LE TRIBUNAL DE CHRIST — 2 Corinthiens 5:10

par J.N. Darby


ME 1970 p. 133


[Il avait été posé la question : La « manifestation » dont il s’agit dans ce passage doit-elle avoir lieu devant les frères, ou seulement devant le Seigneur ?]


Je ne trouve rien dans l’Écriture qui parle d’une manifestation aux frères. La question se lie d’elle-même très étroitement à l’état de la conscience. Elle presse sur la conscience quand il y a quelque chose dont celle-ci n’est pas entièrement purifiée devant Dieu. Il peut y avoir la conviction que Dieu n’imputera rien, sans que la conscience soit de ce fait pure ou purifiée. Quand elle est purifiée devant Dieu, ou pratiquement pure dans la marche (bien que, comme le dit l’apôtre, cela ne justifie pas, 1 Cor. 4:4) , l’âme n’est pas anxieuse à la pensée d’être manifestée devant le tribunal, parce qu’elle est manifestée à Dieu dès maintenant. Ceci est d’une grande importance pratique.

Les passages sur ce sujet sont les suivants. On verra qu’ils forment deux classes.

I. —

Romains 14:12. « Ainsi donc, chacun de nous rendra compte pour lui-même à Dieu », — en liaison avec le v. 10 : « Car nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu ».

2 Corinthiens 5:10. « Car il faut que nous soyons tous manifestés devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps ».

1 Corinthiens 4:4, 5. « Car je n’ai rien sur ma conscience ; mais par là je ne suis pas justifié ; mais celui qui me juge, c’est le Seigneur. Ainsi, ne jugez rien avant le temps, jusqu’à ce que le Seigneur vienne, qui aussi mettra en lumière les choses cachées des ténèbres, et qui manifestera les conseils des coeurs ; et alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu. »

Romains 2:16. « … au jour où Dieu jugera par Jésus Christ les secrets des hommes, selon mon évangile. »

II. —

Matthieu 10:26. « Ne les craignez donc pas ; car il n’y a rien de couvert qui ne sera révélé, ni rien de secret qui ne sera connu. »

Marc 4:21, 22. « La lampe vient-elle pour être mise sous le boisseau ou sous le lit ? N’est-ce pas pour être mise sur le pied de lampe ? Car il n’y a rien de secret qui ne soit manifesté, et rien de caché n’arrive si ce n’est afin de venir en évidence. »

Luc 8:16, 17. « Or personne, après avoir allumé une lampe, ne la couvre d’un vase, ni ne la met sous un lit ; mais il la place sur un pied de lampe, afin que ceux qui entrent voient la lumière. Car il n’y a rien de secret qui ne deviendra manifeste, ni rien de caché qui ne se connaîtra et ne vienne en évidence. Prenez donc garde comment vous entendez, etc. »

Luc 12:1, 2. « Tenez-vous en garde contre le levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie. Mais il n’y a rien de couvert qui ne sera révélé, ni rien de secret qui ne sera connu. »


Trois grands principes sont ici présentés :

- en premier lieu la grande vérité générale que l’homme ne peut rien tenir secret, quoi qu’il puisse sembler, et ne peut rien cacher. Tout doit être mis en lumière. Il faut que Dieu ait la haute main, et que la lumière prévale.

- en second lieu, que nous aurons à rendre compte pour nous-mêmes à Dieu ;

- et en troisième lieu, que nous n’avons pas à craindre les machinations secrètes des hommes, mais à craindre Dieu et à rendre témoignage selon la lumière qui nous est donnée.

Quand je dis que l’homme ne peut rien cacher, c’est à peine assez absolu : il n’y a rien de secret qui ne doive être manifesté. C’est là un principe très important. Il maintient l’autorité de Dieu comme lumière. Car si quelque chose pouvait lui être soustrait, cela échapperait à sa puissance et à son jugement, et le mal subsisterait, en toute indépendance de Lui. Cela maintient aussi l’intégrité de la conscience.

Le second point maintient notre responsabilité personnelle devant Dieu en toute chose. Chacun rendra compte pour lui-même. Nous pouvons recevoir de l’aide par tout vase de grâce et de lumière dans l’assemblée, mais les hommes ne peuvent s’immiscer dans notre responsabilité individuelle vis-à-vis de Dieu. Chacun rendra compte pour lui-même.

Le troisième point maintient la confiance en Dieu, en présence de ce qui, autrement, pourrait sembler une profondeur de mal telle qu’on ne puisse rien contre ce mal, et que la fidélité du chrétien serait sans force vis-à-vis de lui.

Tout cela est propre à tenir la conscience dans la lumière devant Dieu. L’anxiété au sujet d’une manifestation devant Dieu est la preuve que la honte devant les hommes a toujours de l’emprise sur le coeur et la volonté : l’amour-propre et le caractère gouvernent l’esprit. Nous ne sommes pas dans la lumière devant Dieu, et le péché n’a pas à nos yeux son vrai caractère, parce que le moi a encore son pouvoir et sa place.

Tout doit être amené dans la lumière, toute pensée de dissimulation extirpée et détruite dans le coeur ; mais Dieu ne saurait encourager l’influence des hommes ni le souci d’une réputation, comme ce serait le cas si l’Écriture parlait d’une manifestation devant eux, car c’est là justement ce qui fausse le jugement moral ; aussi ne le fait-elle pas. Si le coeur essaie de se réconforter par la pensée que tout ne sera pas connu, Dieu perce à jour, impitoyablement, cette tromperie du coeur, et dit que tout sera connu ; toute chose cachée viendra en évidence. Il n’abdique rien de son autorité propre, et ne détruit pas la pureté du principe moral, comme il en serait s’il disait que cela sera donné à connaître devant vos frères en ce jour-là.

Tout viendra en lumière, Dieu en soit béni ; c’est là un sujet de bénédiction comme de joie pour toute âme droite.

Ce n’est pas nécessairement dans le seul jour du jugement que cela aura lieu ; le Seigneur peut agir ainsi dès maintenant. « Tu l’as fait en secret, dit Dieu à David par Nathan, et moi je ferai cette chose-là devant tout Israël et devant le soleil. » Ainsi la mise en évidence et le jugement peuvent avoir lieu ici-bas, de par Dieu. Des hommes sont châtiés par le Seigneur afin qu’ils ne soient pas condamnés avec le monde (1 Cor. 11) .


Il reste que le passage de 2 Corinthiens 5:10 demande une attention particulière : « Car il faut que nous soyons tous manifestés devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal ».

Je dirai d’abord, pour écarter ce qui pourrait obscurcir ce passage, que je suis persuadé qu’il est général et embrasse tous les hommes. Je ne puis concevoir que le contexte laisse une ombre de doute sur ce point à qui que ce soit. Il n’est pas question ici du moment mais du fait de la comparution.

En second lieu, il est très important de remarquer qu’en ce qui regarde les saints leur justice n’est nullement mise en question. La manière dont ils arriveront devant le tribunal et la condition dans laquelle ils seront alors, le montrent clairement, aussi bien que la déclaration du Seigneur en Jean 5:24, qu’ils ne viendront pas en jugement. Comment donc arriveront-ils là-haut ? « Je vais vous préparer une place. Et si je m’en vais et que je vous prépare une place, je reviendrai et je vous prendrai auprès de moi, afin que là où moi je suis, vous, vous soyez aussi. » Christ viendra lui-même pour compléter son oeuvre de parfaite grâce en nous amenant là. Dans quel état serons-nous ? « Nous attendons des cieux le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses » (Phil. 3:20, 21). Nous serons déjà semblables à Christ, conformes à l’image du Fils de Dieu, nous porterons l’image du céleste. Celui qui siégera pour juger selon sa justice, selon ce qu’Il est, est notre justice.

Le jugement des saints commence alors que leur justice et leur gloire seront complètes, quand nous serons tels que Christ, — Christ en justice et en gloire — , par grâce.

Mais quel immense gain pour nous-mêmes sera notre manifestation ! Nous connaîtrons comme nous avons été connus. Dès maintenant, quand, en possession d’une parfaite paix devant Dieu dans une conscience purifiée, le chrétien regarde en arrière toute sa vie passée, sa nouvelle histoire lui offre une foule d’enseignements bénis : que de leçons de patience et de grâce, quel saint gouvernement en vue de son bien, pour qu’il participe de la sainteté de Dieu, quelle protection contre les dangers inaperçus, que d’instructions, que d’amour ! Combien plus quand, libéré de la nature même qui produisait le mal en lui, il connaîtra comme il a été connu, et pourra désormais discerner en perfection ce qu’ont été les voies de Dieu à son égard. Son intelligence de ce que Dieu a été pour lui en sera immensément accrue et rehaussée, de même que celle de sa grâce patiente et parfaite dans son dessein d’amour. C’est assurément quelque chose de solennel, mais d’un prix et d’une valeur immense pour nous, et qui opère dans la conscience, comme nous l’apprend Romains 14:12. Voilà le fait. Mais remarquez le véritable effet sur un esprit droit tel que le décrit ici l’apôtre.

En premier lieu, aucune pensée quelconque de mise en jugement. Le tribunal éveille seulement cet amour qui pense à ceux qui sont encore exposés à un tel jugement : « connaissant combien le Seigneur doit être craint, nous persuadons les hommes ».

En second lieu, la pensée de cette manifestation devant le tribunal place celui qui la réalise dans la présence de Dieu comme responsable. Maintenant « nous avons été manifestés à Dieu » : quelle chose bienfaisante et bénie pour l’âme ! Le reste est un simple effet espéré aussitôt : « j’espère aussi que nous avons été manifestés dans vos consciences ». Les considérations que Paul venait de présenter produisaient chez lui une conduite propre à avoir cet effet-là sur les autres ; mais pour quelqu’un qui était devant Dieu cela n’avait qu’une importance relative, cela n’affectait pas l’âme, sauf dans le désir du bien des autres et de la gloire de Christ. Ce double effet sera certainement produit dans toute manifestation semblable devant les autres, et nous ne désirons certainement rien de plus.

Il n’y aura plus lors du tribunal la honte d’une nature que nous aurons laissée ; mais il y aura le juste jugement du mal. L’anxiété sur ce point est la preuve que l’âme n’est pas entièrement dans la présence de Dieu. Devant le tribunal l’anxiété aura disparu parce que nous serons entièrement en cette présence. L’Écriture ne présente jamais la pensée de frères qui seraient concernés par cette manifestation, et elle ne saurait le faire ; mais elle maintient de la manière la plus complète la manifestation dans la lumière, de sorte que si le coeur retient quelque chose, s’il n’a pas été pleinement amené devant Dieu, il soit mal à l’aise. Nous serons certainement manifestés d’une manière parfaite à Dieu, j’entends que nous en aurons conscience (car de fait nous le sommes toujours), et à nous-mêmes. Si pour sa gloire quelque chose doit être connu des saints aussi, nous n’en éprouverons pas de regret ; mais notre propre et pleine manifestation est certainement à Dieu, et dans nos propres âmes. Tout ce qui est nécessaire pour démontrer le gouvernement de Dieu sera, je n’en doute pas, rendu manifeste. Tout ce qu’on a cherché coupablement à cacher, de sorte que le coeur était faux, son dessein mauvais, sera amené dans la lumière ; mais là où l’on aura marché dans la lumière, les conseils du coeur seront mis en évidence, quel que soit le jugement que l’homme ait pu porter sur eux ; car en ce jour-là Dieu jugera « les secrets des hommes ». Sa grâce et son gouvernement peuvent avoir opéré tout cela dans ce monde-ci, et les péchés de quelques-uns comme leurs bonnes oeuvres être « allés devant pour le jugement », mais les oeuvres qui sont autrement ne peuvent être cachées.

Ma réponse est donc que la manifestation aux frères ou devant les frères n’est pas et ne peut jamais être le sujet de la révélation de l’Écriture : ce sujet est que toute chose sera amenée à la lumière. Dieu est lumière, et la lumière manifeste toutes choses. Il amènera toute oeuvre secrète en jugement. D’autre part, quant à la responsabilité nos pensées sont dirigées vers Dieu et vers le tribunal de Christ. Mais tout ce qui est nécessaire pour déployer les voies et le gouvernement de Dieu, et son approbation des saints, sera sûrement montré, comme le prouvent clairement les passages cités. Le saint aime la lumière, comme il aime et bénit Dieu pour la grâce qui le rend capable de s’y tenir et le rend participant au lot des saints dans cette lumière. Voilà, je crois, si imparfaite qu’elle soit sans doute, la vraie réponse scripturaire à la question posée. Là où la pensée de la honte est introduite, elle se rapporte entièrement à la présence de Christ, et regarde le service et le travail accomplis pour Lui (1 Jean 2:28). (*)

(*) Nous recommandons vivement à nos lecteurs, sur cet important sujet

— Le tribunal de Christ (2 Cor. 5:10, 11), Mess. Évang. 1913, p. 158.

— Le tribunal de Dieu et de Christ ; id., 1873, p. 338.

Le tribunal de Christ, id., 1945, p. 123.

Entretiens sur la seconde Épître aux Corinthiens, par H. R., p. 55-63.