J.-A. Monard
ME 2008 p. 210-217
Sommaire : Les différents sens du mot bénir : Dieu bénit, l'homme bénit Dieu ou bénit les hommes. Bénir à l'occasion de la Cène, bénir la coupe.
Table des matières :
3 - Quand un homme bénit un homme
3.1 - La bénédiction des patriarches donnée à leurs fils
3.2 - La bénédiction des sacrificateurs ou des conducteurs d’Israël
3.3 - Bénissez et ne maudissez pas
Demande : Le mot
« bénir » semble être utilisé dans la Bible avec des sens assez
différents. Pourrait-on avoir quelques indications à ce sujet ?
Le sens général du mot « bénir » est dire du bien
(*).
Mais le mot peut en effet avoir des sens notablement différents, en particulier
suivant que c’est Dieu ou l’homme qui bénit.
Quand Dieu dit quelque chose, ses paroles ont une portée qui
dépasse incomparablement ce qui en est pour le langage humain. Ce sont ses
paroles qui ont amené les mondes à l’existence (Héb. 11:3 ; Gen. 1).
D’autre part, les paroles qu’il prononce ont souvent le caractère de décrets
. Elles expriment son intention,
sa volonté. Elles annoncent ce qu’il va faire.
Nous essaierons de poser quelques jalons dans ce vaste sujet, en considérant successivement quelques situations caractéristiques.
(*) Bénir vient du latin « benedicere », mot composé de « bene », bien et « dicere », dire.
De façon générale, le fait que Dieu bénisse exprime une faveur ou une place particulière qu’il accorde à un ou à des hommes, selon sa grâce.
Dans l’Ancien Testament, l’exemple le plus caractéristique de la
bénédiction divine est celui d’Abraham. En l’appelant à sortir de son pays
d’origine, l’Éternel lui avait dit : « Je te ferai devenir une grande
nation, et je te bénirai
, et je
rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction ; et je bénirai ceux
qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront ; et en toi seront bénies toutes les familles de
la terre
» (Gen. 12:2, 3). Dans ce passage, comme dans plusieurs
autres qui confirment cette promesse, Dieu annonce à Abraham le bien qu’il veut
lui faire, et évoque le bien qui de sa descendance va se déverser sur toute
l’humanité (cf. 22:18).
La bénédiction promise à Israël sous la loi était conditionnée à
son obéissance. « Regarde, je mets aujourd’hui devant vous la bénédiction
et la malédiction : la bénédiction,
si vous écoutez
les commandements de l’Éternel, votre Dieu, que je vous
commande aujourd’hui ; la malédiction, si vous n’écoutez pas les
commandements de l’Éternel, votre Dieu, et si vous vous détournez du chemin que
je vous commande aujourd’hui » (Deut. 11:26-28).
Dans plusieurs passages, le mot « bénir » exprime le
bien que Dieu a déjà réalisé, les dons que sa grâce a déjà accordés. « Et
Abraham était vieux, avancé en âge ; et l’Éternel avait béni
Abraham en toute chose » (Gen. 24:1). Dans le même
sens, on peut citer aussi le cas de Potiphar : « L’Éternel bénit
la maison de l’Égyptien à cause de
Joseph ; et la bénédiction
de
l’Éternel fut sur tout ce qui était à lui, dans la maison et aux champs (Gen.
39:5). Il y a aussi l’exemple de Job : « Tu as béni
le travail de ses mains, et tu as fait abonder son avoir
sur la terre » (Job 1:10).
En contraste avec les bénédictions de l’Ancien Testament, qui
sont le plus souvent matérielles, le Nouveau Testament nous présente la
bénédiction du christianisme comme étant d’ordre spirituel. « Le Dieu et
Père de notre Seigneur Jésus Christ.., nous
a bénis de toute bénédiction spirituelle
dans les lieux célestes en
Christ » (Éph. 1:3). L’apôtre Paul attire notre attention sur les
richesses que nous possédons déjà. Bien que l’accomplissement complet de tout
ce que comporte notre salut soit futur, notre bénédiction est actuelle.
L’apôtre Pierre met davantage l’accent sur l’héritage qui nous est réservé dans
les cieux (1 Pierre 1:3, 4). « Vous avez été appelés à ceci, c’est que
vous héritiez de la bénédiction » (3:9).
Les bénédictions qui ont été apportées par la venue de Christ
sont présentées dans le Nouveau Testament comme la réalisation des bénédictions
inconditionnelles annoncées à Abraham. « Or l’Écriture, prévoyant que Dieu
justifierait les nations sur le principe de la foi, a d’avance annoncé la bonne
nouvelle à Abraham : En toi toutes les nations seront bénies. De sorte que
ceux qui sont sur le principe de la foi sont
bénis
avec le croyant Abraham » (Gal. 3:8, 9). Ainsi « la bénédiction
d’Abraham » parvient
« aux nations » (v. 14).
De très nombreux passages de l’Ancien et du Nouveau Testament
utilisent l’expression « bénir Dieu ». Cela signifie invariablement
louer Dieu, célébrer ce qu’il est, lui rendre grâces. L’idée fondamentale
« dire du bien » est toujours là. Il s’agit de bonnes paroles
adressées à Dieu, qui rappellent ce qu’il est, ce qu’il a fait ou ce qu’il a
donné. « Je bénirai l’Éternel
en
tout temps ; sa louange sera continuellement dans ma bouche » (Ps.
34:1). « Mon âme, bénis l’Éternel
,
et n’oublie aucun de ses bienfaits » (Ps. 103:2). « Et à la fin de
ces jours… j’élevai mes yeux vers les cieux, et mon intelligence me revint,
et je bénis le Très-Haut
, et je louai
et magnifiai celui qui vit éternellement » (Dan. 4:34). « Béni soit le Seigneur
, le Dieu d’Israël,
car il a visité et sauvé son peuple » (Luc 1:68). « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur
Jésus Christ
… » (2 Cor. 1:3 ; Éph. 1:3 ; 1 Pierre 1:3).
« À celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, la bénédiction
, et l’honneur, et la gloire, et la force, aux
siècles des siècles ! » (Apoc. 5:13).
Dieu est digne d’être béni, il l’est effectivement et le sera éternellement. Cela conduit l’apôtre Paul à insérer parfois comme entre parenthèses : « qui est béni éternellement » (Rom. 1:25 ; 9:5 ; 2 Cor. 11:31).
L’idée de base : dire du bien est toujours présente, mais il y a ici plusieurs cas à distinguer.
La foi d’Abraham, d’Isaac et de Jacob s’attachait aux
bénédictions que Dieu avait promises, dont l’accomplissement complet était pour
un jour à venir. Leur appréciation de ces bénédictions se manifestait en
particulier dans le fait qu’ils avaient à cœur de transmettre à leurs fils
l’héritage promis. En Genèse 27, nous voyons Isaac bénir Jacob et Ésaü. Bien
que les conditions dans lesquelles se déroule cette scène soient
particulièrement humiliantes, l’épître aux Hébreux nous dit : « Par
la foi, Isaac bénit Jacob et Ésaü
à
l’égard des choses à venir » (11:20). Et dans le verset suivant :
« Par la foi, Jacob mourant bénit
chacun des fils de Joseph
, et adora, appuyé sur le bout de son
bâton ». Genèse 49 nous rapporte la bénédiction de Jacob à ses douze fils,
et Deutéronome 33 celle de Moïse aux douze tribus d’Israël. Ces déclarations ne
sont pas seulement des vœux, elles ont un caractère prophétique. Et dans ce
sens elles se rapprochent des bénédictions exprimées par Dieu lui-même.
La loi donnait aux sacrificateurs l’instruction :
« Vous bénirez ainsi les fils d’Israël, en leur disant : L’Éternel te
bénisse, et te garde ! L’Éternel fasse lever la lumière de sa face sur toi
et use de grâce envers toi ! L’Éternel lève sa face sur toi et te donne la
paix ! » (Nomb. 6:23-26). On trouve aussi : « l’Éternel
sépara la tribu de Lévi… pour se tenir devant l’Éternel, pour faire son
service, et pour bénir en son nom
»
(Deut. 10:8). Il s’agit ici de souhaits de bénédiction pour le peuple, dans la
conscience que toute vraie bénédiction vient de Dieu.
Aussi dans le sens d’un souhait, semble-t-il, on voit Josué bénir Caleb (Jos. 14:13) et, après la conquête de Canaan, bénir les deux tribus et demie en les renvoyant dans leur héritage au-delà du Jourdain (22:6-8).
Lorsque le jeune Samuel est amené à Silo pour servir l’Éternel, le sacrificateur « Éli bénit Elkana et sa femme, et dit : Que l’Éternel te donne des enfants de cette femme, à la place du prêt qui a été fait à l’Éternel ! » (1 Sam. 2:20). C’est un souhait — que d’ailleurs Dieu réalisera pleinement.
On voit aussi des rois pieux bénir le peuple pour leur souhaiter
la bénédiction divine. Après avoir amené l’arche dans la tente qu’il avait
tendue pour elle, David offre des sacrifices puis « il bénit le peuple au nom de l’Éternel des armées
» (2 Sam.
6:18). Après la construction du temple et la prière de la dédicace, Salomon
« se tint debout et bénit à haute
voix toute la congrégation d’Israël
» (1 Rois 8:55). Et encore au
temps d’Ézéchias, nous trouvons : « Et les sacrificateurs, les
Lévites, se levèrent et bénirent le peuple ; et leur voix fut écoutée, et
leur prière parvint à sa demeure sainte dans les cieux » (2 Chron. 30:27).
Ce souhait a valeur de prière en faveur du peuple.
Remarquons que tout ceci est caractéristique de l’Ancien Testament. Dans le Nouveau, nous ne trouvons pas d’hommes placés en honneur et ayant la mission de bénir le peuple de Dieu. Le Seigneur Jésus, au moment où il a été élevé dans le ciel, a levé ses mains en haut et a béni ses disciples (Luc 24:50, 51). Mais il n’a confié à aucun de ses serviteurs la tâche de faire un tel geste et de prononcer une bénédiction.
En parlant de la bénédiction adressée par Melchisédec à Abraham,
l’épître aux Hébreux nous dit : « Or, sans contredit, le moindre est béni
par celui qui est plus
excellent » (7:7). Cette déclaration se réfère au genre de bénédiction que
nous venons de considérer.
Le mot bénir
est aussi
utilisé, dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, pour exprimer de bonnes paroles
adressées par une
personne à une autre, notamment un souhait, ou même le souhait d’une
bénédiction divine. Ce cas se distingue des deux précédents en ce que celui qui
bénit n’a pas une position d’autorité particulière ou de supériorité vis-à-vis
de celui à qui il s’adresse.
Voyons quelques exemples. La famille de Rebecca bénit la jeune fille au moment de son départ, et formule des souhaits pour elle (Gen. 24:60). Naomi dit à sa belle-fille, en parlant de Boaz : « Béni soit celui qui t’a reconnue ! … Béni soit-il de l’Éternel » (Ruth 2:19, 20). Boaz aussi dira à Ruth : « Bénie sois-tu de l’Éternel, ma fille ! » (3:10). David avait envoyé des messagers vers Nabal avec le souhait : « Vis longtemps ! et paix te soit, et paix à ta maison, et paix à tout ce qui t’appartient ! » (1 Sam. 25:6). Les serviteurs de celui-ci avertissent Abigaïl, son épouse : « Voici, David a envoyé du désert des messagers pour bénir notre maître, et il s’est emporté contre eux » (v. 14). Dans le même ordre d’idées, on voit David bénir Absalom (2 Sam. 13:25), Joab bénir David (14:22), David baiser et bénir Barzillaï (19:39), et les serviteurs du roi bénir David (1 Rois 1:47). Au temps de Néhémie, « le peuple bénit tous les hommes qui s’offrirent volontairement pour habiter à Jérusalem » (Néh. 11:2).
Le Seigneur Jésus a enseigné les siens : « Bénissez ceux qui vous maudissent
»
(Matt. 5:44 ; Luc 6:28). Ce qui signifie : à ceux qui vous disent du
mal, dites du bien.
L’apôtre Paul reprend cette exhortation : « Bénissez ceux qui vous persécutent ;
bénissez et ne maudissez pas
» (Rom. 12:14). Lui-même la mettait en
pratique : « Injuriés, nous
bénissons
; persécutés, nous le supportons ; calomniés, nous
supplions » (1 Cor. 4:12, 13). Nos propos peuvent apporter quelque reflet
de nos richesses à ceux qui sont autour de nous : « Qu’aucune parole
déshonnête ne sorte de votre bouche, mais celle-là qui est bonne, propre à l’édification
selon le besoin, afin
qu’elle communique la grâce
à ceux
qui l’entendent » (Éph. 4:29).
L’apôtre Pierre aussi nous encourage à bénir. « Ne rendant
pas mal pour mal, ou outrage pour outrage, mais au contraire bénissant
, parce que vous avez été
appelés à ceci, c’est que vous héritiez de la bénédiction » (1 Pierre
3:9). Il relie ce témoignage de notre bouche à la bénédiction divine dont nous
sommes les héritiers.
Nous avons posé quelques jalons, mais nous n’avons pas épuisé le
sujet. Disons simplement que l’Écriture utilise aussi le mot bénir
dans des cas un peu différents de
ce que nous avons vu plus haut.
Dieu bénit non seulement des hommes, mais par exemple « le septième jour » (Gen. 2:3), c’est-à-dire qu’il le met à part.
Au moment de l’institution de la cène, le Seigneur Jésus prend du pain et « bénit » (Matt. 26:26 ; Marc 14:22) ou « rend grâces » (Luc 22:19). Ces expressions sont ici équivalentes. Bénir a également le sens de rendre grâces en 1 Corinthiens 14:16. Quand l’apôtre Paul parle de « la coupe de bénédiction que nous bénissons » (1 Cor. 10:16), on peut comprendre : la coupe pour laquelle nous rendons grâces, ou la coupe au sujet de laquelle nous bénissons.
Le cas est envisagé où un homme se bénit lui-même dans son cœur, tout en mettant de côté la parole de Dieu (Deut. 29:19). C’est-à-dire qu’il se persuade que le bien lui arrivera lors même qu’il se moque de Dieu.
L’idée dire du bien
paraît invariablement attachée au mot bénir
.
Dans les divers cas que nous pouvons rencontrer, c’est le contexte qui nous
fait comprendre la vraie portée du mot.