Jean Kœchlin
ME 1974 p. 20
Tables des matières :
1 - Effets de la chute de l’homme : contre l’homme et contre Dieu
3 - Rôle initial donné à l’homme par le Dieu créateur : gérer la terre pour la gloire de Dieu
4 - Satan faisant tomber l’homme comme administrateur de Dieu en vue de contrôler le monde
5 - La tentation offerte par Satan à l’homme : être égal à Dieu
6 - La chute ou désobéissance à Dieu a été un outrage personnel contre Dieu
6.1 - Outrage contre le Dieu créateur
6.2 - Outrage contre Dieu dans Ses autres caractères
7 - Restauration de la gloire de Dieu
7.1 - Abaissement, obéissance, soumission de Jésus
7.2 - Épreuve jusqu’à la mort, une mort qui Lui coûtait tout
7.3 - Le péché ôté, la mort vaincue : les caractères de Dieu magnifiés en surabondance
7.4 - La gloire de Dieu pleinement restituée
7.5 - Restauration finale visible : les croyants associés à la gloire du Seigneur
« CE QUE JE N’AVAIS PAS RAVI, JE L’AI ALORS RENDU » Ps. 69:4
« Le Christ Jésus… étant en forme de Dieu, n’a pas regardé comme un objet à ravir d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti lui-même… » Phil. 2:6
Quand nous évoquons la chute de l’homme, nous pensons plus volontiers à notre côté qu’à celui de Dieu. Nous y voyons plutôt la misère dans laquelle la chute d’Adam a plongé la race humaine : notre déchéance morale et physique — avec la mort, salaire du péché — que l’offense faite au Dieu saint par ce péché. Nous ressemblons à l’enfant puni qui se lamente sur la juste correction qu’il subit plutôt que sur le chagrin qu’il a causé à ses parents.
Mais si nous
,
nous pleurons surtout sur les conséquences immédiates de notre culpabilité, ce
n’est pas cette pensée-là qui était d’abord dans le Christ
Jésus.
Sans doute est-il venu à nous,
ému par notre malheur ; son amour en mesurait l’étendue. Bien plus que nous ne
sommes capables de le faire, il sondait à fond notre état misérable, cet abîme
de mal où nous étions plongés. Au tombeau de Lazare, il pleurait ; une
peine profonde, mêlée d’indignation, étreignait son âme sainte à la vue du
pouvoir de la mort sur l’esprit de l’homme. Lui connaissait la pleine
signification de cette expression de l’Écriture : la colère
de
Dieu
. Il en a subi l’entière rigueur
lorsqu’il s’est substitué à nous pour en recevoir tous les coups. Béni soit à
jamais son nom ! Mais Christ avait pour venir ici-bas un motif plus grand. Les
affaires de son Père passaient avant les intérêts de l’homme, si pressants que
soient ceux-ci. L’affaire urgente, qui à elle seule justifiait sa venue dans ce
monde — même si aucun pécheur n’avait accepté le salut — était la
pleine
restauration
de
la
gloire
de
Dieu.
Tout avait été excellent dans la Création. Un ordre parfait s’y
déployait, donné en spectacle aux anges pour leur rendre témoignage de la
gloire du Créateur. Ce qui sera dit plus tard de l’Assemblée dans l’univers moral
est vrai déjà de
l’univers matériel : « la sagesse si diverse » ainsi que la puissance du
Dieu « qui a créé toutes choses » n’ont-elles pas été données « à connaître aux
principautés et aux autorités dans les lieux célestes » déjà par
la
Création
?
(comp. Éph. 3:9, 10 ; Ps.
104:24). Après chacun des six jours, Dieu a lui-même vu, constaté, répété « que
cela était bon que cela était très bon ». Et le chœur des créatures célestes le
confirmait : Dans ce matin triomphant « tous les fils de Dieu éclataient de
joie » (Job 38:7). Quel était le couronnement de cette œuvre magnifique, sinon l’homme,
créature
supérieure, douée d’intelligence et de remarquables capacités, consciente de
ses liens avec Dieu ? Liens de dépendance, certes, mais dans le cadre
desquels l’homme est doté de liberté de jugement et d’action : c’est lui
qui choisit les noms des animaux. Adam est établi à la tête de tout comme l’intermédiaire
responsable entre le Créateur et le monde créé ; il est une sorte
d’administrateur chargé de gérer la terre pour le compte de Dieu et de la faire
collaborer à Sa gloire.
Or qu’est-il requis de la part d’un administrateur ? C’est qu’il soit trouvé fidèle (1 Cor. 4:2). Telle est sa raison d’être, sous peine d’entendre la parole du maître frustré à l’économe injuste : « Tu ne pourras plus administrer » (Luc 16:2). C’est ce qui est arrivé : Satan est intervenu et, s’efforçant toujours d’atteindre la tête, c’est sur l’homme qu’il a concentré ses coups. Calcul évidemment habile puisque s’il séduisait le chef de la terre, il tiendrait en même temps celle-ci. Plus tard il raisonnera de même en offrant au Seigneur tous les royaumes du monde et leur gloire. Si celui à qui il les offrait lui avait rendu hommage, Satan en aurait de fait conservé la direction. Mais comment séduire quelqu’un qui possède tout ; comment rendre insatisfait quelqu’un qui ne manque de rien ?
Chose effrayante, l’objet
à
ravir
que le diable va suggérer à la
convoitise du premier homme ne sera rien de moins que l’égalité avec Dieu. Le
lien de dépendance jusque-là parfaitement heureux avec l’Éternel sera
représenté à l’homme comme joug insupportable. L’enjeu sera la suppression de
ce lien pour jouir d’une autorité propre, sans contrôle, comme celle de Dieu
lui-même. Tel l’esclave qui se révolte de dessous son maître, c’est déjà le
« Rompons leurs liens et jetons loin de nous leurs cordes » du Psaume 2. En
convoitant et en dérobant le fruit défendu, c’est une partie de la gloire de
Dieu que l’homme convoite et dérobe. Par un geste pour nous d’apparence
insignifiante, le Créateur se voit alors dépouillé de tout le travail des six
jours ; tout se passe comme si son merveilleux univers lui était ravi par
son gérant malhonnête, lequel en réalité est manœuvré par le grand Adversaire.
N’est-ce pas un avantage magistral marqué par celui-ci ? La pièce
maîtresse de la splendide création divine a été soustraite à son propriétaire,
et du même coup cette dernière.
Encore n’est-ce pas la chose la plus grave pour Celui à qui une
parole suffirait aussi bien pour anéantir cette première création désormais
inutile, y compris l’homme infidèle, que pour en appeler une autre à l’existence.
Ce qui est pire, ce qui ne peut être effacé, et qui doit être réparé, c’est l’outrage
subi
par
Dieu,
outrage public puisqu’il a eu
lieu devant les mêmes créatures célestes qui avaient chanté de joie lors de la
Création. Ces chérubins, jadis émerveillés à la vue de l’homme, reçoivent
mission de lui interdire l’accès du jardin ! Un père est confus lorsqu’un de
ses enfants lui désobéit devant autrui ; cela laisse supposer de sa part
de la faiblesse et des lacunes dans l’éducation donnée ; la trahison de
quelqu’un en qui nous avons placé notre confiance nous déconsidère : nous
sommes estimés avoir manqué de discernement dans le choix que nous avons fait.
Pensons aux sentiments que peut éprouver un artiste dont l’admirable travail se
trouve soudain dévalorisé par une maladresse irréparable. Mais que dire alors,
devant la dégradation de ce que Dieu avait trouvé « très bon » ? Le Créateur
pouvait-il accepter d’en rester là ?
En vérité la chute de l’homme était lourde de conséquences. Elle
engageait Dieu personnellement ; elle attentait à son honneur ; elle
le désavouait devant témoins dans certains de ses attributs essentiels. Dieu,
le souverain
rencontrait
parmi la multitude des créatures soumises à sa volonté un être rebelle, osant
lui désobéir à main levée, et c’était la seule créature dont il nous est dit
qu’elle avait été faite à Son image, à Sa ressemblance ! Le Dieu « qui seul
est
sage
» était apparemment mis en défaut
par une défaillance dans l’ordre de sa création. Le Dieu saint
voyait la souillure du péché
contaminer son domaine, l’univers présentait désormais à Ses regards une tache
indélébile ; le Dieu
puissant
semblait
mis en échec par sa faible créature. Le Dieu
de
vérité
était fait menteur par le « Quoi,
Dieu a dit ? » insinué par Satan et accepté par l’homme : insulte qui
Lui était jetée à la face. Et surtout le Dieu
de
bonté
qui avait comblé l’homme de sa
faveur récoltait en retour la méfiance et l’ingratitude. Sous tous ces aspects
la gloire de Dieu était publiquement foulée aux pieds. Ce
qui
lui
a
été
ravi
en un instant par le premier homme
est incalculable. Et, l’eût-il voulu, ce dernier était dorénavant bien
incapable de restituer ce qu’il avait pris ; son être moral est désormais
perverti : s’il connaît le bien et le mal c’est parce qu’il est tombé dans
le mal, l’indépendance acquise est devenue un besoin, la désobéissance une
habitude, la méfiance un instinct. Dieu est considéré comme un inexorable
créancier devant lequel le débiteur insolvable ne voit d’autre issue que de se
cacher. On s’est fatalement compromis vis-à-vis de Dieu et il se doit à
Lui-même d’intervenir.
Alors s’est présenté Celui pour qui la gloire de Dieu est tout.
Suivant le chemin inverse de l’homme, s’abaissant toujours davantage, Jésus
s’est offert pour
rendre
à
Dieu
ce qui
lui revient, pour se substituer, lui l’homme obéissant, à la créature
désobéissante, pour laver l’offense et payer notre dette. Il a rendu à Dieu
seul la gloire à chaque pas de son chemin. « Moi je t’ai glorifié sur la terre »,
est le résumé de sa vie (Jean 17:4). Et il a glorifié Dieu de la seule manière
possible pour un homme, non par de hauts faits ou par le fruit de son
intelligence, mais par l’obéissance.
Quel changement lorsque Jésus paraît ici-bas ! La pleine et
entière souveraineté de Dieu est enfin reconnue dans une sphère où elle n’avait
cessé
depuis
la chute de l’homme d’être
contestée. Les réponses données à Satan au désert mettent toutes trois l’accent
sur cette entière soumission qui convient à l’homme vis-à-vis de Dieu : vivre
de sa Parole, ne pas le tenter en mettant celle-ci en doute, enfin Lui rendre
hommage et le servir Lui seul. Tout ceci est en contraste complet avec le
comportement d’Adam et d’Ève dans le jardin.
Cependant la pleine obéissance ne pouvait briller que dans une
épreuve totale. Pour mettre en évidence celle d’Abraham, l’appel à quitter son
pays et sa parenté n’était pas suffisant ; il a fallu l’ordre divin
d’offrir en holocauste son fils, son unique, celui qu’il aimait. Pour mettre en
évidence celle de Jésus, il n’a pas fallu moins que la croix. « Il est devenu
obéissant jusqu’à la mort, et
à
la
mort
de
la
croix
»
(Phil. 2:8). Sa mort, qui faisait partie du commandement reçu de son Père,
couronne son chemin d’obéissance parce qu’elle lui coûte tout :
Il
doit
être
abandonné;
il
doit
être
fait
péché;
il
faut
qu’il
pénètre
dans
la
mort.
Mais il va jusque-là, et dorénavant rien ne manque plus à la
gloire de Dieu. Ce qui y portait atteinte est annulé : le péché
est ôté, la mort
vaincue. Cette gloire divine est
entièrement restaurée, plus que restaurée, merveilleusement augmentée. La puissance
de Dieu se
manifeste non plus en création seulement mais en résurrection. Sa justice
brille non
seulement dans la condamnation du mal, dans la sentence de mort rendue en Éden
et subie par Jésus à notre place, mais dans la récompense du bien, dans
l’exaltation de l’homme parfait à la droite de la Majesté. La sagesse
de Dieu se déploie non
seulement dans des œuvres nombreuses, « toutes faites avec sagesse », mais
combien plus grande dans le plan admirable de ses conseils d’éternité lequel
peut apparaître maintenant pleinement dévoilé aux regards de ses créatures. « Ô
profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! … »
(Rom. 11:33). Et surtout l’amour
de Dieu, dont un aspect seulement : la bonté, était jusqu’alors connu,
éclate comme jamais dans la rédemption de criminels : ceux-là mêmes qui
viennent de crucifier son Fils. L’amour souverain, absolu et inconditionnel de
Dieu ne pouvait être exalté que si les êtres qui en étaient les objets en
étaient démontrés parfaitement indignes, entièrement haïssables. Il peut
désormais s’exprimer librement dans son étendue infinie.
C’est en vérité que nous chantons : « Sa sainteté, son amour, sa justice, Ta croix, Jésus, a tout magnifié ». Le premier homme avait ravi à Dieu sa gloire, le second la Lui a restituée, et combien plus éclatante. Sur cette terre, champ de bataille final contre les forces du mal, la victoire décisive a été remportée par Lui. Et le chœur des anges peut à nouveau se faire entendre sur une note combien plus élevée pour célébrer la pleine gloire de Dieu ainsi que Celui par le moyen de qui elle pourra briller sans nuage pendant toute l’éternité.
Quant à nous, nous chanterons d’une manière parfaite, dans la
contemplation de cette gloire divine aux multiples aspects. Nous en serons les
bienheureux spectateurs et adorateurs comme le Seigneur l’a promis « afin dit-il
qu’ils voient
ma
gloire que tu m’as donnée » (Jean 17:24). Mais il est une gloire que nous
partagerons, selon cette autre parole : « la gloire que tu m’as donnée, moi
je la leur ai donnée » (id. v. 22). Car nous serons aussi associés à l’Homme
glorifié, son complément nécessaire, objets d’admiration pour ce qui concerne « la
louange de la gloire de sa grâce », appelés à ce titre à partager à jamais et
son trône et ses affections.