Rudolf BROCKHAUS
Ce n’est pas parce qu’ils se sont distingués d’autres personnes par des avantages particuliers ou des vertus spirituelles que les croyants sont destinés à la gloire. C’est plutôt parce que Dieu les a préparés à l’avance, sans condition, selon son choix souverain, « selon l’élection de la grâce ».
Que chaque croyant doive être appelé et justifié, que Dieu remplisse un vase plus qu’un autre de puissance spirituelle et de dons de grâce, tout cela est certain. Mais tous ont été préparés à l’avance par lui, avant qu’aucun d’entre eux n’existe, et cela pour sa propre gloire.
Table des matières :
4 - La colère de Dieu est révélée
5 - Pourquoi l’homme sera-t-il jugé ?
9 - La propitiation pour le monde entier
10 - La vraie lumière qui éclaire tout homme
11 - Le propos de Dieu selon l’élection
12 - Y a-t-il de l’injustice en Dieu ?
« Dieu est lumière
et… il n’y a en Lui aucunes ténèbres ». « Celui qui n’aime pas n’a pas connu
Dieu, car Dieu est amour
» C’est ce qu’écrit l’apôtre Jean dans les
chapitres 1 et 4 de sa première épître. Mais si Dieu dans son essence est
lumière et si sa nature est amour il s’ensuit nécessairement que ses pensées,
ses conseils et ses voies correspondent à cette essence et à cette nature. Il
est en même temps le Dieu éternel, le « Je suis », Celui qui est constant, qui
reste toujours égal à lui-même ; c’est pourquoi sa parole et ses actes doivent
porter le caractère de ce qui est éternel, immuable. Ainsi le psalmiste
déclare : « Éternel ! ta parole est établie à toujours dans les cieux » (Ps.
119:89). Pierre parle de « la vivante et permanente
parole de Dieu » (1
Pierre 1:23; comp. Matt. 5:18; 24:35 parmi d’autres passages) ; en Nombres 23:19
nous lisons que « Dieu n’est pas un homme, pour mentir, ni un fils d’homme, pour
se repentir ».
Remarquons aussi que Dieu ne pouvant jamais se renier, tous ses caractères restent toujours en parfaite harmonie entre eux ; chacun doit parvenir à son plein épanouissement, sans que cela nuise aux autres. Il est impossible, par exemple, que Dieu agisse en grâce aux dépens de sa justice, ou qu’Il donne libre cours à sa justice sans tenir compte de sa grâce. Dans tout ce qu’Il fait, la grâce et la vérité doivent être satisfaites, et la bonté et la fidélité se tendre la main.
L’homme est enclin à
considérer Dieu selon ses propres pensées, ou selon ce qu’il est lui-même, et à
juger de ses actions, selon ses conceptions et ses sentiments limités, et plus
encore, pervertis par le péché. Est-il étonnant qu’il arrive par ce chemin aux
conclusions et aux affirmations les plus insensées et même les plus
pernicieuses ? « Considère ce que je dis
» écrit Paul à Timothée, « car le Seigneur
te donnera de l’intelligence en
toutes choses » (2 Tim. 2:7). Si les croyants étaient plus conscients
que le Seigneur seul peut éclairer leur
entendement, et s’ils méditaient
avec
prière ce que Dieu leur dit dans sa Parole, combien d’égarements et de douleurs
leur seraient épargnés et comme ils pourraient être en bénédiction à leur
entourage ! Mais nous vivons dans des temps où l’on abandonne les saines paroles
et où l’on détourne les
oreilles de la vérité (2 Tim. 1:13; 4:4). C’est pourquoi les exhortations « Mais toi
, sois sobre en toutes choses »
(2 Tim. 4:5), ou « Mais toi,
ô homme
de Dieu, fuis ces choses » (1 Tim. 6:11), ou encore : « Toi donc
,…
fortifie-toi dans la grâce qui est
dans le Christ Jésus » (2 Tim. 2:1) résonnent toujours plus sérieusement, avec
toujours plus d’insistance à nos oreilles. Plus nous approchons de la fin, plus
la responsabilité individuelle de demeurer dans les choses que nous avons
apprises, devient grande, car nous aussi nous savons de qui nous les avons
apprises.
Le premier point important
sur lequel je désire attirer l’attention du lecteur est celui de la souveraineté
de Dieu. Si Dieu est Dieu
il n’a de compte à rendre à aucune de ses créatures. Qui oserait
lui demander : Que fais-tu ? La créature déchue aurait-elle un droit quelconque à
faire valoir envers son Créateur ? Comme l’a écrit un autre : « La souveraineté de
Dieu est le premier de tous les droits, le fondement de tous les droits et de
toute loi morale ». « Mais plutôt, toi, ô homme,
qui es-tu, qui contestes contre Dieu ? La chose formée dira-t-elle à celui
qui l’a formée : « Pourquoi m’as-tu ainsi faite » (Rom. 9:20). Ou bien : « La cognée
se glorifiera-t-elle contre celui qui s’en sert ? La scie s’élèvera-t-elle
contre celui qui la manie ? » (És. 10:15).
Si donc Dieu insiste toujours
dans sa Parole, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, sur le fait
que seul « un résidu selon l’élection de la grâce » (Rom. 11:5) sera sauvé et
qu’il exhorte l’indifférent et l’impie à fuir aujourd’hui
la colère qui vient et à être réconciliés avec Dieu, à
chercher l’Éternel tandis qu’on le
trouve,
à l’invoquer pendant qu’il
est proche
(És. 55:6) ; si Jésus exhorte à sacrifier ce qui est le plus
cher : sa main, son pied ou son oeil, dans le cas où ils seraient un obstacle à
la recherche de notre salut éternel, et s’il ajoute qu’il vaut mieux entrer
dans la vie estropié ou n’ayant qu’un oeil, que d’avoir les deux mains et
d’être jeté dans la géhenne de feu, là où
leur ver
— celui des condamnés
— ne meurt pas et où
le feu
ne s’éteint pas (Marc 9:43-48) — comment l’homme peut-il demander : Ne
serait-il pas bon et ne devrions nous pas nous réjouir, que finalement tous les humains
soient sauvés ?
Cette question semble sans
piège et sans danger et se recommande si bien à nos sentiments naturels, que
beaucoup ne s’aperçoivent pas que la ruse du serpent ancien s’y trouve aussi bien
cachée que dans les paroles prononcées autrefois en Eden : « Quoi, Dieu a dit ? »
La question s’oppose directement aux claires déclarations de la parole de Dieu.
Elle revient à dire : Dieu parle-t-il vraiment sérieusement lorsqu’il dit que
des hommes seront perdus pour toujours ? Serait-il effectivement vrai qu’il en
est qui n’ont « pas
d’espérance », et
cela non pas pour cette
vie
seulement, mais quant à l’état après
la
mort (car l’apôtre ne parle que de cela dans le passage connu : 1 Thess.
4:13) ? : Une telle pensée est-elle conciliable avec la bonté, l’amour du
Dieu-Sauveur ? N’y a-t-il aucune possibilité quelconque d’ôter à la Parole son
tranchant impitoyable ? de l’expliquer d’une autre façon ?
On voit à quelles déductions
pernicieuses, à quelles graves conséquences conduit cette question si bénigne
en apparence. La conclusion à laquelle on glisse est : « Non,
ceci ne peut
être
l’intention de Dieu », et l’on commence à mettre ses propres pensées à la place
de la parole de Dieu. La vérité est falsifiée :
on donne aux passages qui parlent de la grâce de Dieu et de sa volonté de
faire grâce, un sens dépassant de beaucoup leur portée, et d’autre part on
cherche, en suivant ses propres pensées, à atténuer le sens de ceux qui
attestent le désespoir et la perdition éternelle des hommes morts dans leur
incrédulité. Que dira Dieu à tout cela ? Certainement il demandera sérieusement
compte à tous ceux qui non seulement « s’écartent de la vérité » eux-mêmes, mais
entraînent d’autres hommes dans leur égarement.
L’apôtre Paul exhorte ainsi
son enfant Timothée : « Étudie-toi
à te
présenter approuvé
à Dieu, ouvrier
qui n’a pas à avoir honte, exposant
justement
la parole de la vérité », puis il parle très sérieusement de ceux
qui déjà alors s’étaient écartés de la vérité et « renversaient la foi de
quelques-uns ». Et dans ses soins touchants envers les jeunes croyants de
Thessalonique, il leur enjoint : « Ainsi donc, frères, demeurez fermes,
et retenez
les
enseignements que vous avez appris soit par parole, soit par notre lettre » (2
Thess. 2:15).
Cette doctrine, selon
laquelle tous les hommes seront finalement sauvés (plusieurs font un pas de
plus et incluent Satan et les anges déchus), est souvent basée sur la
déclaration de Pierre au portique de Salomon ; bien à tort, car l’Écriture parle
là non pas du rétablissement de tous les hommes
mais de toutes choses.
L’apôtre
Pierre fait allusion en effet « aux temps du rétablissement de toutes choses
dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps » (Actes
3:21). Il s’agit là des jours du règne de mille ans dans lesquels Dieu veut
créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre (És. 65:17), dans un sens
relatif, bien entendu, car les vrais nouveaux cieux et la vraie nouvelle terre
n’existeront que dans l’état éternel, lorsque Dieu fera toutes choses
nouvelles (Apoc. 21:1 et suivants). En ce qui
concerne la création, qui, elle, n’a pas péché, mais qui « soupire » ayant été
entraînée dans les conséquences du péché par son chef, l’homme, il peut être
parlé avec raison d’un rétablissement. Elle sera une fois affranchie de la
servitude de la corruption, pour jouir de la liberté de la gloire des enfants
de Dieu (Rom. 8:19-22), et cela — ce serait impossible autrement — sur la base
de l’oeuvre expiatoire de Christ (Col. 1:20).
Mais si l’Écriture parle
d’une manière aussi claire et certaine d’une réconciliation ou d’un
rétablissement de toutes choses,
d’un
affranchissement de toute la création,
des
terribles conséquences du péché, elle enseigne d’une manière tout aussi claire
et certaine qu’en ce qui concerne les hommes,
tous ne
seront pas
sauvés. Ce n’est qu’à ceux qui,
pendant le temps de la grâce, se détournent de leur chemin de méchanceté et
croient en Jésus qu’elle affirme qu’ils seront sauvés. Elle ne dit jamais que
les péchés de tous
ont été portés et
expiés, ce qui aurait dû être le cas, si tous les hommes devaient être sauvés.
Nous rencontrons partout le principe de l’« élection » de la grâce de Dieu. Tous
ont péché et n’atteignent pas à la gloire de Dieu ; oui, dans la volonté corrompue
de leur coeur, tous
persévéreraient
jusqu’à la fin sur le chemin large qui mène à la perdition, si Dieu dans sa
miséricorde et selon le propos de sa grâce n’intervenait pas pour saisir et
conduire à Jésus « tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle » (Actes
13:48). Comme le dit le Sauveur lui- même : « Tout
ce que le Père me donne
viendra à
moi » (Jean 6:37).
La volonté de Dieu en grâce
s’étend, il est vrai, à tous les hommes. Il n’a pas « envoyé son Fils dans le
monde afin qu’il jugeât le monde, mais afin que le monde fût sauvé par lui »
(Jean 3:17) Mais le monde n’a pas voulu
Jésus. Il a haï
aussi bien le Père que le Fils.
Quelle issue restait- il donc à l’amour de Dieu ? Uniquement le choix de sa
grâce. C’est pourquoi le verset précédent nous dit déjà : « Car Dieu a tant aimé
le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque
(chacun en particulier) croit en lui
ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle »
(Comp. aussi 2 Cor. 5:18-21). Le monde comme tel ayant rejeté la grâce et l’amour
de Dieu, il ne reste plus qu’un « choix », une « élection par grâce ». « Chacun
»,
« Quiconque
a soif », « Celui
qui veut » est invité à venir et à
boire gratuitement de l’eau de la vie.
Tout ceci est si simple et
d’une telle clarté, que l’on a peine à comprendre que des doutes ou des
divergences de pensées puissent encore subsister là-dessus. Il en est pourtant
ainsi. Cette vérité si sérieuse n’est pas directement niée, il est vrai ; on
accepte les paroles citées et beaucoup d’autres passages, mais on cherche à en
modifier le sens ; à leur ôter leur double tranchant. Oui — mais
! C’est
la manière de faire de Satan dès le début ! Il ne nia pas non plus, au
commencement, que Dieu avait parlé, mais il chercha à semer le doute dans le
coeur de la femme quant à la bonté de Dieu et lorsqu’Ève eut prêté l’oreille à
sa voix pleine de ruse, il tordit
les paroles de Dieu
Quelques-unes des raisons mises en avant par les adeptes de l’universalisme sont des plus étranges pour ne pas dire davantage. Ainsi l’un d’eux interprète de la façon suivante le verset bien connu d’Ésaïe 53:12: « Il (Christ) a porté le péché de plusieurs, et… intercédé pour les transgresseurs ». Les plusieurs dont le Seigneur a porté le péché, sont les croyants de tous les temps, les transgresseurs sont le reste des hommes qui par suite de l’intercession de Christ peuvent compter sur une rédemption future.
On se demande comment une pareille interprétation est possible. La déclaration du Seigneur « Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres » (Luc 11:35; Matt. 6:23) est bien la seule réponse. Au lieu de discerner dans ces quelques paroles le simple mais si précieux compte-rendu de ce qui s’est passé à la croix où notre bien-aimé Sauveur a porté les péchés de plusieurs et intercédé pour ses meurtriers, on leur attribue un sens qui porte atteinte à la justice de Dieu, base de l’oeuvre de la rédemption, et qui falsifie l’oeuvre de Christ. Nous admettons volontiers que ces conséquences ne sont pas dans l’intention de celui qui parle, mais le fait demeure, comme nous le verrons tout à l’heure. Le danger tragique c’est que des âmes simples et peu fondées ne le remarquent pas, mais croient au contraire entendre une nouvelle et précieuse vérité. C’est pour de telles âmes que nous nous sentons tout premièrement responsables de prouver notre sérieuse accusation.
Nous avons déclaré que cette
interprétation porte atteinte à la justice de Dieu, base de l’oeuvre de la
rédemption. En est-il vraiment ainsi ? Examinons-le ! Après avoir établi dans le
premier chapitre de l’épître aux Romains, la culpabilité de tous les hommes,
des nations et des juifs, et être arrivé à la conclusion « que tout le monde est
coupable devant Dieu », l’apôtre Paul déclare que « la justice de Dieu
»
(et c’est elle que l’homme doit posséder pour pouvoir se tenir devant Dieu) a
été manifestée « par la foi en Jésus Christ envers
tous, et sur
tous ceux qui croient ; » et plus loin, que Dieu a présenté le Christ Jésus « pour
propitiatoire, par la foi en son sang, afin de montrer sa justice
à
cause du support des péchés précédents (c’est-à-dire précédant la mort de
Christ) dans la patience de Dieu, afin de montrer
… sa justice
dans le temps présent, en sorte qu’il soit juste
et justifiant
celui qui est de la foi de Jésus » (Rom. 3:21-26).
Si Dieu veut user de grâce et
pardonner, il ne peut le faire que sur la base de sa justice. La grâce ne peut
régner que par la justice
(Rom. 5:21). Par la mort de Christ, la justice
de Dieu est maintenant pleinement et entièrement satisfaite, oui glorifiée
même, envers tous ceux qui croient en Jésus. Tous leurs
péchés, les
péchés de plusieurs
, Jésus les a portés ; pour eux
il a été fait
péché et par conséquent Dieu agissait en pure justice en supportant dans sa
patience les péchés précédents de ceux qui lui appartenaient et il est juste
aujourd’hui quand il justifie ceux qui sont de la foi de Jésus, leur donnant
une place toute nouvelle dans le Ressuscité.
Il n’y a plus de condamnation pour tous ceux qui sont « dans le Christ », ils sont « dans l’Esprit » et non plus « dans la chair » (Rom. 8).
Sur quelle base Dieu
pourrait-il pardonner aux transgresseurs pour lesquels, selon cette
affirmation, Jésus aurait intercédé ? Comment pourrait-il les justifier ? Jésus
n’a porté que les péchés de plusieurs
(comp. aussi Matt. 26:28; Héb.
9:28) et ces transgresseurs qui sont morts dans l’incrédulité, ont méprisé ou
négligé le grand salut en Christ et en ont reçu leur jugement. Le Dieu saint se
« renierait-il lui-même », renoncerait-il à sa justice et laisserait-il agir
envers ces coupables une grâce qui pardonnerait les péchés sans
qu’ils
aient été portés et expiés et qui ainsi contredirait l’essence même de la grâce
divine ?
Ce que nous venons de dire
répond aussi à la question : Comment le sacrifice de Christ est-il falsifié par
la dite interprétation ? S’il était possible que le pardon des péchés puisse
être obtenu et que la justice de Dieu puisse être satisfaite par un autre
moyen
quel qu’il soit, ou conjointement
avec le sacrifice de Christ,
ce sacrifice ne serait pas la seule propitiation valable, le sang du Fils de
Dieu le seul moyen de purification de nos péchés, Christ le seul Sauveur, etc.
Et que veut
-on mettre à côté de Lui et de son oeuvre ? L’église romaine a
imaginé la fable du purgatoire. Veut-on la suivre et ajouter à l’oeuvre de Christ,
en l’annulant par cela même, un jugement plus ou moins sévère, un châtiment
plus ou moins lourd pour ceux qui sont perdus, ou encore « leurs pleurs et leurs
grincements de dents », leur remords (si celui-ci existe là) ou quoi que ce soit
que l’on puisse imaginer. Que dire de la perversité de l’esprit et de la
volonté de l’homme qui s’élèvent contre les témoignages catégoriques de la
parole de Dieu pour les remplacer par le fruit de son imagination ?
Mentionnons ici un second
passage souvent cité, avec d’autres connus depuis longtemps, pour appuyer la
doctrine de l’universalisme. Il est dit en Romains 11:32: « Dieu a renfermé
tous, [Juifs et nations], dans la désobéissance, afin de faire miséricorde à tous
».
Voyez, dit-on, il est écrit clairement que Dieu fera miséricorde à tous
!
Si nous devons taxer de franchement pernicieux la prétendue explication d’Ésaïe
53:12, nous ne pouvons épargner à cette dernière assertion, le reproche de la
plus grande légèreté. C’est un fait connu qu’en Romains 11 l’apôtre parle des
voies de Dieu envers Israël et les nations, c’est-à-dire les païens. Israël,
peuple élu et séparé par Dieu, représentait les branches, selon la nature, de
l’olivier dont la graisse est l’image de la prospérité. Abraham, racine de
l’arbre, bénéficiaire des promesses et bénédictions divines, est appelé saint,
c’est-à-dire séparé pour Dieu ; il en résultait que les branches également
étaient saintes. Mais ces branches naturelles et saintes avaient été arrachées
à cause de leur incrédulité et Dieu avait enté à leur place les nations
incrédules, représentées par l’olivier « sauvage ». Celles-ci subsistaient donc
ainsi « par la foi ». Elles qui précédemment n’avaient pas cru Dieu étaient
devenues, par l’incrédulité des juifs, des objets de miséricorde, et pour les
juifs, qui dans leur orgueil ne voulaient pas croire à la miséricorde
manifestée envers les nations, il ne restait plus d’autre issue que celle de la
miséricorde. Tout était perdu pour eux sur le terrain précédent, celui de la
loi. Si les promesses faites à leurs pères devaient s’accomplir à leur égard,
cela n’était plus possible que sur la base d’une miséricorde inconditionnelle,
comme pour les nations. C’est alors qu’il en est donné la simple raison : « Car
Dieu a renfermé tous, (Juifs et païens), dans la désobéissance, afin de faire
miséricorde à tous juifs et païens) ».
La pensée de l’universalisme
,
une miséricorde pour tous
les hommes, si bien que tous
les hommes
seraient finalement sauvés, est si éloignée de ce passage (Rom. 11:32) qu’il
faut vraiment un esprit superficiel ou la volonté
de tordre les
écritures, pour l’y introduire. On se plaît aussi à mettre en avant que c’est
la volonté de Dieu que tous les hommes soient sauvés et viennent à la
connaissance de la vérité (comp. 1 Tim. 2:4; 2 Pierre 3:9). Il en est bien
ainsi, à condition de ne pas en tirer des conclusions fausses et pernicieuses.
Certainement Dieu, le Dieu d’amour et de miséricorde, ne
veut pas
la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie. Il veut certainement que le
message du salut gratuit soit annoncé à tous
. Il n’a destiné aucun homme
à être perdu. La doctrine selon laquelle Dieu aurait prédestiné les uns à la
destruction, les autres à la vie éternelle est aussi fausse et peut-être aussi
pernicieuse que celle de l’universalisme. Non, si un homme est perdu ce n’est
pas le résultat de la prédestination ou de la volonté de Dieu, mais seulement
et uniquement la conséquence de ses péchés, de son incrédulité, et de sa propre
volonté qui est hostile à Dieu. D’autre part : si un homme est sauvé ce n’est
pas la conséquence de ce qu’il a fait, de sa
volonté ou de ses
efforts, mais c’est l’oeuvre du Dieu qui choisit et fait grâce.
N’oublions pas non plus que
si c’est la volonté de Dieu — car il est amour — que tous viennent à la
repentance et trouvent le salut et la délivrance en Jésus, de même c’est aussi
sa volonté et il faut qu’il en soit ainsi — car il est lumière — « de montrer sa
colère
et faire connaître sa puissance
» contre tous ceux qui
n’obéissent pas à l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ, mais trouvent leur
plaisir dans l’injustice.
À la suite de la pensée
exprimée à la fin du chapitre précédent quant à la volonté de Dieu de montrer
sa colère et faire connaître sa puissance (comp. Rom. 9:22), rappelons que, en
Romains 1:18, après avoir parlé de l’évangile de Dieu et avoir dit au verset
précédent que « la justice de Dieu
y est révélée sur le principe de la foi pour
la foi » l’apôtre écrit : « Car la colère de Dieu est révélée du ciel
contre toute impiété et toute iniquité des hommes qui possèdent la vérité tout
en vivant dans l’iniquité ».
Remarquons l’identité
d’expression dans les deux versets, 17 et 18: « la justice de Dieu est révélée »
et « la colère de Dieu est révélée du ciel ». Cette colère est donc révélée (elle
ne s’exerce pas encore) en même temps que l’évangile ; elle va de pair avec la
parole de la croix. De prime abord ceci peut paraître étrange, mais deviendra
compréhensible dès que nous réaliserons combien l’état de choses a été changé
par l’évangile de Dieu. Dans les temps anciens déjà, Dieu a fait tomber à
plusieurs reprises de sérieux jugements sur les hommes. Il n’est que de
rappeler le déluge, Sodome et Gomorrhe, la mer Rouge, Coré et son assemblée,
etc. Mais tous ces jugements avaient été des voies de la providence de Dieu,
concernant la terre, des signes visibles de son gouvernement
et non pas
une révélation de sa colère venant du
ciel.
Dieu avait bien rendu témoignage à son Être même par ces jugements,
mais ce n’est que lorsque le Fils de Dieu accomplit son oeuvre expiatoire et
posa par elle la base de notre rédemption que Dieu révéla ce qu’il est ; en
effet Dieu ne montra nulle part d’une manière aussi claire ce qu’il pense du
péché et de tout le mal, que précisément à la croix, où Jésus qui n’a pas connu
le péché, a bu pour nous la coupe de la colère de Dieu contre le péché. La
preuve la plus grande de l’amour de Dieu est devenue la révélation la plus
terrible de sa justice.
Le monde ayant aussi rejeté
cette dernière révélation de Dieu, la plus élevée de toutes puisque Dieu « nous
a parlé dans le Fils » (Héb. 1:1), et ayant crucifié le Fils de Dieu, il ne
reste plus pour lui que la colère et le jugement. C’est pourquoi, si d’une part
la justice de Dieu est révélée dans l’évangile et donnée gratuitement à
quiconque croit, Dieu montre d’autre part clairement et avec plus d’insistance
que jamais, que sa colère doit s’exercer sur « toute
impiété » (quelle qu’en soit la nature) et non seulement sur
l’impiété, mais sur « toute iniquité des hommes qui possèdent la vérité tout en
vivant dans l’iniquité ». Ce n’est plus sur un seul peuple que Dieu visite les
iniquités, comme en son temps sur Israël (comp. Amos 3:1, 2), mais il juge
maintenant tout
mal, tout ce qui est
en opposition avec Lui qui est lumière. C’est pourquoi l’apôtre continue sans
transition (jusqu’au verset 21 du chap. 3) à prouver la culpabilité de tous
les hommes, dont les païens et les
Juifs formaient alors les deux grandes classes. Et quelle est la fin de sa
démonstration ? Quelle conclusion en tire-t-il ? « Tous
ont péché », que ce
soit « sans loi » comme les païens, ou « sous la loi » comme les juifs. Tous
sont coupables, le juif toutefois incomparablement plus que le païen — c’est
pourquoi son jugement sera plus sévère, « il recevra plus de coups » que celui-là
— mais tous sont coupables, et « tout le monde
» est « passible du jugement
de Dieu », qui est sans appel et « selon la vérité ». L’orgueil de l’homme se
cabre devant ce jugement accablant qui ne fait pas
d’exception ; on le
dit injuste, incompatible avec l’amour de Dieu, etc. mais bientôt « toute
bouche sera fermée » devant « le tribunal de Dieu ». Dieu sera justifié dans ses
paroles, trouvé juste quand il juge (Ps. 51:4). Heureux l’homme qui, comme job
aux temps anciens, réfléchit à temps et qui, sur cette question de Dieu : « Celui
qui conteste
avec le Tout-Puissant l’instruira-t-il ? Celui qui reprend
Dieu
, qu’il réponde à cela ! » reconnaît : « Voici, je suis une créature de
rien, que te répliquerai-je ? Je mettrai ma main sur ma bouche
. J’ai
parlé une fois, et je ne répondrai plus ; et deux fois, et je n’ajouterai rien ».
Une des principales raisons
de la confusion et des assertions erronées qui existent dans le domaine qui
nous occupe, se trouve dans l’idée que l’homme ne sera perdu que parce qu’il
ne croit pas à Christ
. En partant de cette idée on en arrive à accuser Dieu
d’injustice, s’il juge les hommes qui, n’ayant jamais entendu parler de Jésus,
n’ont donc jamais eu l’occasion de se décider pour ou contre lui ; toute leur
culpabilité, dit-on, vient de ce qu’ils ont vécu avant
Christ (ou qu’ils
n’en ont jamais entendu parler) et ce n’est pourtant pas de leur faute
.
On va encore plus loin : Ce serait accuser Dieu de dureté et d’injustice, que de
croire que les deux tiers des hommes qui ont vécu jusqu’à présent sont
irrémédiablement perdus. Car ces hommes ne sont en somme pas fautifs
,
puisqu’ils ignoraient Christ.
C’est ainsi que discourent et
écrivent des hommes, même croyants — « selon l’homme
» comme le dit
l’apôtre Paul. — Car en ce temps-là déjà, l’Esprit de Dieu, prévoyant jusqu’à
quelles questions folles, outrecuidantes, et jusqu’à quelles affirmations
l’esprit de l’homme le conduirait, a fait écrire par l’apôtre Paul cette
question : « Dieu est-il injuste
quand il donne cours à la colère
? »
Et la réponse : « Qu’ainsi n’advienne
! puisqu’alors, comment Dieu jugera-t-il
le monde
? »
(Rom. 3:5, 6). Non,
s’il ne s’agissait que de la révélation de la justice, Dieu ne serait que juste
en jugeant tous les hommes sans
exception, sa colère repose en justice sur tous les enfants des hommes à cause
de leurs péchés, et si malgré cela il en sauve plusieurs, c’est en vertu de sa
miséricorde souveraine « qui se glorifie vis-à-vis du jugement », c’est sa grâce
imméritée qui règne par Jésus Christ en vie éternelle. C’est pourquoi le
croyant s’écrie : « Mais Dieu, qui est riche en miséricorde,
à cause de son grand amour dont il nous a aimés…
nous a vivifiés ensemble avec le Christ (vous êtes sauvés par la grâce) »
(Éph. 2:4-10).
« Mais », dira un lecteur, « n’est-il
pas vrai que l’homme s’en va à la perdition parce qu’il ne croit pas ? N’est-il
pas si souvent écrit sous une forme ou sous une autre, que seul celui qui croit
sera sauvé, alors que tous ceux qui ne croient pas demeurent sous la colère de
Dieu ? » Oui, c’est bien là ce qui est écrit. Mais en posant cette question on
oublie que l’homme, qu’il soit juif, païen, ou chrétien de nom seulement, est
perdu par nature et sous la condamnation de Dieu à cause de ses mauvaises
oeuvres. On oublie que tous les hommes sont « par nature des enfants de colère »,
en ce que tous sans exception ne
recherchent pas Dieu, mais accomplissent « les volontés de la chair et des
pensées » (Éph. 2:3). Qu’il y ait une grande différence entre juifs, païens et
chrétiens de nom, et de même entre individu et individu, suivant les
circonstances personnelles, et encore dans l’échelle des responsabilités et par
conséquent dans celle de la sévérité du jugement, cela va de soi. « Le juge de
toute la terre ne fera-t-il pas ce qui est juste ? » demandait Abraham, dans les
temps anciens, quant au jugement annoncé sur les habitants de Sodome et
Gomorrhe, jugement qui l’effrayait et remplissait son coeur de compassion. Oui
c’est en justice que Dieu a agi alors, et c’est en justice qu’il agira au jour
où « le sort de Sodome sera plus supportable » que celui des habitants de
Capernaüm et de tant de millions d’êtres humains qui comme eux ont reçu des
bénédictions qui les ont élevés jusqu’au ciel et qui ne se sont pas laissés
conduire à repentance par elles.
Je le répète : Un homme à qui
la grâce révélée en Christ a été offerte en vain, qui a méprisé le « grand
salut » offert, ne sera
pas perdu pour
cette raison même, non, il était
déjà
perdu et il reste
perdu : « la colère
de Dieu demeure
sur lui » (Jean 3:36).
C’est comme pécheur coupable qu’il rejette la grâce de Dieu ; il est vrai qu’il
augmente par là sa culpabilité, il aggrave immensément son jugement, mais son
incrédulité n’est pas
la raison première
de sa perdition. Perdu
dès son origine, il pourrait être sauvé s’il profitait du moyen de salut donné
de Dieu ; mais ne le faisant pas il scelle son destin : celui qui ne croit pas
sera condamné. La foi est ainsi le moyen par lequel l’homme peut échapper à la
condamnation. S’il rejette ce seul moyen, il reste
sous le décret
de condamnation de Dieu, et même il en recevra « une punition plus sévère ».
Celui qui croit au Fils « n’est
pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà
jugé,
parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu » (Jean 3:18).
Le vrai motif
de la perdition de l’homme n’est donc pas l’incrédulité, mais
le péché
de l’homme. De nombreux
passages de la Parole témoignent sans équivoque possible, qu’il en est ainsi,
c’est-à-dire que le jugement de Dieu atteint l’homme à cause de ses péchés. Le
Prédicateur déjà déclare à la fin de son livre que « Dieu amènera toute
oeuvre
en jugement, avec tout ce qui est caché, soit bien, soit mal » (Comp.
Rom. 2:16; 1 Cor. 4:5). Même, « de toute parole
oiseuse qu’ils auront
dite, les hommes rendront compte au jour de jugement » (Matt. 12:36). La mer, la
mort et le hadès rendront en ce jour, les morts qui sont en eux, (c’est-à-dire
tous ceux qui n’appartiennent pas à la première
résurrection) et ils
seront jugés, chacun selon ses oeuvres
(Apoc. 20:12, 13). La mer dont
aucun homme n’a encore pu explorer la profondeur, si bien que les corps de ceux
qui y ont péri, semblent avoir disparu sans laisser de traces
, la mort
et le hadès, c’est-à-dire la tombe où se trouvent les corps, et le lieu
transitoire où se trouvent maintenant les âmes des défunts — tous seront
obligés de rendre leurs morts. Aucun ne manquera, quelle que soit la classe des
humains à laquelle il ait appartenu. Tous
ces morts, au lieu de trouver
alors occasion d’entendre l’évangile, comme on ose le prétendre en tordant les
écritures d’une manière inconcevable, seront jugés
, chacun
selon
ses oeuvres
.
C’est ainsi que parle
l’Écriture, la Parole qui ne trompe pas, qui demeure éternellement ; elle le dit
avec une clarté effrayante, écrasante, et compréhensible pour chacun, sans
équivoque. « Tu n’y ajouteras
rien, et tu n’en retrancheras
rien »
(Deut. 12:32). Malheur à celui qui « ajoute » ou qui « ôte » aux paroles de ce
livre (Apoc. 22:18, 19) en ce qu’il falsifie ou même en ce qu’il tord ces déclarations
si claires
, pour sa perdition et celle de ceux qui l’écoutent. Il aura à en
répondre devant Dieu, n’ayant pas tremblé à sa Parole.
Rappelons encore quelques
autres passages : David déclare dans le Psaume 62:12, mettant la bonté et la
sévérité de Dieu, d’une manière frappante, en face l’une de l’autre : « Et à toi,
Seigneur, est la bonté ; car toi tu rends à chacun
selon son oeuvre
».
L’esprit de Dieu, par Jérémie, relie la description du coeur de l’homme,
trompeur et incurable, à ces paroles : « Moi, l’Éternel je sonde le coeur,
j’éprouve les reins ; et cela pour rendre à chacun
selon ses voies
,
selon le fruit de ses actions
(Jér. 17:10; 32:19). En Romains 2:5, 6 il
est question du « jour de la colère et de la révélation du juste jugement de
Dieu, qui rendra à chacun
selon ses oeuvres
». L’apôtre Paul écrit
aux Éphésiens : « Que personne ne vous séduise par de vaines paroles ; car, à
cause de ces choses
, la colère de Dieu vient sur les fils de la
désobéissance » (Éph. 5:6; comp. Col. 3:6). Et encore tout à la fin du livre de
Dieu, le Seigneur lui-même, avec solennité, déclare : « Voici, je viens bientôt,
et ma récompense est avec moi, pour rendre à chacun selon que sera son
oeuvre
» (Apoc. 22:12).
Répétons-le donc encore une
fois : bien que l’indifférence et l’incrédulité de l’homme envers l’évangile de
Dieu augmentent immensément sa culpabilité et son châtiment, la colère de Dieu
(elle est déjà révélée du ciel aujourd’hui) ne tombera pas tellement sur
l’incrédulité, si mauvaise soit-elle en elle-même, que bien plutôt, sur « toute
impiété et toute injustice » des hommes. Tous sont coupables et ont de ce fait
mérité la mort et le jugement. Si pourtant Dieu sauve des hommes, ce ne peut
être, nous l’avons déjà dit, que sur le pied d’une grâce
inconditionnelle et seulement « selon l’élection
de la grâce ». De même qu’Ésaïe s’écrie au sujet
d’Israël : « Quand le nombre des fils d’Israël serait comme le sable de la mer,
le résidu seul sera sauvé »,
de même
nous sommes autorisés à dire à l’égard de tous les autres hommes : Même si leur
nombre était des milliards et encore des milliards, un résidu seul,
un choix de la
grâce divine,
sera sauvé.
Mais voilà « celui qui
conteste avec le Tout-Puissant », l’homme orgueilleux qui veut « reprendre Dieu »,
qui s’enhardit à questionner : Est-ce justice,
lorsque Dieu fait une telle différence ? Dieu n’a-t-il pas l’obligation
d’offrir son salut en Christ à tous les hommes, et si cela n’a pas lieu
pendant leur séjour sur la terre, ne serait-ce pas injuste
de ne pas leur donner encore une occasion après
leur mort ?
Ô insensé plein d’orgueil,
qui parles de cette manière ! Tout d’abord : Veux-tu toi
« dont le souffle est dans tes narines » donner à Dieu
l’intelligence, et l’instruire dans le sentier du juste jugement, et lui
enseigner la connaissance et lui faire connaître le chemin de l’intelligence ?
(És. 40:14). Veux-tu, toi, un homme dont il est dit : « Il sort comme une fleur,
et il est fauché » (Job 14:2), contester avec celui qui t’a formé et lui dire :
« que fais-tu ? » toi un tesson parmi les tessons de la terre ? (És. 45:9).
Mais encore : S’agit-il même
de justice
dans le cas qui nous
occupe ? Si, pour employer une image, tout un régiment se mutine, et, selon les
lois, mérite la mort, serait-il question de justice
ou
bien de grâce
si l’Empereur, le Roi ou le Chef de
l’État, diminuait la peine ou ne la faisait exécuter que pour les uns, alors
que les autres s’en iraient libres ? Se pourrait-il que les coupables aient à
décider lesquels d’entre eux seraient graciés et lesquels ne le seraient pas ?
On m’objectera : l’image est boiteuse ! je sais qu’elle est boiteuse, comme toute
autre. Mais il ne s’agit ici que de l’application d’un principe. — Si tous les
hommes ont péché et sont tombés sous le juste jugement de Dieu, passibles de la
mort et de la perdition, s’agit-il de justice ou bien de grâce, si Dieu ne les
laisse pas tous sous le jugement, mais en épargne un certain nombre ? surtout
lorsqu’il le fait sur la base d’un sacrifice expiatoire, en substitution,
auquel il a pourvu et qu’il a préparé lui-même ? De plus : La décision souveraine
de gracier qui il veut ou de ne pas gracier n’appartient-elle pas à Dieu ?
Est-ce que l’un de ceux qui sont sous le jugement possède un droit quelconque,
une prétention quelconque à être gracié ? Et si, en plus, tous
sans exception, refusent les offres de grâce, les uns opposés et
méchants, les autres indifférents et insoucieux ? Si comme nous l’avons déjà dit
« le grand salut » est méprisé ou négligé ? Si l’amour qui cherche exhale sa
plainte : « Seigneur, qui est-ce qui a cru à ce qu’il a entendu de nous ? » ou :
« Tout le long du jour j’ai étendu mes mains vers un peuple désobéissant et
contredisant » (Rom. 10:16, 21). Ou encore : « Vous ne voulez
pas venir à moi pour avoir la vie » (Jean 4:40). Si enfin :
« il n’y a personne
qui recherche
Dieu », si tous
accomplissent les
volontés de la chair et des pensées ? (Éph. 2:3).
J’entends l’objection : Mais
les païens
et tant d’autres humains qui comme eux n’ont jamais
entendu parler de Jésus ? Qu’en peuvent-ils si aucun prédicateur n’est venu
jusqu’à eux ? La Parole de Dieu déclare elle-même : « Comment croiront-ils en
celui dont ils n’ont point entendu parler ? Et comment entendront-ils sans
quelqu’un qui prêche ? » (Rom. 10:14). En effet, c’est ce que dit l’Écriture et
le Seigneur Jésus lui-même témoigne que l’Écriture ne peut être anéantie (Jean
10:35). Nous devons donc prendre ce passage, comme tout autre, exactement comme
il est écrit. Il en est bien ainsi, les païens ne peuvent
croire en
Jésus ou l’accepter si la bonne nouvelle ne leur est pas annoncée
. C’est
pourquoi nous devrions « toujours abonder dans l’oeuvre du Seigneur » et, étant
étreints par l’amour de Christ, ne pas nous fatiguer de témoigner pour lui et
soutenir le plus possible la propagation de l’évangile, soit par parole soit
par les écrits. Mais si les païens ne peuvent croire à moins qu’un prédicateur
leur apporte la bonne nouvelle, sont-ils de ce fait sans culpabilité
?
Écoutons ce que l’Esprit Saint a à nous dire, par l’apôtre Paul, en réponse à
cette question. Nous reviendrons pour cela au verset 18 du premier chapitre de
l’épître aux Romains : « Car la colère de Dieu est révélée du ciel ». Aussi sur
les païens
? Oui, répond Dieu : « contre toute impiété
(c’est la
condition des païens) et toute iniquité des hommes qui possèdent la vérité tout
en vivant dans l’iniquité » (ce qui est le cas des juifs ou aussi aujourd’hui
celui des chrétiens de nom) ; et l’apôtre, sans tarder, donne la preuve de son
affirmation. Au chapitre premier il parle des païens, au second, jusqu’au
verset 21, des juifs avec lesquels il faudrait, comme déjà dit, comprendre
aujourd’hui toute la chrétienté de nom.
L’apôtre énumère trois preuves de la culpabilité des païens devant Dieu.
1. Ils possèdent le
témoignage de la création
. Ce qui se peut connaître de Dieu, sa
puissance éternelle et sa divinité, se discerne depuis la fondation du monde,
par le moyen de l’intelligence par les choses faites par lui (v 19, 20).
2. Ils ont eu au début la connaissance
de Dieu (v 21).
3. Ils ont une conscience
(bien que faussée), qui témoigne au-dedans d’eux, de sorte que leurs pensées
s’accusent entre elles ou aussi s’excusent (chap. 2:14, 15).
Qu’ont-ils fait de ces trois grands dons ? Bien qu’ayant connu Dieu et que la création les ait toujours à nouveau convaincus de sa grandeur, de sa puissance et de sa sagesse, « ils ne le glorifièrent point comme Dieu, ni ne lui rendirent grâces », mais ils devinrent orgueilleux, sages à leurs propres yeux, « leur coeur destitué d’intelligence fut rempli de ténèbres » et dans leur audace « ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en la ressemblance de l’image d’un homme corruptible et d’oiseaux et de quadrupèdes et de reptiles » ! Oui, plus que cela ! « Comme ils n’ont pas eu de sens moral pour garder la connaissance de Dieu » (v 28), et qu’ils ont pratiqué la pire idolâtrie, ils se sont laissés aller aux passions les plus infâmes, pratiquant des choses trop honteuses pour être nommées. Ils étaient bien conscients en cela de l’odieux de leurs actions ; leur conscience leur en rendait témoignage ; ils ont « connu la juste sentence de Dieu, que ceux qui commettent de telles choses sont dignes de mort », mais au lieu de se détourner avec horreur de ces impuretés, ils les ont non seulement pratiquées, mais ont trouvé leur plaisir en ceux qui les commettaient (v 32).
C’est ainsi que les païens
sans exception sont inexcusables (v 20) et si même leur culpabilité ne
correspond qu’à 50 deniers comparée à celle de 500 ou 5000 deniers des juifs et
des chrétiens de nom, ils se trouvent en toute justice
sous le jugement
de Dieu. « Car il n’y a pas de différence
, car tous
ont péché et
n’atteignent pas
à la gloire de Dieu » (chap. 3:19, 22, 23). Aucun
d’entre eux n’aura alors une parole à opposer au jugement de Dieu et tous le
reconnaîtront comme étant juste et mérité sous tous les rapports. Oui, plus que
cela, chacun sera obligé de témoigner que pendant les années de sa vie
terrestre, Dieu s’est maintes fois révélé à lui et l’a « supporté avec une
grande patience » (Rom. 9:22).
Si donc l’on demande : « Le
Dieu juste peut-il condamner de tels hommes, qui n’ont jamais entendu son
évangile, qui n’en avaient aucune
connaissance ; peut-il condamner parce
qu’ils ne l’ont pas
reçu ? » — en ajoutant : « Nous ne sommes pas assez
fanatiques pour le croire », notre simple réponse sera : Nous non plus. Mais Dieu
ne nous demande pas du tout, non plus, de croire une chose aussi absurde. Non,
Dieu ne juge pas les païens parce qu’ils n’ont pas cru — lui-même nous dit
qu’ils ne le peuvent
pas — mais parce qu’ils « ont changé la vérité de
Dieu en mensonge » (Rom. 1:25) et amassé péché sur péché. « Mais » objecte-t-on
alors, « où est-il écrit que le temps de la grâce se termine pour tous les
hommes au moment de leur mort corporelle » ? Oui, on prétend même que la justice
de Dieu exige que tous les hommes aient l’occasion de se déclarer une fois pour
ou contre Christ, soit dans cette vie ou après la mort. Voilà de nouveau ces
paroles présomptueuses que nous avons déjà entendues, le même orgueil qui veut
dicter au grand Dieu les voies qu’il doit suivre et lui enseigner les chemins
de la justice. Dieu a-t-il une obligation
quelconque envers l’homme ?
N’est-ce pas un effet de sa grâce
souveraine, inconditionnelle, s’il
vient à la rencontre de l’homme sans force et ennemi, pour le sauver ? Le terme
de « grâce » n’implique-t-il pas en lui-même, une manière d’agir ou d’attribuer à
laquelle le bénéficiaire n’a aucun droit
? Et si enfin on réclame un
passage des Écritures qui établisse que le temps de la grâce est terminé pour
tous les hommes au moment de la mort du corps, il n’y a qu’à rappeler celui qui
déclare, sans aucune équivoque, qu’il « est réservé aux hommes (d’une manière
générale, sans exception) de mourir
une fois, (et personne ne conteste
qu’il s’agit de la mort du corps) — et après cela le jugement
» (Héb.
9:27). Ce seul passage suffira déjà à tout coeur soumis à la parole de Dieu,
pour trancher la question, mais, d’autre part, de nombreux passages établissent
que c’est aujourd’hui
le temps de la
grâce, que c’est seulement pendant que l’homme est dans cette vie que
l’occasion lui est donnée de trouver le salut et la paix. Après cette vie il
n’y a que le jugement pour tous
ceux
qui meurent dans leurs péchés. Disons-le encore une fois, le sort des habitants
de Sodome et Gomorrhe, de Tyr et de Sidon sera plus supportable que celui de
ceux qui ont entendu la bonne nouvelle du salut, et l’ont consciemment
repoussée ; mais ce qui les attend tous sans exception, c’est le « jour du jugement »
(Matt. 11:20-24).
Dieu « a établi un jour auquel il doit
juger en justice
(non seulement Israël et les peuples christianisés mais) toute
la terre habitée ».
C’est pourquoi il
« ordonne maintenant aux hommes que tous, en tous lieux, ils se
repentent » (Actes 17:30, 31). Je ne reviendrai pas ici sur le passage 1 Pierre
3:19, 20, toujours cité à nouveau. Il a été démontré si souvent déjà et d’une
manière irréfutable, que l’explication selon laquelle notre Seigneur et Sauveur
aurait prêché, pendant qu’il était en hadès, « aux esprits qui sont en prison »,
est tout à fait insoutenable. Il est superflu d’y revenir. Pourquoi la bonne
nouvelle aurait-elle été annoncée encore une fois précisément à ces « désobéissants » ?
Pourquoi à eux
seulement ? Dans ce passage il ne s’agit pas de l’âme d’autres trépassés. Le
reste des morts, qui pendant leur vie n’avaient pas eu l’occasion d’entendre la
bonne nouvelle, n’auraient-ils pas pu prétendre, eux bien davantage, à cette
grâce exceptionnelle ?
Le passage 1 Pierre 4:6 est
également cité à tort, comme si ce verset : « Car c’est pour cela qu’il a été
évangélisé à ceux aussi qui sont morts »,
prouvait
que le Seigneur Jésus a prêché aux esprits des trépassés. L’apôtre déclare ici
que le Seigneur « est prêt à juger les vivants et les morts », c’est-à-dire tous
ceux qui, lorsque ce jugement s’exercera, seront vivants ou déjà morts. Le
jugement des vivants était chose bien connue des juifs (c’est à eux que Pierre
écrit), mais le fait que tous ceux qui sont morts depuis longtemps « tous ceux
qui sont dans les sépulcres », doivent ressusciter pour être jugés,
leur était moins connu. Le
jugement des vivants aura lieu, comme nous le savons par d’autres passages,
lorsque Jésus « viendra dans son royaume », le jugement des morts, après le règne
de mille ans, immédiatement avant le moment où il remettra le royaume à Dieu le
Père (1 Cor. 15:24; Matt. 25:31-46; Apoc. 20:11-15). Depuis la chute de l’homme
jusqu’à la venue du Fils de Dieu sur la terre, il y a eu, bien qu’annoncé avec
moins de clarté qu’aujourd’hui, un seul évangile, un seul message de la grâce,
c’est pourquoi l’évangile est appelé en Apocalypse 14:6 « l’évangile éternel ».
La foi l’a saisi, et nous y
avons déjà fait allusion, quoique ce ne soit qu’après la mort et la
glorification de Christ qu’il a pu être reçu dans toute sa plénitude.
Le sens du passage en
question est donc des plus simples. L’apôtre ne fait pas du tout allusion aux
esprits dont il a parlé au chapitre 3, versets 19, 20 et qui ne sont en somme
qu’une petite partie des trépassés, mais aux « morts » c’est-à-dire à tous
les morts. Il emploie aussi des
expressions tout à fait différentes dans ces deux passages : au chapitre 3 il
n’est question que de « prêcher » car la prédication de Noé n’était pas, en
somme, un évangile, mais l’annonce solennelle du jugement ; au chapitre 4 par
contre nous remarquons l’expression « évangélisé » c’est-à-dire l’annonce d’une
bonne nouvelle. Et si même on veut citer ce passage pour prouver une
prédication de l’évangile, présente ou future à ceux qui sont morts, c’est
entièrement à faux, car Pierre ne dit pas « il est
évangélisé » ou « il sera
évangélisé », mais « il a été
évangélisé ». Ce dont il parle appartient
donc au passé, a eu lieu,
et
redisons-le, a eu lieu pour qu’ils (ceux qui ont entendu la prédication) soient
sans excuse.
Mais, dit-on, il est pourtant
écrit que « tout Israël
sera sauvé »
(Rom. 11:26) ! Et aussi que Dieu
ne veut pas « qu’aucun
périsse, mais que tous
viennent à la repentante » (2 Pierre 3:9; comp. 1 Tim. 2:4). Le premier de ces passages
vient de la plume du même apôtre qui, quelques chapitres plus haut, déclare
qu’un résidu
seulement d’Israël sera
sauvé (Rom. 9:27). Il ne peut donc
pas, en parlant de tout Israël, sous-entendre tous les Juifs
des temps passés et futurs. Comme nous l’avons déjà
remarqué précédemment, l’apôtre dépeint au chapitre 11 de l’épître aux Romains,
les voies de Dieu envers son peuple Israël et envers les nations. Il montre
comment les branches naturelles, Israël, ont profité les premières de la
graisse de l’olivier puis comment, par suite de l’incrédulité d’Israël, les
nations en ont bénéficié, ayant été entées sur l’olivier, pour être ensuite, et
pour la même raison, coupées elles-mêmes et faire place à nouveau à Israël.
« Car je ne veux pas, frères,
que vous ignoriez ce mystère-ci… qu’un endurcissement partiel est arrivé à
Israël jusqu’à ce que la plénitude des nations soit entrée ; et ainsi tout
Israël sera sauvé… Car les dons de grâce et l’appel de Dieu sont sans
repentir » (Rom. 11:25-29). Lorsque
Dieu reprendra, à la fin des jours, ses relations en grâce avec son peuple
terrestre, comme les prophètes de l’ancienne alliance en ont toujours témoigné,
et que le résidu du peuple repentant (la grande masse incrédule aura péri dans
les jugements terribles qui précéderont) recevra par la foi le libérateur qui
viendra de Sion, alors « dans ce jour-là » tout le peuple encore vivant sera
sauvé. « Et le résidu
en Sion, et le reste
dans Jérusalem, sera
appelé saint : quiconque sera écrit parmi les vivants
dans Jérusalem »
(És. 4:3). Tous les autres seront balayés, par l’esprit de jugement et par
l’esprit de consomption. « Et ils (ceux qui seront restés) n’enseigneront plus
chacun son prochain, et chacun son frère, disant : Connaissez l’Éternel ;
car ils me connaîtront tous
, depuis le petit d’entre eux jusqu’au grand,
dit l’Éternel » (Jér. 31:34). Aucun
Israélite n’entrera dans le règne
millénaire sans avoir été sauvé. « Eux tous, seront justes ; ils posséderont le
pays pour toujours », car Dieu les purifiera « de toute
leur iniquité » —
et pardonnera « toutes
leurs iniquités » (És. 60:21; Jér. 33:8). « On ne
fera pas de tort, et on ne détruira pas, dans toute ma sainte montagne » (És.
11:9). À la seconde objection : Dieu ne veut pas que qui que ce soit périsse,
mais que tous viennent à repentance, nous ne répliquerons ici plus qu’une seule
fois : Ce n’est certes pas la volonté de Dieu qu’un
seul homme périsse.
Mais si l’homme méprise
« les richesses de sa bonté
, et de sa patience
,
et de sa longue attente
» et ne se laisse pas pousser « à la repentance »
par la bonté de Dieu, que peut-il en résulter, si ce n’est que selon sa dureté
et selon son coeur sans repentance, il amasse pour lui-même la colère, une
colère qui l’atteindra « dans le jour de la colère et de la révélation du juste
jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres » (Rom. 2:46). Dieu ne
veut certainement pas la mort du pécheur, il veut, bien plutôt, qu’il se
convertisse et qu’il vive ; mais, que dire, si l’homme endurcit son coeur, s’il
rend son entendement insensible et « annule pour lui-même le conseil de Dieu »
comme le faisaient les pharisiens et les scribes au temps du Seigneur Jésus ?
Faisant suite à ce qui a été
dit, attirons encore l’attention sur d’autres passages volontiers cités par les
défenseurs de l’universalisme. Ils croient y trouver une base pour leurs
affirmations. Je dis bien, ils croient
… nous verrons bientôt que c’est
précisément le contraire. En rapport avec la parole citée déjà à plusieurs
reprises, que Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la
connaissance de la vérité », l’apôtre Paul écrit à Timothée : « Car Dieu est un
,
et le médiateur entre Dieu et les hommes est un
, l’homme
Christ
Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous
» (1 Tim. 2:5, 6). De
même qu’on déduit du premier passage que si Dieu veut
que tous les
hommes soient sauvés, il faut nécessairement que cette volonté s’accomplisse
une fois ou l’autre ou d’une manière ou d’une autre — on conclut du second que
si la rançon a été payée pour tous
les hommes, il faut également que
tous les hommes en bénéficient tôt ou tard. Mais qu’en est-il alors des siècles
ou millénaires qui s’écoulent jusqu’à ce moment-là ? Ah, disent les défenseurs
de cette doctrine (en n’employant peut-être pas ces mêmes paroles, mais de
fait) jusque-là Dieu se contente d’un acompte
que celui qui meurt dans
l’incrédulité paie par les souffrances qu’il endure en hadès ou plus tard en enfer.
Ensuite, tôt ou tard, Dieu prélèvera ce qui manque, sur la rançon de son Fils
bien-aimé.
Mais, objectera peut-être le
lecteur, aucun homme sérieux, connaissant quelque peu la sainteté de Dieu, ne
prétendra une chose aussi absurde ! Je le disais déjà : On ne le fait peut-être
pas dans ces termes, mais en réalité, oui. Car s’il « est réservé aux hommes de
mourir une fois, — et après cela le jugement
» et si le Seigneur
lui-même, soulève le voile et nous montre déjà en hadès, un des morts en paix
et consolé, l’autre « dans les tourments », si enfin nous voyons « les esprits des
justes consommés » dans le ciel près de Jésus, alors que les autres ont leur
part « en prison » (Héb. 9:27; 12:23, 24; Luc 16:23; 1 Pierre 3:19), il n’est pas
possible de tirer une autre conclusion. Si ceux-ci, tombés sous le jugement
peuvent tous, ou certains d’entre eux, participer encore tôt ou tard au pardon
et au salut, il en résulte que le Dieu juste tient compte de ce qu’ils auront
souffert, comme expiation. Et en effet ceux qui soutiennent cette doctrine
parlent d’une purification des méchants en hadès ou en enfer, semblable
disent-ils, à celle que subit le métal séparé des matières communes par la
chaleur d’un haut-fourneau. L’emploi de cette image n’a du reste dans ce cas
aucun sens, car si toutes les matières sont sans valeur, que faut-il en
séparer ? Mais que veut dire notre passage ? L’apôtre exhorte dans le premier
verset de 1 Timothée 2 à faire des supplications « pour tous
les hommes,
— pour les rois et pour tous ceux qui sont haut placés ». Cette exhortation est
en accord avec le caractère ou le nom particulier attribué à Dieu dans les
épîtres à Timothée (comp. aussi Tite 1:3). L’apôtre le nomme toujours à nouveau
le « Dieu Sauveur »
qui s’est révélé
comme tel maintenant en Christ et dont les voies en grâce ont en vue tous
les hommes, juifs et païens, sans
distinction. Alors que dans l’Ancien Testament Dieu s’est révélé comme
législateur et de ce fait comme le Dieu jaloux, maintenant, la ruine de l’homme
et son impuissance ayant été démontrées, Sa miséricorde souveraine est devenue
le point de départ de ses voies. L’homme souillé et perdu, comme il l’est,
n’aurait jamais pu approcher le Dieu saint ; si une relation devait être établie
entre Dieu et l’homme il fallait que Dieu descende vers l’homme et paie une
rançon qui soit assez élevée et assez forte pour tous. Il fallait un
« médiateur » entre les deux parties, Dieu et l’homme, et ce médiateur devait
être réellement homme,
car seul un
homme pouvait s’entremettre pour l’homme ; seul un homme pouvait être fait péché
pour l’homme malheureux et déchu. Et, d’autre part, seule une personne divine
pouvait entreprendre une oeuvre
si grande ; car où se trouvait-il une créature qui puisse unir ces deux choses :
donner satisfaction aux justes exigences de Dieu, oui, le glorifier quant au
péché, et opérer la rédemption éternelle de l’homme ?
Dieu est un
et le médiateur entre Dieu et les hommes est un,
et cet unique et glorieux médiateur
est « l’homme
Christ Jésus » né de
femme, Christ
l’oint, le fils de David
et en même temps Jésus
de Nazareth,
c’est-à-dire le Jéhovah-Sauveur, venu en forme d’esclave, le Dieu de son peuple
Israël, le Fils du Très-Haut » (Luc 1:31-33; Matt. 1:21). Il est venu pour
révéler la plénitude de la miséricorde de Dieu envers un monde perdu. Il a dit
lui-même : « Je ne suis pas venu afin de juger
le monde mais afin de sauver
le
monde » (Jean 12:47; comp. 3:17; 6:33, 51). Oui « Dieu était en Christ, réconciliant
le monde avec lui-même » (2
Cor. 5:19). Que son saint Nom soit béni pour de tels passages et d’autres
encore si précieux ! Ils donnent toute liberté à l’évangéliste d’aller avec joie
dans le monde entier et de dire à tous les hommes sans exception :
« Écoutez tous une bonne nouvelle :
C’est pour sauver que Jésus Christ est mort !
Qui croit au Fils a la vie éternelle :
Notre salut est un don du Dieu fort ».
Pour pouvoir les inviter tous et les recevoir, il fallait que le Sauveur des pécheurs aille dans la mort, il fallait qu’il paie le salaire du péché. Une rançon plus petite ne pouvait nous libérer de nos obligations, nous délivrer du jugement, nous racheter de la puissance de Satan et de l’esclavage du péché.
La rançon est donc là pour tous.
Mais si nous demandons : Cette
délivrance ou libération est-elle la part de tous les hommes ? La réponse sera :
Non, pas de tous, mais seulement de ceux qui viennent et en font usage. Dans ce
même chapitre 12 de l’évangile de Jean, dont nous avons déjà cité un passage et
qui nous communique cette déclaration du Seigneur : « Et moi, si je suis élevé de
la terre (c’est-à-dire sur la croix), j’attirerai tous
les hommes à moi-même » (voici de nouveau cette parole si
belle : tous),
dans ce même chapitre
il nous est dit que quiconque ne reçoit pas la parole du Seigneur, sera jugé
par elle au dernier jour et, quant au monde que le Seigneur est venu sauver, il
est déclaré : « Maintenant
est le jugement
de ce monde » (v 31, 48). C’est ainsi que le jugement
est déjà prononcé aujourd’hui sur le monde qui a rejeté le Seigneur et pour
tous les désobéissants et ceux qui meurent dans l’incrédulité, il ne reste que
le jugement.
Disons-le encore une fois : La
rançon est là pour tous
les hommes, juifs et païens, rois et mendiants,
pour tous les rangs de la société, à tous
elle est offerte librement,
gratuitement, le témoignage en est publié partout
; mais le seul point de
rencontre entre Dieu et le pécheur coupable c’est la croix. Le Seigneur est à
l’oeuvre pour les y attirer tous ; mais aujourd’hui comme alors il doit dire aux
hommes : « Vous ne voulez
pas venir à moi pour avoir la vie » (Jean 4:40). Ils refusent cette invitation,
soit poliment
, soit sèchement
. Les Grecs qui étaient montés à
Jérusalem pendant la dernière fête de la Pâque pour adorer désiraient voir
Jésus (Jean 12:20, 21), mais
comme gens des nations, ils n’avaient aucun droit en lui. Lorsque le Fils de
l’homme serait glorifié, ce qui ne pouvait avoir lieu que par la mort et la
résurrection (v 23, 24), alors
seulement s’ouvrirait pour eux aussi une porte de grâce et d’espérance. Il faut
que le grain de blé tombe en terre et meure pour porter beaucoup
de
fruit. Tous
, y compris les païens qui étaient sans Dieu et sans
espérance dans le monde, devaient être attirés à Jésus. « Car il n’y a pas de
différence de juif et de Grec, car le même Seigneur de tous est riche envers
tous
ceux qui l’invoquent
»
(Rom. 10:12).
En 1 Timothée 2:6, nous voyons Jésus qui s’est donné en
rançon pour tous
. En Matthieu 20:28 et Marc 10:45 nous
entendons le Seigneur déclarer : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour
être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs
».
D’où provient cette différence ? Les deux déclarations sont, cela va sans dire,
divinement vraies, et pourtant elles semblent se contredire. J’insiste sur « elles
semblent
», car en réalité il n’en est nullement ainsi. Alors que dans le
premier cas (1 Tim. 2:6) ce
simple fait nous est communiqué, qu’une rançon est là pour tous
les
hommes et que tous, sans distinction peuvent en faire usage, il s’agit, dans
l’autre cas, des hommes qui l’acceptent réellement par la foi ; c’est pourquoi
il n’est pas dit là pour tous
mais seulement pour plusieurs
. Et
si l’on compare les deux passages dans l’original, on découvre que la
préposition traduite en français les deux fois par « pour » est très différente
en grec. Alors que dans 1 Timothée 2
elle a le sens de « en protection ou à l’avantage de », dans la seconde
déclaration elle signifie « à la place de ». Une substitution n’est en cause que
pour ceux qui sont sauvés par la foi en Jésus. D’eux seuls il peut être dit que
le Seigneur a été sous le jugement, à leur place, que pour eux il n’y a donc
plus de condamnation. Le jugement éternel de Dieu doit nécessairement tomber
sur les autres.
Nous rencontrons la même
pensée en 1 Jean 2:2, un passage qui est aussi souvent cité à l’appui de
l’universalisme. Là nous lisons : « Et lui (Jésus Christ) est la propitiation
pour nos péchés, et non pas seulement pour les nôtres, mais aussi pour le monde entier ».
La préposition
employée ici dans le grec a le sens de « à cause de, en rapport avec ». L’oeuvre
accomplie par notre grand Rédempteur n’a donc pas seulement rapport à « nos péchés
», c’est-à-dire aux péchés de tous ceux qui croient, mais aussi
au « monde entier » (non pas aux péchés
du
monde entier), c’est-à-dire qu’elle est là pour tous sans distinction. Dieu
ayant été entièrement glorifié par cette propitiation, peut attribuer le mérite
de celle-ci à chacun de ceux qui veulent. Le sang de l’Agneau a coulé pour tous.
Le passage que nous venons de
considérer nous conduit involontairement à un autre similaire. Jean le
Baptiseur voyant Jésus dont il était le précurseur, dit : « Voilà l’agneau de
Dieu qui ôte le péché du monde »
(Jean
1:29). L’oeuvre expiatrice du Seigneur a-t-elle donc tout de même rapport aux
péchés du monde entier, ce que nous venons de contester ? Regardons de plus
près. Remarquons tout d’abord que dans ce passage non seulement l’important contraste
entre le « monde entier »
et « nos
péchés » manque, mais encore que le mot « péché » est au
singulier. Il s’agit, non des péchés et des transgressions de tous les hommes
qui constituent le monde, mais du péché comme tel
qui est entré dans le monde par la faute du chef du genre
humain (Rom. 5:12) et qui est là entre Dieu et le monde comme une cloison
insurmontable ou un abîme infranchissable. Quelle relation pourrait exister
entre un Dieu saint et un monde qui gît dans le péché ? Seule celle d’un juste
juge, envers ses créatures tombées et souillées, si
la miséricorde de
Dieu n’avait pas trouvé un chemin, selon sa justice pour abolir cette cloison
ou franchir cet abîme. Ce chemin nous est décrit en Hébreux 9:26 par ces
paroles merveilleuses : « Mais maintenant, en la consommation des siècles, il
(Christ) a été manifesté une fois
pour
l’abolition du péché par son
sacrifice ». Un homme,
le premier Adam, a introduit le péché dans le monde,
et un homme,
le dernier Adam, le Fils
de Dieu, est venu en « l’accomplissement du temps » (Gal. 4:4) pour son
abolition. Pour cela il a fallu son sacrifice.
« Voilà l’Agneau
de Dieu » le seul,
l’unique, l’agneau préconnu dès avant la fondation du monde, son sang seul
était à même d’expier le péché !
Fait important : dans les deux
passages il n’est pas dit que le péché est
déjà ôté ou aboli. L’oeuvre nécessaire est accomplie, la base pour
l’abolition du péché est posée, mais ce n’est que dans la nouvelle création,
dans les nouveaux cieux et sur la nouvelle terre « dans lesquels la justice
habite » (2 Pierre 3:13) que le péché sera effectivement ôté pour n’être plus
jamais vu. La Parole de Dieu est des plus précises, et ne peut être autrement
que précise, si nous voulions seulement la lire
toujours avec grande
attention ! « Voilà l’Agneau de Dieu qui ôte
le péché du monde ». Ces paroles nous présentent indépendamment de toute
question de temps, la simple vérité abstraite qu’il y a quelqu’un qui ôte le
péché — quand
et comment
cela
a lieu, ne nous est pas dit. Cela ne signifie pas « qui ôtera »
ou parlant prophétiquement « qui a ôté »
mais « qui ôte ».
Pour
le croyant ce grand fait est déjà devenu une réalité, en ce que non seulement
tous ses péchés
ne sont plus,
mais aussi le péché,
son état comme
enfant d’Adam déchu, a été jugé en Christ ; il est lui-même mort au péché et
pour toujours délivré de son joug, il est devenu en Christ une nouvelle
création, dans laquelle « les choses vieilles sont passées ; voici, toutes choses
sont faites nouvelles » (2 Cor. 5:17). Dans ce sens, pour le croyant, le péché
est déjà aboli. Devant les yeux de Dieu ne se trouve plus le péché, mais le
sang de l’agneau. Que dans un autre sens le péché soit encore là et veuille
toujours à nouveau prendre emprise sur nous, nous le constatons tous avec
douleur et c’est pourquoi nous désirons « la délivrance de notre corps ». S’il en
était autrement nous n’aurions pas besoin de l’exhortation : « Tenez
-vous…
pour morts au péché », ou : « Mortifiez vos
membres
qui sont sur la terre » ou encore de tant d’autres sérieuses exhortations à la
vigilance et à la prière.
Dans le règne de paix de
mille ans de Christ sur la terre, un autre résultat de son oeuvre sera visible
encore. Toute la création « sera affranchie de la servitude » du péché, Israël et
avec lui tous les peuples de la terre jouiront des conséquences de cette oeuvre
comme jamais auparavant. Mais, comme il a été déjà dit, seuls les nouveaux
cieux et la nouvelle terre manifesteront les résultats définitifs de l’oeuvre
de Christ — et cela non pas seulement dans le sens relatif des prophéties de
l’Ancien Testament, mais dans le sens complet donné à leurs paroles par les
écrivains du Nouveau Testament. À ce moment-là seulement il sera démontré que
Jésus était vraiment l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, en ce que le
péché avec toutes ses conséquences sera ôté entièrement et pour l’éternité. Ce
n’est pas l’innocence ou l’absence du péché qui caractérisera la nouvelle
création, comme le fut en son temps l’ancienne avant la chute, ni les oeuvres
en grâce de Dieu en Christ, comme nous les connaissons aujourd’hui, mais la justice
sera la base des relations de
Dieu avec le monde. Ce fait nous montre de nouveau clairement que seuls les
hommes qui auront été, par grâce, rendus participants de la justice de Dieu,
pourront avoir part à l’état éternel de bénédiction. Mentionnons encore à cette
occasion une question qui présente des difficultés pour beaucoup d’âmes. Qu’en
est-il des enfants qui meurent en bas âge, donc avant
d’avoir atteint l’âge de responsabilité ? Leur nombre, on le
sait, est des plus élevés. La réponse à la question : quand
un enfant atteint-il cet âge ? ne nous appartient pas ; elle
dépend, sans doute, des particularités de l’enfant et des circonstances qui
influencent son développement. Mais nous pouvons les remettre en confiance à la
sagesse et à l’amour de notre Dieu et Père, dans la conviction certaine que sa
grâce dépassera de beaucoup
notre
attente. Ces considérations ne devraient pas d’autre part nous rendre
insouciants quant à nos enfants. En ce qui concerne ces petits, le Seigneur
Jésus nous dit lui-même : « Je vous dis que, dans les cieux, leurs anges voient
continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. Car le Fils de
l’homme est venu pour sauver ce qui était perdu
». Et : « Ce n’est pas la
volonté de votre Père qui est dans les cieux, qu’un seul
de ces petits
périsse ». Il est impossible de chercher
ces petits pour les sauver — ils
ne sont pas du tout conscients encore de leur égarement ; mais parce qu’ils sont
perdus
en raison de leur nature pécheresse, il faut qu’ils soient sauvés
.
En d’autres termes : l’oeuvre expiatoire de Christ, le sang précieux de
l’agneau, doivent leur être imputés, bien qu’à leur insu ; et Dieu fait cela
dans sa grâce souveraine, sur la base du fait que le Fils de l’homme est venu
« pour sauver ce qui était perdu ».
Nous pouvons ainsi nous
réjouir sans réserve, à la pensée qu’un jour, dans la gloire du ciel nous
trouverons des multitudes innombrables de ces « petits » qui sont donnés avec
nous, de tous
les peuples de la terre, par le Père au Seigneur comme
« fruit du travail de son âme ». Nous pouvons être assurés que les richesses de
la grâce de Dieu en rédemption dépasseront de beaucoup tout ce que nous pouvons
nous représenter, elles rempliront nos coeurs, toujours à nouveau, de joie et
d’allégresse.
On déduit du passage bien
connu : « La vraie lumière était celle, qui, venant dans le monde, éclaire tout
homme » (Jean 1:9) que tous
les hommes doivent d’abord être éclairés
avant de pouvoir être perdus ; en d’autres termes : En raison de ce passage Dieu
est dans l’obligation d’éclairer tout homme par la prédication de Christ, et il
ne condamne personne à moins d’avoir au préalable offert sa grâce et que
celle-ci ait été méprisée et refusée. Cette affirmation a en somme déjà reçu sa
réponse, lorsque nous avons traité la question : L’homme sera-t-il perdu parce
qu’il ne croit pas ? Mais ce passage pouvant présenter quelques difficultés à
l’un ou l’autre des lecteurs, il sera encore brièvement commenté.
À la suite des paroles
saisissantes qui commencent son évangile : « Au commencement était
la
Parole » Jean déclare : « En elle était la vie, et la vie était la lumière des
hommes. Et la lumière luit dans les ténèbres ; et les ténèbres ne l’ont
pas comprise » (v 4, 5). Fait merveilleux ! Sur la scène de la mort est apparu
celui en qui « était la vie ». Cela ne peut être dit de personne d’autre, ni
d’Adam avant la chute, ni même du croyant des temps actuels « de l’homme en
Christ ». Adam était une âme vivante
et le croyant a la vie, la « vie dans
le Fils » ; mais en Christ, la Parole éternelle, « était la vie ». Et cette vie
était la lumière des hommes, et cette lumière luit (non pas a lui) dans les
ténèbres. C’est la propriété même de la lumière. Dieu, il est vrai, s’était
déjà révélé précédemment et de diverses manières, avait visité l’homme, avait
parlé aux pères par les prophètes, mais il avait toujours habité l’obscurité,
derrière le voile. Ce n’est que lorsque « la Parole », « la lumière des hommes »
apparut dans ce monde, qu’Il sortit de l’obscurité. « La Parole devint chair, et
habita au milieu de nous » (v 14). Mais qu’a trouvé cette lumière ? Seulement des
ténèbres sans espoir, impénétrables. Normalement, les ténèbres disparaissent
devant la lumière ; mais ici « les ténèbres ne l’ont pas
comprise ». Cette
lumière venant en Christ était la lumière des hommes, leur convenant
particulièrement, destinée à « éclairer tout homme » ; mais la réponse de l’homme
ne fut que haine et cruelle inimitié. Il a « mieux aimé les ténèbres que la
lumière », oui il « hait
la lumière ». C’est pourquoi le résultat ne peut
être, à nouveau, que le jugement (comp. chap. 3:19, 20). La lumière était venue
dans le monde en faveur de tous
,
c’est pourquoi tous
, sans exception, sont « sans excuse ». Au lieu
d’interpréter notre passage comme une obligation que Dieu aurait envers l’homme
qui aime le péché et les ténèbres, nous y trouvons, au contraire, une nouvelle
confirmation que Dieu est absolument juste lorsqu’il juge.
La manière dont la lumière a
été présentée à l’homme est digne de Dieu et elle lui ôte aussi toute excuse.
Pour annoncer un événement aussi capital, un homme fut envoyé de Dieu, Jean le
Baptiseur, le plus grand des prophètes et le seul (à part le Seigneur Jésus
lui-même) dont les écrits de l’Ancien Testament ont parlé (comp. Matt. 11:10,
11; Luc 1:66). « Celui-ci vint pour rendre témoignage, pour rendre témoignage de
la lumière, afin que tous crussent par lui » (v 7). Car si grand que fut Jean,
qu’est-il comparé à Christ ? Pour que personne ne soit tenté de faire une
comparaison entre lui et le Seigneur, l’Esprit Saint ajoute immédiatement : « Lui
n’était pas la lumière
, mais pour rendre témoignage de la lumière » (v 8).
Jean était plus grand que tous ceux qui jusque-là étaient nés de femme, parce
qu’il lui fut accordé de précéder le Seigneur et d’attirer les regards
directement sur la vraie lumière, mais il n’était qu’un « homme », une lampe
ardente et brillante », (Jean 5:35) allumée par Dieu pour luire dans les
ténèbres, un flambeau, mais rien de plus.
« Lui n’était pas la
lumière… la vraie lumière était celle, qui, venant dans le monde, éclaire
tout homme ». Ce n’est pas seulement que Christ, parce qu’il est Dieu, est en
relation avec tous les hommes, mais par sa venue, parce qu’il est devenu homme,
Dieu s’est révélé à l’homme comme tel, à tous
les hommes ; il fait luire
sur eux tous sa lumière, qui ne peut tromper. La loi ne s’était occupée que d’un
peuple, pour un temps seulement et pour un but spécial et restreint ; la vraie
lumière vint dans le monde pour éclairer tout homme. L’apôtre Paul écrit d’une
manière semblable à Tite : « La grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous
les hommes » (Tite 2:11). Nous savons très bien que seuls participent en réalité
au salut, ceux qui croient en Jésus, tout à fait comme au temps du Seigneur,
seuls ceux qui le « reçurent
» étaient vraiment éclairés et recevaient de
lui le droit d’être enfants de Dieu (v. 12) ; mais les intentions de Dieu en
grâce les embrassent tous, sa lumière luit pour tous, le message du salut
s’adresse à tous. Si tous ne reçoivent pas ces bénédictions, Dieu n’en est pas
la cause, mais l’incrédulité et l’inimitié des hommes. Nous lisons plus loin :
« Il était dans le monde, et
le monde fut fait par lui ; et le monde ne l’a pas connu
. Il vint chez
soi ; et les siens ne l’ont pas reçu
» (v. 10, 11). Le monde aurait
certainement dû connaître son créateur et Israël, sa possession particulière
parmi tous les peuples de la terre, auquel dès les temps anciens il avait si
souvent parlé, aurait dû d’autant plus le recevoir. Mais ce fut le contraire.
Que restait-il à faire encore au Dieu d’amour, qui avait envoyé son Fils dans
le monde pour lui donner la vie ? Rien d’autre que « l’élection de la grâce ».
Nous arrivons ainsi toujours au même résultat, qui humilie l’orgueil de
l’homme, mais qui glorifie la grâce de Dieu : « À tous ceux
qui l’ont
reçu », c’est-à-dire à tous ceux qui, attirés par le Père (Jean 6:44), sont
venus à Jésus et ont cru à son nom, « il leur
a donné le droit d’être
enfants de Dieu ». Ils ont été introduits sur le terrain d’une grâce
inconditionnelle, dans une relation de bénédiction pour l’établissement de
laquelle l’homme avec sa force et sa volonté a entièrement été mis de côté,
l’honneur n’en revient qu’à Dieu seul. « Lesquels sont nés, non pas de sang, ni
de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu
». —
« Où donc est la vanterie ? Elle a été exclue ». Pourquoi ? Afin que tout honneur revienne
à Celui qui seul y a droit. Afin que, comme il est écrit : « celui qui se
glorifie, se glorifie dans le Seigneur
» (Rom. 3:27; 1 Cor. 1:31).
Nous laisserons maintenant l’homme et ses pensées insensées, pour nous tourner vers le chapitre si intéressant dans lequel l’apôtre Paul développe en détail la doctrine de « l’élection par grâce » en se servant de l’histoire du peuple d’Israël, chapitre auquel on prête souvent peu d’attention et qui souvent aussi est peu compris.
Dans les chapitres 9 à 11 de
l’épître aux Romains l’apôtre Paul traite la question : Comment les promesses
particulières de Dieu à Israël, son peuple élu, peuvent-elles se concilier avec
l’appel commun de Gentils et de juifs aux bénédictions du Nouveau Testament ? Si
Dieu place les juifs et les Gentils moralement sur un même
terrain et si, dans la puissance de son
amour et les richesses de sa grâce, il sauve maintenant tous
ceux qui croient et leur donne « en Christ » la qualité de fils,
qu’en adviendra-t-il de la loi transgressée ? qu’en adviendra-t-il des promesses
sans condition qu’il a faites en son temps à Abraham leur père, en Genèse
15:17, 18? Comment la prédication de la libre grâce pour tous les hommes, soit
juifs soit Grecs est-elle conciliable avec ces promesses ? Avant de répondre à
cette question, l’apôtre donne « à ses parents selon la chair » une preuve aussi
touchante que saisissante de son amour pour Israël, que rien ne pouvait
éteindre. On lui reprochait, à lui l’apôtre des nations, d’être un renégat qui
pour de vils motifs, avait rompu ses relations avec Israël, et, oubliant les
pensées de Dieu concernant la « semence d’Abraham », méprisait sa propre chair et
son propre sang.
Combien peu ceux qui
pensaient et parlaient ainsi connaissaient le coeur de cet homme remarquable.
Ce coeur saignait en considérant l’état de son peuple bien-aimé et les
jugements de Dieu tombés sur Israël à cause de son incrédulité et de son cou
roide ! En des termes qui ne pourraient être plus forts : « Je dis la vérité en
Christ ; je ne mens point, ma conscience me rendant témoignage par l’Esprit
Saint » — il assure ses compatriotes de son attachement inchangé et brûlant et
cela non pas du temps
où il vivait encore au milieu d’eux
en pharisien zélé et fidèle à la loi, mais dans les jours qui suivirent
son appel comme apôtre de Jésus Christ. Au
lieu de mépriser ses frères ou même de les haïr, il avait, — semblable en cela
à Moïse qui lors de l’érection du veau d’or avait demandé à Dieu d’effacer son
nom de son livre, — souhaité d’être par anathème séparé du Christ « pour ses
frères ». Une grande tristesse et une douleur continuelle dans son coeur
l’avaient une fois tellement accablé, qu’il avait émis un souhait qui ne
pouvait s’accomplir et dont l’accomplissement n’aurait été d’aucune utilité à
son peuple (il en était exactement de même dans le cas de Moïse), mais qui
prouvait quel amour profond et ardent il avait pour ses parents selon la chair.
C’était un amour divin, l’amour de Christ, s’offrant lui-même, qui en lui comme
en Moïse, opérait et rendait ces deux hommes capables de tout
faire, même l’impossible, pour servir ceux qui leur étaient
chers.
Ce même amour conduit
l’apôtre à énumérer tout ce qu’il pouvait citer à l’avantage de ses
compatriotes. Celui qui hait
ses
semblables, profite de chaque occasion pour les abaisser et déprécier le bien
qu’il y aurait à dire d’eux. Nous nous écarterions trop de notre sujet, tout
intéressant que ce serait, si nous voulions nous occuper plus en détail des
avantages d’Israël énumérés par l’apôtre. Nous ne les nommerons que brièvement.
Les frères de l’apôtre étaient Israélites,
donc descendants de cet homme qui avait lutté avec Dieu et les hommes et
avait prévalu (Gen. 32:28). C’est à eux qu’était l’adoption
(naturellement pas dans le sens chrétien d’aujourd’hui),
car « Israël est mon fils, mon premier-né » et l’Éternel avait commandé au
Pharaon : « Laisse aller mon fils ». À eux étaient la gloire
(comp. Ex. 29:43) et les alliances
et le don de la loi
, (aucun
peuple n’était semblable à lui, « choisi de Dieu parmi toutes les générations de
la terre » et à qui il avait donné de si bons et justes préceptes) et le service
divin (celui du tabernacle
d’abord, plus tard celui du temple) et les promesses
et les pères
! Et enfin, couronnant
merveilleusement le tout : le Christ
(le
Messie) issu selon la chair d’Israël et « qui est sur toutes choses Dieu béni
éternellement » !
Avec quelle puissance ces paroles devaient frapper les coeurs et les consciences de ceux qui faisaient si grandement tort à l’apôtre ! De fait, s’il y avait un homme qui aimait le peuple terrestre de Dieu, c’était bien lui. Il était le dernier à qui l’on pût reprocher de sous-estimer les privilèges d’Israël. Il aurait pu, avec beaucoup plus de raisons faire un pareil reproche aux autres, car qui d’entre ses parents selon la chair, incrédules, connaissait et reconnaissait le plus grand de leurs privilèges, c’est-à-dire que le Christ Jésus « Dieu manifesté en chair » était issu d’Israël ? Qui d’entre eux menait deuil sur le rejet d’Israël, comme Paul le faisait ?
C’est pourquoi il était
l’homme qui pouvait enseigner Israël sur le fait que Dieu n’avait pas « rejeté »
son peuple, si même ce peuple souffrait tant et souffre encore sous les coups
de son jugement, et que seule la grâce souveraine de Dieu pouvait être la base
de leur restauration ; cette même grâce était devenue la part des Gentils et
voulait se tourner vers eux, pour leur apporter un accomplissement des promesses
qui leur avaient été faites,
beaucoup plus merveilleux que tout ce qu’ils auraient pu attendre. Dans leurs
efforts pour établir leur propre
justice,
ils n’avaient pas pu atteindre à la justice qui est de la foi
, mais ils étaient devenus un peuple désobéissant et
contredisant vers lequel Dieu étendait vainement ses mains (Rom. 10:3, 21).
D’où pouvait leur venir le secours ? Nous l’avons déjà dit : de la seule souveraineté de Dieu, qui malgré tout pouvait agir en grâce et sauver « un résidu selon l’élection de la grâce ». Bien que le peuple dans son ensemble, au lieu d’atteindre ce qu’il recherchait, soit tombé sous le juste jugement, il y avait pourtant encore l’élection selon le propos de Dieu, qui obtenait le salut, alors que « les autres étaient endurcis ». « Ô profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! » (chap. 11:5 à 7:33)
Dans la suite de notre chapitre l’apôtre prouve encore aux juifs, par leur propre histoire, que Dieu avait toujours agi selon sa souveraineté, et qu’il était heureux pour eux qu’il le fasse encore ! C’est ainsi seulement qu’il y avait encore un espoir pour eux ; autrement ils auraient été irrémédiablement perdus. Mais, en ouvrant la porte de la grâce aux nations, sa parole n’avait-elle pas « été sans effet » (9:6) ? N’avait-il pas oublié ses promesses faites aux pères ?
Non, la parole de Dieu a toujours gardé sa force et toujours prouvé sa véracité et sa fidélité ; l’homme seul, et avant tout le juif, a toujours démontré son manque de bonne foi.
Semblablement à ce que l’on
fait aujourd’hui, les juifs cherchaient à déduire des promesses qu’avait reçues
Abraham, une « obligation » pour Dieu de bénir toute la descendance naturelle du
patriarche (L’exclusion des Gentils allait de soi). Mais dit l’apôtre, « tous
ceux qui sont issus d’Israël ne sont pas Israël
; aussi, pour être la
semence d’Abraham, ils ne sont pas tous enfants
» (v 6, 7). Le Seigneur
lui-même avait déjà rendu les juifs attentifs à la différence qui existe entre
la « semence d’Abraham » et les enfants d’Abraham (comp. Jean 8:37-39). De faire
partie de la descendance naturelle
d’Abraham ne donnait à personne droit
aux promesses. Et si les juifs voulaient maintenir cette prétention, ils
devaient reconnaître les mêmes droits aux fils du désert de l’Arabie, les
Bédouins, car ils étaient fils d’Ismaël, le fils d’Abraham. Et avec plus de
raisons encore aux Édomites, puisqu’ils descendaient d’Ésaü le frère jumeau de
Jacob ! Mais cela ils ne le voulaient naturellement pas. Comment un juif
aurait-il pu désirer avoir des bénédictions communes avec des Gentils impurs,
avec des « chiens » ? Cela était tout à fait impossible. Les promesses
n’appartenaient qu’à la lignée d’Isaac, respectivement de Jacob !
Mais s’il en était ainsi, la
descendance naturelle avait fort peu de valeur. D’abord en ce qui concerne
Ismaël, il était bien réellement un fils d’Abraham, mais il était né « selon la
chair » (Gal. 4:23), et la chair ne sert de rien devant Dieu. « Ce ne sont pas
les enfants de la chair
qui sont enfants de Dieu ; mais les enfants de la
promesse
sont comptés pour semence » (9:8). À la fin du chapitre 2,
l’apôtre s’était exprimé d’une manière analogue : « Car celui-là n’est pas juif
qui l’est au-dehors, et celle-là n’est pas la circoncision qui l’est au-dehors
dans la chair ». Non, la décision n’appartient qu’à Dieu seul, et il lui a plu
d’appeler Isaac, non pas Ismaël. L’appel s’appuyait sur une libre décision, sur
le « propos
» de Dieu et avait eu lieu « selon l’élection
». « Car
cette parole est une parole de promesse : « En cette saison-ci, je viendrai, et
Sara aura un fils » (v 9).
Aucun juif ne pouvait se
soustraire à la force de cette démonstration, autrement il aurait dû, comme
nous l’avons déjà dit, reconnaître à la descendance d’Ismaël et d’Ésaü, les
mêmes droits qu’à Israël. Une autre objection pouvait être présentée. La mère
d’Ismaël était une servante égyptienne, une esclave ; mais Isaac était né de
Sara la femme légitime d’Abraham. Qu’en était-il de Rébecca ? Non seulement elle
n’était pas une servante, mais descendait de la famille d’Abraham et elle
enfanta des jumeaux à son mari. On n’aurait pu imaginer un cas qui soit plus à
propos pour la démonstration de l’apôtre. Ésaü et Jacob étaient fils du même
père, nés de la même
mère, le même jour
— et pourtant Dieu dit à
Rébecca, avant même que les enfants soient nés et n’aient fait ni bien ni mal,
ce qui aurait pu établir une différence entre les deux : « Le plus grand sera
asservi au plus petit », ou en d’autres termes : le droit d’aînesse du plus âgé
passera au plus jeune. Pourquoi ? Parce que Dieu en avait décidé ainsi
.
C’était son propos
, sa
volonté souveraine envers le plus petit ou plus jeune, « afin que » comme
l’apôtre le relève expressément « le propos de Dieu selon l’élection
demeurât, non point sur le principe des oeuvres, mais de celui qui appelle
».
Les oeuvres des deux enfants n’avaient rien à faire avec l’appel ; avant qu’ils
soient nés, donc avant qu’ils aient fait quoi que ce soit qui aurait peut-être
rendu l’un propre à la réception de la bénédiction et fait apparaître l’autre
impropre à cette même bénédiction, Dieu fixa son choix.
Mais, pourrait-on objecter,
ne lisons-nous pas peu après, que Dieu a aimé Jacob et a haï
Ésaü ? Oui,
il est ainsi écrit et il ne nous appartient pas d’atténuer cette parole en quoi
que ce soit. Il n’existe du reste aucune raison de le faire. Remarquons tout
d’abord que Dieu n’a pas prononcé cette parole, comme les autres, avant
que les enfants soient là, mais que nous la trouvons dans Malachie, le dernier
de tous les prophètes de l’Ancien Testament, qui a vécu environ 1400 ans après
la naissance des jumeaux, dans un temps donc où Ésaü avait depuis longtemps
prouvé ses pensées méchantes et impies, et ses descendants, les Édomites, leur
hostilité irrémédiable envers Israël. Si donc Dieu dit qu’il a aimé Jacob, mais
qu’il a haï Ésaü, son amour — libre et immérité — a trouvé sa source dans son
coeur, alors que la haine avait son fondement dans la conduite amorale d’Ésaü.
Les deux enfants sont nés dans le péché et ont sans doute grandi dans le péché ;
mais envers l’un s’accomplirent les décrets de Dieu en grâce, tandis que
l’autre reçut la juste punition de ses mauvaises voies.
Comme la déclaration du
prophète Malachie, rapportée à notre sujet, offre des difficultés à plusieurs
de nos lecteurs et qu’elle a déjà souvent conduit à de fausses interprétations,
j’aimerais insister encore spécialement sur le fait qu’elle a été émise
longtemps après la mort des deux fils d’Isaac. Il n’en est aucunement question
au chapitre 25 de la Genèse. Il n’est donc pas possible d’en déduire que par
avance
Dieu a aimé l’un des fils et haï l’autre et qu’il a ainsi fixé le
sort des deux dès le commencement ; ni que dans sa connaissance divine il a
parlé ainsi par anticipation
. Ces deux déductions sont fausses ; mais
l’homme se plaît à déduire de l’élection des uns, le rejet des autres. Lorsque
de deux hommes qui n’ont aucun droit à faire valoir devant lui, Dieu en choisit
un, comme c’est le cas ici, pour lui donner une place privilégiée par rapport à
l’autre, c’est là sa volonté souveraine, et qui peut lui dire : « Pourquoi
fais-tu ainsi ? » S’il lui plaît de se glorifier envers un homme dans sa grâce, qui
a le droit de lui en faire un reproche ? — En même temps le choix de l’un
n’exige nullement la perdition de l’autre.
« Que dirons-nous donc ? Y
a-t-il de l’injustice en Dieu ? Qu’ainsi n’advienne ! »
(v 14). L’homme,
raisonnant selon la chair, demande : Si Dieu, de deux hommes pareillement
pécheurs, sauve l’un et laisse l’autre périr, n’agit-il pas avec injustice ? La
question en elle-même prouve déjà la présomption du coeur humain en ce qu’elle
donne à l’homme le droit de critiquer et de juger Dieu au lieu de se laisser
juger par Lui et de se soumettre à son jugement. Il ne peut en être autrement :
dès que je mets en question la souveraineté de Dieu, je critique et juge Dieu.
Ce n’est pas lui qui juge, mais moi. La raison naturelle de l’homme s’élève
sans doute contre une vérité qui provient précisément de la nature divine et
qui se fonde sur elle. Si Dieu est Dieu, il doit
être souverain dans
tous ses actes. Tout enseignement qui nie la majesté souveraine de Dieu ou qui
le considère comme étant indifférent au péché et à la misère de l’homme, est
contraire à la vérité et indigne de Dieu. Dieu est lumière et il est impossible
à la lumière de s’unir aux ténèbres du coeur humain ; Dieu est amour et l’amour
est libre d’agir dans la sainteté selon sa nature.
L’homme ignorant quant à lui-même et quant à Dieu nie, cela va sans dire, son entière corruption, se révolte contre la parole de Dieu et critique ses voies. Mais en le faisant et en osant même se placer devant Dieu sur le terrain de la « justice », il se condamne lui-même et justifie Dieu, comme nous le verrons tout à l’heure dans le cas qui est devant nous dans l’histoire d’Israël. À la question des juifs : « Y at-il de l’injustice en Dieu ? » l’apôtre répond : « Qu’ainsi n’advienne ! » et il ajoute immédiatement : Car Dieu dit à Moïse : « Je ferai miséricorde à celui à qui je fais miséricorde, et j’aurai compassion de qui j’ai compassion ».
À première vue cette citation pourrait nous paraître étrange, mais si nous pensons à quelle occasion ces paroles furent prononcées, nous découvrons (comme c’est si souvent le cas en considérant la Parole) que ce qui semblait peu à propos était, au contraire, bien à sa place. Ce qui paraissait être une dissonance devient glorieuse harmonie. Plus nous regardons de près les circonstances qui donnèrent lieu à cette déclaration, plus nous reconnaissons l’à-propos frappant de la réponse de l’apôtre. Nous reconnaissons qu’aucun passage de toute la Bible n’aurait été plus à sa place dans ce cas que précisément celui-là.
À la montagne de Sinaï jusqu’où la grâce de Dieu les avait portés sur des ailes d’aigle, Israël avait répondu à la condition posée par Dieu : « Si vous écoutez attentivement ma voix, et si vous gardez mon alliance », il avait répondu, dis-je : « Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons ». Au lieu de continuer de se confier à cette grâce, ils avaient la prétention de pouvoir, malgré toutes les expériences humiliantes qu’ils avaient déjà faites, obéir par leurs propres forces à tous les commandements de Dieu.
La conséquence fut l’alliance
de la loi, la communication des justes et saintes exigences de Dieu à l’égard
de l’homme dans la chair. Ainsi commença véritablement l’histoire d’Israël
comme peuple. Moïse gravit la montagne pour recevoir les commandements de Dieu.
Comme il tardait le peuple devint impatient et détermina Aaron à faire et à
ériger le veau d’or. Israël ayant ainsi violé grossièrement le premier
commandement, il ne restait plus pour eux qu’un jugement destructif immédiat.
Son histoire comme peuple avait à peine commencé, qu’il perdait d’un seul coup
ce à quoi il aurait pu prétendre s’il avait obéi de bonne volonté. Le Dieu qui
avait fait les promesses et qui seul pouvait les accomplir avait été des plus
gravement offensé. Son alliance était rompue. Que restait-il pour Israël ? Si
Dieu voulait agir en justice envers son peuple, et il ne pouvait agir autrement
sur le terrain de la loi, ils devaient tous
être mis à mort. Échapper
était impossible.
Tous les juifs, qui
connaissaient l’histoire de ces jours-là, devaient admettre l’exactitude de la
démonstration de l’apôtre. Voulaient-ils donc se tenir devant Dieu sur une base
de « justice », le sort d’Israël aurait alors été décidé pour toujours, comme
Dieu le dit aussi à Moïse : « J’ai vu ce peuple, et voici, c’est un peuple de cou
roide. Et maintenant laisse-moi faire, afin que ma colère
s’embrase contre eux, et que je les consume »
(Ex. 32:9, 10). En vérité ce n’est pas « à cause de leur
justice » que Dieu leur a donné ce bon pays (Deut. 9:6), mais parce qu’il a
prêté l’oreille à l’intercession de Moïse (un type de Christ) et s’est retiré
sur le terrain de sa grâce souveraine :
« Je
ferai passer toute ma bonté devant ta face… et je ferai grâce à qui je ferai
grâce » (Ex. 33:19). Ce n’est qu’ainsi qu’il pouvait se repentir du mal qu’il
avait dit qu’il ferait à son peuple (Ex. 32:14), qu’il pouvait pardonner leur
iniquité. Oui, plus que cela ; c’est précisément dans l’obstination du peuple,
qui sur le terrain de la justice aurait amené le jugement, que la grâce pouvait
trouver un motif pour Dieu de marcher au milieu du peuple : « Si j’ai trouvé
grâce à tes yeux, Seigneur » c’est ainsi que Moïse intercède au chapitre 34,
« que le Seigneur marche je te prie, au milieu de nous ; car c’est un peuple de cou roide
» (v 9).
Que tout cela est
merveilleux ! Lorsque l’homme est irrémédiablement perdu à cause de sa conduite,
quand la justice de Dieu ne peut faire tomber sur lui que colère et jugement, à
cause de sa désobéissance et de son péché, quand la loi doit le maudire et le
condamner à mort, Dieu a encore des ressources en lui-même auxquelles il peut
avoir recours. Voyant par avance le grand médiateur qui viendrait, dont Moïse
est ici un si beau type, Dieu pouvait user de grâce et de miséricorde et cela,
prêtons-y bien garde, à qui il voulait,
selon
le propos de sa libre grâce inconditionnelle. « Ainsi donc ce n’est pas de celui
qui veut, ni de celui qui court, mais de
Dieu qui fait miséricorde
» (v 16).
Pourtant si Dieu veut faire
grâce, combien grand est le péché d’un homme, qui s’oppose à cette volonté de
faire grâce et cherche à contrecarrer les intentions de Dieu ! Il faut aussi
relever ce côté, et il faut montrer comment Dieu agit avec un tel homme. Dieu doit
être connu sur toute la terre comme
le Dieu dont on ne peut se moquer impunément. Considérée de cette manière, nous
comprenons bien la parole qui suit : « Car l’écriture dit au Pharaon : « C’est pour
cela même que je t’ai suscité, pour montrer en toi ma puissance, et pour que
mon nom soit publié dans toute la terre ». Ainsi donc il fait miséricorde à qui
il veut, et il endurcit qui il veut » (v 17, 18).
Le Pharaon devait être un
exemple pour tous les temps, de ce que l’Éternel le Dieu d’Israël, était
capable de faire d’un homme qui, à son commandement : « Laisse aller mon peuple,
afin qu’il me célèbre une fête dans le désert », osa lui dire dans son orgueil
sans borne : « Qui est l’Éternel
pour que j’écoute sa voix… ? Je ne
connais pas l’Éternel
et je ne laisserai pas non plus aller Israël », et qui
à la suite de ces paroles blasphématoires, ordonna de rendre encore plus lourd,
le service déjà si dur des Israélites et de leur demander l’impossible (Ex. 5:1
et suivants). Dans cet homme déjà orgueilleux et cruel en lui-même le message
de Dieu ne fit qu’amener la décision de s’opposer à la volonté de Dieu et
d’anéantir ses plans. Remarquons en même temps, que plus l’Éternel parlait avec
lui, plus il devint méchant. Nous lisons par sept fois : « Le coeur du Pharaon
s’endurcit » ou bien « le Pharaon endurcit son coeur » ; ce n’est qu’à la fin,
après que les plaies les plus sévères l’eurent atteint et que même ses sages et
ses magiciens durent convenir : « C’est le doigt de Dieu ! » qu’il est dit : « Et l’Éternel
endurcit le coeur du Pharaon ». Et lorsque enfin il consentit à la sortie
d’Israël, la méchanceté incorrigible de son coeur se manifesta de nouveau, en
ce que, plein de fureur, il poursuivit le peuple avec une armée puissante,
s’imaginant toujours pouvoir résister au bras élevé de l’Éternel. Est-il
étonnant que finalement Dieu endurcit son coeur en jugement et fit de lui un
exemple qui puisse servir de leçon ? Dieu ne destine
jamais un homme à
l’endurcissement, il ne rend jamais un homme méchant, non, l’homme tombé par sa
chute au pouvoir du péché, va de méchanceté en méchanceté en l’aggravant
toujours.
Qu’a donc fait Dieu dans le cas du Pharaon ? Il a laissé cet homme monter au faîte de la puissance où il se trouvait, pour que sa chute, sa misérable disparition dans la mer Rouge, proclame au loin, dans tout le monde, ce que signifie endurcir son coeur devant Dieu. Son histoire parle aux hommes aujourd’hui encore.
Il est advenu au peuple
d’Israël à peu près ce qui est advenu au Pharaon, à la différence que ce
peuple, à ce moment-là, comme si souvent dans la suite, a été l’objet de la
grâce de Dieu qui l’a sauvé ou restauré. Ce fait rend sa responsabilité
d’autant plus grande et sa chute d’autant plus profonde. Au lieu d’écouter les
sérieuses exhortations de Dieu, ils se rebellèrent et se révoltèrent contre lui
et jetèrent sa loi derrière leur dos… et firent de grands outrages. Oui, ils
se moquèrent des messagers de Dieu, et méprisèrent ses paroles, et se
raillèrent de ses prophètes, (comme le fit le Pharaon) « jusqu’à ce que la
fureur de l’Éternel monta contre son peuple et qu’il n’y eut plus de remède » (comp.
Néh. 9:26-29; 2 Chron. 36:14-16). Nous désirons poser à nouveau cette question :
Est-il étonnant que Dieu déclare finalement à son prophète Ésaïe : « Engraisse le
coeur de ce peuple, et rends ses oreilles pesantes, et bouche ses yeux, de peur
qu’il ne voie des yeux, et n’entende de ses oreilles, et ne comprenne de son
coeur, et ne se convertisse, et qu’il ne soit guéri » ? Un aveuglement spirituel
et un endurcissement de leur coeur méchant et rebelle les atteignirent de la
part de Dieu et lorsque le Seigneur Jésus vint plus tard au milieu d’eux, ils
« ne crurent pas en lui », non, « ils ne pouvaient
croire, parce qu’Ésaïe
dit… : « Il a aveuglé leurs yeux etc. » (És. 6:8-10; Jean 12:37, 40). L’apôtre
Pierre écrit d’une manière semblable quant aux « désobéissants » de nos jours,
qu’ils ont été destinés à heurter contre la parole (1 Pierre 2:7, 8). Comme ce
fut le cas du Pharaon aux jours anciens, Dieu a suscité ces hommes orgueilleux
pour servir d’avertissement à d’autres. Il ne les a pas rendus
désobéissants, mais il les a laissés aller à la dureté de leur coeur, peut-être
après de nombreux avertissements inutiles.
Ainsi dans les deux cas, que Dieu fasse grâce ou qu’il endurcisse, l’injustice ne vient pas de Dieu, mais de l’homme, qui, en ce qui le concerne, reste incorrigible et corrompu ; et dans les deux cas Dieu agit à la gloire de son grand nom. Tous ceux qui prennent garde à la parole de Dieu et ont une intelligence spirituelle, ne trouveront guère là de difficulté, la raison humaine seule tire toujours des conclusions erronées. En énumérant ces conclusions les unes après les autres, l’apôtre, conduit par l’esprit de Dieu, y répond d’une manière qui éveille notre admiration sans réserve.
Nous arrivons maintenant à la
dernière d’entre elles : « Tu me diras donc : Pourquoi se plaint-il encore ? car
qui est-ce qui a résisté à sa volonté ? » (v.19). En d’autres termes : Si Dieu
fait grâce à qui il veut
que puis-je y ajouter, et s’il endurcit qui il
veut
que puis-je faire là contre ? S’il est le Dieu souverain, il ne
me reste qu’à me soumettre à sa volonté.
L’objection semble fondée.
Pourquoi Dieu se plaint-il encore ? Si finalement tout doit se soumettre à sa
volonté, à ses voies, l’homme ne peut pourtant pas être tenu pour responsable
des conséquences dernières. L’issue du chemin de sa vie appartient à Dieu ! Cela
nous rappelle involontairement les excuses du premier couple humain après la
chute. Là déjà Adam et Ève essayèrent de rejeter la responsabilité de ce qui
était arrivé sur Dieu. Pourquoi avait-il donné entrée au serpent dans le jardin
d’Eden ? Pourquoi avait-il donné à l’homme la femme qui devait le tromper ? Les
questions de Romains 9 sont différentes, mais le principe reste le même : Dieu
est fautif, non pas l’homme. Pourquoi sauve-t-il l’un et rejette-t-il l’autre ? Que
peut faire l’homme si Dieu l’endurcit ?
Disons-le encore une fois,
toutes ces questions d’une part méconnaissent la gloire de Dieu et d’autre part
oublient la responsabilité de l’homme. Le propos souverain de Dieu — et comment
serait-il Dieu, s’il n’était pas souverain ? — n’annule pas la responsabilité de
l’homme. La croix, prise comme exemple, nous éclairera. Pierre déclare au
peuple d’Israël, parlant de Jésus : « ayant été livré par le conseil défini
et par la préconnaissance
de Dieu, — lui, vous l’avez cloué à une croix
et vous l’avez fait périr par la main d’hommes iniques » (Actes 2:23). Le
conseil défini que le Bien-aimé de Dieu devait accomplir, avait déjà été pris
dès avant la fondation du monde ; Dieu selon sa préconnaissance avait prédestiné
Jésus à être l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. Mais cela diminuait-il
en quoi que ce soit la culpabilité de l’homme ? Pas le moins du monde ! Juifs et
Gentils se rencontrèrent ce jour-là et devinrent amis dans leur hostilité
commune contre Dieu et contre son oint ; et bien que leur action accomplisse les
prédictions des prophètes et donne occasion à Dieu d’exécuter son saint
jugement sur le péché, d’accomplir l’oeuvre merveilleuse de sa grâce, ils
étaient et restaient coupables du rejet et de la mort du Fils de Dieu. Les deux
choses allaient de pair.
La conclusion d’où résulte la
question : « Pourquoi se plaint-il encore ? » est tout à fait trompeuse. Si Dieu
dans la grandeur de sa sagesse et la richesse de sa miséricorde se sert des
mauvaises actions des hommes pour l’accomplissement de ses conseils, c’est là
son oeuvre souveraine, mais cela laisse toujours subsister la volonté de
l’homme pour ce qu’elle est : mauvaise et sans excuse. En vérité, si ce
qu’enseigne la stricte théologie calviniste était vrai, c’est-à-dire que Dieu a
prédestiné à être damnés ceux qui vont à la perdition, le cas serait difficile.
Mais Dieu soit béni ! Ce n’est pas
vrai. L’Écriture ne parle jamais
ainsi, si même il y a quelques passages qui semblent appuyer cette opinion.
Qu’en est-il donc ? Avant de répondre à la question posée, l’apôtre insiste, comme nous l’avons déjà plusieurs fois remarqué, sur la souveraineté de Dieu, le premier de ses droits, et montre à celui qui questionne, la fausseté de son coeur. Un homme dont la conscience est tant soit peu réveillée, pourrait-il parler ainsi ? jamais une âme repentante n’attribuera de l’injustice à Dieu ou ne l’accusera d’être responsable de la perdition d’un homme. Celui qui parle un langage si pervers prouve simplement son aveuglement naturel et l’orgueil de son coeur. « Mais plutôt, toi, ô homme, qui es-tu, qui contestes contre Dieu ? La chose formée dira-t-elle à celui qui l’a formée : Pourquoi m’as-tu ainsi faite ? Le potier n’a-t-il pas pouvoir sur l’argile pour faire de la même masse un vase à honneur et un autre à déshonneur ? » (v 20, 21). Si la créature a déjà un tel pouvoir — et qui le contestera ? — combien plus alors le Créateur !
« Pourquoi m’as-tu fait
ainsi ? » Venant de la part d’un homme, cette question adressée à Dieu, ne veut,
en fin de compte, rien dire d’autre que ceci : Dieu n’a pas le droit de juger le
mal et, s’il ne veut pas gracier et sauver tous les hommes, il ne doit, pour le
moins, en punir aucun. Tout gouvernement juste et toute rétribution sont alors
mis de côté et Dieu est obligé de supporter le mal d’une manière telle qu’aucun
homme honorable ne le supporterait dans sa maison ou dans son entourage. Le
fait que Dieu a créé l’homme bon et droit, et qu’il l’a mis sérieusement et
avec insistance en garde contre le péché, que l’homme a succombé à la tentation
et a ensuite accumulé péché sur péché, violence sur violence — tout cela est
intentionnellement mis de côté ou excusé. Mais, pourrait-on demander : N’y
a-t-il pas dans les paroles de l’apôtre, selon lesquelles le potier a pouvoir
sur l’argile pour faire de la même masse un vase à honneur et un autre à
déshonneur, une confirmation de ce que l’on reproche à Dieu ? En vérité la
parole de l’apôtre est hardie et même des hommes avisés et des commentateurs
intelligents de la parole de Dieu ont été égarés par ce passage ; ils oubliaient
que l’intention première de l’auteur était de maintenir la souveraineté de Dieu
dans toute son inviolabilité. En outre ils ne remarquaient pas que Dieu n’a pas
usé de son droit de la manière dont on devrait s’y attendre selon l’image du
potier. Les deux passages suivants nous renseigneront sur la manière dont Dieu
a agi, mais il était convenable envers Dieu et utile pour les hommes d’établir
tout d’abord la souveraineté de Dieu. On constate rarement que ceux qui parlent
toujours à nouveau de leurs « droits » pensent que Dieu a aussi des droits ! Si
droits il y a, il faut que les siens comme créateur soient les plus élevés,
oui, souverains même, surtout si nous nous souvenons que nous sommes non
seulement des créatures, mais des créatures déchues
qui doivent nécessairement récolter les fruits de leurs mauvaises oeuvres.
Écoutons pourtant comment l’apôtre répond à cette question difficile : « Et si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère tout préparés pour la destruction ; — et afin de faire connaître les richesses de sa gloire dans des vases de miséricorde qu’il a préparés d’avance pour la gloire… ? lesquels aussi il a appelés, savoir nous, non seulement d’entre les juifs, mais aussi d’entre les nations » (v 22-24).
Nous avons déjà rendu plus
haut le lecteur attentif au fait que Dieu doit nécessairement, pour maintenir
son caractère de Dieu saint, montrer une fois sa colère contre tout le mal qui
s’est perpétré et se perpétue encore dans ce monde et témoigner de sa puissance
envers l’homme orgueilleux et obstiné. Si donc jusqu’à ce jour il n’a pas
manifesté cette colère et cette puissance, mais a supporté « avec une grande
patience » des vases de colère
— comment peut-on, avec un droit quelconque, lui faire le reproche d’être sans
miséricorde et injuste ? Le Dieu trois fois saint pourrait-il rester indifférent
devant le mal ou même avoir quoi que ce soit de commun avec lui ? Impossible ! Et
pourtant, bien que l’homme n’ait cessé depuis le début de son histoire, de
l’irriter en méprisant tous ses droits et de le provoquer par son orgueil, par
son immoralité, son impiété et ses blasphèmes, Dieu a tardé jusqu’à maintenant
d’exécuter le jugement mille fois mérité. Combien il a usé de bonté et de
longanimité ! Il a supporté avec bonté et indulgence « les vases de colère »
c’est-à-dire les hommes, envers lesquels il veut montrer sa colère ; oui, il ne
leur a témoigné que de la grâce en ce qu’il leur a toujours parlé à nouveau,
« se levant de bonne heure », comme en son temps pour Israël. Mais qu’ont-ils
fait en retour ? Ils « ont rejeté son conseil et n’ont pas voulu de sa
répréhension » ! Agit-il en justice s’il leur fait manger « du fruit de leur voie »
et être « rassasiés de leurs propres conseils » ? (comp. Prov. 1:24-33). Se
servant de l’image du potier, l’apôtre appelle ces hommes des « vases de colère »
comme d’autre part, il qualifie ceux qui se soumettent à Dieu et croient sa
parole de « vases de miséricorde ». Ces deux classes d’hommes sont en chemin vers
un but définitif : la perdition ou la gloire. Toutes deux sont « préparées » pour
cela. Mais faisons attention à la grande différence du genre
de préparation ! Beaucoup n’y ont pas prêté garde et de ce
fait n’ont pas saisi le sens ou la portée de la démonstration de l’apôtre.
Parlant des vases de colère, il ne dit que « préparés pour la destruction », mais
des vases de miséricorde il dit : « qu’il
(Dieu) a préparés d’avance pour
la gloire ». Il n’est dit, des vases de colère, ni ici, ni dans aucun autre
passage que Dieu
les a préparés pour la destruction ; non, ils l’ont fait
eux-mêmes
par leurs péchés et avant tout par leur incrédulité et leur
révolte contre Dieu. Mais c’est Dieu qui a préparé les vases de miséricorde, et
en effet, il les a préparés à l’avance
, et destinés à la gloire. Ils n’y
ont contribué en rien, tout est l’oeuvre de Dieu
, accomplie selon la
grâce « qui nous a été donnée dans le Christ Jésus avant les temps des siècles »
(2 Tim. 1:9).
Ainsi de nouveau le mal ne se
trouve que du côté de l’homme, non pas du côté de Dieu et d’autre part, le bien
ne vient que de Dieu, non pas de nous. De plus il se confirme une fois de plus
« que le propos de Dieu selon l’élection demeure, non point sur le principe des
oeuvres, mais de celui qui appelle
» (v 11). Ce n’est pas parce qu’ils se
sont distingués d’autres vases par des avantages particuliers ou des vertus
spirituelles que les vases de miséricorde sont destinés à la gloire, mais parce
que Dieu les a préparés à l’avance, sans conditions, selon son choix souverain,
« selon l’élection de la grâce
». Qu’ils aient dû être au cours du temps,
appelés, justifiés etc (comparez Rom. 8:29, 30) et que Dieu remplisse un vase
plus qu’un autre de puissance spirituelle et de dons de grâce, est certain,
mais tous
ont été préparés à l’avance par lui, avant
qu’aucun
d’entre eux ne soit là, et préparé pour sa propre gloire. C’est pourquoi comme
nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, ils ne loueront tous un jour que
la grâce insondable et indéfectible de Dieu. Cette parole se réalisera
entièrement. « Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur
! »
Quand cette plénitude de la
grâce se présente devant l’âme de l’apôtre, il ne peut faire autrement que
d’attirer les regards sur sa manifestation la plus glorieuse, comme elle s’est
révélée dans l’appel des croyants « non seulement d’entre les juifs, mais aussi
d’entre les nations » (v 24). Si la mise à l’épreuve du peuple le plus
privilégié de la terre ne s’est terminée que par une culpabilité sans espoir,
une ruine sans remède, si bien qu’il ne reste plus que colère et jugement, les
écluses de la miséricorde divine se sont ouvertes appelant d’entre les juifs
et les nations
un seul peuple pour la gloire céleste. Plus la misère est
grande, plus la ruine est profonde, plus s’ouvre largement devant Dieu le champ
qui révèle la gloire de sa grâce. « Car Dieu a renfermé tous, juifs et nations,
dans la désobéissance, afin de faire miséricorde à tous » (*)
(*) Comparer concernant ce passage les pages 15 à 17.
Nous voici arrivés au terme de notre méditation. En la considérant nous reste-t-il autre chose à faire que de nous joindre à la doxologie triomphante de l’apôtre, par laquelle il termine son exposé des pensées et voies de Dieu envers Israël et les nations ? Il s’écrie : « Ô profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies introuvables ! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller ? ou qui lui a donné le premier, et il lui sera rendu ? Car de lui, et par lui, et pour lui, sont toutes choses ! À lui soit la gloire éternellement ! Amen ».