dessein envers Israël, avant que la bête et l’Antichrist soient pleinement révélés ; et en troisième lieu, il y a ce passage d’Ésaïe 66 qui fait en quelque sorte contraste par rapport aux autres, les circonstances mentionnées étant exactement l’inverse de ce qui a lieu lors d’un enfantement naturel, et l’inverse de la figure employée en Apoc. 12. Les trois passages peuvent être ainsi rapprochés : — Premièrement, Michée 5 nous montre la naissance de Christ, et Israël abandonné jusqu’à ce que soit bientôt manifesté le résultat des desseins de Dieu à leur égard ; en second lieu, Apoc. 12 déploie le temps d’épreuve (*) qui doit juste précéder la dernière tribulation, quand Satan, perdant ses anciens domaines, essaiera de nouveaux plans pour faire échouer le dessein de Dieu de bénir et de magnifier Israël ; et, en dernier lieu, Ésaïe 66 est le temps où toute peine est finie, où Sion enfante avant d’être en travail — la pleine et soudaine bénédiction d’Israël après l’apparition du Seigneur. Toute la souffrance antérieure a passé en raison de la joie qui remplit la cité de Sion ; elle n’est rappelée que pour rehausser cette joie.
(*) Quelques-uns n’admettent pas qu’il soit fait ici allusion à la naissance de Christ, parce que cette hypothèse ne s’accorde pas avec la portée exclusivement future de l’Apocalypse, et penchent vers l’idée que l’enfantement de la femme signifie, symboliquement, la formation de Christ dans les cœurs d’Israël ou au moins d’une certaine partie, avant la crise finale. Comparez Gal. 4:19.
Mais revenons à notre chapitre. Nous voyons qu’outre la femme et
le fils mâle, il y a un autre signe ; un grand adversaire de Dieu
apparaît ; ce n’est pas la bête, mais une puissance beaucoup plus
dangereuse, « un grand dragon roux ». Il y a ceci de remarquable, que
la description appliquée à la bête, est la même que celle appliquée au dragon
(voir 12:3 et 13:1). D’où cela vient-il ? Que Satan soit le grand dragon
roux, cela ne fait pas de doute ; le chapitre même nous le dit au verset
9 ; et pourtant il est décrit sous les mêmes traits (*) qui caractérisent l’empire romain (13:1),
« ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses sept têtes, sept
diadèmes ». La raison en est, je crois, que Satan est vu en rapport avec
la puissance terrestre. Tout comme la femme a été vue investie des symboles
d’une puissance d’en-haut que Dieu lui a donnée, de
même ici Satan est revêtu de la plénitude d’autorité terrestre. Il a sept
têtes, symbole du pouvoir qui délibère, guide et gouverne, — et dix cornes
représentant des rois ou des dignités royales. Il est le prince du monde et
s’entoure de toute la puissance qui se rattache à la terre. L’empire romain est
le grand représentant de la puissance de Satan. Mais quand on considère cet
empire au ch. 13, il y a cette différence : les diadèmes sont sur les têtes
du dragon, alors qu’ils sont sur les cornes
de la bête. La signification
de cette différence est la suivante : l’empire romain présente l’exercice
de la puissance comme une question de fait
, tandis qu’en ce qui concerne
Satan, nous avons l’exercice de la puissance seulement comme principe
, à
sa racine
. Satan, quoique invisible, est la grande force motrice. C’est de
source et de caractère qu’il est question, non pas d’histoire.
(*) note Bibliquest : il y a sept diadèmes pour le dragon et dix pour la bête
Nous avons donc eu en premier lieu la pensée et le plan de Dieu à l’égard d’Israël et de Christ. Il est clair qu’il s’agit de la destinée du fils mâle, et non pas encore de l’exercice de Sa domination sur toutes les nations ; car s’il s’agissait de ce dernier point, la femme n’aurait pas à s’enfuir au désert, et il ne serait pas permis à Satan de lui faire la guerre, à elle et au résidu de sa semence. Faire de ceci une application historique, c’est manquer entièrement l’enseignement de Dieu, qui fait voir ici Son dessein et rien de plus pour le moment. Ensuite apparaît le dragon, celui que Dieu considère comme le gouverneur de ce monde, le chef de l’autorité de l’air, revêtu des mêmes symboles de puissance terrestre que ceux que nous voyons plus loin dans l’empire romain, sauf que dans ce dernier, les diadèmes sont sur les cornes de la bête, sur ceux qui ont effectivement le pouvoir en main (Apoc. 13).
« Et sa queue entraîne le tiers des étoiles du ciel » (12:4). Ceci semble être sa puissance de méchanceté sous forme de doctrine et de prophétie. En Ésaïe 9, il nous est dit que « le prophète qui enseigne le mensonge, lui est la queue ». La queue du dragon ne représente pas son pouvoir terrestre, mais son influence pour égarer les âmes par de la fausse doctrine, spécialement pour égarer ceux qui gouvernent et occupent une position d’autorité — « les étoiles du ciel ».
« Et le dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin que lorsqu’elle aurait enfanté, il dévorât son enfant ».
Quelle harmonie merveilleuse entre les diverses parties de l’Écriture ! car si vous commencez au tout début de l’Écriture, celle-ci parle du serpent, et l’on y voit justement la femme et cet adversaire rusé face à face ; et plus encore, Dieu apparaît sur la scène où Satan a en apparence remporté un grand triomphe, et c’est là qu’Il fait cette révélation bénie que « la semence de la femme écrasera la tête du serpent ». Ici, à la fin de l’Écriture, les mêmes parties réapparaissent, mais avec des différences notables. Au jardin d’Eden, le serpent avait la victoire, mais ici le triomphe certain est du côté de Dieu ; en Eden on avait la tromperie du diable, mais ici c’est la puissance de Dieu, longtemps déployée en patience, mais toute glorieuse à la fin. Dieu permet que le dragon se tienne devant la femme, prêt à dévorer son enfant dès sa naissance. Le dragon montre sa haine et sa méchanceté au plus haut degré, et ses plans au chapitre suivant. Dieu change la souffrance même en bénédiction encore plus grande pour les fidèles. La certitude même qu’Il peut écraser le dragon, Lui donne la patience pour attendre, et Il désire que Son peuple ait la même attitude.
Je voudrais remarquer qu’il ne nous faut pas envisager le chapitre comme s’il était tout selon l’ordre chronologique. En effet le verset 7 commence une nouvelle division, et la preuve que tout ne se suit pas dans l’ordre est celle-ci : Satan précipité du ciel sur la terre précède la fuite de la femme au désert, et est même la cause de cette fuite (12:13), bien que ce ne soit constaté qu’après. Le fait est que les six premiers versets nous fournissent le tableau complet. Dans le conseil divin, nous voyons la femme revêtue des astres célestes : elle représente la puissance que Dieu seul peut conférer. Mais l’autre côté du tableau est que lorsque le fils mâle est enfanté, on voit la mère dans la faiblesse, obligée de fuir au désert pour sauver sa vie en un lieu préparé par Dieu. Dieu se préoccupe tellement du temps qu’elle y passe, qu’Il ne l’appelle pas « un temps, des temps et une moitié de temps » ; mais il compte, pour ainsi dire, chacun des jours qu’elle y passe : « afin qu’on la nourrisse là, 1260 jours ».
Puis vient une nouvelle scène au verset 7. Il ne s’agit plus de ce qui se passe sur la terre, mais de ce qui a lieu au ciel, — une chose nouvelle et alarmante pour beaucoup. Un combat est signalé en haut. Comment cela ? Un combat dans le ciel ! Il est facile d’imaginer l’ennemi des âmes sur la terre, et une guerre avec lui ici-bas. Mais le combat commence ailleurs. « Et il y eut un combat dans le ciel : Michel et ses anges combattaient contre le dragon. Et le dragon combattait, et ses anges ; et il ne fut pas le plus fort, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel ».
Si on croit la Bible, elle indique nettement que Satan a le pouvoir de s’approcher et d’accuser les saints devant Dieu. On peut en être ébranlé, et dire que ce n’est pas possible, mais il vaut mieux se laisser guider par la parole de Dieu que par les idées des hommes. Le livre de Job le montre ; 1 Rois 22 aussi, et peut-être Zach. 3. Vous pouvez dire que, dans ces passages, il s’agit de visions ; mais dans l’épître aux Éphésiens, Paul nous dit que notre lutte n’est pas comme celle d’Israël combattant contre les Cananéens. « Car notre lutte n’est pas contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les autorités, contre les dominateurs de ces ténèbres, contre la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes » (Éph. 6:12). Certains se servent de ce verset pour justifier les chrétiens qui résistent aux pouvoirs de ce monde, en contradiction évidente avec Rom. 13 et d’autres passages. Mais les principautés et puissances dans les lieux célestes en Éph. 6:12 ne représentent pas du tout des hommes. Ce sont des esprits de méchanceté, en contraste avec les hommes. La lutte d’Israël était contre des hommes vivants sur la terre, tandis que celle des chrétiens a lieu contre des esprits de méchanceté dans les lieux célestes. Bien sûr Satan ne peut pas s’approcher de la présence immédiate de Dieu, dans la lumière où Dieu habite, de laquelle nul ne peut s’approcher ; mais il peut s’approcher assez pour accuser le peuple de Dieu devant Dieu Lui-même (*). Le terme « les lieux célestes » signifie ici les cieux en général, et non pas simplement ce qu’on appelle le troisième ciel ou ciel supérieur. Satan a accès aussi loin que s’étendent les cieux inférieurs ; on ne saurait mettre en doute qu’il soit le chef de l’autorité de l’air.
(*) Note Bibliquest : ne pas oublier Rom. 8:33
Les Israélites devaient combattre pour acquérir la possession de leur héritage. La terre leur fut donnée en droit, et avant que la vie fut ôtée à Moïse, le Seigneur lui-même le prit au sommet de la montagne, et lui fit voir tout le pays, depuis Galaad jusqu’à Dan, nommant les régions selon les noms des douze tribus d’Israël, comme si elles y étaient déjà. Mais pour jouir de leurs possessions, Israël devait combattre, et il en est de même pour nous maintenant. Il n’est pas possible de jouir de la part céleste de l’Église sans entrer en conflit avec l’ennemi, et c’est la raison pour laquelle un si grand nombre de chrétiens n’en jouissent pas. Si le chrétien n’entre pas, dès ici-bas, dans la plénitude de sa part céleste, c’est parce qu’il est occupé soit de lui-même, soit du monde, ou bien de quelque autre idole de l’ennemi, et alors il ne peut pas en jouir. Le grand but de Satan, c’est de nous empêcher de goûter à nos bénédictions célestes en Christ, d’en jouir et d’y vivre. Dans la mesure où le monde et la chair sont tolérés, et où la porte est ainsi laissée ouverte à Satan pour aveugler nos yeux, nous ne pouvons pas voir le bon pays. Il faut avoir eu la victoire sur Satan avant d’y entrer. L’adversaire n’exerce pas seulement sa puissance au moyen des convoitises des hommes ici-bas, mais spécialement en rapport avec les lieux célestes — cette puissance a pour but d’empêcher les chrétiens d’apprécier la portion qu’ils y possèdent. Or il va y avoir un terme à cet état de choses, mais non pas sans lutte. Dieu fera cesser tous les moyens d’accès de Satan au ciel.
Il y a un texte considéré comme obscur par certains, et que je ne peux omettre en rapport avec ce sujet. En Hébreux 9, où il est parlé des diverses applications de la mort de Christ, on trouve l’allusion suivante aux lieux célestes : « Il était donc nécessaire que les images des choses qui sont dans les cieux fussent purifiées par de telles choses ; mais que les choses célestes elles-mêmes, le soient par de meilleurs sacrifices que ceux-là ». Une des raisons de ce besoin de purification, je pense, est que Satan y a eu si longtemps accès comme accusateur. Si ce n’eût été en raison de la mort de Christ, Dieu aurait depuis longtemps manifesté Son propre jugement sur la souillure apportée là par Satan. Mais comme Il supporte la rébellion de ce monde, Il en fait de même à l’égard d’une autre rébellion, l’audace de Satan qui ose s’introduire lui-même jusque dans Sa propre présence, pour apporter devant Lui des accusations contre Son peuple. Mais n’oublions pas que s’il en est un qui se plait à accuser, il y en a Un autre qui intercède, l’Avocat qui ne sommeille ni ne dort jamais. Le diable peut être là contre les saints, mais Christ se tient pour eux, Lui qui est toujours vivant pour intercéder. Bientôt Dieu ne permettra plus à Satan de souiller davantage l’air du ciel. Il en sera chassé par force, et il ne lui restera plus que la puissance d’agir sur l’espèce humaine par les moyens terrestres. « Malheur à la terre et à la mer, car le diable est descendu vers vous » etc. (12:12) ; toutes les nations sont concernées, tant celles qui sont dans une condition de stabilité, que celles qui sont dans un état d’instabilité. Satan sera désormais entièrement empêché d’usurper sa place la plus élevée, comme chef de l’autorité de l’air. Les cieux seront à jamais débarrassés de lui et de ses anges, et ils ne retrouveront plus jamais leur place en haut. Satan pourra de nouveau sortir sur la terre pour un peu de temps après avoir été lié ; mais il ne réapparaîtra jamais plus dans le ciel comme l’accusateur des frères devant Dieu. La différence majeure dans les voies de Dieu à l’égard des Siens est bien marquée ici. Pendant toute la durée du temps actuel, il y a l’accusateur dans le ciel, mais à l’époque prédite, il est chassé, et il n’y retrouve plus jamais place.
Remarquez que ceci implique naturellement, voire nécessairement, l’enlèvement de l’Église au ciel avant que ce changement ait lieu ; la raison en est que, si nous supposons l’Église encore sur la terre lorsque le diable et ses anges sont précipités du ciel, il ne serait plus vrai que nous avons notre lutte avec les esprits de méchanceté dans les lieux célestes. Les saints pendant le millénium, ou ceux dans la grande tribulation qui le précède, n’ont pas ce combat avec les esprits de méchanceté dans les lieux célestes.
Trois ans et demi s’écoulent après que Satan est précipité sur la terre ; pendant ce temps la femme et sa semence (c’est-à-dire Israël) sont les objets de sa persécution. « Et le grand dragon fut précipité, le serpent ancien, celui qui est appelé diable et Satan, celui qui séduit la terre habitée toute entière — il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. Et j’ouïs une grande voix dans le ciel, disant : Maintenant est venu le salut et la puissance et le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ, car l’accusateur de nos frères, qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit, a été précipité ; et eux l’ont vaincu à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage ; et ils n’ont pas aimé leur vie, même jusqu’à la mort » (12:9-11). « Le sang de l’Agneau », voilà ce qui leur maintient une bonne conscience, et leur donne confiance devant Dieu. Leur conscience est purifiée par le sang de Christ, et à côté de cela, ils ont leur témoignage pour Dieu ; Dieu leur donne à la fois le sang de l’Agneau et la parole de leur témoignage, et ils sont vainqueurs par les deux : le sang de l’Agneau les purifie devant Dieu, et avec la parole de leur témoignage, ils tiennent devant les hommes.
« C’est pourquoi, réjouissez-vous, cieux, et vous qui y habitez ». Il y a à ce moment-là des habitants du ciel, et ils ont à se réjouir, parce que Satan en est chassé. L’Église est au ciel au temps dont parle le passage ; les saints sont déjà enlevés de la terre.
« Or, quand le dragon vit qu’il avait été précipité sur la terre, il persécuta la femme qui avait enfanté le fils mâle. Et les deux ailes du grand aigle furent données à la femme, afin qu’elle s’envolât dans le désert, en son lieu, où elle est nourrie un temps, des temps, et la moitié d’un temps, loin de la face du serpent » (12:13-14).
Il est clair que ceci nous ramène au verset 6. Il fallait les versets 7 à 13 pour faire le lien entre les deux, et ensuite on a l’ordre chronologique. Nous sommes ramenés à la persécution de la femme et de son enfant par le dragon, et à la fuite de la femme au désert (12:6). L’Esprit de Dieu a dû revenir en arrière pour nous montrer les raisons plus profondes et l’origine supérieure de tout : Satan est obligé de quitter sa place dans le ciel, et désormais en fureur, « sachant qu’il a peu de temps », il descend sur la terre pour commettre le pire. Il hait la femme, sachant bien que la semence de celle-ci doit l’écraser ; de sorte que son inimitié longtemps entretenue, se concentre sur la femme et sur sa semence. C’est ce qui conduit la femme à s’enfuir au désert. L’inimitié de Satan n’est pas simplement due à ce qu’elle a enfanté un enfant qui doit paître les nations avec une verge de fer, mais elle est due à ce que Satan est précipité sur la terre. Satan fut autrefois innocent, mais il est sorti de sa place de créature, s’admirant lui-même, et s’élevant contre Dieu. Maintenant, lorsque Satan est précipité du ciel, il manifeste tous ses sentiments de méchanceté contre Dieu en persécutant la femme et sa semence.
« Et les deux ailes du grand aigle furent données à la femme ». Remarquez ici la différence (analogue à Apoc. 11) : « où elle est nourrie un temps, des temps et la moitié d’un temps ». Dans un verset précédent, le temps est, pour ainsi dire, aussi allongé que possible, parce que, c’est du moins ce que je comprends, les soins de Dieu envers elle sont le grand point mis en relief. Il y avait un lieu préparé pour elle de la part de Dieu, et quand il est question de Ses soins et de ce qu’Il a préparé, il allonge le temps le plus possible ; mais quand il est question de la puissance du diable, Il le raccourcit. C’est, je crois, la même période, mais présentée d’une manière différente.
Le serpent, ainsi appelé à cause de son inimitié subtile, adopte maintenant un nouvel expédient. Il « lança de sa bouche de l’eau, comme un fleuve, après la femme, afin de la faire emporter par le fleuve ; et la terre vint en aide à la femme », etc. (12:15-16). Ceci représente des moyens providentiels contre les instruments de l’ennemi, et Dieu s’en sert pour délivrer Son peuple terrestre et préserver Son dessein quant à la terre ; tout est secoué par une grande commotion. Les instruments de l’ennemi sont représentés par les eaux qui sortent comme un fleuve de la bouche du dragon (des peuples sous l’influence directe du diable), tandis que la terre qui aide la femme désigne ces parties plus stables du monde employées par la Providence de Dieu pour résister aux efforts de Satan pour écraser les Juifs. Dans le cours de ce livre, l’expression « la terre », peut impliquer un caractère moralement mauvais ; mais Dieu peut produire une diversion quand Il le trouve convenable, et réduire ainsi à néant les calculs faits pour écraser Son peuple.
« Et le dragon fut irrité contre la femme, et s’en alla faire la guerre contre le résidu de la semence de la femme, ceux qui gardent les commandements de Dieu, et qui ont le témoignage de Jésus » (12:17).
Certains pourraient éprouver de la difficulté à comprendre comment un résidu Juif pourrait avoir le témoignage de Jésus. Mais si vous m’avez suivi dans les chapitres précédents, la difficulté n’est pas insurmontable : dans le livre de l’Apocalypse, « le témoignage de Jésus » est toujours celui de Jésus revenant comme l’Héritier du monde, et non le témoignage de Ses relations en grâce parfaite et céleste, comme nous le connaissons maintenant. Le résidu Juif ne jouira pas de la même communion avec le Seigneur Jésus Christ que celle que l’Église possède à présent ; mais ils se tiendront debout par la foi, et ils auront le témoignage que Jésus rend dans l’Apocalypse.
Au ch. 1, nous lisons : « Révélation de Jésus Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses esclaves les choses qui doivent arriver bientôt » etc. C’est, comme nous l’avons vu souvent, une certaine révélation que Dieu donne à Jésus, en rapport avec des événements qui vont bientôt arriver. C’est ce qui est appelé au verset suivant « la parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ ».
De même, en Apoc. 19:10 : « Le témoignage de Jésus est l’esprit de prophétie » — ce qui montre clairement qu’il s’agit d’une connaissance prophétique de Jésus. Ainsi le témoignage rendu dans ce livre, quoique également divin, diffère de la manière bénie dont Dieu manifeste Christ maintenant à l’Église qui est Son corps.
Le résidu aura une connaissance semblable à celle que possédaient les saints des temps de l’Ancien Testament — probablement plus grande en quantité, mais de nature semblable, me semble-t-il. Ils attendront l’apparition de Jésus. Ils diront avec des cœurs repentants : « Béni soit celui qui vient au nom de l’Éternel ». Ils crieront : « Jusques à quand, ô Souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang ? » Je ne nie pas qu’ils puissent avoir le Nouveau Testament devant les yeux : mais il n’y aura aucune puissance pour appliquer les faits du Nouveau Testament à leurs propres âmes, au moins en ce qui concerne la paix et la communion qui sont nôtres actuellement.
Quelle preuve qu’il ne faut pas seulement la Parole, mais aussi le Saint Esprit pour nous l’ouvrir, pour le repos et la joie de l’âme ! Même comme chrétiens, certains d’entre nous manquent de lumière quant à certaines vérités, jusqu’à ce que, dans Sa grâce, il plaise à Dieu d’ôter le voile de nos yeux. Dieu le fait d’habitude par des moyens spéciaux, car Sa manière d’agir n’est pas de donner aux gens la capacité de prendre la Bible, et de la comprendre indépendamment des ressources qu’Il a données pour le perfectionnement des saints (Éph 4:10-13). Dieu enseigne Ses enfants, mais en général Il le fait par le moyen de ceux qu’Il a donnés pour le bien de l’Église ; quoiqu’Il ne s’assujettisse jamais à cet ordre, Il ne met pas de côté le sage et miséricordieux arrangement qu’Il a formé [les dons de grâce selon Éph. 4] et qu’Il fera demeurer aussi longtemps que durera l’Église.
Il y a des jointures et des liens (Éph. 4:16) pour fournir la nourriture au corps, et c’est ainsi que, bien uni ensemble, tout le corps croît d’un accroissement de Dieu. Dieu ne donne ni ne sanctionne jamais quelque chose qui nous permettrait de nous passer les uns des autres.
Supposons une personne jetée dans une île déserte ; elle sera bénie de Dieu en lisant toute seule la Parole avec prière ; mais là où il y a d’autres moyens et d’autres occasions, comme le rassemblement de nous-mêmes pour l’édification, pour la lecture des Écritures, pour la prédication en public, pour l’exhortation, etc., négliger ou mépriser ces moyens ou ces occasions, c’est la volonté de l’homme, et non pas la direction de l’Esprit de Dieu.
Ces saints, comme ceux d’autrefois, craindront l’Éternel, et obéiront à la voix de Son serviteur, mais en même temps ils marcheront dans les ténèbres, et n’auront pas de clarté jusqu’à ce que le Seigneur revienne en gloire (És. 50:10). Notre position est identique à celle de Christ Lui-même, ressuscité et glorifié. Comparez Ésaïe 50:8-9 avec Rom. 8:33-34 pour les chrétiens, et Ésaïe 50:10-11 pour le résidu juif. Les chrétiens peuvent ne pas toujours agir selon la lumière, mais ils marchent dans la lumière, comme Lui est dans la lumière. « Celui qui me suit », dit notre Seigneur, « ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie ». Le résidu de ce jour-là se confiera dans le nom de l’Éternel, et s’appuiera sur son Dieu ; mais ce sera d’une autre manière. Thomas, en Jean 20, comparé aux autres disciples, peut illustrer cette position.
Je ne m’arrêterai pas à discuter l’application que font de ce chapitre les partisans de l’interprétation historique. Ils voient dans le symbole de la femme revêtue du soleil, etc., l’Église chrétienne élevée au ciel politique avec l’éclat du soleil projeté sur elle par Constantin, par le plus élevé des trois dignitaires de l’empire romain, et par les principaux évêques, ceux-ci étant la couronne d’étoiles. Dans le grand dragon rouge, ils voient le vieux paganisme romain concentré pour un temps dans l’énergie de réaction païenne déployée par Maximin, interdisant les assemblées chrétiennes et tuant les évêques dans le tiers de son empire. Dans le fils mâle, Constantin réapparait encore comme empereur baptisé ( ?), le fils de l’église fidèle de Christ, etc. Je ne nie pas, sans doute, qu’il n’y ait, ici comme en d’autres endroits une vague analogie avec le renversement par l’empereur de la puissance que l’ennemi tirait de l’idolâtrie ; mais ce sur quoi j’insiste, c’est qu’un accomplissement passé est loin de répondre à tous les traits de la scène.
Même si l’on trouve quelques ressemblances partielles entre des événements déjà accomplis et ce que présente notre chapitre 12, on comprend aisément que son accomplissement a lieu dans la crise future. La septième trompette nous a conduits d’une manière générale jusqu’à la fin. À partir d’Apoc. 11:19, on aborde un sujet entièrement nouveau, dont ce verset est une sorte de préface. L’arche de l’alliance du Seigneur est vue dans Son temple en haut : ce n’est pas encore l’introduction effective de la maison d’Israël et de la maison de Juda sous l’efficace de la nouvelle alliance, mais c’en est un gage. La source de toutes choses du côté de Dieu ainsi que du côté de l’ennemi, est mise à découvert. Puis, comme il est expressément admis que cette vision ramène en arrière, je pense qu’il n’y a rien de discordant à considérer que la naissance et l’enlèvement au ciel du Messie d’Israël sont présentés comme l’objet spécial de la haine de Satan, et l’occasion de sa haine toujours croissante et toujours plus intense contre les Juifs et contre les conseils de Dieu à leur égard. Je puis comprendre aussi que l’enlèvement du fils mâle inclut celui de l’Église — comme une étoile double, dont le caractère double n’apparaît qu’à un examen approfondi. C’est bien de cette manière que, dans l’Ancien Testament, nous voyons l’Église pour ainsi dire comprise en Christ. Le premier grand acte du royaume de notre Seigneur consistera, je pense, à précipiter des lieux célestes Satan et les esprits de méchanceté (cf. Éph. 6:12, et Apoc. 12:7-12). Sur la terre, la question d’Israël, peuple choisi de Dieu, est tout à coup soulevée ; et soit comme dragon, soit comme serpent, Satan met en œuvre toutes ses ressources contre le dessein (encore en suspens) de Dieu relativement à ce peuple, et contre le résidu fidèle qui a (prophétiquement je crois) le témoignage de Jésus, comme l’Homme élevé à la droite de Dieu, le Fils de l’Homme qu’Il s’est fortifié (Ps. 80 :17). Nous trouvons dans le chapitre qui suit, le développement de Ses plans.
Nous avons vu que le chapitre 12 revient sur le passé, puis anticipe sur l’avenir, et rattache au Messie, et même à Sa naissance, le dessein de Dieu qui sera manifesté au dernier jour. Ainsi, tandis que l’enfant mâle représente clairement, à mon avis, le Seigneur Jésus Christ, ce n’est pourtant pas Sa naissance considérée simplement comme fait historique, que ce livre nous révèle, mais Sa naissance en tant que liée au plan futur de Dieu. Du moment où il est ainsi fait allusion à Christ (c’est-à-dire à Christ envisagé comme la tête, non de l’Église, mais d’Israël, « paissant les nations avec une verge de fer », et prenant en main propre le gouvernement du monde), Satan intervient en personne pour s’opposer. Il serait inutile de chercher à appliquer la chose à un autre, car Dieu lui-même a déclaré au jardin d’Eden qu’Il mettrait inimitié entre le serpent et la femme, et entre sa semence et la semence de la femme. C’est là ce qui avait été révélé au commencement, et c’est ce que nous voyons s’accomplir à la fin. Sans qu’il soit fait aucune mention de Son humiliation, le fils mâle est enlevé vers Dieu et vers Son trône. Il est donc clair que ce n’est pas un simple constat de la vie du Seigneur que nous avons ici, mais que ces faits sont rappelés (les deux grands faits si importants de Sa naissance et de Son enlèvement vers Dieu et vers Son trône) dans le but de faire le lien avec ce que Dieu doit bientôt accomplir avec Israël. Tout ce que Dieu a opéré intermédiairement dans l’Église entre ces deux événements est entièrement omis, sauf si l’on suppose que l’Église doit être envisagée comme comprise dans la destinée du fils mâle, lequel est maintenant caché auprès de Dieu, quoiqu’Il doive encore régner. C’est exactement comme ce qui est dit de Christ dans l’Ancien Testament, et qui est appliqué à l’Église ou au chrétien dans le Nouveau. Mais aussi vrai et béni que cela soit, nous ne pouvons réellement en faire qu’un usage indirect. C’est donc le Messie que nous avons ici en rapport avec le plan futur de Dieu à l’égard d’Israël.
Il y a eu ensuite la vision d’une bataille livrée dans le ciel. Ce n’est pas le Seigneur Jésus Christ qui abat les anges rebelles, Satan et son armée, mais Dieu se sert d’une puissance angélique pour le faire. À partir de ce moment, Satan perd son pouvoir en haut (c’est-à-dire la portion la plus importante de son pouvoir, la plus nuisible intrinsèquement, la plus déshonorante pour Dieu, et la plus redoutable pour le peuple de Dieu), sa puissance dans les lieux célestes, à laquelle Éph. 6 et d’autres passages font allusion. En conséquence, lorsque Satan perd sa place, il y a de la joie au ciel, et une voix y proclame : « Maintenant est venu le salut et la puissance et le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ ». Cependant pour ce qui est de la terre, le royaume n’est pas encore effectivement venu : seulement Satan a perdu sa place dans les cieux.
On trouve quelque chose qui correspond à cela, quand notre Seigneur fait allusion à cette chute de Satan tombant du ciel dans l’évangile de Luc. J’attire l’attention du lecteur sur ce passage parce que plusieurs en ont conclu que Satan avait été chassé des cieux déjà depuis longtemps. Ce passage se trouve en Luc 10, lorsque les disciples reviennent au Seigneur tous joyeux parce que les démons mêmes leur étaient assujettis. Le Seigneur leur répond qu’il contemplait « Satan tombant du ciel comme un éclair ». Quelqu’un pourrait opposer ces paroles de l’évangile à celles qui décrivent la chute de Satan dans l’Apocalypse comme étant encore future. Mais ce ne serait évidemment pas là un bon usage de l’Écriture. Restons toujours convaincus que la Bible ne se contredit pas. Mettre un passage de la Parole de Dieu en contradiction avec un autre, c’est de l’ignorance ou de l’incrédulité. Il doit être évident, je crois, pour un esprit sans préjugé, que la chute de Satan dans la prophétie est un événement futur qui précède de trois ans et demi (de quelque manière qu’il faille les comprendre) la destruction de la bête et l’enchaînement de Satan. C’est donc une chute qui, au moins du temps de l’apôtre Jean, était encore future. L’effet direct doit être une terrible persécution contre la femme et sa semence. Je me suis efforcé de présenter diverses considérations d’où il ressort clairement, à notre avis, que les événements dont nous venons de parler sont postérieurs à l’enlèvement de l’Église. Le lecteur doit se rappeler que c’est la déduction que j’ai constamment tirée de tous les premiers chapitres 4 à 11, de sorte que la chute de Satan dont il est ici question doit être un événement postérieur à l’enlèvement au ciel des saints glorifiés.
Que veut donc dire le Seigneur Jésus Christ lorsqu’Il dit : « Je contemplais Satan tombant du ciel comme un éclair ? » En voyant et en entendant les résultats du service des disciples opéré en Son nom, la vision de la catastrophe atteignant Satan se présente à Ses yeux, et tous les effets de Sa puissance victorieuse sont salués dans ce qui n’en était encore que les arrhes. Le Seigneur Jésus envisage la crise finale et la chute du Méchant lorsque les disciples lui rapportent les merveilleux échantillons « des miracles du siècle à venir ». C’était le premier grand coup porté par des hommes à la puissance de Satan, c’est pourquoi, dès le commencement de la chose, le Seigneur Jésus en anticipe la fin, et ainsi dans une sorte de vision méditative et contemplative, Il voit l’ennemi précipité du sommet de son usurpation.
Ce n’est pas là une chose rare dans l’Écriture. Dans un autre évangile (Jean 12), lorsque des Grecs venus à la fête désirèrent voir Jésus, que dit-Il ? « L’heure est venue pour que le Fils de l’homme soit glorifié ». Il allait à la croix et à la mort, et cependant Il déclare que l’heure était venue pour qu’Il soit glorifié. Comment cela se fait-il ? Si vous prenez ce passage dans un sens purement littéral, vous en perdez, me semble-t-il, toute la force. Jésus voit dans les Grecs qui se trouvaient devant lui un échantillon du rassemblement des Gentils comme résultat de la moisson ; Il savait parfaitement bien que seules Sa croix et Sa gloire dans le ciel les attireraient. De sorte qu’Il regarde à travers toute la scène intermédiaire placée devant Lui, car Il devait encore accomplir la rédemption et monter en haut. Mais à partir de ce faible gage qu’Il venait de recevoir, Il rattache tout à Sa glorification, et en parle comme d’un fait présent.
Dans une autre circonstance, lorsque Judas fut sorti, le Seigneur Jésus Christ répéta à peu près les mêmes paroles : c’est, je présume, sur la base du même principe (Jean 13:31).
En Apoc. 5:13, nous avons vu quelque chose d’analogue. La vision fait voir un mouvement remarquable qui affecte l’univers, lorsque l’Agneau prend le livre scellé. Il n’y a pas seulement les animaux [ou : créatures vivantes] qui se prosternent, et les anciens qui entonnent le cantique nouveau, et les myriades d’anges qui louent à haute voix ; mais toute la création se joint en chœur. « Et j’entendis toutes les créatures qui sont dans le ciel, et sur la terre, et au-dessous de la terre, et sur la mer et toutes les choses qui y sont, disant : À celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, la bénédiction, et l’honneur, et la gloire et la force aux siècles des siècles ! ». C’est comme si l’on eût fait sonner une note qui ne cesse plus de vibrer, jusqu’à ce que les bouts les plus reculés de la création soient remplis de la gloire de Dieu et de l’Agneau. Mais c’est ici une anticipation du temps de la pleine bénédiction ; ces débordements d’adoration et de joie proviennent en fait de ce que l’Agneau vient de recevoir le livre de l’héritage. Après cela a lieu l’ouverture des sceaux, qui n’est que le prélude des jugements du dernier jour, jugements qui vont redoubler de sévérité jusqu’à ce que Christ Lui-même vienne exécuter la colère (Apoc. 19). Et ce n’est qu’alors qu’apparaît la gloire, et que ces anticipations peuvent être réalisées (Apoc. 21 et 22). Pourtant dès le premier anneau de cette chaîne d’événements, la fin en est saluée.
C’est donc la même chose qui a lieu en Luc 10. Le Seigneur ne fait pas là allusion à la chute de Satan comme d’un fait déjà accompli, mais Il regarde à travers ce qui se réalisait effectivement à ce moment-là jusqu’à l’humiliation future et plus complète de Satan qui nous est dépeinte ici en Apoc. 12.
Or même cette chute de Satan n’est nullement le dernier exercice de la puissance de Dieu contre l’ennemi. Car jusque-là, Satan lui-même n’a guère été atteint, sauf pour la foi. Il est vrai qu’il a été déjà jugé en principe à la croix de Christ (Jean 12:31), mais comme fait littéral, il n’a pas encore été renversé de son trône sur le monde. Sans nul doute, la grande œuvre de Dieu en vertu de laquelle Satan doit être chassé du ciel, a été accomplie à la croix, de sorte que pour que la chose s’effectue, ce n’est plus qu’une question de temps et de la volonté de Dieu. En premier lieu, Satan perd la part céleste de la puissance qu’il a usurpée. Ensuite, il descend sur la terre en grande fureur, sachant qu’il a peu de temps. Cela amène au ch. 13 où nous avons le détail des actions de Satan ici-bas, c’est-à-dire sur la mer et la terre (la mer, comme nous l’avons déjà vu, étant le symbole de ce qui n’est pas sous un gouvernement régulier, et la terre représentant cette partie du monde qui bénéficie d’un état d’ordre). La terre et la mer réunies composent le monde dans son entier, ou un domaine donné de celui-ci, quelle qu’en soit la condition.
Le prophète (*), est-il dit, se tenait sur le sable de la mer. Plus loin, au ch. 17, il est transporté par l’Esprit au désert, et plus loin encore (ch. 21), sur une grande et haute montagne. Ici, comme partout ailleurs, tout est en harmonie avec la scène. « Je me tins sur le sable de la mer ». La raison en est évidente ; Jean va voir une grande bête monter de la mer, et par conséquent il prend dans la vision une place pour bien voir.
(*) Il faut que le lecteur sache que c’est ici la leçon la plus contestée du livre. Dans le grec, la différence n’est que d’une lettre en plus ou en moins ; or dans un cas il s’agit de Jean, dans l’autre du Dragon. Les autorités (manuscrits, versions, éditeurs et commentateurs) sont partagées. Si on compare notre texte avec Apoc. 10:5-10, cela suffira peut-être pour montrer qu’il n’y a pas d’inconvenance interne à assigner à Jean une telle position. Il faut se rappeler Daniel 10:4-5 et 12:5. D’un autre côté, si on doit lire « il se tint », je ne vois pas que cela attribue à Satan un pouvoir providentiel, ce à quoi il y aurait fort à objecter.
« Et je vis monter de la mer une bête ».
Il faut se rappeler que toutes ces visions sont comme un grand panorama qui passe sous les yeux du prophète. La signification des symboles employés est à découvrir par l’enseignement du Saint Esprit. La mer représente une masse informe de peuples dans un état de confusion du monde, — des peuples en grande agitation, comme les vagues de l’océan. C’est ce qui représente une condition révolutionnaire parmi les hommes. Et c’est de cette masse dans l’anarchie et la confusion que surgit une puissance impériale. Cette puissance est appelée « la bête ».
La même chose apparaît en Daniel 7, mais avec cette différence, que le prophète juif voit quatre bêtes sortir successivement de la mer, et non pas une seulement, comme au ch. 13 de l’Apocalypse. La première bête était comme un lion, la seconde comme un ours, la troisième comme un léopard, et la quatrième une bête d’un genre tout spécial. Et avant que l’interprétation soit donnée, quelqu’un comme un fils d’homme vient sur les nuées des cieux, en contraste avec les puissances qui sortent de la mer tumultueuse. C’est un royaume d’origine céleste et un roi qui doit exercer la puissance de Dieu sur la terre dans la personne du Seigneur comme Fils de l’homme ; ainsi l’autorité est laissée à la souveraineté de Dieu et ne demeure pas entre les mains de ces bêtes féroces. Le fait que ces bêtes montent de la mer sur laquelle viennent de se déchaîner les quatre vents des cieux, représente probablement le vaste bouleversement de peuples qui précéda la formation des quatre grands empires. Il est intéressant de remarquer que la fondation de ces états, qui plus tard appartinrent à la puissance impériale, eut lieu à peu près en même temps. Ils surgirent de l’obscurité et du chaos politique presque simultanément. Mais Dieu dans Sa souveraineté donna la puissance successivement à chacun d’eux : d’abord au Babylonien ; puis au Médo-Perse ; ensuite au Grec ou Macédonien, et en dernier lieu au Romain.
Jean ne voit qu’une bête monter de la mer. La mer représente un état de troubles pour les nations, et le prophète voit sortir de la mer la quatrième et dernière bête mentionnée par Daniel. Les trois premières bêtes avaient eu leur temps, et elles avaient disparu ; la quatrième, l’empire romain, avait suivi, et existait alors, revêtue de toute la puissance. C’était l’autorité de cette bête romaine qui venait juste de jeter Jean à Patmos. Il semble que ce que Jean voit ici soit le dernier essor de la bête avant sa destruction, mais il manque ici ce qui doit se passer entre sa première apparition comme empire et sa réapparition. D’après la description donnée, il n’est pas douteux qu’il s’agisse de l’empire romain. Il est dit que la bête a « dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes », les mêmes choses qu’on a vu pour Satan (12:3) quand il était considéré comme détenteur de la puissance du monde, et spécialement de celle de Rome.
Nous nous rappelons tous probablement ce que Satan dit au Seigneur Jésus en Lui montrant tous les royaumes du monde : « Je te donnerai toute cette autorité et la gloire de ces royaumes, car elle m’a été donnée, et je la donne à qui je veux » (Luc 4:6). Il en fait don maintenant ici à la bête romaine. Satan était évidemment un usurpateur, mais il est quand même, de fait, le prince de ce monde, et comme tel il a sept têtes et dix cornes. Mais il ne se présente pas ouvertement aux hommes dans son caractère de Satan. Il lui faut un représentant ou un agent. Il lui faut se déguiser et agir par le moyen d’un autre en se choisissant un instrument parmi les hommes. Dieu avait aussi trouvé bon d’agir d’une manière semblable pour accomplir Ses précieux desseins de grâce. Satan le fait également, — terrible contrefaçon en méchanceté de la bonté de Dieu en Christ ! L’agent dont il est parlé et par lequel Satan opère, c’est l’empire romain dans sa dernière phase. Satan profite de ce que l’homme convoite la puissance, car c’est la puissance qui est l’objet de l’ambition dans ce monde. Ici on a un grand pouvoir impérial qui, à l’origine, était reconnu de Dieu. En tant que sortant de la mer, Dieu aurait encore pu le reconnaître ; mais, du moment qu’il monte de l’abîme, sa source n’est plus aucunement providentielle, mais elle provient expressément de l’ennemi.
Outre ces sept têtes et ces dix cornes, il y a sur ces dernières dix diadèmes. Je suis persuadé qu’il fallait que les cornes soient citées avant les têtes. Le verset 1 se lit : « qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème ». Ce n’est pas que nous attachions une importance exagérée à cet ordre, mais il faut toujours être exact. Les deux propositions qui terminent le verset s’accordent pour mettre les cornes en premier ; la raison en est peut-être que la bête est envisagée ici comme exerçant effectivement la puissance, tandis que Satan ne la possède que virtuellement. C’est le blasphème, et non pas simplement le paganisme, qui caractérise ses têtes.
« Et la bête que je vis était semblable à un léopard ».
C’était l’allure générale de son corps, et cela rappelle l’empire macédonien [ou : grec, d’Alexandre] si renommé pour la rapidité de ses conquêtes.
« Ses pieds étaient comme les pieds d’un ours ». C’est une allusion à la domination perse, et implique une grande ténacité de prise.
« Et sa bouche était comme la bouche d’un lion ». C’est une image de sa voracité, comme dans la royauté et la carrière de Nébucadnetsar.
C’est ainsi que l’empire romain, dans sa dernière phase du moins, doit réunir en lui-même les divers caractères des empires précédents. Et en effet, telle était la politique habituelle des Romains. Ils ne cherchaient pas à interférer avec ce qu’ils trouvaient chez les diverses nations qu’ils conquéraient ; ils essayaient plutôt d’introduire dans leur propre système tout ce qui avait contribué à la puissance de ces nations. Ils n’imposaient point leurs coutumes aux autres, mais cultivaient tout ce qu’ils jugeaient avantageux, et le tournaient à leur propre profit. De même, comme nous le voyons ici, cette bête réunit les divers caractères de puissance qui avaient donné leur importance aux précédents empires.
Il y a pourtant une différence notable chez la bête par rapport à tous les empires précédents, et même par rapport à sa condition d’origine. « Le dragon lui donna sa puissance et son trône, et un grand pouvoir » (13:2). Cette distinction importante fait suite à la chute de Satan du ciel. Il a besoin d’un intermédiaire pour agir d’une manière universelle sur les hommes, au centre de la civilisation et de l’activité du monde, pour la courte durée de temps pendant laquelle il lui est permis de faire ce qu’il veut sur la terre. Et c’est pourquoi il donne à la bête romaine sa propre puissance de dragon, car c’est elle qui, par la providence de Dieu, détenait déjà l’autorité impériale. C’est quelque chose qu’on n’a encore jamais vu sur la terre, du moins dans son sens absolu — l’union du pouvoir impérial et avec toute l’énergie satanique.
Mais le prophète voit encore autre chose en rapport avec cette investiture de la bête par le dragon : « Et je vis l’une de ses têtes comme frappée à mort ; et sa plaie mortelle avait été guérie ; et la terre toute entière était dans l’admiration de la bête » (13:3). Je suis porté à croire que cette tête blessée est la forme impériale de gouvernement (comp. 17:10). Les têtes qui étaient, comme nous l’avons vu, en liaison avec le dragon (12:3) aussi bien qu’avec la bête, représentent les diverses formes de puissance qui ont existé successivement. L’une d’entre elles devait être perdue, du fait qu’elle était blessée à mort, mais à cette époque il lui est donné de revivre par l’opération de Satan. Tout le monde est surpris, et il y a bien de quoi. Ils seront saisis d’un étonnement extrême devant la renaissance de l’empire romain, avec une splendeur supérieure à celle d’autrefois.
Si nous donnons maintenant un coup d’œil dans Daniel, nous y trouvons un fait remarquable au sujet de l’état divisé de cet empire à la fin, et sur ses divisions après sa cessation d’existence comme empire. La statue du ch. 2 de Daniel a des pieds « en partie de fer, en partie d’argile ». Par conséquent il y a de la faiblesse. Le métal représente l’élément romain d’origine dans sa force, tandis que l’argile est l’élément étranger, générateur de faiblesse quand il cherche à fusionner avec le fer. « Et selon ce que tu as vu le fer mêlé avec de l’argile grasse, ils se mêleront à la semence des hommes, mais ils n’adhéreront pas l’un à l’autre, de même que le fer ne se mêle pas avec l’argile » (Dan. 2:43). Cela rend compte exactement de l’état de choses existant en Europe occidentale. L’histoire de cette partie du monde a été complètement changée par les invasions barbares vers le cinquième siècle après Jésus Christ. Il fut un temps où un pouvoir vaste et solide exerçait une domination universelle et incontestée — le pouvoir de fer de Rome. Mais à l’époque dont nous venons de parler, les multiples hordes barbares fondirent sur l’empire à la fois du nord et de l’est et l’assaillirent de toutes parts : il tomba. Mais si ces barbares étaient puissants pour renverser, ils furent incapables d’établir autre chose que de petits royaumes séparés ; et depuis, aucune main n’a été capable de rassembler ces morceaux épars pour les réunir solidement. Ce n’est pas qu’il manquât de gens disposés à le faire ; au contraire, toutes sortes d’expédients furent tentés, soit l’épée, soit la politique, soit les alliances matrimoniales ; mais tous ces efforts sont demeurés vains, et ainsi tout est resté sous la Providence de Dieu. Il n’y a pas eu d’unité, de sorte que l’expression favorite qui a prévalu dans la politique moderne a été, et sera encore, « l’équilibre des puissances ». Le sens réel de cette expression est qu’une distance respectueuse est maintenue entre les membres épars de ce qui constituait autrefois un corps uni. Des jalousies réciproques et un esprit d’indépendance chez tous ont toujours empêché effectivement la réunion. La tendance ordinaire a toujours été d’arrêter ou de prévenir la prépondérance d’une nation sur les autres par la formation de partis ou d’alliances entre certaines puissances.
Mais quoique cette blessure semblât mortelle, elle fut pourtant guérie : « et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort et sa plaie mortelle fut guérie » ; c’est-à-dire qu’à l’époque dont parle la vision, la puissance romaine doit être reconstituée, mais non pas comme précédemment sous la bonne main de Dieu qui contrôlait tout, quoi qu’il en ait été des voies de certains empereurs ; mais alors tout est abandonné à la volonté de la bête comme instrument direct de Satan.
Dans ce qui est décrit, Satan ne peut plus accuser les saints devant Dieu, mais il est désormais à l’œuvre sur la terre pour amener à ce qu’on blasphème ouvertement contre Lui. Et il le fait d’abord au moyen de l’influence politique. L’empire romain est réorganisé, la puissance impériale ranimée ; et au-dessus il y a une tête qui rassemble tout sous son contrôle, de sorte que le monde entier est dans l’admiration de la bête à laquelle le dragon a donné son pouvoir, son trône et une grande autorité. Mais nous voyons plus que cela au verset suivant (13:4) : « ils rendirent hommage à la bête, disant : qui est semblable à la bête et qui peut combattre contre elle ? »
Combien l’homme est versatile ! Sans doute, un état d’anarchie et de confusion a sûrement précédé, et c’est de là que la bête a surgi, et elle devient un objet d’admiration et d’adoration pour les hommes fatigués des désordres antérieurs, des luttes et de l’insécurité. On a vu quelque chose d’analogue en France. Les hommes avaient été tout bouleversés par la Révolution qui avait renversé toutes les bornes, et rempli les esprits d’anxiété et d’angoisse. Qu’en résulta-t-il ? Une main forte s’empara des rênes et mit en place un despotisme militaire, une puissance quasi-impériale. Ce qui s’est opéré ainsi sur une petite échelle parce qu’il ne s’agissait que d’une nation, se produira bientôt dans toutes les puissances occidentales d’Europe. Et ainsi les hommes ne dirigeront plus les choses eux-mêmes, mais un chef vigoureux prendra en charge le gouvernement ; cependant, ce ne sera pas simplement la main d’un homme, mais plutôt la puissance du dragon. Dieu lui permettra de faire sa propre volonté, et pour un peu de temps, il pourra faire le pire. Ainsi, à côté de gouvernements distincts, et de gouverneurs régnant chacun sur son pays, il y aura une unité impériale sous un grand chef qui détiendra leur pouvoir, et qui sera leur président. Alors seront réalisés les désirs et les rêves des hommes qui n’ont été jusqu’ici que de vaines chimères, ou, au plus, des efforts avortés.
Il existe dans l’une des premières épîtres un passage sur lequel je voudrais faire une courte remarque ; ce passage est en rapport avec ce qui a empêché et empêche encore le développement de ce mal et de bien d’autres aussi. Il se trouve en 2 Thes. 2:6-7. « Et maintenant vous savez ce qui retient pour qu’il soit révélé en son propre temps. Car le mystère d’iniquité opère déjà ; seulement celui qui retient maintenant, le fera jusqu’à ce qu’il soit loin. Et alors sera révélé l’inique ». Dieu place un empêchement ou une entrave au développement de l’iniquité du monde, et je pense que c’est le Saint Esprit agissant ici-bas dont il est fait mention par ces mots : « Celui qui retient maintenant ». Même après l’enlèvement de l’Église, Dieu poursuivra encore un témoignage ici-bas, quoique d’une autre nature, et Satan sera encore tenu en échec, au moins pour un temps. Cette entrave à l’action de l’ennemi sera maintenue par l’opération du Saint Esprit d’une manière providentielle. Lorsque Dieu cessera d’agir ainsi, le Saint Esprit ne retiendra plus, et ne sera plus vu comme les sept esprits de Dieu envoyés sur toute la terre, c’est-à-dire que la puissance que le Saint Esprit exerce maintenant sur le monde, et non pas seulement dans l’Église, ne se déploiera plus alors pour tenir Satan en échec. « Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin ». On ignore tout ce dont on est redevable à une telle entrave mise à l’activité de Satan qui cherche à faire le pire. Mais le temps viendra où Dieu cessera de mettre cette entrave ; et alors Satan triomphera sur toute la ligne, pour un temps, sur la terre. Il suscitera un personnage à la tête, et les hommes seront charmés de la grandeur de son énergie exercée sans conscience envers Dieu ; et ils seront aussi charmés de la relative tranquillité qui résultera du fait d’avoir une personne dominant tout. En bref, ils auront à beaucoup d’égards tout ce qui convient à l’idolâtrie et à l’orgueil du cœur. Les hommes comme les enfants, sont toujours déçus de leurs propres plans et même de leurs succès. Mais ayant rejeté l’amour de la vérité, ils tomberont facilement dans n’importe quel piège placé devant eux par Satan. De sorte qu’après avoir passé à travers les tempêtes de révolutions, ils seront tout contents de se prosterner pour adorer la bête et le dragon qui lui a donné son pouvoir. En outre, le caractère du culte rendu à la bête dans ce jour-là sera différent de celui de l’idolâtrie ordinaire. Les gens ne seront pas simplement ses adorateurs en continuant de rendre également hommage à beaucoup d’autres dieux et d’autres seigneurs, comme les païens d’autrefois. Il y aura un rejet absolu de tout dieu au-dessus de celui qu’ils adoreront comme tel sur la terre. Cette misérable créature (la bête) remplie de Satan sera l’objet de l’adoration des gens ; le dragon y participera.
« Et il lui fut donné une bouche qui proférait de grandes choses et des blasphèmes ; et le pouvoir d’agir 42 mois lui fut donné ».
Personne, je suppose, ne met en doute que ce passage se relie à Daniel 7. C’est le même genre de langage, et il est appliqué à la même époque. Si nous examinons ce chapitre, nous découvrirons que certaines pensées que je viens d’exposer y sont confirmées.
Il est dit en Dan. 7:7, que la quatrième bête différait de toutes celles qui l’avaient précédée. « Elle avait dix cornes. Je considérais les cornes, et voici une autre corne, petite, monta au milieu d’elles » (Dan. 7:8). Il n’y a rien de cela dans l’Apocalypse ; la petite corne n’y est pas mentionnée, au moins comme telle.
Mais ce n’est pas tout. « Trois des premières cornes furent arrachées devant elle » ; la petite corne prend possession du territoire de trois des cornes, de sorte qu’il n’en reste plus que sept sur les dix de départ.
« Il y avait à cette corne des yeux comme des yeux d’homme » (symbole de l’intelligence), « et une bouche proférant de grandes choses » (c’est-à-dire des paroles pleines d’orgueil et de blasphèmes contre Dieu ; comp. Dan. 7:25). C’est là ce qui amène le jugement de Dieu, non pas assurément le jugement des morts devant le grand trône blanc, mais le jugement des vivants et du monde habitable. C’est pourquoi il est écrit au verset 11 : « Je vis alors, à cause de la voix des grandes paroles que la corne proférait, — je vis jusqu’à ce que la bête fut tuée ; et son corps fut détruit et elle fut livrée pour être brûlée au feu ». Notez une différence entre la prophétie de Daniel et celle de Jean : ce que Daniel dit de la petite corne, Jean le dit de la bête (comparer Apoc. 13:5-6 avec Dan. 7:8, 25). La raison en est que Jean nous donne le caractère ou le principe, tandis que Daniel donne le détail des faits historiques. Le fait est que dix rois doivent surgir de l’empire romain, et que trois d’entre eux doivent disparaître par la force ou la fraude d’un autre, la petite corne — un pouvoir obscur à son origine, mais qui arrive à posséder effectivement trois royaumes, et qui devient alors le directeur réel de tous les autres. Dans l’Apocalypse, où il est naturellement supposé que ce qui est décrit en Daniel est déjà connu, le Saint Esprit ne revient pas sur les faits historiques, mais il parle comme si l’empereur et l’empire n’étaient qu’un.
Je suis tenu de reconnaître les autorités établies (Rom. 13:1) ; mais lorsque Satan donne son autorité à la bête, c’est une tout autre affaire. Nous ne devons aucune obéissance à Satan. De fait, c’est lui qui conduit la bête dans toutes les profondeurs et les sommets du péché. Car la bête « ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son habitation, et ceux qui habitent dans le ciel » (13:6). L’empire romain est, si je puis employer une telle figure, comme un char mené par un cavalier fou.
Mais jetons encore un coup d’œil sur Dan. 7 : « Je regardais ; et cette corne fit la guerre contre les saints, et prévalut contre eux » (Dan. 7:21). « Il profèrera des paroles contre le Très-haut, et il consumera les saints des lieux très-hauts, et il pensera changer les saisons et la loi, et elles seront livrées en sa main jusqu’à un temps et des temps et une moitié de temps » (Dan. 7:25). C’est la même période de 42 mois dont il est question en Apoc. 13 : « un temps » (qui signifie une année), « des temps » (deux années), et « la moitié d’un temps » (une demi-année). Je n’ai pas le moindre doute que la personne qui apparaît comme la bête en Apoc. 13 est celle que Daniel appelle « la petite corne ». En Daniel elle a le nom de « corne » parce que Daniel nous présente la succession progressive de l’histoire, et y ajoute le côté spécialement juif des circonstances, à savoir que les saisons et les lois sont livrées en sa main ; tandis qu’ici en Apoc. 13, ce personnage est appelé « la bête » parce qu’il apparaît comme ayant toute la puissance et l’autorité du système impérial.
« Elle ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son habitation, et ceux qui habitent dans le ciel » (13:6).
C’était là le grand but de Satan dont la bête n’est que la bouche. C’est du ciel qu’il a été précipité ; aussi Dieu dans les cieux et ceux qu’Il appelle à y être en relation avec Lui-même, sont particulièrement odieux à Satan et à cette bête orgueilleuse. « Ceux qui habitent dans les cieux » leur sont insupportables.
Aujourd’hui même il n’y a rien qui excite autant le monde que cela. Le monde ne déteste pas toujours la piété quand elle se rattache aux choses d’ici-bas : le monde peut apprécier l’amour dans une mesure, car l’homme peut en tirer profit. Mais du moment qu’il s’agit d’une piété qui ne s’occupe pas des choses de la terre — non pas simplement en rejetant les choses mauvaises, ce qui serait encore compréhensible — mais en s’en séparant délibérément même quand les hommes font de leur mieux (par exemple quand les hommes cherchent à être religieux et à honorer Dieu à leur idée), rien n’excite autant que cela la haine des hommes, je le répète.
Et ce sera encore bien pire quand ce jour sera venu. Car alors Satan aura tout perdu, puissance et position dans les cieux, et il n’aura plus que la terre pour y agir, et la pensée de bénédictions dans les lieux célestes lui sera insupportable. Il cherchera à persuader les hommes que la bête est Dieu, et je suppose qu’il se servira des prophéties de l’Écriture pour leur faire croire que le temps de la bénédiction est arrivé, que Dieu est revenu dans le monde, et qu’il ne reste plus qu’à jouir de toutes les bénédictions de la terre et de ces temps où Dieu a promis de disperser ses ennemis. Satan cherchera à ramener la date de ces événements à sa propre époque, sous son autorité et sans Dieu. Il saura pourtant ce qui est en train d’arriver, et quels sont les tourments qui l’attendent quand ce jour sera là. Il s’efforcera de tirer parti des promesses mêmes de Dieu pour tromper les hommes en leur faisant croire que ces temps d’iniquité sans pareille, sont les jours du règne des cieux sur la terre.
Voilà le temps décrit dans ce chapitre 13, quand la conscience vis-à-vis de Dieu sera totalement anéantie, et ce qui s’est passé à petite échelle pour le Pharaon se réalisera alors dans toute la chrétienté. Elle sera abandonnée à un endurcissement judiciaire, puis elle sera détruite. C’est justement ce que l’Esprit nous montre (2 Thes. 2:11-12) devoir arriver lorsque Dieu, affligé du rejet de la vérité par ce monde, laissera l’homme avec Satan pour commettre le pire. « Et à cause de cela Dieu leur envoie une énergie d’erreur pour qu’ils croient au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice ». Je suis fermement convaincu non seulement que Dieu sera juste en agissant ainsi, mais qu’en outre la justice de ces voies sera pleinement reconnue de toute âme soumise à Sa Parole.
Nous avons ensuite les moyens par lesquels Satan accomplira ses desseins. Il a donné son immense puissance à la bête, et il fait ensuite de celle-ci un objet d’adoration.
« Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre. Et il lui fut donné pouvoir sur toute tribu et peuple et langue et nation. Et tous ceux qui habitent sur la terre dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, dans le livre de vie de l’Agneau immolé, lui rendront hommage » (13:7-8).
Nous trouvons ici la même distinction dont j’ai déjà parlé. « Tous ceux qui habitent sur la terre » forment une catégorie pire que les tribus, peuples, langues et nations, parce que ce sont ceux qui ont complètement abandonné le ciel et les espérances célestes, et qui sont pleinement livrés aux tromperies du dernier jour. Pour ce qui regarde « toute tribu et peuple et langue et nation », l’autorité a été donnée à la bête sur eux ; mais « ceux qui habitent sur la terre » sont entièrement sous l’emprise de la bête et de son influence perverse. Tous ceux qui habitent sur la terre lui rendront hommage. Cela n’est pas dit des autres, mais ceux-ci sont totalement livrés à la bête.
Certaines traductions lisent au verset 13:8 : « Tous
ceux qui habitent sur la terre dont les noms ne sont point écrits au livre de
vie de l’Agneau immolé dès la fondation du monde
», et quelques
personnes en ont conclu que l’Agneau avait été immolé dès la fondation du
monde, rapportant cela au conseil de Dieu comme en 1 Pierre 1:19-20. Mais la
pensée de Dieu n’est nullement celle-là. Le vrai sens du passage est que leur
nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, au livre de l’Agneau immolé.
En comparant ce verset avec 17:8, nous trouvons que l’Esprit a omis quelques
mots dont l’absence rend parfaitement clair le reste du verset, et cela nous
montre avec quel membre de phrase le rapport doit être établi. « Ceux qui
habitent sur la terre dont les noms ne sont pas écrits, dès la fondation du
monde, au livre de vie » (17:8). Le Saint Esprit laisse de côté les mots
« de l’Agneau immolé », et Il place les mots « dès la fondation
du monde » immédiatement après ceux de « écrits au livre de vie ».
Le langage de Pierre (1 Pierre 1:20), où il parle du Seigneur Jésus comme d’un
agneau sans défaut et sans tache « préconnu dès
avant la fondation du monde » a une tout autre portée.
Après cela viennent de solennelles paroles d’avertissement sur lesquelles je ne compte pas m’attarder : « si quelqu’un a des oreilles, qu’il écoute ! Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité ; si quelqu’un tue avec l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la patience et la foi des saints » (13:9-10).
Le contenu de ce verset 10 est une maxime générale, vraie pour quiconque, y compris la bête. Si elle a conduit en captivité, elle aussi y sera envoyée, ou quelque part de pire ; si elle a tué par l’épée, elle aussi sera tuée. Ces paroles sont placées là pour enseigner les saints qui seraient naturellement enclins, en voyant la méchanceté de la bête liguée au dragon, à se croire autorisés à lui résister. Je crois que c’est la raison pour laquelle cela est dit, afin qu’aucun saint ne soit tenté d’oublier sa place, ni la suprématie de Dieu, ni Son jugement certain. Leur affaire n’est pas de s’armer pour leur propre défense. S’ils le font, quel en sera le résultat ? Dieu maintiendra Ses principes même dans ce cas, quel que soit le caractère de ceux qui ont agi ainsi, et quel que soit celui de la bête. Chacun doit s’attendre à recevoir ce qu’il a voulu infliger. C’est la loi du gouvernement rétributif de Dieu. L’apôtre Paul en Éph. 6 ne se fait pas de scrupule à tenir le même langage que la loi, quand il s’agit de l’honneur dû aux parents : « Honore ton père et ta mère… afin que tu prospères, et que tu vives longtemps sur la terre ». Sûrement il ne veut pas dire que les chrétiens doivent attendre une longue vie sur la terre comme récompense d’avoir honoré ses parents. Mais c’était un principe posé par Dieu autrefois, et l’apôtre, se référant à la promesse terrestre, montre seulement que, même sous la loi, une bénédiction particulière s’y rattachait. C’était le premier commandement avec promesse. De même ici, l’Esprit de Dieu pose un principe général, vrai de tous les temps, et applicable aussi bien aux ennemis qu’aux amis. « Si quelqu’un » etc. — peu importe qui. Un chrétien est dans une fausse position lorsqu’il occupe une place de puissance dans ce monde. Ce qui rend la chose d’autant plus remarquable dans notre passage, c’est qu’il est question de saints juifs et qu’eux, plus que tout autre, pourraient croire tout à fait justifié de résister de toute leur force. En face de la bête blasphématrice, et douloureusement persécutés, ils pourraient dire : « Sûrement nous avons le droit de nous lever pour défendre notre religion et nos vies ». — Mais le Seigneur dit : « si quelqu’un a des oreilles qu’il écoute… Si quelqu’un tue avec l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée ». Si Dieu laisse la bête libre d’agir pour un temps, à quoi sommes-nous appelés ? « C’est ici la patience et la foi des saints » — la foi quant à Dieu, et la patience quant à l’ennemi. Ainsi Dieu apparaîtra d’autant plus en faveur des Siens qui ont souffert. Et si cette attitude de foi et de patience convient aux saints juifs dont la vocation est terrestre, combien plus doit-elle être la nôtre, nous qui avons une vocation uniquement céleste (voir Matt. 26:52).
Notre grande affaire est bien en premier lieu de jouir de Christ et d’apprécier Son amour, mais immédiatement après, ce devrait être de cultiver ce qui est selon Sa volonté, afin de ne pas rendre un faux témoignage sur ce qu’Il est et ce qu’Il a fait pour nous. Nous ne sommes pas du monde, et dès l’instant où nous nous rejetons sur les ressources de la nature, ou sur notre puissance, notre influence, notre autorité personnelles, nous quittons le terrain chrétien. Dans nos rapports de famille, il est tout à fait correct d’agir selon la position d’autorité qui est la nôtre ; d’ailleurs la bénédiction de Dieu ne peut pas reposer sur ceux qui ne tiennent pas la place où Dieu les a mis au sein de ces relations : soit comme père ou comme enfant, comme mari ou comme femme, etc. Les affections, quelle que soit leur importance, ne sont pas la seule chose à considérer. Dieu doit être respecté en se tenant à l’ordre qu’Il a établi et qu’Il sanctionne. Ce sont là des choses qui ne sont pas modifiées par notre position céleste ; au contraire, cela nous donne plutôt l’occasion de manifester que nous possédons en Christ une puissance nouvelle pour toutes les relations légitimes. Mais, agir comme ayant un intérêt dans ce monde, est une toute autre chose, et ce n’est pas la place du chrétien ; sa place est plutôt d’y passer comme si c’était sans s’arrêter, comme ceux qui savent que leur portion est avec Dieu dans le ciel. Christ vient pour juger le monde que Dieu tient pour coupable du sang de Son Fils, et qui ne fait que mûrir pour le jugement. Si nous gardions habituellement cette vérité devant nos âmes, nous serions préservés de bien des choses qui déshonorent le Seigneur en nous comme chrétiens.
Que tout ce que nous apprenons dans ces chapitres puisse servir à notre bénédiction, en nous séparant de tout ce qui doit prendre fin d’une manière aussi épouvantable ! Les effets extérieurs sur la conduite ne suffisent pas. L’Église est considérée comme ayant la pensée de Christ, et nous sommes responsables envers Dieu de nous garder des pièges et sources secrets par lesquels Satan est en train d’amener tout ce mal. Car Satan agit de manière beaucoup plus subtile envers nous qu’envers le monde. Puissions-nous ne jamais oublier ce que Dieu est à notre égard à cause de ce que requiert présentement Sa gloire ! C’est maintenant que nous avons la meilleure occasion d’être fidèles à Christ. Il est vain de regarder avec regret aux autres, en imaginant ce que nous ferions si nous étions dans leurs circonstances. Dieu est à la hauteur pour toutes les difficultés de notre position et de notre temps, et Il donne la force nécessaire lorsqu’on s’attend à Lui. La seule raison pour laquelle nous sommes enclins à grossir la singularité et la difficulté de nos circonstances, c’est que notre œil n’est pas simple envers Christ. Lorsque nous Le voyons en toutes choses, le danger, les difficultés, la tentation, tout disparaît.
L’apparition de la seconde bête diffère grandement de celle de la première bête. La première montait de la mer ; or maintenant nous lisons : « Et je vis une autre bête montant de la terre » (13:11).
Nous avons vu que dans toute l’Apocalypse que la terre est le symbole de ce qui est stable politiquement, et en ordre. C’est proprement la scène du témoignage et des voies de Dieu aussi bien que d’un gouvernement humain établi. On peut abuser des privilèges d’une telle scène ; elle peut tomber dans un état effrayant de ténèbres morales, car là où se trouve quelque bénédiction d’en haut, il y a spécialement danger de corruption et d’apostasie. La mer, au contraire, est un aspect relâché et désorganisé du monde. Du point de vue chronologique, cela peut indiquer que l’apparition de la seconde bête est postérieure à celle de la première. Lorsque le monstre à sept têtes surgit, tout est en état d’agitation ; mais quand et où la seconde bête apparaît, les choses sont stabilisées d’une certaine manière. C’est pourquoi il est maintenant question de la terre ; il ne s’agit plus des eaux, scène tourmentée par tous les vents.
Le personnage annoncé comme « montant de la terre » n’est pas un simple particulier. C’est un pouvoir politique, oppresseur, qui agit sans conscience envers Dieu — une bête (*). Il se peut, et je ne doute pas que ce soit le cas, qu’un individu particulier exerce le pouvoir, comme pour la première bête. Mais le terme « bête », comme symbole, ne représente pas un individu comme tel, mais bien une puissance impériale, parfois environnée de satellites qui lui sont assujettis.
(*) M. Elliott voit dans la bête à deux cornes semblables à l’agneau le clergé papiste, le clergé séculier et le clergé régulier, unis sous le pape en tant que patriarche de l’occident, et qui le soutiennent dans son caractère plus orgueilleux de vicaire de Christ ou antichrist. À son avis, le passage de Matt. 7:15 exclut presque toute possibilité d’erreur dans cette interprétation du symbole du corps clérical anti-chrétien. Mais le terme « bête » n’implique-t-il pas toujours dans le langage figuré de la prophétie, une corporation politique ou un pouvoir civil, et jamais une classe sacerdotale si organisée soit-elle ? Doit-on laisser de coté un pareil élément en interprétant ce chapitre ?
Il est évident, en outre, que cette bête est d’un genre extraordinaire, car ce qui la caractérise c’est qu’elle imite Christ. « Elle avait deux cornes semblables à un agneau ». On aura remarqué que, dans l’Apocalypse le Seigneur est souvent désigné comme « l’Agneau ». Qu’il soit assis sur le trône de Dieu, ou qu’il soit décrit comme étant Lui-même la grande Victime, sympathisant activement avec le peuple de Dieu souffrant, Il est vu comme un « Agneau ». Mais lorsque les saints sortent ici-bas de la position de rejetés de la terre, et qu’ils abandonnent cette position, le Seigneur Jésus cesse aussi d’être symbolisé de cette manière. Il semble avoir honte d’eux, aussi se retire-t-Il à distance, et on Le voit comme un ange, et non plus comme un Agneau.
La chose extraordinaire de ce passage, c’est que la bête prétend ressembler à Christ. Elle possède deux cornes semblables à un agneau ; c’est-à-dire qu’elle a une certaine prétention de ressembler à Christ quant au pouvoir officiel. Si la corne est quelquefois employée comme le symbole d’un roi, elle peut aussi signifier simplement la puissance. C’est le cas lorsqu’il est dit de David « la corne de son oint » etc. Mais cette signification de la corne apparaît encore mieux quand nous regardons au Seigneur Jésus qui est vu dans ce livre avec sept cornes et sept yeux (5:6) ; assurément les sept cornes ne peuvent pas être sept rois ; de sorte que, suivant le contexte, les cornes peuvent signifier des rois, ou simplement de la puissance. En rapport avec la première bête, il nous est dit qu’elles représentent des rois ; mais en soi, elles n’ont pas nécessairement ce sens, et ici il ne semble pas qu’elles représentent plus que de la puissance. Ce n’est pas une perfection de puissance comme dans le cas de l’Agneau, mais seulement une prétention à la puissance ; il y avait deux cornes [et non pas sept]. L’Esprit de Dieu se plaît à montrer au chapitre 17 de ce livre que les dix cornes de la première bête sont dix rois (17:12).
Jusqu’ici tout est clair sur cette seconde bête. C’est une
puissance comme un corps, qui se développe quand tout est extérieurement établi
et en ordre, et par conséquent elle apparaît après la première bête. Mais il y
a plus encore : elle s’arroge le pouvoir de Christ (elle a deux cornes
comme un agneau) ; toutefois son langage la trahit : elle parle comme
un dragon. De l’abondance du cœur, la bouche parle. Quelle que soit son
apparence extérieure, lorsqu’elle exprime les sentiments réels de son cœur, sa
voix est celle d’un dragon. Le dragon avait donné sa puissance
et son autorité
à la précédente bête, mais la seconde bête a une ressemblance plus intime
avec le dragon ; sa voix en est l’expression. C’est la grande puissance du
mal en action au dernier jour, et c’est là une différence entre les deux bêtes.
La première bête est pour la parade ; elle séduit le monde profane par son
déploiement de puissance et de gloire. La seconde bête est de beaucoup la plus
énergique des deux ; c’est celle qui prend le plus la place de Christ ;
c’est un faux Christ ou plutôt l’antichrist,
l’expression même de Satan dans son opposition directe à Christ. Lorsqu’on a vu
Satan au ch. 12 attendant la naissance de l’enfant mâle pour le dévorer
aussitôt, il n’était pas là comme le serpent, mais comme le dragon. Et ici,
pour l’accomplissement de ses derniers desseins, cette bête parle comme un
dragon.
Il peut être intéressant de considérer quelques passages de l’Écriture qui s’appliquent à cette seconde bête, car ils sont souvent l’objet de passablement de confusion ; et ce n’est point surprenant car ces bêtes sont si étroitement liées ensemble au dernier jour, qu’il est difficile de déterminer laquelle des deux est l’antichrist. Le mot « antichrist » ne se trouve que dans les épîtres de Jean, et c’est là qu’il faut regarder pour savoir ce qu’implique ce nom.
En 1 Jean 2 le Saint Esprit écrit à ce sujet aux petits enfants de la famille de Dieu. En effet, soutenir que les jeunes en Christ ne doivent connaître Christ qu’en rapport avec le salut de leur âme est un principe faux. La raison qu’avait Jean de leur écrire ainsi, c’est, je suppose, qu’ils couraient un danger tout spécial à cause des pièges et des tromperies de l’ennemi ; car le Seigneur, même s’Il préserve, ne désire pas que nous ayons les yeux bandés. Il ne conduit pas les chrétiens en les maintenant dans l’inintelligence. Il ne s’agit pas d’aveugle conduisant un autre aveugle, ni même d’un voyant conduisant un aveugle, mais bien de quelqu’un qui voit conduisant quelqu’un d’autre qui voit. Dieu donne aide et instruction ; mais le Saint Esprit prend un soin tout particulier pour montrer qu’Il ne fait pas appel à l’ignorance des saints, mais à leur connaissance de la vérité. « Petits enfants, c’est la dernière heure ; et comme vous avez entendu que l’antichrist vient, maintenant aussi il y a plusieurs [beaucoup d’] antichrists, par quoi nous savons que c’est la dernière heure » (1 Jean 2:18). Nous apprenons là avec certitude ce qui était déjà à l’œuvre au temps de l’apôtre Jean, et qui n’a pas cessé de croître depuis, portant en germe jusqu’à ce jour une moisson terrible, même si son fruit, c’est-à-dire les antichrists, n’est pas encore arrivé à pleine maturité : « Maintenant aussi, il y a plusieurs [beaucoup d’] antichrists, par quoi nous savons que c’est la dernière heure ». Voilà la preuve : le progrès et la diffusion, non pas du bien comme pensent les hommes, mais du mal si profond de l’antichristianisme. « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car, s’ils eussent été des nôtres, ils fussent demeurés avec nous ; mais c’est afin qu’ils fussent manifestés comme n’étant pas des nôtres » (1 Jean 2:19). Quelle chose solennelle !
Ceux qui manifestent l’esprit de l’antichrist sont des gens qui, en leur temps, ont professé le nom de Christ. De fait, il ne pourrait y avoir d’antichrist sans au préalable une profession d’être de Christ. Il faut nécessairement qu’il y ait quelque vérité, car Satan ne saurait inventer. Il peut imiter ; il peut corrompre la vérité de Dieu, et s’en servir à ses propres fins ; il peut même la mettre sous une forme nouvelle et mauvaise, de manière à donner une apparence de vérité à ce qui n’est qu’erreur positive : « car aucun mensonge ne vient de la vérité » (1 Jean 2:21). Ainsi donc, le grand antichrist est encore à venir ; mais déjà, à l’époque où Jean parlait, il y avait plusieurs [beaucoup d’] antichrists. Et chose triste à dire, ces personnes avaient appartenu un temps à la famille de Dieu ; elles avaient pris la place d’enfants, extérieurement seulement.
« Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres » (1 Jean 2:19). Puis l’apôtre ajoute : « Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? » (1 Jean 2:22). Mais il va plus loin. Nier que Jésus soit le Christ, c’est le premier caractère. Mais il y a des abominations plus grandes. « Celui-là est l’antichrist qui nie le Père et le Fils » (1 Jean 2:22). Ce sont deux états qui nous sont dépeints. Il y a d’abord la négation de Jésus comme Messie, le dernier degré d’incrédulité que tous les Juifs incrédules manifestent en rejetant Christ, depuis les jours de l’apôtre jusqu’à aujourd’hui. Mais ce qui est terrible, c’est de trouver ce mal chez ceux qui ont autrefois professé Jésus comme le Christ. Celui qui sera le meneur de tout cet abandon et de ce reniement, est appelé « menteur ». Mais il y a plus encore : il n’est pas seulement un menteur, mais aussi un antichrist « qui nie le Père et le Fils ». Jésus était le Messie, et beaucoup plus encore : Il était la manifestation du Père. Si je regarde au Messie comme tel, je ne vois pas nécessairement et pleinement le Père en Lui. Ce que je puis discerner dans ce titre c’est le royaume de Dieu, la puissance et la fidélité de Dieu envers son peuple. Toutefois il y a quelque chose de beaucoup plus béni que le royaume ; car avec la pensée du Père, je ne m’élève pas seulement jusqu’à la région de la puissance divine, mais j’atteins la sphère des affections les plus élevées, les plus saintes et les plus intimes. Il est évident que ce que nous connaissons dans la présence de Dieu maintenant, est quelque chose d’infiniment plus intime que la gloire qu’Il donnera ou manifestera bientôt. Cette gloire dira aux autres Ses sentiments à notre égard, démontrant l’amour dans lequel nous sommes introduits maintenant. Nous n’avons pas besoin d’attendre le royaume pour savoir cela, car par le Saint Esprit nous nous approchons de Dieu maintenant, et nous le connaissons de la manière la plus précieuse par laquelle Il se révèle ici-bas. Bien sûr, dans le ciel, nous aurons une connaissance sans mélange de Son amour, et une jouissance qui ne sera plus interrompue par l’activité des pensées charnelles ou par l’influence du monde. Tout entrave sera ôtée, toutes les idoles auront disparu — car un objet quelconque qui devient l’objet de mes pensées à la place de Christ, c’est en réalité une idole. Nous serons en dehors et au-dessus de tout ceci quand serons pris pour être avec le Seigneur. Mais l’amour du Père est aussi vrai et aussi parfait actuellement qu’il le sera jamais, et, par le Saint Esprit, nous avons le privilège d’en jouir déjà. Nous entrerons alors plus pleinement dans cet amour, mais quant à l’amour lui-même, il est le même déjà maintenant.
Ce qui introduit l’antichrist, c’est donc le rejet du Seigneur Jésus, non pas seulement dans Son caractère de Messie, mais dans Sa gloire divine comme Fils. Tout l’amour du Père s’est manifesté en Christ, témoignage lui étant rendu par le Saint Esprit. Cela comprend la révélation non seulement juive, mais aussi chrétienne ; et cela suppose aussi que le Messie est non seulement venu et a été rejeté, mais qu’en outre Il a manifesté toute Sa gloire céleste et divine. Car être le Fils du Père n’a rien à voir avec la terre. Sa position éternelle de Fils est évidemment une vérité qui surpasse entièrement Ses droits et Son caractère messianiques. Cette vérité aurait été toute aussi vraie lors même qu’il n’y aurait jamais eu ni terre ni opérations de la Providence. Il s’agissait là de Sa relation et de Sa gloire éternelles ; c’est pourquoi, quand le Saint Esprit désire nous amener à toute la plénitude de bénédiction et à la position qui sont nôtres, Il parle du Père. « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle » (Éph 1:3). Où cela ? Ici-bas ? Pas du tout : « Dans les lieux célestes en Christ selon qu’Il nous a élus en Lui avant la fondation du monde ». De sorte que le siège de notre bénédiction est complètement en dehors et au-dessus de toute la scène de la création inférieure. Et si un homme rejette entièrement cela, et le méprise, reniant Sa gloire qu’il avait une fois reconnue, qu’est-il ? Un antichrist. Ce qu’il fait sur une petite échelle, l’antichrist le fera aussi à une plus grande échelle.
Je cite les épîtres de Jean, parce que l’antichrist y est mentionné, non pas comme une bête comme dans l’Apocalypse, mais comme l’aboutissement et le chef de ceux qui, ayant une fois appartenu extérieurement à la famille de Dieu, en sont sortis, abandonnant et reniant même la vérité bénie qu’ils avaient paru recevoir concernant le Père et le Fils. « Celui-là est l’antichrist qui nie le Père et le Fils ». D’un autre côté, nous lisons aussi : « Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père » (1 Jean 2:23). Dieu tient toujours le plus grand compte de Son Fils. Si vous niez le Fils, tout est perdu ; tandis que « celui qui confesse le Fils, a aussi le Père ». Du moment que je possède le Fils de Dieu, et que mon cœur trouve sa satisfaction en Lui, je connais le Père. « Celui qui m’a vu, a vu le Père » (Jean 14:9).
Alors, après avoir exhorté les chrétiens à laisser demeurer en eux ce qu’ils avaient entendu dès le commencement, afin de demeurer dans le Fils et dans le Père (1 Jean 2:24), Jean termine son sujet ainsi : « Je vous ai écrit ces choses touchant ceux qui vous égarent » (1 Jean 2:26). C’était un mal en activité dès le commencement. Quelle grâce il y a en cela-même ! Puisque le mal existait, et ne pouvait qu’être manifesté une fois ou l’autre, Dieu a permis qu’il éclate alors, de sorte qu’Il pût prononcer Lui-même Sa sentence à l’encontre, une sentence révélée. Nous n’aurions jamais osé parler d’une manière aussi sévère sur ceux que nous aurions connus comme amis ou comme de soi-disant frères. Les appeler menteurs ! C’est choquant, et c’est manquer d’amour, diraient les hommes. Mais du moment que les hommes se dressent contre la pleine révélation du Fils de Dieu, ou plutôt la nient, le Saint Esprit ne fait pas de quartier ; et je crois que nous ne devons pas non plus en faire. Si le cœur n’est pas préparé à agir de cette manière, vous découvrirez que quelque autre mal s’y rattache. Partout où l’égoïsme n’est pas brisé, où règnent la sensibilité et la ténacité quant à tout ce qui nous touche, nous verrons en même temps qu’on n’a guère égard au Seigneur Jésus. Vous ne pouvez pas aimer deux maîtres. Lorsque le cœur est seulement pour Christ, Il nous élève au-dessus des sentiments personnels ; mais lorsque le souci du cœur se concentre sur nous-mêmes, il n’y a guère de dévouement pour Christ, et peu de jalousie pour Son Nom.
En 1 Jean 4, l’apôtre s’occupe de l’esprit du mal : « Tout esprit qui ne confesse pas Jésus Christ venu en chair n’est pas de Dieu ; et ceci est l’esprit de l’antichrist, duquel vous avez ouï dire qu’il vient ; et déjà maintenant, il est dans le monde » (1 Jean 4:3).
Pourquoi le Saint Esprit introduit-Il là ce sujet ? Beaucoup de faux prophètes sont sortis dans le monde, a dit le verset 1 (1 Jean 4:1) ; et je crois qu’il en est de même aujourd’hui. Mais c’est très difficile de le réaliser dans le temps où nous vivons. On peut le voir dans les temps passés, mais la grande difficulté est de discerner le caractère de ce qui est à l’œuvre actuellement. Nous sommes exactement dans les mêmes circonstances que celles où les saints étaient alors. Car autant il est certain que l’Esprit-Saint continue à agir, autant il est certain que la puissance subtile de Satan est là pour s’opposer. « Tout esprit qui ne confesse pas… » etc. Ceci est la puissance ou l’esprit de l’antichrist, « duquel vous avez ouï dire qu’il vient ; et déjà maintenant, il est dans le monde » (1 Jean 4:3). Il ne s’agit pas encore de l’antichrist dans son plein développement, mais il s’agit de l’esprit de l’antichrist à l’œuvre parmi les hommes, tout comme le Saint Esprit est aussi à l’œuvre. L’ennemi ne commence pas par introduire ce mal dans le monde profane, mais bien parmi ceux qui ont porté le nom de Christ. Il n’aurait pas été possible à Satan de forger une telle rébellion contre Dieu, si ce n’est chez ceux qui ont professé croire la vérité.
On trouve encore une autre allusion à cela en 2 Jean, où il est dit : « Plusieurs séducteurs sont sortis dans le monde, ceux qui ne confessent pas Jésus Christ venu en chair : celui-là est le séducteur et l’antichrist ».
Il n’est plus question de la justification simplement par la foi, ou par la loi, mais il s’agit d’une chose encore plus sérieuse : il s’agit de Satan, non seulement attaquant l’œuvre de Christ et cherchant à amener des personnes à y ajouter quelque chose, afin d’ôter quelque chose à la gloire du Seigneur, — mais il s’agit de Satan dépréciant et niant la Personne du Fils. Aussi importante que soit pour nous l’œuvre de Christ, ce n’est pas elle, mais Sa Personne qui est le centre et la substance de toute vérité et de toute gloire. En présence d’un tel thème, je voudrais plutôt adorer que me livrer à la discussion. La raison pour laquelle certaines personnes se soucient plus de l’œuvre de Christ, c’est parce qu’elles sentent, à juste titre, qu’elles ne peuvent être sauvées sans cette œuvre. Mais dès l’instant où nous avons la paix de la conscience, c’est la Personne de Christ qui devient l’objet le plus précieux de nos cœurs. Il est les délices de Dieu ; et ce qui est très précieux pour Lui, c’est ce que nous trouverons de plus précieux, et de plus riche en bénédiction pour nous.
Il n’est pas dit simplement que l’antichrist
est celui qui nie
Jésus Christ venu en chair, mais il est celui qui ne
confesse pas
Jésus Christ venu en chair ; voilà le séducteur et l’antichrist. Le Saint Esprit devient, si j’ose m’exprimer
ainsi, de plus en plus hardi dans ses déclarations. Baisse-t-Il
le niveau requis parce que Satan semble gagner du terrain, et qu’il devient de
plus en plus audacieux contre Christ ? Allons-nous dire que nous ne devons
pas être aussi exigeants maintenant, parce qu’il y a tant de mal, qu’il n’y a
plus d’espoir parce que l’Église est en ruine ? Au contraire, le Saint
Esprit pourvoyant au nécessaire pour les derniers temps, utilise un langage
plus fort que jamais. Voici ce qu’Il dit (2 Jean 10) : « Si quelqu’un
vient à vous, et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre
maison, et ne le saluez pas ». Nous n’avons rien à lui dire. Non seulement
il ne doit pas être reçu dans l’Église, la maison du Dieu vivant, mais il ne
doit même pas l’être dans les maisons chrétiennes. Il ne faut pas qu’il
rencontre parmi les saints approbation ou appui ; car la maison du
chrétien doit être une forteresse pour le nom du Seigneur, et elle doit
refléter ce que le Seigneur aime et produit là où Il est reconnu et honoré.
Même la salutation ordinaire doit être refusée. Il est sans importance que
l’apôtre n’écrive qu’à une dame, c’est-à-dire à quelqu’un qui n’est appelé ni à
enseigner ni à gouverner. Car quand il est question de Christ, c’est en vain
qu’on prétexte qu’elle était une femme pour excuser du laxisme. Elle désire
Christ, elle Lui doit tout ; parce qu’elle est une femme, n’est-elle pas
tenue de Lui donner la première place, de L’avoir comme Objet de ses
affections ? C’est pourquoi si qui que ce soit porte atteinte à Christ,
peu importe qui il est ou ce qu’il est, son obéissance à Christ réclame empressement
et décision. Cela devient aussitôt un mobile impérieux pour la foi, et une
importante responsabilité pour l’âme. Qu’il s’agisse de personnes ayant
l’esprit de l’antichrist, ou bien du grand antichrist qui vient lui-même, il y a opposition à Christ,
et cela décide tout pour un cœur vrai.
Dans l’Apocalypse, l’antichrist est
dépeint non pas simplement comme un séducteur, mais comme une
« bête », comme une puissance terrestre à laquelle un royaume est
assujetti — un système impérial en fait, plutôt qu’une influence mauvaise
purement spirituelle, comme on le trouve dans les épîtres de Jean. Si nous
consultons un peu quelques-uns des prophètes juifs, nous en saurons plus sur
cette bête. Je fais particulièrement allusion à Daniel 11. Vers la fin de ce
chapitre (Dan. 11:36), voici ce que nous lisons : « Le roi agira
selon son bon plaisir, et s’exaltera, et s’élèvera contre tout dieu, et
profèrera des choses impies contre le Dieu des dieux ». Qui pourrait nier
qu’il s’agit d’un personnage qui s’exalte lui-même dans le pays de Judée ?
Ceci est très clair, car un peu plus bas il est dit : « Il honorera
le dieu des forteresses : avec de l’or, et avec de l’argent, et avec des
pierres précieuses, et avec des choses désirables, il honorera un dieu que
n’ont point connu ses pères. Et il agira dans les lieux forts des forteresses,
avec un dieu étranger… il les fera dominer sur la multitude, et leur partagera
le pays en récompense » (Dan. 11:38-39). Or, il me semble que partout où
le Saint Esprit parle d’un pays de cette manière, en l’appelant le
pays,
c’est qu’il s’agit de la terre d’Israël. Il en parle comme de la propre terre
de l’Éternel. Cela est confirmé encore un peu plus loin (Dan. 11:41) :
« Il [le roi du nord] viendra dans le pays de beauté, et plusieurs pays
tomberont ». C’est ainsi qu’un grand ennemi venant du nord se lèvera
contre le roi (Dan. 11:40) « comme une tempête, avec des chars et des
cavaliers » etc. Il est donc évident que le pays de beauté dont il est ici
parlé est précisément celui que « le roi » a partagé entre ses
favoris. En bref, il est roi dans le pays de Judée, et il est dit expressément
que l’époque, la politique et les conflits décrits appartiennent « au
temps de la fin ». Alors « le roi du Midi heurtera contre lui [le roi
de Judée], et le roi du nord fondra sur lui », etc. (Dan. 11:40).
Plusieurs points sont clarifiés par ces versets. Tout premièrement un roi qui agit selon sa propre volonté s’établit en Palestine. Tandis qu’on peut voir en lui des aspects moraux qui le rattachent à « l’antichrist » de Jean, il est vu ici comme une puissance terrestre, ce qui le rattache à l’une des bêtes de l’Apocalypse. Mais il y a plus que cela : il s’exalte et s’élève par-dessus tout dieu. C’est là un nouveau caractère. Les empereurs romains se faisaient rendre, durant leur vie et après leur mort, des honneurs divins, mais jamais aucun d’entre eux ne se plaça au-dessus de tout dieu. Mais « le roi » s’élèvera au suprême degré, et cela dans un pays qui était spécialement le pays de l’Éternel au-dessus de tous les autres pays, et parmi un peuple que Dieu avait appelé en dehors de tous les peuples pour être témoin contre toute idolâtrie. Et voilà que cet homme revendique une adoration nouvelle et des plus audacieuses, en s’arrogeant la place du Très-Haut dans le pays et le temple de Dieu (comp. 2 Thes. 2). Israël d’autrefois avait certes été extrêmement corrompu « s’enflammant avec les idoles sous tout arbre vert » (És. 57:5), mais nous avons ici le spectacle de quelque chose de jamais vu : un homme qui prend la place du Dieu suprême.
Malgré cela, il a lui aussi un objet d’adoration, car tout homme doit avoir une idole dont il est esclave — sauf s’il possède la seule vraie élévation réelle, qui n’appartient qu’à celui qui se prosterne devant le vrai Dieu. L’élévation de l’homme est d’autant plus grande que sa sujétion à Dieu est plus forte. Car l’homme, contrairement à Dieu, ne peut se suffire à lui-même. Il faut ou bien qu’il élève ses yeux vers le vrai Dieu, ou bien qu’il les dégrade vers un faux dieu. Celui même qui cherchera à s’assujettir toutes choses pour devenir l’objet suprême du culte, lui-même se trouvera asservi à quelque chose. C’est ainsi que nous voyons (Dan. 11:37) que, tandis qu’il n’a égard ni au Dieu de ses pères (ce qui confirme qu’il s’agit d’un Juif), ni au désir des femmes (ce qui se réfère probablement au Messie), ni à aucun Dieu, car il s’élèvera au-dessus de tout, l’Esprit Saint nous montre cette apparente contradiction avec lui-même (Dan. 11:38) : « Il honorera le dieu des forteresses ». Il veut que tous les autres l’honorent lui, mais lui honore ce faux-dieu « avec de l’or et de l’argent et des pierres précieuses et des choses désirables ». Il fera cela avec un dieu étranger qu’il reconnaîtra et à qui il multipliera la gloire.
« Et au temps de la fin, le roi du Midi heurtera contre lui, et le roi du nord fondra sur lui… et il viendra dans le pays de beauté ». Il est ici clairement question de la Palestine. Les roi du Midi et du nord sont ainsi appelés à cause de leur position par rapport à la Judée. Le roi du nord, annoncé comme arrivant avec une force immense est l’ennemi si habituel dans les prophètes ; tandis que le roi du Midi est le souverain de l’Égypte.
Ces deux puissances montent contre « le roi » qui, à mon avis, est l’antichrist de l’Écriture. Le Saint Esprit ne décrit pas ici son apparition, car il n’y avait pas besoin de dire qui il était ; mais Il l’introduit de manière tout à fait abrupte. Si nous examinons en effet le verset 35, nous voyons qu’il y est question de sages, par référence à ce qui eut lieu au temps des Macchabées sous le règne d’Antiochus-Épiphane, un prince célèbre mais des plus méchants, qui persécuta cruellement les Juifs et auquel beaucoup résistèrent de manière remarquable. Ils résistèrent énergiquement à tous les efforts qui furent tentés pour leur faire abandonner l’Éternel pour le culte des idoles, même s’il s’est peut-être mêlé à leurs sentiments et à leurs actions quelque chose de la nature humaine et de l’esprit du monde. Quelques-uns « tombèrent, afin que d’autres fussent éprouvés, épurés et blanchis jusqu’au temps de la fin ; car ce sera encore pour le temps déterminé » (Dan. 11:35).
C’est là que s’intercale un intervalle de temps dans l’histoire passée, dont le Saint Esprit ne dit rien. Il place d’abord devant nous les luttes entre Antiochus et ses adversaires, suivies des exploits et des souffrances de ceux qui étaient sages en Israël. L’histoire de ce peuple est alors mise en suspens, et nous sommes directement reportés « au temps de le fin ». Entre ces deux points, il y a une suspension de l’histoire d’Israël.
Quelle est la suite ? « Le roi agira selon son bon plaisir ». Le silence est gardé ici sur son origine ou ses progrès ; il ne nous est rien dit du lieu d’où il vient ; nous avons seulement cette expression singulière, « le roi », comme si cela nous en disait assez sur la personne dont il s’agit.
Ce n’est pas le seul passage de l’Écriture où il est parlé du roi. Voyez la fin d’Ésaïe 30, et vous verrez que « le roi » y est introduit d’une manière non moins singulière. Je crois que la raison en est, que les Juifs, tout en attendant le Messie, attendent aussi l’antichrist, ce grand prince qui doit fouler aux pieds les pieux d’entre eux lors de la tribulation finale. La prophétie en parlait de manière claire, et ils le comprenaient ainsi. Dans ce chapitre 30, l’Esprit de Dieu décrit deux ennemis d’Israël. Premièrement, au verset 31, il est dit : « Car, par la voix de l’Éternel, Assur [ou : l’Assyrien] sera renversé ; il le frappera de sa verge ». Celui qui frappe est le roi du nord mentionné en Daniel, et dont Ésaïe donne peut-être un type avec Sankhérib — Sankhérib était l’Assyrien de son époque, mais bien sûr il n’est qu’un type du grand ennemi du nord aux derniers jours. Plus loin, nous lisons : « Et partout où passera le bâton ordonné que l’Éternel appesantira sur lui, ce sera avec des tambourins et des harpes ; et par des batailles tumultueuses, il lui fera la guerre » (És 30:32). C’est ainsi qu’aux larmes et aux difficultés se mêlera aussi la joie : « on entendra des tambourins et des harpes ». « Car Topheth est préparé depuis longtemps ; pour le roi aussi il est préparé » (És 30:33). C’est là, je crois, la force du passage : « pour le roi aussi ». Si ce que nous venons de dire est exact, nous trouvons donc, dans la scène finale, le jugement de Dieu fondant sur ces deux grands ennemis d’Israël — l’Assyrien, et « le roi » qui est introduit ici sans que rien n’y prépare.
La même chose apparaît en Ésaïe 57. Je tiens d’autant plus à citer ce chapitre qu’on pourrait prétexter qu’au ch. 30 « l’Assyrien » et « le roi » sont identiques. Mais au ch. 57, il est absolument impossible de soutenir une pareille idée. Le prophète vient de décrire l’iniquité morale effrayante du peuple juif aux derniers jours ; et soudain, voici qu’il ajoute : (És. 57:9) « Tu t’es rendue auprès du roi avec de l’huile ». Ceci montre clairement que « le roi » est un ennemi spécial de Dieu, qui n’attaque pas les Juifs de l’extérieur, comme fera l’Assyrien, mais qui s’arroge au sein de la nation le titre et la place de roi sur le peuple de Dieu. Il était inutile de préciser de quel roi il s’agissait, parce que l’idée d’un tel personnage était familière à Israël, de sorte que le Saint Esprit pouvait facilement l’introduire sans un mot d’introduction. Le peuple savait que ce roi terrible devait venir — ce dernier grand ennemi de Dieu et des Juifs dans le pays même. L’Assyrien est aussi un ennemi de Dieu et d’Israël, mais non pas dans le pays, puisqu’il combat « le roi » qui y règne. Le dernier roi, qui agit selon son bon plaisir (Dan. 11:36), est l’objet des attaques du dernier Assyrien puissant. Ils sont tous deux extraordinairement méchants, mais ils ne s’accordent pas du tout dans leur méchanceté. Ils barrent la route chacun à l’autre. Aucune paix durable ne peut être établie entre eux, et c’est exactement ce que montre Daniel 11. Le verset 14 de Dan. 11 n’est pas du tout une description du « roi ». Celui-ci paraît alors perdu de vue, pour faire place au récit concernant le roi orgueilleux d’Assyrie. Le Saint Esprit se hâte de nous donner la fin de la carrière de l’Assyrien, laissant de côté celle du « roi ».
En passant maintenant au Nouveau Testament, nous découvrirons d’autres traits de ce roi. 2 Thessaloniciens 2 renferme la description la plus complète des épîtres de Paul sur ce sujet.
Voici ce qu’on lit au verset 3 : « Que personne ne vous séduise en aucune manière ; car ce jour-là ne viendra pas que l’apostasie ne soit arrivée auparavant, et que l’homme de péché ne soit révélé, le fils de perdition ».
Il y a d’abord l’apostasie, une apostasie toute spéciale ; puis il y a l’homme de péché qui est quelque chose de différent et postérieur à l’apostasie. L’apostasie prépare le chemin pour la révélation de l’homme de péché. La révolution française, par exemple, correspond mieux à l’apostasie que le Romanisme qui confesse des vérités, mais les met hors de leur place. Il y aura sans nul doute un développement plus avancé et plus terrible de l’apostasie, quoique ceci en soit quand même une illustration. Toutefois il doit y avoir quelque chose de pire encore que tout cela : l’homme de péché. Qui est-il ? Le Seigneur Jésus Christ a été l’homme de justice : celui-ci est tout le contraire, l’homme de péché, « le fils de perdition, qui s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération » (2 Thes. 2:4). Le même genre de caractères moraux dépeints en Daniel au sujet du « roi », se retrouvent précisément dans cet homme de péché.
« En sorte que lui-même s’assiéra au temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu » (2 Thes. 2:4). C’est un nouveau détail qui traite de quelqu’un habitant Jérusalem. Il s’assied dans le « temple de Dieu », et je ne vois aucune raison de supposer qu’il s’agisse d’autre chose que le temple littéral et bien connu de cette ville (*).
(*) C’est une allusion évidente et incontestable à Dan. 11, qui a en vue les Juifs et leur pays, et nullement I’Église. Cela est complètement confirmé par Matt. 24:15, qui se rapporte certainement à une chose et à une époque postérieures au rejet de Christ par les Juifs, et au rejet des Juifs par Christ. Mais à mon avis, cela signale aussi clairement un temps où Christ aura de nouveau un résidu pieux au milieu d’une génération incrédule, gouvernée par un faux roi sous influence romaine. Si, en de telles circonstances, le temple peut être appelé « le lieu saint », pourquoi ne pas l’appeler aussi « le temple de Dieu » ? L’argument tiré de ce qu’est la maison de Dieu aujourd’hui, tant que l’Église demeure ici-bas, est tout à fait dénué de valeur. Comparez aussi l’expression « la sainte ville » en Matt. 27:53. Le dessein de Dieu n’est point révoqué, malgré le péché d’Israël.
En même temps, je n’ai rien à objecter si quelqu’un veut appliquer le principe de ce passage à ceux qui, actuellement, dénaturent la position de l’Église, et font d’elle un instrument et une sphère pour s’élever orgueilleusement. J’ose même dire qu’une telle application de ce passage est légitime, — au moins en partie ; seulement je pense que ce passage vise une personne qui s’approprie l’honneur dû au seul vrai Dieu.
« Ne vous souvenez-vous pas », dit l’apôtre, « que quand j’étais encore auprès de vous, je vous disais ces choses ? Et maintenant vous savez ce qui retient pour qu’il soit révélé en son propre temps. Car le mystère d’iniquité opère déjà » (2 Thes. 2:5-7). Il y a quelqu’un qui retient. Quand cette retenue aura cessé, l’inique apparaîtra immédiatement, et son jugement viendra en son temps à l’apparition du Seigneur.
L’apôtre Jean dit : « maintenant aussi il y a plusieurs antichrists » ; de même, dans le passage qui nous occupe, le mystère d’iniquité opérait déjà ; seulement maintenant il y a quelqu’Un qui maintient les choses en suspens.
« Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin ». Je n’ai pas le moindre doute que ce qui retient soit la puissance du Saint Esprit, non seulement comme ayant son habitation dans l’Église, mais aussi comme exerçant un contrôle sur le monde — comme les sept esprits de Dieu envoyés sur toute la terre. S’il ne s’agissait que du Saint Esprit habitant dans l’Église, dès l’instant où celle-ci aura été enlevée, l’homme de péché serait manifesté. Mais il paraît que l’inique ne parviendra pas à son plein développement et à sa manifestation immédiatement après l’enlèvement des saints. Il y aura un intervalle et un témoignage donné de Dieu. Quand ce témoignage aura disparu, ou sera abattu par la violence, l’homme de péché paraîtra dans son plein épanouissement. C’est, me semble-t-il, le moment où le Saint Esprit cessera de retenir. Il laisse alors les hommes montrer ce qu’ils sont, et toute leur iniquité viendra au grand jour. Le Saint Esprit n’exerçant plus son contrôle sur la terre, il sera permis à Satan de mûrir ses plans les plus exécrables pendant une courte période de temps.
Voilà, je pense, le temps, et le caractère de ce temps, où ce qui retient et Celui qui retient cesseront de retenir. Durant de longues années, les chrétiens des premiers âges avaient coutume de prier pour la continuation de l’empire romain, parce qu’ils supposaient que la retenue venait de là, et que, du moment où cet empire disparaîtrait, l’inique serait révélé. Il y avait une certaine mesure de vérité dans leur supposition, car la forme diabolique de l’empire romain ne surgira assurément qu’après que cet empire ait existé, puis se soit éteint. Mais l’empire romain s’est éteint depuis longtemps, et l’homme de péché dans son plein développement n’a pas encore été révélé. C’est la réapparition de l’empire, et non pas son extinction, qui est l’époque critique ; or cette réapparition dépend du Saint Esprit, et du fait qu’Il cesse de retenir. Lorsque le Saint Esprit cessera de retenir, tout le mal de l’homme et de Satan se donnera libre cours sans mesure et sans déguisement. « Celui qui retient maintenant le fera jusqu’à ce qu’il soit loin. Et alors sera révélé l’inique, lequel le Seigneur Jésus consumera par le souffle de sa bouche et anéantira par l’apparition de sa venue » (2 Thes. 2:7-8).
Le ch. 19 de l’Apocalypse dépeint cet anéantissement. Voici ce que nous lisons au verset 20 après la description de la venue du Seigneur en jugement : « La bête fut prise et le faux prophète qui était avec elle, et qui avait fait devant elle les miracles… Ils furent tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ». Ce sont sans aucun doute, les mêmes systèmes ou les mêmes personnes déjà caractérisés au ch. 13 comme des bêtes montant de la mer ou de la terre. Or il est clair que l’une ou l’autre de ces deux bêtes est l’antichrist. La question reste : laquelle des deux est cet homme de péché. Est-ce la grande puissance du monde, la bête qui monte de la mer ? Ou bien est-ce l’autre bête si énergique, qui sort de la terre, et qui imite Christ dans sa puissance royale et prophétique ? Je suis porté à croire que c’est la dernière (*), mais j’avoue franchement qu’il y a des difficultés, et je crois que c’est un point sur lequel il ne faut pas dogmatiser. Ces bêtes sont en effet si intimement liées dans leurs actions, dans leurs buts, et dans leur jugement final qu’il n’est pas surprenant que beaucoup soient dans l’embarras pour se prononcer, ou que des esprits intelligents arrivent à des conclusions inverses. Toutefois plus j’étudie ce que dit l’apôtre Paul sur l’homme de péché, et l’apôtre Jean sur l’antichrist, plus je comprends qu’il doit s’agir de la bête qui parait le plus rivaliser avec Christ et s’opposer à Lui. Ce caractère, je le trouve par excellence dans la bête qui monte de la terre.
(*) C’est aussi ce que pensait Hippolyte de Rome, qui fut martyr sous Maximin ou Décius, et que Photius dit avoir été disciple d’Irénée. Il semblerait d’après Jérôme qu’il écrivit positivement sur l’Apocalypse, outre son court traité encore existant sur notre sauveur J.C. et sur l’antichrist. Voici comment il parle de la seconde bête, dans ce dernier traité (§ 49) : « la bête qui monte de la terre exprime la royauté future de l’antichrist ».
Considérons un peu maintenant la suite de notre chapitre 13 à la lumière de ce que nous avons glané dans les passages que nous avons examinés. Après la description de la bête au verset 11, nous avons quelques détails sur l’exercice de sa puissance.
« Elle exerce tout le pouvoir de la première bête devant elle » (13:12a), c’est-à-dire en sa présence. C’est la puissance énergique, celle qui se soucie beaucoup plus d’avoir une influence et une énergie réelles, que de ce qui est vu extérieurement, — ceci étant ce à quoi la première bête attache surtout de l’importance.
« Elle fait que la terre et ceux qui habitent sur elle rendent hommage à la première bête dont la plaie mortelle avait été guérie » (13:12b). Remarquez encore ici que ceux qui habitent sur la terre sont livrés à son énergie d’erreur.
En voyant que la seconde bête travaille pour susciter l’adoration de la première, certains en ont déduit que 2 Thes. 2 réfute l’idée que la seconde bête est identique à l’homme de péché, puisque celui-ci est représenté comme ne tolérant aucun autre objet d’adoration que lui-même. Mais il est évident que trois personnages se trouvent étroitement liés ensemble dans la scène que nous avons sous les yeux, savoir le dragon, la grande puissance du monde ou première bête, et la puissance politico-religieuse ou seconde bête. Il ressort d’Apoc. 13:4, que le dragon est autant adoré que la première bête ; de sorte que la même difficulté demeure, quelle que soit la bête que l’on suppose être l’antichrist et l’homme de péché, soit que ce soit la première bête, soit que ce soit la seconde. Dans un cas comme dans l’autre l’adoration est partagée par un autre. De fait, elles constituent l’anti-trinité, et elles trouvent le lien qui les unit dans la puissance invisible de Satan.
La seconde bête est très importante. C’est la puissance réellement active en Terre Sainte. La bête montant de la mer domine sur l’Occident, avec une vaste influence au-delà ; mais, ni Jérusalem, ni la Palestine ne font partie de sa sphère, sauf qu’elle y fait mettre à mort les témoins, et que c’est là qu’elle tombe. La seconde bête est le grand pouvoir connu en Terre Sainte. « Et elle fait de grands miracles, en sorte que même elle fait descendre le feu du ciel sur la terre devant les hommes » (13:13). Ce qui donne à ce miracle un si profond et si pénible intérêt, c’est que c’était le signe spécial dont se servit Élie pour confondre les faux prophètes de Baal. Lorsque la question se posa de choisir entre Dieu et Baal, l’événement critique qui décida en faveur de l’Éternel et contre le faux dieu fut justement le feu descendant du ciel. C’était un signe avec lequel on était familiarisé en Israël, et qu’on rattachait justement à l’idée d’approbation et de puissance directes de Dieu. Plusieurs fois Il avait fait descendre le feu du ciel en témoignage évident de Son approbation. Le feu était sorti de la part du Seigneur lors de la consécration des sacrificateurs, lors de la construction et de la dédicace du temple par Salomon (2 Chron. 7:1). « Et sitôt que Salomon eut achevé de faire sa prière, le feu descendit des cieux et consuma l’holocauste et les sacrifices, et la gloire de l’Éternel remplit la maison ». C’était la preuve suprême de la présence de l’Éternel en relation avec Israël, — de Sa présence remplissant la scène et acceptant les sacrifices.
Nous voyons donc, dans notre chapitre, ce contrefacteur effrayant du Seigneur Jésus, qui Lui est opposé et qui s’établit comme Dieu d’Israël et comme Christ. Le vrai Messie était le Dieu d’Israël, et nous trouvons ici l’imitation de Sa majesté, de Ses droits, et de Sa puissance. L’antichrist doit aussi faire descendre du feu du ciel. Je ne dis pas que ce soit réellement du ciel, mais il y en a l’apparence ; aux yeux des hommes, le feu vient du ciel. De même que Satan a le pouvoir d’imiter, de même aussi cette puissance méchante, dont la présence est selon l’opération de Satan, se met à reproduire en apparence ce qu’avait fait Élie. La même démonstration fournie par Élie en faveur de l’Éternel contre Baal, est celle donnée par l’inique en son propre nom. C’est une scène épouvantable et qui l’est encore plus si nous la comparons avec 2 Thes. 2:9. Car, chose triste à dire, les mêmes paroles qui sont employées pour nous parler des miracles de Christ en Actes 2:22, sont appliquées en 2 Thes. 2:9 par le Saint Esprit à l’homme de péché. Voici ce que dit Pierre : « Jésus le Nazaréen, homme approuvé de Dieu auprès de vous par les miracles, les prodiges et les signes » ; de même en 2 Thes. 2:9 nous lisons : « La venue [de l’inique] est selon l’opération de Satan en toute sorte de miracles et signes et prodiges de mensonge ». Les signes distinctifs de Christ pour que les hommes reconnaissent la vérité, sont imités par cet imposteur. Il opère des signes analogues pour appuyer le mensonge, et les hommes sont complètement pris et trompés.
Le dégoût que les hommes éprouvent pour la chrétienté dans l’état où elle est parvenue, est ce qui prépare le chemin à un tel résultat. Je reconnais que c’est avec raison que l’on dit du mal de l’état dans lequel est tombé le christianisme. Dès qu’il perd de vue sa séparation céleste et se mêle aux principes du monde, il en résulte aussitôt la confusion. Les chrétiens oublient que Satan est le dieu de ce monde, et de là, ils se laissent complètement aveugler par lui quant à ce qu’est l’Église de Dieu, et quant à ce qui est dû au nom de Son Fils ici-bas. Christ est ouvertement laissé de côté, et on perd même la fidélité et la véracité que les hommes exigent dans les choses les plus ordinaires de la vie. Notre désir n’est pas de dire du mal d’autrui ; mais que Dieu nous préserve de ne pas juger, en âme et conscience, ce qui reste au-dessous de l’honnêteté ordinaire dans les affaires de cette vie. Lorsque l’Église ou le chrétien individuellement, cesse de juger, — ou s’il condamne dans son cœur et tolère en pratique, dans les choses les plus saintes, ce que l’homme naturel même ne tolère point dans les relations humaines et sociales, — de sorte que le monde lui-même peut voir que ce qui se revêt du nom de Christ est complètement mauvais, — quand un pareil temps est arrivé, Dieu peut-Il garder plus longtemps le silence ? Le jugement, certes, est imminent ; et quelle grâce que Dieu nous ait donné quelque chose de doux comme espérance et comme bonheur, au lieu d’un perpétuel et sombre pressentiment d’un jugement assuré ! Notre portion est en dehors de la sphère de ce monde ; et il faut que le jugement ait lieu avant que le monde puisse être pleinement béni. Si quelqu’un est uniquement occupé du mal et du jugement qui attend le monde, cela lui donnera-t-il de la puissance pour agir pour le bien ? Ce qui donne de la puissance, ce n’est pas la dénonciation de ce qui est mauvais, mais bien l’introduction de la grâce et de la vérité pour agir sur les âmes ; autrement on ne ferait que sortir d’une forme du mal pour tomber dans une autre. La seule sécurité véritable, c’est de se tenir près de Christ ; et nous ne sommes réellement utiles aux autres, qu’autant que nous les mettons en contact avec Lui.
Nous avons vu qu’il sera donc permis au grand ennemi de Dieu, de faire des miracles imitant la puissance de Christ et appuyant ses prétentions à être l’Éternel. Il n’est pas étonnant qu’il trompe ceux qui habitent sur la terre. Et ce qui prépare rapidement la voie, et mûrit les hommes pour tout cela, c’est qu’ils écoutent maintenant Satan, lequel détruit toute confiance dans les miracles de Christ, et dans les Écritures qui les rapportent. Ainsi quand les hommes non seulement repasseront dans leur esprit, mais auront sous leurs propres yeux les horreurs qui ont eu lieu dans la chrétienté, et qu’ils seront laissés étrangers à l’amour de la vérité dans leur cœur, ils seront livrés à la merci de Satan. Quand les désirs des hommes seront satisfaits sans égard pour la conscience, — et quand Dieu Lui-même, dans Sa justice rétributive, enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge (leur tenant pour ainsi dire ce langage : vous avez refusé la vérité pour être sauvés : maintenant, vous avez tout ce que vous aimez), — c’est alors, dis-je, que paraît ce personnage (l’antichrist), et que se produisent ces miracles qui prétendent être des signes du ciel. Quoi d’étonnant que les hommes se prosternent et adorent la bête et son image ?
C’est Satan, bien sûr, qui est derrière toutes ces scènes ; mais son esclave, la seconde bête, « séduit ceux qui habitent sur la terre, à cause des miracles qu’il lui fut donné de faire devant la bête, disant à ceux qui habitent sur la terre (*) de faire une image à la bête qui a la plaie de l’épée et qui a repris vie. Et il lui fut donné de donner la respiration à l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât même, et qu’elle fît (**) que tous ceux qui ne rendraient pas hommage à l’image de la bête fussent mis à mort » (13:14, 15).
(*) Je ne suis pas en état d’affirmer que « l’abomination de la désolation » dont notre Seigneur parle en Matt. 26 par allusion à Daniel 12:11, est la même chose que « l’image » que nous avons ici. Il est absurde de supposer que notre Seigneur fasse allusion à l’acte d’Antiochus Épiphane par lequel il souilla le temple (Dan. 11:31). Cela était passé longtemps auparavant. Mais le Seigneur donne un avertissement à l’égard d’une autre abomination encore future et finale. On peut remarquer en conséquence que la phrase donnée par Matthieu répond exactement non pas à Dan. 11:31, mais à Dan. 12:11 selon les Septante. En Dan. 8:13, il s’agit de tout autre chose, « la transgression qui désole ». Et en Dan. 9:27, quoiqu’il puisse y avoir un lien de connexion, il faut lire, je pense, « à cause de l’aile (c’est-à-dire la protection) des abominations, [il y aura] un désolateur », — déclaration entièrement distincte, même si on accepte qu’elle se réfère à la même époque ; elle signifie que l’antichrist établit l’idolâtrie dans le temple, à cause de quoi un désolateur apparaît dans la personne du grand ennemi du nord d’Israël. La tentative d’appliquer ce passage aux Romains sous Titus, ou au Pape, est complètement vaine. La première de ces deux applications est due probablement à l’erreur consistant à confondre Matt. 24:15 etc. avec Luc 21:21. Seul Luc 21 introduit le siège et la captivité par les Romains, car c’est lui seul qui traite du temps des nations. D’un autre côté, Matthieu, également inspiré par Dieu, laisse de côté cette partie du grand discours prophétique de notre Seigneur, et s’arrête longuement sur la crise finale, en réponse à la question des disciples quant à la fin du siècle, ce que Luc omet entièrement.
(**) Il est possible que le sens soit « afin que l’image de la bête parlât et agît ; afin que tous ceux » etc. S’il en est ainsi, ce passage attribue à l’image de la bête les mêmes choses qui caractérisent la bête au v. 5.
Remarquez en passant, que nous avons une nouvelle preuve de ce que la seconde bête s’élève après la réapparition de la première, car c’est la seconde bête qui fait « faire une image à la bête qui a la plaie de l’épée et qui a repris vie ».
« Et elle fait qu’à tous, petits et grands, et riches et pauvres, et libres et esclaves, on leur donne une marque sur leur main droite ou sur leur front ; et que personne ne peut acheter ou vendre, sinon celui qui a la marque, le nom de la bête, ou le nombre de son nom » (13:16, 17). Cette marque était le sceau de l’assujettissement ou de l’esclavage à la bête.
« Ici est la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence compte le nombre de la bête, car c’est un nombre d’homme ; et son nombre est 666 » (13:18).
Je ne prétends pas résoudre une pareille question. Il est facile de répéter ce que d’autres ont pensé. Certains des premiers chrétiens, et notamment le pieux évêque de Lyon, Irénée, ont supposé que c’était « l’homme latin ». D’autres ont trouvé divers noms correspondant à leurs polémiques ou leurs préjugés. Les catholiques romains ont prétendu y voir Luther, et les protestants le nom de plus d’un pape. Mahomet dans les temps anciens, et Napoléon dans les temps plus récents, ont aussi été imaginés. Mais de telles idées valent-elles mieux que des énigmes ? Ce n’est pas la manière d’agir de l’Esprit d’occuper le peuple de Dieu à lui faire reconnaître des lettres et des nombres à partir d’une information vague. Ne pouvons-nous pas plutôt nous contenter de ce qu’il y a là un point de détail laissé aux « sages » des derniers jours, et que, lorsque le moment sera venu, la solution sera donnée, avec toute la lumière éventuellement nécessaire ? Car il y a dans les voies de Dieu une sorte d’économie, au moins quant aux points de détail et aux applications. De même que Dieu ne donne pas à un saint la force nécessaire pour traverser une épreuve particulière jusqu’à ce qu’il soit aux abords de cette épreuve, — de même le Seigneur réserve l’instruction nécessaire à l’égard de ce nombre au temps où paraîtra l’homme [de péché].
L’application de la prophétie à un individu particulier sera
alors le point important. Il me semble prématuré et inutile de discuter une
telle question avant que les personnages soient sur la scène. Les sages
comprendront alors, et pour eux tout sera clair comme le jour, mais non pas
pour les méchants (voyez Dan. 12:10). Toutefois déjà maintenant la vérité
générale est claire. Il y a cette seconde « bête », la puissance
active et énergique qui s’oppose à Christ ; mais, lorsque viendra le jour
des rétributions et que le jugement du Seigneur pèsera sur elle, on ne parlera
plus d’elle comme de la bête, mais comme le « faux prophète » qui
avait opéré des miracles (19:20). Admettant que la seconde bête est l’antichrist, je suis enclin à penser qu’il y a une
contrefaçon de Christ quand elle fait rendre hommage à la première bête. Le
Seigneur Jésus Christ parlait et œuvrait en vue de glorifier Dieu le Père,
tandis que le Père Lui-même faisait de Christ l’objet spécial de Ses délices et
de Ses pensées. « Que tous les anges de Dieu lui rendent hommage »
(au Fils ; Héb. 1:6) ; et ailleurs :
« Que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père » (Jean 5:23).
Il en est de même de cette bête : elle aide à exalter la grande puissance
du monde ; et en même temps elle cherche à s’exalter elle-même, surtout
dans les choses spirituelles. Elle a des cornes comme un agneau, c’est-à-dire
qu’elle prétend avoir la puissance de Christ ; mais elle parle comme un
dragon (c’est-à-dire que l’expression de ses pensées est satanique). Le fait
qu’elle soit une bête indique qu’elle a une autorité dans le domaine temporel,
tout en étant aussi désignée expressément comme étant un faux prophète. Elle
est ainsi l’opposé personnel de Christ, mais plutôt dans ce qu’Il était et ce
qu’Il sera, que dans ce qu’Il est. Le papisme (ou anti-chrétienté, si vous
voulez) est un travestissement de la sacrificature de Christ, et périra avec
tout ce qui participe à son péché dans la
contradiction de Coré. Mais ici, au moment où Christ, après avoir terminé son œuvre céleste, va assumer Sa dignité royale
terrestre, voilà quelqu’un qui s’oppose et s’exalte lui-même dans la ville du
grand roi. Car c’est la Terre Sainte qui est le siège central de sa puissance
et de ses tromperies. C’est, je crois, le personnage auquel le Seigneur Jésus
se réfère en contraste avec Lui-même dans un passage que nous avons cité en
partie, et qui résume tout en peu de mots (Jean 5:43) : « Je suis
venu au nom de mon Père et vous ne me recevez pas ; si un autre vient en
son propre nom, celui-là, vous le recevrez ». Les Juifs ne voulurent pas
Celui qui venait de la part du Père. Celui qui était Son Envoyé et Son
Serviteur, tout en étant Son égal en honneur et en puissance, est venu ainsi, et
a été rejeté. Mais il en est un qu’ils vont recevoir, un qui flattera et
exaltera l’homme dans son péché ; car il ne reconnaîtra aucune autorité
supérieure à la sienne, faisant ainsi écho à la volonté de l’homme. C’est lui
le personnage que nous avons ici (2ème bête d’Apoc.
13), celui qui a peut-être un supérieur (la première bête) en ce qui regarde la
puissance territoriale effective et la splendeur extérieure, mais qui est sans
égal du point de vue de l’influence et de l’énergie spirituelles.
Que le Seigneur nous accorde de renier l’impiété et les convoitises mondaines (Tite 2:12), non seulement à cause de la colère, mais à cause de la conscience ! (Rom. 13:5). Oh ! puissions-nous être séparés pour Christ dans un esprit de grâce céleste ! Qu’il serait vil de penser qu’il sera bien temps d’y penser le moment venu, et plus vil encore d’alléguer que l’Église de Dieu doit être préalablement enlevée au ciel, et que, puisque tout ira bien alors, nous pouvons bien nous permettre maintenant ce qui n’est pas bien ! Rappelons-nous que déjà, comme le dit l’apôtre, il y a plusieurs antichrists, par quoi nous savons que c’est la dernière heure. Si donc vous composez avec l’esprit du monde, ou si vous badinez avec quelqu’une des influences anti-chrétiennes d’aujourd’hui, que feriez-vous si vous étiez exposé à toutes les effroyables persécutions et à toutes les tentations de ce jour où l’homme de péché sera révélé ? La grâce de Dieu peut me fortifier pour faire face à tous les dangers, et pour repousser toutes les séductions, plutôt que d’abjurer le vrai Dieu et le vrai Christ et d’adorer un faux Dieu et un faux Christ. Mais n’est-il pas profondément solennel et humiliant d’avoir une communion quelconque avec un mal connu, quels qu’en soient les motifs ?
Et c’est là que je trouve la grande valeur, présente et morale, de la prophétie. Je vois la chute effrayante à la fin, et je peux retrouver la trace du courant qui y mène. Son cours est peut-être long et sinueux, et c’est une rivière qui peut ne pas paraître bien dangereuse ; mais regardez un peu plus bas, là où la Parole de Dieu soulève le voile flou qui cache l’avenir, et voyez la rapidité fatale avec laquelle tous ceux qui y naviguent sont engloutis pour leur entière destruction ! Il y a beaucoup de courants liés au monde, et je peux ne pas en voir la source ni voir à leur début toute l’étendue du mal qui en résulte inévitablement. Par la prophétie, Dieu me montre par grâce la fin d’une chose dès son commencement, de sorte que, si je n’en tiens pas compte, je méprise l’avertissement de Son amour, qui veut que je sache ces choses à l’avance (2 Pierre 3:17). Puissions-nous être gardés, non seulement d’une sorte de mal, mais du mal sous toutes ses formes ; et d’une manière particulière, ne nous y mêlons pas lorsqu’il prend une forme de ressemblance à Christ jointe à une association au monde. Nous avons ici (Apoc. 13) la fin de cette puissance ouvertement blasphématoire, mais aussi de celle du mal spirituel plus actif et plus subtil de la grande crise (*). Les hommes seront pris dans l’un ou l’autre de ces pièges — l’incrédulité effrontée, ou la corruption religieuse des derniers jours. Même si elles peuvent être bien différentes en apparence, elles se trouvent réunies à la fin de la manière la plus étroite, la plus triste, et la plus fatale. Que le Seigneur nous donne d’avoir des cœurs fixés sur Christ et qui attendent Sa venue du ciel ! Il n’y a plénitude de repos et de bénédiction qu’autant que notre œil soit simple pour Lui.
(*) Il n’est pas surprenant que ceux qui sont fort occupés des choses présentes éprouvent le plus profond sentiment d’étonnement et d’horreur, non pas à la vue de l’antichrist tel que dépeint par les futuristes, mais à la vue du Papisme tel qu’il a été et qu’il est, qui reconnaît une si grande mesure de la vérité révélée et en même temps qui détruit l’efficacité de la rédemption et toute relation immédiate avec Dieu, — pour ne rien dire de son hideuse idolâtrie et de sa persécution systématique de ceux qui ne se sont point inclinés devant elle, qu’ils fussent ou non de vrais chrétiens. Mais plus de telles pensées font ressortir sa subtile hypocrisie, plus elles semblent prouver que le romanisme correspond au mystère d’iniquité. Naturellement son action dans les jours apostoliques n’était qu’un germe de ce qui se développa plus tard, jusqu’à aboutir à cette effroyable corruption que les écrivains protestants ont, dans un fidèle service, dévoilée et flétrie avec une vigueur et un zèle incontestables. De là vient que ce que nous trouvons en Apoc. 17, c’est la femme corrompue (non pas la bête vorace) dont le nom est « Mystère, Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre ». Et remarquez le, c’est la vue de la femme qui causa l’étonnement si profond de Jean. Toutefois, « l’apostasie », dans l’Écriture, implique la négation publique de la vérité chrétienne, et non le maintien orthodoxe à tout prix des faits essentiels de l’Évangile, que nous voyons dans le romanisme. D’un autre côté, le fait que l’homme de péché doit s’asseoir et être l’objet du culte dans le temple de Dieu implique un défi à l’Éternel, dans le cadre de la fausse attente d’Israël, qui vise une autre forme à venir et plus audacieuse de la puissance de Satan.
Ce chapitre termine le passage intermédiaire qui sépare les trompettes des coupes. Nous avons entendu annoncer les événements de la dernière trompette ; mais les détails et les moyens de leur accomplissement ne nous ont pas encore été révélés. Des louanges en ont célébré les résultats au ciel (11:16), mais l’effet immédiat sur la terre de la dernière trompette n’a été abordé que d’une manière générale ; ce qui en a été dit va toutefois jusqu’à la fin de tout, y compris même le jugement des morts (*).
(*) Aussi est-ce aller trop loin que de dire que les coupes sont le déroulement des événements de la septième trompette ; en effet il n’y a pas de preuve pour cela, et c’est même inexact. Il ne sert de rien d’alléguer à l’appui de cette opinion que les trompettes sont le développement du septième sceau. Je n’ai aucun doute sur ce dernier point, car il n’y a absolument rien sous ce sceau, sinon un silence d’une demi-heure, et alors les trompettes sont données aux sept anges, etc. Mais il n’y a rien d’analogue à la fin d’Apoc. 11. Il est manifeste que les ch. 12, 13 et 14 sont une insertion, et le ch. 14 contient la vision d’une scène de jugement par le Fils de l’homme, ce qui est incontestablement postérieur aux coupes.
Comme nous l’avons vu, le Saint Esprit interrompt son récit au ch. 12 et 13 pour montrer la source, le caractère et les principaux instruments de la dernière explosion du mal, sur lesquels les coupes doivent être déversées, après quoi le Seigneur interviendra par une vengeance personnelle. Nous sommes parvenus, dans une histoire d’ensemble, au récit d’une bataille qui décide à tout jamais du sort du monde. Le narrateur s’arrête un instant, pour décrire l’état précédent des parties en lutte, et les causes qui ont amené la crise. C’est précisément ce que nous avons ici : les coupes sont pour ainsi dire les arrhes de la rétribution. C’est ainsi que les ch. 12 et 13, pour ne pas parler du ch. 14, nous montrent ce qu’il y avait auparavant et qui amène une effusion si terrible de la colère de Dieu. Ainsi, quoique ces chapitres puissent sembler être une interruption, ils sont donc nécessaires pour bien nous pénétrer du caractère horrible du mal contre lequel le Seigneur va sévir.
Nous avons vu au ch. 12 que, derrière la scène, Satan a été dès le commencement la source cachée, mais puissante et subtile, de la haine contre Christ et contre les Siens. Il y a ensuite le combat au ciel entre Michel et le dragon, accompagnés de leurs anges respectifs ; et enfin la conduite de Satan une fois qu’il est précipité sur la terre, est retracée et expliquée. Ensuite le chapitre 13 fait voir ceci : si Dieu s’est révélé à l’homme non seulement sur des tables de pierre, mais aussi dans la personne de Son Fils afin que les hommes puissent avoir une connaissance de la grâce divine qu’aucune table de pierre n’aurait jamais pu faire voir (c’est même le contraire), — de même Satan trouve une politique appropriée à ses fins en prenant des hommes sur cette terre pour en faire les instruments et l’expression de sa volonté. Satan donc, agit par les deux bêtes qui représentent les deux grands systèmes, ou leurs chefs, qui seront à l’œuvre durant la courte période de la grande fureur ici-bas de notre adversaire. La violence du monde, son orgueil et ses blasphèmes sont déployés par la bête qui monte de la mer. La bête qui monte de la terre est munie de tout le nécessaire pour prendre au piège ceux qui désirent une religion qui exclue Dieu et qui soit l’auxiliaire de l’homme et du monde, — et parallèlement l’autre bête les intimide par sa puissance, et les éblouit en faisant appel à leur ambition et à leur amour de vaine gloire.
Il se pose alors une question : Si Satan et ses agents déploient une telle activité, qu’est-ce que Dieu fait ? Est-Il constamment inactif ? (il est hors de question qu’Il puisse être indifférent). Le ch. 14 me paraît répondre à cette question. La perversion de tout ce que Dieu a confié à l’homme et de tout ce que Satan peut machiner aboutiront à une fin terrible en l’espace de quelques mois et années. Mais si épouvantable que soient ces choses, et même s’il semblerait que Dieu a abandonné le monde pour voir ce que Satan et les hommes réunis en font, Dieu n’en sera pourtant pas moins à l’œuvre, là et dans ce temps-là.
Remarquons d’abord que ce ne sont ni les cieux, ni la terre, ni la mer, qui nous sont présentés comme le théâtre des événements rapportés aux premiers versets de ce chapitre. C’est un lieu nouveau et restreint qui est introduit, un lieu qui n’a pas été mentionné auparavant, un lieu qui est pourtant des plus importants et des plus significatifs :
« Et je vis, et voici l’Agneau se tenant sur la montagne de Sion ».
Arrêtons-nous un instant pour nous rendre compte des notions que le Saint Esprit veut communiquer à l’aide de cette montagne de Sion, et ce qui s’y rattache. Le livre de l’Apocalypse suppose partout la connaissance du reste de la Parole de Dieu, depuis la Genèse jusqu’à la fin du Nouveau Testament. Il serait même difficile d’indiquer quelle partie de l’Écriture n’a pas besoin d’être connue pour parvenir à une pleine intelligence de cette merveilleuse prophétie. Prenons l’exemple de l’allusion faite ici à Sion. Si je n’ai aucune idée de ce que Dieu enseigne ailleurs au moyen de la montagne de Sion, comment connaîtrai-je la signification de la vision du début du ch. 14 ?
La première circonstance où Sion apparaît, se trouve dans l’histoire de David, lorsqu’il devint roi sur tout Israël (2 Sam. 5). Quel était alors l’état du peuple ? Israël avait précédemment choisi un roi selon son cœur, un roi à leur image qui puisse marcher à leur tête et conduire leurs guerres. « Il y aura un roi sur nous, et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations » (1 Sam. 8:19-20). Ils choisirent Saül, mais David fut l’élu de Dieu.
Certes David eut besoin de la miséricorde et du pardon de Dieu, car après avoir été favorisé par Dieu, il fit une chute déplorable. Cependant David entra incontestablement dans les pensées de Dieu, et y répondit d’une manière remarquable. Il pécha, il est vrai ; mais qui a ressenti et reconnu son péché plus profondément que lui ? Qui, plus que David, justifia Dieu contre lui-même ? En même temps, Dieu ne passa pas légèrement sur le péché de David, parce qu’Il prenait plaisir en lui. Le péché avait été commis en secret, mais il fut publié sur les toits. David avait agi perfidement envers son fidèle serviteur, et avait souillé la maison de ce serviteur ; mais quelle douloureuse histoire fut ensuite celle de sa propre maison durant de longues années (2 Sam. 12).
Israël avait auparavant été dans la confusion ; les sacrificateurs avaient corrompu le peuple sans que le roi apportât de délivrance ; tous s’étaient rebellés contre Dieu et avaient subi les razzias et la tyrannie de leurs voisins Philistins ; la ruine était générale ; quant au sanctuaire, dans quel état était-il ? le tabernacle de Dieu était séparé de l’arche ! Ainsi dans tous les domaines, religieux ou politiques, grands ou petits, publics ou privés, le tableau était des plus sombres.
Or c’est à ce moment-là que Dieu commença à agir énergiquement par Son Esprit dans le peuple. Celui-ci souffrait à juste titre sous la loi sous laquelle il s’était volontairement placé à Sinaï. Il est vrai que, malgré tout, il y avait la miséricorde et la fidélité du côté de Dieu ; mais du côté d’Israël, le mal croissait encore rapidement, et il n’y avait plus ni espoir ni ressource. Qu’arriva-t-il alors ? Dieu fit surgir David étape par étape, et Sion acquit une place notoire dans son histoire. C’est là que fut bâtie la cité de David, le siège de sa royauté. De nos jours, on n’attache guère d’importance à ce lieu dans le monde ; pourtant en un sens, toute la bénédiction du monde comme tel va dépendre de ce petit territoire, et jamais la terre ne jouira du repos et de la gloire avant que Dieu reprenne Ses rapports avec cette cité, comme Il le fera bientôt, — cette cité qui marqua jadis un point d’arrêt dans la décadence d’Israël et qui devait servir d’oasis à la foi. Dans les Psaumes et les Prophètes, Sion reparaît constamment, l’Esprit du Seigneur conduisant toujours les cœurs des saints à anticiper le plein résultat que le type promettait en germe dès le premier jour.
Le Saint Esprit fait de nouveau allusion à Sion en Héb. 12, quoique peut-être différemment. La pensée dominante qui s’y rattache reste l’intervention de la grâce de Dieu. Ce passage met en contraste la position d’Israël et celle du chrétien ; et après avoir décrit la vision de Sinaï avec son obscurité, ses ténèbres et sa tempête — choses terribles même pour le médiateur — il ajoute : « Mais vous êtes venus à la montagne de Sion, et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » etc. Voilà précisément le même grand et précieux principe. Israël était venu à Sinaï, et cette montagne caractérisa leur marche du commencement à la fin ; quel en fut le résultat ? Cela commença par les ténèbres et l’éloignement, et finit par la misère et la mort. Vu ce qu’étaient Israël et le Sinaï, les Israélites ne pouvaient que reculer loin de Dieu ; car Dieu se présentait là en majesté et en jugement, et non pas dans cet amour qui s’abaisse jusqu’à se mettre sous le fardeau, afin d’en ôter la charge. Cela ne pouvait pas avoir lieu à Sinaï, car il s’agissait là d’un Dieu juste en présence de gens qui n’étaient que pécheurs, de sorte que Sa présence ne pouvait qu’inspirer la terreur et faire présager le jugement. Il fallait entourer la montagne de barrières ; même si une bête inconsciente la touchait, le châtiment en était la mort : voilà ce qu’était Sinaï. « Mais vous êtes venus », dit l’Esprit « à la montagne de Sion », le lieu de l’intervention de Dieu en grâce, comme Sinaï était celui de la responsabilité de l’homme. Quel pouvait être le résultat de Sinaï pour le pécheur ? Uniquement de faire peser sur sa conscience la terreur de la mort. L’Israélite qui se tenait là comme pécheur ne valait pas mieux qu’un homme mort, parce qu’il était déjà pécheur ; et la sentence de mort devait certainement être exécutée sur lui après avoir quitté la montagne ardente.
L’apôtre fait voir que le terrain de la grâce sur lequel est placé le chrétien, est diamétralement opposé à celui qu’occupe le pécheur tremblant devant un Dieu qui réclame avec justice ce que la chair est incapable de produire. Or maintenant, c’est Dieu qui est descendu vers nous, et Il est venu pour accomplir Son œuvre d’amour. Le nom de Sion est apparu pour la première fois lorsque tout avait complètement failli en Israël — peuple, sacrificateurs, et roi. C’est alors que Dieu intervint, sans qu’on L’ait cherché, et Il établit le roi de son choix en Sion, et Il l’élève, lui et son fils, à un tel sommet de gloire qu’il n’y en a jamais eu et qu’il n’y en aura jamais plus en Israël jusqu’à ce que vienne le vrai David, pour instaurer Sa gloire royale en Sion, pour toujours.
Le principe impliqué dans Sion, est donc l’intervention de Dieu en grâce en faveur de Son peuple quand tout est perdu sous la loi. C’est là ce qui donne à la montagne de Sion sa véritable portée en Apoc. 14. Elle nous dit que Dieu s’occupe en grâce de ceux qui sont du côté de la Sainte Victime — l’Agneau. Dieu travaille en vue de Son Fils, tant pour assurer Sa gloire sur la terre que pour rassembler autour de Lui un résidu dont le cœur Lui soit attaché — et non pas simplement des scellés en tant que serviteurs de Dieu (selon ce que le ch. 7 en a présenté une compagnie prise d’entre les douze tribus d’Israël) ; pour rassembler des personnes associées à l’Agneau en Sion, c’est-à-dire selon le dessein de Dieu en grâce relatif au royaume.
Il me semble qu’il s’agit du résidu de Juda, — résidu souffrant
qui aura passé à travers la tribulation sans égale, ce qui n’est pas dit de
l’autre résidu du ch. 7. C’est ce que signifie la position qu’ils occupent avec
l’Agneau sur la montagne de Sion. C’est là que l’apôtre Jean les voit. Il est
évident que je n’affirme pas qu’ils seront de fait
sur la montagne de
Sion, ni qu’ils saisiront nécessairement la portée de ce symbole. La question
importante est de savoir ce que Dieu veut communiquer à Jean et à tous ceux qui
désirent comprendre les paroles de ce livre. Je crois que la véritable
signification du passage qui nous occupe est, comme déjà dit, l’intervention
spéciale de Dieu en faveur de Son peuple dans les derniers jours. Il associera
au Seigneur Jésus Christ, comme Messie souffrant, un résidu complet, pieux et
bien déterminé en nombre, qui sera amené à avoir communion avec Lui.
Dans la vision, nous voyons ces 144000 avec le nom de l’Agneau
et le nom de Son Père écrits sur leurs fronts. Il n’est pas dit qu’ils
connaissent Dieu comme leur
Père. L’Apocalypse ne nous envisage jamais
dans la position d’enfants, et bien moins encore le fait-elle pour le résidu
juif. Aussi, même lorsqu’il est question de l’Église, nous sommes vus comme
rois et sacrificateurs de Son
Dieu et Père, et non pas de notre
Père.
Cela est d’autant plus remarquable de la part de Jean, qu’aucun autre
évangéliste ne s’applique plus à montrer la relation d’enfants dans laquelle
Dieu nous a placés maintenant vis-à-vis de Lui-même.
Ainsi en Jean 20, aussitôt après la résurrection du Seigneur d’entre les morts, voici le message qu’Il fait transmettre à Ses disciples : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Rien de semblable ici, parce que l’Apocalypse n’a pas pour but de dévoiler notre intimité de relation avec Dieu comme Père, mais plutôt Ses jugements et Sa gloire, — quoique avec des pensées de miséricorde pour un résidu. Je parle évidemment de la partie prophétique et terrestre de l’Apocalypse, non pas de celle qui nous donne un aperçu des choses d’en haut.
Ainsi l’inscription du nom de l’Agneau et du nom de Son Père (car c’est ainsi qu’il faut lire ce passage) sur le front des 144000, est en contraste avec le nom de la bête au ch. 13. Le nom ou la marque de la bête est placé sur la main droite ou sur le front de ses adeptes. Les 144000 portent le nom de l’Agneau et celui de Son Père sur leur front, non pas dans leur cœur seulement, si l’on peut parler ainsi, : c’est chose manifeste et publique qu’ils appartiennent à l’Agneau.
« Et j’entendis une voix venant du ciel, comme une voix de grandes eaux et comme une voix d’un grand tonnerre ; et la voix que j’entendis était comme de joueurs de harpe, jouant de leurs harpes ; et ils chantent un cantique nouveau devant le trône et devant les quatre animaux et les anciens ; et personne ne pouvait apprendre le cantique, sinon les cent quarante-quatre milliers qui ont été achetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont point souillés avec les femmes, car ils sont vierges ; ce sont ceux qui suivent l’Agneau où qu’Il aille ; ceux-ci ont été achetés d’entre les hommes, des prémices à Dieu et à l’Agneau » (Apoc. 14:2-4).
Outre la connaissance qu’ils ont du cantique nouveau, ils sont caractérisés par une sainte séparation de toutes les sortes d’idolâtrie qui prévaudront sur la terre (aspect négatif), et (aspect positif) par leur fidèle attachement à l’Agneau, quelle que soit l’ardeur de l’épreuve. Au lieu de devenir les esclaves de la bête, ils sont rachetés pour être les premiers fruits (prémices) de la terre à Dieu et à l’Agneau. Ils sont une classe toute particulière, et forment une sorte de lien entre les cieux et la terre de laquelle ils ont été rachetés. Ils sont exempts des influences corruptrices de ce mauvais jour, et spécialement des idolâtries qui marqueront si tristement ce temps-là. Je ne fais pas allusion à une idolâtrie au sens vague et général (nous sommes ainsi exhortés à fuir la cupidité, qui est moralement de l’idolâtrie ; Éph. 5:5), mais il s’agit ici d’une idolâtrie positive, littérale.
Beaucoup peuvent considérer comme absurde l’idée de voir réapparaître le culte des idoles dans des pays qui ne sont ni papistes ni païens, mais un tel avis montre une grande ignorance du cœur de l’homme et de la puissance de Satan. La Parole de Dieu est parfaitement explicite que les derniers jours seront caractérisés par un esprit d’idolâtrie grossière, et cela dans les parties les plus éclairées de la chrétienté, y compris Jérusalem qui une fois de plus fera valoir les plus hautes prétentions. Embrasser une telle apostasie, le cœur de l’homme en est parfaitement capable, et Dieu abandonnera la chrétienté à cette apostasie comme juste rétribution de son rejet de l’amour de la vérité pour être sauvé. « Et à cause de cela, Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour qu’ils croient au mensonge » (2 Thes. 2:10-12). Il les livrera à leurs convoitises naturelles, et nous savons que le cœur préfère n’importe quoi à Dieu.
Il est dit des saints que Jean voit associés avec l’Agneau en Sion, qu’ils ne se sont point souillés avec les femmes, c’est-à-dire qu’ils ont été préservés de la corruption environnante. Leur marche a été d’une pureté virginale ; ils ne se sont pas émerveillés devant la bête. « Ce sont ceux qui suivent l’Agneau où qu’Il aille ». « Ceux-ci ont été achetés d’entre les hommes, des prémices à Dieu et à l’Agneau ». Ils sont des prémices (premiers-fruits) : la moisson suivrait en son temps (voir 14:14-16). « Et il n’a pas été trouvé de mensonge dans leur bouche, car ils sont irréprochables ».
Dans le Texte Reçu et la version autorisée (du roi Jacques), il est ajouté au v. 5 « devant le trône de Dieu », mais ces mots ne doivent pas s’y trouver. Les meilleures autorités ne les retiennent pas, et un instant d’étude attentive du passage va montrer qu’ils ont été insérés à tort. « Ils sont irréprochables » cela est vrai ; mais ici, ce mot a trait, je crois, à leur vie pratique. Comparés aux gens d’entre lesquels ils ont été rachetés, ils sont assurément irréprochables : c’est en leur présence qu’ils sont irréprochables. Mais supposez que Dieu les fasse comparaître devant Son trône pour prendre connaissance de ce qu’ils ont été ici-bas, et en faire la mesure d’après Sa sainteté — ce serait toute autre chose ! Le besoin de pardon se ferait aussitôt sentir, ainsi que la nécessité de se présenter, non avec sa propre irréprochabilité, mais avec la justice de Dieu en Christ. Si je me présente comme individu, non pas vu en Christ, mais selon mes voies effectives, pourrai-je dire que je suis irréprochable devant la face de Dieu ?
La vérité de ce que nous avançons sera plus claire si nous nous
référons à 1 Jean 1 : « Si nous disons que nous n’avons point de
péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est point en nous ».
Nous ignorons la vérité pour ce qui nous concerne, et nous n’avons pas
communion avec Christ pour discerner le mal qui s’y trouve. Mais « si nous
disons que nous n’avons pas péché », nous faisons Dieu
menteur, ce
qui est infiniment pire que de se séduire soi-même. Nous Le faisons menteur, et
Sa Parole n’est pas en nous, car Il a déclaré le contraire maintes et maintes
fois. Mais au ch. 3 de la même épître, quel changement ! « Celui qui
pratique le péché est du diable », et « quiconque est né de Dieu ne
pratique pas le péché… et il ne peut pécher parce qu’il est né de Dieu. Par
ceci les enfants de Dieu et les enfants du diable sont rendus manifestes ».
Comment concilier ces deux choses ? Comment justifier l’immense différence
de langage entre le ch. 1 et le ch. 3 ? C’est tout simple. Au ch. 1 le
Saint Esprit amène le chrétien à se voir à la lumière de la présence de
Dieu : il se trouve devant le Père et le Fils, face à face avec Dieu, si
l’on peut dire, — non pas précisément devant le trône, mais devant le Père et
le Fils. Or quel peut être le langage d’un homme dans une telle position ?
Va-t-il dire qu’il n’a point de péché ou qu’il n’a pas péché ! Ah ! sûrement non. Quiconque prononce de telles paroles montre
que la vérité n’est pas en lui, et que la Parole de Dieu ne l’a jamais sondé.
Mais lorsque Dieu compare Son enfant avec ceux qui ne Le connaissent pas de la
manière divine, Il dit : « Il ne pratique pas le péché », et
« il ne peut pas pécher ».
Voyez aussi le livre des Nombres. On y voit Israël en grand désordre et en chute, coupable d’incrédulité et d’infidélité tout au long de sa marche. Mais du moment où l’ennemi se présente pour maudire le peuple de Dieu, qu’est-ce que Dieu déclare au sujet de ce même Israël qui L’avait tenté et provoqué tant de fois ? « Qu’Il n’a point aperçu d’iniquité en Jacob, ni n’a vu d’injustice en Israël ; l’Éternel son Dieu est avec lui, et un chant de triomphe royal est au milieu de lui » (Nomb. 23:21). Il ne peut maintenant apercevoir la moindre faute en ceux chez qui il en avait tant trouvé quand Il s’adressait à eux. Que Satan et le monde se mettent à nuire aux Siens, et tout Son cœur prend aussitôt leur défense.
Tel que ce verset 5 se trouve dans le Texte Reçu avec les mots « devant le trône de Dieu », on ne saurait l’entendre que de notre position en Christ ; tandis qu’ici, le sens veut qu’il s’agisse, je crois, de conduite pratique. Dieu les voit sans souillure et fidèles, parce qu’ils ont été gardés par grâce de toutes les idoles de Babylone et de la puissance séductrice de la bête : ils sont donc irréprochables.
Je ne signale cela que pour montrer combien des changements presque imperceptibles portent atteinte à l’ensemble des vérités chrétiennes. La moindre rature ou la plus petite erreur qui vient furtivement se glisser dans la Parole de Dieu, ne peut manquer d’en altérer l’exactitude et la parfaite beauté.
La seconde chose qui vient fixer notre attention dans ce
chapitre, c’est un ange volant par le milieu du ciel et ayant l’évangile
éternel pour l’annoncer à ceux qui habitent
sur la terre, et à toute
nation et tribu et langue et peuple. Je sais que certains ont appliqué cela au
vaste développement des missions évangéliques parmi les païens dans ces
derniers temps. Mais est-ce le moyen de comprendre la prophétie que de toujours
s’efforcer de lui trouver un accomplissement actuel ? Il faut la
considérer comme un tout en prenant le contexte en compte. Si je n’admets pas
qu’il y ait un nouveau groupe de Juifs dans la souffrance et associés avec
Christ dans l’attente ou l’espérance du royaume en Israël, il est inutile de
chercher l’ange annonçant l’évangile éternel dans les efforts des missionnaires
durant ces cinquante dernières années [note Bibliquest : 19 ème siècle].
Du reste, le caractère du message n’est nullement en rapport avec le plan de Dieu pour le temps actuel. La base de l’appel de l’ange, c’est que « l’heure du jugement est venue ». Est-ce le cas aujourd’hui ? Évidemment non. Le jour de grâce n’est-il pas en contraste complet avec l’heure du jugement ? Il est encore vrai que c’est « maintenant le temps agréable, maintenant le jour du salut » (2 Cor. 6:2). La porte est encore ouverte. C’est forcer l’Écriture que de dire : « l’heure de Son jugement est venue ». Mais lorsque viendra le temps de l’accomplissement du jugement, il est évident que ce sera bien là l’avertissement de Dieu adressé aux hommes. Car les jugements finaux seront alors sur le point d’être exécutés, et la colère de Dieu tout près de se déverser. Il est impossible de concilier tout ceci aujourd’hui avec le jour de bénédiction et de grâce, comme si les deux pouvaient aller ensemble. Pourtant certains prétendent que nous sommes aujourd’hui au milieu de la période des coupes ! Une telle manière de voir (là où on la tient, non pas partiellement, mais d’une manière absolue et définitive), témoigne que la vérité est presque totalement éclipsée dans l’esprit de tels gens qui peuvent supposer que le jour de la grâce de Dieu et l’heure de Son jugement sont la même chose, ou peuvent avoir lieu en même temps.
Examinons d’un peu plus près le message de l’ange, et nous allons voir que son caractère diffère complètement de celui de la bonne nouvelle que Dieu proclame aujourd’hui. L’ange appelle-t-il tous les hommes à se repentir parce que Dieu a ressuscité un homme d’entre les morts, par lequel Il jugera le monde en justice ? (Actes 17:31). C’est là ce qu’annonçait Paul de son temps, et c’est aussi ce qu’il convient d’annoncer aujourd’hui, savoir un Christ mort, ressuscité et qui va revenir pour juger le monde. Le message de l’ange de notre chapitre parle bien de l’heure du jugement divin, mais il ne dit pas un mot de l’Homme ressuscité, pas un mot d’un Sauveur ni de la rédemption. « Craignez Dieu et donnez-lui la gloire, car l’heure de Son jugement est venue ; et rendez hommage à Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines d’eaux » (14:7). Je le demande, est-ce là le genre de message qu’il convient de publier partout ? Notre mission est-elle de dire aux gens de rendre hommage au Dieu qui a fait les cieux et la terre, la mer et les fontaines d’eaux ? Certes cette vérité demeure éternellement vraie, mais est-ce le message spécial à communiquer pour le temps présent ? Dieu nous garde d’amoindrir Sa gloire comme Créateur, car c’est une chose extrêmement importante.
Mais l’application correcte de ce message est pour le temps où Dieu aura achevé Sa tâche actuellement en cours, qui est de sauver et d’appeler en la mettant à part, l’Église (corps de Christ) pour la gloire céleste. Combien il y aura un besoin urgent de ce message, et quelle valeur il aura, lorsque Satan aura atteint son objectif de faire que non seulement les hommes rejettent le vrai Dieu venu en tant qu’homme, mais qu’ils adorent un homme en tant que Dieu sur la terre ! Ce message donnera un démenti à tout ce que la bête et le dragon concoctent et cherchent à introduire. Quand tout ce culte faux et inique sera mis en place, il faudra une foi tout à fait positive dans le Dieu vivant et vrai pour ne pas céder et pour ne pas tomber sous l’effet de l’énergie d’erreur. En effet pour tous ceux qui ne céderont pas, Satan fera que ce soit au péril de leur vie et de leurs moyens de subsistance.
C’est pourquoi voici le message publié : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Le monde entier aura sombré dans l’idolâtrie, adorant la bête et se prosternant devant elle. Satan n’a pas pu amener le Fils de Dieu à se prosterner devant lui et à l’adorer, mais quand il aura la bête à son service, le monde entier ira après lui.
« Rendez hommage à Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines d’eaux ». C’est ce droit à l’adoration suprême que Dieu revendiquera dans ce temps où « la terre » sera entièrement détournée par la tromperie anti-chrétienne.
On se demandera peut-être pourquoi ce message est qualifié d’évangile, et d’évangile éternel. La réponse est peut-être parce que c’est toujours vrai. Il en a été ainsi dès le commencement, et cela restera jusqu’à la fin. « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Le motif mis ici en avant (« car l’heure de son jugement est venue ») n’a sans doute pas toujours pu s’appliquer ; mais la parole : « Craignez Dieu… et rendez hommage à celui qui a fait le ciel et la terre » (il s’agit de cette gloire de Dieu qui a sa preuve et son témoignage dans la création) n’en demeure pas moins une vérité immuable et fondamentale. Seulement elle sera mise en lumière et proclamée avec une vigueur extrême, lorsque Satan aura obtenu du monde le reniement du vrai Dieu et la substitution du culte de la créature à celui du Créateur.
La signification de ce verset 7 me paraît assez simple, mais je désire ajouter encore quelques mots au sujet du terme « évangile ». Il est utilisé dans l’Écriture avec un sens beaucoup plus large que celui auquel les gens sont habitués aujourd’hui. La bonne nouvelle annoncée à Israël dans le désert était qu’ils allaient hériter du pays de la promesse. Ce fut une bonne nouvelle annoncée à Abraham que l’assurance que toutes les familles de la terre seraient bénies en lui (Gal. 3:8). La bonne nouvelle au temps de Jean-Baptiste, celle qu’il prêchait, était en substance que le royaume des cieux était proche. C’est aussi ce qu’annoncèrent le Seigneur et Ses disciples pendant Son ministère sur la terre ; mais le peuple ne voulut point de Lui, et la conséquence en fut que le royaume fût quand même établi, mais d’une manière totalement différente de ce qu’attendait le peuple. Il fut établi dans la personne du Roi rejeté dans le ciel, jusqu’au moment où Il reviendra en puissance, et que ce royaume sera établi de manière visible sur la terre. Il y a donc différents évangiles, différentes bonnes nouvelles en rapport avec les sujets et les espérances variés et divers que Dieu a présentés à des époques diverses. Mais l’évangile éternel existait forcément avant Abraham, et avant aucune autre bonne nouvelle. Il a toujours consisté et consistera toujours à proclamer que Dieu a été et sera toujours l’unique objet digne d’adoration. « Nul n’est bon, sinon un seul, Dieu » (Marc 10:18). Et lorsque l’aube de ce jour magnifique paraîtra — quand le roi resplendira en gloire, et que le royaume préparé dès la fondation du monde sera établi — quand Dieu aura tous les Siens bénis autour de Lui, tant ceux du Nord que ceux du Midi, de l’Orient et de l’Occident (et non seulement ceux qui auront passé par la résurrection, mais aussi ceux qui auront été épargnés dans leur corps naturel pour participer à la bénédiction sur la terre, dans le même temps où les saints ressuscités jouiront de la gloire céleste sous la seigneurie de Celui qui seul peut réunir en Lui toutes choses en bénédiction) — en ce jour-là, dis-je, quel sera le message le plus convenable, et le plus important à publier au préalable ? Sûrement celui-ci : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire ». Il est évident qu’il sera alors fort justement appelé l’« évangile éternel ».
Vous remarquerez aussi qu’il est adressé « à ceux qui habitent sur la terre » aussi bien qu’à « toute tribu, nation, langue et peuple », en harmonie avec la distinction déjà signalée plus haut. Ces deux catégories entendront le témoignage ; et si « ceux qui habitent sur la terre » ne le reçoivent pas, par la bonté de Dieu, les nations, les tribus, les langues et les peuples le recevront en partie (comparer Ps. 96 et Matt. 24:14, et les résultats en Matt. 25:31-46).
Après ceci vient un autre message, celui de la chute de Babylone. Je ne veux pas m’arrêter sur ce sujet pour le moment, car nous trouverons beaucoup plus d’information sur cette grande cité dans les chapitres suivants. Babylone est d’une telle importance qu’il était besoin d’une mention spéciale rien que pour elle. Mais comme elle est évidemment la source active de la corruption, droguant les gens et les détournant du Dieu vivant, Dieu fait maintenant sonner le glas funèbre sur cette cité. Le but de ce passage ici est probablement de lui donner sa place dans l’ordre des voies de Dieu à la fin de ce siècle [ou : dispensation], et d’indiquer ses vrais rapports avec ce qui précède et ce qui suit.
Nous trouvons ensuite l’avertissement solennel adressé à ceux qui rendent hommage à la bête et qui reçoivent sa marque, la déclaration du tourment certain et éternel de tous ceux qui seront entraînés par elle. Beaucoup appliquent ces prophéties au sujet de Babylone et de la bête exclusivement à Rome ; mais si la ville aux sept collines possède beaucoup de principes de Babylone et de la bête, l’accomplissement qu’on pourrait en trouver dans la papauté d’aujourd’hui ou jusqu’à aujourd’hui ne serait que partiel et sans aucune unité. Outre cela, Babylone et la bête ne sont pas la même chose, puisque la bête détruit Babylone. Rome se détruira-t-elle elle-même ? Certainement, on y trouve des éléments de Babylone, mais si l’on y regarde de plus près, tout ne se trouve pas dans Rome. Pour ma part, je crois que Rome, plus que tout autre système, est déjà Babylone au vrai sens moral, et que plus tard elle contiendra et manifestera tous les éléments de cette vile corruptrice. Mais justement pour cette raison, elle ne peut pas être la bête, car la bête est ce qui détruit Babylone, et ce n’est qu’ensuite que la bête manifeste ouvertement sa propre rébellion contre Dieu, la pire qui soit, puis elle périt. Le pire état de la bête est postérieur à la destruction de Babylone, car c’est alors qu’elle s’élève jusqu’aux cieux, pour être ensuite jetée en enfer. Mais nous verrons bientôt la chute complète de toutes deux : « Ici est la patience des saints ».
La cinquième division est la parole concernant les saints qui meurent dans le Seigneur.
« Et j’entendis une voix venant du ciel, disant : Écris, bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur dorénavant. Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent (14:13).
Ce verset ne s’applique pas à ceux qui meurent tout au long de
la présente dispensation. Quand des chrétiens meurent aujourd’hui, c’est
bienheureux, mais dans le passage qui nous occupe le Saint Esprit parle d’une
catégorie de gens encore future qui passeront tous
par la mort. Il faut
prendre ces choses qui sont liées ensemble, comme un tout, et non pas en
prendre un petit peu qui convient aux circonstances présentes, et laisser le
reste de côté parce qu’il ne s’applique pas. Quel est le sens réel de ce verset ?
Quelle est la pensée de Dieu ? Il s’agit de saints qui mourront en ces
jours-là. Beaucoup seront tués : le sang des saints coulera à flots.
L’évangile éternel aura été proclamé ; l’heure du jugement sera arrivée
comme annoncée par l’ange, et il pourra sembler terrible d’être mis à mort
précisément au moment où Dieu va introduire Son règne. Mais au contraire, la
voix déclare : « Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur
dorénavant », autrement dit « n’en soyez pas effrayés ». Ils
auront seulement une gloire d’une nature plus excellente. Quelle sera la
portion de ceux qui meurent alors dans le Seigneur ? Ils régneront avec
Christ et avec Ses saints célestes. Le ch. 20 démontre que ceux qui meurent
sous la persécution de la bête ressusciteront pour rejoindre les saints
célestes qui auront été enlevés. « Bienheureux les morts » etc. ne
peut pas s’appliquer à l’église au sens strict parce que, parmi ceux qui
appartiennent à l’église, tous ne mourront pas. Certains seront en vie et demeureront
jusqu’à la venue du Seigneur pour être alors transmués sans passer par la mort,
tandis que ceux dont parle notre verset passeront tous par la mort, comme
catégorie. Il est donc exclusivement question de ceux qui meurent dans le
Seigneur à cette époque-là
, et il est montré qu’au lieu de perdre leur
place dans le royaume de Christ, ils gagneront une meilleure position de
bénédiction. Il s’agit d’une compagnie complète, et leur pleine bénédiction
arrive sans autre délai : bienheureux dorénavant
.
L’esprit de ce passage peut trouver une application maintenant, mais l’intention du Saint Esprit semble être de consoler ceux qui mourront avant que la bête soit jugée et que la gloire céleste paraisse. On aurait pu penser que la mort leur faisait perdre quelque chose, mais non. La voix qui se fait entendre du ciel dit : « Écris, bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur, dorénavant. Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent ». Le Saint Esprit ajoute ce « oui » qui exprime Sa douce sympathie, Sa fidélité envers les saints dans la joie et dans la douleur, soupirant avec eux dans leurs infirmités, et se réjouissant dans leur triomphe et leur récompense prochaines.
Puis viennent les deux dernières scènes de ce chapitre.
La première est la vision d’un personnage semblable (*) au Fils d’homme assis sur une nuée blanche « ayant sur sa tête une couronne d’or et dans sa main une faucille tranchante ». Cette vision est fondée sur l’idée d’une moisson, c’est-à-dire d’un jugement séparatif [= s’accompagnant d’une séparation]. Il y a ce qui doit être jeté loin, et ce qui doit être rassemblé et engrangé. On peut peut-être rapprocher ceci de ce qui est dit dans les évangiles : « L’un sera pris et l’autre laissé ; il en sera de même au jour où le Fils de l’homme sera manifesté » (Luc 17:34, 26).
(*) Le sens est que la similitude porte sur le caractère plutôt que sur la personne.
Le second jugement est d’un autre caractère. Il s’agit de la vendange de la terre, non pas de sa moisson. Il n’y a rien de bon, et en conséquence rien à séparer. Dans la moisson, il y avait quelque chose à séparer ; mais quand on arrive à la vendange, on se trouve devant un état de choses plus grave. Il ne s’agit pas d’une bonne vigne, mais de la « vigne de la terre ». Le Seigneur Jésus Christ est la seule vraie vigne, et si nous sommes des sarments qui portent du fruit, cela ne peut être qu’en demeurant en Lui. Dans le passage qui nous occupe, il s’agit de « la vigne de la terre ». Et que fait le Seigneur de cette vigne de la terre et de ses grappes ? Il n’y a rien d’autre à faire qu’un jugement sans mélange — sans aucune miséricorde pour le mitiger. Le fruit est récolté et jeté dans la grande cuve [pressoir] de la colère de Dieu. Ceci est suivi par le tableau d’un jugement impitoyable. « La cuve fut foulée hors de la ville, et de la cuve il sortit du sang jusqu’aux mors des chevaux dans un espace de mille six cents stades » (*). C’est l’image d’un carnage épouvantable — le sang coulant à flot comme une rivière profonde sur environ 300 km de long. Ceci ne doit pas être pris au sens littéral ; mais la grande pensée de Dieu ici est celle d’un jugement où il n’y a rien que de la colère, et de la colère au plus haut degré, sur les apostats. Qui a jamais entendu chose pareille dans l’histoire passée ? Cela dépasse tout ce que l’homme pourrait faire. La réalité qui viendra sera encore plus terrible que l’image qui a passé comme un tableau prophétique sous les yeux du prophète [Jean] (14:17-20). Le carnage pourrait être celui des apostats religieux venant de toutes les parties de la chrétienté, mais il paraît être spécialement juif, car la scène où cela se passe est le pays. La cuve est foulée hors de la ville : il s’agit, je pense, de Jérusalem. Comparez Joël 3.
(*) Jérôme a remarqué la coïncidence de cette donnée avec la longueur de la Palestine ; et Fuller, Faber, etc. l’appliquent littéralement à ce pays, comme étant le grand Aceldama futur. D’un autre côté, Mède suggère le fait d’une longueur pareille dans les États de l’Église Rome à Vérone.
En Ésaïe 63, nous voyons le Seigneur foulant le pressoir ; mais il semble qu’il s’agisse d’une scène plus éloignée : Il vient d’Édom, de Botsra avec des habits teints en rouge. Dans notre chapitre la scène est « hors de la ville », et la vengeance s’exerce sur tous ceux qui ont été coupables dans le domaine religieux en rapport avec elle. La miséricorde leur a été annoncée, mais ils l’ont méprisée ; et maintenant le jugement est venu, et ils n’ont rien d’autre devant eux. On n’a fait qu’abuser de la miséricorde : c’est ce que Dieu ressent et juge par-dessus tout ?
Ce chapitre 14 fournit donc une esquisse complète des voies de Dieu dans la crise des derniers jours. Il se divise en sept parties. D’abord le résidu au complet de Juifs pieux est associé à l’Agneau sur la montagne de Sion ; ils sont dans la sympathie avec Ses souffrances et attendent le royaume. La seconde section contient un témoignage rendu aux nations du monde entier, aussi bien qu’aux habitants de la terre prophétique. La troisième section a trait à la chute de Babylone. La quatrième section proclame la terrible sentence, tant pour ce monde que pour l’autre, sur tous ceux qui rendraient hommage à la bête et à son image, ou qui recevraient la marque de son nom. La cinquième section déclare bienheureux dorénavant ceux qui meurent dans le Seigneur. La sixième section montre le processus de la moisson en route, avec son caractère discriminatoire ; et enfin la septième section montre la vengeance épouvantable sur l’apostasie religieuse. Parmi ces deux derniers actes de jugement, le premier, au moins, est exécuté par le Fils de l’homme, ce qui implique nécessairement que le siècle [la dispensation] est tout près de sa fin : c’est la colère, non pas de Dieu seulement, mais de l’Agneau.
Cette esquisse des voies finales de Dieu, en miséricorde ou en jugement, nous présente donc une septuple série. C’est parfaitement en harmonie avec le livre de l’Apocalyse. Nous avons déjà vu sept sceaux, sept trompettes, et il reste encore sept coupes. Ici aussi, bien que cela ne soit pas formellement compté, nous avons les voies de Dieu au nombre de sept, formant un récit complet. Quant aux détails des coupes donnés plus loin, nous les verrons après.
Quoique nous ne soyons pas le sujet de cette esquisse, n’est-ce pas une grâce d’éprouver que nous n’avons pas toujours besoin d’être occupés de nous quand nous lisons la Bible ? Beaucoup pensent qu’il est très spirituel de toujours se demander : Qu’y a-t-il ici pour moi ? Notre désir devrait être d’entrer dans toute la bénédiction que Dieu peut nous donner, et non pas de ne nous contenter d’une petite Tsoar (Gen. 19:20-22). « Ouvre ta bouche toute grande, et je la remplirai » dit l’Éternel (Ps. 81:10). Si je désire que ma coupe déborde, et être ainsi fortifié à Son service, je désirerai connaître tout ce que Dieu peut me dire au sujet de Christ. N’est-ce rien pour moi, et n’est-ce pas quelque chose de bon, que de savoir que Christ va avoir Son résidu au complet, non seulement lorsque la gloire sera là, mais avant même la gloire ; ce résidu Lui sera associé dans la souffrance, dans leur mesure, comme ce fut le cas de David lorsqu’il vint à la montagne de Sion ? Qui partagea alors ses honneurs ? ce fut ceux qui avaient été ses compagnons durant son rejet. Il en est de même de ces 144000. Ils n’auront pas la même gloire céleste que celle réservée à l’Église des premiers-nés ; car ou bien nous avons les meilleures bénédictions, ou nous n’en avons aucune. Tous les chrétiens sont maintenant placés dans les plus glorieux privilèges dont puissent jouir des enfants de Dieu. Quelles que soient les prétentions du monde, nous vivons dans un temps où Christ est complètement rejeté. Dieu désire que nous trouvions en Christ assez de trésor pour mépriser le monde, pour fouler aux pieds ses cadeaux. Le difficile, c’est de prendre la place de rejet de Christ, et d’y rester en s’y trouvant heureux.
Nous arrivons maintenant à une nouvelle division de ce livre. Les trois chapitres précédents (12 à 14) forment à eux seuls une section très importante : ils donnent toute l’histoire des voies finales de Dieu, et des dernières plans de Satan, pour ce qui concerne la dispensation actuelle. Et non seulement cela, mais avant même que soient développées les voies de Satan et les interventions de Dieu, ces trois chapitres nous révèlent la source cachée des unes et des autres. Nous avons vu au ch. 12 la naissance du fils mâle victorieux, et le dragon et ses anges précipités du ciel. Ensuite on trouve sur la scène, face à face, les deux grands partis avec leurs chefs respectifs opposés l’un à l’autre. Mais quels que puissent être les instruments de la puissance de Satan ici-bas selon le ch. 13, et quelles que soient les voies de Dieu dans Sa grâce ou dans Ses jugements au ch. 14, tout découle de ce fils mâle, l’objet de la terreur et de la haine de Satan.
Maintenant nous en venons à un sujet nouveau. Il avait été fait mention en 12:1, d’un grand prodige ou signe. Il est dit ici : « Et je vis dans le ciel un autre signe, grand et merveilleux, sept anges ayant sept plaies, les dernières ; car en elles, le courroux de Dieu est consommée ». Nous reprenons une fois de plus le fil des événements historiques. Vous vous rappelez qu’à la dernière trompette, il avait été dit : « Les nations se sont irritées, et ta colère est venue » (11:18). Or, je pense que ce qui doit naturellement frapper tout le monde, c’est qu’ici la colère de Dieu est venue, et que les nations ne sont pas seulement irritées, mais qu’elles blasphèment au plus haut degré. À chaque nouveau coup que Dieu frappe, au lieu d’amener l’homme à l’humiliation, cela ne fait qu’accroître son inimitié contre le Seigneur.
La septième trompette nous amenait jusqu’à la fin d’une manière générale, et ici nous avons certains détails, mais non pas tous. Ce n’est que plus bas que nous trouvons plus particulièrement deux des partis décrits sous les coupes : le ch. 17 traite de Babylone et de la bête dans leurs rapports mutuels ; le ch. 18, de la destruction de Babylone, et le ch. 19, du jugement de la bête.
Encore une autre remarque nécessaire. Le ch. 14 présente ces événements tous ensemble. Il s’agissait là de ce qu’on peut appeler les actes religieux de Dieu — Dieu agissant avec l’homme sur la terre comme responsable de l’usage ou de l’abus qu’il a fait de la lumière révélée, et responsable de reconnaître et de rendre hommage à Dieu seul. Les coupes prennent plutôt l’histoire civile extérieure ou la condition séculière de l’homme, quoique la même chose puisse dans certains cas avoir à la fois une portée religieuse et une portée séculière. Telle est, par exemple, Babylone : elle est évidemment la grande puissance corrompue et corruptrice en matière de religion ; mais cela n’empêche pas Babylone de se mêler largement aux affaires du monde. Et de fait, c’est là l’un des maux qui constituent Babylone — l’introduction de l’esprit du monde dans les questions spirituelles, produisant ainsi la confusion, odieuse pour Dieu et hautement séductrice pour les hommes. De là vient que nous trouvons Babylone au ch. 14 aussi bien qu’au ch. 16. Le ch. 14 donne un sommaire des voies de Dieu à la fin du siècle [ou : de la dispensation] dans le domaine religieux, qu’elles soient brillantes ou sombres : grâce, témoignage et jugement. Il nous est ainsi d’un grand secours que les événements de la fin soient rangés dans l’ordre où ils se passent. La chute de Babylone, par exemple, est le troisième maillon dans la chaîne du ch. 14. On voit d’abord le résidu complet des Juifs pieux sous la souffrance — un résidu saint, associé par grâce avec l’Agneau sur la montagne de Sion. Vient ensuite le témoignage de l’évangile éternel à la terre et à toutes les nations, et, en troisième lieu la chute de Babylone. D’un autre côté, dans la série des coupes, la chute de Babylone vient en dernier, au septième rang. Nous en concluons que les jugements représentés par les six premières coupes doivent précéder la chute de Babylone : c’est-à-dire, que les six premières coupes peuvent être successivement accomplies, tandis que le résidu juif est en train de se former, et que l’évangile éternel est diffusé auprès des nations. La dernière coupe implique la chute de Babylone, qui correspond au troisième maillon, et est elle-même ce troisième maillon dans la chaîne des événements du ch. 14. Ceci est important à remarquer pour prévenir toute confusion. L’avertissement touchant le culte de la bête, la déclaration relative au bonheur de ceux qui meurent au Seigneur, la moisson, et la vendange de la terre, sont des événements tous clairement postérieurs à la chute de Babylone.
Ayant dès lors la vue générale et ordonnée des voies de Dieu, tant en miséricorde qu’en jugement, nous apprenons au ch. 16 une partie de ces voies, les détails de certaines d’entre elles se rattachant à 14:8, et étant peut-être simultanés avec ce qui précède ce verset. Il ne faut donc pas supposer que les coupes sont postérieures au ch. 14 ; il est possible que les premières coupes soient versées tandis que le résidu du ch. 14:1 est en voie de formation, et que le témoignage est annoncé. Il se pourrait aussi qu’elles aient lieu rapidement après ces choses, et avant la chute de Babylone. Mais il est certain que la dernière coupe comporte la chute de Babylone, et cette chute précède d’une manière non moins évidente les événements solennels qui suivent l’annonce de cette chute et qui sont rapportée dans la dernière partie du ch. 14.
Considérons maintenant la scène qui sert d’introduction aux coupes.
« Et je vis comme une mer de verre, mêlée de feu ».
C’est là un type emprunté au temple, quoique avec certains
changements. Le tabernacle avait la cuve d’airain, et le temple sa mer de
fonte, un récipient plus grand, mais de même nature, dans lequel les
sacrificateurs avaient l’habitude de se laver les pieds et les mains avant
d’aller faire le service de l’Éternel. Ici c’est une mer de verre
, qui
ne peut donc servir à la purification. Ce n’était pas une mer d’eau, mais elle
était solide. Le fait qu’elle soit en verre indique un état de pureté ferme et
établie. Le verre n’est pas l’image de quelque chose qui sert à purifier, mais
l’image d’une pureté que rien ne peut souiller. Ces saints ne se trouvent plus
dans des circonstances où ils ont besoin d’être purifiés par le lavage d’eau
par la parole. Cet état de choses est fini. Maintenant c’est « une mer de
verre, mêlée de feu », ce qui montre clairement par quelles circonstances
ont passé ceux qui sont en relation avec cette mer. Ils ont subi la tribulation
ardente, ils ont glorifié Dieu dans les flammes. Il est clair que cela ne se
réfère pas à l’église. « Vous aurez de la tribulation dans le monde »
(Jean 16:33) est une parole qui s’applique à nous. Mais ce que nous avons ici
se rapporte à une tribulation spéciale, « la
tribulation »
dont l’Écriture parle fréquemment.
« Je vis comme une mer de verre mêlée de feu, et ceux qui avaient remporté la victoire sur la bête et sur son image » (il s’agit donc clairement de contemporains de la bête) « et sur le nombre de son nom, se tenant debout sur la mer de verre, ayant des harpes de Dieu ».
Ce dont il est parlé ici, n’est pas qu’ils se lavent dans la mer, mais qu’ils sont debout dessus. Ce qui les caractérise, ce sont leurs circonstances terrestres, mais la scène de conflit est désormais passée. L’Esprit de Dieu anticipe tout ce qui caractérise ceux qui auront été persécutés par la bête, mais ils sont considérés comme l’ayant vaincue. Ce sont des gens déjà purifiés ; ils en ont fini avec la scène présente, et en sont maintenant tout à fait en dehors. Ils se tiennent debout sur la mer de verre, et non seulement cela, mais ils ont « des harpes de Dieu » : autrement dit, ils sont occupés de la joie et de la louange divines, en contraste avec tout ce qu’ils ont traversé.
Je désire faire remarquer ici, quoique ce soit un petit détail,
qu’un petit membre de phrase doit être omis au v. 2. Selon le Texte Reçu et la
version autorisée (du Roi Jacques), le verset 2 dit : « Et ceux qui
avaient vaincu la bête, et son image, et sa marque
, et le nombre de son
nom ». Or le membre de phrase « et sa marque » n’a absolument rien à faire ici. La même chose se présente
au ch. 13:17. Le Texte Reçu et la version autorisée disent : « … que
personne ne peut acheter ni vendre, sinon celui qui a la marque, ou
le
nom de la bête, ou le nombre de son nom ». La vérité est que le petit mot
« ou » inséré avant « le nom de la bête » doit être
supprimé. La différence de sens est que « la marque » serait soit le
nom de la bête, soit le nombre de son nom. Or il n’y a pas de troisième chose
distincte de ces deux-là, comme le ferait supposer le Texte Reçu. La bête a
deux manières de marquer ses partisans ; l’une est de les marquer par son
nom, l’autre par le nombre de son nom ; cela n’aurait pas de sens de dire
« la marque, ou
le nom de la bête, ou le nombre de son nom ».
Le nombre constitue sa marque, quoique ce ne soit pas la seule ; il y a en
outre son nom ; ce dernier est, je suppose, plus intime et plus approprié
que l’autre manière de marquer.
Ici au ch. 15, il y a ceux qui ont remporté la victoire sur la bête, et sur son image, et sur le nombre de son nom. Dans la Bible anglaise, l’expression « et sur le nombre » est imprimé en italique, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion avec les mots « sur sa marque ». Je mentionne ces problèmes pour montrer que l’introduction par l’homme où que ce soit dans l’Écriture d’un mot même aussi petit que « ou » en altère le sens. Dans la langue [grecque] dont l’Esprit s’est servi, la différence ne porte que sur une seule lettre ; mais vous ne pouvez introduire ne serait-ce qu’une lettre dans la parole de Dieu sans porter atteinte à sa beauté et à sa perfection. Par la grâce de Dieu, il se peut qu’il ne soit guère fait tort à Ses enfants par de pareilles tares, mais c’est dû en partie à ce qu’ils n’y pensent pas assez. S’ils se mettaient à bâtir un système à partir de là, ils pourraient tomber dans bien des cas dans de graves erreurs. Mais heureusement (c’est ainsi que Dieu les protège dans Sa miséricorde), ils ne reçoivent pas la fausse doctrine ; ils ne savent pas ce qu’elle signifie, et la laissent donc de côté. Mais évidemment, il n’y a guère d’honneur pour Dieu à ce que des gens échappent à l’erreur simplement parce qu’ils ne la comprennent pas. C’est la miséricorde de Dieu de préserver ainsi les Siens du mal, mais c’est une action en puissance de Sa main plutôt que la direction intelligente de l’Esprit. Le Livre de l’Apocalypse a souffert plus qu’aucun autre de la négligence de l’homme ; et comme nous sommes occupés de son contenu, et qu’il est désirable que les enfants de Dieu aient des idées claires sur Sa parole, j’ai pensé qu’il valait mieux faire cette remarque, même si le sujet peut paraître mineur. Je me souviens avoir été moi-même dans un grand embarras pour découvrir la différence entre la marque de la bête et son nom et son nombre. Mais ayant examiné la question de plus près, j’ai trouvé qu’en fait il n’y avait rien à décider. Un petit renard était entré et avait ravagé la vigne (Cant. des c. 2:15). En bref, la marque n’est pas différente du nom ou de son nombre, mais c’est un terme général qui recouvre les deux — le nom exprimant probablement une soumission plus étroite et plus entière à la bête, que le nombre de son nom.
Ceux qui avaient remporté la victoire sur la bête, n’étaient pas ses créatures ou ses esclaves ; bien loin de cela, ils étaient les serviteurs de Dieu. On les voit ici se tenir conscients de leur victoire, en dehors de la scène de leurs combats, ayant les harpes de Dieu. Et ils chantent : c’est la louange intelligente.
« Ils chantent le cantique de Moïse, esclave de Dieu, et le cantique de l’Agneau ».
Leur louange a un double caractère, tout à fait différent du cantique des anciens. Elle est très bénie, mais ce n’est pas la même chose. Les accents des anciens avaient beaucoup plus de profondeur. Il n’est pas dit de ces saints qu’ils fussent sacrificateurs de Dieu, et encore moins des chefs de la sacrificature céleste ; ils ne portent pas non plus d’emblèmes de dignité royale. Ils chantent le cantique de Moïse. Ce sont de véritables saints, mais incontestablement avec un caractère juif. Ils chantent aussi le cantique de l’Agneau. S’ils ne connaissaient pas le Sauveur, ils ne seraient pas du tout des saints. Mais en même temps ils chantent le cantique de Moïse. Ils ne seront pas exactement dans la position chrétienne dont nous jouissons aujourd’hui. Ils se trouveront au milieu de circonstances d’épreuve, quand l’Église aura passé de la scène d’ici-bas au ciel. Mais le Seigneur aura encore une compagnie de saints qui souffriront pour Lui, même jusqu’à la mort ; car la bête a le pouvoir de tuer — et cela, peut-être, afin qu’ils aient la victoire sur elle par leur propre sang, aussi bien que par le sang de l’Agneau (bien sûr, seul le sang de l’Agneau a de la valeur pour le péché devant Dieu).
On les voit ici dans le repos, comme autrefois Israël chantant en triomphe de l’autre côté de la Mer Rouge — à quoi il semble y avoir une allusion, tout comme les plaies du chapitre 16 font allusion à celles dont fut frappée l’Égypte.
« Ils chantent le cantique de Moïse, esclave de Dieu, et le cantique de l’Agneau, disant : Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur, Dieu, Tout-puissant ! justes et véritables sont tes voies, ô Roi des nations ! » (15:3).
Or au Ps. 103:7, nous voyons que le Saint Esprit fait ressortir
deux choses : les voies
de l’Éternel et Ses actes
. « Il
a fait connaître ses voies
à Moïse, et ses actes
aux fils
d’Israël ». Une distinction est faite entre les voies
profondes et
cachées de l’Éternel que Moïse connaissait, et les actes
publics
visibles de tout Israël. Ici en Apoc. 15, ces saints
ne s’occupent pas premièrement des voies
de Dieu, mais des œuvres
manifestées : « Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur,
Dieu tout-puissant » ; et ils s’élèvent ensuite à la célébration de
ses voies : « justes et véritables sont tes voies, ô roi des
nations ».
« Ô, Rois des nations » : c’est bien ainsi qu’il
faut lire ce verset 3 ; l’expression « Roi des saints
»
du Texte Reçu et de la version autorisée (du Roi Jacques) est chose entièrement
inconnue dans toute la Bible. Mais l’expression « Roi des nations »
est tout à fait correcte. Elle fait allusion à Jérémie 10:6 : « Tu es
grand, et ton nom est grand en force. Qui ne te craindrait, Roi des
nations ? »
Je désire montrer l’enseignement général de l’Écriture à ce
sujet. Certes Christ est Roi, et même « Roi des rois et Seigneur des
seigneurs », et c’est notre joie de le reconnaître (car en effet les
chrétiens sont les seules personnes aujourd’hui qui savent justement que le
Seigneur Jésus Christ est Roi). Cependant il est remarquable que le Saint
Esprit évite de L’appeler Roi en rapport avec l’Église. Je suis bien conscient
que des cantiques bien connus L’appellent « notre Roi », et
l’Écriture L’appelle fréquemment Roi, mais elle ne Lui donne jamais ce titre
dans Sa relation avec nous
. Naturellement le but de la parole de Dieu
n’est pas d’affaiblir notre soumission à Christ. Tout ce qui tend à l’affaiblir
ne vient pas de l’Esprit, mais de Satan. Mais il est clair que la relation de
roi avec ses sujets n’est pas aussi étroite, aussi intime, et elle n’embrasse
pas aussi pleinement toute chose dans son autorité, et elle n’implique pas non
plus autant d’affection, que la relation d’Époux à épouse, ou de Tête à corps.
Or c’est là la relation dans laquelle l’Écriture envisage l’Église. Il y a la
soumission la plus profonde et la plus constante, mais c’est celle des membres
à leur Tête, de l’épouse à l’Époux. C’est ainsi que l’Église est soumise à
Christ. Il est vrai que nous sommes transportés dans le royaume du Fils de
l’amour du Père (Col. 1:13), mais à quel titre ? Il nous a fait rois
dans
ce royaume. C’est effectivement ainsi que nous sommes présentés en train de
chanter au ch. 1 : « À celui qui nous aime, et qui nous a lavés de nos
péchés dans son sang, et nous a faits rois et sacrificateurs pour son Dieu et
Père » [note Bibliquest : la version JND
donne « nous a faits un royaume », voir toutefois 2 Tim. 2:12 et Apoc. 4:4].
Quoiqu’il soit donc parfaitement certain que nous sommes
dans le royaume, nous n’y sommes pourtant pas en tant que sujets, même si nous
sommes assurément sujets. C’est une joie pour nous de reconnaître Christ comme
notre Seigneur, Lui dont la grâce nous a faits rois avec Lui, et non pas
simplement comme un peuple tenu à distance sous Lui. Cela n’affaiblit en aucune
manière notre responsabilité de Lui obéir, pas plus que cela ne Lui ôte rien de
Sa gloire. Cela nous met dans la position de nous montrer obéissants en vertu
d’un principe plus ferme et selon des motifs plus élevés ; et cette
position n’est pas la faiblesse de la chair sous la loi, mais le cœur purifié
par la foi et fortifié par la grâce. Christ nous remplit du sentiment de la
gloire, cette gloire de laquelle nous sommes cohéritiers avec Lui. Il nous
élève en espérance jusqu’au trône, mais l’effet en est que, même dans le ciel,
nous nous prosternerons et nous jetterons nos couronnes devant Lui. Il aime que
notre obéissance prenne, pour ainsi dire, la forme de l’adoration.
Nous voyons par là comment le Seigneur maintient intactes ces deux choses. D’un côté, il prend son plaisir à ce que nous sachions et que nous considérions que le Seigneur Jésus est toujours infiniment au-dessus de nous ; et d’un autre côté, Christ nous a déjà donné maintenant les arrhes de l’Esprit, et nous établira bientôt par une possession effective sur des trônes. Il peut ainsi faire voir que nous Lui sommes associés non pas simplement comme serviteurs, ni comme les sujets de Son peuple, mais par l’effet de son amour parfait et divin ; car nous sommes un avec Lui. Il veut nous placer sur des trônes autour de Lui — sur son propre trône (3:21) ; mais même dans cette position, la sujétion à Christ ne peut jamais disparaître : il n’y aura jamais autre chose, ni dans le royaume ni dans l’état éternel. Où que vous regardiez, jamais l’Église ne pourra oublier ce qu’elle doit à son Seigneur et Époux, au point de désirer qu’il en soit autrement. Ce serait abuser de Sa grâce, Lui ôter quelque chose de Sa gloire, et l’Église doit le ressentir. Si les anciens se prosternent devant l’Agneau et l’adorent simplement pour L’avoir vu prendre le livre, à combien plus forte raison la pensée de Lui porter atteinte par la moindre indignité doit susciter les sentiments les plus vifs d’horreur et d’indignation. L’Église peut être aimée, et est aimée de Christ : mais prétendre d’une manière quelconque à se mettre sur un terrain d’égalité avec Lui, serait manifester cet esprit de l’antichrist, « duquel nous avons ouï dire qu’il vient, et déjà maintenant il est dans le monde ».
« Justes et véritables sont tes voies, ô roi des nations ». Si je comprends bien, la raison pour laquelle les « nations » sont introduites ici, c’est que ces coupes vont être versées tout spécialement sur les Gentils (= nations). Sous les trompettes, et aux ch. 12 à 14, les Juifs, ou au moins le résidu juif, sont apparus comme les objets particuliers de la miséricorde de Dieu selon l’alliance. L’expression même de 11:19 « l’arche de son alliance » fait le lien avec cette nation, car c’est avec elle que l’alliance a été faite. C’est pourquoi nous avons vu qu’au chapitre suivant (ch. 12) la femme représente Israël. Puis nous avons eu le résidu de Juifs pieux (ch. 14). Mais à présent ces saints célèbrent les voies justes de Dieu envers les Gentils ou nations. Il est Roi des nations, non pas seulement des Juifs. Les relations juives apparaissent dans les deux cas, mais ce sont des visions distinctes, introduites chacune par un signe très différent.
« Qui ne te craindrait, Seigneur, et qui ne glorifierait ton nom ? Car seul tu es saint ; car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés » (15:4 ; note Bibliquest : JND traduit « faits justes » au lieu de « jugements »)
Le mot employé ici pour « saint », n’est pas le terme habituel. C’est celui dont l’Écriture se sert là quand elle parle des grâces de David, et le terme hébreu correspondant se retrouve souvent dans les Psaumes. Car en grec comme en hébreu, il y a deux mots pour exprimer la sainteté. Le terme ordinaire pour « saint » se trouve par exemple en Apoc. 4 : « Saint, saint, saint Seigneur Dieu tout-puissant ». Il implique toujours la séparation du mal, une séparation absolue. La sainteté dont il est parlé ici (ch. 15), implique la miséricorde, ce qui est une toute autre pensée. Il va être question des coupes, et la première pensée serait : « Que c’est terrible ! » La colère de Dieu va s’exécuter ». Mais qui et quel est ce Dieu dont la colère va être consommée ? C’est Celui dont la sainteté est pleine de miséricorde : « Toi seul es saint ». C’est la sainteté de miséricorde. « Car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi ; parce que tes jugements ont été manifestés ». Leur regard perce à travers les jugements, et ils voient la fin du Seigneur, et la fin est toujours que « l’Éternel est plein de compassion et miséricordieux » (Jacq. 5). De sorte que, quoiqu’il en soit de cette tempête de jugement qui va éclater, ils contemplent la fin depuis le commencement, et en conséquence ils célèbrent la sainteté de Celui qui, dans le jugement, se souvient de la miséricorde (Hab. 3:2).
Sans aucun doute, il faut que la colère ait cours, et Dieu ira
jusqu’au bout, d’autant plus que le premier déversement de cette colère ne fait
qu’endurcir les hommes davantage. Mais remarquez qu’il n’est pas question ici
de Christ, et il n’y a rien ici qui rappelle la colère de l’Agneau, pas même
dans les pensées des hommes : c’est la colère de Dieu
. Au ch. 14,
celui qui moissonne est le Fils de l’Homme ; mais ici Dieu agit selon ce
qui Lui revient, avant que Christ descende du ciel pour exécuter la colère.
Ceci montre que les coupes s’achèvent avant que commencent les jugements finaux
du ch. 14, parce que la fin du chapitre nous montre le Fils de l’Homme venant
Lui-même exécuter le jugement.
Ils peuvent donc bien dire, en regardant en haut : « Seigneur, qui ne te craindrait ?… Car tu es saint, toi seul ; car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés » (15:4).
Autre vérité importante : nous lisons en Ésaïe 26:9-10, qu’aussi longtemps que Dieu agit en grâce, que fait l’homme ? Il en prend avantage et refuse d’apprendre la justice. Mais le temps vient où le Seigneur lèvera Son bras en jugement ; et qu’en résultera-t-il ? « Lorsque tes jugements sont sur la terre, les habitants du monde apprennent la justice ». Il en est de même ici : « Toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés ». Tel sera en définitive le résultat.
Le prophète regarde de nouveau, « et le temple (*) du tabernacle du témoignage dans le ciel fut ouvert » (15:5). Remarquez la différence. Au verset 11:19 (qui introduit la scène des ch. 12 à 14 avant les coupes), le temple fut ouvert dans le ciel, et on y voyait l’arche de l’alliance de Dieu, tandis qu’ici on ne voit pas d’arche. Là elle était le gage de la fidélité assurée de Dieu, de l’immutabilité de ses conseils à l’égard de son peuple d’Israël. Mais ici il est question de Ses ennemis plutôt que de Son peuple, et il n’y a rien sinon le tabernacle du témoignage, et celui-ci est inauguré, pour ainsi dire, par des jugements sur les hommes de la terre. Il est ouvert pour l’effusion de la colère, et non pour les triomphes de l’évangile. C’est le témoignage judiciaire de Dieu sur la condition de l’homme.
(*) « Naos » est toujours employé exclusivement dans l’Écriture pour désigner le temple intérieur, les lieux saints.
L’homme est coupable : que peut-il en résulter ? « Les sept anges sortirent du temple ». Et, chose terrible à dire, ils sortent du lieu où maintenant on ne voit point d’arche. Quel en serait, quel en est l’effet ? Rien d’autre que la colère, et une colère d’autant plus terrible qu’elle procède du sanctuaire ? Ils « sortirent du temple ayant les sept plaies ». C’est là tout ce que Dieu peut faire pour l’homme maintenant.
« Vêtus d’un lin pur et éclatant et ceints sur leurs poitrines de ceintures d’or. Et l’un des quatre animaux » — les principaux agents qui président à l’exécution des jugements providentiels de Dieu — « donna aux sept anges sept coupes d’or ». Le mot signifiant « coupe » est tiré des vases servant à verser les libations devant l’Éternel. Hélas, il ne s’agit pas maintenant de libations, mais de colère descendant de la part de Dieu.
« Sept coupes d’or pleines de la colère de Dieu qui est vivant aux siècles des siècles. Et le temple fut rempli de la fumée qui procédait de la gloire de Dieu et de sa puissance, et personne ne pouvait entrer dans le temple jusqu’à ce que les sept plaies des sept anges fussent consommées ». Ainsi, il n’y a plus possibilité maintenant de rendre culte à Dieu ou d’intercéder. C’est en vain que quelqu’un essaierait d’entrer dans le temple : la fumée du feu de la juste colère de Dieu le remplit, — la fumée prouve que le feu est là. Absolument personne ne peut entrer, pas même un sacrificateur. Nul ne peut approcher maintenant : la colère, la fumée du jugement remplit le temple. C’est comme à Sinaï où l’on voyait la fumée montant de la montagne comme la fumée d’une fournaise ; ou encore, comme au Psaume 18 : « Une fumée montait de ses narines, et de sa bouche sortait un feu dévorant ». De même dans notre chapitre, on a l’image de la majesté de Dieu offensée, et dressée contre le péché. Rien de ce à quoi Dieu regardait ici-bas ne fait appel à Sa miséricorde en faveur des hommes. Le temps de l’intercession est passé. En conséquence, les jugements ont leur cours, et la colère de Dieu est consommée (15:6-8).
Je m’étendrai un peu sur les détails des jugements de Dieu du ch. 16. C’est un sujet douloureux et humiliant, quand nous pensons que telle est la fin déclarée des progrès tant vantés de l’homme. J’essaierai de jeter un bref coup d’œil sur ces sept plaies.
« Et j’ouïs une grande voix venant du temple, qui disait aux sept anges : Allez, et versez sur la terre les sept coupes du courroux de Dieu » (16:1).
La colère n’est plus restreinte au tiers ou au quart, mais la scène tout entière est livrée au jugement. Il n’y a pas seulement un accroissement de sévérité, mais tout ce qui a eu autrefois la lumière de Dieu, et a joui largement de privilèges extérieurs, est en apostasie complète, et est livré à Sa colère.
« Et le premier s’en alla et versa sa coupe sur la terre ; et un ulcère mauvais et malin vint sur les hommes qui avaient la marque de la bête, et sur ceux qui rendaient hommage à son image. Et le second ange versa sa coupe sur la mer » etc.
Les quatre premières coupes ressemblent aux trompettes en ce que les unes et les autres tombent sur la terre et sur la mer, sur les fleuves et sur les fontaines d’eaux, et finalement sur le soleil. On peut trouver quelques différences ; par exemple, à la quatrième trompette, seul le tiers du soleil fut frappé. Ici, il est dit simplement : « Le soleil ». Néanmoins, il s’agit de la même sorte de sphère.
De plus, je pense que les objets de ces plaies, la terre, la mer, etc., ne doivent pas être pris simplement au sens littéral. Le langage est symbolique. Ce n’est pas que j’éprouve, dans mon esprit, la moindre difficulté à croire que Dieu ne puisse exécuter ces choses d’une manière littérale, si telle est Sa volonté. Il a bien changé les eaux d’Égypte en sang, rempli de ténèbres un royaume, et infligé des plaies semblables à celles que nous avons ici : de sorte qu’il n’y a aucune difficulté à concevoir que la même chose recommence. Mais la seule question est de savoir si c’est cela que nous devons retirer de ce chapitre. Je pense que non, et je crois que Dieu fait ici allusion à des plaies, qui autrefois ont été littérales en Égypte, mais qui maintenant sont rappelées symboliquement, pour représenter certains jugements de Dieu.
En premier lieu, ce sont les parties du monde stables et en ordre qui sont frappées comme d’une maladie ulcéreuse, là où les hommes sont caractérisés par leur assujettissement au pouvoir civil apostat et par leur idolâtrie.
Ensuite, il y a un jugement sur la mer, c’est-à-dire sur les régions extérieures, là où la profession de vie est tout à fait éteinte.
Le troisième objet du jugement se sert des fleuves pour représenter, ce me semble, des peuples de nationalités distinctes, comme des eaux qui coulent dans des canaux distincts sous une influence locale particulière. Les fontaines désigneraient plutôt les sources de la prospérité d’une nation. Tous les principes actifs revêtent la forme de la mort. Le troisième jugement s’applique à des détails moindres que les précédents. Le quatrième jugement concerne l’autorité suprême publique.
Aux versets 5-7, pour avoir la force et la clarté complètes du passage, il faut lire : « Tu es juste, toi qui es et qui étais, le Saint, » etc. J’ai fait remarquer (au ch. 11) que les mots : « et qui seras » étaient absolument sans portée ici, et que l’expression « le Saint » est appuyée par les meilleurs témoignages. C’est la même expression qui se rencontre au verset 16:4 — avec le terme le moins usité pour « saint ». Avant que ces coupes soient versées, Dieu est célébré selon Sa sainteté miséricordieuse.
« Tu es juste ». Cela est évident, car Dieu verse Sa colère sur les hommes dans leur iniquité précisément parce qu’Il est juste. Mais il y a plus que cela : « Qui es et qui étais, le Saint ». Avant que les coupes soient versées, et pendant qu’elles sont versées, cela demeure vrai. L’ange des eaux atteste la grâce de Dieu, quand Il est en train de juger, alors qu’on aurait pu penser que c’est contradictoire. Lui aussi, d’en bas, répond au cantique en haut. Si les saints qui se tiennent en repos sur la mer de verre, célèbrent Dieu comme étant miséricordieux dans Sa sainteté, l’ange le confirme.
« Car ils ont versé le sang des saints et des prophètes, et tu leur as donné du sang à boire ; ils en sont dignes » (16:6).
Il s’agit d’une juste rétribution ; ils sont dignes dans un
sens terrible. « Et j’entendis » (non pas une autre voix venant du
côté de l’autel, mais « j’entendis l
’autel
disant »
(16:7). Il peut paraître extraordinaire que l’autel parle, et sans aucun doute
d’autres mots ont été ajoutés dans certaines copies ou traductions parce que
les gens trouvaient ce langage trop étrange. Mais il n’y a là rien de contraire
à l’usage prophétique, si on le prend au sens symbolique. Personne ne voudrait
insérer intentionnellement une difficulté dans l’Écriture, mais il est
tellement commun de chercher à éliminer ce que l’on ne comprend pas dans la
Parole, afin de le mettre en accord avec les modes de pensée ordinaires !
D’autres passages de la Parole nous préparent à considérer cette expression comme familière. Au ch. 9:13, il est dit : « Et j’entendis une voix sortant des quatre cornes de l’autel d’or qui est devant Dieu ». Ici (16:7) la figure va plus loin : la voix est attribuée à l’autel lui-même. Pour moi, cela confirme ce que nous avons plusieurs fois remarqué, que les hommes sont tellement impropres à s’immiscer dans la teneur de l’Écriture, alors qu’ils sont justement enclins à s’y immiscer. L’expression « j’entendis l’autel disant » possède une grande force. Au ch. 6 on avait sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été « égorgés pour la Parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient rendu ». Or ici, cet autel qui avait rendu témoignage au sujet de leur sang versé, c’est lui qui crie à Dieu et qui reconnaît que Ses jugements sont véritables et justes. Dans la Genèse (ch. 4) il est parlé de la terre qui crie à Dieu au sujet du sang d’Abel ; à combien plus forte raison l’autel ne doit-il pas crier au sujet du sang des saints martyrs pour Dieu ! Je pense que cette expression est extraordinairement appropriée. Si cette parole avait été simplement exprimée par un ange, cela aurait été un lien relativement distant ; car un ange, même s’il sert en faveur de ceux qui vont hériter du salut, n’entre pas aussi directement dans leurs souffrances, et on peut à peine dire qu’il éprouve directement de la sympathie pour eux. Or Dieu a non seulement vu les os de ses saints égorgés, dispersés sur les froides montagnes, comme s’expriment les poètes, mais Il considère en outre Ses saints comme autant d’holocaustes s’élevant devant Lui, et dont le sang, ou plutôt l’autel qui en est témoin, réclame l’indignation et la colère. Le Seigneur peut paraître sommeiller pour un temps ; mais quand Il se réveillera, comme on se réveille du sommeil, Il vengera certainement leur sang sur ceux qui habitent sur la terre. Or maintenant ce temps est proche. La grande Babylone n’est pas encore venue en mémoire devant Dieu, quoiqu’elle ait été dès le commencement la corruptrice par excellence de la vérité, et qu’elle soit enivrée du sang des saints. Mais entre temps, l’autel ne peut pas se tenir en repos, et le Seigneur entend et écoute. Car le Dieu qui tient compte des soupirs de la création répondra sûrement au cri de l’autel concernant Ses égorgés.
« Et le quatrième versa sa coupe sur le soleil ; et il lui fut donné de brûler les hommes par le feu » (16:8).
C’est un jugement sur le soleil, figure du gouvernement suprême ; de sorte que ce qui aurait dû être un instrument de lumière et de bien-être, le grand luminaire destiné à dominer sur le jour (Gen. 1:16), devient maintenant l’instrument pour brûler les hommes par le feu. L’effet de sa tyrannie est insupportable.
« Et les hommes furent brûlés par une grande chaleur ; et ils blasphémèrent le nom de Dieu qui a pouvoir sur ces plaies, et ils ne se repentirent pas pour lui donner gloire » (16:9).
« Et le cinquième versa sa coupe sur le trône de la bête » etc. (16:10).
Nous entrons maintenant dans une catégorie de jugements quelque peu différente ; car les trois dernières coupes diffèrent des quatre premières, tout comme les trois dernières trompettes ont un caractère différent des autres ; et il en est de même pour les sceaux. Il est évident que les cinquième, sixième et septième coupes sont à part des quatre précédentes. Le jugement tombe sur le trône de la bête et sur son royaume, non pas sur la bête elle-même, qui n’est apparemment pas atteinte par ces coupes. Elle est réservée pour le jugement par le Seigneur Jésus Lui-même à Sa venue, et sera détruite par Son apparition. Ici le coup ne frappe que le siège de son autorité ; et de même qu’autrefois le Pharaon fut endurci, pareillement ici les hommes blasphèment contre le Dieu du ciel et ne se repentent pas de leurs œuvres (16:11). Lorsque Dieu se manifestera comme le Dieu de la terre, une telle repentance ne sera plus possible.
« Et le sixième versa sa coupe sur le grand fleuve Euphrate ; et son eau tarit, afin que la voie des rois qui viennent de l’orient fût préparée » (16:12).
L’Euphrate était la grande limite orientale de l’empire romain, la limite reconnue jusqu’à laquelle les Romains avaient étendu leurs conquêtes ; de sorte que le dessèchement du fleuve semblerait signifier que ce côté oriental de l’empire serait laissé ouvert comme un passage par lequel les puissances d’Orient viendraient se mélanger avec celles de l’Occident, ou bien les assaillir. Un des effets de cette coupe serait donc de déplacer la barrière orientale, pour que la voie des rois qui viennent de l’orient soit ainsi préparée, probablement pour les grands conflits de la fin.
Mais il y a plus que cela.
« Je vis sortir de la bouche du dragon, et de la bouche de la bête, et de la bouche du faux prophète, trois esprits immondes comme des grenouilles » (16:13).
Ceci précède juste la fin. Ces esprits immondes procèdent de la bouche des trois puissances que nous avons vues au ch. 13 : le dragon, l’ennemi déclaré de Christ ; la bête, l’empire Romain rétabli ; et le faux prophète, la bête au caractère ecclésiastique, qui a deux cornes comme un agneau, c’est-à-dire qui imite la puissance de Christ, mais qui est présentée ici seulement sous le caractère religieux trompeur. « Car ce sont des esprits de démons faisant des miracles, qui s’en vont vers les rois de la terre habitée toute entière, pour les assembler pour le combat de ce grand jour de Dieu le Tout-puissant » (16:14). Ceci confirme ce que je viens de dire au sujet de l’Euphrate. C’est une collision générale des rois de tout le monde habitable. Ce ne sont pas seulement les puissances d’occident qui sont déployées pour la guerre, mais aussi celles d’orient. C’est le grand jour.
Mais nous arrivons maintenant à une parenthèse importante. Comme on l’avait déjà vu à propos du sixième sceau et de la sixième trompette, de même nous avons ici une interruption.
« Voici, je viens comme un voleur. Bienheureux celui qui veille, et qui garde ses vêtements, afin qu’il ne marche pas nu et qu’on ne voie pas sa honte » (16:15).
C’est le Seigneur qui vient, mais il vient alors en jugement pour surprendre la terre ; et c’est la raison pour laquelle cette image est utilisée. Le voleur vient d’une manière inattendue et importune, mais la venue du Seigneur sera encore bien plus désagréable pour la terre. Il y aura des saints pour lesquels elle sera bienvenue, et à qui Son apparition apportera la délivrance par le jugement de leurs ennemis. Et il est enjoint à ces saints-là de veiller de près dans la vie quotidienne. « Voici, je viens comme un voleur ». Ce n’est pas la manière dont le Seigneur se présente à nous, sauf quand Il nous dit comment Il apparaîtra au monde et à la masse professante qui y est plongée. Lorsque c’est à nous qu’Il s’adresse, Il dit : « Je viens bientôt, tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne » (3:11). Combien cette parole est beaucoup plus précieuse ! L’idée de venir comme un voleur implique la notion de surprise. Pour nous, il viendra comme un Seigneur plein de grâce, qui aime que nous trouvions le repos de nos affections et notre gloire en Lui et avec Lui : telles sont notre portion et notre espérance propres. Ici, il ne s’agit pas d’enlèvement au ciel, mais de délivrance juive par le moyen du jugement.
Puis, après la fermeture de la parenthèse, il est dit : « Et il les assembla (*) au lieu appelé en hébreu : Armagédon ». Il pourrait paraître singulier qu’il soit dit : « Il les assembla », car au verset 14 ce sont les esprits immondes, ou esprits de démons, qui sortent pour assembler les rois de la terre. En voici la raison. Dans la langue utilisée par le Saint Esprit, on peut traduire aussi bien « il assembla » ou « ils assemblèrent ». C’est là l’un des cas de cette langue où il y a doute pour savoir s’il faut comprendre « Il » ou « ils ». Le mot « démons » est de telle nature que le verbe dont il est sujet peut être aussi bien au singulier qu’au pluriel. Ici le sujet n’est pas exprimé, de sorte que le choix reste : tout dépend du sens du contexte. Si on traduit : « Il assembla », il s’agit de Dieu le Tout-puissant dont on dit qu’Il fait la chose en faisant intervenir ces esprits immondes. Si on traduit : « ils assemblèrent », cela signifie simplement que les esprits de démons ont accompli ce pour quoi ils étaient envoyés : au verset 14, ils vont pour assembler les rois, et au verset 16 les rois sont assemblés.
(*) note Bibliquest : La traduction française J.N. Darby donne « ils les assemblèrent »
Le lieu de rassemblement mentionné ici, appelé en hébreu Armagédon, est, je pense, une allusion à Juges 5:19. « Les rois sont venus ; ils ont combattu ; les rois de Canaan ont alors combattu à Thaanac près des eaux de Meguiddo ». Ce n’est pas que Meguiddo fût un lieu de grande étendue ou de grande notoriété. Dieu regarde au principe en jeu. Israël était dans un bas état. Il y avait une prophétesse dont l’Éternel s’est servi pour leur inspirer du courage, et une fois encouragés par elle, ils ont remporté une grande victoire sur leurs ennemis.
Le même lieu est mentionné en 2 Chron. 35:22, où Josias reçut sa blessure mortelle en combattant contre le roi d’Égypte. Mais je doute que ce soit à cet incident que l’Esprit de Dieu fasse allusion ici. Car ce qui se rattache à Meguiddo au temps des Juges, c’est un souvenir de joie et de triomphe pour Israël ; Meguiddo au temps de Josias, fut un lieu de tristesse : tout Juda et Jérusalem menèrent deuil sur Josias ; ce fut le deuil d’Hadadrimmon dans la vallée de Meguiddo (Zach. 12:11) qui historiquement parlant fut à l’origine du livre des Lamentations.
Pour cette raison, je crois qu’Armagédon (c’est-à-dire la montagne de Meguiddo) ne se rapporte pas ici à la douleur de Juda en rapport avec Josias en 2 Chroniques, mais au rassemblement et à la défaite des rois Gentils dans le livre des Juges. Car il s’agit ici du Seigneur qui abat les nations. Il a été reconnu comme Roi des nations en Apoc. 15, c’est pourquoi il ne serait guère approprié de faire d’Armagédon une allusion au temps où le pieux monarque Juif fut mis à mort par un Gentil ; tandis qu’y voir un rapprochement avec le jour où Israël a été conduit à la victoire, même par une femme, convient bien à la scène décrite ici, où les rois du monde entier sont assemblés pour une destruction plus terrible.
Quelques mots suffiront au sujet de la dernière coupe.
« Et le septième versa sa coupe dans l’air : et il sortit du temple du ciel une grande voix procédant du trône, disant : C’est fait » (16:17).
Ce jugement-ci est plus pénétrant et affecte plus les hommes et leur respiration de vie qu’aucun des jugements précédents. Il atteint l’air si indispensable à l’existence de l’homme. Symboliquement, c’est un jugement sur quelque chose d’aussi essentiel à la vie et au bien-être des hommes que l’air que nous respirons. Tout est terminé pour ce qui concerne la colère de Dieu répandue par le moyen des coupes.
« Et il y eut des éclairs, et des voix et des tonnerres ; et il y eut un grand tremblement de terre, un tremblement de terre tel, qu’il n’y en a jamais eu de semblable depuis que les hommes sont sur la terre. Et la grande ville fut divisée en trois parties, et les villes des nations tombèrent ».
Il s’opère une vaste convulsion dans les associations civiles, une convulsion sans pareille, ne renversant pas seulement ce qui est appelé « la grande ville » (c’est-à-dire tout ce qui était stable dans l’empire Romain), mais encore les villes des nations. Autrement dit, c’est la ruine de tout ce que les nations en dehors de l’empire romain avaient édifié au point de vue politique. Et qui plus est, la grande Babylone, cette contrefaçon de l’Épouse, ce système de mal religieux jusqu’ici entouré de succès, la mère des prostituées et des abominations de la terre, Babylone la grande, — c’est elle qui vient en mémoire devant Dieu, pour recevoir de Lui la coupe du vin de la fureur de Sa colère. Cette expression de Babylone la grande, a plutôt trait au caractère moral, à l’idolâtrie (cf Dan. 4:30).
« Et toute île s’enfuit, et les montagnes ne furent pas trouvées. Et une grande grêle, du poids d’un talent, descend du ciel sur les hommes, et les hommes blasphémèrent Dieu », etc (16:20, 21).
Il n’est pas nécessaire que je m’étende particulièrement sur
l’explication fournie par les principaux défenseurs de l’interprétation
historique. M. Elliott applique le tourbillon de
grêle à quelque terrible châtiment de la France, le plus au nord des pays
papistes, — de manière analogue à ce qu’il avait allégué pour les jugements
« moindres », comme il disait, de la septième trompette. Et cette
opinion est encore retenue dans le texte des Horae Apoc. vol. 4, p. 23. Mais dans une
note, il admet que plusieurs commentateurs préfèrent l’appliquer à la puissance
Russe. « En revoyant mon ouvrage, dit-il, et en comparant cette prophétie
avec Ézéchiel 38 et 39, qui semble indiquer la participation de la Russie au
grand conflit prémillénial, ainsi que cela sera
exposé à la fin de mon prochain chapitre, je ne puis qu’incliner vers la même
vue. Je remarque que la grande grêle est dite ici tomber après
non avant
la division de la ville en trois parties ». Ayant déjà indiqué ma façon de
voir sur le cas similaire d’Apoc. 11:19, et ayant
montré l’erreur qu’il y a à relier ce verset à la septième trompette (comme le
font ces écrivains), il me suffira de remarquer que le parallèle avec Ézéchiel
est particulièrement malheureux, parce que, dans ce prophète, la scène est la
Palestine, non pas l’empire papal ou l’occident ; et parce que l’affaire
ne se termine pas par un fléau infligé aux autres, et le blasphème contre Dieu
en conséquence, — mais la scène d’Ézéchiel se termine par la déroute complète
du prince de Rosh, Méshec
et Tubal avec sa nombreuse multitude, et Dieu est
sanctifié par cela même. « Et j’entrerai en jugement avec lui par la
peste, et par le sang ; et je ferai pleuvoir une pluie torrentielle sur
lui, et sur ses bandes, et sur les peuples nombreux qui sont avec lui, et des
pierres de grêle, du feu et du soufre » (Éz
38:22). Ainsi, c’est Dieu qui frappe de grosses
pierres de grêle l’envahisseur russe, et non pas lui qui frappe les autres de
cette manière. « Je me glorifierai, et je me sanctifierai (ce n’est donc
pas des hommes qui blasphèment Dieu à cause du fléau de la grêle) et je serai connu
aux yeux de beaucoup de nations ; et elles sauront que je suis
l’Éternel » (Éz. 38:23). En vérité, le lecteur
n’a simplement qu’à examiner le contexte du prophète juif, pour comprendre
l’absurdité qu’il y a à relier la scène d’Ézéchiel avec la grêle de la septième coupe. Car les Juifs, et même Israël
envisagé dans son ensemble, sont supposés être restaurés en ce temps-là, et
unis à leur pays, Gog ne l’envahissant que par soif de conquête. Il n’y a
aucune raison de penser que tel soit le cas sous les coupes. M. Elliott non
plus n’en juge pas ainsi, si je comprends bien ses remarques sur le premier
« Alleluia » d’Apocalypse au ch. 19 — il le
considère comme une indication de la conversion des Juifs après la catastrophe
finale de Babylone, lorsque la dernière coupe a été versée et a déterminé le
temps de sa destruction.
Avant que Dieu établisse Son dessein en puissance, on voit déjà un accomplissement moral à l’œuvre, soit dans Son peuple soit dans le monde. Ainsi par exemple, si Dieu doit produire une séparation de Son peuple par le jugement selon le ch. 15, je ne doute pas que déjà maintenant les Siens ne soient par grâce mis à part par l’Esprit de Dieu. Si par ailleurs, le cœur des hommes doit être frappé d’une énergie d’erreur, au point que même les jugements de Dieu ne feront qu’aggraver le mal selon toute apparence, quelque chose d’analogue s’opère de nos jours. N’est-ce pas un signe effrayant, que des chrétiens, en face de paroles telles que celles-ci, puissent attendre quelque amélioration réelle des choses dans l’état où elles sont actuellement ? Ici nous avons la véritable scène de la fin, dévoilée par le Seigneur après que tous les efforts et toutes les vanteries des hommes aient eu leur cours. Les parties de la terre les plus favorisées, son centre moral et civilisé, seront remplies d’apostasie, et c’est là que la colère de Dieu doit s’achever. Ceci doit avoir lieu avant que le Seigneur Jésus vienne en gloire pour établir Son royaume, car c’est Lui en personne qui s’occupera de la bête. Sous les coupes, Dieu châtie dans Sa colère. Mais quel en est l’effet ? Les hommes blasphèment Dieu. Au lieu de se repentir, ils vont en empirant à chaque pas.
C’est une chose terrible que de voir ce mal se répandre moralement sur le monde ; mais par ailleurs, le Seigneur met aussi à part pour Lui, par la foi et l’amour. Puissions-nous tenir ferme la grâce ! Nous en aurons besoin. C’est le seul lieu où il n’y a pas seulement des privilèges, mais de la sécurité. Que penserions-nous de quelqu’un qui voudrait n’aller que jusqu’au point permettant de ne pas être pas perdu, — un homme qui désirerait être sauvé, mais tout en pratiquant le péché autant qu’il voudrait, pourvu qu’il échappe à la fin ? Or comme le Seigneur met à part au moyen de l’affection individuelle pour Lui-même, là où il y a de la foi, ainsi voyons-nous l’inverse de cette séparation là où la foi fait défaut. Dieu livre les hommes à une énergie d’erreur, et tout ce qu’Il opère en matière de jugements ne fait que les endurcir. Cela a déjà lieu de manière préparatoire : les hommes s’abandonnent à leurs propres mensonges et choisissent l’erreur. La pleine et pure vérité est désagréable et redoutée. Il s’ensuit que, quoique l’Esprit de Dieu travaille à présenter la vérité aux Siens en toute simplicité, les hommes se rassurent obstinément par l’idée chimérique qu’après tout, l’état des choses n’est pas tellement mauvais ; que, s’il y a des choses à regretter, on pourra bientôt y remédier. Car aujourd’hui il y a tant de moyens de secourir les pauvres, il y a de si précieux rapprochements entre les riches et eux — des alliances si prometteuse, qui sollicitent les hommes à s’unir et à se joindre les uns aux autres, malgré leurs petites divergences, en vue du grand but du progrès social, de l’amélioration de la chrétienté, et de la régénération du monde ! Mais tout cela est fondé sur la misérable erreur qui ignore et nie que la colère de Dieu doit aller à son comble sur la chrétienté, puis se déverser sur elle. Il est impossible que des chrétiens réalisant la proximité de tels jugements, puissent se prêter à des systèmes qui admettent directement le contraire. Prenons, par exemple, un condamné en train d’être conduit à l’échafaud : que penserait-on d’un chrétien qui, le sachant, occuperait le temps du criminel avec des expériences chimiques ou des exposés sur la mécanique ? Combien moins encore pourra ainsi agir celui qui éprouve la vérité solennelle que le monde est sous une telle sentence de condamnation, comme la Parole de Dieu le déclare. Christ seul est la puissance de Dieu pour mettre tout en ordre. Quand Il viendra, et seulement alors, la marée du mal sera endiguée, et Satan lié : mais même les jugements divins ne sauraient, à part de Christ, produire un tel résultat.
Puissions-nous veiller sérieusement à toujours chercher à lier Christ avec notre témoignage ! C’est le grand objectif de tout dans le temps actuel. Nous pouvons quelquefois empêcher la bénédiction en présentant la vérité, mais non pas en Christ, si je puis m’exprimer de la sorte. Le cœur doit bien être tristement perverti s’il en est au point de refuser Christ. Veuille le Seigneur nous donner de garder ces deux choses devant nos âmes : nous séparer complètement de tout ce qui est du monde, et conserver dans la joie cette position de victoire, nos cœurs entonnant le cantique dont l’Agneau est le sujet, comme Lui seul peut nous donner de pouvoir le chanter ! Puissions-nous toujours penser que le monde est une scène jugée, étant conscients de la terrible colère à laquelle il ne peut pas échapper ! Cela ne nous fera pas douter de la puissance de Christ pour délivrer les individus, mais cela nous préservera de toute indifférence tant vis-à-vis du mal qui est dans le monde, que vis-à-vis du jugement divin qui l’attend.
L’Esprit de Dieu nous a montré la destruction de Babylone lors de la dernière coupe. Le chapitre qui est devant nous va maintenant nous apprendre le mal qui la caractérisait, si haïssable pour Dieu ; il va nous montrer non pas seulement ce qu’était sa conduite, mais ce qu’il y avait d’insupportable pour Dieu dans ses relations avec d’autres, et pourquoi ce mal faisait d’elle un objet unique et suprême de Sa vengeance. Ce n’est pas quelque chose à écarter comme relativement étranger et distant, comme peut-être certains autres sujets de l’Apocalypse. Car, bien qu’il y ait et, je n’en doute pas qu’il y aura encore un développement de Babylone, cependant Dieu la voit comme un tout. Il la voit comme un système de corruption qui a été et est encore actif. Au temps où le jugement ne pourra plus être différé, ce système pourra avoir pris une forme particulièrement aggravée ; mais le mal existe déjà, et il est actif. Babylone n’est pas tant un piège pour l’homme profane, mais plutôt pour celui qui a quelques notions de religion, et qui cherche à la réconcilier avec le monde. C’est là que l’influence corruptrice devient pour l’âme la source d’un danger capital.
Nous allons voir que le ch. 17 donne, tout d’abord, la vision que l’apôtre Jean a été appelé à contempler, et ensuite une certaine explication de cette vision. Les six premiers versets relatent la vision, et l’explication de l’ange figure surtout à partir du v. 7.
Je voudrais faire encore une remarque avant d’aller plus loin. Ce chapitre ne s’occupe pas d’histoire future proprement dite. C’est plutôt un regard en arrière du Saint Esprit vers le caractère, la conduite et les relations de cette Babylone qu’on a déjà vue être l’objet du jugement de Dieu. Il vaut la peine de le remarquer, sinon on ne peut éviter une certaine confusion dans nos pensées sur le livre de l’Apocalypse. Au ch. 14 nous avons eu la chute de Babylone en relation avec les œuvres mauvaises de Satan, et avec les opérations de Dieu en bonté et en puissance, y compris le jugement du Fils de l’homme à la fin. Or il est fort important de connaître le créneau précis où il faut s’attendre à voir cette intervention de Dieu, et c’est ce qui figurait juste après, dans le même chapitre. Car nous avons vu que, dans les jugements providentiels de Dieu (j’entends par-là ceux qui sont exécutés par des anges, et non par Christ directement), Babylone est réservée pour le dernier coup de Sa colère sous la septième coupe. C’est Dieu qui agit, et Dieu se sert encore d’anges. Jusqu’alors le Seigneur Jésus se tient tranquille, si l’on ose s’exprimer ainsi ; Il n’agit pas encore personnellement en vengeance sur la terre.
En Apoc. 17, le Saint Esprit s’arrête pour entrer dans les détails de la cause morale de la terrible chute de Babylone.
« Et l’un des sept anges qui avaient les sept coupes, vint, et me parla, disant : Viens ici, je te montrerai le jugement de la grande prostituée, qui est assise sur plusieurs eaux » (17:1).
Elle est décrite ici comme une prostituée ; non seulement comme une femme, mais comme une femme licencieuse et corrompue. Je présume que quiconque est dépourvu de préjugés ne doute pas que ce terme ici vise spécialement la corruption religieuse. Un peu plus loin au v. 3, Babylone est assise sur la bête ; ici elle est assise auprès de plusieurs eaux. Il y a une légère différence dans le grec. Être assise auprès de plusieurs eaux, ne veut pas dire qu’elle est littéralement localisée dessus, mais à côté. Ainsi par exemple, on peut dire que Londres est située sur la Tamise, mais quiconque a du bon sens n’en déduira pas que Londres est effectivement située et construite au-dessus du lit de la rivière ; chacun comprendra que la Tamise est le cours d’eau qui caractérise Londres. C’est de cette même manière que la prostituée est décrite ici comme assise sur (c’est-à-dire à côté de) plusieurs eaux. Il s’agit d’une figure dont le sens est donné au verset 15 : « Les eaux que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples et des foules et des nations et des langues ». Cette figure implique la vaste influence exercée par cette femme perdue.
Mais il y a plus que cela. Au v. 2 il est dit : « avec laquelle les rois de la terre ont commis fornication ; et ceux qui habitent sur la terre ont été enivrés du vin de sa fornication ». C’est plus qu’être assise sur plusieurs eaux. Il y a un commerce direct de nature mauvaise avec les rois de la terre ; sa puissance séduit et détourne les affections de la personne de Christ, Lui qui est le seul objet digne de tout amour et de toute adoration. Dans la sphère où la lumière de Dieu a été diffusée, les chefs ou conducteurs sont égarés par la corruptrice, et les peuples ont entièrement perdu tout discernement de la pensée de Dieu.
Rien donc de plus clair que la portée générale de ces quelques versets. D’abord c’est la vaste influence de Babylone présentée sous la figure d’une femme assise au bord de plusieurs eaux ; ensuite, nous avons les grands conducteurs de la chrétienté, les rois de la terre, qui ont commis fornication avec elle ; et enfin, les habitants de la terre enivrés du vin de sa fornication. Il y a différents degrés de culpabilité, mais tous résultent d’une relation plus ou moins intime avec Babylone.
« Et il me transporta en Esprit au désert » (17:3).
En dépit de tout l’orgueil et de toute la gloire mondaine de Babylone, le désert est le seul lieu où l’Esprit transporte le saint de Dieu pour la contempler. Si Jean avait été transporté par son propre esprit (si l’on peut ainsi parler), il aurait été vraisemblablement conduit à chercher Babylone, non pas dans un désert, mais dans un mirage donnant l’image de quelque jardin du Seigneur. Mais c’est dans un désert que Jean a été conduit par l’Esprit du Seigneur, c’est là qu’il voit la prostituée assise sur une bête de couleur écarlate. Ce détail est vu de près, et plus sinistre que la description de la fin du verset 1 ; il nous montre la position effective de cette femme. Elle possède la suprématie sur l’empire Romain. Car on ne saurait valablement mettre en doute que la bête placée devant nous soit ce même empire romain dont les chapitres précédents montrent les actions si terribles et le jugement funeste. Le ch. 13:1 l’a montrée, ainsi que ses têtes, comme une bête pleine de noms de blasphèmes. Babylone est une prostituée ou un système corrupteur ; mais c’est à la bête qu’il appartient de blasphémer. C’est un mal plus ouvert et plus audacieux. La manière de faire de la femme est plus par la séduction, en s’emparant des affections. Mais le blasphème est l’expression d’un pouvoir qui ne craint ni Dieu ni les hommes. Quant à la femme, bien qu’assise sur la bête, contente d’être exaltée par elle et voulant l’employer pour ses propres desseins, elle représente bien nettement le système religieux du monde. Elle est « vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or et de pierres précieuses et de perles », symboles évidents de tout ce que le monde compte de beau, de grand et de glorieux ici-bas.
Elle a aussi « dans sa main une coupe d’or pleine d’abominations, et les impuretés de sa fornication » (17:4).
Malgré tout son brillant, et sa splendeur fastueuse, combien le Saint Esprit sait y rattacher ce qu’il y a de plus dégoûtant chez elle ! Il n’a pas de mots trop forts pour exprimer le sentiment qu’Il a de ce qu’Il a vu dans la coupe. Elle est « pleine d’abominations, et de l’impureté de sa fornication ». Dans l’Écriture, le terme « abominations » désigne normalement l’idolâtrie. C’est là la caractéristique très grave de Babylone. La bête était pleine de noms de blasphème, tout comme la coupe de la prostituée était pleine d’abominations. Mais outre l’idolâtrie, il y avait en elle cette influence corruptrice, appelée ici l’impureté de sa fornication. Ce sont deux choses distinctes. Il peut y avoir une influence dépravante sans idoles ; mais à Babylone, les deux choses sont à l’œuvre activement.
Dans les églises d’Apocalypse, on a remarqué l’apparition de la doctrine de Balaam à Pergame, qui enseignait, entre autres, à commettre la fornication. À Thyatire, nous avons vu Jésabel imposant l’idolâtrie par la force. Ici à Babylone, les deux choses sont réunies. Les maux qui se sont glissés dans la chrétienté dès ces premiers jours de son existence, et qu’on discernait à Pergame et à Thyatire, apparaissent tous deux concentrés et sans déguisement dans la coupe de cette méchante femme. Ils germaient alors, mais les voilà maintenant pleinement épanouis devant le prophète dans tout ce qu’ils ont de haïssable. Ils peuvent être parés de tout le faux lustre de ce monde, mais rien n’en saurait changer ni cacher le caractère réel devant Dieu.
« Et il y avait sur son front un nom écrit : Mystère ; Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre » (17:5).
Il y a une grande prétention à la vérité, un chef-d’œuvre de contrefaçon de l’ennemi vis-à-vis des voies révélées de Dieu. Le mystère de Christ et l’Église a été révélé ; et maintenant il y a le mystère de cette anti-église, non pas le mystère de la foi et de la piété, mais le mystère d’iniquité — Babylone la grande assise sur la bête, en horrible contraste avec l’Église assujettie à Christ. Ici, c’est elle qui gouverne la bête. La sainte cité, Jérusalem, descend du ciel d’auprès de Dieu, ayant la gloire de Dieu — non pas « la grande cité » (*) mais « la sainte cité », qui est le vrai qualificatif dont Dieu se sert pour caractériser l’épouse, la femme de l’Agneau, l’Église glorifiée. Ce système religieux, au contraire, a surgi de la terre (pour ne pas dire plus) et attire les rois de la terre dans un embrassement impur, et étend au loin et largement son influence maligne. Telle est Babylone, la mère des prostituées et des abominations de la terre. Quel que soit le genre de mal dont Satan s’est servi pour détourner les affections loin de Christ, quels que soient les objets idolâtres qui ont pris la place de Christ, Babylone est la mère d’eux tous. C’est Babylone le grand générateur de tous les systèmes mondains, et de toutes les idolâtries dont l’ennemi s’est servi pour entraîner les âmes bien loin du Seigneur.
(*) Le Texte Reçu est fautif en Apoc. 21:10.
Il est mentionné dans la vision une autre chose encore plus extraordinaire pour l’esprit du prophète. Il ne pouvait pas mettre en doute le caractère religieux de cette femme, Babylone la grande ; mais il la voit en même temps enivrée du sang des saints. Il pouvait bien comprendre qu’un système religieux devienne corrompu. Jérusalem elle-même, hélas ! était devenue semblable à Sodome et à Gomorrhe quant à la culpabilité, et presque semblable pour le jugement. Mais que la femme fût enivrée du sang des saints, était ce qui saisissait d’un grand étonnement l’esprit de Jean lui-même. Une passion peut être fort mauvaise, mais ce n’est pas le pire de ce dont le cœur de l’homme est capable. Le pire se trouve dans la capacité de tromper de la fausse religion où Satan déploie directement sa puissance. Car cela-même que Dieu a donné pour répandre la lumière et la bénédiction, pour gagner les cœurs et les amener en communion avec Lui-même, — c’est cela même dont l’ennemi abuse pour rendre l’homme pire que jamais, — deux fois plus fils de la géhenne qu’auparavant (Matt. 23:15).
Jean avait dû être surpris en entendant prononcer une telle sentence sur Jérusalem la bien-aimée, mais coupable ; mais il a dû s’étonner encore plus lorsqu’il a appris que cette femme qui avait pris la place de l’Église, devait non seulement finir par devenir aussi sanguinaire, mais allait être enivrée du sang des martyrs mêmes de Christ. Voilà ce qui le rendait stupéfait (17:6).
Nous arrivons maintenant à l’explication que l’ange donne de la vision. Elle est d’une grande importance ; car on découvre que quand Dieu interprète, Il ne se borne pas à donner la solution requise, mais il donne la vérité en surabondance.
« Et l’ange me dit : Pourquoi es-tu étonné ? Je te dirai, moi, le mystère de la femme et de la bête qui la porte, qui a les sept têtes et les dix cornes » (17:7).
Ceci est en fait le sujet principal du chapitre ; c’est une description plus particulièrement de la femme et de ses rapports avec la bête, l’empire romain. Car il est évident et incontestable que la femme et la bête sont deux choses distinctes. Si la bête est l’empire romain, ainsi que l’auront vu ceux qui m’ont suivi dans l’étude de ce livre, la femme ne saurait l’être. Le fait même qu’elle soit assise sur la bête fait qu’elle ne saurait être la bête. Non seulement la femme est distincte de la bête, mais comme on le verra plus loin, la bête se retourne contre la femme et contribue à sa destruction.
Il est donc tout à fait impossible de supposer que la femme et la bête soient la même chose. À la fin, elles sont si violemment opposées l’une à l’autre, que l’une devient le moyen de détruire l’autre. La femme doit donc forcément être quelque puissance distincte de l’empire. Nous trouverons encore d’autres raisons confirmant cette distinction.
« La bête que tu as vue était, et n’est pas, et va monter de l’abîme et aller à la destruction (*) ; et ceux qui habitent sur la terre, dont les noms ne sont pas écrits dès la fondation du monde au livre de vie, s’étonneront, en voyant la bête, — qu’elle était, et qu’elle n’est pas, et qu’elle sera présente » (17:8)
(*) JND traduit « perdition »
Je n’hésite à affirmer que c’est bien ainsi qu’il faut rendre la dernière partie du verset. Cela n’est pas mis en doute par ceux qui sont suffisamment familiers avec le sujet pour se former une opinion. On peut différer dans l’explication du verset, mais il n’y a pas de doute sur la véritable manière de rendre l’original. Le Texte Reçu est presque en contradiction avec lui-même, et n’offre aucun sens juste.
Considérons donc un peu ce qui est enseigné dans ce verset. La bête est l’empire Romain, comme nous l’avons déjà vu. Mais nous apprenons ici que cet empire devait cesser d’exister. Les contrées et les peuples qui le composaient, doivent subsister, mais son unité impériale doit cesser d’exister. Les fragments en résultant continueraient d’exister, chaque nation ayant son propre gouvernement indépendant, mais sans lien pour les relier en un corps. Telle est leur condition de nos jours (*), et telle elle a été depuis plus de mille ans.
(*) note Bibliquest : cela a été écrit au 19ème siècle
« La bête que tu as vue, était et n’est pas, et va monter de l’abîme ». L’ange caractérise cet empire comme nul autre ne l’a été, ni ne pouvait l’être. En un premier stade, il aurait toute sa force, puis il devait cesser, et plus tard se relever. Mais un trait d’une gravité extrême se rattache à la réapparition de l’empire : il va avoir un caractère diabolique. Et comme il vient de Satan, il doit finir avec Satan : « il va à la destruction ».
Tout cela ne pourrait être dit, dans le même sens ou avec la même rigueur, d’aucun autre empire. Tous ceux qui ont jusqu’ici paru sur la terre, ont eu un moment de croissance, puis un temps assez court de splendeur et de pleine puissance, puis ils se sont éteints, subitement ou progressivement, pour ne jamais plus se relever. Je ne connais aucun exemple du contraire. Le sort de cet empire, si important dans les pensées de l’apôtre Jean, est tout à fait particulier. Il existait au temps de Jean, et c’est même sous sa domination que Jean a souffert personnellement. Mais son cours devait prendre fin ; puis, après un temps de non existence, il devait « monter de l’abîme ». « Ceux qui habitent sur la terre s’étonneront… en voyant la bête qui était et qui n’est pas et qui sera présente ». Quand cette bête réapparaîtra dans sa dernière phase satanique, les hommes seront transportés d’une extrême admiration pour elle.
« Ici est l’entendement qui a de la sagesse. Les sept têtes sont sept montagnes où la femme est assise » (17:9).
C’est une question d’ordre matériel, mais bien simple. C’est une indication de lieu qui a pour but d’indiquer au sage où siège la femme. Il ne devrait pas y avoir l’ombre d’un doute que cette indication désigne Rome. Il est vrai que le mot « Babylone » est utilisé pour parler de cette ville, comme Sodome et Égypte ont été figurativement appliqués à Jérusalem au ch. 11. Mais la capitale de la Chaldée n’a rien à faire avec la ville d’Apoc. 17. Celle-là avait disparu depuis longtemps comme ville impériale, alors qu’au verset 18 il est dit de cette Babylone qu’elle « a la royauté sur les rois de la terre ». Plus que cela, la Babylone littérale des Chaldéens était bâtie dans la plaine de Sinhar, alors qu’au contraire, cette femme est assise sur sept montagnes, et tout le monde sait qu’il s’agit là d’une caractéristique de Rome bien connue. En prose comme en poésie, si quelque ville était décrite comme située sur sept collines, chacun disait : Ce doit être Rome.
Une explication supplémentaire figure au verset suivant.
« Ce sont aussi sept rois : cinq sont tombés ; l’un est ; l’autre n’est pas encore venu, et quand il sera venu, il faut qu’il demeure un peu de temps » (17:10).
Sans entrer dans aucun détail, le Saint Esprit fait allusion ici aux diverses formes de gouvernement qui devaient se succéder les unes aux autres dans cette fameuse ville de Rome. Il y avait eu sept têtes ou rois, mais ils n’étaient pas contemporains : car, est-il dit, cinq sont tombés ; l’un est, et l’autre n’est pas encore venu. Ceci implique une succession. Cinq différents modes de gouvernement avaient déjà passé. « L’un est », à savoir la forme impériale existant aux jours de l’apôtre — la lignée des César. Un autre des sept n’était pas encore venu, mais quand il serait venu, il demeurerait un peu de temps.
« Et la bête qui était et qui n’est pas, est, elle aussi, un huitième, et elle est d’entre les sept, et elle s’en va à la destruction » (17:11).
Un caractère particulier est attribué ici à la bête, à savoir que, dans un sens, elle ferait partie des sept, et dans un autre sens, elle formerait une huitième bête, une bête extraordinaire. Ce serait sous un certain rapport, une forme de puissance toute nouvelle, tandis que sous d’autres rapports, ce ne serait qu’un renouveau de ce qui avait existé auparavant. Autrement dit, la bête pourra fort bien être semblable à n’importe quel autre empire au commencement. Elle pourra devoir sa résurrection providentielle à des révolutions humaines ; car quand les hommes ont tâté de la démocratie, ils sont enclins à en être fatigués et déçus ; alors quelque bras vigoureux tire parti de la réaction, et il en résulte assez normalement un pouvoir despotique. Je ne doute pas que ce sera l’histoire de l’Occident
La huitième tête, bien qu’il s’agisse d’un individu gouverneur, est présentée comme la bête elle-même, ou l’empire, parce qu’elle est moralement l’empire, exerçant, comme tête suprême, toute son autorité. Elle est d’entre les sept, car ce sera une continuation ou une reprise de l’une des formes antérieures de pouvoir. Mais elle sera un huitième, parce qu’elle sera quelque chose de si particulier qu’elle mérite d’avoir un nom pour elle-même. Ce nouvel aspect se réfère peut-être à la puissance diabolique caractérisant la bête dans son dernier état, dans sa quasi-résurrection.
« Et les dix cornes que tu as vues, sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais reçoivent pouvoir comme rois, une heure avec la bête. Ceux-ci ont une seule et même pensée, et ils donnent leur puissance et leur pouvoir à la bête » (17:12-13).
Ne supposons pas que l’expression « une heure » aie un sens mystique ou littéral, comme beaucoup de gens ont vainement essayé de l’expliquer. La signification est que ces rois recevront l’autorité royale avec la bête pour une durée de temps qui sera la même pour tous. En elle-même, dans un sens abstrait, cette expression peut signifier un certain nombre d’années, ou seulement une courte période de temps. L’important n’est pas ce que signifie « une heure ». Les dix cornes ne doivent pas simplement avoir l’autorité chacune pour un temps, mais elles doivent l’avoir avec la bête pour une durée de temps qui sera la même pour chacune. Cela est très-important pour une saine intelligence de ce verset. C’est ce qui renverse tous les systèmes prophétiques par lesquels on a essayé de prouver que ce chapitre avait reçu son accomplissement dans le passé ou dans le présent. La manière ordinaire de voir ce chapitre, peut renfermer une certaine part de vérité parce que, comme je le crois pleinement, le livre de l’Apocalypse était destiné à recevoir un accomplissement partiel dans tout le cours de la dispensation. Mais l’entier accomplissement n’a lieu qu’à la fin. Les hordes barbares descendirent du nord et de l’est de l’Europe et de l’Asie vers le 5ème siècle, et elles envahirent l’empire Romain, fondant de toutes parts sur l’Europe et l’attaquant à l’intérieur aussi bien que sur ses flancs, — de sorte que l’empire, déjà trop vaste et croulant sous son propre poids, ne put résister à ces assauts vigoureux et répétés venant de tant de côtés différents. Progressivement, les Goths et les Vandales, etc., s’établirent dans les diverses parties de ce qui était autrefois uni. Ils furent les ennemis qui détruisirent l’empire.
Mais ce n’est pas ce que nous montre ce chapitre qui dit que ces rois reçoivent pouvoir pour une heure avec la bête. En supposant que ces royaumes barbares aient été exactement au nombre de dix, cela ne répondrait pas à ce que nous avons ici, parce qu’il nous est dit que ces dix rois reçoivent pouvoir pour un seul et même durée avec la bête. Les barbares ne reçurent pouvoir que quand la bête fut tuée, quand l’empire romain fut tombé. Ils commencèrent par détruire la bête, et s’érigèrent ensuite eus-mêmes en royaumes indépendants.
On ne peut échapper au fait simple et certain que ces puissances
n’étaient pas des royaumes dans l’empire au temps de l’empire. Ils ne reçurent
pas pouvoir avec
la bête, et encore moins donnèrent-ils leur puissance
et leur force à la bête. Car rien n’est plus certain que, quand ils devinrent
des royaumes, ce fut aux dépens de l’empire. Lorsqu’il eut pris fin, ils en
relevèrent les fragments brisés et les convertirent en royaumes distincts,
comme la France, l’Espagne, etc. ; mais l’empire, comme tel, était tombé.
La bête décrite ici acquiert pouvoir comme empire en même temps que ces rois
reçoivent pouvoir comme rois. En d’autres termes, ce sont des pouvoirs
contemporains, la bête et les cornes, ce que nous ne retrouvons nullement dans
l’histoire. Cette prophétie nous montre que l’empire est seulement formé comme
tel au temps où ces dix rois reçoivent leur pouvoir final. Ils sont
co-existants, et ils ont leur domination ensemble — chacun de ces royaumes
travaillant à une commune fin sous l’autorité de la bête.
Dans l’histoire passée, nous savons qu’il y a eu tout d’abord une puissance unie, non fragmentée, lorsque l’empire romain gouvernait le monde occidental (*) et ne tolérait pas l’existence de plusieurs royaumes indépendants en son sein. Il n’y avait alors rien qui ressemblât à des rois d’Espagne, de France, d’Italie, etc. Il y avait un pouvoir qui absorbait tout, et qui n’eût jamais admis un conglomérat de royaumes distincts autour de la ville impériale. Mais la particularité du futur empire renaissant, c’est qu’il admettra plusieurs rois. Deux choses seront unies qui ne l’ont jamais été auparavant. D’abord il y a eu l’empire sans rois — du moins en Occident, et c’est justement ce dont il s’agit ici. Ensuite, il y a eu des rois sans l’empire. L’aspect nouveau consistera en ce qu’il n’y aura ni la bête sans les rois, ni les rois sans la bête, mais tous les deux en même temps, la bête et les rois, vivant ensemble. Voilà ce qui n’a jamais existé auparavant.
(*) C’est-à-dire seulement la partie proprement romaine de l’empire, ainsi que cela découle de Dan. 2:34, 35, et Dan. 7 — sans parler de Dan. 11. De tous ces passages, il résulte clairement que le royaume en partie de fer en partie d’argile ne se rapporte pas à ce qui fut jadis sous domination romaine en dehors de l’Europe, mais à la partie occidentale qui n’a jamais appartenu ni à la Grèce, ni à la Perse, ni à Babylone.
Le chapitre nous fournit donc une vue de l’empire romain tel qu’il sera ressuscité par la puissance de Satan, et nous montre que cet empire est destiné à avoir une marque spéciale de l’ennemi sur lui. Dieu Lui-même permettra qu’il subsiste un peu de temps, et qu’il commette toute méchanceté avant que la fin arrive. C’est exactement la même chose que quand Satan est entré en Judas et que celui-ci fut prêt à trahir le Seigneur pour le prix d’un esclave. Il était auparavant sous l’influence de Satan ; mais il est dit qu’alors Satan entra en lui. Lui, ou son souverain sacrificateur, était le fils de perdition, et c’est justement le nom donné à la future puissance qui s’élèvera contre le Seigneur venant du ciel. Cet empire doit monter de l’abîme, et être revêtu d’un caractère et d’une énergie diaboliques ; et quand il surgira, il y aura dix royaumes ou rois exerçant le pouvoir royal pendant une même période de temps avec la bête.
Le verset 13 nous montre la politique qui leur est commune :
« Ceux-ci ont une seule et même pensée, et ils donnent leur puissance et leur pouvoir à la bête ».
Ils ne sont pas jaloux de la bête ; leur objectif est de l’exalter et d’accroître son pouvoir. Quel en est l’aboutissement ? Quel usage font-ils de leur puissance combinée ?
« Ceux-ci combattront contre l’Agneau ; et l’Agneau les vaincra, car Il est Seigneur des seigneurs et Roi des rois, et ceux qui sont avec Lui, appelés, et élus, et fidèles » (17:14).
Il est évident d’après ce passage, que les saints célestes auront déjà été enlevés auprès du Seigneur. Ce n’est pas le moment où le Seigneur les reçoit ; ils sont avec Lui pendant le conflit et avant que le conflit commence. C’est ce qui est confirmé par le ch. 19:14 : « Et les armées qui sont dans le ciel, le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur ». D’où le suivaient-elles ? N’est-ce pas du ciel ? Christ vient attaquer sur la terre le grand adversaire que Satan emploie. Mais ce sont les cieux qui s’ouvrent, et c’est de là que viennent, non seulement Christ, mais « ceux qui sont avec Lui, appelés, et élus, et fidèles ».
Cette description ne vise pas des anges ; car s’il est vrai
qu’on peut dire d’eux qu’ils sont « choisis » ou « élus »,
il n’est jamais dit qu’ils sont « appelés ». « Appelé » est
un titre appliqué seulement aux hommes, et il implique l’opération de la grâce.
Les anges ne sont pas « appelés », et je ne pense pas qu’ils puissent
l’être ; car si un ange se trouvait dans une position de mal, il ne pourrait
pas en être délivré ; et s’il est dans une position de sainteté, il n’a
pas besoin d’être « appelé ». L’appel suppose toujours une position
d’où les appelés sont tirés. Le croyant est tiré d’une position de péché et de misère, et amené dans une position de salut et
de bénédiction. Cela n’est vrai que de l’homme. Il est la seule créature de
Dieu qui soit appelée, par la grâce de Dieu, hors d’un état de ruine pour être
dans la bénédiction et la gloire de la rédemption. Et de même qu’au ch. 17:14
il y a cette expression qui nous montre positivement qu’il est parlé de saints
et non pas d’anges, ainsi au ch. 19:14 il nous est dit que les armées qui
suivent l’Agneau venant du ciel, sont « vêtues de fin lin, blanc et
pur ». Or il est dit au v. 8 du même chapitre 19 que le fin lin, ce sont
les justices des saints. On demandera peut-être s’il n’est pas dit des anges
qu’ils sont vêtus de lin ? Oui, cela est dit, mais le terme utilisé alors
(par exemple en Apoc. 15:6) n’est pas le même.
L’Esprit de Dieu emploie une expression différente pour le décrire, et Il ne
confond jamais les deux choses. On déduit clairement de ces passages que les
saints glorifiés sont dans le ciel
avec le Seigneur avant que le conflit
commence, — ce n’est pas à ce moment-là qu’ils rencontrent le Seigneur en l’air.
Lorsque le Seigneur viendra, nous Le rencontrerons en l’air, et c’est alors
qu’Il nous prendra au ciel. Tandis que quand Il vient pour juger et faire la
guerre, nous venons avec Lui du ciel
. Combien de temps s’écoulera-t-il
pendant que nous serons dans le ciel et avant d’apparaître avec le
Seigneur ? nous ne le savons pas. Mais la venue
du Seigneur pour
les saints est un événement antérieur à Sa venue avec
eux. Quand Il viendra avec Ses saints, ce sera dans le but de juger la bête
et ses partisans. L’Église viendra avec Lui alors, ainsi que les saints de
l’Ancien Testament ; car je ne doute pas qu’ils seront enlevés à la
rencontre du Seigneur en même temps que nous. « Ceux-ci combattront contre
l’Agneau » — mais la victoire est sûre — « et l’Agneau les vaincra et
ceux qui sont avec Lui, appelés, et élus, et fidèles ».
« Et il me dit : Les eaux que tu as vues, où la prostituée est assise, sont des peuples et des foules et des nations et des langues. Et les dix cornes que tu as vues et la bête, — celles-ci haïront la prostituée, et la rendront déserte et nue, et mangeront sa chair et la brûleront au feu » (17:15, 16).
Voici un autre verset de grande valeur pour la compréhension du
chapitre. Le Texte Reçu dit : « les dix cornes que tu as vues sur
la bête », mais il faut lire : « les dix cornes que tu as vues et
la bête ». La différence est importante et est appuyée par les
meilleures autorités ; elle consiste en ceci : quand on lit :
« les dix cornes sur
la bête », on pourrait s’imaginer que, l’empire
romain ayant disparu, les dix cornes ont pris sa place. Ceci concorderait fort
bien avec l’histoire passée. Mais comme nous l’avons vu plus haut, les dix
cornes reçoivent le royaume pour une même durée de temps avec la bête, en sorte
que l’Esprit de Dieu dit ici : « Les dix cornes que tu as vues et
la
bête ». Quiconque compare ce passage avec le verset 12, s’apercevra
combien la manière de traduire du Texte Reçu est erronée. « Les dix cornes
que tu as vues et la bête, — celles-ci haïront la prostituée, et la rendront
déserte et nue », etc (*).
(*) C’est en vain que l’école Protestante cherche à concilier ce passage avec sa théorie, que la femme d’une part, et la bête d’autre part, se rapportent à l’église ou à la ville de Rome d’une part, et à la papauté d’autre part. On a ainsi soutenu récemment que la femme est la déesse Roma (« Roma Dea »), tant païenne que papale, la scène représentant Rome elle-même sous ce dernier point de vue (Rome papale), et l’explication de l’ange incluant aussi l’histoire païenne préalable. Selon cette idée, les dix cornes sans diadèmes seraient les pouvoirs gothiques causant la désolation de Rome, et les cornes avec diadèmes seraient les mêmes royaumes donnant leur puissance au pape. Il est vrai que les barbares ont ravagé l’empire dans son ensemble, non pas seulement la ville, et c’est de cet empire démembré qu’ils ont formé leurs propres royaumes indépendants. Cela revient à dire que la bête a été bien plus endommagée et détruite que la femme, et que les barbares n’étaient pas unis dans un sentiment commun de haine contre Rome. L’envie, la convoitise, la soif de conquête caractérisent mieux les motivations de ceux des barbares qui ont attaqué la ville, et l’on peut encore moins dire que, pourvus de diadèmes ou non, ces barbares ont donné leur puissance au pape. Il serait plus exact de dire qu’ils ont tiré leur puissance du pape comme chef ecclésiastique et spirituel. Pour ma part, j’admets tout à fait que l’explication de l’ange nous fournit non seulement la clef de ce qui a été vu à l’origine, mais une vérité supplémentaire. Ce qui est absurde consiste, comme je l’ai fait voir, à admettre que ce supplément d’information est quelque chose relatif à la forme païenne de la Rome du passé. Bien au contraire, il fournit en réalité l’aspect futur final, quand la bête et les dix cornes auront une politique commune, celle d’assouvir leur haine et leur avidité sur la prostituée, et ensuite de rassembler leurs forces dans un consentement unanime en vue du combat final contre l’Agneau. La bête doit monter de l’abîme, et le Seigneur des seigneurs doit descendre du trône de Dieu. Le chapitre 17 nous donne des caractères et une description, non pas des dates. L’histoire reprend au ch. 19, d’abord quant au ciel, ensuite quant à la terre. Les chap. 17 et 18 forment un intermède descriptif.
La révolution française (1789 et années suivantes) présente un échantillon de cette fureur de la puissance civile contre la prostituée, exercée non pas, bien sûr, par la bête ou par les rois, mais par la volonté du peuple. Il y avait là un peuple furieux se dressant contre la femme (le pouvoir ecclésiastique qui avait gouverné la terre était complètement livré à la rage de la foule, et les gens s’enrichissaient aux dépens d’elle). Mais il ne faut jamais remédier à un tort en se rendant coupable d’un autre tort. Le comportement chrétien vis-à-vis du mal, c’est toujours de s’élever en grâce au-dessus du mal. Les événements qu’on a vus à petite échelle, se réaliseront plus tard à grande échelle. Des gens de bien, des gens dignes d’honneur et sages par ailleurs, ont non seulement désiré se débarrasser de Babylone, mais ils n’ont été que trop enclins à approuver tous les moyens d’y arriver. Je ne dis pas que les saints n’ont pas à se réjouir de sa chute, mais ils ne doivent pas se mêler eux-mêmes aux instruments de cette chute, ni caresser l’espoir sans fondement d’obtenir la bénédiction par ce moyen.
Rome sera toujours la ville centrale de ce système corrompu.
« La femme que tu as vue est la grande ville, qui a la royauté sur les rois de la terre » (17:18).
Il y aura, sans doute, un développement supplémentaire de ce rôle de Rome avant la fin ; car même de nos jours, celle qui est assise en reine a donné la preuve de sa capacité à inventer de nouvelles doctrines, à se vanter de nouveaux miracles, en développant l’iniquité sans conscience et sans susciter beaucoup de protestations, voire même au milieu des acclamations universelles. Je présume que, lorsque le jugement viendra pour Rome, sa coupe sera comble, comme dans tous les autres cas ; il en fut ainsi de l’iniquité des Amoréens quand Dieu les jugea (Gen. 15:16). Mais Dieu se servira des puissances terrestres pour s’occuper de Babylone. Sans nul doute, les rois regarderont à leurs propres intérêts pour se débarrasser d’un tel scandale ; mais les instruments employés peuvent être aussi mauvais que le mal lui-même. Où cela aboutira-t-il ? Au millénium ? Tout le contraire ; ils combattront contre l’Agneau. Non seulement ils se débarrasseront de Babylone, mais ils comploteront contre Christ, frontalement et pour le pire. Quand ce jour-là viendra, l’homme, au lieu de s’être amélioré en aucune manière par le fait de s’être dressé contre Babylone, il donnera toute sa puissance à la bête ; et si mauvaise qu’ait été Babylone, la méchanceté de la bête sera encore plus effrontée. Rien n’est plus haïssable pour Dieu sous le soleil que la religion utilisée pour couvrir la corruption : or c’est cela Babylone. Mais c’est à la bête et au faux prophète qu’il appartient de renier Dieu entièrement. Ainsi que nous lisons dans les Psaumes (14 et 53) : « L’insensé a dit en son cœur : il n’y a point de Dieu ». Babylone n’a pas cet esprit volontairement rebelle. Après donc avoir détruit Babylone, mangé sa chair et l’avoir brûlée au feu, et après s’être enrichis à ses dépens, nous voyons ces pouvoirs vengeurs aller combattre contre l’Agneau. Ils se dressent en opposition ouverte contre Celui que Dieu a choisi, le Saint et céleste qui a souffert.
« Car Dieu a mis dans leurs cœurs d’accomplir Sa pensée, et d’accomplir une seule pensée, et de donner leur royaume à la bête jusqu’à ce que les paroles de Dieu soient accomplies » (17:17).
Il est remarquable de voir que c’est l’homme qui accomplit ainsi les paroles de Dieu, alors qu’il n’a pas d’autre pensée, par haine contre Dieu, que d’effacer de dessus la face de la terre l’imposture la plus corrompue. Sans doute, Babylone l’aura mérité ; mais les rois, sans le savoir, ne font qu’exécuter servilement ce travail pour Celui dont ils nient l’autorité. C’est en vain qu’ils auront eu sous les yeux tout ce que Dieu a fait sous la loi ; ils auront eu toute la révélation chrétienne de la grâce et de la sainteté fondée sur la croix de Jésus, et manifestée par cette croix, mais ils n’en auront eu que du mépris ; ils auront entendu et rejeté le témoignage du dernier jour, l’évangile du royaume proclamé par d’autres, je crois par des témoins Juifs, après l’enlèvement de l’Église au ciel. Toute prétention à produire un nouveau témoignage tandis que l’Église est sur la terre, est nécessairement fausse. Mais quand l’Église s’en sera allée, Dieu s’occupera de nouveau de Son peuple Israël, et rendra un témoignage qui n’aura pas proprement pour but de chercher les âmes pour les mettre en relation avec Christ dans le ciel (ce qu’Il fait aujourd’hui), mais d’envoyer au loin, à travers le monde habitable, en témoignage à toutes les nations, la bonne nouvelle que le Roi de Dieu vient pour établir Son royaume ; « et alors viendra la fin » (Matt. 24:14).
Ce qui nous délivre de l’esprit de la bête, de l’esprit d’orgueilleuse indépendance, c’est la communion avec Christ comme Celui qui a souffert. De quelle manière vaincrons-nous avec l’Agneau ? Il faut être avec Lui, et c’est ce qui donne la victoire maintenant. Dans tout ce qui se présente à nous, notre force consiste à demander : Quelle est la pensée du Seigneur à cet égard ? Supposons que je sois invité à me rendre à un grand spectacle, à me joindre à quelque mouvement très attractif naturellement — la question qui se pose est : Le Seigneur a-t-Il de la sympathie pour cela ? Est-Il là ? Et si cette manière de peser les choses s’applique dans tous les cas, a fortiori est-elle déterminante en ce qui concerne les choses les plus saintes, comme par exemple le culte. Qu’est-ce qui a l’approbation du Seigneur et qu’apprécie-t-Il dans la louange ? Qu’est-ce qui est le plus en harmonie avec Son cœur et Ses pensées ? Qu’est-ce qui Lui rend honneur en réalité, et avec intelligence et obéissance ? Voilà la clé unique pour la foi dans ce monde ; elle solutionne bien des difficultés, et ouvre la porte sur un chemin clair.
Que le Seigneur nous accorde qu’aucun de nous ne mette de côté ces vérités solennelles ! Négliger Son avertissement, c’est justement ce qui tend à amener l’état de choses dont nous venons de parler. Ce qui de nos jours pousse dans cette direction, c’est la négligence des paroles de Dieu, — ce qui n’empêchera pas qu’à la fin elles s’accompliront à notre honte. Nous verrons alors combien peu nous avons connu la réelle soumission du cœur à Dieu, combien peu nous avons apprécié la grâce dans laquelle nous sommes (1 Pierre 5:12), et combien peu nous nous sommes réjouis dans l’espérance de Sa gloire. Il sera prouvé que, quand la volonté de Dieu était en jeu, nous n’avons pas considéré comme un honneur d’obéir, ni d’abandonner ce que peut-être nous aimions, ou ce que d’autres pouvaient aimer pour nous. Car c’est ce qui devrait décider de tout pour nous, parce que nous sommes sanctifiés « pour l’obéissance et l’aspersion du sang de Jésus Christ » (1 Pierre 1:2 —c’est-à-dire pour le même caractère d’obéissance qui a marqué le Seigneur Jésus ici-bas). Ce n’est pas chrétien d’obéir à Christ simplement par obligation. Christ n’a jamais fait ainsi. Si quelqu’un fait une chose, seulement parce qu’il sait qu’il sera puni s’il ne la fait pas, cela montre clairement que son cœur n’y est pas, — il ne désire pas obéir. L’obéissance chrétienne, c’est le désir de faire les choses parce que c’est la volonté de Dieu, et le Saint Esprit nous donne la puissance en présentant Christ à nos affections. Souvenez-vous que c’est pour cela que nous sommes sanctifiés. Au lieu que le sang d’aspersion soit pour nous une menace de mort, comme en Exode 24, nous sommes purifiés par ce sang, nous sommes sanctifiés pour l’obéissance de Jésus Christ. Nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce, et nous sommes conduits par l’Esprit de Dieu. Puissions-nous jouir de la puissance de Son Esprit et de la plénitude de Son salut ! N’oublions pas toutefois que nous sommes ainsi sauvés, non pas pour nous-mêmes, mais pour obéir selon le modèle et la mesure de l’obéissance de Jésus.
Le cas de Babylone montre de manière frappante, me semble-t-il, comment un jugement qui est dit émaner de Dieu, peut en même temps être exécuté par les hommes. Au ch. 17 nous avons vu que Dieu se servira des dix cornes ou rois (correspondant aux états selon lesquels la terre Romaine se trouvera divisée à la fin de cette dispensation), et qu’Il donnera une prééminence particulière à ce qui est appelé « la bête », c’est-à-dire la puissance servant de lien à ces parties autrement dissociées. Le grand chef impérial, et les diverses puissances (distinctes mais non pas indépendantes ; vassales de ce chef) seront les instruments que Dieu emploiera pour infliger Son jugement à Babylone.
Rien de tout cela n’apparaît au ch. 18. La différence entre les deux passages est si évidente et si grande à première vue, que certains ont déclaré catégoriquement que le jugement du ch. 17 est antérieur à celui du ch. 18, et que la destruction de Babylone au ch. 17 est simplement due à l’homme, tandis que la ruine du ch. 18 est postérieure et procède directement de Dieu. Je ne voudrais pas être dogmatique sur cette explication, mais je pense au contraire que dans un même jugement, on peut avoir le côté de Dieu et le côté de l’homme, Dieu agissant providentiellement, et les hommes frappant le coup comme s’ils étaient Sa main. Si l’on veut faire une distinction valable, la « chute » précède la destruction finale ; une dégradation totale de son état résulte de l’assaut des puissances civiles ; ensuite vient un appel pressant adressé au peuple de Dieu pour qu’il sorte ; puis enfin arrive la destruction totale et éternelle de Babylone de la part de Dieu. (*)
(*) note Bibliquest : nous comprenons que : 1. la chute correspond au « elle est tombée » de la première moitié du verset 18:2, mais aussi de 14:8 — 2. la dégradation totale correspond à la seconde moitié du verset 18:2, mais aussi au « déserte et nue » de 17:16 — 3. L’appel à sortir est en 18:4 — 4. la destruction finale est dans le reste du ch. 18, spécialement les versets 18:18, 19, 21 et 19:3, mais aussi dans le « brûlée au feu » de 17:16.
Sur ce sujet voir aussi le présent ouvrage à propos de 14:8 et ch. 15 et début du ch. 17
Si l’on considère Babylone dans l’Ancien Testament, on voit que les prophètes ont justement parlé de sa destruction comme du jour du Seigneur contre elle. « C’est ici l’œuvre du Seigneur, l’Éternel des armées, dans le pays des Chaldéens » (Jérémie 50:25). En même temps, il est tout à fait certain que l’instrument dont Dieu s’est servi pour amener Babylone à la ruine, a été le célèbre Cyrus, chef de l’armée Médo-Perse. De la même manière, Apoc. 17 fait voir les instruments humains effectifs. L’influence de Babylone s’est étendue bien au-delà de la terre Romaine, et les dix cornes de la terre Romaine sont les puissances qui rayonnaient en quelque sorte à partir de son centre. C’est pour cela peut-être que Dieu fait voir dans ce chapitre que ces puissances, apparemment si liées à Babylone jusqu’à en être comme ses misérables esclaves (le pouvoir impérial lui-même n’ayant été guère qu’une bête de somme pour elle), vont faire volte-face à un certain moment déterminé par Dieu, et elles assouviront sur elle leur vengeance, leur mépris et leur haine. Ces puissances auront certes des objectifs humains, mais elles exécuteront l’œuvre de juste rétribution de Dieu. Dieu leur aura mis à cœur de s’accorder pour donner leur royaume à la bête, jusqu’à ce que Ses paroles soient accomplies.
Au ch. 18 les instruments humains disparaissent, et quand cet autre ange descend du ciel, il ne dit pas un mot de ceux utilisés par Dieu comme moyens pour faire tomber Babylone ; ils sont mis de coté, et c’est le Seigneur Dieu qui la juge. Dieu aurait pu détruire Babylone aussi facilement sans les dix rois qu’avec eux. Ils n’étaient nullement nécessaires. Mais comme elle avait régné sur les rois de la terre et commis fornication avec eux, il convenait au gouvernement de Dieu sur la terre de se servir des dix cornes pour l’humilier à la fin. Ils pouvaient être, eux, des hommes méchants animés de mauvais desseins : c’est pourquoi il était nécessaire de bien montrer aux saints que Dieu Lui-même est contre Babylone.
Considérons un peu maintenant ce nouveau point de vue où l’on ne voit en scène que deux parties : Babylone sur la terre, et Dieu au ciel. Le Seigneur Dieu est contre cette cité orgueilleuse et agissant en reine, ennemie constante de Dieu et de Son peuple, instrument de Satan pour séduire et entraîner ses victimes dans une alliance de méchanceté et dans l’idolâtrie. Tel est le caractère sous lequel Babylone est envisagée ici. Et pourtant c’est cette Babylone qui s’arrogeait la position et la fonction de faire connaître Dieu. Car la grande ville n’est plus une puissance païenne, ni comme la Babylone d’autrefois, une puissance étrangère au peuple d’Israël utilisée par Dieu comme instrument pour châtier ce peuple. Il me semble que la Babylone d’Apocalypse correspond très clairement à la Babylone de l’Ancien Testament, mais appliquée aux sujets du Nouveau Testament. Dans l’Ancien Testament, la pensée de Dieu avait essentiellement pour objet Son peuple et Son pays ; et il y avait aussi une ville sur laquelle Son œil se reposait avec une affection particulière, car Il n’aimait pas seulement le peuple, mais Il s’intéressait à ce qu’Il donnait au peuple. Mais tout cela a complètement cessé depuis que le Seigneur Jésus, rejeté, a été crucifié. Dès lors et jusqu’à maintenant, il n’y a plus de lieu plus saint qu’un autre. Celle qui avait été la ville sainte était maintenant comme un Aceldama, le champ taché du sang du Seigneur Jésus Christ. Mais l’œil de Dieu voyait que, dans la suite des temps, la grande ville de la terre professerait le nom de Christ, et tirerait parti de la révélation donnée de Dieu, et qu’à partir de l’état corrompu et déchu du christianisme un système, elle formerait un système à elle, — empruntant tout ce qu’elle pourrait au judaïsme et le mélangeant avec son propre mal (un mal des Gentils), pour produire un système qui serait au plus haut degré haïssable pour Dieu, et séducteur pour l’homme.
Je ne doute donc pas que, dans ce chapitre 18, ce soit Rome qui soit l’objet particulier du jugement de Dieu, — non pas que Rome soit tout ce que Babylone signifie, mais Rome en est le centre, parce que parmi toutes les villes, c’est elle la plus coupable aux yeux de Dieu. Il ne s’agit pas de Rome sous sa forme païenne, ni simplement de la Rome contemporaine, si mauvaise soit-elle et malgré sa méchanceté croissante. Mais je crois que la Babylone de l’Apocalypse n’est pas simplement ce système qui s’oppose maintenant au christianisme, mais il s’agit de Babylone qui se sera opposée au dernier témoignage envoyé par Dieu, le témoignage de Dieu concernant le royaume du Fils de l’homme qui va bientôt être établi sur Son peuple bien-aimé. Car Dieu ne renonce jamais à Son propos. Cela fait partie du caractère de Dieu de ne jamais se repentir de Ses dons et de Son appel. Quand il ne s’agit pas d’un dessein de miséricorde, mais d’une menace, Dieu peut fléchir, et Il aime à le faire. Le cas de Ninive nous montre qu’Il le fait (bien que le coup fût frappé plus tard et qu’un coup doive encore être frappé dans quelque temps futur). Dieu laisse les hommes dire qu’Il a changé d’avis, alors qu’il s’agit de différer le châtiment dû au péché ; mais quand, d’un autre côté, il y a un dessein de Dieu de bénir un peuple, Il n’y renonce jamais. Cela est digne de lui. Il est plein de miséricorde. Il a pu permettre que la prophétie envoyée contre Ninive par Son serviteur Jonas ait parue mise de côté ; Il ne se préoccupe pas de ce que les hommes en disent. Il leur laisse volontiers penser que, dans Sa miséricorde, Il a changé d’avis, et que la sentence de destruction a été mise de côté là où il y a eu humiliation et repentance devant Dieu. Mais il reste ceci de réjouissant, que même si la faillite de l’homme, la faillite de l’Église et autres choses semblables, paraissent avoir compromis le dessein béni que Dieu a en réserve pour Son peuple et pour Sa propre gloire, — tout ce qui est de Dieu ne fait que se déployer avec plus d’éclat ultérieurement.
Si l’on considère Babylone dans son histoire passée, on peut voir combien ce nom était approprié pour exprimer le mal spécial qui devait surgir de la corruption du Christianisme. C’est en Gen. 10 qu’il est fait mention pour la première fois de Babel. Elle est là en connexion avec un homme à forte volonté, qui a commencé par montrer son habileté vis-à-vis des animaux, et qui a bientôt tourné contre ses semblables toute cette habileté et toute l’expérience acquises dans la sphère naturelle inférieure. Nimrod est le premier personnage avec qui Babel se trouve associée ; c’est l’homme concentrant la puissance en lui-même. Mais le chapitre suivant (Gen. 11) présente une autre idée. Ce n’est plus seulement l’homme qui s’exalte lui-même, et d’autres qui lui sont soumis par la fraude ou par la force, mais c’est un grand effort des hommes pour se rassembler pour bâtir quelque chose de permanent, de fort et de haut — une tour qui s’élève jusqu’aux cieux et qui leur fasse un nom sur la terre. Ce sont là les deux pensées toujours plus ou moins liées à Babylone. Cela peut prendre la forme d’un individu qui s’exalte lui-même, ou d’un groupe d’hommes s’unissant pour quelque grande entreprise, ou un mélange de ces deux principes.
Cela se retrouve, et encore plus nettement développé, lorsqu’on arrive à l’histoire de la nation juive. Dieu les appela comme peuple, et leur conféra des bénédictions et des privilèges spéciaux. Ils tombèrent dans l’idolâtrie, qui est le péché surgi à Babylone et qui en est la grande source primitive ; et Babylone est devenue le principal instrument de jugement contre le peuple de Dieu, et la scène de la captivité de Juda. On y voit Nébucadnetsar, la tête d’or de la statue, correspondant à Nimrod, et la grande ville qu’il bâtit correspondant à la tour de Babel — les deux idées impliquées dans ce nom étant ainsi réunies, comme elles le furent en effet très tôt au commencement, car Babel fut le commencement du royaume de Nimrod. Le cœur naturel convoite pour l’homme une élévation présente sur la terre, et une exaltation revêtue du soutien de la religion, mais le but en est l’idolâtrie.
Dans le Nouveau Testament, le Saint Esprit reprend le terme « Babylone », et l’applique à la corruption qui devait se développer dans la chrétienté professante. Lorsque Dieu sauve des âmes, Il ne leur laisse pas le choix de leur propre voie dans le monde ; encore moins leur reconnaît-Il le choix de leur propre voie dans l’Église. Celui qui comprend la place qui lui revient comme appartenant à Dieu, a sa volonté brisée. Il a le privilège de traiter sa nature comme une chose morte et mauvaise — non pas sur le pied d’un esclave, qui travaille pour un salaire et par obligation, mais dans la liberté d’un enfant de Dieu, la liberté de quelqu’un qui a été béni de Dieu et qui a à cœur les intérêts de son Père. Or ce n’est pas la volonté de son Père que, dans le temps présent, il se mêle avec le monde ou y ait une place. Dans la pensée de Dieu, le monde est trop inférieur pour le chrétien, parce qu’il est pratiquement sous la puissance de l’ennemi. Le temps viendra où le monde sera placé sous l’autorité des enfants de Dieu, lorsqu’ils jugeront le monde. Mais cela ne saurait avoir lieu avant que Satan soit mis de côté, et que Christ soit publiquement exalté sur la terre et dans les cieux. Jusque-là, les saints sont appelés à attendre dans la foi et dans la patience. C’est là l’argument sur lequel l’apôtre insiste en 1 Cor. 6 pour démontrer que les frères en Christ ne doivent rien avoir à faire maintenant avec les jugements de ce monde. Y porter leurs différends ne correspond pas à leur dignité d’enfants de Dieu. Il est vain d’essayer de réformer le monde : une idée pareille n’est jamais entrée dans l’esprit de l’apôtre. Car la foi se réjouit dans la délivrance des pauvres pécheurs, et en même temps elle considère le monde au point de vue de Dieu, c’est-à-dire comme déjà jugé et n’attendant plus que l’exécution de la sentence à la venue du Christ.
Si l’apôtre exhorte à la soumission envers les autorités qui existent (Rom. 13:1), il ne dit jamais : Vous, frères, qui occupez des postes d’honneur sur la terre, vous devez continuer à y rester. Cela équivaudrait à annuler le but de Dieu, dont les enfants ne sont pas du monde, comme Christ n’est pas du monde. Car aujourd’hui Dieu n’entreprend pas de gouverner le monde, sauf, bien sûr, par Sa providence secrète. Lorsqu’Il reprendra effectivement le royaume de ce monde pour Lui, Il commencera par juger les corrupteurs de la terre, et plus particulièrement toute iniquité commise sous le nom de Christ. Ce n’est pas ce que Dieu fait maintenant : il met plutôt à l’épreuve les âmes de Ses saints dans un lieu de tentation où tout est contraire à Son nom. S’ils sont fidèles, ils souffriront la persécution. S’ils sont infidèles, le monde pourra faire grand cas d’eux ; ils pourront en partager les aises et les honneurs, mais Satan se servira certainement d’eux pour maintenir tout tranquille, car rien n’apporte au mal un appui aussi fort qu’un homme de bien qui se joint au monde et lui donne son soutien. Souvenez-vous de Lot. Il siégeait à la porte de Sodome, là où on rendait la justice. Cette position était autant déshonorante pour Dieu que misérable pour lui-même. À la fin, il fallut le forcer à en sortir ; mais avant même d’être arraché à Sodome, les plaines arrosées du Jourdain avaient perdu leur valeur à ses yeux. Souvenez-vous aussi de la femme de Lot.
Son âme juste se tourmentait à cause des actions iniques des habitants, et lui-même était l’objet de leurs sarcasmes : « Cet individu est venu pour séjourner ici, et il veut faire le juge ! » disaient-ils. Ils voyaient l’inconséquence de sa position ; car les mondains sont en général prompts à discerner les manquements des croyants. Hélas ! il est facile de comprendre comment un homme peut être pieux « en gros », et quant aux détails se trouver dans des circonstances où un chrétien ne devrait pas être, au point de ne plus être un vrai témoin pour Dieu. Que je considère le chrétien individuellement, ou bien l’Église, je vois que le but de Dieu est d’avoir dans le monde un témoignage à Sa propre gloire ; d’avoir les Siens non pas occupés à renverser le monde, et encore moins à rechercher les honneurs et les richesses du monde, mais prêts à renoncer à ce qu’ils aiment le mieux par amour pour Christ, parce qu’ils ne regardent pas aux choses qui se voient, mais aux choses invisibles et éternelles. C’est le triomphe de la grâce ; et c’est dans la mesure où nous le réalisons, que nous sommes de vrais témoins pour Dieu. Inversement, si nous cherchons à gagner ou à retenir le monde avec Christ, voilà le principe de Babylone qui commence.
Sans doute, les ch. 17 et 18 de l’Apocalypse vont beaucoup plus loin que ce dernier point, et le sujet dont ils traitent est un vaste système religieux corrompu. Cela ressort clairement de la comparaison du ch. 17:1-3 avec le ch. 21:9-11. Au ch. 17:1, il est écrit : « Et l’un des sept anges… vint et me parla, disant : Viens ici ; je te montrerai la sentence de la grande prostituée qui est assise sur plusieurs eaux ». Mais ensuite, au ch. 21:9, nous avons une autre scène. « Et l’un des sept anges… vint et me parla, disant : Viens ici, je te montrerai l’épouse, la femme de l’Agneau ». Il est évident, me semble-t-il, que le Saint Esprit emploie le même genre d’introduction pour ces deux femmes, pour que nous fassions le lien entre elles. Le même guide (l’un des sept anges qui avaient eu les sept coupes) prend Jean, et lui montre cette femme terrestre et corrompue au désert. Plus loin, dans la scène finale, il l’emporte sur une grande et haute montagne et lui montre une femme céleste. Comme la femme céleste est le symbole de l’Église céleste, ainsi Babylone symbolise un corps religieux corrompu. C’est elle qui prend la place de l’Église et celle de témoin pour Dieu sur la terre, en même temps qu’elle se livre à toutes sortes de commerces mauvais avec ceux qui sont exaltés ici-bas. Comme d’habitude (1 Cor. 15:46) ce qui est charnel et terrestre vient en premier, puis ce qui est spirituel et céleste. Une fois le faux système des hommes et de Satan disparu, le système véritable est déployé dans la gloire de Dieu.
Or, bien que nous puissions nous attendre à un développement futur de Babylone et de son opposition au témoignage final de Dieu au sujet du royaume (témoignage qui sera rendu devant toutes les nations avant que vienne la fin), cependant je pense qu’il est facile dès à présent de discerner où se trouvent de la manière la plus complète les caractères de Babylone. C’est un système religieux qui gouverne de nombreux rois ; ce n’est pas une organisation à la merci des gouvernements séculiers. C’est bien déjà un péché, mais ce n’est pas l’iniquité dont il est parlé ici. Babylone est un système de corruption religieuse incomparablement plus ténébreux, plus profond, plus répandu — s’arrogeant exclusivement le nom d’Église de Dieu, s’établissant au-dessus des rois, intriguant avec eux, tout en maintenant en même temps sa suprématie sur eux tous ; enivrant les masses par le poison de ses faussetés excitantes ; se parant de toute la splendeur factice du monde ; source de la pire idolâtrie existant sous le soleil ; et manifestant un esprit de persécution sanguinaire contre les vrais saints et témoins de Jésus, avec la prétention d’accomplir Sa volonté et d’agir sous Son autorité. Il n’y a qu’un système qui prétende à cette position, qui prend sa position comme donnée de Dieu, dont le siège et le centre sont au cœur de ce qui fut jadis l’empire Romain, un système religieux qui fait parade de domination universelle, et qui, pour l’exercer, attire par toutes sortes de séduction, ou bien étouffe toute opposition dans le sang de ses victimes, qu’il appelle hérétiques. « Par ta magie, toutes les nations ont été égarées. Et en elle a été trouvé le sang des prophètes, et des saints, et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre » (18:23, 24). Quiconque lit calmement et sans préjugé cette description de Babylone, et se pose la question : quel est dans la chrétienté le corps professant où on trouve tant d’idoles, tant d’autorité sur les rois de la terre, tant d’indulgence pour les méchants, tant de cruauté pour les justes ? — pour toute personne ainsi dépourvue de préjugé, il est impossible de ne pas voir la réponse. (*)
(*) Les efforts faits par le célèbre et subtil Bossuet pour
détourner l’application de Babylone d’Apoc. 17 et 18
à la Rome christianisée ou papale, ne sont pas seulement faibles ; mais si
on les passe soigneusement au crible, ils font encore mieux ressortir la
vérité. Son argument est que, l’Église étant mariée à Christ, l’Église coupable
serait une adultère plutôt qu’une prostituée. La
réponse est d’abord que le mot fornication est simplement un terme générique,
selon l’usage tant de l’Ancien que du Nouveau Testament ; et ensuite, même
en appliquant ce terme avec la plus grande rigueur, le terme « prostituée »
est plus correct pour décrire le péché dont il s’agit, parce que l’Église est
maintenant fiancée à Christ, et non pas mariée. Selon l’Apocalypse, le mariage
n’est consommé qu’après le jugement final de Babylone, au ch. 19.
Quant aux Églises Grecque et Orientale, aux Églises d’Angleterre, d’Écosse, et autres institutions nationales réformées, elles sont plus ou moins notoirement subordonnées au gouvernement qui a à faire avec chacune d’elles. Ce peut être un mal, et je pense que c’en est un. Mais il y a deux manières pour un système religieux d’agir à l’encontre de Christ : soit par une sujétion coupable au monde, soit par la suprématie sur lui, ce qui est plus coupable encore — en un mot, en étant l’esclave du monde ou la maîtresse du monde. Dans le temps actuel, il n’y a qu’un seul système religieux qui prétende avoir les rois à ses pieds : c’est le système de Rome, qui correspond par conséquent à Babylone. C’est une grande erreur que de croire que nous en avons fini avec elle, ou qu’elle a fait son temps. Rome peut encore obtenir un triomphe passager. Ses émissaires sont actifs dans le monde entier, et les fondements du protestantisme sont minés de toute part. Ceux qui, dans l’état actuel des choses, s’attendent à voir le christianisme renverser ses adversaires sur la terre, sont, selon moi, en grand danger d’être déçus : l’espoir d’arriver à une Église aussi grande ou plus grande dans le bien, que celle de Rome ne l’est dans le mal, n’est pas selon l’Écriture. Car il surviendra encore une lutte terrible, et Rome, selon ce que je pense, acquerra une immense influence et fera taire toute voix contraire, hormis les faibles soupirs des quelques témoins dont il est parlé ici, — témoins qui ou bien mourront par elle, ou bien sortiront d’elle. Dieu les entendra ; mais pour ce qui concerne un quelconque témoignage ouvert ou public à Lui-même, il sera englouti par Babylone. Quant à renverser Babylone, ce n’est pas l’évangile ou la force de la vérité qui y arriveront, mais la volonté et la colère des hommes. Partout où le Romanisme l’emporte, l’incrédulité en est la conséquence inévitable ; c’est pourquoi Babylone prépare toujours la voie au dernier effort de la bête contre l’Agneau. Mais avant que la fin arrive, la bête obtient la haute main sur tout, et Babylone devient sa proie et celle des dix cornes.
Est-ce ce qui nous est présenté ici ? L’homme est laissé de côté ; il n’est fait aucune allusion aux dix cornes dans le chapitre 18, bien que les rois de la terre y soient mentionnés. Voici la différence : « les rois de la terre » (18:9) sont, me semble-t-il, tous ces gouvernants de la chrétienté avec lesquels Babylone a été dans des relations d’intimité mauvaise, ou qui ont eu avec elle des rapports fautifs, — tandis que les dix cornes sont les chefs de l’état final de division de l’empire et les instruments actifs de sa dévastation, selon ce que dit le ch. 17. Les rois de la terre sont ceux qui mènent deuil sur elle, et non ceux qui la brûlent. Ici, au chapitre 18, son heure est venue, et c’est le Seigneur Dieu qui la juge.
Remarquez bien ici la voix qui vient du ciel : « Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez pas à ses péchés, et que vous ne receviez pas de ses plaies » (18:4). Être en danger de recevoir de ses plaies n’est pas le motif divin pour se séparer d’elle. C’est un sujet d’inquiétude pour les hommes, mais la grande chose que Dieu attend des Siens, c’est de ne pas participer à ses péchés. Je désire placer cette question devant chaque chrétien : Jusqu’à quel point suis-je d’accord avec la pensée de Dieu concernant Babylone et ses péchés ? Jusqu’à quel point est-ce que je sens le mal qui s’y trouve, et le juge-t-il ?
Babylone n’a pas cherché le ciel, mais la terre ; elle n’a pas cherché les souffrances de Christ et les gloires qui suivraient (1 Pierre 1:11), mais elle a aspiré à s’asseoir en reine et à ne point voir de deuil (18:7). Babylone est satisfaite de l’exaltation mondaine. Si vous marchez sans avoir de telles aspirations, Babylone n’a pas d’attraits pour vous. Le danger actuel que représente Babylone pour toute âme, c’est de s’intéresser progressivement à ce qui a de la valeur pour l’homme sur la terre, et de l’admettre chez les chrétiens. Il s’est produit un grand changement ces dernières années dans les pensées des chrétiens au sujet de la jouissance présente de la prospérité et des plaisirs dans ce monde. Or il y a là un immense danger ; car quelle en est la grande pensée au fond ? L’homme qui s’élève, qui progresse, qui s’exalte — l’homme qui montre ce qu’il peut faire et comment il peut s’améliorer ; et à tout cela on cherche à rattacher le nom de Christ et Son approbation ! Hélas ! c’est Babylone la grande (18:9-19). On voit chez elle l’aboutissement du désir du cœur, qui est d’associer Christ à la jouissance de « tout ce qui est dans le monde » : la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie (1 Jean 2:16). Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un inconverti cherche à rendre le monde agréable : Caïn l’a fait, et marcher dans le chemin de Caïn existe encore aujourd’hui (Jude 11). Ce sont les gens qui manient toutes sortes d’instruments de musique, et ceux qui travaillent l’airain et le fer (Gen. 4). Certes ces choses ont pris naissance dans un temps très reculé du monde, mais ce n’est pas pour rien que l’Esprit de Dieu nous déclare qu’elles se trouvaient dans la famille de Caïn, et non pas dans celle de Seth.
Tout enfant des hommes, converti ou non, est responsable vis-à-vis de Dieu de reconnaître son état de banni en tant que pécheur : il n’a pas le droit de noyer sa conscience dans les plaisirs et la gloire du monde. Mais si mauvais que cela soit, ce que Dieu hait le plus, et qu’il jugera de manière publique et terrible, dans ce monde même, c’est de rattacher le nom de Christ à la satisfaction des convoitises mondaines. N’est-ce pas là le désir, même chez beaucoup de chrétiens, d’avoir comme assise la grandeur et les richesses du monde ? Je ne doute pas de leur désir de cœur de voir les gens se convertir, mais ils aimeraient que ces convertis apportent avec eux leur influence terrestre. Voilà l’esprit de Babylone. Ce que le Seigneur attend de nous, c’est que nous fassions la volonté de Dieu, que nous souffrions pour elle, et que nous l’acceptions avec patience. Dans tout ce que le cœur de l’homme convoite, sa volonté s’y trouve mêlée. Toutes les positions de distinction ou de gloire dans le monde contraignent à abandonner une bonne conscience envers Dieu. Autrement dit, vous ne pouvez à la fois être membre du monde, et agir fidèlement comme membre de Christ. Si le monde a de la valeur pour vous, et que vous désiriez le suivre, vous vous construirez toutes sortes d’excuses et de raisonnements pour aboutir à un compromis ; mais cela ne fera que montrer à quel point le levain de Babylone a contaminé votre âme.
Dieu rassemble les âmes autour de Jésus — de Jésus rejeté et monté au ciel. C’est pourquoi l’Église est basée sur ces deux vérités fondamentales. Elle a la croix, et elle est unie à Christ dans la gloire céleste par le Saint Esprit envoyé ici-bas. Or la croix et la gloire céleste ne peuvent pas se mêler au monde. Voilà justement ce qui met mon cœur à l’épreuve. Si Christ est mon objet, je ne désirerai pas le monde ; je regarderai en haut, faiblement peut-être, mais quand même en haut vers le ciel ; et là je trouverai le seul objet dont Dieu se sert pour me fortifier, me donnant d’accepter de souffrir dans la conscience que j’ai Christ dans la gloire. Chaque fois que l’Église cherche quelque chose d’autre, comme l’estime et l’honneur du monde, ou même l’amélioration sociale, elle renie la gloire qui lui est propre.
Le papisme s’est mépris sur le véritable caractère de l’Église ; il a suivi le système juif et a pensé qu’on devait apporter son or, son argent, ses pierres précieuses et ses biens pour honorer le Seigneur (voir 18:12-14). Mais Dieu est plus sage que les hommes, et Il montre que toute cette prétention à l’honorer n’est que pure imposture, et qu’au fond, les gens cherchent ainsi à s’honorer eux-mêmes. Ils recherchent ce qui attire et qui fait d’eux un objet d’attraction, tout en cachant leur véritable but sous le prétexte du nom de Christ. C’est ce que Dieu jugera, et ce qui infecte la chrétienté de plus en plus avant que ce jugement vienne. Vous demanderez peut-être comment cela est possible alors qu’on voit se développer tant de sociétés, et tant d’énergie active, tant religieuse que morale, se déployant contre les diverses formes de mal public partout dans le monde. Je ne vous dis pas ce que je vois, mais ce que montre la Parole de Dieu — la prépondérance universelle, avant qu’arrive la fin, d’un système corrompu dont le centre est clairement à Rome, et qui étend son cercle d’influence au loin, embrassant toutes les institutions religieuses possibles (*) qui, même opposées en apparence au papisme aujourd’hui, ne lient pas les âmes avec le ciel. Il n’y a aucune sécurité pour ceux qui bâtissent sur la terre. Les saints célestes seront retirés avant que le jugement tombe sur Babylone. Ce n’est pas à eux que fait allusion cette parole : « Sortez du milieu d’elle, mon peuple ». Cela est dit du peuple terrestre de Dieu (**) qui apparaîtra bientôt. Mais en même temps, ce principe s’applique pleinement ; car l’essence de Babylone, c’est l’union du monde avec le nom de Christ. « C’est pourquoi sortez du milieu d’eux, et soyez séparés, dit le Seigneur, et ne touchez pas à ce qui est impur, et moi, je vous recevrai » (2 Cor. 6:17).
(*) Babylone n’est pas seulement elle-même « la grande prostituée », mais elle est « la mère des prostituées et des abominations de la terre ». Il y a d’autres corruptions en matière de religion, qui lui sont apparentées, mais Rome a la prééminence, « mère et maîtresse » des autres, ainsi qu’elle le prétend (cf. aussi És 47:5, 7).
(**) Il s’ensuit qu’il n’est pas besoin d’adopter l’idée bizarre de Vitringa selon laquelle le verset 6 serait adressé aux rois ; il n’est pas non plus besoin de détruire la vocation spéciale de l’Église en supposant que c’est à elle de venger les torts de Babylone. La justice rétributive de Dieu adressera ses appels les plus appropriés à Son peuple, les Juifs, qui doivent être les témoins de Son juste gouvernement ici-bas.
Le Seigneur ne tiendra point pour innocent celui qui a la conscience de ce qui est dû à Christ, et n’agit pas en conséquence. À toute personne qui est dans ce cas, je voudrais dire : Voilà où vous en viendrez : vous cheminerez pour un temps, et vous serez troublé par la vérité, car elle vous condamnera ; mais bientôt, vous verrez que vous en aurez perdu le goût, vous en serez lassé ; et même vous vous tournerez contre elle, et dès lors vous serez moralement mûr pour Babylone quand elle vous fera ses offres. En ce qui me concerne, la question pour Dieu est de savoir si je suis coupable de l’esprit de Babylone. Si quelqu’un marche dans sa voie, il ne peut que participer à son péché. Or qui s’oppose mieux à la vérité que ceux qui la corrompent ? Qui a plus de haine que ceux qui sont eux-mêmes condamnés ?
Il y a maintenant une grande œuvre en route, non seulement une œuvre de dissolution et de destruction de ce qui est ancien, mais d’unification et d’amalgame pour des buts divers. Cela s’est vu dans Babylone dès le commencement (Gen. 11), et cela se retrouvera, en fin de compte, pour servir le dessein de cette grande cité avant que le Seigneur Dieu la juge pour toujours.
Sur la base de plusieurs passages des Écritures, je crois qu’il y aura un mélange étonnant de christianisme professant et de judaïsme ; et ce dernier, jugé par la révélation complète et nouvelle de Christ dans le Nouveau Testament, ne vaut pas mieux que le paganisme (Gal. 4). Nous savons avec quelle tendresse le Saint Esprit supportait la faiblesse, les scrupules, l’attachement aux anciennes habitudes religieuses chez des chrétiens qui avaient été Juifs auparavant (Rom. 14). Mais il n’en allait pas de même quand des docteurs cherchaient à imposer des ordonnances juives à des Gentils convertis. Devant des Gentils empruntant un rite aux Juifs, ce même Esprit traitait ce rite comme équivalent en principe à l’ancienne idolâtrie ouvertement païenne. « Mais maintenant, ayant connu Dieu, ou plutôt ayant été connus de Dieu, comment retournez-vous de nouveau aux faibles et misérables éléments auxquels vous voulez encore de nouveau être asservis ? Vous observez des jours, et des mois, et des temps et des années » (Gal. 4:9-10). Le papisme est aujourd’hui l’illustration la plus manifeste et la plus haïssable de cet amalgame ; mais des abominations plus grandes verront le jour. Le Sacramentalisme et le Rationalisme, dans les pays protestants anglo-saxons et dans d’autres, s’excitent l’un l’autre jusqu’à des excès sans pareils. Et où a-t-on jamais vu une pareille indifférence publique, recherchant la liberté du commerce à l’étranger et le développement social à l’intérieur du pays ? On en verra le résultat dans Ies dernières phases de Babylone et de la bête.
Dans le tableau qui est devant nous, nous avons les lamentations des rois, des marchands et de tous ceux qui ont eu affaire au trafic profane de Babylone (18:9-19). Le ciel, spécialement les saints (c’est bien ainsi qu’on doit lire), les apôtres et les prophètes sont appelés à se réjouir du jugement de Dieu. « Dieu a jugé votre cause en tirant vengeance d’elle » (18:20).
Dans l’acte et la parole solennels de l’ange puissant qui terminent le chapitre (18:21-24), on ne voit pas seulement la violence et la totalité de la ruine de Babylone, mais la raison de cette ruine en rapport avec les nations : elle les avait toutes trompées par sa magie. Le dernier verset (18:24) ajoute un autre motif terrible : Babylone hérite de la culpabilité du sang de Jérusalem : « En elle a été trouvé le sang des prophètes et des saints, et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre ».
Au lieu de regarder seulement l’extérieur, et de nous occuper à condamner les autres, que le Seigneur nous accorde de prendre grand soin de préserver nos propres âmes de la contamination de Babylone ! Puissent nos affections rester vraies envers Lui : c’est la seule sauvegarde réelle vis-à-vis des séductions de l’ennemi ! Nous sommes fiancés à Christ comme une vierge chaste (2 Cor. 11:2). « Petits enfants, gardez-vous des idoles ! » (1 Jean 5:21).
Nous nous rapprochons d’une partie plus brillante et plus heureuse de ce livre. Les jugements providentiels de Dieu se sont pleinement exécutés, — soit les jugements plus secrets comme les sceaux, soit les semonces plus fortes appelant à la repentance comme les trompettes, soit les jugements plus positifs et manifestes de la colère de Dieu comme les coupes. Babylone, celle qui avait été placée en représentant de Dieu dans Sa grâce et Sa vérité, et qui s’est arrogée à titre exclusif le nom d’église, d’épouse de Christ, — la voilà maintenant mise de côté pour toujours : un fardeau terrible et pesant est ainsi ôté, un fardeau qui depuis longtemps affligeait les cieux et corrompait la terre.
Dieu est désormais libre, si l’on peut s’exprimer ainsi, d’accomplir les choses magnifiques qu’Il avait dans Son cœur en faveur de Sa pauvre créature séduite, et cela de la manière qu’il fallait, c’est-à-dire par le moyen et à la gloire de l’Agneau. On trouve donc deux choses liées ensemble au commencement du chapitre. La première est une invitation à se réjouir. « La grande prostituée » a constitué un obstacle perpétuel à la bénédiction, non pas simplement parce qu’elle était mauvaise, mais parce qu’elle a fait profession de tout ce qu’il y a de saint et de vrai, alors que c’est elle, par-dessus tout, qui s’est employée activement à corrompre le plus possible la grâce et la vérité ; elle a renié Christ d’une manière complète et systématique, tout en faisant partout parade du symbole extérieur de Sa croix. Tout ce que Dieu a fait a été en vain pour elle : le caractère de Dieu manifesté brillamment en Christ ; la sentence prononcée par Dieu sur l’homme et sur le monde ; l’apparition d’une nouvelle création avec son Chef [ou : Tête] ayant pris place dans la gloire céleste. Elle a associé le nom de Christ avec la chair et avec la terre, et c’est là qu’elle a cherché à accumuler ses trésors. C’est en vain que, pour elle, Dieu a fait luire la lumière et l’incorruptibilité par l’évangile (2 Cor. 4:4 et 2 Tim. 1:10) : elle a plongé plus que jamais les hommes dans l’incertitude et dans l’erreur, enseignant que tous les dons de Dieu, y compris le salut, peuvent être achetés avec de l’argent ; berçant les âmes du faux espoir que tout allait continuer à bien aller, et que le jugement du Seigneur n’est pas pour maintenant. Elle a ainsi barré autant qu’il était possible les flots de bénédiction pour le monde. Mais maintenant le juste jugement de Dieu l’a frappée, et la joie éclate au ciel.
Au ch. 18 la désolation est générale sur la terre. Les rois de la terre qui ont commis fornication avec Babylone se lamentent. Les marchands qui se sont enrichis par elle mènent deuil. De fait, aucune classe de la société n’a échappé à ses pièges, et tous ceux qui ont eu affaire avec elle sont dans la désolation à cause de sa ruine. Mais les cieux sont appelés à se réjouir, et nous avons ici (19:6) la réponse : « J’entendis comme une voix d’une foule nombreuse dans le ciel » ; ce « comme » doit bien figurer ici au v. 1, et deux fois au v. 6: « J’entendis comme une voix d’une foule nombreuse, comme une voix de grandes eaux ». « Et sa fumée monte aux siècles des siècles ». Voilà la triste oraison sur Babylone, si l’on peut dire, pour la plus grande joie du ciel.
Mais il y a quelque chose de plus qu’une vague rumeur de louange
et d’allégresse sans qu’on sache de qui elle émane. On voit paraître les 24
anciens qui ont l’intelligence des pensées de Christ, et les quatre animaux
[ou : « créatures vivantes »] qui, depuis le commencement, ont
été associés aux jugements providentiels de Dieu, ou du moins à une partie
d’entre eux. Les anciens et les animaux « tombèrent sur leurs faces et
rendirent hommage à Dieu qui était assis sur le trône disant : Amen !
Alléluia ! » (19:4). Ce n’est pas encore Christ prenant place sur Son
trône, car ils adorent « Dieu
qui était assis sur le trône, etc ». « Et une voix sortit du trône » (car
plus personne ne se tait), disant : Louez notre Dieu, vous tous ses
esclaves et vous qui Le craignez, petits et grands. Et j’entendis comme une
voix d’une foule nombreuse, comme une voix de grandes eaux, et comme une voix
de grands tonnerres, disant : Alléluia ! car
le Seigneur notre Dieu, le Tout-Puissant, est entré
dans Son règne. Réjouissons-nous, et tressaillons de joie, et donnons-Lui
gloire ; car les noces de l’Agneau sont venues et Sa femme s’est
préparée » (19:5-7).
C’est ici la seconde partie. Non-seulement le temps de la prostituée est venu à sa fin, mais l’accomplissement de la bénédiction de l’Épouse est venu. Il est important de remarquer que ce n’est pas le moment où le Seigneur vient recevoir l’Église céleste. Il s’agit d’une scène ayant lieu au ciel, et non pas de la rencontre du Seigneur Jésus avec Ses saints en l’air. Quelques versets plus loin, on voit le ciel ouvert, et Christ qui en sort, suivi de Ses saints. On en conclut simplement et sûrement que les saints s’y trouvent déjà. Pour suivre Christ venant exercer le jugement, il faut qu’ils se soient trouvés préalablement dans le ciel. Je demande, comment y sont-ils allés ? Il n’est pas dit qu’ils ont été introduits à ce moment-là dans la maison du Père. On retrouve les divers groupes bien connus dans le ciel, mais avec un fait nouveau : les noces de l’Épouse dans les cieux — les noces de celle pour laquelle Christ réserve la grâce et la gloire les plus éclatantes. Elle s’est préparée ; et voilà l’annonce, non pas simplement du chant de triomphe à cause du jugement du mal, mais à cause des noces de l’Agneau. « Réjouissons-nous et tressaillons de joie ». C’est la grâce qui s’étend vers d’autres. « Et il lui a été donné d’être vêtue de fin lin éclatant et pur ». L’autre femme aussi portait une sorte de fin lin et des perles et d’autres ornements (17:12). Mais il n’est jamais dit de Babylone que cela lui ait été donné, ni comment elle se l’est procuré. Mais c’est à la femme de l’Agneau qu’il a été donné d’être vêtue de fin lin éclatant et pur. Le fin lin, ce sont les justices des saints (19:8). Dieu n’oublie pas l’œuvre de foi ni le travail d’amour (1 Thes. 1).
« Et il me dit : Écris : Bienheureux et saints ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau ». Il y a évidemment une solennité particulière dans la terminaison de ce récit, car, après ces paroles, nous sommes invités à nous arrêter, à écouter et à considérer : « Ce sont ici les véritables paroles de Dieu ». La plus grande plénitude de joie est accordée à celle qui a souffert, à celle qui a eu part au chemin de douleur de l’Agneau ici-bas sur la terre. Mais les noces de l’Agneau sont seulement mentionnées, non pas décrites. Le livre de l’Apocalypse n’a pas pour but de décrire la maison du Père ni les scènes qui s’y passent. Dieu n’est jamais appelé notre Père dans ce livre, parce que ce qu’il dévoile n’est pas l’intimité de l’amour de Dieu pour nous, mais plutôt les justes voies de Dieu, l’établissement du royaume et la fin quand Dieu sera tout en tous. En vérité, il doit y avoir un jugement rigoureux et impitoyable sur tout ce qui est mal, et c’est ce que nous avons vu. Mais quand vient le côté de Dieu, et la pleine bénédiction de l’Église, on n’en trouve que l’annonce — l’Épouse s’est préparée. Cette pleine bénédiction est relativement cachée. Il nous est parlé des invitations à y participer, comme dans ce verset 9. « Bienheureux sont ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau ».
Et maintenant, je voudrais m’arrêter un peu avant de poursuivre notre sujet. Est-ce excessif d’admettre que l’Épouse, la femme de l’Agneau, est un symbole différent de celui des bienheureux conviés aux noces, et correspond à une catégorie de saints distincte ? Quelles sont les personnes que le Seigneur a en vue dans ces deux symboles, l’épouse et les conviés ? Il n’y a guère de difficulté au sujet de l’Épouse, la femme de l’Agneau. Presque tous reconnaissent en elle l’Église, celle que le Nouveau Testament présente continuellement comme l’épouse céleste du Seigneur Jésus Christ. Le ch. 5 des Éphésiens fait ressortir cette relation dans laquelle elle est avec le Seigneur, et le développement en sa faveur de la plénitude des affections de Christ. Notons en passant que le Saint Esprit ne parle pas de ces relations simplement comme quelque chose de futur, mais comme déjà établies maintenant. « Christ a aimé l’assemblée et s’est livré lui-même pour elle ». Cela est vrai dès l’instant où Dieu a commencé à former l’Église sur la terre par la présence du Saint Esprit envoyé du ciel.
L’Église est toujours considérée comme un corps réel, qui demeure, parce que, là où est le Saint Esprit, là est l’Église. Le Saint Esprit a été envoyé ici-bas, et c’est Sa présence personnelle qui forme l’Église. C’est là la raison pour laquelle les saints qui délogent pour être avec le Seigneur, ne sont pas directement appelés l’Église. Bien sûr, individuellement ils sont membres de l’Église, mais les passages de l’Écriture qui parlent de l’Église, ne la voient que comme le corps de Christ sur la terre. D’ordinaire, les gens parlent d’Église visible et d’Église invisible, d’Église militante et d’Église triomphante, et ils pensent que lorsque des chrétiens délogent pour être avec Christ, c’est là et alors qu’on a plus particulièrement l’Église, et le temps de l’Église. Toutefois, la Parole de Dieu ne s’exprime jamais de la sorte, mais elle parle d’Église à propos de ceux qui sont appelés ici-bas même, et qui sont baptisés par un seul Esprit pour être un seul corps. Sans doute que lorsque tous seront effectivement réunis dans le ciel, ce sera l’Église, et c’est ainsi qu’il en est parlé en Éph. 5:27, et peut-être dans quelques autres passages. Mais, en général, dans les passages de l’Écriture qui parlent de l’Église, ce terme désigne l’assemblée réelle de Dieu sur la terre à un moment donné. Le Saint Esprit y est, et partout où Il demeure Il unit les âmes pour ne former qu’un seul corps. C’est là une vérité de poids, dont les conséquences sont très importantes.
Car, je le répète, nous sommes placés déjà maintenant dans cette relation avec Christ. Nous n’avons pas simplement l’espérance de devenir bientôt l’Épouse de Christ : nous Lui sommes fiancés déjà maintenant. Les noces et leur consommation effective auront lieu bientôt, quand tous les membres seront introduits. Mais le grand point béni et pratique pour nos âmes, c’est que nous sommes introduits déjà maintenant dans cette position d’union avec Christ. Ce n’est pas seulement que l’affection sur laquelle le mariage repose existe dès à présent ; il y a plus que cela : le Saint Esprit se trouve sur la terre pour unir les saints à Christ dans le ciel, les rendant aussi réellement un avec Lui qu’ils le seront jamais. Lorsque Christ viendra, tous les obstacles disparaîtront ; tout ce que Satan emploie pour nous faire oublier notre relation avec Christ sera mis de côté, et nos corps vils seront rendus conformes à Son corps de gloire. Il est important de se rappeler que notre unité avec Christ comme Son corps dépend de la présence du Saint Esprit qui nous unit maintenant à Christ dans le ciel. Nous sommes un avec Lui maintenant.
Il semble donc que le Saint Esprit nous enseigne ici que l’Épouse n’est pas seule présente aux noces, mais qu’il s’y trouve aussi des invités : ce sont les conviés au banquet des noces de l’Agneau. Vous vous rappelez que Jean-Baptiste s’appelait lui-même un ami de l’Époux, et je présume que ceux qui sont dits ici être conviés au banquet des noces de l’Agneau correspondent aux amis de l’Époux. Ce ne sont pas des anges, car l’expression « conviés aux noces » ou « appelés » ne conviendrait pas pour des anges ; ils ne sont effectivement jamais désignés dans l’Écriture sous le nom d’appelés, parce que les anges élus sont toujours demeurés dans leur état primitif ; et l’appel de Dieu ne s’adresse qu’à ceux qui sont dans une basse condition afin de les en retirer. Beaucoup ont été habitués, je pense, à croire que si quelqu’un est un saint de Dieu, il fait nécessairement partie de l’Église, et qu’il n’y a qu’une seule bénédiction commune à tous les saints de tous les temps. Or nous trouvons ici que l’Écriture établit nettement le contraire, de manière évidente. Nous avons ici un banquet de noces dans lequel une place toute spéciale de joie est réservée à une personnes, qui est appelée l’Épouse, la femme de l’Agneau (composée, il est vrai, de myriades de personnes, mais reconnues ici comme ne faisant qu’un dans la bénédiction, et désignées par ce seul et unique terme d’Épouse, pour montrer qu’elles ont toutes la même portion d’amour et de félicité). Mais cela ne peut pas se dire de tous les saints, car il y en a qui occupent une autre position : ils participent au banquet de l’Agneau en tant que conviés, et non pas en tant qu’épouse.
« Et il me dit : Ce sont ici les véritables paroles de Dieu ». Cet avertissement solennel me paraît très frappant, en ce qu’il semble prévoir l’oubli dans lequel les hommes allaient le laisser tomber. Jean allait rendre hommage à l’ange ! c’est l’autre extrême, mais souvent les extrêmes se rejoignent.
Au commencement du livre, nous avons eu un avertissement analogue, ainsi exprimé : « Bienheureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie et qui gardent les choses qui y sont écrites » (1:3). Le Saint Esprit savait que beaucoup traiteraient ce livre à la légère, et ne le comprenant pas, le considéreraient comme aride et inutile. Il est triste que des âmes puissent s’écrier : « Il n’y a rien là pour mon âme ». Il n’est pas de livre de la Bible où, plus que dans l’Apocalypse, le Saint Esprit recommande tant à notre attention les enseignements qui y sont donnés de Dieu, et cela dès ses toutes premières lignes. Cela est d’autant plus remarquable, que le même avertissement est répété à la fin de ce livre, une fois que toutes les voies de Dieu sont achevées. « Et il me dit : Ces paroles sont certaines et véritables… Voici je viens bientôt : bienheureux celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre » (22:6-7), — non pas bienheureux celui qui garde des extraits choisis, mais bien les paroles du livre entier. Cette déclaration a une portée très étendue : « Bienheureux est celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ». Le Saint Esprit prend une peine toute particulière pour nous mettre en garde contre l’incrédulité de nos cœurs, aussi bien que contre notre idolâtrie (19:10).
L’avertissement du verset 9 de ce chapitre 19 semble spécialement destiné à nous mettre en garde contre les idées confuses et erronées qui prévalent généralement même parmi les chrétiens.
« Écris : Bienheureux sont ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau. Et il me dit : Ce sont ici les véritables paroles de Dieu » (19:9). Outre l’épouse, il y a d’autres personnes bénies présentes. Dans Héb. 12, on trouve dans la liste des bénis, d’autres catégories que celle qui compose l’église des premiers-nés. « Mais vous êtes venus à la montagne de Sion ; et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste ; et à des myriades d’anges, l’assemblée universelle » (tel est bien le sens qu’il faut retenir pour ce passage). L’« assemblée universelle » se rattache aux « myriades d’anges » (Héb. 12:22) et non à « l’assemblée des premiers-nés » de Héb. 12:23. Ceci est rendu d’autant plus clair si l’on garde présente à l’esprit que le mot « et » est toujours une conjonction de coordination qui introduit une nouvelle phrase. Ceci est admis par ceux mêmes qui ne tiennent pas ce qu’on appelle la lumière dispensationnelle, c’est-à-dire des gens qui donnent simplement leur avis sur la vraie construction de la phrase. Ceci étant admis, remarquez ce qui suit : « Vous êtes venus à l’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux ; et à Dieu, juge de tous ; et aux esprits des justes consommés [rendus parfaits] ». Je n’ignore pas que certains ne voient dans tout cela qu’une seule et même chose, disant que la Jérusalem céleste, la montagne de Sion, et les esprits des justes consommés ne sont rien d’autre que l’assemblée des premiers-nés. Mais examinez de nouveau attentivement le passage, et dîtes-moi s’il est possible d’admettre cette pensée un seul instant. Il est question de Dieu Lui-même, de Jésus le Médiateur, et de myriades d’anges. Qui voudrait affirmer que tout cela ne constitue qu’une seule catégorie d’êtres ? C’est pourtant ce qu’on pourrait dire, si les autres sujets de cette scène ne sont pas formellement distingués.
Examinons quel peut être le sens véritable de ces versets : « Vous êtes venus à la montagne de Sion ; et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » (Héb. 12:22). Lorsqu’il est fait référence à la montagne de Sion, il était naturel qu’un Juif pense à la cité terrestre sur les pentes de cette montagne célèbre. Mais, dit le Saint Esprit, ce n’est point là votre portion. Vous êtes venus à la Jérusalem céleste (*), non pas à la cité de David qui était un mortel, mais à la cité du Dieu vivant. Ensuite sont mentionnées les « myriades d’anges », et c’est ce qui est appelé « l’assemblée universelle ».
(*) Elle n’est pas envisagée en Héb. 12 comme dans l’Apocalypse, où elle symbolise l’Église dans la gloire. En Héb. 12 elle représente plutôt la demeure bénie des saints célestes, comme c’est aussi le cas, je pense, en Héb. 11:10, 16. En Hébreux la cité est vue objectivement, et en Apocalypse subjectivement.
Nous avons donc clairement dans ce passage d’Hébreux 12 divers éléments de la gloire millénaire auxquels les saints sont déjà parvenus en esprit, selon ce qui est dit. Il y a la montagne de Sion. Ensuite la cité céleste, image de la gloire qui vient bientôt, la cité qu’attendaient Abraham et les autres patriarches. Nous avons ensuite les légions d’anges ; et enfin l’assemblée [ou : église] des premiers-nés, non pas simplement la scène locale de la gloire céleste, mais bien l’assemblée entière des héritiers dont les noms sont écrits dans les cieux en contraste avec le premier-né terrestre, Israël. Après cela, nous sommes élevés jusqu’à Dieu, Juge de tous. Le Saint Esprit nous a fait monter graduellement depuis la montagne de Sion, et maintenant Il nous fait redescendre de Dieu vu dans Son caractère de juge, jusqu’aux esprits des justes consommés [rendus parfaits]. La position de ces derniers est très remarquable. Si nous avions eu à faire un tel classement, il est probable que nous aurions mis ces esprits des justes en premier, mais la raison de l’ordre choisi par le Saint Esprit est de corriger les tendances judaïques de ceux auxquels Il s’adressait, et de donner la prééminence à ce qui est céleste. En conséquence, ayant d’une part le siège céleste de la gloire et d’autre part l’Église à la place qui leur revient, nous trouvons Dieu lui-même comme Juge de tous, et ensuite ces saints qui ont connu Dieu comme agissant dans ce caractère ici-bas. À cause de cela, ils sont appelés les esprits des justes consommés [rendus parfaits]. Ce sont, je n’en doute pas, les saints de l’Ancien Testament (comp. Héb. 11:39, 40), car ce sont eux, et non pas l’Église, qui peuvent, avec le plus de justesse, être désignés sous le nom d’esprits de justes consommés. Ils étaient alors dans l’état de séparation (l’âme séparée du corps), et ils le sont encore maintenant. Cela ne sera jamais vrai de l’Église dans son ensemble. Lorsque viendra le moment pour l’Église de quitter ce monde et d’aller à la rencontre du Seigneur, une partie sera sur la terre, mais non pas du tout dans la condition d’esprits : ce seront ceux qui sont vivants et qui le resteront jusqu’à la venue du Seigneur. De l’Église, il est dit : « Nous ne nous endormirons pas tous ». Il n’est donc pas possible que cette description puisse jamais s’appliquer à l’Église comme telle.
Nous avons déjà pu voir l’Église séparée et distincte des esprits des justes consommés. Il est non moins certain que ces derniers sont des saints, et qu’ils ne sont pas l’Église. Appliquons l’éclairage recueilli de ce passage d’Héb. 12 à notre étude d’Apoc. 19. Nous y lisons que l’Épouse s’est préparée, et nous ne sommes pas non plus surpris d’y lire, comme un symbole distinct dans le même cercle, « Bienheureux ceux qui sont conviés (*) au banquet des noces de l’Agneau » (19:9). N’est-il pas clair qu’il s’agit de tous les saints ressuscités sauf ceux qui sont baptisés en un seul corps, l’épouse de Christ ?
(*) La note suivante, que je transcris de Daubuz (1720), intéressera certainement bien des lecteurs : « C’est une chose d’être les mariés, et c’en est une autre d’être les conviés à un festin de noces. Cela est évident ; et le Saint Esprit distingue tout à fait les conditions différentes de ces deux sortes de personnes. L’Épouse, à qui le fin lin [Bysse] est donné, se compose des personnes auxquelles sont accordés une justification parfaite et les effets qui en découlent ; cela implique qu’il s’agit de personnes ressuscitées auxquelles Christ a ratifié Son contrat antérieur. Mais ceux qui sont invités à la fête ne peuvent pas être les mêmes que les mariés. Ceux qui sont glorifiés avec le Bysse, déclarés par-là entièrement justifiés et saints, doivent bien sûr être heureux ; mais c’est une autre catégorie de personnes qui est déclarée bienheureuse…. Cependant le Saint Esprit ne les déclare pas saints (ce serait tenu, à cette place, pour une parfaite sainteté), Il les déclare simplement bienheureux. Au contraire, ceux qui ont part à la première résurrection sont bienheureux et saints. Cette félicité et ce bonheur consistent en ce qu’ils marchent à la lumière de la nouvelle Jérusalem, selon 21:24 » (Perm. Comm. p. 869). Les lecteurs pourront ne pas être d’accord sur tout ce qui est affirmé, mais cela reste intéressant et perspicace.
Au lieu de rendre hommage à l’ange (ce qui est si naturel pour le cœur), Jean devait réaliser que l’ange était son compagnon d’esclavage et celui de ses frères qui ont le témoignage de Jésus. Tout hommage de ce genre n’est dû qu’à Dieu. Il nous faut aussi nous rappeler que le témoignage de Jésus n’est pas limité au christianisme ni à la présence du Saint Esprit dans l’église. Ce qu’Il opère comme Esprit de prophétie (et qu’Il opérera après l’enlèvement de l’église) est tout autant le témoignage de Jésus que ce qu’Il donne maintenant comme puissance de notre communion avec le Père et le Fils.
Mais voici une autre scène. Il ne s’agit plus de ce qui se passe
en haut, mais le ciel s’ouvre : « Et voici un cheval blanc ; et
celui qui était monté dessus appelé Fidèle et Véritable ; il juge, et
combat en justice ». Ce n’est point une porte ouverte dans le ciel, et le
prophète n’est pas enlevé en haut, comme au chapitre 4. Il ne s’agit pas non
plus de quelque chose qui s’y soit passé. Maintenant le ciel s’ouvre, et nous
voyons paraître le symbole de la puissance venant pour soumettre la
terre ; il porte déjà les insignes de la victoire. Le cheval figure
toujours la puissance en rapport avec la terre ; mais il a la couleur de
la prospérité : c’est un cheval blanc. Personne, je présume, n’a l’esprit
assez égaré pour supposer que lorsque cette vision s’accomplira, il s’agira de
chevaux au sens littéral. C’est simplement un symbole qui passait devant les
yeux du prophète pour figurer certaines réalités qui vont bientôt avoir lieu.
Le ciel est vu comme ouvert en vue de la victoire sur la terre. Il est clair
que c’est le Seigneur Jésus qui est représenté par le cavalier. Il est celui
qui dirige la puissance. « Et celui qui est assis dessus appelé Fidèle et
Véritable ; et Il juge et combat en justice » (19:11). C’est le sujet
de ce chapitre. Dans le chapitre suivant, ce n’est pas un cheval
blanc qui apparaît, mais un trône
blanc, symbole d’un tout autre
caractère. Le trône implique l’idée de gouvernement, non pas celle de
conquête ; le cheval sert à faire des conquêtes, non pas à régner. Le
Seigneur Jésus se montre comme exerçant Sa puissance pour détruire Ses
ennemis ; de même qu’au ch. 20 nous avons le tableau de Son règne.
« Ses yeux sont comme une flamme de feu », c’est-à-dire que Son jugement s’exerce avec un discernement divin. « Et sur sa tête il y a plusieurs diadèmes » [ou : couronnes royales]. Et il porte un nom écrit que nul ne connaît que Lui seul » (19:12). Il ne sort pas uniquement revêtu d’une certaine gloire qui Lui a été conférée, mais Il vient dans l’exercice de Sa propre puissance divine. Il est bien vrai qu’Il a un nom qui Lui a été donné, comme nous le voyons en Phil. 2 : « C’est pourquoi aussi Dieu L’a haut élevé et Lui a donné un nom au-dessus de tout nom ». Mais ici, ce n’est pas, je crois, le nom de Seigneur que nous confessons tous, mais « un nom que nul ne connaît que Lui seul ». Il possède une gloire qui Lui est essentiellement propre, distincte de celle qu’Il a reçue en récompense, et qui ne peut être partagée avec qui que ce soit d’autre, — une gloire qui est à Lui en vertu de Son propre droit comme personne divine. C’est ce pourquoi le nom du Seigneur figure ici, pour faire connaître ce qu’Il est réellement dans Sa propre nature. C’est ainsi qu’Il parle de Sa personne en Matt. 11 : « Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père ». Cette déclaration est remarquable ; son but est de nous mettre en garde contre le travail de notre imagination. Partout où il est question de Son Fils, Dieu se montre toujours jaloux à cet égard. À propos du Père, il est rajouté : « et celui à qui le Fils voudra le révéler » ; mais il n’est jamais dit que le Père révèle le Fils à qui que ce soit. « Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père », et là on s’arrête. Ne pouvons-nous pas dire que Dieu veut ainsi nous prévenir contre la familiarité avec laquelle on se permet d’analyser la personne de Christ ? Il n’y a rien d’aussi offensant pour Dieu que ce genre d’irrespect.
L’Écriture fait bien ressortir l’humanité et l’humiliation du Seigneur Jésus, mais la gloire divine d’aucune des personnes de la Trinité n’est plus fortement maintenue que celle du Fils, peut-être aucune ne l’est autant. Il est remarquable que, tandis que des expressions du même genre sont employées, d’abord à l’égard de Dieu comme tel (Rom. 1:25), puis à l’égard du Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ (2 Cor. 11:31), et ensuite au sujet de Christ (Rom. 9:6), cependant dans le cas du Seigneur Jésus il y a une autre expression qui n’est pas utilisée à propos du Père. Il est dit de Dieu le Père qu’Il est béni éternellement ; et de Christ, qu’Il est « Dieu sur toutes choses béni éternellement ». Le Saint Esprit savait que les hommes étaient prêts à outrager la personne du Fils et à envier Sa gloire ; Il prévoyait que là même où ils feraient profession de Le connaître, ils seraient disposés à le crucifier de nouveau et à l’exposer ouvertement à l’opprobre (Héb. 6:6). C’est pour cela qu’il n’est rien sur quoi le Saint Esprit insiste autant que la gloire du Seigneur Jésus, d’autant plus qu’Il est l’objet constant des attaques de l’ennemi. Voilà la véritable clef à la plupart des questions de difficultés doctrinales qui s’élèvent parmi les enfants de Dieu. Lorsque nos âmes sont profondément pénétrées de la pensée de Dieu de glorifier Christ, et s’y tiennent fermement, toute la puissance que Satan déploiera pour empêcher qu’Il soit glorifié sera vaine. Si la personne et la volonté de Christ sont pleinement discernées, toutes les difficultés disparaissent, quelles qu’elles soient, et également nos dilemmes personnels : dès l’instant où nous saisissons la relation avec Christ, la difficulté s’efface complètement. Satan voudrait nous empêcher d’avoir affaire à Christ à ce sujet. Il s’efforce de cacher à nos yeux la gloire de Christ et Sa Parole ; et s’il y parvient, nous sommes prêts à tomber dans n’importe quel piège : car la même puissance d’aveuglement qui détruit l’homme du monde, agit aussi à l’égard du chrétien pour jeter des ténèbres sur lui et pour l’entraver.
Mais revenons à notre sujet. Le verset 13 nous dit que le Seigneur « était vêtu d’un vêtement teint dans le sang ». Il ne s’agit pas là de souffrance, mais d’exercice de la vengeance. Il vient pour exécuter un jugement de justice, et se revêt alors de Son titre bien connu lorsqu’Il nous révèle Dieu. « La Parole de Dieu » a été le nom spécialement pris lorsqu’il était question de manifester la grâce et la vérité, et dont Il s’est servi pour nous rassembler autour de Lui, et nous placer dans la même position que Lui. Ici encore, Il est la Parole de Dieu comme manifestant le jugement divin. Je ne pense pas que ce soit le nom évoqué par le Saint Esprit au v. 12. Il me semble que le nom écrit que nul ne connaît que Lui seul est volontairement laissé dans l’ombre pour que nous ne perdions pas de vue la gloire divine et parfaite et essentielle du Fils de Dieu.
Nous apprenons maintenant que le Seigneur ne vient pas seul pour le jugement. Lorsque que le ciel s’ouvre, Il en sort suivi par des armées. « Et les armées qui sont (*) dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur » (19:14). Remarquez les mots « qui sont » (*) ; parfois les traducteurs ne les ont pas insérés dans le texte, mais ils doivent néanmoins s’y trouver. Je ne doute nullement que des anges feront partie du cortège de Christ, car on trouve ailleurs dans l’Écriture des passages où il est question d’anges (et non pas de saints) accompagnant Christ, comme par exemple 2 Thes. 1:7. Dans notre chapitre, au contraire, il est parlé de saints et non pas d’anges. C’est la manière de faire du Seigneur : Il ne raconte pas les choses comme le font les hommes. Il a toujours en vue un but moral, et c’est pourquoi Il fait juste ressortir la portion de vérité qui se rapporte spécialement au sujet particulier traité. Ainsi en Matt. 25, où on voit le Fils de l’homme assis sur le trône de Sa gloire, tous les saints anges sont mentionnés comme étant avec Lui. Pourquoi cela ? Parce que les anges ont une relation toute spéciale avec Lui en tant que chef de la gloire humaine (voir Matt. 13:41 ; 16:27 ; Luc 9:22). Si le roi d’Angleterre entreprenait un voyage de grande importance politique, il se faisait accompagner de ses ministres d’État. Mais si au contraire il se proposait de faire la revue des troupes, la présence de ces fonctionnaires n’était pas utile, et il se faisait alors accompagner des grandes autorités militaires. Si tel est l’ordre dans les affaires humaines, combien plus y a-t-il un ordre convenable dans les choses de Dieu. Le Seigneur est appelé Fils de l’homme quand il s’agit de Sa gloire en rapport avec la terre : lorsqu’Il prend en main le gouvernement du monde, Il a avec Lui Ses anges qu’Il emploie comme commissionnaires de Sa puissance. Ici Il n’est pas appelé le « Fils de l’homme », mais « la Parole de Dieu » et il n’est point mentionné d’anges en rapport avec ce nom. En tant que la Parole de Dieu, Christ fait connaître Dieu ; ici Il est l’expression de Dieu dans l’exercice du jugement. Précédemment Il avait montré Dieu dans l’exercice de la grâce, par exemple dans l’évangile de Jean. Le Seigneur Jésus est donc l’expression de toutes les voies de Dieu, que ce soit en grâce parfaite ou en jugement parfait.
(*) note Bibliquest : W.K. traduit « qui étaient » là où JND traduit « qui sont)
Les armées qui sortent avec Lui du ciel sont donc les saints. Ce chapitre décide lui-même de la question, me semble-t-il, car le fin lin dont ils sont revêtus selon le v. 14, est indiqué au v. 8 (le même mot est employé) comme étant les justices des saints. D’autres peuvent se trouver là, mais il ne pourrait pas en être fait mention de manière convenable quand le Seigneur porte le nom de « la Parole de Dieu », tandis que la mention des saints célestes est de la plus haute importance en raison de l’insistance de ce chapitre sur la relation très intime des saints avec Christ. On y trouve l’Épouse de Christ, les noces de l’Agneau, et la consommation de la joie de l’Église au ciel. Quant au monde, aucun étranger ne se mêle à cette joie.
Dieu va maintenant abattre toute l’iniquité de l’homme et de Satan sur la terre. C’est pourquoi la Parole de Dieu descend du ciel, et ceux qui ont été Ses compagnons dans Son rejet, sont maintenant Ses compagnons dans le jugement. Il est dit au ch. 17:14 : « L’Agneau les vaincra… et ceux qui sont avec Lui, appelés, et élus, et fidèles ». C’est l’annonce que quand le combat viendra, le Seigneur ne sera pas seul, mais les saints seront avec Lui, — ceux qui sont appelés par grâce élus et fidèles ; et c’est selon cette annonce qu’on les trouve ici. « Les armées qui sont dans le ciel le suivaient… vêtues de fin lin blanc et pur ». Ils ne seront pas seuls à former le cortège, mais il est important de voir que ce sont là des saints.
La description se poursuit : « Une épée aiguë à deux tranchants sort de sa bouche, afin qu’Il en frappe les nations ; et Lui les paîtra avec une verge de fer, et Lui foule la cuve du vin de la fureur de la colère de Dieu le Tout-Puissant » (19:15). C’est une simple description des divers jugements que le Seigneur exécutera à Sa venue. Il y a d’abord la parole de puissance symbolisée par l’épée aiguë à deux tranchants sortant de Sa bouche. S’il faut détruire quelque chose, il suffit pour cela que le Seigneur Jésus parle. « Il a parlé, et la chose a été » (Ps. 33:9). Le jugement a été exécuté.
Mais en outre « Il paîtra (les nations) avec une verge de fer ». C’est le jugement mentionné en Apoc. 2, dans la promesse à ceux de Thyatire qui vaincront, selon laquelle ils auront communion avec Christ dans ce jugement des nations.
« Et Il foule la cuve du vin de la fureur de la colère de Dieu le Tout-Puissant ». C’est le jugement impitoyable déjà vu au ch. 14. Il s’agit de vengeance contre l’iniquité religieuse : c’est à elle qu’est toujours réservé le coup le plus sévère que Dieu puisse infliger.
« Et Il a sur Son vêtement et sur Sa cuisse un nom écrit : Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (19:16). C’est le même titre que nous avons vu au ch. 17:14.
Si d’un côté il y a une invitation au banquet des noces de l’Agneau, d’un autre côté il se prépare un tout autre repas : le grand souper de Dieu. Ce ne sont plus des bienheureux conviés par la grâce de Dieu. Un ange parle, obéissant à Sa parole ; il est l’instrument de Sa puissance, se tenant dans le soleil — symbole de l’autorité suprême — car il ne s’agit pas ici de quelque chose fait en secret. Il n’est plus question de patience : désormais tout est entièrement public. Il ne s’agit pas non plus d’un jugement partiel, mais bien d’un jugement complet et final. « Et il cria à haute voix, disant à tous les oiseaux qui volent par le milieu du ciel : Venez et assemblez-vous au grand souper de Dieu, afin que vous mangiez la chair des rois et la chair des capitaines, et la chair des puissants, et la chair des chevaux et de ceux qui sont assis dessus, et la chair de tous, libres et esclaves, petits et grands » (19:17, 18). C’est, je crois, le même genre de contraste que nous avons vu au ch. 14, où l’on avait les prémices [ou : premiers-fruits] au début du chapitre, et ensuite la moisson vers la fin du chapitre. Ici au ch. 19, nous avons le banquet de l’Agneau dans le ciel, et ensuite le grand souper de Dieu qu’Il fera pour ceux qui font leur proie de corps morts.
« Et je vis la bête, et les rois de la terre, et leurs armées assemblées pour livrer combat à Celui qui était assis sur le cheval et à Son armée. Et la bête fut prise, et le faux prophète qui était avec elle, qui avait fait devant elle les miracles par lesquels il avait séduit ceux qui recevaient la marque de la bête, et ceux qui rendaient hommage à Son image » (19:19, 20).
On remarque qu’un des deux personnages est appelé ici le faux prophète. Il a apparemment perdu sa puissance dans le monde, et en conséquence, il n’est plus présenté comme la seconde bête montant de la terre avec des cornes semblables à celles d’un agneau, c’est-à-dire comme imitateur de la puissance de Christ. C’est simplement le faux prophète. Toute sa domination est réduite à son caractère ecclésiastique, comme enseignant le mensonge, — à sa capacité d’ennemi de la vérité de Dieu. Babylone a disparu, mais il reste cette puissance ecclésiastique inique qui a coopéré avec la bête, et tous les deux sont ensemble les objets du même jugement effroyable de la main de Dieu. « Ils furent tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ».
Il y a eu deux hommes distingués entre tous les autres pour jouir d’une grâce et d’une gloire toutes spéciales. L’un d’eux (Énoch) faisait partie du monde antédiluvien au moment où il arrivait à sa fin. « Il marcha avec Dieu ; et il ne fut plus, car Dieu le prit ». Quand le monde eut mûri dans le péché, et que le peuple que Dieu avait mis à part se fut fort éloigné de Lui, alors Dieu intervint de nouveau pour montrer qu’il n’y a pas de temps si mauvais soient-ils, où Ses serviteurs ne puissent pas marcher avec Lui. De la même manière, lorsque Israël se fut entièrement avili dans le péché, Dieu mit Son serviteur (Élie) au milieu de ce peuple d’Israël méchant, corrompu et apostat, et c’est dans un tel milieu et à une telle époque qu’Élie rendit son témoignage, et que lui aussi fut choisi par Dieu pour être enlevé au ciel sans passer par la mort.
Notre chapitre présente un terrible contraste avec les exemples que nous venons de citer. Il nous fait voir deux individus distingués de tous les autres, — deux hommes aussi remarquables pour Satan que Hénoc et Élie l’ont été pour Dieu. Voilà donc réunis ces hommes qui ont été tous les deux à la tête d’une puissance de méchanceté, d’une part la puissance ouvertement blasphématrice de la bête, et d’autre part l’énergie plus intrigante et corruptrice du faux prophète, qui s’était dressé tout spécialement contre le Seigneur Jésus Christ. Si Dieu était intervenu par une grâce insigne en enlevant au ciel deux hommes vivants, Il intervient aussi maintenant pour jeter vifs en enfer deux individus. Ils ont été les meneurs dans le mal ; ils ont persécuté les saints et les ont vaincus aux yeux des hommes ; mais à présent leur jour est venu. « Et la bête fut prise et le faux prophète qui était avec elle, qui avait fait devant elle les miracles… Ils furent tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ».
Le Seigneur juge aussi leurs adhérents, mais non pas par un sort aussi terrible. Ils sont réservés pour le jugement d’un autre jour ; il faut qu’ils se tiennent et comparaissent devant Dieu. En attendant ils sont tués « par l’épée de Celui qui était assis sur le cheval… et tous les oiseaux furent rassasiés de leur chair » (19:21). Mais pour les deux premiers personnages, Dieu ne veut, pour ainsi dire, rien de plus : ils étaient les pires meneurs de l’iniquité du monde, et en conséquence, le jugement s’exerce de manière sommaire et éternelle. Il n’y a pas, dans l’Écriture, de jugement aussi terrible que ces deux hommes précipités en enfer, sans comparution, avant Satan lui-même ! Le seul qui s’en approche est celui des chèvres, les Gentils rebelles de Matt. 25.
Quelle pensée solennelle ! le temps de cette crise approche rapidement. Il est difficile de réaliser que tel sera bientôt le sort des chefs des pays occidentaux. Ils se trouveront réunis pour une bataille près de Jérusalem. Car de même que la chrétienté a commencé à Jérusalem, de même elle y trouvera sa fin terrible. Et comme l’empire romain réapparaîtra, de même il y aura le chef de sa puissance politique soutenant le chef religieux de l’Orient, et en même temps soutenu par lui. Telle est la crise qui attend le monde, selon ce que Dieu montre clairement dans Sa parole. Et j’ai la ferme conviction, sans prétendre fixer aucune date, que le train est déjà en route maintenant. Il est facile de voir la place éminente donnée à l’Orient de nos jours, et sa relation croissante avec l’Occident. Ce sont là des faits que nous avons sous les yeux, mais beaucoup de nos lecteurs savent que ces mêmes choses ont été affirmées longtemps avant l’accomplissement d’aucun de ces faits (*). Elles ont été affirmées avec la même assurance que maintenant, et certains de nos lecteurs l’ont entendu eux-mêmes. Mais ce ne sont pas les événements du monde qui permettent de juger de leur exactitude ; il suffit d’avoir la Parole de Dieu pour avoir une conviction inébranlable dans nos âmes. Que nous voyions les événements ou non, aucun de ceux qui a cru la Parole de Dieu n’a jamais été confus. « Les jours se sont approchés, et l’accomplissement de chaque vision » (Éz. 12:23).
(*) Ces lignes furent écrites en 1858. Il est à peine besoin de faire ressortir combien ces considérations sont renforcées après la dernière guerre (et paix d’Italie). — note Bibliquest : le dernier état de ces dernières lignes a été écrit en 1870.
Que le Seigneur nous accorde de nous souvenir qu’il y aura dans le monde une énergie d’erreur trompeuse qui égarera les hommes. Les hommes peuvent s’imaginer qu’ils seront capables de discerner la bête et le faux prophète, et de les rejeter. Mais cela ne fait que prouver à quel point ils n’ont guère idée de l’influence et de l’action de Satan. Sa puissance la plus dangereuse aujourd’hui réside non pas dans ce qui paraît ouvertement mauvais, mais dans ce qui revêt des apparences tranquilles et correctes. C’est encore le cas, comme du temps de Christ ici-bas. L’homme possédé par une légion de démons reçut la délivrance et la bénédiction, mais que firent les Gadaréniens ? Ils prièrent le Seigneur de se retirer de leur territoire.
Permettez-moi de vous demander : y a-t-il quelque chose que vous préférez à Christ ? Il se peut que vous ne manifestiez pas une inimitié ouverte contre Son nom. Peut-être écoutez-vous l’Évangile ; mais l’avez-vous reçu ? Si non, c’est que vous le rejetez. Dieu ne permet pas de dire qu’il y a quelque chose de plus urgent à faire. Dieu a tout fait. De sorte qu’il s’agit d’une question de rejet positif — équivalent à prier Christ de se retirer. Veuille le Seigneur vous accorder de ne pas vous trouver dans cet état de culpabilité pour le présent, et de misère pour l’éternité.