Paul Fuzier
Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest
Table des matières abrégée :
1 - Infidélité du peuple, défaillance des pasteurs, soins du Seigneur
3 - Jean 13:1-17 et Matt. 18:15. Conditions du lavage des pieds
Table des matières détaillée :
1 - Infidélité du peuple, défaillance des pasteurs, soins du Seigneur
1.2 - Défaillance des pasteurs
1.3 - Responsabilité individuelle et collective
2.1 - Manquements des pasteurs vis-à-vis des brebis
2.2 - Le Seigneur grand Pasteur des brebis
2.7 - Brebis « grasse » ou « forte »
3 - Jean 13:1-17 et Matt. 18:15. Conditions du lavage des pieds
3.1 - Ne pas refuser de laver les pieds
3.2 - Être en état pour laver les pieds
3.4 - Échec du lavage des pieds
3.5 - Cas de l’offense d’un frère. Matthieu 18:15
ME 1954 p. 169-176
C’est vers un peuple en captivité, rebelle et endurci, qu’Ézéchiel avait été envoyé : « Va, fils d’homme, va vers la maison d’Israël, et tu leur parleras avec mes paroles… Mais la maison d’Israël ne voudra pas t’écouter, car aucun d’eux ne veut m’écouter ; car toute la maison d’Israël a le front dur et le cœur obstiné… ils sont une maison rebelle » (Ézéch. 3:4, 7, 9). Aussi, l’Éternel ne pouvait plus reconnaître qu’un résidu, constitué par tous ceux qui recevaient la parole du prophète.
Au chapitre 33, le péché de la nation est rappelé (v. 10), en
même temps qu’est indiquée la seule ressource : la repentance
individuelle. Dans toutes les époques où l’ensemble a failli, un appel
individuel est adressé et tous ceux qui y répondent forment un résidu fidèle. C’est
l’injonction de Moïse, après l’affaire du veau d’or : « À moi, quiconque
est pour l’Éternel ! » — l’exhortation présentée dans
un jour de ruine : « Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque
prononce le nom du Seigneur » — ou encore, l’appel si
touchant du Seigneur Lui-même, tout à la fin de l’histoire de l’Église :
« Voici, je me tiens à la porte, et je frappe : si quelqu’un
entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui et
je souperai avec lui, et lui avec moi » (Ex. 32:26 ; 2 Tim. 2:19 ; Apoc. 3:20).
Chaque fidèle est responsable d’avertir ceux sur lesquels va fondre le jugement (Ezéch. 33:1 à 9). Si le méchant se détourne de son péché, certainement il vivra et c’est ce que l’Éternel désire, car Il ne prend pas plaisir à la mort du pécheur mais plutôt à ce qu’il se détourne de sa voie et qu’il vive (Ézéch. 33:14 à 16 et 11).
La fin du chapitre est tout particulièrement instructive. Le peuple se glorifiait d’être la descendance d’Abraham, comme le feront plus tard les Juifs qui, au lieu de s’engager dans le chemin de la repentance individuelle indiqué par Jean le Baptiseur, devront s’entendre dire par lui : « Produisez donc des fruits qui conviennent à la repentance ; et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père… » (Luc 3:8). Revendiquant le privilège d’être la postérité d’Abraham, le peuple faisait valoir ses prétentions sur le pays : « le pays nous est donné pour héritage » (Ézéch. 33:24). Hébreux 11:8 à 19 met en relief la foi d’Abraham auquel la promesse fut faite ; quel contraste avec ce qui marque l’état du peuple aux jours d’Ézéchiel ! Cet état est décrit à partir du verset 25 : désobéissant aux commandements de l’Éternel, se tournant vers les idoles, se complaisant dans la souillure, commettant le péché, ce peuple pouvait-il prétendre hériter le pays ? Il est vrai dans tous les temps que « ceux qui commettent de telles choses n’hériteront pas du royaume de Dieu » (Gal. 5:19 à 21). Aussi, c’est le jugement qui est annoncé à ce peuple infidèle (Ézéch. 33:27 à 29), un jugement qui ne l’épargnera pas !
Les versets 30 à 33 dépeignent de façon saisissante l’hypocrisie d’Israël s’attachant à une certaine apparence extérieure alors que, dans son cœur, il n’y avait rien pour Dieu. « Les fils de ton peuple parlent contre toi… », et cependant ils s’exhortent l’un l’autre à aller écouter la parole de l’Éternel : « Venez donc, et écoutez quelle est la parole qui est sortie de la part de l’Éternel ». C’est ainsi qu’ils viennent dans la maison de Dieu : « ils viennent vers toi comme vient un peuple, et ils s’asseyent devant toi comme étant mon peuple… » (v. 31). Ils prennent extérieurement la position du peuple de Dieu, ils la revendiquent hautement. Ne comprenant pas que de tels privilèges sont l’apanage de la foi et de cœurs vraiment exercés, ils prétendent en jouir tout en demeurant dans une condition morale que Dieu réprouve. « Et ils entendent tes paroles… » la responsabilité d’avoir entendu pèse sur eux et ils auront à en rendre compte, mais ils se contentent d’entendre sans qu’aucun fruit soit produit, car « ils ne les pratiquent pas ». « Auditeurs oublieux », peut-être disent-ils « des choses agréables » à propos de ce qu’ils ont entendu, « mais leur cœur va après leur gain déshonnête » ; les affections n’ont pas été saisies par Christ, le cœur poursuit un objet sur la terre et il n’y a au fond aucun désir, aucune force en tout cas, qui conduirait à mettre en pratique ce qui a été entendu. On se contente du côté extérieur, on y trouve certaine satisfaction — chant agréable, belle voix, quelqu’un qui joue bien (v. 32) — mais l’on n’est pas « un faiseur d’œuvre » (Jacques 1:25). La Parole est entendue, elle n’est pas mise en pratique.
Le chapitre se termine par une sérieuse déclaration : quand
le jugement atteindra ce peuple infidèle — et il est imminent : « le
voici qui arrive » — alors « ils sauront qu’il y a eu
un
prophète au milieu d’eux » (v. 33). Ils comprendront dans ce jour-là l’importance
et la solennité des avertissements qui leur sont maintenant adressés, de la
part de l’Éternel par la bouche du prophète, mais ce sera trop tard !
Si la responsabilité du peuple est grande, combien l’est plus encore celle des chefs du peuple, « les pasteurs d’Israël » ! C’est le sujet développé dans la première partie du chapitre 34.
Qu’est-ce qui a caractérisé ces pasteurs ? Un amour sincère pour toutes les brebis du troupeau, une sainte activité pour leur donner de la nourriture et en prendre soin ? Ont-ils été des économes fidèles et prudents, établis sur les domestiques de la maison, donnant à tous « au temps convenable leur ration de blé » (cf. Luc 12:42) ? Hélas ! « ils se paissent eux-mêmes » : ni dévouement ni amour pour les âmes, mais un égoïsme sans borne sur lequel insistent les versets qui suivent. « Dominant sur des héritages » (cf. 1 Pierre 5:2 et 3), ils considéraient le peuple non pas comme le troupeau de Dieu mais comme leur propre troupeau : « Vous mangez la graisse, et vous vous habillez de la laine ; vous égorgez ce qui est engraissé ; vous ne paissez pas le troupeau » (Ézéch. 34:3). Non seulement ils ne donnaient pas aux brebis la nourriture indispensable, mais encore, ils cherchaient à en retirer des profits personnels, soit matériellement, soit par le relief que leur donnait leur position au milieu du peuple !
Dans un troupeau, il y a des brebis faibles ; « venez en aide aux faibles », nous est-il demandé (1 Thess. 5:14) ; ces mauvais bergers ne l’avaient pas fait ; — des brebis malades ; rien de ce que nous enseigne Hébreux 12:12 et 13 n’avait été accompli, aucun des soins pastoraux qui auraient pu amener la guérison n’avait été exercé ; —d’autres, blessées ; elles étaient là, sans qu’aucune manifestation de sympathie leur ait été témoignée, il ne s’était pas trouvé de « Samaritain » qui, ému de compassion, soit venu bander leurs plaies, y versant de l’huile et du vin (cf. Luc 10:34) ; — certaines ont pu s’égarer ; les pasteurs ne s’étaient pas souciés d’elles et n’avaient rien fait pour les ramener ; — il en est qui sont perdues, nul n’avait été les chercher ! Aucun des soins efficaces exercés par un amour diligent qui désire le bien de chacune des brebis et celui de tout le troupeau ! Tout au contraire, il n’y avait eu qu’un déploiement d’autorité sans bienveillance : « Vous les avez gouvernées avec dureté et rigueur » (Ézéch. 34:4).
Le résultat de la défaillance des pasteurs d’Israël est décrit par le prophète, rapportant les propres paroles de l’Éternel : mes brebis « étaient la pâture de toutes les bêtes des champs, et elles ont été dispersées. Mes brebis ont erré dans toutes les montagnes et sur toute haute colline, et mes brebis ont été dispersées sur toute la face du pays, et il n’y a eu personne qui les ait recherchées, personne qui se soit enquis d’elles » (Ézéch. 34:5 et 6). Triste et affligeant tableau, tout à la confusion des pasteurs auxquels l’Éternel s’adresse maintenant (v. 7 à 10) et sur lesquels pèse une bien lourde responsabilité : « Voici, j’en veux à ces pasteurs, et je réclamerai mes brebis de leur main… » Quelle douleur pour Celui qui aime son peuple d’un amour inaltérable que de voir ses brebis dispersées et livrées à la puissance de l’adversaire, devenues « une proie » et « la pâture de toutes les bêtes des champs » !
Ces choses ont été « écrites pour nous servir d’avertissement, à nous que les fins des siècles ont atteints » (1 Cor. 10:11). Ne nous parlent-elles pas, dans l’application que nous pouvons en faire à l’Église aujourd’hui ? Nous serions coupables si nous rejetions cet avertissement en objectant qu’il s’adresse à un peuple rebelle que l’Éternel ne pouvait plus reconnaître. Sans doute, Dieu soit béni ! sa grâce demeure et Il est fidèle malgré toutes nos infidélités, mais nous avons à nous demander dans quelle mesure peuvent s’appliquer à nous les paroles du prophète. Considérons notre état ! Par certains points tout au moins, ne ressemble-t-il pas à celui d’Israël autrefois ? Relisons les versets 23 à 33 d’Ézéchiel 33, les quatre derniers surtout, et laissons la Parole toucher notre cœur et atteindre notre conscience. Que, par ce moyen, Dieu nous parle Lui-même comme seul Il peut le faire.
Et que dire de la responsabilité de ceux auxquels le Seigneur a voulu confier le soin de ses brebis, qui devraient être les « modèles du troupeau », suivant l’expression de 1 Pierre 5:3, et qui ne peuvent sans doute pas s’arrêter sur les dix premiers versets d’Ézéchiel 34 sans courber la tête ! Considérons l’état de l’Église aujourd’hui, jetons un coup d’œil sur ce qu’est devenu le témoignage de Dieu dans ce monde : brebis dispersées, proie facile pour l’adversaire à la merci duquel elles ont été si souvent laissées, pâture de toutes les bêtes des champs… Les résultats nous disent ce qu’a été le service des pasteurs du troupeau, d’une façon générale !
Les Épîtres aux sept assemblées d’Asie (Apoc. 2 et 3), qui retracent l’histoire de l’Église responsable sur la terre, mettent en lumière les manquements de ceux qui auraient dû constituer, individuellement et collectivement, un témoignage fidèle. Il est bien certain que tous, à des degrés divers, sont responsables de ce qui est mis à la charge de l’Église, aucun ne peut y échapper ; mais qui a la plus lourde responsabilité à l’égard d’un état que le Seigneur ne peut approuver si ce n’est « l’ange », c’est-à-dire la partie spécialement responsable devant Dieu, parce qu’ayant reçu un service particulier en rapport avec les besoins du troupeau ou l’administration de l’assemblée. Chacun a sa responsabilité propre, que nul ne le perde de vue, mais si quelque chose laisse à désirer, c’est à « l’ange » que le Seigneur s’adresse tout spécialement et en premier lieu.
Qu’au travers de toute la confusion et de l’humiliation qui nous conviennent aujourd’hui, il y ait cependant la parole de réconfort et d’encouragement que Dieu se plaît toujours à donner aux siens, même dans les temps les plus sombres !
Après que le mal a été dénoncé et stigmatisé, chez le peuple et chez les conducteurs du peuple, le Seigneur se présente : « Me voici, moi, et je rechercherai mes brebis, et j’en prendrai soin » (Ézéch. 34:11). Pensée consolante au travers de la souffrance que nos cœurs éprouvent ! Il veut s’occuper de son troupeau, Il prend soin de son Assemblée (cf. Éphés. 5:25 à 27). Il paîtra ses brebis — celles pour lesquelles Il a mis sa vie !— Il les fera reposer et Il cherchera celle qui est perdue, ramènera l’égarée, bandera la blessée, fortifiera la malade (Ézéch. 34:15 et 16). Si nous avons, dans ces versets, prophétiquement annoncé, ce qu’Il accomplira plus tard pour Israël, quand Il sera manifesté comme le vrai David (v. 23), nous y avons aussi une image des soins dont Il veut aujourd’hui entourer les siens, Lui le fidèle et bon Berger de ses chères brebis !
Méditons les enseignements contenus dans ces chapitrés 33 et 34 du Livre d’Ézéchiel. Nous n’avons qu’esquissé une ébauche désirant que, chacun pour soi-même, nous considérions ce que le Seigneur veut nous dire. Recevons de sa part, tout à la fois, l’exhortation et la répréhension qui nous sont peut-être nécessaires et l’encouragement dont nous avons tellement besoin ! Qu’ainsi, « rejetant tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si aisément », nous soyons rendus capables de « courir avec patience la course qui est devant nous, fixant les yeux sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi » (Hébr. 12:1 et 2).
ME 1972 p. 281-286, 315-321
Le Seigneur déclare « à l’ange de l’assemblée », à
Éphèse, Pergame et Thyatire : « J’ai contre
toi… » (Apoc. 2:4, 14,
20) ; il ajoute même, pour « l’ange » de cette dernière
assemblée : « j’ai contre toi, que tu laisses faire
… ».
Il y a donc une responsabilité au sein de l’assemblée dont le Seigneur,
tôt ou tard, demande compte ; « laisser faire », ne pas agir
quand il conviendrait d’intervenir, tolérer ce à quoi il faudrait mettre un terme,
constitue une culpabilité aux yeux de Celui qui est le Chef du corps, de l’Assemblée.
Puissions-nous en avoir pleinement conscience et veiller à ce que le Seigneur n’ait
pas à nous dire : « J’ai contre toi… ».
L’histoire de l’Église responsable peut être rapprochée, en
plusieurs points, de celle du peuple terrestre. Ézéchiel 34 donne déjà l’expression
d’Apocalypse 2 : l’Éternel charge Ézéchiel de prophétiser « contre
les pasteurs d’Israël » (v. 2). Au lieu de « paître
le troupeau », ces pasteurs n’avaient pensé qu’à leurs propres intérêts,
mangeant la graisse, s’habillant de la laine, égorgeant ce qui était engraissé.
Ils ne s’étaient pas plus occupés de nourrir l’ensemble du troupeau que de
fortifier les brebis faibles, de guérir les malades, de bander les blessées, de
ramener les égarées ou de chercher celles qui étaient perdues ; tout au
contraire, ils avaient montré envers elles « dureté et rigueur » (ib. 3:4). S’ils avaient agi ainsi, c’est parce qu’il n’y
avait dans leur cœur aucun amour, ni pour l’Éternel ni pour son peuple ;
ils ne pensaient qu’à eux-mêmes. On ne peut, en effet, faire face à de
semblables responsabilités, on ne peut paître les brebis et les agneaux, en
être vraiment le berger, s’il n’y a dans le cœur un amour profond, d’abord pour
le Seigneur et ensuite pour les rachetés du Seigneur. Pierre, entièrement
restauré, fait appel à la pleine connaissance qu’a le Seigneur de l’état de son
cœur : « tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime
» ;
et, parce que le Seigneur le savait, Il lui confie le soin des agneaux
et des brebis de son troupeau (Jean 21:15 à 17). Si un tel amour remplissait
nos cœurs, nous n’aurions sans doute pas à déplorer si souvent l’absence ou l’insuffisance
de soins pastoraux. Pour pouvoir s’occuper selon la pensée du Seigneur de son
Assemblée, de ses rachetés, le cœur doit être rempli d’amour pour Lui et pour
les objets qui lui sont chers ; lorsqu’il y a tiédeur, indifférence, l’on
n’est guère occupé que de soi, se glorifiant de ce que l’on croit posséder mais
n’ayant, en fait, rien à apporter à d’autres (cf. Apoc.
3:15 à 18).
Aussi, « parce qu’il n’y avait pas de pasteur », les brebis se trouvaient « dispersées », elles étaient « la pâture de toutes les bêtes des champs », errant « dans toutes les montagnes et sur toute haute colline », sans que « personne les ait recherchées » ou « se soit enquis d’elles » (Ézéch. 34:5, 6). La responsabilité d’un tel état de choses pèse sur les pasteurs et il leur en sera demandé compte : « Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel : Voici, j’en veux à ces pasteurs, et je réclamerai mes brebis de leur main… » (ib. 7 à 10).
Mais leur défaillance étant manifeste, l’Éternel se présente comme Celui qui, lui-même, prendra soin de ses brebis (ib. 11 et suivants). Si cette assurance est encourageante pour le peuple terrestre, ne l’est-elle pas aussi pour nous aujourd’hui ? Jamais le bon Berger, qui a acquis ses brebis au prix infini de ses souffrances expiatoires, de sa mort sur la croix de Golgotha, ne les abandonnera ! Si les pasteurs « subalternes » auxquels, par grâce, il a voulu les confier, manifestent leur insuffisance et leurs défaillances, lui, « le grand pasteur des brebis » (Héb. 13:20), s’en occupera. Il le fera parce qu’il les aime d’un amour infini, pleinement révélé dans le don de Lui-même (Jean 10:11).
Les versets 11 et suivants d’Ézéchiel 34 nous disent ce que le Seigneur accomplira dans un jour à venir et la bénédiction dont le peuple terrestre, alors restauré, jouira en abondance (v. 26 notamment), mais nous pouvons faire une application de ce passage à ce qui concerne aujourd’hui le peuple céleste.
Dans le verset 15, le Seigneur déclare ce qu’il fera pour l’ensemble du troupeau ; dans le verset 16, ce qu’il veut opérer en faveur des brebis dont l’état nécessite des soins particuliers.
« Moi-même je paîtrai mes brebis, et moi je les ferai reposer, dit le Seigneur, l’Éternel » (v. 15). N’a-t-il pas été lui-même, ici-bas, la brebis qui a goûté et apprécié les tendres soins dont il était l’objet de la part du Père, la seule brebis qui ait pu exprimer en vérité ce que David, conduit par l’Esprit prophétique, a écrit dans le Psaume 23 ? Présentement, il est le Berger qui entoure ses brebis des soins dont il a été lui-même l’objet et, davantage encore, de ceux qui n’étaient pas nécessaires pour lui, brebis toujours fidèle, mais qui sont indispensables pour les brebis que nous sommes. « Je paîtrai mes brebis », assure-t-il ; tandis que la brebis, recevant de Lui la nourriture dont elle a besoin, peut dire avec reconnaissance : « Il me fait reposer dans de verts pâturages, il me mène à des eaux paisibles » (Ps. 23:2). Nourriture, rafraîchissement, tout lui est abondamment dispensé par son berger. « Il me fait reposer », dit la brebis ; « et moi je les ferai reposer, dit le Seigneur, l’Éternel » : dans ces deux versets, le repos est lié à la nourriture. Une brebis bien nourrie connaît le repos. Demandons-nous pourquoi nous le connaissons parfois si peu, pourquoi nous sommes si souvent inquiets et agités. Ne serait-ce pas parce que nous sommes mal ou insuffisamment nourris, nous privant nous-mêmes de ce que le bon Berger se plaît à nous donner ?
Une vie bien nourrie, a écrit l’un de nos devanciers, est une vie bien remplie. C’est en effet dans la mesure où nos âmes sont nourries de la Parole, nourries de Christ, que nos cœurs s’attachent à Lui pour le suivre et le servir ; de telle sorte qu’une vie richement nourrie sera, tout à la fois, une vie active, féconde et une vie paisible, dans la jouissance d’un vrai repos. Les deux choses ne sont pas contradictoires car ce repos n’est pas inactivité ; c’est la part d’une brebis qui, connaissant son berger, sait qu’elle peut se confier en Lui et s’abandonner entièrement à ses soins. Demeurant « dans le sein de Jésus », comme autrefois le disciple que Jésus aimait (Jean 13:23), elle jouit de son amour, a la connaissance de ses pensées et peut ainsi le servir avec fidélité. Bienheureuse est la brebis qui goûte et apprécie les soins de son Berger dans les verts pâturages où il la fait reposer !
Mais toutes les brebis ne connaissent pas une telle part. Il y a
des brebis « perdues » ; elles ne seront pas abandonnées car le
Berger a promis : « La perdue, je la chercherai ». Le berger de
la parabole avait cent brebis ; quatre-vingt-dix-neuf portaient le nom de
brebis, bien qu’elles soient la figure de « justes qui n’ont pas besoin de
repentance », de propres justes qui estiment n’avoir aucune raison de se
repentir, aucun péché à confesser. Une seule était perdue : le berger s’en
va après elle « jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée » ; il n’aura
cesse ni repos qu’il l’ait ramenée « à la maison ». Quelle activité d’amour
pour chercher une brebis perdue et quels soins d’amour pour la ramener !
Elle est fatiguée, épuisée peut-être, après le long chemin qu’elle a parcouru,
n’ayant pas la nourriture des verts pâturages ; c’est pourquoi, « l’ayant
trouvée, il la met sur ses propres épaules, bien joyeux ; et, étant de
retour à la maison, il appelle les amis et les voisins, leur disant :
Réjouissez-vous avec moi
, car j’ai trouvé ma
brebis perdue » (Luc 15:3
à 7). Quelle belle illustration donne le Seigneur, dans cette parabole, de ses
soins de Berger à l’égard d’une brebis perdue ! Il ne veut perdre aucune
de ses chères brebis et il nous donne l’assurance qu’aucune ne sera perdue
(Jean 10:28 à 30).
La brebis perdue, que le Seigneur appelle « ma
brebis perdue », n’est-elle pas l’image de chacune des âmes se
trouvant dans le monde, [parmi ceux qui, à leur jugement, n’ont pas besoin de
repentance — appelés « brebis » dans la parabole, comme sont appelés
chrétiens ceux qui ont une profession de christianisme sans avoir la vie divine
—], âmes précieuses que le Seigneur veut chercher et trouver parce qu’elles lui
appartiennent : ce sont des « élus en Christ » ? Lorsque Paul et Barnabas prêchaient la Parole à Antioche de Pisidie, il est dit que « tous
ceux qui étaient destinés à la vie
éternelle crurent » (Actes 13:48).
Dans cet auditoire il y avait des brebis perdues, toutes ont été
« trouvées » ; pas un seul de « ceux qui étaient destinés à
la vie éternelle » n’est reparti sans avoir été atteint, sans avoir
accepté le salut. Ne peut-il arriver aujourd’hui que l’évangile soit présenté
sans que peut-être aucun de « ceux qui sont destinés à la vie
éternelle » le reçoive à ce moment-là ? Nous n’avons pas su, s’il en
est ainsi, chercher et trouver les brebis perdues, les amener au milieu du
troupeau de Dieu. — Que la question de l’élection ne trouble personne !
Nous savons bien que l’ennemi s’en sert pour dire à une âme : si vous
faites partie de « ceux qui sont destinés à la vie éternelle », ne
vous mettez pas en peine, vivez à votre guise, vous aurez quoi qu’il en soit
votre place dans le ciel ; si vous n’en faites pas partie, vous pourrez
vous consumer en vains efforts pour obtenir le salut, vous ne l’aurez jamais,
vous pouvez donc au moins jouir sans réserve des plaisirs du monde. Un tel
raisonnement ne peut provenir que de l’adversaire de nos âmes, nous le
comprenons bien. Dieu nous parle tout autrement : Il invite l’homme
pécheur à accepter aujourd’hui le salut offert gratuitement et qui est sur le
principe de la foi en Christ et en son œuvre parfaite ; toute âme est
responsable de l’accepter ou de le refuser. Jésus lui-même a dit :
« Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi » (Jean 6:37). Quelqu’un pourra-t-il jamais
prétendre que, comme un pécheur repentant, il est allé à Jésus Christ le
Sauveur et qu’il a été repoussé ? C’est impossible. L’élection, c’est le
côté de Dieu, ce n’est pas notre affaire ; nous, nous sommes responsables
de croire en Jésus et le motif de la condamnation éternelle des impies ne sera
pas le fait de ne pas avoir été élu, mais bien celui que Jésus a révélé lors de
son entretien avec Nicodème : « Celui qui croit en lui n’est pas
jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu
» (Jean 3:18).
Il est aussi des brebis qui s’éloignent du troupeau et s’engagent dans un chemin d’égarement ; « l’égarée » est une brebis qui a déjà pris place dans le troupeau de Dieu, mais qui s’en écarte. Le berger veille sur chacune de ses brebis, aussi va-t-il intervenir pour ramener celle qui s’est égarée. Il a son bâton afin de chasser le loup, pour lequel une brebis égarée est une proie facile ; il a aussi sa houlette afin de ramener la brebis vers le troupeau. La houlette est un long bâton terminé par une sorte de cuiller en fer, ou de plaque en forme de gouttière, qui sert au berger pour prendre et lancer des mottes de terre, non pas sur la brebis qui s’éloigne mais au-delà du point où elle se trouve, de manière à ce qu’elle s’arrête et revienne vers le troupeau. La houlette et le bâton (Ps. 23:4) nous présentent, a-t-on dit, l’ensemble des soins variés de la discipline ; c’est dans son amour pour elles que le berger exerce cette discipline envers les brebis qui s’égarent ; de sorte que la houlette et le bâton donnent à la brebis l’assurance que le berger veille sur elle : elle trouve là une consolation.
Les deux disciples s’en allant à Emmaüs étaient deux brebis qui s’éloignaient du troupeau. Lequel parmi « les onze » s’est enquis de savoir pourquoi ces deux disciples tournaient le dos à Jérusalem et lequel d’entre eux est allé pour les ramener ? Il ne nous est parlé d’aucun. Mais le Seigneur, lui, va en prendre soin et avec quelle grâce il le fait ! Tout d’abord, il les amène à « s’ouvrir », à dire le sujet de leur tristesse et ce qui remplissait leurs cœurs (Luc 24:13 à 24). N’est-ce pas ainsi qu’il convient d’agir envers des brebis égarées ? Ensuite, après que ces deux disciples ont ouvert leurs cœurs, Jésus va leur ouvrir les Écritures et placer devant eux Celui qui les remplit. Lorsqu’ils arrivent à Emmaüs, le Seigneur « fit comme s’il allait plus loin ». C’était, à n’en pas douter, pour mettre à l’épreuve l’état de leur cœur : les paroles qu’ils venaient d’entendre étaient-elles déjà oubliées ou, au contraire, avaient-elles opéré en eux ? La Personne de Christ, ses souffrances, ses gloires avaient-elles fait vibrer leurs cœurs ? Certes, et ils le diront un peu plus tard : « Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu’il nous parlait par le chemin, et lorsqu’il nous ouvrait les écritures ? » Aussi, ils insistent pour que celui qui ne s’était pas encore fait connaître à eux, entre et reste avec eux : « Demeure avec nous, car le soir approche et le jour a baissé » ; et lorsque, à table, Jésus prit le pain, bénit et le leur distribua, « leurs yeux furent ouverts, et ils le reconnurent ; mais lui devint invisible et disparut de devant eux ». Il ne désirait pas demeurer avec eux à Emmaüs, il voulait que les deux brebis égarées rejoignent le troupeau à Jérusalem, ce qu’ils firent « se levant à l’heure même ». Le repas était sur la table, la nuit était là, le trajet était long, mais rien ne pouvait les retarder. Arrivés parmi « les onze », au sein du troupeau, ils ont quelque chose à apporter, combien précieux : ce qu’ils avaient reçu du Seigneur lui-même ! « Et ils racontèrent les choses qui étaient arrivées en chemin, et comment il s’était fait connaître à eux dans la fraction du pain » (ib. 25 à 35). Des brebis égarées, une fois ramenées, peuvent avoir une parole à dire, un utile service à remplir — tel Pierre après sa restauration, selon ce que le Seigneur lui avait dit : « quand une fois tu seras revenu, fortifie tes frères » (Luc 22:32).
Ayons à cœur d’imiter le bon Berger dans son service d’amour envers des brebis égarées ! — Ajoutons qu’il s’agit d’un service un peu différent lorsqu’il convient de s’occuper d’une personne exclue de la communion des saints. Une telle personne est sans doute, la plupart du temps, une brebis qui s’est égarée et envers laquelle des soins pastoraux ont dû être exercés, mais ces soins — ceux dont il est question en Ézéchiel 34:16 — se sont révélés inefficaces, soit en raison de l’état de la personne, soit en raison de manquements de la part de celui, ou de ceux qui les ont exercés ; de sorte que le retranchement a dû être prononcé. C’est alors le « sacrificateur » qui doit intervenir pour voir l’état de la plaie et, le cas échéant, aider à la confession du péché et à la restauration du coupable.
Que de brebis blessées au sein du troupeau ! Beaucoup plus que nous ne pensons, sans doute. Que faisons-nous pour elles ? Souvent, rien ! Il est parfois des blessures cachées, des plaies ignorées et dont ne veulent pas parler les brebis qui en souffrent. Le silence est gardé, dans certains cas, parce que ceux qui aimeraient pouvoir s’ouvrir à un frère et recevoir secours et consolation ne sont pas pleinement assurés de la discrétion de celui auquel ils auront montré leur blessure. Il peut y avoir aussi d’autres raisons qui conduisent des brebis blessées à souffrir en silence sans rechercher les soins d’un pasteur. Et y a-t-il toujours un pasteur prêt à secourir ? Comme il serait à désirer — demandons-le plus instamment dans les réunions de prières et dans nos prières individuelles — qu’il y ait des cœurs assez dévoués pour s’occuper des brebis blessées, des frères qui sachent imiter l’exemple du Samaritain de la parabole ! Ayant vu le pauvre blessé au bord du chemin, loin de se détourner, il « vint à lui ». On n’aime généralement pas voir une plaie, qu’elle soit physique ou morale ; le Samaritain « le voyant, fut ému de compassion, et s’approcha et banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin ». Il n’a pas reculé et sans doute s’est-il mis à genoux pour soigner et bander les plaies de celui qu’il a ensuite placé sur sa propre monture, afin de le conduire jusqu’au lieu où désormais il devait être en sûreté et apprécier les soins de l’hôtelier qui disposait pour cela des ressources laissées par le Samaritain. Jésus dit alors au docteur de la loi qui l’avait interrogé : « Va, et toi fais de même » (Luc 10:33 à 37). Si nous savions « faire de même » !
Il y a enfin des brebis malades. Sans doute le sont-elles en bien des cas parce qu’elles sont mal, insuffisamment ou peut-être même pas du tout nourries. Lorsque nous voyons des brebis malades — spirituellement parlant — nous sommes donc amenés à nous poser la question : la nourriture nécessaire leur a-t-elle été dispensée ? L’apôtre Paul adressait aux anciens d’Éphèse cette exhortation : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau, au milieu duquel l’Esprit Saint vous a établis surveillants, pour paître l’assemblée de Dieu, laquelle il a acquise par le sang de son propre fils » ; l’apôtre Pierre écrit dans sa première Épître : « J’exhorte les anciens qui sont parmi vous, moi qui suis ancien avec eux, et témoin des souffrances de Christ, qui aussi ai part à la gloire qui va être révélée : paissez le troupeau de Dieu qui est avec vous, le surveillant non point par contrainte, mais volontairement, ni pour un gain honteux, mais de bon gré, ni comme dominant sur des héritages, mais en étant les modèles du troupeau ; et quand le souverain pasteur sera manifesté, vous recevrez la couronne inflétrissable de gloire » (Actes 20:28 ; 1 Pierre 5:1 à 4). Paître l’assemblée de Dieu, paître le troupeau de Dieu, telle est l’une des responsabilités qui incombe aux anciens, comme aussi aux frères ayant reçu pour cela un don à exercer dans l’ensemble du corps et pas seulement, comme les anciens, dans une assemblée locale. « L’assemblée de Dieu » donne plutôt la pensée de la position élevée dans laquelle se trouvent placés les rachetés de Christ, constituant l’Assemblée qui est son corps ; « le troupeau de Dieu » dit leur grande faiblesse, nous rappelle que la brebis est l’un des animaux les plus inintelligents qui soient. Sans jamais perdre de vue ni la grandeur de l’Assemblée, ni l’extrême faiblesse de ceux qui la composent, il convient de donner aux brebis et aux agneaux la nourriture indispensable pour les fortifier et assurer leur croissance. Si cette nourriture fait défaut, si elle est insuffisante, si elle n’est pas assez riche et substantielle, le troupeau demeurera affaibli. Peut-être certaines brebis trouveront-elles, elles-mêmes, la nourriture dont elles ont besoin, mais d’autres, moins diligentes, demeureront faibles et débiles — et, de toutes manières, le manque de nourriture solide dans l’assemblée est une perte pour tous. Or, la maladie atteint plus facilement un organisme débile, ayant par conséquent moins de résistance, que ce soit dans le domaine physique ou dans le domaine spirituel. De sorte qu’une brebis malade a besoin, avant tout, d’être fortifiée et c’est pourquoi le bon Berger assure : « la malade, je la fortifierai ». Lorsque la brebis malade est fortifiée, elle est sur le chemin de la guérison, sinon complètement guérie. — N’oublions pas que pour nourrir le troupeau, il faut d’abord se nourrir soi-même ; pour rafraîchir les saints, il faut avoir réalisé la valeur de cette parole du Seigneur : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, selon ce qu’a dit l’écriture, des fleuves d’eau vive couleront de son ventre » (Jean 7:37, 38).
Pensons avec plus d’affectueux intérêt, d’amour et de dévouement à toutes les brebis qui ont besoin de soins particuliers, aux brebis perdues, égarées, blessées ou malades, demandant au Seigneur qu’il nous donne la sagesse nécessaire, la parole à-propos pour remplir un service dont nous comprenons la difficulté si nous avons parfois essayé de le remplir. N’oublions pas aussi qu’il convient de donner une riche nourriture à l’ensemble du troupeau ; certes, le Seigneur s’en occupe Lui-même et nous sommes heureux d’avoir cette assurance, mais il veut aussi, par grâce, employer les siens dans l’accomplissement d’une tâche utile entre toutes. C’est une responsabilité mais encore un privilège que de la remplir fidèlement.
Après avoir dit ce qu’il fera lui-même pour les brebis perdues, égarées, blessées, malades, l’Éternel ajoute : « mais je détruirai la grasse et la forte » (Ézéch. 34:16). Il y a parmi les brebis du troupeau des personnes qui portent le nom de brebis — image de ceux qui portent le nom de chrétien sans avoir la vie de Dieu — mais qui sont des brebis « grasses » ou « fortes » : elles vont au-devant du jugement. Une brebis « grasse » est une brebis qui n’est pas féconde — figure de chrétiens de nom qui ne portent aucun fruit pour Dieu et qui ne le peuvent parce qu’ils n’ont pas l’activité de la vie divine, sarments dans le cep sans doute, mais de ceux qui seront ôtés par le cultivateur, jetés dehors, amassés et mis au feu (Jean 15:2, 6). Une brebis « forte » est une brebis qui ne connaît que sa volonté propre et voudrait l’imposer au troupeau, parmi lequel elle apporte du trouble ; c’est l’image de personnes se trouvant au sein de la chrétienté, mais qui sont toujours « dans la chair », qui ne sont guidées que par la volonté de la chair et des pensées et manifestent un esprit autoritaire et dominateur. De même que les brebis grasses, elles auront eu le privilège de se trouver parmi les brebis du bon Berger, au sein même du troupeau — leur responsabilité s’en trouve accrue — mais sans le connaître, Lui, comme le Berger qui a mis sa vie pour ses brebis. Elles n’ont devant elles que le jugement.
Apprécions toujours davantage la faveur qui est la nôtre d’être des brebis du bon Berger, apprenons à mieux le connaître en goûtant les soins dont il entoure son troupeau, chacune de ses brebis et, jouissant d’aussi précieux privilèges, ne perdons pas de vue les responsabilités qui nous incombent : paître le troupeau et le faire reposer, chercher les brebis perdues, ramener celles qui sont égarées, bander celles qui sont blessées, fortifier celles qui sont malades — enfin, avertir les « grasses » et les « fortes » qu’elles vont au-devant du jugement si elles persistent à ne vouloir connaître ni le Berger ni le prix qu’il a payé pour avoir ses brebis !
Titre original : À propos de Jean 13:1 à 17 et Matthieu 18:15
ME 1954 p. 288-292
La circonstance envisagée en Matthieu 18:15 est sans doute un cas particulier de Jean 13:1 à 17.
Dans ce dernier passage, il est question du « lavage des pieds ». Voilà un frère qui chemine, gardant à ses pieds la souillure que l’on contracte en marchant dans ce monde. Le Seigneur veut remplir à son égard le précieux service d’Avocat qu’Il exerce en Jean 13. Mais qui de nous pourrait dire qu’il ne lui est jamais arrivé, en quelque sorte, de « refuser » ce service ? Et, dans le cas supposé, il s’agit bien de quelqu’un qui va son chemin, ne laissant pas le Seigneur lui laver les pieds. Que faut-il faire à son égard ? Peut-être sera-t-on porté à raisonner ainsi : il n’y a aucun doute, c’est une brebis du bon Berger ; par conséquent, le Seigneur en prendra soin, point n’est besoin de nous mettre en peine, laissons agir Celui qui est beaucoup plus sage que nous ! Il n’y a là qu’un aspect de choses ; ne pas voir le second nous conduirait à manquer à notre responsabilité. Se retirer en arrière est certes plus facile et cela ne demande aucun exercice ; en outre, l’on ne risquera pas d’être, par la suite, plus ou moins critiqué pour avoir dit ou fait telle ou telle chose. Seulement, c’est perdre de vue qu’il y a des soins dont il convient d’entourer chaque brebis, comme aussi le troupeau. Et si même cela peut nous amener à connaître incompréhension ou reproches, qu’importe pour celui qui, exercé avec le Seigneur, a conscience de L’avoir servi quelque faiblement et imparfaitement que ce soit, et d’avoir son approbation !
De sorte qu’il ne conviendrait pas de refuser d’aller « laver les pieds » à un frère, lorsque cela apparaît utile. Mais, avant d’aller, une première question se pose : sommes-nous en état de remplir ce service ? Pour cela, il est indispensable de se mettre aux pieds de son frère. Irons-nous le trouver dans cette disposition de cœur ou, au contraire, avec un sentiment de supériorité, caché peut-être — ce qui serait pire ! — sous une apparente humilité ? Si un tel sentiment est dans le cœur, mieux vaut sans aucun doute rester chez soi. Nous avions un bon désir, mais nous ne sommes pas dans l’état moral convenable pour remplir un service selon Dieu. C’est dans l’humilité, une humilité réelle, vraiment sentie et qui touche le cœur et la conscience — non pas une humilité qui essaierait de s’exprimer par quelques paroles de circonstances et qui, au fond, ne serait pas de l’humilité — qu’il faut aller voir celui auquel il est nécessaire de « laver les pieds ».
L’eau dont il convient de se servir pour cela, c’est la Parole. Gardons-nous d’oublier qu’elle ne sera utile et efficace que dans la mesure où elle sera présentée dans la dépendance de l’Esprit. Nous ne savons pas lire en celui que nous allons servir, Dieu seul connaît et sonde le cœur ! Tel passage nous semblerait très opportun et peut-être ne s’applique-t-il pas du tout dans cette circonstance et n’aurait-il d’autre effet que d’irriter la chair. Seul l’Esprit de Dieu nous donnera ce qui est approprié, ce qui peut toucher le cœur, atteindre la conscience, réveiller les affections pour Christ, mettre en activité le nouvel homme. La Parole, que le Saint Esprit applique ainsi à notre conscience pour la purifier, nous présente Christ. Et Christ présenté à nos âmes, c’est le vrai « lavage des pieds ». Sa personne, son humanité parfaite, son amour insondable sont placés devant nous de telle manière que notre cœur est remué et notre conscience atteinte. Nous sommes ainsi amenés au jugement de nous-mêmes. Le Saint Esprit, agissant en nous, coopère à ce travail qui est le résultat du service rempli par le Seigneur Lui-même comme Avocat auprès du Père.
Et comme le Seigneur, ayant lavé les pieds de ses disciples, les essuyait avec un linge, il convient aussi de prendre le linge après avoir employé l’eau. Quelle délicatesse cela implique, quels soins attentifs, quel tact ! Pour tout dire : quel amour ! Amour pour le Seigneur, amour pour celui vers lequel nous sommes venus afin de remplir un aussi beau service. Non pas un amour dont on parle et qui n’est pas senti, mais un amour vrai, dont on n’a pas besoin de parler et qui, manifesté « en action et en vérité » (1 Jean 3:18), ne peut pas ne pas être senti !
Ne soyons pas surpris que, si souvent, des visites faites à un frère vers lequel nous étions allés pour lui laver les pieds aient donné de si douloureux résultats ! Était-ce parce que l’état de ce frère, comme nous l’avons probablement supposé et peut-être affirmé, était vraiment très mauvais ? Ne serait-ce pas plutôt parce que nous-mêmes n’étions pas dans l’état qui convenait ? C’est de nous-mêmes que nous avions besoin de nous occuper, avant de prétendre nous occuper d’un autre ! Nous allions, hypocritement, ôter « le fétu » de son œil, alors que nous aurions dû, en premier lieu, enlever « la poutre » qui était dans le nôtre (cf. Matt. 7:1 à 5). Et cela est d’autant plus grave que, dans nombre de cas, si nous avions été dans l’état requis pour remplir ce service, nous aurions pu ramener celui que nous visitions à la jouissance d’une heureuse communion avec le Seigneur, tandis que nous n’avons réussi qu’à l’endurcir et à l’éloigner un peu plus !
Ce n’est pas en allant vers notre frère pour lui rappeler ses fautes et juger sa conduite que nous pourrons lui « laver les pieds » — manière d’agir trop communément employée et qui ne peut conduire au résultat désiré. Le lavage des pieds, c’est tout autre chose ! Comme nous l’avons déjà remarqué, c’est se mettre plus bas que son frère, toucher son cœur en lui présentant Christ afin que sa conscience soit atteinte. Une leçon de morale irritera ou, en tout cas, découragera.
En Matthieu 18:15, celui qui va vers son frère est personnellement en cause : c’est contre lui que la faute a été commise. C’est, par conséquent, un cas beaucoup plus difficile.
On a vite dit : Un tel a péché contre vous ? Mais il n’y a pas d’hésitation possible, Matthieu 18:15 dicte votre ligne de conduite ; dépêchez-vous d’aller voir celui qui vous a fait ce tort, n’attendez pas que le fossé se creuse davantage entre vous. Il y a une injonction : Va… — Certes, Matthieu 18:15 dicte la ligne de conduite, mais comment se termine le passage ? « …tu as gagné ton frère ». « Gagner son frère », voilà la chose qui importe et que, pourtant, l’on perd généralement de vue. Le « reprendre », on y est tout disposé, mais on oublie que ce n’est pas là une fin en soi ; le but, c’est de le « gagner ».
Parce que l’on est directement en cause, le moi est vite en avant ; et alors que la répréhension devrait être exercée avec assez de doigté et assez d’amour vrai pour que le frère soit « gagné », elle ne devient souvent que la revendication de nos droits, ou plutôt de ce que nous estimons être nos droits ! Comment donc sera-t-il « gagné » celui qui ne verra et ne sentira chez son visiteur que chair irritée, amour-propre et orgueil blessés ? S’il est spirituel — bien qu’en quelque chose il ait pu manquer — les conséquences ne seront probablement pas aussi fâcheuses qu’on pourrait le craindre et la grâce de Dieu peut même agir en dépit de l’action regrettable du visiteur, car Il a toujours la prérogative de tirer le bien du mal. Mais, dans le cas contraire, une telle intervention peut être néfaste au plus haut degré et le visiteur le mettra vite à la charge du visité, alors que lui porte la plus lourde responsabilité car, dans des cas semblables, celui qui a fait la démarche est généralement dans un état qui ne lui permet pas de discerner qu’il aurait mieux fait de s’abstenir.
Combien elles peuvent être utiles et efficaces des visites faites selon l’enseignement de Jean 13 ou de Matthieu 18:15, dans l’esprit d’humilité et de grâce qui convient ! Mais qui dira le mal qui peut résulter de visites faites avec précipitation, sans réflexion suffisante, sans qu’il y ait eu l’exercice nécessaire, le jugement de son propre état, « la poutre » enlevée !