Paul Fuzier
Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest ; ME 1956 p. 3
Table des matières :
1 - Trois récits de deux traversées de la mer
2 - Ayez bon courage : c’est moi, n’ayez point de peur
Les Évangiles nous rapportent différents récits des deux traversées qu’eurent à faire les disciples sur la mer agitée, au milieu de l’orage. Matthieu 8:23-27 ; Marc 4:35-41 et Luc 8:22-25 nous parlent de la première, Matthieu 14:22-33, Marc 6:45-52 et Jean 6:16-21, de la seconde. La comparaison de ces récits mérite sans doute d’être faite.
Plusieurs détails relatifs à la première traversée ne se trouvent que dans Marc. Par exemple, Matthieu et Luc nous disent que les disciples étaient « avec Lui », ou « le suivirent », quand Jésus monta dans la nacelle, tandis que Marc nous montre les disciples — auxquels le Seigneur avait dit : « Passons à l’autre rive », parole d’ailleurs omise dans Matthieu — le prenant dans une nacelle « comme il était », d’autres nacelles aussi étant « avec lui ». De même, Marc est seul à parler de Jésus « à la poupe », « dormant sur un oreiller ». Matthieu se borne à dire que Jésus « dormait » ; Luc : « comme ils voguaient, il s’endormit ». Ce dernier détail est indiqué dans Luc, avant même qu’il soit question du vent impétueux qui « fondit sur le lac », tandis qu’en Matthieu et Marc, c’est après qu’il a été parlé de la « grande tourmente » ou du « grand tourbillon de vent », de la nacelle « couverte par les vagues », « de sorte qu’elle s’emplissait », que nous voyons Jésus dormant. Dans Matthieu, le Seigneur, réveillé par les disciples, commence par leur reprocher leurs craintes et leur peu de foi, après quoi Il se lève pour reprendre les vents et la mer ; dans Marc et Luc au contraire, c’est en tout premier lieu qu’il ramène le calme : Il met un terme à l’épreuve, aux difficultés qui conduisent les disciples à s’écrier : « nous périssons » et ne leur dit qu’ensuite : « Pourquoi êtes-vous ainsi craintifs ? Comment n’avez-vous pas de foi ? » — ou encore : « Où est votre foi ? ». Mais dans les trois récits c’est une même question — avec, il est vrai, une légère variante dans Luc — posée par les disciples étonnés : « Quel est celui-ci, que les vents même et la mer lui obéissent ? »
Les récits de la deuxième traversée sont à peu près semblables, sauf sur un ou deux points, dans Matthieu et dans Marc. Seuls, ces deux Évangiles soulignent que le Seigneur « contraignit les disciples de monter dans la nacelle et de le précéder à l’autre rive », Jean se bornant à dire que les disciples « descendirent à la mer » et, après être « montés sur une nacelle », « allèrent de l’autre côté de la mer, à Capernaüm ». Également, Matthieu et Marc sont seuls à parler du Seigneur monté sur une montagne « pour prier », Jean écrivant simplement qu’il « se retira encore sur la montagne, lui tout seul ». Encore un détail qui n’est que dans les deux premiers Évangiles : la nacelle « au milieu de la mer ». Et si dans Jean il est parlé du « grand vent qui soufflait », dans Matthieu et Marc il est qu’il était « contraire ».
Marc ajoute un détail qui n’est dans aucun des deux autres Évangiles : le Seigneur « voyait » ses disciples « se tourmenter à ramer ». Matthieu situe « à la quatrième veille de la nuit », Marc « vers la quatrième veille » le moment où Jésus vint vers les disciples, tandis que Jean, après avoir dit qu’il faisait « déjà nuit », précise que les disciples virent Jésus après avoir « ramé environ vingt cinq ou trente stades ».
Mais dans les trois Évangiles, nous trouvons la même expression : c’est « marchant sur la mer » que Jésus va vers la nacelle. Cela eût dû rassurer les disciples ; tout au contraire « ils crièrent de peur, disant : C’est un fantôme », selon le récit de Matthieu et de Marc. Jean se bornant à remarquer qu`ils furent « saisis de peur ». Même parole encore dans les trois Évangiles pour mettre un terme à la frayeur des disciples : « C’est moi, n’ayez point de peur ». Mais seuls Matthieu et Marc rapportent le : « Ayez bon courage », qui précède.
Enfin, si Matthieu et Marc nous disent que le Seigneur, une fois monté dans la nacelle avec les disciples, « le vent tomba ». Jean écrit : « aussitôt la nacelle prit terre au lieu où ils allaient ». C’est la fin du voyage qui amène la fin de la tempête.
Nous avons donc certaines expressions identiques dans les trois récits — peut-être vaut-il la peine de s’y arrêter spécialement et nous ne saurions trop encourager nos lecteurs à le faire, persuadés qu’ils y trouveront de l’édification —, et, pour celles qui diffèrent de l’un à l’autre, de façon générale à peu près les mêmes détails dans Matthieu et Marc, tandis que le récit te Jean contient des indications assez particulières. Ce n’est sans doute pas sans raisons que nous avons ces points communs ou ces différences. Nous nous bornons à proposer ce sujet de méditations car notre désir en écrivant ces lignes n’était pas de nous arrêter sur le détail, mais plutôt d’essayer de dégager de la comparaison de ces récits un enseignement en rapport avec les difficultés que nous pouvons avoir à rencontrer durant notre pèlerinage. Qu’il y ait là un précieux encouragement pour nous au travers des exercices que nous aurons à connaître pendant l’année qui commence, si le Seigneur nous laisse ici-bas encore un peu de temps !
Aux remarques déjà faites à propos des récits de Matthieu 14, Marc 6 et Jean 6, il faut ajouter que Matthieu est le seul à nous rapporter la réponse de Pierre à la parole du Seigneur : « Ayez bon courage ; c’est moi, n’ayez point de peur », seul à nous rapporter la réponse de Pierre et la scène qui fait suite.
Si, comme nous l’avons déjà vu, dans les récits de Marc 4 et de Luc 8, nous voyons le Seigneur se lever aussitôt, imposer silence aux vents et à la mer, mettant ainsi un terme aux difficultés rencontrées par les disciples et permises par Lui, par contre dans celui de Matthieu 14, avant d’arrêter la tempête Il donne à Pierre la puissance nécessaire pour « marcher sur les eaux ».
De même dans nos épreuves et nos exercices variés : le bras du Seigneur ne s’est pas raccourci, sa voix peut d’un mot arrêter la tempête, la changeant en calme ; mais aussi, Il peut trouver bon de nous laisser un temps au milieu d’une mer agitée. C’est encore pour nous faire expérimenter sa puissance : avant de l’exercer pour ramener des circonstances paisibles, Il la déploie pour nous soutenir au sein de l’orage. Lui « marche sur les eaux » : Il est au-dessus des circonstances quelles qu’elles soient ; Il les domine. Et Il veut aussi, par sa puissance, nous faire à notre tour « marcher sur les eaux », nous donner le secours nécessaire pour aller par la foi, regardant à Lui seul, ne nous laissant pas arrêter par ce qui pourrait être pour nous un sujet de crainte et d’effroi si nous détournions nos yeux de Christ pour les fixer sur les difficultés du chemin.
Comme nous l’avons vu aussi, le Seigneur peut encore mettre un terme à nos difficultés en se servant d’un autre moyen. C’est ce que nous enseigne le récit de Jean 6. Là, il ne nous est pas dit que le Seigneur arrêta aussitôt la tempête ou que, au sein même de la tempête, Il donna la puissance nécessaire pour « marcher sur les eaux » ; nous lisons : « aussitôt, la nacelle prit terre au lieu où ils allaient ». Pour le résidu juif de la fin, ce sera le terme de la grande tribulation : pour nous, c’est l’arrivée au port désiré, l’entrée dans la maison du Père où le Seigneur, réalisant la promesse de Jean 14:1-3, nous introduira bientôt. Prenons donc courage, le Seigneur vient ! En un instant, en un clin d’œil, nous serons ravis de la scène présente et pour toujours avec Celui que nos cœurs attendent, dans le lieu où il n’y aura plus « ni deuil, ni cri, ni peine » !
D’autre part, dans le récit symbolique de Matthieu 14, Pierre peut être considéré comme une figure de l’Église, quittant la « nacelle juive », dans l’obéissance au Seigneur et allant « à Lui », comptant sur la puissance de Sa parole. C’est effectivement ce qui a caractérisé l’Assemblée dans les premiers jours de son histoire. L’Évangile prêché « en commençant par Jérusalem » (Luc 24:47 — cf. Actes 1:4 et 8:2, 14), ceux qui le reçurent furent baptisés et constituèrent, à la place d’Israël, le témoignage de Dieu, son Assemblée. Mais il leur fallait abandonner toute l’organisation du culte juif, le temple, ses cérémonies et ses fêtes, ses sacrifices et ses sacrificateurs, toutes les ordonnances établies par l’Éternel et ce que la tradition des hommes y avait ajouté, frêle esquif sans doute mais auquel beaucoup demeuraient fermement attachés et qui leur paraissait constituer le seul refuge solide et sûr. Et il fallait laisser tout cela, non pour prendre pied sur quelque embarcation de meilleure apparence mais pour « marcher sur les eaux ». Impossibilité absolue aux yeux des hommes, mais rien n’est impossible à Dieu. Rien n’est donc impossible pour celui qui croit, car la foi fait appel à la seule puissance divine.
À la parole du Seigneur : « Ayez bon courage ; c’est moi, n’ayez point de peur », Pierre a répondu aussitôt : « Seigneur, si c’est toi, dis-moi d’aller à toi sur les eaux ». C’est comme s’il eût dit : Seigneur ! nous sommes en détresse, nous périssons… La nacelle s’emplit déjà ! Il n’y a que Toi qui puisse nous secourir. Tu as dit : « C’est moi » ! C’est Toi qu’il me faut. Je veux aller à toi » ! Pour aller à toi, il est nécessaire de quitter la nacelle et de « marcher sur les eaux » : je ne puis pas m’engager si ce n’est toi qui me l’ordonnes, mais si tu me le commandes je quitterai la nacelle sans aucune crainte.
Pour « marcher sur les eaux », il faut l’autorité qui est dans la parole de Jésus, Celui qui « commande » et auquel obéissent et le vent et la mer. L’Évangile selon Matthieu le présente comme le Roi, un roi dont l’autorité sera méconnue, qui sera rejeté et crucifié par son peuple, mais qui, malgré tout, dira aux siens lorsqu’il les retrouvera après sa mort et sa résurrection « sur la montagne » où il leur avait « ordonné de se rendre » : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre ». Cette autorité, méprisée par Israël, Il va maintenant l’exercer dans la maison de Dieu, établi Fils sur cette maison qui va remplacer Israël comme témoignage et dans laquelle Dieu est connu comme Père, Fils et Saint Esprit. Ceux qui, par le baptême, entrent dans cette maison, sont responsables de garder, leur dit-Il, « toutes les choses que je vous ai commandées » (Matthieu 28:16-20).
Pierre reconnaît l’autorité du Seigneur, il y est soumis et il sait quelle est la puissance de sa parole. Cette puissance, il l’a déjà éprouvée au cours d’une scène antérieure, sur ce même lac de Génésareth. Le Seigneur avait alors commandé à Simon : « Mène en pleine eau, et lâchez vos filets pour la pêche ». Simon et ceux qui avaient travaillé avec lui « toute la nuit » n’avaient « rien pris » ; cependant, dit Simon, « sur ta parole je lâcherai le filet ». La foi, tel est le premier résultat produit par la Parole, reçue dans le cœur (cf. Rom. 10:17) ; le Seigneur a parlé, cela suffit à la foi. Et la même parole « qui a la puissance de sauver nos âmes » (Jacques 1:21) a aussi la puissance de nous faire marcher, de nous soutenir au milieu d’un monde où rien n’est stable et assuré, où les difficultés nous assaillent et nous effrayent souvent.
Le Seigneur ne dit à Pierre qu’un seul mot : « Viens ! » mais cela suffit au disciple, il n’y a chez lui ni hésitation ni appréhension. Jésus a commandé, il obéit aussitôt, sans raisonner, sans se préoccuper des conséquences possibles de son acte, sans rechercher l’approbation, ou même seulement la pensée de ceux qui étaient avec lui dans la nacelle : « Et Pierre, étant descendu de la nacelle, marcha sur les eaux, pour aller à Jésus ».
Telle est, telle devrait être la marche de l’Assemblée — comme aussi, d’ailleurs, celle du croyant — dans ce monde : une « marche sur les eaux », pour « aller à Jésus ». Pour marcher sur les eaux, on ne peut compter sur des moyens humains, si puissants soient-ils ; aucun d’eux ne serait efficace. Il faut une foi réelle et constamment exercée, car il est impossible d’y faire un seul pas sans un exercice de foi. Et penserait-on pouvoir, à l’avance, préparer un chemin sur les eaux ? On ne peut avancer qu’en regardant à Jésus et en comptant sur la puissance de sa parole. Il y a des difficultés sans doute mais la foi ne regarde pas aux difficultés, elle regarde au Seigneur. Tant que Pierre fixe les yeux sur Lui, il ne voit pas les difficultés et rien ne l’empêche de « marcher sur les eaux » ; dès qu’il cesse de considérer Celui qui lui a dit : « Viens », il voit ce qu’il n’avait pas vu jusque-là, « que le vent était fort » et « il eut peur ». C’est alors qu’il commença à enfoncer !
L’ennemi s’efforce de bien des manières de détourner nos regards de Christ — qu’il s’agisse de l’histoire de l’Assemblée ou de l’histoire d’une âme — et de les arrêter sur les difficultés. Il veut nous faire voir que le vent est fort, nous effrayer ainsi, afin de rendre impossible une « marche sur les eaux ». Et c’est alors que nous commençons à enfoncer ! Sans doute, comme Il l’a fait pour Pierre, le Seigneur est toujours prêt à nous secourir, à « étendre la main » pour que nous n’enfoncions pas, mais devrions-nous avoir besoin de son secours pour cela ou pour une « marche sur les eaux » ?
L’Assemblée n`a aucune organisation établie ; ceux qui la composent se réunissent autour du Seigneur, n’ayant d’autres directions que celles de la Parole, d’autre ministère que celui de l’Esprit « distribuant à chacun en particulier comme il lui plaît » (1 Cor. 12:11). Dieu manifeste là sa présence (cf. 1 Cor. 14:25). Pour tout ce qui concerne l’administration de cet organisme vivant, sagesse et secours sont donnés pas à pas, dans la mesure où les cœurs s’attendent au Seigneur, dans la mesure où la foi en exercice réalise vraiment une « marche sur les eaux ». Il ne saurait être question de tracer un chemin à l’avance ou de s’appuyer sur des secours humains. Sans doute ce sont bien des hommes qui ont à agir, que ce soit pour l’exercice des dons spirituels dans le rassemblement ou pour les soins et diligences que nécessite la vie de l’assemblée ; les instruments sont choisis par Dieu et employés par Lui, nous ne saurions les rejeter, prétextant que tout ce qui vient de l’homme est vain. C’est tout ce qui est de l’homme dans la chair qui est à mettre de côté, tandis que nous avons à reconnaître ce que Dieu se plaît à donner à son Assemblée, par le moyen de ceux dont Il veut se servir et qui apportent, non pas ce qui vient d’eux-mêmes mais ce qui vient de Dieu.
Faute d’avoir saisi ce qu’est l’Assemblée, bien des chrétiens pieux et fidèles — et, à plus forte raison, les incrédules — ne peuvent comprendre ce qui doit la caractériser dans ses différentes réunions et dans toutes les circonstances de sa vie. Ils ne peuvent pas plus le comprendre qu’il n’est possible de comprendre l’acte d’un Pierre quittant la nacelle, seul refuge apparent sur une mer agitée, pour « marcher sur les eaux ».
Marcher sur les eaux ! Quelle crainte remplit celui qui avance ainsi ! Quelle sainte crainte devrait nous caractériser dans tout ce qui est du domaine de la vie de la foi, pour tout ce qui concerne l’Assemblée — ou ce qui en est l’expression dans ce monde — et quel sentiment de dépendance du Seigneur, chef de l’Assemblée devrait nous animer, nous conduisant à fixer sans cesse nos regards sur Lui !
Hélas ! que de fois, au contraire, nous regardons aux difficultés, allant même bien souvent jusqu’à nous en nourrir ! Il n’y a là pour l’âme que desséchement sans aucune édification ni pour nous ni pour ceux qui nous entourent. Et le fait que l’Assemblée, qu’une assemblée locale, qu’un croyant « commence à enfoncer » au lieu de réaliser la « marche sur les eaux », ne montre-t-il pas que les regards ont été arrêtés sur les difficultés et non sur le Seigneur, que la puissance de Sa parole a été méconnue ?
Nous sommes dans des jours où la mer est agitée, où le vent est fort, peut-être plus qu’en d’autres temps. Ne regardons ni à la mer ni au vent, mais à Celui qui a dit : « Viens » et qui veut, nous donnant la puissance nécessaire pour cela, nous voir « marcher sur les eaux ». Quelle puissance et quel secours dans la parole de Jésus ! Un seul verset des Écritures soutient, encourage, donne la force pour avancer au milieu des plus grandes difficultés, marchant sur les eaux. Ne l’avons-nous pas éprouvé bien des fois ?
Une année est devant nous. Peut-être, avant qu’elle soit à son terme, le Seigneur aura-t-il réalisé sa promesse et nous aura-t-il pris à Lui, dans le repos de sa présence. Alors, la nacelle prendra terre au lieu où nous allons ! Jusqu’à ce moment, désiré de tous nos cœurs, qu’il nous accorde la grâce de regarder à Lui, et à Lui seul, afin que nous puissions avancer par la foi, marchant sur les eaux ! La connaissance de sa Personne — « si c’est toi », — de l’autorité de sa Parole — « commande-moi » —, du but à atteindre — « aller à Toi » — donne la force nécessaire pour avancer, même quand il semble que tout manque, que rien n’est sûr autour de nous, quand il faut « marcher sur les eaux ». Qu’importe le vent contraire, pourquoi redouter la puissance des vagues quand le Seigneur a dit : « Viens » ? Soutenus et encouragés par sa Parole, ne regardons qu’à Lui et allons vers Lui, marchant sur les eaux !