ME 1994 p.360-369
J.-A. Monard
1 - Un seul est votre conducteur, le Christ (Matt. 23:10)
2 - Conduits par l’Esprit de Dieu (Rom. 8:14 ; Gal. 5:18)
3 - Obéissez à vos conducteurs et soyez soumis (Hébreux 13:17)
4 - Que celui qui conduit soit comme celui qui sert ! (Luc 22:26)
5 - Souvenez-vous de vos conducteurs (Hébreux 13:7)
Selon le témoignage multiple des prophètes de l’Ancien Testament, Israël a souvent été victime de mauvais bergers : « Car les conducteurs de ce peuple le fourvoient, et ceux qui sont conduits par eux périssent » (És. 9:16). Il en était bien ainsi lorsque le Seigneur Jésus vint sur cette terre. Combien souvent l’entendons-nous faire des reproches à ces « aveugles, conducteurs d’aveugles » (Matt. 15:14), qui annulaient le commandement de Dieu à cause de leurs traditions, « enseignant comme doctrine des commandements d’homme » (v. 6, 9) !
Le
Messie d’Israël avait été annoncé comme le bon berger qui paîtrait les siens
avec douceur et sollicitude (És. 40:11 ; Ézéch. 34:11-23, etc.), et dès
son entrée dans ce monde, Dieu le présente comme le vrai « conducteur
qui paîtra mon peuple
Israël » (Matt. 2:6).
Dans le chapitre 23 de Matthieu, le Seigneur adresse les reproches les plus sévères aux scribes et aux pharisiens, et démasque leur hypocrisie. Mais, avant de leur adresser un septuple « Malheur à vous », il met ses disciples en garde contre leurs principes, et leur dit : « Mais vous, ne soyez pas appelés : Rabbi ;… ne soyez pas non plus appelés conducteurs ; car un seul est votre conducteur, le Christ » (v. 8, 10).
Cet enseignement a sans doute un rapport spécial avec son contexte, mais cela ne l’empêche pas d’avoir une portée générale. Il pourrait nous paraître en contradiction avec certains passages des épîtres, tels ceux d’Hébreux 13 que nous considérerons plus loin, mais en fait il nous donne un aspect complémentaire. Si nous avons à reconnaître ceux que le Seigneur a qualifiés comme conducteurs et à leur être soumis, nul n’a le droit de revendiquer cette fonction comme une position au-dessus de ses frères. « Quiconque s’élèvera sera abaissé » dit le Seigneur un peu plus loin (23:12). La chair trouve une satisfaction dans une position en vue, et nous avons besoin d’être en garde contre cette satisfaction, qui est bien proche de l’orgueil. Même s’il y a des fonctions différentes, et des responsabilités différentes, le Seigneur nous rappelle : « Et vous, vous êtes tous frères » (v. 8).
Dans l’assemblée de Corinthe, on disait : « Moi, je suis de Paul ; et moi d’Apollos ; et moi, de Céphas ;… » (1:12). Or qui étaient ces hommes sinon des « serviteurs » par qui les croyants avaient reçu l’évangile, et qui devaient être reconnus selon ce que le Seigneur avait donné à chacun d’eux (3:5). En faire des chefs de file ou des maîtres n’était pas juste, et l’apôtre signale cela comme une preuve de l’état charnel des Corinthiens. Ils marchaient à la manière des hommes (v. 3).
Tous
les hommes, quelque doués qu’ils soient, sont sujets à des défaillances. Seul
le Seigneur est digne d’une confiance sans limite. En nous disant « un
seul est votre conducteur, le Christ », le Seigneur nous enseigne que
c’est lui seul que nous devons suivre, à lui seul que nous devons nous
attacher, sur lui seul que nos yeux doivent être fixés. Des conducteurs peuvent
nous être utiles s’ils suivent le Maître, mais ils doivent pour ainsi dire être
transparents
, de façon à laisser nos
regards toujours fixés sur Jésus lui-même.
Dans
les derniers entretiens qu’il a avec ses disciples, le Seigneur Jésus leur
annonce la venue du Consolateur, l’Esprit de vérité, qui sera non seulement avec eux
mais en eux
(Jean 14:15-18, 26 ; 16:7-15). Ses fonctions seront en
particulier de leur enseigner
toutes
choses et de les conduire
dans toute
la vérité. Cela s’est réalisé, dans un sens, par le ministère inspiré des
apôtres, qui ont été suscités pour développer et compléter l’enseignement du
Seigneur. Mais, dans un autre sens, c’est ce que fait le Saint Esprit avec
chaque croyant, en l’instruisant et en lui faisant comprendre les pensées de
Dieu. Comme le Seigneur Jésus lui-même, il est un conducteur infaillible.
Est-il besoin de souligner l’accord parfait qui existera toujours entre
l’enseignement de l’Esprit et celui de l’Écriture, dont il est lui-même le
véritable auteur ?
Dans
le livre des Actes, nous trouvons quelques exemples de serviteurs du Seigneur
qui sont conduits miraculeusement par le Saint Esprit. Au chapitre 8, Philippe
est d’abord appelé par un ange
(v. 26) ; puis l’Esprit lui donne une directive précise (v. 29), et, à la
fin, l’enlève et le transporte en un autre lieu (v. 39). Au chapitre 10, Pierre
, méditant sur la vision qu’il
vient d’avoir, reçoit une communication claire de l’Esprit concernant ce qu’il
doit faire (v. 19). Au chapitre 16, Paul
,
empêché par le Saint Esprit d’annoncer la parole en un lieu, puis dans un
autre, reçoit une vision lui indiquant clairement la route à suivre (v. 6, 7).
Ces directions de l’Esprit, dans lesquels l’élément miraculeux est évident,
sont caractéristiques de l’époque où le Seigneur confirmait sa Parole par des
signes et des prodiges (Marc 16:20 ; Act. 4:30).
Dans les épîtres aux Romains et aux Galates, nous retrouvons cette pensée du Saint Esprit qui conduit le croyant, mais alors dans un contexte dont les miracles sont absents. Il ne s’agit pas de circonstances exceptionnelles, ou pouvant attirer l’attention de beaucoup, mais de la vie de tous les jours. C’est ce qui caractérise un croyant dans son état normal.
« Car
tous ceux qui sont conduits par l’Esprit
de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Rom. 8:14). Être conduit par
l’Esprit est un état pratique qui manifeste la position de fils. Cela ne
constitue en aucune façon une servitude (v. 15), car les désirs et les goûts du
nouvel homme sont en harmonie avec les pensées de Dieu.
« Mais si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes pas sous la loi » (Gal. 5:18). Un peu plus haut dans l’épître, on lit : « La loi a été notre conducteur (ou notre gouverneur) jusqu’à Christ » (3:24). « Mais, la foi étant venue, nous ne sommes plus sous un conducteur » (v. 25). « Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant » (5:1). « Seulement n’usez pas de la liberté comme d’une occasion pour la chair » (v. 1 3). Tant que nous serons dans nos corps naturels, il y aura combat : « la chair convoite contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair » (v. 17). Mais nous sommes responsables de marcher par l’Esprit : « Marchez par l’Esprit, et vous n’accomplirez point la convoitise de la chair » (v. 16). « Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi par l’Esprit » (v. 25). Si nous marchons par l’Esprit, si nous nous laissons conduire par lui, il produira en nous ce beau « fruit » qui est décrit au verset 22.
Comment nous laissons-nous conduire par l’Esprit qui habite en nous ? Lorsqu’il nous met à cœur de faire telle ou telle bonne chose, l’écoutons-nous ? Ou trouvons-nous des arguments pour ne pas la faire, ou pour la faire plus tard ?
Bien sûr, nous devons sans cesse être en garde contre nos propres pensées ; car nous pourrions facilement confondre ce que nous suggère notre chair avec la pensée que l’Esprit forme en nous. L’Écriture est le guide infaillible (Héb. 4:12) qui nous fera distinguer entre ce qui est de la chair et ce qui est de l’Esprit. Plus nous serons familiers avec la parole de Dieu, plus il nous sera facile de discerner la vraie origine des pensées qui se forment en nous.
Revenons
sur le verset déjà cité : « La loi a été notre conducteur (ou :
notre gouverneur) jusqu’à Christ » (Gal. 3:24). Non pas que la loi ait
conduit à Christ, mais que, dans l’état qui précédait la révélation de la
pleine liberté en Christ, l’homme (en fait : l’Israélite) était gouverné
par la loi. La loi était censée mettre des freins et des barrières aux
manifestations de son mauvais cœur. Elle impliquait la servitude
de ceux qui étaient sous elle, mais Christ place les
siens dans la liberté
(5:1). L’apôtre
compare la situation de ceux qui étaient sous la loi à celle d’un enfant en bas
âge, conduit par « des tuteurs et des curateurs » (4:2) jusqu’à ce
que vienne le jour où il pourra jouir librement de son héritage et de tous les
droits qu’implique sa position de fils. Et il conclut : « tu n’es
plus esclave, mais fils ; et, si fils, héritier aussi par Dieu »
(4:7).
N’y
a-t-il pas une similitude entre la situation des enfants de chrétiens et celle
d’Israël sous la loi ? Les parents ont à tenir leurs enfants soumis
, à bien conduire
leur maison (1 Tim. 3:4, 12). Ils ont à la gouverner
(5:14), en attendant les jours
où, le Seigneur ayant fait une œuvre profonde dans les cœurs des enfants, ils
marcheront par leur foi personnelle (cf. 2 Tim. 1:5).
Cette injonction peut paraître bien étrange dans le monde imprégné de démocratie où nous vivons. Et pourtant elle fait partie de la parole de Dieu, qui ne saurait vieillir.
Dans
les premiers temps de l’Église, nous voyons Paul et Barnabas choisir « des
anciens dans chaque assemblée » (Act. 14:23). Paul charge Tite d’en
établir dans chaque ville de Crête (Tite 1:5). Il indique à Timothée, comme à
Tite, quels sont les caractères moraux que doivent porter ceux qui auront à
assumer cette charge (1 Tim. 3:1-7 ; Tite 1:6-9). Il y avait à Éphèse des
anciens reconnus comme tels et Paul les a convoqués à Milet pour leur faire ses
dernières recommandations (Act. 20:17 et suivants). Il ressort des trois
derniers passages cités que les anciens avaient la tâche de surveillants
; c’est ainsi qu’ils
sont expressément appelés (Act. 20:28 ; 1 Tim. 3:2 ; Tite 1:7). Ces
anciens avaient une charge locale — ils étaient établis dans des assemblées
bien déterminées — et ne faisaient pas partie, à proprement parler, des dons de
Christ à l’assemblée, qui est son corps (Éph. 4:11-13). Il est important de
remarquer qu’ils sont toujours présentés comme ayant été établis par l’autorité
apostolique (directe, ou déléguée, dans le cas de Timothée et Tite) et que rien
dans l’Écriture ne nous autoriserait à en établir
aujourd’hui.
Nous savons que, dans l’histoire de l’Église, ce principe a été très tôt méconnu, et que, sous le double effet de l’ambition de quelques-uns et de l’inertie du grand nombre, un clergé n’a pas tardé à être établi officiellement. Les modes de désignation diffèrent ; aucun d’eux n’est scripturaire.
Mais l’autre extrême n’est pas moins à craindre. Certains pourraient prendre occasion du fait qu’il n’y a pas de clergé établi, pour refuser de reconnaître des conducteurs à qui la soumission est justement due. Or l’assemblée de Dieu n’est nullement une démocratie.
En
effet, la fonction
de surveillant ou
de conducteur, de berger qui veille sur le troupeau du Seigneur, est aussi
nécessaire aujourd’hui qu’au premier siècle du christianisme. Reconnaissons
donc les frères que le Seigneur a qualifiés pour accomplir ce service,
soyons-leur soumis (Héb. 13:7 ; 1 Pierre 5:5) afin qu’ils puissent
accomplir ce service « avec joie, et non en gémissant ». Les
reconnaître et leur être soumis ne signifie pas les mettre sur un piédestal (et
tendre ainsi devant eux un piège), ni leur conférer un titre officiel.
« Ne soyez pas… appelés conducteurs » (Matt. 23:10) reste valable.
Bien
que cette pensée soit parfois difficile à accepter, surtout lorsqu’on est
jeune, nous avons besoin
de l’aide,
et même de la surveillance, de frères qui ont fait un long bout de route avec
le Seigneur, et ont acquis par là une plus profonde expérience de ce qu’Il est,
et de ce qu’est l’homme. Soyons reconnaissants s’il y en a qui veillent sur nos
âmes « comme ayant à rendre compte » devant Dieu (Héb. 13:17). « Or
nous vous prions, frères, de connaître ceux qui travaillent parmi vous, et qui
sont à la tête parmi vous dans le Seigneur, et qui vous avertissent, et de les
estimer très haut en amour à cause de leur œuvre » (1 Thess. 5:12, 13).
Dans ce monde de combats et de rivalités, souvenons-nous du principe divin : « étant soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ » (Éph. 5:21). Personne n’est dispensé de cette soumission. Nombreuses sont les occasions où elle peut être mise en pratique, mais elle est toujours « dans la crainte de Christ ». Jamais l’autorité de l’homme ne doit supplanter ou éclipser l’autorité du Seigneur. Elle seule est parfaitement sûre
Il pourrait y avoir des gens qui veulent « mener en avant » et qui ne demeurent pas dans la doctrine du Christ (2 Jean 9). Nous n’avons pas à les suivre.
Les
disciples contestaient entre eux, préoccupés de savoir « lequel serait
estimé le plus grand ». Et Jésus leur déclare que si, dans ce monde, il y
en a qui dominent
et exercent l’autorité
sur d’autres, il
n’en sera pas ainsi parmi les siens. Lui-même avait été au milieu d’eux « comme
celui qui sert », et si l’un d’entre eux devait accomplir une tâche de
conducteur, ce devait être dans l’esprit de son Maître, comme un serviteur
.
Le
même principe est déjà signalé dans l’Ancien Testament. C’était la teneur du
sage conseil donné par les anciens à Roboam : « si… tu deviens
serviteur de ce peuple… » (1 Rois 12:7). L’apôtre Paul se présentait à ses
enfants dans la foi comme leur esclave
pour l’amour de Jésus (2 Cor. 4:5). Dans sa première épître, l’apôtre Pierre
exhorte « les anciens » à paître le troupeau de Dieu qui est avec
eux (et non au-dessous d’eux), non
« comme dominant sur des héritages, mais en étant les modèles du
troupeau » (1 Pierre 5:1-4). Ils ont à se souvenir que ce n’est pas leur
troupeau, mais celui de Dieu.
L’autorité
que doit exercer un chef de famille dans sa maison n’est pas exactement le
modèle de ce qu’a à faire un conducteur dans l’assemblée de Dieu. Quand Paul
donne à Timothée des directives concernant le choix des anciens, il dit :
« si quelqu’un ne sait pas conduire
sa propre maison, comment prendra-t-il
soin
de l’assemblée de Dieu ? » (1 Tim. 3:5). La différence entre
conduire et prendre soin est significative. Cela ne veut pas dire que le mot
« conduire », dans le cadre de l’assemblée, soit à proscrire, mais
que cette « conduite » a un caractère particulier : veiller sur
les âmes (Héb. 13:17), en prendre soin, les servir, prier pour elles, être un
modèle. « Celui qui est à la tête, qu’il conduise soigneusement »
(Rom. 12:8).
Le
prophète Jérémie — qui fut en Israël un pasteur hélas ! contesté et
persécuté, mais un témoin et un intercesseur fidèle —, ouvre son cœur à l’Éternel
et lui dit : « Mais moi, je ne me suis pas hâté de cesser d’être pasteur en te suivant
» (Jér.
17:16). Sans entrer dans le contexte de ce passage, soulignons simplement cette
belle expression : « pasteur en te suivant ». Il suivait
l’Éternel, et son désir était, non que les hommes le suivent, mais qu’ils
s’attachent à l’Éternel.
La forme de cette expression, de même que l’ensemble du verset, montre qu’il s’agit ici de conducteurs qui ont achevé leur course. Ils l’ont achevée à la gloire de Dieu, et l’issue de leur conduite est digne d’être considérée. L’écrivain ne dit pas « imitez leur conduite », mais « imitez leur foi », c’est-à-dire ce qui a été le ressort de leur marche et de leur service.
Ce qui caractérise avant tout ces conducteurs, c’est qu’ils « ont annoncé la parole de Dieu ». C’est là la pierre de touche que nous avons à utiliser pour apprécier nos conducteurs. Nous ont-ils enseigné la parole de Dieu, ou leurs propres pensées ? Se sont-ils distingués par une connaissance étendue et profonde de l’Écriture ? Leur respect pour la parole de Dieu et leur souci de la mettre en pratique ont-ils rendu recommandable leur ministère ? Dans les écrits qu’ils ont laissés, pouvons-nous discerner une remarquable intelligence spirituelle et du discernement quant à la façon dont les principes généraux de l’Écriture peuvent s’appliquer aux conditions particulières d’une époque ? Finalement, pouvons-nous reconnaître en eux des serviteurs de Dieu ayant reçu des dons « en vue du perfectionnement des saints, … pour l’édification du corps de Christ » (Éph. 4:12) ? Si, à ces questions, nous pouvons répondre oui, alors souvenons-nous de nos conducteurs !
L’apôtre
Paul dit à Timothée : « Mais toi, demeure dans les choses que tu as
apprises et dont tu as été pleinement convaincu, sachant de qui tu les as apprises
» (2 Tim. 3:14). Timothée avait été
enseigné dès son enfance par sa mère et sa grand-mère, puis, de façon toute
particulière, par l’apôtre Paul lui-même. La foi et la piété de ceux qui
l’avaient enseigné donnaient encore plus de force au message transmis, et
Timothée devait s’en souvenir.
« Souviens-toi donc comment tu as reçu et entendu, et garde, et repens-toi » (Apoc. 3:3). L’Esprit adresse cette exhortation à tous ceux qui ont des oreilles pour entendre.