par Philippe Tapernoux
ME 1920 p. 295-299, 307-312
Nous trouvons ici les deux formes de mal par lesquelles,
dès le début, l’ennemi a cherché à miner l’Église : 1° La philosophie
(v. 8) ou sagesse humaine qui
s’efforce de pénétrer dans le domaine de l’inconnu sans Dieu, et qui, sous
l’influence de Satan, invente ce qu’elle ne connaît pas et pervertit les âmes
par ses mensonges. 2° Les traditions légales
qui, s’adressant à
l’homme dans la chair, annulent la vérité de sa mise entière de côté et de son
jugement à la croix. L’Évangile proclame la ruine complète du premier Adam et,
par la mort et la résurrection de Christ, la rédemption accomplie pour ceux qui
croient. Le système légal sous lequel l’adversaire cherchait à replacer les
chrétiens de Colosses est appelé ici « les éléments du monde » : c’est une
religion qui s’appliquait à l’homme déchu vivant ici-bas dans la chair. Or, la
croix est la fin d’un tel être : pour la foi, le jugement qui a atteint Christ
a frappé avec Lui tous ceux qui lui appartiennent : c’est notre
mort
. Nous acceptons ce jugement et le réalisons devant Dieu en
croyant sa Parole ; nous apprenons aussi qu’en Christ ressuscité, nous
possédons une vie nouvelle, étant vivifiés ensemble avec Lui (v. 13).
Si nous avons reçu la vérité précieuse de notre identification avec Christ, dans sa mort et sa résurrection, nous ne chercherons plus à faire revivre un être que Dieu a condamné à la croix et qui est mort et enseveli avec Christ, mais nous lui appliquerons la mort en pratique, en mortifiant les membres moraux qui le composent (Col. 3:7). L’ennemi cherchait, comme il l’a toujours fait dès lors, à ravir cette vérité aux saints, en les replaçant sous un joug d’ordonnances qui s’appliquaient au vieil homme et ont pris fin avec lui à la croix. Vouloir asservir les chrétiens à ces traditions judaïques, c’est nier l’efficacité de l’oeuvre de Christ et les séparer de sa Personne bénie. La philosophie lui dérobe sa gloire, et le légalisme annule son oeuvre et nous ravit les bénédictions qui en découlent pour nous. L’apôtre replace la vérité devant des croyants de Colosses, en proclamant les perfections de sa Personne et les résultats bénis de son sacrifice. Quant à la première : « En Lui habite toute la plénitude de la déité corporellement » (v. 9) ; quand au second, il nous donne une place de bénédiction parfaite devant Dieu en Lui (v. 10).
Non seulement toutes les gloires morales de la déité ont
été manifestées en Lui ici-bas et le seront à toujours, mais, quant à la
position qu’il occupe comme le second Homme monté en haut, il est au-dessus des
anges : « Il est le chef de toute principauté et autorité » (v. 10). De
plus, « nous sommes accomplis en Lui » ; nous lui sommes unis sur le terrain
de la résurrection. Que pourrait-on ajouter pour rendre plus complètes de
telles bénédictions ? Quelle offense faite à cette Personne adorable que
de placer devant les siens un autre objet et de chercher à les séparer de Celui
qui est souverainement aimable, « un porte-bannière entre dix mille » !
(Cant. 5:10). Rien ne lui manque,
ni quant à l’excellence de ses
gloires, ni quant à la place qu’il occupe comme Homme souverainement exalté et
rien ne nous
manque
en Lui.
L’apôtre développe cette vérité de la perfection de la position
chrétienne, en montrant comment la mort et la résurrection de Christ nous ont
délivrés de tout ce qui s’opposait à la pleine bénédiction que Dieu s’était
proposée pour nous. Il voulait ainsi délivrer les saints de tout retour à des
ordonnances qui n’avaient plus aucune place dans la nouvelle création, où
l’oeuvre de la rédemption les a amenés. Il voulait ainsi encourager les
croyants à tenir ferme le Chef (2:19), en s’appropriant ce qu’il est
et
ce qu’il a fait.
La circoncision (v. 11) était, dès la Genèse, le signe établi de
Dieu d’une mise à part pour Lui de ceux qui étaient extérieurement en rapport
avec Lui, comme son peuple sur la terre. Cette séparation pouvait être
accompagnée d’une oeuvre divine dans l’âme de ceux qui en étaient les objets, comme
c’était le cas d’Abraham et de tous les hommes de foi dans l’Ancien Testament.
Mais pourquoi revenir à un signe extérieur de la chair, maintenant que nous
possédons la réalité divine qu’il représente ? Le premier était le
retranchement d’une petite parcelle de chair, tandis que la circoncision
spirituelle effectuée pour nous par la mort de Christ, est la mise entière de
côté de l’homme en Adam, « le dépouillement du corps de la chair » (v. 11),
c’est-à-dire de l’organisme de la chair vue comme un être moral complet devant
Dieu, ou de l’homme dans sa condition adamique. Ainsi la mort de Christ nous
apporte une délivrance parfaite de notre responsabilité d’hommes dans la chair,
en mettant fin judiciairement à notre état adamique devant Dieu. Le baptême d’eau
est le signe extérieur et le témoignage du jugement, en vertu duquel nous
sommes morts et ensevelis
avec
Christ (v. 12). La circoncision. à laquelle nous avons part a été faite « sans
main », mais elle n’en est pas moins réelle pour la foi. Elle découle de la
« circoncision du Christ » (v. 12), c’est-à-dire sa mort à la croix qui est notre
mort et qui fait disparaître pour toujours, de devant les yeux du Dieu saint,
le premier Adam coupable et perdu. L’affranchissement consiste à recevoir cette
vérité par la foi et à marcher dans la puissance de notre délivrance, en ayant
Christ comme l’objet et la force de la nouvelle vie que nous avons en Lui sur
le terrain de la résurrection. Car nous ne demeurons pas dans la mort :
nous avons été « ressuscités ensemble par la foi en l’opération de Dieu qui l’a
ressuscité d’entre les morts » (v. 12). Nous sommes sortis de la mort, ayant été
vivifiés ensemble avec Lui. Nous avons laissé derrière nous tout ce qui se
rattachait à notre ancienne condition, nos péchés, le péché, le monde avec sa
religion et sa philosophie, la puissance de Satan, la loi, et nous appartenons
à ce Christ glorieux pour marcher après Lui en nouveauté de vie.
Le Saint Esprit rappelle aux Colossiens leur état
précédent dans le paganisme : ils étaient « morts dans leurs fautes et dans
l’incirconcision » (v. 13). Ils n’avaient, avant leur conversion, aucun lien ni
extérieur, ni vital avec Dieu ; ils étaient « sans Dieu et sans espérance
dans le monde » (Éph. 2:12). C’est dans cet état misérable que la grâce avait trouvé
ces pauvres gentils qui avaient été « vivifiés ensemble » avec Christ (v. 12).
Puis, l’apôtre parle des Juifs croyants : « nous
avait pardonné toutes nos fautes ». Le « nous » s’applique
à ces derniers, en contraste avec « vous » nations. La vie
et le pardon
sont les deux bénédictions du salut
que nous apporte l’Évangile et que nous réalisons ici-bas par la foi, en
attendant la gloire. Les Juifs étaient sous une obligation spéciale, en suite
de leur place de peuple responsable de Dieu sur la terre. En se plaçant sous la
loi, ils avaient, pour ainsi dire, signé une cédule (*), s’engageant à obéir à ses exigences.
Tels étaient les termes de l’alliance que Dieu avait contractée avec Israël.
Cette obligation était « contraire » à celui-ci, car elle le plaçait sous une
responsabilité à laquelle il lui était impossible de satisfaire ; elle a
été « clouée à la croix » (v. 14). La sentence de malédiction qu’elle prononçait
contre les transgresseurs est tombée sur notre substitut, à l’heure solennelle
où il fut fait péché pour nous. En outre, il y eut, dans sa résurrection
triomphante, une manifestation glorieuse de sa victoire sur toute la puissance
de l’ennemi. Les « principautés et les autorités » (v. 15) sont les puissances
spirituelles de méchanceté qui sont dans les lieux célestes (Éph. 6:12). Quelle
consolation pour nous de savoir que, bien que l’heure où ce terrible pouvoir du
mal sera définitivement brisé sous nos pieds (Rom. 16:20) n’ait pas encore
sonné, nous participons à la victoire de Christ et n’avons plus à faire qu’avec
« les artifices
du diable », sa puissance sur nous ayant été détruite à la croix.
Pour résister à ses ruses, nous avons besoin d’être revêtus de « l’armure
complète de Dieu » (Éph. 6:11).
(*) Col. 2:14 : ou « écrit » ou « obligation » — obligation à laquelle quelqu’un est soumis par sa signature
Ainsi, par la victoire de Christ et notre union avec lui
sur le terrain de la résurrection, nous sommes délivrés de tous les ennemis qui
étaient contre nous : 1° Nos fautes
ont été pardonnées (v. 13) ;
2° le péché
dans la chair a été
jugé et nous sommes délivrés de notre condition d’hommes en Adam (v. 11). 3°
Notre mort avec Christ nous sépare du monde
avec sa religion et sa fausse
sagesse (v. 12). 4° L’obligation
sous laquelle la loi plaçait les
Juifs a été clouée à la croix (v. 14). 5° Enfin nous sommes délivrés de la
puissance de Satan
sous laquelle
nous étions tenus captifs (v. 15).
L’apôtre conclut son appel à la conscience des saints, en résumant tous les bienheureux résultats qui découlent de l’oeuvre de la rédemption poux notre délivrance : Pourquoi se laisser juger à propos d’une ordonnance, d’un jour de fête ou de quelque autre prescription légale, qui pouvaient avoir leur place lorsque, sous l’ancienne alliance, l’homme était encore mis à l’épreuve, ou comme « ombre des choses à venir » (v. 16, 17), mais qui avaient été complètement annulés dans la nouvelle création où Christ glorifié est tout ? « Le corps est du Christ » : il est la substance et la réalité des ombres de la loi, l’antitype des types, l’accomplissement des promesses : « Car, autant il y a de promesses de Dieu, en lui est le oui et en lui l’amen, à la gloire de Dieu par nous » (2 Cor. 1:20). Je puis voir l’ombre d’une personne qui s’approche, avant d’apercevoir celle-ci, et distinguer ainsi vaguement ses traits, mais quand nous nous rencontrons, je ne m’occupe plus de son ombre.
Les conséquences de ce retour aux ordonnances sont bien
sérieuses. Il y a une gradation frappante dans cette activité de l’adversaire
et dans ses résultats. D’abord il cherche à séduire
les
saints « par des discours spécieux » (v.
4). Puis, ceux qu’il a entraînés deviennent la proie
de ses instruments (v.
8). Ensuite, ces derniers les jugent
(v. 16) s’ils ne se conforment pas aux ordonnances légales.
Enfin ceux qui persévèrent dans cette voie seront « frustrés
du prix du combat »
(v. 18). On ne peut pas perdre le salut, mais on peut bien perdre la récompense
promise au vainqueur. Il faut combattre maintenant pour la vérité ; le
fruit de la lutte apparaîtra plus tard (2 Tim. 4:8). Ceux qui s’engagent dans
la voie du légalisme et de la philosophie font « leur volonté propre », non celle
de Dieu. Il y a souvent une apparente humilité dans la fausse doctrine. Il
semblait que c’était s’abaisser que de vouloir rendre culte aux anges :
c’était, au contraire de l’orgueil (v. 18), car c’était chercher à ravir ce que
Dieu n’avait pas fait connaître à l’homme. Toutes les spéculations de l’esprit
humain relativement à ce domaine ne sont donc que l’activité des « pensées de la
chair ». L’entendement de la créature déchue étant rempli de ténèbres par son
éloignement de la vraie lumière, les raisonnements auxquels il se livre en
dehors de la révélation divine sont vains et sans fondement. Qu’il est triste
de penser que des personnes faisant profession d’appartenir à Christ peuvent
être entraînées dans une telle voie !
Aussi, combien nous est nécessaire l’exhortation à tenir ferme
le Chef
(v. 19) pour
être gardés des séductions de l’ennemi ; nous avons à maintenir fermement
la gloire personnelle de Christ et la vérité de notre union avec Lui, de
laquelle découlent toutes nos bénédictions. C’est de Lui, le Chef ou la Tête du
corps, que procèdent la vie et la nourriture du corps. Il y a, dans ce dernier,
« des jointures et des liens » (v. 19) qui servent à l’alimentation des membres
du corps. En outre, chaque membre est dépendant de l’ensemble : si ma main
est malade, elle ne peut pas se soigner elle-même ; elle a besoin de
secours d’autres parties du corps. Ce sentiment de notre dépendance du Seigneur
et les uns des autres doit nous tenir dans l’humilité, et nous aider à réaliser
la place que nous avons à occuper, pour le bien et l’accroissement de
l’ensemble (1 Cor. 13).
Les ordonnances supposent que l’homme dans la chair vit
encore ; or, « si
nous sommes
morts » (c’est-à-dire puisque,
car le si est affirmatif ici),
pourquoi établir des ordonnances qui s’appliquent à des hommes vivant dans la
chair et non à des morts ? Elles n’ont aucune place dans le nouvel ordre
de choses, fondé sur la mort et la résurrection de Christ, dans lequel nous
avons été introduits par la foi : les traditions ont « une apparence
de sagesse en dévotion
volontaire et en humilité », mais, tout en n’épargnant pas le corps (v. 23),
elles donnent de l’importance à la chair et la satisfont. Les tendances de
celle-ci sont très variées et Satan sait très bien adapter ses pièges aux
divers besoins du coeur naturel. Il n’est jamais plus dangereux que lorsqu’il
revêt ses appâts d’un manteau religieux. Les uns cherchent la satisfaction dans
les plaisirs, d’autres dans les honneurs, d’autres dans une piété de
formes ; l’ennemi sait prendre chaque coeur dans le filet qui lui convient
le mieux : la grâce et la puissance de Dieu peuvent seules nous en
délivrer.
Toutes ces ordonnances sont « selon les commandements et les enseignements des hommes » (v. 22) et non de Dieu. Elles sont destinées à périr et ne font pas partie de cet ordre de choses immuables dans lequel l’oeuvre de Christ nous a amenés.
Puissions-nous posséder les sentiments et les dispositions qui nous sont nécessaires pour réaliser notre place de membres du corps de Christ, en jouissant de notre union avec lui, le Chef glorieux. Écoutons pour cela l’exhortation de l’apôtre : « Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à présenter vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui est votre service intelligent » (Rom. 12:1-3).