ET FRAGMENTS RELATIFS À L'HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA BIBLE
Daniel LORTSCH, Agent général de la Société Biblique Britannique et Étrangère
Préface de M. le pasteur Matthieu LELIÈVRE
1910
Le texte publié par Bibliquest contient tout le livre original, hormis quelques illustrations, la partie relative au colportage, des remerciements et un sonnet de R.S. ; les errata, corrections et additions publiés à part et séparément, ont été pris en compte. Bibliquest partage la plupart des opinions de l’auteur, mais pas toutes.
Partie 3 : Oeuvre Biblique en France au 19° siècle — Versions non protestantes
Table des matières :
Retour à la table des matières générale de l’Histoire de la Bible de D. Lortsch
16 - Chapitre 13 — L'œuvre Biblique en France au 19° siècle
16.3 - Agence française de la Société biblique britannique et étrangère
16.3.3 - Pour nos missions françaises
16.3.4 - Société nationale pour une traduction nouvelle des livres saints en langue française
17 - Chapitre 14 — Versions catholiques
18 - Chapitre 15 — La Version de Sacy
18.3 - Pouvons-nous répandre cette version ?
19 - Chapitre 16 — Versions Israélites
21 - Chapitre 18 — Le prix de la Bible autrefois
21.2 - Comment faire pour les lire
21.3 - Depuis l'invention de l'imprimerie
22 - Comparaison de quelques versions
23 - Sonnets pour servir d'Introduction aux Fragments et à l'Aperçu sur le colportage biblique
La disette de Bibles, en France, avant ou même au commencement du Réveil, était effrayante.
« Depuis plus de cent-vingt ans, a écrit M. Frank Puaux, on n'en avait pas fait paraître en France en raison de l'effrayante persécution qui avait atteint les réformés. Celles qui avaient échappé aux persécuteurs se conservaient dans les familles, et la Sainte Écriture était devenue un livre de bibliophile qui se rencontrait çà et là dans les ventes. Cette disette était si grande que, dans nombre d'Églises, il y avait des recueils manuscrits de passages des Écritures ».
Stouber, pasteur au Ban de la Roche avant Oberlin, avait fait venir de Bâle cinquante Bibles françaises, mais estimant ce nombre insuffisant, il partagea chaque Bible en trois parties, qu'il fit relier chacune en fort parchemin, si bien qu'avec ses cinquante Bibles il en eut cent cinquante. Il les plaça dans les écoles, et permit aux élèves de les emporter chez eux, dans leurs villages (*).
(*) Un catholique romain entrant dans une maison de l'un de ces villages, aperçut à la fenêtre un livre épais muni d'un fermoir. Sachant que les Bibles étaient ainsi faites, il prit le volume, en regarda le titre, et demanda si l'on pouvait se procurer une Bible pareille pour deux écus. Celui à qui cette Bible appartenait lui ayant répondu que cela était possible, le catholique lui jeta deux écus et s'enfuit en emportant la Bible.
Oberlin, lui, s'y prit un peu autrement, mais fut paralysé, lui aussi, par la disette de Bibles.
Il acheta à grands frais trois Bibles et les confia à trois pauvres villageois qui allaient les lire de chaumière en chaumière, les prêtant pour un jour ou pour quelques heures. C'étaient de véritables colporteurs. Leurs travaux ne furent interrompus que lorsque les trois Bibles furent usées, à force de passer par tant de mains plus accoutumées à conduire la charrue qu'à feuilleter des livres.
(Il faut remarquer
l'importance attachée par le grand pasteur missionnaire à l'Évangélisation par la Bible
).
En 1802, des chrétiens anglais délégués par la Société des Missions de Londres pour faire une enquête à Paris, ne purent pas, malgré trois jours de recherches, mettre la main sur un seul exemplaire des Écritures.
En 1825, à Saint Hippolyte-du-Fort (Gard), pour une population protestante de 5.300 âmes, il n'y avait que 100 Bibles ou Nouveaux Testaments. En 1828, à Montcaret (Dordogne), il y avait 3.000 protestants sans une seule Bible. En 1831, à Saint-Jean-duGard, pour 3.464 protestants, il n'y avait que 74 Bibles. Que peut être la vie chrétienne et la vie missionnaire là où il y a une telle disette de la Parole de Dieu ?
C'est l'action de la Société biblique britannique et étrangère, « mère et modèle, a dit M. Douen, de toutes les associations du même genre », qui a fait cesser cette disette. Il y eut cependant des efforts remarquables qui précédèrent ou accompagnèrent les siens.
Une Société biblique française
s'était constituée à Londres en 1792.
« Le but qu'on se propose, disait le prospectus qu'elle envoya aux chrétiens de
France, est de procurer autant qu'il sera possible des Bibles françaises aux
Français dans une langue intelligible pour eux ». Il y eut une correspondance
commencée avec des chrétiens de Paris, et un traité passé avec un imprimeur,
auquel 4.000 francs furent avancés. Mais les événements politiques mirent un
terme à ces efforts : l'imprimeur fut ruiné, et les 4.000 francs avancés
disparurent dans la tourmente révolutionnaire. La Société, découragée, appliqua
les fonds qu'elle avait à la distribution de Bibles anglaises parmi les
catholiques pauvres de la Grande-Bretagne et de l'Irlande.
Un nouvel effort fut tenté par la Société des Missions de Londres. Elle travailla d'abord à réunir, pour les distribuer, tous les exemplaires des Écritures sur lesquels on put mettre la main à Bâle, à Genève, et peut-être en Hollande. Elle n'en avait pas trouvé à Paris, comme nous l'avons déjà dit. La distribution fut confiée à un comité, sous la surveillance du Consistoire de l'Église réformée de Paris. En 1802 cette Société fit imprimer chez Smith 10.000 Nouveaux Testaments français. C'était la première édition protestante des livres saints imprimée en France depuis 1678, donc depuis cent vingt-quatre ans. En 1805 la même Société fit imprimer une édition de la Bible, à 5.000 exemplaires, qui furent répandus en France sous le couvert et au nom de la Société biblique de Bâle, à cause des relations troublées entre la France et l'Angleterre. Le pasteur Soulier de Paris et Oberlin furent les principaux distributeurs de ces volumes.
Le 7 mars 1804 fut fondée la Société biblique britannique et étrangère, qui, en groupant les chrétiens de toutes les églises en vue de ce but unique : la diffusion des Écritures, devait donner à l'oeuvre biblique une impulsion extraordinaire.
Oberlin, qui avait vu s'user rapidement les trois Bibles qu'il faisait lire de chaumière en chaumière, écrivit à la Société nouvellement fondée et en obtint un don de 720 francs qui dépassa ses espérances, car il le qualifie d'inattendu. « Telle fut, dit M. Douen, la première munificence de la Société biblique britannique et étrangère envers un pays qu'elle allait combler de ses dons ». La lettre de remerciements d'Oberlin (*), qui parle avec une émotion communicative de trois nobles femmes auxquelles il destinait une des Bibles données, produisit une impression profonde, et inspira à un membre du comité, M. Dudley, la pensée de former des Sociétés bibliques auxiliaires de dames. En quatre ou cinq ans, il en fonda cent-quatre-vingts. Ces associations de dames furent une grande force pour la cause biblique. Ainsi Oberlin rendit avec usure à la Société ce qu'il avait reçu d'elle. C'était, comme on l'a dit, le petit ruisseau des montagnes donnant naissance à une rivière majestueuse.
(*) Nous avons
reproduit cette lettre en appendice dans notre brochure La Bible dans le monde.
Nous retrouverons Oberlin tout à l'heure. Mais, pour suivre l'ordre historique, il nous faut le quitter et mentionner les éditions nombreuses dont la Société britannique prit l'initiative. Il y en eut une, au lendemain même de la fondation de la Société qui nous intéresse, comme Français, à un titre spécial. En 1805, le comité, touché par le triste sort des prisonniers de guerre français et espagnols qui gémissaient sur les pontons anglais, décida de faire imprimer pour eux un Nouveau Testament espagnol et une Bible française. En attendant que le cliché de la Bible fût terminé, elle consacra 2.500 francs à l'achat de Nouveaux Testaments qui furent distribués aux prisonniers français.
Ces distributions se continuèrent de 1806 à 1813 et furent souvent accueillies avec des effusions de reconnaissance. Quelques églises de France y contribuèrent par leurs dons.
En 1840, un colporteur rencontrait un de ces anciens prisonniers que la lecture du Nouveau Testament reçu sur les pontons en 1813 avait amené à la foi.
Des distributions de livres saints se firent également dans les onze dépôts de prisonniers anglais en France. Le ministre de la marine et les diverses administrations facilitèrent ces envois.
De 1811 à 1814 la Société publia en Angleterre deux éditions de la Bible française et quatre éditions du Nouveau Testament français.
De 1808 à 1813 se succédèrent à Bâle plusieurs éditions, pour lesquelles la Société alloua une somme de 27.500 francs. En 1815, elle votait un subside de 22.500 francs à une Société biblique récemment fondée à Strasbourg.
Les efforts réunis des Sociétés de Londres et de Bâle firent pénétrer la Bible dans un grand nombre d'églises du midi, de l'est et du nord. En 1810, par exemple, deux mille Nouveaux Testaments étaient envoyés à Nimes, et neuf cents à Montbéliard. En 1815, le pasteur Larchevêque, de Walincourt, en reçut deux cents exemplaires par l'intermédiaire de l'aumônier d'un régiment anglais. Il les partagea avec son collègue Colani, de Lemé, et tous deux les distribuèrent dans leurs vastes paroisses, qui embrassaient chacune presque tout un département.
Le doyen Encontre, de Montauban, prit, en 1809, l'initiative d'une publication de la Bible Martin (*), dont deux éditions parurent en 1819, l'une à Montauban, tirée à 6.000 exemplaires, l'autre à Toulouse, tirée à 10.000 exemplaires. Celle-ci parut par les soins du pasteur Chabrand, de Toulouse. La Société britannique contribua aux frais de ces deux éditions.
(*) Dans le projet
qu'il rédigea alors, on lit : « Il n'existe point de Société biblique dans le midi
de la France. Les efforts qu'on fit pour en établir une, il y a trois ans,
furent sans succès. Quelques pasteurs et professeurs se proposent de donner une
nouvelle édition de la Bible Martin, sans notes ni commentaires.. ». Dans les Archives du christia
nisme (II, 62),
Encontre explique ainsi le choix de Martin : 1° Cette édition semble plus
conforme aux originaux ; 2° elle s'accorde plus que les autres avec les versions
anglaise, hollandaise, allemande ; 3° elle est supérieure pour le style aux
autres versions françaises » (Qu'était donc le style de ces autres versions ?)
Tout le monde ne favorisa pas cette entreprise. Encontre se plaint, dans une
lettre à M. Steinkopff, de ce que la plupart des actionnaires de Montauban,
membres du comité, y prennent un médiocre intérêt, et de ce que certains
pasteurs, au lieu de la seconder, travaillent secrètement à la faire échouer.
Il avoue son isolement depuis le départ de plusieurs frères, qui l'ont laissé
presque mourant. Il mourut en effet peu après, sans avoir eu la joie de voir la
publication de cette Bible, dont il se préoccupa jusque sur son lit de mort.
C'est ici qu'il faut parler de l'effort colossal accompli en vue de la diffusion de la Bible en France, par un jeune théologien allemand, M Frédéric Léo, arrivé à Paris en 1811 pour exercer les fonctions de suffragant à l'église des Billettes. Il y prêchait en allemand. Le blocus continental le retint en France et lui permit d'y faire une oeuvre admirable. Dès le début il fut frappé de la pénurie de livres saints en France, de l'ignorance et de l'indifférence des protestants vis-à-vis du saint volume (Il ne se vendit en 1813, à Paris, que quelques psautiers et une seule Bible). Consacrant toutes ses ressources personnelles à répandre la Parole de Dieu, il fit venir de Bâle de nombreux exemplaires de la Bible, et les offrit aux consistoires luthérien et réformé pour être distribués. Ces Bibles, marquées du sceau de l'église, étaient prêtées à vie. Mais ces distributions n'étaient pas en proportion des besoins, et les ressources de M. Léo furent bientôt épuisées. Il prit alors (en 1812) l'initiative d'une vaste souscription pour créer un fonds qui permit d'imprimer les Écritures. Il se fit collecteur et frappa à toutes les portes, même à celle des rois. L'empereur de Russie lui donna 500 francs, le roi de Prusse, 120 francs, le général Rapp, 500 francs, Oberlin, 200 francs. Il reçut aussi des souscriptions de la duchesse de Courlande, de M. Bartholdi, des consistoires de Lille, Nancy, Colmar, Strasbourg. Il collecta en Écosse, en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Norvège, en Suisse et en France. Que ne peut inspirer l'amour de la Bible, l'amour de Jésus-Christ ? En 1815, après trois ans d'efforts, il avait réuni 15.500 francs.
Les cinq pasteurs de Paris, parmi lesquels, Marron, Rabaut Pommier et Jean Monod, patronnèrent l'entreprise, et le ministre des cultes l'autorisa. La maison Didot fournit les planches pour un tirage de 250.000 exemplaires du Nouveau Testament d'Ostervald, et ces planches furent offertes aux deux consistoires de Paris, réformé et luthérien, à la condition qu'ils s'engageraient à les utiliser et à couvrir par de nouvelles collectes les frais des tirages subséquents. Chaque consistoire devait garder et utiliser les planches pendant deux ans. Pour aider à de nouveaux tirages, la Société britannique envoya aux consistoires la somme de 12.500 francs. Les clichés servirent aux premiers approvisionnements de la Société biblique de Paris.
En 1820, il y avait eu huit tirages, et 34.011 exemplaires imprimés, au prix de 52.430 francs. 991 avaient été donnés, les autres vendus au prix de revient. En 1831, le comité de la fondation plaça à intérêts le capital qu'il possédait. En 1868, le revenu était de 1.100 francs. C'est avec ce revenu que les Nouveaux Testaments de première communion sont encore aujourd'hui fournis aux catéchumènes de Paris, luthériens et réformés.
Tout ceci avait été fait en
vue des protestants, mais M. Léo songea aussi aux catholiques. Il se remit en
campagne, et fit pour le Nouveau Testament de Sacy ce qu'il avait fait pour
celui d'Ostervald. Le ministre de l'intérieur, Laîné, souscrivit pour une somme
de 1.000 francs. Le ministre des cultes et de l'instruction publique, l'abbé
Frayssinous, et d'autres prêtres, applaudirent à l'entreprise. La Société
britannique souscrivit pour 6.125 francs. Mais il y eut mieux que cela. Les
efforts de Frédéric Léo aboutirent à la formation, en 1816, d'une Société catholique pour la distribution du
Nouveau Testament
, qui lança
un prospectus et ouvrit une souscription
…pour faire une édition du Nouveau Testament d'après la version de Sacy, telle qu'elle a été publiée ci-devant avec l'approbation de Nosseigneurs les archevêques de Paris. Elle sera distribuée par un comité qui devra en délivrer les exemplaires au plus bas prix. Le prix sera réduit selon la nécessité pour ceux qui ne pourront y atteindre. Enfin des exemplaires seront distribués gratis aux pauvres par les membres du comité.
Il faut dire qu'à ce moment-là, sous la Restauration, le retour de l'ancien clergé avait ramené quelques traditions gallicanes et jansénistes, et que les liens étaient quelque peu relâchés entre le Saint-Siège et le clergé français.
Le Nouveau Testament de Sacy, fruit des efforts de Frédéric Léo, parut en 1816. La Société catholique pour la distribution du Nouveau Testament ne dura que huit ans.
C'est ici que nous retrouvons
Oberlin. Avec lui nous rencontrons d'autres personnalités qui firent preuve,
elles aussi, d'un zèle biblique extraordinaire, Henri Oberlin et Daniel Legrand
(*), le grand chrétien et le grand
philanthrope de Fouday. Un jour, au printemps de 1816, Oberlin avait à sa table
frugale, avec la famille Legrand, trois étrangers : Spittler, de Bâle,
secrétaire de la Société chrétienne allemande, un baron livonien et un vicaire
catholique. On s'entretenait des moyens d'étendre le règne de Dieu et de
répandre l'Évangile en France. « Mais, dit Spittler, voici un comité : M.
Oberlin, président ; Henri Oberlin, secrétaire ; Daniel Legrand, trésorier ». Le
comité se constitua. Henri Oberlin se mit aussitôt en campagne et parcourut la
France de long en large pour éveiller l'intérêt en faveur de la diffusion de la
Bible. Il alla à Marseille, à Nîmes, à Montauban, à Bordeaux, à Nantes, à
Orléans, ensemençant la France de Sociétés bibliques. Un incendie ayant éclaté
dans une des villes qu'il traversait, Valence, il se mit à la chaîne et fut
pris d'un refroidissement dont il ne se remit pas. Il revint mourir, en 1817,
au Ban de la Roche. Ainsi l'amour de la Bible ne fait pas seulement des
mystiques, il fait des hommes qui savent servir, il fait les vrais socialistes.
Daniel Legrand se mit à son tour en route dans le même but et visita le midi et
l'ouest. Pénétré du désir de répandre partout l'Écriture, il allait trouver les
catholiques comme les protestants, et tous l'accueillaient. Les doyens Encontre
et Bonnard (de Montauban), les pasteurs Chabrand (de Toulouse), Lissignol (de
Montpellier), Colani (de Lemé), lui prêtèrent un concours actif. Des curés, des
directeurs de séminaires, lui demandaient des exemplaires du Nouveau Testament,
ceux-ci pour leurs élèves, ceux-là pour leurs paroissiens. Des marins, des
militaires, recevaient le saint volume avec reconnaissance. L'évêque
d'Angoulême lui en demandait deux cents exemplaires, et l'archevêque de
Bordeaux, vieillard octogénaire, lui promettait de placer des Nouveaux
Testaments dans son diocèse. Ces Nouveaux Testaments demandés par les
catholiques ou répandus avec leur agrément, étaient les Nouveaux Testaments de
Sacy qui avaient été imprimés par l'initiative de Frédéric Léo, et sous les
auspices de la Société catholique
pour
la distribution du Nouveau Testament. Des collaborateurs, enflammés sans doute
par le zèle de Legrand, surgissaient. Un cultivateur, Benèche, vendit à lui
seul, muni de l'autorisation de l'évêque de Montauban, douze mille exemplaires.
Il fut, en France, le premier colporteur biblique au 19° siècle. Deux commis
négociants, Lhuillier et Gerber, placèrent près de quinze mille Nouveaux
Testaments tout en voyageant pour les affaires de leur maison.
(*) Ce Daniel
Legrand était possédé par l'amour des âmes. Lors du mariage du duc d'Orléans,
il se sentit ému de sollicitude pour la princesse protestante qui entrait dans
une cour aux mœurs et aux croyances si nouvelles pour elle. Dés lors il lui
envoya chaque année les meilleurs ouvrages religieux publiés en France et en
Allemagne. Ces volumes lui arrivaient régulièrement, par une main inconnue, la
veille de Noël, comme un souvenir de son enfance et de sa première patrie. Intriguée
par ces envois, la duchesse aurait voulu connaître le donateur. Une fois, le
nom et l'adresse de M. Legrand, restés égarés dans un des livres envoyés, le
trahirent. Elle voulut le voir, et, lorsqu'il vint à Paris, l'invita aux
Tuileries. M. Legrand et la duchesse devinrent grands amis. Celle-ci ayant
formé le projet, en 1832, de s'arrêter au Ban de la Roche, à son retour d'une
cure aux eaux de Plombières, le duc d'Orléans lui dit : « Va, je t'y
laisserai oberliner
tout
à ton aise ». La visite ne put avoir lieu, à cause de la mort du prince.
La Société biblique britannique contribua pour une grande part à cette large diffusion des Écritures en France, d'abord et surtout par l'enthousiasme qu'elle créa pour la cause biblique, puis par les éditions des livres saints dont nous avons parlé plus haut (en 1817 elle avait fait imprimer en français 13.000 Bibles et 79.000 Nouveaux Testaments), et par les secours qu'elle accorda aux distributeurs des Écritures. Ainsi, en 1817, elle faisait en sorte qu'Oberlin fût régulièrement approvisionné d'exemplaires selon les besoins de ses distributions. D'autres pasteurs français, en grand nombre, avaient coutume de s'adresser à elle pour obtenir des Bibles. C'est à ses frais qu'Henri Oberlin (et probablement aussi Daniel Legrand) parcourut la France pour éveiller l'intérêt en faveur de la Bible et fonder des Sociétés bibliques.
Ainsi, par ses publications de livres saints en langue française, par ses dons de livres saints aux Français, soit en France (à Oberlin et à tant d'autres), soit hors de France (aux prisonniers français en Angleterre), par l'impulsion et le concours qu'elle donna à l'oeuvre biblique en France, oeuvre qui, comme nous allons le voir, fut la souche féconde de toutes les autres, la Société biblique britannique et étrangère est la première Société religieuse qui ait évangélisé la France au siècle dernier. Elle a puissamment contribué à créer le sol dans lequel ont pris naissance toutes nos oeuvres de mission et d'évangélisation. Elle a sa part considérable de maternité dans l'existence de notre protestantisme français des 19° et 20° siècles, avec toute son expansion missionnaire en France et au dehors (*).
(*) « Sans vous », disait en 1904, aux fêtes du Centenaire de la Société à Londres, M. le pasteur J. de Visme, délégué de la Société Biblique de France, « le protestantisme français ne serait pas ce qu'il est ! »
Quel admirable spectacle offre cette oeuvre biblique en France au début du 19° siècle ! Ce sont les années où l'hostilité entre la France et l'Allemagne, entre la France et l'Angleterre, est à son maximum d'intensité, et c'est dans ces années mêmes, c'est en 1805, en 1812, en 1814, que l'on voit une Société anglaise et un particulier allemand, celui-ci aidé des deniers du roi de Prusse et de l'empereur de Russie, répondre aux invasions napoléoniennes par une contre-invasion, une invasion de la Parole de Dieu ! Jusque-là l'Angleterre et la France ne s'étaient rencontrées que sur les champs de bataille, pour s'entr'égorger, et voici tout à coup réalisée entre elles, pour la Bible et par la Bible, l'entente cordiale ! Si l'on voulait une preuve que l'humanité n'est pas livrée à elle-même, mais que Dieu besogne au milieu d'elle, on l'aurait dans ces hommes qui, au milieu du cliquetis des armes, apparaissent porteurs du rameau d'olivier.
L'entreprise de M. Léo avait un caractère trop individuel et trop restreint. Une Société biblique s'imposait. En présence du bien accompli ailleurs par l'oeuvre biblique, quelques chrétiens éminents de Paris s'entretinrent, au commencement de 1818, de la fondation d'une Société biblique à Paris, mais sans aboutir. Quelques mois après, le Révérend J. Owen, secrétaire de la Société biblique britannique, était de passage à Paris. Grâce à son intervention, le projet fut repris, et cette fois suivi d'exécution. Au mois de novembre, la Société biblique protestante de Paris, — la première de toutes nos Sociétés religieuses, — se constitua avec l'autorisation du gouvernement. L'article premier de son règlement limitait son action aux chrétiens protestants, limitation sans laquelle l'autorisation n'eût pas été obtenue (*). Le marquis de Jaucourt fut nommé président.
(*) En 1820, le duc d'Estissac (probablement un chef militaire) écrivit au marquis de Jaucourt, président de la Société, qu'il avait fait saisir à Orléans un certain nombre de Bibles entre les mains des soldats de la garnison, auxquels elles avaient été distribuées clandestinement, et qu'il les avait fait remettre chez M. Lagarde, pasteur de la ville, à la disposition de la Société. Informations prises, il se trouva que ces Bibles étaient trente-six Nouveaux Testaments distribués aux soldats d'un régiment étranger à la ville par une personne étrangère à la Société.
Le ministre, le duc Decaze, souscrivit pour mille francs en faveur d'« un objet, disait-il, auquel devraient concourir toutes les communions chrétiennes ». Le préfet du Gard souscrivit pour cent francs.
À peine née, la nouvelle
institution fut l'objet de violentes critiques. L'abbé Lamennais fit une charge
à fond contre le mouvement biblique, qu'il appela « la dernière convulsion d'une
secte expirante ». « Les crimes, disait-il, se sont multipliés en Angleterre depuis
la fondation des Sociétés bibliques ». La Société put répondre dans le Moniteur,
l'organe officiel du
gouvernement. M. de Bonald fit une critique plus malheureuse encore en
prétendant que l'oeuvre nouvelle n'était qu'une adroite spéculation de commerce
(*). Tant de colère chez les adversaires était
un hommage à la Société.
(*) En 1819, Joseph de Maystre écrivait ceci : « Bien qu'elle renferme de grands caractères, des hommes pleins de foi et d'illustres protecteurs, la société biblique, entreprise protestante, est la plus anti-chrétienne qui ait jamais été imaginée ». Elle produit un mal immense, à savoir la communication de l'Écriture Sainte en langue vulgaire, sans explication, sans distinction de personne ».
Dès sa fondation, la Société eut une action et un rayonnement extraordinaires.
Au bout d'un an environ, elle comptait déjà en France 113 comités auxiliaires, dont 17 à Paris seulement. La fondation de ces Sociétés fut due en grande partie aux voyages de M. Pinkerton, secrétaire de la Société britannique.
En 1821 un plan
d'organisation divisa la France protestante en trente-trois départements
bibliques ou sociétés auxiliaires
qui
devaient correspondre, pour les achats, avec la Société de Paris, et lui verser
l'excédent de leurs recettes. À ces sociétés auxiliaires se rattachaient les sociétés branches,
situées dans leur
circonscription, et les sociétés branches, à leur tour, devaient étendre
partout leurs ramifications en associations
bibliques
dont les membres s'engageraient à verser deux sous par semaine.
On recommandait de composer les auxiliaires et les branches d'une douzaine de
personnes. La présidence devait appartenir à un laïque.
En 1829, le nombre de ces divers comités auxiliaires s'élevait à 663. À douze personnes par comité (beaucoup en comptaient davantage), cela faisait huit mille personnes qui, du nord au sud de la France, s'occupaient activement de répandre la Bible (*).
(*) Le trait
suivant, raconté par les Archives du
Christianisme
en 1822, montrera quel enthousiasme soulevait partout la
cause biblique.
« En 1822, les
enfants de l'école d'enseignement mutuel, établie par M. le pasteur Rosselloty,
à Châtillon-sur-Loire, ont formé entre eux une petite Société biblique
d'école
et donnent 1 ou 2 liards
par semaine, ce qui produit ensemble de 15 à 19 sous. Ils ont pour but de
répandre la Sainte Bible dans toutes les familles, en la présentant aux
nouveaux époux à chaque bénédiction de mariage dans le temple. L'un des enfants
les plus sages a le bonheur d'offrir de sa main le Livre saint aux mariés à la
fin de la prière ou de l'exhortation nuptiale ».
Les membres les plus importants du comité — M. Stapfer, l'amiral Verhuell, le comte Pelet de La Lozère, le pasteur Frédéric Monod, etc., etc. et des pasteurs amis, — payaient largement de leurs personnes, et n'hésitaient pas à entreprendre de longs et fatigants voyages à travers la France pour éveiller l'intérêt en faveur de l'oeuvre et fonder des Sociétés. C'étaient de vrais missionnaires de la cause biblique.
À côté du comité directeur, il y avait un comité auxiliaire de vingt dames de l'aristocratie protestante, dont chacune était chargée d'un des vingt arrondissements de Paris, pour visiter les familles protestantes, y distribuer les Écritures, y exciter le zèle pour la cause biblique, former des associations de douze membres au plus, avec cotisation de cinq ou dix centimes par semaine. En 1826, toutes les familles protestantes connues étaient visitées par ces dames. En 1827, ces associations comptaient six cent trente membres.
« Les assemblées annuelles de la Société mère, dit M. Douen, étaient des fêtes auxquelles les protestants, disséminés et sans lien commun, accouraient souvent de très loin, apprenaient à se connaître, à se compter et à s'aider mutuellement ». Pendant les premières années, on vit à ces assemblées de hauts personnages politiques catholiques, députés, pairs de France, ministres d'État, ministres étrangers, savants, par exemple le duc de Broglie, le duc de La Rochefoucauld, le duc Decaze, Maine de Biran. Il n'a été donné à aucune autre Société, que nous sachions, d'avoir de tels auditoires à ses assemblées. Après 1828, on n'y vit plus, en fait de notabilités, que les députés protestants, ce qui était encore quelque chose. Les temps ont bien changé.
La Société devint non seulement un centre de ralliement mais un foyer d'action d'où sortirent les Sociétés des Traités religieux (1822), des Missions (1822), de Prévoyance (1823), la Société pour l'encouragement de l'instruction primaire (1829), et d'autres encore.
La Société jouissait d'une popularité extraordinaire, et son influence s'étendait bien en dehors des cercles protestants. Ses rapports, tirés à 5.000 exemplaires, étaient lus avec ardeur. Cinquante exemplaires tirés sur vélin, bien reliés, étaient présentés ou envoyés par le marquis de Jaucourt aux ducs d'Angoulême, de Richelieu, de La Rochefoucauld, Decaze, de Broglie, au préfet de la Seine, au préfet de police, au directeur des douanes, au directeur des postes, à plusieurs députés, à la Chambre des pairs, à la Chambre des députés. Bien plus, accompagné du comte Pelet de la Lozère, vice-président de la Société, le marquis de Jaucourt allait présenter chaque année le rapport au duc d'Orléans, et continua de le faire lorsque le duc d'Orléans fut devenu le roi Louis-Philippe.
Il faut croire que ces rapports étaient lus et n'étaient pas sans exercer quelque influence et provoquer des sympathies, car peu de temps après la fondation de la Société, le gouvernement suspendit les droits de douane pour tous les livres saints envoyés à la Société de l'étranger. Vraiment, ici, tout est unique.
La période de développement de la Société s'arrête vers 1830. Cependant, il y eut encore dans son histoire bien des faits intéressants. Nous en citerons quelques-uns par anticipation.
En 1840, le préfet de l'Aisne demanda à la Société le don d'un nombre de Nouveaux Testaments proportionné à celui des détenus du département. La Société ne put accorder les volumes demandés que pour les détenus protestants. À la même époque, le ministre de l'instruction publique souscrivit pour 300 francs en vue de l'impression d'une Bible in-4 qu'il se proposait de placer dans les établissements de l'Université pour la célébration du culte protestant. En 1846, le ministre de la guerre fit transporter gratuitement les Bibles et les Nouveaux Testaments envoyés aux troupes d'Algérie, et la duchesse d'Orléans joignit à cet envoi une Bible in-folio richement reliée qu'elle destinait à la chaire du temple protestant d'Alger.
C'est en 1831 que le comité de la Société décida de mettre à la disposition des pasteurs des Nouveaux Testaments pour être offerts aux catéchumènes et des Bibles pour être offertes aux nouveaux époux (*).
(*) La première Bible protestante de mariage, dit M. Douen, a été donnée en 1822 par le pasteur Née, de Marsauceux.
La Société britannique aida largement la Société de Paris par des dons qui, de 1819 à 1831, s'élevèrent à 228.310 francs, dont 83.000 francs en argent et le reste en volumes. Aussi, à chaque assemblée annuelle, des remerciements étaient votés par la Société de Paris à la Société britannique.
Il y eut de très bonne heure deux tendances opposées au sein du Comité de la Société de Paris. Les divergences apparurent sur divers points.
D'abord
sur la question des traductions.
Les
uns étaient conservateurs, ils voulaient l'unité de version, ils tenaient à
Ostervald, qui avait édifié tant de générations ; les autres attachaient plus de
prix à une version aussi exacte que possible, fallût-il innover. Déjà en 1822,
un membre du comité proposa l'adoption d'une révision toute récente d'Ostervald
(Lausanne, 1822), et sa proposition fut repoussée.
Puis,
sur la question des Apocryphes
. Les uns étaient défavorables, les
autres favorables à la publication de ces livres.
Enfin,
sur la question de la distribution des livres
saints aux catholiques
. On
se demande, puisque le comité du dépôt de la Société britannique, dont nous
parlons plus loin, pouvait distribuer des livres saints aux catholiques,
pourquoi la Société de Paris n'aurait pas pu le faire. Pourquoi l'autorisation
du gouvernement lui était-elle plus nécessaire qu'au comité du dépôt
britannique ? Sans doute pour être une Société reconnue. Cette restriction fut
certainement une faiblesse. Plusieurs membres — ceux qui dirigeaient le dépôt
britannique — le sentaient, et, après la révolution de 1830, proposèrent au
comité de supprimer cette restriction. Se basant sur le manque de ressources,
la majorité se prononça pour son maintien. Il s'ensuivit des tiraillements, des
élections de combat, et finalement la démission de quatre membres, M .M.
Stapfer, Lutteroth, Juillerat et Frédéric Monod. Faut-il chercher ailleurs la
cause de l'arrêt dans le développement de la Société à partir de 1830 ?
En
1833, les membres démissionnaires fondèrent la Société biblique française et étrangère
, dont le premier président fut M. P.-A. Stapfer. C'est l'amiral
Verhuell qui lui succéda. Cette Société répandit la Bible, sans les
Apocryphes, parmi les catholiques romains comme parmi les protestants. C'est
elle qu'aida dorénavant la Société biblique britannique. Elle lui alloua
pendant les trente-deux années de son existence 169.250 francs.
Les deux tendances dont nous
avons parlé allèrent s'accentuant au sein du comité de la Société de Paris. La
question des traductions toujours remise et toujours éludée, s'imposa en 1862,
soit à cause d'une proposition formelle de M. Eichhoff demandant l'adoption du
Nouveau Testament de Genève (1835), soit parce que la presse religieuse
intervint avec vivacité et porta le débat devant les églises. Le Lien
fit une campagne très vive contre
Ostervald. L'Espérance
, de son côté, condamnait le Nouveau
Testament de Genève « qui a affaibli les principaux passages qui se rapportent à
la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ », et ajoutait que si cette version
était publiée, « tous les fidèles attachés à la saine doctrine devraient retirer
leur concours de la Société ». Les conférences pastorales de 1863 se
prononcèrent contre cette version, « qui soulève des objections très graves au
point de vue de la fidélité ». Soixante-dix églises se prononcèrent dans le même
sens. D'autre part, une centaine d'églises avaient exprimé le voeu de recevoir
des Nouveaux Testaments de Genève. On peut penser si la lutte fut vive au sein
du comité. La majorité était pour l'adoption de la version de l'Ancien
Testament de Perret-Gentil et de celle de Genève pour le Nouveau. La minorité
était contre cette dernière version, « de tendance socinienne », et pour
Ostervald. Elle estimait la liberté réclamée périlleuse pour les églises et
pour l'oeuvre biblique elle-même. La logique, disait-on, nous entraînera à
publier des traductions faites par des incrédules tels que M. Strauss et M.
Renan. L'article du règlement en vertu duquel la Société répandait les
Écritures dans les versions reçues et en usage dans les églises fut soumis à
des interprétations contraires. Au commencement de 1863 une commission conclut
à l'adoption du Nouveau Testament de Genève, mais après un long débat M. Guizot
refusa de mettre la proposition aux voix, comme contraire au règlement, et il
semble bien qu'elle l'était en effet. Toutefois, M. Guizot offrit, mais
inutilement, de céder le fauteuil de la présidence à l’un des vice-présidents.
La lutte reprit, l'agitation au sein des églises devint plus vive. 213 églises se prononcèrent, et parmi elles 193 étaient en faveur du Nouveau Testament de Genève. La question revint devant le comité à la fin de l'année, par le rapport d'une nouvelle commission, et le comité, à une grande majorité, prit la résolution de donner satisfaction à tous ceux qui demandaient soit la version de Genève (1835), soit le Nouveau Testament d'Arnaud, soit, si les circonstances le permettaient, à ceux qui demanderaient l'Ancien Testament de Perret-Gentil.
À la suite de ce vote, six membres, MM. F. Delessert, Berger, Léon de Bussière, Bartholdi, Martin-Rollin, Pelet de la Lozère, donnèrent leur démission. « Les deux fractions de ce comité, dit M. Lambert, n'avaient en commun ni les mêmes croyances, ni les mêmes principes, ni les mêmes vues. Elles représentaient deux esprits essentiellement différents, tranchons le mot, deux partis religieux. Une rupture était fatale. La question de la version de Genève en a été non la cause, mais l'occasion ».
Le schisme qui se produisit
en 1863 au sein du comité de la Société biblique de Paris, à la suite de
l'adoption du Nouveau Testament de Genève de 1835, aboutit, en 1864, à la
fondation de la Société biblique de France
. Voici
les deux
premiers articles du règlement qu'adopta la nouvelle Société :
ART. 1. — La Société biblique de France est fondée sur la foi en l'inspiration divine des Écritures saintes et en leur autorité infaillible en matière religieuse.
Cette Société a pour but de répandre les Écritures saintes.
ART. 2. — Les versions françaises répandues par la Société sont, pour le moment, celles d'Ostervald et de Martin, sans Apocryphes. Toutefois, si la majorité des Églises demande d'autres versions fidèles, celles-ci pourront être distribuées par la Société (*).
(*) Depuis, le mot infaillible,
dans l'article premier, a
été remplacé par le mot souveraine
, et l'article second a été modifié
comme suit :
Outre les versions d'Ostervald et de Martin, d'autres versions pourront être distribuées par la société, si elles sont reconnues fidèles et demandées par les Églises protestantes…
Trois ans après le schisme,
la Société biblique de Paris
,
pour éviter à l'avenir une interprétation semblable à celle qui avait
amené le schisme, modifia le premier article de son règlement. Il est
actuellement ainsi conçu :
La Société a pour but de répandre parmi les chrétiens protestants les Saintes Écritures, sans commentaires, dans les versions demandées par les Églises.
On le voit, la ligne de conduite est différente. L'une des deux sociétés consacre, en fait de distributions des Écritures, la liberté absolue ; l'autre exerce un contrôle, elle ne répand que les versions qu'elle estime fidèles et qui sont réclamées ou sanctionnées par des corps autorisés, autrefois « la majorité des églises », aujourd'hui, le synode.
Il y eut donc en France, un
moment (au commencement de 1864), quatre Sociétés bibliques : La Société
biblique protestante de Paris
, la
Société biblique britannique et étrangère
, la Société biblique
française et étrangère
, la Société biblique de France
. Mais ces quatre Sociétés furent
bientôt réduites à trois. Entre les deux dernières, il n'y avait de différence
ni quant à la foi, ni quant à la ligne de conduite. L'union répondait aux voeux
de tous comme à la réalité de la situation. Aussi fut-elle bientôt un fait
accompli. Le 24 avril 1864, la Société biblique française et étrangère
tint sa trente-deuxième et dernière
séance (après avoir distribué 750.000 volumes et dépensé 2.400.000 francs), et
annonça sa fusion avec la Société biblique de France
. « On peut affirmer, dit M. Lambert,
que jamais fusion ne fut plus complète, plus heureuse, plus bénie, et que
jamais les différences d'origine des membres du comité biblique ne laissèrent
la moindre trace ».
Cette fusion facilita certainement les débuts de la nouvelle Société. Dès qu'elle fut fondée, 119 églises, dont les églises réformée et luthérienne de Paris,se rattachèrent à elle. Ses recettes de la première année s'élevèrent à 46.000 francs.
La Société biblique de
France
offre gratuitement la
Bible à tous les couples qui font bénir leur union par un pasteur, le Nouveau
Testament à tous les catéchumènes, un Nouveau Testament petit format à tous les
jeunes soldats protestants appelés sous les drapeaux. Elle met à la disposition
des pasteurs des Nouveaux Testaments pour distribution gratuite à différentes
catégories de personnes, indigents, vieillards, malades dans les hôpitaux.
La Société publie Ostervald
et Ostervald revisé
. Nous
avons parlé précédemment avec détail de ses travaux de traduction.
Depuis 1864 jusqu'en 1909
inclusivement, la Société biblique de France
a répandu 1.191.675 volumes (264.960 Bibles, 540.774 Nouveaux
Testaments, 385.941 portions).
Ses recettes se sont élevées pendant le même temps à 2.030.727 francs et ses dépensess à 2.059.680 francs.
Les distributions de la Société
biblique de Paris
se sont
élevées, depuis sa fondation à 1909 inclusivement, à 1.058.729 volumes. Les
Bibles figurent sur ce chiffre pour trois huitièmes, les Nouveaux Testaments
pour cinq huitièmes environ.
Les dépenses se sont élevées pendant le même laps de temps à 3.471.809 francs. Les recettes, à la même somme, plus une soixantaine de mille francs.
Les versions publiées par la Société
biblique de Paris
ont été, pour
la Bible : Ostervald (épuisé) ; Segond ;
pour
l'Ancien Testament : Perret Gentil
(épuisé),
et Segond
, avec les livres rangés dans l'ordre du canon hébreu ; pour le
Nouveau Testament : Ostervald (épuisé) ; Arnaud
(presque épuisé), Oltramare, Oltramare révisé, Stapfer. En
1909, les Livres apocryphes.
En 1910,
l'Évangile de Marc
, dans le texte duquel ont été insérés
les discours de Jésus tels que les donnent Matthieu et Luc, avec une préface
tout à fait propre à montrer au lecteur moderne, étranger aux choses de Dieu,
combien l'Évangile est moderne, humain.
La Société publie une Bible Segond-Oltramare
, une Bible Segond-Segond
, une Bible Segond-Stapfer
.
Elle publie aussi une petit Guide pour la lecture de la Bible
qui a eu un vif succès. Il figure
en tête de toutes les Bibles de mariage. Il a été aussi publié à part.
Les présidents de la Société
biblique de Paris ont été : Le marquis de
Jaucourt
(1818-1852), M. Guizot
(1855-1874), M. le pasteur Montandon
(1876-1877), M. le baron F. de Schickler
(1878-1909).
Les
présidents de la Société biblique de France ont été : M. François
Delessert
(1864-1867), le général de Chabaud-Latour
(1867-1885), M. le
pasteur Dhombres
, faisant fonction de président de 1885 à 1888, puis président en titre
(1888-1895), M. le professeur A. Matter
(1895-1905), depuis 1905 M. le pasteur Camille
Soulier
.
La Société britannique ne se
borna pas à aider la Société de Paris. Celle-ci, comme nous l'avons dit,
limitait son action aux protestants. La Société britannique voulut rester
fidèle, en France comme ailleurs, à la catholicité de son programme et étendre
son activité à tous. Elle fonda en 1820
un
dépôt à Paris, sous la direction de M. Kieffer (*1),
laïque luthérien, professeur au Collège de France et interprète pour les
langues orientales au Ministère des affaires étrangères. M. Kieffer était
assisté d'un comité formé par quelques membres de la Société de Paris. Telle
fut l'origine de l'agence française de la Société biblique britannique et
étrangère (*2).
(*1) M. Kieffer était un savant. Tout en travaillant à la diffusion de la Bible en France, il rendit de grands services en révisant la Bible turque et en surveillant l'impression, à Paris, des livres saints en basque, en breton, en italien, en arménien, en syriaque et en carschoun.
(*2) Il semble qu'il
y ait eu quelque hésitation quant au meilleur nom à donner en français à la
Société. Sur une Bible de 1807, elle porte le nom de Société pour
l'impression de la Bible
en
langue anglaise et en langues étrangères,
et sur une Bible de 1819 elle porte le nom d'Association anglaise et
étrangère de la Bible
.
En 1826, sous la pression de l'opinion publique et à la suite de polémiques retentissantes, la Société britannique cessa de distribuer les Apocryphes et de subventionner les Sociétés qui les distribuaient, parmi elles la Société de Paris.
À M. Kieffer succéda, en 1834, M. Victor de Pressensé (*) ; à M. Victor de Pressensé, en 1871, M. Gustave Monod, administrateur admirable, vrai père pour les colporteurs ; à M. Gustave Monod, en 1901, l'auteur de ces lignes.
(*) Directeur de l'agence française de la Société de 1833 à 1871, M. Victor de Pressensé (père d'Edmond de Pressensé, grand-père de M. F. de Pressensé), a été l'une des personnalités les plus marquantes du protestantisme français au siècle dernier. Fils d'un père catholique et d'une mère protestante, il fut élevé dans la religion catholique, comme les fils devaient l'être d'après une convention mutuelle. Toute la famille émigra en Hollande lors de la Révolution. Le fils devint élève des Jésuites, et fut rebaptisé par eux en grande pompe. La famille s'étant transportée à Lausanne, le jeune Victor se trouva sous une influence protestante, et surtout sous celle d'une soeur plus âgée que lui, qui, toujours maladive, toujours étendue dans un fauteuil, ne trouvait de consolation que dans la Bible de famille, constamment ouverte devant elle. Chaque jour elle faisait venir son frère auprès d'elle pour lui parler, avec une onction et un ravissement qui auraient ému le coeur le plus dur, de ses espérances et de ses joies spirituelles. Sentant sa fin approcher, elle parla à son frère avec plus d'énergie que jamais. Elle lui lut plusieurs passages des plus frappants de l'Écriture, et le supplia de donner son coeur au Seigneur. On l'entendit fréquemment implorer le Seigneur pour que son frère devint un serviteur de sa Parole. Cependant, celui-ci devait rester dans l'indifférence religieuse jusqu'en 1830. Le beau mouvement religieux qui se produisit alors à Paris et fut un véritable réveil des âmes, l'entraîna et le gagna pour toujours. Ce fut la consécration exclusive de sa vie au service de Dieu et de Jésus-Christ. Dans son grand zèle, il collabora à toutes les fondations qui surgirent alors au sein des Églises.
La Société se proposait de répandre la Bible parmi les catholiques. À plusieurs reprises, le croirait-on, ce fut le gouvernement lui-même qui lui en fournit l'occasion.
En 1831, le ministre de l'instruction publique lui commanda 20.000 Nouveaux Testaments pour être employés dans les écoles comme livres de classe, et les paya 10.000 francs. L'année suivante, les membres du conseil royal demandaient, aux mêmes conditions, 20.000 Nouveaux Testaments, et un membre de ce conseil, inspecteur des écoles primaires, en demandait 20.000 autres pour être distribués dans les écoles de seize départements.
Dans le rapport de l'année 1834, nous relevons cette phrase : les sommes reçues par M. de Pressensé s'élèvent à 41.350 francs (*1), dont 15.000 reçus du ministre de l'instruction publique. Cette dernière somme était évidemment destinée à payer les volumes envoyés cette année-là aux écoles : 239 Bibles et 23.683 Nouveaux Testaments. L'année suivante la Société disposa en faveur des écoles de 14.560 exemplaires (*2).
(*1) Il semble donc qu'alors on donnait largement en France pour la Société. Une autre année. M. de Pressensé reçut pour la Société un don de 25.000 francs.
(*2) Qui dira tout le bien dont ces exemplaires distribués dans les écoles furent le moyen ? Nés catholiques, le père et la mère de M. Sainton, l'évangéliste bien connu, ont été convertis par la lecture d'un Nouveau Testament, qui, à l'école primaire, avait servi de livre de classe à M. Sainton.
La Société ne cessa d'aider les oeuvres bibliques locales. Dans le rapport de 1834, nous relevons les affectations suivantes :
Pour un nouveau dépôt à Nancy, 50 Bibles, 500 Nouveaux Testaments.
Société évangélique de Genève, 170 Bibles, 1.942 Nouveaux Testaments.
Nouvelle Société biblique, à Lille, 102 Bibles, 350 Nouveaux Testaments.
MM. Courtois, à Toulouse, 154 Bibles, 4.200 Nouveaux Testaments.
Pasteur Saulter, Marseille, 175 Bibles.
Pasteur Frédéric Monod, 250 Bibles.
Comme distributions, signalons 71.612 Nouveaux Testaments aux soldats français pendant la guerre de Crimée ; 6.000, aux troupes en partance pour le Mexique ; un million de volumes aux soldats français et allemands pendant la guerre de 1870; 200.000 Nouveaux Testaments aux familles françaises et allemandes qui avaient perdu l'un des leurs pendant cette même guerre ; 400.000 Évangiles distribués à l'Exposition universelle de Paris en 1900; 4.500 volumes aux victimes des inondations de 1875; 10.500, aux victimes des inondations de 1907; plus de 35.000 aux victimes des inondations de 1910; 400 Évangiles aux forçats de la Guyane en 1909, etc.
À la suite d'une souscription spéciale, 602 Nouveaux Testaments furent envoyés, pour le 1er janvier 1906, aux gardiens des phares de France, et 24 aux gardiens des phares de Belgique.
Toutefois, le principal moyen d'action de la Société, ce fut le colportage biblique. À peine l'agence française est-elle fondée, qu'on voit à l'oeuvre un peu partout des colporteurs bibliques par lesquels elle répand la parole de Dieu parmi les catholiques. Dans plusieurs départements du nord, il y en avait qui travaillaient sous la direction des pasteurs protestants, par exemple de M. Guillaume Monod, à Saint-Quentin. Dans le midi, les frères Louis, Frank et Armand Courtois de Toulouse, dirigeaient une oeuvre étendue de colportage, et répandaient les livres saints que leur fournit la Société pendant des années (*) dans tout le midi de la France, dans les Pyrénées, et jusqu'en Espagne, dans les campagnes, dans les villes, parmi les pauvres, parmi les prisonniers, parmi les soldats, parmi les forçats. À Paris même, des colporteurs travaillaient avec succès. Les gens les appelaient parfois de leurs boutiques et leur achetaient avec joie. Plus tard, il y eut des concierges qui acceptaient des livres saints en dépôt et les vendaient. Les colporteurs qui n'étaient pas sous une direction particulière gagnaient leur vie par le bénéfice réalisé sur la vente des volumes que la Société leur laissait avec une forte remise.
(*) De 1832 jusque, sans doute, à 1848, année où le rapport de la Société mentionne les frères Courtois pour la dernière fois. En 1832, M. Frank Courtois écrivait : « Le grand nombre d'exemplaires du Nouveau Testament répandus parmi les couches inférieures de la Société ont positivement agi sur l'opinion publique ».
Aussitôt fondée, en 1830, la Société évangélique de Genève employa treize colporteurs, et depuis lors ne cessa de développer le colportage biblique. Elle s'est toujours pourvue de livres saints auprès de la Société britannique.
C'est sous M. Victor de
Pressensé et par son initiative que commença, en 1837, le colportage organisé
et surveillé par la Société. Sous sa direction, le nombre des colporteurs varia
de 80 à 110. Il faudrait un volume pour parler des résultats de l'oeuvre du
colportage. Que de conversions de bon aloi dues à la lecture des livres saints
vendus par les colporteurs ! Un seul trait suffira à donner une idée du nombre
d'âmes ainsi amenées à Jésus-Christ : Plus de la
moitié des 1.800 ou 1.900 colporteurs
employés pendant ces trente dernières années
, écrivait M. de Pressensé en 1863, étaient d'anciens catholiques, et c'est par la lecture d'une Bible ou
d'un Nouveau Testament acheté à un colporteur qu'ils ont été convertis à
Jésus-Christ
. Depuis lors,
le ministère des colporteurs n'a pas cessé de se poursuivre avec labeur, mais
avec bénédiction (*).
(*) On lira avec intérêt l'appréciation de Vinet sur les premiers succès du colportage en France. Elle date de près de quatre-vingts ans. Vinet parle des encouragements obtenus par les premiers colporteurs bibliques employés par la Société évangélique de Genève :
Voilà ce qui se passe, sans bruit, au milieu des événements qui en font tant, des craintes et des espérances vaines qui en font davantage encore. Je ne sache pas que nos journaux, à l'affût des moindres nouvelles, aient fait la plus légère mention de ce mouvement religieux, qui, s'il se soutient, prépare à la France la plus bienfaisante et la plus radicale des révolutions. Il révélerait aux hommes d'État, s'ils y voulaient prendre garde, dans l'esprit national, un élément caché, inaperçu, dont on peut tirer le plus grand parti ; il leur ferait voir que la religion, traitée par eux avec trop de légèreté, vit, du moins sous forme de besoin, dans les coeurs de la multitude, et qu'il y a encore dans cette nation, qu'on a tant travaillé à rendre frivole et légère, l'étoffe d'un peuple sérieux, par conséquent d'un peuple paisible et d'un peuple libre (L'Éducation, la Famille et la Société, p. 153).
Voir plus
loin : Aperçu sur le colportage
biblique en France
.
Il y a eu plus que l'action sur les individus. Bien souvent, le colportage biblique a été l'instrument principal d'un réveil religieux et de la fondation d'une église. En 1844, M. Victor de Pressensé écrivait, à propos d'un mouvement religieux en Saintonge : « Plus de soixante communes réclament des pasteurs évangéliques. Ce mouvement, qui est vraiment extraordinaire, est le résultat des travaux d'un colporteur ». Des indications de ce genre reviennent souvent sous sa plume. Les églises de Thiat, de Rouillac, de Limoges, de Villefavard, d'Auxerre, de la Chapelle-aux-Neaux (près Tours), de Fleurance, de Madranges, de Malataverne, de Notre-Dame-de-Commiers (Isère), de Monteynard (Isère) (*), sont dans une mesure plus ou moins grande, et pour quelques-unes très grande les fruits du colportage biblique ou de la distribution des livres saints. Ceci dit sans songer à diminuer en rien la part importante que d'autres oeuvres et d'autres hommes ont eue à ces conquêtes.
(*) Voir plus loin le récit : Le Père Jacob.
En 1909, la Société avait répandu en France, depuis 1804, 13.143.031 volumes, dont 5.844.643 par le colportage biblique.
Comme la Société britannique a été la première Société qui ait évangélisé la France, elle a aussi été la première Société qui ait travaillé à l'évangélisation des populations européenne, arabe, kabyle, de l'Algérie, de la Tunisie et de la Tripolitaine. Lorsque, en 1882, la Société établit une agence à Alger, et commença à employer des colporteurs dans le nord de l'Afrique, il n'y avait en Algérie et en Tunisie que deux Sociétés missionnaires anglaises à l'oeuvre parmi les juifs. Quand M. Pearce commença son oeuvre parmi les Kabyles, la Société avait déjà fait traduire dans le dialecte berbère une partie de l'Évangile selon saint Luc.
De 1882 à la fin de 1908, l'agence de la Société a répandu 275.000 livres saints en Algérie, en Tunisie et dans la Tripolitaine.
De même, la Société biblique britannique et étrangère aura été la première et est actuellement la seule Société à évangéliser les païens de l'Annam (*1). Lorsque M. Ch. Bonnet s'établit à Tourane en 1902, il arrivait dans ce pays comme le premier représentant de l'Évangile apostolique et non romain. En 1898, la Société britannique avait déjà fait un essai en Cochinchine. Les missionnaires catholiques sont dans ce pays depuis 1620. Pendant les six ans et demi (1902 à 1909) que M. Bonnet vient de passer en Indo-Chine, il a fait avec deux aides indigènes des tournées de colportage, non seulement en Annam, mais jusqu'à Hanoï au nord et jusqu'au Cambodge au sud, et a vendu 97.741 volumes. Il a pu lire et expliquer l'Évangile partout, dans les maisons, sur les marchés, chez les maires, chez les préfets et jusque dans les pagodes bouddhistes (*2).
(*1) Précédemment, les missionnaires de l'Église presbytérienne des États-finis ont travaillé sur la rive gauche du Mékong, puis dans la partie française du Siam. Les indigènes convertis ont émigré depuis dans la partie siamoise.
Une station missionnaire a été fondée en 1902 à Song-Khône (Laos) par MM. Willy et Contesse. Les missionnaires de Song-Khône et l'agent de la Société britannique sont donc actuellement les seuls représentants de l'Évangile établis parmi les païens de l'Indochine française.
(*2) Voir plus loin
. Aperçu sur le colportage biblique en
Indo-Chine.
De même, la Société biblique britannique et étrangère sera la première à évangéliser le Soudan français. Un jeune proposant méthodiste, M. Mesnard, a été nommé, en 1908, comme sous-agent pour répandre les Écritures dans la vallée du Niger, et éventuellement jusqu'à Tombouctou.
Il faut aussi parler de ce
que la Société fait pour les missions françaises. Elle les fournit gratuitement
(sauf à rentrer par la vente des volumes dans une partie
de ses débours) de ces livres saints sans lesquels on ne
peut former ni des chrétiens ni des évangélistes indigènes, sans lesquels il
n'est pas de mission prospère. Aussi, il faut voir avec quel enthousiasme, avec
quelle reconnaissance, les missionnaires, sans exception, parlent de la
Société ! (*). Le service rendu,
incommensurable au point de vue spirituel, n'est pas à dédaigner à un point de
vue inférieur. Quel surcroît de dépenses se trouve ainsi épargné à la direction
de la Mission ! Quelle charge, s'il avait fallu débourser, par exemple, 100.000
francs pour la publication de la Bible en sessouto (c'est ce qu'elle a coûté à
la Société), et à l'avenant pour les Écritures en d'autres langues !
(*) Voir le Fragment : La Bible au Lessouto.
Aux missionnaires français, la Société fournit la Bible en sessouto (elle a envoyé au Lessouto, de 1881 à 1908, 165.944 exemplaires des Écritures, soit 36.244 Bibles, 125.700 Nouveaux Testaments, 4.000 portions), en malgache, en tahitien, en maréen ; le Nouveau Testament en kabyle ; Matthieu et Marc en pahouin, le Pentateuque, les Psaumes et le Nouveau Testament en galwa, la Genèse et Matthieu en fang (Congo) ; Matthieu en wolof, les quatre Évangiles en mandingue (Sénégal) ; Marc, Jean, en annamite ; Luc en cambodgien ; Jean en laotien (le premier livre imprimé au Laos. Luc est en préparation) ; Matthieu en ongom (Congo) ; Marc et Jean en Houaïlou (Nouvelle Calédonie) ; Marc en Ponérihouen (id.).
Cette Société fut fondée en 1866. Son but était de donner, en se plaçant sur le terrain philologique et littéraire, une traduction qui pût être acceptée par toutes les communions. Sa création fut le fruit des efforts de M. le pasteur Emmanuel Petavel, efforts dans lesquels il se trouva efficacement secondé par M. l'abbé Étienne Blanc, du clergé de la Madeleine, et par M. Lévy Bing, savant hébraïsant. Pendant plusieurs mois, ces messieurs accompagnèrent M. Petavel dans un grand nombre des visites qu'il fit aux personnes dont il sollicitait l'adhésion. Une feuille de propagande (*) indiquait dans les termes suivants le but de la Société :
(*) Cette feuille donnait le nom des soixante-huit membres de la Société, parmi lesquels le prince Louis-Lucien Bonaparte, MM. Saint-René Taillandier, Saint-Marc Girardin, de Vogue, professeur au séminaire israélite, Montalembert, le prince Albert de Broglie, Amédée Thierry, les pasteurs Edmond de Pressensé, Théodore Monod, Rognon, Louis Vernes, A. Matter, le grand rabbin Astruc, quatorze prêtres dont le père Gratry, MM. Alfred André, Chabaud Latour, Rosseuw Saint-Hilaire, Munk, membre de l'Institut, Oppert, membre de la Société asiatique, ces deux derniers orientalistes célèbres, et M. Egger, de l'Institut, le prince des hellénistes français.
Un membre de l'Institut, professeur au Collège de France, faisait naguère la remarque suivante : « Une lacune sérieuse existe dans la littérature française ; on y chercherait en vain une traduction satisfaisante de la Bible ». Les versions en usage pèchent par leur inexactitude, ou par l'incorrection et la vulgarité du style. Pour l'honneur de la France et de sa langue, dont la mission est universelle, l'indifférence relative à cette lacune ne doit pas se prolonger. À quelque point de vue qu'on se place, on reconnaîtra que les textes bibliques ont droit à une traduction nouvelle, aujourd'hui surtout que les questions morales et religieuses occupent tous les esprits. Depuis quelques années, il est vrai, on s'est mis à l'oeuvre de plusieurs côtés à la fois. Mais, sans contester les mérites respectifs des essais mis au jour, ne faut-il pas regretter la dissémination et l'insuffisance de tant d'efforts dont la combinaison et l'union pourraient donner le succès ? Nous demandons une entente des hommes de bonne volonté, se rencontrant sur le terrain commun de la philologie et des études littéraires. Que les savants hébraïsants ou hellénistes de l'Institut de France, de la Sorbonne, de la Société asiatique, se réunissent pour la formation d'une Société ou d'une académie nouvelle ; qu'ils s'adjoignent les érudits et les littérateurs les plus compétents. Sous l'égide d'un gouvernement favorable aux recherches de la science, ils érigeront ensemble un monument national, digne de la belle langue que nous parlons, digne de la science philologique qui a réalisé de si importants progrès, digne surtout des immortelles vérités dont l'Écriture nous a transmis l'inépuisable trésor ».
Un comité fut constitué, avec
M. Amédée Thierry pour président, MM. l'abbé Martin de Noirlieu, curé de
Saint-Louis d'Antin à Paris, le pasteur Vallette, Astruc, grand rabbin, et
Paulin Paris, membre de l'Institut, pour assesseurs, et M. Petavel, secrétaire.
L'archevêque de Paris se montra sympathique à l'entreprise qui, d'après les Archives du christianisme
, obtint son approbation.
La séance d'inauguration eut lieu, le 21 mars 1866, à l'amphithéâtre de la Sorbonne, prêté par le ministre de l'instruction publique, M. Duruy, sous la présidence de M. Amédée Thierry, sénateur et membre de l'Institut. Près de 2.000 personnes étaient présentes. On entendit, outre le président, qui appela la Bible « le livre universel, le livre de la civilisation même », M. Petavel, secrétaire, le pasteur Vallette, l'abbé Martin de Noirlieu, l'abbé Bertrand, chanoine de la cathédrale de Versailles, M. Aristide Astruc, gradué grand rabbin, l'abbé Théodore Loyson, curé de Sainte-Clotilde, frère de M. Hyacinthe Loyson, un autre israélite : M. Lévy-Bing, membre de la Société asiatique, et M. Eichhoff, membre du consistoire luthérien (donc, trois protestants, dont deux réformés et un luthérien, quatre catholiques, deux israélites). Voici un extrait du discours de l'abbé Bertrand.
J'ai été pendant vingt ans à la tête d'une commune rurale assez importante. Or cette paroisse, composée presque uniquement de cultivateurs, était, sans contredit, l'une des plus religieuses des environs de Paris, malgré les relations journalières des paysans avec la capitale. Je me félicitais un jour de cet état de choses en présence d'un membre éminent du consistoire central de Paris. — Ne serait-ce pas, me dit-il, que votre paroisse était autrefois protestante ? — En aucune façon, lui répondis-je : ses habitants étaient au contraire du parti de la Ligue.
Je ne viens pas ici, Messieurs, rechercher quelles ont été les causes de cette heureuse exception d'une paroisse chrétienne au milieu de communes irréligieuses. Je me contenterai de vous apprendre qu'il y avait une Bible à peu près dans chaque famille et qu'elle était lue tout haut pendant les veillées de l'hiver. Je me suis demandé si ce n'était pas là le secret de la conservation de la foi dans cette paroisse ? Nous lisons en effet dans Isaïe 55, 11 : « Ainsi en sera-t-il de la parole qui sera sortie de ma bouche ; elle ne reviendra pas à moi sans effet ». La Parole de Dieu est donc féconde par elle-même…
L'abbé Loyson prononça un discours remarquable. Il parla de « l'avantage que pourrait créer, au point de vue de la controverse religieuse, cette version commune » :
Sans doute, elle ne franchirait le seuil de chaque communion religieuse qu'avec l'assentiment, l'approbation de l'autorité qui la gouverne… Mais enfin, le texte serait là, dans sa pureté originelle, dégagé des paraphases et des tournures plus accentuées ou plus adoucies que de part et d'autre on y a souvent introduites (*).
(*) C'est nous qui soulignons ici et plus loin.
Il est intéressant de voir un ecclésiastique catholique, un docteur en théologie, reconnaitre le caractère tendancieux de certaines traductions catholiques.
Le passage suivant mérite aussi d'être reproduit.
C'est ma croyance
intime qu'un jour tous, sur cette terre, dans l'unité d'une seule et même
Église, nous nous donnerons la main, formant une guirlande glorieuse autour de
Celui qui règne dans l'éternité. Mais en attendant, sur ce champ de bataille où
nous sommes divisés, le seul accord possible, avec celui de la charité, c'est
le choix, consenti de tous, du terrain et des armes les plus propres à faire
sortir de la lutte le triomphe final de l'unité. Le temps n'est plus où de part et d'autre on tentait d'atteindre les
âmes en frappant sur les corps.
À ces combats, d'autres ont succédé :
les combats de l'esprit, les controverses pacifiques, le choc lumineux de
convictions opposées. C'est avec ces armes que les hommes d'aujourd'hui doivent
se mesurer, se vaincre, ou plutôt, par la vérité communiquée et reçue, se
couronner mutuellement (*).
(*) Malheureusement, l'abbé Loyson n'autorisa pas la publication de son discours dans la brochure qui rendait compte de la séance. Son confesseur ne le lui permit pas, et la cause de cette interdiction avait, parait-il, pour cause le désaveu implicite formulé par l'orateur de la répression violente de l'hérésie et des procédés de l'Inquisition. M. Petavel s'inclina, bien que le discours étant déjà imprimé et la brochure paginée, il eût eu le droit légal de passer outre.
Un témoin oculaire, le
pasteur Ad. Duchemin, écrivait dans les Archives
du Christianisme
du 30 mars : « Rien de plus étrange que l'aspect de
cette réunion. Sur l'estrade, des prêtres, des pasteurs, des rabbins, et la
plus fraternelle entente établie entre tous : les prêtres applaudissant à
la parole du pasteur, et tous ensemble exaltant le rabbin qui venait d'exalter
les Écritures divines. Dans l'assemblée, même mélange et même enthousiasme. De
tous les côtés, la cordialité s'est montrée sans que l'individualité fût
sacrifiée, sans que les divergences de croyances fussent voilées. Les prêtres
ont parlé en prêtres, les pasteurs en pasteurs, les rabbins en rabbins juifs.
Tous ont revendiqué leur pleine indépendance dogmatique, et déclaré qu'ils
restaient ce qu'ils sont, et demeuraient fidèles à leur foi. Il n'y a point eu
confusion ; il y a eu fusion d'efforts pour arriver à un but nettement
défini : produire une traduction des livres saints, fidèle, exacte,
française ».
Quarante et un journaux,
parmi lesquels les Débats
, le Temps
, le Siècle
, le Times
, rendirent compte de la séance ou de
ce qui suivit. Ce qui suivit, malheureusement, ce fut la retraite des prêtres
catholiques. Au lendemain de la réunion parut dans la Semaine religieuse de Paris
une note anonyme, glissée par une main
inconnue, d'après laquelle le pape désavouait l'entreprise. C'était faux, mais,
malgré la désapprobation de Mgr Darboy, qui avait accueilli et accueillit
encore M. Petavel avec la plus grande bienveillance, cette note ne fut pas
démentie, et les ecclésiastiques catholiques qui avaient donné leur adhésion se
virent contraints de se retirer. « Avez-vous vu, dit un journal, les moineaux du
Palais-Royal s'envoler au coup de canon de midi ? Ainsi se sont éclipsés nos
prétendus libéraux catholiques ». La Société cessait ainsi d'être nationale.
Elle eut, un an après, le 27 mars 1867, une seconde séance, que présida M.
Amédée Thierry, et qui réunit une élite de savants hébraïsants et hellénistes
de Paris. Mais cette seconde séance fut la dernière. Bientôt la Société
nationale pour la traduction des livres saints en langue française ne fut plus
qu'un souvenir. Tout ce qui en resta, comme traduction, ce fut un essai de
traduction des trois premiers chapitres de la première épître de Pierre
présenté par M. Petavel, essai que publièrent les Archives
.
Ce fut donc un échec. Mais quelle grandeur dans cet accord, même éphémère, de trois confessions religieuses réunies sur le terrain biblique ! Ce fut une manifestation passagère de l'unité éternelle des croyants. Ce fut dans la nuit comme un éclair prophétique. Plût à Dieu qu'il y eût beaucoup d'échecs de ce genre ! L'initiative du pasteur Petavel mérite d'être saluée comme l'un des plus nobles efforts qu'enregistre l'histoire religieuse de notre pays.
Parlons d'abord des révisions
catholiques de la Bible de Lefèvre d'Étaples. Les théologiens catholiques,
comme nous l'avons dit (*), ne pouvant
empêcher qu'on lût cette Bible, préférèrent la publier révisée. Cette révision
fut l'oeuvre de François de Leuse
et
de Nicolas de Larben
. Ils ne
la modifièrent que légèrement, l'expurgeant surtout de ses notes, d'une saveur
trop protestante. Cette révision parut en 1550 et circula sans empêchement
parmi les catholiques français, grâce, en grande partie, au prestige de
l'université de Louvain, et malgré le mécontentement de la Sorbonne. Celle-ci
n'osait s'attaquer à une Université qui était le principal rempart du
Saint-Siège aux Pays-Bas. Cette Bible, dite de Louvain, jouit d'une demi-autorisation
et dura plus d'un siècle. Elle eut, sous diverses formes, environ 200 éditions, imprimées notamment à
Anvers, à Paris, à Rouen, à Lyon. Elle fut, à diverses reprises, plus ou moins
révisée, soit tout entière, en 1572 par de
Bay
, en 1608 (édition illustrée)
par Besse
(Bible illustrée. Dédiée à
Henri IV), en 1613 par Deville
, en 1621 par Frizon
(Bible dédiée à Louis XIII), — soit le Nouveau Testament
seulement, en 1647, par Véron
.
(*) Voir derniers paragraphes du point 12 (chapitre 9) du texte global = point 12 de la Partie 1 « Jusqu’au 16° siècle ».
Ce dernier Nouveau Testament
vaut la peine qu'on s'y arrête. Ces différentes Bibles firent souvent le
tourment des polémistes catholiques. Ils ne pouvaient les récuser, et dans
maints passages elles donnaient gain de cause à leurs adversaires. François
Véron, prédicateur et lecteur du Roi (Louis XIV) pour les controverses, sentit
vivement ce désavantage. Curé à Charenton, il avait de vives discussions à
soutenir avec les ministres protestants, qui le battaient parfois par leurs
citations bibliques. Impatienté, le P. Véron se décida à faire paraître, en
1646, une nouvelle traduction du Nouveau Testament, toujours sous le pavillon
de Louvain. Il déclare qu'il a dû corriger plusieurs erreurs préjudiciables à la
religion catholique. Il reprend ses prédécesseurs de ce qu'ils n'ont pas assez
repurgé les traductions protestantes de leurs ordures. Veut-on savoir comment
il « repurgeait » les traductions hérétiques de leurs « ordures » ? Dans sa
traduction, on lit à Actes 13, 2, au lieu de pendant qu'ils servaient le Seigneur dans leur ministère :
EUX
DONC DISANT LA MESSE (traduction qu'on trouve déjà dans la Bible de Corbin de
1643, dont nous aurons à reparler). Trois pages (in-4) de la préface sont
consacrées à justifier cette traduction, que le traducteur déclare
indiscutable, en rabrouant d'importance les contradicteurs. Dans un Nouveau
Testament publié à Bordeaux en 1686, les mots le sacrifice de la messe
se trouvent même dans le titre du chapitre
(*). On lit dans cette dernière édition, à 1
Corinthiens 3, 15: « ainsi toutefois comme par le feu du purgatoire
», et à
1 Timothée 4, 1 : « quelques-uns se sépareront de la foi romaine
».
(*) Nous avons vu
des exemplaires de ces deux Nouveaux Testaments à la bibliothèque de Genève.
L'exemplaire du Nouveau Testament de 1686 offre une particularité qui en fait
une curiosité bibliographique. Le commencement de Actes 13 s'y lit à la page
364. Or, les pages 363 (recto) et 364 (verso) se trouvent deux fois à la suite.
Sur la deuxième page 364 se trouve dans le titre : Le sacrifice de la Messe,
et au verset 2 : Pendant qu'ils offraient le sacrifice de la
Messe.
La première page 364 (carton très habilement collé), porte la
traduction normale : pendant qu'ils
servaient le Seigneur.
On pense qu'elle a été insérée dans cet exemplaire,
et peut-être dans d'autres, par un ami de la vérité, qui sait ? par un ouvrier
huguenot de l'imprimeur du volume, qui aura voulu confondre et flétrir la
traduction mensongère en conservant à côté la traduction exacte.
On mentionne d'autres
éditions semblables du Nouveau Testament, deux à Bordeaux, avant celle de
1686 : en 1661 et 1663, et plusieurs de Girodon
(1661, 1662, 1672, 1688, 1692) (*).
(*) Girodon, dit M.
Douen, a réussi à découvrir, c'est-à-dire à mettre dans le Nouveau Testament,
non seulement la pénitence et la messe, mais le culte de latrie, les
pèlerinages, les processions, le purgatoire, les péchés véniels, le sacrement
du mariage, etc… Livre destiné aux protestants nouveaux convertis, comme si
la scandaleuse falsification du texte sacré eût été de nature à affermir des
conversions obtenues par la violence (Article Versions modernes de la Bible,
dans l'Encyclopédie.
À cause des modifications de la langue, il vint un moment où la version de Louvain tomba en désuétude. Aucune autre version approuvée ou tolérée par l'Église ne la remplaça.
Voici l'énumération des traductions catholiques de la Bible, données comme originales (*), depuis la Réformation jusqu'à aujourd'hui. Cette énumération, dans sa sécheresse apparente, nous paraît singulièrement éloquente. Elle montre, en effet, combien la Bible s'est imposée même à ceux qui n'encouragent pas, pour dire le moins, la lecture de la Bible par les fidèles. Et puis, en présence de cette longue liste, en présence de ces Bibles commentées parfois en vingt-trois, en vingt-huit volumes, en présence de ces éditions multiples, en présence de ces Écritures répandues si abondamment par un de Barneville, et sûrement par d'autres, comment ne pas reconnaître dans cette Église, malgré tout ce qui nous sépare d'elle, un élément de piété véritable attesté par cet amour, par cette pratique des Écritures ? Pour parler le langage des mathématiques, si on compare les deux Églises à deux cercles, ces cercles ne sont pas concentriques, puisque le siège de l'autorité n'est pas le même, mais ils ont un segment commun, et ce segment, c'est la Bible.
(*) Nous ne garantissons pas qu'elle soit complète. Nous l'avons établie d'après la Bible en France, de E. Petavel, l'Extrait du catalogue de la bibliothèque de la Société biblique protestante de Paris, le Historical Catalogue of printed Bibles, British and Foreign Bible Society, et l'article de O. Douen sur les Versions modernes, dans l'Encyclopédie.
En 1566, la BIBLE, par René Benoist
, curé de Saint-Eustache, confesseur de Marie Stuart et de Henri
IV. Elle était dédiée à Charles IX. Elle reproduisait en grande partie la
version protestante. L'auteur avait-il voulu, comme on le prétendit, se donner
l'air de faire une oeuvre originale et s'était-il approprié la version de
Genève sans la démarquer suffisamment ? De plus la préface recommandait la
dissémination de la Bible en langue vulgaire pour combattre l'hérésie. C'était
assez pour la rendre suspecte. Elle provoqua un tollé général. La Sorbonne condamna l'oeuvre en 1567. La chose
vint devant Rome et devant le Roi. L'auteur fut déposé. Il finit par se
rétracter, et au bout de vingt ans fut réhabilité. Chose curieuse, pendant la
controverse même dont la Bible de René Benoist fut l'objet, son Nouveau
Testament sans notes fut souvent réimprimé, malgré la censure. En 1568, la
Bible de René Benoist est éditée trois fois à Paris, par trois libraires
différents.
En 1643, la BIBLE traduite
par Jacques Corbin. Nouvelle traduction
très élégante
, dit le titre,
très littérale et très conforme à la
Vulgate du pape Sixte Quint, revue et corrigée par le très exprès commandement
du roi
. Malgré le patronage de Louis XIII, qui avait chargé Corbin de ce
travail et auquel il était dédié, cette Bible fut condamnée par la Sorbonne. On
ne peut le regretter quand on sait que Corbin a traduit, Actes 13, 2 : Or eux célébrans au Seigneur le sainct
sacrifice de la messe.
En 1649, le NOUVEAU TESTAMENT
traduit par Michel de Marolles
, abbé de Villeloin, sur la
traduction latine d'Érasme. Michel de Marolles voulut publier aussi l'Ancien
Testament. Il obtint l'autorisation du chancelier Matthieu Molé. Mais, en 1671,
comme l'imprimeur en était à Lévitique 24, le successeur de Molé, Séguier,
interdit l'impression, qui ne put jamais être reprise.
On voit par le sort de ces trois publications combien fut extraordinaire et vraiment providentielle la demi-autorisation accordée à la Bible de Louvain, malgré son origine hérétique.
En 1666, le NOUVEAU TESTAMENT
du P. Amelote
, publication
entreprise à la requête de l'Archevêque de Toulouse et de l'évêque de
Montauban, que l'assemblée générale du clergé de France de 1655 avait chargés
de faire paraître une nouvelle version. Réédité en 1733, 1738, 1771, 1781, 1793
(on imprima donc la Bible en France en pleine Terreur. Cette édition est de
Saint-Brieuc), 1813. 1824, 1834. C'était le Nouveau Testament de Port-Royal,
dont le P. Amelote s'était procuré une copie, et qu'il publia, avec peu de
changements, un an avant que parût l'original. Ce Nouveau Testament contient de
graves erreurs, qui y ont été introduites peut-être après la mort du
traducteur. On l'opposait au Nouveau Testament de Port-Royal. Félix Neff a
trouvé ce Nouveau Testament entre les mains des protestants des Hautes-Alpes,
dont les ancêtres l'avaient sans doute adopté pour apaiser leurs persécuteurs.
En 1667, le NOUVEAU TESTAMENT
dit de Port-Royal, traduit par de Sacy,
et
en 1696, la BIBLE entière, du même traducteur (*).
(*) Nous consacrons le chapitre suivant à cette version célèbre.
En 1671, le NOUVEAU TESTAMENT
EN FRANÇAIS AVEC DES RÉFLEXIONS MORALES sur chaque verset par le P. Quesnel
(dont le nom n'est pas sur le
titre). Ouvrage justement célèbre. Ces commentaires seront toujours une
nourriture de choix pour les âmes pieuses. La traduction est celle du Nouveau
Testament de Port-Royal, mais avec des modifications. Voici comment Quesnel
traduit Luc 15, 18 : Il faut que de
ce pas je m'en aille trouver mon père et que je lui dise : « Mon père, j'ai
péché
… ». Cet ouvrage a été
réédité notamment en 1693, 1696, 1702, 1705, 1727.
En 1668, le NOUVEAU TESTAMENT
traduit par Antoine Godeau
, évêque de Vence, traduction
paraphrastique, remarquable en ce qu'elle adopte le tutoiement en usage chez
les protestants, car « il y aurait indécence à ce que Dieu parlât au diable par
vous ». En 1686, il publia une traduction des Psaumes.
De 1697 à 1703 le NOUVEAU
TESTAMENT traduit par le père Bouhours
, aidé par les Pères jésuites Le Tellier et Besnier, une autre
version d'opposition à la version de Sacy.
De 1701 à 1716, la BIBLE
traduite par L. des Carrières
,
révision de la version de Port-Royal. Elle a été rééditée en 1750, puis,
en quinze volumes, en 1825 et en 1833, ensuite en 1846 à Québec, et en 1847 à
Paris, six Volumés. Saint-Matthieu a été réédité en 1890.
En 1702, à Trévoux (près de
Bourg), une nouvelle version du NOUVEAU TESTAMENT, sans nom d'auteur, mais que
M. Reuss dit être indubitablement du savant oratorien Richard Simon
. Cette
traduction fut attaquée par Bossuet dans ses Instructions
parues en 1702 et 1703.
En 1702, le NOUVEAU TESTAMENT
traduit par Charles Huré
, ancien professeur de l'Université
de Paris, un laïque. Réédité en 1709, 1712, 1728.
De 1707 à 1716, la BIBLE,
commentée par Dom Calmet
, en 23 volumes in-4. Une troisième
édition paraissait de 1724 à 1726, une quatrième en 1771. Cette Bible reproduit
et modifie par endroits la traduction de Sacy. Dont Calmet avait appris
l'hébreu d'un pasteur protestant, tout en faisant ses études à l'abbaye de
Munster (Alsace).
De 1713 à 1715, la BIBLE,
version de Port-Royal révisée, avec réflexions, par Mme Guyon
. Vingt volumes
in-8. Rééditée en 1790.
De 1713 à 1725, les
RÉFLEXIONS SUR LE NOUVEAU TESTAMENT du P. Lallemant
, avec la traduction du P. Bouhours,
révisée, douze volumes in-12. La traduction a été rééditée en 1748,
1823, 1829, 1830, 1845, 1847, puis, révisée et corrigée par l'abbé Herbet, en
1848, 1860 (Évangiles), 1866.
En 1719, le NOUVEAU TESTAMENT
traduit par l'abbé de Barneville
, oratorien. Ce Nouveau Testament
vaut la peine qu'on s'y arrête.
Vers 1719, à l'instigation de
l'abbé de Barneville, — qui commença son activité biblique à l'âge de soixante
ans, et la continua jusqu'à sa mort, pendant vingt ans environ — il se forma
une Association catholique, la première Société biblique française, pour
répandre, au moyen de dons, le Nouveau Testament, sans notes ni commentaires.
C'est à elle qu'est dû ce Nouveau Testament de 1719, traduit par de Barneville
lui-même et imprimé à Paris avec les approbations des évêques d'Auxerre, de
Lectoure, de Rodez, et d'un docteur en Sorbonne, Pinsonnat, censeur royal des
livres. Douze éditions successives de ce Nouveau Testament parurent de 1719 à
1753. Celle de 1731 est annoncée comme revue
à nouveau sur tout ce qu'il y a eu de versions de ce divin Livre faites en
notre langue, non seulement en France, mais encore dans le reste de l'Europe
. Ces éditions étaient précédées
d'admirables préfaces dont la Société des traités religieux a imprimé de
nombreux extraits dans le numéro 107 de ses publications. Voici quelques
citations de ces préfaces :
PRÉFACE DE 1719 : Des personnes qui s'intéressent sincèrement au besoin des âmes ayant appris par différents missionnaires que la Parole de Dieu n'était ni prêchée ni lue que fort rarement en certains cantons du royaume, qu'ainsi des milliers de baptisés y croupissaient dans une profonde ignorance de leurs devoirs de chrétiens, elles ont été tellement touchées d'un mal si digne de larmes aux yeux de la foi, qu'elles se sont portées comme de concert à en chercher le remède et à le faire appliquer incessamment.
Après avoir imploré le secours du souverain Pasteur, ces personnes ont fait représenter à quelques prélats, sensibles aux maux de l'Église, que s'ils le trouvaient bon, elles se joindraient à eux pour faciliter l'instruction de leurs peuples par le moyen des livres de piété et surtout par celui du saint Évangile… ; elles ajoutaient qu'afin d'en avoir les exemplaires plus commodément et à meilleur marché, elles feraient volontiers des avances pour plusieurs éditions de ce divin livre… La Parole de Dieu ainsi distribuée à des pauvres et à des riches de tout le royaume aura désormais ce cours magnifique que lui souhaitait le grand apôtre dans sa seconde épitre aux Thessaloniciens, chapitre III :
« Que la Parole de Dieu ait son cours et qu'elle soit glorifiée », et ce cours ne sera pas seulement glorieux à cette divine Parole, mais encore honorable à toute l'Église gallicane, laquelle recevra un surcroît de gloire qui la distinguera jusqu'à la fin des siècles des autres églises, pour avoir su mieux qu'elles trouver le secret de prodiguer le saint Évangile dans des pays incultes.
PRÉFACE DE 1728 : Comme la principale fonction du sacerdoce de Jésus Christ consiste à faire connaître aux hommes les Saintes Écritures, selon l'expression du septième concile de Nicée, et que les ministres évangéliques en sont redevables aux personnes de tout âge et de toute condition, après avoir donné une édition d'un Nouveau Testament portatif en faveur des jeunes gens, on a cru devoir faire celle-ci en beaux et gros caractères neufs, plus correcte
que les précédentes, pour donner moyen aux personnes de l'un et de l'autre sexe, qui sont plus avancées en âge, ou qui ont la vue faible, de puiser avec plus de facilité les eaux claires et vives des fontaines du Sauveur.
PRÉFACE DE 1731 : Nous devons rendre ce témoignage au zèle de quelques personnes d'une fortune fort médiocre, qu'elles donnèrent très volontiers selon leur pouvoir, et même au delà de leur pouvoir, pour contribuer à ce moyen de répandre l'Évangile. Il y eut aussi des gens riches et charitables qui voulurent bien y entrer. Ils ne se contentèrent pas de faire provision pour eux et pour leur famille de cet ouvrage : ils firent donc encore la dépense d'en acheter un grand nombre qu'ils ont fait distribuer gratuitement aux pauvres, à Paris et dans les provinces. On n'a rien négligé pour faire qu'il fût au plus bas prix qu'il était possible…
UNE AUTRE PRÉFACE : Tout ce que l'on peut dire à la louange de la Parole de Dieu ne la fait pas si bien sentir qu'elle se fait sentir elle-même, quand on la lit avec un esprit docile et avec un coeur humble… Il en est d'elle comme du miel auquel le Saint-Esprit la compare et dont une goutte qu'on met sur la langue fait mieux goûter la douceur que ne pourraient jamais le faire les discours les plus amples et les expressions les plus vives.
A-t-on jamais mieux parlé de l'Écriture que dans ces dernières lignes ?
Nous reprenons notre énumération
En 1729, le NOUVEAU TESTAMENT
de Mésenguy
, prêtre janséniste ardent, traduction remarquable par la pureté
du style comme par l'esprit de piété qu'elle révèle chez son auteur. Rééditée
en 1752 et 1764.
En 1732, les PSAUMES traduits
par l'abbé d'A… Brux.
De 1738 à 1743, la BIBLE de
l'abbé Vence
, révision de la Bible du P. de Carrières, dite Bible de Vence,
vingt-deux volumes in-12, rééditée de 1767 à 1773 en dix-sept volumes in-4, en
1820 en vingt-cinq volumes in-8.
En 1739, la BIBLE de Nicolas le Gros
, version originale jusqu'à Nombres xxxtl, ensuite révision de
Sacy, reprise par d'autres après la mort de l'auteur et achevée en 1753, cinq
volumes. L'abbé Glaire a dit de cette Bible qu'elle « est sans contredit la
meilleure que nous possédions dans notre langue, tant sous le rapport du style
que de la fidélité ». Il fait des réserves sur ses tendances protestantes.
En 1760, le NOUVEAU TESTAMENT
de l'abbé Valart
, réédité en 1789.
En 1760, ÉSAIE, par Deschamps
.
En
1762, les PSAUMES, traduits par Laugeois
. En 1788, ÉSAIE, du P. Berthier
, cinq volumes.
En 1804, le PSAUTIER de Laharpe
, réédité en 1811, en 1820 et en 1829.
En 1819, la BIBLE par Desoer
, deux éditions différentes, l'une en un volume in-8, l'autre en
sept volumes in-16.
De 1820 à 1824, la BIBLE de Genoude
, dix-neuf volumes in-8. Le Nouveau Testament fut édité à part
en deux volumes in-18. L'auteur avait été un instant séminariste, il était donc
laïque. Sa traduction de la Bible lui valut de la part de Louis XVIII
l'anoblissement et une pension. Il se maria. Devenu veuf en 1834, il rentra
dans les ordres. Le Nouveau Testament fut réédité en 1829, et de nouveau,
révisé par Gaume
, en 1859. La Bible fut rééditée en
1834, en cinq volumes in-4, « sous les auspices du clergé de France », puis : en
1837, en trois volumes in-4; de 1838 à 1840, en cinq volumes in-4 ; 1846,
révisée par l'auteur, en deux volumes in-12; plus tard encore en édition
diamant in-18 (1859 ?). La traduction de Genoude est élégante, mais souvent
inexacte.
En 1825, JÉRÉMIE, traduit par
Dahler
.
En
1826, les PSAUMES, traduits par Gosseaume
.
En
1826, les PSAUMES, traduits par
l'abbé Danicourt
.
En
1826, JOB, traduit par Levavasseur
.
En
1834, la BIBLE française-latine de l'abbé
Glaire
. La Bible française de l'abbé Glaire a paru en 1863 et a été
rééditée en 1873. « Dépourvue d'élégance, dit M. Douen, elle tombe souvent dans
l'obscurité pour avoir voulu être trop textuelle ».
En 1836, les ÉVANGILES de
l'abbé Dassance
, deux volumes in-8.
En 1838, le PSAUTIER, de Dargaud
.
En
1839, JOB, par Dargaud
.
En 1840, les PSAUMES. par
l'abbé Boudil
.
En
1841, les PSAUMES, traduits sur l'hébreu, par M. Wurth
, professeur à l'Université de Liège
(un laïque), et dédiés à la Reine.
En 1841, les PSAUMES, le
CANTIQUE DES CANTIQUES et les LAMENTATIONS, par Cardonnel
et Debar
.
En
1842, le NOUVEAU TESTAMENT, Version
nouvelle par un anonyme (Machais
, certainement un laïque).
En 1843, les ÉVANGILES de
l'abbé Orsini
.
En 1845, les PSAUMES, traduits de l'hébreu par Latouche, chanoine d'Angers.
En 1846, les ÉVANGILES (au moins quatre éditions), et, en 1851, le NOUVEAU TESTAMENT de Lamennais. Lamennais a essayé de « plier notre langue aux formes de l'original qui, dans sa concision elliptique, néglige fréquemment soit les liaisons grammaticales, soit des pensées intermédiaires, soit certains compléments logiques du discours ». « Mais il est loin, dit M. Douen, d'avoir toujours réussi (Voyez Rom. ch. 7 v. 10, 14, 18, 21 ; ch. 8 v. 1, etc.). La traduction, trop systématique, offre le même genre d'intérêt que la lutte d'un cavalier opiniâtre contre un cheval rétif ».
En 1846, la BIBLE de Sacy
, revue par l'abbé Jager
, quatre volumes in-folio.
En 1848, le livre de JOB, par
P. D. de Peyronet
, ancien garde des sceaux de France.
En 1853, la BIBLE DES
FAMILLES CATHOLIQUES à I'usage des gens du monde, par M. l'abbé Orsini
. C'est une Bible expurgée. Les petits prophètes ne sont
qu'indiqués, et les épitres et l'Apocalypse sont résumés très succintement. Le
texte est celui de Sacy.
En 1854, le SAINT ÉVANGILE
selon les quatre évangélistes, par l'abbé Destrem
.
En 1855, les ÉVANGILES, traduction de Bossuet mise en ordre et complétée par H. Wallon.
En 1855, réédition, en
français, par l'abbé Gimarey
d'Autun, des Saintes Écritures de l'ANCIEN
ET DU NOUVEAU TESTAMENT traduites et expliquées par T. Allioli
, prévôt
de la cathédrale d'Augsbourg, ouvrage paru à Nuremberg en 1830. C'est une Bible
latine-française en dix volumes. Le texte français est celui du P. des
Carrieres
. L'édition française est augmentée de nombreuses notes.
En 1857, PSAUMES, d'après le
parallélisme, par l'abbé Bertrand
.
En 1858, PSAUMES, de F.
Claude
.
En 1858, les PSAUMES,
traduction d'Ambroise Rendu
.
En 1858, les ÉVANGILES de l'abbé Dassance
, illustrés.
En 1859, le livre de JOB,
traduit de l'hébreu, par Ernest Renan
. Renan publia le CANTIQUE DES
CANTIQUES en 1860 et l'ECCLÉSIASTE en 1882 (*).
(*) Ces traductions
de Renan ne devraient pas, en réalité, figurer dans une énumération de
« Versions catholiques », non plus que les Évangiles
, annotés par Proudhon, la Genèse,
par Lenormand, le Cantique des Cantiques,
par Aicard, la Bible
de Ledrain, les traductions de la parabole de l'Enfant
prodigue
en patois français. Voir plus bas. Nous les y laissons cependant,
vu leur petit nombre, pour simplifier la classification. On peut entendre
l'expression de versions catholiques
dans
le sens de versions non protestantes
.
En 1859, ISAIE, traduction en
vers, par A. Savary
.
En
1859, JOB, RUTH, TOBIE, JUDITH, ESTHER, par l'abbé Giguet
.
En
1860, VISIONS D'ISAIE, en vers, par
l'abbé Chabert.
En 1861, le NOUVEAU TESTAMENT de l'abbé Glaire. Ce Nouveau Testament reçut l'autorisation du pape et fut connu sous le nom de « Nouveau Testament du pape ». Réédité en 1865. En 1877 parut l'ANCIEN TESTAMENT de l'abbé Glaire, et de 1889 à 1893 la BIBLE de Glaire et Vigouroux, 4 volumes in-8. « La traduction de Glaire, dit M. Douen, dépourvue d'élégance, tombe souvent dans l'obscurité pour avoir voulu être trop textuelle ».
En 1862, ÉVANGILES en vers,
par A. Brun
.
En 1862, LES ÉVANGÉLISTES,
par Ruben
.
En 1863, le NOUVEAU TESTAMENT
de l'abbé Gaume
, chanoine de Paris. Traduction peu littéraire (*1). La préface et les notes (très abondantes) sont
agrémentées d'une polémique anti-protestante dont la fougue et la violence sont
difficiles à concevoir. On dirait des charges de cavalerie (*2).
(*1) La femme, ce fut séduite qu'elle tomba en prévarication (1 Tim. 2, 14).
(*2) Qu'on en juge. Dans la préface, après avoir exprimé cette pensée que le catholique a dans l'église tout ce qu'il lui faut, qu'il n'a qu'à accepter, qu'à se soumettre, l'abbé Gaume continue :
« Lorsque le
protestant se présente armé d'un texte de la Bible, on peut le traiter comme on
traite le voleur, qui, s'étant emparé d'un titre de propriété prétend s'en
prévaloir pour justifier ses déprédations. Le catholique peut se contenter de
lui dire avec Tertullien : Qui êtes-vous ? Depuis quand et d'où êtes-vous
venu ? Que faites-vous chez moi, n'étant pas de la famille ? De quel droit
coupez-vous ma forêt ? Qui vous a permis de détourner mes canaux ? Qui vous
autorise à ébranler mes bornes ? Comment osez-vous semer et vivre ici à
discrétion ? C'est mon bien. Je possède, et ma possession est authentique, mes
origines incontestables. Le titre que vous présentez, vous l'avez volé, il
appartient à ma mère. Qui vous a chargé de l'expliquer, et surtout de
l'expliquer contre elle ? Vous êtes protestants : votre nom donne le frisson.
Satan a été le premier protestant
: il a protesté dans le ciel, et des
anges ses complices il a fait d'affreux démons ; il a protesté sur la terre avec
Ève, et il a perdu le genre humain. Vous faites le métier de votre père. Arrière,
arrière ! Assez de crimes et de ruines avec toutes ces Protestations
! »
Voici la note sur Matthieu 8, 14. « Quand il fut appelé à l'apostolat, Pierre quitta sa femme et sa fille, lesquelles
imitèrent si bien sa foi qu'elles sont honorées comme saintes, l'une martyre,
et l'autre vierge ». Et sur 1 Tim. 3, 2: « Ce n'est pas qu'il dût être marié. On
aurait préféré qu'il en fût autrement. Les nouveaux convertis propres au
sacerdoce étant mariés, il eût été difficile de choisir ailleurs ; mais après
leur ordination (ici nous traduisons quelques mots en latin) : ab usu
muliebri
temperabant
, et ne pouvaient former d'autres
liens ».
En 1865, le NOUVEAU TESTAMENT de Mgr Ch. Fr. Baillargeon, évêque de Tloa (publié à Québec).
En 1865, la SAINTE BIBLE selon la Vulgate, traduction nouvelle par les chanoines Bourassé et Janvier, avec les dessins de Gustave Doré. 2 volumes in-folio. Le Nouveau Testament a été publié à part en 1875. « Cette traduction, dit M. Douen, se distingue par la clarté, la limpidité du style ».
En 1865, les PSAUMES, par Arnaud de Saint-Maur
.
En
1865, ÉVANGILES, de Deschamps.
En 1866, LES ÉVANGILES
annotés par Proudhon
.
En
1866, JOB, drame en cinq actes, traduit par J. Leroux
.
En
1868, PSAUMES de Mabire.
En 1868, ÉVANGILES de Fouquet
.
En
1868, ÉVANGILES en vers, par la
baronne de Montaran
.
En
1872, la SAINTE BIBLE avec commentaires de l'abbé Drioux
, 8 volumes in-8, rééditée en 1884.
En 1872, BIBLE de l'abbé Giguet
,
d'après les Septante.
En 1879, CHAINE D'OR DES
PSAUMES, par l'abbé Péronne
.
En 1881 et années suivantes, la SAINTE BIBLE, avec introductions générales et particulières, commentaires théologiques, moraux, philosophiques, historiques, etc., par MM. les abbés Trochon, Bayle, Clair, Lesêtre, Fillion, etc., 28 volumes in-8.
En 1881, la SAINTE BIBLE, traduction française avec commentaires, par A. Arnaud.
En 1881, PSAUMES de Vacquerte
.
En
1882, ÉVANGILES de l'abbé de La Perche
.
En
1883, GENÈSE, par Lenormand.
En 1884. le NOUVEAU TESTAMENT
traduit sur la Vulgate par l'abbé Crampon
. Les ÉVANGILES, l'APOCALYPSE,
les PSAUMES, traduits par le même, ont paru à part.
En 1885, le CANTIQUE DES
CANTIQUES en vers, de Jean Aicard
.
En 1887, les SAINTS ÉVANGILES de Lasserre, publiés avec l'autorisation du Saint-Siège à 100.000 exemplaires (vendus en un an), puis mis à l'index la même année. L'auteur s'est proposé de présenter les Évangiles à ses compatriotes dans un style et sous un aspect vraiment modernes. Il s'est inspiré de la méthode préconisée par Jérôme dans l'éloge que fait ce père des traductions bibliques du confesseur Hilaire : « Il s'est emparé du sens en vainqueur, et l'a transporté dans sa langue » (*). Une édition de luxe in-4, illustrée, préparée la même année, porte le millésime de 1888.
(*) Lasserre consacra quinze ans à cette traduction et en corrigea les épreuves pendant douze ans, payant à l'imprimeur le loyer des caractères. Il donne ce renseignement dans sa préface.
Voici un extrait de cette remarquable préface, qui compte trente-sept pages :
« Considérant le
Livre sacré comme inutile et dangereux, on croit faire oeuvre pie de le
reléguer, loin des profanes, dans les savantes arcanes du sanctuaire.
N'était-ce point oublier que les discours de Jésus, au lieu de se renfermer,
pour quelques initiés, dans une enceinte soigneusement close, ont au contraire
retenti en plein air sur les places publiques, sur la pente des monts, sur la
rive des lacs, au sein des foules populaires pressées autour de lui ;
parmi les ignorants comme parmi les doctes ; parmi les bons et les
méchants, les grands et les petits, les justes et les pécheurs ; parmi les
juifs, les païens, les vieillards, les femmes, les enfants ? N'était-ce point
oublier qu'il a été prescrit aux apôtres et à leurs successeurs d'annoncer
partout ce même Évangile, à travers les siècles, et de le faire entendre
ici-bas à tout être créé : Euntes in
mundum universum, praedicate Evangelium omni creaturae ; Kèruxaté,
dit le
grec, « soyez-en comme les crieurs publics ». N'était-ce point oublier que cet
ordre était tellement absolu que, quand il arrivait à Notre Seigneur de prendre
à part ses disciples et de s'entretenir avec eux en dehors des multitudes, il
ne manquait pas de leur bien spécifier que ces paroles mêmes, qu'il leur
adressait alors en particulier, devaient, après lui, être répétées et répandues
comme tous ses autres enseignements : « Ce que je vous expose présentement
dans l'ombre, vous avez à le proclamer dans le plein jour ; et ce que vous
entendez à l'oreille, vous avez à le prêcher sur les toits ».
Dans cette préface, d'ailleurs, Lasserre se montre fils soumis de l'Église, et se sépare du protestantisme, qui « repoussant tout jugement supérieur, afficha la prétention de livrer d'une façon absolue l'interprétation souveraine de la Parole de Dieu à l'arbitraire individuel et à la fantaisie de chaque lecteur ».
Cette traduction est
remarquable comme effort pour transposer le texte en français d'allure moderne.
Mais l'auteur a étrangement et inutilement forcé la note dans des expressions
comme celles-ci : mon joug est suave
(Mat. 11, 30) et : les larmes
coulaient sur la face de Jésus
(Jean 11, 35).
En 1887, la SAINTE BIBLE avec
commentaires, édition de Dom Calmet, rajeunie par l'abbé Petit
, dix-sept
volumes in-4.
En 1888, BIBLE de l'abbé Fillion
, dix volumes. Nouveau Testament réédité en 1896.
En 1888, PSAUTIER de Baïf
.
En
1891, les QUATRE ÉVANGILES ET LES
ACTES, traduction nouvelle, avec notes, illustrée, édition approuvée par l'évêque de Nîmes
.
En 1891, les QUATRE ÉVANGILES en un seul et les
ACTES DES APOTRES, par le chanoine Weber
. Les récits de la tradition sont
ajoutés entre crochets au texte sacré. En 1900 cet ouvrage avait atteint sa
cinquantième édition.
De 1894 à 1904, la SAINTE
BIBLE, traduite en français sur les
textes originaux, avec introductions et notes et la Vulgate latine en regard
, par Aug. Crampon
, chanoine
d'Amiens, 7 volumes grand in-8, avec l'imprimatur
de l'évêque de Tournai.
Cette traduction est la première traduction française de la Bible qui ait été
faite dans l'Église romaine sur les textes originaux. En 1904, nouvelle édition
sous ce titre : la SAINTE BIBLE, traduction
d'après les textes originaux, par l'abbé Crampon, revisée par des pères de la
Compagnie de Jésus, avec la collaboration de professeurs de Saint-Sulpice
, portant l'imprimatur
de l'évêque de Tournai, petit in-8. Sur la couverture
sont imprimés, en latin, ces mots : Je
suis le chemin, la vérité et la vie
.
Cette Bible reproduit le texte français de la grande édition de 1894 à
1904 pour l'Ancien Testament, mais la traduction du Nouveau Testament a été
révisée. Le Nouveau Testament a paru à part dans une traduction révisée pour la
seconde fois. En 1906, les Évangiles et les Actes ont été publiés à part, en
cinq petits volumes. à 20.000 exemplaires chacun, épuisés la même année, et
réédités l'année suivante. En 1909, la Bible petit in-8° a été réimprimée, et
purgée des innombrables fautes d'impression qui la déparaient.
Cette version a, comme toutes
les autres, ses inégalités et ses faiblesses. D'autre part, elle a largement
mis à profit (pour l'Ancien Testament) les traductions de Segond, de la Bible
annotée et de Renan. Ce serait déjà rendre un grand service au lecteur que de
mettre à sa portée ce qu'il y a de mieux dans les meilleures versions, pas
toujours accessibles. Mais cette version a sa valeur propre, qui est grande.
Notons seulement qu'elle maintient soit les inversions (Le mal, il y a des mains pour le bien faire. Michée 7, 3), soit
la répétition voulue du pronom (car moi, Jéhovah, ton Dieu, je te prends par la
main droite… c'est
moi qui
viens à ton aide… c'est
moi qui
viens à ton secours… Ésaïe 41, 13, 14). ce qui donne une
toute autre allure au style et conserve ce qu'il y a de palpitant dans le texte
original. Dans le Nouveau Testament, où on ne retrouve pas les mêmes emprunts
que dans l'Ancien, la traduction est remarquable de concision et de précision.
Cette version est indispensable. comme instrument de travail, là tous ceux qui
étudient la Bible (*).
(*) Voir, sur cette
version, les chaleureux articles de M. Ch. Pfender dans les deux premiers
numéros de janvier 1905 du Témoignage
.
On trouvera dans le Bulletin trimestriel
de la Société
biblique de France (numero de décembre 1906) un article critique de M. le
pasteur E. Bertrand, sur la version Crampon. Voir aussi l'article de M. E.
Stapfer sur Une nouvelle traduction de la
Bible
, dans la Revue chrétienne
d'avril 1906.
La traduction de l'abbé Crampon est accompagné de nombreuses notes qui sont surtout des notes historiques, exégétiques et d'édification. La doctrine catholique s'y affirme, sans doute, mais ne s’y étale pas, et ces notes sont exemptes de polémique. Nous sommes ici aux antipodes du Nouveau Testament de l'abbé Gaume (*).
(*) Voici ce que M.
le pasteur Babut écrivait sur la version Crampon, en mars 1906, dans le Messager des Messagers.
Plus j'étudie cette
version, plus je suis frappé de ses mérites. Je n'en relèverai qu'un, celui que
j'aurais le moins attendu : la fidélité, l'objectivité,
l'absence de préoccupation dogmatique ou ecclésiastique. N'était l'emploi
du prénom vous appliqué à Dieu et la présence des livres apocryphes, que je
suis fort aise de trouver dans ce beau volume, mais que je regrette de voir
tout-à-fait mêlés aux livres canoniques comme s'ils ne formaient pas en tout
cas une classe à part, sans ces deux circonstances, dis-je, il semblerait très
vraisemblable que cette traduction est d'une plume protestante (Naturellement,
dans quelques-unes des notes, l'idée catholique est plus apparente (Mat. 16,
19). Encore s'exprime-t-elle avec une certaine sobriété).
Aussi cet important ouvrage me parait-il propre à dissiper quelques-uns des préjugés gui séparent les deux communions. Il nous prouve, à nous protestants, qu'on peut s’appeler jésuite et interpréter la Sainte Parole avec beaucoup de conscience et d'intelligence. Mais d'autre part, cette identité presque complète, et qui, à coup sûr, n'est pas fortuite, de la Bible catholique et de la Bible protestante, convainc d'erreur ou de mensonge le reproche si souvent jeté à la tête de nos vaillants colporteurs : « Vos Bibles sont falsifiées ». Nous avions déjà, nos frères catholiques et nous, le même Dieu et le même Sauveur ; nous avons désormais, à peu de chose prés, la même Bible. C'est un pas qui compte vers l'accomplissement de cette parole du Maître, que je cite d'après Crampon : « une seule bergerie, un seul pasteur » (Jean 10, 16).
De 1898 à 1908, l'abbé Vigouroux, membre de la commission des études bibliques du Vatican, a fait paraître une BIBLE POLYGLOTTE en quatre langues (hébreu, grec, latin, français), huit volumes.
En 1899, la BIBLE, traduction
nouvelle d'après l'hébreu et le grec, par Eugène
Ledrain
, dix volumes. Cette
traduction, faite par un homme étranger à l'Église, est avant tout philologique
et littéraire. Elle reproduit souvent l'hébreu dans toute sa crudité.
CINQ-CENT DEUX TRADUCTIONS DE LA PARABOLE DE L'ENFANT PRODIGUE.
En fait de traductions de la Bible, il est intéressant de signaler un livre sur les patois de France, de Coquebert de Montbret, où la parabole de l'enfant prodigue se trouve reproduite en 89 patois français différents, 12 patois suisses, 2 alsaciens, 1 prussien. Cet ouvrage paraît avoir été composé au moyen d'un dossier aussi curieux que peu connu dont il nous reste à parler.
En 1807 et dans les années suivantes, le Ministère de l'intérieur fit procéder à une vaste enquête sur les patois parlés dans la France d'alors. Le ministre demanda à chaque préfet de lui procurer une traduction de la parabole de l'enfant prodigue dans tous les patois du département. Ces pièces furent fournies. Plusieurs semblent avoir été perdues. On les réunit en 1824 (*). On trouve dans cette collection la parabole de l'Enfant prodigue traduite en 494 patois, dont 352 parlés dans cinquante départements faisant partie de la France actuelle, et 142 parlés dans des contrées qui ne font plus partie de la France. Il y a en outre huit traductions en langues étrangères. Total : 502 traductions. On trouve 10 spécimens pour la Charente, 10 pour la Charente-Inférieure, 12 pour la Creuse, 7 pour la Drôme, 13 pour la Gironde, 11 pour l'Hérault, 14 pour le Puy-de-Dôme, 15 pour la Haute-Vienne, etc. Quelques-uns diffèrent peu, d'autres beaucoup.
(*) Ce dossier, malheureusement, a été dispersé. On en trouve une partie à la Bibliothèque nationale (Manuscrits français, 5910-5913), une autre aux Archives (carton F (17), 1209), une autre à la Bibliothèque municipale de Rouen (n° 183, 433, qui sont les n° 1639 et 1641 du Catalogue Osmont).
Une lettre d'un M. Pitois, en tête de la collection, nous apprend que primitivement il avait été question de demander une traduction de la parabole du Semeur et une de l'Enfant prodigue, et « le choix de ces deux paraboles, ajoutait l'écrivain, n'est pas arbitraire… Nous les trouvons dans la plupart des statistiques et des voyages, dans les mémoires de l'ancienne Académie celtique et leur continuation. C'est en un mot une sorte d'étalon convenu qu'on est dans l'usage d'appliquer à tous les idiomes qu'on veut explorer, et cet usage n'est pas seulement adopté en France, il est également suivi en Allemagne, où l'on a publié il y a peu d'années un ouvrage tout semblable à celui dont je parle ».
Voilà un bel hommage rendu à la Bible. C'est donc dans la Bible, c'est dans les paroles de Christ, qu'on choisit l'étalon pour explorer les idiomes. N'est-ce pas reconnaître que, au point de vue de la forme tout au moins, la Bible est le livre de la vérité, que jamais livre n'a parlé comme ce livre, que jamais homme n'a parlé comme cet homme ?
Isaac Louis Lemaistre, plus connu sous le non, de de Sacy, naquit à Paris en 1613.
Il était d'origine huguenote. Son père, Isaac Lemaistre, gagné à la religion réformée en 1616, dut subir, comme hérétique, les persécutions acharnées de sa famille. Celle-ci, à grand renfort de calomnies, le fit, en 1619, enfermer à la Bastille, après lui avoir enlevé ses cinq fils, dont l'un était Isaac, le futur traducteur de la Bible (*). Sans cet attentat, le protestantisme aurait sûrement compté une gloire de plus, et aurait peut-être possédé, dans la langue du grand siècle, la traduction originale des Écritures qui lui manque.
(*) France protestante
(article : Isaac
Lemaître). O. DOUEN, la Révocation à Paris.
La mère d'Isaac de Sacy, Catherine Arnauld, soeur du grand Arnauld, était petite-fille d'Arnauld, seigneur de Corbeville, qui avait embrassé la réforme et épousé une soeur de l'illustre Anne du Bourg. Tout en regrettant que la traduction de de Sacy ne soit pas nôtre, on ne peut que noter avec intérêt cette origine protestante d'une traduction catholique de la Bible.
Dès sa jeunesse, Isaac de Sacy fit preuve d'un grand amour pour l'étude et d'une grande piété. Il se répétait sans cesse ce passage de Job : « J'ai toujours craint Dieu comme des flots suspendus au-dessus de moi, et je n'ai pu en supporter le poids » (Job 31, 23, Vulgate). Il choisit l'état ecclésiastique, mais sa profonde humilité lui fit retarder son entrée dans les ordres jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Aussitôt consacré, il fut appelé à la direction des religieuses et des solitaires de Port-Royal.
Très versé dans l'Écriture, sans cesse en prières, plein d'onction et d'autorité, « il fut, dit M. Matilvaut, le type du prêtre réalisant au plus haut point l'idéal des vertus sacerdotales » (*). Il renvoyait toujours les âmes à la lecture et à la méditation des Écritures. « Sur ce point, dit Sainte-Beuve, il était aussi absolu que ceux qui croient à la Bible seule, sans autre tradition nécessaire ». « Avec une Bible, disait-il, j'irais jusqu'au bout du monde ».
(*) Encyclopédie des sciences religieuses, article : Lemaistre (Louis Isaac).
Isaac Lemaistre était donc bien préparé pour travailler à la traduction de la Bible. S'il attacha son nom à cette traduction, il n'en fut pourtant ni le seul initiateur, ni le seul artisan. Cette oeuvre fut en réalité l'oeuvre de Port-Royal.
« Il faut bien se représenter, dit Sainte-Beuve, quelle était la situation générale des esprits catholiques en France, par rapport à la Sainte Écriture, quand Port-Royal, par M. de Sacy principalement, entreprit de la traduire et de la divulguer. Les traductions faites par les protestants ne comptaient pas pour les catholiques, et demeuraient suspectes d'interprétation non orthodoxe. Les traductions surannées et gauloises étaient imparfaites, difficiles d'ailleurs et de peu d'usage, à cause du grand changement survenu dans la langue, et de cette nouveauté d'élégance à laquelle l'époque de Louis XIV s'était aussitôt accoutumée et comme asservie ».
Mais où trouver, comme dit M. Petavel, des joailliers assez habiles et assez audacieux pour polir ce diamant brut, sur lequel la Sorbonne fixait un oeil jaloux, sans permettre à personne d'y toucher ? Le crédit d'un seul n'eût pas suffi à la tâche… Il fallait, pour rendre la lutte moins inégale, que tous les amis de la Parole de Dieu s'entendissent et ne formassent qu'un corps, afin d'opposer si possible, contre les résistances opiniâtres de la Sorbonne, maison à maison, société à société. Dieu, dans ses vues miséricordieuses à l'égard de la France, suscita Port-Royal.
Déjà vers 1640 les solitaires de Port-Royal s'étaient proposé de traduire le Nouveau Testament, mais en 1657 seulement eurent lieu à Vaumurier les conférences qui donnèrent naissance au Nouveau Testament dit de Mons, publié dix ans plus tard. Ces conférences étaient présidées par le grand Arnauld, que la Sorbonne avait exclu de son sein l'année précédente. Pascal y assistait, et son opinion fut prépondérante pour fixer le genre de style qui devait être adopté pour la traduction. La plupart des solitaires de Port-Royal, y compris Pascal, collaborèrent à ce travail. Les principaux traducteurs furent, d'après une note manuscrite de Jean Racine, Isaac Lemaistre, son frère Antoine, Arnauld, Nicole, et le duc de Luynes. La part principale revient aux deux premiers, les deux descendants des huguenots, à Antoine Lemaistre, qui traduisit les quatre Évangiles et l'Apocalypse, point de départ de l'oeuvre de son frère, et surtout à Isaac Lemaistre, dit de Sacy.
Ces cinq savants s'assemblaient pour travailler ensemble. « M. de Sacy, raconte Jean Racine, faisait le canevas, et il ne le remportait presque jamais comme il l'avait fait, mais il avait lui-même la plus grande part aux changements, étant assez fertile en expressions. M. Arnauld était presque toujours celui qui déterminait le sens. M. Nicole avait toujours devant lui saint Chrysostome et de Bèze, ce dernier afin de l'éviter ». Voilà, pour finir, un détail piquant. On reconnaissait sans doute l'exactitude de la version protestante, mais on tenait à en modifier les expressions, pour ménager les oreilles catholiques.
Si ce n'avait été que cela ! Mais malheureusement, par respect pour l'autorité de l'Église, on subissait le joug de la Vulgate. De là quelques altérations de texte sur lesquelles nous reviendrons.
Qui sait si ce ne fut point parce que le nom de Lemaistre, trop huguenot, risquait d'impressionner désagréablement les catholiques, qu'Isaac Lemaistre adopta celui de Sacy ? Sacy n'est que le nom d'Isaac retourné, avec transposition du c et de l's pour faciliter la prononciation.
Les religieuses de Port-Royal prirent un intérêt extraordinaire à cette traduction des Saintes Écritures. Elles y collaborèrent même, et cela d'une manière probablement unique dans l'histoire des traductions de la Bible, en l'arrosant de leurs prières. Elles prièrent, et même « prièrent sans cesse » pour les traducteurs. Elles s'organisèrent en groupes, et comme des sentinelles qui se relèvent, les groupes se relayaient pour prier. Quand un groupe avait fini, un autre venait immédiatement le remplacer. À genoux, elles offraient ainsi à Dieu des prières ferventes et continuelles, le suppliant de faire descendre sur les traducteurs de sa Parole l'esprit de sagesse, de lumière et d'intelligence, afin qu'il ne pût sortir de leurs plumes qu'une sainte et pure traduction du volume inspiré, image fidèle du texte original.
La persécution contre Port-Royal recommença en 1660, et les traducteurs furent obligés de se disperser. Le travail ne put être repris qu'en 1666, et il le fut, dit un auteur, « à la sollicitation de diverses personnes d'un fort grand mérite, dans l'Église et dans l'État ». Il fallut prendre des précautions et travailler en cachette. On revit d'abord les quatre Évangiles chez un ami, puis la duchesse de Longueville donna, dans son hôtel, asile aux traducteurs. La révision s'acheva chez elle. On avait fixé le 13 mai 1666 pour revoir, en dernier lieu, la préface préparée par de Sacy. Ce jour-là, de grand matin, de Sacy, acompagné de son disciple Fontaine, prit le chemin de l'hôtel de Longueville. Il avait dans la poche le manuscrit de sa préface. Avec quelle joie il voyait luire le jour où on allait achever la laborieuse entreprise ! La Bastille était sur leur chemin. Devant la forteresse, le maître et le disciple s'apitoyèrent sur le sort du pauvre Levreux, libraire de Port-Royal, qu'on y avait enfermé. Tout à coup, ils entendirent une voix qui criait derrrière eux : « C'est assez, messieurs, c'est assez ! » et au même moment ils se virent arrêter par le personnage qui avait prononcé ces mots, un commissaire civil, instrument des jésuites, qui avaient obtenu contre eux un décret d'emprisonnement.
Un instant après, de Sacy, dépouillé de son manuscrit, était enfermé à la Bastille, ainsi que Fontaine. Devinerait-on quel fut à ce moment le plus grand chagrin de de Sacy ? Ce fut de n'avoir pas emporté ce jour là son Saint-Paul. Depuis deux ans qu'il s'attendait toujours à être saisi, les épîtres de Paul ne le quittaient pas. Il les avait fait relier tout exprès. « Qu'on fasse de moi ce qu'on voudra, disait-il ; quelque part qu'on me mette, pourvu que j'aie avec moi mon Saint-Paul, je ne crains rien ». Et justement, ce jour-là, il ne l'avait pas ! Il se consola toutefois au moyen d'une Bible latine qui lui fut accordée (*).
(*) Tout ceci d'après Sainte-Beuve, dans Port-Royal.
L'idée lui vint alors de mettre ses loisirs forcés à profit pour traduire l'Ancien Testament. La Bastille devint la Wartbourg de de Sacy, avec cette différence qu'à la Wartbourg Luther traduisit le Nouveau Testament, tandis qu'à la Bastille de Sacy traduisit l'Ancien. Autre différence : Luther traduisait sur le grec, de Sacy traduisait sur le latin de la Vulgate. Cette traduction l'occupa pendant toute sa captivité. Il l'acheva la veille même de son élargissement, le 1er novembre 1668.
« Que je suis heureux d'être ici, disait-il dans sa captivité. Dieu me montre qu'il désire que j'y sois. Les barrières qu'on a posées aux avenues de ma chambre sont pour empêcher de venir à moi le monde qui me dissiperait, plutôt que pour m'empêcher de le voir, moi qui ne le cherche point ». Il se regardait dans cette forteresse comme dans une haute tour de Sion, pour y être l'humble interprète des choses de Sion. « Toute sa vie est dans la prière et dans la lecture », écrivait son ami Fontaine, qui avait obtenu la faveur de partager sa chambre. Chose remarquable, Isaac de Sacy fit cette traduction de la Bible dans le donjon même où son père, martyr huguenot, avait lu la Bible tant de fois.
Pendant que de Sacy était à
la Bastille, les Jansénistes firent imprimer leur Nouveau Testament à
Amsterdam, car on leur en refusait l'autorisation en France. Il portait le nom
d'un libraire de Mons, Migeot, et était revêtu des approbations de l'archevêque
de Cambrai, de l'évêque de Namur, d'un privilège de Charles II, roi d'Espagne,
et d'une approbation de l'Université de Louvain, propre à désarmer la Sorbonne,
à cause de la considération où celle-ci tenait cette Université. Néanmoins la
Sorbonne fit campagne contre la nouvelle traduction, mais Arnauld défendit
triomphalement, dans ses Réponses
magistrales
, l'oeuvre de
Port-Royal. Bossuet consentit même à prendre part à une révision de l'oeuvre,
et il eut à cet effet des conférences à l'hôtel Longueville avec MM. de
Port-Royal, qui acceptaient ses avis. Mais cette révision ne fut pas achevée.
Ce Nouveau Testament fut favorablement accueilli par tous. « Ce fut, dit Sainte-Beuve, non seulement chez les personnes de piété, mais dans le monde et auprès des dames un prodigieux succès ». Dès 1667, il s'en débita cinq mille exemplaires dans l'espace de quelques mois. Il y en eut cinq éditions cette même année, et quatre l'année suivante. En 1683, il s'en était vendu 40.000 exemplaires. Louis XIV, nous l'avons vu, en fit imprimer à lui seul 20.000 exemplaires.
Cette traduction a été imprimée en toutes manières, dit le Dr Mallet, éditeur des oeuvres d'Arnauld, en bons caractères pour les riches, en caractères très communs pour les pauvres ; avec des notes pour les savants, sans notes pour le simple peuple ; en petit papier pour être portée plus facilement, en plus grand pour être gardée dans les bibliothèques ; en français seulement pour ceux qui n'entendent que cette langue, et avec le grec et le latin, pour ceux qui sont capables de confronter les textes. Enfin je ne sais s'il y a aucune province du royaume où elle n'ait été imprimée pour être ainsi répandue partout.
Il y eut mieux encore. Dès que la traduction fut prête, les jansénistes, vraie Société biblique avant la lettre, envoyèrent de Paris un grand nombre de colporteurs chargés de la vendre au prix de revient, et même, dans certaines circonstances, à des prix réduits, et ils couvrirent la dépense par des dons volontaires.
Quant à l'Ancien Testament de de Sacy, les ennemis de la Parole de Dieu, effrayés du succès du Nouveau, firent ce qu'ils purent pour en empêcher la publication. De Sacy, selon la vieille tradition romaine, se vit imposer comme condition, pour publier soit Ancien Testament, d'y ajouter des explications. Ce fut un retard de plus de vingt années. Commencée en 1672, l'impression de la Bible annotée de de Sacy ne fut terminée qu'en 1696, c'est-à-dire douze ans après sa mort, survenue en 1684. De Sacy put cependant achever les explications de l'Ancien Testament. Cette obligation d'expliquer le texte, tout en retardant la publication de l'oeuvre, eut ce bon résultat d'obliger de Sacy à réviser minutieusement sa traduction, et ainsi, en définitive, l'ennemi servit la cause de la Parole de Dieu au lieu de lui nuire (*).
(*) L'édition de 1699 compte 32 volumes, de 8 à 90 pages chacun, dont le commentaire remplit les trois quarts.
L'édition de 1701 est revêtue
des approbations de l'abbé Courtier
, théologal de Paris, de quatre
docteurs en théologie de la Faculté de Paris, et du Cardinal de Noailles
,
archevêque de Paris.
Après tout ce qui précède, on
voit que M. Petavel n'a rien exagéré en disant que « la version de de Sacy fut
pour la France un instrument d'évangélisation dont on calculerait difficilement
la salutaire influence ». « Combien la refonte opérée par Port-Royal, dit le même
auteur, a élargi le cercle des lecteurs du saint Livre en France ! Ce fut après
s'être nourri de la traduction de de Sacy que Racine composa les deux
chefs-d'oeuvres de notre langue, Esther
, en 1689, et Athalie
, en 1691».
Sainte-Beuve a fait remarquer « l'admirable convenance de toute cette vie de M. de Sacy avec sa mission singulière d'interprète des Écritures. Il était constamment occupé dans sa pensée à se rendre digne de cet emploi, à se purifier les mains et à se châtier le coeur, le plus chaste des coeurs. Toutefois, il continua jusqu'à la fin à s'en croire indigne ».
En racontant précédemment la vie d'autres traducteurs de l'Écriture, Olivétan, Martin, Ostervald, nous avons été frappés de l'humilité qui les caractérisait. Et maintenant voici que de Sacy, à son tour, nous frappe par son humilité. Ne serait-ce pas que Dieu n'élève que ceux qui s'abaissent, et ne confie les grandes tâches qu'aux humbles ? Ne serait-ce pas aussi que, plus que toute autre chose, le contact intime et prolongé avec la Parole de Dieu met l'homme dans le vrai, lui fait sentir la grandeur de Dieu et son propre néant ?
La valeur littéraire de cette version est très grande (*). Elle est bien plus française que nos anciennes versions protestantes. Nous ne citerons qu'un exemple : Ésaïe viii, 22, 23.
(*) M. Eugène
LEDRAIN, dans la Préface de la Bible,
traduction nouvelle,
caractérise ainsi le style de de Sacy : Quelle
bonne et ferme langue française ! Celle que l'on savait parler à Port-Royal et
qui indique la bonne santé de l'esprit.
Martin et Ostervald |
De Sacy |
(Différences insignifiantes) Il ne verra que détresse et ténèbres et une angoisse effrayante et il sera enfoncé dans l'obscurité, car il n'y a point eu d'obscurité épaisse pour celle qui a été affligée, au temps que le premier se déchargea légèrement vers le pays de Zabulon et que le dernier s'appesantit sur le chemin de la mer, au deçà du Jourdain, dans la Galilée des Gentils. |
Et ils ne verront partout qu'affliction, ténèbres, abattement, serrement de coeur, et une nuit sombre qui les persécutera, sans qu'ils puissent s'échapper de cet abîme de maux. Le Seigneur a d'abord frappé légèrement la terre de Zabulon et la terre de Nephtali, et à la fin sa main s'est appesantie sur la Galilée des nations qui est le long de la mer, au delà du Jourdain |
Martin qui publia sa version en 1707, et Ostervald, qui publia la sienne en 1744, ne paraissent avoir beaucoup profité de celle de de Sacy, parue, pour le Nouveau Testament, en 1667, et pour la Bible entière en 1696!
De Sacy se demandait si sa traduction n'était pas trop littéraire. L'année de sa mort, il eut, avec son ami Fontaine, une conversation où il fit preuve de scrupules qu'on peut trouver excessifs, mais qui l'honorent singulièrement, et dont il y a à apprendre.
Que sais-je, lui dit-il, si je n'ai rien fait contre les desseins de Dieu ? J'ai tâché d'ôter de l'Écriture Sainte l'obscurité et la rudesse, et Dieu jusqu'ici a voulu que sa Parole fût enveloppée d'obscurités. N'ai-je donc pas sujet de craindre que ce ne soit résister aux desseins du Saint-Esprit que de donner, comme j'ai tâché de le faire, une version claire et peut-être assez exacte par rapport à la pureté du langage ? Je sais bien que je n'ai affecté ni les agréments ni les curiosités qu'on aime dans le monde, et qu'on pourrait rechercher dans l'Académie française. Dieu m'est témoin combien ces ajustements m'ont toujours été en horreur ; mais je ne puis me dissimuler à moi-même que j'ai tâché de rendre le langage de l'Écriture clair, pur et conforme aux règles de la grammaire, et qui peut m'assurer que ce ne soit pas là une méthode différente de celle qu'il a plu au Saint-Esprit de choisir ? Je vois dans l'Écriture que le feu qui ne venait pas du sanctuaire était profane et étranger, quoiqu'il pût être plus clair et plus beau que celui du sanctuaire. Il ne faut pas se tromper dans cette belle pensée d'édifier les âmes. Il y a grande différence entre contenter et édifier. Il est certain que l'on contente les hommes en leur parlant avec quelque élégance, mais on ne les édifie pas toujours en cette manière.
Il est vraiment remarquable de voir Bossuet, le grand maitre de la parole, faire à propos du Nouveau Testament de Mons des réflexions semblables. Il n'y trouvait qu'un défaut essentiel, un « tour trop recherché, trop d'industrie de paroles, une affectation de politesse et d'agrément que le Saint-Esprit a dédaignée dans l'original ».
Les auteurs sacrés ne se préoccupent que de la vérité, jamais de l'effet. Ils n'ont voulu que « le royaume de Dieu », et la beauté littéraire leur a été donnée « par-dessus ». Traducteurs, écrivains, prédicateurs, témoins de la vérité sous une forme quelconque, nous ferons bien de les imiter, de rechercher la démonstration de l'Esprit plus que la sagesse du langage.
Malheureusement cette version
a été faite sur la Vulgate, et elle en reproduit certaines erreurs. De Sacy
suivit la Vulgate parce qu'elle était, dit-il, « plus en usage dans l'Église »,
sans doute aussi parce que c'était la version ecclésiastique, et qu'il croyait
à l'autorité de l'Église. Il ne faudrait pourtant pas, comme on l'a fait,
parler de servilité vis-à-vis de la Vulgate. De Sacy et ses collaborateurs
savaient fort bien que la décision du concile de Trente ne proscrivait pas le
recours aux textes originaux (*), et ils ne se
firent pas faute d'y recourir, au moins pour le Nouveau Testament. Tout ce qui
est dans la Vulgate et non dans le grec, est mis entre crochets, avec un V
(Vulgate). Tout ce qui est dans le grec et non dans la Vulgate est ajouté dans
le texte entre crochets avec un G (grec). Là où la traduction de la Vulgate
diffère du grec, la traduction du grec est généralement mise en marge,
quelquefois dans le texte. Dans ces derniers cas le texte de la Vulgate est mis
en marge. Le titre des premières éditions porte : Traduit en français
selon l'édition Vulgate avec les différences du grec
. Cette indépendance est remarquable. Néanmoins quelques erreurs
de la Vulgate ont été conservées dans la traduction. Voici toutes celles qu'on
a relevées, à tort ou à raison (nous les discuterons plus tard), soit dans
l'Ancien, soit dans le Nouveau Testament.
(*) Voir, dans le fragment l'Église romaine et la Bible, le paragraphe IV : La Vulgate intangible ?
1. Genèse 3, 15. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre sa race et la tienne. Elle te brisera la tête.
Elle, c'est la femme, tandis que le pronom, dans l'hébreu, se rapporte à la semence. Dans la femme, on peut voir la Vierge Marie.
2. Genèse 42, 6, etc. Ses frères l'ayant donc adoré.
3. Exode 20, 5. Vous ne leur rendrez point le souverain culte. Souverain est une addition qui semble légitimer la distinction entre le culte d'adoration (latrie) dû à Dieu, et le culte de respect (dulie ou hyperdulie) qu'on peut rendre à certaines créatures.
4. Psaume 98, 5. Adorez l'escabeau de ses pieds.
5. Job 5, 1. Adressez-vous à quelqu'un des saints.
6. Daniel 4, 27. Rachetez vos péchés par des aumônes, et vos iniquités par des oeuvres de miséricorde envers les pauvres.
7. Matthieu 1, 25. Et il ne l'avait point connue quand elle enfanta son fils premier-né.
Au lieu de : Il ne la
connut point jusqu'à ce
qu'elle
enfantât.
8. Matthieu 3, 2; 4, 17, etc.
Faites pénitence.
9. Luc 1, 28. Je vous salue, ô pleine de grâce.
10. Actes 11, 30; 15, 4;
Timothée 4, 14, etc., prêtre,
au lieu
de ancien.
11. 1 Corinthiens 7, 37. Celui qui… juge… qu'il doit conserver sa fille vierge, fait une bonne oeuvre.
12. Éphésiens 5, 32 (À propos
du mariage) Ce sacrement.
13. 2 Corinthiens 11, 10. Ce
que vous accordez par indulgence
.
14. Colossiens 2, 18. Culte superstitieux
des anges.
Donc un culte non superstitieux des anges pourrait être permis.
15. 1 Timothée 3, 2. Il faut
que l'évêque n'ait épousé
qu'une
seule femme. De même Tite 1, 6 : Choisissant celui qui n'aura épousé
qu'une femme.
16. Philémon, 22. Par le mérite de vos
prières.
17. Hébreux 11, 21. Il
s'inclina profondément devant le bâton de
commandement
que portait son fils.
18. 1 Pierre 1, 9. Le salut
de vos âmes, la fin et le prix
de
votre foi.
Prix
introduit l'idée de
mérite.
19. 1 Pierre 3, 19. Aux
esprits qui étaient retenus
en
prison. Retenus
favorise la doctrine
du purgatoire.
20. Jude 3. La foi qui a été
une fois laissée par tradition
aux
saints. Inutile d'ajouter que la version de de Sacy contient les Apocryphes (*).
(*) Disons un mot du commentaire (édition de 1699).
Il y a dans ce commentaire des choses excellentes. Ainsi, à propos d' « oeil pour oeil, dent pour dent », de Sacy, citant saint Augustin, fait remarquer que cette disposition était destinée non à allumer la colère de l'homme, mais à l'éteindre, car l'homme à qui son adversaire crève un oeil se vengera, si on le laisse faire, en lui ôtant la vie (Combien, encore aujourd'hui, surtout aujourd'hui, qui veulent voir dans cette disposition juridique destinée à contenir la vengeance, une excitation à la vengeance !)
Ailleurs, par contre, l'interprétation de de Sacy (ou de ses continuateurs) est déconcertante. À propos de Genèse 12, 11-13, il rappelle que plusieurs ont blâmé Abraham d'avoir voulu sauver sa vie par un mensonge en faisant passer Sara pour sa soeur. Voici comment il justifie le patriarche.
« Ce saint docteur (saint Augustin), répond très solidement qu'on ne doit pas accuser un si grand homme d'avoir blessé la vérité en cette occasion, où il a parlé au contraire très sincèrement. Car il n'a pas nié que Sara fût sa femme à ceux qui lui auraient demandé si elle ne l'était pas, ce qui aurait été un mensonge. Mais des personnes qui ne connaissaient ni lui ni Sara lui demandant qui elle était, il leur répond qu'elle était sa sœur, ce qui était très vrai, comme Abraham le soutient dans la suite. Et ainsi, ajoute ce père, il n'a rien dit de faux, quoi qu'il n'ait pas dit une chose qui était vraie ».
Plus loin : « L'homme ne doit jamais tenter Dieu, et s'il se trouve en même temps exposé à deux périls dont il puisse éviter l'un par un moyen humain et dont l'autre lui soit entièrement inévitable, il doit se délivrer lui-même du premier, et remettre à Dieu le soin de le tirer du second. C'est ce qui est arrivé à Abraham en cette rencontre. Il devait craindre en même temps la perte et de sa vie et de l'honneur de sa femme. Il sauva sa vie, en disant ce qui était vrai, que Sara était sa soeur, c'est-à-dire sa nièce, selon l'expression ordinaire de la langue hébraïque, et il remet à Dieu le soin de tirer du péril l’honneur de sa femme.
Voici un passage curieux sur Genèse 2, 18
Il est donc certain que la femme est proprement aide à l'égard de l'homme afin qu'il devienne père et qu'il en puisse naître des enfants. C'est pourquoi comme cette raison qui a eu encore lieu dans la loi ancienne, où Dieu voulait multiplier la race d'un peuple qu'il avait choisi, et d'où le Messie devait naître, n'a plus aucun lieu en la loi nouvelle, il est bon au contraire selon saint Paul que l'homme soit seul et qu'il fuie la société des femmes, comme les femmes celle des hommes, afin que les uns et les autres embrassent une vie toute pure qui apprend aux hommes, selon l'Évangile, à imiter dans un corps mortel l'état de ces esprits si sublimes qui n'ont point de corps, et qui est comme une anticipation de la vie du ciel.
Il semble qu'on n'ait pas souvent réédité ce commentaire. Après la lecture de ces notes, on est tenté de dire : Heureusement ! Il faut se rappeler, pour être juste, que de Sacy (si toutefois ces notes sont de lui et non de ses continuateurs) n'a pas été le seul à essayer d'expurger la Bible. Ces tentatives, qu'on retrouve chez Martin, chez Ostervald, et chez d'autres, ont toujours été malheureuses.
Comment concilier ces erreurs avec la piété du traducteur, avec les prières ardentes des religieuses de Port-Royal, qui demandaient à Dieu de faire descendre son Esprit sur les traducteurs, pour les préserver d'erreur ?
Nous pourrions répondre à cette question par une autre question : Comment les anciens traducteurs protestants, dont la sincérité, l'amour ardent et même héroïque pour la vérité, est hors de doute, et qui ont certainement eux aussi, prié pour que leurs traductions fussent fidèles, ont-ils pu traduire inexactement certains passages ? On a signalé vingt-six de ces inexactitudes protestantes (*). Ou bien l'on pourrait demander : Comment Calvin, disciple de la Bible, a-t-il pu faire condamner Servet à mort pour hérésie ? Mais une question n'est pas une réponse. Voici comment nous répondrions.
(*) Voir le fragment : Inexactitudes protestantes dans la traduction du Nouveau Testament.
La marche de la vérité dans l'histoire est lente. Tout homme subit étrangement l'influence de son milieu. Les siècles passés pèsent sur nous lourdement. Et Dieu respecte la liberté de l'homme. Dieu tolère beaucoup d'erreurs, beaucoup d'abus, comme sous l'ancienne alliance, « à cause de la dureté » et aussi à cause de la paresse « des coeurs ». Il laisse l'homme faire des expériences, souvent humiliantes, douloureuses, parce qu'il veut que l'homme conquière la vérité par lui-même, seul moyen d'arriver à la majorité spirituelle. C'est toujours la vieille question : Pourquoi Dieu a-t-il permis le péché ?
Les jansénistes, obsédés par l'idée de l'autorité de l'Église (qui les maltraitait bien, pourtant), ont agi sous l'empire de cette obsession en se soumettant au texte des Livres saints choisi par l'Église. De même les traducteurs protestants, obsédés par l'idée de la prédestination, du salut gratuit, ont parfois fait fléchir ou forcé la traduction dans le sens de leur dogmatique, avec cette circonstance aggravante, dans leur cas, qu'ils traduisaient sur l'original, tandis que de Sacy, qui commettait l'erreur de traduire sur la Vulgate, ne commettait pas celle de faire fléchir le sens du texte qu'il traduisait.
On a contesté aux chrétiens évangéliques, et même très vivement, le droit de répandre la version de Sacy parmi les catholiques romains. Cette question nous laisse assez calmes, aujourd'hui, mais, dans la génération qui a précédé la nôtre, elle a passionné les esprits. D'ardentes controverses ont eu lieu à ce sujet, soit en France, soit en Angleterre. Répandre cette version, a-t-on dit, c'est répandre une Bible qui enseigne les erreurs romaines, une Bible qui n'est pas la parole de Dieu.
La Société biblique britannique n'a pas été de cet avis. En dépit des reproches amers qu'on lui adresse encore (hors de France), elle répand de Sacy, et nous croyons qu'elle a raison. Voici pourquoi :
1° D'abord, dans certains de ces passages, la traduction de Sacy peut se défendre.
Martin, qui n'était pas
catholique, a rachète
dans Daniel 4,
27. Segond, qu'on ne peut pas accuser non plus de tendance romaine, traduit ce
passage comme de Sacy : Rachète tes
péchés par des bienfaits, et tes iniquités par la compassion envers les
malheureux
. Si on traduit
« rachète », il est évident qu'il faut entendre ce passage comme on entend cet
autre passage : La justice des
hommes droits les délivre
(Prov. 11, 6).
Pierre 1, 9, Segond a, lui
aussi : Pour prix de votre foi.
Le mot adorer employé Genèse 42, 6, et Psaume 98, 5 n'a ici que le sens de : se prosterner devant. C'est le quatrième sens indiqué pour adorer par Littré, qui cite un exemple de Montesquieu.
2° Plusieurs de ces erreurs
n'enseignent pas ouvertement ou même n'enseignent pas du tout la doctrine
romaine. Dans Elle te brisera la tête
, le sens naturel, c'est que la femme
brisera la tête du serpent par sa race. Pour voir là la Vierge
, il faut l'y
mettre.
Vous ne leur rendrez point le souverain culte.
Le lecteur conclura-t-il forcément qu'on puisse
leur en rendre un autre, alors qu'il lit dans ce qui précède
immédiatement : Vous ne les adorerez
point
, et, dans le passage
parallèle, Deutéronome 5, 9 : Vous ne
les adorerez et ne les servirez point ?
Job 5, 1 . Adressez-vous à quelqu'un des saints
peut
être entendu dans un sens ironique.
Matthieu 1, 25, l'expression premier-né
détruit tout l'effet de
l'atténuation de la première partie du verset.
Le retenus
de Pierre 3, 19, n'enseigne pas la doctrine du purgatoire.
Ici aussi, pour voir le purgatoire, il faut l'y mettre.
Matthieu 3, 2, etc. La pénitence
, d'après l'enseignement de l'Église romaine (*), c'est tout d'abord « la contrition ou la douleur
des péchés qu'on a commis, avec la résolution de s'amender et de satisfaire à
la justice divine ». Littré donne comme premier sens du mot : « retour du pécheur
à Dieu, avec une ferme résolution de ne plus pécher à l'avenir ».
Subsidiairement, la pénitence
, selon l'enseignement de l'Église,
c'est « l'acte
de pénitence, la peine,
volontaire ou infligée, pour l'expiation du péché, peine qui fait partie de la
pénitence ». C'est le troisième sens qu'indique Littré : « Tout ce que le
prêtre impose en expiation des péchés ». On peut regretter cette expression, qui
prête à un double sens, mais on ne peut pas dire qu'elle soit une altération du
texte et qu'elle restreigne la repentance à l'acte extérieur. Ce n'est pas
ainsi que peuvent l'entendre ceux qui connaissent le véritable enseignement de
l'Église. Ce qui le prouve, ce sont les lignes suivantes, écrites à propos de
Matthieu 3, 2, par le P. Quesnel dans ses admirables Réflexions morales sur le Nouveau Testament
(1687)
(*) Nous tenons les renseignements qui suivent d'un prêtre actuellement en exercice dans l'Église romaine. Ils nous ont été confirmés par un autre frère, naguère laïque pieux dans la même Église.
La pénitence est la vraie préparation au règne de Dieu. La pénitence doit commencer par ôter les empêchements du salut pour aller droit à Dieu. La pénitence n'est pas l'affaire d'un moment, puisque c'est une préparation pour être réconcilié avec Dieu ; ni cette pénitence n'est pas simplement des pensées ou des paroles, puisque c'est dans la volonté qu'est la voie de Dieu ; ni cette voie facile à préparer, puisqu'elle consiste à faire passer le coeur des ténèbres à la lumière… ; ni tout cela l'ouvrage de l'homme, puisque c'est au Seigneur de préparer la volonté.
Le terme bonne oeuvre
, dans
1 Corinthiens 7, 37, n'implique pas l'idée d'œuvre méritoire.
Le terme culte superstitieux
des anges (Colossiens 2,
18) n'implique pas que le culte non
superstitieux
soit permis.
À propos de la tradition
par laquelle la foi a été
laissée aux saints (Jude, 3), on peut se demander comment elle aurait pu leur
être laissée autrement. Cette tradition est évidemment la tradition apostolique.
Il s'inclina devant le bâton de commandement
(Hébreux 11, 21, traduction absurde, mais conforme
au texte tel que l'ont lu les Septante) s'entend évidemment comme un hommage à
l'autorité de Joseph, et non comme une légitimation du culte des images, très
éloignée assurément de la pensée des Septante.
Restent, sur vingt soi-disant
altérations relevées, six expressions (Pleine de grâce
, Luc 1, 28. — Prêtre
, Actes 11, 30, etc. — Sacrement
, Éphésiens 5, 32. — Indulgence
, 2 Corinthiens 2, 10. — Ait épousé
, 1 Timothée 3, 2. — Mérite
, Philémon, 22) sur lesquelles
peut réellement s'appuyer la doctrine romaine. (D'autres, évidemment, comme pénitence, bonne oeuvre
, ont une saveur
romaine. Mais ce n'est pas la même chose). Les fortes
convictions des controversistes protestants nous paraissent les avoir rendus
injustes pour de Sacy.
3° La Bible n'est pas un
code, où la portée de chaque article est indépendante du reste. La Bible est
une histoire plusieurs fois séculaire, un organisme imposant, et ce ne sont pas
six altérations qui peuvent la falsifier et étouffer son témoignage. On aura
beau traduire faites pénitence
, et prendre cette expression dans le
sens de « tout ce que le prêtre impose », toute la Bible avec ses enseignements,
les appels des prophètes, les confessions du psalmiste, l'histoire de David, la
parabole de l'enfant prodigue, les larmes et la réhabilitation de Pierre, etc.,
etc., montre qu'on ne vient pas à Dieu par la pénitence
, entendue
comme peine ecclésiastique, mais par la repentance
. La Bible corrige elle-même son
traducteur.
De même, le rachetez vos péchés par des aumônes
, de Daniel 4, 24 (à le supposer mal
traduit, malgré de Sacy, Martin et Segond), fait l'effet d'un petit nuage qui
disparait dans un rayon lumineux intense, le rayon lumineux de tout
l'enseignement biblique sur le salut gratuit, le salut par la foi.
Les autres erreurs ne tiennent pas debout non plus devant l'enseignement biblique constant. C'est le caillou entrainé par le torrent. Une autre comparaison, inspirée par un souvenir personnel, se présente à notre esprit :
Un jour, un peu d'arsenic était tombé dans le puits d'une maison que nous habitions. La famille prit peur. N'allait-on pas être empoisonné par l'eau de ce puits ? On la fit analyser. Le résultat fut nul. Et pourtant l'arsenic était bien dans le puits ! Mais il y était en quantité infinitésimale. La masse d'eau pure neutralisait le poison. Comparaison n'est pas raison, mais, tout de même, c'est un peu cela avec de Sacy. La masse historique et organique de vérité que présente cette version neutralise, en fait, les six inexactitudes de mots qu'elle renferme.
Rome ne s'y trompe pas, et elle n'approuve pas plus la version de Sacy que les versions protestantes.
Combien d'âmes sont arrivées
à la connaissance de la vérité et à la possession du salut par la lecture de la
Vulgate, ou par celle de de Sacy ! C'est la lecture de la Vulgate, malgré ses
quatre mille erreurs, qui a éclairé et affranchi Luther. Ce n'est pas le Maria gratiâ plena
qui l'a empêché de
trouver et de comprendre le passage
Le juste vivra par la foi
. C'est
aussi la lecture de de Sacy qui a amené le P. Chiniquy à rompre avec Rome, et
cette version a été son principal instrument pour l'aider à affranchir des
milliers d'âmes. Combien d'autres parvinrent, par l'usage de cette version
même, à la connaissance de la vérité, qui, à vues humaines, n'y seraient pas
parvenus autrement !
Dans les Bibles de Sacy que répand la Société biblique britannique et étrangère, non seulement les Apocryphes sont supprimés, mais encore toutes les inexactitudes qui trahissent l'idée romaine sont corrigées par une note marginale où le sens de l'hébreu ou du grec se trouve rétabli.
Dans le temps où on se passionnait pour ou contre la version de Sacy, quelqu'un s'écria, au cours d'une discussion assez vive : « Si seulement nous étions aussi chrétiens que cette traduction !
Le PENTATEUQUE, par Samuel Cahen
. Texte et traduction. 5 volumes, 1832.
La BIBLE, par Samuel Cahen.
Texte, traduction et
notes. 13 volumes, 1832 à 1852.
Traduction moyenne. L'auteur
a beaucoup puisé dans les traductions allemandes. Les notes sont le fruit de la
collaboration de divers auteurs et sont mentionnées avec éloge par Wünsche dans
son ouvrage sur la littérature juive
depuis la fermeture du canon
(Berlin, 1897).
Le PENTATEUQUE, par Frédéric Lévy
, professeur de langues. Texte, traduction, notes. 5 volumes.
Metz, 1855.
Traduction sans valeur, de l'aveu de tous les hébraïsants israélites.
BIBLE POUR LA FAMILLE, publiée par la Société israélite pour la propagation des livres religieux et moraux. In-12. Paris, 1858 (Traduction empruntée à la Bible de Cahen).
Les PSAUMES, traduction
nouvelle par Ben-Baruch Créange
, M. Lévy, 1858.
Le PENTATEUQUE, par Lazard Wogue
, grand rabbin. Texte, traduction, notes, avec les Haphtaroth
(péricopes) des prophètes. 5 volumes. Paris, 1869.
Tout à fait supérieur comme traduction, mais les notes sont sans valeur scientifique.
Le PENTATELQUE, par Weil
. 5 volumes. Paris, 1890.
TRADUCTION LITTÉRALE ET JUXTALINÉAIRE
DES PSAUMES précédée d'une grammaire hébraïque et du dictionnaire des racines,
par Benjamin Mossé
. Avignon. 1884.
La BIBLE (*), traduite du texte original par les membres du Rabbinat français
, sous la direction de M. Zadoc
Kahn
, grand rabbin de France.
Tome I. Pentateuque, premiers prophètes. 1900. Tome II, Hagiographes et derniers prophètes. 1905. Durlacher. Paris.
Nous apprécions plus loin cette traduction.
(*) On est surpris
de voir ce terme, la Bible
, pris dans un sens si nouveau. Le
mot Bible
, création de la langue chrétienne, désigne historiquement les
livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Les éditeurs s'en sont rendu
compte, puisque dans la préface ils appellent cette traduction de la Bible une
traduction de la Bible hébraïque. Ce terme était à conserver dans le titre, qui
reste dans les mémoires. La « Bible hébraïque » n'est pas « la Bible ».
La BIBLE DE LA JEUNESSE,
traduction abrégée, par le Rabbinat
français
. 2 volumes. 1899.
Durlacher, Paris.
Le LIVRE D'ESTHER, traduction
par Zadoc Kahn
. Avec quatre gravures. Même traduction que dans la Bible du Rabbinat
français. Durlacher.
Le LIVRE DES PSAUMES.
Traduction par Zadoc Kahn
, grand rabbin. Même traduction que
dans la Bible du Rabbinat français. Durlacher.
La BIBLE, pages choisies, par
S. Karppe
, professeur au
Lycée Henri IV. Paris, Durlacher. Traduction prise de droite et de gauche.
À TRAVERS LES MOISSONS,
(Extraits de l'Ancien Testament), par Mme Brandon-Salvador
. 1903. Durlacher.
Plaquette de 40 pages, extraits de l'Ancien Testament, du Talmud, des poètes et moralistes du moyen âge.
Ces extraits sont empruntés aux diverses traductions israélites.
Nous nous arrêterons sur la Bible du Rabbinat français, la plus récente traduction originale de l'Ancien Testament.
Une traduction de l'Ancien Testament faite par des Israélites ne peut qu'avoir une grande valeur. Les savants auxquels nous devons cette traduction sentent l'hébreu non comme une langue apprise à coups de dictionnaire, mais comme une langue que l'on a apprise tout jeune et qui fait partie de vous-même. On le voit à l'énergie, la saveur, qui caractérise cette version et qui manque généralement dans les nôtres. Ici, l'envergure (on serait tenté de dire l'infini) de l'hébreu subsiste. Voici quelques exemples :
Une terre ruisselante de
lait et de miel (Ex. 3, 8). Ruisseler
remplace
toujours notre couler,
dérouler.
Puissions-nous nous délecter de la beauté de ta maison, de la sainteté de ton palais ! (Ps. 65, 5).
Que les justes se réjouissent, jubilent devant Dieu, et s'abandonnent à des transports de joie… Exaltez Celui qui chevauche dans les hauteurs célestes (Ps. 68, 4, 5).
Mettez votre confiance en Dieu, toujours et toujours, car en l'Éternel vous avez un roc immuable (Ésaïe 26, 4).
Cieux, là-haut, épanchez-vous, et vous, nuées, laissez ruisseler la justice ! Que la terre s'entr'ouvre pour faire tout ensemble fleurir le salut et germer la vertu ! (Ésaïe, 45, 8).
Ces citations montrent que cette traduction est vraiment française. Elle brille par le mot propre, précis, nerveux, comme par le style coulant. Voici le commencement des Proverbes :
Proverbes de Salomon… [Grâce à eux], on apprend à connaître la sagesse et la morale, à goûter le langage de la raison, à accueillir les leçons du bon sens, la vertu, la justice et la droiture. Ils donnent de la sagacité aux simples, au jeune homme de l'expérience et de la réflexion. En les entendant, le sage enrichira son savoir et l'homme avisé acquerra de l'habileté. On saisira mieux paraboles et sentences, les paroles des sages et leurs piquants aphorismes. La crainte de l'Éternel est le principe de la connaissance ; sagesse et morale excitent le dédain des sots.
On voit comment cette traduction renouvelle le texte, lui donne de la fraîcheur, nous fait sortir de l'ornière de nos traductions. Tout l'Ancien Testament est traduit ainsi.
Parfois la traduction est d'une familiarité qui étonne et détonne. Nous sommes habitués, en fait de versions bibliques, à un style plus soutenu, plus noble. Mais même dans les passages ainsi traduits, cette traduction est des plus utiles, car l'expression qui surprend est généralement (pas toujours) d'une exactitude qui ne laisse rien à désirer.
Adam produisit un
être
à son image (Gen. 5, 3).
Prenez dans le pays
d'Égypte, des voitures
, pour vos enfants et pour vos femmes (Gen. 45,
19). Ces voitures sont bien modernes !
Je suis l'être invariable
(Ex. 3, 14).
Tu as pour refuge le
Dieu primordial
(Deut. 33, 27).
Ils disent :
« Dieu l'a délaissé, courez-lui sus, empoignez-le
… » (Ps. 71, 11).
À qui donc
compareriez-vous Dieu, et quelle image lui donneriez-vous comme pendant ?
(Ésaïe 40, 18).
Il redonne la vigueur
au courbaturé
(Ésaïe 40, 29).
C'est une triste besogne
que Dieu a offerte aux
fils d'Adam pour s'en tracasser
(Ecclés.
1, 13).
Malheureux pays, si
les grands font ripaille
dès le matin
(Ecclés. 10, 16).
Cette familiarité affaiblit certains passages. Ainsi :
Adieu peines et soupirs (Ésaie 35, 10).
Notre traduction : la douleur et les gémissements s'enfuiront
, est bien plus belle en même temps
que plus exacte. Elle aurait pour elle, comme style, l'autorité d'Alfred de
Musset qui a dit (rapprochement d'autant plus remarquable que ce n'était
probablement pas chez lui une citation) :
Tu verras, au bruit de nos chants,
S'enfuir le doute et le blasphème…
Voici un passage qui nous parait bien affaibli, bien délayé :
Hénoc se conduisait selon Dieu, lorsqu'il disparut, Dieu l'ayant retiré du monde.
Parfois la traduction prête à des critiques qui ne sont pas d'ordre littéraire.
Le fameux passage Ésaïe 7, 13, est, selon nous, traduit inexactement :
Voici la jeune femme est devenue enceinte (*).
(*) Même un de
Wette, qui n'était pas retenu par le respect de la tradition, traduit la vierge
(die Jungfrau
).
Ésaïe 53, 8, nous lisons :
…Les coups qui le frappaient avaient pour cause les péchés des peuples.
Au lieu de : de mon
peuple
. Pour arriver à ce sens, le texte hébreu a dû être modifié.
Par contre, la traduction de Genèse 49, 10 est très belle :
Jusqu'à l'avènement du Pacifique (Schiloh), auquel obéiront les peuples.
On se demande pourquoi
Jéhovah est traduit tantôt par Éternel
, tantôt par Seigneur
.
Un des mérites de cette traduction, ce sont ses notes. Plusieurs sont explicatives. Plusieurs indiquent les modifications apportées au mot hébreu (un changement insignifiant suffit pour donner un sens naturel, et aucun traducteur ne recule devant ces changements. Seulement, dans nos versions ils ne sont pas indiqués). Plusieurs, quand le texte est obscur, ou douteux, intraduisible d'une façon sûre et satisfaisante, en avertissent le lecteur. Ainsi averti, on n'usera de ce texte qu'avec circonspection. Plusieurs indiquent des variantes de sens.
Dans le livre d'Esther, nous retrouvons, au moins en une mesure, une particularité qui distingue tous les manuscrits et textes hébreux de ce livre. Le livre d'Esther est le livre de l'Ancien Testament qui a été reproduit le plus souvent sous forme de rouleau manuscrit. Il en existe des rouleaux de tout format, de toute ornementation, de tout prix (*). On a fait pour Esther ce qu'on ne fait pour aucun autre livre du canon hébreu. Pourquoi ? Évidemment parce que le sentiment national est flatté par ce livre. Ce sentiment national s'affirme par un des détails de la copie. Quand on en vient aux noms des dix fils d'Haman qui ont été pendus, on les copie en très gros caractères, et on en remplit une page entière. Dans nos Bibles hébraïques, ces noms sont imprimés en gros caractères, en deux colonnes (Comme ceci prouve que lorsqu'on lit la Bible, on y trouve ce qu'on y cherche !) Au culte de la Synagogue, le rabbin doit lire ces dix noms d'un seul trait, sans reprendre haleine.
(*) On peut voir au dépôt de la Société biblique britannique, à Paris, la reproduction de deux images relatives à l'histoire d'Esther (Assuérus tendant son sceptre à Esther, et Haman conduisant Mardochée), reproduites, en guise de dessin, par le texte même du livre d'Esther, qui tient tout entier dans ces deux images et dans l'encadrement.
Dans la Bible du Rabbinat français, ces dix noms sont imprimés avec le même caractère que le reste du livre, mais en un paragraphe spécial, bien espacé.
Nous recommandons à tous les amis de la Bible cette version de l'Ancien Testament. Elle l'éclairera pour eux d'un jour nouveau. Elle diminuera sensiblement la distance qui sépare de l'original ceux qui ne savent pas l'hébreu.
Voici, dans cette version, le
Cantique de l'arc
(2 Samuel 19-27).
M. S. Berger donne à la fin
de son livre La Bible française au moyen
âge
la liste et la description de 189 manuscrits de Bibles françaises copiés
du douzième au quinzième siècles, dont 80 Bibles et 36 psautiers. 107 de ces
manuscrits sont en France, 90 à Paris, 17 en province.
C'est au quatorzième siècle que la Bible a été le plus souvent copiée. Pour ce siècle seulement on compte 87 manuscrits, dont 53 Bibles.
Il ne s'agit ici que de
manuscrits français, et ces chiffres ne comprennent pas les innombrables copies
de l'Historia scholastica
de
Comestor, la Bible populaire du moyen âge.
On compte, aussi en manuscrits, 6 Bibles provençales ou vaudoises, et 3 Nouveaux Testaments de la même origine.
On compte 258 manuscrits de la Vulgate, dont 51 Bibles entières. Sur ce nombre, 71, dont 24 Bibles, sont en France.
Nous donnons dans le tableau (*) ci-après le nombre des éditions des Écritures dont nous avons pu trouver l'indication, — traductions, révisions ou rééditions, totales ou partielles, de la Bible en français ou en langues parlées en France, parues après l'invention de l'imprimerie, c'est-à-dire depuis le Nouveau Testament de Barthélemy Buyer, paru vers 1474.
(*) Nous avons établi ce tableau d'après l'Extrait du catalogue de la Société biblique protestante de Paris, le Historical catalogue of printed Bibles, British and Foreign Bible Society, la Bibliographie des Bibles et des Nouveaux Testaments en langue française des quinzième et seizième siècles, par W. I. van Eys, et l'Histoire du psautier des Églises réformées, par Félix Bovet. — Les totaux de la dernière colonne sont ceux des chiffres contenus dans les colonnes 1 à 13, et répartis sous deux rubriques spéciales dans les colonnes 14 à 18 et 19 à 21.
Tableau (incomplet) des éditions des Saintes Écritures parues en français depuis l'invention de l'imprimerie
Abréviations du tableau : TR = Traductions — REV = Révisions — RÉIMP = Réimpressions
|
Bible |
NT |
AT |
Fragments |
Psautier en vers |
Totaux d'après la nature des volumes |
Totaux d'après la nature du travail |
Totaux |
|||||||||||||||
TR |
REV |
RÉIMP |
TR |
REV |
RÉIMP |
TR |
RÉIMP |
TR |
REV |
RÉIMP |
TR |
RÉIMP |
Bible |
NT |
AT |
Fragments |
Ps. en vers |
TR |
REV |
RÉIMP |
Totaux |
||
Publié par des |
Protestants |
8 |
24 |
269 |
8 |
21 |
282 |
2 |
3 |
15 |
1 |
47 |
6 |
309 |
301 |
311 |
5 |
63 |
315 |
39 |
46 |
910 |
995 |
Catholiques |
14 |
18 |
134 |
12 |
14 |
138 |
1 |
|
5 |
47 |
41 |
101 |
22 |
166 |
164 |
1 |
93 |
123 |
133 |
79 |
335 |
547 |
|
Israelites |
|
|
|
|
|
|
2 |
3 |
4 |
|
4 |
|
|
|
|
5 |
8 |
|
6 |
|
7 |
13 |
|
Russes |
|
|
1 |
|
|
1 |
|
|
1 |
|
|
|
|
1 |
1 |
|
1 |
|
1 |
|
2 |
3 |
|
En langues ou dialectes parlés en France en dehors du français |
1 |
|
|
4 |
2 |
|
|
|
19 |
|
1 |
|
|
1 |
6 |
|
20 |
|
24 |
2 |
1 |
27 |
|
En patois coloniaux |
|
|
|
|
|
|
|
|
6 |
2 |
|
|
|
|
|
|
8 |
|
6 |
2 |
|
8 |
|
Éditions savantes |
1 |
|
|
1 |
|
|
|
|
19 |
|
2 |
|
|
1 |
1 |
|
21 |
|
21 |
|
2 |
23 |
|
Totaux |
24 |
42 |
404 |
25 |
37 |
421 |
5 |
6 |
69 |
50 |
95 |
107 |
331 |
470 |
483 |
11 |
214 |
438 |
230 |
129 |
1257 |
1616 |
Lorsqu'un traducteur a traduit d'abord le Nouveau Testament, puis l'Ancien, nous signalons simplement la traduction de la Bible.
Nous comprenons, parmi les réimpressions catholiques, les éditions de la Bible abrégée du moyen âge et les éditions de la Bible et du Nouveau Testament de Lefèvre d'Étaples.
Les huit traductions protestantes originales de la Bible sont celles d'Olivétan (1535), de Castalion (1555), de Diodati (1644), de Lecène (1741), de Lausanne (1839, 1861-1872), de Darby (1859, 1885), de Reuss (1874-1880), de Segond (1873-1880).
Les huit traductions protestantes du Nouveau Testament sont celles de Leclerc (1703), Beausobre et Lenfant (1718), Munier(1835), Arnaud (1858), Rilliet (1858), Oltramare (1872), Bonnet (1846-1855). Stapfer (1889).
Les deux traductions protestantes de l'Ancien Testament sont celles de Perret-Gentil (1847-1861) et de la Bible annotée (1878-1898).
Les quatorze traductions catholiques de la Bible sont celles de Lefèvre (1530), Corbin (1643), Sacy (1696), Legros, originale pour une partie seulement (1739-1753), Desoer (1819), Genoude (1820-1824), Glaire (1861, 1889-1893), Bourassé et Janvier (1865), Drioux, (1872), Arnaud (1881), Trochon, etc (1881 et années suivantes), Fillion (1888), Crampon (1884, 1894-1904), Ledrain (1899).
Les douze traductions catholiques du Nouveau Testament sont celles de Marolles (1649), Amelote (1666), Godeau (1668), Bouhours (1697-1703), Barneville (1719), R. Simon (1702), Huré (1702), Valart (1760), Mésenguy (1729), Anonyme (Machais, 1842), Gaume (1863), Baillargeon (1865).
La traduction catholique de
l'Ancien Testament est celle de Giguet,
faite
sur les Septante (1872).
Dans les cent six traductions originales du psautier en vers, indépendantes du psautier de Marot et de Bèze, qu'indique M. Félix Bovet, nous n'en avons reconnu que cinq protestantes, ce qui, avec le psautier original de Marot et de Bèze, fait six. Les trois cent neuf réimpressions protestantes du psautier se décomposent en deux cent quatre-vingt-dix-neuf rééditions du psautier de Marot et de Bèze, et dix rééditions des autres psautiers.
Les Écritures publiées par les Russes se décomposent en un Nouveau Testament et une Bible de Sacy, publiés par la Société biblique russe, en 1815 et 1817, et une traduction en français, en 1896, de la traduction originale des Évangiles en russe, par Tolstoï.
Par « langues ou dialectes parlés en France en dehors du français » nous entendons le provençal, le breton, le basque et le flamand. Cette dernière langue est parlée dans certaines régions du nord de la France. On voit encore, dans ces régions, des gens qui ne connaissent pas le français (*).
(*) Écrit en 1910
Sous ce chef, « langues et dialectes », sont indiquées La Bible, traduite en breton par M. le pasteur Lecoat ;
Quatre Nouveaux Testaments, un en breton, un en basque (qui n'existe plus), deux en flamand ;
Dix-neuf fragments, qui sont les Évangiles et Actes, les Évangiles séparés, les épîtres de Pierre, la Genèse, les psaumes, dans l'une ou l'autre ou plusieurs de ces quatre langues, et Ruth, le cantique des cantiques, Jonas, traduits en basque par les soins du prince L. Bonaparte (ces trois derniers épuisés).
Des six fragments en patois coloniaux, cinq (Évangiles, Actes) sont en patois de Saint-Maurice, et un (saint Marc) en patois de Saint-Domingue.
Nous appelons éditions savantes celles qui ont été faites dans un but avant tout documentaire et qui ont surtout un intérêt rétrospectif, ainsi :
La Bible de Calvin, publiée par M. Ed. Reuss en 1897, au moyen des commentaires du réformateur, et de citations bibliques extraites de ses oeuvres (manquent les livres historiques après Josué, les prophètes excepté Ésaïe et Osée, les livres dits de Salomon, l'Apocalypse) ;
Les Évangiles de Bossuet, publiés par le même procédé par M. Vallon en 1855;
Le Nouveau Testament cathare (*)
(*) Voir point 5 (chapitre 2) du texte global = point 5 (chapitre 2) de la Partie 1 « Jusqu’au 16° siècle »
L'Évangile selon saint Jean, en provençal et en vaudois, d'après de vieux manuscrits ;
Des fragments traduits en divers dialectes ou patois (bourguignon, normand, picard, toulousain, saintongeois, franc-comtois, languedocien, provençal, etc.), avant tout pour en conserver un spécimen.
Nous avons donc 359 éditions originales (230 traductions, 129 révisions), et 1.257 réimpressions, ce qui donne 1.616 éditions différentes des Écritures.
Ces chiffres sont loin d'être complets. La Bible de Louvain n'a pas eu moins de 200 éditions, et dans le relevé ci-dessus il n'en figure que 42 (12 Bibles, 30 Nouveaux Testaments). Plusieurs éditions, soit de la Bible de Sacy, soit d'autres Bibles, nous ont forcément échappé. Si donc nous ajoutons le chiffre de 200 pour les éditions catholiques, nous ne sommes certainement pas au-dessus de la réalité. Quant aux éditions protestantes, sans parler de celles qui ont été omises, retrouver la trace de toutes les réimpressions est une impossibilité. Tous les trois, quatre ou cinq ans environ, la Société biblique britannique procède à un nouveau tirage de la Bible, du Nouveau Testament, des Évangiles et Actes, des Évangiles séparés et d'autres fragments. Si on fait le total des années d'existence des quatre Sociétés bibliques protestantes qui ont travaillé en France depuis 1804, on arrive au chiffre de 274 années, et ces Sociétés n'ont pas été seules à publier les Écritures. On peut donc sans hésiter augmenter de 200 le chiffre des rééditions protestantes (*).
(*) Voici les chiffres d'une partie des réimpressions françaises de la Société britannique, de 1898 à 1909.
Bibles
in-16 : En 1898, 25.000; en 1902, 15.000; en 1904, 25.000.
Bibles
in-8 : En 1903, 5.000; en 1904, 5.000; en 1908, 5.000.
Nouveau Testament :
En 1902, 25.000; en 1903, 30.000; en 1904, 50.000;
en 1906, 50.000 et 10.000; en 1907, 50.000.
Évangiles et Actes :
En 1903, 50.000; en 1904, 50.000; en 1905, 50.000;
en 1907, 50.000; en 1909, 52.500.
Évangiles :
En 1900, 250.000; en 1901, 200.000; en 1904,
250.000; en 1907, 200.000; en 1909, 200.000.
Psaumes :
En 1903, 10.000; en 1909, 10.000.
Ainsi 24 tirages en onze ans, et ce chiffre est incomplet. On peut voir par là que l'estimation ci-dessus n'a rien d'exagéré. Tous ces tirages sont en dehors de notre tableau. Relever tous les tirages successifs, d'après les livres de Londres ou de Paris eût été une impossibilité, les vieux comptes ayant été ou détruits ou enfouis dans quelque cave. À chaque instant, dès qu'on ouvre les yeux, on découvre de nouvelles éditions, soit catholiques, soit protestantes. Nous en avons découvert jusque pendant l'impression de notre tableau.
Ainsi, nous arrivons à un
chiffre approximatif de 2.000 éditions ou réimpressions des Écritures saintes
de 1474 à 1910, c'est-à-dire en quatre cent trente-cinq ans. Il y aurait donc
eu, en moyenne, pendant quatre cent trente-cinq ans, plus de quatre éditions
françaises des Livres saints chaque année (environ neuf tous les deux ans).
Quant au nombre des volumes imprimés, il est incalculable. Ici, on entre
positivement dans l'infini. Certaines éditions ont été colossales. L'édition
(catholique) de luxe de 1834 de la Bible de Sacy a été tirée à 100.000
exemplaires. Les Évangiles de Lasserre se sont vendus à 100.000 exemplaires. On
pourrait presque dire : ab uno disce
omnes
.
Si l'on tenait compte des Écritures imprimées en France en d'autres langues que le français, en latin, en grec, en hébreu, on arriverait, pour le nombre d'éditions, à des chiffres plus étonnants encore. Ainsi les Estienne, de 1528 à 1567, ont fait paraître, outre 3 Bibles françaises et 4 Nouveaux Testaments français, 11 Bibles latines, 1 latine (Ancien Testament) et grecque (Nouveau Testament), 4 Nouveaux Testaments latins, 17 Nouveaux Testaments grecs, et de nombreuses portions détachées, la Genèse, Ésaïe, Osée, Joël, Habacuc, Jonas, Malachie, Ruth, les Évangiles synoptiques, et trois harmonies. De 1507 à 1628 on compte 92 éditions des Écritures publiées par les Estienne (Ils éditèrent en outre 2 concordances, et 135 ouvrages théologiques, dont 19 commentaires ou sermons). Et combien d'autres éditions des Écritures latines, hébraïques et grecques n'y a-t-il pas eu (*) ! En disant que la Bible a été réimprimée plus de 2.500 fois en France pendant ces quatre cent trente-cinq ans, on serait sans doute au-dessous de la réalité.
(*) Le Catalogue des Elzévirs
de 1774 mentionne
44 éditions de la Bible en latin, en hébreu et en grec, et 8 concordances. Ces
chiffres concernant des Bibles non françaises publiées hors de France, nous
n'en tenons pas compte dans les calculs ci-dessus.
Si on prend les 359 traductions ou révisions, on voit que pendant ce même laps de temps, il y a eu en France, ou en français, près d'une édition originale des Livres saints chaque année (cinq en six ans).
Nous relevons, outre les 42 éditions de la Bible de Louvain (30 Bibles, 12 Nouveaux Testaments) :
100 éditions de la Bible de Sacy (39 Bibles, 49 Nouveaux Testaments, 12 fragments) ;
251 de la Bible de Genève, révision d'Olivétan (123 Bibles, 128 Nouveaux Testaments) (*) ;
(*) La Bible de 1588, version d'Olivétan, par BERTRAM et Théod. DE BÈZE, publiée en trois formats, in-folio, in-4, in-8, porte au verso du titre l'intéressante note qui suit. Elle montre que la préoccupation de répandre la Parole de Dieu n'a jamais été absente de l'Église : « Les frais de cet ouvrage imprimé en trois diverses formes, en mesme temps pour la commodité et contentement de toutes sortes de personnes, ont été libéralement fournis par quelques gens de bien, qui n'ont cherché de gagner pour leur particulier, mais seulement à servir Dieu et à son Église ».
46 de la Bible de Martin (26 Bibles, 20 Nouveaux Testaments) ;
116 de la Bible d'Ostervald (61 Bibles, 55 Nouveaux Testaments) ;
Tous ces chiffres doivent être considérés comme un minimum.
Voici les 72 villes dans lesquelles a été imprimée la Bible française, en tout ou en partie :
En France : Paris, Lyon, Rouen, Caen, Saint-Brieuc, Charenton, Niort, Orléans, Versailles, Saumur, Blois, Sedan. Rennes, Tours, La Rochelle, Bordeaux, Limoges, Montauban, Toulouse, Dijon, Montbéliard, Valence, Avignon, Nancy, Strasbourg, Trévoux ;
En Suisse : Berne, Genève, Neuchâtel, Lausanne, le Locle, Porrentruy, Bâle, Bienne, Vevey, Yverdon, Zurich :
En Belgique : Bruxelles, Louvain, Anvers, Liège, Mons, Tournai ;
En Hollande : Amsterdam, Rotterdam, La Haye, Dordrecht, Utrecht, Leyde ;
En Angleterre : Londres, Southampton, Oxford, Cambridge, Norwich, Glasgow Chelsea ;
En Allemagne : Berlin, Hambourg ; Hanovre, Cologne, Francfort, Flensbourg, Ulm, Leipzig, Altona, Hanau ;
En Italie : Florence, Turin, Milan ;
En Russie : Saint-Pétersbourg ;
En Amérique : New-York, Québec.
Le nombre des imprimeurs ou éditeurs qui se sont occupés de la publication de la Bible est au moins de 437, dont :
132 à Paris, 48 à Lyon, 15 à Rouen, 5 à La Rochelle, 5 à Toulouse, 4 à Charenton, 4 à Caen, 3 à Nancy, 3 à Avignon, 3 à Bordeaux, 2 à Niort, 2 à Limoges ;
45 à Genève, 7 à Bâle, 7 à Lausanne, 6 à Neuchâtel, 2 à Vevey ; 22 à Anvers, 6 à Bruxelles, 4 à Liège ;
26 à Amsterdam, 6 à La Haye, 3 à Leyde, 2 à Utrecht ;
19 à Londres ;
4 à Berlin, 3 à Cologne ;
2 à Turin :
3 à New-York ;
2 à Québec ;
Dans les 42 autres villes nommées, une maison dans chaque ville.
Ce qui donne : 240 maisons en France, 73 en Suisse, 35 en Belgique, 39 en Hollande, 25 en Angleterre, 15 en Allemagne, 4 en Italie, 1 en Russie, 5 en Amérique.
En présence de cette statistique, le mot de Voltaire : « Dans cinquante ans, la Bible sera un livre oublié », fait un singulier effet.
Si la Bible n'apportait pas à l'homme plus que ce que l'homme peut se donner à lui-même, verrait-on la Bible se frayer ici-bas son chemin comme un fleuve qui déborde ? Les paroles que le prophète prononça jadis sur le roi d'Assyrie, envoyé par Dieu contre Israël, semblent s'appliquer d'elles-mêmes aux destinées du Livre qui apporte aux hommes le message de la Rédemption :
Il s'élèvera partout au-dessus de son lit,
Il se répandra sur toutes ses rives.
Le déploiement de ses ailes
Remplira l'étendue de ton pays, ô Emmanuel !
(Ésaïe 8, 7).
Si telle est la gloire du Livre, que sera la gloire de Celui que Luther a appelé le Roi du Livre ?
Aujourd'hui la Bible est accessible à toutes les bourses. Mais, jadis, pour avoir une Bible, il fallait être riche. C'est surtout dans les inventaires des anciennes bibliothèques et dans les obituaires des couvents qu'on trouve les renseignements qui permettent d'évaluer le prix des anciennes Bibles (*).
(*) La plupart des
renseignements contenus dans ce chapitre sont empruntés à la Bible au seizième siècle
, de S. Berger.
Note Bibliquest : Nous n’avons pas cherché à convertir les francs de 1910 en monnaies du 21° siècle
Voici pour les Bibles latines. Au couvent de Saint-Victor, à Paris, nous trouvons la Bible estimée, vers 1173, 20 livres (environ 400 fr.) ; vers 1203, 14 livres (environ 230 fr.) ; en 1218, 17 ou 18 livres (315 et 345 fr.). À la fin du treizième siècle, à la Sorbonne, son prix d'estimation est de 16 livres (environ 290 fr.), et en 1311, de 12 livres (environ 180 fr.). En 1389, à Saint-Victor, une bonne Bible est estimée 32 francs, c'est-à-dire environ 256 francs d'aujourd'hui.
Les prix s'élevaient
naturellement selon la beauté de l'exemplaire. Les grandes Bibles, bien ornées,
étaient appelées Bibliothèques.
À la
fin du treizième siècle, à Notre-Dame, « une Bibliothèque bonne et très belle »
était appréciée 30 livres parisis, soit 480 francs.
Nous avons vu plus haut, que dans le midi de la France, au commencement du quatorzième siècle, une Bible entière se vendait 20 livres.
En 1415, nous voyons évaluer à 86 livres parisis, soit 860 francs, une charmante Bible latine ornée de miniatures, et un volume des concordances de la Bible.
Quant aux Bibles françaises, leur prix était beaucoup plus considérable. En 1336, Pierre de Villenay et Marie sa femme, donnèrent à Saint-Victor « une très bonne Bible en français » du prix de six-vingt francs, c'est-à-dire peut-être 1.725 francs, valeur actuelle.
Ces prix, marqués dans les registres des couvents et des écoles, devaient être, si élevés soient-ils, inférieurs à la réalité, comme le sont d'ordinaire les prix d'inventaires. Ce qui le prouverait, c'est que, quand il y a vente, le prix monte plus haut.
En 1284, en Normandie, on voit une Bible évaluée à 50 livres tournois (environ 800 fr.). En Alsace, à la même époque, on voit une Bible en cinq volumes vendue 35 livres (environ 600 fr.), aux chanoines d'Ittenwiller, par les frères Augustins de Strasbourg. En 1417, le couvent d'Engelthal, dans la Hesse, engage une Bible à un autre couvent pour 63 florins d'or (environ 756 fr.). En 1450, le couvent d'Obersteigen, dans la Hesse, vend 60 florins (environ 420 fr.), au vicaire du grand choeur de la cathédrale de Strasbourg quatre volumes en parchemin contenant l'Ancien et le Nouveau Testament.
Les Bibles glosées atteignaient aussi des prix très élevés. Nicolas Lombard, « marchand de livres à Paris », vend 40 livres parisis (640 fr.) à Gui de la Tour, évêque de Clermont de 1250 à 1286, une Bible glosée copiée « d'une seule main ».
Mais il ne suffit pas, pour se rendre compte de la valeur d'une Bible au moyen âge, d'indiquer son prix évalué en francs. Il faut encore se rappeler que la valeur de l'argent était bien plus considérable alors qu'aujourd'hui. « De bons auteurs estiment, en effet, dit M. Samuel Berger, que l'argent du quatorzième et du quinzième siècle, avait six fois plus de valeur relative, ou, comme on dit, de pouvoir, que le nôtre, relativement à la plus générale et à la plus nécessaire de toutes les dépenses, au prix du blé ».
D'après cela, pour comparer le prix d'une Bible au moyen âge avec le prix d'une Bible d'aujourd'hui, il faudrait multiplier par six les chiffres ci-dessus.
Combien peu pouvaient
posséder des Bibles si chères ! Si un prêtre voulait lire la Bible, il fallait
qu'il en empruntât un exemplaire à la bibliothèque d'un couvent, et pour
l'emprunter, il devait fournir une caution, parfois fort élevée. Ainsi, en
1284, le recteur d'un village du diocèse d'Évreux met « tous ses biens meubles
et immeubles, présents et futurs, ecclésiastiques et mondains », en gage d'une
Bible estimée 50 livres tournois (800 fr. actuels), qu'il a empruntée à des
religieux Augustins. Et en revanche, on voit la Bible servir de gage. En 1457,
l'Université de Caen emprunte une somme de 90 francs (valeur actuelle, 423 fr.)
à la Faculté des Arts, sur une Bible, quatre volumes de Saint-Augustin, et le Catholicon
, qu'elle abandonne comme hypothèque.
Ceux qui avaient le plus facilement accès à la Bible, c'étaient les étudiants de Paris.
L'Université de Paris avait
arrêté, en 1303, le tarif auquel les libraires devaient louer des livres aux
étudiants. La location du texte de la Bible était limité à 5 sous (4f50). On
faisait mieux encore. Le concile de Paris, en 1212, avait rappelé aux religieux
que le prêt gratuit est une oeuvre de miséricorde et que les moines doivent
prêter les livres cum indemnitate domus
(avec
indemnité de logement) aux pauvres écoliers. Aussi le prêt gratuit de la Bible
était largement pratiqué dans les couvents. La règle des Augustins contenait
des dispositions particulièrement libérales en vue de ces prêts de Bibles aux
étudiants. Un couvent d’Augustins, à Paris, celui de Saint-Victor, possédait
plusieurs Bibles que lui avaient données ou léguées divers personnages à
l'intention « des pauvres clercs, étudiants en théologie ». L'une de ces Bibles
portait sur la garde ces mots : Nota
pauperibus
(destinée aux pauvres). À la Sorbonne et à l'Église Notre-Dame,
il y avait également des Bibles données ou léguées à l'usage des étudiants. La
règle des Dominicains (au chapitre : des étudiants) obligeait chaque province de
l'ordre à pourvoir les frères envoyés à l'Université « de trois livres au moins,
savoir, la Bible, les histoires écolâtres, et les sentences ».
Il y eut mieux encore. En 1409, des livres saints étaient prêtés aux prisonniers détenus dans les prisons du chapitre de Notre Dame.
On voit que la pensée qui a présidé à la création des Sociétés bibliques est très ancienne, et que déjà au moyen âge elle recevait une application restreinte, mais touchante.
L'invention de l'imprimerie diminua sensiblement, tout en le laissant fort élevé encore, le prix de la Bible.
Voici un fait curieux qui montre quelle influence cette invention eut immédiatement sur le prix des Bibles.
Fust (précédemment associé de Gutenberg) apporta à Paris quelques exemplaires de la Bible, et les vendit soixante couronnes, au lieu de quatre ou cinq cents que coûtaient autrefois les Bibles manuscrites sur parchemin.
Les premiers acheteurs furent d'abord dans l'admiration en voyant l'exacte ressemblance de tous ces volumes qui ne différaient pas d'un iota et avaient partout le même nombre de lignes et de lettres, ce dont on ne pouvait se rendre compte alors ; mais ensuite ayant appris que Fust, pour se défaire plus vite de sa marchandise, avait cédé ses Bibles à cinquante, quarante couronnes et même à un prix beaucoup inférieur, ils y regardèrent de plus près et se convainquirent que ces volumes avaient été exécutés par un procédé mécanique moins coûteux que la calligraphie. Alors, se considérant comme lésés, ils vinrent réclamer au vendeur les trois quarts et même quelques-uns les quatre cinquièmes du prix payé par eux (*).
(*) De l'origine de l'iniprirnerie en Europe, par Aug. BERNARD, II, 285-286.
On possède l'acte de vente, daté de 1471, par lequel « Hermann de Stathoen, colporteur d'honnête et discrète personne Jean Guymier, libraire juré de l'Université de Paris », vend à l'illustre et savant maître Guillaume de Tourneville, archiprêtre et chanoine d'Angers, un exemplaire sur parchemin de l'admirable Bible de Mayence (la première Bible imprimée (en latin) en 1456) pour le prix et somme de 40 écus (450 fr.).
Les Bibles sur papier étaient moins chères.
En 1465, la maison de Saint-Jean de Schelestadt acquiert une Bible pour 4 florins, 3 livres, 1l sols (81 fr.). En 1466, Hector Mulich paie environ 84 francs un exemplaire non relié de la Bible allemande de Mentel. En 1469, une Bible appartenant au cardinal Balue est saisie et évaluée à 12 livres (environ 72 fr.).
Le Nouveau Testament de Luther de 1522 se vendait un florin et demi, environ 10 francs.
Les catalogues de Robert Estienne, notamment celui de 1546, sont intéressants à étudier. Chose à remarquer, le livre qui figure en tête de ces catalogues, c'est toujours la Bible hébraïque ; et tous les livres de la Bible hébraïque se vendent séparément, même, d'après tel catalogue, chacun des petits prophètes. La très belle Bible hébraïque in-4 de Robert Estienne de 1539-1542 se vendait 100 francs (La Genèse 6 francs, le Psautier 7 francs, Osée 3 francs, Amos 20 deniers, Abdias 4 deniers, etc.) La petite Bible hébraïque in-16 de Robert Estienne, en 17 volumes, de 1545, probablement ce qui a jamais été imprimé de mieux en fait de Bible hébraïque, un vrai bijou, se vendit d'abord 80 francs, puis 75 francs (Le Pentateuque 25 francs, la Genèse 4 francs 6 deniers, le Psautier 5 francs, les petits Prophètes 4 francs, etc.)
Le Nouveau Testament grec se vendait, l'in-16 de 1546, 10 francs, l'in-8 de 1550, 35 francs. Quant aux Bibles latines, une Bible infolio se vendait 100 francs, une autre 60 francs, une Bible petit format, 45 francs, une autre 30 francs. L'Ancien Testament, 24 francs, le Nouveau, 6 francs. Un autre Nouveau Testament, 7 francs 6 deniers. Le Décalogue se vendait 3 deniers, une Harmonie évangélique, 3 francs 6 deniers (*).
(*) Le marc d'argent valut de 1515 à 1530 un peu plus de 12 francs, et de 1531 à 1545 environ 14 francs. Il y avait 20 sous (ou sols) dans le marc, et 12 deniers dans le sou. Le sou valait donc 70 centimes de 1531 à 1545. Les francs du catalogue de Robert Estienne sont des sols, mais ces francs avaient au moins trois fois la valeur des nôtres.
Vers 1534, le prix du blé fut de 50 sols le setier (156 litres). On payait 2 deniers 8 onces de pain, ou une livre de pain bis.
Et ces livres si chers se vendaient fort bien, preuve en soit la rapidité avec laquelle s'écoulaient les éditions.
La Polyglotte de Complute (1522) coûtait 6 ducats et demi. La Polyglotte de Plantin (Anvers, 1573) coûtait 72 florins.
La première édition de la Bible d'Ostervald (1744) coûtait 2 écus neufs et demi (*). En 1756, le proposant Simon Lombard, qui se préparait au désert à devenir pasteur, écrivait à son père qu'il venait d'acheter la petite Bible Martin, et qu'elle lui avait coûté 14 livres. Il ajoutait : « Elle me suivra dans toutes mes retraites, et je vais la dévorer ». 14 livres, en 1756, en vaudraient bien le double aujourd'hui, si ce n'est plus.
(*) On lit dans le journal d'un citoyen de Neuchâtel, Abraham Sandol :
1743, 19 décembre : « Je me suis souscrit pour une Bible qui coûte 2 écus et demi neufs, dont je n'ai délivré qu'un et demi comptant ».
1744, 30 novembre : « Théodore Ducommun a apporté la Bible de M. Ostervald pour laquelle j'avais souscrit, j'ai payé un écu neuf pour le reste de la souscription, 10 batz pour l'avoir mise en carton et 7 creuzer pour le port de Neuchâtel ».
1752, 20 novembre : « J'ai porté la Bible de M. Ostervald à Théodore Ducommun pour la relier en peau de mouton, 42 batz » (R. GHETILLAT. J.-F. Ostervald.
L'écu neuf était de 6 francs. La Bible d'Ostervald de 1744 coûtait donc 15 francs en souscription. — Un batz valait 14 centimes. La mise en carton valait donc 1f 40. la reliure, 5f 88. — Le creuzer valait 3 centimes et demi. — Prix total : plus de 22 francs, qui valaient bien plus que 20 francs actuels.
En 1797, une Bible Ostervald neuve, éditée par la librairie de Bienne en 1771, valait 9 livres reliée. La Bible in-folio de 1805, de la Compagnie des pasteurs de Genève, se vendait 18 francs. À Genève, en 1821, une Bible Martin de 1820, in-18, brochée, se vendait 4f 50, et en 1823 une Bible Martin de 1802, in-8, brochée, était cotée 12 francs.
Le rapport de 1837 de la Société Biblique britannique et étrangère raconte que les habitants d'un village belge (Dour) s'étaient cotisés (sans doute au commencement du siècle dernier) pour l'achat d'une Bible, et qu'ils avaient envoyé l'un d'eux se la procurer en Hollande. La Bible, un Ostervald in-folio, coûta 42 francs. Une Bible par village, c'est tout ce qu'on pouvait se permettre.
Tableau synoptique de la traduction de deux morceaux du Nouveau Testament dans six versions protestantes et dans deux versions catholiques
Nous choisissons ces deux morceaux comme étant, le premier, l'un des plus mouvementés, et le second, l'un des plus littéraires du Nouveau Testament. Le texte choisi pour les versions de Lausanne, d'Oltramare, de Segond, de Stapfer, est celui de la révision la plus récente. Nous supprimons la séparation en versets dans Ostervald et dans Sacy.
2 Corinthiens 11, 17-29 |
2 Corinthiens 11, 17-29 |
OSTERVALD (1744) |
SACY (1759) |
17
Ce que je dis dans cette confiance avec laquelle je me glorifie, je ne 18 Puisque plusieurs se glorifient selon la chair, je me glorifierai aussi. 19 Car vous souffrez sans peine les imprudens, parce vous êtes sages. 20 Même, si quelqu'un vous assujettit, si quelqu'un vous mange, si quelqu'un prend ce qui est à vous, si quelqu'un vous frappe au visage, vous le souffrez. 21
J'ai honte de le dire, 22
Sont-ils Hébreux ? Je 23
Sont-ils Ministres de Christ ?(je parle en imprudent). Je 24
J'ai reçu des Juifs, cinq fois, quarante coups 25 J'ai été battu de verges trois fois, j'ai été lapidé une fois, j'ai fait naufrage trois fois ; j'ai passé un jour et une nuit dans le profond de la mer. 26
J'ai été souvent en voyage ; 27 dans les peines, dans les travaux, dans les veilles, dans la faim, dans la soif, dans les jeunes, dans le froid, dans la nudité. 28
Outre les choses 28
Quelqu'un est-il affligé, que je n'en sois aussi affligé ? Quelqu'un est-il
scandalisé, que je n'en sois aussi |
17 18
Puisque plusieurs se glorifient selon la chair, je puis bien aussi me
glorifier 19 Car, étant sages comme vous êtes, vous souffrez sans peine les imprudents. 20
Vous souffrez même qu'on vous asservisse, qu'on vous mange, qu'on prenne 21
C'est à ma confusion que je le dis, puisque nous passons pour avoir été trop
faibles en ce point. Mais puisqu'il y en a qui sont si hardis à 22 Sont ils Hébreux ? Je le suis aussi. Sont-ils Israélites ? Je le suis aussi. Sont-ils de la race d'Abraham ? J'en suis aussi. 23 Sont-ils ministres de Jésus Christ ? Quand je devrais passer pour imprudent, j'ose dire que je le suis encore plus qu'eux. J'ai plus souffert de travaux, plus reçu de coups, plus enduré de prisons ; je me suis souvent vu tout près de la mort. 24 J'ai reçu des Juifs, cinq différentes fois, trente-neuf coups de fouet. 25 J'ai été battu de verges par trois fois, j'ai été lapidé une fois, j'ai fait naufrage trois fois, j'ai passé un jour et une nuit au fond de la mer. 26 J'ai été souvent dans les voyages, dans les périls sur les fleuves, dans les périls des voleurs, dans les périls de la part de ceux de ma nation. dans les périls de la part des païens, dans les périls au milieu des villes, dans les périls au milieu des déserts. dans les périls sur mer, dans les périls entre les faux frères. 29 J'ai souffert toutes sortes de travaux et de fatigues, de fréquentes veilles, la faim, la soif, beaucoup de jeûnes, le froid et la nudité. 28
Outre ces maux qui ne sont qu'extérieurs, le soin que j'ai de toutes les
Églises m'attire une foule d'affaires 28
Qui est faible, sans que je m'affaiblisse |
2 Corinthiens 11, 17-29 |
2 Corinthiens 11, 17-29 |
LAUSANNE |
OLTRAMARE |
17 Ce que je dis, en ce sujet que j'ai de me glorifier, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais comme par imprudence. 18 Puisque beaucoup se glorifient selon la chair, moi aussi je me glorifierai. 19 Car, tout prudents que vous êtes, vous supportez volontiers les imprudents. 20 Car si quelqu'un vous asservit, si quelqu'un vous dévore, si quelqu'un s'empare de vous, si quelqu'un s'élève, si quelqu'un vous déchire au visage, vous le supportez. 21 Je le dis avec honte ; [c'est] comme si nous avions été sans force. Mais en quoi que ce soit que quelqu'un ait de la hardiesse (je parle avec imprudence), moi aussi j'ai de la hardiesse. 22 Sont-ils hébreux ? moi aussi. Sont-ils israélites ? moi aussi. Sont-ils de la postérité d'Abraham ? moi aussi. 23 Sont-ils serviteurs de Christ ? (je parle en déraisonnant), moi encore plus ; en travaux bien plus ; en blessures, excessivement ; en prison bien plus ; en morts, souvent ; 24 cinq fois j'ai reçu des Juifs quarante [coups] moins un ; 25 trois fois j'ai été battu de verges ; une fois j'ai été lapidé ; trois fois j'ai fait naufrage ; j'ai passé un jour et une nuit dans la haute mer. 26 Souvent en voyages, en périls sur les fleuves, en périls de la part des brigands, en périls de la part de ceux de ma race, en périls dans le désert, en périls sur la mer, en périls parmi les faux frères, 27 en travail et en peine, souvent en veilles, dans la faim et dans la soif, souvent en jeûnes, dans le froid et la nudité. 28 Outre ces choses de dehors, l'assaut qui m'est livré chaque jour, c'est le souci de toutes les assemblées. 29 Qui est affaibli, que je ne sois aussi affaibli ? Qui est scandalisé, que je ne sois aussi brûlé ? |
17 Ce que je dis, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais comme en état de déraison, lorsque j'affiche cette prétention de me glorifier. 18 Puisque tant de gens se glorifient selon la chair, moi aussi je me glorifierai. 19 Vous supportez volontiers les insensés, vous, si raisonnables ; 20 vous supportez qu'on vous traite comme des esclaves, qu'on vous dévore, qu'on vous pille, qu'on vous traite avec hauteur, qu'on vous frappe au visage. 21 Ah ! pour nous (je le dis à notre honte), nous avons été faible ! Mais de quoi que ce soit que quelqu'un ose se vanter (je parle en insensé), moi aussi, je l'ose. 22 Ils sont Hébreux ? moi aussi. Ils sont Israélites ? moi aussi. Ils sont de la postérité d'Abraham ? moi aussi. 23 Ils sont ministres de Christ ? Ah ! je vais parler comme un homme qui ne se possède pas, je le suis plus qu'eux . j'ai supporté plus de fatigues, plus beaucoup de coups et d'emprisonnements ; souvent j'ai vu la mort de prés. 24 J'ai reçu des Juifs, par cinq fois, quarante coups de fouet moins un ; 25 j'ai été battu de verges trois fois ; j'ai été lapidé une fois ; j'ai fait naufrage trois fois ; j'ai passé un jour et une nuit dans l'abime. 26 Souvent, dans mes voyages, j'ai été en danger sur les fleuves, en danger de la part de ceux de ma nation, en danger de la part des païens, en danger dans les déserts, en danger sur mer, en danger parmi les faux frères. 27 Fatigue, peine, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et dénûment, j'ai tout enduré, 28 sans parler du fardeau que m'impose chaque jour le souci de toutes les Églises. 29 Qui est faible, que je n'en souffre ? Qui trébuche, que je n'en aie la fièvre ? |
2 Corinthiens 11, 17-29 |
2 Corinthiens 11, 17-29 |
SECOND |
STAPFER |
" Ce que je dis, avec l'assurance d'avoir sujet de me glorifier, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais comme par folie. 18 Puisqu'il en est plusieurs qui se glorifient selon la chair, je me glorifierai aussi. 19 Car vous supportez volontiers les insensés, vous qui êtes sages. 28 Si quelqu'un vous si asservit, quelqu'un vous dévore, si quelqu'un s'empare de vous, si quelqu'un est arrogant, si quelqu'un vous frappe au visage, vous le supportez. 21 J'ai honte de le dire, nous avons montré le la faiblesse. Cependant tout ce que peut oser quelqu'un, — je parle en insensé, — moi aussi, je l'ose ! 22 Sont-ils Hébreux ? Moi aussi. Sont-ils Israélites ? Moi aussi. Sont-ils de la postérité d'Abraham ? Moi aussi. 23 Sont-ils ministres de Christ ? — Je parle en homme qui extravague. — Je le suis plus encore : par les travaux, bien plus ; par les coups, bien plus ; par les emprisonnements, bien plus. 24 Souvent en danger de mort, cinq fois j'ai reçu des Juifs quarante coups moins un, 25 trois fois j'ai été battu de verges, une fois j'ai été lapidé, trois fois j'ai fait naufrage, j'ai passé un jour et une nuit dans l'abîme. 26 Fréquemment en voyage, j'ai été en péril sur les fleuves, en périls de la part des brigands, en péril de la part de ceux de ma nation, en péril de la part des païens, en péril dans les villes, en péril dans les déserts, en péril sur la mer, en péril parmi les faux frères. 27 J'ai été dans le travail et dans la peine, exposé à de nombreuses veilles, à la faim et à la soif, à des jeûnes multipliés, au froid et à la nudité. 28 Et sans parler d'autres choses, je suis assiégé chaque jour par les soucis que me donnent toutes les Églises. 29 Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à tomber, que je ne brûle ? |
17 Ce que je vais dire, je ne le dirai pas selon le Seigneur, je parlerai comme un « fou » ; j'ai la prétention de chanter ma gloire ; 18 il y en a tant qui chantent la leur, chantons aussi la nôtre ! 19 Vous qui êtes si sages, vous savez être indulgents pour les fous ; 20 vous avez une étonnante patience avec ces gens qui vous asservissent, qui vous mangent, qui vous pillent, qui vous regardent de haut en bas, qui vous frappent au visage. 21 Je suis honteux de le dire, mais nous nous sommes montrés bien faibles. Si ces gens-là se mettent en avant, moi dans ma « folie », je le fais comme eux ; 22 ils sont Hébreux ? moi aussi je le suis ; ils sont Israélites ? moi aussi je le suis ; ils sont de la race d'Abraham ? moi aussi j'en suis. 23 Ils sont ministres de Christ ? (ici ma « folie » dépasse toute mesure), je le suis bien plus qu'eux, par mes immenses travaux, par les innombrables coups que j'ai reçus, par mes emprisonnements multiples, par les mille morts que j'ai souffertes ! 24 Cinq fois les Juifs m'ont appliqué leurs « quarante coups moins un » ; 25 trois fois j'ai été bâtonné, une fois j'ai été lapidé, trois fois j'ai fait naufrage ; j'ai passé toute une nuit et un jour dans l'abîme ; 26 et les voyages sans nombre, et les dangers en passant les fleuves, et les dangers du côté des voleurs, et les dangers du côté des Juifs, et les dangers du côté des païens, et les dangers dans les villes, et les dangers dans la solitude, et les dangers sur mer, et les dangers chez les faux frères, 27 et les labeurs et les fatigues, et les veilles répétées, et la faim, et la soif, et les jeûnes répétés, et le froid et le dénûment ! 26 Et, sans parler du reste, mes préoccupations quotidiennes ! le souci de toutes les Églises ! 21 Qui vient à faiblir que je n'en souffre ! Qui vient à tomber sans que j'en aie la fièvre ! |
2 Corinthiens 11, 17-29 |
2 Corinthiens 11, 17-29 |
VERSION SYNODALE |
CRAMPON |
17 Ce que je dis, quand je me glorifie avec une telle assurance, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais comme un insensé. 18 Puisque plusieurs se glorifient selon la chair, moi aussi, je vais me glorifier. 19 Car vous supportez volontiers les insensés, vous qui êtes des sages. 20 Oui, vous supportez qu'on vous asservisse, qu'on vous dévore, qu'on vous pille, qu'on vous traite avec hauteur, qu'on vous frappe au visage. 21 Je le dis à notre honte, nous avons montré de la faiblesse. Et cependant, si quelqu'un ose se vanter de quelque chose, — je parle en insensé, — moi aussi, je l'oserai. 22 Ils sont Hébreux ? Moi aussi. Ils sont Israélites ? Moi aussi. Ils sont de la postérité d'Abraham ? Moi aussi. 23 Ils sont ministres de Christ ? Eh bien, — je parle comme un insensé, — je le suis davantage : j'ai eu à supporter plus de travaux, plus d'emprisonnements, infiniment plus de coups ; souvent, j'ai été en danger de mort ; 24 cinq fois, j'ai reçu des Juifs quarante coups de fouet moins un ; 25 j'ai été battu de verges trois fois : j'ai été lapidé une fois ; j'ai fait naufrage trois fois ; j'ai passé un jour et une nuit dans l'abîme ; 26 j'ai été souvent en voyage, en danger sur les rivières, en danger de la part des voleurs, en danger de la part de ma nation, en danger de la part des Gentils, en danger dans les villes, en danger dans les déserts, en danger sur la mer, en danger parmi les faux frères ; 27 dans le travail et la peine, souvent dans les veilles, dans la faim et la soif, souvent dans les jeûnes, dans le froid et la nudité. 28 Sans parler de tout le reste, chaque jour je suis assiégé par le souci de toutes les Églises. 29 Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à broncher, que je n'en aie la fièvre ? |
17 Ce que je vais dire, avec cette assurance d'avoir sujet de me glorifier, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais comme si j'étais en état de folie. 18 Puisque tant de gens se glorifient selon la chair, je me glorifierai aussi. 19 Et vous qui êtes sensés, vous supportez volontiers les insensés. 20 Vous supportez bien qu'on vous asservisse, qu'on vous dévore, qu'on vous pille, qu'on vous traite avec arrogance, qu'on vous frappe au visage. 21 Je le dis à ma honte, nous avons été bien faibles ! Cependant, de quoi que ce soit qu'on ose se vanter, — je parle en insensé, — moi aussi je l'ose. 22 Sont-ils Hébreux ? Moi aussi, je le suis. Sont-ils Israélites ? Moi aussi. Sont-ils de la postérité d'Abraham ? Moi aussi. 23 Sont-ils ministres du Christ ? — Ah ! je vais parler en homme hors de sens : — je le suis plus qu'eux : bien plus qu'eux par les travaux, bien plus par les coups, infiniment plus par les emprisonnements ; souvent j'ai vu de près la mort ; 24 cinq fois j'ai reçu des Juifs quarante coups de fouet moins un ; 25 trois fois j'ai été battu de verges ; une fois j'ai été lapidé ; trois fois j'ai fait naufrage ; j'ai passé un jour et une nuit dans l'abime. 26 Et mes voyages sans nombre, les périls sur les fleuves, les périls de la part des brigands, les périls de la part de ceux de ma nation, les périls de la part des gentils, les périls dans les villes, les périls dans les déserts, les périls sur la mer, les périls de la part des faux frères, 27 les labeurs et les peines, les nombreuses veilles, la faim, la soif, les jeûnes multipliés, le froid, la nudité ! 28 Et, sans parler de tant d'autres choses, rappellerai-je mes soucis de chaque jour, la solli citude de toutes les Églises ? 29 Qui est faible que je ne sois faible aussi ? Qui vient à tomber sans qu'un feu me dévore ? |
Jacques 3, 1-12 |
Jacques 3, 1-12 |
OSTERVALD (1744) |
SACY (1759) |
1 Mes Frères, qu'il n'y ait pas plusieurs Maîtres parmi vous ; sachant que nous en recevrons une plus grande condamnation. 2 Car nous bronchons tous en plusieurs choses. Si quelqu'un ne bronche point en parole, c'est un homme parfait, et il peut tenir tout le corps en bride. 3 Voilà, nous mettons des mords dans la bouche des chevaux, afin qu'ils nous obéissent, & nous menons çà & là tout leur corps. 4 Voila aussi les navires, quoi qu'ils soient si grands, & qu'ils soient poussés par des vents violens, ils sont menés de côté & d'autre avec un petit gouvernail, selon la volonté de celui qui les gouverne. 5 Ainsi la langue est un petit membre, & elle se vante de grandes choses ; voyez combien de bois un petit feu peut allumer. 6
La langue 7 Toutes sortes de bêtes sauvages, & d'oiseaux, & de reptiles, & de poissons de mer, se domptent, & ont été domptés par la nature humaine : 8 Mais aucun homme ne peut dompter la langue ; c'est un mal qu'on ne peut réprimer ; elle est pleine d'un venin mortel. 9 Par elle, nous bénissons Dieu nôtre Père ; & par elle nous maudissons les hommes qui sont faits à l'image de Dieu. 10 D'une même bouche sort la béné diction & la malédiction. Mes Frères, il ne faut point que cela soit ainsi. 11 Une fontaine jette-t-elle par une même ouverture de l'eau douce, & de l'eau amère ? 12 Mes Frères, un figuier peut-il porter des olives, ou une
vigne des figues ? Ainsi aucune fontaine ne peut jetter de l'eau salée |
1 Mes frères, qu'il n'y ait point parmi vous tant de gens qui se mêlent d'enseigner : car vous devez savoir que par là on s'expose à un jugement plus sévère. 2 En effet, nous faisons tous beaucoup de fautes ; et si quelqu'un ne fait point de faute en parlant, c'est un homme parfait ; il peut tenir tout le corps en bride. 3 Ne voyez-vous pas que nous mettons des mors dans la bouche des chevaux, afin qu'ils nous obéissent, et qu'ainsi nous faisons tourner tout leur corps où nous voulons ? Ne voyez-vous pas aussi qu'encore que les vaisseaux soient si grands, et qu'ils soient poussés par les vents impétueux, ils sont tournés néanmoins de tous côtés avec un très petit gouvernail, selon la volonté du pilote qui les conduit ? 5 Ainsi la langue n'est qu'une petite partie du corps ; et cependant combien peut-elle se vanter de faire de grandes choses ! Ne voyez-vous pas combien un petit feu est capable d'allumer de bois ? 6 La langue aussi est un feu ; c'est un monde d'iniquité ; et n'étant qu'un de nos membres, elle infecte tout notre corps ; elle enflamme tout le cercle et tout le cours de notre vie, et est elle-même enflammée du feu de l'enfer. 7 Car la nature de l'homme est capable de dompter, et a dompté en effet toutes sortes d'animaux, les bêtes de la terre, les oiseaux, les reptiles, et les poissons de la mer. 8
Mais nul homme ne peut dompter la langue : c'est un mal inquiet 9 Par elle, nous bénissons Dieu notre Père ; et par elle nous maudissons les hommes qui sont créés à l'image de Dieu. 10 La bénédiction et la malédiction partent de la même bouche. Ce n'est pas ainsi, mes frères, qu'il faut agir, 11 Une fontaine jette-t-elle par une même ouverture de l'eau douce et de l'eau amère ? 12
Mes frères, un figuier peut-il porter des raisins, ou une vigne des figues ?
Ainsi nulle |
Jacques 3, 1-12 |
Jacques 3, 1-12 |
VERSION DE LAUSANNE |
OLTRAMARE |
1 Ne soyez pas beaucoup de docteurs, mes frères, sachant que nous en subirons un plus grand jugement ; 2 car nous bronchons tous en beaucoup de choses. Si quelqu'un ne bronche pas en parole, c'est un homme parfait, qui peut tenir en bride même tout le corps. 3 Voici que nous mettons des mors à la bouche des chevaux pour qu'ils nous obéissent, et nous conduisons çà et là tout leur corps ; 4 voici que les vaisseaux même, quelque grands qu'ils soient et bien que poussés par des vents violents, sont conduits çà et là par un très petit gouvernail, partout où le veut l'impulsion de celui qui dirige ; 5 de même, la langue est un petit membre, et elle se vante de grandes choses. Voyez quel petit feu embrase une grande forêt ! 6 La langue aussi est un feu ; c'est le monde de l'iniquité. Ainsi est placée parmi nos membres la langue, qui souille tout le corps, et qui enflamme le cours de l'existence, et qui est enflammée par la géhenne. 7 Car toute nature de bêtes sauvages et d'oiseaux, de reptiles et de poissons, se dompte et a été domptée par la nature humaine ; 8 mais la langue, aucun homme ne peut la dompter ; c'est un mal qu'on ne peut arrêter ; [elle est] pleine d'un venin mortel. 9 Par elle, nous bénissons celui qui est Dieu et Père ; et par elle, nous maudissons les hommes qui ont été faits à la ressemblance de Dieu ; 10 de la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction ! Il ne faut pas, mes frères, qu'il en soit ainsi. 11 Une fontaine jette-t-elle par la même ouverture le doux et l'amer ? 12 Mes frères, un figuier peut-il produire des olives, ou une vigne des figues ? De même, aucune fontaine ne peut donner de l'eau salée et [de la] douce. |
1 Mes frères, qu'il n'y ait pas parmi vous tant de gens qui s'érigent en docteurs ; vous savez que nous nous exposons à un jugement d'autant plus sévère. 2 Tous en effet, nous bronchons souvent. Si quelqu'un ne bronche pas en paroles, c'est un homme parfait, capable de tenir en bride son corps tout entier. 3 Pour nous faire obéir des chevaux, nous leur mettons un mors dans la bouche, et nous gouvernons ainsi leur corps tout entier 4 Voyez encore les navires : tout grands qu'ils sont, et quoique poussés par des vents violents, ils sont dirigés au gré du pilote, par un bien petit gouvernail. 5 De même aussi la langue est un petit membre, et elle peut se vanter de grandes choses. Voyez quelle grande masse de bois un petit feu peut embraser ! 6 La langue aussi est un feu, c'est un monde d'iniquité : la langue est installée parmi nos membres, souillant le corps tout entier, et enflammant tout le cours de la vie, enflammée elle-même du feu de la Géhenne. 7 Toute espèce de bêtes sauvages et d'oiseaux, de reptiles et d'animaux marins peuvent être domptés, et ont été domptés par l'espèce humaine ; 8 mais la langue, aucun homme ne peut la dompter ; c'est un fléau qu'on ne peut arrêter ; elle est pleine d'un venin mortel. 9 Avec elle, nous bénissons le Seigneur, notre Père ; et avec elle, nous maudissons les hommes qui sont faits à la ressemblance de Dieu : 10 de la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction ! Il ne faut pas, mes frères, qu'il en soit ainsi. 11 Une source donne-t-elle par la même ou verture de l'eau douce et de l'eau amère ? 12 Un figuier, mes Frères, peut-il donner des olives, ou une vigne des figues ? Une source salée ne peut pas non plus donner de l'eau douce. |
Jacques 3, 1-12 |
Jacques 3, 1-12 |
SEGOND |
STAPFER |
1 Mes frères, qu'il n'y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se mettent à enseigner, car vous savez que nous serons jugés plus sévèrement. 2 Nous bronchons tous de plusieurs manières. Si quelqu'un ne bronche point en paroles, c'est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride. 3 Si nous mettons le mors dans la bouche des chevaux pour qu'ils nous obéissent, nous dirigeons aussi leur corps tout entier. 4 Voici, même les navires, qui sont si grands et que poussent des vents impétueux, sont dirigés par un très petit gouvernail, au gré du pilote. 5 De même, la langue est un petit membre, et elle se vante de grandes choses. Voici, comme un petit feu peut embraser une grande forêt ! 6 La langue aussi est un feu, c'est le monde de l'iniquité. La langue est placée parmi nos membres, souillant tout le corps, et enflammant le cours de la vie, étant elle-même enflammée par la géhenne. 7 Toutes les espèces de bêtes et d'oiseaux, de reptiles et d'animaux marins, sont domptés et ont été domptés par la nature humaine ; 8 mais la langue, aucun homme ne peut la dompter ; c'est un mal qu'on ne peut réprimer ; elle est pleine d'un venin mortel. 9 Par elle nous bénissons le Seigneur notre Père, et par elle nous maudissons les hommes faits à l'image de Dieu. 10 De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu'il en soit ainsi. 11 La source fait-elle jaillir par la même ouverture l'eau douce et l'eau amère ? 12 Un figuier, mes frères, peut-il produire des olives, ou une vigne des figues ? De l'eau salée ne peut pas non plus produire de l'eau douce. |
Ne soyez pas nombreux à vous ériger en docteurs, mes frères, vous savez que nous serons jugés d'autant plus sévèrement. 2 Nous bronchons tous et de bien des manières, et si quelqu'un ne bronche pas dans ses paroles, c'est un homme parfait, capable de tenir en bride son corps tout entier. 3 Quand nous mettons un mors dans la bouche des chevaux pour nous en faire obéir, nous conduisons en même temps leur corps tout entier. 4 Voyez aussi les navires : qu'ils sont grands ! combien sont violents les vents qui les agitent ! Et c'est avec un tout petit gouvernail que le pilote les mène à volonté dans toutes les directions. 5 Il en est de même de la langue, petit membre qui a de grandes prétentions ! Un bien petit feu peut embraser une bien grande forêt ! 6 La langue aussi est un feu ; elle est le monde de l'iniquité, la langue, installée parmi nos autres membres, souillant le corps tout entier, enflammant le cours de la vie, et enflammée elle-même par le feu de la Géhenne ! 7 Toute espèce d'animaux sauvages, d'oiseaux, de reptiles, de poissons, peuvent être domptés ou ont été domptés par l'espèce humaine, 8 mais la langue, il n'est pas d'homme qui puisse la dompter ; mal impossible à arrêter, elle est pleine d'un venin mortel. 9 Avec elle, nous bénissons le Seigneur notre Père, et avec elle nous maudissons les hommes créés à l'image de Dieu. 10 De la même bouche, sortent bénédiction et malédiction ! Il ne doit pas en être ainsi, mes frères ! 11 La source donne-t-elle, par la même ouverture, de l'eau douce et de l'eau saumâtre ? 12 Un figuier, mes frères, peut-il donner des olives ? Une vigne, des figues ? Une source d'eau salée ne peut pas davantage donner de l'eau douce. |
Jacques 3, 1-12 |
Jacques 3, 1-12 |
VERSION SYNODALE |
CRAMPON |
1 Mes frères, qu'il n'y en ait pas beaucoup parmi vous qui s'érigent en docteurs, car vous savez qu'on s'expose ainsi à un jugement plus sévère. 2 Nous bronchons tous de bien des manières. Si quelqu'un ne bronche pas dans ses paroles, c'est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride. 3 Nous mettons un mors dans la bouche des chevaux pour nous en faire obéir, et ainsi nous dirigeons tout leur corps. 4 Voyez aussi les navires : quelque grands qu'ils soient, et bien que poussés par des vents violents, ils sont dirigés par un très petit gouvernail, suivant la volonté de celui qui les gouverne. 5 De même, la langue est un petit membre, et elle peut se vanter de grandes choses. Voyez quelle grande forêt un petit feu peut embraser ! 6 La langue aussi est un feu ; c'est le monde de l'iniquité. La langue, placée comme elle l'est parmi nos membres, souille tout le corps et enflamme tout le cours de la vie, étant elle-même enflammée du feu de la géhenne. 7 Toute espèce de bêtes sauvages, d'oiseaux, de reptiles et d'animaux marins peuvent être et ont été domptés par l'espèce humaine ; 8 mais la langue, aucun homme ne peut la dompter ; c'est un mal qu'on ne peut réprimer ; elle est pleine d'un venin mortel. 9 Par elle, nous bénissons le Seigneur, notre Père, et par elle nous maudissons les hommes, faits à l'image de Dieu. 10 De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction ! Il ne faut pas, mes frères, qu'il en soit ainsi. 11 Est-ce qu'une fontaine jette par la même ouverture de l'eau douce et de l'eau amère ? 12 Mes frères, un figuier peut-il porter des olives, ou une vigne, des figues ? Une source d'eau salée ne peut pas non plus donner de l'eau douce. |
1 Mes frères, qu'il n'y en ait pas tant, parmi vous, qui s'érigent en docteurs, sachant que nous serons jugés plus sévèrement. 2 Car nous péchons tous en beaucoup de choses. Si quelqu'un ne pèche pas en parole, c'est un homme parfait, capable de tenir aussi tout le corps en bride. 3 Si nous mettons aux chevaux un mors dans la bouche pour nous en faire obéir, nous gouvernons aussi leur corps tout entier. 4 Voyez encore les vaisseaux : tout grands qu'ils sont, et quoique poussés par des vents impétueux, ils sont conduits par un très petit gouvernail au gré du pilote qui les dirige. 5 Ainsi, la langue est un tout petit membre ; mais de quelles grandes choses elle peut se vanter ! Voyez, une étincelle petit embraser une grande forêt ! 6 La langue aussi est un feu, un monde d'iniquité. N'étant qu'un de nos membres, la langue est capable d'infecter tout le corps ; elle enflamme le cours de notre vie, enflammée qu'elle est elle-même du feu de l'enfer. 7 Toutes les espèces de quadrupèdes, d'oiseaux, de reptiles et d'animaux marins peuvent se dompter, et ont été domptés par l'homme. 8 Mais la langue, aucun homme ne peut la dompter : c'est un fléau qu'on ne peut arrêter ; elle est remplie d'un venin mortel. 9 Par elle, nous bénissons le Seigneur et notre Père, et par elle nous maudissons les hommes qui ont été faits à l'image de Dieu. 10 De la même bouche, sortent la malédiction et la bénédiction ! Il ne faut pas, mes frères, qu'il en soit ainsi. 11 Est-ce que de la même ouverture, la source fait jaillir le doux et l'amer ? 12 Est-ce qu'un figuier, mes frères, peut produire des olives, ou la vigne des figues ? Ainsi une source salée ne peut donner de l'eau douce. |
Gloire à ces travailleurs modestes
Qui gardaient le Livre de Dieu,
Lampe d'or brillant au saint lieu
En dépit des souffles funestes !
Ils déchiffraient les palimpsestes,
Puis, sur le vélin précieux,
Traçaient les paroles célestes
Avec un art religieux.
Et lorsque, au milieu d'une page,
La mort interrompait l'ouvrage,
Il s'achevait par d'autres mains.
Devant ces nobles parchemins,
S'incline, ouvriers anonymes,
Un fils de vos labeurs sublimes !
Gutenberg, Elzévir, Estienne,
Inventeurs du plus noble outil,
Vos mains habiles ont serti
Dans l'or nouveau la perle ancienne.
Grâce à vous l'immortel Écrit,
Sans autre beauté que la sienne,
Redevint, pour l'âme chrétienne,
Le pur joyau du Saint-Esprit !
Son orient incomparable
Charma les yeux du misérable,
Éblouissant même les rois.
Dans leur indigence commune
Ce livre devint la fortune
De tous les peuples à la fois !
À l'humanité fut donnée
La parole, attribut de Dieu :
Par le péché, maître en tout lieu,
Au blasphème elle est condamnée.
La langue humaine est profanée
Et fait entendre, sous les cieux,
Non plus le verbe harmonieux,
Mais des cris de bête enchaînée.
Vous dont les patients travaux
Forcent à des accents nouveaux
Le langage le plus rebelle,
Vous faites du Livre divin
La grammaire où le genre humain
Apprend la langue universelle !
Debout, les vaillants serviteurs !
Pour vous la besogne commence ;
Les scribes et les traducteurs
Vous ont préparé la semence ;
Dans sa misère et sa démence,
La terre attend ses bienfaiteurs ;
Vous êtes peu, l'oeuvre est immense :
En avant, hardis colporteurs !
Le sol où votre pied se lasse
Ne gardera pas votre trace,
Mais Dieu la suit avec amour.
Il rend sa Parole féconde :
Semeurs, ensemencez le monde,
Et vous moissonnerez un jour !
Il n'est pas une pièce d'or
Qui soit nette du sang des hommes :
Au total de toutes les sommes
S'ajoute la honte ou la mort…
Ô toi qui sais comment se nomme
Celui qui venge tous les torts,
Sois, pour tout le reste, économe,
Mais prodigue pour ses trésors,
Afin qu'en tout lieu se répande
De Dieu la magnifique offrande :
Le sang précieux de Jésus,
Qui sauve, rachète et répare
Même les crimes de l'avare
Quand l'or ne le possède plus !
Ruben Saillens