A. Remmers
Tiré de p.31-36 de Vue d’ensemble de l’Ancien Testament
Ceux qui se penchent sur la chronologie de la Bible, de l’Ancien Testament en particulier, constatent avec étonnement que les différentes dates avancées par les chercheurs ne concordent souvent pas du tout. Sans doute, les plus récentes datations de l’histoire israélienne ne sont en général pas contestées, mais à mesure qu’on remonte dans le passé, les écarts s’accentuent.
Ainsi par exemple, la destruction de Samarie par Sargon d’Assyrie en 722 av. J.C. et celle de Jérusalem par Nebucadnetsar en 586 av. J.C. sont des faits historiques. Mais là aussi, il n’existe pas de certitude absolue relativement aux dates. On trouve aussi bien 723 ou 721 que 722 pour l’anéantissement de Samarie ; et, concernant Jérusalem, les livres d’histoire indiquent également 587 et même 588 au lieu de 586.
Et si l’on remonte plus loin dans l’histoire du peuple d’Israël, jusqu’au temps des Juges, de Moïse et des patriarches, les différences selon la manière de calculer augmentent. Le lecteur de la Bible pourrait s’en étonner. Il pense peut-être que, vu le nombre élevé de dates contenues dans l’Ancien Testament, on devrait pouvoir établir sans difficulté un tableau chronologique complet. Mais qu’il essaie donc une fois, sur la base des livres des Rois et des Chroniques et en partant des dates indiquées comme marquant la fin des royaumes de Juda et d’Israël, d’additionner les années de règne des différents dominateurs qui se sont succédé, et de définir la date de la division du royaume (931/30 av. J.C.) ! On constatera que l’établissement d’une chronologie de cette période relativement claire soulève à lui seul beaucoup de questions. Et plus on recule dans le passé, plus les problèmes se multiplient.
Quiconque s’intéresse à la chronologie de l’Ancien Testament doit être conscient de l’existence de différents facteurs, dont la connaissance s’avère indispensable pour étudier au mieux la question. Nous partons bien entendu du fait que les indications de temps données dans la Bible sont, elles aussi, inspirées par l’Esprit de Dieu et que, par conséquent, elles sont vraies : correctement comprises, il est donc impossible qu’elles se contredisent. Nous énumérons ci-dessous quelques-unes des difficultés à prendre en considération :
1. Dans les indications chronologiques couvrant de vastes périodes, le point de départ n’est pas toujours fixé d’une manière précise. En Exode 12 v. 40, nous lisons que les fils d’Israël habitèrent 430 ans dans le pays d’Égypte, tandis qu’en Galates 3 v. 17, ce même nombre d’années concerne l’époque allant de la confirmation de l’alliance avec Abraham jusqu’au don de la loi au Sinaï. Ces 430 ans englobent-ils dès lors le temps des patriarches, comme de nombreux chercheurs le pensent, ou se rapportent-ils uniquement — ce qui est plus vraisemblable — au séjour des douze tribus d’Israël en Égypte ?
2. Dans l’Antiquité, il existait différentes méthodes de calcul pour établir la durée de règne d’un souverain. Dans certains cas, toutes les années depuis l’accession au trône étaient prises en considération ; d’autres fois (la « manière babylonienne »), la première année, appelée « année de l’intronisation », n’entrait pas dans le calcul (comp. Dan. 1 v. 1 avec Jér. 25 v. 1).
3. Une autre question, pratiquement insoluble aujourd’hui, est de savoir si les mois d’une année entamée (par exemple au moment de l’intronisation ou avant la mort du monarque, respectivement à la naissance d’un descendant) étaient comptés comme une année complète ou non.
Le désir d’établir une chronologie biblique sans faille se heurte donc à un certain nombre de difficultés. Par conséquent, il n’est pas facile de déterminer si les registres généalogiques et les dates que nous trouvons dans la Bible nous ont été donnés à cet effet. Cela ne met nullement en question l’inspiration littérale des livres saints. Car si la parole de Dieu est inspirée par le Saint Esprit, les indications de dates le sont également. Dès lors, il convient de se demander non pas si les différentes données chronologiques sont vraies, mais si elles sont complètes. Compte tenu des difficultés mentionnées ci-dessus, on pourrait conclure qu’en l’état actuel de nos connaissances, il n’est pas possible de dresser, sur la base de la parole de Dieu, une chronologie complète de l’humanité (*).
(*) Cette remarque s’applique également aux autres données bibliques, qu’elles soient historiques, géographiques ou du domaine des sciences naturelles. Toutes sont vraies et exactes, parce qu’elles procèdent de Dieu, le Créateur. Mais considérées d’un point de vue scientifique, elles ne sont certainement pas complètes, dans le sens qu’elles ne permettent pas de reconstituer des arrangements parfaits, si chers à l’homme !
Pourtant de nombreux chercheurs ont tenté d’établir un « arbre généalogique » de l’humanité, remontant jusqu’à Adam. La chronologie de l’évêque anglican Ussher (1580- 1656) est une des plus connues : selon celle-ci, la création d’Adam doit pouvoir être située en l’an 4175 av. J.C. Parmi les autres dates avancées, citons : 4220, 4046, 4004 av. J.C., etc. De l’autre côté, on trouve les archéologues qui ont adopté, à propos de l’origine de l’homme, les conceptions de la théorie de l’évolution, et ne reconnaissent pas l’inspiration littérale de la Bible. Pour eux, le livre de la Genèse ne contient que des mythes ou des légendes ; les dates n’ont, à leur avis, qu’une valeur symbolique. Si les « chroniqueurs bibliques » ont calculé qu’Abraham doit être né en 2212, 2038 ou 1996 av. J.C., la critique biblique (pour autant qu’elle admette l’existence réelle du patriarche) situe sa vie au 15e ou 14e siècle av. J.C.
Au cours des 150 dernières années, les découvertes archéologiques et le déchiffrage des textes en écritures cunéiforme et hiéroglyphique ont contribué à élargir considérablement nos connaissances de l’Antiquité. De nombreux rapprochements avec la Bible en sont résultés. Remarquons en passant que, jusqu’à présent, jamais des recherches archéologiques sérieuses ne se sont trouvées en contradiction avec les données bibliques. Au contraire, l’archéologie n’a pu que constater la précision des indications historiques de la parole de Dieu ; et plus d’une théorie qui infirmait les affirmations bibliques a été réfutée par l’archéologie et enterrée sans tambour ni trompette.
Pour ce qui concerne l’époque du Nouveau Testament, les détenteurs du pouvoir mentionnés (les empereurs Auguste, Tibère et Claude, ainsi que les gouverneurs des provinces romaines) peuvent être situés avec exactitude dans le temps, de sorte que cette période est délimitée très précisément. Il en va de même pour la dernière époque de l’Ancien Testament, c’est-à-dire le temps des royaumes de Grèce, de Perse, de Babylonie et d’Assyrie. Les estimations de l’histoire universelle correspondent exactement aux données de la chronologie biblique. Les difficultés commencent lorsqu’on remonte au-delà de 1000 av. J.C.
Avant la division du royaume d’Israël en 931/930 av. J.C., le roi Salomon régna pendant quarante ans. La quatrième année de son règne, vers 967/966 av. J.C., il posa les fondements du temple à Jérusalem. Ce moment correspond à la 480e année après la sortie du peuple hors d’Égypte (1 Rois 6 v. 1), qui, par conséquent, se situerait aux alentours de 1446 av. J.C. Cela s’accorde avec l’indication selon laquelle, au temps du juge Jephthé, les Israélites habitaient déjà depuis 300 ans de l’autre côté du Jourdain (Juges 11 v. 26). Les « environ quatre cent cinquante ans » dont il est parlé en Actes 13 v. 18 à 20 peuvent aussi se rapporter à la période comprise entre la sortie d’Égypte (1446 av. J.C.) et le règne de David (vers 1000 av. J.C.) (voir p. 79, paragraphe c) : « La chronologie du temps des Juges »). Toutes les autres indications de dates remontant au temps des Juges (que l’on ne peut d’ailleurs pas simplement additionner les unes aux autres), ainsi que celles concernant l’histoire d’Égypte, parlent en faveur d’une datation approximative de la sortie d’Israël hors d’Égypte vers 1446 av. J.C. déjà. D’aucuns évoquent une époque plus tardive, vers 1290 av. J.C., que l’on trouve aujourd’hui dans de nombreux livres d’histoire et ouvrages bibliques. Cette dernière hypothèse laisse beaucoup trop peu de temps à la période des Juges.
La durée du séjour du peuple d’Israël en Égypte fait également l’objet de diverses interprétations, même parmi les chercheurs fidèles à la Bible. Les principales raisons tiennent aux diverses indications de dates : tout le monde ne s’accorde pas sur leur signification et leur ordre.
En Exode 12 v. 40, nous lisons que les fils d’Israël habitèrent 430 ans en Égypte. Cela correspond aux 400 ans indiqués en relation avec Abraham (Gen. 15 v. 13) et avec Étienne (Actes 7 v. 6). Dans le chapitre 3 de l’épître aux Galates (v. 17), les 430 ans mentionnés entre la confirmation de l’alliance à Abraham et la loi ne peuvent pas être comptés depuis l’établissement de cette alliance avec le patriarche, mais ils doivent partir de la dernière confirmation de l’Éternel à Jacob (Gen. 46 v. 2-4). En outre, il est presque impossible qu’une famille de soixante-dix personnes devienne, dans un laps de temps inférieur à 400 ans, un peuple de plus de deux millions de personnes [Exode 12 v. 37]. (*)
(*) note Bibliquest : il y a une autre difficulté en rapport avec Gen. 15 v.16 qui mentionne « en la quatrième génération, ils viendront ici [en Canaan] ».
Jacob était âgé de 130 ans (Gen. 47 v. 9) lorsqu’il descendit en Égypte (1876 av. J.C.). Le temps des patriarches se trouve ainsi étroitement lié à la sortie d’Égypte. D’après cela, Jacob serait né en 2006 av. J.C., Isaac en 2066 et Abraham en 2166.
Concernant l’époque antérieure à la naissance d’Abraham, pour les motifs évoqués ci-dessus, il convient d’être prudent quand on calcule à partir des données chiffrées de la Bible. Les résultats de telles supputations font apparaître de nombreuses différences. De plus les conclusions des recherches archéologiques sont souvent très éloignées des chronologies que nous connaissons. Il n’est guère possible aujourd’hui d’obtenir des réponses pleinement satisfaisantes aux nombreuses questions soulevées par les faits rappelés précédemment.
Aussi ne donnerons-nous pas d’indications de dates pour la période précédant les patriarches. La parole de Dieu nous présente bien une histoire complète de l’humanité du point de vue de Dieu, mais, en premier lieu, sous un aspect moral. Nous recevons, par conséquent, les données chronologiques comme étant exactes, mais en même temps nous mettons en garde contre les conclusions trop simplistes ou hâtives.
Chronologie du Pentateuque
L’année 966 av. J.C., celle de la construction du temple, servira de point de départ à ce tableau. Selon 1 Rois 6 v. 1, la sortie d’Égypte se situerait alors en 1446 av. J.C., et le verset 40 d’Exode 12 permet de dire que Jacob, âgé de 130 ans, est descendu en Égypte en 1876 av. J.C. (comp. Gen. 47 v. 1, 9).
Naissance d’Abraham | 2166 av. J.C. | (Gen. 21 v. 5; 25 v. 7) |
Voyage vers Canaan | 2091 av. J.C. | (Gen. 12 v. 4) |
Naissance d’Isaac | 2066 av. J.C. | (Gen. 21 v. 5) |
Naissance de Jacob | 2006 av. J.C. | (Gen. 25 v. 26) |
Mort d’Abraham | 1991 av. J.C. | (Gen. 25 v. 7) |
Naissance de Joseph | 1915 av. J.C. | (Gen. 30 v. 22-24) |
Mort d’Isaac | 1886 av. J.C. | (Gen. 35 v. 28) |
Joseph devant le Pharaon | 1885 av. J.C. | (Gen. 41 v. 46) |
Jacob descend en Égypte | 1876 av. J.C. | (Gen. 47 v. 9) |
Mort de Jacob | 1859 av. J.C. | (Gen. 47 v. 28) |
Mort de Joseph | 1805 av. J.C. | (Gen. 50 v. 26) |
Naissance de Moïse | 1526 av. J.C. | (Deut. 34 v. 7) |
Fuite de Moïse en Madian | 1486 av. J.C. | (Actes 7 v. 23) |
Sortie d’Israël hors d’Égypte | 1446 av. J.C. | (Ex. 12 v. 40; Actes 7 v. 30) |
Mort de Moïse ; Entrée d’Israël en Canaan | 1406 av. J.C. | (Deut. 34 v. 7; 1 Rois 6 v. 1) |