William Kelly
Traduit de : Introductory Lectures, vol. III, sur le livre des Actes. Sous-titres rajoutés par Bibliquest.
Série d’exposés (lectures) donnés à Londres entre le 21 avril
et le 14 mai 1869,
pris en sténographie et corrigés. Édité en 1869, réimpression H.L.Heijkoop,
Pays-Bas, 1970
On a conservé le plus souvent le terme « Gentil »
pour désigner les « non Juifs ».
On pourrait remplacer « Gentils » par « nations »
Table des matières :
1 - Généralités sur les ch. 21 à 28
2.1 - Actes 21:1-4a — Sept jours à Tyr. Besoin de se réunir avec les enfants de Dieu
2.2 - Actes 21:4b-5 — Avertissement de l’Esprit. Présence des enfants. Le départ
2.3 - Actes 21:8-9 — Philippe et ses filles qui prophétisaient
2.4 - Actes 21:10-14 — Nouvel avertissement de l’Esprit
2.5 - Actes 21:17-40 — Chez Jacques. Les pressions pour observer la loi. L’affaire du vœu
3.1 - Actes 22:1-21 — Discours de Paul à la foule où il raconte sa conversion
3.2 - Actes 22:22-30 — Lié pour être fouetté, Paul en signale l’illégalité
4.1 - Actes 23:1-5 — Accrochage avec le souverain sacrificateur
4.3 - Actes 23:10-11 — Encouragement du Seigneur à Paul
4.4 - Actes 23:12-31 — L’échec de la conspiration
5.1 - Actes 24:1-21 — Première comparution devant Félix. Nature des accusations
5.2 - Actes 24:22-27 — Manœuvres de Félix
6.1 - Actes 25:1-12 — L’appel à César
6.2 - Actes 25:13-27 — Comparution devant Agrippa
7.1 - Actes 26:1-8 — La résurrection est bien le sujet en cause
7.2 - Actes 26:9-15 — Conversion de Paul
7.3 - Actes 26:16-23 — Paul retiré des Juifs et des Gentils
7.4 - Actes 26:24-26 — L’interruption de Festus
7.5 - Actes 26:27-28 — Agrippa interpelé
7.6 - Actes 26:29 — Le souhait de Paul pour ses auditeurs
7.7 - Actes 26:30-32 — Libérable ?
8 - Actes 27 — Le voyage par mer
9.1 - Actes 28:1-12 — Puissance de Dieu à Malte
9.2 - Actes 28:13-16 — En Italie. Encouragements par les frères
9.3 - Actes 28:23-31 — Endurcissement des Juifs
Les chapitres 21 à 28 terminant ce livre sont consacrés à un épisode plein d’intérêt et de profit — le voyage de Paul de Jérusalem à Rome. L’atmosphère y est très différente de ce que nous avons eu précédemment. Ce n’est plus la prodigieuse puissance du Saint Esprit, a) débutant à Jérusalem la grande œuvre de Dieu sur la terre (Actes 1-7), ni b) son énergie tout aussi merveilleuse brisant les vieilles outres du judaïsme (Actes 8-12), avec la grâce qui coulait librement, d’abord à Samarie, puis vers les Gentils, et en principe et en temps voulu jusqu’aux extrémités de la terre. Ce n’est plus non plus c) l’apôtre mis à part pour l’évangile de Dieu (Actes 13-20), comme il est dit (Rom. 1:1). Voilà les trois grandes divisions et le contenu principal du livre jusqu’au point où nous sommes arrivés (Actes 1 à 20). Mais maintenant l’apôtre va devenir prisonnier, non pas sans en avoir été averti. Le Saint Esprit, comme cela ressort à l’évidence du texte, a averti l’apôtre à de multiples reprises. Mais l’apôtre combine de manière très frappante une foi d’un caractère vraiment céleste, et une vie cramponnée de cœur, très fortement, à ses frères selon la chair. C’est ce qui rend très difficile d’avoir une juste appréciation de son histoire. Mais on peut dire que ce qui était de l’infirmité doit être accepté comme étant une infirmité du côté le plus noble du cœur humain (pour autant que cela existe, ce que je ne nie pas). Néanmoins l’effet immédiat en est la leçon que même cela nous amène de force dans des circonstances entièrement nouvelles où Dieu ne manque jamais de se magnifier. Cela même qui a pu être en soi une méprise, Il sait le faire tourner à Sa propre gloire, et alors Il forme en grâce de nouveaux canaux et des voies appropriées, sans manquer à un juste jugement de l’erreur, même si elle était dans ce qu’il y a de meilleur ; et Il fait cela de manière d’autant plus remarquable que l’erreur était justement dans ce qui est le meilleur. Je crois que c’est la leçon éminente de ces derniers chapitres des Actes.
Continuons cependant le cours de l’instruction divine.
L’apôtre poursuit son chemin et trouve des disciples, et s’attarde
parmi eux à Tyr pendant « sept jours ». Cela semble avoir été une
durée habituelle pour un séjour — on imagine facilement pourquoi. Je ne doute
pas que la raison principale fût de jouir de la communion des saints, et de
passer dans un nouveau lieu le premier jour de la semaine avec les chrétiens — ce
jour qui a la plus grande valeur pour un cœur fidèle à Jésus. Cela a été montré
expressément en Actes 20. L’Esprit de Dieu ne répète pas la même affirmation
formelle ici. Néanmoins, je ne pense pas que nous nous égarons si nous rattachons
ces sept jours de visite apostolique (21:4) à ce qui est clairement énoncé dans
les v. 6 et 7 du ch. 20. À Troas, il était dit : « Nous y séjournâmes
sept jours, et le premier jour de la semaine, lorsque nous étions assemblés pour
rompre le pain
, Paul leur fit un discours ». Ici au ch. 21, il n’y a
pas une telle affirmation positive, mais on retrouve d’une manière similaire la
mention de sept jours avec les disciples, ce qui amène bien le jugement
spirituel à se poser la question du motif d’une telle durée. Je ne doute pas,
pour ma part, que ce soit chaque fois pour avoir la joie de rencontrer tous les
saints de la localité à cette occasion, et pour les encourager et les fortifier
dans leur course.
Sans doute l’instinct spirituel des enfants de Dieu les conduit toujours à désirer être ensemble. Pour ma part, je ne peux pas comprendre un enfant de Dieu qui par principe pourrait s’abstenir de quelque occasion que ce soit où les membres de la maison de la foi sont convoqués autour du nom du Seigneur. Il me semble que, loin d’être une perte de temps et loin d’avoir la même importance que d’autres objectifs, il s’agit simplement de savoir si Christ a de la valeur pour nous, et si, vivant par l’Esprit, nous marchons aussi vraiment par l’Esprit, et si les objets de l’amour actif et constant de Dieu sont aussi dans une mesure les objets de notre amour au nom de Christ.
Je pense donc qu’il est selon le Seigneur que les enfants de Dieu soient tous les jours ensemble s’il y en a la possibilité pratique. C’est ce à quoi la puissance de l’Esprit voudrait conduire : seules les circonstances où nous sommes placés dans ce monde sont des empêchements rédhibitoires. Donc le vrai principe selon la parole de Dieu est de se réunir toutes les fois qu’on peut pratiquement ; et nous faisons bien de nourrir un réel exercice de cœur et de conscience pour juger de ce qui est possible pratiquement, ou plutôt de juger si l’impossibilité pratique est réelle ou imaginaire. Très souvent, on trouvera qu’au niveau de notre volonté il s’agit d’une excuse pour la paresse spirituelle, ou bien d’un manque d’affection pour les enfants de Dieu, ou bien encore d’un manque de sens de nos besoins propres. À cause de cela, on accepte dans nos pensées des obstacles comme les exigences des affaires, ou celles de la famille, ou même celles de l’œuvre du Seigneur. Toutes ces choses ont certes leur place. Il est certain que Dieu voudrait que tous Ses enfants cherchent à Le glorifier dans toutes leurs obligations. Ils ont des devoirs naturels dans ce monde ; et la merveilleuse puissance du christianisme se voit en ce qu’il remplit avec ce qui est divin, ce qui, sans Christ, serait seulement de la nature ; une fois qu’un homme appartient à Christ, toutes les branches de sa vie devraient en être pénétrées. Encore une fois ce que réclament les enfants par exemple, ou des parents, ou des choses semblables, on ne peut le contester ; mais si on prend cela réellement en charge pour Christ, je ne pense pas que cela causera une perte aux parents ou aux enfants, ni qu’il y ait une perte sur le long terme à cause du peu de temps passé à chercher la force du Seigneur, ou passé dans la communion selon notre mesure. Nous devrions être ouverts des deux côtés ; nous n’aurons nous-mêmes jamais aucun pouvoir pour aider à moins d’avoir le sentiment du besoin d’aide chez les autres ; mais les deux côtés seront réglés ensemble.
Il me semble que l’Esprit de Dieu se sert du bienheureux apôtre pour nous donner par ces touches passagères répétées de précieuses indications quant à l’esprit qui l’animait dans sa course. Nous savons peut-être un peu ce que c’est qu’un long voyage sans repos ni nourriture ni abri ; passer d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre n’était pas du tout aussi facile que maintenant. Nous avons l’habitude de nous mettre en route rapidement, et avons hâte d’arriver. On peut comprendre combien l’apôtre, avec tant d’obstacles sur sa route, pouvait ressentir le soulagement de ces haltes répétées, sept jours ici, sept jours là comme nous l’avons vu ; il montrait par-là expressément le désir de son cœur de jouir de la communion et d’affermir les âmes. Voilà ce que nous trouvons dans le parcours de cet homme si béni : il devrait en être de même pour nous à notre petite mesure.
Cependant cette halte fut l’occasion pour les disciples de dire à Paul par l’Esprit de ne pas monter à Jérusalem (21:4b). C’était grave. L’Écriture ne fait aucun autre commentaire là-dessus. Nous ne savons pas ce que l’apôtre a dit ou fait, sinon qu’il a simplement poursuivi vers Jérusalem. « Quand ayant accompli ces jours-là, nous partîmes et nous nous mîmes en chemin » (21:5a).
Puis nous avons la belle scène des femmes et des enfants (21:5b). Cela est précieux. L’absence d’allusion aux enfants dans les Actes des Apôtres est assez remarquable, alors qu’il est beaucoup parlé des hommes, des saints et des serviteurs de Dieu. Mais il en est parlé dans ce qui est manifestement approprié. Ils sont mis en avant ici, mais non pas à la manière de ce qu’a fait depuis longtemps une église superstitieuse, entre autres en les faisant participer à la table du Seigneur : les choses changèrent assez tôt, même si ce ne fut pas à ce point ; mais nous voyons les enfants dans cette expression d’amour qui les remplit tous, et dans le désir de récolter jusqu’à la dernière minute la bénédiction d’avoir un apôtre parmi eux. Bref, les enfants étaient là à la fois comme signe d’amour respectueux pour celui qui s’en allait, et aussi dans l’attitude de recevoir quelque bénédiction selon qu’il plairait au Seigneur de leur en accorder. « Et tous nous accompagnèrent avec femmes et enfants », est-il dit, « jusque hors de la ville ; et nous étant mis à genoux, nous priâmes. Et après nous être embrassés les uns les autres, nous montâmes sur le navire ; et ils s’en retournèrent chez eux » (21:5c-6).
Un autre moyen de nous faire entrer dans les voies de Dieu parmi les Siens nous est donné à Césarée. « Étant entrés dans la maison de Philippe l’évangéliste, qui était l’un des sept, nous demeurâmes chez lui » (21:8b). Nous n’avons pas oublié les travaux de Philippe au commencement, à Samarie et aux alentours. Mais nous apprenons ici ce que nous ne savions pas jusqu’alors, à savoir qu’il avait quatre filles (21:9). Comme elles étaient célibataires, elles restaient chez leur père, et elles prophétisaient. Il n’y a aucune raison pour qu’une femme n’ait pas ce don autant qu’un homme, comme la plupart des autres dons. Mais je ne dis pas « toujours le même genre » de don. Certes Dieu est sage, et donne des dons appropriés soit aux hommes soit aux femmes, ou, peut-être, j’allais dire, aux enfants. Le Seigneur est souverain, et comme Il place dans le corps de Christ tous ceux qui croient maintenant, Il sait aussi comment leur donner une tâche adaptée à ce qu’Il se propose en grâce. Il avait certainement revêtu ces quatre filles de Philippe d’une puissance spirituelle très spéciale. Elles avaient un don spirituel du caractère le plus élevé : elles prophétisaient. Et si elles étaient investies de ce pouvoir, ce n’était certainement pas pour le mettre sous le boisseau, mais pour l’exercer : la seule question est de savoir comment.
Si nous sommes soumis à l’Écriture, celle-ci est tout à fait explicite sur ce sujet. En premier lieu, la prophétie est placée au premier rang dans l’enseignement, mais c’est bien d’enseignement qu’il s’agit. Or l’apôtre lui-même est celui qui nous dit qu’il ne permet pas à une femme d’enseigner. C’est tranché nettement ; si nous nous inclinons devant l’apôtre comme étant inspiré pour nous donner la pensée de Dieu, nous devons savoir que ce n’est pas la place d’une femme chrétienne d’enseigner. Ce sujet n’est pas traité en 1 Cor. 11, mais en 1 Cor. 14. Il trace la ligne de démarcation entre hommes et femmes en 1 Timothée 2. Ce dernier passage interdit aux femmes en général d’enseigner. L’autre passage encore plus proche du sujet est 1 Cor. 14 qui leur commande de se taire dans l’assemblée. À Corinthe, il y avait apparemment quelque difficulté quant à l’ordre divin et aux relations justes entre hommes et femmes, parce que les Corinthiens, habitués à spéculer au lieu de croire, raisonnaient sur les choses. C’était la tendance de l’esprit grec à tout remettre en question. Ils ne pouvaient pas comprendre que, si Dieu avait donné à une femme le même don qu’à un homme, elle ne pouvait pas s’en servir pareillement. Nous comprenons tous leur difficulté. Il ne manque pas aujourd’hui de pareils raisonneurs. La faute de base était, et est, qu’on laisse Dieu de côté. Sa volonté ne venait pas à l’idée des Corinthiens. Ils ne s’attendaient pas au Seigneur pour s’assurer de Sa pensée. Or il est évident que, s’Il a appelé l’Église à l’existence, ce ne peut être que pour Sa gloire. Il a Sa pensée et Sa volonté au sujet de l’Église, et Il a donc fait connaître dans Sa Parole comment tous les dons de Sa grâce doivent être exercés.
Les passages de 1 Cor. 14 et 1 Tim. 2 me paraissent parfaitement clairs sur la place relative de la femme, quel que soit son don. On peut considérer que cela ne tranche la question que d’une seule sphère, celle de l’assemblée, où l’exercice du don de la femme est exclu par l’Écriture. J’ajouterai qu’à cette époque il n’arrivait pas que des femmes veuillent aller prêcher publiquement la parole. Si mauvais que fût l’état de choses en ce temps-là, il me semble qu’on s’attendait alors à un plus grand sens de modestie de la part des femmes. Il n’est pas douteux que, depuis, beaucoup de femmes aient ainsi prêché avec les meilleures intentions, comme elles le font encore. Elles, ou leurs amis, défendent leur cause en invoquant d’une part la bénédiction de Dieu, et d’autre part le besoin criant des pécheurs partout en train de périr. Mais il est plus que certain que ces passages de l’Écriture (c’est elle qui est la norme) ôtent toute justification devant le Seigneur à leur ligne de conduite. La prédication publique de l’Évangile par des femmes n’est jamais envisagée dans l’Écriture. C’était déjà mauvais pour les Corinthiens de penser qu’elles pouvaient parler parmi les fidèles. On aurait pourtant pu penser que les hommes pieux formaient là un abri pour les femmes, et qu’ainsi elles ne se mettaient pas intempestivement en avant devant toutes sortes de gens du monde, comme dans l’évangélisation. Parmi les enfants de Dieu elles pouvaient imaginer qu’une sorte de voile, pour ainsi dire, les couvraient plus ou moins. Mais dans les temps modernes, la fin est censée justifier les moyens. Si grossiers que fussent les Corinthiens, à mon avis les dispositions de nos jours semblent plus affligeantes et moins excusables.
Quoi qu’il en soit, nous voyons ici que les filles de Philippe prophétisaient (21:9). Sans doute était-ce dans la maison de leur père, comme déjà indiqué : sinon la parole de Dieu se contredirait.
Tandis qu’ils s’y attardaient, un certain prophète descendit de Judée et répéta l’avertissement à l’apôtre. Se liant les mains et les pieds avec la ceinture de Paul, il déclara : « L’homme à qui est cette ceinture, les Juifs à Jérusalem le lieront ainsi et le livreront entre les mains des nations » (21:11). C’est ce qui fut accompli à la lettre. Néanmoins, malgré les larmes des saints, malgré l’avertissement de ce prophète, comme celui des autres auparavant, Paul répondit résolument : « Que faites-vous en pleurant et en brisant mon cœur ? car je suis prêt, non seulement à être lié, mais encore mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus » (21:13).
Après tout cela, l’apôtre continue selon ce qu’il a dit, et les frères le reçoivent avec joie à Jérusalem (21:17). « Et le jour suivant, Paul entra avec nous chez Jacques, et tous les anciens y vinrent » (21:18). Il est évident d’après ce tableau que tout était en ordre à Jérusalem du point de vue ecclésiastique. Il y avait là un apôtre avec une position apparemment élevée de dignité locale. À côté il y avait les surveillants ordinaires que le Saint Esprit avait placés comme guides et conducteurs dans l’assemblée (c’est-à-dire la charge locale des anciens). « Et Paul, après qu’il les eut embrassés, raconta une à une les choses que Dieu avait faites parmi les nations par son service » (21:19). Ils reconnurent la manière dont le Seigneur avait été glorifié (21:20a). En même temps, ils lui dirent cette parole : « Tu vois, frère, combien il y a de milliers de Juifs » (le vrai sens est des dizaines de milliers, des myriades, ce qui donne probablement une idée plus grande que ce qu’on croit habituellement de la propagation vaste et rapide de l’évangile à cette époque parmi la nation) « qui ont cru ; et ils sont tous zélés pour la loi. Or ils ont ouï dire de toi, que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les nations de renoncer à Moïse, disant qu’ils ne doivent pas circoncire leurs enfants, ni vivre selon les coutumes » (21:20b-21). C’était une erreur. Ce n’était pas la voie suivie par l’apôtre.
Ce que Paul enseignait en réalité, c’était l’inconvenance de mettre les Gentils sous la loi : il n’intervenait pas avec les Juifs en ce temps-là. Plus tard, un message spécial et péremptoire a été donné par le Saint Esprit ; mais la manière d’agir du Seigneur avec eux fut progressive, et j’estime important pour nous d’apprendre et d’imiter Sa méthode avec son ancien peuple. Il est parfaitement vrai que la pensée de Dieu était bien d’apporter en son temps une pleine délivrance de la loi à la fois aux Juifs et aux Gentils ; mais cela n’a pas eu lieu d’un coup, au moins en ce qui concerne les Juifs. Ce contre quoi l’apôtre s’était résolument opposé, c’était l’effort d’amener les Gentils sous la loi ; or c’est précisément l’objet du zèle des frères pharisiens. L’apôtre rejetait résolument et condamnait comme une erreur fatale le fait que les chrétiens judaïsants ou les Gentils eux-mêmes se mettent sous la loi. Mais, en ce qui concerne les Juifs eux-mêmes, il y eut la plus profonde patience, qui découlait non seulement d’une largeur de cœur caractéristique, mais d’un tendre respect de consciences scrupuleuses. Si Dieu n’avait pas encore communiqué son dernier mot pour leur dire que l’ancienne alliance était prête pour disparaître, comment Paul aurait-il pu être hâtif, lui qui suivait si étroitement Ses voies ? Les premiers jours du christianisme étaient vraiment un temps de transition, où Christ fut le sujet du ministère d’abord auprès des Juifs, puis auprès des Gentils. Apprécier la liberté de l’évangile était bien plus simple pour les Gentils qui n’avaient jamais été sous la loi, que pour les Juifs. Les préjugés juifs furent tolérés jusqu’à ce que le message final [épitre aux Hébreux] vint de Dieu, les avertissant du danger d’apostasie de l’évangile par l’adhésion à la loi.
Ayant insisté sur ce point dans l’esquisse de l’épître aux Hébreux, il est moins nécessaire de s’étendre là-dessus maintenant. Cette épître a été pour les croyants hébreux la dernière trompette leur enjoignant de renoncer à tout lien avec l’ancien système. Jusqu’à ce moment-là, il y avait eu une transition graduelle, le fossé s’élargissant, la différence devenant plus prononcée, mais les liens ne furent pas tous rompus avant ce dernier appel. Je suis frappé combien une telle manière de faire est digne de notre Dieu — une manière qui pourrait sembler quelque peu difficile pour nos esprits enclins à la précipitation, parce que nous avons été principalement éduqués comme des Gentils. Depuis que nous sommes entrés plus parfaitement dans la vérité de Dieu, nous avons vu l’énorme dommage causé par l’introduction de la loi et de son mélange avec l’Évangile.
Rappelons-nous que, si le Saint Esprit a toujours maintenu la liberté pour les Gentils, pour les Juifs il y a eu incontestablement un temps d’attente. L’apôtre Paul lui-même n’a pas fait exception quant à la patience vis-à-vis de leurs préjugés. Quant aux douze, ils semblent être assez faiblement entrés dans cette liberté par rapport à la loi. Sans doute Paul, en tant qu’apôtre des Gentils, appelé du ciel par Jésus ressuscité et témoin de la grâce souveraine, a saisi cette liberté dans une mesure différente et plus riche ; mais nous verrons que même lui a pu sympathiser chaleureusement et dans une grande mesure avec les sentiments des Juifs. Il est celui à qui, après Dieu, nous sommes redevables de tout ce que nous savons sur le christianisme dans sa forme accomplie et sa force réelle ; pourtant, en face de tout cela, il est tout à fait évident qu’il avait, sinon le préjugé juif, tout au moins des attaches juives très chaudes. En tout cas, la force de son affection pour l’ancien peuple de Dieu l’a effectivement amené dans les troubles consignés dans les derniers chapitres de ce livre des Actes.
Il faut se rappeler que ceci peut être considéré dans une certaine mesure comme une réponse à l’amour qu’on trouve chez notre précieux Seigneur Lui-même ; mais il y a là des différences frappantes. Chez notre Seigneur, l’amour pour Israël était, comme tout le reste, parfait : il n’y avait pas, et ne pouvait y avoir, le plus léger mélange avec quelque chose de défectueux. Nous savons bien que la moindre trace d’une telle pensée serait répugnante pour notre foi et notre amour pour Sa personne. Pour le chrétien, il est impossible de le concevoir un seul instant. En même temps, nous savons que Son amour pour ce peuple a été ressenti et exprimé jusqu’au bout. C’est Son amour persévérant qui L’a amené dans les circonstances où Il a été entièrement rejeté quand le temps de Dieu est venu, et Il a souffert toutes les conséquences de leur haine (bien qu’Il ait aussi souffert infiniment plus pour le péché dans l’expiation, ce qui a été Sa part à Lui seul). Or l’apôtre savait ce que c’était d’aimer Israël et de souffrir pour cet amour. C’est non seulement parmi les Gentils, mais aussi parmi les saints que, plus il aimait, moins il était aimé. Ceci est vrai ; mais, si c’était vrai en général, il fallait par-dessus tout que ce soit vérifié parmi les Juifs. C’est de cette manière que se dresse ce fait admirable de l’histoire de l’apôtre Paul : l’homme même qui a fait spécialement s’épanouir l’église, et qui a montré son caractère céleste comme nul autre ne s’en est rapproché ; l’homme même qui a démontré l’abolition absolue des relations et liens anciens, ramenant tout, en l’absorbant, à Christ exalté à la droite de Dieu : — c’est lui l’homme dont le cœur a conservé le plus fort attachement d’amour à l’ancien peuple de Dieu. Et je n’ai pas le moindre doute que Dieu nous a donné ce cas comme un avertissement solennel, mais plein de grâce, du danger qu’il représente. Était-il apôtre ? était-il le plus grand des apôtres ?… Bien sûr il l’était, mais Paul n’était quand même pas Christ ; et ce qui pouvait se trouver en Christ, et ce qui a été en Lui la perfection absolue, cela ne se trouvait pas en Paul. Pourtant Paul a été un homme qui a relégué dans l’ombre tout ce qui a été dans la suite.
Si je peux exprimer mes sentiments ici, laissez-moi dire que je n’ai pas ressenti d’épreuve plus grande pour mon propre esprit que d’aborder ce sujet précis. Il n’y a rien à quoi je me refuse davantage que d’avoir ne serait-ce que l’apparence de critiquer un tel serviteur du Christ. Pourtant, Dieu a écrit l’histoire de tout cela, et Il ne l’a certainement pas écrit pour la sentir en silence, mais pour en parler pour le profit commun. Il l’a écrite, sans doute, pour que nous sentions nos grandes carences, et pour que nous prenions garde que dans nos pensées nous ne nous mettions pas à condamner quelqu’un comme le grand apôtre des nations.
Ce que le Saint Esprit a enregistré ici, c’est, je le répète, les avertissements qu’Il a Lui-même donnés d’un côté, et de l’autre le refus de l’apôtre d’agir d’après eux, si j’ose dire ainsi, bien que ce fût par une plénitude d’amour tendre et d’affection toujours brûlante pour ses frères selon la chair. Hélas ! quand nous pensons à nos travers ; quand nous réfléchissons combien ils ne jaillissent guère de quelque chose de beau ; quand nous nous rappelons combien ils sont mélangés avec de la mondanité, de l’impatience, de l’orgueil, de la vanité et du moi ; quand nous remarquons que Paul a été si profondément châtié, et qu’il s’est heurté à un coup d’arrêt si affligeant de l’œuvre mondiale que Dieu lui avait confiée, — quelle lumière cela jette sur nos fautes ! Il a eu une pression d’épreuve que peu d’hommes ont jamais connue hormis lui ; et il a eu ce qui pouvait le lui rendre plus amer, tout ce qui a été le résultat naturel d’avoir négligé les avertissements de l’Esprit de Dieu en cédant à son amour indéfectible pour un peuple dont, après tout, il avait été divinement séparé pour faire l’œuvre que le Seigneur Lui avait donné à faire. Or Dieu nous ayant donné le récit de tout cela, quoi que nous en pensions peut-on douter que nous soyons tenus de le lire, et par grâce de chercher à le comprendre ? Oui, mais pas seulement cela : puissions-nous l’appliquer pour la bénédiction actuelle de nos âmes, et pour notre progrès dans le chemin de Christ ici-bas, quel qu’il soit. Notre sphère peut être très petite ; mais, après tout, un saint est un saint, et il est très cher pour Dieu qui se magnifie dans le moindre de ceux qui sont à Lui.
C’est assurément pour notre profit et pour la gloire de Dieu que le Saint Esprit a écrit cet appendice remarquable à l’histoire — l’histoire des progrès des Actes des Apôtres. Ici nous avons un coup d’arrêt qui introduit des choses nouvelles, le fruit d’avoir persisté à monter à Jérusalem en dépit du témoignage de l’Esprit allant à l’encontre. Plus l’homme est béni, plus son manque de fermeté dans la marche est grave. Il y a eu un pas en dehors de ce que l’Esprit ordonnait, même si ce fut mêlé de ce qui est beau et aimable ; en même temps, ce n’était pas à la pleine hauteur, pour ainsi dire, de la direction de l’Esprit de Dieu. Ceci a exposé l’apôtre à encore autre chose, comme c’est toujours le cas, et d’autant plus, en effet, que c’était quelqu’un comme Paul. On trouve le même principe dans la vie de David. Le manque d’énergie, qui aurait pu avoir relativement peu de conséquence chez un autre, est devenu un très grand piège pour David ; et une fois sorti du chemin du Seigneur, il a vite glissé dans le filet du diable. On n’entend pas parler de quelque chose d’équivalent chez l’apôtre Paul, loin de là ; en effet, dans son cas, l’apôtre a été miséricordieusement préservé de tout ce qui aurait fait agir tant soit peu la corruption de la nature. Ce fut simplement, à ce qu’il me semble, un défaut de vigilance à l’égard de son amour pour Israël, et en conséquence, la mise de côté des avertissements donnés par l’Esprit. Les larmes et les appels semblent avoir plutôt stimulé et renforcé son désir, et cela l’a exposé à ce qui était un piège, — un piège non pas immoral mais religieux, par le fait d’écouter d’autres se situant en-dessous de sa propre mesure. Il prit l’avis de Jacques.
« Qu’est-ce donc ? Il faut absolument que la multitude s’assemble, car ils entendront dire que tu es arrivé. Fais donc ce que nous te disons : Nous avons quatre hommes qui ont fait un vœu ; prends-les et purifie-toi avec eux, et paye leur dépense, afin qu’ils se rasent la tête » (21:22-24a) — quelle position pour l’apôtre d’être pareillement engagé ! — « et tous sauront que rien n’est [vrai] des choses qu’ils ont ouï dire de toi » (21:24b). Sans prétendre qu’il n’y avait rien tendant à cela dans la ligne de conduite suivie par Paul jusque-là (cf. 18:18), il est évident que l’objectif était de donner l’apparence qu’il était un très bon Juif. Était-ce légitime ? était-ce toute la vérité ? N’était-il pas un Juif un peu ambigu ? Je crois que, comme nous l’avons déjà vu, il avait un respect non dissimulé pour ce qui avait autrefois l’approbation de Dieu. Et c’est sur ce point que se trouve la différence entre son cas et les voies parfaites de notre précieux Seigneur. Jusqu’à la croix, la dispensation de la loi ou première alliance avait l’approbation de Dieu ; après la croix, elle a en principe été jugée. L’apôtre l’avait certainement toute pesée et évaluée ; il n’avait besoin de personne pour lui montrer la vérité. En même temps, il était grandement mêlé de l’amour pour le peuple ; nous savons bien comment cela a pu interférer avec son œil simple, ce qui est normalement la sauvegarde de tout chrétien.
L’apôtre écoute alors ses frères sur un sujet sur lequel il était incomparablement plus compétent que n’importe lequel d’entre eux pour former un jugement sain. Il en a souffert les conséquences. On le trouve en train de se purifier avec des hommes qui avaient fait un vœu. Il entre dans le temple, « annonçant quand seraient accomplis les jours de leur purification, l’époque à laquelle l’offrande aurait été présentée pour chacun d’eux » (21:26). « Et comme les sept jours allaient s’accomplir » (21:27a), — ce qui est une période bien connue en rapport avec le vœu de Nazaréen (Nomb. 6:9) — « les Juifs d’Asie l’ayant vu dans le temple, soulevèrent toute la foule et mirent les mains sur lui, s’écriant : Hommes israélites, aidez-nous ! C’est ici l’homme qui partout enseigne tout le monde contre le peuple, et la loi, et ce lieu ; et qui de plus a aussi amené des Grecs dans le temple et a profané ce saint lieu » (21:27b-28). Le verset suivant (21:29) nous en montre la raison. C’était une erreur, mais elle suffisait pour soulever les sentiments de tout Israël. « Toute la ville fut en émoi, et il se fit un rassemblement du peuple » (21:30a). Cela finit par un tumulte effrayant, et l’apôtre fut en danger d’être tué par leurs mains violentes, quand le chiliarque (capitaine en chef) vint à la rescousse. Ceci ouvrit la voie à Paul pour tenir en hébreu le discours remarquable rapporté au ch. 22.
La mention de la langue hébraïque semble confirmer la véritable clé concernant la différence entre ce récit de la conversion de l’apôtre et les autres. Dans le livre des Actes, ce n’est pas tout à fait comme dans les évangiles, où une manière différente de présenter le même fait ou le même discours de notre Seigneur Jésus dépend du caractère du dessein de l’évangile ; cependant, au fond le principe est le même. Dans un même livre, on peut retrouver des différences de dessein. On en voit dans les trois récits de la conversion de Paul : d’abord, le récit historique (ch.9) ; ensuite la déclaration de Paul lui-même aux Juifs (ch.22) ; et enfin le récit de Paul aux Juifs et aux Gentils, représentés par le gouverneur romain et le roi Agrippa. C’est la vraie raison de la différence de manière dont les faits sont présentés. Nous n’avons pas besoin d’entrer minutieusement dans les détails.
En y regardant de près, vous verrez que ce qui est dit est correct, et qu’à l’évidence l’apôtre adopte ici un langage propre à arrêter l’attention des Juifs en faisant appel à leurs affections ; il parle dans leur langue familière, et rend compte de sa conversion d’une manière conciliante à l’égard de leurs sentiments. Une seule chose leur parut impardonnable ; or c’était justement la gloire de son apostolat, le but direct pour lequel Dieu l’avait suscité. Ainsi c’est avec les meilleures intentions de grâce, et avec l’amour le plus chaleureux envers ses compatriotes selon la chair, que l’apôtre rend compte de sa conversion et des circonstances miraculeuses qui l’ont accompagnée, de sa rencontre avec Ananias, homme pieux selon la loi (ce qu’il prend particulièrement la peine de certifier), et de l’extase dans laquelle il est ensuite tombé à Jérusalem en priant dans le temple. Mais il devait bien savoir que ce qu’il leur disait ne pouvait qu’éveiller leur fureur au plus haut point, et cela d’autant plus qu’il avait une compréhension exacte des sentiments des Juifs : en bref, il leur fait savoir que le Seigneur l’a appelé pour l’envoyer vers les Gentils [les nations].
C’était bien assez. Dès que le mot de « Gentils » parvint à leurs oreilles, tous leurs sentiments d’orgueil juif prirent feu, et aussitôt ils s’écrièrent : « Ôte de la terre un pareil homme, car il n’aurait pas dû vivre » (22:22). Et comme ils poussaient des cris et jetaient leurs vêtements et lançaient de la poussière en l’air (22:23), le chiliarque commanda de l’emmener à la forteresse, disant qu’on le mit à la question par le fouet (22:24). Là, il se mettait en tort, car Paul était à la fois Juif et citoyen Romain ; il avait même mieux le droit à cette citoyenneté que le chiliarque qui le faisait lier. L’apôtre déclare tranquillement le fait. Je n’ose pas le juger, quoique certains chrétiens le fassent : il avait clairement le droit de signaler leur propre transgression à ceux qui étaient les gardiens de la loi. Il ne va pas plus loin, mais leur dit simplement les choses comme elles étaient.
Il me semble que trouver à redire à l’apôtre sur cet acte, c’est faire preuve de scrupules maladifs et non pas de vraie sagesse spirituelle. Chacun sait qu’il est facile d’être martyr en théorie, et que ceux qui sont martyrs en théorie le sont rarement dans la pratique. Voilà quelqu’un destiné à la torture, qui était en réalité l’un des témoins du Seigneur les plus bénis dans toute sa vie. La foi rend capable de voir les choses clairement. Les gardiens de la loi ont-ils le droit d’enfreindre la loi ? La foi n’enseigne jamais de courir au danger et de chercher les difficultés, mais de marcher dans le chemin de Christ dans la paix et les actions de grâce. Le Seigneur n’a pas appelé Ses serviteurs à abandonner ce chemin. Certains d’entre nous n’auront pas manqué d’être frappés par le fait que le Seigneur a dit de fuir dans une autre ville si l’on était persécuté dans une première ville. Assurément ce n’est pas courir au martyre, mais juste l’inverse ; et si le Seigneur Lui-même a donné une telle parole à Ses serviteurs en Judée et à Ses disciples (comme cela est bien connu), il me semble pour le moins risqué et sans base spirituelle sérieuse, de se mettre catégoriquement dans la situation dangereuse de condamner un innocent [ici : Paul] qui a droit à tout notre respect. On ne voit ici aucun signe que le Saint Esprit ait donné quelque avertissement ; et notons qu’il ne s’agit en aucune manière de mettre de côté ce qui est clairement établi ailleurs. Nous avons vu le Saint Esprit avertir l’apôtre quand il était entraîné par un amour ardent, et il est facile de voir qu’Il avait un droit absolu tant pour guider que pour corriger, même s’il s’agissait d’un apôtre.
Rien de semblable n’apparaît ici. Un fait avait été illégalement méconnu par l’officier romain ; l’apôtre avait le droit de le dire. Ce n’était pas recourir à la justice [des tribunaux]. Inutile de dire qu’un recours aux autorités n’aurait guère convenu à un disciple et serviteur de Jésus. L’apôtre n’utilisait pas du tout un moyen que l’homme voudrait employer ; c’était la déclaration la plus simple qui soit d’une circonstance grave au regard de la loi, et cela a eu son effet. « Mais quand ils l’eurent fait étendre avec les courroies, Paul dit au centurion qui était près [de lui] : Vous est-il permis de fouetter un homme qui est Romain et qui n’est pas condamné ? Et quand le centurion entendit cela, il s’en alla faire son rapport au chiliarque, disant : Que vas-tu faire ? car cet homme est Romain » (22:25-26). Le chiliarque s’enquit en conséquence. Il faut se rappeler que prétendre qu’on était Romain si on ne l’était pas, était une offense capitale contre le gouvernement, qui bien sûr ne manquait jamais de riposter par un châtiment des plus sévères. Revendiquer à tort cette citoyenneté était trop dangereux pour être souvent tenté, car cela exposait à la mort sans délai. Les fonctionnaires de l’empire romain étaient donc rarement disposés à remettre en question une telle prétention, surtout faite par un homme qui, à première vue, était d’un caractère spécial comme l’apôtre, guère connu d’aucun d’eux.
« Aussitôt » est-il dit, « ceux qui allaient le mettre à la question se retirèrent de lui ; et le chiliarque aussi eut peur, sachant qu’il était Romain, et parce qu’il l’avait fait lier » (22:29). Cependant l’homme chercha à préserver sa dignité à sa façon : « le lendemain, voulant savoir exactement ce pour quoi il était accusé par les Juifs, il le fit délier » (c’est-à-dire il le laissa encore prisonnier, ce qu’il n’avait pas droit de faire) « et ordonna que les principaux sacrificateurs et tout le sanhédrin s’assemblent ; et ayant fait descendre Paul, il le leur présenta » (22:30).
L’apôtre ne chercha pas davantage réparation, et il était aussi loin que possible d’avoir le désir ou la pensée de faire punir l’homme pour la faute commise : cela aurait été un manque évident à la grâce ; mais cette circonstance nous aide à saisir un petit peu plus profondément cet homme de Dieu admirable. En effet lorsque le souverain sacrificateur Ananias ordonna à ceux qui se trouvaient près de lui de le frapper sur la bouche parce qu’il avait dit s’être conduit en toute bonne conscience devant jusqu’à ce jour (23:1-2), Paul se tourna rapidement vers lui en disant : « Dieu te frappera, paroi blanchie » (21:3 ; c’est ce que Dieu a fait) ; « es-tu assis là pour me juger selon la loi ; et, contrairement à la loi, tu ordonnes que je sois frappé ? Et ceux qui étaient présents dirent : Injuries-tu le souverain sacrificateur de Dieu ? Et Paul dit : Je ne savais pas, frères, que ce fût le souverain sacrificateur ; car il est écrit : « Tu ne diras pas du mal du chef de ton peuple » » (23:3-5).
C’est un bel exemple de la manière la plus simple, et en même temps admirable, par laquelle la grâce se rétablit, même si un moment de précipitation s’y est mêlé. Il ne fait aucun doute que le souverain sacrificateur (souverain sacrificateur) avait agi de manière totalement contraire à la loi. Il y avait donc un droit incontestable de le reprendre. En même temps je suppose que le caractère décidé de Paul, et son sens aigu de l’injustice flagrante, s’est trahi dans ce qu’il a prononcé. En outre, c’est un exemple de ce qu’on trouve souvent ailleurs dans l’Écriture. Dieu peut s’associer à un acte marqué d’un côté par la précipitation et de l’autre par une réelle vérité et droiture. Ce qui était fait ici par le souverain sacrificateur était manifestement contraire à la loi dont il se prétendait le gardien. Dieu n’a pas non plus permis que ces paroles solennelles tombent à terre sans porter de fruit. Paul se corrige tout de suite, et reconnaît que, s’il avait su qu’il s’agissait du souverain sacrificateur, il n’aurait pas parlé ainsi ; autrement dit, quel que soit le caractère de l’homme en charge de la fonction, Paul n’était pas homme à abaisser la fonction. Il laissait à Dieu le soin de juger ce qui était indigne de Lui.
Il y a autre chose qui mérite d’être noté. Une particularité se discerne maintenant chez l’apôtre, au moins dans une mesure. Tout d’abord, il y avait de la hâte d’esprit. Sa marche est-elle aussi ferme que précédemment lorsqu’il était dans le chemin où la puissance de l’Esprit de Dieu reposait sur lui ? Ne se montre-t-il pas adroit, si j’ose dire, bien que je ne veuille pas dire un mot de trop, comme on le fait trop facilement ? N’y a-t-il pas de l’habileté dans la manière dont l’apôtre, voyant qu’une partie du sanhédrin était des sadducéens et l’autre des pharisiens, s’écrie : « Hommes et frères, je suis pharisien, fils de pharisien ; je suis mis en jugement pour l’espérance et la résurrection des morts » ? (23:6).
Cela ne semble pas en accord avec l’activité simple et complète de l’Esprit de Dieu vue chez l’apôtre lorsqu’il était loin de Jérusalem. Il était allé où il avait été divinement averti de ne pas aller ; peu importe qui s’est ainsi comporté, quand bien même il s’agit du plus grand des apôtres : n’y a-t-il pas une différence visible du comportement quand il y a eu le moindre écart d’avec la direction paisible du Saint Esprit ? Et si cela est vrai de Paul, que dire de nous-mêmes ? Ne nous laissons pas aller à prononcer des paroles dures contre l’apôtre Paul ; mais que vos consciences, et la mienne, en tiennent compte à l’égard de nos propres voies, et par-dessus tout prenons garde de ne pas traiter à la légère une seule parole qui nous est adressée par le Saint Esprit. Pesons et chérissons toute expression de la pensée de Dieu. Dans ce cas, l’apôtre Paul ne pouvait douter que c’est d’elle qu’il s’agissait. Ce n’était pas douteux ; mais maintenant que le moment de souffrir est venu, il s’est fortifié. Il s’était fait à l’idée du pire de ce que l’homme pouvait faire. Était-ce tout ce qui se trouvait là ? En vérité, il y avait plus que cela ; mais je pense que le manque relatif de calme, le fait d’avoir été exposé à la hâte, et les autres aspects qui ressortent de cette histoire remarquable, doivent être pour nos âmes des signes de la vérité réelle de l’affaire comme elle est.
La conséquence se fit bientôt voir dans cette circonstance. Faire diversion, c’est sans doute ce que les hommes appellent de la politique ; autrement dit, l’idée de l’apôtre était de ‘diviser pour régner’. Il s’est bien servi du parti [les pharisiens] qui, quoi qu’il en soit, avait du zèle et de l’orthodoxie. Il n’a pas eu la moindre complaisance pour les sadducéens, ce qui aurait loin de la pensée de l’Esprit de Dieu. Je suis loin de dire ou de suggérer qu’il usa de voies indignes ; mais je pense qu’en quelque mesure il s’est servi de la différence entre les deux partis, l’un tenant à la parole de Dieu avec, en tout cas, un respect religieux extérieur, et l’autre méprisant cette parole ; c’est un risque auquel personne n’échappe, surtout en cas de danger. L’apôtre y succomba. Il déclara que ce qui était en cause était l’espérance et la résurrection des morts ; la question se pose alors : quel était son mobile de présenter les choses de cette manière ? Qu’est-ce que l’Esprit de Dieu fait ressortir devant nous ici ? Était-ce la simple vérité ? Était-ce seulement Christ ? J’en doute.
Il me semble évident que l’œil perspicace de l’apôtre a vu l’état horrible du souverain sacrificateur et de son parti : malgré tout l’honneur de cette fonction, elle était tenue par des mains souillées et propageant la souillure, et elle n’était utilisée que pour les pires buts personnels contraires à la vérité et à la grâce de Dieu. L’apôtre profita donc du sentiment fort de la partie saine de la nation, et gagna ainsi des partisans parmi les pharisiens, ce qui était plutôt inattendu. Mais finalement cela ne lui donna pas l’avantage. N’est-ce pas toujours ce qui arrive pour le croyant ? S’il y a quelque gain de ce genre, je doute beaucoup de sa valeur. N’avons-nous pas appris que le véritable gain, c’est Christ ? Prendre parti sans réserve du côté du Seigneur, compter sur la grâce de Dieu en fermant les yeux sur toutes les conséquences et les oreilles à tous les blâmes ; continuer simplement en tenant à ce que nous savons être agréable à Ses yeux et pour Sa gloire, — n’est-ce pas là le seul vrai chemin du service, le prodrome certain de la victoire ? Dans de telles conditions, la victoire sera sans mélange pour le Maître. L’idée d’une victoire pour soi ne doit pas effleurer l’esprit du chrétien. Que nos désirs soient simplement pour le Seigneur, pour Sa grâce et Sa vérité, pour Son œuvre et Sa gloire dans l’Église. Faire usage des adversaires du Seigneur même les plus réputés, ne fait que Le desservir. On ne peut pas ignorer que les zélateurs de la loi sont opposés à l’évangile, les pharisiens autant que les sadducéens. L’apôtre présente à la multitude « l’espérance et la résurrection des morts ». Il ne se risque pas à parler de Jésus ; il ne dit pas un mot de l’évangile. S’il avait mis l’un ou l’autre en avant, tout aurait été réduit à néant : les pharisiens auraient été offensés autant que les sadducéens. Laissant de côté ce qui était défavorable à son but, l’apôtre met en avant ce qu’il savait dresser ses ennemis les uns contre les autres.
Mais voilà un réconfort de premier ordre accordé par le Seigneur à Son serviteur. « Et un grand tumulte s’étant élevé, le chiliarque, craignant que Paul ne fût mis en pièces par eux, commanda à la troupe de descendre et de l’enlever du milieu d’eux et de le conduire à la forteresse. Et la nuit suivante, le Seigneur se tint près de lui et dit : Aie bon courage ; car comme tu as rendu témoignage des choses qui me regardent, à Jérusalem, ainsi il faut que tu rendes témoignage aussi à Rome » (23:10-11). Quelle preuve de ce que le Seigneur est, — dans ces circonstances mêmes (à cause d’elles) où le cœur de l’apôtre aurait pu être excessivement abattu ! Il avait persisté à monter à Jérusalem, et il s’était mis lui-même dans ce qui paraît être certainement une fausse position, et il se trouvait, en fait, exposé à une série de désastres et d’oppositions douloureuses. À ce moment même, quand tout paraissait au plus sombre, le Seigneur apparaît à Son serviteur et le réconforte. Pas un mot de reproche, au contraire il y a tout ce qui pouvait lui donner bon courage.
Combien le Seigneur est bon ! Combien Il est parfait dans Ses voies ! Il sait toujours comment s’occuper d’une faute quand il y en a, sachant qu’Il la traite d’autant plus justement chez quelqu’un qui n’aurait pas dû la faire, l’erreur dans ce cas étant mille fois plus grave que dans un cas ordinaire. Néanmoins à ce moment-là pour l’apôtre Paul, le Seigneur n’a rien que du réconfort à administrer. « Aie bon courage ; car comme tu as rendu témoignage des choses qui me regardent, à Jérusalem, ainsi il faut que tu rendes témoignage aussi à Rome » (23:11). On n’allait pas le tuer. C’était juste avant qu’une conspiration soit révélée. Que pouvait faire l’homme ? Pourquoi avoir peur ? Le Seigneur voulait qu’il aille à Rome : le désir du cœur de Paul était d’y aller. C’est l’objectif qu’il s’était fixé après Jérusalem (19:21) ; il avait établi son propre chemin en allant à Jérusalem, mais maintenant le Seigneur allait le mener à Rome. C’est donc à Rome qu’il irait, mais il la visiterait en portant les marques de son passage à Jérusalem. Il irait à Rome en prisonnier, bien sûr en apportant le message de la grâce de Dieu, mais après avoir fait l’expérience de ce qu’il en coûte de céder à l’amour pour l’ancien peuple de Dieu. Il irait à Rome avec un sens plus profond de ce qu’était sa véritable vocation. Le travail qui lui était attribué était parmi les Gentils — avant tout parmi l’incirconcision. Pourquoi ne pas s’en tenir simplement et uniquement à sa vocation ?
Les ennemis de l’Évangile étaient sans scrupules, malgré leur prétendu attachement à la loi de Dieu. Une conspiration se formait parmi les malheureux Juifs, et le Seigneur, dans Sa providence, la mit en lumière par le moyen d’un parent de l’apôtre, dont le cœur fut sensible avec quelque force aux liens de chair et de sang, à défaut de motif supérieur. Sans doute, il devait être un Juif pour avoir été mis dans le secret de cette frange de la nation qui s’était vouée à faire disparaitre l’apôtre. Il communiqua le secret d’abord à Paul, puis au chiliarque. C’est ainsi que Lysias prépara un détachement de soldats, de cavaliers et de porte-lances pendant la nuit, et envoya Paul au gouverneur Félix accompagné d’une lettre. Le Romain ne pensait guère que sa lettre serait lue par vous et moi ; il ne savait pas qu’un œil le regardait de bout en bout tandis qu’il écrivait. Il ne comptait pas que le faux et le vrai seraient clamés sur tous les toits. « Claude Lysias, au très-excellent gouverneur Félix, salut ! Cet homme ayant été saisi par les Juifs et étant sur le point d’être tué par eux, je suis survenu avec la troupe et je l’ai délivré, ayant appris qu’il est Romain » (23:26-27). Il ne l’avait pas délivré parce qu’il avait appris sa nationalité. Il trompait simplement son supérieur, cherchant en fait à tirer profit de ce qui était une erreur et une faute ; car, comme nous l’avons vu, il avait commencé par une infraction positive au droit romain. Il avait lié en vue de le fouetter quelqu’un qui n’était pas moins citoyen Romain que lui. Il était coupable de se monter une réputation et de vanter son zèle sur une base qui n’avait été que négligence et précipitation. Oh ! Combien peu le monde pense que les secrets des lettres les plus privées, les conseils de chambre, les mouvements des rois, des gouverneurs et des ministres d’état, des chefs militaires et de leurs hommes, peu importe qui ou quoi, — tout et tous figurent au grand jour devant Celui qui voit tout et n’oublie rien.
Finalement Paul est sauvé, et une autre scène apparaît. Ananias, le souverain sacrificateur, descend avec des anciens pour tenter leur chance devant le gouverneur à l’égard du captif. Ils engagent un orateur pour plaider pour eux. Celui-ci commence par la flatterie la plus grossière avec un langage pompeux, tandis que l’apôtre répond avec une dignité tout à fait admirable et tranquille, parfaitement adaptée aux circonstances.
Une fois que le gouverneur eut fait signe à Paul de parler, celui-ci expliqua combien les accusations de l’orateur étaient toutes entièrement fausses. Il aimait trop sa nation, au lieu d’être un de ses perturbateurs comme on l’avait représenté. « Tu peux connaître qu’il ne s’est pas passé plus de douze jours depuis que je suis monté pour adorer à Jérusalem. Et ils ne m’ont trouvé, ni dans le temple, disputant avec quelqu’un ou ameutant la foule, ni dans les synagogues, ni dans la ville » (24:11-12). L’affaire n’était donc pas comme Tertulle l’avait exposée : « car nous avons trouvé que cet homme est une peste, et qu’il excite des séditions parmi tous les Juifs dans toute la terre habitée, et qu’il est un meneur de la secte des Nazaréens ; il a même tenté de profaner le temple » (24:5-6a). Il n’avait passé que quelques jours à Jérusalem, et il y était comme adorateur, ne cherchant à troubler personne. « Et ils ne peuvent pas soutenir les choses dont ils m’accusent présentement. Mais je te confesse bien ceci, que, selon la voie qu’ils appellent secte, ainsi je sers le Dieu de mes pères, croyant toutes les choses qui sont écrites dans la loi et dans les prophètes, ayant espérance en Dieu, — [espérance] que ceux-ci nourrissent aussi eux-mêmes, — qu’il y aura une résurrection, tant des justes que des injustes » (24:13-15). Puis il dit franchement ce qui l’avait amené à cette occasion. « Je suis venu pour faire des aumônes à ma nation et des offrandes » (24:17). Il les aimait vraiment. « Sur ces entrefaites, ils me trouvèrent purifié dans le temple, sans attroupement et sans tumulte. Or c’étaient certains Juifs d’Asie, qui auraient dû être ici devant toi et m’accuser, s’ils avaient quelque chose contre moi » (24:18-19). Or on n’avait pas trouvé les témoins. En réalité, il n’y avait rien de tangible à alléguer contre lui. Ce n’était qu’une explosion de haine des prêtres et de furie populaire, suivie d’une conspiration en vue d’un meurtre ; et quand cela échoua, on réorienta les efforts vers la recherche d’une condamnation judiciaire. Qui pouvait manquer de voir qu’il s’agissait simplement de mauvaise volonté et de malice humaine ? Cette affaire n’avait aucune autre origine ou caractère.
« Mais Félix, ayant plus exactement connaissance de ce qui regardait la voie, les ajourna, disant : Quand le chiliarque Lysias sera descendu, je prendrai connaissance de votre affaire, — ordonnant au centurion que [Paul] fût gardé, et qu’il eût [quelque] liberté » (24:22-23a). Son regard sage et expérimenté vit tout de suite ce qui en était de l’affaire : il n’y avait pas la moindre base pour les accusations contre l’apôtre. C’est ce qui explique la décision inhabituelle que non seulement Paul eut de la liberté, mais qu’on n’empêchât aucun des siens de le servir (24:23b). Et plus encore : « … Félix étant venu avec Drusille sa femme qui était Juive, manda Paul et l’entendit sur la foi en Christ » (24:24). Mais il n’y eut pas de compromis : Félix entendit ce à quoi il ne s’attendait pas. Il ne fut pas question de résurrection cette fois, mais il entendit un appel à la conscience moralement, ou, comme il est dit ici, « il discourait sur la justice et sur la tempérance et sur le jugement à venir » (24:25a). Tout a son temps ; cette parole était parfaitement adaptée à l’homme et à la femme auxquels Paul prêchait ; c’était le bon moment. Ceux qui sont au courant de l’histoire de ce personnage — car c’est un personnage historique — ceux-là savent qu’il était spécialement coupable, et que ces paroles de l’apôtre visaient directement ses écarts de conduite morale, dont elles étaient la condamnation.
Félix en est tout effrayé, et demande à le réentendre une autre fois ; mais le moment convenable ne vint jamais. « Il espérait en même temps que Paul lui donnerait quelque argent » (24:26a). Combien Paul était fidèle et à propos, en lui parlant de justice ! En outre on voit le caractère de cet homme dans ce qui suit. « Or, quand deux ans furent accomplis, Félix eut pour successeur Porcius Festus ; et, voulant gagner la faveur des Juifs, Félix laissa Paul prisonnier » (24:27). Il n’y avait pas de justice à tirer de ce juge injuste. Il ne manquait pas de sens, de sagesse ou de jugement. Il avait tout cela, mais son cas n’en était que pire. Il était prêt à tout sacrifier pour ses propres fins. Il avait été déjoué dans son désir d’argent ; et maintenant pour plaire à ces Juifs qu’il méprisait de tout son cœur — voulant faire quelque chose pour entrer dans leurs bonnes grâces sans que cela lui coûte quelque chose — il laisse Paul prisonnier.
Festus apparaît au ch. 25. Il a le même désir que Félix. Il n’était pas meilleur que son prédécesseur. De manière singulière Festus propose à Paul de monter à Jérusalem. C’était inouï pour un gouverneur romain, le représentant en chef de l’empire, de renvoyer à Jérusalem pour y être jugé par les Juifs un homme qui lui avait été amené justement de Jérusalem. Paul prend immédiatement position sur le principe bien connu de l’empire romain qui aurait dû guider Festus. Il dit : « Je suis ici devant le tribunal de César, où je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, comme tu le sais toi-même très-bien. Si donc je leur ai fait tort, ou que j’aie fait quelque chose qui soit digne de mort, je ne refuse pas de mourir ; mais si rien n’est [vrai] de ce dont ils m’accusent, personne ne peut me livrer à eux : j’en appelle à César » (25:10-11). Cet appel était clairement une affaire de jugement spirituel. Voilà Paul qui s’est engagé dans cette voie, et il est effectivement allé ensuite devant César. C’était irrévocable. Il n’y avait pas de possibilité humaine de changer maintenant. Il avait prononcé la formule ; il devait aller devant César. Néanmoins, peu de temps après, on voit Agrippa descendre, et le gouverneur romain qui connaissant bien l’esprit actif du roi, lui raconte l’histoire de Paul. Il sentait sa propre faiblesse à traiter un tel cas, et il connaissait l’intérêt d’Agrippa. Agrippa dit donc au gouverneur qu’il aimerait entendre l’homme lui-même.
Le lendemain, « Agrippa et Bérénice étant venus en grande pompe, et étant entrés dans la salle d’audience avec les chiliarques et les principaux de la ville, Paul, sur l’ordre de Festus, fut amené » (25:23). Quel contraste remarquable avec tout le clinquant et la pompe de la cour ! Le roi lui-même était un homme très capable, mais dépourvu de moralité. Sa femme, même si elle était favorisée naturellement, était, hélas, sans aucun caractère. De pénibles nuages de suspicion planaient sur tous les deux dans l’esprit des Gentils, sans parler des Juifs. Voilà les gens avec lesquels le gouverneur romain siégeait pour juger en justice l’apôtre. Alors le prisonnier chargé de chaines s’avance. Quel abîme séparait ces personnages ! Quelle différence aux yeux de Dieu ! Quel spectacle pour Lui de voir ces juges s’occuper d’un tel homme sans être eux-mêmes couverts d’un seul lambeau de ce qui provient de Lui, et au contraire couverts de ce qui était le plus honteux et le plus avilissant. Dans toute la splendeur du rang et de la dignité terrestre, ils s’assirent pour entendre le pauvre, mais riche prisonnier du Seigneur.
« Et Agrippa dit à Paul : Il t’est permis de parler pour toi. Alors Paul, ayant étendu la main, prononça son apologie : Je m’estime heureux, roi Agrippa, de ce que, au sujet de toutes les choses dont je suis accusé par les Juifs, je dois faire mon apologie aujourd’hui devant toi » (26:1-2). Si nous constatons la pleine paix et la béatitude de cet honorable homme de Dieu, ce que le Seigneur a opéré, et la grande puissance de Sa grâce, nous voyons d’autre part la courtoisie tellement digne et humble à l’égard de ceux qui l’écoutaient, spécialement Agrippa : « … surtout parce que tu es au fait de toutes les coutumes et questions qui [existent] parmi les Juifs ; c’est pourquoi je te prie de m’écouter avec patience » (26:3).
Il expose donc toute son histoire, comment il a été éduqué dès sa jeunesse dans la secte la plus stricte parmi les Juifs [pharisiens], et il redit qu’il était mis en jugement pour l’espérance de la promesse faite par Dieu à « nos » pères. Puis il raisonne sur la résurrection : « Pourquoi, parmi vous, juge-t-on incroyable que Dieu ressuscite des morts ? » (26:8). Il introduit tout de suite ce que tout pharisien reconnaissait, et qui était le principal test d’orthodoxie parmi les Juifs. Ceci est appliqué à l’histoire de Jésus de Nazareth. En fait, tout tournait là-dessus. S’il était vrai que Dieu L’avait ressuscité d’entre les morts, quelle était la position des Juifs et quelle était la gloire de Jésus ? Tout tournait donc autour de la résurrection.
Il fait ensuite le récit de sa conversion. Ce n’était pas des circonstances favorables qui l’avaient jeté dans la voie de l’évangile ; c’était même tout l’inverse d’un attachement aux chrétiens ou d’une tiédeur à l’égard de la loi. Tout ce qu’il possédait auparavant était pour Israël, et tous ses préjugés étaient contre l’évangile. Néanmoins, alors qu’il poussait cela à son point culminant, et qu’avec l’autorité déléguée des principaux sacrificateurs il avait cherché à persécuter les chrétiens jusqu’à la mort, la grâce de Dieu avait surmonté tous ses liens religieux et sa haine religieuse dans son cœur. « Et comme j’allais aussi à Damas pour cela », dit-il, « avec pouvoir et commission de la part des principaux sacrificateurs, en chemin, en plein midi, je vis, ô roi, une lumière plus éclatante que la splendeur du soleil » (26:12-13a).
Il est tout à fait certain que la lumière céleste qui avait irradié l’apôtre était tout à fait surnaturelle, et c’est tout aussi sûrement que la grâce que Dieu avait montrée ce jour-là, avait éclipsé entièrement tout ce qui était de l’homme dans le cœur de Paul et dans son histoire antérieure. Tout avait disparu devant la force triomphante de la bonté de Dieu en Christ. « Et comme nous étions tous tombés à terre, j’entendis une voix qui me parlait et qui disait en langue hébraïque : Saul ! Saul ! pourquoi me persécutes-tu ? Il t’est dur de regimber contre les aiguillons. Et moi je dis : Qui es-tu, Seigneur ? Et le Seigneur dit : Je suis Jésus que tu persécutes » (26:14-15). Le travail était fait. Je ne dis pas qu’il y avait toute la paix et la béatitude dont il allait jouir plus tard, mais ce qui avait eu lieu ce jour-là était l’entrée de la lumière spirituelle du Christ opérant dans toutes les profondeurs de sa conscience. Aussitôt tout fut remué, jusqu’aux racines mêmes de son être moral, et la bonne semence, la semence de vie éternelle, fut semée dans le fond. Il lui fut commandé de se lever et de se tenir sur ses pieds. « Car je te suis apparu afin de te désigner pour serviteur et témoin, et des choses que tu as vues et de celles pour [la révélation] desquelles je t’apparaîtrai, » (26:16),
« … en te retirant du milieu du peuple et des nations vers
lesquelles moi je t’envoie » (26:17). Il s’agit bien de
« retirer », non pas de « délivrer » comme dans la version
autorisée anglaise (KJV). Il ne s’agissait pas de porter secours en délivrance,
mais plutôt de retirer
Paul, de l’enlever du peuple et des Gentils. Le
Seigneur séparait
Paul des Juifs autant que des Gentils. C’est davantage
que ce dont Pierre parle en Actes 15:14 (« Dieu a visité les nations pour
en tirer
un peuple pour Son Nom ») et qui était d’une importance
primordiale à présenter au grand concile de Jérusalem. Il était certes aussi
vrai que Dieu tire
un peuple pour Son nom ; mais dans le cas de Saul
de Tarse, le Seigneur parle de le retirer
des Juifs autant que des Gentils.
C’est donc une séparation
à la fois d’avec les Juifs et d’avec les
Gentils pour une nouvelle œuvre de Dieu. « … En te retirant du milieu du
peuple et des nations vers lesquelles », [il s’agit des Gentils], « moi
je t’envoie pour ouvrir leurs yeux, pour qu’ils se tournent des ténèbres à la
lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu ; pour qu’ils reçoivent la
rémission des péchés et une part avec ceux qui sont sanctifiés, par la foi en
moi » (26:17-18).
Paul n’avait pas été désobéissant à la vision céleste. Il s’était incliné devant le Seigneur. Il avait agi juste comme il convient de la part d’un homme enseigné de Dieu. Et il « annonça premièrement à ceux de Damas, et à Jérusalem, et à tout le pays de la Judée, et aux nations, de se repentir et de se tourner vers Dieu, en faisant des œuvres convenables à la repentance » (26:20). Voilà les véritables causes de l’hostilité des Juifs.
Il ne se dressait pas du tout contre la loi. Que Dieu préserve
toujours tout chrétien d’avoir cet objectif ! Il ne nous appelle pas à un
témoignage négatif, même légitime ; il nous appelle à une tâche qui soit
vraiment beaucoup plus de Lui. Dieu nous donne une mission non pas tant contre
le mal que pour
le bien. Nous devons toujours tenir ce fait comme un
principe fixe. Je vous accorde que celui qui est appelé à un but digne de Dieu doit
juger ce qui est mal ; et non seulement cela, mais il doit aussi juger spécialement
ce qui a toujours une bonne apparence. Corriger le mal par le moyen de la
puissance, ce n’est pas le but actuel de Dieu pour le chrétien et l’Église ;
et soyez assuré que Sa volonté est en toutes choses le seul vrai manuel
d’action pour nous, et la seule base sûre pour nous en toutes choses.
Demandons-nous alors toujours qu’est-ce que Dieu dispose selon l’Écriture pour les Siens maintenant, et qu’est-ce qu’Il désire pour eux ? Quelle tâche a-t-Il réellement révélée maintenant ? À quoi nous appelle-t-Il, vous et moi ? Pour quoi avait-Il mis alors l’apôtre à part ? Ce n’était certainement pas pour renverser les Juifs ni démolir la dispensation de la loi. Le jugement allait bientôt arriver sur cette nation, mais tant que Dieu montrait de la patience, Paul faisait durer un amour patient envers eux ; n’avait-il pas tout à fait raison ? Dieu appelait un peuple à la fois du milieu des Gentils et du milieu des Juifs, et Dieu le séparait lui, Paul, de tous ses antécédents, de tout ce à quoi son cœur était tellement attaché : car jamais un mortel n’a autant aimé Israël que l’apôtre Paul. Mais Dieu l’a retiré de toutes ses anciennes connexions juives, ainsi que des Gentils, vers qui Il l’envoyait maintenant.
Il est évident que nous devons être séparés des influences humaines, même celles de la meilleure sorte, afin d’être des vases appropriés au but de Dieu là où il y en a le plus grand besoin. Si vous voulez aider utilement les autres, vous devez toujours être au-dessus des motifs et des manières qui les influencent. Impossible de s’occuper correctement d’une personne si on est simplement à son niveau. C’est la raison pour laquelle, si un frère s’est laissé surprendre par une faute, les soins pour sa restauration sont demandés à quelqu’un de vraiment spirituel (Gal. 6:1). Un chrétien sans soin va embrouiller le cas ; en effet, si celui qui est en faute peut mettre le doigt sur quelque chose qui ressemble à sa propre carence chez celui qui s’occupe de son cas, cela lui fournira une excuse pour son péché, et un motif de censurer son censeur. Tandis que, s’il y a eu un vrai effet de la grâce de Dieu chez celui qui s’adresse à l’âme qui a fauté, si la grâce a à la fois fait ressortir ce qui est mauvais et consolidé dans le bien, en sorte qu’on ne peut accuser l’intervenant de rien de contraire au Seigneur, — combien Dieu honorera une telle recherche de restauration, l’approuvant comme étant Sa volonté et Sa ressource spéciale envers ceux qui sont impliqués dans une faute. Il y a ici, chez l’apôtre Paul, le même principe, bien que d’une manière beaucoup plus profonde et plus vaste. En effet, on ne trouve que l’affirmation de la grâce, ce puissant principe de la bonté de Dieu en puissance, qui, malgré le mal, œuvre selon tout ce qui est dans le cœur de Dieu.
Paul fut alors retiré du milieu tant des Juifs que des Gentils, mais envoyé surtout aux Gentils (26:17). Or, simplement entendre cela était horrifiant pour les Juifs ; ils ne pouvaient pas admettre que quelqu’un puisse avoir un amour brûlant pour les Juifs et à la fois être un témoin éminent et inlassable de la grâce envers les Gentils. Pour leur orgueil légal, c’était impardonnable. Les sentiments les plus hostiles éclatèrent donc contre Paul, joints à la folie de l’envie et de la jalousie contre les Gentils Aussi Paul leur dit : « À cause de cela les Juifs, m’ayant pris dans le temple, cherchaient à me tuer. Ayant donc reçu le secours qui vient de Dieu, me voici debout jusqu’à ce jour, rendant témoignage aux petits et aux grands, ne disant rien d’autre que ce que les prophètes et Moïse ont annoncé devoir arriver, [savoir] qu’il fallait que le Christ fût soumis aux souffrances, et que, le premier, par [la] résurrection des morts, il devait annoncer la lumière et au peuple et aux nations » (26:21-23).
Au faîte de cette explication, le gouverneur romain l’interrompt en s’exclamant que son grand savoir le rendait fou. Paul répond : « Je ne suis pas fou, très-excellent Festus, mais je prononce des paroles de vérité et de sens rassis » (26:25). On observe qu’il y a tout le respect possible, mais en même temps, il ne pouvait pas accepter sans protester que l’ignorance d’un païen aveugle mette une telle flétrissure sur la vérité. Il fait appel à celui qui siégeait à côté de Festus, et qui était certainement un témoin impartial quant au christianisme : « Car le roi a la connaissance de ces choses, et je parle hardiment devant lui, car je suis persuadé qu’il n’ignore rien de ces choses : car ceci n’a point été fait en secret » (26:26). Les faits allégués de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus n’étaient pas inconnus à Hérode Agrippa. On en parlait partout parmi ceux qui se préoccupaient d’Israël.
Soudain, il adresse une question directe : « Ô roi Agrippa, crois-tu aux prophètes ? Je sais que tu y crois » (26:27). Alors Agrippa dit à Paul : « Tu me persuades presque d’être chrétien » (26:28). Je ne suis pas d’accord avec certains efforts modernes sur cette phrase, mais j’avoue que le mot « presque » ne donne guère la vraie force. « Tu me persuades un peu ». Dans quel esprit a-t-il dit cela ? Il semble que ce soit un sentiment de surprise, et en ce sens cela lui a été arraché. Il ne pouvait pas nier la vérité de ce que l’apôtre affirmait. Il ne désavouait pas ses propres prophètes. En fait il était coincé entre les faits et les prophéties qui les prédisaient. Avec le sang-froid d’un vrai homme du monde, la question-surprise très directe de l’apôtre l’obligeait à reconnaître que Paul le persuadait un petit peu d’être chrétien. Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il croyait vraiment au Seigneur Jésus ; mais le point de départ du raisonnement de l’apôtre impliquait la conclusion, à savoir que la prophétie juive visait Jésus-Christ, de sorte qu’Agrippa ne pouvait que reconnaître une certaine impression faite sur son esprit.
Mais Paul répond dans un état d’esprit vraiment admirable, non seulement avec sagesse, non seulement encore avec un désir d’amour ; mais l’état de l’apôtre se dévoile à ce moment-là par un autre élément, extrêmement doux, avec une profonde jouissance en son âme du Seigneur et de Sa grâce. « Plût à Dieu que non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’entendent aujourd’hui, vous devinssiez de toutes manières tels que je suis, hormis ces liens » (26:29). Je ne connais guère de réponse aussi belle des lèvres d’un homme. Nous avons ailleurs des paroles admirables provenant d’autres personnes, ou de Paul ; mais à mon avis, dans toute l’étendue de ce livre béni, on ne peut guère trouver une expression de grâce et de vérité, dans la béatitude accordée par l’Esprit, qui soit adaptée de manière plus admirable aux circonstances de tous les intéressés — et qui reflète plus parfaitement ce que Dieu donne par Jésus-Christ notre Seigneur.
Paul ne pouvait souhaiter ses liens pour personne, cependant il pouvait se glorifier en eux pour lui-même. Il se glorifiait d’être prisonnier de Jésus-Christ (Éph. 3:1) ; mais il ne pouvait pas désirer ce régime pour ceux qu’il voulait voir amenés au Seigneur. Sans doute le temps viendrait où ceux qui se seraient révélés de bons soldats dans cette guerre pourraient se réjouir, — tout comme il se réjouissait dans ses souffrances pour l’amour de Christ et de Son corps, ainsi que pour l’évangile. Mais ce qu’il pouvait souhaiter de tout son cœur, c’est qu’ils soient comme lui — non seulement en quelque mesure (même petite), mais dans une grande mesure. Le souhait n’était pas seulement qu’ils soient chrétiens, ni non plus convertis, mais qu’ils soient « tels que je suis ».
Ce souhait embrassait à la fois la réalité, la position et l’état du chrétien ; le cœur de Paul était rempli de cette jouissance au moment-même où il se tenait prisonnier devant cette cour magnifique. Paul ne connaissait-il pas le nuage sombre qui planait sur Agrippa et Berénice, sans parler des autres ? La grâce surmonte tout mal, car elle surmonte et pardonne aux pires ennemis. Il n’a aucune critique amère, aucune parole de dénonciation. La grâce souhaite le meilleur même pour ceux qui sont captivés pour un temps par les plaisirs du péché. Nous savons que le jugement est certain et juste ; mais la grâce peut s’élever à un niveau plus élevé de justice — non pas celui de la terre ou de l’homme, mais celui de Dieu, Lui qui peut être juste en justifiant celui qui croit — « la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ » (Rom. 3:22). Voilà ce qui remplissait le cœur de l’apôtre, et ce qui opérait maintenant dans son âme : la pleine force sans entrave de la grâce même de Dieu, accomplie et vue en Christ. Cette force était produite par la joie en Christ et par la jouissance de Christ auquel il avait rendu témoignage, et dont la gloire faisait pâlir tout ce dont un gouverneur romain ou un roi juif pouvait se vanter. Cette force n’agissait pas par surprise, mais elle était l’effet du cœur débordant de quelqu’un qui regardait droit dans l’éternité — qui se rappelait une fois de plus l’éclat de la gloire du ciel, où il avait vu Christ Lui-même plus brillant que toute cette gloire — Lui la source, la puissance et la plénitude de tout cette gloire, et aussi le Donateur de la gloire à ceux qui croient. Voilà ce qui le remplissait et le fortifiait pour prononcer une telle expression d’amour divin.
La séance est levée, Agrippa reconnait que Paul aurait pu être mis en liberté s’il n’avait pas fait appel à César. Ceci est à noter.
Le chapitre suivant détaille le voyage singulièrement instructif de l’apôtre : au lieu d’être prisonnier, il apparaît comme le véritable maître du navire ; en effet si on avait tenu compte de sa parole en temps voulu, ils auraient été maintenus en sécurité. Combien la foi est quelque chose d’admirable ! Quelle bénédiction s’attache à la fidélité qui découle de la foi ! combien la puissance de Dieu s’applique à toutes les situations de l’homme !
On retrouve l’apôtre en route vers les Gentils. Tout est clair maintenant. Il est loin de ce qui était comme un cercle enchanté pour lui, où son arc n’est pas demeuré ferme (Gen. 49:24) ; mais maintenant, comme devant Festus et Agrippa, il a retrouvé sa vigueur d’antan. Tout est trouvé à sa place : on ne cherche pas de preuves là où tous les faits sont des preuves.
Note Bibliquest : on remarque que l’auteur n’évoque pas du tout la possibilité ou l’éventualité qu’il existe une interprétation allégorique de ce chapitre.
Le dernier chapitre nous montre non seulement le voyage à Rome, mais l’arrivée de l’apôtre. Nous y voyons aussi combien la puissance de Dieu était vraiment avec lui. Il est reçu avec beaucoup de bonté par les habitants de l’île de Malte. Paul illustre combien aucune parole du Seigneur n’est vaine en ce qu’il accomplit l’une des promesses particulières (Marc 16:18) des versets de la fin de Marc, justement dans cette partie que certains contestent (Marc 16:9-20). Les esprits des païens en sont frappés, de sorte qu’ensuite Paul impose les mains au père du personnage principal de l’île et le guérit. « Mais ceci étant arrivé, les autres malades aussi qui se trouvaient dans l’île vinrent et furent guéris. Et ceux-ci nous firent aussi de grands honneurs, et à notre départ nous fournirent ce qui nous était nécessaire » (28:9-10).
Arrivés en Italie, ils goûtent le réconfort de l’amour fraternel. « Ayant trouvé des frères, nous fûmes priés de demeurer avec eux sept jours ; et ainsi nous allâmes à Rome. Et de là, les frères, ayant appris les choses qui nous étaient arrivées, vinrent au-devant de nous jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois-Tavernes ; et Paul, les voyant, rendit grâces à Dieu et prit courage » (28:14-15). Quelle joie pour un frère humble d’être le moyen d’inspirer une joie renouvelée à l’apôtre Paul sur la route de Christ ; et combien nous nous privons, et privons nos frères, de tant de bénédiction par notre peu de foi et un amour étriqué en manquant de nous identifier avec les plus méprisés et les plus souffrants pour le nom du Seigneur ! À quel travail ne nous sommes-nous pas appelés ! Quelle mission admirable est celle que le Seigneur confie à l’âme la plus simple qui invoque le nom de Jésus ! Puisse-t-Il nous réveiller pour sentir combien nous sommes bénis, et quelle source de bénédiction Il est Lui ! Il est dit que « des fleuves d’eau vive couleront » d’eux (Jean 7). Notons qu’ici c’est de l’apôtre que cela coule ; et si étrange que cela puisse paraître à certains, il put même trouver la douceur et la puissance du ministère d’amour.
Paul arrive à Rome, et il y demeure avec un soldat pour le garder ; en temps voulu il voit les Juifs, et leur expose l’évangile à fond. Hélas ! C’est toujours le même récit ; car l’homme est partout le même, mais Dieu l’est aussi. « Et les uns furent persuadés par les choses qu’il disait ; et les autres ne croyaient pas. Et n’étant pas d’accord entre eux, ils se retirèrent, après que Paul leur eut dit une seule parole : L’Esprit Saint a bien parlé à nos pères par Ésaïe le prophète, disant : « Va vers ce peuple et dis : En entendant vous entendrez et vous ne comprendrez point, et en voyant vous verrez et vous n’apercevrez point » (28:24-26).
La sentence d’endurcissement judiciaire, suspendue depuis si longtemps, était sur le point de s’abattre dans toute sa force desséchante. Elle était suspendue sur la nation depuis les jours d’Ésaïe le prophète ; quand elle fut prononcée, il y avait vraiment de quoi. Cependant la patience de Dieu s’exerça jusqu’à ce que Jésus vint et qu’Il fut rejeté ; les nuages s’accumulèrent alors plus épais. Maintenant en Actes 28, non seulement le Saint Esprit était venu, mais il avait rendu témoignage à l’Homme ressuscité et glorifié, de Jérusalem jusqu’à Rome. En face de ce témoignage, les Juifs, au lieu d’être les premiers à recevoir le témoignage de Dieu, comme ils l’auraient dû, ils furent en réalité les premiers à le refuser — étant les émissaires les plus actifs et les plus opiniâtres de l’incrédulité et du pouvoir de Satan, — non seulement n’entrant pas eux-mêmes, mais empêchant d’entrer ceux qui le voulaient. En conséquence, le jugement est alors tombé fort justement à cause de l’incrédulité dans laquelle ils gisent encore à ce jour. Mais l’Évangile va vers les Gentils ; et malgré toute l’opposition jusqu’ici et dans le futur, ces Gentils devaient entendre, et ils ont entendu ; et grâce à Dieu, nous en sommes nous-mêmes les témoins.