Étude sur l’Apocalypse

par W. KELLY


1 - CHAPITRES 1 à 3

1.1 - Chapitre 1

1.2 - Chapitre 2

1.3 - Chapitre 3

2 - CHAPITRES 4 à ch. 11:18

2.1 - Chapitre 4

2.2 - Chapitre 5

2.3 - Chapitre 6

2.4 - Chapitre 7

2.5 - Chapitre 8

2.6 - Chapitre 9

2.7 - Chapitre 10

2.8 - Chapitre 11

3 - CHAPITRES 11:19 à ch. 16

3.1 - Chapitre 12

3.2 - Chapitre 13

3.3 - Chapitre 14

3.4 - Chapitre 15

3.5 - Chapitre 16

4 - CHAPITRES 17 à 22

4.1 - Chapitre 17

4.2 - Chapitre 18

4.3 - Chapitre 19

4.4 - Chapitre 20

4.5 - Chapitre 21

4.6 - Chapitre 22


1 - CHAPITRES 1 à 3

1.1 - Chapitre 1

Il est bien digne de remarque, que l’apôtre Jean ait été l’instrument choisi de Dieu pour nous communiquer ce dernier des écrits du Nouveau Testament, si différent de l’évangile et des épîtres du même apôtre. Mais ce n’est pas l’unique fois que Dieu s’est plu à présenter par le moyen du même écrivain des sujets qui offrent les plus grands contrastes. C’est ainsi, par exemple, que celui qui est appelé l’apôtre de l’incirconcision fut cependant le témoin de Christ auprès de ceux qui avaient été Juifs et qui étaient en danger de retourner aux ordonnances mosaïques. C’est à lui, et non à Pierre ni à Jacques, que fut confié ce message final et décisif de la grâce qui invitait les Hébreux à rompre tout lien avec un culte terrestre pour s’attacher à Christ glorifié dans le ciel. De même, dans la pensée de Dieu, l’apôtre Jean, ce témoin de la grâce et de la vérité venues par Jésus Christ, était le témoin le plus convenable pour révéler les jugements à venir. La raison morale en est claire. Si Christ est rejeté comme objet de la foi et canal unique de la grâce, il devient nécessairement l’exécuteur du jugement. Nous trouvons cette vérité établie d’une manière formelle par le Seigneur lui-même dans l’évangile de Jean (chapitre 5).

Or de même que Christ avait été rejeté autrefois par le peuple juif, la grâce et la vérité qu’il avait apportées étaient aussi sur le point d’être méconnues et abandonnées entièrement par ceux qui portaient le nom de Christ sur la terre. Dans ces circonstances, Jean, plus qu’aucun autre, était propre à dérouler devant nous les visions solennelles des jugements par lesquels Dieu allait revendiquer les droits méprisés de son Fils ; jugements providentiels d’abord, puis exécutés par Christ venant en personne pour écraser ses adversaires.

Ainsi, bien que l’évangile de Jean et l’Apocalypse présentent dans leur forme, leur sujet et leurs conclusions, les contrastes les plus accentués, c’est, par-dessus tout, la personne du Seigneur Jésus que ces deux livres placent devant nous, comme étant Celui à l’honneur et à la gloire duquel Dieu veut faire concourir toutes choses. De là vient qu’en tout temps, mais surtout pendant les périodes d’épreuves et de persécutions, des âmes, incapables peut-être de pénétrer le sens des visions de l’Apocalypse, ont trouvé, en contemplant Christ dans ce livre, une profonde édification et une indicible consolation, tandis que trop souvent les commentaires des savants n’ont fait que le dessécher.

L’Apocalypse est la « Révélation de Jésus Christ que Dieu lui a donnée ». Christ est ici envisagé comme homme. Même dans l’évangile de Jean, si rempli du parfum de sa divinité, cette position si remarquable que le Fils de Dieu a prise, est fréquemment, sinon constamment, rappelée. Il nous y est présenté comme celui que le Père « a envoyé » sur la terre et qui vit « à cause du Père » (Jean 6:57). Dans l’Apocalypse on le voit véritablement homme, soit dans le ciel, soit sur la terre. Dans l’évangile de Jean, Jésus dit que le Père lui a donné d’avoir la vie en lui-même (Jean 5). Rien ne démontre mieux combien il accepte pleinement la position d’homme à laquelle il s’est abaissé. En lui était la vie ; bien plus, il était cette vie éternelle qui était auprès du Père, avant que le monde fût ; et néanmoins, devenu homme par l’effet de la grâce de Dieu, toutes ses paroles sont en accord avec cette humble position qu’il a prise ici-bas. Dans la gloire, il en est absolument de même, comme le montre le livre dont nous nous occupons.

« Révélation de Jésus Christ que Dieu lui a donnée pour montrer à ses esclaves ». Telle est la qualification donnée à ceux à qui s’adresse la révélation. Il n’est pas question ici du titre d’enfants de Dieu qui leur appartient comme ayant cru au nom du Seigneur Jésus. C’est ce qui caractérise l’évangile qui, d’une manière spéciale, est la révélation de la grâce et de la vérité en Jésus Christ, le Fils unique du Père. Dans l’Apocalypse, Dieu donne à connaître ce qu’il veut faire pour la gloire de l’Homme rejeté. Il va montrer à ses « esclaves » les choses qui doivent arriver bientôt, et ce titre d’esclaves convient aussi bien à nous chrétiens, qu’à ceux qui seront avec Dieu dans une autre relation après que nous aurons été retirés du monde. Il ne s’agit pas de révéler les choses qui étaient en Christ avant tous les siècles, mais de dévoiler les grands faits par lesquels Dieu est sur le point de manifester au monde la gloire du premier-né.

« Et il l’a signifiée, en l’envoyant par son ange, à son esclave Jean ». Ce n’est pas sans raison qu’un ange est employé ici, pour communiquer les révélations de Dieu. L’évangile nous parle de la vie éternelle qui est dans le Fils et qui, par grâce, est donnée au croyant. Aussi y voyons-nous que le Saint Esprit peut seul administrer et rendre efficace une telle faveur, selon les conseils de Dieu et les dispositions que son amour a prises. Mais ici nous avons des visions — les visions des voies judiciaires de Dieu et du jugement qu’allait appeler sur l’homme son iniquité croissante. Voilà pourquoi « il l’a signifiée, en l’envoyant par son ange, à son esclave Jean ».

Nous trouvons ici un nouveau et remarquable trait de différence entre l’évangile de Jean et l’Apocalypse. Dans l’évangile, Jean, sans doute, parle comme quelqu’un qui a vu le Seigneur, qui a vécu avec lui, et qui peut se porter garant personnellement de ce qu’il communique ; mais il ne parle que rarement de lui-même, et quand il le fait, c’est en s’effaçant tellement que l’on a mis en question si c’était bien lui qui était « le disciple que Jésus aimait ». Cette conclusion est inexacte, mais le fait qu’on a pu la tirer montre combien peu l’écrivain s’est mis en avant. Nous retrouvons cela d’une manière encore plus caractéristique dans les épîtres de Jean qui, soit qu’elles s’adressent à l’ensemble de la communauté chrétienne, à une famille, ou à un ami, ont pour but unique de mettre les enfants de Dieu, par le moyen de Christ, en communion immédiate avec Dieu lui-même. C’est un apôtre inspiré qui écrit, et les divers membres de la famille de Dieu, aussi bien que les serviteurs du Seigneur, sont reconnus à la place qui leur appartient, mais en même temps, l’écrivain lui-même disparaissant pour ainsi dire, c’est celui qui est Dieu et Père qui instruit, console et avertit directement les siens.

Il n’en est pas ainsi dans l’Apocalypse. Dieu donne une révélation à Jésus, Jésus la transmet par son ange à son esclave Jean et par lui à d’autres esclaves. Voilà un mode de communication tout à fait exceptionnel dans le Nouveau Testament.

Pourquoi Dieu ne nous manifeste-t-il pas ici directement ses voies et ne s’adresse-t-il pas à nous d’une manière immédiate comme il le fait ailleurs ? La raison en est aussi solennelle qu’instructive. Nous trouvons quelque chose d’analogue dans l’Ancien Testament. Dieu ne s’y adresse pas toujours directement à son peuple. Il le fit dans l’origine, quand, de sa bouche même, il prononça les dix paroles ; mais plus tard il se servit d’intermédiaires. Habituellement Dieu envoyait à Israël des messagers, savoir des prophètes qui parlaient au nom de l’Éternel. D’abord ils s’adressaient à tout le peuple, mais le temps vint où le message de Dieu, quoique destiné à être communiqué au peuple, ne lui fut pas envoyé directement, mais fut confié à un seul témoin, Daniel choisi entre tous.

En examinant ce qui amena ce changement dans les voies de Dieu à l’égard d’Israël, nous trouvons la clé du changement analogue que l’on remarque en passant du reste du Nouveau Testament à l’Apocalypse. Lorsque les enfants d’Israël se furent détournés de Dieu, et, qu’à ses yeux, cet abandon fut complet et sans retour ; lorsque, non seulement les dix tribus, mais même Juda et la maison de David, ce dernier lien entre Dieu et son peuple, eurent failli ; alors Dieu ne s’adressa plus au peuple, mais à un serviteur élu et fidèle dont il fit son témoin. C’était une marque certaine que, pour le présent, tout était fini et qu’il n’y avait plus de relation immédiate entre Dieu et un peuple qu’il ne pouvait plus reconnaître pour sien.

Quelle gravité dans cette situation ! Mais dans les temps même les plus fâcheux, Dieu se montre fidèle. Il serait tout à fait erroné de penser que, malgré le triste état de choses où se trouvait Israël, Daniel et ses trois compagnons fussent moins agréables à Dieu que David. Ses yeux se reposaient pleins de grâce et avec une extrême satisfaction sur un serviteur qui répondait à ses propres sentiments pour son peuple. C’est à cause de cela même que Daniel reçut de l’Éternel une faveur si exceptionnelle. Et, en un sens, il valait mieux être Daniel au milieu des ruines, que d’occuper la meilleure des positions dans un temps de prospérité. C’est une plus grande preuve de fidélité de demeurer ferme au milieu du désordre, que lorsque tout suit son cours régulier. La grâce s’élève toujours à la hauteur de chaque difficulté.

Appliquons maintenant ce que nous venons de dire au temps actuel et aux circonstances présentes. Combien n’est-il pas sérieux de penser qu’à l’époque même de Jean, l’Église de Dieu était entrée dans un état de choses semblable à celui dont nous avons parlé relativement à Israël. La position de Jean est analogue à celle de Daniel. C’est à lui que s’adressent les communications du Seigneur Jésus, tandis que l’Église, qui portait encore sur la terre le nom de Christ, est laissée de côté. La grâce était encore là pour réveiller et exhorter, toutefois Jésus ne s’adresse qu’à son esclave Jean et non à l’Église. Les épîtres mêmes du second et du troisième chapitres ne sont pas envoyées directement aux assemblées, mais à leurs anges. Tout nous place ainsi sous l’impression de cette sérieuse vérité en rapport avec l’état de l’Église.

Jean, est-il dit, « a rendu témoignage de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus Christ, de toutes les choses qu’il a vues ». Ces paroles ne signifient pas la vérité en général, ni l’évangile en particulier, quoiqu’il soit indubitable que Jean a prêché l’évangile et qu’il a nourri l’Église au moyen de la vérité tout entière. Mais tel n’est pas le sujet de l’Apocalypse, ni le sens de ces paroles. Ici tout est limité à ce que Jean a vu. Cette remarque est importante pour comprendre le portée de ce passage et le caractère du livre. Remarquons que les meilleures autorités sont d’accord pour la suppression du mot « et » devant « toutes les choses qu’il a vues ». Que devons-nous donc entendre par ces mots : « la parole de Dieu ? » Est-ce une partie spéciale ou l’ensemble de la Parole ? Que signifie cette expression en relation avec cette autre « le témoignage de Jésus Christ ? » La réponse est donnée par le dernier membre de la phrase quand l’on supprime le mot « et » ; ce sont « toutes les choses qu’il a vues » c’est-à-dire les visions qu’il lui fut donné de contempler et qu’il rapporte dans ce livre. Ainsi, outre ce que l’apôtre avait en commun avec les autres chrétiens et ce qu’il avait déjà reçu pour le leur communiquer dans sa longue carrière employée au service de Christ, il reçoit maintenant la parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ sous un nouveau caractère.

Il en résulte qu’une incrédulité ignorante peut seule traiter avec légèreté ou indifférence les visions apocalyptiques, puisque aussi bien que les évangiles et les épîtres, elles sont la parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ, présentés ici, il est vrai, sous la forme prophétique qui convenait au but que Dieu se proposait. Ainsi se trouve jugée nettement la tendance trop commune de considérer l’Apocalypse comme ayant une valeur douteuse et une autorité incertaine, et nous ne pouvons que réprouver avec une juste indignation ceux qui, savants peut-être selon le monde, n’ont pas craint, dans leur folie, d’attaquer ce livre. Il faut convenir, sans doute, que l’Apocalypse n’est pas destinée à l’édification directe du chrétien, dans la position qui lui est propre, mais elle n’en est pas moins la parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ, et, comme telle, édifie indirectement en annonçant le sort de ceux qui méprisent Dieu et font leur propre volonté en dépit de sa Révélation.

Les paroles du troisième verset, d’une portée qui embrasse les croyants de ces temps et de ceux qui suivront, tendent au même but. Ne semblent-elles pas expressément écrites, à la fois pour l’encouragement des serviteurs de Christ et pour la condamnation anticipée des doutes et des contestations puériles de l’incrédulité ? « Bienheureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie et qui gardent les choses qui y sont écrites ».

« Car le temps est proche », telle est la raison qui nous est donnée pour garder les choses écrites dans la prophétie, et nous devons la peser sérieusement. Ce n’est pas, comme on l’affirme souvent, parce que nous nous trouvons au milieu des circonstances prédites, ou bien parce que les chrétiens (et l’Église) auront à traverser les tribulations que décrit la prophétie. Ce livre même nous montre l’Église recueillie dans le ciel, en dehors de la scène des tribulations et des jugements. Non, le motif qui nous est donné dans le v. 3 est saint, remarquablement adapté à ceux qui marchent par la foi et non par la vue, et entièrement dégagé de toute considération égoïste. « Le temps est proche » ; il n’est pas arrivé actuellement, en sorte que nous ayons à le traverser en tout ou en partie, mais il est proche. C’est pourquoi Dieu écrit pour nous consoler, nous exhorter et, d’une manière générale, nous bénir quels que soient nos besoins. Il tient pour certain que nous nous intéressons à tout ce qu’Il veut bien nous faire connaître. Il est faux le principe qui prétend que nous ne pouvons tirer profit que des choses qui nous concernent personnellement et des circonstances actuelles que nous traversons.

Après la préface vient la salutation, dont la forme toute particulière convient parfaitement au livre de l’Apocalypse. « Jean, aux sept assemblées qui sont en Asie ». Cette adresse diffère entièrement de celles que nous trouvons autre part. On voit Paul, par exemple, écrire aux saints de telle ou telle localité, à une assemblée ou même aux assemblées d’une contrée ; mais c’est ici seulement qu’il est question d’un nombre déterminé d’assemblées, et d’un nombre dont la signification symbolique est bien connue. Dans le langage prophétique ou typique, sept désigne invariablement la perfection spirituelle. Bien qu’il soit hors de doute que les lettres que nous trouvons ici aient été adressées littéralement aux assemblées mentionnées, il semble tout aussi certain que leur portée est beaucoup plus étendue. Les sept assemblées d’Asie furent choisies et les lettres écrites de manière à présenter à ceux qui ont des oreilles pour entendre, le cycle complet du témoignage du Seigneur ici-bas aussi longtemps qu’existerait ce qui en responsabilité, sinon en réalité, posséderait le caractère d’église. Quelque faible et misérable que puisse être l’état des choses, il y a pourtant une profession ecclésiastique dont nous ne trouvons plus trace depuis le chapitre 4. Ce n’est donc qu’aussi longtemps qu’existe ici-bas la responsabilité de l’Église que ces épîtres trouvent leur application.

« Aux sept assemblées qui sont en Asie : Grâce et paix à vous de la part de celui qui est, et qui était, et qui vient ». La salutation n’est pas ici de la part du Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, comme dans la plupart des épîtres du Nouveau Testament, mais de la part de Dieu envisagé dans son essence, celui qui est immuable, qui existe toujours le même, qui est, et qui était, et qui vient. Cela relie son existence présente avec l’avenir aussi bien qu’avec le passé.

« Et de la part des sept Esprits qui sont devant son trône ». Le Saint Esprit est présenté ici sous un point de vue tout différent de celui que l’on trouve dans les autres parties du Nouveau Testament. C’est une allusion évidente au passage d’És. 11:2, où se trouve décrite la puissance septuple du Saint Esprit en rapport avec le gouvernement, la personne et le royaume du Messie, mais elle est appliquée ici d’une manière beaucoup plus large et qui convient au but de la prophétie apocalyptique.

La même remarque s’applique à toutes les citations de l’Ancien Testament ou aux allusions qui y sont faites dans l’Apocalypse. On y rencontre constamment des passages qui se rapportent à la loi, aux psaumes ou aux prophètes, mais ce n’est jamais une simple répétition. Cela aurait pour effet de nous priver de l’Apocalypse, au lieu de nous faire comprendre et recueillir pour notre profit les enseignements particuliers qu’elle renferme. Si l’on identifie la Jérusalem d’Ésaïe avec la nouvelle Jérusalem de Jean, ou si l’on prétend que la Babylone de Jérémie est celle de l’Apocalypse, on perd l’instruction spéciale que Dieu a voulu nous donner dans ce dernier livre. C’est là une des principales causes de confusion dans l’étude de l’Apocalypse. D’un autre côté, si nous ne partons pas des révélations de l’Ancien Testament touchant Jérusalem et Babylone ou, en général, des enseignements des prophètes, nous ne pouvons pas apprécier ou même saisir l’ensemble de l’Apocalypse. Séparer absolument le Nouveau Testament de l’Ancien est une méprise presque aussi grande que de ne voir dans le Nouveau qu’une simple répétition de l’Ancien. Il y a entre eux un enchaînement divin, et il était dans la pensée de l’Esprit que l’un se rapportât à l’autre ; mais l’Apocalypse a une portée bien plus étendue et présente un caractère beaucoup plus profond. Les choses y sont envisagées après que le Saint Esprit a pris sa place dans les chrétiens et dans l’Église sur la terre, et, par-dessus tout, après que le Fils de Dieu a paru, qu’il a manifesté Dieu le Père et accompli la rédemption. Voilà pourquoi, si l’on veut donner à l’Apocalypse sa véritable portée, il faut tenir compte de la plénitude de la lumière divine répandue par la personne et l’oeuvre de Christ, aussi bien que par la présence de l’Esprit dans l’Église de Dieu.

Les sept esprits représentent donc la plénitude et le parfait déploiement de l’énergie du Saint Esprit agissant dans les voies gouvernementales de Dieu. Partout où elle est ainsi présentée, le contexte montre à quoi s’applique cette puissance de l’Esprit. Ainsi, au chapitre 3, elle est en rapport avec Christ s’occupant de l’Église ; au chapitre 5, elle est en relation avec la terre, mais on ne trouve jamais dans l’Apocalypse le Saint Esprit vu dans son unité et formant l’Église en un seul corps. Nous ne le voyons ainsi que dans les épîtres de Paul où le chrétien est envisagé dans sa propre sphère comme membre du corps de Christ.

« Et de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, et le prince des rois de la terre ». Dieu comme tel a donc été introduit dans le caractère qu’il revêt dans l’Ancien Testament ; le Saint Esprit nous a été présenté de la même manière, et il en est ainsi de notre Seigneur Jésus Christ, comme nous le verrons. Rien n’est plus frappant, surtout quand nous nous rappelons quel est l’auteur de ce livre, que de voir qu’il n’y est fait aucune mention de la relation de Dieu avec les siens comme étant ses enfants. Nulle part ne s’y trouve la révélation de la grâce. Jésus Christ apparaît comme « le témoin fidèle ». C’est évidemment ce qu’il a été sur la terre, et, quoique sous une forme différente, c’est bien le sujet que Jean traite partout. Paul contemple surtout Jésus glorifié dans le ciel, mais Jean s’attache toujours à montrer Christ par rapport à ce qu’il a été ici-bas. S’il le voit en haut comme l’Agneau, c’est l’Agneau qui a souffert et qui a été immolé sur la terre. Dans la résurrection, il est le premier-né des morts, mais c’est encore sur la terre, et son caractère de « prince des rois de la terre » ne sera révélé que lorsqu’il viendra du ciel ici-bas. Mais, dans les divers caractères sous lesquels le Seigneur Jésus nous est présenté ici, tout ce qui a trait à sa position céleste est soigneusement laissé en dehors. Nous ne trouvons même pas ce qui le rattache au chrétien ici-bas, c’est-à-dire son intercession auprès de Dieu, quoiqu’il paraisse sous ce caractère pour d’autres dans le chapitre 8.

Le Seigneur Jésus est donc envisagé seulement dans ce qui se rapporte à la terre, même quand il s’agit de sa résurrection, et c’est pour cette raison que comme homme, il est placé en dernier lieu devant nous.

Mais alors se fait entendre tout à coup la voix du chrétien, interrompant le courant des pensées du livre avant que les visions ne commencent ; de même aussi, lorsqu’elles ont pris fin, on entend l’aspiration de l’épouse. Bien que Jésus ne soit pas présenté dans la relation où nous le connaissons comme chrétiens, c’est Celui que nous aimons, et son nom a suffi pour émouvoir le coeur qui s’épanche en expressions d’adoration et d’amour. « Â celui qui nous aime, et qui nous a lavés de nos péchés dans son sang ; — et il nous a fait un royaume de sacrificateurs pour son Dieu et Père ; — à lui la gloire et la force aux siècles des siècles ! Amen ». C’est l’effusion du coeur qui trouve en Jésus toutes ses délices.

Mais de peur d’affaiblir ce que sera Jésus pour ceux qui ne sont pas avec lui dans cette relation et cette proximité bénies, le verset suivant donne un avertissement en accord avec l’ensemble du livre. « Voici, il vient avec les nuées, et tout oeil le verra, et ceux qui l’ont percé ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui. Oui, Amen ! » Cela n’a rien à faire avec sa présence pour nous ; mais après le chant de louanges qui s’est comme échappé involontairement du coeur des siens, vient le témoignage qui s’applique à d’autres. Christ vient pour le jugement, Christ vu de tous, et, s’il y a quelque différence, pour l’angoisse inexprimable de ceux qui l’ont percé ; je veux dire les Juifs.

« Moi, je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, et qui était, et qui vient, le Tout-puissant ». Celui qui est le premier et le dernier, embrassant toutes choses dans sa pensée, lorsqu’il communique ce qui peut être donné à l’homme, c’est Celui-là qui parle, le Seigneur Dieu, l’Éternel. Il met ainsi dès le commencement son sceau sur ce livre.

« Moi, Jean, qui suis votre frère et qui ai part avec vous à la tribulation et au royaume et à la patience de Jésus, j’étais dans l’île appelée Patmos, pour la parole de Dieu et pour le témoignage de Jésus Christ ».

L’auteur du livre se présente lui-même d’une manière tout à fait adaptée au témoignage qu’il est appelé à rendre et à tout ce qu’il déroulera plus tard devant nos yeux. Tout le livre suppose les saints passant par les tribulations. Ils sont envisagés, non comme membres du corps de Christ qui est l’Église, mais comme associés à son royaume et à sa patience. Dans cette position, ils souffrent pour la parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ. Jean, personnellement, jouissait pleinement de sa position en Christ ; rien ne lui manquait des privilèges qui appartiennent au chrétien et à l’Église, mais ici il ne représente pas seulement les chrétiens ; il est associé aux saints d’une époque qui suivra la nôtre, à la fin de cette période, et pour lesquels il a reçu des communications spéciales. Il ne parle donc pas de lui ici comme participant aux promesses de Dieu en Christ dans l’évangile, quoique ce fût vrai, mais seulement comme ayant part au royaume et à la patience de Jésus Christ. Cela d’ailleurs est vrai pour nous tous, mais nous avons en outre notre relation spéciale avec Christ comme membres de son corps, ce qui n’existera pas pour les saints des derniers temps ; et, ce que Jean met en évidence, c’est ce qui leur appartient.

« Je fus en esprit, dans la journée dominicale ». Montrer que Jean était dans la position chrétienne, semble être une des raisons pour lesquelles il plut à Dieu de lui donner les visions de ce livre dans la journée du Seigneur ou jour dominical. C’est le jour caractéristique du chrétien, le jour anniversaire de la bénédiction qui le distingue, le jour qui devrait remplir tout particulièrement son coeur de joie. C’est le premier jour d’une nouvelle création et de la résurrection de grâce, et non le septième jour du repos de la création et de la loi.

Ce jour-là, l’auteur inspiré, Jean, fut sous la puissance du Saint Esprit pour recevoir et révéler les visions qui allaient passer devant lui. Tout accès devait être fermé aux impressions venant des objets extérieurs, afin qu’il pût entrer dans ce que Dieu était sur le point de lui montrer. « Et j’ouïs derrière moi une grande voix, comme d’une trompette ». Le fait que la voix se fait entendre derrière Jean est significatif. La prophétie porte plutôt les regards en avant, vers l’avenir ; mais il fallait d’abord jeter un coup d’oeil en arrière et apprendre quel jugement le Seigneur prononçait sur ce qui portait son nom sur la terre, sur la chrétienté.

« Une grande voix, comme d’une trompette, disant : Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept assemblées ». Ce que va dire la voix qui s’est fait entendre derrière Jean, est exclusivement pour les sept églises. Quand plus loin (chap. 4:1) un autre sujet est introduit, la même voix lui dit : « Monte ici et je te montrerai les choses qui doivent arriver après celles-ci ». Les regards du prophète sont alors dirigés vers les choses futures.

« Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept assemblées : à Éphèse, et à Smyrne, et à Pergame, et à Thyatire, et à Sardes, et à Philadelphie, et à Laodicée. Et je me retournai pour voir la voix qui me parlait ; et m’étant retourné, je vis sept lampes d’or ». Comme nous l’apprenons plus loin, ce sont les sept assemblées, vues selon la pensée du Seigneur à leur égard, c’est-à-dire comme présentant aux regards la justice divine ; voilà pourquoi les lampes sont d’or. Nous retrouvons partout ce principe, qu’aux yeux de Dieu nous sommes mesurés selon la position qui nous est donnée ; mais il caractérise particulièrement les écrits de Jean. Par exemple pour le chrétien, la mesure n’est nullement la loi ; c’était pour les Juifs ; pour nous, c’est Christ lui-même. « Celui qui dit demeurer en lui, doit lui-même aussi marcher comme lui a marché ». Le chrétien n’a donc pas à marcher comme un Israélite en se réglant sur la loi, mais en se souvenant qu’il est du ciel, non plus sous la loi, mais sous la grâce. La raison de ce principe est tout à fait claire et simple. La manière dont nous devons agir est en rapport avec notre position et les relations dans lesquelles nous nous trouvons placés. Un serviteur doit se conduire comme il convient à un serviteur, et si je suis maître, la conduite d’un serviteur n’est pas la règle de la mienne. Confondre les diverses relations est un tort ; les négliger, une perte ; les nier est funeste. Quelle que soit la position où il a plu à Dieu de nous placer, la grâce et la puissance de Dieu sont notre ressource pour nous faire marcher d’une manière qui soit en harmonie avec cette position.

Mais remarquons bien qu’il ne s’agit pas des relations de convention que l’homme a établies. La vie en Christ nous sort en principe des vanités de ce monde. Nous abaisser au niveau du monde n’est pas marcher comme Christ, c’est chercher, au moyen d’une position terrestre, à échapper à une partie du renoncement que Christ réclame de nous comme ses témoins et qui, en réalité, est une bénédiction pour nous. Il n’est donc pas question des désirs et des sentiments de l’homme naturel, mais de ce que Christ a mis en nous. Si l’on a vu le Fils de Dieu et que l’on ait cru en lui, si par grâce on possède la même vie que celle qui était en lui, de sorte que ce soit « vrai en lui et en vous », il n’y a alors, comme chrétien, d’autre mesure que Christ lui-même.

Il en est ainsi des sept lampes d’or. Tout doit être et était mesuré selon la pensée de Dieu et la position dans laquelle il plaçait les assemblées. Leur règle était la conformité avec Dieu révélé en Christ. C’est pourquoi elles sont représentées sous la figure de lampes d’or.

« Je vis sept lampes d’or, et au milieu des sept lampes quelqu’un de semblable au Fils de l’homme, vêtu d’une robe qui allait jusqu’aux pieds, et ceint, aux mamelles, d’une ceinture d’or. Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme de la neige ; et ses yeux, comme une flamme de feu ; et ses pieds, semblables à de l’airain brillant, comme embrasés dans une fournaise ; et sa voix, comme une voix de grandes eaux ; — et il avait dans sa main droite sept étoiles ; et de sa bouche sortait une épée aiguë à deux tranchants ; — et son visage, comme le soleil quand il luit dans sa force ». Le Seigneur Jésus, car c’est lui, comme nous le savons, qui apparaît à Jean sous ces traits, n’est pas vu dans l’activité du service. La robe relevée et ceinte autour des reins en était le signe, tandis qu’ici elle est flottante, descendant jusqu’aux pieds. Il se présente dans l’appareil judiciaire, comme le Fils de l’homme à qui tout le jugement est donné (Jean 5:22, 27). Mais voici un trait qui seul suffirait à trahir Jean comme l’écrivain de ce livre. Celui qu’il voit sous l’apparence du Fils de l’homme est revêtu des attributs distinctifs de l’Ancien des jours (Daniel 7). Tandis que Daniel avait vu l’Ancien des jours sous un aspect, et le Fils de l’homme sous un autre aspect tout différent, Jean les voit réunis en une même personne. Christ est homme, mais l’homme que Jean voit ainsi est une personne divine, le Dieu éternel lui-même. Ainsi Jean ne peut perdre de vue la gloire divine de Jésus, même quand le sujet dont il va s’occuper est le jugement, et que c’est le royaume qui partout est mis en évidence.

Ce passage nous montre une triple gloire de Christ : ce qui lui est personnel, ce qui est relatif, et enfin ce qui est officiel. Mais il y a plus. Jean dit : « Et lorsque je le vis, je tombai à ses pieds comme mort ; et il mit sa droite sur moi, disant : Ne crains point ; moi, je suis le premier et le dernier ». De telles expressions ne peuvent s’appliquer qu’à une personne divine. Celui qui est le premier est nécessairement Dieu, et comme tel, il doit aussi certainement être le dernier. Or Jésus dit ces paroles de lui-même ; bien plus, il ajoute : « et le vivant ; et j’ai été mort », ou plus littéralement « je suis devenu mort ». L’expression est la plus forte possible pour mettre sous nos yeux non pas le simple fait qu’il est mort, ce que nous trouvons ailleurs, mais qu’il est mort par un acte de sa propre volonté. Mourir semble tout à fait incompatible avec la personne glorieuse qui vient d’être décrite, mais il est devenu ce qui n’était pas une nécessité de sa nature. Telle semble être la portée de ces paroles, et tel est le soin avec lequel le Saint Esprit veille à faire ressortir la gloire de Christ, même dans ce qui nous parle des profondeurs de son humiliation. « J’ai été mort ; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles ; et je tiens les clefs de la mort et du hadès ». Nul ne descend au hadès sans avoir passé par la mort ; celle-ci se rapporte au corps, celui-là à l’esprit séparé du corps (*).

(*) Après « aux siècles des siècles » le texte reçu porte « Amen ». Ce mot doit être omis comme n’étant pas conforme aux meilleures autorités. Il ne peut que gâter le sens de la phrase. Il en est de même des mots « mort et hadès » et non « hadès et mort ». Que l’on comprenne bien que lorsque nous parlons du texte sur la base des meilleures et plus anciennes autorités, il ne s’agit nullement d’innovations arbitraires. Il y a l’évidence la plus positive et la plus convaincante pour les changements, omissions ou insertions, que l’on trouve de temps en temps relativement aux versions ordinaires. Les vrais innovateurs sont ceux qui par négligence, ou volontairement, se sont écartés des paroles mêmes de l’Esprit, et l’arbitraire maintenant serait de conserver ce qui ne repose pas sur une autorité suffisante, contre ce qui est aussi bien établi qu’il peut l’être. L’erreur n’est pas de chercher le meilleur texte, mais de permettre à la tradition de nous lier à des variantes comparativement modernes et certainement fausses. Et tout nous sommes tenus de nous appuyer sur les meilleures autorités.

« Écris donc les choses que tu as vues, et les choses qui sont, et les choses qui doivent arriver après celles-ci ». Nous avons dans ces mots les trois grandes divisions du livre ; chose évidente et familière à presque tout lecteur. Les choses que Jean a vues sont la personne et la gloire de Christ dans ses rapports avec ce que révèle l’Apocalypse. C’est ce dont nous avons déjà parlé.

« Les choses qui sont » présentent le tableau de la condition de l’Église durant le temps de son existence ici-bas. Nous le trouvons développé dans les lettres aux sept assemblées. L’expression « qui sont » est très frappante en ce qu’elle semble indiquer que les assemblées devaient d’une manière quelconque continuer à exister. Nous pouvons maintenant comprendre la force de ces mots, quoiqu’il soit possible qu’aux jours de Jean on n’y attachât pas une aussi grande importance.

Il est un autre point de vue auquel on peut envisager le livre de l’Apocalypse. C’est de prendre « les choses qui sont », c’est-à-dire les assemblées, comme déjà passées et terminées, et de considérer la prophétie comme suivant actuellement son cours. Je pense qu’en effet il était dans l’intention de Dieu de nous présenter ce double aspect. Sans entrer dans aucun détail quant à cette manière de voir, j’ai cru devoir la mentionner aussi bien que celle d’après laquelle « les choses qui doivent arriver après celles-ci », ne commencent que lorsqu’il n’existe plus rien auquel la condition d’église soit applicable.

Remarquons encore que l’expression « les choses qui doivent arriver après celles-ci » rend plus exactement le sens clair et précis de l’original que les mots « qui doivent arriver ensuite », lesquels présentent quelque chose de vague.

« Le mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma droite, et les sept lampes d’or : les sept étoiles sont les anges des sept assemblées, et les sept lampes sont sept assemblées ».

Dans chaque épître le Seigneur s’adresse à « l’ange ». Qui faut-il entendre par là ? Qu’est celui qui est désigné sous ce nom ? D’abord remarquons que nous ne trouvons nulle part dans le Nouveau Testament cette expression employée comme un titre officiel donné à quelqu’un ; mais nous ne devons pas nous étonner de la rencontrer ici où tout est en dehors des formes ordinaires. Elle convient à un livre prophétique tel que l’Apocalypse.

Désigne-t-elle ce que nous appelons ordinairement un être angélique ? Je ne le pense pas lorsqu’il est question des anges des assemblées. C’est autre chose quand, dans ce livre, il est parlé de « l’ange ayant puissance sur le feu », ou de l’ange de Jésus dans un sens analogue à celui de « l’ange de l’Éternel » dans l’Ancien Testament. Nous comprenons aussi fort bien qu’un être angélique serve d’intermédiaire entre le Seigneur et son serviteur Jean. Mais il n’en est pas de même quand il s’agit de l’ange de telle ou telle assemblée. Il y aurait quelque chose de choquant à supposer que Christ adressât par le moyen de Jean une lettre à un ange en prenant ce mot au sens usuel et littéral. Pour ceux qui l’entendent ainsi, il y a là une difficulté qu’il n’est pas aisé de résoudre.

La signification du mot « ange » me semble être la suivante dans le cas qui nous occupe. Ce terme, dans son sens général, est employé pour désigner un « représentant », qu’il s’agisse ou non d’un être angélique, et c’est ainsi que le Seigneur s’en sert en s’adressant aux assemblées. L’ange est donc ce qui représente chaque assemblée.

Nous savons qu’en certains cas ce mot désigne effectivement un représentant au sens littéral, comme, par exemple, quand Jean le Baptiseur envoie quelques-uns de ses disciples. Ils sont auprès de Jésus les représentants de leur maître ; dans leur message, ils exposent sa pensée. Toutefois remarquons que l’expression a une portée quelque peu différente, lorsqu’il s’agit d’assemblées qui, au moins à notre connaissance, n’avaient pas envoyé de messagers.

Si donc nous nous en tenons au sens abstrait de cette expression « l’ange de l’assemblée », je crois qu’il faut l’entendre ainsi : Le Seigneur n’avait pas nécessairement en vue un ancien ou un docteur de l’assemblée, mais quelqu’un qui pouvait être l’un ou l’autre, qui devant lui, dans sa pensée, représentait réellement l’état de l’assemblée et qui était d’une manière spéciale lié à la responsabilité de cet état. Ce pouvait être une ou plusieurs autres personnes.

1.2 - Chapitre 2

« À l’ange de l’assemblée qui est à Éphèse, écris : Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa droite, qui marche au milieu des sept lampes d’or ». Nous nous trouvons évidemment ici sur un terrain large, où tous les caractères sont généraux. Cette première épître considère l’état du témoignage chrétien sur la terre sous sa forme la plus étendue, et, comme je le suppose, dès les jours mêmes de l’apôtre Jean. En conséquence, le Seigneur se présente lui-même à ce large point de vue. Il tient les sept étoiles dans sa droite et il marche au milieu des sept lampes d’or. C’est sa position à la fois ministérielle et ecclésiastique ; sa relation avec les anges, c’est-à-dire avec ceux qui, à ses yeux, représentent moralement les assemblées, et sa relation avec les assemblées elles-mêmes.

L’étoile est ce qui avait une action sur l’assemblée, ce qui ouvertement était le vase destiné de la part du Seigneur à projeter la lumière sur les saints de Dieu. Si cette lumière était inefficace, si le mal y était mêlé, l’état de l’assemblée devait s’en ressentir. Si elle était brillante, le niveau moral de l’assemblée s’en trouvait relevé. Voilà, je pense, ce que signifie l’étoile. Ainsi Celui qui les tient toutes dans sa droite et qui marche au milieu des sept lampes d’or, c’est Christ, non seulement tenant sous son autorité ces représentants moraux des assemblées, mais s’intéressant aussi aux assemblées ; Christ vu, selon le caractère du livre, dans son aspect ministériel et ecclésiastique le plus complet et le plus général.

L’état de l’église d’Éphèse est décrit avec la même généralité.

« Je connais tes oeuvres, et ton travail, et ta patience, et que tu ne peux supporter les méchants ; et tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs ». Ainsi il y avait dans l’assemblée d’Éphèse de la fidélité, en particulier à l’égard du genre de mal que Satan cherchait alors à introduire dans l’Église. Les apôtres avaient peut-être tous disparu, sauf Jean. À mesure qu’ils s’en allaient pour être avec le Seigneur, il était naturel que Satan essayât de susciter des hommes, ses instruments, qui réclamassent leur succession. L’église d’Éphèse, et particulièrement l’ange qui l’avait aidée en cela par la grâce du Seigneur, avait éprouvé ces prétendus apôtres et avait trouvé qu’ils n’étaient point ce qu’ils se vantaient d’être. L’étoile avait donc jusque-là agi pour le bien de l’église.

Il y avait beaucoup plus encore chez ceux d’Éphèse. Non seulement la fidélité, mais un dévouement persévérant les caractérisait : « Tu as patience, et tu as supporté des afflictions pour mon nom, et tu ne t’es pas lassé ». Cependant le Seigneur a un sujet de plainte contre eux : « Mais j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour ». Il est clair que c’est ici, comme toujours, le premier pas, le symptôme le plus général du déclin. Ce qui nuit et finalement conduit à la ruine, vient constamment du dedans, jamais du dehors. C’est en vain que Satan cherche à renverser ceux qui, s’appuyant sur l’amour de Christ, ont en lui l’objet aimé qui remplit leurs pensées et leur vie. N’en était-il pas ainsi quand Paul écrivait aux Éphésiens ? Mais ils avaient abandonné ce premier amour. Ils avaient failli à cet égard et s’étaient relâchés, quoiqu’ils poursuivissent avec diligence leurs oeuvres, leur travail et leur patience. Mais était-ce l’oeuvre de foi, le travail d’amour et la patience d’espérance de notre Seigneur Jésus ? Ce qui d’abord avait produit de si beaux résultats n’agissait plus, et ne pouvait plus agir. L’effet subsistait, mais la source n’était plus là : ils avaient abandonné leur premier amour. C’en était fait d’eux, à moins qu’ils ne se jugeassent eux-mêmes et que, par la puissance du Saint Esprit, Christ ne reprît sa place dans leur coeur. « Souviens-toi donc d’où tu es déchu, et repens-toi, et fais les premières oeuvres ; autrement, je viens à toi et j’ôterai ta lampe de son lieu, à moins que tu ne te repentes ».

Nous retrouvons encore ici, comme lorsqu’il s’agissait de Christ, de l’état de l’Église et de la plainte portée contre elle, la même généralité dans le remède proposé et dans le jugement dont Éphèse est menacée. Le Seigneur s’attache dans cette épître aux sujets de l’importance la plus large et la plus générale. On peut le remarquer aussi dans la promesse par laquelle il termine : « Mais tu as ceci, que tu hais les oeuvres des Nicolaïtes, lesquelles moi aussi je hais. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées. À celui qui vaincra, je lui donnerai de manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu ». Qu’y a-t-il de plus vaste que cette promesse ?

Dans l’épître suivante, nous nous trouvons en présence d’un état de choses complètement différent. C’est un cas essentiellement spécial. Après que l’Église a déchu de la pureté apostolique, et par-dessus tout, après qu’elle a abandonné son premier amour, il semble bon au Seigneur d’envoyer sur elle l’affliction. Il lâche la bride à la puissance de Satan agissant par des persécuteurs païens et permet que toutes sortes d’épreuves tombent sur les siens. Telle est l’occasion de la lettre à l’ange de l’assemblée de Smyrne.

« Voici ce que dit le premier et le dernier, qui a été mort et qui a repris vie : Je connais ta tribulation, et ta pauvreté (mais tu es riche), et l’outrage de ceux qui se disent être Juifs ; et ils ne le sont pas, mais ils sont de la synagogue de Satan ». Remarquez que ce ne sont plus de faux apôtres qui éprouvent les saints : un nouveau mal apparaît. Aussi longtemps que les vrais apôtres furent sur la terre, Satan ne put jamais faire reconnaître le judaïsme dans l’Église de Dieu. Le concile de Jérusalem exemptait expressément les gentils du joug de la loi. L’apôtre Paul montre qu’introduire la loi et l’imposer au chrétien, soit pour la justification, soit comme règle de vie, c’est en réalité rendre Christ inutile et déchoir de la grâce. Cette vérité, évidente quand il s’agit de la justification, l’est moins dans le second cas qui cependant est, tout autant que le premier, une véritable négation de l’évangile. En effet, si Christ est pour le chrétien la règle de vie, et si la loi est la règle de mort pour le Juif, il est clair qu’abandonner l’un pour l’autre, c’est tendre à l’apostasie. Les premiers pères ont ainsi judaïsé et depuis lors le levain n’a pas cessé d’agir. Faire de même, se replacer sous ce régime juif, c’est être du nombre de ceux qui se disent Juifs et ne le sont pas, et ne sont hélas ! que la synagogue de Satan.

Le Seigneur considère ici ces mauvais ouvriers (et c’est ce que deviennent les prôneurs d’oeuvres) comme formant un parti. Ce n’est pas simplement Satan luttant pour introduire le judaïsme ; il y a une « synagogue de Satan ». Ceux qui se disent Juifs et ne le sont pas, ont un caractère compact et peuvent être envisagés comme une congrégation. Ainsi, il ne s’agit pas d’une simple tendance individuelle comme cela avait eu lieu auparavant ; il y a plus ici. C’est un parti formé et connu et qui affiche les prétentions les plus élevées. Ceux qui le composent prétendent être plus saints et plus justes que les autres, et les dénoncent comme antinomiens parce qu’ils s’appuient sur la pure grâce de Dieu. Mais ce sont eux, au contraire, qui corrompaient et détruisaient le vrai christianisme qu’ils ne connaissaient pas. Séduits par Satan, ils sont ses zélés instruments, travaillant d’autant plus activement à séduire les autres, qu’eux-mêmes sont sérieux et honnêtes selon la chair.

Ceux que l’on nomme communément « les Pères », semblent avoir été les chefs du parti auquel il est fait allusion ici. Sur eux repose la honte d’avoir introduit le judaïsme dans l’Église de Dieu. Ils ont exercé cette influence dans tous les âges, et c’est ici, à mon sens, que leur système est stigmatisé par le Seigneur Jésus Christ. Offensant pour lui, ce système est entièrement opposé au principe de la grâce. Le caractère en est clair ; il arrache le chrétien à sa position céleste pour l’abaisser au niveau d’un judaïsme corrompu, et perd toute la précieuse vérité de cette vie réelle qui nous est donnée en Christ, vérité qui est le point capital des écrits de Jean. Ainsi, soit en pervertissant les âmes ou en formant des sectes à la manière des hommes parmi ceux qui, selon Paul, sont du ciel, soit en les sortant de la vie de Christ et leur faisant perdre de vue qu’ils doivent marcher comme Lui-même a marché, pour les placer sous des ordonnances semblables à celles des Juifs, les Pères, dans leur ensemble, ont, je le crains, pleinement mérité d’être désignés ici par le Seigneur.

Quand l’homme se règle ainsi sur le modèle juif, toute la beauté et le but de l’Église de Dieu sont ruinés en principe. Mais le point important à remarquer ici, c’est que ce fut vers cette époque même, que les ordonnances et la succession ecclésiastique commencèrent à être érigés en système. On trouve ce grand fait, en contraste avec l’épître inspirée, même chez les Pères qui vécurent avant le conseil de Nicée. Il me semble que le Seigneur, dans cette épître, constate cette action, en même temps qu’il montre Dieu employant en quelque mesure pour le bien, ceux qui étaient fidèles dans les persécutions suscitées par les païens. Ainsi, tandis que Satan déployait son activité en formant sa synagogue, Christ disait à ceux qui souffraient : « Ne crains en aucune manière les choses que tu vas souffrir. Voici, le diable va jeter quelques-uns d’entre vous en prison, afin que vous soyez éprouvés : et vous aurez une tribulation de dix jours ». L’épreuve devait avoir une durée limitée ; le Seigneur en assigne le terme.

« Sois fidèle jusqu’à la mort et je te donnerai la couronne de vie… Celui qui vaincra n’aura point à souffrir de la seconde mort ». Ils pouvaient tomber sous les coups de la première mort, mais non pas être atteints par ce qui suivra et qui est irrévocable. Il y avait là une question de foi en Dieu, et on doit se rappeler en semblables circonstances que c’est par beaucoup d’afflictions qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu.

« À l’ange de l’assemblée qui est à Pergame », vient un message très différent et qui est aussi tout à fait spécial.

« Voici ce que dit celui qui a l’épée aiguë à deux tranchants : Je sais où tu habites ». C’est une chose sérieuse que de savoir où et avec qui nous habitons. « Tu habites là où est le trône de Satan ». Comment cela a-t-il pu arriver ? On comprend qu’ils eussent à passer au travers de la scène où Satan déploie sa puissance, mais y habiter ! Aimaient-ils donc à être près d’un trône, à y demeurer, alors même que c’était celui de Satan ? Recherchaient-ils la protection de l’éclat du pouvoir humain ?

Le Seigneur reconnaît cependant ce qu’il y a de bon. « Tu tiens ferme mon nom, et tu n’as pas renié ma foi ». Il est digne de remarque qu’après les plus grandes persécutions, quand la chrétienté et les chrétiens se furent laissés séduire jusqu’au point d’accepter le patronage du monde, même alors il restait assez de fidélité pour repousser tous les efforts tentés contre la divinité de la personne de Christ. Sous le même Constantin qui étendit sur le christianisme le bouclier de la puissance terrestre, se livra la bataille dans laquelle fut vaincu l’ennemi Arien. Ce fut sous l’autorité et par l’ordre de cet empereur, que se réunit le fameux concile de Nicée qui établit et promulgua publiquement le dogme de la Trinité, je ne dis pas pour les chrétiens qui n’avaient pas besoin d’un semblable rempart, mais pour la chrétienté. Alors fut aussi publié le symbole ou confession de foi vulgairement dit de Nicée, dont l’objet était d’affirmer la déité consubstantielle de Christ. Je ne puis m’empêcher de penser que c’est à cet état de choses qu’il est fait allusion ici. « Tu tiens ferme mon nom et tu n’as pas renié ma foi, même dans les jours dans lesquels Antipas était mon fidèle témoin, qui a été mis à mort parmi vous, là où Satan habite ». Etrange et solennelle association de choses ! La proximité du trône de Satan au dehors, et, au dedans, la miséricorde de Dieu continuant à maintenir la foi en cette vérité fondamentale : la gloire personnelle de Christ !

« Mais j’ai quelques choses contre toi : c’est que tu as là des gens qui tiennent la doctrine de Balaam ». Une fois que l’Église s’est placée sous la sauvegarde du pouvoir terrestre, le cléricalisme s’introduit et fait de rapides progrès. L’autorité du monde présente des appâts mondains et le ministère devient un clergé, une profession qui apporte plus ou moins de profits. Les promoteurs de cet état de choses, voilà ceux qui tenaient la doctrine de Balaam. En même temps s’introduisaient nécessairement toutes sortes de compromis avec le monde et ses voies perverses, et le clergé les encourageait par de fausses applications des Écritures. C’est ainsi qu’il est dit ici de Balaam : « lequel enseignait à Balak à jeter une pierre d’achoppement devant le fils d’Israël, pour qu’ils mangeassent des choses sacrifiées aux idoles et qu’ils commissent la fornication ». Nul doute que tout cela ne soit symbolique, mais la portée en est assez claire pour toute conscience non émoussée. Il ne faut pas s’étonner si on ne comprend guère ces avertissements là où les mêmes maux existent, et où a disparu tout ce qui pouvait garder l’Église comme une vierge chaste, fiancée à Christ. Le monde s’est introduit, il est resté, hélas ! complètement minimisé par ceux mêmes qui doivent leur position à cette influence corrompue et corruptrice. Le même esprit d’incrédulité qui fut la source du mal, lui conserve sa puissance et son action, et maintenant, comme alors, détourne de la conscience la pointe de l’épée aiguë à deux tranchants. Les chrétiens avaient été éblouis par la puissance et la gloire du monde qui, en ces jours, s’étaient déployées pour protéger non seulement eux, mais la foi publique de la chrétienté. En même temps, par leur alliance avec le monde, ils avaient, d’une manière fatale, déshonoré Christ, et la conséquence était un retour pratique à ce monde hors duquel la grâce avait tiré l’Église, pour l’unir à Christ glorifié.

« Ainsi tu en as, toi aussi, qui tiennent la doctrine des Nicolaïtes pareillement ». L’épître à l’ange de l’Église d’Éphèse dénonce les oeuvres des Nicolaïtes ; maintenant l’iniquité en question, que je suppose être l’antinomianisme, était devenue une doctrine.

« Repens-toi donc ; autrement je viens à toi promptement, et je combattrai contre eux par l’épée de ma bouche ». Ainsi le Seigneur ne combattait plus pour la défense de son peuple ; il n’employait pas non plus la haine de l’ennemi ou la persécution pour retrancher le mal, ou pour l’étouffer dans son germe, comme nous l’avons vu précédemment. Un épreuve plus grande apparaît, mais, hélas ! l’état de ceux qui portent son nom est tel, que le Seigneur se voit forcé d’agir sévèrement envers eux.

« Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées. À celui qui vaincra, je lui donnerai de la manne cachée ». Alors que l’Église cherchait une position publique et glorieuse, l’encouragement donné à la foi était la manne cachée. La fidélité individuelle envers le Seigneur Jésus, même si elle n’était pas appréciée, se rencontrait du moins encore. Il y avait des saints qui s’attachaient à son nom, bien que le temps ne fût pas venu où ils dussent se séparer du corps public des professants et en sortir pour prendre la position du résidu.

Peut-être la foi n’avait-elle pas assez d’énergie pour cela, mais en tout cas la fidélité à Christ ne manquait pas, et où elle se trouvait s’appliquait la parole du Seigneur. « À celui qui vaincra, je lui donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc, et, sur la caillou, un nouveau nom écrit, que nul ne connaît, sinon celui qui le reçoit ». Son approbation est suffisante pour le coeur fidèle, elle lui est plus douce qu’un triomphe public devant l’univers.

Puis vient la dernière des quatre assemblées. « Et à l’ange de l’assemblée qui est à Thyatire, écris ». Je ne puis douter que cette épître ne contienne une esquisse exacte et aussi complète qu’elle pouvait l’être par le moyen des faits alors présents, de ce que nous trouvons dans les temps du moyen âge.

« Voici ce que dit le Fils de Dieu, qui a ses yeux comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables à de l’airain brillant ». Christ est présenté maintenant, non seulement avec cette puissance de jugement moral qui discerne tout, mais prêt à agir judiciairement contre le mal : « Ses pieds sont semblables à de l’airain brillant ».

« Je connais tes oeuvres, et ton amour, et ta foi, et ton service, et ta patience, et tes dernières oeuvres qui dépassent les premières ». Malgré toutes les ténèbres et l’ignorance qui existaient au moyen âge quant à la doctrine, il y avait un dévouement remarquable. Ceux qui aimaient le Seigneur montraient leur amour, moins par leur intelligence de ses voies, que par un renoncement à eux-mêmes habituel et sans réserve. Je ne parle pas de ce que produisait la superstition envers Marie ou envers l’église, lorsque de chacune on faisait une sorte de « bonne déesse », mais je parle du fruit produit dans la vie par un coeur tourné simplement vers Christ, si faible que fût d’ailleurs la connaissance.

« Mais j’ai contre toi que tu laisses faire la femme Jésabel ». C’était un genre de mal tout à fait nouveau. Il n’y a pas maintenant simplement le cléricalisme, ou des personnes qui tiennent la doctrine de Balaam, mais un état de choses formellement établi, comme le représente toujours la femme employée symboliquement. Il est facile de s’en assurer en examinant l’Écriture. L’homme est l’agent, la force active ; la femme est l’état de choses produit. Jésabel est donc le symbole qui convenait ici, comme Balaam dans le cas précédent. L’activité était dans le clergé qui avait fait avec le monde les plus honteux compromis, et qui avait vendu l’honneur de Christ pour de l’or et de l’argent, pour du bien-être et des dignités. De là était issue Jésabel. Telle était la condition produite et tolérée pendant le moyen âge dans ce qui portait le nom de Christ.

« Tu laisses faire la femme Jésabel qui se dit prophétesse ». Voilà précisément la prétention de la soi-disant église, c’est-à-dire l’affirmation de posséder une infaillibilité permanente, d’être une sorte d’autorité inspirée pour régler la doctrine, promulguer des dogmes et diriger tout au nom de Dieu. N’est-ce pas là exactement ce que fait le Romanisme ?

« Et elle enseigne et égare mes esclaves en les entraînant à commettre la fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles ». Tout cela était le fruit, sans nul doute, de ce qui avait été auparavant, mais un fruit arrivé à une maturité avancée.

« Et je lui ai donné du temps afin qu’elle se repentît ; et elle ne veut pas se repentir de sa fornication. Voici, je la jette sur un lit, et ceux qui commettent fornication avec elle, dans une grande tribulation, à moins qu’ils ne se repentent de ses oeuvres ; et je ferai mourir de mort ses enfants ». Jésabel était une mère, en vérité, une sainte mère, comme l’appelaient et les séducteurs parmi elle, et ceux qui étaient séduits. Mais qu’en pensait le Seigneur et ceux qui préféraient endurer les plus grandes souffrances plutôt que de commettre adultère avec elle ? Cette église-monde, dans sa corruption flagrante, était alors une institution établie. Ce n’est pas une erreur passagère comme un nuage, c’est un corps constitué et occupant la plus haute position dans le monde, c’est une reine, mais une reine qui prétend aussi au pouvoir spirituel le plus élevé, c’est une soi-disant prophétesse, établie maintenant d’une manière permanente dans la chrétienté et donnant naissance à une postérité d’iniquité distincte, qui est appelée « ses enfants ». Mais, dit Celui dont les yeux sont comme une flamme de feu, « je ferai mourir de mort ses enfants ; et toutes les assemblées connaîtront que c’est moi qui sonde les reins et les coeurs, et je vous donnerai à chacun selon vos oeuvres ».

« Mais à vous je dis, aux autres qui sont à Thyatire ». Ici apparaît clairement le résidu, « vous », « les autres, autant qu’il y en a qui n’ont pas cette doctrine », et c’est à eux, à ce résidu, que le Seigneur s’adresse maintenant.

Arrêtons-nous un instant sur ces paroles remarquables. Ici, pour la première fois, nous voyons formellement reconnus des saints, qui ne sont pas compris dans la condition publique de l’assemblée, sans toutefois en être aussi ouvertement séparés qu’on le trouvera plus tard. Cependant, en esprit, ils deviennent et forment plus ou moins un corps rendant témoignage, à part de ce qui, en affichant les plus hautes prétentions, était en réalité dans la plus intime et la plus impie communion avec Jésabel, ainsi que le Seigneur juge et stigmatise ce que l’homme a nommé « notre mère, la sainte église catholique ».

« Je vous dis à vous, aux autres qui sont à Thyatire, autant qu’il y en a qui n’ont pas cette doctrine, qui n’ont pas connu les profondeurs de Satan, comme ils disent : je ne vous impose pas d’autre charge ; mais seulement, ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu’à ce que je vienne ». Le Seigneur, sans attendre d’eux de grandes choses, parle avec la plus exquise tendresse de ceux qui étaient fidèles à son nom. Je suis persuadé qu’il est fait allusion ici à ceux qui sont communément appelés Vaudois et Albigeois et peut-être à d’autres du même caractère. Ils étaient sincères et plein d’ardeur pour Christ, mais avec une petite mesure de lumières et de connaissances, si on la compare au témoignage plus complet et plus riche que le Seigneur suscita plus tard, comme nous le montre le chapitre suivant.

À la fin de l’épître le Seigneur fait entendre une promesse appropriée à la condition des saints : « Et celui qui vaincra, et celui qui gardera mes oeuvres jusqu’à la fin — je lui donnerai autorité sur les nations ». Cette méchante Jésabel ne s’était pas contentée de persécuter les vrais saints du Seigneur ; elle avait recherché la suprématie universelle et la domination sur toutes les âmes. Le Seigneur demande aux siens de ne pactiser en rien avec elle, leur promettant la véritable autorité quand lui-même la prendra en main. En attendant, qu’ils demeurent dans la patience, même à travers la tribulation, contents de souffrir actuellement pour l’amour du Christ.

« Et celui qui vaincra, et celui qui gardera mes oeuvres jusqu’à la fin — je lui donnerai autorité sur les nations ; et il les paîtra avec une verge de fer, comme sont brisés les vases de poterie, selon que moi aussi j’ai reçu de mon Père ». Le fidèle partagera le pouvoir de Christ à sa venue et lui sera associé dans son règne ; mais ce n’est pas encore tout ce que la grâce veut lui donner. Le Seigneur ajoute : « Et je lui donnerai l’étoile du matin ». Cela n’est pas être associé à Christ quand il régnera publiquement, mais c’est le posséder Lui-même, et c’est ce qui est tout à fait au-dessus des choses du monde. L’espérance céleste d’être avec Christ, voilà ce qui est donné au fidèle, aussi bien qu’une part dans le royaume.

Ici, comme on l’a observé avec raison, se fait remarquer un grand changement. L’invitation à écouter ce que l’Esprit dit aux assemblées suit la promesse au lieu de la précéder. La raison en est que, maintenant, il existe un résidu qui n’a plus rien à faire avec l’état public, et le Seigneur adresse d’abord la promesse à celui qui vaincra, parce qu’il n’y a pas lieu d’espérer que l’Église dans son ensemble la reçoive. Dans les lettres aux trois premières assemblées, au contraire, l’invitation à écouter vient en premier lieu, parce que le Seigneur s’adresse à la conscience de l’Assemblée toute entière. Maintenant le résidu seul est vainqueur, la promesse est pour lui, et c’est lui seul que le Seigneur exhorte à prêter l’oreille.

La division entre le second et le troisième chapitres est donc bien placée, car il y a un immense changement quand on passe aux trois dernières églises. En effet, l’introduction de l’épître adressée à l’assemblée de Sardes, nous montre le Seigneur recommençant un nouvel état de choses. L’ancienne phase ecclésiastique ou catholique de l’Église se termine avec Thyatire qui, néanmoins, en cela, présente ce trait particulier que c’est la fin de l’état public de l’Église, et le commencement de cette condition qui dure jusqu’à la venue du Seigneur. Nous trouvons en Thyatire la représentation mystique du romanisme, car il serait difficile de nier que Jésabel au moins n’offre ce caractère ; tandis que « les autres », le résidu, représentent ceux qui, sans être protestants, ont formé, à part et en dehors de la papauté, un corps de témoins, avant l’apparition du protestantisme, que le commencement du troisième chapitre place devant nous.

Ainsi nous avons vu la condition générale de l’Église dans son premier déclin ; puis les persécutions suscitées par le paganisme ; ensuite l’Église se plaçant sous le patronage du monde, et enfin le romanisme qui seul, d’après l’allusion faite à la venue de Christ, doit aller jusqu’à la fin.

1.3 - Chapitre 3

« Et à l’ange de l’assemblée qui est à Sardes, écris : Voici ce que dit celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles ». Il y a ici une allusion évidente à la manière dont le Seigneur s’était présenté à l’assemblée d’Éphèse qui, nous l’avons vu, représentait la première condition générale de l’Église. Sardes offre le commencement du nouvel état de choses, qui n’est pas strictement ecclésiastique, le Seigneur agissant plutôt par voie de témoignage. C’est pourquoi il n’est pas dit ici qu’il marche au milieu des sept lampes d’or, ce qui était dans un ordre tout à fait ecclésiastique, mais il a les sept esprits de Dieu. Il est Dieu ; toute puissance, le pouvoir gouvernemental tout entier, sont en ses mains, ainsi que les sept étoiles, c’est-à-dire tous les instruments par le moyen desquels il agit sur l’Église.

« Je connais tes oeuvres, — que tu as le nom de vivre, et tu es mort ». Tel est le protestantisme. — « Sois vigilant, et affermis ce qui reste, qui s’en va mourir, car je n’ai pas trouvé tes oeuvres parfaites devant mon Dieu ». Ce qui juge le protestantisme, c’est qu’il possède le témoignage de la parole de Dieu, d’une manière beaucoup plus complète que ceux qui étaient plongés dans le formalisme ecclésiastique du moyen âge. À cette époque la parole de Dieu avait été supprimée, parce que le clergé et cette Parole ne peuvent jamais marcher parfaitement ensemble. L’effet du principe clérical est et doit toujours être de substituer plus ou moins l’autorité de l’homme à celle du Seigneur, comme aussi d’affaiblir et de gêner l’action immédiate de l’Esprit de Dieu sur la conscience, action qu’il exerce par le moyen de la Parole. Je n’ai ici nullement en vue les personnes ; je parle du cléricalisme en général, n’importe où il se trouve, chez les catholiques ou dans des dénominations quelconques, nationales ou dissidentes.

Mais le principe protestant est très différent. On peut ne pas être fidèle à ses principes, et c’est ce qui arrive souvent ; mais en somme, l’un des grands points pour lesquels on a combattu lors de la Réformation, et qui a été acquis au protestantisme, quelles que puissent être les défectuosités de celui-ci, c’est que l’homme est placé complètement, librement et ouvertement en présence de la Bible. La parole de Dieu peut maintenant agir directement sur la conscience de l’homme.

Je ne parle pas de la justification par la foi. Luther lui-même, à mon sens, n’a jamais été parfaitement au clair quant à cette doctrine ; et si les catholiques, sur ce point, sont misérablement induits en erreur, les protestants, même aujourd’hui, ne comprennent pas la justification. Ils possèdent la vérité en quelque mesure, mais non point de manière à mettre les âmes hors de la servitude, c’est-à-dire à les amener distinctement dans la liberté, la paix et la puissance de l’Esprit. Même Luther n’a jamais eu la paix dans son âme, comme l’état constant dans lequel il marchait. Plus d’un parmi nous sait par quels combats il passa, non seulement au commencement, mais à la fin de sa carrière ; et je ne parle pas de ses luttes concernant l’Église, mais touchant son âme. Il serait inutile de citer ici les passages des écrits de Luther, qui prouvent combien il fut amèrement éprouvé par des combats intérieurs contre l’incrédulité ; ils montrent qu’il était loin de la calme jouissance de la paix que procure l’évangile, mais ce serait une erreur de les imputer en eux-mêmes à autre chose qu’au manque d’une claire connaissance de la grâce. Dans un tel état, toutes sortes de choses peuvent troubler l’homme (quels que soient ses talents, quelque honoré qu’il soit), qui ne repose pas entièrement sur le Seigneur. Assurément Luther est un de ceux desquels nous avons tous beaucoup à apprendre ; son courage, sa fidélité, son renoncement à lui-même, et sa patience à supporter les maux, sont à la fois instructifs et édifiants. D’un autre côté, il est inutile de supprimer les faits : il était plein d’énergie ; il fut l’instrument dont Dieu se servit pour accomplir une oeuvre immense ; mais il resta fort en arrière quant à l’intelligence de ce qu’est l’Église et l’évangile.

Cependant, malgré tout ce qui a manqué, une chose a été conquise pour les enfants de Dieu en particulier, et aussi pour l’homme. C’est la Bible ouverte pour tous. Mais c’est précisément ce qui condamne l’état du protestantisme, parce que, tout en ayant la liberté de lire la Bible librement, on a eu à peine la pensée de se conformer en tout à la Bible, et de régler tout d’après elle. Rien de plus commun parmi les protestants que d’admettre une chose comme parfaitement vraie parce qu’elle est dans la Bible, sans que l’on ait la moindre intention d’agir en conséquence. Combien cela est sérieux ! Les catholiques romains connaissent en général trop peu la Bible pour savoir ce qui s’y trouve ou non. Excepté les lieux communs de controverse, ils ignorent à peu près l’Écriture, et sont tout surpris quand on leur dit qu’une chose ou une autre y est contenue. Surtout ils ne la connaissent pas dans son ensemble, ne l’ayant presque jamais lue que sous la direction de leur confesseur. Le protestant peut lire sa Bible sans ce contrôle ; c’est une faveur réelle, un privilège précieux, mais à cause de cela même, combien est grande sa responsabilité !

« Je n’ai pas trouvé tes oeuvres parfaites devant mon Dieu. Souviens-toi donc comment tu as reçu et entendu, et garde, et repens-toi. Si donc tu ne veilles pas, je viendrai sur toi comme un voleur ». C’est la manière même dont le Seigneur menace de venir sur le monde. S’il y a dans l’état du protestantisme un trait qui doive frapper plus que tout autre, c’est la disposition à rechercher toujours l’appui des pouvoirs du monde pour être délivré de la puissance du prêtre et de l’église. Tel a toujours été et tel est encore le piège dans lequel tombe le protestantisme. Dès que l’on touche à ce qui appartient au monde, il se trouble et s’agite. Je ne dis pas cela faute de sympathie ou parce que j’ai le moindre doute que ce ne soit un grand péché, que de vouloir effacer toute reconnaissance publique de Dieu dans le monde. Il est impossible de croire que la mondanité sans égale qui apparaît dans l’association de dissidents avec des catholiques et des infidèles provienne de motifs purs, justes, saints et désintéressés. Il faut plutôt l’imputer à un esprit croissant d’infidélité, si ce n’est pas aussi à une vile soumission à la superstition. Sans doute l’incrédulité espère avoir gain de cause, comme de son côté la superstition attend le jour où elle triomphera, mais la vérité est que le diable aura la haute main pour mener à la destruction ceux qui s’attachent à l’une et à l’autre, quand le Seigneur apparaîtra dans son jour pour le jugement de tous ses adversaires.

Le Seigneur avertit donc l’ange de l’assemblée de Sardes que s’il ne veille pas, il viendra sur lui comme un voleur, « et tu ne sauras point », ajoute-t-il, « à quelle heure je viendrai sur toi ». Ce n’est pas du tout ainsi qu’il est parlé de sa venue pour les siens. Ceux-ci l’attendent constamment ; sa venue est leur joie ; comment les surprendrait-elle comme un voleur ? Ils soupirent après sa présence plus que la sentinelle après l’aube du jour. La figure d’un voleur qui vient inopinément ne peut convenir qu’au monde et à ceux qui y ont attaché leurs pensées. Cet avertissement solennel suppose donc que l’assemblée de Sardes avait cessé d’attendre patiemment le Seigneur comme l’objet de son amour. Tout indique qu’ils le redoutent, et à bon droit, comme un juge. Ils ont glissé dans le monde et partagent ses craintes et ses anxiétés. Ils ont perdu le sentiment de la paix profonde que Christ a laissée aux siens, et ne se réjouissent plus à la pensée qu’il vient, plein d’amour, prendre ceux qu’il aime parfaitement pour qu’ils soient toujours avec lui. S’ils jouissaient de la sainte et douce espérance que Lui-même donne dans sa parole quand il dit : « Voici, je viens bientôt », il ne pourrait être pour eux comme un voleur, dont la venue inopportune ne peut que troubler.

« Celui qui vaincra, celui-là sera vêtu de vêtements blancs », car il y en avait quelques-uns à Sardes qui n’avaient pas souillé leurs vêtements, et qui devaient marcher avec lui en vêtements blancs, comme en étant dignes. Il se trouve donc là aussi, comme toujours, des âmes précieuses. On doit être heureux de leur aider, si on le peut, à acquérir une plus exacte connaissance de la grâce du Seigneur ; non pas, sans doute, en atténuant le fait de leur position ou de leur manière d’agir, mais avec l’amour le plus profond envers eux à l’exemple du Seigneur : « Celui qui vaincra, celui-là sera vêtu de vêtements blancs, et je n’effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges ».

Nous arrivons maintenant à l’assemblée de Philadelphie.

« Et à l’ange de l’assemblée qui est à Philadelphie, écris : Voici ce que dit le saint, le véritable, celui qui a la clef de David, qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul n’ouvrira ». Chacune de ces paroles, par lesquelles Christ se présente lui-même, diffère de ce qui est dit de lui dans le chapitre 1. C’est là ce qui caractérise le chapitre 3 et surtout la portion dont nous nous occupons en ce moment. On a déjà vu que le commencement de l’épître à Sardes, quoiqu’avec une allusion à celle d’Éphèse, offre avec cette dernière un contraste évident. C’est comme un second commencement, et en cela il y a quelque analogie avec Éphèse ; toutefois le Seigneur est présenté sous un aspect tout à fait nouveau. Christ, ayant les sept esprits de Dieu, diffère entièrement de la description qui nous est faite de Lui dans l’épître à Éphèse ; et, dans celles qui suivent immédiatement, nous ne trouvons rien de semblable. C’est un nouvel état de choses, mais qui apparaît d’une manière encore bien plus évidente quand nous en venons à Philadelphie. « Voici ce que dit le saint, le véritable, celui qui a la clef de David » : rien de semblable n’avait été dit du Seigneur dans le premier chapitre.

Dans le second chapitre, ce qui est dit du Seigneur est une répétition de ce que Jean venait de contempler dans sa vision. La seule exception se trouve dans l’épître à Thyatire où il est nommé le Fils de Dieu ; mais Thyatire offre un état de transition, comme on l’a déjà fait remarquer. C’est l’Église dans sa responsabilité, mais sans puissance réelle ; un corps ecclésiastique qui présente des choses abominables aux yeux du Seigneur, tout en renfermant un résidu qui lui est cher. Cet état continue jusqu’à la fin et conduit à la venue du Seigneur, ce qui n’est le cas pour aucune des trois premières assemblées. Les mots qui sembleraient s’y rapporter dans ce qui leur est adressé ont trait seulement à des jugements présents, tandis que dans les lettres à Thyatire, Sardes et Philadelphie, nous trouvons la mention de la venue du Seigneur.

Mais en outre, c’est à Philadelphie qu’est manifestée de la manière la plus remarquable la personne du Seigneur et sa gloire morale. C’est Christ lui-même, Christ que la foi découvre revêtu d’une nouvelle beauté, qui ne dépend pas simplement des visions de gloire qui avaient été vues auparavant, mais de ce qu’il est réellement en lui-même : « le saint, le véritable ». Plus que cela, c’est Christ, vu selon toute l’étendue de sa gloire. La foi découvre que le saint, le véritable, est le même qui a la clef de David, c’est-à-dire Celui auquel se rapportent les prophéties de l’Ancien Testament, de sorte qu’ici sont introduites les vérités relatives aux diverses dispensations. Il est « celui qui ouvre, et nul ne fermera ». Il y a maintenant une parfaite liberté ; liberté pour le service du Seigneur, liberté pour chacun de ceux qui lui appartiennent.

« J’ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut fermer, car tu as peu de force et tu as gardé ma parole ». Des oeuvres puissantes, comme celles que Sardes a pu accomplir, ne distinguent pas les saints de Philadelphie. Il n’y a parmi eux rien qui attire l’attention du monde, rien qui excite l’étonnement, l’admiration et l’estime des hommes. Sommes-nous satisfaits d’une aussi petite place ? Telle est Philadelphie qui marche sur les traces d’un Christ rejeté. Nous savons tous combien peu de cas on faisait de Lui sur la terre ; il en est ainsi de cette assemblée ; mais cela n’a-t-il pas du prix aux yeux du Seigneur ?

« Tu as gardé ma parole, et tu n’as pas renié mon nom ». Jésus avait montré combien il appréciait et aimait la parole de Dieu, lui qui seul, en parlant de lui-même, avait pu dire avec vérité à Satan : « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » ; et la même vie de foi distingue Philadelphie. Il peut sembler à certains que c’est peu de ne pas renier le nom de Christ ; rien cependant n’est plus précieux au Seigneur. À Pergame, il avait été question de ne pas renier sa foi, mais ici, il s’agit de lui personnellement. Ce qu’il est, voilà le point capital : une simple orthodoxie ne suffit pas ; il faut tenir à sa personne quoique absente, et à la gloire due à son nom.

« Voici, je donne de ceux de la synagogue de Satan qui se disent être Juifs — et ils ne le sont pas ». N’est-ce pas le réveil de ce terrible fléau qui avait affligé l’Église des premiers temps, c’est-à-dire Smyrne ? N’en avons-nous pas entendu parler et ne l’avons-nous pas vu nous-mêmes ? Le protestantisme avait rejeté, comme nous le savons, une partie de ce que les Pères avaient travaillé à introduire dans les esprits des hommes ; cependant, après tant de siècles, les mêmes tendances se retrouvent, de sorte que maintenant que Dieu a suscité son nouveau témoignage, il s’en élève un contraire : Satan fait revivre l’ancien esprit judaïsant, au moment même où Dieu affirme de nouveau le vrai principe de la fraternité chrétienne, et, par-dessus tout, fait que Christ lui-même est tout pour les siens. Examinons les faits. À quoi tend en Angleterre ce que l’on nomme le puséïsme, sinon à faire renaître cet esprit de ceux qui se disent être Juifs et ne le sont pas ? Et ce système n’est pas confiné à cette contrée-là. On le retrouve en Allemagne et ailleurs ; en réalité partout où existe le protestantisme, mais surtout là où cette tendance est provoquée soit par le scepticisme d’une part, soit d’une autre, par la vérité qui les juge et les condamne tous deux dans l’éclat de la lumière céleste. En voulant se maintenir eux-mêmes sur un terrain religieux, les hommes tombent dans un système d’ordonnances légales. C’est là, je pense, ce qu’il faut entendre ici par la synagogue de Satan.

Mais le Seigneur forcera ceux-là mêmes à reconnaître le témoignage qu’il a suscité pour son nom. Je ne dis pas quand, ni où, ni de quelle manière ; mais aussi certainement qu’il vit, il justifiera la vérité qu’il a donnée ; sa parole est certaine : « Je les ferai venir et se prosterner devant tes pieds ; et ils connaîtront que moi je t’ai aimé ».

Ce n’est pas tout. Nous savons qu’un temps terrible doit venir sur ce monde : l’heure, comme il est dit ici, non pas simplement de tribulation, mais de tentation ou d’épreuve. Je pense que l’heure de l’épreuve embrasse toute la période apocalyptique, c’est-à-dire que ce n’est pas seulement l’époque redoutable où Satan, chassé du ciel, descend plein de fureur, et où la bête, ayant reçu de lui sa puissante énergie, arrive au faîte de son pouvoir, mais en outre la période pleine de trouble, de séduction et de jugement qui précède celle-ci. L’heure de la tentation est, à mon sens, un terme qui embrasse beaucoup plus que la grande tribulation d’Apocalypse 7, et encore plus que la tribulation sans égale qui doit tomber sur le pays d’Israël (Daniel 12, Matthieu 24, Marc 13). S’il en est ainsi, qu’elle est complète et précieuse la promesse : « Parce que tu as gardé la parole de ma patience, moi aussi je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée toute entière, pour éprouver ceux qui habitent sur la terre ». En vain les hommes essaient d’échapper ; l’heure de l’épreuve doit venir sur tous : elle les atteindra où que ce soit qu’ils espèrent s’y dérober. Ceux-là seuls échapperont, qui à l’appel de Christ seront ravis au ciel. Ils ne traverseront pas cette heure. Remarquez bien que cela ne veut pas dire seulement qu’ils seront mis à l’abri comme Lot dans Tsoar, ainsi que le prétendent quelques-uns, mais ils seront placés en dehors de la scène de l’épreuve. Quelle pleine et parfaite exemption ! Telle est cependant l’étendue de la promesse qui leur est faite et de la bénédiction qui leur est réservée. Je ne puis comprendre d’autre moyen de garder quelqu’un de l’heure de l’épreuve qui doit venir sur la terre habitée tout entière, que de le retirer d’abord du lieu de l’épreuve. C’est seulement ainsi que l’on peut être en dehors de la période remplie par le grand trouble ou l’épreuve à venir. La résidu pieux d’entre les Juifs, devant passer à travers une tribulation spéciale, plus terrible, mais circonscrite dans son étendue, devra seulement s’enfuir vers les montagnes jusqu’à ce que Jésus apparaisse en gloire pour confondre leurs ennemis. Mais il en est tout autrement pour les chrétiens.

« Je viens bientôt ». Ici, il ne vient pas « comme un voleur », mais pour la joie de ceux qui l’attendent. Le Seigneur a fait revivre dans les coeurs la vraie espérance de son retour ; il en est qui l’attendent ainsi et c’est à eux que cette épître semble particulièrement s’adresser. « Je viens bientôt » ; en principe, cela est vrai pour tous ceux qui sont réellement fidèles, mais il peut y avoir, et nous savons qu’il y a des chrétiens engagés dans l’un ou l’autre des divers états qui ont été décrits et qui évidemment dureront jusqu’à la fin. C’est donc en vain que l’on s’attendrait à voir formellement effacées ces conditions coordonnées ; cela ne peut avoir lieu avant que le Seigneur vienne.

« Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne. Celui qui vaincra, je le ferai une colonne dans le temple de mon Dieu, et il ne sortira plus jamais dehors ; et j’écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la cité de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de mon Dieu, et mon nouveau nom ». Celui qui vaincra sera revêtu au jour de la gloire d’une puissance aussi remarquable que l’est maintenant la faiblesse dans laquelle il est heureux de se trouver, sur la scène présente où la grâce se déploie.

Nous en venons maintenant à la dernière épître adressée à l’ange de l’assemblée de Laodicée. Je n’en dirai que quelques mots. L’état qui y est décrit résulte, à mon avis, de ce que le témoignage suscité précédemment par le Seigneur a été haï et méprisé. Si l’on méconnaît et dédaigne la vérité possédée par ceux qui attendent le Seigneur, on est en danger de tomber dans la terrible condition que la Parole met ici sous nos yeux. Christ cesse d’être l’unique objet auquel le coeur s’attache ; le sentiment de la bénédiction attachée à sa venue et qui conduit à l’attendre, n’existe plus ; encore moins se glorifie-t-on dans la faiblesse, afin que la puissance de Christ demeure et se manifeste dans cette faiblesse même. Au contraire, on désire être grand, estimé des hommes, de manière à dire : « Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien ». On voit quelle large place l’homme se fait ici.

C’est pour cela que le Seigneur se présente comme « l’Amen », la fin de toute espérance en l’homme, la sécurité ne se trouvant plus que dans la fidélité de Dieu. Lui seul est « le témoin fidèle et véritable ». C’est précisément ce que l’Église aurait dû être et n’était pas, et par conséquent il doit lui-même prendre cette place. C’est elle qu’il occupait quand, plein de grâce, il était ici-bas, et maintenant il doit la reprendre en puissance, en gloire et en jugement. Peut-on concevoir un blâme plus grand et plus solennel infligé à la condition de ceux qui auraient dû être ses témoins sur la terre ? En outre, il est « le commencement de la création de Dieu ». C’est mettre l’homme entièrement de côté, et la raison en est que Laodicée est la glorification de l’homme et de ses ressources dans l’Église.

« Je connais tes oeuvres — que tu n’es ni froid ni bouillant. Je voudrais que tu fusses ou froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche ». Ils sont indifférents en principe et en pratique ; leur coeur n’est qu’à moitié du côté de Christ. Je suis persuadé que rien n’est plus propre à faire naître l’indifférence qu’une appréhension saine de la vérité, lorsque le jugement de soi-même et une sincère piété n’existent pas. Plus on se sera trouvé en avant portant la responsabilité du témoignage de Dieu, plus on aura connu et professé connaître la grâce et la vérité de Dieu, le coeur et la conscience n’étant pas gouvernés et animés par la puissance de son Esprit, par le moyen de cette vérité et de cette grâce qui sont en Christ, plus profondément aussi, tôt ou tard, on tombera dans un état d’indifférence, sinon d’inimitié active. On deviendra indifférent à tout ce qui est bon, et s’il existe encore quelque zèle, ce sera pour ce qui est mal.

C’est là exactement l’état de Laodicée. « Ainsi, parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche. Parce que tu dis : Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien et que tu ne connais pas que, toi, tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu : je te conseille d’acheter de moi de l’or passé au feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies ». Les Laodicéens manquaient de tout ce qui est précieux : « de l’or », c’est-à-dire de la justice divine en Christ ; et « des vêtements blancs », ce qui signifie la justice des saints. De plus, ils avaient besoin d’un collyre pour oindre leurs yeux, afin qu’ils vissent. Ils avaient perdu la vraie perception de ce qui était pour Dieu. Tout était obscur quant à la vérité, et incertain quant au jugement moral. La sainteté de la séparation et la saveur de la vie avaient disparu.

« Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j’aime ; aie donc du zèle et repens-toi. Voici, je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi ». Là même, dans cette triste condition, le Seigneur se présente plein de grâce pour répondre aux besoins des âmes. Mais dans les paroles qui terminent l’épître, nous ne trouvons rien de spécial ; elles ne vont pas au-delà de la promesse de régner avec Lui. Or c’est ce qui est réservé à chacun de ceux qui auront part à la première résurrection, même aux Juifs qui, à une époque ou à une autre, souffriront sous le règne de l’Antichrist. C’est donc une méprise que de voir dans cette promesse une distinction particulière. Elle revient à ceci, c’est qu’après tout, le Seigneur se montrera fidèle, en dépit de l’infidélité. Il peut y avoir une foi individuelle réelle dans le milieu le plus misérablement éloigné, de la fidélité, et du dévouement.

2 - CHAPITRES 4 à ch. 11:18

2.1 - Chapitre 4

Dans ce qui précède, nous avons vu ce que représentent les sept églises auxquelles il plut au Seigneur d’envoyer les épîtres renfermées dans le second et le troisième chapitre du livre qui nous occupe.

Deux points ressortent de l’étude que nous en avons faite. Il est certain que le Seigneur s’est adressé à des assemblées qui existaient à cette époque, et qui présentaient les traits que retracent les épîtres. Mais, en considérant le contenu même de ces lettres, l’emploi du nombre symbolique sept qui désigne toujours un cycle parfait, et enfin l’ordre dans lequel ces assemblées nous sont présentées tour à tour, il semble évident, et nous avons conclu, qu’elles préfigurent des phases ou états de choses successifs dans l’Église, envisagée sur la terre au point de vue de sa responsabilité.

En second lieu, de ces sept états, trois ont passé sans laisser pour nous autre chose qu’un enseignement d’une portée morale, tandis que les quatre dernières ont en outre une signification prophétique, et, depuis le moment de leur apparition, continuent et existent ensemble jusqu’à la venue du Seigneur Jésus.

Ce qui confirme d’une manière frappante ce que nous venons de rappeler, c’est le fait que, depuis le chapitre 4, il n’est plus fait mention de rien qui ressemble à la condition d’église sur la terre. Comment expliquer ce silence, si l’on ne doit prendre les sept assemblées qu’au sens littéral ? D’un autre côté, si outre l’application historique, elles ont une signification prophétique, on comprend aisément que le Seigneur se soit adressé à des assemblées alors existantes, afin de donner par elles une vue des divers états qui devaient se succéder dans l’Église jusqu’à la fin, comme nous l’avons vu.

Dans le quatrième chapitre, l’Esprit de Dieu montre donc au prophète, non l’état de l’Église, mais ce qui suivra quand les églises ne seront plus devant la pensée du Seigneur, et que ce qui en porte le nom aura été vomi de sa bouche. Alors il est question du monde, Dieu ne cessant pas toutefois d’y maintenir un témoignage pour lui-même, au milieu de troubles graduellement croissants. Mais dès lors les témoins portent un caractère juif ou gentil, et nullement celui d’Église sur la terre. Il y aura des croyants, cela est évident ; les uns appartenant au peuple élu, d’autres tirés du milieu des nations ; mais rien de semblable à ce que nous voyons dans le second et le troisième chapitre.

Ce simple fait, si clair, si évident et d’une si grande importance, ne semble avoir été mis en lumière qu’assez récemment. À ma connaissance, il n’y est fait aucune allusion, on n’en trouve nulle trace, dans les centaines d’ouvrages écrits sur l’Apocalypse depuis les Pères jusqu’à nos jours. Preuve frappante de la négligence avec laquelle, par suite d’idées préconçues, on passe souvent sur les faits les plus incontestables que présente la parole de Dieu ; preuve aussi de la nécessité absolue où nous sommes d’être enseignés par le Saint Esprit pour profiter réellement même de ce qui est comme à la surface des Écritures.

C’est du reste un des caractères particuliers du saint Livre, que ni le talent, ni la clarté de l’esprit, ni la vivacité de l’imagination, ne rendent une âme capable, sans la puissance de l’Esprit, de saisir les communications de Dieu, d’en jouir et d’en bien user. On peut, sans lui, apercevoir tantôt un fait, tantôt un autre ; mais pour bien apprécier l’ensemble de la Parole et les voies de Dieu, il faut que les regards soient en tout dirigés vers Christ. Or c’est l’Esprit de Dieu seul qui place ainsi constamment Christ devant les yeux de l’âme. Celui qui le connaît et le possède sent bientôt qu’il existe, pour les croyants des différentes époques, des relations très diverses, et il voit ce qui en résulte. C’est ainsi que Christ a envers l’Église des voies spéciales, qui ne conviennent qu’à elle. Ces voies prennent fin avec le troisième chapitre ; ce sont donc des choses nouvelles, qui, maintenant, sont présentées au lecteur.

Or il est notoire que le grand nombre de ceux qui portent le nom de Christ, affirment que l’Église a toujours été depuis qu’il y a des enfants de Dieu sur la terre, et qu’elle existera aussi longtemps que se poursuivra l’oeuvre de la conversion des âmes. Mais cette assertion n’a aucun fondement dans les Écritures, soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament, ni, par conséquent, dans le livre qui nous occupe. Comment donc s’étonner si ceux qui étudient la Bible en ayant dans l’esprit une notion aussi opposée à la vérité révélée, manquent à comprendre ses enseignements ? Ils élèvent entre eux et la vérité une barrière infranchissable.

Quand le livre s’ouvre, des églises existent ; mais il n’en est plus fait mention lorsque l’introduction est close, et que la prophétie proprement dite commence à se dérouler. On en comprendra aisément la raison, si l’on remarque que l’Église, à parler strictement, n’est pas l’objet de la prophétie. Celle-ci s’occupe du monde, et annonce les jugements divins prêts à tomber sur le mal qu’il renferme, afin de le faire disparaître, et d’introduire à sa place le bien selon la propre pensée de Dieu. Tel est le grand thème du livre de l’Apocalypse.

Mais, comme il y avait des assemblées chrétiennes quand il fut écrit, il a plu à l’Esprit de Dieu de faire précéder la prophétie d’une vue d’ensemble très remarquable sur la condition de l’Église, aussi longtemps qu’elle serait reconnue par le Seigneur sur la terre. Nous avons vu avec quelle admirable sagesse cela nous a été présenté, de manière à convenir au temps où Jean écrivait, et cependant à trouver toujours une application pendant toute la durée de l’existence de l’Église. Ce n’est pas que tout pût être discerné à la fois ; la lumière allait croissant, mais elle suffisait toujours pour donner aux enfants de Dieu la connaissance de la pensée du Seigneur. Il en est ici, du reste, comme de chaque partie des Écritures : personne ne peut réellement en tirer profit sans l’Esprit, et ce ne peut être qu’à la gloire de Christ.

On peut maintenant saisir l’immense importance du changement que l’on remarque en passant au chapitre 4. Le prophète voit une porte ouverte dans le ciel, et est appelé à y monter. C’est une vision, comme nous le comprenons sans peine ; il n’est pas question de faits sensibles, et c’est la puissance du Saint Esprit qui rend Jean capable d’entrer et de contempler : « Sur-le-champ, je fus en esprit », dit-il.

Dans le ciel où il est ainsi introduit, Jean voit un trône dont l’aspect nous indique que c’est un siège judiciaire. Il n’a aucun des caractères du trône de Dieu que nous connaissons maintenant : « le trône de la grâce », dont nous nous approchons avec confiance, « afin que nous recevions miséricorde et que nous trouvions grâce pour avoir du secours au moment opportun ». Ici rien de semblable. Les éclairs, les voix et les tonnerres sont des symboles parfaitement clairs, qui nous enseignent ce qu’est le trône vu par Jean dans le ciel, et dans quel complet contraste il se trouve avec celui que nous présente Hébreux 4. Tout lecteur attentif et enseigné de Dieu peut le voir, et doit conclure en même temps que deux aspects du trône si différents, ne sauraient caractériser une même période, un même état de choses.

Ici donc, loin d’avoir un trône d’où découle la miséricorde divine, nous avons celui qui est revêtu des attributs propres à Sinaï. Il en sort la lumière qui manifeste le mal qui se trouve sur la terre, les voix qui le dénoncent, et les tonnerres qui le frappent. C’est le siège de l’autorité suprême ; la source d’où découle le jugement des impies.

Il ne faut pas non plus confondre ce trône avec celui du Fils de l’homme régnant sur le monde. Lorsque Jean est introduit dans le ciel, le temps n’est pas encore venu pour l’Église de régner avec Christ sur la terre, car le fait de régner sur la terre est présenté dans le chapitre 5 comme une chose future : « Ils régneront sur la terre », y est-il dit. Il est donc clair que nous avons ici une époque de transition, entre le moment où la condition d’église a pris fin, et celui où commence le règne millénial. Telle est la vérité qu’il faut nécessairement admettre, si l’on veut comprendre l’Apocalypse dans son ensemble.

Sur le trône était assis quelqu’un dont la ressemblance est comparée à une pierre de jaspe et de sardius. Il est clair que si, par là, il faut entendre la gloire de Dieu, ce n’est point celle qui se rapporte à l’essence divine, dont nulle créature de peut approcher et qu’aucune ne peut voir ; mais que c’est sa gloire pour autant qu’il lui a plu de la manifester à sa créature. C’est pourquoi elle est comparée à ces pierres précieuses que nous retrouvons plus loin dans la sainte cité, en rapport évident avec la gloire de Dieu.

Mais le trône présente d’autres traits dignes d’être remarqués. « Et autour du trône, un arc-en-ciel, à le voir, semblable à une émeraude ». Dieu montre par là qu’il se souvient de son alliance avec la création. L’arc-en-ciel qui en était le signe établi par lui-même, est placé ici devant le prophète de manière très frappante. Il ne le voit pas dans une ondée de pluie tombant sur la terre, mais autour du trône, parce qu’il s’agit simplement de la vérité que l’arc-en-ciel était destinée à rappeler. Il en est ainsi de tous les autres objets de cette vision : ils sont présentés comme vus dans la pensée de Dieu, et non comme ils apparaissent aux yeux de l’homme.

Ensuite nous voyons « autour du trône vingt-quatre trônes, et sur les trônes vingt-quatre anciens assis ». Il est évidemment fait allusion ici aux vingt-quatre classes de la sacrificature (1 Chron. 24). Seulement, je ferai remarquer, qu’à mon avis, les anciens ne représentent pas tous les sacrificateurs de ces diverses classes, mais uniquement leurs chefs. Il est d’une certaine importance de se le rappeler, parce que nous trouverons plus loin d’autres personnes qui sont reconnues comme sacrificateurs, qui alors n’étaient pas encore dans le ciel, et qui ne sont manifestées que plus tard sur la terre. Il est hors de doute que ces personnes deviennent des sacrificateurs, mais, quant aux anciens, il n’en est pas reconnu d’autres. Leur nombre est fixé, personne n’y est ajouté.

Ces chefs de la sacrificature, je n’en doute pas, sont les saints glorifiés dans le ciel ; et, par là, j’entends les saints de l’Ancien Testament aussi bien que ceux du Nouveau. On voit donc que nous sommes loin de vouloir déprécier la grâce de Dieu envers les saints d’autrefois. Il me semble qu’il y a de bonnes raisons pour conclure de la prophétie elle-même que les vingt-quatre anciens ne sont pas simplement l’Église, mais tous les saints qui ressuscitent lors de la présence du Seigneur Jésus, suivant ce qui est écrit : « Ceux qui sont du Christ à sa venue (ou sa présence) » (1 Cor. 15:23). La résurrection d’entre les morts renferme tous les saints qui ont existé jusqu’à ce moment, et, naturellement, il faut y joindre ceux qui sont changés, suivant ce qui est décrit dans la dernière partie du même chapitre. Tous les saints endormis ou encore vivants me semblent mentionnés ici. L’expression « morts en Christ », que nous trouvons en 1 Thess. 4:16, ne peut non plus être limitée à ceux qui font partie du corps de Christ ; ces mots s’appliquent à tous ceux qui se trouvent placés dans cette relation désignée par « en Christ », par opposition à celle-ci : « en Adam ». Ils ne sont pas morts dans la chair, mais en Christ. Il ne s’agit pas du premier Adam, mais du second, et comme le premier embrasse toute la famille d’Adam, l’expression « en Christ » doit avoir une signification tout aussi large.

Nous devons donc voir, dans les vingt-quatre anciens, les saints glorifiés de l’Ancien Testament tout comme ceux du Nouveau. Cela ne porte atteinte en aucune manière au caractère spécial de l’Église, qui, comme nous le verrons, est soigneusement sauvegardé et manifesté dans une autre partie des visions. Pour le présent, je me borne à établir brièvement ce que je crois être ici la force du symbole.

Les vingt-quatre anciens sont vêtus de vêtements blancs ; sur leurs têtes sont des couronnes d’or, et ils sont assis sur des trônes. Ces caractères ne sauraient s’appliquer à des êtres angéliques. Nulle part l’Écriture ne nous montre les anges couronnés, ni assis sur des trônes ; jamais nous ne voyons un ange appelé à une telle dignité ; Sans doute ils exercent la puissance, mais ils ne règnent jamais ; ils sont les exécuteurs de la volonté de Dieu dans les choses extérieures, mais jamais ils ne l’administrent comme rois. C’est ce qui est destiné aux saints glorifiés, — aux rachetés, et non aux anges, — parce que Christ leur en a donné le droit par grâce, par son sang. Ainsi qu’il est dit dans le premier chapitre : « Il nous a fait un royaume, des sacrificateurs pour son Dieu et Père ». Au chapitre 4, où les anciens sont couronnés et assis sur des trônes, les symboles correspondent au caractère royal ; au chapitre 5, les mêmes personnes apparaissent accomplissant les fonctions sacerdotales : elles ont des coupes d’or pleines de parfums qui sont les prières des saints. Cela non plus n’est jamais appliqué aux anges, comme tels. Le seul cas où nous voyons un ange dans une action sacerdotale, est celui où le Seigneur Jésus prend lui-même le caractère d’ange sacrificateur (chap. 8) ; non qu’il devienne un ange au sens littéral du mot, mais il plaisait à Dieu de le représenter ainsi à l’autel, au moment où les sept anges allaient sonner des trompettes.

Notre attention est ensuite dirigée sur ce qui caractérise le trône judiciairement : les éclairs, les voix et les tonnerres ; puis sur le Saint Esprit représenté symboliquement, comme il convient à la scène. « Et il y a sept lampes de feu, brûlant devant le trône, qui sont les sept esprits de Dieu ». Ainsi ce n’est pas le Saint Esprit dans cette puissance de grâce qui caractérise sa relation avec l’Église ; mais dans la puissance de jugement selon le gouvernement de Dieu, parce qu’il s’agit d’un monde pécheur et coupable, — de la créature, et non de la nouvelle création.

« Et devant le trône, comme une mer de verre, semblable à du cristal ». Au lieu de la cuve remplie d’eau qui servait à laver les souillures des sacrificateurs, nous avons ici une mer, non liquide, mais de verre, symbole d’une pureté devenue immuable. En traversant un monde mauvais, on est exposé à contracter ce dont il faut être purifié. Il n’est pas question de cela ici. Ceux qui sont en relation avec la mer de verre, en ont fini avec les manquements et les besoins : ils sont dans le ciel et déjà glorifiés.

Ici je répéterai ce qui a déjà été dit souvent, c’est que les Écritures parlent bien de corps glorifiés, mais jamais d’esprits glorifiés. Les vingt-quatre anciens ne représentent donc pas ceux qui, membres de Christ, sont allés par la mort en sa présence. Le symbole numérique même est en contradiction avec cette idée. En effet, de quelque manière que l’on interprète ce que signifient les vingt-quatre anciens, ils forment un corps complet. Or les saints ne peuvent être envisagés ainsi, en aucun sens, jusqu’à ce que Christ soit venu pour transporter au ciel tous les chrétiens, vivants alors sur la terre avec tous les saints qui auparavant s’étaient confiés en Lui, afin de les glorifier tous ensemble avec lui.

À quelque moment que l’on considère les esprits comme encore séparés du corps, il en reste sur la terre qui doivent leur être ajoutés pour que le nombre soit complet ; bien loin d’ailleurs que l’Écriture représente jamais la condition de l’âme séparée du corps comme étant un état parfait, elle témoigne clairement du contraire. Dans un certain sens, l’Église est considérée comme complète à un moment quelconque sur la terre ; non que ceux qui sont sur la terre aient une plus grande importance que ceux qui sont dans le ciel, mais parce que le Saint Esprit a été envoyé du ciel, et qu’il est sur la terre. Comme il est le seul lien qui forme l’Église en un, là où il est, là doit être l’Église. En conséquence, jusqu’à ce que Jésus vienne, il ne peut jamais y avoir un état complet de l’Église dans le ciel ; c’est plutôt sur la terre qu’il existe. Mais du moment que l’on parle d’un état complet absolu, il est clair que cela ne peut avoir lieu avant que le Seigneur soit venu, et ait pris hors du monde tous les saints célestes pour les placer en haut, en sa présence. Alors il y a un état parfaitement complet ; c’est celui qui est représenté par les vingt-quatre anciens. Nous avons donc ici la confirmation d’un fait sur lequel nous avons déjà insisté, c’est que tout suppose que l’on en a fini avec la condition d’église, et qu’un nouvel état de choses a commencé.

Telle est la signification naturelle de la vision de la gloire et du bonheur de ceux qui ont été sur la terre, mais que nous voyons maintenant glorifiés dans le ciel. Ils sont les chefs de la sacrificature céleste et forment un corps complet dans le sens le plus étendu du mot. Ils se trouvent donc en dehors de cette condition où l’on a besoin du lavage d’eau par la Parole ; aussi voyons-nous devant eux une mer, non remplie d’eau, mais une mer de verre, semblable à du cristal, et c’est ce qui caractérise leur état de la manière la plus évidente.

Maintenant vient le symbole des quatre animaux, analogues aux chérubins. « Et au milieu du trône et à l’entour du trône, quatre animaux pleins d’yeux devant et derrière ». Un discernement parfait leur est donné de Dieu ; c’est ce que désignent les yeux. Quant aux animaux, je pense qu’ils représentent symboliquement les agents — quels qu’ils puissent être — que Dieu emploie pour l’exécution des actes de son pouvoir judiciaire. En conséquence, leurs attributs sont précisément ceux qui conviennent et qui sont nécessaires à l’exercice de ce pouvoir.

« Et le premier animal est semblable à un lion ; et le second animal, semblable à un veau ; et le troisième animal a la face comme d’un homme ; et le quatrième animal est semblable à un aigle volant ». Ainsi nous voyons en eux la force et la majesté, la patience qui endure et supporte, l’intelligence, et enfin la rapidité ; qualités qui, toutes, sont mises en action dans les actes judiciaires qui vont suivre.

Ici s’élève une question intéressante : Qui sont ces animaux ? Nous avons vu en eux les qualités nécessaires à leur action, mais qui sont ces agents ? Quelque délicate que soit l’étude de ce point, je crois que l’Écriture donne toujours, à ceux qui s’attendent à Dieu, une lumière complète sur tout ce qu’il nous importe de connaître.

Un fait important à remarquer dans le chapitre 4, c’est qu’il n’y est point fait mention d’anges. Les animaux célèbrent Dieu, non, pas cependant comme le « Très-Haut », mais « ils ne cessent de dire jour et nuit : Saint, saint, saint, Seigneur, Dieu, Tout-puissant, celui qui était, et qui est, et qui vient. Et quand les animaux rendront gloire et honneur et actions de grâces à celui qui est assis sur le trône, à celui qui vit aux siècles des siècles, les vingt-quatre anciens tomberont sur leurs faces devant celui qui est assis sur le trône, et se prosterneront devant celui qui vit aux siècles des siècles ; et ils jetteront leurs couronnes devant le trône, disant : Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, et l’honneur, et la puissance ; car c’est toi qui as créé toutes choses : et c’est à cause de ta volonté qu’elles étaient, et qu’elles furent créées ». Un trait particulièrement frappant chez les anciens, c’est qu’ils ont toujours l’intelligence des choses qu’ils voient ou au milieu desquelles ils se trouvent. Ce sera vrai en quelque mesure même du résidu juif qui paraîtra après l’enlèvement des saints, et qui renferme ceux que Daniel et d’autres nomment « les sages » qui « comprendront ». Mais les anciens ont un caractère plus élevé encore en ce qu’ils saisissent toujours la raison des choses : trait d’une exquise beauté, auquel se lie, je le suppose, leur titre d’anciens qui marque la sagesse. Ils sont ceux qui ont la pensée de Christ, et qui comprennent les conseils et les voies de Dieu.

Cela posé, au chapitre 4, nous voyons les quatre animaux et les anciens dans une étroite relation, sans doute, mais pas davantage ; tandis qu’au chapitre 5, non seulement ils sont dans cette relation, mais nous les trouvons positivement associés ensemble. C’est ce qui ressort du fait que, lorsque l’Agneau prend le livre, « les quatre animaux et les vingt-quatre anciens tombent sur leurs faces devant l’Agneau, ayant chacun une harpe et des coupes d’or pleines de parfums, qui sont les prières des saints. Et ils chantent un cantique nouveau ». Et voici le fait important qu’il faut remarquer ici, c’est que, dans le chapitre 5, l’Agneau est pour la première fois introduit sur la scène de manière distincte et définie. Il n’en est pas ainsi au chapitre 4, où nous avons vu se dérouler la gloire judiciaire de Dieu dans ses divers caractères, en relation avec la terre et les différentes dispensations, sauf le caractère millénial et sa révélation comme Père qui nous est spéciale actuellement. Or nous savons qu’en soi l’Éternel Dieu comprend également le Père, le Fils et le Saint Esprit. Mais, bien qu’ici le Saint Esprit soit vu d’une manière distincte, quoique symbolique, sous la figure des sept esprits de Dieu, il n’en est pas de même du Seigneur Jésus : il n’est pas présenté comme personne distincte. Sans doute la vision glorieuse de celui qui est assis sur le trône peut renfermer le Père et le Fils ; cependant elle nous montre Dieu comme tel, plutôt qu’elle n’est la révélation des personnes ; c’est l’idée générale ou générique, et non la distinction formelle des personnes.

Mais, au chapitre 5, nous trouvons autre chose. Il y a d’abord comme un défi, jeté à tout ce qui existe, d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ; et le résultat est de manifester l’Agneau, et de faire ressortir la dignité et la victoire du Saint qui a souffert et qui a été rejeté sur la terre ; de Celui dont le sang a acheté pour Dieu ceux qui gisaient dans la ruine et la misère du péché. Alors aussi doit venir, de la part de Dieu, la pleine bénédiction de l’homme et de la créature. Non seulement l’homme est délivré, mais, même avant que la délivrance soit manifestée, il est conduit dans l’intelligence de la pensée et de la volonté de Dieu, car Christ est aussi nécessairement la sagesse de Dieu que la puissance de Dieu. Sans lui, aucune créature ne peut concevoir ni aucun pécheur ne peut connaître le salut. Pour toutes choses nous avons besoin de Christ. Quelle bénédiction pour nous de le posséder ! Ainsi, quelque glorieuse que soit la scène déployée devant le prophète au chapitre 4, celle qui suit nous montre la personne merveilleuse et le moyen par lesquels l’homme est amené à avoir conscience de la bénédiction, et à apprécier les voies et la gloire de Dieu.

2.2 - Chapitre 5

« Et je vis dans la droite de celui qui était assis sur le trône, un livre, écris au dedans et sur le revers, scellé de sept sceaux ». Un ange puissant proclame à haute voix : « Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ? » Nulle créature, en aucun lieu, ne peut répondre. Mais à la fin, après un espace de temps suffisant pour montrer l’impuissance de tout autre, le Seigneur Jésus s’avance et relève le défi. La consolation donnée à Jean par un des anciens se trouve ainsi justifiée, car les anciens ont toujours l’intelligence des choses. Et Jean voit le lion de la tribu de Juda, qui n’est autre que l’Agneau, méprisé sur la terre, exalté dans le ciel ; il le voit s’avancer et prendre le livre. À ce moment tous, les animaux et les anciens ensemble, se prosternent devant l’Agneau et font entendre un nouveau cantique.

Il est très frappant de lire après cela : « Et je vis : et j’ouïs une voix de beaucoup d’anges à l’entour du trône et des animaux et des anciens ; et leur nombre était des myriades de myriades et des milliers de milliers, disant à haute voix : Digne est l’Agneau qui a été immolé, de recevoir la puissance ». Pourquoi les anges apparaissent-ils ici et non pas au chapitre 4? Dieu, dans toutes ses voies, que l’Écriture nous fait connaître, agit toujours d’après les raisons les plus sages, et l’Esprit nous encourage à nous en enquérir humblement, mais avec confiance. Voici donc ce qui me paraît motiver cette différence : le fait que l’Agneau prend le livre et se prépare à en ouvrir les sceaux, marque un changement d’administration. Jusqu’alors, les anges avaient été les ministres de la puissance de Dieu. Quand il était question de jugement à exécuter, ou de quelque autre intervention extraordinaire de sa part, Dieu se servait d’eux comme d’instruments ; mais il me semble que l’Esprit de Dieu montre, qu’à partir de ce moment, s’effectue un changement immense. Les anges pourront bien être encore employés pendant l’intervalle marqué par la dernière des soixante-dix semaines de Daniel, parce que c’est encore le temps de la providence, et non de la gloire manifestée ; mais le titre des saints glorifiés est affirmé ici.

Le chapitre second de l’épître aux Hébreux nous enseigne positivement que le monde à venir n’est pas assujetti aux anges mais aux rachetés ; et ici le voyant est admis à jeter un regard prophétique sur une scène qui s’accorde avec la doctrine de Paul. En d’autres termes, quand l’Agneau est introduit sur la scène, alors, et non point avant, les anciens, c’est-à-dire les saints glorifiés, et les animaux, qui symbolisent les attributs nécessaires à l’exécution du pouvoir judiciaire, s’unissent comme ne formant qu’un tout pour célébrer, dans un cantique nouveau, les louanges de l’Agneau qui a été immolé. Ils sont donc associés d’une manière intime et toute nouvelle ; et, en même temps, pour confirmer le changement, les anges apparaissent d’une manière distincte et définie.

Supposons donc qu’auparavant l’administration de jugement fût entre les mains des anges, on comprend aisément que, dans le chapitre 4, ils ne fussent pas distingués des animaux, parce qu’en fait, ceux-ci représentent d’une manière générale les agents qui exécutent les jugements de Dieu. Tandis que si, dans le chapitre 5, il y a un changement dans l’administration, et que les anges, jusqu’alors exécuteurs de ces jugements, ne soient plus reconnus comme tels en vue du royaume, mais que le pouvoir soit confié aux saints glorifiés, il est tout naturel que les anges, étant remplacés et comme éclipsés par les héritiers du royaume, reculent à l’arrière-plan. Si auparavant on pouvait les considérer comme compris sous le symbole des animaux, ils reprennent désormais simplement leur place comme anges. Telle me paraît être la vraie interprétation de ce passage.

D’après cela, ce que représentent les quatre animaux s’applique d’abord aux anges, et ensuite aux saints. Le symbole ne montre pas tant les personnes auxquelles est confiée l’exécution des jugements, que le caractère des agents employés. Mais l’Écriture fournit les éléments nécessaires pour déterminer quels ils sont ; dans le premier cas, c’est par l’absence de toute mention des anges, qui, nous le savons, sont les êtres dont Dieu se servait dans ses voies providentielles envers le monde, aux jours de l’Ancien Testament et même du Nouveau. L’Église est encore en voie de formation ; mais lorsqu’elle sera complète, quand les saints glorifiés seront enlevés de la terre, et que le titre de Premier-né sera reconnu, alors leur titre le sera aussi. Et nous pouvons facilement comprendre que, lorsque le Seigneur vient pour prendre le royaume d’une manière visible, ce changement d’administration doit d’abord être rendu manifeste dans le ciel, avant de se déployer sur la terre. Le fait général est donc dans le chapitre 4, et le changement qui va avoir lieu est montré par anticipation au chapitre 5.

En dernier lieu, nous voyons dans ce chapitre que, lorsqu’une fois le signal de l’adoration due à l’Agneau a été donné, toutes les créatures s’unissent pour célébrer la bénédiction qui résulte de son oeuvre.

2.3 - Chapitre 6

Nous arrivons maintenant à l’ouverture des sceaux. Le chapitre 6 les présente tous, sauf le septième qui est l’introduction aux trompettes, et se trouve au commencement du chapitre 8.

Les mots « et vois » qui, dans les v. 1, 3, 5, 7, se trouvent après le mot « viens », n’existent pas dans les meilleurs manuscrits. La différence, qui n’est pas sans importance pour le sens, consiste en ce que l’expression « viens et vois », s’adresserait à Jean, tandis que le mot « viens » est l’appel adressé par les animaux aux cavaliers. Cherchons quelle est maintenant la signification des diverses visions introduites par l’ouverture de chacun des sceaux.

« Et je vis : et voici un cheval blanc, et celui qui était assis dessus ayant un arc ; et une couronne lui fut donnée, et il sortit en vainqueur et pour vaincre ».

Telle est la réponse à l’appel. Le premier cavalier s’avance avec tous les traits qui indiquent la prospérité, la victoire, et les conquêtes lointaines. Voilà ce que l’Esprit de Dieu mentionne comme survenant d’abord dans le monde, après l’immense changement que nous avons vu avoir lieu dans le ciel. Un puissant conquérant apparaît ici-bas. On a cherché à appliquer cette vision à un grand nombre de personnes et de choses ; on y a vu le triomphe de l’Evangile, le retour de Christ et, tout aussi souvent, les succès passagers de l’Antichrist. Mais ce que nous pouvons recueillir avec certitude de ce qui est dit ici, c’est que Dieu se sert, comme instrument, d’un conquérant qui balaiera tout devant lui.

Ce n’est pas nécessairement en versant beaucoup de sang. Bien que le cheval indique toujours un pouvoir impérial qui subjugue, et que le cheval blanc en particulier soit le symbole de la victoire, il semble que, dans ce cas, ce soit sans grande effusion de sang. Les mesures sont si bien prises et ont un tel succès, le nom lui-même du vainqueur a un tel poids que sa carrière n’est de fait qu’une succession de conquêtes, sans impliquer nécessairement le carnage des combats.

Il n’en est pas de même du cavalier qu’amène l’ouverture du second sceau. Celui-là est monté sur un cheval roux, couleur qui indique le carnage, le sang répandu dans les guerres. Le cavalier lui-même reçoit pour mission d’ôter la paix de la terre, une grande épée lui est donnée, et le grand fait qui apparaît c’est que les hommes s’entr’égorgent, ce qui semblerait indiquer même des guerres civiles.

À l’ouverture du troisième sceau, apparaît un cheval noir, la couleur du deuil. Alors se fait entendre une voix disant : « Une mesure de froment pour un denier, et trois mesures d’orge pour un denier ». Quoiqu’il soit difficile de déterminer quelle était la valeur des subsistances à l’époque où Jean vivait, et que les opinions les plus diverses aient été émises à ce sujet, il me paraît évident que le prix indiqué marque la disette. Ce qui tranche d’ailleurs pleinement la question, c’est la couleur du cheval. Le deuil conviendrait étrangement à une époque d’abondance ou simplement ordinaire ; combien au contraire n’est-il pas à propos quand les choses les plus indispensables à la vie viennent à manquer ? (*) C’est là ce que la parole de Dieu montre clairement à tout esprit simple et soumis. Les plus illettrés, qui n’ont pas la moindre idée de ce que pouvait être le prix des denrées au temps de Jean, voient tout de suite ce qu’a de significatif la couleur noire du troisième cheval, en contraste avec les couleurs des deux premiers, et par conséquent lient l’idée qu’elle exprime avec tout ce qui est dit relativement à celui qui monte le cheval.

(*) D’autres détails pourront être bons à relever dans la vision. Le mot traduit par mesure (choinix) indiquait la ration d’un homme. Le denier était le salaire d’une journée. Il fallait donc pour la nourriture seule d’un homme tout le salaire d’un jour de travail. De plus la balance, dans ce cas, est aussi un symbole de disette (voyez Lévitique 26:26; Ézéchiel 4:16) ; et enfin le fait qu’il est dit : « Ne nuis pas à l’huile, ni au vin », montrant que les autres produits de la terre avaient été frappés.

Quand le quatrième sceau est ouvert, Jean voit s’avancer un cheval livide ; c’est la couleur que la mort imprime sur ceux qu’elle a frappés. Aussi celui qui le monte se nomme-t-il « la mort » ; le hadès suivait avec lui. La signification du symbole est claire ; les paroles qui suivent ne font que la présenter avec plus de force : « Il lui fut donné pouvoir sur le quart de la terre, pour tuer avec l’épée, et par la famine, et par la mort (la mortalité, la peste, peut-être), et par les bêtes sauvages de la terre ». Ce sont les quatre plaies mortelles de l’Éternel (Ézéchiel 14:21).

Le cinquième sceau étant ouvert, nous voyons sous l’autel « les âmes de ceux qui avaient été égorgés pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient rendu ». Elles criaient à haute voix, demandant vengeance au maître souverain. Leur droit, la justice de leur cause, est reconnue devant Dieu, c’est ce qu’indique la robe blanche qui leur est donnée ; mais il faut qu’elles attendent : il en est d’autres, leurs compagnons de service et leurs frères, qui devaient aussi être mis à mort avant que ne vînt le jour de la rétribution.

L’immense convulsion qui ébranle le monde après l’ouverture du sixième sceau, est, à mon avis, une réponse partielle au cri des âmes qui étaient sous l’autel. Plusieurs pensent qu’il s’agit là de chrétiens, mais si nous regardons de plus près ce passage, nous verrons qu’il confirme, au contraire le fait que l’Église a été enlevée au ciel avant ces événements. « Jusques à quand, ô Souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang sur ceux qui habitent sur la terre ? » Voilà le cri de ces âmes. Est-ce la un désir, est-ce là une prière en harmonie avec la grâce qui nous est révélée par l’évangile ? À moins d’être sous l’empire de quelque prévention, aucun de ceux qui ont saisi la portée générale du Nouveau Testament, et compris les prières spéciales qui nous y sont rapportées par le Saint Esprit pour notre instruction, n’aura de peine à répondre. Que l’on se rappelle seulement la prière d’Etienne et celle de notre bien-aimé Seigneur, le modèle de tout ce qui est parfait. Il est vrai que nous trouvons dans d’autres parties des Écritures des prières analogues à celles des âmes sous l’autel, mais c’est dans les Psaumes. Tout devient ainsi parfaitement clair. Le Nouveau Testament nous fait voir que telles étaient précisément les supplications de personnes dont les sentiments, les expériences et les désirs se fondaient sur des espérances israélites.

Cela ne s’accorde-t-il pas exactement avec ce qui a déjà été prouvé, savoir, que les saints célestes (*), ayant été glorifiés, auront passé en dehors de la scène de ce monde ? Alors Dieu agira pour former un nouveau témoignage, qui aura naturellement son caractère particulier ; non en ce qu’il annulera les faits du Nouveau Testament, mais en ce qu’il conduira les âmes des saints plus particulièrement dans ce qui a été révélé autrefois, parce que Dieu sera alors sur le point de l’accomplir. Le grand thème de l’Ancien Testament quant aux temps à venir, c’est la terre bénie sous le gouvernement des cieux, Christ étant le Chef ou la Tête, tant des choses qui sont dans les cieux, que de celles qui sont sur la terre. Le temps approche où Dieu interviendra à cet effet. La terre, et Israël, le peuple terrestre, ainsi que les nations, jouiront alors ici-bas des joies du ciel. Voilà ce qu’attendent ces âmes, et leur prière nous montre à la foi leur condition et leurs espérances. Elles demandent, non la conversion de leurs ennemis, mais que les jugements viennent sur la terre, et que la vengeance tombe sur ceux qui ont versé leur sang. Rien de plus simple et de plus sûr que la conclusion que nous pouvons tirer de ces paroles.

(*) Remarquons que, par cette expression, il ne faut pas entendre ceux qui sont dans le ciel, mais les saints dont l’appel et le but sont célestes, c’est-à-dire les chrétiens en contraste avec les saints juifs.

« Et il leur fut dit qu’ils se reposassent encore un peu de temps, jusqu’à ce que, et leurs compagnons d’esclavage et leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux, fussent au complet ». Nous avons dans ces dernières paroles une indication importante de ce qui aura lieu dans la suite, comme nous le verrons. Ils ne sont pas les seuls fidèles qui souffriront une fin violente ; d’autres les suivront plus tard, lorsque éclatera une persécution encore plus furieuse que celle dans laquelle eux-mêmes ont péri. Jusque-là Dieu n’exécutera pas le jugement que leurs cris appellent. Ils doivent attendre et sont vus sous l’autel comme un sacrifice offert, dans le même sens que Paul parle de lui-même comme servant déjà de libation (2 Timothée 4:6).

Dans cette vision, pleine pour nous d’instructions claires et importantes, nous voyons donc la dernière aussi bien que la première des persécutions de la période apocalyptique. Ceux qui souffriront dans celle-ci, nous sont montrés comme des enfants de Dieu qui ont l’intelligence de ce qui convient à Israël, mais qui ne se trouvent évidemment pas sur le terrain de l’intelligence et de la foi chrétiennes. Ils ont l’esprit de prophétie qui rend témoignage de Jésus. Le jugement qu’ils demandent tarde encore à venir, mais seulement jusqu’à ce que, la dernière manifestation de la rage de l’homme apostat ayant eu lieu, le Seigneur apparaisse et abatte tous ses ennemis.

En même temps, ainsi que nous l’avons dit en passant, ce qui arrive quand le sixième sceau est ouvert, montre que Dieu ne reste pas indifférent. Ce que le prophète voit alors est comme une réponse immédiate au cri des âmes de ceux qui avaient souffert. Une vaste secousse a lieu, un ébranlement complet de tout ce qui est ici-bas et au-dessus ; mais, de même que dans les sceaux précédents, il faut l’entendre symboliquement : « Le soleil devint noir comme un sac de poil, et la lune devint tout entière comme du sang ; et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme un figuier agité par un grand vent jette loin ses figues tardives. Et le ciel se retira comme un livre qui s’enroule, et toute montagne et toute île furent transportées de leur place ». Nous avons là simplement ce qui apparaît devant le voyant dans la vision, mais nous n’avons pas à supposer que, lors de l’accomplissement de la prédiction, le ciel et la terre seront physiquement jetés dans un état de confusion. Ce sont des figures, et nous avons à examiner, par l’usage symbolique qui en est fait ailleurs, ce qu’il faut entendre ici par ces changements qui, dans la vision, ont lieu dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre. Le résultat auquel nous arriverons dépendra de l’application exacte que nous ferons des Écritures, sous l’enseignement du Saint Esprit.

Remarquons d’abord les paroles qui suivent. Il nous y est clairement dit et non en figures que « les rois de la terre, et les grands, et les chiliarques, et les riches, et les forts, et tout esclave, et tout homme libre, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes » ; il est évident que, si littéralement le ciel a disparu et s’est retiré comme un livre qui s’enroule, si toute montagne et toute île ont été transportées de leur place, les diverses classes d’hommes terrifiés ne peuvent pas chercher d’abri dans les cavernes et les rochers, et dire aux montagnes : « Tombez sur nous ». Ainsi, prendre ces termes autrement que symboliquement, ce serait contredire la fin du passage par le commencement. Le prophète, il est vrai, voit les astres obscurcis et ébranlés dans le ciel, il voit, sur la terre, la confusion et le désordre ; mais la signification de ce qu’il voit, doit être cherchée suivant les principes ordinaires de l’interprétation. À mon sens, on a ici la représentation d’un complet bouleversement de toute autorité, supérieure ou subordonnée ; une convulsion sans exemple dans toutes les classes de l’humanité, convulsion dont l’effet est de renverser tous les fondements du pouvoir et de l’autorité dans le monde, et de remplir l’esprit des hommes de la crainte que le jour du jugement ne soit arrivé.

À la vérité, ce n’est pas la première fois que cette crainte aura saisi le monde ; mais, cette fois, elle sera plus forte que jamais. Après la meurtrière persécution exercée contre les saints qui viendront après nous sur la terre, les pouvoirs persécuteurs et ceux qui leur sont soumis, seront visités judiciairement, et il s’ensuivra une rupture complète de l’autorité dans toutes les sphères où elle s’exerce sur la terre. Les gouvernants ayant mal usé de la puissance placée entre leurs mains, on verra éclater une révolution sur une vaste échelle, et les hommes, saisis de terreur en voyant le renversement total de tout ce qui est établi pour maintenir l’ordre ici-bas, penseront que le jour du Seigneur est venu. Ils diront aux montagnes et aux rochers : « Tombez sur nous, et tenez-nous cachés de devant la face de celui qui est assis sur le trône et de devant la colère de l’Agneau ; car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister ? » mais rien ne peut justifier la méprise qui consiste à prendre pour une déclaration de Dieu, ce qui n’est autre chose que l’expression de la frayeur des hommes. Ce sont eux qui s’écrient que le grand jour de sa colère est venu ; c’est l’exclamation que poussent ces multitudes alarmées ; mais le fait est que le grand jour de la colère de Dieu n’arrive que très longtemps après, comme le prouve l’Apocalypse elle-même, lorsqu’elle le décrit dans les chapitres 14, 17, et surtout 19. Alors, au contraire, au lieu d’être remplis d’épouvante, les hommes de ce monde seront si aveuglés et remplis d’un si épouvantable orgueil, qu’ils combattront ouvertement contre l’Agneau ; mais l’Agneau les vaincra. Satan aura réussi à détruire leurs craintes, alors qu’ils auront le plus sujet de redouter le jugement.

2.4 - Chapitre 7

Après cela, le grand jour de la colère est si loin d’être arrivé, que nous trouvons, dans la parenthèse que forme le chapitre 7, Dieu accomplissant les oeuvres magnifiques de sa miséricorde qui sauve. La première est de mettre son sceau sur les 144.000 d’entre les tribus d’Israël, par le moyen d’un ange qui monte de l’orient. Puis il est accordé au prophète de voir une grande foule de gentils, que personne ne pouvait nombrer, « de toute nation et tribus et peuples et langues, se tenant devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de longues robes blanches et ayant des palmes dans leurs mains. Et ils crient à haute voix, disant : Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l’Agneau ».

Ici nous n’avons pas simplement le « salut », mais le salut est « à Dieu » comme étant assis sur le trône, son trône judiciaire ainsi que nous l’avons vu. En d’autres termes, cela n’aurait pu être dit avant le chapitre 4. La teneur de ces paroles suppose qu’un grand changement a eu lieu. Elles ne sont pas l’expression d’un témoignage rendu pendant tous les âges ou à diverses époques ; le prétendre n’est qu’une imagination d’hommes, sans le moindre fondement dans l’Écriture. Bien loin que ce soit un tableau présentant les rachetés de tous les temps, il est expressément dit que c’est une foule innombrable de gentils, en contraste évident avec les scellés d’Israël, et en rapport avec le gouvernement judiciaire de Dieu. Ce n’est donc pas universel. Ce que sont ces gentils, un des anciens l’explique au prophète, qui, sans cela, aurait évidemment été en défaut. Or, si les anciens représentent les saints glorifiés, ces gentils ne le sont pas, et de plus, ils ne peuvent évidemment pas être tous les saints, puisque les 144.000 d’Israël sont expressément distincts d’eux.

Qui sont-ils donc ? Une multitude de gentils qui, par la puissance de la grâce, sont épargnés dans les derniers jours. Il n’est pas dit qu’ils soient glorifiés, et rien ne peut nous faire supposer qu’ils ne soient encore dans leurs corps naturels ce qui n’est en aucune manière incompatible avec leur présence devant le trône. En effet, c’est là que le prophète les voit dans la vision, de même qu’au chapitre 12 il voit un grand signe, une femme dans le ciel ; mais nous ne devons nullement conclure de là qu’ils sont effectivement dans le ciel. C’est une question qui doit être décidée par d’autres considérations. Il faut s’attacher à dépendre de l’enseignement de Dieu seul, et se débarrasser d’idées préconçues : puis peser avec soin les circonstances dans lesquelles se trouvent ceux dont il est parlé. C’est ainsi que l’on évitera les erreurs sérieuses que l’on a faites en ces matières.

Il me paraît parfaitement clair que ces gentils ne sont pas des saints glorifiés dans le ciel. Premièrement, nous les voyons nettement distingués de ceux d’Israël qui évidemment sont sur la terre. Il y a donc là, sur la terre, deux corps distincts : l’un, composé de Juifs ; l’autre, de gentils. En second lieu, ils sortent de la grande tribulation, ce qui prouve que, loin d’être un ensemble comprenant les sauvés de tous les temps, ils forment un groupe spécial, quoique très nombreux, composé seulement de personnes qui auront été préservées et bénies de Dieu durant l’époque de la grande tribulation.

Dans les temps du millénium beaucoup de gentils seront sauvés ; mais ceux que nous avons ici, ne sont pas des saints de l’époque milléniale. Ce sont des saints qui, d’entre les gentils, auront été amenés à la connaissance de Dieu par la prédication de l’évangile éternel, ou de l’évangile du royaume, dont il est question dans les évangiles et dans l’Apocalypse. Le Seigneur dit à ses disciples : « Cet évangile du royaume sera prêché dans la terre habitée tout entière, en témoignage à toutes les nations ; et alors viendra la fin » (Matt. 24:14). C’est précisément le temps dont il est parlé ici. Ces paroles du Seigneur ne donnent évidemment pas une vue générale de ce qui se fait actuellement, mais elles disent ce qui se fera encore, juste avant la fin, quand la grande tribulation éclatera. Nous voyons, dans cette grande foule des gentils, le fruit de la grâce divine qui s’exercera alors, et tous les détails de la description qui nous les présente, s’accordent avec ce que nous avons déjà fait remarquer, et le confirment.

J’ai déjà attiré l’attention sur le fait, que la grande multitude qui se tient devant le trône est distincte des anciens, de sorte que, si ces derniers représentent l’Église, les premiers doivent en être distingués. Or comme tout le monde admet que les anciens sont les saints glorifiés, la conclusion à tirer me paraît tout à fait claire et certaine. Il est vrai que le même corps peut, à des époques distinctes, être représenté par des symboles différents, mais jamais par deux symboles au même moment. Ainsi, par exemple, les chrétiens sont présentés une fois sous la figure d’un cortège de vierges, et une autre fois, sous l’image d’une fiancée ; mais toute confusion est soigneusement évitée dans la même parabole. Jamais on ne rencontre dans les Écritures ce mélange de choses incompatibles, que ne se permettraient pas des hommes de bon sens.

L’un des anciens s’adresse donc au prophète, et répond lui-même à la question qu’il lui a faite. « Ceux-ci qui sont vêtus de longues robes blanches, qui sont-ils et d’où sont-ils venus ? Et je lui dis : Mon Seigneur, tu le sais. Et il me dit : Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation, et ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau ». D’après cela, il est évident que ce sont des croyants ou des saints. Puis il ajoute : « C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu », ce qui, à mon sens, ne décrit pas le lieu où ils se trouvent effectivement, mais exprime leur caractère : ils sont vus en relation avec le trône. Et c’est cette relation, comme nous l’avons déjà fait remarquer, qui nous montre qu’ils appartiennent à une période particulière, et non à toutes celles qui se sont écoulées et s’écouleront ; le trône, devant lequel ils se trouvent, n’étant ni celui de la grâce, comme actuellement, ni celui du temps millénial qui diffère de tous deux ; mais c’est le trône vu sous l’aspect que nous pouvons nommer apocalyptique, pour le distinguer de ce qui a été auparavant et de ce qui sera après.

Non seulement ils se trouvent dans cette relation spéciale, mais de plus il est dit : « Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux ». C’est l’image de l’abri que le Seigneur, dans sa grâce, étend sur eux, les couvrant de ses soins et de sa bonté. Il est important de noter cela. Actuellement Dieu habite par le Saint Esprit dans l’Église, suivant ce qui est dit : « Vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu par l’Esprit » ; mais il n’en sera pas ainsi quand ces gentils seront appelés à sa connaissance. Il étendra sur eux sa protection, ce qui convient parfaitement au caractère sous lequel ils sont présentés. Autrefois Dieu, dans la colonne de nuée, était la défense et l’abri du camp d’Israël, quoiqu’il eût aussi son habitation au milieu d’eux ; ici, il fait voir, dans sa grâce, que ce ne sont pas seulement ceux qui sont scellés d’entre Israël qui jouissent de ses soins, mais aussi ces pauvres gentils. « Ils n’auront plus faim, est-il ajouté, et ils n’auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur ». Une semblable promesse ne convient-elle pas beaucoup plus exactement à un peuple qui se trouve sur la terre, qu’à des hommes glorifiés dans le ciel ? Que signifierait pour ceux-ci l’assurance de n’avoir plus ni faim ni soif ? Tandis que nous comprenons toute la consolation qu’elle renferme, s’il s’agit de personnes qui sont sur la terre. Les bénédictions découlent pour eux de Celui qui en est la vraie source, et toute trace de souffrance est effacée pour toujours ; « parce que l’Agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux fontaines des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux ».

2.5 - Chapitre 8

C’est seulement maintenant que vient enfin le septième sceau. Il est important de le remarquer, pour ne pas nous laisser entraîner par l’idée que le sixième sceau va jusqu’à la fin, comme l’ont pensé plusieurs parmi les anciens et les modernes. Cela est inexact ; le septième sceau vient nécessairement après le sixième, de même que les autres se suivent l’un l’autre, et l’on voit clairement qu’il introduit les sept trompettes, lesquelles annoncent une nouvelle succession de jugements. Nous en avons la description dans les chapitres 8 et suivants.

« Je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu, et il leur fut donné sept trompettes ». Puis nous est présenté un fait remarquable, auquel j’ai déjà fait allusion ; nous voyons un ange d’un caractère particulièrement auguste, qui se trouve devant l’autel. « Et un autre ange vint et se tint debout devant l’autel, ayant un encensoir d’or ; et beaucoup de parfums lui furent donnés, pour donner efficace aux prières de tous les saints, sur l’autel d’or qui est devant le trône ». Il suit de là que, tandis qu’il y a en haut des saints glorifiés, il s’en trouve aussi sur la terre qui, dans leurs grandes épreuves, sont soutenus par le grand souverain sacrificateur, quelques faibles que soient d’ailleurs leurs lumières. Nous avons donc ici la plus claire évidence qu’il y aura à cette époque des saints glorifiés dans le ciel, et, en même temps, des saints reconnus comme tels dans leurs corps naturels ici-bas.

Un autre trait appelle notre attention. Partout, sous les trompettes, nous voyons les anges ; le Seigneur Jésus lui-même prend ce caractère durant cette période. Il n’y est plus question de lui comme l’Agneau. Comme tel, il avait ouvert les sceaux, mais ici, quand ce sont les anges qui sonnent des trompettes pour annoncer les jugements de Dieu, l’Ange de l’alliance (qui est la seconde personne de la Trinité, ainsi qu’on la désigne ordinairement), paraît de nouveau sous cette forme si familière à l’Ancien Testament. Ce n’est pas qu’il se dépouille de son humanité ; cela ne peut être et ce serait contraire à toute vérité que de l’imaginer. Le Fils de Dieu, depuis son incarnation, reste toujours l’homme Christ Jésus ; mais il ne se séparera de cette humanité à laquelle il a uni sa personne glorieuse. Mais cela ne l’empêche évidemment point de prendre telle apparence, que, dans la prophétie, il juge convenir aux circonstances données. C’est précisément ce que nous trouvons dans les trompettes. Il est aisé de remarquer combien le langage employé est de plus en plus figuratif. Tous les objets, dans cette série de visions, sont vus dans un plus grand éloignement, et Christ lui-même apparaît plus vaguement, c’est-à-dire non pas distinctement dans son humanité réelle, mais sous l’apparence d’un ange.

Nous lisons ensuite que « l’ange prit l’encensoir et le remplit du feu de l’autel ; et il jeta le feu sur la terre ; et il y eut des voix et des tonnerres et des éclairs et un tremblement de terre ». Ainsi, dans ce nouveau septénaire, il faut nous attendre à voir des jugements de Dieu plus frappants que les précédents ; en effet, si, dans le chapitre 4, il y avait, sortant du trône, des éclairs, des voix et des tonnerres, nous trouvons ici, de plus, un tremblement de terre. L’effet produit parmi les hommes devient donc plus intense.

« Et le premier sonna de la trompette : et il y eut de la grêle et du feu, mêlé de sang, et ils furent jetés sur la terre ; et le tiers de la terre fut brûlé ; et le tiers des arbres fut brûlé, et toute herbe verte fut brûlée ». La première partie de ce verset me semble être la manifestation violente du déplaisir de Dieu ; c’est ce qu’implique la grêle. Le feu, comme nous le savons, est le symbole qui désigne constamment le jugement consumant de Dieu. Le feu est mêlé de sang, soit pour marquer la destruction de la vie au point de vue physique, soit pour indiquer la dissolution sous quelque rapport spécial.

Remarquons aussi, dans la plupart de ces visitations divines annoncées par les trompettes, l’expression « le tiers ». Quelle en est la signification dans la prophétie ? Elle semble correspondre à ce qui est indiqué au chapitre 12, c’est-à-dire à l’empire romain d’occident. Je me contente d’énoncer cette pensée, sans développer ici les raisons sur lesquelles elle est fondée. Si elle est juste, nous avons, sous les premières trompettes au moins, des jugements qui tombent spécialement sur la puissance romaine dans l’occident.

« Et le tiers des arbres fut brûlé, et toute herbe verte fut brûlée ». Il y a dans ces paroles un contraste. D’un côté, ceux qui, dans la sphère de l’empire occidental, occupent une position éminente, sont sous le jugement ; et d’un autre, la prospérité universelle des hommes ici-bas se trouve atteinte.

« Et le second ange sonna de la trompette : et comme une grande montagne tout en feu fut jetée dans la mer ; et le tiers de la mer devint du sang, et le tiers des créatures qui étaient dans la mer et qui avaient vie mourut, et le tiers des navires fut détruit ». Ici le symbole représente un grand pouvoir terrestre, qui, comme un jugement divin, tombe au milieu des masses populaires dans un état de révolution, et agit pour leur destruction. Ce que nous voyons ici, n’est donc pas, comme dans le cas précédent, une partie du monde sous un gouvernement stable, mais dans le désordre et l’agitation. Un coup mortel semble, par la même cause, être porté au trafic et au commerce.

« Et le troisième ange sonna de la trompette : et il tomba du ciel une grande étoile, brûlant comme un flambeau ; et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les fontaines des eaux ». La grande étoile qui tombe du ciel, désigne quelqu’un qui occupe une haute position d’autorité, un grand dignitaire, dont la chute, sous l’effet du jugement, exerce son action pernicieuse et empoisonnée sur les sources d’où procèdent toutes les influences qui agissent sur les hommes, aussi bien que sur les canaux ou moyens par lesquels ces influences se répandent et se communiquent.

Au son de la trompette du quatrième ange, le tiers du soleil, de la lune et des étoiles fut frappé : c’est-à-dire que les puissances qui gouvernent, l’autorité suprême, celles qui en dérivent et celles qui sont subordonnées, toutes viennent sous le jugement de Dieu, dans les limites de l’empire occidental.

« Et je vis : et j’entendis un aigle qui volait par le milieu du ciel, disant à haute voix : Malheur, malheur, malheur, à ceux qui habitent sur la terre, à cause des autres voix de la trompette des trois anges qui vont sonner de la trompette ! » Quelle image frappante de la rapidité avec laquelle vont frapper les jugements qui suivent ! C’est ce qu’exprime le mot « aigle », que portent les meilleurs textes, et auquel les copistes qui ne comprenaient pas le style symbolique, ont substitué le mot « ange ».

2.6 - Chapitre 9

Le chapitre 9 décrit avec les plus grands détails ce qu’amène le son des cinquième et sixième trompettes, les deux premiers malheurs, comme s’exprime notre livre. Il restera le troisième malheur, qu’annonce la dernière des sept trompettes : nous le trouverons à la fin du chapitre 11.

La première des trompettes qui annoncent des malheurs, amène sur la scène des sauterelles symboliques. Que l’on ne doive pas les prendre au sens littéral, ressort clairement de ce seul fait — si même il n’y avait pas d’autre raison — qu’il est dit expressément qu’elles ne se nourrissent point de ce qui est l’aliment naturel des sauterelles. Ces animaux sont donc ici simplement une figure employée pour décrire des hordes innombrables de maraudeurs et de pillards.

Remarquons ensuite que le premier malheur correspond, mais par voie de contraste, au cent quarante-quatre mille qui furent scellés d’entre Israël, de même que le second, c’est-à-dire celui des cavaliers de l’Euphrate (v. 14-16), est, de la même manière, en rapport avec la multitude innombrable des gentils du chapitre 7. Comme l’on pourrait supposer que ce contraste n’existe que d’une manière vague et peu définie, j’essaierai d’expliquer plus clairement ma pensée. Il est dit, d’une manière formelle, que les sauterelles ne devaient nuire qu’à ceux qui n’avaient pas le sceau de Dieu sur leur front. N’est-ce pas une claire allusion à ceux d’entre Israël que Dieu avait mis à part ? (Chap. 7).

D’un autre côté, si les cavaliers de l’Euphrate sont les instruments d’un tourment infligé aux hommes, ils donnent beaucoup plus encore l’idée d’un pouvoir agressif. Le tourment caractérise surtout le malheur symbolisé par les sauterelles ; les cavaliers représentent plus distinctement la ruine amenée par la marche rapide d’un pouvoir impérial, et décrite sous les traits les plus énergiques. Ils tombent sur les hommes et les détruisent. Mais ici reparaît « le tiers » (v. 15). Suivant l’explication donnée précédemment, cela impliquerait que ce malheur doit fondre en effet sur les gentils, et, plus particulièrement, sur l’empire romain d’occident.

Il semble clair aussi que ces deux malheurs présentent ce qui aura lieu lors des premiers actes de l’Antichrist en Judée. Le premier malheur, celui des sauterelles, consiste en un tourment infligé aux hommes. En conséquence, à leur tête, nous voyons apparaître Abaddon, le destructeur, caractérisé d’une manière très particulière comme étant l’ange de l’abîme. Ce n’est pas encore la bête complètement formée (voir chap. 11:7; 13:1; 17:8), mais il est facile de comprendre qu’il y aura une première manifestation du mal ; précisément de même que la grâce effectuera dans le résidu le commencement de ce qui est bon.

Nous avons donc ici ces deux malheurs qui sont comme le prélude de ce qui suivra. D’abord, un tourment cruel qui tombe sur le pays d’Israël (voir Joël 2), mais qui n’atteint point ceux qui sont scellés d’entre les douze tribus ; puis, les cavaliers de l’Euphrate, lâchés sur l’empire romain, accablant les gentils, et en particulier cet empire, l’objet du jugement de Dieu.

Tel est le plan général du chapitre 9. Entrer dans les détails, serait sortir des bornes de cette étude ; d’ailleurs les occasions ne manquent pas d’apprendre à les connaître, ainsi que leur application.

2.7 - Chapitre 10

Le chapitre 10, dans la suite des trompettes, correspond au chapitre 7 dans la série des sceaux. Il forme une parenthèse importante entre la sixième et la septième trompette, précisément comme le chapitre 7 entre les deux derniers sceaux. Tel est l’ordre parfait qui règne dans ce livre de l’Apocalypse. C’est pour cette raison que nous retrouvons encore ici le Seigneur, comme il me le semble, sous l’apparence d’un ange. De même que nous l’avons vu précédemment (chap. 8) accomplissant les fonctions de souverain sacrificateur, il est ici l’ange qui revendique pour lui-même les droits royaux. Un ange puissant descend du ciel, revêtu d’une nuée, signe spécial de la majesté de Jéhovah ; nul autre que lui n’a de titre pour se montrer ainsi. De plus, l’arc-en-ciel est sur sa tête, non plus autour du trône, car ici nous avons fait un pas en avant. Il approche de la terre ; il va réclamer, sous très peu de temps, ce à quoi il a droit. « L’arc-en-ciel est sur sa tête, et son visage comme le soleil » ; c’est l’autorité suprême ; « et ses pieds comme des colonnes de feu », la fermeté du jugement divin.

« Et il avait dans sa main un petit livre ouvert. Et il mit son pied droit sur la mer et le gauche sur la terre ; et il cria à haute voix, comme un lion rugit ». Jean allait écrire ce qu’il avait entendu, mais cela lui est défendu. Les révélations devaient être scellées pour le présent.

« Et l’ange que j’avais vu se tenir sur la mer et sur la terre, leva sa main droite vers le ciel, et jura par celui qui vit aux siècles des siècles, lequel a créé le ciel et les choses qui y sont, et la terre et les choses qui y sont, et la mer et les choses qui y sont, qu’il n’y aurait plus de délai ». Dieu était sur le point de mettre une fin au mystère de l’inaction dans laquelle il semble rester actuellement quant au gouvernement du monde. Il lui permet maintenant de suivre ses propres voies, tout en y mettant un certain frein. Les hommes peuvent pécher, et, au moins en tant qu’il s’agit d’une intervention directe, Dieu n’apparaît pas, sauf en quelques occasions exceptionnelles. Mais le temps vient, et il se hâte, où Dieu assurément visitera le péché ; alors il ne tolérera plus un seul moment rien de ce qui est contraire à sa nature. C’est le siècle béni vers lequel tous les prophètes tournent leurs regards ; et l’ange, ici, jure que ce temps approche, et « qu’il n’y aurait plus de délai, mais qu’aux jours de la voix du septième ange, quand il sera sur le point de sonner de la trompette, le mystère de Dieu sera aussi terminé ». Le mystère ici n’est pas Christ et l’Église, mais, comme nous l’avons dit, le fait que Dieu permet au mal de poursuivre son cours avec une apparence d’impunité.

À la fin du chapitre, il est dit à Jean : « Il faut que tu prophétises de nouveau sur des peuples et des nations et des langues et beaucoup de rois ». La signification de ces paroles apparaît bientôt plus clairement. Il y a, à la prophétie, une sorte d’appendice, dans lequel, pour des raisons spéciales, elle recommence son cours.

Avant de poursuivre, je voudrais appeler l’attention sur le contraste qui existe entre le petit livre ouvert que le prophète prend et mange, et le grand livre scellé de sept sceaux. C’est un petit livre, parce qu’il traite d’objets renfermés dans une sphère relativement resserrée ; il est ouvert, parce que les choses ne doivent plus être désormais décrites d’une manière mystérieuse, comme c’était le cas sous les sceaux et encore plus sous les trompettes. Tout va être rendu parfaitement clair dans ce qui y est exposé et c’est, par conséquent, le cas dans le chapitre 11.

2.8 - Chapitre 11

Il fut dit à Jean : « Lève-toi, et mesure le temple de Dieu, et l’autel, et ceux qui y adorent ; et le parvis, qui est en dehors du temple, rejette-le et ne le mesure point, car il a été donné aux nations ». Jérusalem apparaît sur le premier plan ; elle est maintenant le centre, quoique la bête puisse y exercer ses ravages. « Et je donnerai puissance à mes deux témoins, et ils prophétiseront mille deux cent soixante jours, vêtus de sacs ». Leur tâche s’accomplit dans une période relativement courte, leur témoignage n’est rendu que durant trois ans et demi. « Ceux-ci sont les deux oliviers et les deux lampes qui se tiennent devant le Seigneur de la terre ». Les témoins sont au nombre de deux, non qu’en réalité on doive les limiter historiquement à n’être que deux individus, mais pour indiquer le plus petit témoignage qui fût suffisant selon la loi. En faire littéralement deux personnes me semble une manière erronée d’interpréter la prophétie ; l’Apocalypse, en particulier, étant éminemment symbolique, de même que Daniel l’est aussi en quelque mesure. Oublier cela, c’est s’embarrasser dans une foule d’erreurs et d’inconséquences.

Quelquefois, par exemple, on cherche à éclaircir l’Apocalypse par des passages tirés d’Ésaïe, de Jérémie ou d’autres ; mais il faut bien se rappeler que ces prophéties ne sont pas symboliques dans leur structure, de sorte que le raisonnement, basé sur les livres et le style d’Ésaïe et de Jérémie, ne décide rien pour Daniel et l’Apocalypse. Quant à Ézéchiel, il est en partie symbolique, et en partie figuré.

Nous avons donc ici des symboles qui ont leur signification propre ; et c’est ainsi que le nombre « deux », pris symboliquement, désigne habituellement un témoignage complet et suffisant. L’apôtre dit : « Par la bouche de deux ou de trois témoins, toute affaire sera établie », et, selon la loi juive, on ne pouvait rien décider sur l’autorité d’un seul témoin ; il en fallait au moins deux, pour que la preuve et le jugement fussent valides.

Le Seigneur nous montre qu’en ces jours, il suscitera un témoignage complet. De combien de personnes se composera-t-il, c’est une autre question, sur laquelle on ne peut guère plus raisonner que sur le nombre représenté par les vingt-quatre anciens glorifiés. Qui voudrait conclure de ce dernier nombre qu’il soit littéralement celui des saints glorifiés ? De même, pourquoi penser qu’il n’y aura que deux témoins ? Quoiqu’il en soit, ceux qui sont suscités pour ce témoignage, ne doivent prophétiser que durant un temps limité.

« Et si quelqu’un veut leur nuire, le feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis ; et si quelqu’un veut leur nuire, il faut qu’il soit ainsi mis à mort ». Est-ce là, je le demande, le témoignage de l’évangile ? Est-ce ainsi que le Seigneur protège ceux qui annoncent l’évangile de sa grâce ? Le feu sort-il de la bouche des évangélistes ? Celui qui enseigne a-t-il jamais dévoré ses ennemis ? Est-ce sur ce principe qu’Ananias et Sapphira tombèrent morts ? Sont-ce là les voies de l’évangile ? Non ; il est donc évident que nous nous trouvons ici dans une tout autre atmosphère ; que devant nous est un état de choses complètement différent de celui qui régnait pendant que l’Église était encore sur la terre, quoique, même alors, il pût y avoir tel péché qui allait à la mort. Je n’insiste pas davantage ; la preuve me paraît suffisante.

« Ceux-ci ont le pouvoir de fermer le ciel, afin qu’il ne tombe point de pluie durant les jours de leur prophétie » ; ils ont en cela quelque analogie avec Elie ; « et ils ont pouvoir sur les eaux pour les changer en sang » ; sous ce rapport, ils ressemblent aussi à Moïse. Cela ne veut pas dire qu’ils soient Moïse et Elie en personne, mais que le caractère de leur témoignage est semblable à celui de ces deux hommes de Dieu, et que Dieu le sanctionne de la même manière qu’il le fit aux jours de ces grands serviteurs d’autrefois.

« Et quand ils auront achevé leur témoignage, la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre, et les vaincra, et les mettra à mort ». Ils sont gardés, en dépit de la bête, jusqu’à ce que leur oeuvre soit accomplie ; mais, aussitôt que leur témoignage a pris fin, il est permis à la bête de les vaincre. Il en est d’eux exactement comme du Seigneur. Pendant son service ici-bas, il rencontra la plus extrême opposition. De même aussi, contre ces témoins, longtemps avant leur fin, existait toute la volonté possible de les détruire ; mais, comme le Seigneur le disait de lui-même, leur heure n’était pas encore venue, de sorte que, d’une manière ou d’une autre, personne ne pouvait rien leur faire, le Seigneur les protégeant jusqu’à ce que leur mission fût remplie. Mais il y a, entre le Seigneur et ces témoins, cette différence, que pour lui, c’était dans le caractère de grâce qui le remplissait et qui lui appartient essentiellement, qu’il était gardé contre la rage de ses ennemis jusqu’à ce que son heure fût venue ; eux, au contraire, sont suscités quand s’exerce la rétribution sur la terre, de la même manière que nous le voyons dans l’Ancien Testament. L’Esprit les conduira ainsi, et il ne faut pas s’en étonner, parce qu’en fait Dieu revient ici à ce qu’il avait promis alors, mais qu’il n’avait encore jamais accompli. Il va l’accomplir maintenant. Il ne se propose pas seulement de recueillir un peuple pour la gloire céleste ; il gouvernera sur la terre les Juifs et les gentils dans leurs positions respectives : Israël étant le plus rapproché de lui. Il veut avoir un peuple terrestre, aussi bien qu’une famille en haut. Quand les saints célestes auront été transmués, alors il commencera ce qu’il a en vue relativement aux saints terrestres. Il ne veut pas qu’ils soient jamais mêlés ensemble ; ce ne serait rien autre que la confusion la plus grande.

« Et leur corps mort sera étendu sur la place de la grande ville, qui est appelée spirituellement Sodome et Égypte, où aussi leur Seigneur a été crucifié ». C’est Jérusalem, mais elle est appelée spirituellement Sodome et Égypte, à cause de la méchanceté de son peuple et de son prince. En elle, il n’y a pas moins d’abomination que dans Sodome ; il s’y trouve toutes les ténèbres et l’esclavage moral de l’Égypte ; en réalité, c’est le lieu où le Seigneur a été crucifié, c’est-à-dire Jérusalem. Ainsi tombent les témoins, et les hommes manifestent de diverses manières la satisfaction qu’ils éprouvent d’être débarrassés de leur témoignage importun : « Et ceux des peuples et des tribus et des langues et des nations voient leur corps mort durant trois jours et demi, et ils ne permettent point que leurs corps morts soient mis dans un sépulcre. Et ceux qui habitent sur la terre se réjouissent à leur sujet et font des réjouissances, et ils s’enverront des présents les uns aux autres, parce que ces deux prophètes tourmentaient ceux qui habitent sur la terre ». Mais après les trois jours et demi, la puissance de Dieu les ressuscite ; ils montent au ciel dans la nuée, et leurs ennemis les contemplent. « Et à cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre ; et la dixième partie de la ville tomba, et sept mille noms d’hommes furent tués dans le tremblement de terre ; et les autres furent épouvantés et donnèrent gloire au Dieu du ciel. Le second malheur est passé ; voici, le troisième malheur vient promptement ».

En dernier lieu vient la septième trompette, qui nous conduit d’une manière générale jusqu’à la fin. Il faut y faire attention pour bien comprendre la structure du livre ; car, bien que l’on néglige souvent ce point, il est cependant très clairement montré. « Et le septième ange sonna de la trompette : et il y eut dans le ciel de grandes voix, disant : Le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ est venu » ; ce n’est pas seulement le pouvoir en général conféré dans le ciel, mais « le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ est venu, et il régnera aux siècles des siècles. Et les vingt-quatre anciens qui sont assis devant Dieu sur leurs trônes, tombèrent sur leurs faces et rendirent hommage à Dieu, disant : Nous te rendons grâces, Seigneur, Dieu, Tout-puissant, celui qui est et qui était, de ce que tu as pris ta grande puissance et de ce que tu es entré dans ton règne. Et les nations sont irritées ; et ta colère est venue ». Remarquons qu’ici la fin du siècle est présentée comme étant arrivée. Ce ne sont plus des rois et des peuples qui le disent dans leur épouvante, mais c’est, dans le ciel, la voix de ceux qui ont l’intelligence. De plus, c’est « le temps des morts pour être jugés ». Il n’est pas question de saints enlevés dans le ciel, nous avons ici l’heure qui vient plus tard « pour donner la récompense à tes esclaves les prophètes, et aux saints, et à eux qui craignent ton nom ». Pas un mot n’est dit, nous montrant qu’ils sont enlevés dans le ciel, mais seulement qu’ils sont récompensés ; or il n’y aura de récompense qu’à la manifestation publique du Seigneur Jésus Christ. L’enlèvement, en dehors de la scène de ce monde, des saints qui sont transmués, est une vérité d’un autre ordre. Mais, quant à ceux qui craignent le nom du Seigneur, lors de cette fin du siècle, à aucun d’eux, petits ou grands, ne manquera la récompense ; et il détruira aussi « ceux qui corrompent la terre ».

C’est ce verset qui est la vraie conclusion du chapitre 11. Le v. 19 est, à proprement parler, le commencement d’une nouvelle série de visions. C’est donc ici que nous terminerons la seconde partie de notre étude.

3 - CHAPITRES 11:19 à ch. 16

Avec le v. 19 du chapitre 11, commence ce que l’on peut appeler le second volume de l’Apocalypse. La partie prophétique de ce livre se divise là nettement en deux sections distinctes. C’est un fait qu’il ne faut pas négliger, si l’on veut avoir une juste idée de la structure du livre et de la portée de son contenu. Il est nécessaire de posséder au moins une intelligence exacte de ses principaux traits, et l’on risquerait de tomber dans la confusion, si l’on en mêlait les différentes parties, ou si l’on supposait que tout se suive dans l’ordre chronologique. Pour mieux comprendre ce que je veux dire, il suffit de se rappeler que la septième trompette, dont nous avons parlé en dernier lieu, conduit d’une manière générale jusqu’à la fin.

La prophétie procède constamment de cette manière : elle présente une esquisse générale des faits, pour revenir ensuite sur certains détails. Nous en avons un exemple dans ce qu’annonce le Seigneur au chapitre 24 de Matthieu, en réponse aux questions de ses disciples. Jusqu’au v. 14, il nous donne une large vue d’ensemble ; « l’évangile du royaume » est prêché dans toute la terre habitée pour servir de témoignage à toutes les nations, et alors la fin vient. Après cela, le Seigneur revient en arrière et s’arrête sur ce qui se passe à une époque spéciale et dans une sphère plus restreinte, c’est-à-dire en Judée, depuis le moment où l’abomination de la désolation est établie dans le lieu saint. Or il est évident que cela arrive avant la fin, et que l’objet que le Seigneur a en vue, est de nous donner une idée plus précise de l’effrayant état de choses qui existera à Jérusalem avant que la fin vienne.

Il en est de même dans l’Apocalypse. Les sceaux et les trompettes qui présentent les événements dans leur ordre successif, nous conduisent, à partir du moment où l’Église est vue glorifiée dans le ciel, jusqu’à la terminaison du jugement ; jusqu’au « temps des morts pour être jugés », et au jour de la colère sur la terre, ce qui évidemment est la fin. Mais, dans la section qui s’ouvre au dernier verset du chapitre 11, nous sommes ramenés en arrière et une prophétie spéciale commence. C’est celle, je suppose, dont il était question, lorsqu’il fut dit à Jean qu’il devait prophétiser de nouveau sur des peuples et beaucoup de rois (chap. 10:11), et dont nous allons nous occuper maintenant.

« Le temple de Dieu dans le ciel fut ouvert, et l’arche de son alliance apparut dans son temple ». En premier lieu, une porte avait été ouverte dans le ciel, et le voyant y avait été transporté pour nous donner une vue générale, selon la pensée de Dieu, de ce qui allait se passer sur la terre. Cet aperçu étant terminé, nous sommes introduits dans une sphère de faits plus circonscrite. Dieu reprend ses relations avec son ancien peuple d’Israël, quoique ce ne soit pas encore le jour de la bénédiction pour les Juifs. Le ciel ne s’est pas ouvert, comme cela arrivera bientôt, pour laisser paraître Jésus, suivi des saints ressuscités, et venant exécuter le jugement sur la bête, le faux prophète et leurs adhérents. Nous avons ici un état de choses transitoire. Quand Dieu daigne se souvenir de l’arche de son alliance et qu’il nous donne de la voir, c’est qu’il est sur le point d’affirmer sa fidélité envers son peuple, et d’accomplir tout ce qu’il avait promis et assuré autrefois à leurs pères. L’arche de son alliance est le signe infaillible qu’il exécutera certainement tout ce à quoi il s’est engagé lui-même.

« Et il y eut des éclairs et des voix et des tonnerres », ainsi que nous l’avons vu au chapitre 4, puis non seulement « un tremblement de terre », comme au chapitre 8, mais encore « une grosse grêle », expression plus forte du déplaisir de Dieu, et qui montre clairement que les jugements vont fondre du ciel sur la terre avec une plus grande rigueur.

3.1 - Chapitre 12

« Et un grand signe apparut dans le ciel : une femme revêtue du soleil, et la lune sous ses pieds ». Il ne faut pas s’imaginer que lors de l’accomplissement de la prophétie, on voit cela littéralement. Un tel système d’interprétation est une source féconde en erreurs. La femme est vue dans le ciel, pour montrer que ce n’est pas simplement l’histoire de ce qui va se passer sur la terre qui nous est présentée, mais que tout est contemplé dans la pensée de Dieu ; en haut, par conséquent. La femme représente ce que sera Israël sur la terre ; elle est le symbole du peuple élu, considéré comme corps, dans l’état de choses futur que Dieu a le dessein d’établir ici-bas.

Elle est « revêtue du soleil » : au lieu d’être, comme actuellement, dans un état de désolation, foulé aux pieds par les nations, Israël sera revêtu de l’autorité suprême. « Et la lune sous ses pieds » ; c’est, je le pense, une allusion à l’ancienne condition de ce peuple, lorsqu’il était sous le joug des ordonnances légales, qui ne le régiront plus, mais lui seront assujetties. On voit aisément combien la lune est une image propre à représenter le système mosaïque, qui, consistant en ombres et figures, ne faisait que réfléchir la lumière d’un état de choses bien autrement glorieux. Or, pendant le millénium, ce système ne sera pas entièrement mis de côté, comme il l’est maintenant dans le christianisme ; il réapparaîtra, mais en occupant une place subordonnée, ainsi que le montre la prophétie d’Ézéchiel. « Et sur la tête une couronne de douze étoiles », symbole qui indique avec évidence que l’autorité humaine en matière d’administration lui appartiendra ici-bas. Ainsi nous voyons l’autorité suprême, aussi bien que l’autorité dérivée ou subordonnée, attachées à la femme, c’est-à-dire à Israël selon la pensée de Dieu. Israël est donc clairement l’instrument dont Dieu se servira pour accomplir ses magnifiques desseins à l’égard de la terre. C’est ainsi que Dieu l’envisage et nous le présente ici. Quel complet et merveilleux changement pour ce peuple !

Mais ce n’est pas tout. « Et étant enceinte, elle crie étant en mal d’enfant et en grand tourment pour enfanter ». Le jour de joie et de triomphe où s’accompliront les desseins de Dieu n’est pas encore arrivé ; ce jour où, selon Ésaïe, Sion a enfanté avant qu’elle ait été en travail et « avant que les douleurs lui soient venues, elle a donné le jour a un enfant mâle ». La faiblesse et la souffrance existent encore pour elle, mais la délivrance est assurée, et la fin des tribulations est garantie par la parole de l’Éternel.

« Et il apparut un autre signe dans le ciel : et voici, un grand dragon roux, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes ». C’est Satan, comme nous le voyons plus loin, revêtu des attributs qui caractérisent l’ennemi le plus acharné qu’Israël ait jamais rencontré, et qui a remporté le plus d’avantages sur lui ; car, quelle qu’ait pu être la tyrannie de Nebucadnetsar, il est certain que la puissance romaine a foulé sous ses pieds et écrasé Jérusalem avec une cruauté bien autrement terrible et prolongée. La signification de ce double symbole est ainsi rendue d’autant plus frappante. Israël n’est pas encore délivré, mais le prophète montre ce qu’il est dans la pensée de Dieu, et quelle sera un jour sa position. Puissant encouragement quand l’on considère par où il doit passer avant que tout ne soit réalisé ! Mais avant que cela ne s’effectue, nous voyons l’ennemi sous son caractère de pouvoir rebelle et apostat.

Le dragon a sept têtes : c’est la plénitude de l’autorité en matière de gouvernement. Il a dix cornes ; ce n’est pas quelque chose de complet, mais qui en approche ; c’est une très grande somme de puissance dans les instruments mis en oeuvre en Occident. Ce qui est humain n’est jamais complet. Dieu donne à la femme douze étoiles, tandis que le dragon n’a que dix cornes. Les sept têtes nous offrent, comme je le suppose, une succession complète des diverses formes de gouvernement ; mais Dieu ne permet pas qu’il y ait là cette plénitude du pouvoir administratif que nous voyons appartenir à la femme. L’ordre sera parfait quand, dans le siècle à venir, le Seigneur Jésus prendre en main le gouvernement de la terre. Lui-même dit à ses apôtres : « En vérité, je vous dis, que vous qui m’avez suivi, — dans la régénération, quand le fils de l’homme se sera assis sur le trône de la gloire, vous aussi vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël » (Matt. 19:28). Telle est la place spéciale d’honneur et de confiance destinée aux douze apôtres de l’Agneau.

« Et sa queue entraîne le tiers des étoiles du ciel ». C’est là ce qui semble indiquer que la troisième partie, dont il a été question aux chapitres 8 et 9, se rapporte à l’empire romain. Par là, il faut entendre ce qui est proprement romain, c’est-à-dire la partie occidentale de l’Europe et non ce que les Romains possédèrent de plus, la Grèce, par exemple, et ce qu’ils conquirent de la Babylonie, de la Perse et de la Médie. Ces dernières contrées sont l’Orient. C’est dans la partie occidentale de l’Europe que la puissance du dragon se fait particulièrement sentir.

« Et sa queue entraîne le tiers des étoiles du ciel, et elle les jeta sur la terre. Et le dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin que, lorsqu’elle aurait enfanté, il dévorât son enfant. Et elle enfanta un fils mâle, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer ; et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône ». Il y a ici plusieurs points qui demandent une explication. En premier lieu, la pensée qui prévaut généralement est que la femme représente l’Église. Une simple remarque suffit pour renverser cette fausse notion. L’Église n’est jamais présentée dans l’Écriture comme une mère ; bien moins encore pourrait-elle être la mère de Christ qui, évidemment, est le fils mâle. Sous l’image d’une femme, l’Église est la fiancée de Christ, tandis qu’Israël, comme corps, peut en réalité être envisagé symboliquement comme ayant enfanté Christ ; qui, en effet, est issu des Juifs selon la chair (Rom. 9:5). Que Christ soit le fils mâle, c’est ce que prouvent clairement les Écritures. « Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné », s’écrie Ésaïe (chap. 9:6) ; et le Psaume 2 nous montre que Celui qui n’est pas seulement l’enfant d’Israël, mais qui est aussi reconnu et honoré de Dieu comme le Fils, doit gouverner les nations avec une verge de fer.

La femme représente donc Israël selon la pensée de Dieu ; Israël comme corps, comme ensemble complet ; et le fils mâle est, sans nul doute, le Seigneur Jésus. Cela posé, nous pouvons comprendre la signification et la portée de la scène où nous sommes introduits.

Je ferai remarquer une autre chose. Bien qu’il me paraisse évident que Christ est le fils mâle né d’Israël, il peut y avoir, à première vue, pour quelques esprits, une certaine difficulté à comprendre comment la naissance de Christ est introduite dans ce chapitre. Pour résoudre la question, remarquons, comme je l’ai déjà expliqué, que l’Esprit de Dieu ne continue pas ici à présenter le cours des événements à venir. Il retourne en arrière, et rien ne limite jusqu’à quelle époque. Il n’y a dans cette portion du livre aucune date qui puisse servir à fixer le moment où a lieu la naissance du fils mâle. Mais pourquoi, demandera-t-on encore, est-il question ici de cette naissance, puisque c’était un fait bien connu et proclamé depuis longtemps, par la prédication de l’évangile et l’enseignement chez les chrétiens, que notre Seigneur était né, avait vécu et était monté au ciel ? Pourquoi la présenter d’une façon si extraordinaire dans la prophétie ? La raison en est, me semble-t-il, que Dieu voulait, sans la mentionner distinctement, rappeler, mystiquement et d’une manière frappante, la naissance de Christ, en la rattachant à son enlèvement au ciel et vers son trône. Cela se lie avec la réouverture des voies de Dieu envers les Juifs et leur restauration définitive comme nation.

Il est donc clair que Dieu ne dispose pas ici les sujets relativement au temps, mais selon leur relation avec Christ leur centre. Jean va bientôt après entrer dans la description des scènes finales : auparavant, il nous montre le conseil de Dieu à l’égard d’Israël. C’est ce qui conduit à faire voir l’opposition acharnée du diable quant à l’accomplissement de ce conseil, car c’est ce que l’adversaire redoute le plus. Satan met dans sa résistance à Christ toute la ténacité possible, toute la haine et l’orgueil imaginables. Il reconnaît en Christ celui qui l’a écrasé, et qui est le libérateur de l’homme et de la création ; de là l’antagonisme constant qui existe entre lui et le Fils de Dieu. Il y a plus : Satan s’élève contre la relation de Christ, avec le pauvre peuple d’Israël, voué au mépris.

Néanmoins, avant que Dieu ne prenne ouvertement en main la cause d’Israël, nous trouvons ce fait remarquable, que Christ est enlevé vers Dieu et vers son trône. Aucune mention n’est faite de sa vie, ni même de sa mort et de sa résurrection ; il semblerait, d’après ce passage, que le Seigneur est monté au ciel aussitôt après sa naissance. Tout est présenté ici à un point de vue entièrement mystique. Ce n’est en aucune manière de l’histoire, ni anticipée, ni en fait. Si c’eût été un sommaire historique, nous y aurions vu indiqués les grands événements de la vie du Seigneur, que nous avons mentionnés, et sur lesquels repose toute espérance pour l’univers. Tout cela est entièrement passé sous silence, et à mon sens, pour nous apprendre, comme le fait aussi la prophétie de l’Ancien Testament, comment le Seigneur et son peuple sont enveloppés, pour ainsi dire, dans le même symbole. De même aussi, mais d’une manière encore plus intime, ce qui est dit de Christ s’applique-t-il au chrétien.

D’après ce principe, je considère l’enlèvement du fils mâle vers Dieu et vers son trône, comme comprenant en soi l’enlèvement de l’Église. La raison pour laquelle cela est introduit ici, dépend de cette vérité que Christ et l’Église sont un, et ont une destinée commune. Puisqu’il est monté au ciel, l’Église aussi doit y être ravie. « Ainsi aussi est le Christ », dit l’apôtre Paul, en parlant de l’Église, car, dans ce passage, il s’agit du corps plutôt que de la tête, et Paul ne dit pas : « Ainsi aussi est l’Église », mais « ainsi aussi est le Christ ». C’est suivant la même ligne de pensées que Jean, dans la prophétie, nous montre le fils mâle placé au ciel dans un lieu complètement en dehors des atteintes de Satan. S’il en est ainsi, ce fait se rapporte d’une manière remarquable à ce qui a déjà été affirmé quant à la structure du livre : il y a un nouveau commencement, en rapport avec l’objet spécial que le Saint Esprit a en vue dans cette dernière partie.

Avant tout, Jean a montré le dessein général de Dieu quant aux Juifs. En cela l’ordre est strictement gardé. Nous aurions pu penser que la voie la plus naturelle était d’établir d’abord le fait que le fils mâle avait été enlevé ; mais non : Dieu produit et décrit toujours les choses suivant la méthode la plus sage et la meilleure. Christ étant issu d’Israël, il fallait d’abord montrer sa relation avec Israël. Le second fait est l’opposition du diable aux conseils de Dieu ; l’obstacle qui est mis pour un temps à leur accomplissement, fournit au Seigneur lui-même l’occasion de prendre sa place dans le ciel, et plus tard à l’Église de l’y suivre. Ensuite revient sur la scène l’intention du Seigneur d’agir pour l’exécution de ses desseins quant à Israël et à la terre. En résumé donc, la première partie de ce chapitre est une représentation mystique de la relation du Seigneur avec Israël, et de sa translation en dehors de la scène, ceci étant l’effet de l’antagonisme de Satan ; mais cela donne, pour ainsi dire, occasion à Dieu, de lier à cette disparition de Christ dans le ciel, le fait que l’Église l’y suit au temps convenable ; car l’Église est unie à Christ. On voit ainsi que l’enlèvement du fils mâle n’est pas un simple fait historique. L’ascension de Christ est introduite ici, parce qu’elle renferme comme conséquence l’enlèvement subséquent de l’Église, pour qu’elle soit où il est, son corps formant avec lui un seul et même homme mystique devant Dieu, « la plénitude de celui qui remplit tout en tous ».

Ce qui précède étant bien compris, le sujet tout entier se trouve considérablement éclairci. « Elle enfanta un fils mâle qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer ». Il n’y a pas la moindre difficulté à appliquer ces paroles au fils mâle, envisagé non personnellement et seul, mais mystiquement ; d’autant que cette même promesse est faite à l’église de Thyatire, ou plutôt aux fidèles qui s’y trouvent. Le Seigneur dit expressément qu’à celui qui vaincra, il donnera autorité sur les nations, et qu’il les paîtra avec une verge de fer, selon que lui-même l’a reçu de son Père (Apocalypse 2). Cela ne confirme-t-il pas pleinement ce que nous avons avancé ? « Et la femme s’enfuit dans le désert, où elle a un lieu préparé par Dieu, afin qu’on la nourrisse là mille deux cent soixante jours ».

Au v. 7 s’ouvre une nouvelle scène. Ce ne sont plus les conseils de Dieu ou des principes vus dans sa pensée ; nous en venons à des faits positifs, d’abord dans le ciel, puis, plus tard, nous voyons les effets et les changements qui en résultent sur la terre.

« Il y eut un combat dans le ciel : Michel et ses anges combattaient contre le dragon. Et le dragon combattait, et ses anges ; et il ne fut pas le plus fort, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et le grand dragon fut précipité, le serpent ancien, celui qui est appelé diable et Satan, celui qui séduit la terre habitée tout entière, — il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. Et j’ouïs une grande voix dans le ciel, disant : Maintenant est venu le salut et la puissance et le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ, car l’accusateur de nos frères, qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit, a été précipité ; et eux l’ont vaincu à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage ; et ils l’ont pas aimé leur vie, même jusqu’à la mort. C’est pourquoi réjouissez-vous, cieux et vous qui y habitez ». D’après ces paroles, il est évident qu’il se trouve, à ce moment, dans le ciel, des personnes qui y habitent et qui sympathisent profondément avec leurs frères qui souffrent sur la terre. C’est un fait incontestable ; et, bientôt après, Satan perd cette faculté qu’il avait eue précédemment de se présenter devant Dieu comme l’accusateur des frères. Plus jamais il ne doit recouvrer cette haute position de puissance, et ne remplira plus le ciel de ses amers reproches et de ses accusations contre les saints de Dieu.

« Malheur », est-il ajouté, « malheur à la terre et à la mer, car le diable est descendu vers vous, étant en grande fureur, sachant qu’il a peu de temps ». Cela lie clairement l’expulsion de Satan de sa place dans les lieux célestes, avec la dernière crise par laquelle doivent passer les Juifs et les gentils à la fin du siècle ; et nous en donne la raison cachée. Pourquoi cet extraordinaire déchaînement de persécutions ? Pourquoi cette action effrayante de Satan ici-bas, pour une courte période, durant trois ans et demi avant la fin ? C’est que Satan ne peut plus accuser en haut ; en conséquence, il fait ici-bas tout le mal qu’il lui est possible. Il est précipité sur la terre et ne rentrera plus jamais dans les cieux. Bientôt après, il sera banni de la terre, comme nous le verrons, et renfermé dans l’abîme, et enfin, quoiqu’il doive être « délié pour un peu de temps », sa ruine finale et irrémédiable arrivera, car alors il sera précipité, non dans l’abîme, mais dans l’étang de feu, d’où nul ne revient jamais.

Voilà ce que Dieu nous révèle quant à ses voies envers celui qui, du commencement à la fin, se montre le grand ennemi des hommes.

Depuis le v. 13, l’histoire se poursuit sur la terre : « Et quand le dragon vit qu’il avait été précipité sur la terre, il persécuta la femme qui avait enfanté le fils mâle. Et les deux ailes du grand aigle furent données à la femme, afin qu’elle s’envolât dans le désert, en son lieu, où elle est nourrie un temps, et des temps, et la moitié d’un temps, loin de la face du serpent ». Ainsi la femme reçoit, non la puissance pour résister à Satan et combattre contre lui, mais les moyens de fuir rapidement sa violence, et de se mettre à l’abri de sa persécution. C’est ce qui est figuré par les deux ailes du grand aigle, dont le vol énergique présente une image vivante d’une fuite procurée par des instruments puissants.

Nous voyons alors l’ennemi, dont Dieu a déjoué les desseins, faire d’autres efforts. « Et le serpent lança de sa bouche de l’eau, comme un fleuve, après la femme, afin de la faire emporter par le fleuve ». Il tente de soulever celles des nations qui sont dans un état de désorganisation, pour accabler les Juifs, mais c’est en vain ; « la terre », ce qui, à cette époque, se trouve sous un gouvernement stable, « vint en aide à la femme, et la terre ouvrit sa bouche et engloutit le fleuve que le dragon avait lancé de sa bouche. Et le dragon fut irrité contre la femme, et s’en alla faire la guerre contre le résidu de la semence de la femme, ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus ». Par ces derniers, il faut entendre ceux des Juifs qui seront remarquables par la puissance de leur témoignage. La femme représente ce peuple sous l’idée la plus générale. Le résidu de la semence est la portion qui rend témoignage. Tous les Juifs de cette époque, comprenons-le bien, n’auront pas la même puissance spirituelle : il y aura des différences. Quelques-uns seront plus énergiques et plus intelligents que les autres. Satan les haïra d’autant plus, et s’efforcera de détruire ceux qui maintiendront plus particulièrement le témoignage de Jésus.

3.2 - Chapitre 13

Nous sommes ainsi amenés à voir se développer les plans que forme Satan pour accomplir son dessein longtemps caressé de supplanter, non seulement l’évangile et la loi, mais le témoignage du royaume de Dieu dans le monde. À cet effet, Satan suivra deux voies propres à enlacer les deux classes d’hommes naturels qui ont toujours existé ici-bas ; ceux qui aiment le pouvoir et ceux qui s’attachent à la religion. Bien entendu, je ne parle pas ici de ceux qui sont nés de Dieu, mais il est évident que le coeur de l’homme se laisse éblouir par le prestige de l’intelligence et de la puissance, ou se précipite dans les formes religieuses. Le diable mettra donc en avant deux principaux instruments, comme chefs de ces systèmes qui exprimeront ces deux tendances de la nature humaine, et qui répondront exactement à ce que le coeur de l’homme cherche et veut avoir. Ainsi, dès le commencement, Satan a eu le dessein de s’établir lui-même comme Dieu en l’homme. Car, de même que Dieu se plaît à développer en l’homme toutes ses voies et ses conseils merveilleux, Satan aussi agira par l’homme. Comme le Seigneur Jésus est non seulement une personne divine, mais l’expression de la gloire et de la grâce de Dieu ; comme l’Église est l’objet de son amour se déployant dans les bénédictions célestes dont il l’enrichit, et comme Israël est l’objet de sa faveur sur la terre ; ainsi l’ennemi, qui ne peut pas produire, mais seulement corrompre la vérité, imitera, d’une façon profane et par des voies de mensonges, les conseils de Dieu, et aura ses Bêtes, tout aussi certainement que Dieu a son Agneau. C’est ce qu’établit clairement le chap. 13. Là nous voyons ces deux bêtes ; l’une le pouvoir civil, l’autre le pouvoir religieux, et tous deux apostats.

« Et je me tins sur le sable de la mer ; et je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème ». La bête qui s’élève du monde romain dans un état d’anarchie révolutionnaire figuré par la mer, est tout à fait propre à servir le dragon dans son opposition aux desseins de Dieu. Elle est présentée revêtue des mêmes attributs que le dragon au chap. 12, c’est-à-dire de ces formes de pouvoir qui caractérisent l’empire romain. Mais il y a une différence : le dragon avait les diadèmes sur ses têtes, tandis que la bête les a sur ses cornes, ce qui nous montre davantage les choses telles qu’elles seront effectivement.

Le dragon représente l’ennemi de Christ, se servant, depuis le commencement jusqu’à la fin, de la puissance politique de l’empire romain, de sorte que ce sont les têtes, c’est-à-dire les formes successives du pouvoir, que nous voyons couronnées, et non les cornes. Celles-ci, en fait, ne devaient pas apparaître avant la fin de l’histoire de l’empire romain, tout au moins pas avant que les Barbares n’eussent renversé l’empire d’Occident.

D’un autre côté, dans la première bête du chap. 13, on voit, non seulement l’esprit caché du mal faisant usage du pouvoir de Rome dans les diverses formes qu’il a revêtues, mais l’empire dans son état final, quand la blessure mortelle faite à la bête impériale aura été guérie, et qu’ainsi rendue à la vie, Satan lui donnera sa puissance, son trône, et une grande autorité. Or c’est là l’époque où les dix cornes reçoivent autorité comme rois ; c’est simultanément avec la bête, comme l’indique le chap. 17. Voilà pourquoi les cornes de la bête sont vues couronnées, et non pas les têtes comme dans le cas du dragon.

La bête est ensuite décrite en termes remarquables qui rappellent les bêtes du 7° chapitre de Daniel, auquel, sans nul doute, il est fait allusion. « Et la bête que je vis était semblable à un léopard, et ses pieds comme ceux d’un ours, et sa bouche comme la bouche d’un lion ». Ces traits appartiennent aux trois premières bêtes vues par Daniel. Satan ne peut rien produire, mais il adopte, dans tout ce qui a existé, tout ce qui convient à ses desseins, et c’est ainsi qu’il essaie, par la plus étrange des combinaisons, de former la bête du quatrième empire, à laquelle nulle ne doit succéder, de manière à ce qu’elle surpasse, dans les derniers jours, tout ce qui a jamais paru autrefois.

Que faut-il entendre par une bête ? Un système impérial ou un empire qui refuse de reconnaître le Dieu des cieux. L’homme fut créé pour connaître Dieu, et seul il le fait, comme enseigné de Dieu. Seul de tous les êtres de la terre, l’homme a été fait pour regarder vers Celui qui est en haut, et il est placé sous la responsabilité de faire la volonté de Dieu. La bête, au contraire, ne regarde que vers la terre, elle n’a nulle conscience d’un être supérieur invisible. « L’insensé a dit en son coeur : Il n’y a pas de Dieu ». En principe, cela est vrai de tout homme qui n’est pas né de nouveau, mais dans le cas d’un pouvoir impérial, c’est d’autant plus terrible, qu’il doit réfléchir l’autorité que Dieu, dans sa providence, lui a conférée. Nul empire ne peut échapper à la sentence morale impliquée dans ces symboles, mais la bête qui est ici en question, ira bien au delà de ce qui a jamais paru.

Au temps où la prophétie dont nous nous occupons fut donnée, la quatrième bête existait ; mais la prophète est appelé à voir que d’un état de bouleversement politique, juste avant la dernière demi-semaine d’années, et en relation avec l’expulsion de Satan hors du ciel par la puissance de Dieu, cette bête surgira de la mer. Cela veut dire qu’il y aura dans l’Occident un état de complète confusion, et qu’un pouvoir impérial s’élèvera. C’est celui dont nous trouvons ici la description.

« Et je vis l’une de ses têtes comme frappée à mort ; et sa plaie mortelle avait été guérie ; et la terre tout entière était dans l’admiration de la bête ». Il y a des raisons suffisantes pour conclure que la tête blessée était la forme impériale du gouvernement. L’empire d’Occident aura, depuis longtemps, cessé d’exister, quand, chose étrange à dire, il réapparaîtra dans les derniers jours. Ce qui excitera l’étonnement du monde n’est pas le simple fait du retour de l’impérialisme ; car si l’on a pu penser que c’en était fait de l’empire romain, rien n’empêche de concevoir l’apparition d’un nouvel empire, germanique, moscovite, ou toute autre domination d’une vaste étendue. Mais la résurrection de l’empire romain frappera le monde de surprise, et c’est là une partie de ce à quoi il est fait allusion ici. Cependant, comme les raisons de cette assertion dépendent du chap. 17, je ne puis entrer maintenant dans une discussion détaillée de ce sujet, sans anticiper sur ce que nous verrons plus tard. Qu’il suffise que j’aie indiqué, en passant, ce que je crois être sur ce point la vérité révélée.

Nous trouvons ensuite plus que le fait que cet empire possède les caractères de puissance qui appartenaient aux empires d’autrefois ; plus que son caractère propre marqué par la résurrection de l’impérialisme aux derniers jours : nous lisons qu’« ils rendirent hommage au dragon, parce qu’il avait donné le pouvoir à la bête ; et ils rendirent hommage à la bête, disant : Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle ? » paroles qui nous montrent clairement le monde dans un état d’apostasie et d’idolâtrie. Le dragon est adoré, ainsi que la bête. Le second chapitre de la deuxième épître aux Thessaloniciens établit clairement que l’adoration est rendue à un autre personnage, en rapport avec les deux précédents, mais distinct d’eux, qui est nommé « l’homme de péché », et qui est plutôt un pouvoir religieux. La première bête est un corps politique ; le chef religieux ne se trouvera pas du tout dans l’Occident, mais à Jérusalem, où il sera, à la fin, un objet tout spécial de culte dans le temple de Dieu.

Il y a ici pour plusieurs une difficulté, en ce qu’il est dit positivement, que l’homme de péché ne tolérera aucun autre objet de culte que lui-même. Mais il faut se rappeler que les trois sont associés pour un même but, et ont un même dessein. Adorer l’un est donc tout autant qu’adorer l’autre. Il en est ainsi quant au vrai Dieu : on n’adore pas une personne dans la déité, sans rendre le même hommage aux autres. C’est en vain que l’on prétendrait adorer le Père sans adorer le Fils ; et celui qui adore le Père et le Fils, ne le peut que dans la puissance du Saint Esprit. Lorsque nous adorons Dieu comme tel, — lorsque nous disons « Dieu », nous n’entendons pas le Père seulement, mais le Père, le Fils et le Saint Esprit. Ainsi en sera-t-il dans cette effrayante contrefaçon, fruit de l’énergie, de la ruse et de la puissance sataniques qui se déploieront à la fin. L’adoration du dragon et de la bête me semble donc tout à fait compatible avec le culte divin rendu à l’homme de péché. Le fait est que ces trois forment, comme on l’a remarqué avec justesse, la grande anti-trinité ; la trinité du mal opposée à la Trinité divine. Il est clair que le diable est le promoteur de tout ; mais le chef public de sa puissance au point de vue politique, est la bête, tandis que le grand agent religieux, qui exécute tous les plans, et fait même des miracles pour les appuyer, est la seconde bête, ou l’homme de péché.

Telle semble être la vraie signification et la liaison de toutes ces choses, si nous nous soumettons aux différents passages des Écritures qui en parlent. Je sais que sur ce point, comme sur presque tout autre, il y a des différences de pensée. Mais cette objection n’en est pas une. La seule question est : Qu’est-ce qui satisfait le mieux à la parole de Dieu ? — qu’est-ce qui répond le plus exactement, non seulement à la lettre de cette parole, mais aux grands principes qu’elle pose ? Je suis donc persuadé que, bien loin qu’il y ait aucun obstacle réel à admettre le fait que ces trois personnages différents soient unis comme objet d’un même culte, au contraire on ne peut bien comprendre la force et la nature de ce qui aura lieu, si l’on perd cela de vue.

Poursuivons donc l’étude des autres points que l’Écriture place devant nous. « Et il lui fut donné une bouche qui proférait de grandes choses et des blasphèmes ; — et le pouvoir d’agir quarante-deux mois lui fut donné. Et elle ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son habitation, et ceux qui habitent dans le ciel ». D’après ces paroles, il est évident, comme d’ailleurs nous l’avons déjà remarqué, qu’il y a, dans le ciel, un peuple mis à l’abri de l’action et de la puissance, soit de Satan, soit des instruments publics de sa malice dans le monde. En même temps, il y a aussi des saints ici-bas. L’habitation d’en haut peut être blasphémée : Satan peut outrager ceux qui y demeurent ; mais il ne peut les toucher : il ne peut même plus accuser devant Dieu. Il emploie donc toute sa puissance pour faire agir l’homme sur la terre suivant ses desseins.

« Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints » (évidemment à ceux qui ne sont pas dans le ciel) « et de les vaincre. Et il lui fut donné pouvoir sur toute tribu et peuple et langue et nation. Et tous ceux qui habitent sur la terre, dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, dans le livre de vie de l’Agneau immolé, lui rendront hommage ». On voit qu’il y a une distinction toujours observée entre la foule des gentils ou nations dispersés sur la surface du globe, et « ceux qui habitent sur la terre ». Les premiers forment une classe qui embrasse l’ensemble du monde ; c’est un terme plus général ; par les derniers, il faut entendre ceux qui composent une sphère beaucoup plus restreinte, dont le caractère d’attachement à la terre est plus décidé, parce qu’ils ont connu le témoignage céleste de Christ et de l’Église. Ils peuvent en retenir le nom, mais les coeurs apostats ont délibérément préféré la terre au ciel ; leur part ne sera ni l’une ni l’autre, mais l’étang de feu.

Combien n’est-il pas solennel de voir que telle est la fin vers laquelle la chrétienté se précipite ! L’incrédulité et la superstition l’y entraînent rapidement. Tout est à l’oeuvre pour produire cet état de choses terrestre et étranger à Dieu. Jamais, depuis que l’évangile a été prêché, les hommes n’ont mis autant d’ardeur dans leurs tentations d’améliorer la terre, et, par conséquent, d’oublier, jour après jour, le ciel, auquel ils ne pensent que comme à une triste et sombre nécessité quand ils devront mourir, et ne pourront éviter de quitter ce monde. Mais quant à se tourner vers le ciel, comme vers une espérance pleine de joie, et une demeure vers laquelle tendent les affections, jamais ce n’a été plus entièrement éloigné des pensées des hommes. Tout cela prépare à la désignation qui sera donnée à ceux qui, ayant entendu parler du ciel, auront volontairement abandonné toutes les espérances qui s’y rattachent, afin de s’établir ici-bas sur la terre, dont ils sont, par excellence, les habitants, y ayant placé et leur coeur et leurs pensées. Les autres sont « toute tribu et peuple et langue et nation », qui comparativement ont peu entendu parler de l’évangile. La bête essaiera d’exercer son action sur les uns et sur les autres, mais plus particulièrement « tous ceux qui habitent sur la terre, dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, dans le livre de vie de l’Agneau immolé, lui rendront hommage ».

Remarquons soigneusement et rappelons-nous que les mots « dès la fondation du monde », ne se rapportent pas, comme le voudraient certaines versions, à « l’Agneau immolé », mais au « nom qui n’a pas été écrit ». Jean ne veut pas dire que l’Agneau a été immolé « dès la fondation du monde », mais que le nom n’a pas été écrit « dès la fondation du monde dans le livre de vie de l’Agneau immolé ». Comparez ce passage avec Apocalypse 17:8.

« Si quelqu’un a des oreilles, qu’il écoute ! Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité ; si quelqu’un tue avec l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la patience et la foi des saints ». Ces paroles importantes ont pour objet de garder absolument les saints de prendre le pouvoir dans leurs propres mains. Ils peuvent crier à Dieu, et lui demander de se lever pour juger la terre, mais ils ne doivent pas combattre eux-mêmes. Comme la bête a pris le pouvoir, elle en subira les conséquences. Elle peut mener en captivité, mais elle ira en captivité elle-même ; elle peut tuer avec l’épée, mais elle sera tuée, et même son sort sera encore beaucoup plus terrible. La patience, avec la sanction rétributive qui lui est jointe, est posée comme un principe général, de manière à s’appliquer à chacun. Ce passage est certainement et particulièrement destiné à garder les saints de toute méprise et de toute action fâcheuse. Il ne s’applique pas uniquement au temps de la bête, c’est plutôt un avertissement donné, d’une façon générale, aux saints de Dieu.

Nous devons arrêter davantage notre attention sur la dernière partie du chapitre où il est question d’une seconde bête, parce que c’est un sujet qui a présenté et qui présente une certaine difficulté, et où l’on peut aisément faire quelque confusion. Remarquons d’abord que la seconde bête est ce qui, plus particulièrement, ressemble en méchanceté à ce que le Seigneur Jésus était en bonté. C’est, à la vérité, une « bête », c’est-à-dire qu’elle possède une espèce de puissance impériale, quoique très probablement sur une échelle beaucoup moindre que la première. Néanmoins elle porte le caractère impérial ; elle n’est pas simplement une corne, mais une bête. En second lieu, ses cornes présentent quelque chose de particulier : « elle avait deux cornes semblables à un agneau ». C’est la prétention de ressembler au Messie ; mais « elle parlait comme un dragon » : elle est réellement l’expression de Satan. « Et elle exerce tout le pouvoir de la première bête devant elle » ; il est clair, d’après cela, que la seconde bête est la plus énergique des deux, et l’instrument actif du mal.

Tel a toujours été le cas dans toute espèce de mal qui s’est manifesté dans le monde. Les promoteurs du mal, je veux dire les personnes qui, ouvertement ou en secret, exercent la plus mauvaise influence, sont, en règle générale, celles qui se placent sous le couvert de la religion. La religion de la terre est la source féconde des pires de tous les maux qui se sont produits sous le soleil ; sans elle le diable ne pourrait pas accomplir ses desseins. N’est-ce pas, pour ceux qui ont avec cette religion le moindre lien, une chose à la fois solennelle et terrible ?

En conséquence de ce caractère de la seconde bête qui ressemble à Christ et qui prend cette place, nous voyons qu’elle ne sort pas de la mer, c’est-à-dire des nations dans un état de trouble et d’agitation, mais elle surgit de la terre. L’état des choses est plus stable, quand elle apparaît, exerçant tout le pouvoir de la première bête devant elle. Cela veut dire en sa présence, avec sa pleine sanction ; ce n’est pas une usurpation, ce n’est en aucun sens quelque chose qu’elle fasse sans elle ; elle agit en sa présence, « et fait que ceux la terre et ceux qui habitent sur elle rendent hommage à la première bête dont la plaie mortelle avait été guérie ». On voit qu’elles s’entendent entre elles ; toutefois on remarquera qu’au second chapitre de la seconde épître aux Thessaloniciens, l’action de la seconde bête pour faire adorer la première bête n’est pas mentionnée, mais qu’elle réclame pour elle-même et s’arroge les honneurs divins ; elle est adorée comme Dieu. Comment concilier ces deux passages ?

Tout s’éclaircit, si nous nous rappelons que la première bête désigne l’empire romain, et que, par conséquent, le siège de sa puissance est en Occident. La seconde bête, au contraire, est en Palestine, et affecte une forme juive. Un simple coup d’oeil sur 2 Thessaloniciens 2, montre que l’apôtre présente ce qui sera en Judée, et non à Rome, puisque c’est dans le temple de Dieu que s’assied l’homme de péché comme étant un objet d’adoration. Mais rappelons-nous qu’il faut prendre l’Écriture dans son ensemble. Si nous lisons 2 Thessaloniciens 2, comme donnant tout ce que la Bible renferme touchant l’homme de péché, nous laissons de côté une portion des Écritures, et nous n’aurons qu’une notion incomplète. D’un autre côté, si nous nous en tenons uniquement à ce qui se trouve dans le chapitre 13 de l’Apocalypse, certains éléments nous ferons défaut. Dieu a tout arrangé avec une sagesse parfaite, ne voulant pas que nous nous bornions à lire une partie seulement de sa Parole, mais que nous la sondions diligemment dans son entier. Il ne nous donnera pas une grande intelligence des saints écrits, à moins que nous n’ayons une confiance réelle en tout ce qu’il nous a communiqué par eux, et que nous ne les appréciions tous à leur juste valeur. C’est donc en rapprochant ces diverses portions des Écritures, dans lesquelles il y a amplement de la lumière pour montrer ce dont il est question, que nous parviendrons à une vraie intelligence du sujet.

Or il est tout à fait clair que la première partie du chap. 13 de l’Apocalypse place sous nos yeux un puissant pouvoir politique, et il est également évident que 2 Thessaloniciens 2 ne présente pas un grand système impérial, mais plutôt une puissance religieuse. L’homme de péché est, sans doute, un personnage absolument inique (sans loi) ; toutefois c’est un pouvoir religieux. Il réclame pour lui-même ce qui n’appartient qu’à Dieu, et c’est là précisément ce qui se rapporte à la seconde bête.

Nous pouvons remarquer un autre trait dans le symbole qui nous est présenté ici. La bête a deux cornes : cela se rattache, je pense, au témoignage de Jean tout entier. On peut aisément voir que sa tendance générale est de nous montrer ce qu’a été notre bien-aimé Seigneur sur la terre, et non ce qu’il est dans le ciel. Bien qu’il y ait, sans nul doute, en Jean des passages qui font exception, c’est en cela que son témoignage forme contraste avec celui de Paul, dont l’objet principal est de diriger nos regards vers Christ dans le ciel.

Cette remarque me semble importante pour établir ce que signifient ces deux cornes. Le Seigneur Jésus, nous le savons tous, fut un prophète sur la terre ; et nous savons, avec la même certitude, qu’il régnera comme Roi sur la terre. Mais qu’est-il dans l’intervalle ? Il est sacrificateur dans le ciel, et c’est Paul qui met en relief cette fonction céleste de Christ. Jean ne s’étend jamais, que je sache, sur les offices de Christ dans le ciel, si ce n’est quand il montre ce qui s’y rattache, comme dans les chapitres 13, 14, 17 et 20 de son évangile, mais ce sont des exceptions. Le courant général des pensées de Jean nous montre Christ manifestant Dieu ici-bas ; la doctrine de Paul est l’homme glorifié dans le ciel.

Voilà, je pense, ce qui nous explique ce que sont les deux cornes de la bête. Quand l’antichrist apparaîtra, il ne prendra pas la place de sacrificateur ; ses prétentions seront beaucoup plus élevées. Il se posera comme prophète et comme roi ; oui, comme roi imitant ce que Christ sera pour Israël. Il a deux cornes, et non pas sept ; c’est une imitation, mais non la pleine et parfaite puissance de Christ. Dans l’antichrist on verra donc la prétention de posséder ce qui appartient à Christ en relation avec la terre, avec l’absence la plus marquée de ce qui le caractérise dans le ciel.

Pour le dire en passant, nous voyons par là que c’est une erreur d’appliquer tous ces traits de la seconde bête à la papauté, comme si c’en était l’entière signification. Le caractère essentiel de la papauté est précisément de prétendre être sur la terre la vivante représentation de la sacrificature de Christ ; c’est donc la corruption de ce qui est céleste et non de ce qui est messianique, et par conséquent le papisme est l’anti-église plutôt qu’il n’est l’antichrist. Telle est la différence.

Mais lorsque s’accomplit ce qui est écrit en Apocalypse 13, il n’est plus question d’Église. Le corps chrétien n’est plus vu sur la terre, les saints des hauts lieux sont dans le ciel.

L’antichrist ne cherchera donc pas à se faire passer comme revêtu de la dignité sacerdotale de Christ, mais il assumera la place de prophète que Christ a eue sur la terre, et celle de roi qu’il doit y occuper plus tard. Ce personnage prétendra à l’un et à l’autre de ces pouvoirs. Il a « deux cornes semblables à un agneau », et accomplira de grands signes et des prodiges. Son activité est double. Avant tout, il emprunte la puissante influence de l’empire romain, et exerce toute l’autorité de la première bête. En outre, il fait de son chef beaucoup de choses que l’empereur romain ne pourrait accomplir. « Et elle fait de grands miracles, en sorte que même elle fait descendre le feu du ciel sur la terre, devant les hommes ». C’est-à-dire qu’elle n’imite pas seulement la puissance de Christ, mais celle de Dieu. Elle a la prétention d’être Jéhovah, le Dieu d’Israël, précisément comme Jésus est Jéhovah aussi bien que le Messie. Ainsi cet instrument de la puissance de Satan à Jérusalem voudra rivaliser avec ce que Dieu fit autrefois par Elie pour renverser les prétentions des prêtres de Baal, et fera des miracles, non en réalité toutefois, mais en apparence. « Elle fait de grands miracles, en sorte que même elle fait descendre le feu du ciel sur la terre, devant les hommes. Et elle séduit ceux qui habitent sur la terre, à cause des miracles qu’il lui fut donné de faire.


Tout nous montre que c’est bien là l’antichrist. La première bête ne fait aucun miracle ; elle frappe le monde d’étonnement en lui montrant l’empire romain ressuscité, mais cela ne peut pas être appelé un signe ou un miracle. La bête qui monte de la terre est incomparablement plus énergique et plus active ; elle fait de grands miracles, par la puissance de Satan, sans doute, mais enfin, c’est elle qui les accomplit, et la conséquence en est qu’elle « séduit ceux qui habitent sur la terre », jusqu’à leur dire « de faire une image à la bête qui a la plaie de l’épée et qui a repris vie ». Je ne puis affirmer si cette image est ou non l’abomination de la désolation placée dans le saint lieu, quoiqu’il semble probable que ce soit là cette idole.

« Et il lui fut donné de donner la respiration à l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât même, et qu’elle fît que tous ceux qui ne rendraient pas hommage à l’image de la bête fussent mis à mort. Et elle fait qu’à tous, petits et grands, et riches et pauvres, et libres et esclaves, on leur donne une marque sur leur main droite ou sur leur front ; et que personne ne peut acheter ou vendre, sinon celui qui a la marque, le nom de la bête, ou le nombre de son nom. Ici est la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence compte le nombre de la bête, car c’est un nombre d’homme ; et son nombre est six cent soixante-six ».

Les divers efforts faits pour deviner ce que représente ce nombre ont laissé la question sans solution satisfaisante. Ce peut être un de ces secrets qui ne seront pas découverts, avant que n’apparaisse le personnage qu’ils concernent ; alors nous pouvons être certains qu’au moins les « intelligents » le comprendront. Que nous le puissions actuellement, c’est plus, à mon avis, que nous ne devrions prétendre. Quel profit moral en retirerions-nous ? Il est certain qu’il y a à recueillir maintenant dans l’Apocalypse, bien comprise, tout ce qui peut édifier et rafraîchir l’âme, tout ce que le Saint Esprit y a renfermé pour notre réelle bénédiction, en nous séparant du monde et nous attachant au ciel, et, par-dessus tout, à Christ ; en fait, je crois que nous pouvons en tirer beaucoup plus que ceux qui, dans les jours à venir, auront à passer par les circonstances que ce livre mentionne. Mais il y a des points de détail tenus en réserve par la sagesse de Dieu, et qui, tels que celui-ci, ne seraient propres actuellement qu’à satisfaire la curiosité. Les connaître aura plus tard seulement son importance pratique. Aucune des explications données ne satisfait entièrement. Plusieurs sont entièrement en défaut, comme par exemple, « apostasie » ou « apostat », qui ne saurait être le nombre d’un homme. « L’homme » ou « l’empire latin », quoique méritant l’attention, ne peut être reçu, pour des raisons analogues. De plus, il ne semble pas que ce puisse être le nombre de l’antichrist, comme on le pense généralement, mais celui de l’empire ou plutôt de l’empereur romain, dans son antagonisme final contre Jéhovah et contre son Oint.

3.3 - Chapitre 14

Nous arrivons maintenant au chap. 14, où nous ne trouvons ni l’opposition de Satan aux conseils de Dieu, d’abord dans le ciel, puis sur la terre ; ni le plan qu’il suit et les instruments qu’il emploie dans ce but. C’est ce que nous avons vu dans les chap. 12 et 13. Nous entrons maintenant dans un autre ordre de choses. Il est impossible que Dieu n’agisse pas pour les siens. Il doit y avoir aussi une activité du bien contre le mal. Dieu veut donc bien nous révéler ici les diverses voies par lesquelles il manifestera sa puissance, suscitera un témoignage et enverra l’avertissement qui convient à la crise présente. C’est ce qui se déroule d’une manière complète dans les sept sections que présente naturellement ce chapitre.

La première scène nous montre (v. 1-5) un nombre déterminé de personnes séparées et unies à l’Agneau sur la montagne de Sion. Le Seigneur Jésus est sur le point de faire valoir ses droits au milieu d’Israël. Sion, nous le savons, est le centre de la grâce royale. Je dis royale, parce que Christ y affirme son titre de Fils de David ; mais c’est aussi une grâce, parce que cela suppose qu’en suite de la ruine totale d’Israël, le Seigneur, par une pure faveur, commence là de nouveau à rassembler autour de Lui. Telle est la première forme sous laquelle Dieu déploiera son action aux derniers jours. Le diable peut avoir ses bêtes et ses cornes ; Dieu a son Agneau que nous ne voyons pas, en cette occasion, sur le trône dans le ciel, ni prenant le livre, mais sur la montagne de Sion. Ce qui nous est ainsi clairement présenté avant la fin est un pas notable vers l’établissement du royaume.

« Et je vis : et voici l’Agneau se tenant sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre milliers, ayant son nom et le nom de son Père écrit sur leurs fronts ». Il n’est pas dit qu’ils aient conscience d’être avec Dieu dans cette relation de fils ; car il n’est pas question de leur Père, ni de son Père et leur Père. On ne trouve rien de semblable dans l’Apocalypse, mais « le nom de son Père est écrit sur leurs fronts » : ils lui appartiennent.

« Et j’ouïs une voix venant du ciel, comme un voix de grandes eaux et comme une voix d’un grand tonnerre ; et la voix que j’entendis était comme de joueurs de harpe, jouant de leurs harpes ; et ils chantent un cantique nouveau devant le trône, et devant les quatre animaux et les anciens. Et personne ne pouvait apprendre le cantique, sinon les cent quarante-quatre milliers qui ont été achetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont point souillés avec les femmes, car ils sont vierges ». Ces saints ne se sont pas corrompus ; ils n’ont en rien participé à la méchanceté babylonienne ici-bas, ils sont purs et sont associés étroitement au Saint qui a souffert. « Ce sont ceux qui suivent l’Agneau où qu’il aille ; ceux-ci ont été achetés d’entre les hommes, des prémices à Dieu et à l’Agneau ; et il n’a pas été trouvé de mensonge dans leur bouche ; ils sont irréprochables ». (*)

(*) « Devant le trône de Dieu », est fautif.

Telle est la première action de Dieu. Il y a un résidu complet, duquel il n’est pas dit qu’il soit des douze tribus d’Israël, comme au chap. 7, mais qui cependant est essentiellement juif. Ils sont tirés du milieu de ceux qui se rendirent coupables de la réjection de l’Agneau. Dieu répond ici à ce crime et à tant d’autres, en mettant miséricordieusement à part pour l’Agneau ces cent quarante-quatre mille, et en leur donnant une place d’honneur auprès de Celui qui est sur le point d’être établi sur son trône royal en Sion.

Dans la scène suivante, nous voyons un ange, « un autre ange », est-il dit, « volant par le milieu du ciel, ayant l’évangile éternel pour l’annoncer à ceux qui sont établis sur la terre, et à toute nation et tribu et langue et peuple ». Pourquoi l’évangile ici est-il appelé « éternel » ? Rappelons-nous que l’évangile prêché actuellement est un évangile très spécial, et nullement l’évangile éternel. Jamais l’évangile actuel n’a été annoncé, avant que Jésus fût mort et ressuscité, et même monté au ciel. Ainsi l’évangile, tel qu’il doit être prêché dans la chrétienté et au dehors, dépend des faits les plus extraordinaires qui aient jamais été accomplis ici-bas, et pour la manifestation desquels Dieu a attendu plus de quatre mille années depuis le moment où l’homme fut placé sur la terre. L’évangile de la grâce de Dieu ne peut donc pas, à proprement parler, être appelé l’évangile éternel, et jamais l’Écriture ne lui donne ce nom. Plusieurs sans doute se servent de cette appellation sans se rendre compte de ce qu’elle signifie, et l’appliquent à l’évangile prêché de nos jours en ayant dans l’esprit quelque vague pensée qu’il nous rattache à l’éternité ; ou bien encore, on emploie ce mot « éternel » comme une épithète qui sonne bien à l’oreille, sans présenter rien de précis. Quoiqu’il en soit, caractériser ainsi « l’évangile de Dieu » est certainement une méprise, si l’on s’en tient à l’Écriture.

L’expression « évangile éternel » signifie ce que les mots disent : c’est-à-dire ces bonnes nouvelles qui ont toujours été vraies et le seront toujours ; c’est ce qui demeure immuable, quelles que soient les autres choses que Dieu fasse connaître à l’homme. Qu’est-ce donc que l’évangile éternel ? Les bonnes nouvelles de Dieu qui ont existé de tout temps, c’est le dessein qu’il a formé de bénir l’homme par la semence promise de la femme, Jésus Christ, et de l’établir sur le reste de la création pour avoir la domination comme étant l’image et la gloire de Dieu. Dès le commencement, dans le premier chapitre de la Genèse, nous avons la preuve que telle est la pensée de Dieu pour l’homme ici-bas. La fin de toutes choses proclamera la même vérité ; le millénium sera un grand témoignage qui le démontrera, et sous les nouveaux cieux et sur la nouvelle terre, l’homme sera béni parfaitement et pour toujours.

La proclamation de cette vérité est ce que je crois être l’évangile éternel. Dans les derniers jours, son action aura pour objet de renverser le mensonge de Satan, dont le but est d’éloigner l’homme de Dieu et de le garder dans cet éloignement, de sorte que Dieu est moralement forcé de juger l’homme au lieu de le bénir avec toute la terre, et finalement de le précipiter dans l’enfer. Tel est l’effet des ruses de Satan ; tandis que l’évangile éternel présente Dieu comme voulant bénir l’homme et la création, ainsi que cela a toujours été son dessein, et ainsi qu’il l’accomplira certainement. Il est évident que ce ne sera pas pour chaque homme individuellement : ceux qui méprisent sa miséricorde en Christ, et particulièrement ceux qui, l’ayant entendu, méprisent l’évangile de sa grâce, ceux-là périront pour toujours. Je parle en ce moment de ce qui a toujours été dans la pensée de Dieu et de ce qu’il a constamment présenté à l’homme dans sa Parole.

La proclamation même de l’ange confirme ce que j’ai avancé : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire » ; cela est évidemment dirigé contre l’idolâtrie ; « car l’heure de son jugement est venue ». Alors aura lieu la chute de tous ceux qui résistent à Dieu, non seulement de toutes les vanités des nations, mais de tous ceux qui s’y attachent et qui les soutiennent en opposition à Dieu. « Rendez hommage, dit l’ange, à celui qui a fait les cieux et la terre et la mer et les fontaines des eaux ». On voit par là clairement que c’est le message universel que Dieu adresse à l’homme, et qui se rattache à sa gloire comme Créateur. La menace solennelle d’un prompt jugement est le puissant motif destiné à imprimer, sur les consciences aveuglées des hommes, le droit d’être honoré qui n’appartient qu’à Lui seul.

Plusieurs, sans doute, trouveront étrange que Dieu envoie un message tel que celui-ci à une époque qui assurément est très rapprochée de la nôtre. La difficulté vient de ce que l’on a l’habitude de conjecturer et de juger d’après la position et la relation dans lesquelles on se trouve ; or rien n’empêche davantage d’arriver à une vraie intelligence des choses. Cette remarque s’applique à toutes les parties de la Bible et à la prophétie plus peut-être qu’à aucune autre. Qu’il s’agisse pour nous de conduite ou de devoir, il est indispensable que nous restions dans la relation qui nous est propre, et à la place que Dieu nous a assignée, en nous soumettant à ce qui, dans sa Parole, s’applique à cette relation et à cette position. Comment pouvons-nous agir d’une manière juste et intelligente comme chrétiens, à moins que nous ne sachions ce que c’est qu’être chrétiens, et que nous ne le soyons en effet ? Nous ne glorifions notre Dieu et Père que juste dans la mesure où, comme enfants, nous regardons à lui comme à notre Père, et où, comme saints, nous le confessons comme étant notre Dieu. Voilà ce qui assurément est vrai. Mais à l’époque où la prophétie nous a conduits, il n’est pas dit qu’il y ait des chrétiens sur la terre ; nous y trouvons des Juifs élus, la masse des nations, tribus, langues et peuples, et « ceux qui habitent sur la terre » ; cette dernière désignation s’appliquant évidemment à des apostats. Il semble donc qu’à ce moment Dieu descende, pour rencontrer les hommes, jusqu’aux tout premiers éléments de la vérité. Ils sont invités à craindre Dieu et à lui donner gloire ; c’est sur ce terrain qu’il se place comme Juge, prêt à agir à l’égard de ce monde qui lui appartient, et qu’il appelle à abandonner l’idolâtrie qui régnera particulièrement dans ces jours.

Cette assertion peut paraître hasardée ; mais pour ma part je n’ai pas le moindre doute quant au fait que, dans le moment présent, il existe un levain dont l’action tend à entraîner dans l’idolâtrie tant les classes élevées de la société, que les classes inférieures. Que voyons-nous dans ces dernières ? Un grossier attachement aux objets sensibles et à la pompe extérieure qui les prépare à l’idolâtrie ; tandis que, dans les classes cultivées, se glisse et pénètre avec activité un esprit, sans doute plus subtil et raffiné, qui, à mon jugement, les conduira avant peu à une déification et à l’adoration des forces de la nature. N’apercevons-nous pas, d’un côté, les tendances matérialistes de la science et de la littérature modernes, et, d’un autre, le retour aux formes les plus grossièrement superstitieuses de temps qui ne sont plus ? Tout ce qui fermente actuellement avec énergie dans le monde, l’entraîne sur ces pentes dangereuses, et tend à ramener l’homme au paganisme, c’est-à-dire à le faire tomber dans l’apostasie.

Quel que soit le jugement porté là-dessus, n’oublions pas qu’il y aura, à cet aveuglement, une autre cause de la nature la plus solennelle, et qui nous est clairement révélée : Dieu, agissant judiciairement, va envoyer sur la chrétienté une énergie d’erreur. Non seulement il frappera les terribles coups de ses jugements, mais il abandonnera les hommes à croire un mensonge, — le grand mensonge du diable. En présence de cet état de choses, l’ange proclame la grande vérité qui est de tous les temps ; c’est que Dieu, le Dieu qui s’est maintenant révélé en Christ et par la rédemption, est le seul auquel est due l’adoration. Bien loin donc que ce message doive paraître étrange, il est, à mon sens, tout à fait adapté à la position que l’homme aura alors, et fait en même temps ressortir la sagesse et la bonté de Dieu.

Une autre considération fondée sur Matthieu 25, que se lie au sujet qui nous occupe et le confirme, aidera peut-être à bien saisir la portée du passage que nous avons sous les yeux. Dans ce chapitre nous voyons les nations appelées devant le Fils de l’homme assis comme roi sur son trône. On se rappelle qu’il dit à ceux qui sont désignés comme ses brebis, que le bien fait par eux à ses frères, a été fait en réalité à lui-même ; et, d’un autre côté, que le mépris déversé sur les siens, tombait aussi sur lui. Ainsi ces actes de bonté et de miséricorde, de même que l’indifférence et la dureté de coeur, seront reconnus par le Seigneur ici-bas. Que l’on ne se figure pas que ce soit le jugement dernier, ni le jugement de nos oeuvres : ce serait une erreur. L’unique principe placé devant nous dans cette portion des Écritures est la manière dont le Seigneur agira envers les gentils ou les nations qui vivront sur la terre quand il viendra, les traitant selon ce qu’ils auront fait à ses frères. Il faudra une vraie puissance de Dieu pour agir bien dans ces temps, où la persécution dirigée contre les messagers de Dieu sera si terrible. Si quelqu’un les accueille, ce ne pourra être que par la foi ; une foi dont la mesure est faible, je l’accorde, puisqu’ils ne savent même pas que, recevoir les frères du Seigneur, c’est l’honorer lui-même. Quel étonnement est le leur, quand se trouvant en présence du Roi, ils apprennent qu’il regarde comme fait à lui-même, ce qui aura été fait aux messagers de son évangile dans les derniers jours.

Certainement c’est la grâce divine qui agira en ces gentils, bien qu’évidemment ils ne puissent être rangés parmi ceux que nous nommerions « intelligents ». Mais combien nous devons prendre garde à ne pas faire trop de cas de l’intelligence seule. Nous sommes en danger constant de nous laisser aller, sans nous en douter, à critiquer les autres, et forts enclins à donner une importance exagérée à nos connaissances, tandis que Dieu, j’en suis persuadé, attache toujours une bien plus haute valeur à l’honneur rendu au Seigneur Jésus lui-même, ou à ceux qu’il envoie. C’est la pierre de touche infaillible. Il en sera ainsi surtout à cette époque, où les nations de la terre s’élèveront dans leur orgueil et la satisfaction d’elles-mêmes, et où des messagers, pauvres et méprisables à leurs yeux, viendront proclamer le royaume prêt à apparaître, et annoncer l’arrivée du roi pour juger les vivants à part, avant que n’ait lieu le jugement des morts. Au milieu de l’incrédulité et de l’impiété générales, il y aura çà et là quelques âmes qui recevront les messagers du roi ; ce ne sera pas seulement par bonté naturelle, mais parce qu’elles auront cru le message. La puissance du Saint Esprit produira en elles cette foi ; Dieu seul aura pu ainsi incliner leur coeur. En conséquence le Seigneur regardera cette réception, ou la bonté et la tendresse qui l’accompagneront, comme une marque évidente de leur attachement à lui-même dans la personne de ses messagers.

Je considère donc ce que Matthieu nomme « l’évangile du royaume », comme semblable et identique en substance à « l’évangile éternel », parce qu’il a toujours été dans les desseins de Dieu d’établir son royaume sur le monde, et de bénir l’homme lui-même ici-bas. C’est ce que Matthieu, en harmonie avec le but qu’il se propose, nomme « l’évangile du royaume », dont Christ va être le roi. Jean lui donne le nom « d’évangile éternel », en contraste avec d’autres messages spéciaux envoyés de temps à autre, aussi bien qu’avec toutes les voies de Dieu envers l’homme ici-bas. En ce temps donc de corruption extrême le message sera proclamé et plusieurs âmes, par la grâce de Dieu, le recevront.

La troisième section du chapitre, sur laquelle nous ne nous arrêterons pas, est un avertissement touchant la chute de Babylone. Un autre ange suivit, disant : « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, qui, du vin de la fureur de sa fornication, a fait boire toutes les nations ».

En quatrième lieu nous avons un avertissement concernant la bête. « Et un autre, un troisième ange, suivit ceux-là, disant à haute voix : Si quelqu’un rend hommage à la bête et à son image, et qu’il reçoive une marque sur son front ou sur sa main, lui aussi boira du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère ; et il sera tourmenté dans le feu et le soufre devant les saints anges et devant l’Agneau. Et la fumée de leur tourment monte aux siècles des siècles ; et ils n’ont aucun repos, ni jour, ni nuit, ceux qui rendent hommage à la bête et à son image, et si quelqu’un prend la marque de son nom ». Jusqu’ici ces voies divines vont deux par deux : l’oeuvre parmi les Juifs et le témoignage final aux gentils ; puis les deux avertissements touchant Babylone et touchant la bête. « Ici est la patience des saints ; ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus ».

La cinquième section diffère des précédentes. C’est une déclaration venant du ciel et annonçant que « bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur, dorénavant ». Après ce temps, aucun de ceux qui appartiennent au Seigneur ne mourra, et ceux qui, durant cette époque, mourront au Seigneur (en fait tous ceux qui sont morts ainsi), sont bienheureux, parce que le moment de la bénédiction est venu, non pas une exemption personnelle en leur faveur, mais par la première résurrection et le règne avec le Seigneur auxquels ils auront part. Alors prendra fin toute persécution des saints ; alors on ne sera plus mis à mort pour son nom. Les méchants recevront les gages du péché ; ils seront détruits par les jugements de Dieu, mais après ce temps il n’y aura plus de saints qui meurent dans le Seigneur ; comme classe, ceux-ci doivent être bénis dorénavant, et non pas mourir. « Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs oeuvres les suivent ». Il y a une fin à tant de souffrances et de douleurs, car le Seigneur lui-même va prendre en main le monde et tout ce qu’il renferme.

Les deux scènes suivantes nous le montrent. D’abord nous lisons : « Et je vis : et voici une nuée blanche, et sur la nuée quelqu’un assis, semblable au Fils de l’homme, ayant sur sa tête une couronne d’or et dans sa main une faucille tranchante. Et un autre ange sortit du temple, criant à haute voix à celui qui était assis sur la nuée : Lance ta faucille et moissonne ; car l’heure de moissonner est venue, parce que la moisson de la terre est desséchée. Et celui qui était assis sur la nuée mit sa faucille sur la terre, et la terre fut moissonnée ». Il n’est pas question ici de recueillir dans le grenier. Le Fils de l’homme est vu portant la couronne d’or, comme roi de justice et non encore comme roi de paix.

Puis vient la scène finale : « Et un autre ange sortit du temple qui est dans le ciel, ayant lui aussi une faucille tranchante. Et un autre ange, ayant pouvoir sur le feu, sortit de l’autel et, en jetant un grand cri, il cria à celui qui avait la faucille tranchante, disant : Lance ta faucille tranchante et vendange les grappes de la vigne de la terre, car ses raisins ont mûri ». Ceci va plus loin que la scène précédente. Pour la moisson, le cri sort du temple ; ici, c’est du temple qui est dans le ciel. Ce n’est pas seulement la colère s’exerçant sur la terre, mais la colère venant du ciel. Et un autre ange sortit de l’autel, c’est-à-dire de la place de responsabilité humaine, où Dieu se manifeste lui-même aux pécheurs dans le sacrifice de Christ ; jugeant les péchés, mais en grâce. D’autant plus terrible est sa vengeance contre ces professants de religion attachés à la terre, qui méprisent Christ et la croix, en fait, sinon en paroles. Cet ange a autorité sur le feu, symbole d’un jugement qui scrute, dévoile et consume. En résumé, nous avons dans ces deux scènes la moisson et la vendange, les deux grandes formes du jugement à la fin : la moisson étant le jugement dans lequel le juste est séparé du méchant ; la vendange exprimant que la colère tombe sans mélange sur une religion apostate, « la vigne de la terre », objet d’une horreur toute spéciale aux yeux de Dieu.

Il est donc clair que, dans ce chapitre, nous avons sept actes distincts par lesquels Dieu intervient pour former un témoignage ; pour avertir le monde et consoler son peuple ; et finalement pour juger les résultats, pour autant qu’il s’agit des vivants.

3.4 - Chapitre 15

Dans les chap. 15 et 16 sont décrites des scènes d’une nature toute particulière, sur lesquelles quelques mots suffiront. « Je vis dans le ciel un autre signe » ; cela se lie clairement avec ce qui est dit au chap. 12. « Je vis dans le ciel un autre signe, grand et merveilleux : sept anges, ayant sept plaies, les dernières ; car en elles le courroux de Dieu est consommé ». Pour bien saisir l’ordre de cette portion du livre, il est important de remarquer que la venue de Christ n’a pas encore eu lieu. Les événements figurés par les sept coupes ne suivent pas chronologiquement ce qui est rapporté à la fin du chap. 14, c’est-à-dire la venue du Fils de l’homme pour la moisson et la vendange de la terre. La vision revient en arrière, je ne dis pas jusqu’au commencement, mais avant la fin du chap. 14. En effet, la dernière des sept coupes renferme la chute de Babylone, acte de jugement qui correspond à la troisième des voies de Dieu qui nous sont présentées dans ce chapitre. La dernière coupe nous ramène donc au même point. Elle est la dernière expression de la colère de Dieu avant que le Seigneur Jésus vienne, et doit par conséquent être placée avant la fin du chap. 14, dont la quatrième section probablement, et certainement les trois dernières sont subséquentes à toutes les coupes. Nous avons ainsi une juste idée de la place que doivent occuper dans l’ordre chronologique les diverses parties du livre.

Entrons maintenant quelque peu dans l’examen de ces chapitres. « Je vis comme une mer de verre ». Ceci rappelle ce que nous avons vu au chap. 4, mais en diffère par tout ce qui l’entoure et l’accompagne. Là les anciens étaient assis sur des trônes, et la mer de verre, placée devant eux, rendait le silencieux mais puissant témoignage que ces saints en avaient fini avec les nécessités et les dangers de la terre, et n’avaient plus besoin du lavage d’eau par la Parole. Tout cela est clair et intelligible. Quand les saints glorifiés ont été ravis dans le ciel, de quel usage serait pour eux ce que représente la cuve et l’eau qu’elle renfermait ? Il sont hors de la scène où leurs souillures journalières devaient être lavées : la pureté est maintenant parfaite et invariable, et c’est ce qu’atteste la mer de verre, semblable à du cristal.

Mais ici ce n’est pas simplement une mer de verre ; elle est « mêlée de feu ». Que nous enseigne ce symbole ? À mon sens, il signifie que les saints que nous trouvons là, et qui ont été en collision avec la bête et le faux prophète, ont passé par un temps de persécutions terribles, ce qui n’est pas le cas pour les anciens. La mer de verre du chap. 4, en rapport avec les anciens, et celle mêlée de feu sur laquelle sont les vainqueurs de la bête, présentent une différence très significative. Si l’on demande : « Les saints doivent-ils passer à travers le temps de la tribulation ? » je dirai d’abord : De quels saints parlez-vous ? Si l’on entend par là ceux que représentent les anciens et qui sont enlevés à le venue de Christ, la réponse est négative ; l’Écriture est formelle à cet égard. Mais que certains saints doivent traverser ces temps effrayants, voilà qui est hors de doute. Tout devient clair si l’on fait cette distinction ; en la négligeant on se plonge dans l’obscurité.

« Et je vis comme une mer de verre, mêlée de feu, et ceux qui avaient remporté la victoire sur la bête, et sur son image, et sur le nombre de son nom, se tenant debout sur la mer de verre, ayant des harpes de Dieu ». Il n’est jamais parlé de victoire sur la bête quand il s’agit des anciens, et ici ils ne paraissent pas. C’est la scène finale d’une épreuve terrible. Les victoires ici sont limitées au temps où s’achève l’exécution des derniers plans de Satan. Les saints que nous voyons dans ce chapitre sont probablement délivrés avant la chute de la bête. En tout cas, il ne semble pas d’une grande importance d’en connaître l’instant précis ; le fait incontestable est que ces vainqueurs appartiennent exclusivement à l’époque où le diable fait ses derniers efforts par le moyen de la bête et du faux prophète. Nous avons vu précédemment ceux qui, parmi les saints apocalyptiques, ont souffert les premiers ; ceux-ci en forment la dernière catégorie : ils ont pu tomber sous les coups de l’empire romain, mais, en réalité, ils ont remporté la victoire sur lui, et ils sont là sur la mer de verre avec des harpes de Dieu. Leur chant de louanges au Seigneur convient admirablement après cette mer de tribulations à travers lesquelles ils ont passé pour arriver en sa présence.

« Et ils chantent le cantique de Moïse, esclave de Dieu, et le cantique de l’Agneau ». Il est évident par là que ce ne sont pas des chrétiens au sens strict du mot. Ce sont des saints assurément, et dans le sens le plus réel ; mais ils ne sont pas avec Dieu dans les relations qui existent maintenant, et ne possèdent pas ce lien formé par l’habitation du Saint Esprit en ceux qui actuellement sont associés à Christ ; position si exclusive, que ceux qui ont été sous Moïse, n’y sont plus, et ne reconnaissent que Christ pour chef et Seigneur. Au contraire, les âmes dont il est question ici, quoique servant Dieu et l’Agneau, retiennent encore ce qui les rattache aux choses juives. C’est pourquoi nous les entendons dire : « Grandes et merveilleuses sont tes oeuvres, Seigneur, Dieu, Tout-puissant ! Justes et véritables sont tes voies, ô Roi des nations ! »

Ce n’est pas « roi des saints », comme on le lit quelquefois. C’est là une des pires altérations du livre de l’Apocalypse et qui est contraire aux meilleurs témoignages. Nulle part cette expression ne se trouve dans l’Écriture, et je n’hésite pas à dire qu’elle comporte une idée hétérodoxe. Elle n’est propre qu’à détruire pratiquement la vraie relation des saints avec le Seigneur ; elle ne peut avoir un sens juste. Sans doute que Jésus est, pour les saints, Maître et Seigneur, mais l’expression Roi implique une relation avec une nation vivant sur la terre, et ce n’est pas du tout une relation qui convienne à la nouvelle création. De plus, ceux qui chantent le cantique, s’ils ont passé par le martyre, appartiennent au ciel, où certes une telle relation serait étrange. Dans leurs paroles, il est fait allusion à Jérémie 10:7, où l’on trouve Roi des nations, avec d’autres expressions citées ici. Si ces saints ne sont pas exclusivement des gentils, au moins, parmi eux, il s’en trouve et il ne faut pas l’oublier en lisant ce passage. Le vrai titre donné au Seigneur est donc Roi des nations ou des gentils ; il est, sans doute, le roi des Juifs, mais ceux-là en particulier qui étaient des gentils devaient se réjouir et se réjouissaient de pouvoir le louer comme roi des nations (*).

(*) Ce titre est aussi en harmonie parfaite avec la fin du vers. 4, comme aussi avec les Psaumes 2:8; 72:11. Le moment est venu où Christ va apparaître comme Roi des rois et ranger tout sous sa domination.

« Qui ne te craindrait, Seigneur, et qui ne glorifierait ton nom ? Car seul tu es saint ; car toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi ; parce que tes faits justes ont été manifestés ». Ici encore ce n’est pas Israël, mais toutes les nations qui viendront. Dans leurs louanges, les saints anticipent le triomphe réservé à Dieu au jour glorieux de la venue de Christ.

« Et après ces choses je vis : et le temple du tabernacle du témoignage dans le ciel fut ouvert. Et les sept anges qui avaient les sept plaies sortirent du temple, vêtus d’un lin pur et éclatant, et ceints sur leurs poitrines de ceintures d’or. Et l’un des quatre animaux donna aux sept anges sept coupes d’or, pleines du courroux de Dieu qui vit aux siècles des siècles. Et le temple fut rempli de la fumée qui procédait de la gloire de Dieu et de sa puissance ; et personne ne pouvait entrer dans le temple, jusqu’à ce que les sept plaies des sept anges fussent consommées ».

Ce n’est plus l’arche de l’alliance de Dieu qui apparaît dans le temple ouvert, comme nous l’avons vu au chapitre 11:19; aussi ne s’agit-il pas des conseils de Dieu touchant Israël ; ce qui caractérise ici le temple, c’est le tabernacle du témoignage et les jugements de Dieu qui vont fondre sur la gentilité apostate.

3.5 - Chapitre 16

Le chap. 16 présente les effets des sept coupes versées sur la terre. Ce n’est plus la « troisième » partie qui est frappée, comme sous les trompettes, avec lesquelles cependant il y a une analogie intime ; l’action des jugements n’est plus restreinte à l’empire romain d’Occident. Toute la sphère du monde apostat en subit les effets, avec plus d’intensité que sous les trompettes. La terre, la mer, les rivières et les fontaines des eaux, puis le soleil, sont successivement les objets des jugements divins quand les quatre premières coupes sont versées. Les différentes parties ou domaines de la nature sont visités par la colère de Dieu, quels que soient d’ailleurs les objets qu’ils symbolisent, et la signification ne m’en semble ni indéterminée ni obscure.

Les trois dernières coupes, de même que les trois trompettes de malheur, ont une portée plus intime relativement à l’homme.

« Et le cinquième versa sa coupe sur le trône de la bête ». Nous avons donc évidemment devant nous une sphère gentile, ce qui s’accorde tout à fait avec la scène qui ouvre le chap. 15 et qui est comme une introduction à ce que nous voyons ici. « Le cinquième versa sa coupe sur le trône de la bête ; et son royaume devint ténébreux ; et de douleur, ils se mordaient la langue : et ils blasphémèrent le Dieu du ciel, à cause de leurs douleurs et de leurs ulcères, et ne se repentirent pas de leurs oeuvres. Et le sixième versa sa coupe sur le grand fleuve Euphrate ; et son eau tarit, afin que la voie des rois qui viennent de l’Orient fût préparée ». L’Euphrate était la frontière orientale de l’empire. Elle le séparait des hordes nombreuses des nations non civilisées du nord-est, destinées à entrer en conflit, aux derniers jours, avec les puissances de l’Occident. La voie leur est ouverte pour avancer et prendre part à la lutte finale. Telle semble être la signification du dessèchement du grand fleuve.

« Et je vis sortir de la bouche du dragon, et de la bouche de la bête, et de la bouche du faux prophète, trois esprits immondes, comme des grenouilles ; car ce sont des esprit de démons faisant des miracles, qui s’en vont vers les rois de la terre habitée tout entière, pour les assembler pour le combat de ce grand jour de Dieu le Tout-puissant ». Ceci confirme ce à quoi je viens de faire allusion. Un soulèvement universel a lieu et une lutte à mort est sur le point de s’engager entre l’Orient et l’Occident. Mais le Seigneur a des desseins ignorés de l’une et de l’autre partie et dont elles ne tiennent nul compte ; il ne reste pas spectateur indifférent. « Voici, je viens comme un voleur. Bienheureux celui qui veille et qui garde ses vêtements, afin qu’il ne marche pas nu et qu’on ne voie pas sa honte. Et ils les assemblèrent au lieu appelé en hébreu : Armagédon ».

Enfin vient le septième ange, qui, en versant sa coupe dans l’air, exerce sur le monde une action encore plus prononcée et plus universelle.

« Et le septième ange versa sa coupe dans l’air ; et il sortit du temple du ciel une grande voix procédant du trône, disant : C’est fait ! Et il y eut des éclairs, et des voix, et des tonnerres ; et il y eut un grand tremblement de terre, » — non seulement grand, mais sans exemple, — « un tremblement de terre tel, si grand, qu’il n’y en a jamais eu de semblable depuis sur les hommes sont sur la terre ». Ainsi il est clair que le jugement du ciel devient encore plus inexorable dans les coups dont il frappe l’homme ici-bas.

« Et la grande ville fut divisée en trois parties ; et les villes des nations tombèrent ; et la grande Babylone vint en mémoire devant Dieu ». Ceci explique l’avertissement relatif à la chute de Babylone, mentionné dans la série complète des voies de Dieu au chap. 14, et quant au temps, c’est jusque-là que nous conduit le chap. 16.

4 - CHAPITRES 17 à 22

4.1 - Chapitre 17

Il est nécessaire de remarquer que le chapitre 17 ne continue pas la prophétie dans l’ordre chronologique. La septième coupe, que nous avons vue en dernier lieu, comprend la chute de Babylone qui « vint en mémoire devant Dieu, pour lui donner la coupe du vin de la fureur de sa colère ».

Le chapitre 17 est une description qui explique ce qui rendait Babylone si odieuse à Dieu, et pourquoi il la juge avec tant de sévérité. Mais, en donnant cette description, le Saint Esprit entre surtout dans le récit détaillé des relations de Babylone avec la bête, le pouvoir impérial dont il a été question auparavant. Ce sont donc là les deux principaux objets de jugement, placés devant nous dans ce chapitre et dont nous allons nous occuper, quoique, à la vérité, le jugement de la bête soit seulement mentionné comme ayant lieu par la puissance de l’Agneau, et que les détails soient réservés à une autre partie de la prophétie.

Le principe qui nous est présenté ici est très clair. Si nous envisageons le péché au point de vue le plus général, nous verrons qu’il a toujours revêtu l’une ou l’autre de ces deux formes, la corruption ou la violence. La première est représentée par la femme ; c’est la nature humaine s’abandonnant à ses mauvais désirs, sans égard pour la volonté de Dieu ; la seconde, figurée par la bête, est l’expression de la volonté de l’homme se posant en antagonisme direct avec Dieu. Mais l’Écriture entre, sur ce sujet, et avec une grande précision, dans beaucoup de détails. J’ai voulu simplement rappeler quel a été dès le commencement le principe du péché.

On remarquera que, dans ce cas, c’est l’un des anges qui avait les sept coupes qui s’avance et dit à Jean : « Viens ici ; je te montrerai la sentence de la grande prostituée qui est assise sur plusieurs eaux ». Puis il signale deux effets particuliers de sa méchanceté : l’un, ses relations illicites avec les rois de la terre ; l’autre, le fait que « ceux qui habitent sur la terre ont été enivrés du vin de sa fornication ».

« Et il m’emporta en esprit dans un désert », un lieu complètement inculte quant à la connaissance et à la jouissance de Dieu. La femme était là, assise sur une bête de couleur écarlate, c’est-à-dire, comme cela est bien connu, le pouvoir impérial de Rome. La bête est « pleine de noms de blasphème », elle manifeste sa méchante et perverse opposition à Dieu ; de plus elle porte les symboles que nous avons déjà vus, « sept têtes et dix cornes », l’Esprit de Dieu la contemplant sous sa forme finale et l’état le plus complet auquel il lui soit donné d’atteindre. « La femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or et de pierres précieuses et de perles ». Elle a tout ce qui est attrayant pour l’homme naturel, et tout ce qui lui semble beau du côté religieux ; mis en sa main elle tient une coupe d’or pleine d’abominations, et les impuretés de sa fornication. Elle porte l’empreinte terrible de l’idolâtrie ; on le voit, soit dans ce qu’elle présente aux hommes, soit dans ce qui est écrit sur son front devant Dieu. « Et il y avait sur son front un nom écrit : Mystère, Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre ».

La vraie signification et la pleine portée de ce chapitre ont été méconnues dès les premiers temps. On s’est quelquefois efforcé de l’appliquer à Rome païenne ; d’autres ont voulu y voir Jérusalem après qu’elle se fut corrompue. Mais la considération importante de la relation de la femme avec la bête, et, plus particulièrement, ce que nous verrons tout à l’heure, renverse bientôt l’une et l’autre de ces vues. Si l’application à Rome païenne est difficile et sans but suffisant, de toutes les explications la plus absurde est assurément celle qui prétend que la femme représente Jérusalem. En effet, bien loin d’être portée par le pouvoir impérial, c’est par lui que Jérusalem a été foulée aux pieds. S’il y a eu, depuis les jours de Jean , un pouvoir qui, bien loin de soutenir Jérusalem, l’ait persécutée et opprimée, c’est celui de Rome ; comment donc la ville des Juifs aurait-elle pu être la prostituée effrontée montée sur ce vaste empire ?

En même temps la tentative de faire de l’ancienne Rome le Babylone mystique est presque aussi malheureuse, et cela pour une raison très claire. Aussi longtemps que Rome fut païenne, il n’exista rien qui pût rendre complètement raison des sept têtes de la bête, rien non plus qui ressemblât même à une seule des dix cornes. Nombre d’années s’étaient écoulées depuis que le paganisme avait cessé d’être la religion officielle de Rome, quand la chute de l’empire amena sa division en dix royaumes, formés providentiellement en Europe, ainsi que personne ne peut le nier, après que l’unité romaine eut été détruite par suite de l’invasion des Barbares. Avec cet amour de la liberté qu’ils apportaient des forêts de la Germanie, ceux-ci n’auraient pas supporté que le sceptre de fer de l’unité de l’ancien empire subsistât encore ; chacun des peuples qui avaient envahi les provinces romaines, établit son propre royaume indépendant dans l’un des fragments de l’empire démembré. En présence des faits de l’histoire, il est donc tout à fait futile de vouloir appliquer ce chapitre à la période païenne de Rome. Nous verrons combien de lumières l’Écriture donne pour décider la vraie portée de la prophétie, et montrer que nulle application au passé n’y répond de manière satisfaisante. Les temps anciens manquent complètement à remplir les exigences du chapitre, et il est évident que ceux du moyen âge ont passé sans l’accomplir dans son ensemble. Il faut, pour une pleine réalisation, regarder à un jour encore à venir.

Cela s’accorde parfaitement avec le caractère général du livre ; toutefois je reconnais que certains éléments qui figurent dans l’Apocalypse, existaient alors et existent encore maintenant. Personne ne niera que Babylone eût déjà en quelque sorte pris place, mais c’est autre chose de prétendre que son caractère spécial, et, par-dessus tout, son caractère dans son plein développement, fût manifesté tel qu’il est décrit ici. Nous pouvons dire avec certitude que sa coupe n’était pas encore remplie, et que, devant les hommes, n’était pas encore clairement apparu ce que Dieu prévoyait comme devant finalement attirer son jugement. De plus, il me semble certain jusqu’à l’évidence que la relation de Babylone avec la bête, telle qu’elle nous est présentée ici, ne peut se rapporter qu’à une époque future. Ainsi il n’est pas question de savoir si quelques-uns des acteurs dans les scènes finales du grand drame, tels que la cité-reine et l’empire romain, se trouvaient déjà là ; cela est évident. Les éléments moraux qui caractériseront la dernière époque ne manquaient pas non plus ; le mystère d’iniquité opérait depuis longtemps, bien que l’ennemi n’eût pas encore amené l’apostasie, et encore moins la manifestation de l’Inique. Mais quoiqu’il pût subsister alors, on ne peut trouver dans le passé rien qui réalise l’ensemble de ce que l’Esprit nous présente dans ce chapitre, et nous devons nécessairement attendre, pour un plus complet développement, le moment où, avant que l’Agneau juge la bête, celle-ci, avec les dix cornes, détruira Babylone.

Il y a une autre remarque à faire. On comprend difficilement comment la cité romaine, ou quoi que ce soit de civil qui s’y rattache, peut être appelée « mystère ». C’est en partie à cause de cela que beaucoup d’hommes excellents ont essayé d’appliquer cette vision au Romanisme, et j’admets que l’on peut y trouver quelque analogie. Ce système religieux a une relation incomparablement plus étroite avec cette mystérieuse prostituée, qu’aucune des choses dont nous avons encore parlé. Rome, sous une forme quelconque, est certainement la femme décrite dans ce chapitre ; les sept têtes ou collines désignent clairement cette ville, la seule dont on ait pu dire qu’elle « a la royauté sur les rois de la terre ».

L’explication protestante de ce chapitre est donc, quand on les compare, de beaucoup supérieure à la théorie qui veut y voir Rome païenne. On la trouvera cependant imparfaite pour des raisons qui, je l’espère, paraîtront claires à tout esprit non prévenu.

La solennelle flétrissure est imprimée, non sur la bête qui blasphème, mais sur le front de celle qui la monte : « Mystère, Babylone la grande ». Pourquoi la femme est-elle ainsi désignée ? Si elle représente seulement une cité impériale, qu’y a-t-il en cela de commun avec un mystère ? Le simple fait de conquérir au près ou au loin, et d’exercer un grand pouvoir politique sur la terre, ne constitue aucun titre à ce nom. Un mystère a nécessairement trait à quelque chose qui ne peut être découvert par l’esprit naturel de l’homme ; c’est un secret qui, pour être révélé, demande une lumière de Dieu distincte et nouvelle ; mais qui, une fois révélé de cette manière, est suffisamment clair. Il en est ainsi de cette Babylone qui vient ici devant nous. C’est à bon droit qu’elle tire son nom de la ville qui fut dès les temps reculés la source de l’idolâtrie, en même temps que le siège d’une puissance qui ne reconnaissait pas Dieu : cette même conclusion étant, dans la vision de Jean, le signe caractéristique, la désignation de cet état de choses est prise de la cité renommée des Chaldéens, premier lieu remarquable à ce double point de vue.

Mais la tentative faite d’appliquer ce qui est dit ici à une Babylone future en Chaldée, me semble également peu fondée. Il y a un contraste marqué entre la cité décrite par Jean et l’ancienne Babylone. Cette dernière s’élevait dans la plaine de Shinhar, tandis qu’il est dit expressément de la première qu’elle a sept têtes qui, suivant la Parole, désignent sept montagnes sur lesquelles la femme est assise. J’admets que le symbole comprend quelque chose de plus que les collines de Rome prises au sens littéral, puisqu’il est dit aussi que ce sont sept rois ; mais nous n’avons pas la liberté d’éliminer de la description le premier trait ; il est écrit pour être cru, et non pour être ignoré ou mis de côté par de subtiles interprétations.

En résumé, il semble que Dieu ait tracé de sa propre main la description de Babylone, de manière à rendre tout à fait évident que Rome, cité et système, figure dans la scène. Cela renferme nécessairement aussi les temps du moyen-âge, quoique le plein résultat ne doive se montrer qu’à la fin du siècle, car la femme est montée sur la bête, ou l’empire, caractérisé de telle sorte que le symbole renferme naturellement l’invasion barbare qui a eu lieu dans le passé, et l’état résultant, celui des dix royaumes.

On ne saurait non plus mettre en doute que l’expression « mystère », rattachée à Babylone, n’indique qu’il s’agit de Rome après qu’elle a professé d’être chrétienne. Ce mystère est mis clairement en contraste avec un autre : avec le grand mystère de la piété. Ici, il y en a un tout à fait différent : « Mystère, Babylone la grande ; la mère des prostituées et des abominations de la terre ».

Là se trouvent joints le bien et le mal dans une union impie, pour accomplir ce qu’il y a de pire et non ce qui est bon. Cette alliance, profane en principe, à laquelle rien ne peut porter remède en pratique, cherche à unir Dieu et l’homme naturel, substitue les rites à la grâce et à la parole de Dieu, au sang de Christ et à la puissance du Saint Esprit, et se sert du nom du Seigneur pour couvrir les convoitises et l’ambition les plus grossières, en prétendant cependant aspirer plus haut que le monde vulgaire. Toutes ces choses ont leur place dans Babylone la grande. Mais si elle est ainsi la mère des prostituées, elle est aussi, avec une culpabilité plus profonde, la mère des abominations de la terre. Ceci nous montre en elle l’idolâtrie, une idolâtrie réelle et éhontée, et non pas seulement cette action subtile de l’esprit d’idolâtrie contre lequel chaque chrétien doit se tenir en garde. Ici il y a, à côté du Créateur, l’adoration positive de la créature, et même de la créature placée au-dessus du Créateur. Qui ne connaît, en effet, les horreurs de la Mariolâtrie ? Babylone est « la mère des abominations de la terre ». Il n’est donc pas question de ces idoles virtuelles propres à séduire les enfants de Dieu, mais de ce qui est adapté à la terre elle-même, — d’une idolâtrie palpable, et qui va se développant toujours davantage.

Telle est la description que Dieu fait de Babylone la grande. Ce qui confirme l’explication que nous venons de donner, c’est que, lorsque Jean voit la femme ivre du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus, il est saisi d’un grand étonnement. S’il se fût agi simplement d’une persécution de la part des païens, y aurait-il eu lieu de s’étonner de les voir montrer leur haine mortelle contre la vérité et ceux qui la professaient ? Que la métropole du monde païen, ouvertement vouée au culte de Mars, de Jupiter, de Vénus et des autres divinités impures et monstrueuses de la mythologie antique, s’irritât contre l’évangile qui exposait toutes ces turpitudes au grand jour, et qu’elle cherchât à nuire aux fidèles, il fallait s’y attendre ; c’était un résultat qui devait inévitablement se produire, dès que l’on aurait compris que le christianisme n’admet pas de compromis. Si ceux qui prêchaient n’eussent rien dit des vanités païennes, et se fussent bornés à présenter l’évangile comme une chose meilleure que celles dont le paganisme pouvait se vanter, nul doute que les païens eux-mêmes ne l’eussent en grande partie reconnu. On sait que, bien avant Constantin, peu après la mort du Seigneur, un des plus mauvais empereurs romains proposait au sénat que Christ fut reçu et adoré dans le Panthéon. Mais la pensée de donner à Christ l’unique place qu’il pût prendre, ne pouvait être admise. Christ demande, non seulement la place suprême, mais une place exclusive de tout autre ; c’est pourquoi rien ne pouvait et ne peut être plus répulsif pour le paganisme, rien aussi de plus fatal pour lui, sous quelque forme qu’il se présente, que la vérité révélée en Christ, qui n’admet aucune chose qui ne soit pas elle-même la vérité définie et exclusive. En conséquence le christianisme, en attaquant directement le paganisme, était, de toutes les choses, celle qui était la plus contraire à Rome païenne. On devait donc s’attendre à ce qu’elle s’élevât, comme elle l’a fait, contre Christ et les siens.

Mais le mal qui frappait d’étonnement le prophète n’était pas celui-là. C’était de voir que cette mystérieuse forme de mal, ce contre-témoignage de l’ennemi (non l’antichrist, mais l’anti-église), semblât et fût largement accepté comme la sainte église catholique de Dieu ; que la chrétienté, sinon le christianisme, fût devenu le persécuteur le plus acharné des saints de Dieu, et se montrât enflammé contre les témoins de Jésus, d’une haine plus meurtrière que ne l’eût jamais le paganisme dans aucun lieu, ni dans aucun temps. Voilà ce qui, bien naturellement, devait le remplir d’un étonnement intense.

« Et l’ange me dit : Pourquoi es-tu étonné ? Je te dirai, moi, le mystère de la femme ». Si Jean avait d’abord réellement pénétré au-dessous de la surface, s’il avait vu que sous cette belle apparence de chrétienté, la femme était de toutes les choses qui sont sous le soleil, la plus corrompue et la plus haïssable pour Dieu, il n’y aurait pas eu tellement lieu d’être surpris. C’est pourquoi l’ange lui dit : « Je te dirai, moi, le mystère de la femme et de la bête qui la porte, qui a les sept têtes et les dix cornes (*). La bête que tu as vue était, et n’est pas, et va monter de l’abîme et aller à la perdition ; et ceux qui habitent sur la terre, dont les noms ne sont pas écrits dès la fondation du monde au livre de vie, s’étonneront, en voyant la bête, — qu’elle était, et qu’elle n’est pas, et qu’elle sera présente ». Les paroles qui terminent ce passage, retenons-le bien, décrivent la bête dans son état final, lorsqu’elle entrera en collision avec Babylone. Cette remarque nous aidera à comprendre que, quelle qu’ait pu être la position passée de Babylone il y en a une encore à venir, et c’est dans cet état futur qu’elle doit périr. En effet, remarquez ceci : la bête, c’est-à-dire l’empire romain, est décrite ici comme ayant autrefois existé ; puis son existence a pris fin, mais elle doit reparaître sous une dernière forme quand elle viendra de l’abîme. Si corrompue que fût Rome païenne, il serait faux d’affirmer qu’elle fût jamais montée de l’abîme. Quand l’apôtre Paul écrit aux saints qui étaient à Rome, il les exhorte d’une manière particulière à être absolument soumis, comme chrétiens, aux puissances qui étaient alors établies. Or, pour tout chrétien de Rome, cela s’appliquait évidemment à l’empereur romain. Or nous savons ce qu’était alors l’empereur ; jamais il n’y en eut de pire, et cependant Dieu prend cette occasion même de montrer aux chrétiens leur devoir quant à l’autorité humaine établie en dehors d’eux et sur eux. « Il n’existe pas d’autorité, si ce n’est de par Dieu ; et celles qui existent, sont ordonnées de Dieu », tel est le principe que pose l’apôtre relativement aux puissances terrestres. Or cela n’est pas sortir de l’abîme.

(*) La description est ici simplement caractéristique ; il n’est pas question de dates. Si quelqu’un, par exemple, inférait de là que la bête devait porter la femme, Babylone, quand elle (la bête) avait en réalité tout ce que signifient les sept têtes et les dix cornes, ce serait une erreur. Ce que dit l’ange n’implique rien de semblable. Il s’agit ici de caractères distinctifs, en dehors de ceux de temps. Pour cette dernière question, il faut recourir à d’autres parties des Écritures.

Mais le temps vient où la puissance cessera d’être ordonnée de Dieu ; c’est à cette époque que se rapporte la dernière condition de la bête. Dieu, dans sa providence, sanctionna les grands empires d’autrefois, et ce principe continue aussi longtemps que l’Église est ici-bas. C’est pourquoi nous devons reconnaître l’origine divine des gouvernements, même quand ceux qui en tiennent les rênes, l’oublient, et maintiennent leur autorité dans le monde comme une chose qui découle du peuple indépendamment de Dieu. Mais le jour s’approche où il sera permis à Satan de conduire les choses à sa propre guise. Pour un peu de temps (et quelle miséricorde de la part de Dieu que ce temps doive être court), Satan suscitera un empire adapté à ses desseins, empire qui surgira des principes sataniques qui nient Dieu. C’est là une partie de ce que semble signifier le fait que la bête monte de l’abîme. Elle va « à la perdition », est-il ajouté comme conséquence, « et ceux qui habitent sur la terre, dont les noms ne sont pas écrits dès la fondation du monde au livre de vie, s’étonneront, en voyant la bête, — qu’elle était, et qu’elle n’est pas, et qu’elle sera présente » (*).

(*) « Qui toutefois est », traduction de Martin, « bien qu’elle soit », traduction d’Ostervald et d’autres ; toutes deux d’après le texte reçu qui est fautif, et qui introduit un paradoxe qui ne peut que troubler l’esprit. La vraie leçon ici n’est ni difficile, ni douteuse, sauf pour l’incrédulité. Tout ce que dit l’ange est clair et simple.

Voilà ce qui renversera tout à fait et les maximes des politiques et les idées ordinaires de l’homme sur l’histoire. Jamais semblable expérience ne fut faite. Quel est empire qui, après avoir existé, a disparu, pour reparaître avec des prétentions et une puissance plus grandes, et uniquement pour trouver la fin la plus terrible ? C’est une chose tout à fait étrangère à l’histoire. Un des axiomes les plus accrédités, est que les royaumes ressemblent à l’homme en ce qu’ils commencent, s’élèvent et tombent. Mais, comme l’homme a de la peine à croire à la résurrection de l’homme, il ne faut pas s’étonner s’il se refuse à croire à la résurrection d’un empire. La grande différence consiste en ce que, dans le cas de l’homme, c’est Dieu qui opère la résurrection, tandis que, lorsqu’il s’agira de l’empire, c’est la puissance du diable qui le suscitera de nouveau. Sans contredit, ce sera une réapparition de tous points extraordinaire et anormale, tout à fait exceptionnelle dans l’histoire du monde. C’est pourquoi cette résurrection de l’empire romain entraînera comme un torrent les hommes émerveillés. Ils savent peu maintenant, parce qu’ils ne croient pas ce qui est écrit ici, ce qui est sur le point de sortir de l’abîme. Satan sera la source de l’élévation et du pouvoir final de cet empire ; c’est lui, et non pas Dieu en aucune manière, qui lui donnera son caractère.

« Ici est l’entendement, qui a de la sagesse : Les sept têtes sont sept montagnes où la femme est assise ; ce sont aussi sept rois ». J’ai déjà touché la double signification du symbole « les montagnes » ; « cinq sont tombés ; l’un est ; l’autre n’est pas encore venu » ; c’est-à-dire que la sixième tête, celle qui dominait aux jours de Jean, désigne la forme impériale du gouvernement. Rien ne peut être plus clair. Nous avons ici une indication de temps d’une importance majeure. Une septième forme devait suivre, et ce qui est plus, la septième, sous un certain rapport, devait être une huitième.

« Et la bête qui était et qui n’est pas, est, elle aussi, un huitième, et elle est d’entre les sept, et elle s’en va à la perdition ». Dans un sens, elle devait être une huitième forme de gouvernement, et, dans un autre sens, d’entre les sept ; la huitième, peut-être à cause du caractère que lui imprime sa résurrection extraordinaire, mais cependant l’une des sept, parce qu’extérieurement c’est l’ancien impérialisme qui reparaît. Cela explique, me semble-t-il, la tête blessée à mort, qui fut ensuite guérie (Chap. 13:3). Elle est d’entre les sept, au point de vue de son caractère d’empire ; mais c’est une huitième, parce que, lorsqu’elle reprend vie, son origine est satanique. Rien de semblable n’aura jamais été vu auparavant.

« Et les dix cornes que tu as vues sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais reçoivent pouvoir comme rois, uns heure, avec la bête ». Ils doivent tous régner concurremment avec la bête ; c’est là un des principaux éléments nécessaires à l’intelligence de ce chapitre. Tous ceux qui connaissent l’histoire des temps passés, savent que, quand les dix rois apparurent, la bête, le pouvoir impérial, n’existait plus. Ce fut sur la ruine de l’unité romaine que s’élevèrent les dix royaumes bien connus que les barbares établirent ensuite. Je ne soulève aucune question relativement au nombre des royaumes. Nous savons que quelquefois il y en eut neuf, d’autre fois onze et plus ; mais, quoi qu’il en soit, j’affirme, d’après l’histoire, qu’ils n’ont jamais reçu le pouvoir comme rois pour un seul et même temps avec la bête, car c’est là ce que signifient ces mots : « une heure avec la bête ».

C’est le contraire même qui est irrécusable. Ils ont reçu le pouvoir comme roi quand la bête a cessé d’exister. Ainsi, lorsque nous considérons l’extinction de l’empire et l’élévation des royaumes barbares, nous voyons, si nous nous attachons à ce que Dieu nous dit, une différence complète entre l’histoire passée et l’accomplissement certain de la prophétie dans l’avenir. Il n’y a, dans les expressions, rien de difficile, ni d’ambigu ; l’homme seul est à blâmer quand il les a mal appliquées. Je reconnais cependant volontiers qu’il y a eu déjà un accomplissement partiel. On comprend bien que Dieu voulût, par le moyen de ce livre, soutenir et consoler son peuple durant une époque de ténèbres ; dans sa grâce, il a pu donner une faible lueur quant à la vraie portée de la prophétie, pour fortifier les saints dans leurs épreuves. Ils ont souffert de la part de Rome ; or il était aisé de voir que la persécutrice, révélée dans ce livre et appelée Babylone, est identifiée avec Rome, la cité reine. Jusque-là ils avaient raison. Il n’y a pas lieu de s’étonner qu’une lumière partielle leur fût d’un tel secours. Ils n’avaient aussi qu’une vue imparfaite de la justification, une perception bien moindre encore, si même on peut dire qu’il y en eût une, de Christ comme Chef ou Tête de l’Église, de sa sacrificature et de beaucoup d’autres vérités. Ils n’avaient donc aussi que très peu de lumières sur la prophétie, mais le Seigneur, par le moyen du peu qu’il possédait, les soutenait puissamment, et leur faisait beaucoup de bien.

Mais y a-t-il quelque raison qui nous oblige à nous contenter de la mesure de lumières que possédaient les saints d’autrefois ? Non certes, et tel est cependant le dur esclavage que les traditions historiques imposent à leurs sectateurs. N’acceptant guère que ce que connaissaient ceux qui vécurent avant eux, ils se réduisent ainsi eux-mêmes au minimum de la vérité. Quand la grâce de Dieu est si abondante, quand sa Parole est si riche, si complète et si profonde, il est triste de voir des enfants de Dieu satisfaits d’avoir juste de quoi sauver leurs âmes, ou de les empêcher de périr d’inanition. En présence de tout ce que sa grâce a en réserve pour eux, agir ainsi n’est ni pour sa gloire, ni pour leur propre bénédiction. En toutes choses, le seul vrai principe est d’aller à la source de la vérité divine pour y puiser le rafraîchissement, la force et les dispositions propres à accomplir ce à quoi Dieu nous appelle ; et il est hors de doute que Dieu attire d’une manière toute spéciale l’attention de son peuple sur la valeur de sa Parole et en particulier sur la portion que nous étudions maintenant.

Il est évident que le verset dont nous nous occupons, n’a trait ni au pouvoir romain dans son unité, ni à la partie orientale ou byzantine, après que l’empire eut été scindé en deux, ni à l’état de confusion où se trouva l’Occident, après la déposition d’Augustulus. En effet, pendant le moyen âge, il a pu y avoir dix royaumes (en contraste avec l’ancien état où la bête existait sans eux), mais il n’y avait pas, en même temps que les dix chefs, une bête ou système impérial. C’est ce qui a conduit à la pensée que le pape était la bête. Mais cette explication ne répond pas aux exigences de la Parole de Dieu, au contraire l’Écriture fournit des raisons claires et puissantes qui démontrent que l’on ne saurait appliquer ce symbole au pape, au moins comme en étant le complet accomplissement. Un double fait nous est présenté d’une manière distincte dans ce verset, c’est que les dix cornes reçoivent leur pouvoir royal pour la même heure ou le même temps que la bête, et non après que la puissance de celle-ci a pris fin. La bête et les dix rois exercent le pouvoir simultanément.

C’est ce qui débarrasse d’une multitude de commentaires ; car nous trouvons à la fois ce qui est parfaitement simple, et ce que tout chrétien qui croit que ce livre est la parole de Dieu, doit reconnaître. Introduire ici l’histoire, ne peut que jeter dans la confusion ; ceux qui en appellent de plus à l’évidence qu’elle apporte, semblent aussi le plus en ignorer les faits. Il suffit des connaissances les plus élémentaires ; en effet, qui parmi nous ne sait, par la Bible même, qu’à la naissance du Christ, il y avait un empire romain, gouverné par un seul empereur et qui n’était pas divisé en dix royaumes ? Un décret est rendu pour faire enregistrer tout le monde. Si les rois eussent existé et eussent eu une part à l’autorité, quoique subordonnés à la bête, ils auraient dû au moins être consultés. Mais non, c’est un décret absolu, rendu sans conteste, par le chef unique d’un empire non divisé. Ce ne fut que quelques siècles plus tard, qu’arriva, non seulement la scission en empires d’Occident et d’Orient, mais l’état de division de l’Occident, quand il n’y eut plus de chef impérial. La prophétie, au contraire, nous montre que la bête qui a repris vie et les rois séparés règnent en même temps, avant que le jugement divin les détruise à la venue de Christ et de ses saints. Par conséquent ce doit être dans une époque à venir.

Combien tout ceci s’accorde avec la pensée qui prévaut dans les temps modernes. Le constitutionalisme, comme on l’appelle, est le fruit du système teutonique, survenant sur celui de l’empire romain démembré. Ce furent les barbares qui introduisirent les idées d’indépendance aussi bien que de féodalité ; ce sont eux qui, par conséquent, ont fermement tenu pour la liberté, de sorte que tous les efforts tentés depuis lors pour reconstituer l’empire ont complètement échoué. La raison en est claire ; il y a un obstacle, « celui qui retient » (2 Thess. 2:7). La chose ne peut se faire avant que le moment arrive. Quand il sera venu, le divin obstacle sera enlevé, et le diable pourra faire tout ce qu’il veut de pire. Le côté politique de cette action est décrit ici avec une clarté et une brièveté surprenantes. Les dix cornes avec la bête doivent toutes recevoir l’autorité, — la bête exerçant la puissance impériale, et les dix cornes l’autorité comme rois ; cela a lieu durant un seul et même temps avant que la fin ne vienne. Il est donc clair que cela doit avoir lieu dans l’avenir. Il est impossible de rien voir dans le passé qui s’y applique avec quelque semblant de raison. L’Écriture et les faits sont d’accord pour réfuter toute théorie semblable.

« Ceux-ci ont une seule et même pensée, et ils donnent leur puissance et leur pouvoir à la bête ». Jusqu’à présent c’est le contraire qui a été vrai dans l’histoire. Les cornes ont constamment lutté l’une contre l’autre, et même souvent contre le pape. Depuis le monde romain, jamais le monde n’a vu un pouvoir impérial sous lequel tout se courbât. N’avons-nous pas tous entendu parler de l’équilibre européen ? C’est ce dont les nations ont été constamment occupées, de peur qu’aucune puissance ne devînt la bête. Si quelques-unes s’unissent entre elles, les autres s’empressent de venir en aide au plus faible, jalouses qu’elles sont toutes de voir l’une d’elles acquérir une autorité et une puissance trop prépondérantes, et gouverner tout le reste. Mais à l’époque que contemple ici le voyant, toutes ces subtilités de la politique auront pris fin. « Ceux-ci ont une seule et même pensée, et ils donnent leur puissance et leur pouvoir à la bête », leur chef impérial. « Ceux-ci combattront contre l’Agneau ; et l’Agneau les vaincra, car il est Seigneur des seigneurs et Roi des rois, et ceux qui sont avec lui, appelés, et élus, et fidèles ».

Mais nous n’avons pas encore vu la fin de Babylone. Le rôle qu’elle a joué pour corrompre les grands et empoisonner les petits, — son caractère d’idolâtrie, — a été placé devant nous, ainsi que sa relation avec la bête. Maintenant un conflit éclate. Il avait été permis à la femme d’être montée sur la bête, c’est-à-dire d’influencer et de gouverner l’empire ; mais, à la fin, elle devient l’objet de la haine des dix cornes et de la bête, qui la ravagent, la pillent et la détruisent. « Et il me dit : Les eaux que tu as vues, où la prostituée est assise, sont des peuples et des foules et des nations et des langues ». Ainsi son influence ne s’exerçait pas seulement sur la bête, elle s’étendait bien au-delà.

Les hordes gothiques ne furent pas incorporées à l’empire, encore moins étaient-elles les cornes de la bête ; elles ne lui donnèrent pas leur puissance, mais au contraire détruisirent la sienne. Elles brisèrent la bête, bien plus que Babylone. L’histoire des temps passés ne répond donc nullement à la prophétie.

« Et les dix cornes que tu as vues et la bête (*), — celles-ci haïront la prostituée et la rendront déserte et nue, et mangeront sa chair et la brûleront au feu ». Ainsi les cornes et la bête s’unissent dans une même haine contre la prostituée. Non seulement nous les voyons exister ensemble, mais s’unir dans leur changement de sentiment à l’égard de Babylone. Une alliance entre les méchants ne saurait durer. De plus nous voyons que ce n’est pas l’Evangile, ni la puissance du Saint Esprit, qui agissent pour détruire Babylone ; mais c’est l’inique empire latin revivifié, uni à ses royaumes vassaux de l’Occident. Une union profane doit se terminer par la haine. Ils traiteront donc Babylone avec mépris l’exposeront à la honte, s’empareront de ses biens et de ses ressources, et finalement la détruiront. Peut-il y avoir quelque chose de moins raisonnable que de penser que le pape (en admettant que la bête le représente) s’unira aux divers chefs des puissances occidentales, les rois catholiques, pour détruire sa propre ville, ou sa propre église, que l’on regarde Babylone comme l’une ou l’autre ? Quelques-uns cherchent à éluder la difficulté en disant que la désolation de Babylone est celle qu’infligèrent à Rome les hordes barbares. Ce serait donc dans le passé qu’il faudrait reporter tous ces événements. Quelle confusion ! Cela ne suffit-il pas à montrer qu’un tel système ne repose sur aucun fondement solide ?

(*) Les versions ordinaires qui suivent le texte reçu, sont fautives ici. Il faut lire « et », et non pas « sur » la bête. La différence est importante, et la variante est appuyée sur les meilleures autorités.

C’est de là que proviennent les efforts qui ont été faits pour soutenir une fausse leçon dans le texte. On a voulu maintenir une notion qui ne s’accorde pas avec la vérité et l’exactitude ; il faut lire « les dix cornes ET la bête », ce qui implique leur présence simultanée à une même époque et pour une même action avec la bête, dans le but de dépouiller puis de détruire Babylone. Dieu se sert d’eux pour mettre de côté la grande corruptrice religieuse, dont le centre de la puissance se trouve à Rome. Il est facile de comprendre que le pouvoir impérial puisse se développer sans obstacle sous sa forme finale de violence, de rébellion contre le Seigneur et d’apostasie. La religion, si corrompue soit-elle, agit comme un frein sur la volonté humaine, de même le fait un gouvernement, même s’il est mauvais. Le pire des gouvernements vaut mieux que l’anarchie. Je ne veux cependant pas dire qu’une religion corrompue vaille mieux que l’absence de religion, mais dans tous les cas, c’est quelque chose qui trouble les hommes, et c’est une épine pour ceux qui ne veulent pas de religion du tout. Telle est la cause pour laquelle les cornes et la bête s’unissent contre la prostituée et la désolent. Les caresses dont l’ont flattée les rois de la terre, la soumission de la bête à son influence, rendent d’autant plus amère leur haine, d’autant plus ardent leur rage contre celle qui, infidèle à Dieu, s’était servie du nom de Christ qu’elle avait usurpé et déshonoré, pour gagner ce qui maintenant était perdu sans retour. « Car Dieu a mis dans leurs coeurs d’exécuter sa pensée, et d’exécuter une seule et même pensée, et de donner leur royaume à la bête, jusqu’à ce que les paroles de Dieu soient accomplies ». C’est un temps de séduction puissante, ne l’oublions pas.

« Et la femme que tu as vue est la grande ville qui a la royauté sur les rois de la terre ». Rome seule répond à cette description. La « femme » est le symbole plus général, la désignant comme la grande cité impériale ; la « prostituée » la représente dans son caractère religieux, mais corrompu, comprenant la Rome papale, mais ne se terminant pas avec la papauté telle qu’elle est actuellement.

4.2 - Chapitre 18

Ce chapitre ne nous arrêtera pas longuement. Nous y trouvons, non la relation de Babylone avec la bête, mais la description de la chute de la cité, avec les chants funèbres des différentes classes d’hommes qui se lamentent parce qu’elle a disparu de la scène d’ici-bas. En même temps Dieu avertit son peuple de la ruine de Babylone et l’invite à en sortir. « Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez pas à ses péchés et que vous ne receviez pas de ses plaies : car ses péchés se sont amoncelés jusqu’au ciel, et Dieu s’est souvenu de ses iniquités ».

Nous entendons ensuite cette parole : « Donnez-lui comme elle vous a donné, et doublez-lui le double, selon ses oeuvres ; dans la coupe qu’elle a mixtionnée, versez-lui le double. Autant elle s’est glorifiée et a été dans les délices, autant donnez-lui de tourment et de deuil. Parce qu’elle a dit dans son coeur : Je suis assise en reine, et je ne suis point veuve, et je ne verrai point de deuil ». C’est-à-dire que Babylone est vue dans ce chapitre, non pas tant sous sa forme mystérieuse et religieuse, donnant cours à toute sorte de confusion entre la vérité et l’erreur, entre le bien et le mal, empoisonnant, séduisant et corrompant, comme tous peuvent le voir, par sa fatale et pernicieuse influence religieuse ; mais elle apparaît ici de la manière la plus évidente, comme aidant et poussant le monde dans tout le luxe et les délices et l’orgueil de la vie, — tout ce que les hommes nomment « civilisation ». C’est là ce qui est traité dans notre chapitre avec beaucoup de détails, en même temps que nous sont présentés les regrets et les plaintes de ceux qui pleurent sur la chute de Babylone et la perte de leurs richesses et de leurs jouissances.

Mais le récit ne se termine pas sans que l’Esprit de Dieu ne nous ait montré un tout autre aspect de Babylone. « Et un ange puissant leva une pierre, comme une grande meule, et la jeta dans la mer, disant : Ainsi sera jetée avec violence Babylone la grande ville ; et elle ne sera plus trouvée ». La raison en est donnée à la fin ; non seulement il lui est dit : « Car, par ta magie, toutes les nations ont été égarées », mais, par-dessus tout, « en elle a été trouvé le sang des prophètes, et des saints, et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre ».

Quel fait grave et solennel dans le gouvernement de Dieu ! Comment se peut-il que ce système vil, corrompu et idolâtre des derniers jours, soit coupable du sang de tous les martyrs ? C’est qu’il a suivi l’esprit et ainsi accepté l’héritage de tous ceux qui, depuis les jours de Caïn, ont levé leurs mains contre leurs frères justes. Au lieu de tirer un avertissement de la méchanceté de ceux qui l’ont précédée, qui, d’un côté, entraînaient par leurs séductions, et, de l’autre, persécutaient, Babylone, toutes les fois qu’elle l’a pu, a enchéri sur eux, jusqu’à ce qu’enfin le coup du jugement divin l’ait frappée. Telle est la règle habituelle de Dieu dans ses jugements. Il ne les fait pas tomber nécessairement sur celui qui, le premier, a introduit le mal, mais sur ceux qui ont marché dans la même voie coupable, et peut-être ont aggravé le mal, au lieu de s’en détourner. Et quand Dieu juge, ce n’est pas seulement pour le mal commis par ceux que frappe le jugement, mais pour tout, depuis l’origine jusqu’au moment du jugement. Bien loin que cette manière de procéder soit injuste, c’est, à un point de vue divin, la voie de la plus haute justice.

Prenons pour exemple les membres d’une famille. Supposons que le père se soit laissé aller à s’enivrer. S’il y a chez ses fils une étincelle de sentiments honnêtes, non seulement ils éprouveront une honte profonde et une vive douleur à cause de la faute de leur père, mais, comme ceux des fils de Noé qui sentaient ce qu’ils devaient à leur père, ils s’efforceront de jeter quelque manteau d’amour sur ce qu’ils ne peuvent nier, et dont, cependant, ils détournent la vue, mais sûrement, par-dessus tout, ils veilleront à ne pas se laisser surprendre eux-mêmes par ce honteux péché. Mais hélas ! dans la famille se trouve un fils qui, au lieu de tirer enseignement de ce qui est arrivé à son père, en prend occasion de satisfaire la même passion. Le coup tombe sur lui, et non sur le misérable père. Il est doublement coupable, parce qu’il a vu la nudité de son père, qu’il a compris qu’il devait la couvrir et ne l’a pas fait. Il aurait dû haïr le péché, tout en ayant pour son père la plus profonde compassion. Au lieu de cela, il a, au contraire, persévéré dans le même courant du mal, et fait peut-être pire que son père ; ainsi se trouve aggravée sa culpabilité.

Voilà précisément ce que nous avons ici. Babylone avait entendu les divers témoignages de Dieu ; aucune partie de la vérité ne lui avait été cachée. De même qu’autrefois la Babylone de Chaldée avait pu connaître la loi et les prophètes, la prédication de l’évangile a retenti dans celle-ci, qui doit aussi entendre le témoignage final de Dieu, l’évangile du royaume qui sera annoncé dans les derniers jours. Mais elle aime ses aises et sa puissance, et repousse la vérité. Elle en viendra à mépriser tout ce qui est réellement divin ; elle n’emploiera de la parole de Dieu que ce qu’elle pourra pervertir pour le faire servir à accroître sa propre importance, obtenir un plus grand ascendant sur les consciences, et jouir plus entièrement du luxe et des plaisirs dans ce monde ; elle fera tout pour effacer tout souvenir du ciel, et faire de ce monde une sorte de paradis qu’elle embellira, non pas une religion pure et sans tache, mais au moyen des arts humains et des idolâtries du monde.

C’est là ce qui fera éclater l’indignation et le jugement de Dieu sur la dernière phase de Babylone, de sorte que tout le sang versé sur la terre lui sera imputé et qu’elle sera jugée en conséquence. Il est évident que cela n’empêchera nullement que, dans le jugement des morts, chaque homme ne soit jugé pour son propre péché. Cette vérité demeure. Le jour du Seigneur pour le monde n’annule en rien ses voies et son action envers chaque âme individuellement. Le jugement des morts est strictement individuel, les jugements qui atteignent le monde ne le sont pas ; ils viennent sur lui comme autrefois sur Israël, c’est-à-dire qu’ils tombent sur les nations ; mais ils sont incomparablement plus sévères pour la chrétienté corrompue, ou Babylone comme elle est nommée ici, parce qu’elle a joui de privilèges beaucoup plus grands.

Selon ce principe du gouvernement de Dieu, ce n’est pas seulement la culpabilité personnelle qui vient sous le jugement, mais celle qui, par le mépris de Dieu, s’est ainsi moralement accumulée d’âge en âge, en raison même du témoignage de Dieu et de la méchanceté dans laquelle les hommes se sont complu en dépit de ce témoignage.

4.3 - Chapitre 19

« Après ces choses, j’ouïs comme une grande voix d’une foule nombreuse dans le ciel, disant : Alléluia ! Le salut et la gloire et la puissance de notre Dieu ! Car ses jugements sont véritables et justes ; car il a jugé la grande prostituée qui corrompait la terre par sa fornication, et il a vengé le sang de ses esclaves, le réclamant de sa main. Et ils dirent une seconde fois : Alléluia ! Et sa fumée monte aux siècles des siècles ».

 L’Esprit met maintenant en contraste avec la chute de Babylone, les noces de l’épouse, la femme de l’Agneau. Babylone avait représenté la fausse église, aussi longtemps qu’il avait été question d’Église ; elle devient ensuite la corruptrice finale, et alors aussi est suscité le dernier témoignage de Dieu. Sans doute il y a eu, dans les temps passés, une forme de corruption analogue, en rapport avec Israël, c’est-à-dire que naturellement la Babylone littérale a existé d’abord ; mais ici elle est symbolique. Quand Rome est mise en évidence, une mystérieuse iniquité hérite du nom bien connu de Babylone, et elle n’exerce pas son action seulement durant les temps du christianisme, mais aussi à la fin du siècle, après que l’Église n’est plus reconnue sur la terre, et quand vient la période des jugements. Rappelons bien que laisser de côté cette partie de l’existence de la Babylone mystique, empêche fatalement d’avoir une intelligence complète et exacte de l’Apocalypse.

Pour la dernière fois, les vingt-quatre anciens et les quatre animaux sont placés devant nous ; c’est-à-dire que les saints d’en haut sont encore vus comme les chefs de la sacrificature glorifiée, et aussi comme le pouvoir exécutif dans l’administration du jugement de Dieu. Mais une voix sort du trône, disant : « Louez notre Dieu, vous tous ses esclaves et vous qui le craignez, petits et grands. Et j’ouïs comme une voix d’un foule nombreuse, et comme une voix de grandes eaux, et comme une voix de forts tonnerres, disant : Alléluia ! car le Seigneur, notre Dieu, le Tout-puissant, est entré dans son règne. Réjouissons-nous et tressaillons de joie, et donnons-lui gloire ; car les noces de l’Agneau sont venues ; et sa femme s’est préparée ». Maintenant nous est présenté le symbole de l’épouse ; c’est elle qui est en vue, et les anciens ainsi que les animaux disparaissent.

Est-ce à dire que les anciens et les animaux pris ensemble doivent maintenant être considérés comme étant l’épouse ? Que les saints représentés d’abord sous la première de ces figures, le sont dès ce moment sous le nom et la figure d’épouse ? Dans mon opinion, il n’en est pas tout à fait ainsi. Les anciens sont les chefs célestes de la sacrificature, comprenant, comme je le crois, les saints de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau ; c’est-à-dire qu’ils ne représentent pas seulement l’Église, le corps de Christ. Quand l’Agneau qui a été immolé, et qui a acheté, à Dieu, par son sang, de toute tribu, langue, peuple et nation, est loué dans le ciel, les quatre animaux, jusque-là distincts, se joignent aux anciens. Les saints glorifiés doivent dès lors administrer la puissance d’une manière bien supérieure aux anges. Aussi, depuis le chapitre 5, les quatre animaux sont associés intimement aux anciens, comme nous les retrouvons à la fin du chap. 19.

Mais quand ces symboles disparaissent, qu’on ne voit plus sur la scène ni les anciens ni les animaux, parce qu’une nouvelle action de Dieu, c’est-à-dire la consommation de la joie de l’Église, prend place, alors ce n’est pas seulement l’épouse qui nous est présentée, mais avec elle une nouvelle classe de saints.

En effet, nous lisons d’abord : « Sa femme s’est préparée ; et il lui a été donné d’être vêtue de fin lin, éclatant et pur, car le fin lin, ce sont les justices des saints ». Il n’est pas dit, « la justice », mais « les justices des saints ». Ce n’est donc pas la justice dont ils ont été revêtus en Christ, mais tout ce que Dieu, même à ce moment, reconnaît avoir été en eux selon lui, quoique produit, sans nul doute, par l’action de l’Esprit de Christ. En second lieu, bien qu’il s’agisse de ce qui appartient à chaque saint, la pensée exprimée n’est pas que l’Église l’a seulement en ce sens que chaque individu qui la compose, le possède comme sa part propre, mais que l’épouse, c’est-à-dire l’Église dans la gloire, en a la totalité. L’individu jouira aussi du fruit de son travail ; cela est vrai à sa place comme nous le verrons, et c’est le point important quand il est question de rémunération ; mais il s’agit de l’épouse dans le ciel, c’est elle, comme ensemble, qui est vêtue des justices des saints. Ce que l’Esprit de Dieu montre dans ce v. 8, n’est donc pas la justice qui nous vient par un autre, celle qui nous est imputée, et par laquelle nous sommes tenus pour justes, mais une justice personnelle et effective. Sans doute, nous avons aussi l’autre justice, car pour pouvoir subsister devant Dieu il nous faut ce qui ne se trouve que par Christ et en Christ, ce qui est d’un caractère tout autre et beaucoup plus élevé quand on le compare aux justices des saints.

Après avoir vu l’épouse ainsi parée, nous lisons : « Et il me dit : Écris : Bienheureux ceux qui sont conviés au banquet des noces de l’Agneau ». Ces paroles me semblent prouver ce que j’ai avancé plus haut, que les vingt-quatre anciens et les quatre animaux ne représentent pas uniquement l’Église. En effet, quand ces symboles disparaissent pour faire place à celui de l’épouse, nous voyons en même temps apparaître les conviés au banquet des noces de l’Agneau. Qui sont-ils ? Nous ne pouvons les voir dans les saints de la période apocalyptique, qui, à ce moment, ne sont pas encore ressuscités d’entre les morts, comme le prouve le chapitre suivant. Selon ma pensée, les conviés sont les saints de l’Ancien Testament, les amis de l’Époux (voir Jean 3:29). Ainsi les anciens et les animaux réunis, comme nous les voyons dès le chap. 5, comprennent à la fois les saints de l’Ancien Testament et l’Église, l’épouse de Christ ; et dès que celle-ci est mentionnée distinctement, les autres sont présentés comme formant un corps à part.

Puis le prophète tombe aux pieds de l’ange pour lui rendre hommage, et cet acte donne lieu à un sérieux avertissement. Non seulement l’ange reprend Jean, en lui disant qu’il n’est que son compagnon de service et celui de ses frères qui ont le témoignage de Jésus, et que par conséquent il ne convient nullement de lui rendre un hommage qui n’est dû qu’à Dieu qui l’a envoyé pour servir, mais de plus il nous apprend que l’Esprit de prophétie, celui qui parle dans ce livre, est le témoignage de Jésus. Ainsi le témoignage de Dieu n’est pas limité à l’évangile et à l’Église sur la terre, mais, après que celle-ci a été retirée dans le ciel, l’Esprit prophétique qui caractérise l’Apocalypse est également un témoignage de Jésus. Il est très important de faire ressortir ce fait, parce que plusieurs l’ont négligé, estimant que l’évangile et ce qui y correspond, c’est-à-dire la présence du Saint Esprit, sont les mêmes dans tous les temps, tandis que d’autres ont pensé que l’Apocalypse, depuis le chap. 4, ne traitant que des Juifs et des gentils, ainsi que de l’état du monde sous les jugements de Dieu, il ne peut y avoir dans cette période, en aucune manière, un témoignage de Jésus. Mais en réalité il y en a un. « L’Esprit de prophétie est le témoignage de Jésus », et c’est ce qu’il est dans toute l’Apocalypse, après qu’est terminé ce qui a rapport aux sept églises. Pour nous, nous connaissons le Saint Esprit plutôt comme un esprit de communion avec Christ ; mais bientôt, quand nous aurons été ravis au ciel pour être toujours avec le Seigneur, l’Esprit agira avec tout autant de puissance de vie en ceux qui se soumettront à Dieu pour recevoir le témoignage prophétique, qui est annoncé ici comme étant celui de Jésus.

Ensuite le ciel s’ouvre, et devant nos yeux se déroule la scène la plus solennelle. Ce n’est pas le temple qui y apparaît, ouvert pour laisser voir l’arche de l’alliance, gage de la fidélité de Dieu envers Israël, l’objet de ses conseils ; ce n’est pas simplement, comme au commencement de la prophétie, une porte par laquelle le voyant est admis dans le ciel pour y contempler les voies de Dieu envers le monde dans son ensemble ; quoique dans ces deux cas tout se groupât évidemment autour du Seigneur Jésus. Le ciel s’ouvre en vue de faits d’une gravité plus grande et d’une importance incalculable pour l’homme, pour l’univers et pour l’ennemi. C’est Christ lui-même qui vient revendiquer, à la face du monde, ses droits comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs. « Et je vis le ciel ouvert : et voici un cheval blanc », symbole d’un pouvoir victorieux qui s’avance pour subjuguer. « Et celui qui est assis dessus appelé fidèle et véritable ; et il juge et combat en justice ». Il n’est plus question de soutenir ses saints par sa grâce, mais il s’agit de son pouvoir souverain pour juger la terre. « Et ses yeux sont une flamme de feu ; et sur sa tête il y a plusieurs diadèmes ». En même temps que le discernement nécessaire pour juger, il possède clairement tous les titres à la souveraineté.

« Et il porte un nom écrit que nul ne connaît que lui seul ». Il paraît revêtu, comme homme, d’une gloire que nul ne peut lui contester, mais il nous est rappelé avec le plus grand soin qu’il a ce qui est au-dessus de l’homme, — au-dessus de toute créature, car « personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père ». Porter un nom que nul ne connaît que lui seul, me semble correspondre à cette déclaration. Il est une personne divine, quel que soit le nouveau caractère sous lequel il se présente pour le monde. « Et il est vêtu d’un vêtement teint dans le sang ». Il vient pour exercer la vengeance, et la couleur de son vêtement est pour les rebelles un signe de mort. « Et son nom s’appelle : La Parole de Dieu ». Il était la Parole de Dieu lorsqu’il révélait la grâce ; bientôt il apparaîtra comme tel lorsqu’il viendra exécuter les jugements de Dieu. Dans ces deux manifestations de lui-même, il est l’expression de ce qu’est Dieu ; l’évangile de Jean et l’Apocalypse nous le font connaître parfaitement sous ce double caractère de grâce et de jugement.

« Et les armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur ». Nous apprenons ainsi quelles sont les personnes qui forment sa suite. Ce sont des saints glorifiés, et non des anges. Cela est confirmé par ce que nous avons lu au chap. 17:14. Lorsque la bête ose combattre contre l’Agneau, l’Agneau la vaincra, et ceux qui sont avec lui « appelés et élus et fidèles », termes qui, dans leur ensemble, ne peuvent nullement s’appliquer aux anges. Les anges ne sont jamais « appelés », quoiqu’ils soient « élus » ; et bien que l’épithète de saints leur soit donnée dans l’Écriture, il n’est parlé nulle part d’eux comme « fidèles ». En effet, cette expression qui suppose l’effet et l’exercice de la foi, convient essentiellement à l’homme. Quant au terme « appelés », il ne peut évidemment s’appliquer aux anges, parce que l’appel adressé à une personne suppose qu’elle est tirée hors d’une certaine condition pour être amenée dans une meilleure ; or cela ne peut être le cas d’un ange. Les anges tombés ne sont pas appelés, et les saints anges n’ont pas besoin de l’être ; — ils sont gardés. L’appel est le fruit de l’activité de la grâce de Dieu et n’a lieu qu’après la chute. Quand l’homme était innocent dans le jardin d’Eden, il n’était point besoin d’appel pour lui, mais dès qu’il eut péché, la parole de Dieu vint à lui, et il fut appelé. Il est donc évident, par la comparaison de ces deux versets, 17:14, et 19:14, que ceux dont il est question dans ce dernier, sont les saints glorifiés qui suivent le Seigneur lorsqu’il sort du ciel. Ils ne sont pas vus ici comme l’épouse ; cette figure ne conviendrait nullement à la scène qui est placée sous nos yeux. Quand le roi s’avance pour remporter la victoire en jugeant les hommes et un monde rebelles, ce n’est pas en qualité d’épouse que les saints l’accompagnent, mais comme les armées qui sont dans le ciel, renfermant aussi sans nul doute les conviés au banquet des noces. Ainsi tous les saints glorifiés prennent leur place à la suite du Seigneur.

Remarquez en même temps qu’il n’est pas dit d’eux qu’ils sont les exécuteurs du jugement comme l’est Christ (*). C’est à lui que Dieu a donné tout le jugement (Jean 5:22, 27), et non pas nécessairement à nous. Nous pouvons y avoir une certaine part, mais ce n’est pas notre oeuvre, me semble-t-il. Aussi n’est-il point parlé d’épée qui sort de la bouche des saints, et nous ne voyons pas les armées célestes revêtues comme le Seigneur. Elles le suivent avec le symbole de la puissance victorieuse, et rien de plus ; « vêtues de fin lin, blanc et pur ». Nous savons, par d’autres écritures, que les anges seront présents à cette scène, mais ici il n’est pas question d’eux.

(*) Cela est d’autant plus frappant quand l’on fait attention au Psaume 149:6-9, où tous les saints sont vus sur la terre au jour de Jéhovah.

« Et une épée aiguë à deux tranchants sort de sa bouche, afin qu’il en frappe les nations ; et lui les paîtra avec une verge de fer ». Ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’il est promis aux saints qu’ils auront autorité sur les nations, et les paîtront avec une verge de fer (Apoc. 2:26, 27), mais il n’est pas question d’épée pour eux. Ils reçoivent la puissance pour régner, mais non pour exécuter le jugement de cette manière terrible attribuée au Seigneur lui-même. « Lui foule la cuve du vin de la fureur de la colère de Dieu le Tout-puissant », caractère de jugement qui n’est jamais indiqué comme appartenant aux saints. « Et il a sur son vêtement et sur sa cuisse un nom écrit : « Roi des rois et Seigneur des seigneurs ».

Nous lisons ensuite la proclamation de l’ange et son appel à tous les oiseaux qui volent par le milieu du ciel : « Venez, assemblez-vous au grand souper de Dieu ; afin que vous mangiez la chair des rois, et la chair des chiliarques, et la chair des puissants, et la chair des chevaux et de ceux qui sont assis dessus, et la chair de tous, libres et esclaves, petits et grands ».

Puis vient le rassemblement et le combat. « Et je vis la bête, et les rois de la terre, et leurs armées assemblées pour livrer combat à celui qui était assis sur le cheval et à son armée. Et la bête fut prise » (prise vivante), « et le faux prophète qui était avec elle, qui avait fait devant elle les miracles par lesquels il avait séduit ceux qui recevaient la marque de la bête, et ceux qui rendaient hommage à son image ». Ainsi le seconde bête du chap. 13 n’est plus vue comme pouvoir terrestre, mais comme faux prophète. Toute l’énergie qu’elle déployait pour égarer les hommes et qu’elle exerçait en la présence de la première bête lui appartint longtemps ; maintenant il n’en est plus question, mais, comme faux prophète, le pouvoir spirituel est tout entier entre ses mains. On comprend que par ce mot de « pouvoir spirituel », il ne faut rien entendre que de mauvais.

« Ils furent tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ». Ainsi le jugement éternel les frappa tout d’un coup. Pris sur le fait d’une trahison et d’une rébellion flagrantes, quel besoin y avait-il d’aucune autre forme de jugement ?

« Et le reste fut tué par l’épée de celui qui était assis sur le cheval, laquelle sortait de sa bouche, et tous les oiseaux furent rassasiés de leur chair ». Sort terrible que le leur, mais toutefois nullement semblable à celui de leurs chefs.

4.4 - Chapitre 20

Ensuite est décrit un autre fait d’une importance immense : Satan est lié. Il ne lui est plus permis de se promener et de rôder çà et là par le monde, en l’enlaçant dans ses ruses et l’entraînant à la destruction.

« Et je vis un ange descendant du ciel, ayant la clef de l’abîme et une grande chaîne dans sa main. Et il saisit le dragon, le serpent ancien qui est le diable et Satan, et le lia pour mille ans ». Ce n’est donc pas encore son jugement final. « Et il le jeta dans l’abîme, et l’enferma ; et il mit un sceau sur lui, afin qu’il ne séduisît plus les nations, jusqu’à ce que les mille ans fussent accomplis ; après cela, il faut qu’il soit délié pour un peu de temps ».

Alors nos yeux sont détournés de ces scènes terribles et portés vers une autre scène, propre à consoler et à réjouir le coeur. « Et je vis des trônes, et ils étaient assis dessus, et le jugement leur fut donné ; et les âmes de ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus, et pour la parole de Dieu ; et ceux qui n’avaient pas rendu hommage à la bête ni à son image, et qui n’avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main ; et ils vécurent et régnèrent avec le Christ mille ans ». Je ne suppose pas qu’il soit nécessaire de démontrer longuement que nous ne devons pas prendre ce verset comme représentant simplement le christianisme et ses effets. La plupart de ceux qui lisent ces pages, sinon tous, comprennent qu’il s’agit d’une résurrection réelle. Ce n’est pas un langage figuré, comme lorsqu’il est dit du fils prodigue : « Mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie » ; ou qu’il est parlé de la restauration d’Israël qui est comparée à une résurrection d’entre les morts (Rom. 11:15, comparez avec Ézéch. 37, et Dan. 12) pour le reste du monde. La vision nous montre des trônes et ceux qui les occupent, puis d’autres personnes qui leur sont adjointes ; l’explication que l’auteur inspiré donne de cette scène, est qu’il s’agit de « la première résurrection », la résurrection des justes d’entre les morts. Considérons les différents groupes de ceux qui ont part à la première résurrection.

En premier lieu, nous lisons : « Je vis des trônes, et ils étaient assis dessus ». Quand Jean les voit, les trônes étaient déjà occupés, et au lieu d’être les objets du jugement, ceux qui y sont assis, l’exercent parce qu’il leur est donné. Qui sont ces personnes que nous voyons ainsi investies une autorité judiciaire si glorieuse, et qui règnent avec Christ, ainsi que nous le voyons plus loin ? Evidemment ce sont les mêmes saints que nous avons d’abord vus représentés par les anciens dans le ciel, puis par les anciens et les animaux, ensuite par l’épouse et les conviés au banquet des noces, et finalement par les armées qui sortent du ciel à la suite du Seigneur.

Il n’est plus question, au point où la vision nous a conduits, de célébrer les voies et les conseils de Dieu, ni de combattre contre la bête et les rois. Aussi le prophète emploie-t-il d’autres figures. Il s’agit d’un règne, et nous voyons des trônes sur lesquels sont assis ceux qui règnent avec Christ. À cette occasion, remarquons en passant que le langage symbolique est tout aussi défini qu’un autre ; bien loin de manquer de précision il ne laisse point subsister de vague, et de plus il possède une énergie qui lui est particulière.

La seconde chose qu’il importe d’observer ici, c’est que Jean voit des âmes, - les âmes de ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus et pour la parole de Dieu. Si nous nous reportons au chap. 6:9, nous reconnaîtrons là ces martyrs vus sous l’autel, comme les cendres d’un holocauste offert à Dieu. Ils avaient crié au Maître souverain de venger leur sang sur leurs ennemis, et il leur avait été dit d’attendre encore un peu de temps jusqu’à ce que d’autres, leurs compagnons d’esclavage et leurs frères, eussent été mis à mort. Ici ces derniers paraissent aussi. Ce sont les martyrs qui souffrirent quand la bête s’éleva sous sa dernière forme, avec des prétentions blasphématoires, et que la seconde bête fit mettre à mort tous ceux qui ne voulaient ni adorer la bête, ni rendre hommage à son image, ni prendre sa marque (Chap. 13). Ils forment la troisième classe mentionnée dans ce passage.

Les premiers sont ceux qui suivaient Christ lorsqu’il sortit du ciel. Ils étaient déjà ressuscités d’entre les morts et glorifiés ; c’est pourquoi ils sont immédiatement vus assis sur des trônes, tandis que les deux autres classes de personnes sont encore à l’état d’esprits séparés du corps. « Et les âmes », est-il dit d’elles ; or il n’y a aucune raison pour ne pas prendre ce mot au sens simple et littéral. Ce sont « les âmes », non les personnes (corps et âme) de ceux qui ont été décapités. Jean voit l’état dans lequel elles se trouvent d’abord. Il faut de plus avoir soin de ne pas confondre ensemble les deux dernières classes, comme le font les versions ordinaires. Il faut lire « et ceux qui n’avaient pas rendu hommage à la bête, ni à son image, et qui n’avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main ; et ils vécurent et régnèrent avec le Christ mille ans ». Ainsi ceux que nous avons vus d’abord comme esprits séparés du corps, « les âmes », furent ressuscités, réunis à leurs corps, et ils vécurent et régnèrent comme ceux qui étaient déjà assis sur des trônes.

Rien de plus simple et de plus beau que la manière dont ce v. 4 résume toute l’Apocalypse. Les visions de ce livre prophétique ne s’ouvrent pas par l’enlèvement des saints dans le ciel ; mais en nous les montrant, dès le commencement, déjà glorifiés. Ils sont souvent placés devant le voyant, et toujours dans un état complet, qui n’implique aucune addition à leur nombre. L’enlèvement de l’Église et des saints de l’Ancien Testament, ravis tous ensemble à la rencontre du Seigneur, doit donc déjà avoir eu lieu. Aussi les voyons-nous, accompagnant le Seigneur quand il sort du ciel, et ensuite assis sur des trônes. Quand Christ vient occuper le trône qui lui appartient, eux, par grâce, prennent place sur les leurs.

Ensuite, les saints qui ont souffert pour Christ, tandis que ces premiers étaient dans le ciel, ressuscitent et vivent. Le Seigneur n’en laisse aucun privé de ce bonheur. Tous ceux qui ont souffert, soit dans les premières persécutions de la période apocalyptique (chap. 6), soit dans celles qui arrivèrent plus tard (chap. 13:15), jusqu’à la destruction de Babylone, tous sont maintenant ressuscités d’entre les morts, et introduits ainsi dans une condition convenable pour régner avec Christ, non moins que les saints de l’Ancien Testament et l’Église elle-même. « Ils vécurent », est-il dit ; et le sens que nous donnons à cette expression est confirmé par ce qui suit : « Et le reste des morts ne vécut pas jusqu’à ce que les mille ans fussent accomplis. C’est ici la première résurrection ».

Il ne faut cependant pas supposer que tous ceux qui ont part à la première résurrection, ressuscitent au même instant. Ce serait une erreur. Assurément il y a (sans compter la résurrection des méchants à la fin), deux grands actes de résurrection ; l’un quand, en un moment, en un clin d’oeil, les saints de l’Ancien Testament et l’Église (les morts en Christ) ressusciteront, et que les saints vivants seront changés, et tous ensemble ravis dans le ciel ; l’autre, quand Satan ayant été lié après le jugement de Babylone, de la Bête et du faux prophète, les martyrs de ces derniers temps ressusciteront pour régner avec Christ. Et je ne mentionne pas ce qui aurait un caractère exceptionnel ou particulier, comme par exemple, la résurrection des deux témoins du chap. 11, qui, mis à mort, reprirent vie après trois jours et demi, et montèrent au ciel. Je parle de deux actes généraux dans lesquels deux classes de saints sont ressuscités. La manière dont l’Écriture parle de la résurrection, laisse pleinement place à cette interprétation ; car lorsqu’il est dit : « Je le ressusciterai au dernier jour », le dernier jour ne veut pas dire un simple moment, mais une période de temps. Assurément, si nous considérons comme un ensemble les saints de l’Ancien Testament et l’Église, et comme un autre ensemble les saints apocalyptiques (si je puis les désigner ainsi), les premiers ressusciteront tous au même instant, et les autres tous au même instant ; mais entre la résurrection des deux classes il y a un intervalle de temps. Non seulement il n’y a pas une seule expression dans la parole de Dieu, qui implique que tous les saints de toutes les époques ressuscitent au même moment, mais elle montre, au contraire, qu’il doit y avoir plusieurs actes dans la première résurrection. Le passage qui nous occupe le fait voir, et il n’y a point d’autre interprétation qui puisse satisfaire pleinement.

Cela étant ainsi, une grande clarté se trouve jetée sur tout le livre. Et que dirons-nous de la sagesse merveilleuse du Seigneur ? C’est « la première résurrection » ; non que tous les saints soient ressuscités en même temps, mais tous le seront avant que le millénium commence, de sorte que, quand le règne de Christ arrive, tous ont eu part à la première résurrection : Christ lui-même, « les prémices », ressuscité plus de dix-neuf siècles avant l’Église, puis l’Église avec les saints de l’Ancien Testament, et enfin les saints apocalyptiques, au moins quelques années après l’Église. Nous avons ainsi une vue exacte et vraie de ceux qui participent à la résurrection d’entre les morts. « C’est ici la première résurrection. Bienheureux et saint celui qui a part à la première résurrection : sur eux la seconde mort n’a point de pouvoir ; mais ils seront sacrificateurs de Dieu et du Christ, et ils régneront avec lui mille ans ».

On a remarqué avec raison que cette expression : « Ils seront sacrificateurs de Dieu et du Christ », réduit à néant l’interprétation qui voudrait voir dans ce passage une résurrection figurée, celle des principes du christianisme. Il est clair, en effet, que, si des principes peuvent régner, il est absurde de penser qu’ils puissent être des sacrificateurs. Ce titre est donc une récompense personnelle accordée à ceux qui ont souffert.

Quand les mille ans sont accomplis, Satan reparaît sur la scène pour la douleur et la ruine des gentils qui ne sont pas nés de Dieu. Mais c’est pour la dernière fois dans les diverses dispensations de Dieu. « Et quand les mille ans seront accomplis, Satan sera délié de sa prison ; et il sortira pour égarer les nations qui sont aux quatre coins de la terre, Gog et Magog, pour les assembler pour le combat ». Cela est d’une grande importance morale. La gloire même du royaume ne préserve pas l’homme naturel quand il est exposé aux attaques de l’adversaire. Les nations milléniales, « dont le nombre est comme le sable de la mer », deviennent la proie de Satan.

« Et ils montèrent sur la largeur de la terre, et ils environnèrent le camp des saints et la cité bien-aimée ». La cité bien-aimée est Jérusalem ; le camp des saints est, je suppose, un cercle plus vaste qui embrasse tout Israël et les gentils qui, étant convertis, se refusent à la séduction de Satan. Il y a là un contraste évident avec l’état que suppose le champ mélangé de blé et d’ivraie, qui représente la chrétienté à la fin du siècle. Le froment et l’ivraie croissent ensemble jusqu’à ce que le jugement les sépare. À la fin du millénium, les justes et les méchants forment deux classes bien distinctes et séparées, quoique, même alors, apparaisse une ligne de démarcation existant entre le camp des saints et Jérusalem, la cité bien-aimée sur la terre, où se trouvent les Juifs.

Les irrégénérée d’entre les nations les entourent maintenant avec leurs armées innombrables, semblables à des nuées de sauterelles qui vont tout ravager et détruire. « Et du feu descendit du ciel de la part de Dieu et les dévora. Et le diable qui les avait égarés fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où sont la bête et le faux prophète ; et ils seront tourmentés, jour et nuit, aux siècles des siècles ».

Alors suit une scène encore plus solennelle ; de toutes celles que nous pouvons contempler, la plus propre à inspirer la terreur ; mais, en même temps, celle vers laquelle le chrétien aime à regarder, comme devant abolir pour toujours toute trace de mal et justifier le bien là où l’homme a tout à fait manqué. Ici n’apparaît qu’un seul trône. C’est Dieu jugeant l’homme, — c’est le jugement éternel. Quand Dieu va exercer ses jugements providentiels, d’autres trônes sont autour du sien, comme nous l’avons vu au commencement des visions apocalyptiques (Chap. 4). Lorsque Christ, en personne, vient juger et gouverner les vivants (20:4), il y a encore des trônes, car les saints ressuscités règnent avec Lui. Mais maintenant il n’y a qu’un seul trône : Christ juge les morts.

« Et je vis un grand trône blanc, et celui qui était assis dessus, de devant la face duquel la terre s’enfuit et le ciel ; et il ne fut pas trouvé de lieu pour eux ». Comme doctrine, ce verset est d’une très grande importance, en ce qu’il prouve d’une manière décisive qu’il n’y a aucun fondement dans l’opinion généralement reçue, que le retour du Seigneur a lieu seulement à ce moment. Cet événement nous est toujours présenté comme arrivant sur la terre habitable, la terre actuelle. Or, si le Seigneur n’est pas déjà venu pour la terre avant ce qui nous est présenté ici, il n’y a pas de monde où il puisse venir, puisque le ciel et la terre se sont enfuis. L’idée courante, que la venue du Seigneur n’a lieu qu’à ce moment, est donc en contradiction avec ce que décrit ce verset même, sans parler d’autres portions de l’Écriture. Il suffit pour le voir de sonder et de croire la parole de Dieu. Il est vrai que nous voyons ensuite le nouveau ciel et la nouvelle terre ; mais qui voudrait prétendre que c’est là la sphère de la venue du Seigneur ? C’est sur cette terre qu’il va venir, et pas seulement sur la terre nouvelle, dans l’état éternel. C’est dans ce même monde où il a souffert, que, selon les Écritures, il reviendra. Mais, pour le jugement éternel, la terre et les cieux d’à présent se sont enfuis ; puis nous voyons l’univers nouveau et éternel. Christ doit donc être revenu auparavant sur la terre actuelle. Avec cela s’accorde le chapitre 19, qui nous le montre sortant du ciel pour le jugement de la terre. Il vient vers ce monde, venger son peuple sur la bête et le faux prophète, sur les rois et leurs armées ; ensuite les saints règnent avec lui. Non que je veuille dire qu’ils habitent la terre ; lui et les saints glorifiés ont leur demeure en haut ; néanmoins, c’est sur ce monde même qu’ils règnent durant le temps assigné.

Alors, comme nous l’avons vu, vient la dernière épreuve des nations, après que le royaume a accompli son cours. Le diable délié séduit encore une fois la chair et le sang suivant l’analogie de toutes les autres dispensations. La gloire qui se déploie d’une manière visible durant cette période, n’a aucune efficacité pour changer le coeur de l’homme ; quoique, en l’absence de l’ennemi et devant la présence pleine d’autorité du grand Roi, il lui rende, pendant longtemps, une feinte obéissance. Ce siècle pourra être celui du gouvernement de Dieu et de la bénédiction pour l’homme, mais ce n’est pas ce qui le convertit. Même la proclamation de la grâce de Dieu reste sans puissance, à moins qu’elle ne pénètre jusqu’au coeur par la vivifiante énergie du Saint Esprit. En un mot, aucun témoignage ne peut avoir d’effet ; nul travail, nulle puissance, nulle gloire ne peut rien produire, si la parole de Dieu n’est pas appliquée à l’âme par son Esprit. Mais en ceci nous est montrée, — ce qui a une grande importance, — la vraie nature du royaume ou du règne millénial. « Ce jour » ne signifie pas une époque où tout le monde sera converti, mais où le Seigneur Jésus gouvernera en justice, où le mal commis ouvertement sera aussitôt jugé, et où le bien sera maintenu d’une manière parfaite durant mille ans. Pour autant qu’il s’agisse de gouvernement, tout sera moralement selon Dieu ; mais il y aura encore des éléments de mal qui, à la vérité, ne pourront se manifester sans être réprimés, mais qui ne seront pas détruits. Que cela soit vrai, et que le coeur de l’homme, même sous ce gouvernement, ne soit pas renouvelé, nous le voyons avec évidence en ce que Satan, à la fin, séduit tous ceux qui ne sont pas convertis, et ceux-là, nous est-il dit, sont innombrables, « comme le sable de la mer ».

Ne soyons pas plus surpris de leur nombre, que de leur défection. Les mille années de paix et d’abondance auront favorisé l’augmentation d’une population toujours croissante, malgré les jugements divins qui ouvrent cette ère, et qui auront singulièrement diminué le nombre des habitants du monde. Ce qui aura lieu alors dépassera tout ce qui a jamais été vu sur la surface de la terre. Avant le commencement de cette période, comme nous le savons aura lieu parmi les nations de l’Occident et de l’Orient des guerres accompagnées d’épouvantables carnages. Outre cela, des jugements d’une nature ou d’une autre désoleront tous les peuples. Mais ensuite, le monde, comblé durant mille ans de toutes sortes de bénédictions temporelles, et placé sous le plus excellent des gouvernements, administré par le Seigneur lui-même, se couvrira d’une multitude innombrable d’hommes de toutes races, vivant dans la prospérité. La nature présentera un état de fécondité sans exemple ; elle répandra avec largesse ses fruits et ses productions sur l’homme qui jouira avec abondance de tout ce que Dieu a fait ici-bas. La conséquence en sera un accroissement de population tel que jamais il n’y eut rien d’approchant depuis que le monde fut fait. Néanmoins, malgré toutes ces bénédictions, Satan réussira à entraîner la masse des nations dans une vaste rébellion contre ceux qui seront sur la terre les objets de la faveur spéciale de Dieu ; contre les saints, partout où ils se trouveront, et contre la cité bien-aimée d’Israël.

Alors vient la destruction non seulement de ces rebelles par un jugement divin, mais la dissolution des cieux et de la terre, et Jésus s’assied sur le grand trône blanc. C’est le jugement des morts comme tels, des morts qui maintenant ressuscitent et rendent compte de leurs oeuvres. Tous les morts qui n’ont pas eu part à la première résurrection sont là. La nature de ce jugement exempte (*) nécessairement les saints du millénium d’avoir à se trouver devant le grand trône blanc, par la simple raison qu’il n’est dit nulle part qu’ils aient à passer par la mort. Il n’y a, dans l’Écriture, rien qui puisse nous faire conclure qu’aucun saint meure durant le millénium ; le contraire est plutôt vrai. Le chap. 65 d’Ésaïe dit positivement que, durant cette période, la mort n’interviendra que comme un jugement amené par une rébellion ouverte ; elle sera l’effet direct d’une malédiction de la part de Dieu ; le pécheur âgé de cent ans sera encore jeune lorsqu’il mourra. L’homme converti, non seulement atteindra le terme naturel (si je puis dire ainsi) de mille ans, mais il dépassera cette limite. S’il est vivant avant que les mille ans commencent, il le sera encore après qu’ils seront écoulés ; en fait, littéralement, il ne mourra jamais, quoique je ne doute pas que, suivant un principe général, les saints de la terre milléniale ne soient changés au moment même où les cieux et la terre disparaîtront. Nous pouvons, en tout cas, affirmer que, dans cette crise suprême, ils seront préservés d’une manière quelconque en harmonie avec la sagesse divine, bien qu’il n’ait pas plu à Dieu de nous révéler comment il fera. C’est l’une de ces choses qu’il s’est réservées, devant lesquelles une curiosité téméraire doit s’arrêter, et que Lui saura accomplir d’une manière parfaite. Toutefois il ne nous a pas laissés sans quelques indications pour conduire nos pensées. « La chair et le sang », nous le savons, n’hériterons pas le royaume de Dieu. D’après la donnée générale des Écritures, nous pouvons donc être tout à fait certains que ces saints, pris durant cette universelle dissolution du ciel atmosphérique et de la terre, seront transportés sous les nouveaux cieux et sur la nouvelle terre où « la justice habite » (2 Pierre 3:13), et cela, dans une condition nouvelle, appropriée à l’état éternel où ils seront introduits. Que d’autres spéculent sur ce sujet, s’ils le veulent ; pour moi, je suis persuadé que celui qui essaie de déterminer les détails en pareille matière, use ses forces sur ce qui est hors du pouvoir de l’homme. Je ne sache pas que l’Écriture traite nulle part de ces choses, si ce n’est en posant des principes tels que celui que j’ai cherché à appliquer.

(*) Nul, cependant, ne peut être exempté d’être manifesté devant le tribunal du Christ, ou de rendre compte de tout ce qu’il a fait, étant dans son corps. Mais aucun croyant ne vient en jugement (Comparez Jean 5:24, et 2 Cor. 5)

« Et les morts furent jugés », mais non d’après le livre de vie, qui n’a rien à faire avec le jugement. « Les morts furent jugés d’après les choses qui étaient écrites dans les livres, selon leurs oeuvres ». Pourquoi donc le livre de vie est-il mentionné ? Ce n’est pas que le nom d’aucun de ceux qui se trouvent devant le grand trône blanc y soit écrit, mais au contraire comme preuve qu’il n’y est pas, et pour confirmer ainsi ce qui est écrit dans les autres livres. Si ceux-ci font connaître les mauvaises oeuvres des morts qui sont devant le trône, le livre de vie ne présente rien pour leur défense sur le terrain de la grâce de Dieu. Selon l’Écriture, aucun nom de ceux qui sont jugés, n’est écrit dans ce livre.

D’un côté se voit le sombre registre de péchés incontestables ; de l’autre ne se trouve aucun nom. Ainsi, soit les livres où sont écrites les choses d’après lesquelles les morts sont jugés, soit le livre de la vie, tout concourt à proclamer la justice solennelle et terrible de la sentence finale et irrévocable de Dieu. « Et ils furent jugés chacun selon leurs oeuvres ». « Et si quelqu’un n’était pas trouvé écrit dans le livre de vie, il était jeté dans l’étang de feu ». Le livre de vie ne semble donc ouvert ici, comme nous l’avons dit, que pour montrer que ceux qui sont jugés, en sont exclus. C’est uniquement une résurrection de jugement ; nul de ceux qui se trouvent devant le trône, n’y a son nom écrit.

De plus, la mort et le hadès, personnifiés comme ennemis, prennent fin. « Et la mort et le hadès furent jetés dans l’étang de feu : c’est ici la seconde mort, l’étang de feu ». Toute action du Seigneur, relativement à l’âme et au corps, se trouve ainsi terminée ; toute la race humaine est maintenant dans l’état de résurrection pour le bonheur ou pour le malheur, et c’est pour toujours. La mort et le hadès qui, pendant si longtemps, ont exécuté la sentence portée contre le péché dans un monde où régnait celui-ci, et l’exécuteront, quoique occasionnellement, là même où la justice régnera, disparaissent complètement, là où toutes les traces du péché sont effacées pour toujours.

4.5 - Chapitre 21

Dans les huit premiers versets du chapitre 21, nous voyons le nouveau ciel et la nouvelle terre ; mais, en outre, chose terrible à dire, l’étang de feu. Il doit en être ainsi, puisque, ainsi que nous l’avons lu à la fin du chapitre précédent, c’est là que sont jetés tous ceux qui ne sont pas écrits dans le livre de vie. Fait solennel, et que nous sommes tenus d’annoncer, que, même dans cet état parfait et éternel, illuminé de la clarté du ciel et de la terre, où nul mal ne pourra entrer, on trouve tout le mal qui a jamais existé, tous les méchants de toute nation et de tout siècle, jetés dans l’étang de feu, condition immuable qui résulte d’un jugement éternel.

Remarquez un autre fait important. Tous les noms dispensationnels (*) de Dieu disparaissent. C’est maintenant Dieu et l’homme. Il n’est plus question de nations, de contrées séparées, ni de familles, de peuples et de langues. C’est l’état éternel ; en fait, c’est aussi la plus complète description que nous en donne la Bible.

(*) Le Dieu Tout-puissant des patriarches ; Jéhovah pour Israël ; le Père pour nous ; le Dieu souverain, possesseur des cieux et de la terre dans le millénium (Gen. 17:1; Ex. 6:3; 3:15; Jean 20:17; Gen. 14:18; comp. Hébr. 7; Ps. 110 et Zach. 6:13).

Mais il y a encore un point intéressant à relever. Quoique toute distinction entre les hommes ait complètement disparu, et qu’ils aient directement à faire avec Dieu, — je parle des hommes ressuscités d’entre les morts ou transmués, — nous voyons cependant « la sainte cité, nouvelle Jérusalem », séparée du reste de ceux qui remplissent le nouveau ciel et la nouvelle terre. C’est un fait d’une grande importance, parce que, si la nouvelle Jérusalem est, comme il me le semble avec évidence, l’épouse, la femme de l’Agneau, alors cette condition à part existe pour l’éternité. « Et j’ouïs une grande voix venant du ciel, disant : Voici, l’habitation de Dieu (en parlant de la cité même) est avec les hommes ». C’est-à-dire que l’habitation ou le tabernacle de Dieu est regardé comme un objet à part, en relation, sans doute, avec les hommes, mais non pas confondu avec eux. Les hommes ne sont pas considérés comme faisant partie de ce tabernacle, ils coexistent avec lui. « L’habitation de Dieu est avec les hommes, et il habitera avec eux ; et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux, leur Dieu. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux ; et la mort ne sera plus ; et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni peine, car les premières choses sont passées ».

Toutes choses sont donc faites nouvelles, et « celui qui était assis sur le trône » le certifie lui-même et dit à Jean : « Écris, car ces paroles sont certaines et véritables ». Plus rien ne reste à faire. « Et il me dit : C’est fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. À celui qui a soif, je donnerai, moi, gratuitement, de la fontaine de l’eau de la vie. Celui qui vaincra héritera de ces choses, et je lui serai Dieu, et lui me sera fils. Mais quant aux timides, et aux incrédules, et à ceux qui se sont souillés avec des abominations, et aux meurtriers, et aux fornicateurs, et aux magiciens, et aux idolâtres, et à tous les menteurs, leur part sera dans l’étang brûlant de feu et de soufre, qui est la seconde mort ».

Ici s’opère, dans la suite des visions, un changement remarquable, mais facile à comprendre ; car il est évident que, dans l’ordre chronologique, rien ne peut suivre ce que nous venons de voir, c’est-à-dire l’état éternel. Nous devons donc nécessairement retourner en arrière pour contempler un objet important dans la prophétie, et qui ne pouvait être décrit auparavant, sans en interrompre le cours. Il en est ici comme de ce que nous avons vu au chap. 17. Dans le cours de la prophétie, Babylone est mentionnée deux fois ; premièrement dans la série des avertissements et des jugements de Dieu (Chap. 14), puis, comme l’objet du jugement de Dieu, lors de la septième coupe (Chap. 16:19). C’est seulement alors que vient la description de Babylone, qui n’aurait pu être introduite convenablement autre part, sans rompre le courant du flot prophétique.

Nous retrouvons ici le même ordre, et, ce qui rend la chose plus frappante, c’est la similarité de l’introduction dans les deux cas. « Et l’un des sept anges qui avaient eu les sept coupes pleines des sept dernières plaies, vint et me parla, disant : Viens ici, et je te montrerai l’épouse, la femme de l’Agneau ». On voit que ce sont presque les mêmes termes que ceux qui commencent le chap. 17; je pense que ce n’est pas sans raison, et que Dieu a voulu établir cette analogie, pour faire ressortir à nos yeux le contraste entre les deux objets qui nous sont présentés. Ici, dans le chap. 21, depuis le v. 9, nous n’avons pas la continuation de la prophétie, mais la description de la sainte cité, nommée précédemment dans l’état éternel ; tout comme le chap. 17 renfermait la description de la ville corrompue, dont le jugement avait été annoncé. Babylone, avec ses fausses prétentions à un caractère d’église, mais en réalité meurtrière, était en même temps coupable d’avoir corrompu les rois de la terre. Ici nous voyons la sainte cité, descendant du ciel d’auprès de Dieu, l’épouse, la femme de l’Agneau, contrastant de la manière la plus complète avec la grande prostituée. C’est à cette cité céleste qu’après la venue de Christ, les rois de la terre apporteront leurs offrandes et leurs hommages, mais il n’y aura alors aucun enivrement des nations, point de souillure de fornication, point d’abominations, ni de sang versé. Babylone, cette affreuse contre-partie de la sainte cité, recherche, dans son ambition terrestre, la faveur des rois de la terre et des masses populaires ; l’autre, l’épouse, souffre maintenant et régnera alors. La considération de l’une jette donc beaucoup de lumière sur l’autre.

Mais j’insiste encore sur l’importance extrême qu’il y a de faire attention que nous avons ici une vue rétrospective sur l’épouse, la nouvelle Jérusalem. Ainsi disparaît la difficulté que l’on rencontre en prenant la dernière vision de ce livre comme faisant partie de la série prophétique, qui commence au chap. 19 et se termine au v. 9 du chap. 21. C’est une digression ajoutée dans le but de décrire un objet nommé en passant dans cette série, de même que le chap. 17, qui ne suit pas chronologiquement les chap. 14 ou 16, est aussi une digression, destinée, en nous ramenant en arrière, à nous faire connaître le caractère de Babylone, et à montrer comment ce caractère a moralement forcé le jugement de Dieu à s’exercer sur elle. Dans ce chap. 21 nous est donnée la description de l’épouse, la femme de l’Agneau, et nous y apprenons comment Dieu se servira d’elle pour répandre des biens illimités, la bénédiction et la gloire durant le millénium ; tout comme le diable, pendant la période actuelle, a employé et emploiera Babylone pour accomplir ses desseins de méchanceté. De même que la ville de la confusion humaine a été montrée dans ses viles et honteuses relations avec la bête, de même la sainte cité est vue dans ses pures et glorieuses relations avec l’Agneau.

« Et l’un des sept anges qui avait eu les sept coupes pleines des sept dernières plaies, vint et me parla, disant : Viens ici, je te montrerai l’épouse, la femme de l’Agneau. Et il m’emporta en esprit sur un grande et haute montagne, et il me montra la sainte cité, Jérusalem, descendant du ciel d’auprès Dieu ». Le prophète n’est pas emmené dans un désert : il est placé sur « une grande et haute montagne », pour voir, non la grande, mais la sainte cité, Jérusalem. La grande cité est, ou bien Jérusalem coupable, ou bien Babylone (Chap. 11:8; 17:18). La sainte cité est vue maintenant comme le saint vase du pouvoir divin pour gouverner la terre durant le millénium, « ayant la gloire de Dieu. Son luminaire était semblable à une pierre très précieuse, comme à une pierre de jaspe cristallin ».

Ensuite vient une description de ses murailles, de ses portes, de ses fondations et de sa disposition générale. « Elle avait une grande et haute muraille ; elle avait douze portes, et aux portes douze anges, et des noms écrits sur elles, qui sont ceux des douze tribus des fils d’Israël ». Il était important, précisément parce que c’est l’épouse, la femme de l’Agneau, de montrer que les anges sont là, et qu’Israël n’est pas oublié. Le nom même qu’elle porte, Jérusalem, montre quelque chose de semblable. Quoique l’Église ne puisse jamais rien avoir de terrestre, nous voyons cependant que Dieu n’oublie point ses voies envers son peuple. Quant aux anges, ils ne sont là qu’en qualité de portiers, si l’on peut dire ainsi ; et, pour ce qui est des douze tribus d’Israël, leurs noms seuls sont écrits sur les portes, mais rien n’indique qu’ils fassent partie de la cité : leurs noms sont inscrits en dehors. Cette cité rappellera constamment ceux qui vinrent avant qu’Israël fut restauré ici-bas, de même que, sans nul doute, elle servira pour la bénédiction de ce peuple durant le millénium. Mais ce ne sera point pour lui seul, quoiqu’il ait sa place spéciale, comme cela est juste ; nous voyons en outre que la cité regarde vers les quatre parties de l’univers. « À l’orient, trois portes ; et au nord, trois portes ; et au midi, trois portes ; et à l’occident, trois portes ».

« Et la muraille de la cité avait douze fondements, et sur eux les douze noms des douze apôtres de l’Agneau ». Ceux-ci semblent être (sauf Judas Iscariote, comme on le comprend) les douze apôtres qui furent plus particulièrement associés à Christ, lorsqu’il poursuivait son sentier de douleur sur la terre. Cela ne veut pas dire que celui qui fut, dans son service, plus honoré qu’aucun des douze, celui que le Seigneur employa pour montrer la position de l’Église dans les lieux célestes, n’aura pas sa place toute spéciale dans cette scène glorieuse. Mais Dieu est souverain ; de plus, il agit avec une sagesse toujours infiniment au-dessus de celle de l’homme, et maintient partout ses principes. Les douze apôtres de l’Agneau ont donc ici la place qui leur convient, et, bien que nous puissions être assurés que celle que Dieu assignera à Paul ne sera pas inférieure, il me semble que celle-là ne pourrait pas être la sienne.

« Et celui qui me parlait avait pour mesure un roseau d’or, pour mesurer la cité et ses portes et sa muraille. Et la cité est bâtie en carré, et sa longueur est aussi grande que sa largeur ». Elle est complète et parfaite, comme cela convient à son caractère d’alors.

Nous avons ensuite la description de la cité elle-même, sa muraille, les matériaux dont elle est construite, ses fondements et ses portes, choses sur lesquelles je ne m’étendrai point.

Mais plus loin nous est présenté par le voyant un point de la plus haute importance : « Et je ne vis pas de temple en elle ; car le Seigneur, Dieu, le Tout-puissant, et l’Agneau, en sont le temple ». Ce n’est pas une lacune ; au contraire, c’est la preuve de la communion la plus immédiate avec Dieu. Un temple supposerait un intermédiaire ; l’absence de temple est donc un gain et non une perte pour la cité. C’est ce qui établit une grande différence entre la Jérusalem terrestre et la cité céleste ; en effet, s’il y a, dans la description d’Ézéchiel, une chose plus remarquable qu’une autre, c’est le temple. On le comprend : un temple convient à la terre ; mais ici il n’y en a point. La cité céleste, qui est l’expression complète de la bénédiction en haut, n’a pas de temple, parce que tout entière elle est un temple. Pour autant qu’il en est question, le Seigneur Dieu en est le temple, et l’Agneau.

« Et la cité n’a pas besoin du soleil ni de la lune, pour l’éclairer ». Il ne faut pas non plus regarder cela comme une perte. Pour la ville et le pays sur la terre, la lumière de la lune sera comme celle du soleil, et la lumière du soleil sera sept fois aussi grande (Ésaïe 30:26), mais ici il n’y a aucun de ces luminaires ; les lumières créées ne sont plus pour la cité d’en haut, « car la gloire de Dieu l’a illuminée, et l’Agneau est sa lampe ». Quel gain immense !

« Et les nations marcheront par sa lumière ». (*) Il est clair par là qu’elles ne sont pas dans la cité. « Et les rois de la terre lui apporteront leur gloire », non en elle, mais à elle, c’est-à-dire que c’est simplement l’expression de l’hommage qu’ils lui rendent. « Et ses portes ne seront point fermées de jour : car il n’y a pas de nuit là. Et on lui apportera la gloire et l’honneur des nations. Et il n’y entrera aucune chose souillée, ni ce qui fait une abomination ou un mensonge ; mais seulement ceux qui sont écrits dans le livre de vie de l’Agneau ». Tout ce qui, moralement, est impropre à la sainte cité, trouve ici sa juste condamnation ; mais, en même temps, la grâce souveraine doit aussi être affirmée.

(*) Les versions ordinaires portent « les nations qui auront été sauvées » ou « les nations de ceux qui sont sauvés ». C’est une interpolation évidente, repoussée par les meilleures autorités. De plus, on ne rencontre jamais semblable expression dans l’Écriture ; quand le mot « sauvé » est employé comme terme technique, bien loin de s’appliquer aux nations, c’est toujours du résidu juif qu’il s’agit.

4.6 - Chapitre 22

Une autre description glorieuse suit celle-ci, au commencement du chap. 22. « Et il me montra un fleuve d’eau vive, éclatant comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l’Agneau ».

Ce ne sont plus les éclairs et les tonnerres et les voix, caractères de la période transitoire de jugement qui remplit l’intervalle entre l’enlèvement de l’Église et le règne avec Christ, mais la figure employée ici convient à ce temps où Christ et l’Église règnent paisiblement : « Un fleuve d’eau vive, éclatant comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l’Agneau. Au milieu de sa rue, et du fleuve, de çà et de là, était l’arbre de vie, portant douze fruits, rendant son fruit chaque mois ; et les feuilles de l’arbre sont pour la guérison des nations ». L’arbre de vie ne porte pas seulement ce que produisait le premier, mais maintenant, selon la plénitude de la provision de la grâce de Dieu envers l’homme, il rend d’abord, pour l’homme dans la gloire, ses douze fruits, puis ce qui convient aussi à l’homme sur la terre, une portion que donne la bonté d’un Dieu qui manifeste son royaume. « Et il n’y aura plus de malédiction ; et le trône de Dieu et de l’Agneau sera en elle ; et ses esclaves le serviront ». La description de cette scène se termine avec le v. 5; après quoi viennent des avertissements jusqu’à la fin du livre.

Le v. 6 confirme encore une fois toutes ces paroles, et, en relation avec elles, la venue du Seigneur est présentée pour en renforcer l’importance. « Et voici, je viens bientôt. Bienheureux celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ». Alors est affirmé de nouveau le caractère de cette prophétie, caractère qui dérive du fait que le christianisme a déjà pris sa place : « Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre ». Au temps de Daniel, et pour Daniel lui-même, le livre était scellé (Daniel 12:4, 9) ; c’était alors le caractère des anciens oracles, mais non du livre de Jean. « Et il me dit : Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre ; le temps est proche ». Il ne l’était pas à l’époque de Daniel. Pour l’Église, le temps est toujours proche. Dans son caractère propre, comme dans les choses qui sont sa portion, elle ne connaît point de temps du tout. Tout ce qui appartient au corps de Christ est en dehors de la terre et du monde. L’Église est au ciel ; et, dans le ciel, il n’y a ni temps, ni rien qui le mesure. Il y a dans le ciel des luminaires qui marquent les temps et les saisons pour la terre, et sur la terre. Mais l’Église se compose de personnes appelées en dehors de la terre, et elle n’est pas du monde ; en conséquence, pour elle, le temps est toujours proche. Dès que Christ fut annoncé comme assis à la droite de Dieu, et, par conséquent, dès le début du christianisme, il fut aussi présenté comme prêt à juger les vivants et les morts (1 Pierre 4:5), et il demeure ainsi jusqu’au temps présent. L’Église continue donc selon la volonté du Seigneur. Il peut, suivant les desseins qu’il a formés, allonger ou abréger cet intervalle de temps qui est entièrement entre ses mains, mais l’Église n’a rien à faire avec les temps et les événements. Pour le Juif, au contraire, il y a nécessairement des dates ; pour lui, de grands changements doivent aussi avoir lieu, et c’est pourquoi, comme Daniel représente les Juifs, la différence reste marquée. Pour le chrétien, ce livre n’est pas scellé. Tout est ouvert, parce que le Saint Esprit habite en nous, « car l’Esprit sonde toutes choses, même les plus profondes de Dieu ». Nous trouvons donc, en relation avec le livre, l’avertissement le plus solennel. « Que celui qui est injuste commette encore l’injustice ; et que celui qui est souillé se souille encore ; et que celui qui est juste pratique encore la justice ; et que celui qui est saint soit sanctifié encore ». Le temps dont il est parlé ici ne nous concerne point, mais bien ceux qui seront sur la terre après que nous serons loin. Tout est fixé alors. Ce ne sera plus le temps de chercher la miséricorde : quel que soit l’état dans lequel le Seigneur nous trouvera à sa venue, tout est terminé et fixé ; il n’y a pas lieu à changement. En conséquence, nous lisons : « Voici, je viens bientôt, et ma récompense est avec moi ». Nous voyons que cela se rapporte à ce qui précède, — non seulement à sa venue pour nous qui gardons les paroles de la prophétie de ce livre, mais pour ceux qu’il trouvera ici-bas, « pour rendre à chacun selon que sera son oeuvre ».

Après cela Jésus se présente lui-même, en même temps qu’il annonce avoir envoyé son ange. « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous rendre témoignage de ces choses dans les assemblées. Moi, je suis la racine et la postérité de David, l’étoile brillante du matin. Et l’Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens. Et que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie ». Ainsi Christ présenté non seulement comme la racine et la postérité de David, mais comme l’étoile brillante du matin, fait jaillir, sous l’action du Saint Esprit, l’effusion du coeur de l’Église. Elle ne peut entendre parler de lui sous ce point de vue, sans désirer aussitôt qu’il vienne. Elle ne dit pas, il est vrai : « Viens bientôt » ; cela ne conviendrait ni à elle, ni au chrétien. Ce qui nous convient, c’est la patience d’espérance. Au contraire, qu’il est précieux pour le coeur que ce soit Lui qui dise : « Je viens bientôt ». Et c’est Christ seul qui, dans l’Écriture, parle toujours ainsi. Quant à nous, nous pouvons dire simplement : « Viens ». Nous désirons sans doute qu’il vienne bientôt, mais nous lui abandonnons le moment, parce que nous connaissons son amour et que nous pouvons nous confier en Lui. Nous savons que, s’il tarde, ce n’est pas « pour ce qui concerne la promesse » (2 Pierre 3:9), mais sa patience « est salut » (v. 15) à plusieurs. Or qui voudrait priver l’âme du salut, ou empêcher le Seigneur de le manifester ?

« Et l’Esprit et l’Épouse disent : Viens ». C’est à Jésus que ce soupir s’adresse. Vers quel autre pourrait-il être poussé ? L’épouse fait monter ce désir vers l’époux, et le Saint Esprit donne la puissance à cette effusion de son coeur. Mais, outre cela, il y a aussi un message pour d’autres ; un mot adressé à ceux qui entendent. « Que celui qui entend dise : Viens ». Ils sont invités à proférer le même appel. Si vous croyez, ne craignez point, alors même que vous n’auriez que peu de connaissance : Le Seigneur n’oublie ni ne méprise ceux qui comparativement manqueraient encore d’intelligence. C’est précisément cette classe de personnes qu’il a en vue, dans l’invitation, faite à ceux qui entendent, de dire : « Viens ». L’épouse représente ceux qui sont dans la possession normale et la jouissance de leurs privilèges. Plusieurs ne sont pas encore arrivés à ce point, mais le Seigneur ne les oublie pas. « Que celui qui entend, dise : Viens ». Avoir seulement entendu sa voix, c’est, après tout, le don et la faveur inestimables, c’est le point de départ de toute bénédiction. Ce n’est pas la pleine jouissance, mais de là dépend tout. C’est le chemin qui conduit à tout, si ce n’est pas la prise de possession et la jouissance actuelle de tout. « Que celui qui entend » soit donc encouragé à dire : « Viens ». Il n’y a rien en Jésus qui puisse ou doive vous arrêter, ni vous causer aucune crainte. En lui il y a toute bénédiction ; c’est de lui-même que vous jouirez, quand même vous n’auriez pas eu ici-bas la pleine connaissance de tout ce qu’il est.

Mais en même temps que l’Église dit à Christ : « Viens », et qu’elle invite ceux qui croient à se joindre sans crainte à elle dans cet appel, elle n’oublie pas ceux qui sont de pauvres pécheurs, soit qu’ils en aient la profonde conviction, ou qu’ils éprouvent seulement un désir produit par la grâce de Dieu, ce qui est la plus faible expression du besoin d’un pécheur ; de même que nous avons vu aussi la plus faible expression de ce qu’est un saint dans celui qui entend. Ainsi le Seigneur trouve place pour tout ce qui est le fruit de sa propre grâce, — pour l’appel de grâce aussi, même s’il n’y est pas répondu. Toutefois le mépris de la grâce conduit nécessairement au jugement.

Le livre se termine après un avertissement solennel à ceux qui ajouteraient ou retrancheraient quoi que ce soit à son contenu. « Celui qui rend témoignage de ces choses dit : Oui, je viens bientôt. — Amen ; viens, Seigneur Jésus ! »

« Oui, je viens bientôt » ; que cela est précieux après une si longue attente. Après tant de douleurs, d’épreuves, de difficultés, de dangers, qu’il est doux d’avoir une telle parole, prononcée par Celui qui est le saint et le véritable, et qui certainement va venir dans la fidélité de son amour. Il ne manquera pas d’accomplir ce dont il a donné le gage à nos coeurs. Il vient, et c’est bientôt pour nous.

Puissent nos coeurs, dégagés d’entraves, répondre librement « Amen », à sa parole d’amour et de vérité ! Que sa grâce soit avec tous !