Monard Jacques-André
ME 1993 p. 25-27
Absalom vient de prendre le pouvoir. David fuit devant son fils pour sauver sa vie. Il quitte Jérusalem en pleurant. Nu-pieds, la tête couverte, il passe le torrent du Cédron et gravit la montée des Oliviers (15:23, 30). Les fidèles du peuple qui le suivent pleurent avec lui.
Son cœur est brisé, mais sa confiance en Dieu demeure ; il n’attend de secours que de lui. Cependant il ne sait pas ce qu’il plaira à Dieu de faire. « Reporte l’arche de Dieu dans la ville », dit-il à Tsadok, « si je trouve grâce aux yeux de l’Éternel, alors il me ramènera, et me la fera voir, elle et sa demeure ». « Me voici, qu’il fasse de moi ce qui sera bon à ses yeux » (15:25, 26).
Les mauvaises nouvelles se succèdent : nouvelles véridiques — Akhitophel, ami et conseiller de David, parmi les conjurés — ou fausses nouvelles — Mephibosheth, le fils de Jonathan, trahissant celui qui a usé envers lui d’une bonté de Dieu !
C’est le moment que choisit Satan pour accabler David. Il se sert pour cela de Shimhi, un homme de la famille de Saül. Marchant sur le flanc de la montagne, vis-à-vis de David, Shimhi jette de la poussière en l’air, lance des pierres contre David et ses serviteurs, et le « maudit d’une malédiction violente » (1 Rois 2:8). « Sors, sors, homme de sang, et homme de Bélial » (2 Sam. 16:7). Il lui dit en substance : Tu récoltes ce que tu as semé, Dieu fait retomber sur ta tête le sang que tu as versé.
Abishaï fils de Tseruïa, le guerrier intrépide et expéditif, propose à David de passer vers Shimhi pour lui trancher la tête : « Pourquoi ce chien mort maudit-il le roi… ? » (v. 9). Mais David l’arrête fermement : « Laissez-le, et qu’il maudisse ! car l’Éternel le lui a dit » (v. 11).
Les paroles de Shimhi provenaient sans aucun doute d’un cœur malveillant animé par Satan. Elles manifestaient la lâcheté et la vilenie de quelqu’un qui profitait de la faiblesse de David pour l’écraser. On comprend un peu le désir d’Abishaï d’interrompre ce flot de malédictions et de rendre à Shimhi ce qu’il méritait. Mais, ainsi que David l’exprime en une autre occasion en parlant d’Abishaï et de ses frères, « ces hommes-là, les fils de Tseruïa, sont trop durs pour moi » (2 Sam. 3:39).
David, lui, n’était pas un homme dur. À la suite de ses graves manquements dans l’affaire d’Urie le Héthien, et de l’intervention du prophète Nathan (2 Sam. 12), il avait courbé la tête devant Dieu. Il avait écrit le Psaume 51 : « Use de grâce envers moi, ô Dieu !… Selon la grandeur de tes compassions, efface mes transgressions » (v. 1), « Mon péché est continuellement devant moi » (v. 3), « Contre toi, contre toi seul, j’ai péché » (v. 4), « Purifie-moi du péché… et je serai pur ; lave-moi, et je serai plus blanc que la neige » (v. 7), « Rends-moi la joie de ton salut » (v.12). Et, s’abandonnant à la grâce de Dieu, il s’était écrié : « Ô Dieu ! tu ne mépriseras pas un cœur brisé et humilié » (v. 17). Le prophète Nathan lui avait dit : « l’Éternel a fait passer ton péché » (2 Sam. 12:13), de sorte que David savait que son péché était pardonné (Ps. 32:1, 2). Mais le prophète lui avait aussi annoncé que, selon le juste gouvernement de Dieu, il moissonnerait ce qu’il avait semé (2 Sam. 12:10-12). La conspiration d’Absalom est l’un de ces fruits amers — ce n’est d’ailleurs pas le premier — qu’un David pardonné et restauré doit recueillir. Il en a bien conscience, et il le reçoit de la part de Dieu. Pas l’ombre d’une révolte dans ce cœur labouré par l’épreuve !
Mais les paroles de Shimhi, prononcées au moment le plus douloureux de la vie de David, n’étaient-elles pas mensongères ? Accuser David d’être un homme de Bélial, — alors que selon le témoignage de l’Éternel lui-même, il était un homme de Dieu (2 Chron. 8:14) ! Accuser David d’avoir versé le sang de la maison de Saül, — alors qu’il avait toujours épargné Saül et les siens, même quand il aurait eu la possibilité de se venger de son persécuteur ! Mais David ne relève aucune des calomnies de Shimhi. Il semble fermer les yeux sur tout ce qu’il y a de faux et d’injuste dans les accusations qui sont portées contre lui. Il a conscience qu’il y a aussi du vrai dans ces paroles acerbes. « Homme de sang » — oui, il l’a été ! L’Éternel fait-il « retomber » quelque chose sur lui ? — c’est vrai aussi ! « Te voilà pris dans ton propre mal » — cela correspond en quelque mesure au verdict divin transmis par Nathan !
David met sa main sur sa bouche et n’adresse pas une parole à Shimhi. Il reçoit de l’Éternel, et non de Satan ou de l’homme, cette épreuve douloureuse. « Oui, qu’il maudisse, car l’Éternel lui a dit : Maudis David ! Et qui dira : Pourquoi fais-tu ainsi ? » (2 Sam. 16:10).
Frères et sœurs ! comment recevons-nous les accusations qui sont portées contre nous ? L’homme selon le cœur de Dieu (Act. 13:22) nous donne ici une grande leçon.
Mais il y a plus. David ajoute : « Peut-être l’Éternel regardera mon affliction, et l’Éternel me rendra le bien pour la malédiction qui tombe aujourd’hui sur moi » (v. 12). En serait-il autrement aujourd’hui ? Si nous courbons la tête dans l’humiliation, Dieu n’est-il pas prêt à faire tourner en bénédiction pour nous les propos durs, amers ou injustes qui peuvent nous être adressés ?