Paul Fuzier
ME 1949 p. 60. Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest
Table des matières :
2 - La libre action du Saint Esprit : Une vérité retrouvée et reperdue
4 - Culte et réunions de prières : préparation préalable personnelle
5 - Réunion pour l’édification
7 - Toutes sortes d’exercices spirituels
À l’action puissante et rafraîchissante du Saint Esprit, n’avons-nous pas, trop souvent, substitué une action routinière ? Et n’est-ce pas une des raisons pour lesquelles nous ne recueillons pas, dans le rassemblement, toutes les bénédictions que le Seigneur voudrait nous y dispenser ? — Ce qui est rituel n’est généralement pas spirituel et c’est ce qui est donné par l’Esprit qui apporte à nos âmes la bénédiction divine.
Les vérités concernant la libre action du Saint Esprit dans l’assemblée sont parmi celles qui ont été remises en lumière il y a un peu plus d’un siècle. Nos devanciers sont alors sortis d’un milieu où, cette action étant méconnue, le service dans le rassemblement était ordonné à l’avance et laissé à la charge d’un ministre du culte, consacré par les hommes. Obéissant à la Parole, ils ont réalisé ce qu’est la réunion de l’assemblée ; il y a eu bénédiction et accroissement spirituel. C’est ainsi que le témoignage a prospéré. Les générations qui ont suivi ont reçu cet enseignement et ont goûté les mêmes privilèges — privilèges que nous pouvons savourer encore aujourd’hui, malgré notre grande faiblesse. N’y a-t-il pas cependant une certaine tendance à retourner à ce que nos devanciers ont abandonné ? — La routine avec laquelle les choses se passent parfois est la preuve de cette tendance, elle est aussi de nature à la fortifier. C’est pourquoi il faut ouvrir nos yeux sur ce danger très réel, si nous désirons la vie et la prospérité des assemblées. La libre action du Saint Esprit doit être un fait et non pas seulement une doctrine.
Qui de nous n’a été amené à faire cette constatation : dans telle assemblée locale, on se repose à peu près entièrement sur un frère qui est seul à agir devant tous les autres frères assoupis, assurant le service comme le ferait un ministre officiellement investi de cette charge. Il peut y avoir deux raisons différentes d’un tel état de choses. La première est celle-ci : un frère a pris l’habitude d’agir, peut-être avec précipitation — il se considère comme un pasteur en charge, de sorte qu’une routine s’est établie et on a fini par trouver cela normal, ou bien on le supporte avec patience et résignation, souffrant en silence. Est-il besoin de dire que, dans un cas semblable, l’Esprit est entravé dans sa libre action ? — Mais il peut y avoir une seconde raison : un manque d’exercice chez les frères, un assoupissement spirituel les conduit à s’attendre à celui qui exerce seul une activité dans l’assemblée. Il exerce seul cette activité non parce qu’il s’est imposé comme pasteur, mais parce que des frères gagnés par le sommeil spirituel, ont été heureux d’avoir un pasteur ! Dans ce cas-là, la première responsabilité de celui auquel on a laissé la charge du service dans l’assemblée est évidemment de réveiller ceux qui dorment et d’exercer un ministère qui tende à retrouver la liberté de l’action de l’Esprit. Manquer à cette responsabilité montrerait que l’on a peu compris ce qu’est l’assemblée.
Il va sans dire que
nous parlons surtout des réunions pour le culte et des réunions de prières. Combien
il est fâcheux d’entendre toujours les mêmes voix dans ces réunions alors qu’il
y a tant de bouches fermées ! De sorte qu’il y a des frères — parfois un seul
qui ont l’habitude d’agir, d’autres qui ont l’habitude de se taire. N’est-ce pas,
en vérité, un retour vers ce que nos devanciers ont abandonné ? N’est-on pas
sur la voie qui conduit au clergé ? — Il n’en serait certainement pas ainsi
s’il y avait chez tous — frères et sœurs — un exercice individuel avec le Seigneur
quant au culte que nous sommes appelés à offrir ensemble, quant aux besoins que
nous avons à présenter dans la prière en commun. Il y a, pour le culte, une préparation
indispensable : Deutéronome 26 nous montre que nous devons chacun entrer dans
le pays, le posséder et y habiter pour y recueillir les fruits qui seront placés
dans la corbeille (nous savons ce que cela signifie pour nous). L’israélite était
invité à rappeler tout ce que l’Éternel avait fait pour son peuple (Deut. 26:7-9)
et les fruits qu’il apportait étaient bien la preuve qu’il était entré dans le pays,
qu’il le possédait et qu’il y habitait. Si nous avons réalisé ces trois choses,
pourrons-nous venir « vers le sacrificateur » avec des corbeilles vides ?
— De même pour les réunions de prières. Si nous avons été occupés des besoins de
l’assemblée, des besoins des saints, nous sera-t-il possible de demeurer la bouche
fermée ? On l’a dit souvent : il n’y a pas de dons de prières. Le frère
le plus simple, le plus jeune dans la famille de la foi, peut exprimer librement,
conduit par l’Esprit
, les besoins au sujet
desquels il a été exercé. Que seraient les réunions de culte et les réunions de
prières si un exercice avec le Seigneur avait eu lieu pour chacun, dans le particulier,
et s’il y avait ensuite une entière dépendance de l’Esprit lorsque les saints sont
rassemblés ! Le Saint Esprit pourrait sans doute employer plus souvent tel
ou tel frère chez lequel l’exercice aura été plus profond, mais on ne verrait pas
deux classes de frères : ceux qui agissent et ceux qui se taisent — encore
bien moins un frère prenant sur lui seul, ou à peu près, toute la réunion.
La chose est différente — en un certain sens — lorsqu’il s`agit d’une réunion d’assemblée pour l’édification, car là intervient l’exercice des dons. Si tous sont sacrificateurs pour adorer, si tous peuvent exprimer librement un besoin senti, au cours d’une réunion de prières, tous ne sont pas qualifiés pour enseigner dans l’assemblée. Cependant, là encore, il convient de réaliser une entière dépendance de l’Esprit et de s’attendre au Seigneur pour qu’Il donne ce qui est nécessaire à l’édification de l’assemblée. Le Saint Esprit peut se servir d’un frère pour exprimer quelques courtes pensées qui feront du bien à tous. Une action précipitée serait susceptible d’éteindre l’Esprit et d’arrêter celui qui avait « cinq paroles » pour édifier l’assemblée.
Nous avons vite fait de prendre des habitudes, de nous accoutumer à ce qui devient une routine. Mais, si nous sommes exercés avec le Seigneur, nous ne pourrons pas ne pas souffrir d’un tel état de choses. Gardons-nous cependant de chercher à remplacer une routine par ce qui deviendrait vite une autre routine. Le seul remède au mal dont nous souffrons est celui-ci : il est nécessaire que nous recherchions individuellement le développement de la vie spirituelle, que nous vivions le christianisme, non pas ce christianisme intellectuel qui est l’un des principaux écueils pour notre génération et surtout pour celle qui nous suit, mais la vie cachée avec le Seigneur, les relations intimes et personnelles cultivées dans nos cœurs avec Celui qui seul est l’aliment de la vie nouvelle. Les soeurs aussi bien que les frères ont à le réaliser pour la prospérité du témoignage. Mais les frères surtout, ceux qui ont l’habitude d’agir, de trop agir, d’agir par routine, afin qu’ils soient gardés dans la dépendance qui convient, ne privant pas l’assemblée de ce que l’Esprit veut donner — ceux qui ont l’habitude de se taire, afin qu’ils deviennent des instruments préparés par Dieu pour être utiles dans l’assemblée. L’Esprit pourra alors exercer librement, dans le rassemblement, son activité bienfaisante, chacun des membres du corps fonctionnant à sa place, soit dans le silence, soit dans une action qui sera en bénédiction à tous.
Encore une remarque. Dans les milieux dont nos devanciers se sont retirés, le service est réglé à l’avance et se déroule sans aucune interruption. Aussi, bien des personnes étrangères, assistant à une réunion d’assemblée, sont étonnées des silences qui s’interposent entre les diverses actions. Elles les trouvent tout à fait regrettables. Sans doute, ces silences peuvent résulter de la pauvreté spirituelle de l’assemblée. Dieu les permet pour nous exercer, pour nous amener à toucher du doigt notre grande faiblesse, afin que nous soyons conduits à nous tourner vers Celui qui veut nous enrichir. Proposer le chant d’un cantique, lire ou prier à seule fin d’éviter ces silences montrerait que l’on a peu compris la pensée de Dieu ; ce serait un obstacle à l’accomplissement du travail qu’il veut opérer pour la bénédiction de l’assemblée. Dans cette action, qui n’est pas selon l’Esprit, il n’y aurait aucune bénédiction ; elle empêcherait un exercice utile, susceptible de conduire les saints à réaliser leur pauvreté et à comprendre combien il est nécessaire de boire à la source (Jean 7:37-38). Mais les silences ne sont pas toujours la marque d’une pauvreté spirituelle ; ils sont parfois extrêmement précieux. Dans les réunions de culte en particulier, c’est souvent l’adoration muette de l’assemblée. Ce courant d’adoration est fâcheusement interrompu par l’action déplacée d’un frère qui a voulu rompre le silence, qui a pensé qu’il fallait agir pour remplir le temps ! — Une réunion commence souvent par un tel silence. C’est une erreur de croire qu’elle débute lorsqu’on indique un cantique. Elle peut fort bien commencer — dirons-nous qu’il devrait généralement en être ainsi ? — par un moment de recueillement, par l’adoration muette de l’assemblée ou par une prière exprimée, dans le silence, par tous les cœurs. C’est chose grave et sérieuse que de rompre ce silence ! Il y a peu d’actions qui demandent autant d’exercice et de dépendance de l’Esprit, puisqu’elle va influer sur tout le cours de la réunion. Comme il est nécessaire, là encore, d’être gardé d’agir par habitude !
Que Dieu nous accorde à chacun d’être attentifs à un danger aussi sérieux ! Soyons exercés devant Lui afin d’éviter toute action dans l’assemblée qui ne serait pas l’action de l’Esprit. Réprimons toute activité de la chair. Cette pensée a été exprimée par l’un de nos plus anciens conducteurs beaucoup appréciés : « Je n’ai jamais pu comprendre que l’assemblée de Dieu puisse être le seul lieu où la chair soit libre d’agir sans être réprimée ; c’est une folie de penser qu’il doive en être ainsi. Je désire que la plus complète liberté soit donnée à l’Esprit, mais aucune quelconque à la chair » (JND). Si nous n’avons pas le sentiment que l’Esprit de Dieu nous dirige pour telle ou telle action, il convient de garder la bouche fermée. Peut-être objectera-t-on : mais alors, il risque d’y avoir de longs silences et cela peut conduire au désordre ? Pense-t-on établir l’ordre selon Dieu par une action qui n’est pas une action de l’Esprit ? — Et si les silences sont trop longs, démontrant que nous n’avons rien, cela ne nous conduira-t-il pas à crier au Seigneur ? Cela ne produira-t-il pas en nous un travail dont les résultats seront pour la bénédiction de l’assemblée ? Tandis qu’il n’y a aucune bénédiction dans une action dont l’objet est seulement d’éviter un silence et de remplir le temps. N’oublions pas que l’édification de l’assemblée, sa prospérité, son enrichissement sont liés à la libre action du Saint Esprit.