par Philippe Laügt
« Étant dans l’angoisse du
combat, Jésus priait plus instamment ; et sa sueur devint comme des
grumeaux de sang découlant en terre. Et s’étant levé de sa prière, il vint vers
les disciples qu’il trouva endormis
de tristesse » (Luc 22:44-45). Ce
récit se trouve dans les trois évangiles synoptiques : Matt.
26:36-45 ; Marc 14:32-42 et Luc 22:39-46.
Par indolence, on peut être
dans l’incapacité de partager de précieux moments de communion avec le
Seigneur. Plus que tout autre infirmité, le sommeil spirituel
peut nous
empêcher de goûter aux bénédictions que nous possédons en Christ : « N’aime
pas le sommeil, de peur que tu ne deviennes pauvre, ouvre tes yeux et
rassasie-toi de pain » (Prov. 20:13 ; 24:33). Peut-être cherche-t-on à
excuser sa somnolence, en affirmant qu’elle est liée à de tristes
circonstances. Mais si, à ce moment-là, une occasion nous est offerte de contempler
un des aspects de la gloire du Seigneur, et que nous soyons incapables de la
saisir, du fait de notre état misérable, réalisons bien qu’elle ne se
représentera pas.
Pour se rendre avec Lui
dans ce jardin de Gethsémané, le Seigneur a choisi trois de ses disciples,
Pierre, Jacques et Jean. Ils seront témoins de ses souffrances (Marc 14:33). Il
se rend, « selon sa coutume », sur cette montagne des Oliviers. C’est un lieu où
Judas aussi, sait qu’on peut le trouver. C’est la dernière fois
que le
Seigneur s’y trouve et la scène à laquelle les disciples vont assister, aura
donc un caractère unique
. Le Seigneur « commença à être attristé et fort
angoissé » (Matt. 26:37). Il fait part de ses pensées aux disciples qui
l’accompagnent : « Mon âme est saisie de tristesse ». Puis il leur
demande : « Demeurez ici et veillez
avec moi ». Il les avertit des
dangers qui les menacent : « Priez que vous n’entriez pas en tentation
»
(Luc 22:40). Il s’éloigne ensuite d’eux lui-même environ d’un jet de pierre et
« s’étant mis à genoux, il prie : Père, si tu voulais faire passer cette
coupe loin de moi ! » (Luc 2:41-42). Matthieu 26:39 rapporte d’autres
paroles : « Toutefois, non pas comme moi
je veux, mais comme toi
tu veux ». Marc 14:36 précise que, s’adressant au Père, il dira : « Toutes
choses te sont possibles ».
La Parole nous a conservé
aussi le souvenir de ces moments d’agonie morale
, Ses paroles
d’acceptation, expression de son dévouement complet, jusqu’à la mort :
« Mon Père, s’il n’est pas possible
que ceci passe loin de moi, sans que
je le boive, que ta volonté
soit faite » (Matt. 26:42). Pendant ce combat
terrible, sa sueur devient comme
des grumeaux de sang découlant en terre
(Luc 22:44). Prophétiquement, il est écrit : « Sauve-moi, ô Dieu, car les
eaux me sont entrées jusque dans l’âme » (Ps. 69:1). Ce sont des eaux profondes,
où « un abîme appelle un autre abîme », à la voix des cataractes divines (Ps.
42:7). À ce moment-là, le Seigneur anticipe dans son âme sainte, les douleurs
de la Croix, ces heures de ténèbres et d’abandon. Bientôt, ayant accepté la
coupe de la main du Père, il la videra
. Il sera fait péché
pour
nous (2 Cor. 5:21) et portera l’éternité de notre châtiment.
« Asseyez-vous ici, jusqu’à ce
que, m’en étant allé, j’aie prié là », dit-il à tous les disciples (Matt.
26:36). À ceux qui sont admis à l’accompagner plus loin
, à assister de
plus près
à ce combat, il recommande à plusieurs reprises : « Demeurez
ici et veillez
». Ce n’est pas la première fois que cette part leur était
accordée (Luc 8:51 ; 9:28). Ils ont vu l’étendue de Sa puissance
lors de la résurrection de la fille de Jaïrus. Ils ont contemplé Sa gloire
sur la montagne de la transfiguration, où pourtant ils ont été là aussi
accablés de sommeil (Luc 9:32). Ils sont maintenant admis à être témoins de Ses
souffrances morales
à Gethsémané. Il offre « avec de grands cris et avec
larmes, des supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort » (Héb. 5:7).
Le Seigneur ne leur demande pas de prier avec
Lui, encore moins de prier
pour
Lui, comme s’il avait été l’un d’entre eux, mais d’assister à ses
souffrances par anticipation.
Satan, le prince de ce monde,
le dominateur de ces ténèbres, est aux aguets. Jésus connaît d’avance les
dangers qui menacent ses disciples. Pour être en mesure de résister, il faut
impérativement veiller et prier. C’est, comme autrefois au moment de la Pâque,
une nuit à garder (Ex. 12:42). Dans ce moment d’intense souffrance, ils peuvent
avoir « une part avec Lui » (Jean 13:8). Quand une situation critique survient,
prions et plaçons, de jour et de nuit, une garde sur la muraille, comme le
petit Résidu remonté de la captivité (Néh. 4:9). Sinon, si l’on s’installe dans
une faiblesse coupable et dans l’absence de veille, l’on sera peu à peu conduit
au reniement
et à la fuite
.
La nuit est tombée, les bruits ont cessé à l’entour. Le Seigneur s’en va un peu plus avant, se jette la face contre terre et supplie prosterné, dans l’insondable tristesse du « pressoir à huile » (*) de Gethsémané.
(*) sens du mot Gethsémané
Mais quelles sont les pensées
qui agitent le coeur des disciples ? Certainement, ils sont frappés par la
succession rapide des événements durant ces dernières heures. Est-on à la
veille d’une crise
décisive ? Ils peuvent se rappeler certaines
paroles du Seigneur dans la chambre haute. Entre autres, Il a dit : « J’ai fort
désiré
de manger cette Pâque avec vous, avant que je souffre
», et
parlant à leur conscience : « En vérité, je vous dis que l’un d’entre
vous
me livrera
». Inévitablement la question se pose : « Mais où
donc est maintenant Judas
? ». Le Seigneur leur a aussi adressé ce
doux reproche : « Si vous m’aviez aimé
, vous vous seriez réjouis de
ce que je m’en vais au Père ». Tel est souvent l’égoïsme de nos coeurs. Il les a
avertis : « Un peu de temps et vous ne me verrez pas ». Il a ajouté :
« Le chef du monde vient, et il n’a rien
en moi » (Jean 14:30). Et
encore : « Simon, Simon, Satan a demandé à vous avoir pour vous cribler
comme on crible le blé » (Luc 22:31). « Vous serez tous
scandalisés en moi
cette nuit » (Matt. 26:31). Dans son amour, Il s’occupe des siens et les prépare
à la grande épreuve qu’ils vont traverser (Jean 13:1).
Mais les disciples ne sont
pas
sur leurs gardes, malgré les recommandations du Seigneur. Ce sont des
pécheurs expérimentés, pourtant habitués à travailler la nuit en mer. Ils vont
s’endormir à quelques heures de la Crucifixion. La tristesse remplit leur
coeur. Le Seigneur leur annonce qu’il va les quitter (Jean 16:6, 22). et leur
coeur est agité
de sombres pressentiments. Ils mesurent un peu leur
faiblesse. Ils ne peuvent envisager un avenir sans Lui
sans effroi.
D’autant qu’Il les a avertis qu’ils vont connaître la persécution (Jean 15:20).
Toutes ces pensées sont un trop lourd fardeau
pour eux. Il faut apprendre
à se rejeter sur Celui qui dit à Israël : « Je connais ses douleurs. Et je
suis descendu pour le délivrer » (Ex. 3:7-8). Ils ont le désir
de veiller
,
mais ils sont sans force. Comme eux, nous faisons souvent l’amère expérience
que « l’esprit est prompt, mais la chair est faible
» (Matt. 26:41). Par
trois fois, le Seigneur retourne vers ses disciples et chaque fois il les
trouve dormant « car leurs yeux étaient appesantis » (Matt. 26:40-43.)
Durant tout son ministère, il
les a richement nourris du pain du ciel. Mais où donc est maintenant le fruit
qui peut Le réjouir ? (Jean 14:9). Le Seigneur a été incompris dans toutes
les épreuves du chemin, il l’est plus encore face à sa mort expiatoire (Luc
12:50). « J’ai attendu
que quelqu’un eût compassion de moi, mais il n’y a
eu personne, et des consolateurs, mais je n’en ai pas trouvé » (Ps. 69:20).
Combien Sa grâce brille dans ses paroles : « Vous êtes de ceux qui avez persévéré
avec moi dans mes tentations » (Luc 22:28).
Le Seigneur est la seule
vraie ressource
de ses faibles brebis. Pourtant c’est dans le sommeil spirituel
qu’elles semblent parfois chercher un refuge ! Job en était même venu à
souhaiter que le Seigneur cesse de s’occuper de lui et le laisse tranquille
(Job 7:19). Les croyants voudraient quelquefois oublier
un moment leur
anxiété, leurs craintes. Mais croiser un peu les mains pour dormir, c’est
toujours se mettre en péril (Prov. 6:10). Les disciples, pendant cette heure de
relâchement
, ont perdu
des bénédictions précieuses ! Il en
sera de même chaque fois que nous nous laissons gagner par le sommeil
.
Ils ne sont pas témoins
de ce combat
, où l’âme du Seigneur est
saisie de tristesse jusqu’à la mort
. Ils n’ont pas
contemplé
,
même de loin, la grandeur de Celui qui, dans l’angoisse de combat, priait
plus instamment
. Non, pas un seul ne veillait, ils se sont tous endormis.
« Que celui qui se ceint ne se vante pas comme celui qui délie sa ceinture » (1
Rois 20:11). Il faut être vigilant aux avant-postes, pour tenir ferme ensuite
au moment du combat.
Jacques et Jean, à la
question du Seigneur : « Pouvez-vous boire la coupe que moi je bois, et
être baptisé du baptême dont moi je serai baptisé ? » ont répondu sans
hésitation : « Nous le pouvons
» (Marc 10:38-39). Mais maintenant
,
mis à l’épreuve, ils se sont assoupis avec les autres. Qu’en est-il de Pierre,
lui qui a si fermement déclaré : « Seigneur, avec toi, je suis prêt
à aller et en prison et à la mort » (Luc 22:33). Il dort aussi. C’est à lui
d’ailleurs que Jésus s’adresse, quand il retourne vers la petite troupe :
« Simon, tu
dors
? Ainsi vous n’avez pas pu veiller une heure
avec moi
? »
(Matt. 26:40 ; Marc 14:37). Quant aux autres, entendant Pierre affirmer
fortement : « Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai
point », ils avaient tous
dit la même chose ( ! ; Marc 14:31),
et les voilà maintenant assis
, oisifs, à l’entrée du jardin. L’un des
douze, Judas, va le trahir. Il s’approche, suivi d’une grande foule pour
s’emparer de Jésus. Bientôt, les autres disciples s’enfuiront tous
(Marc
14:50). D’une telle défaillance collective, nous pouvons faire l’expérience
humiliante. Même
« le disciple que Jésus aimait », celui qui réalise un
peu mieux peut être
son amour, est parmi les dormeurs. Il était pourtant,
il y a si peu de temps
encore penché sur le coeur du Seigneur !
Nous sommes si inconstants dans nos affections pour Lui (Apoc. 3:16).
Gagnés par la lassitude, la
longueur du chemin (Ex. 18:8), suivant le Seigneur à distance
, le sommeil
spirituel est toujours près de nous envahir ! De faux enseignements
menacent aussi ceux dont la vigilance se relâche. Tous ces combats
qu’il
faut soutenir constamment pour rester fidèle au Seigneur, peuvent provoquer de
la fatigue
, voire du découragement
. C’est alors que l’Ennemi se
sert habilement de cette tendance naturelle à l’assoupissement
, à la tiédeur
,
et fait miroiter devant nos yeux les charmes d’un repos pourtant éphémère,
agrémenté par des distractions mondaines. Il invite à croiser un peu
les
mains pour dormir, ce qui mène rapidement à un sommeil très profond. On en
vient à ressembler à Jonas au fond d’un navire. Au lieu d’être en route pour
Ninive, il suit un chemin de désobéissance. Tout semble aller pour le mieux,
mais c’est un chemin qui conduit à la destruction. Dieu envoie une grande
tempête sur la mer. Les marins sont saisis de peur tandis que Jonas, le
responsable, dort profondément
. Le maître des rameurs vient lui
dire : Que fais-tu dormeur
? Lève-toi, crie à ton Dieu
(Jonas 1:4-6).
Chaque racheté du Seigneur
doit entendre personnellement cet appel solennel : « Ainsi donc, ne dormons
pas comme les autres
, mais veillons et soyons sobres » (1 Thess. 5:6).
« Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts
, et le
Christ luira sur toi » (Éph. 5:14). Connaissant que c’est déjà l’heure de nous réveiller
du sommeil, retenons la promesse : « Ceux qui s’attendent à l’Éternel, renouvelleront
leurs forces, ils courront et ne se fatigueront
, ils marcheront et ne
se lasseront pas
! » (És. 40:31).
Nous, les vivants qui restons sur la terre,
Trésor caché qu’à désiré son coeur,
Pendant la nuit, veillant avec prière,
Nous t’attendons du ciel comme Sauveur.