F. B. Hole
Les Réflexions sur les évangiles et les Actes de F.B. Hole ont premièrement paru en anglais en 1937-1939 dans le périodique « Edification » et en 1940 à 1944 dans le périodique « Scripture Truth ».
Table des matières :
Le premier verset du Nouveau Testament ramène nos pensées au
premier livre de l’Ancien, « généalogie » (ou « génération »)
étant la traduction du mot grec « genesis
». Matthieu en particulier, et tout le Nouveau
Testament en général, est le « livre de la généalogie
de Jésus Christ ». Si
nous revenons au livre de la Genèse, nous voyons qu’il se divise en onze
sections et que chacune d’elles, sauf la première, commence par des « générations ».
Ainsi, la troisième section s’ouvre par : « C’est ici le livre des
générations d’Adam » (5:1) ; et tout l’Ancien Testament nous révèle
la triste histoire d’Adam et de sa race, histoire à laquelle, avec un sinistre à-propos,
le mot « malédiction » vient mettre un point final. Quel immense
soulagement que de pouvoir alors passer des générations d’Adam à « la
généalogie de Jésus Christ », où la
grâce
est introduite ; et c’est sur cette note que le Nouveau
Testament se termine.
Jésus est présenté dès le début sous un double aspect. Il est
Fils de David, et par conséquent la couronne
royale que Dieu destinait originairement à David Lui appartient. Il est
également Fils d’Abraham ; il a donc droit au pays
et toutes les bénédictions
promises lui reviennent. Ceci établi, nous avons sa généalogie, depuis Abraham
jusqu’à Joseph, le mari de Marie. C’est sa généalogie officielle, selon la
manière juive. La liste qui nous en est donnée est remarquable pour ses
omissions : trois rois, étroitement liés à l’infâme Athalie, manquent au
verset 8 ; et le résumé relatif aux « quatorze générations » du
verset 17, montre qu’il ne s’agit pas d’un oubli accidentel, mais que Dieu
désavoue et refuse de compter les rois qui descendent le plus directement de
cette femme vouée au culte de Baal.
Cette généalogie est aussi remarquable du fait que seules quatre femmes y figurent, et encore, ce ne sont pas celles que nous nous serions attendus à trouver là. Deux d’entre elles (Rahab et Ruth) étaient des Gentiles, ce qui ne doit pas avoir été sans porter un certain coup à l’orgueil juif ; elles étaient toutes deux des femmes d’une foi exceptionnelle, bien que la première ait vécu dans l’immoralité qui caractérisait le monde païen. De la seconde nous ne savons que du bien. Les deux autres (Tamar et Bath-Shéba) ont chacune une triste histoire ; il ne nous est rien dit qui soit vraiment à leur honneur. En fait, le nom de Bath-Shéba n’est pas mentionné ; elle est simplement « celle qui avait été femme d’Urie », ce qui proclame sa honte. Ainsi là encore tout est de nature à porter atteinte à l’orgueil juif. Certes, la généalogie de notre Seigneur n’ajoute rien à ce qu’il est. Mais elle était la garantie de sa vraie humanité, et du fait que les droits accordés à David et à Abraham étaient légalement siens.
Mais si les dix-sept premiers versets nous confirment que Jésus
était véritablement un homme, la suite du chapitre nous montre qu’il était bien
davantage qu’un homme ; Il était Dieu lui-même, présent au milieu de nous.
Un messager angélique prévient Joseph, le fiancé de Marie, que l’enfant qui a
été conçu en elle est « de l’Esprit Saint », et qu’il devra être
appelé Jésus à sa naissance. C’est lui qui sauvera son peuple de leurs péchés,
aussi doit-il porter le nom de Sauveur. Seul Dieu a la capacité de donner un
nom en vue de ce qui sera accompli dans l’avenir. Il peut le faire, et combien
ce nom merveilleux a été pleinement justifié ! Dans des jours à venir,
quelle riche moisson d’êtres sauvés sera rassemblée, tous délivrés de leurs
péchés, et non pas seulement du jugement que ceux-ci méritaient ! Seul « son peuple
» sera sauvé ainsi. Il
faut en faire partie par la foi en Lui pour connaître son salut.
Ainsi a été accomplie la prédiction d’Ésaïe 7:14, qui annonçait clairement la grandeur et la puissance du Sauveur qui devait venir. Son nom prophétique, Emmanuel, indiquait qu’il serait Dieu manifesté en chair — Dieu parmi nous d’une manière bien plus merveilleuse qu’il n’avait jamais été manifesté au milieu d’Israël aux jours de Moïse, bien plus merveilleuse aussi que lorsqu’il était avec Adam avant que le péché entre dans le monde. Les deux noms sont intimement liés. Il serait impossible d’avoir Dieu avec nous si nous n’étions pas sauvés de nos péchés : Sa présence ne pourrait que nous écraser en jugement. Être sauvés de nos péchés et ne pas avoir Dieu avec nous aurait été possible, mais l’histoire de la grâce aurait été privée de sa gloire principale. Dans la venue de Jésus, nous avons les deux. Dieu est venu à nous et, nos péchés étant ôtés, nous avons été amenés à lui.
Les premiers versets du chapitre 2 jettent une lumière vive et pénétrante sur les conditions de vie parmi les Juifs qui séjournaient à Jérusalem, les descendants de ceux qui étaient remontés de la captivité sous Zorobabel, Esdras et Néhémie. Le Roi des Juifs est né à Bethléhem et ils restent des semaines sans rien en savoir. Que le roi Hérode l’ait ignoré n’est pas du tout surprenant ; il n’était pas un Israélite, mais un Iduméen. Mais les principaux sacrificateurs en tout cas auraient dû être informés de ce grand événement qu’ils professaient attendre — la naissance du Messie. En Luc 2, nous voyons qu’elle est proclamée du ciel, tout au plus quelques heures après qu’elle s’est produite, à des âmes humbles qui craignaient le Seigneur. « Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent », a dit le psalmiste (Ps. 25:14) ; les bergers et d’autres en fournissent l’exemple. Mais les chefs religieux à Jérusalem n’étaient pas de leur nombre ; ils étaient de ces « orgueilleux » que les hommes tiennent pour « heureux » (voir Mal. 3:15, 16). Ils étaient par conséquent dans la même ignorance que le méchant Hérode.
Mais il y a pire. Il n’est pas étonnant, nous le répétons, qu’Hérode
ait été troublé en apprenant la nouvelle, car pour lui c’était apparemment un
rival qui élevait des prétentions à son trône. Pourtant, nous lisons qu’il « fut
troublé, et tout Jérusalem avec lui
».
Ainsi la naissance du Sauveur a été non pas un sujet de réjouissance, mais de
consternation pour le peuple même qui prétendait l’attendre ! Il y avait
donc là quelque chose de fondamentalement mauvais, puisque ce n’était alors que
la réaction de leurs sentiments pervertis : ils ne l’avaient pas vu et
lui-même n’avait encore rien fait : ils pressentaient seulement que sa
venue allait plutôt mettre un frein à leur volonté propre que représenter l’accomplissement
de leurs espérances.
Ces hommes étaient pourtant tous bien versés dans les Écritures. Ils pouvaient donner une réponse prompte et correcte à la question d’Hérode, et citer Michée 5:2. Ils avaient la connaissance qui enfle et ne connaissaient par conséquent rien comme il faut connaître (voir 1 Cor. 8:1, 2) ; ainsi ils mettaient leur savoir au service de l’adversaire. Le « grand dragon roux » (Apoc. 12:3-5) de l’Empire romain, dont Hérode était le représentant local, se tenait prêt à dévorer le « Fils mâle », et eux, ils étaient là, disposés à l’aider. C’est qu’ils avaient cette sorte de fausse connaissance des Écritures, et cela peut bien nous servir d’avertissement.
Le passage qu’ils citent place le Seigneur devant nous comme un « conducteur »
qui paîtrait son peuple. En Michée, Israël seul est en vue, mais nous savons
que la domination du Seigneur sera universelle. Nous avons là le troisième
caractère sous lequel Il nous est présenté. Nous voyons, en JÉSUS, Dieu venu
pour sauver
; en EMMANUEL, Dieu
venu pour demeurer
; dans le
CONDUCTEUR, Dieu venu pour régner
. Sa
pensée a toujours été de demeurer avec les hommes, dirigeant tout selon son bon
plaisir ; et pour accomplir cela il devait d’abord venir pour sauver.
La naissance du petit enfant à Bethléhem était le gage que chacun de ces trois caractères se réaliserait ; et si Jérusalem était ignorante et hostile, il y avait des Gentils d’Orient attirés par sa venue, qui ont reconnu en lui le Roi des Juifs. Quelle condamnation terrible pour les chefs religieux de Jérusalem ! Les bergers de Luc 2 apprennent sa naissance dans les quelques heures qui suivent ; les mages d’Orient dans les quelques jours, ou semaines tout au plus ; tandis qu’il faut attendre plusieurs mois avant que la moindre information sur ce qui s’était produit parvienne aux sacrificateurs et aux scribes. Dieu a parlé à ces sages, d’abord par une étoile, puis par un songe, mais il n’a rien dit du tout aux fanatiques de Jérusalem. Et pourtant, il y avait eu un temps où celui d’entre eux qui était souverain sacrificateur était en relation avec Dieu par les urim et les thummim. Maintenant Dieu gardait le silence à leur égard. Ils étaient dans l’état qui nous est décrit en Malachie, et probablement dans un état pire encore.
En Hérode, nous avons un mélange de puissance sans scrupule et de ruse. Contrarié par la manière de procéder des mages, il pense parvenir à ses fins en faisant tuer tous les enfants de Bethléhem. La fixation de la limite d’âge à deux ans semblerait indiquer que la période entre l’apparition de l’étoile et l’arrivée des mages à Jérusalem, a duré plusieurs mois. Son ordre impitoyable et méchant a été un accomplissement de Jérémie 31:15. Si nous lisons ce verset dans son contexte, nous verrons que sa réalisation finale et complète aura lieu dans les derniers jours, lorsque Dieu mettra enfin un terme aux larmes de Rachel en ramenant ses enfants du pays de l’ennemi. Néanmoins ce qui s’est passé à Bethléhem était analogue, quoique sur une plus petite échelle.
Toujours est-il qu’Hérode s’oppose à Dieu, qui réduit à néant ses intentions en envoyant pour la deuxième fois son ange à Joseph dans un songe. Le petit enfant est emmené en Égypte, le verset d’Osée 11:1 trouvant ainsi un accomplissement remarquable, et Jésus commence à refaire l’histoire d’Israël. Dieu n’a eu aucune difficulté à déjouer les mauvais desseins d’Hérode ni, peu après, à s’occuper d’Hérode lui-même. Matthieu ne s’attarde pas à nous décrire sa fin ; il nous rapporte simplement que, « Hérode étant mort », l’ange du Seigneur s’est adressé une troisième fois à Joseph dans un songe, lui disant de retourner dans la terre d’Israël, celui qui cherchait la vie du petit enfant étant mort.
L’intention première de Joseph était évidemment de revenir en Judée. Mais apprenant qu’Archélaüs avait succédé à son père, la crainte le fait hésiter. Alors, pour la quatrième fois, Dieu lui donne des instructions par un songe. Et ainsi Marie, le petit enfant et lui-même sont ramenés à Nazareth, son lieu d’origine, comme Luc nous l’apprend. La manière dont Dieu a dirigé tous ces déplacements — en partie par des circonstances, tel le décret d’Auguste ou les nouvelles concernant Archélaüs, et en partie par des songes — est riche en enseignement. Les desseins de l’adversaire ont été ainsi déjoués. Malgré tout ce qu’il pouvait faire, le « portier » maintenait la porte de la « bergerie » ouverte pour que le vrai Berger puisse entrer. Et les Écritures étaient accomplies : non seulement Jésus a été conduit hors d’Égypte, mais il a été connu comme le Nazaréen.
En fait aucun prophète de l’Ancien Testament n’a annoncé
littéralement qu’il serait un « nazaréen » ; mais plusieurs ont
dit qu’il serait l’objet du mépris et de l’opprobre. Aussi le verset 23
nomme-t-il « les prophètes », et non pas l’un d’entre eux en
particulier. Ils ont annoncé qu’il serait méprisé, ce qui, au temps du
Seigneur, était exprimé par l’épithète « nazaréen ». La nouvelle
traduction anglaise de J.N. Darby — l’édition
complète avec notes — donne un commentaire précieux sur ce verset, en relation
avec les termes exacts employés pour l’accomplissement (« en sorte que
fût accompli »), en
contraste avec les expressions que nous avons trouvées précédemment, aux
chapitres 1:22 (« afin que fût accompli ») et 2:17 (« Alors fut
accompli »). Cela montre la précision avec laquelle les citations de l’Ancien
Testament sont faites. C’est une note qu’il vaut la peine de lire (*).
(*) On la trouve aussi dans les « Études sur la Parole de Dieu » par J.N.Darby Nouveau Testament, Vol. 1, p. 40 (seconde partie de la note 2) (Ed).
Nazaréen est le quatrième nom donné à notre Seigneur dans ce premier évangile. Nous avons vu qu’Il est Jésus, Emmanuel, Conducteur, mais Il est également le Nazaréen. Dieu peut venir au milieu des hommes pour sauver, pour demeurer, pour régner ; mais hélas ! Il sera « méprisé et délaissé des hommes ».
Le troisième chapitre présente Jean le Baptiseur sans aucun préambule quant à sa naissance ou à son origine. Il accomplissait la prophétie d’Ésaïe. Il prêchait dans le désert, loin des lieux fréquentés par les hommes. Son vêtement et sa nourriture le distinguaient des autres. Le thème de sa prédication était la repentance, parce que le royaume des cieux était proche. C’était un ministère absolument unique. Quel autre prédicateur a jamais choisi un désert comme sphère géographique de son ministère ? Philippe l’évangéliste a certes été vers le midi dans un désert pour y rencontrer une personne déterminée ; mais la puissance de Dieu était si manifestement avec Jean que les foules sortaient vers lui, et demandaient à être baptisées, confessant leurs péchés.
Dans cet évangile, « le royaume des cieux » est
fréquemment mentionné, il l’est ici pour la première fois. Matthieu ne donne
pas d’explication ni n’en rapporte aucune que Jean aurait fournie ; la
raison en est sans doute que le livre de Daniel avait annoncé la venue d’un
jour où le « Dieu des cieux » établirait un royaume et où tous
connaîtraient que « les cieux dominent ». Par conséquent, l’expression
ne devait pas être inconnue à ses auditeurs ou à un lecteur juif. Le même
prophète avait eu une vision du Fils de l’homme venant avec les nuées des cieux
pour prendre le royaume, ses saints le possédant avec lui. Maintenant, le
royaume s’était approché
: « Jésus
Christ, Fils de David
» était
présent au milieu des hommes.
Lorsqu’une œuvre de Dieu vraie et puissante se produit, les hommes n’aiment pas en être laissés à l’écart, surtout s’ils sont des chefs religieux ; c’est ainsi que nous voyons des pharisiens et des sadducéens venir au baptême de Jean. Mais Jean les recevait avec un discernement prophétique. Il démasquait les caractères du serpent qui étaient les leurs et les avertissait de la colère qui allait venir sur eux. Il savait qu’ils se vanteraient de descendre d’Abraham, mais il leur retire cet argument en montrant que leur origine n’aurait pas de valeur devant Dieu. La seule chose nécessaire était la repentance, et c’est ce que son baptême avait en vue. Mais cette repentance devait être réelle et se manifester par des fruits qui conviennent. Jacques, dans son épître, insiste sur le fait que la foi, si elle est réelle et pour la vie, doit s’exprimer par des œuvres correspondantes. Ici Jean demande exactement la même chose en relation avec la repentance.
Ces versets, au milieu du chapitre 3, font ressortir ce qui allait mal. Le vrai Fils de David et d’Abraham étant là, le royaume était proche, et une simple relation de descendance avec Abraham ne servirait à rien. Moïse leur avait donné la loi ; Élie les avait ramenés à la loi quand ils l’eurent abandonnée ; Jean ne faisait que leur adresser un clair appel à la repentance, et cela revenait à dire : « Sur la base de la loi, vous êtes perdus ; il ne vous reste rien d’autre à faire que de le reconnaître honnêtement, avec humilité et tristesse ». La grande masse, pour sa ruine, n’était pas préparée à cela.
Jean annonçait aussi la venue du Tout-Puissant
dont il était le précurseur. Il n’y avait pas de comparaison possible entre
celui qu’il annonçait et lui-même, et il le reconnaissait en disant qu’il n’était
pas digne de porter même les sandales de ses pieds. Il mettait aussi en
contraste le baptême d’eau dont il baptisait avec le baptême de l’Esprit Saint
et de feu. Celui qui allait venir, qui était plus grand que lui, aurait un
discernement parfait pour séparer le froment de la balle. Les uns
, il les baptisera de l’Esprit Saint, les autres
du feu du jugement ; et les résultats seront
éternels, car le feu sera inextinguible.
Ces paroles de Jean doivent avoir été terriblement exerçantes, et elles auront leur accomplissement à l’aube du millénium. L’Esprit sera alors répandu sur toute chair, c’est-à-dire sur tous ceux qui ont été rachetés — et non pas sur les Juifs seulement. D’un autre côté, les méchants s’en iront dans le feu éternel, comme la fin du chapitre 25 de notre évangile le montrera. Entre-temps, il y aura un accomplissement anticipé du baptême de l’Esprit, dans l’établissement de l’Église, comme nous le voyons en Actes 2. Dans notre chapitre, le contexte indique clairement que le « feu » est une allusion au jugement, et non pas aux langues comme de feu du jour de la Pentecôte ou quelque autre manifestation de bénédiction similaire.
Quand Jésus entra dans son ministère, son premier acte fut de venir auprès de Jean pour être baptisé par lui, et cela malgré l’objection soulevée par ce dernier. La protestation de Jean a servi à mettre en évidence le principe selon lequel le Seigneur agissait. Il accomplissait la justice. Il n’avait pas de péchés à confesser, mais ayant pris la place de l’homme, il était convenable qu’il s’identifie avec les fidèles qui, eux, prenaient par là leur vraie position devant Dieu. C’est ce que des hommes de Dieu avaient fait autrefois — Esdras et Daniel, par exemple — confessant comme étant leurs des péchés desquels ils n’étaient guère responsables, bien qu’étant eux-mêmes des pécheurs. Maintenant Celui qui est sans péché est là et il le fait d’une manière parfaite. Et pour éviter toute confusion, au moment même où il le fait, les cieux lui sont ouverts, première grande manifestation de la Trinité, et la voix venant des cieux déclare qu’il est le Fils bien-aimé en qui le Père trouve son plaisir. Sous la forme d’une colombe, l’Esprit descend sur Celui qui va lui-même en baptiser d’autres de ce même Esprit.
Jésus ne prenait pas seulement la place de l’homme. Il prenait plus particulièrement celle d’Israël. Les Israélites ont été appelés hors d’Égypte lorsqu’ils ont été baptisés pour Moïse dans la nuée et dans la mer ; ensuite ils sont entrés dans le désert. Nous venons de voir Jésus appelé comme Fils de Dieu hors d’Égypte, et maintenant il est baptisé ; puis au début du chapitre 4, nous voyons l’Esprit qui était descendu sur lui, le conduire aussitôt dans le désert pour être tenté par le diable. Quel contraste ! Israël, dans le désert, a tenté Dieu et a failli en toutes choses. Jésus a été tenté lui-même et il est sorti vainqueur de tout.
Pourtant, les tentations dont il a été assailli par le diable étaient semblables à celles qu’Israël a connues dans le désert, car il n’y a rien de nouveau dans les tactiques de l’adversaire. Israël a été tenté par la faim, et par sa position privilégiée en relation avec Dieu — nous le voyons plus particulièrement dans le cas de Coré, de Dathan et d’Abiram — et par des séductions pour les entraîner à adorer et servir un autre que l’Éternel : ils ont succombé et ont adoré le veau d’or. Jésus a répondu à chacune des tentations par la parole de Dieu. Dans chacune des occasions, il a cité un court passage du livre du Deutéronome rappelant à Israël ses responsabilités. Le peuple a failli dans celles-ci, et Jésus y a répondu en perfection, dans chaque détail.
Le diable met toujours en doute la Parole divine. Comparez le
verset 17 du chapitre 3 avec les versets 3 et 6 du chapitre 4 et vous verrez
combien c’est frappant. À peine Dieu a-t-il dit : « Celui-ci est mon
Fils bien-aimé », que Satan répète deux fois : « Si
tu es Fils de Dieu ». Le petit
mot « si » est le terme de prédilection du diable ! Jésus lui
répond par la parole de Dieu. Cette Parole est aussi indispensable à la vie
spirituelle de l’homme que le pain l’est à sa vie naturelle. Et l’homme a
besoin de toute
parole que Dieu a
prononcée, et non pas seulement de quelques passages. Notre vie spirituelle
trouve-t-elle sa nourriture dans « toute parole qui sort de la bouche de
Dieu » ?
La tentation de Jésus par le diable montre à l’évidence que ce dernier existe réellement. Dès l’époque de Genèse 3, il s’est employé à séduire les hommes en faisant appel à leurs convoitises et à leur orgueil. En Jésus, il rencontrait quelqu’un qui n’avait ni convoitise ni orgueil et qui répondait à chacune de ses attaques par la parole de Dieu ; vaincu par conséquent, il dut le laisser. Son vainqueur était un vrai homme qui avait jeûné quarante jours et quarante nuits et que les anges servaient. Jamais auparavant ils n’avaient servi leur Dieu de cette manière merveilleuse.
L’emprisonnement de Jean, comme nous l’indique le verset 12, est l’événement qui a marqué l’entrée effective du Seigneur dans son ministère public. Quittant Nazareth, il alla demeurer à Capernaüm, accomplissant ainsi la prophétie d’Ésaïe, en tout cas pour ce qui concerne sa première venue. Si nous lisons ce passage (Ésaïe 9:1-7), nous constaterons que, comme très souvent, les deux venues y sont envisagées. Sa venue brillait, semblable à une étoile devant les prophètes, mais ils ne savaient pas encore que c’était, pour ainsi dire, une étoile double. La Galilée verra la grande lumière de sa gloire, de même qu’ils ont vu alors la grande lumière de sa grâce. Le précurseur ayant été jeté en prison et ne pouvant plus parler, Jésus reprenait et confirmait son message de la repentance parce que le royaume était tout proche. L’évangile selon Jean nous montre que le Seigneur était actif dans son service avant ce moment-là. Il avait des disciples et était en Judée quand « Jean n’avait pas encore été jeté en prison » (3:24).
L’appel de Pierre, d’André, de Jacques et de Jean ne marque ainsi pas le début de leur relation avec Jésus. Celle-ci était plus ancienne et nous est rapportée en Jean 1. Il y a aussi eu évidemment des occasions où ces disciples ou d’autres sont allés avec le Seigneur avant d’être définitivement appelés à abandonner leurs occupations séculières et à lui consacrer tout leur temps. S’ils le suivaient, il ferait d’eux des pêcheurs d’hommes. Par l’application et l’étude, des hommes peuvent devenir de bons prédicateurs, mais lui seul peut faire des pêcheurs d’hommes. Il était lui-même le plus excellent en cela et, en marchant avec lui, ils apprendraient de lui et seraient animés du même esprit.
Dans les trois derniers versets du chapitre 4, Matthieu résume
les premiers jours du ministère de Jésus. Son message était « l’évangile
du royaume ». Il convient de le distinguer de « l’évangile de la
grâce de Dieu » qui est annoncé aujourd’hui. Ce dernier a pour grand thème
la mort et la résurrection de Christ, et proclame le pardon comme étant le
fruit de l’expiation accomplie. Le premier était la bonne nouvelle que le
royaume annoncé par les prophètes leur était maintenant apporté en Lui. S’ils
se soumettaient à l’autorité divine dont il était investi, la puissance du royaume
s’exercerait en leur faveur. Pour le prouver, il manifestait la puissance du
royaume en guérissant les hommes dans leur corps. Tous les maux et les
tourments physiques étaient ôtés, gage du fait qu’il pouvait guérir toute
maladie spirituelle. Ce déploiement de la puissance
du royaume, allié à la prédication
du
royaume, exerçait beaucoup d’attrait et de grandes foules le suivaient.
Le Seigneur s’adresse ensuite à ses disciples (bien que la foule
soit présente), pour leur enseigner les principes
du royaume. Tout d’abord, il leur montre quelles sortes de gens posséderont le
royaume et jouiront de ses bénédictions. Dans les royaumes de la terre, si un
homme veut réussir aujourd’hui, il doit être plein de confiance en lui-même et
de dynamisme ; pour le royaume des cieux, c’est le contraire. L’Ancien Testament l’indiquait déjà : le Psaume 37, par
exemple, dans son verset 11 en particulier, l’établit clairement ; mais le
Seigneur nous en donne ici une présentation beaucoup plus large. Il esquisse
devant nos yeux un tableau moral du résidu pieux qui entrera à la fin dans le
royaume. Il mentionne huit caractères, commençant par la pauvreté en esprit et
finissant par la persécution, ce qui correspond à un ordre moral. La repentance
produit la pauvreté en esprit, et c’est par là que tous doivent commencer. Puis
viennent le deuil et la douceur, produits par une vraie connaissance de soi et
accompagnés par la soif de la justice qui se trouve en Dieu seul. Le disciple
caractérisé par cela revêt alors les traits mêmes de Dieu — miséricorde,
pureté, paix. Mais le monde ne veut ni de Dieu ni de son caractère, aussi la
persécution met-elle un point final à la liste.
La bénédiction présentée dans les versets 3 à 10 sera pleinement
réalisée dans le royaume des cieux, lorsqu’il sera établi sur la terre. Dans
chacune de ces béatitudes, à l’exception de la dernière, les fidèles sont
décrits d’une manière impersonnelle tandis que dans les versets 11 et 12, le
Seigneur s’adresse à ses disciples personnellement. Le « ceux
» du verset 10 se transforme en « vous
»
au verset 11 ; et alors, parlant à ses disciples, une récompense est
promise dans les cieux. Il savait que ces disciples-là étaient appelés à entrer
dans un ordre de choses nouveau et céleste ; aussi tout en réaffirmant des
choses vieilles de façon plus claire, il commence à indiquer quelques-unes des
choses nouvelles qui allaient survenir. Le changement dans ces deux versets est
frappant et souligne le caractère du « Sermon sur la montagne », dans
lequel le Seigneur résume son enseignement et le relie à celui de Moïse. En
Jean 13 à 16, passage que nous pouvons appeler « le sermon dans la chambre
haute », nous le voyons donner une portée plus étendue à son enseignement
et le rapporter à la pleine lumière qu’il dispenserait quand le Saint Esprit
serait venu.
Ses disciples seraient bienheureux quand ils seraient persécutés
à cause de Lui ; ils devaient l’admettre et s’en réjouir. Nous reculons
naturellement devant la persécution, mais l’histoire prouve la véracité de ces
paroles. Ceux qui s’identifient pleinement et ouvertement à Christ ont à
souffrir, mais ils sont soutenus et récompensés ; tandis que ceux qui
cherchent à échapper à la persécution par des compromis perdent toute la
récompense et sont misérables. En outre, c’est lorsque le disciple est
persécuté par le monde qu’il est de façon très nette « le sel de la terre »
et « la lumière du monde ». Le sel préserve et la lumière éclaire.
Nous ne pouvons avoir aucune saveur sur
la terre si nous sommes de
la terre.
Nous ne pouvons rayonner dans
le
monde si nous sommes du
monde. Or
rien ne contribue davantage à nous maintenir distincts et séparés de la terre
et du monde que la persécution de la part de celui-ci, peu importe la forme qu’elle
revête. Persécuté pour Christ, le disciple est du sel qui sale véritablement et
il émet également un maximum de lumière. Cette parole du Seigneur ne nous
révèle-t-elle pas la raison cachée d’une grande partie de notre faiblesse ?
Remarquez aussi que la lumière est censée luire dans la vie
pratique, non pas seulement dans le domaine théologique. Les hommes ne sont pas
appelés à la discerner, exprimée en paroles
,
dans la clarté ou l’originalité de nos enseignements, mais plutôt dans nos
actes et nos œuvres
. Ils devraient
certes entendre nos bonnes paroles, mais ils doivent avant tout voir nos bonnes
œuvres si nous voulons que notre lumière luise devant eux. Le mot employé pour « bonnes »
ici ne signifie pas précisément que ce sont des œuvres de bonté
, mais plutôt des œuvres droites
ou honnêtes
. De telles actions ont
leur source dans le Père qui est dans les cieux ; elles répandent sa
lumière et le glorifient.
À partir du verset 17 et jusqu’à la fin du chapitre 5, nous voyons le Seigneur montrer la relation entre ce qu’il enseignait et ce qui avait été donné par Moïse. Il n’était pas venu pour annuler ou détruire ce qui avait été donné précédemment, mais pour l’accomplir. Il était la confirmation et la réalisation de tout ce qui avait été dit (v. 18, 19), et aucune parole prononcée par Dieu ne devait être supprimée. De plus, comme le verset 20 l’indique, il insistait sur le fait que la justice exigée par la loi surpassait de loin tout ce que les scribes et les pharisiens superficiels de son temps pouvaient connaître ou admettre. Ils observaient une obéissance technique dans le domaine cérémoniel, et ils ignoraient l’esprit véritable de la loi et le but que Dieu avait en vue. Leur justice ne conduisait pas au royaume des cieux.
Par conséquent, il va leur montrer que les exigences de la loi avaient une signification d’une richesse insoupçonnée, et il ne cite pas moins de six points pour illustrer son thème. Il évoque le sixième et le septième commandements ; puis la loi quant au divorce en Deutéronome 24:1, et quant aux serments en Lévitique 19:12 ; ensuite le principe de la rétribution tel qu’il est énoncé en Exode 21:24 et ailleurs ; enfin cette justification de la haine à l’égard de ses ennemis, telle qu’on la trouve en Deutéronome 23:6.
Quant aux deux commandements qu’il cite, il enseigne clairement que Dieu a égard non seulement à l’acte extérieur, mais aussi à la disposition intérieure du cœur. L’interdiction ne porte pas uniquement sur le fait de tuer ou de commettre adultère, mais sur la haine et la convoitise qui trouvaient leur expression dans l’acte. Jugé d’après ce critère, qui peut tenir devant les saintes exigences du Sinaï ? La « justice » du scribe et du pharisien s’effondre complètement. Toutefois dans les deux cas, après avoir exposé ce fait, le Seigneur ajoute encore quelques enseignements.
Dans les versets 23 à 26, il montre deux choses importantes : d’abord que Dieu n’accepte aucun don offert quand il y a un différend entre soi et son prochain. Nous ne pouvons réparer un tort fait à autrui par une profession de piété envers Dieu. On ne peut s’approcher de Dieu que lorsque la réconciliation est intervenue. Puis, secondement, si l’affaire qui cause de l’inimitié est portée devant la justice, la loi doit être appliquée indépendamment de la miséricorde. Les paroles du Seigneur ont ici sans doute une signification prophétique. Les Juifs comme nation allaient faire valoir leur cause contre Lui, qui devenait ainsi leur « partie adverse », et cela aboutirait à leur condamnation. Maintenant encore ils n’ont pas payé le dernier quadrant.
Dans l’exemple suivant, il nous indique aussi qu’un sacrifice n’a de valeur que s’il permet d’échapper à la géhenne.
Dans les troisième et quatrième cas (v. 31-37), le Seigneur nous montre de nouveau que ce qui a été ordonné par Moïse n’exprimait pas toute la pensée de Dieu. Tant le divorce que les serments étaient autorisés et ainsi le niveau que les hommes devaient atteindre n’était pas trop élevé. Les deux sujets sont placés ici dans une lumière plus vive, et nous voyons qu’une seule chose peut être admise pour rompre le lien du mariage ; et aussi que la parole des hommes devrait être si claire et catégorique que recourir à des serments solennels, jurer par telle ou telle chose, est inutile. On ne peut pas faire confiance à un homme qui est obligé d’accompagner ses affirmations par un serment.
La loi stipulait encore, pour chaque tort infligé, une rétribution de nature identique. Elle enjoignait ce que nous appellerions le « coup pour coup » ; comme aussi elle autorisait à haïr son ennemi, tout en recommandant d’aimer son prochain. Le Seigneur infirme cela. Il enseigne le support et la grâce qui donne, plutôt que l’insistance sur ses droits ; et également l’amour qui bénit et fait du bien à l’ennemi. Tout cela pour que ses disciples soient absolument distincts des pécheurs du monde, et se montrent dans le caractère de Dieu lui-même.
Dieu leur est présenté non pas comme l’Éternel, le Législateur, mais comme « votre Père qui est dans les cieux ». C’est-à-dire qu’il est maintenant révélé sous une lumière nouvelle. Telle est ici la ligne directrice des enseignements du Seigneur, car si nous le connaissons sous ce jour nouveau, nous découvrons qu’il est caractérisé par la bonté envers les injustes et les méchants ; et dans notre mesure, nous avons à être ce qu’il est. Le ministère de Jésus mettait au jour une nouvelle révélation de Dieu, et celle-ci entraînait un nouveau critère de perfection. Nous devons paraître pratiquement comme les fils de notre Père qui est dans les cieux, car la perfection d’un fils, c’est d’être comme le Père.
Huit fois dans ce chapitre il répète : « moi, je vous
dis », et six fois, cette expression est précédée du mot « mais »,
pour établir le contraste entre sa déclaration et ce que la loi avait dit
précédemment. Nous pouvons bien demander : « Qui donc est celui-ci
pour citer la sainte loi de Dieu et affirmer ensuite calmement : « Mais moi, je vous dis
» — ceci et
cela ? En fait, il change et élargit la loi, ce que jamais aucun prophète
n’avait ose faire ! N’est-ce pas une présomption terrible, frôlant le
blasphème ? » Oui, certes, et seule une explication pourra le
blanchir de cette accusation. Mais cette explication est de poids : nous sommes ici en présence du vrai
Législateur, de Celui qui a parlé autrefois depuis le Sinaï
. Il est venu
sur la terre comme un Homme, Emmanuel. Emmanuel est monté sur une autre
montagne et il s’adresse maintenant non pas à une nation, mais à ses disciples.
Il a tous les droits d’élargir ou d’amender sa propre loi.
À la fin du chapitre 5, le Seigneur a placé ses disciples devant Dieu dans une lumière nouvelle ; au chapitre 6, c’est celle-ci qui est l’objet de tout l’enseignement. L’expression « votre Père », avec quelques légères variantes, ne revient pas moins de douze fois. L’enseignement porte sur quatre sujets : les aumônes (v. 1-4) ; la prière (v. 5-15) ; le jeûne (v. 16-18) ; les richesses terrestres et ce qui est nécessaire dans la vie (v. 19-34). La tendance et la coutume des Juifs étaient de traiter les trois premiers d’une manière technique, formelle, et de mettre tout l’accent sur le quatrième, d’y vouer toute leur attention. Le Seigneur Jésus les place tous dans la lumière que ses paroles venaient de projeter. Dans le chapitre 5, il leur avait montré un Dieu qui s’occupe des motifs intérieurs autant que des actions extérieures, et pourtant ce Dieu doit être connu comme un Père céleste. Remarquons encore qu’il répète : « Je vous dis ». Il n’enseigne pas comme les scribes qui basaient leurs affirmations sur les traditions des anciens ; nous devons recevoir ce qu’il dit simplement parce qu’il le dit.
Si nous nous appuyons sur les traditions, nous risquons bien de
nous trouver dans la position qui était celle des Juifs avec leurs aumônes,
leurs prières et leurs jeûnes. Pour eux c’était devenu autant de formes à
observer, pour frapper les yeux ou les oreilles des gens. En revanche, si nous
élevons nos pensées vers le Père qui est dans les cieux, qui s’intéresse de
près à ce qui nous concerne, tout doit devenir réel et vital, et être fait
devant Lui qui nous entend et nous voit. Le Seigneur répète trois fois au sujet
des simples formalistes : « Ils ont déjà leur récompense », c’est-à-dire
l’approbation et la louange de leurs semblables. Ils l’ont
; elle est tout entière dans le présent, et il n’y a rien
à attendre de plus. Au contraire, celui qui donne, ou prie, ou jeûne, remarqué
non par les hommes, mais par Dieu, sera récompensé ouvertement dans le jour à
venir.
Quant à la prière, il enseigne à prier non seulement dans le secret
, mais aussi brièvement
, ce qui est signe d’authenticité.
Quelqu’un qui demande avec un sentiment du besoin et un sérieux intenses va
directement au but avec le minimum de mots. Il ne va pas s’égarer dans un
dédale de circonlocutions. Les versets 9-13 nous donnent la prière modèle,
celle qui convenait exactement aux disciples dans leurs circonstances. Il y a
six requêtes. Les trois premières ont affaire avec Dieu : son nom, son
royaume, sa volonté. Les trois dernières sont en rapport avec nous : notre
pain, nos dettes, notre délivrance. Le Père céleste et ses droits doivent venir
en premier, et nos besoins ensuite. La bénédiction des hommes sur la terre
dépend de ce que la volonté de Dieu soit faite sur la terre, et il n’en sera
ainsi que lorsque son royaume sera établi.
Le pardon dont il est question dans les versets 14 et 15 est en relation avec les dettes du verset 12. Dans le saint gouvernement du Père céleste envers ses enfants, l’esprit implacable tombe sous Son châtiment. Si quelqu’un nous offense et que nous refusions de pardonner, nous nous privons du pardon gouvernemental de Dieu. Il ne s’agit pas ici du pardon pour l’éternité, puisque ceux auxquels le Seigneur s’adresse étaient des disciples pour qui cette grande question était déjà réglée.
Viennent ensuite des paroles très exerçantes à l’égard des richesses terrestres. Rien n’est plus profondément enraciné dans l’être humain que la tendance à poursuivre des trésors sur la terre, à s’en emparer et à les amasser, et pourtant ceux-ci sont à la merci des éléments naturels et de l’intervention d’hommes violents. Si nous connaissons réellement le Père qui est dans les cieux, nous trouverons notre trésor dans le ciel et là sera notre cœur ; il nous suffit d’avoir l’œil simple pour voir cela, et aussi toute autre chose clairement. Alors notre corps sera plein de lumière ; autrement dit, nous nous caractériserons nous-mêmes par la lumière. Nous ne pouvons être dominés que par Dieu ou par Mammon, car nous ne pouvons pas servir deux maîtres. Dieu et Mammon sont trop complètement opposés pour que cela soit possible.
En servant Dieu, qui est effectivement un Père céleste, nous nous plaçons sous ses soins attentifs et bienveillants. Il connaît tous nos besoins et s’en occupe. Nous sommes impuissants, incapables d’ajouter une coudée à notre taille ou de nous revêtir comme l’herbe des champs. Notre Père a une sagesse et une puissance infinies, et veille sur les plus humbles de ses créatures ; nous pouvons donc avoir une confiance absolue dans ses soins d’amour pour nous. C’est ainsi que nous ne devons être en souci de rien. Les hommes du monde se jettent sur les trésors de ce monde qui disparaissent si rapidement, et ils sont pleins de soucis pour les protéger et les utiliser. Tandis que nous pouvons nous reposer sur la sollicitude et l’amour de notre Père, et être libres de toute anxiété.
Tout cela est principalement négatif. Nous devons être délivrés
de l’anxiété et des soucis qui remplissent tant de cœurs ; mais c’est afin
que nous soyons libres pour chercher le
royaume de Dieu
, et pour le chercher premièrement
.
Au lieu de regarder avec appréhension le lendemain
,
nous sommes invités à remplir le jour
présent
de ce qui concerne le royaume, et ce royaume nous conduit dans les
voies de la justice.
Tel était le bon plaisir de Dieu pour les disciples qui suivaient le Seigneur quand il était avec eux ; et cela demeure son bon plaisir pour nous qui le suivons maintenant que son œuvre est parfaitement accomplie et qu’il est retourné au ciel. L’esprit qu’il inculquait était aussi étranger à la religion des pharisiens de son temps, qu’il l’est aujourd’hui à la religion de forme et mondaine.
Les enseignements du Seigneur, rapportés au chapitre 6, avaient
pour but de placer ses disciples dans des relations telles avec leur Père qui est dans les cieux
que Lui
remplisse leurs pensées, qu’il s’agisse d’aumônes, de prières, de jeûnes ou de
leur attitude à l’égard des richesses et des besoins de cette vie. Le chapitre
7 commence par des enseignements qui devaient régler leurs rapports avec leurs frères
, et aussi avec les incrédules
.
Juger son frère est une tendance très profondément ancrée dans
le cœur humain. Il n’est pas interdit de juger les choses ou un enseignement ;
nous y sommes encouragés — nous le voyons, par exemple, en 1 Corinthiens 2:15 ;
10:15 — mais juger des personnes est défendu. L’assemblée est appelée à juger,
dans certains cas, ceux qui en font partie, comme 1 Corinthiens 5 et 6 l’indiquent,
mais à part cela, le jugement des personnes est une prérogative du Seigneur.
Si, en dépit de l’interdiction du Seigneur, nous nous y complaisons, deux
peines suivront immanquablement, comme Jésus le dit ici. D’abord, nous serons
nous-même jugé, et il nous sera mesuré de l’exacte mesure dont nous aurons
mesuré les autres. Secondement, nous serons entraîné dans l’hypocrisie. Dès le
moment où nous nous mettons à juger les autres, nous devenons aveugle à nos
propres défauts. La petite imperfection de notre frère prend une proportion
énorme à nos yeux, et nous n’avons pas du tout conscience de notre propre gros
défaut, de nature à fausser notre vue spirituelle. La forme de jugement la plus
profitable pour chacun de nous est le jugement
de soi-même
.
Le verset 6 a en vue les impies, insensibles au bien et impurs dans leurs goûts. Les choses qui sont saintes et précieuses ne le sont pas pour eux ; et si malgré tout nous les leur présentons, ils les méprisent, et nous risquons de subir leur violence. Il est juste que nous soyons des dispensateurs des choses saintes de Dieu, mais pas envers de telles personnes.
Toutefois si nous sommes appelés à donner
, il nous faut d’abord recevoir
,
et c’est ce dont parlent les versets 7-11. Pour recevoir, nous devons nous
approcher de Dieu — demander, chercher, frapper. Une réponse de la part de
notre Père est assurée. Si nous demandons ce qui est nécessaire, nous le
recevrons, car il ne nous donnera pas à la place un objet sans valeur comme une
pierre, ou nuisible comme un serpent. Nous pouvons être certains qu’il nous
donnera « des bonnes choses », car son caractère de Père est céleste.
Ainsi sa mesure ne tombera pas au-dessous de celle d’un père sur la terre. Nous
pouvons appliquer ici Ésaïe 55:9, et déclarer que,
comme les cieux sont élevés au-dessus de la terre, ainsi ses pensées de Père
sont élevées au-dessus de nos pensées. Nous ne pouvons évidemment pas atteindre
son niveau. C’est pourquoi, au verset 12, le Seigneur ne demandait pas à ses
disciples une mesure au-delà de celle qui est établie par la loi et les
prophètes.
Dans les versets 13 et 14, le Seigneur regarde manifestement plus loin que ses disciples et s’adresse à la foule. Ceux qui la composaient se trouvaient confrontés au choix entre le chemin large et le chemin étroit, entre la destruction et la vie. Nous ne pouvons pas dire que la grâce de Dieu est étroite, car elle est apparue à tous les hommes ; ce qui est étroit, c’est le chemin du jugement de soi et de la repentance. Peu nombreux sont ceux qui le trouvent, et encore moins nombreux ceux qui le proclament. La majorité des prédicateurs préfère annoncer des vérités plus agréables.
Nous avons ensuite l’avertissement contre les faux prophètes. On
les reconnaît à leurs fruits, non pas à leurs belles paroles. Le fruit est le
résultat et l’expression suprême de la vie, et il révèle le caractère
de la vie dont il est l’aboutissement.
Le faux prophète a une vie fausse qui se manifeste nécessairement par des
mauvais fruits.
Il n’y a cependant pas seulement des faux prophètes ; il y a aussi des faux disciples — ceux qui font profession de fidélité au Seigneur, mais chez lesquels le lien vital de la foi manque. La foi vitale, comme le dit l’apôtre Jacques, doit s’exprimer par des œuvres. Tous ceux qui se placent vraiment sous la seigneurie de Christ par la foi, doivent obligatoirement être prêts à faire la volonté du Père qui est dans les cieux, que Lui représentait. Judas Iscariote offre une illustration terrible des versets 22 et 23. Certes il a accompli des œuvres de puissance comme les autres disciples, mais à la fin, il est apparu qu’une relation de foi réelle n’avait jamais existé, et qu’il n’était qu’un ouvrier d’iniquité.
Aussi le Seigneur termine-t-il son discours par la parabole des
deux maisons. Les constructeurs de l’une et de l’autre, le prudent et l’insensé,
étaient des auditeurs des paroles de Jésus, mais un seul d’entre eux les
mettait en pratique — le prudent. La parabole n’enseigne pas le salut par les œuvres,
mais le salut par cette foi vivante qui
conduit aux œuvres
. Si nous reportons nos pensées au sermon sur la montagne
nous verrons tout de suite que seule une foi véritable en Christ pouvait amener
quelqu’un à faire ce qu’il enseignait. Nous discernerons aussi combien ses
enseignements vérifiaient pleinement ses propres paroles du chapitre 5:17. Il
nous a donné la plénitude de la loi et des prophètes, tout en ajoutant une
lumière nouvelle au sujet du Père qui est dans les cieux, et en préparant par
là le chemin pour la lumière plus complète de la grâce qui allait briller comme
fruit de sa mort et de sa résurrection. C’est l’autorité avec laquelle il
parlait qui frappait la foule. Les scribes s’appuyaient sur les enseignements
des rabbins d’autrefois, tandis qu’il disait les choses qu’il connaissait de
Dieu et avec Dieu.
Les trois chapitres dans lesquels Matthieu nous rapporte les enseignements du Seigneur sont suivis par deux autres qui nous montrent ses œuvres de puissance. Jésus ne se contentait pas d’énoncer les principes du royaume ; il en manifestait la puissance dans une variété de manières propres à attirer l’attention. Il y a cinq illustrations principales de cette puissance dans le chapitre 8, et autant dans le chapitre 9. Dans chacun des cas, nous pouvons dire que le miracle accompli par le Seigneur en relation avec des besoins extérieurs et visibles, prouvait qu’il pouvait s’occuper des besoins plus profonds de l’âme.
Le premier cas est celui de l’homme atteint de lèpre, une image
du péché dans sa puissance en souillure
,
en corruption
. Le pauvre homme était
convaincu de la puissance de Jésus, mais pas pleinement persuadé de sa grâce.
Toutefois, le Seigneur le délivre instantanément en le touchant et en
prononçant une parole de puissance. Quatre mots seulement : « Je
veux, sois net », et la chose est accomplie ; constituant un
témoignage aux sacrificateurs — si l’homme a fait comme il lui a été dit — que
la puissance de Dieu était là au milieu d’eux.
Le deuxième cas, celui du centurion d’entre les Gentils et de
son serviteur, illustre l’impuissance
que le péché produit. Ici de nouveau, la puissance de la parole du Seigneur est
mise en évidence. Le centurion lui-même le souligne, car il connaissait la
puissance que revêt un ordre dans le système militaire romain, par exemple. Le
rang de centurion n’était pas élevé, pourtant ceux qui étaient placés sous ses
ordres lui obéissaient sans discuter ; et la foi de cet homme découvrait
en Jésus Celui qui pouvait accomplir un miracle. Le Seigneur qualifie sa foi de
grande et de supérieure à tout ce qu’il avait trouvé en Israël ; il
prononce la parole nécessaire et le serviteur est guéri. Il annonce également
que plus d’un Gentil venant de loin entrerait dans le royaume avec les
patriarches d’Israël, alors que ceux qui considéraient cette place comme leur
droit acquis seraient jetés dans les ténèbres de dehors.
Le troisième cas est celui de la belle-mère de Pierre. Ici,
Jésus la touche et elle est instantanément guérie ; il ne nous est pas dit
qu’il ait prononcé une parole. Qu’il s’agisse du contact de sa main et de sa
parole comme pour le lépreux, ou de sa parole seule comme pour le serviteur du
centurion, ou seulement d’un contact, dans chacun des cas le résultat est
identique — c’est la délivrance immédiate. Il n’y a pas eu de convalescence
après la fièvre : la femme s’est aussitôt levée et a servi les autres. Le
péché entraîne un état d’esprit et d’âme
fébrile
, qui disparaît au contact du Seigneur.
Dans les versets 16 et 17, nous avons d’abord un résumé de ses nombreuses œuvres de puissance et de grâce, le soir étant venu ; puis la citation d’Ésaïe 53, qui nous révèle la manière et l’esprit dans lesquels il accomplissait ces choses. Certains ont utilisé à tort les paroles citées, leur faisant dire que, sur la croix, Jésus a porté nos maladies, et que, par conséquent, le croyant ne devrait jamais être malade. Nous avons ici la vraie application de ce passage. Il ne soulageait pas les hommes sans ressentir leurs peines et leurs maladies. Il portait dans son esprit le poids des maux qu’il chassait par sa puissance.
Les incidents rapportés dans les versets 18-22 nous montrent que comme pour notre délivrance, notre service doit résulter de l’appel de sa parole d’autorité. Un certain scribe s’engage à le suivre sans avoir reçu Son appel. Le Seigneur lui indique aussitôt ce qu’impliquerait de le suivre, lui, le Fils de l’homme qui n’avait pas un lieu où reposer sa tête. Mais inversement, son appel suffit. Celui qui voulait donner la première place à un devoir terrestre était déjà un disciple. L’appel et le droit du Maître doivent être absolument impératifs. Le verset 23 nous montre qu’il avait des disciples qui reconnaissaient ses droits et le suivaient ; ils lui offrent dans leur nacelle une place où reposer sa tête. Mais, même ainsi, marcher à sa suite les entraîne dans des difficultés.
Cela nous amène au quatrième de ces cas significatifs — la
tempête sur la mer, type de la manière dont la
puissance du diable déchaîne la mer agitée de l’humanité
. Pour Jésus ce n’était
rien et il dormait paisiblement. Mais au cri de ses disciples, il se lève et
reprend ces puissants éléments de la nature. De même qu’un homme donne un ordre
à son chien et que la bête obéissante vient se coucher à ses pieds, ainsi les
vents et la mer se calment à la voix de leur Créateur.
Arrivé à l’autre rive, le Seigneur se trouve en face de deux
hommes possédés par des serviteurs du diable. L’un d’entre eux peut être
comparé à une forteresse spéciale tenue par toute une légion de démons, comme
nous l’apprennent Marc et Luc, mais ils étaient bien évidemment deux et ainsi
un témoignage suffisant était donné à la
puissance de Jésus sur l’Ennemi
. Les démons le connaissaient et ils
savaient qu’ils n’avaient pas le pouvoir de résister à sa parole ; aussi
demandent-ils la permission d’entrer dans le troupeau de pourceaux impurs, qui
ne se serait jamais trouvé là si Israël avait marché selon la loi. D’après le
récit qui nous est donné, Jésus ne prononce qu’une seule parole — « Allez ».
Aussitôt les hommes sont délivrés, et les pourceaux détruits.
Nous avons considéré jusqu’ici quelques manifestations de la
puissance du Seigneur ; avant de quitter ce chapitre, voyons la réponse qu’elle
a reçue de la part des hommes. Il y a un contraste frappant entre la « grande
foi » du centurion et la « petite foi » des disciples dans la
tempête. La grande foi est caractérisée par deux choses que nous trouvons au
verset 8. Le centurion déclare : « Je ne suis pas digne
», se condamnant lui-même, et se mettant
ainsi de côté. Il ajoute, à l’adresse du Seigneur : « Dis seulement une parole ». Il ne
faisait aucun cas de lui-même, mais avait une haute opinion du Seigneur
—
si haute qu’il était prêt à donner foi à sa parole sans aucun support
extérieur. On voudrait souvent que la parole du Seigneur soit confirmée par des
sentiments, par la raison ou par l’expérience ; mais une grande foi
résulte de la découverte en Jésus de quelqu’un de si grand que sa seule parole
suffit.
Pour les disciples, c’était juste le contraire. Leurs pensées
étaient concentrées sur eux-mêmes. C’était : « Sauve-NOUS
! NOUS périssons
». Lorsque Jésus eut calmé la tempête,
ils s’en étonnèrent, disant : « Quel est celui-ci ? » Oui,
en effet, quel était-il ? S’ils l’avaient véritablement connu, ils
auraient été surpris qu’il n’ait pas fait valoir sa puissance. Le fait est qu’ils avaient une haute opinion d’eux-mêmes et
une bien petite du Seigneur
; c’est là une petite foi. Aussi s’étonnent-ils
en le voyant agir ; tandis que dans le cas du centurion, c’est Jésus qui s’étonne
de sa foi. Pourtant, malgré leur petite foi, ils l’aimaient et le suivaient.
Au début du chapitre, nous avons une foi en défaut
chez le lépreux. Il voyait clairement la puissance de
Jésus, mais ne discernait guère son bon vouloir. À la fin du chapitre, nous
trouvons des hommes qui n’avaient pas de foi du tout.
Peu leur importait que des démons aient été chassés, car une délivrance spirituelle ne signifiait pas grand-chose pour eux. Ce qui comptait, c’était la perte de leurs pourceaux. Ils n’estimaient pas Jésus, mais bien leurs pourceaux ! Figure appropriée des hommes du monde qui ont l’œil à toute sorte de gain matériel, mais qui n’ont pas de cœur pour Christ. Ceux-ci n’ont en définitive rien gagné, tandis que tous les autres ont reçu. Remarquez le fait précieux que la foi défectueuse et la faible foi ont obtenu la bénédiction tout aussi réellement et aussi pleinement que la grande foi. La bénédiction n’est pas en proportion de la qualité ou de la quantité de foi, mais elle dépend de la pure grâce du Seigneur.
Les Gergéséniens ne désirant pas sa présence, Jésus passe de nouveau à l’autre rive et rencontre aussitôt d’autres personnes dans le besoin. Dans le chapitre 9, nous voyons comment il délivre l’homme frappé de paralysie, la femme malade, la fille de Jaïrus, les deux aveugles et le muet démoniaque — de nouveau une quintuple manifestation de la puissance du royaume qui s’était approché dans sa Personne.
Dans le premier de ces cas, le Seigneur établit clairement la relation existant entre le miracle qu’il opérait pour le corps et la bénédiction spirituelle correspondante ; le premier facilement visible, la seconde cachée. En réponse à la foi des hommes qui ont amené le paralytique, le Seigneur va directement à la racine du mal et prononce le pardon des péchés. Comme celui-ci est mis en question, il prouve son pouvoir de pardonner par sa puissance de transformer la condition physique de l’homme. Ses détracteurs ne pouvaient ni pardonner les péchés ni guérir la paralysie. Il pouvait, lui, l’un et l’autre. Les foules le constatent et glorifient Dieu.
Les versets 9-17 rapportent un incident concernant Matthieu lui-même. Ceux qui connaissent la puissance terrible que l’argent exerce sur l’esprit humain pourraient presque qualifier de miracle l’appel relaté au verset 9. Matthieu était assis dans son bureau de recette, tout entier à la tâche agréable d’encaisser de l’argent, lorsqu’il entend ces deux mots de la bouche de Jésus — « Suis-moi ». Celui qui l’appelle prend une telle dimension à ses yeux, que l’argent s’en trouve détrôné et perd son attrait — un vrai miracle assurément ! Il se lève et suit Jésus.
C’est dans sa
maison
que Jésus se met à table avec des publicains, des pécheurs et ses disciples ;
ainsi maintenant Matthieu débourse de l’argent au lieu d’en recevoir. Ce sont
les autres évangélistes qui nous le disent, alors que Matthieu, avec une
modestie bienséante, ne le mentionne pas. La scène entière est une offense pour
les pharisiens, mais elle permet d’établir en quelques mots quelle est la
mission de Jésus. Les pharisiens ne s’étaient pas arrêtés aux paroles du
Seigneur par Osée, selon lesquelles il préférait l’exercice de la miséricorde à
l’offrande de sacrifices cérémoniels — une parole que bien des pharisiens
modernes ignorent aussi — et ils ne connaissaient pas sa mission envers ceux
qui étaient malades spirituellement : appeler des pécheurs à la
repentance. S’il était venu appeler « des justes », les pharisiens
seraient accourus en foule, mais ils auraient tous été renvoyés, puisque selon
le critère divin, il n’y a pas de « justes ».
La question soulevée par les disciples de Jean amène une déclaration supplémentaire. Après avoir appelé des pécheurs à la repentance, il se les attache comme étant « les fils de la chambre nuptiale » et les introduit dans une position de liberté, en contraste avec le respect des exigences de la loi. Dans les jours qui viendraient, pendant son absence, il y aurait un jeûne d’une autre sorte. Mais il ne pouvait pas y avoir de véritable mélange entre les choses nouvelles qu’il apportait et l’ancien système légal. Le vin nouveau du royaume doit être mis dans des outres neuves. Essayer de retenir à l’intérieur de formes légales la grâce du royaume qui s’étend à tous donne un résultat désastreux. La grâce est perdue et les formes sont ruinées.
Comme il leur disait ces choses, d’autres incidents surviennent
qui, dans une certaine mesure, servent d’illustration à ses paroles. Alors qu’il
est en route pour ressusciter la fille de Jaïrus, il
est arrêté par la foi hardie de la femme qui avait une perte de sang. Elle
faisait partie de ces malades qui avaient besoin du Médecin. Son acte de foi
dérangeait le programme, mais qu’était-ce pour Celui qui trouve son plaisir
dans la miséricorde et non dans les sacrifices ? Sa foi est reconnue et la
femme est guérie instantanément. Puis lorsque le programme reprend son cours,
et qu’ils arrivent à la maison de Jaïrus, Jésus
bouscule le déroulement habituel des choses, tel qu’il était prescrit. Les
formes juives ne résistent pas longtemps à la puissance de Sa grâce. Il ordonne :
« Retirez-vous
», et tout
doit effectivement reculer devant la puissance de vie qu’il détient : l’enfant
morte est ressuscitée.
Le cri des deux aveugles (v. 27) renferme les accents de la foi.
Ils le reconnaissent comme le Fils de David promis. Lui reconnaît leur foi et
la met à l’épreuve. Dans leur réponse ils affirment leur foi en sa puissance.
Aussi, dans ce cas, il exauce leur prière, selon
leur foi
. Il savait que cette foi était réelle ; et cela nous est
confirmé par le fait que leurs yeux furent ouverts aussitôt. Posons-nous chacun
la question : Si mes prières devaient être exaucées selon ma
foi, que recevrai-je
?
Le péché a réduit l’homme à la misère ; il l’a rendu spirituellement malade, mort et aveugle ; mais il l’a aussi rendu muet à l’égard de Dieu. Lié par le diable, il ne peut pas parler. Lorsque l’homme du verset 32 lui est amené, Jésus s’occupe de la puissance démoniaque qui était à la racine de son état. La cause étant atteinte, l’effet disparaît aussitôt. Le muet parle et les foules s’en étonnent. Jamais auparavant elles n’ont vu ou entendu parler de délivrances semblables à celles qui sont opérées par la puissance du royaume en grâce. Seuls les pharisiens demeurent insensibles ; et non simplement insensibles, mais ils sont entièrement dans le mal, car ne pouvant pas nier la puissance, ils se soustraient volontairement à son influence en l’attribuant au diable lui-même.
Ce chapitre se termine sur le fait merveilleux que le rejet inique de Sa grâce n’a pas tari sa compassion. Il va par toutes les villes et par les villages, prêchant l’évangile du royaume et en manifestant la puissance par des miracles de guérison. La vue des foules et de leurs besoins ne fait que l’émouvoir d’une profonde compassion — la compassion du cœur de Dieu. La foule n’avait pas de berger, et il y avait encore une grande moisson à rentrer. Il se prépare à y envoyer des ouvriers.
À la fin du chapitre précédent, le Seigneur a invité ses disciples à prier afin que des ouvriers soient envoyés. Ce chapitre s’ouvre sur l’appel des douze et leur envoi. Ils devaient être eux-mêmes la réponse à leur prière ! Le cas n’est pas rare. Lorsque nous demandons que telle ou telle chose s’accomplisse dans le service du Seigneur, il nous répond souvent : « C’est à vous de le faire ». Pour qu’une mission quelconque s’effectue il faut : des personnes mises à part, de la puissance conférée et l’indication de la bonne manière de procéder.
Ce chapitre traite précisément de ces trois points. Dans les versets 2-4, nous avons les noms des douze disciples choisis ; et au verset 1, nous lisons que Jésus leur confère la puissance nécessaire. Cette puissance s’exerçait dans deux sphères : spirituelle et physique. Les esprits immondes devaient leur obéir et toutes espèces de maladies physiques disparaissaient à leur parole. À partir du verset 5 et jusqu’à la fin du chapitre, nous avons l’énumération des instructions qu’il leur donne pour l’accomplissement correct de leur mission.
Le premier enseignement concerne la sphère de leur service
: ce n’était ni les Gentils ni les
Samaritains, mais uniquement les brebis perdues de la maison d’Israël. Cela nous
indique d’emblée clairement que l’évangile aujourd’hui ne découle pas de cette
mission. On a voulu faire dire au verset 6, à l’appui d’une théorie fausse, que
les disciples devaient aller vers les Israélites dispersés parmi les nations.
Mais le mot « perdues » signifie spirituellement perdues. Si nous
considérons Jérémie 50, en particulier les versets 6 et 17, nous verrons qu’Israël
est à la fois « perdu » et « chassé ou dispersé ». Perdu
parce que leurs bergers les ont fourvoyés — perdu spirituellement. Chassé de
par l’intervention des rois d’Assyrie et de Babylone — dispersé
géographiquement. Cette distinction dans l’emploi des deux mots semble être
observée dans toute l’Écriture. Jamais les disciples ne sont sortis du pays
quand Christ était sur la terre, mais ils prêchaient aux Juifs spirituellement
perdus qui les entouraient.
Au verset 7, leur message
est résumé en six mots. Il correspond exactement à celui de Jean le Baptiseur (3:2),
et du Seigneur lui-même (4:17), sauf qu’ici le « repentez-vous » est
omis. C’était un message très simple, ne permettant pas beaucoup d’adjonctions
ou de variations. Ils ne pouvaient pas annoncer des événements non encore
accomplis ; mais le Roi promis était là dans son propre pays ; aussi
le royaume était-il près d’eux. Voilà ce qu’ils annonçaient. C’était la bonne
nouvelle du royaume, et ils devaient confirmer ce qu’ils disaient en
manifestant la puissance du royaume, apportant gratuitement la guérison et la
délivrance.
Ils devaient en outre se passer de toutes les précautions
ordinaires d’un voyageur prudent, et être ainsi visiblement dépendants de leur
Maître pour tous leurs besoins ; en entrant quelque part, ils devaient
chercher à savoir qui y était digne
,
c’est-à-dire rechercher ceux qui craignaient le Seigneur et qui montraient qu’ils
recevaient le Maître en recevant ses serviteurs. Ils devaient témoigner contre
ceux qui ne Le recevaient pas et qui, par conséquent, les rejetaient eux et
leurs paroles ; leur responsabilité serait infiniment plus grande que
celle de Sodome et de Gomorrhe.
Ensuite, il les avertit clairement qu’ils auraient à rencontrer
l’opposition, la réjection et la persécution ; et il les instruit quant à
l’attitude à adopter alors. C’est le sujet des versets 16-39. En se déplaçant
ainsi parmi les hommes, ils seraient comme des brebis au milieu des loups ;
autrement dit, comme leur Maître dans leur position
;
et ils devaient aussi être comme Lui dans leur caractère
— prudents et simples. Lorsqu’ils seraient accusés devant
des gouverneurs, ils devaient se reposer sur Dieu comme étant leur Père et ne
pas s’inquiéter à préparer leur défense, puisqu’à l’heure du besoin, l’Esprit
de leur Père parlerait en eux et par eux. Dans certains cas, le martyre les
attendrait et dans tous les cas ils seraient confrontés à une haine qui ferait
fi de toute affection naturelle. Pour ceux qui ne seraient pas martyrisés, la
persévérance jusqu’à la fin signifierait salut.
Le sens de « la fin » est indiqué dans le verset suivant (v. 23) : c’est la venue du Fils de l’homme. Au chapitre 24:3, 6, 13, 14, le Seigneur parlera de nouveau de « la fin », avec une signification semblable, car il s’agit là de « la consommation du siècle ». Ainsi, cette mission, que le Seigneur inaugurait, doit s’étendre jusqu’à sa seconde venue, et même alors, elle ne sera guère achevée. Le verset 6 a montré que les villes d’Israël étaient le champ à couvrir pendant qu’ils étaient persécutés, et leur persévérance serait couronnée par le salut à sa venue. En regardant en arrière, il pourrait sembler que ces prédictions n’ont pas tout à fait été réalisées. Comment l’expliquer ?
C’est évidemment que ce témoignage à la proximité du royaume a
été suspendu et qu’il sera repris au temps de la fin. Les disciples sont
considérés comme des hommes représentatifs ; ce qui est dit s’appliquait à
eux à ce moment et s’appliquera à d’autres qui se trouveront dans une position
semblable en la consommation du siècle. Le royaume, tel qu’il était présenté à
ce moment en Christ personnellement, a été rejeté et, par conséquent, le
témoignage a été retiré
, comme nous
le voyons au chapitre 16:20. Il sera repris
lorsque le rassemblement de l’Église sera achevé ; et il se terminera
lorsque le Fils de l’homme viendra pour recevoir et établir son royaume, comme
cela avait été annoncé en Daniel 7.
Dans l’intervalle, le disciple doit s’attendre à être traité
comme son Maître, et pourtant il n’a pas à avoir de crainte. Il sera dénoncé,
diffamé et même tué par les hommes ; mais dans les versets 26 à 33, le
Seigneur mentionne trois sources d’encouragement. D’abord, la lumière
brillera sur tout, et les
mauvais desseins des hommes seront tous balayés. L’affaire du disciple est de
faire luire maintenant la lumière dans son témoignage. Deuxièmement, il y a la sollicitude
du Père, qui descend jusqu’au
plus petit détail. Troisièmement, il y a la récompense
d’être reconnu publiquement par le Seigneur devant le Père qui est dans les
cieux. Rien sinon la foi ne nous permettra de rechercher la lumière, de nous
reposer sur les soins de Dieu, et d’apprécier son approbation davantage que
celle des hommes.
Le verset 28 demande une remarque spéciale, car il enseigne d’une
façon très nette que l’âme n’est pas sujette à la mort, contrairement au corps.
Dieu peut détruire et l’âme et le corps dans la géhenne ; mais le mot
employé pour « détruire » est différent de celui pour « tuer » ;
il signifie faire périr ou ruiner et ne renferme pas la moindre pensée d’annihilation.
L’expression « l’immortalité de l’âme » ne se trouve pas
littéralement dans l’Écriture, mais les paroles du Seigneur que nous avons ici
établissent ce fait solennel. Les termes du verset 34 peuvent sembler en
contradiction avec des déclarations comme celles que nous avons en Luc 1:79 ;
2:14, ou Actes 10:36. Ce n’est en fait pas le cas. Dieu s’est approché des
hommes, en Christ, avec un message de paix, mais il a été rejeté. À ce point de
l’évangile selon Matthieu, sa réjection se dessine, et ainsi il déclare que l’effet
immédiat de sa venue sera la division et la guerre. La paix sur la terre, Il l’établira
à sa seconde venue ; c’est ce que les anges ont vu à l’avance et ont
célébré à sa naissance. La paix est à vrai dire le but final
, mais la croix était imminente
;
et si le Seigneur se préparait à la prendre, les disciples devaient s’attendre
à une épée, et à perdre leur vie par amour pour lui. Mais cette perte serait
finalement un gain.
Les derniers versets montrent que recevoir les disciples impopulaires serait en fait recevoir leur Maître impopulaire, et par là Dieu lui-même. Tout service ainsi rendu, même aussi insignifiant que de donner une coupe d’eau froide à boire, ne perdra pas sa récompense dans le jour à venir.
Le premier verset montre que l’envoi des douze n’impliquait pas la cessation de l’activité personnelle du Seigneur ; et l’écho de toutes ses œuvres parvient aux oreilles de Jean dans sa prison. Il s’attendait manifestement à ce que le personnage important qu’il avait annoncé intervienne en sa faveur ; or il était là, délivrant toutes sortes d’êtres indignes de leurs maladies et de leurs peines, et oubliant apparemment son précurseur. Mise ainsi à l’épreuve, la foi de Jean est quelque peu ébranlée. La réponse que lui fait le Seigneur revêt la forme d’un nouveau témoignage à ses propres activités de grâce, montrant bien qu’il accomplissait la prophétie d’Ésaïe 61:1. Bienheureux celui qui n’était pas scandalisé par son humiliation et l’absence de la gloire extérieure qui caractérisera sa seconde venue.
Ensuite Jésus rend témoignage à Jean. Celui-ci n’était ni un roseau agité par le vent ni un homme vêtu de vêtements précieux, mais il était plus qu’un prophète, il était le messager annoncé par Malachie, envoyé pour préparer le chemin du Seigneur. En outre Jean était le prophète « Élie » de la première venue, et il marquait la fin d’une époque. La dispensation de la loi et des prophètes allait jusqu’à lui, et à partir de son jour, le royaume des cieux était ouvert, pour autant qu’il y avait la « violence » ou l’énergie de la foi pour en ravir l’entrée. Quand le royaume sera établi visiblement, il n’y aura plus besoin de la même énergie de la foi. Tout ceci montrait la grandeur de Jean ; toutefois le moindre dans le royaume des cieux aurait une position plus élevée que cet homme éminent qui a préparé le chemin mais n’a pas vécu pour y entrer. La grandeur morale de Jean était sans égale, mais beaucoup de personnes d’un poids moral bien inférieur seraient plus grandes quant à la position extérieure.
Après avoir parlé de Jean, de sa grandeur et de la position qui lui avait été donnée quant à son ministère, le Seigneur se penche sur l’indifférence du peuple. Ils avaient entendu la prédication énergique de Jean, puis ils avaient écouté le Seigneur et avaient vu ses œuvres de puissance ; mais rien ne les avait vraiment touchés.
Ils étaient semblables à des enfants irrités qu’on ne parviendrait pas à persuader d’entrer dans le jeu. Il y avait eu une note de sévérité dans le ministère de Jean, mais ils ne manifestaient aucune trace de lamentation et de repentance ; Jésus était venu, plein de grâce et de la joie de la délivrance, et ils ne montraient aucun signe réel de bonheur. Ils trouvaient plutôt moyen de discréditer l’un et l’autre.
Le reproche qu’ils faisaient à Jean d’avoir un démon était un mensonge éhonté, tandis que leur blâme au Seigneur comportait un élément de vérité, parce qu’il était dans le sens le plus élevé « un ami des publicains et des pécheurs ». Pour eux, il l’était dans le sens le plus bas possible ; car lorsqu’un adversaire lance des accusations contre quelqu’un pour le discréditer, une demi-vérité le sert en général davantage qu’un pur mensonge. Tant que nous marchons dans l’obéissance à Dieu avec une bonne conscience, nous n’avons pas à craindre la boue que les adversaires aiment à remuer. Jean, parmi les plus grands des prophètes, et le Fils de l’homme lui-même ont dû endurer cela. Ceux qui étaient les enfants de la sagesse n’étaient pas dupes de ces calomnies. Ils donnaient raison à la sagesse, et condamnaient par là les adversaires. Le même fait a été constaté en d’autres termes lorsque Jésus dit : « Vous ne croyez pas, car vous n’êtes pas de mes brebis… Mes brebis écoutent ma voix » (Jean 10:26, 27).
À ce point, nous voyons le Seigneur reconnaître que les villes de Galilée dans lesquelles le plus grand nombre de ses miracles avaient été faits, l’avaient définitivement refusé. Elles avaient été au bénéfice d’un témoignage tel que ni Tyr et Sidon, ni le pays de Sodome, n’en avaient jamais eu. Or, plus le privilège est grand, plus la responsabilité est grande, et plus le jugement est sévère lorsqu’on méprise le privilège et qu’on faillit à la responsabilité. Un triste sort est réservé à Chorazin, Bethsaïda et Capernaüm. Leurs habitants de cette époque ont devant eux le jour de jugement, et les villes elles-mêmes ont été tellement détruites qu’aujourd’hui encore leur site est un objet de controverse. Ils avaient rejeté « Jésus Christ, Fils de David, Fils d’Abraham » (1:1), et par conséquent le royaume qui était présenté en lui.
Mais dans ce moment de crise, Jésus se reposait sur le propos
du Père et sur la perfection de ses voies
— les voies
conduisant à l’accomplissement de son propos. Ceux dont le Seigneur avait
déploré l’indifférence étaient selon l’estimation du monde les « sages »
et les « intelligents » ; mais il y avait aussi les « petits
enfants », et c’est à ceux-ci, non pas aux premiers, que le Père avait
révélé les choses de toute importance pour le présent. C’était ce que le Père
avait trouvé bon devant lui, et Jésus l’acceptait avec reconnaissance. Dieu a
toujours agi ainsi et il continue d’agir ainsi aujourd’hui, comme nous le
voyons en 1 Corinthiens 1:21-31. Le propos de Dieu s’accomplira. Le royaume,
présenté en Christ, allait être rejeté et le royaume prendrait un caractère
caché, du fait de l’absence du roi, en attendant son établissement dans une
puissance et une gloire visibles. Il y en aura qui se placeront sous le joug du
Fils et qui goûteront ainsi dans leur âme le repos du royaume.
Le propos de Dieu est que toutes choses soient placées entre les mains du Fils. À cet effet, toutes choses lui ont déjà été remises. Dans le jour à venir, nous le verrons disposer de toutes dans un jugement puissant, discriminatoire ; aujourd’hui il révèle le Père. Le Fils est si véritablement Dieu qu’il y a en lui des profondeurs insondables, connues du Père seul. Le Père est au-delà de toute connaissance humaine, mais le Fils le connaît, et il est venu pour le révéler. C’est comme Celui qui révèle le Père qu’il dit : « Venez à moi… et moi, je vous donnerai du repos ». Il se reposait dans la connaissance du Père, de son amour, de son conseil, de ses voies ; et c’est dans ce repos qu’il introduit ceux qui viennent à lui.
Son invitation s’adressait spécialement à « vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés », c’est-à-dire à ceux qui cherchaient sincèrement et pieusement à garder la loi, dont Pierre dit, en Actes 15:10, qu’elle est « un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter ». Plus ils étaient sincères, plus ils devaient se sentir chargés sous ce joug. Aussi les paroles du Seigneur s’adressaient-elles aux « enfants de la sagesse », aux « petits enfants » ; en d’autres termes, au résidu pieux au milieu de la masse incrédule du peuple. Ils pouvaient maintenant échanger le joug pesant de la loi contre le joug aisé et léger de Christ. Ils apprendraient de lui ce que la loi ne pourrait jamais leur enseigner.
Et en outre, il les enseignerait d’une manière nouvelle. Il était lui-même l’exemple de ce qu’il enseignait. La débonnaireté et l’humilité de cœur sont nécessaires pour prendre et garder une place de soumission ; et il manifestait parfaitement ces choses. Bien que Fils, il « a appris l’obéissance », et ayant été obéissant jusqu’à la mort, « il est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, l’auteur du salut éternel » (Héb. 5:8, 9). Dans notre évangile, nous voyons Celui qui a été obéissant nous appeler à l’obéissance envers lui, une obéissance qui n’est pas pesante, mais qui conduit au repos. Le « repos pour vos âmes » était proposé comme résultat d’une marche fidèle dans les « sentiers anciens » de la loi (voir Jér. 6:16), mais ce repos n’a jamais été atteint par les hommes. Le seul moyen d’y parvenir était celui que le Fils, venu pour révéler le Père, donnait à connaître. Il faut que le Père soit connu pour que son propos puisse être accompli.
Des hauteurs contemplées dans le chapitre précédent, nos regards plongent maintenant dans les profondeurs de la folie et de l’aveuglement humains tels qu’ils sont manifestés chez les pharisiens. Dans ce chapitre, nous voyons le Seigneur très clairement rejeté par les chefs des Juifs, et non plus seulement par les villes de Galilée. Dans les deux premiers cas, le sabbat est au centre du débat. Le Seigneur justifie l’action de ses disciples pour quatre raisons au moins (v. 3-8).
Lorsque David, le roi oint de Dieu, était rejeté, ses besoins ont passé avant toute institution religieuse, et ceux qui étaient avec lui ont été associés à lui en cela. Maintenant, le Fils de David, plus grand que lui, était rejeté ; est-ce qu’alors les besoins de ses disciples ne devaient pas être couverts, même si les règlements concernant leur sabbat étaient enfreints ? Mais, deuxièmement, le temple avait pris le pas sur le sabbat, car les sacrificateurs avaient toujours travaillé les jours de sabbat ; et Jésus déclarait être plus grand que le temple. Dieu était effectivement en Christ dans une mesure infiniment plus complète qu’il n’avait jamais été dans le temple. Troisièmement, il y avait ce passage sur la miséricorde en Osée 6 auquel le Seigneur avait fait allusion précédemment ; il s’appliquait dans ce cas. Et, quatrièmement, Jésus affirmait que comme Fils de l’homme, il était Seigneur du sabbat ; en d’autres termes, que le sabbat n’avait aucun pouvoir contraignant sur lui. Il l’avait institué, et pouvait en disposer comme il le voulait.
Dans le second cas, le Seigneur répond à leur objection en faisant appel à leurs propres habitudes. Ils n’avaient aucun remords de travailler un jour de sabbat pour sauver une brebis. Qui étaient-ils donc pour s’opposer à ce qu’il exerce la miséricorde à l’égard d’un homme le jour de sabbat ? Le Seigneur l’exerce sans tarder ; mais la dureté de leur cœur était telle que sa miséricorde fit seulement monter en eux des pensées de meurtre. Dès ce moment, ils décidèrent de le faire mourir.
Jésus commence alors à mettre fin au témoignage qu’ils se préparaient à étouffer dans la mort, défendant à ceux envers lesquels il exerçait encore sa miséricorde de rendre son nom public. Matthieu cite la magnifique prophétie d’Ésaïe 42 pour montrer comment elle a été accomplie en lui. Une partie doit encore avoir son accomplissement à sa seconde venue, car il n’a pas encore produit le jugement en victoire. Mais il a rencontré sans contestation, ni cris, et sans écraser ses ennemis, la haine et la réjection amères auxquelles il a été confronté à sa première venue. Rien n’a moins de valeur qu’un roseau froissé, et rien n’est plus rebutant à l’odorat qu’un lumignon qui fume. Les pharisiens étaient semblables à l’un et à l’autre, mais il ne les brisera pas ni ne les éteindra avant que le temps du jugement soit là. En attendant, les nations apprennent à espérer en son nom.
En Ésaïe 42, comme souvent dans les passages de l’Ancien Testament, les venues ne sont pas distinguées, mais maintenant nous discernons clairement que les deux s’y trouvent comprises. À cette époque, Jésus venait pour exercer la miséricorde, et non pas le jugement. Rejeté par les chefs du peuple, il se tournerait vers les nations et déverserait sur elles la miséricorde. Ce passage l’indique clairement.
N’est-ce pas d’un intérêt immense pour nous qui faisons partie des nations ayant espéré en son nom ?
Chez les pharisiens, nous avons vu la haine allant jusqu’au meurtre ; et nous avons trouvé chez Jésus une douceur et une humilité telles qu’il est amené à suspendre tout acte de jugement et à accepter leur méchanceté sans contestation ni protestation. Matthieu relate maintenant le cas d’un homme rendu à la fois aveugle et muet par un démon. Jésus lui rend la vue et la parole en chassant le démon, et les foules, dans une profonde admiration, commencent à se demander s’il n’est pas le vrai Fils de David. Témoins de cela, les pharisiens sont acculés aux grands moyens, et ils répètent, plus hardiment encore, l’affirmation blasphématoire que la puissance qu’il détient est celle de Satan. Le blasphème qu’ils avaient prononcé précédemment (voir 9:34) était resté sans réponse, mais cette fois le Seigneur relève leur défi.
D’abord, il les prend sur le terrain de la raison. Leur accusation impliquait une absurdité, car si Satan chassait Satan, il détruirait son propre royaume. Elle était aussi diffamatoire à l’égard de leurs propres fils qui prétendaient chasser des démons. Mais ensuite, il leur donne la vraie explication : Il était ici-bas comme un homme, agissant par l’Esprit de Dieu. Comme tel il avait lié Satan, l’homme fort, et maintenant il arrachait à son pouvoir ceux qui n’avaient été que ses « biens ». C’était une nouvelle preuve évidente que le royaume était au milieu d’eux.
Cela caractérisait aussi très clairement la situation : ne pas être d’une manière déterminée du côté de Christ et ne pas assembler avec lui, c’était être contre lui et disperser. Le Seigneur est alors amené à démasquer la nature véritable de leur péché, qui était au-delà des limites du pardon, malgré le fait que toute sorte de péchés peut être pardonnée. Dans le Fils de l’homme, Dieu leur était présenté objectivement ; s’ils parlaient contre lui, ils pouvaient pourtant être amenés, par l’opération de l’Esprit, à la repentance et être ainsi pardonnés. Mais blasphémer contre le Saint Esprit, par qui seul la repentance et la foi sont opérées dans l’âme, c’est se placer dans une position désespérée. C’est refuser pour soi-même la repentance et la foi, verrouiller et barrer la seule porte qui conduit au salut.
Le triste fait est que ces pharisiens étaient des arbres
absolument mauvais, une race de vipères, et leurs méchantes paroles n’étaient
que l’expression de la méchanceté de leur cœur. Dans les versets 33 à 37, le Seigneur
démasque ces cœurs de cette manière, et déclare qu’ils seraient jugés par leurs
paroles. Si les hommes doivent rendre compte au jour de jugement même de
paroles oiseuses
, que mériteront des
paroles méchantes
telles que
celles-ci ? En ce jour, par leurs paroles ils seront entièrement
condamnés.
La question des pharisiens, rapportée au verset 38, manifeste qu’ils
étaient moralement aveugles et insensibles, autant que corrompus et méchants.
Ils demandent un signe, ignorant, soit par indifférence, soit volontairement,
tous ceux qui avaient été donnés. Nous en avons signalé cinq dans le chapitre 8
et cinq dans le chapitre 9, sans compter ceux qui sont rapportés dans notre
chapitre. Étant méchants et adultères, ils ne
pouvaient pas percevoir
le signe le plus évident, aussi aucun autre ne
serait donné, sinon le plus grand de tous — sa propre mort et sa résurrection
qui avaient été typifiées dans l’histoire remarquable de Jonas. La génération
qui rejetait le Seigneur avait été mise en présence de plus de signes que
toutes celles qui l’avaient précédée. Jonas et sa prédication avaient été un
signe aux Ninivites ; à une époque plus reculée, Salomon et sa sagesse en avaient été un à une reine du midi, et il s’en était suivi
des résultats remarquables. Pourtant Jésus était rejeté.
Or il est infiniment au-dessus d’eux tous. Dans notre chapitre,
il parle de lui-même comme étant « plus grand que le temple », « plus
que Jonas », « plus que Salomon ». Remarquons aussi qu’il
souligne que tant Jonas que Salomon avaient été des signes aux nations
. Bien qu’étant des serviteurs de Dieu en Israël,
leur renommée s’était étendue respectivement au nord en direction de Ninive et
au midi vers Sheba. Ces Gentils avaient eu des
oreilles pour entendre et un cœur pour apprécier, alors que les Juifs
pharisaïques qui entouraient le Seigneur étaient aveugles et farouchement
opposés, jusqu’au point de commettre ce péché impardonnable.
Quelle serait la fin de cette génération incrédule ? Le Seigneur nous le dit dans les versets 43 à 45. L’esprit immonde d’idolâtrie qui les avait possédés dans leur histoire passée, était effectivement sorti d’eux. Christ, Celui qui révèle le vrai Dieu, aurait dû occuper la maison ; mais ils le rejetaient. Cet esprit immonde allait alors revenir avec sept autres esprits plus méchants que lui-même. Dans les derniers jours, sous l’antichrist, cette parole du Seigneur se réalisera. La génération incrédule des Juifs adorera l’image de la bête et sera asservie à des puissances sataniques terriblement fortes. Lorsque le jugement s’abattra, les Juifs apostats sur qui il tombera seront pires que tous ceux qui les ont précédés. Cela sera sans doute également vrai des générations des nations.
Le chapitre se clôt sur l’incident significatif concernant la mère et les frères de Jésus. En fait, ils venaient dans un mauvais esprit ; nous le voyons en Marc 3:21 et 31. Mais ce n’est pas ce qui est souligné ici. Le Seigneur se sert de leur intervention pour désavouer une relation purement naturelle, et pour montrer que ce qui compterait dorénavant, c’était une relation de nature spirituelle. De cette manière figurative, il mettait de côté pour le moment l’ancien lien formé par sa venue comme fils d’Abraham, fils de David, et indiquait que le lien reconnu désormais était celui constitué par l’obéissance à la volonté de Dieu. Les Juifs comme peuple l’avaient rejeté, et maintenant lui les désavoue. Il reconnaît ses disciples comme étant dans une relation vraie avec lui, car malgré leur faiblesse, ils s’attachaient à faire la volonté de son Père qui est dans les cieux.
Le début de ce chapitre montre Jésus agissant conformément à ses
paroles. Il quitte les limites étroites de la maison et sort pour aller près de
la mer — symbole des nations. Là, depuis un bateau, il commence à enseigner la
foule à l’aide de paraboles. Ce chapitre en contient sept. Relevons d’abord l’expression
du verset 52, « des choses nouvelles et des choses vieilles », qui
nous aide à saisir le but des paraboles. Des choses vieilles sont mentionnées,
le royaume des cieux par exemple, annoncé en Daniel, mais ce sont les choses
nouvelles qui prédominent. Avant de considérer les paraboles un peu plus en
détail, nous indiquerons quatre choses nouvelles. Premièrement, le Seigneur
adopte une nouvelle méthode d’enseignement
:
par paraboles. Le verset 10 montre que cette innovation a frappé les disciples.
Deuxièmement, il indique dans la première parabole une nouvelle méthode du travail divin
. Au lieu de chercher du fruit
comme résultat du labourage de Dieu par la loi et les prophètes, il allait
semer la parole pour produire du fruit. Troisièmement, Jésus présente des
développements qui donnent une
signification nouvelle
à l’expression « royaume des cieux ».
Quatrièmement, il prononce des
révélations nouvelles
, ouvrant la bouche pour annoncer des choses « qui
ont été cachées dès la fondation du monde » (v. 35).
La première parabole est complète en elle-même, et si nous ne la
comprenons pas, nous ne comprendrons pas les autres. La grande affaire
désormais serait de semer la « parole du royaume » dans les cœurs.
Cela ne confère aucune place spéciale au Juif. Au verset 19, Jésus dit : « Toutes
les fois que quelqu’un
entend » ;
la porte est ainsi ouverte à tout auditeur de la Parole, quel qu’il soit. Ce
qui importe, c’est d’écouter avec intelligence. Les obstacles sont les
activités du diable, l’inconstance de la chair, les soucis et les richesses de
ce monde. Mais la Parole est reçue par certains, et du fruit est produit en
quantités différentes. Cette méthode de travail divin est toujours actuelle.
Elle caractérise le jour dans lequel nous vivons. Le christianisme est fondé
non pas sur ce qu’il trouve dans l’homme, mais sur ce qu’il produit par la
puissance de Dieu.
Les disciples sont intrigués par le passage au langage des paraboles. Leur question permet au Seigneur d’expliquer qu’il a adopté ce mode d’enseignement afin que les mystères, ou secrets, du royaume des cieux restent cachés à la masse incrédule et ne soient révélés qu’à ceux qui croient. Ceux qui, dans leur incrédulité, avaient rejeté le Seigneur avaient de ce fait même fermé les yeux à la vérité. Maintenant il parlait en paraboles pour qu’ils demeurent dans leur incrédulité. C’est ainsi que la prophétie d’Ésaïe devait s’accomplir en eux. Cette même prophétie est rappelée par Jean dans son évangile (chap. 12:40). Elle est également citée par Paul, une troisième et ultime fois, dans le dernier chapitre du livre des Actes. Ce n’était que l’exercice du gouvernement de Dieu. Pour les croyants, les paraboles sont très instructives et, comme le verset 17 le dit, elles contribuaient à faire connaître aux disciples des choses que les prophètes et les justes d’autrefois avaient désiré voir mais qui restaient hors de leur portée.
Toutefois, pour comprendre la parabole du semeur, même les disciples avaient besoin d’une explication de la part du Seigneur ; celle-ci fournie, Jésus prononce trois autres paraboles aux oreilles de la multitude. Il ne donne l’explication de la deuxième parabole qu’une fois que la foule a été congédiée et qu’il s’est retiré dans une maison avec ses disciples. Il est donc évident que les quatre premières ont été prononcées en public, et traitent des manifestations extérieures du royaume ; tandis que les trois dernières ont été dites en privé et s’occupent de sa réalité intérieure et plus cachée.
La première parabole, comme nous l’avons mentionné, donne la clé
de tout le reste. Elle nous montre que l’établissement du royaume résultera du
fait que la « parole du royaume » aura été semée, et non pas de l’obéissance
à la loi de Moïse. Toutes les autres paraboles nous disent ensuite à quoi le
royaume des cieux est semblable
, et
chacune de ces six similitudes présente des traits qui n’auraient pas pu être
discernés à la lumière de l’Ancien Testament. Le royaume dans sa gloire y avait
été annoncé, mais ici nous voyons qu’il doit revêtir un caractère nouveau qui
le distinguera avant l’établissement de la gloire.
La deuxième parabole, celle du froment et de l’ivraie, montre
que pendant la période où le royaume est caractérisé par le Fils de l’homme
semant de la bonne semence, le diable sera aussi un semeur, et ses « fils »
se trouveront parmi les fils du royaume. Par conséquent, jusqu’à l’heure du
jugement, lorsque le Fils de l’homme ôtera tout le mal de son royaume, il y
aura, en un mot, mélange
.
Souvenons-nous que, dans cette parabole, « le champ, c’est le monde »
(v. 38) ; il n’y a donc nullement la pensée ici que les fils du méchant
doivent être tolérés dans l’assemblée. « Le royaume » couvre une
sphère plus vaste que « l’église » et il n’est pas possible de
démêler les choses dans le monde avant la venue du Seigneur. C’est à la
consommation du siècle que, par le ministère des anges, les méchants seront
jetés au feu.
Le froment doit être assemblé dans le grenier. Dans l’explication
qu’il donne, le Seigneur va plus loin et parle des justes qui resplendiront comme le soleil
dans le royaume de leur
Père. Par l’emploi de cette figure, le Seigneur place les saints dans une
position céleste, aussi ne sommes-nous pas surpris de trouver plus loin la
pleine révélation de l’appel céleste. Il est intéressant de remarquer que dans
cette parabole, le Seigneur parle du « royaume des cieux », du « royaume
du Fils de l’homme » et du « royaume de votre Père », montrant
que le royaume est un, quelle que soit sa désignation. Il a néanmoins
différents départements (si nous pouvons nous exprimer ainsi) et peut, par
conséquent, être considéré de différentes manières.
La troisième parabole, celle du grain de moutarde, montre que le
royaume doit être caractérisé par le développement
.
Il croîtra et prendra de l’ampleur aux yeux des hommes, mais il deviendra un
abri pour les agents du mal, car dans la première parabole, quand le Seigneur
explique qui sont « les oiseaux », il dit : « le méchant vient » ;
et nous savons que Satan agit par des agents humains.
La quatrième parabole, qui occupe un seul verset (v. 33), montre
que, comme nous pouvions nous y attendre par ce que nous venons de voir, le
royaume sera graduellement pénétré par la
corruption
. Dans l’Écriture, le levain est toujours employé comme image de
ce qui corrompt. Nous avons ici le seul passage où certains voudraient le voir
désigner ce qui est bon. Mais cela vient de ce qu’ils ont un système d’interprétation
qui réclame un tel sens : ils s’imaginent que l’évangile va imprégner le
monde de bien. Cette altération subite de la signification du levain aurait dû
leur paraître suspecte ; les pensées qui la rendent nécessaire ne peuvent
être que fausses.
Ici donc, le Seigneur annonce que le royaume se présentera aux yeux de l’homme sous une forme caractérisée par le mélange. Son développement fera de lui une institution imposante dans laquelle les agents du mal trouveront une demeure et, en conséquence, il connaîtra un processus de pénétration par le mal. Jésus parle certes en prophète, car c’est exactement ce qui s’est produit dans cette sphère terrestre où l’on professe reconnaître le gouvernement du ciel.
Mais dans l’intimité de la maison, le Seigneur ajoute trois
autres paraboles pour ses disciples. Là nous avons le royaume du point de vue
divin, et si nous avons l’onction de l’Esprit pour nos yeux, nous aussi nous y
verrons ce que Dieu voit. D’abord, nous constaterons qu’il y a quelque chose dont la valeur est cachée
. Le « champ »
ici est toujours le monde, et le Seigneur l’a acheté pour s’assurer le trésor
caché. Cet achat doit être distingué du rachat, car des hommes méchants vont
jusqu’à renier « le maître qui les a achetés
»
(2 Pierre 2:1). Ils ont été achetés, mais non pas rachetés, sinon ils n’iraient
pas au-devant d’une « prompte destruction ». Le royaume est établi
pour que la possession du trésor caché dans le monde puisse être assurée.
Puis il y a la parabole de la perle de très grand prix. Dans le
royaume tel qu’il existe aujourd’hui, il s’agit de chercher et d’acquérir cet
objet, caractérisé aux yeux de Dieu par sa perfection
unique
. Nous avons ici sans doute en figure, ce dont le Seigneur parlera au
chapitre 16 comme « mon assemblée ». Certes il a acheté le champ,
mais il a aussi acheté la perle, et dans les deux cas, il se présente comme
vendant tout ce qu’il a pour le faire. Il renonce à tout pour acquérir ce qu’il
désire posséder, dans l’esprit de 2 Corinthiens 8:9. Nous ne pouvons acquérir
Christ en vendant quoi que ce soit de nos biens qui sont sans valeur. Mais c’est
ce que lui a fait pour nous. C’est ce qu’il gagnera par le moyen du royaume des
cieux dans sa forme mystérieuse actuelle.
Enfin, le royaume est semblable à un filet rassemblant des
poissons tirés de la mer des nations. Il y en a de toute sorte, mais nous
voyons qu’une sélection
est opérée.
Cette parabole et celle du froment et de l’ivraie offrent une ressemblance :
dans les deux cas, à la consommation du siècle, une séparation est effectuée
par des anges. Les méchants sont séparés des justes et sont jetés dans la
fournaise de feu. Mais il y a aussi une différence importante, car dans la
première parabole les méchants sont dans le monde comme résultat de ce que
Satan a semé ; tandis qu’ici « la parole du royaume » est jetée,
comme un filet, parmi les nations et des gens de toute sorte professent la
recevoir. À la consommation du siècle, la séparation aura lieu : les vrais
élus de Dieu seront rassemblés, et les méchants seront rejetés.
N’oublions jamais à quoi le royaume est semblable au point de vue divin ; c’est de toute importance. Il a pris ce caractère particulier en raison du rejet du vrai Fils de David, et de son absence due au fait qu’il est dans les cieux. Malgré le mélange et la corruption qui le distingueront extérieurement, il doit se produire cette œuvre divine intérieure par laquelle Dieu obtiendra le trésor caché, la perle de très grand prix et tous les bons poissons renfermés dans le filet.
Avons-nous compris toutes ces choses ? Les disciples estimaient avoir compris ; mais plus tard, quand ils eurent reçu l’Esprit, ils ont certainement découvert combien peu cela avait été le cas. Nous réalisons, nous aussi sans doute, que nous avons bien peu compris, car le royaume dans sa forme actuelle n’est pas aussi facile à comprendre que lorsqu’il sera manifesté publiquement. Des choses tout à fait nouvelles par rapport à l’Ancien Testament ont la place principale ; aussi est-il parlé « des choses nouvelles et des choses vieilles », non pas « vieilles et nouvelles ». L’accent est mis sur « nouvelles ».
Ce chapitre se termine par le retour de Jésus dans son propre pays dont les habitants à cette époque étaient complètement incrédules. Ils ne discernaient pas en lui Emmanuel, ni même le Fils d’Abraham, le Fils de David ; pour eux il était seulement le fils du charpentier, dont ils connaissaient bien les parents. Leur familiarité incrédule est pour eux une pierre d’achoppement. Sa puissance était toujours la même, mais leur incrédulité mettait un frein à son exercice, exactement comme autrefois l’incrédulité de Joas avait imposé une limite à ses victoires (voir 2 Rois 13:14-19).
En ce temps-là, lisons-nous au premier verset, Hérode entendit parler de la renommée de Jésus. Au moment même où il est méconnu à Nazareth, sa renommée parvient aux oreilles de cet homme impie et touche, semble-t-il, sa conscience endurcie. Il est d’autant plus remarquable qu’il ait cru que Jean était ressuscité des morts, que nous entendons Paul dire à un autre Hérode : « Pourquoi, parmi vous, juge-t-on incroyable que Dieu ressuscite des morts ? » (Actes 26:8). Ce que, comme fait historique, ils ne pourraient pas croire, est admis par une conscience coupable.
Cela conduit Matthieu à nous rapporter l’histoire du martyre de Jean qui avait eu lieu peu auparavant. Le témoignage fidèle de Jean avait suscité la colère d’Hérode ainsi que la vengeance d’Hérodias, et le précurseur du Seigneur est mort à cause d’un serment impie. Hérode a transgressé la loi de Dieu pour assurer le crédit de sa propre parole. Tel était l’homme qui gouvernait une grande partie des Juifs, un châtiment certain pour leurs péchés accumulés.
Or Jean avait toujours fidèlement dirigé les regards sur Jésus, et le peuple reconnaît que, même s’il n’avait fait aucun miracle, « toutes les choses que Jean a dites de celui-ci étaient vraies » (Jean 10:41). Le fruit de cette belle fidélité de Jean à Jésus est manifesté : ses disciples ont su que faire lorsqu’il fut si soudainement retiré. Son corps leur fut remis et, après l’avoir enseveli, « s’en allant, ils rapportèrent à Jésus ce qui était arrivé ». Jean était la lampe ardente et brillante, tandis que Jésus était la lumière qui, venant dans le monde, éclaire tout homme. La lampe s’était éteinte, aussi se tournèrent-ils vers la vraie lumière, et ils trouvèrent la consolation là.
Ayant entendu cela, Jésus se retire en un lieu désert. Marc nous indique que c’est le moment où ses disciples sont revenus de leur mission. Une période de solitude et de tranquillité s’imposait à ce moment critique pour le Maître, ses disciples et les disciples affligés de Jean (pour autant qu’ils l’aient accompagné, comme cela semble probable).
Mais les foules le suivent encore, et il répond à leurs besoins. Comme toujours, il est ému de compassion. L’indifférence de Nazareth et la méchanceté d’Hérode n’ont produit aucun changement en lui. Penchons-nous et méditons sur les compassions immuables du cœur de Christ. Que son Nom soit béni !
Ce sont les disciples, et non pas le Seigneur, qui, ne pensant qu’à eux-mêmes, suggèrent de renvoyer les foules. C’est le Seigneur qui, dans sa compassion les en empêche et les invite à donner à manger à la multitude. Les disciples sont ainsi mis à l’épreuve, et cela révèle combien peu ils avaient conscience de la puissance de leur Maître. Qu’allait-il faire ? Utiliser les maigres ressources qui étaient déjà entre leurs mains et les multiplier jusqu’à les rendre plus que suffisantes. Un psaume prophétique annonçait que l’Éternel trouverait son repos en Sion et que sa parole serait alors : « Je bénirai abondamment ses vivres, je rassasierai de pain ses pauvres » (Ps. 132:15). L’Éternel était maintenant au milieu de son peuple dans la personne de Jésus, et bien qu’il n’y eût pas de repos pour lui en Sion à ce moment, il prouvait cependant qu’il pouvait répondre aux besoins de ces cinq mille hommes, outre les femmes et les enfants. Il était le dispensateur des dons du ciel, aussi est-ce vers le ciel qu’il regarde en bénissant.
Rappelons ici la situation telle qu’elle est présentée dans cet
évangile. Jésus a été clairement rejeté par la nation, leurs chefs allant jusqu’à
commettre le péché impardonnable en attribuant au diable Ses œuvres de
puissance. Cela l’a amené à briser symboliquement ses liens avec eux. C’est ce
que nous avons vu dans les chapitres 11 et 12. Puis, dans le chapitre 13, il
énonce les paraboles qui révèlent de nouveaux développements quant au royaume
des cieux. Et à la fin de ce chapitre, nous voyons que les gens de son propre
pays ne discernaient en lui que le fils du charpentier. Le début du chapitre 14
nous a montré Hérode mettant à mort Son précurseur, de sorte que, de tous
côtés, Son rejet ne pouvait guère être plus total. Pourtant avant de quitter ce
chapitre, nous y trouvons l’exposé de deux grands faits : d’abord que
Jésus est parfaitement suffisant
lorsqu’il est en présence des besoins des hommes, qu’il s’agisse de la misère
de la foule ou de la faiblesse des disciples. Secondement, qu’il n’est dépassé par rien
lorsqu’il se trouve
confronté à des puissances maniées par l’adversaire. Non seulement il marche
lui-même sur la mer déchaînée, mais il donne à un faible disciple le pouvoir d’en
faire autant.
Il a passé la nuit à prier sur la montagne, et les disciples ont lutté contre les circonstances adverses. Le matin, il va vers eux, marchant sur la mer. Précédemment (chap. 8), il avait montré qu’il pouvait calmer la tempête puisque sa puissance était supérieure à toute celle du diable. Maintenant il se manifeste dans sa suprématie absolue. La tempête n’était rien pour lui. Elle était une cause de détresse pour les disciples, mais il y avait là Celui dont il est écrit : « Ta voie est dans la mer, et tes sentiers dans les grandes eaux ; et tes traces ne sont pas connues » (Ps. 77:19). Sa présence les réconforte, bien que la tempête continue à faire rage ; et quand il est dans la nacelle, le vent tombe.
Mais le Seigneur apporte avec Lui davantage que du réconfort, et c’est la découverte que Pierre fait : Il peut rendre conforme à Lui. Pour Pierre, cela signifiait qu’il fallait quitter la nacelle et il ne pouvait le faire que sur l’autorité de la parole : « Viens », qui prouvait que c’était le Seigneur lui-même qui s’approchait d’eux. Convaincu que c’était bien Lui, sur la foi de sa parole, Pierre s’avance et marche sur la mer. Nous pouvons voir là une allégorie de ce qui allait bientôt se passer. Le système juif, qui reposait dans une si large mesure sur « la loi des commandements, qui consiste en ordonnances » (Éph. 2:15), était semblable à un bateau, tout à fait adapté à des hommes « dans la chair ». Comme résultat de sa venue, les disciples devaient quitter ce « bateau » pour un sentier de pure foi. Aussi, lorsque Paul fait ses adieux aux anciens d’Éphèse, il ne les recommande pas à un code de lois, ni à une institution ou à une organisation, mais « à Dieu et à la parole de sa grâce ». D’où également l’exhortation à sortir « hors du camp » en Hébreux 13. Pierre était « descendu de la nacelle », avec Christ pour objet, et Sa parole comme autorité. La position chrétienne est hors du camp, avec Dieu et avec la parole de sa grâce.
Mais la foi de Pierre était petite et, dès le moment où il détourne ses pensées de son Maître pour les fixer sur le vent violent, il a peur et commence à enfoncer. Néanmoins, il avait la foi, car dans sa détresse, il crie tout de suite à son Seigneur ; il est alors secouru et ils retournent ensemble dans la nacelle ; le vent tombe aussitôt et ils regagnent la terre, comme nous le montre l’évangile selon Jean. Pierre était tout à fait illogique dans ses craintes, car il ne nous est pas davantage possible de marcher sur des eaux calmes que sur une mer agitée, mais nous lui sommes tous semblables lorsqu’une petite foi seulement nous anime. La foi qui est entièrement centrée sur Christ est forte, tandis que celle qui est occupée des circonstances est faible.
Nous entendons parfois trop parler du manquement de Pierre et
pas assez de ce que la puissance de Christ l’a rendu capable de faire, malgré
sa petite foi. Après tout il n’a pas enfoncé. Il a seulement commencé
à enfoncer et ensuite, soutenu
par une puissance extérieure à lui, il a rejoint le Seigneur et a regagné avec
lui le bateau. Personne d’autre n’a fait une chose semblable et sa défaillance
momentanée a uniquement servi à manifester que la puissance qui l’avait secouru
était celle de son Seigneur ; tous lui rendent alors hommage et le
reconnaissent comme le Fils de Dieu. Ils ont eu un aperçu impressionnant de sa
gloire, gloire qui brille de nouveau lorsqu’ils arrivent dans la contrée de Génésareth
où les hommes de ce lieu-là honorent sa grâce aussi bien que sa puissance. Tous
ceux qui se portent mal accourent vers lui et leur foi n’est pas déçue, car tous ceux qui le touchent
sont complètement guéris
. La vraie guérison
divine est une guérison à cent pour cent dans cent pour cent des cas ! Un état
de choses parfaitement merveilleux !
Les scribes et les pharisiens de Jérusalem viennent troubler cette scène paisible par une plainte et une question parce que les disciples n’observaient pas la tradition des anciens quant au lavage des mains. Représentons-nous la scène ! Le Fils de Dieu dispensant la guérison de tout côté dans la plénitude de la grâce divine, et ces hommes, complètement aveugles à tout ce qui se passait, faisant irruption avec une question de convenance. Aveuglés par des formalités légales, ils sont incapables de percevoir la grâce divine opérant en puissance. Une telle disposition d’esprit pourrait sembler incroyable si nous n’avions pas aujourd’hui sous les yeux le même caractère manifesté par l’esprit pharisaïque qui s’attache toujours à des points secondaires touchant la tradition et l’usage commun, et non pas à la parole de Dieu claire et précise.
Dans sa réponse à ces hommes, le Seigneur met l’accent sur la différence entre « le commandement de Dieu » et « votre tradition » (v. 3). Ces traditions des anciens étaient des explications, des développements et des déductions tirés de la loi par de vénérés docteurs du passé. Elles dominaient les pensées des pharisiens et voilaient tout à fait la loi de Dieu, au point qu’ils transgressaient celle-ci pour observer leur tradition. Le Seigneur le leur reproche, et en donne un exemple en relation avec le cinquième commandement. Leur tradition concernant les dons, soi-disant consacrés à Dieu, annulait complètement ce commandement. Le Juif « pieux » et « orthodoxe » d’aujourd’hui a l’esprit rempli du Talmud qui est bâti sur ces traditions ; et c’est comme un voile cachant à son esprit la vraie parole de Dieu.
Veillons à ne pas tomber dans un piège semblable. Nous pouvons nous servir avec reconnaissance des enseignements des serviteurs de Dieu, mais si nous en faisons un usage correct, nous serons ramenés à la source, à l’Écriture elle-même. Il ne serait pas difficile de transformer les enseignements des serviteurs de Dieu les plus éminents en une pure tradition. Ils deviendraient alors pour nous comme une espèce d’écran de fumée qui nous cacherait la parole de Dieu, tout comme le Talmud aveugle l’esprit des Juifs quant à la force réelle de l’Ancien Testament.
Le Seigneur est amené à dénoncer sévèrement la gravité de cette disposition, poussée à l’extrême par les pharisiens. Ils étaient des hypocrites, et il le leur dit clairement. Ils tombaient sous la dénonciation accablante d’Ésaïe, car ce type de mal religieux caractérise toujours les hommes dont le cœur est éloigné de Dieu, mais qui l’honorent des lèvres, tout en mettant leurs propres préceptes et commandements à la place de sa parole. Toute profession religieuse semblable est vide et vaine ; pourtant aujourd’hui, un vrai croyant peut facilement se trouver entraîné dans de telles tendances.
Après avoir dénoncé les pharisiens, le Seigneur s’adresse à la foule pour la mettre en garde contre l’erreur qui est à la base de cette hypocrisie : la supposition que ce qui souille les hommes leur est imposé de l’extérieur et n’est pas produit à l’intérieur ; que c’est physique plutôt que spirituel. Ce qui souille un homme, c’est ce qui sort de sa bouche, l’expression de ce qui est dans son cœur. Le cœur de l’homme est la source de la souillure. Fait solennel ! Un tel enseignement, qui coupe à la racine toutes leurs pratiques cérémonielles, choquait naturellement les pharisiens, mais cela manifestait seulement qu’ils n’étaient pas des arbres plantés par Dieu. Leur fin était d’être déracinés. Ils étaient aveugles eux-mêmes et ils en égaraient d’autres, qui étaient aveugles aussi. Dieu s’occuperait d’eux dans son gouvernement ; les disciples devaient les laisser et ne pas se venger.
Mais ce que le Seigneur venait de dire surprend même les disciples ; aussi Pierre demande-t-il une explication de ce qu’il appelle « cette parabole ». Il s’attire par là un reproche — un reproche plein de douceur — du Seigneur. En fait, aucun d’eux ne discernait grand-chose au-delà de la lettre de la loi avec ses offrandes et ses ordonnances cérémonielles ; et ainsi ils n’avaient qu’une très faible idée de sa rigueur en condamnation. Ils prenaient garde à ce qui entrait dans leur bouche, afin d’être cérémoniellement purs. La loi, prise dans son sens spirituel, s’occupe de l’état du cœur, comme le Seigneur l’a montré dans son Sermon sur la montagne. Les choses mauvaises du verset 19 viennent du cœur et il est significatif que les mauvaises pensées soient en tête de liste, car c’est de là que tout découle. Le Seigneur met ainsi à nu la méchanceté qui est dans le cœur de l’homme.
Dans le cas de la femme cananéenne, il va révéler la bonté qui est dans le cœur de Dieu. La grâce divine était prête à se déverser librement, sans acception de personnes, afin que Gentils et Juifs puissent également la recevoir ; une seule chose était nécessaire de la part du bénéficiaire — la droiture de coeur. Or en même temps qu’elle fait appel à sa grâce, la femme s’adresse à Jésus comme au Fils de David. Elle vient comme si elle appartenait au peuple d’Israël, pensant peut-être qu’en agissant de la sorte, elle avait davantage de chance d’être entendue. Il y avait en cela un certain manque de sincérité, aussi « il ne lui répondit mot ».
Mais s’il y avait manque de sincérité, il y avait également tant d’insistance dans sa foi que, par ses cris, elle s’attire l’intervention des disciples ; cela nous vaut les paroles du Seigneur au verset 24, qui jettent quelque lumière sur l’erreur de la femme. Elle présente alors sa requête simplement sur le terrain de son besoin, disant : « Seigneur, assiste-moi » ; et le Seigneur lui répond par des paroles encore plus exerçantes. Sa mission était envers la maison d’Israël, des hommes spirituellement perdus, mais qui pourtant occupaient la place d’enfants, tandis que les Gentils avaient celle de chiens, impurs et étrangers aux promesses de Dieu. Une sérieuse mise à l’épreuve ! Va-t-elle abandonner les derniers lambeaux de prétention et prendre humblement sa vraie place ?
Elle le fait d’une manière très frappante. Sa réponse, au verset 27, revient à dire : « Je suis effectivement une Gentile, mais les hommes laissent bien des restes en suffisance pour nourrir les chiens, et je suis sûre que le coeur de Dieu n’est pas plus étroit que celui des hommes ». Dans cette réponse, Jésus discerne immédiatement une grande foi, et la reconnaît, en donnant à la femme tout ce quelle désirait. Ainsi pour la seconde fois, il découvre une grande foi et la souligne. Dans les deux cas — le centurion du chapitre 8 et ici — c’est un Gentil qui la manifeste ; et dans les deux cas, elle s’accompagne de la condamnation de soi. « Je ne suis pas digne », a dit le centurion ; « je ne suis qu un chien », reconnaît en fait la femme ici. Il en est toujours ainsi : une haute opinion de soi va de pair avec une petite foi, et inversement. Examinons-nous et voyons si ce n’est pas là que réside le pourquoi de notre faible foi.
Le coeur de Dieu était effectivement plus large que la femme ne l’imaginait. Tout en ayant conscience de n’être qu’« un chien », elle obtient une abondance de miettes de la table ; mais bientôt le festin tout entier allait être donné aux chiens, car telle est la force de la déclaration de Paul en Actes 28:28. Néanmoins beaucoup d’événements devaient encore se produire avant que cette annonce puisse être faite et, dans notre évangile, nous voyons les débuts de la magnifique transition. Le reste de notre chapitre présente d’autres manifestations frappantes du coeur de Dieu. La grâce qui avait béni une femme d’entre les Gentils est également à la disposition des multitudes d’Israël dans le besoin. Les foules n’ont qu’à amener leurs malades à Jésus et les jeter « à ses pieds » pour que ceux-ci soient guéris d’une manière telle que leur esprit est dirigé vers le Dieu d’Israël, et qu’ils le glorifient.
Ce déploiement de puissance, exercée en grâce divine, a une attraction telle que les foules restèrent bien plus longtemps que ne le leur permettaient les provisions dont elles disposaient ; et dans leur besoin, Jésus manifeste la même compassion. C’était une répétition de la situation rapportée dans le chapitre précédent, et pourtant les disciples ne s’attendaient apparemment pas du tout à ce que le Seigneur agisse comme il l’avait déjà fait. Ils sont pour nous l’exemple de notre propre manque de foi. Il est comparativement facile de se souvenir de la manière dont le Seigneur a agi dans le passé ; c’est bien différent de compter qu’il agira aujourd’hui, étant assuré qu’il est toujours le même. Mais notre manque de foi n’est pas un obstacle insurmontable à une intervention de sa part. De nouveau il prend leurs maigres ressources et les multiplie de manière à les rendre plus que suffisantes. De nouveau ils ont tous à manger et il y a des restes. Telle est la compassion du cœur de Dieu.
Les pharisiens reprennent maintenant leur attaque, s’alliant pour l’occasion avec leurs ennemis traditionnels, les sadducéens. Le « signe du ciel » n’était qu’un piège, car c’était précisément le genre de chose que les sadducéens, avec leurs notions matérialistes, n’accepteraient jamais. Dans sa réponse, le Seigneur montre qu’ils étaient d’excellents observateurs de la nature et du ciel, mais qu’ils étaient tout à fait aveugles aux « signes des temps », qui demandent du discernement spirituel pour être compris. Étant « une génération méchante et adultère », ils n’avaient aucune intelligence spirituelle ; aussi les signes que Dieu donne n’étaient-ils d’aucun profit pour eux. Comme il l’avait dit précédemment (12:39), « le signe de Jonas le prophète » subsistait, à savoir Sa propre mort et Sa résurrection. Sur ces mots, il les quitte. Et nous savons que lorsque ce grand signe se produisit, ils firent appel à toutes les astuces y compris leur argent pour tâcher de l’annuler ; nous le verrons dans le dernier chapitre de cet évangile.
Après s’être détourné de ces hommes, le Seigneur adresse à ses disciples des paroles d’avertissement. Ils devaient être en garde contre le « levain ». Les disciples prennent d’abord cette mise en garde dans un sens matériel, confortés dans leur erreur par le fait qu’ils avaient oublié de prendre du pain. Pourtant, le souvenir des cinq mille et des quatre mille qui avaient été nourris aurait dû leur ôter toute inquiétude. Ils finissent par comprendre que par « levain » le Seigneur entendait « doctrine ». Il est ainsi évident que, si le vrai disciple ne peut jamais être ni un pharisien ni un sadducéen, il peut être contaminé par leurs doctrines — par l’une des deux ou par l’une et l’autre.
Le levain des pharisiens était ce genre d’hypocrisie religieuse qui met tout l’accent sur les formes religieuses. Le levain des sadducéens était l’orgueil intellectuel qui juge tout selon la raison humaine et qui fait fi de la révélation de Dieu ainsi que de la foi. La mesure dans laquelle la chrétienté est contaminée par ces deux tendances se discerne tristement aujourd’hui. Le ritualisme d’une part, le rationalisme, ou « modernisme » d’autre part, sont bien répandus, et souvent les deux sont mélangés et produisent une sorte d’amalgame ritualiste-rationaliste. À l’avertissement du Seigneur vient s’ajouter celui de l’apôtre Paul en Colossiens 2. Le verset 8 de ce chapitre nous met en garde contre le rationalisme et les versets 16, 18 et 20 à 22, contre le ritualisme dans ses formes variées ; il nous est montré comment ces choses nous détournent de Christ et nous empêchent de tenir ferme le Chef.
Il est significatif que dans notre chapitre l’avertissement du Seigneur contre les uns et les autres vienne juste avant le récit de sa visite à Césarée de Philippe avec la question qu’il pose là à ses disciples. À cet endroit, il se trouvait à la frontière nord du pays et aussi loin que possible des lieux fréquentés par ces hommes. Qui était-Il ? C’était la grande question. Les réponses données sont variées et confuses ; l’intérêt de ces gens n’était pas suffisant pour qu’ils s’en enquièrent soigneusement. Mais quand il s’adresse plus directement à ses disciples, Pierre, enseigné de Dieu, peut donner une réponse claire qui met en lumière le Roc sur lequel l’assemblée allait être bâtie. Colossiens 2 montre l’effet destructif du levain des pharisiens et des sadducéens sur la position et la foi de l’assemblée. En Matthieu 16 nous voyons le Seigneur mettre ses disciples en garde contre les deux, avant de faire pour la première fois mention de l’assemblée qu’il allait bâtir.
Simon Pierre était bienheureux. Car c’est de Dieu lui-même qui est dans les cieux, de Celui dont Jésus parle comme étant « mon Père », qu’il avait reçu une révélation qui n’aurait jamais pu lui être faite par l’homme. Ses yeux avaient été ouverts pour voir en Jésus, le Christ. Telle est sa position officielle comme l’Oint de Dieu. Mais Pierre a discerné qu’il était « le Fils du Dieu vivant ». Voilà certes une confession frappante. Dieu est le Dieu vivant, infiniment au-delà du pouvoir de la mort. Jésus étant le Fils, dans la Déité éternelle, est de ce fait également au-delà de toute la puissance de la mort. Pierre avait évidemment reçu cela par révélation divine. Il n’en avait pas encore saisi toute la portée, comme nous le voyons quelques versets plus bas. Il a cependant vu qu’il en était ainsi et il l’a confessé.
Est-ce que nous le confessons, nous aussi ? Et est-ce que nous en comprenons réellement le sens ? Si tel est le cas, nous avons véritablement trouvé un Roc inébranlable et, comme Pierre, nous sommes des bienheureux.
Dans les paroles adressées à Pierre, au verset 18, le Seigneur
confirme le nom qu’il lui avait donné lors de sa première rencontre, rapportée
en Jean 1:43, tout en révélant quelque chose de plus quant à sa signification.
Ce nom « Pierre » reliait le disciple à l’assemblée que Christ, le
Fils du Dieu vivant, allait bâtir. Ainsi, Christ lui-même est le « Roc »
sur lequel l’assemblée va être fondée. Pierre n’était pas un roc. Il semble
même avoir été le plus impulsif des disciples, celui qui était le plus
facilement ébranlé (voir Galates 2:11-13). Il n’était qu’une pierre, et l’erreur
consistant à le confondre avec le Roc est inexcusable, car le Seigneur, dans l’emploi
qu’il fait des mots, signale la distinction, disant : « Tu es Petros
, et sur cette petra
je bâtirai mon assemblée ».
L’édification de l’assemblée était encore future, car le Roc ne
pouvait être pleinement révélé avant que le Fils du Dieu vivant ait prouvé son
triomphe par la mort et la résurrection, et qu’il ait été élevé dans la gloire.
C’est alors qu’a commencé l’ecclesia
de Christ, ou « compagnie de ceux qui sont
appelés hors de » ; et il y avait là une des pierres qui serait
ensuite édifiée sur le Roc. Dans sa première épître, cet apôtre nous montre que
ce n’est pas une chose réservée à lui exclusivement, car tous ceux qui viennent
à la Pierre vivante sont des pierres vivantes ajoutées à leur tour sur cette
fondation.
Dans cette importante déclaration, le Seigneur parle de son assemblée comme étant son propre ouvrage, contre lequel aucune sagesse ou puissance adverse ne prévaudrait. Rien ne peut affecter ce qui est fait dans la puissance de la vie divine. Dans d’autres passages, l’assemblée est considérée comme la communauté professant fidélité à Christ, amenée à l’existence par les travaux de ceux qui prennent la place de serviteurs de Dieu. Dès le début, cette communauté a été marquée par les manquements ; elle s’est fondue dans le royaume des cieux dont le chapitre 13 nous a appris tant de choses, et que le Seigneur mentionne dans le verset 19 de notre chapitre. Les clés de ce royaume (et non pas celles de l’assemblée) ont été données à Pierre.
Tous ceux qui professent obéissance au Roi sont dans le royaume des cieux, et une place administrative spéciale a été confiée à Pierre en rapport avec cela. Nous le voyons exercer l’acte de « délier » quant aux Juifs en Actes 2:37-40 et quant aux Gentils en Actes 10:44-48 ; et celui de « lier » en Actes 8:20-23. Et dans ces cas, ses actes ont clairement été ratifiés dans les cieux. Mais Simon le magicien, bien qu’il ait été baptisé après avoir professé être un sujet du royaume, n’a jamais été ajouté par le Seigneur à son assemblée.
Le royaume des cieux avait été révélé dans les écrits de l’Ancien Testament, toutefois sans qu’il soit question de sa forme mystérieuse actuelle. D’un autre côté, rien n’avait été dit quant à l’assemblée, et ces paroles de Jésus en étaient une révélation préliminaire. Après cette déclaration, il écarte aussitôt le témoignage que ses disciples avaient rendu, disant qu’il était le Christ venu sur la terre pour confirmer les promesses faites aux pères (Rom. 15:8). Sa réjection était certaine et sa mort imminente. Ainsi seulement serait posée la base appropriée pour l’accomplissement des promesses faites à Israël, ou la bénédiction des Gentils, afin qu’ils glorifient Dieu pour sa grâce qui les a introduits dans l’assemblée. Aussi, à partir de ce moment, Jésus tourne les pensées de ses disciples vers sa mort et sa résurrection, le point culminant de son histoire sur la terre. Christ dans la gloire de la résurrection, plutôt que Christ dans sa gloire terrestre, tel était le but placé devant eux.
Pierre manifeste ici sa fragilité et son caractère bien peu conforme à un roc ; il doit être repris. Il est frappant, dans ces versets, de le voir éclairé par Dieu, puis recevant une place privilégiée dans le domaine administratif et enfin parlant d’une manière qui rappelle à notre Seigneur Satan et les hommes déchus. Tel était Pierre et nous ne valons pas mieux. Ses pensées et celles des autres disciples étaient fixées sur des bénédictions qui devaient se réaliser sur la terre. Le Seigneur le savait et il commence à leur expliquer comment sa mort changerait tout pour eux : eux aussi auraient la sentence de mort sur eux et perdraient leur vie dans ce monde.
Cette déclaration de notre Seigneur (v. 25) ne revient pas moins de six fois dans les quatre évangiles, avec de légères variantes : deux fois dans cet évangile deux fois en Luc une fois en Marc et une fois en Jean. Ces six fois recouvrent, à notre avis, quatre occasions différentes. Ce sont donc évidemment des paroles que Jésus a souvent prononcées ; et cela prouve leur grande importance. Elles atteignent chacun de nous dans ses fibres les plus profondes, et pourtant elles résument en peu de mots un principe capital de la vie spirituelle, valable pour toute la période de sa réjection et de son absence de ce monde. Ce n’est qu’à son retour que les saints jouiront de la vie sur la terre dans un sens complet et littéral. Vouloir gagner le monde maintenant, c’est perdre son âme.
Après avoir montré à ses disciples ce qu’il avait devant lui et ce qui les attendait eux dans le futur immédiat, le Seigneur parle de sa venue en gloire. Il recevra alors le royaume de son Père et ce sera le temps des récompenses. Quelques-uns d’entre eux auraient le privilège de voir le royaume en miniature, comme échantillon de ce qui viendrait. C’était là une expression de sa grâce et de sa sollicitude envers eux, afin qu’ils ne soient pas complètement découragés par ce qu’il venait de leur dire.
La transfiguration, scène sur laquelle s’ouvre ce chapitre, donne un aperçu du royaume : Jésus lui-même, resplendissant comme le soleil, est la figure centrale ; Moïse et Élie sont avec lui, dans une condition céleste, et trois disciples dans un état terrestre y ont aussi une part. La « nuée lumineuse » qui les couvre, est manifestement une réapparition de celle qui demeurait autrefois sur le tabernacle ; c’est de celle-ci que la voix de Dieu le Père se fait entendre, proclamant que Jésus est le Fils, le Bien-aimé, et les délices de son cœur. Dans son impétuosité, Pierre s’est exprimé, montrant qu’il n’avait pas encore un juste sentiment de la gloire exclusive et suprême qui appartenait à son Maître. C’est Christ, et non pas Pierre, que nous devons écouter. Nos oreilles doivent être attentives à Sa voix, et nos yeux remplis de sa présence afin que, comme les disciples lorsque la vision disparut, nous aussi nous ne voyions « personne que Jésus seul ».
Bien que, sur le moment, Pierre n’ait entrevu que faiblement la signification de toute cette scène, il la saisit plus tard, lorsque l’Esprit eut été donné ; nous le voyons par sa seconde épître. Il comprit alors que c’était la confirmation de la parole prophétique quant à « la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ », car ils avaient été « témoins oculaires de sa majesté » (1:16-19). La pleine signification de la transfiguration ne pouvait pas être comprise avant que le Fils de l’homme ait été ressuscité d’entre les morts et qu’en conséquence le Saint Esprit ait été donné. Cela explique l’injonction du Seigneur aux trois disciples, rapportée dans le verset 9 de notre chapitre. Toutefois la vision a soulevé des questions dans l’esprit des disciples quant à la prophétie concernant la venue d’Élie. La réponse du Seigneur montre qu’en rapport avec Sa première venue, cette prophétie avait eu son accomplissement en Jean le Baptiseur qui avait été mis à mort, et il saisit l’occasion pour annoncer une fois encore sa propre mort.
Au sommet de la haute montagne, les disciples avaient goûté la paix et la communion célestes ; ils redescendent avec Jésus là où tout est détresse et ruine — détresse pour le jeune garçon souffrant et son père ; incapacité de faire face à la situation pour les disciples. L’arrivée de Jésus change instantanément tout, exactement comme sa venue prochaine en gloire rétablira complètement la situation qui existera alors, répondant non seulement à la puissance du diable dans le monde, mais aussi à tous les manquements des saints.
Une fois la situation redressée, les disciples invitent le
Seigneur à leur expliquer la raison de leur échec ; ils se trouvent ainsi
devant son tribunal, comme nous le serons tous au jour de sa venue. L’explication,
d’une portée générale, qu’il donne de leur incapacité est : « à cause
de votre incrédulité », mais il ajoute que le démon dans ce cas était d’une
« sorte » particulière qui ne pouvait être traitée que « par la
prière et par le jeûne ». Comme souvent lorsqu’il s’agit de nos
manquements, la raison est complexe. Trois choses sont impliquées. D’abord, l’absence
de foi — peu ou pas de confiance en Dieu
.
Deuxièmement, l’absence de prière — de dépendance
de Dieu
. Troisièmement, l’absence de jeûne — de séparation pour Dieu
, même de choses tout à
fait justes en elles-mêmes dans des circonstances ordinaires. Par ces paroles,
le Seigneur découvre les racines de tous nos échecs dans notre désir de le
servir. Nous sommes en faute quant à l’un ou l’autre de ces trois points ou
quant à tous les trois. Examinons-nous, sondant notre cœur et notre vie, et
voyons s’il n’en est pas ainsi.
Pour la troisième fois, tandis qu’il est en Galilée, Jésus annonce sa mort à ses disciples, ajoutant ici le fait de sa résurrection. Matthieu commente : « Ils furent fort attristés » ; cela montre que la mention de sa mort les impressionnait davantage que celle de sa résurrection. Celle-ci est en dehors de l’expérience naturelle de l’homme, et ils ne comprennent pas. L’incident qui termine ce chapitre montre que Pierre ne considérait son Maître que comme un bon Juif, qui payait tout ce qu’Il devait, et qu’il tenait à ce que tous les autres Le voient sous cette lumière. Au moment où il veut en parler, Jésus le devance par une question qui indique que Pierre et ses semblables étaient des fils du royaume et que, par conséquent, en temps voulu, ils seraient exempts de ce tribut pour le service du temple. Mais le moment n’était pas encore tout à fait là, et aucun motif de scandale ne devait être donné. Aussi par un miracle remarquable, le Seigneur fournit-il la somme exacte nécessaire pour deux versements. Car, dans sa grâce merveilleuse, il associe Pierre à lui-même : le statère devait être donné « pour moi et pour toi ». C’était certainement une indication de la manière selon laquelle les saints en tant que fils du royaume allaient maintenant être associés au Roi lui-même.
La question des disciples : « Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux ? » indique qu’à ce moment leurs pensées étaient entièrement occupées par le royaume. La réponse montre avec la plus grande clarté que la seule façon d’y entrer, c’était de devenir petit, non pas grand. Le résultat de la conversion est qu’on s’humilie et qu’on devient comme un petit enfant. À défaut de cela, on n’est pas du tout dans le royaume. Puis, on y progresse de la même manière qu’on y entre ; par conséquent celui qui est le plus humble dans ce royaume se trouve y être le plus grand. Il fallait que les idées des disciples sur ce sujet soient changées et, trop souvent, il le faut pour nous aussi. Il est évident que le Seigneur parle ici du royaume non pas en tant que la sphère dans laquelle le mal devra être ôté, comme dans le chapitre 13, mais en tant que sphère caractérisée par une réalité vitale.
Pour répondre à cette question, Jésus a appelé un petit enfant
et l’a placé au milieu d’eux, comme exemple vivant. Il va leur montrer qu’un
petit enfant tel que celui-ci, s’il est reçu en Son nom, devient quelqu’un de
très important. Le recevoir équivaut à recevoir le Seigneur lui-même. Dans les
versets 2 à 5, il s’agit du « petit enfant » ; au verset 6, c’est
« un de ces petits qui croient en
moi
». Être une occasion de chute pour l’un de ceux-ci est passible du
jugement le plus sévère, et cela conduit le Seigneur à placer ses disciples
dans la lumière des choses éternelles. Il existe un « feu éternel »,
et mieux vaut sacrifier n’importe quoi plutôt que de le subir.
Les versets suivants, jusqu’au verset 14, traitent encore des petits enfants. Il y a trois raisons pour ne pas les mépriser. Premièrement, ils sont les objets constants du ministère des anges et sont représentés par ceux-ci devant la face du Père dans les cieux. Deuxièmement, ils sont les objets de la grâce du Sauveur en salut. Troisièmement, la volonté du Père est de les bénir ; il ne veut pas qu’un seul d’entre eux périsse. Paroles pleines de douceur et de consolation pour ceux qui ont perdu un de leurs petits dans le jeune âge ; elles donnent l’entière assurance de leur bénédiction. La comparaison du verset 11 avec Luc 19:10 est instructive. Il s’agit là d’une personne adulte, qui a eu tout le temps de s’égarer ; aussi le mot « chercher » est-il employé. Ici, où il est question du petit enfant, ce terme est omis. La tendance à s’égarer est bien là, comme les versets 12 et 13 l’indiquent, mais l’égarement n’est pas mis en compte de la même manière avant que l’âge de responsabilité soit atteint.
Ainsi, les versets 1 à 14 traitent du « petit enfant »
et du royaume ; les versets 15 à 20, du « frère » et de l’assemblée
. Au chapitre 16:18-19, nous
avons eu l’assemblée et le royaume ; tous deux réapparaissent ici. S’agit-il
d’un petit enfant, nous avons tendance à l’ignorer et à le mépriser. S’agit-il
de notre frère, il y a la triste propension à ce que des désaccords et des
offenses surgissent, et c’est ce dont le Seigneur va s’occuper maintenant dans
son enseignement. Nous avons des instructions précises quant à la marche à
suivre ; leur non-observation a produit d’énormes
dégâts. Si un frère m’a offensé, ma première démarche consiste à le voir lui seul
, et à lui signaler son tort. Si j’agis
ainsi dans le bon esprit, je le gagnerai très probablement et nos relations
seront rétablies. À mon tour, évidemment, je verrai peut-être que mes pensées
avaient besoin d’être rectifiées, car la situation n’était pas telle qu’elle
paraissait.
Mais il se peut que ce frère ne m’écoute pas et alors, il faut que j’aille vers lui avec un ou deux autres comme témoins, pour que le mal qu’il a commis soit placé devant lui d’une manière plus précise et plus impartiale. Ce n’est que s’il persiste dans son obstination que l’assemblée doit être informée afin qu’il entende la voix de tous. S’il va jusqu’à ne pas vouloir écouter la voix de l’assemblée, je dois alors le traiter comme quelqu’un avec qui il est impossible d’avoir communion.
On remarquera que le Seigneur ne dit pas ensuite ce que l’assemblée
devait faire ; sans doute parce que les manquements sont de toutes sortes
et de différents degrés de gravité, et qu’aucune instruction ne s’appliquerait
à tous les cas. Toutefois, le verset 18 laisse entendre qu’il y aurait des
occasions où l’assemblée aurait à « lier » le méchant, et d’autres où
son action devrait être dans le sens de « délier ». Nous voyons ici
que ce qui précédemment était pour Pierre seul, est dit maintenant à l’assemblée.
L’exécution fidèle d’un tel mandat implique beaucoup de dépendance de Dieu et
de prière. En outre, même dans les jours du début et dans les circonstances les
plus favorables, il aurait souvent été pratiquement impossible de réunir toute
l’assemblée dans un même lieu. Aussi dans les versets 19 et 20, le Seigneur
descend-il jusqu’au nombre le plus restreint de la pluralité, pour montrer que
la puissance de la prière et l’action de l’assemblée ne dépendent pas du nombre
mais de Son Nom
. Dans le cas du petit enfant et du royaume, le point
important était « en mon nom ». Dans le cas du frère et de l’assemblée,
la chose décisive est de nouveau : « en [ou, à] mon nom ». C’est
là que réside tout le poids de l’autorité.
Le verset 20 est parfois cité comme décrivant une certaine base
de communion, vraie en tout temps pour ceux qui la réalisent. Or le Seigneur ne
parle pas ici de se retrouver simplement ensemble, mais d’être « assemblés
» ; c’est-à-dire qu’il
parle d’une réunion constituée autour de Lui comme seul centre. Son nom a une
valeur telle que si deux ou trois seulement sont assemblés à ce nom, il est là
au milieu d’eux ; fait qui donne de la puissance à leurs prières et de l’autorité
à leurs actes. Il est présent spirituellement, non pas visiblement :
ressource merveilleuse et pleine de grâce pour des jours où l’assemblée ne peut
pas être réunie comme un tout, à cause de son état de ruine et de division.
Nous avons lieu d’en être très reconnaissants, mais veillons à en éprouver,
comme dit le cantique, « et le pouvoir et la réalité ».
Ne pensons pas qu’il suffise d’occuper une position
ecclésiastique bibliquement irréprochable pour qu’une prière soit écoutée ou
une décision ratifiée dans les cieux. Nous ne pouvons demander ou agir au nom du Seigneur
indépendamment de
notre état moral. Avançons doucement, et tant que la volonté de Dieu ne nous
est pas claire, soit en donnant, soit en ratifiant, humilions-nous et examinons
nos cœurs et nos voies pour découvrir en quoi nous n’avons pas réalisé un vrai
rassemblement en son nom. N’étions-nous pas en fait tout le temps occupés de
nous-mêmes et notre état moral n’était-il pas mauvais ?
Au verset 21, nous voyons Pierre soulever l’autre aspect du sujet. Qu’en est-il, non plus du coupable, mais de celui qui a été offensé ? La réponse de Jésus revient à ceci : l’esprit de pardon envers mon frère doit être pratiquement illimité.
Là-dessus, le Seigneur prononce la parabole du roi et de ses
esclaves, sur laquelle se termine le chapitre. La portée générale en est très
simple ; le seul point que nous soulignerons est qu’elle se rapporte aux
voies gouvernementales
de Dieu envers
ceux qui prétendent être ses esclaves ; nous le voyons clairement au
verset 35 qui nous donne l’application qu’en fait le Seigneur lui-même. Le
pardon éternel repose sur une base tout autre, mais le pardon gouvernemental
dépend très souvent de l’esprit de pardon que doit manifester le croyant. Si
nous traitons mal nos frères, nous nous retrouverons tôt ou tard entre les
mains des « bourreaux » et nous connaîtrons des temps pénibles. Et si
l’un d’entre nous voit un frère en traiter mal un autre, nous ferons bien d’imiter
les esclaves de la parabole et de déclarer au Seigneur ce qui s’est passé, le
laissant s’occuper du coupable dans son saint gouvernement, plutôt que de
prendre la loi entre nos propres mains et d’attaquer celui qui a mal agi.
Jésus se rapproche maintenant de nouveau de la Judée et les Pharisiens reviennent à la charge. Ils soulèvent une question relative au mariage et au divorce, dans l’espoir de le prendre au piège. Ils échouent totalement, car ils se mettent aux prises avec la sagesse divine. Le renvoi à ce que Dieu a ordonné au commencement leur fournit une réponse complète. L’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni. Cela suscite, dans leur esprit, une question : pourquoi le divorce a-t-il été permis dans la loi donnée par Moïse ? La réponse est : à cause de la dureté de cœur des hommes. Dieu connaissait bien celle-ci, aussi n’a-t-il pas placé le niveau trop haut. La loi présente l’exigence minimale pour la vie dans ce monde. Aussi faillir simplement une fois, c’était encourir la sentence de mort. Une seule chose peut dissoudre le lien selon Dieu : c’est la rupture de fait de l’union par l’une ou l’autre des parties.
Ce n’est que lorsque nous venons à Christ que nous avons toute la pensée de Dieu — le maximum de Dieu à tous égards.
L’enseignement du Seigneur quant au divorce était nouveau et surprenant, même pour les disciples, et provoque leur remarque, rapportée au verset 10. Et cela l’amène à son tour à déclarer que le mariage est la chose normale pour l’homme, et que l’état de célibat est l’exception, comme aussi les paroles de Paul en 1 Corinthiens 7:7 le laissent entendre. Si cet état de célibat « est donné » à quelqu’un, alors il est bon de ne pas se marier ; mais dans le cas normal, « que le mariage soit tenu en honneur » (Héb. 13:4).
Ensuite, le Seigneur donne aux enfants la place qui leur appartient. Les disciples manifestaient l’esprit du monde en les traitant comme quantité négligeable, allant jusqu’à estimer importun le fait de les amener. Ils montraient par là qu’ils n’avaient pas encore appris la leçon que Jésus leur avait enseignée dans les premiers versets du chapitre 18. Le Seigneur au contraire leur impose les mains pour les bénir et prononce les paroles mémorables : « Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car à de tels est le royaume des cieux ».
Puis nous avons le cas du jeune homme riche qui prétendait avoir
gardé la loi, tout au moins les commandements relatifs aux devoirs envers son
prochain. Le Seigneur ne conteste pas sa prétention, car apparemment il avait
été irréprochable quant à l’observation extérieure. Toutefois il se trompait
grandement en croyant qu’il pouvait avoir la vie éternelle en faisant le bien.
Puisqu’il se plaçait sur ce terrain, Jésus le met tout de suite à l’épreuve, et
là le jeune homme échoue complètement. « Que me manque-t-il encore ? »
demande-t-il alors, et la réponse a pour but de lui montrer qu’il lui manque la
foi
qui discerne la gloire de Jésus
et qui, par conséquent, l’aurait amené à donner tout pour Le suivre. Il s’est
adressé à Jésus en disant : Bon Maître ; mais le Seigneur n’accepte
pas l’épithète « bon », à moins qu’elle ne lui soit donnée par
reconnaissance de sa divinité. « Nul n’est bon, sinon un seul, Dieu »,
de sorte que si Jésus n’était pas Dieu
,
il n’était pas bon
. Si le jeune homme
avait reconnu la divinité de Celui qui lui disait : « Suis-moi »,
ses « grands biens » auraient perdu leur valeur à ses yeux et il
aurait suivi Jésus avec bonheur. Chacun de nous a-t-il reconnu la gloire de Jésus
au point d’être libéré de l’amour des choses purement terrestres ?
Le Seigneur montre alors à ses disciples la terrible emprise que
les richesses de la terre ont sur le cœur humain. Un riche entre très
difficilement dans le royaume des cieux. Parmi les Juifs, la richesse était
considérée comme un signe de la faveur de Dieu ; aussi cette parole
bouleverse-t-elle les pensées des disciples et les étonne beaucoup. Ils
concluent que personne ne peut être sauvé, si, pour les riches, c’est tellement
difficile. Il s’ensuit une déclaration encore plus forte. Le salut est une
chose non seulement difficile ou improbable pour l’homme, mais impossible
. Seule l’intervention de la
puissance de Dieu le rend possible.
Nous pouvons résumer les versets 1 à 26 en disant que le Seigneur répand sa lumière sur le mariage, les enfants et les richesses : trois choses qui occupent une si grande place dans notre vie sur la terre, et dans chacun des cas, la lumière qu’il donne renverse les pensées que les disciples avaient précédemment (voir les versets 10:13 et 25).
Pierre revient sur les paroles du Seigneur pour demander une précision quant à la récompense offerte à ceux qui, comme lui, avaient suivi le Seigneur. La réponse établit clairement qu’il doit y avoir « la régénération », c’est-à-dire un ordre de chose entièrement nouveau lorsque le Fils de l’homme ne sera plus rejeté, mais sera assis sur le trône de sa gloire, et que les disciples seront aussi assis sur des trônes et investis de pouvoirs administratifs sur les douze tribus d’Israël. Dans cette période, les saints jugeront le monde, et la place de prééminence spéciale réservée aux apôtres est indiquée ici. Le Seigneur ajoute que tous ceux qui auront renoncé aux relations et aux joies terrestres pour l’amour de son Nom, recevront cent fois autant, et hériteront de la vie éternelle. La vie que le jeune homme riche désirait et qu’il n’a pas eue parce qu’il n’a pas suivi Christ, sera leur part.
Le dernier verset du chapitre contient une parole d’avertissement. Plusieurs qui sont les premiers dans ce monde seront les derniers, et inversement ; car les pensées de Dieu ne sont pas les nôtres.
Ce chapitre commence par la parabole du maître de maison et de
ses ouvriers, parabole qui, au verset 16, nous ramène au même point que le
verset 30 du chapitre 19 avec une conviction nouvelle. Elle se rattache aussi
directement à la question de Pierre qui demandait une promesse précise de
récompense, puisqu’elle met en contraste la différence de traitement que fait
le maître de maison entre ceux qui l’ont servi à la suite d’un accord conclu et
ceux qui ont travaillé pour lui sans aucun accord, mais dans la simple
confiance qu’il leur donnerait « ce qui sera juste ». Nous pouvons
facilement comprendre les sentiments de ces ouvriers de la première heure et
leur plainte d’être traités injustement, puisqu’ils avaient supporté la fatigue
et la chaleur de la journée. Quel ouvrier ne serait pas enclin à raisonner
comme eux ? Mais le « maître de la maison » accorde une grande
valeur à cette confiance
dans la
justice de son appréciation et à cette foi en sa parole qui caractérise les
derniers venus. Il lui était permis de faire ce qu’il voulait de son propre
argent, et il estime si hautement la foi, qu’il donne aux derniers exactement
la même chose qu’aux premiers. De plus en distribuant l’argent, il commence par
les derniers. Ainsi, les derniers sont devenus les premiers, et les premiers
les derniers.
Nous avons là une leçon que nous sommes tous lents à apprendre. Le Seigneur ne mésestimera pas le travail, mais il appréciera encore davantage la simple foi en lui — en sa justice, en sa sagesse, en sa parole — la foi qui continuera à le servir, même si le jour est très avancé, sans se préoccuper de la récompense, ni chercher à conclure un accord. La foi et l’amour qui pousseraient certains à le servir ainsi ont plus de valeur pour lui que le travail effectif qu’ils pourraient accomplir. Puissions-nous lire, méditer, apprendre et digérer intérieurement cette parabole avec profit.
Jésus se dirige maintenant pour la dernière fois vers Jérusalem et de nouveau, il place devant ses disciples sa mort imminente et sa résurrection. C’est la quatrième fois qu’il en parle dans cet évangile depuis sa déclaration importante du chapitre 16 quant à l’assemblée qu’il bâtirait. Ce court passage est riche en détails. Il annonce sa trahison par Judas, sa condamnation par le sanhédrin, le fait qu’il serait livré par les Juifs à Pilate et à ses soldats, les moqueries, les coups, la crucifixion et enfin sa résurrection — tout cela en deux versets.
Mais les disciples ont encore toutes leurs pensées remplies par l’attente du prompt établissement du royaume ; à tel point que Jacques et Jean sont amenés par leur mère qui demande pour eux des places d’honneur dans ce royaume. Jésus répond par une question qui montre que l’honneur dans le royaume à venir sera en proportion de la manière dont on se sera identifié à lui dans ses souffrances et sa réjection. Il mentionne en même temps que les récompenses dans le royaume seront données selon le jugement du Père. Le Fils de l’homme lui-même recevra le royaume des mains du Père, comme cela a été indiqué dans le Psaume 8 et en Daniel 7 ; de même les saints recevront leur place dans le royaume de la main du Père. Nous en souvenir nous aidera à comprendre ce que le Seigneur veut dire par : ce « n’est pas à moi pour le donner », en relation avec les récompenses.
C’est le seul cas, pour autant que nous sachions, où un parent venu présenter une requête au Seigneur pour un de ses enfants s’est heurté à un refus. Mais aussi, la mère demandait ici une place d’honneur comme récompense ; dans tous les autres cas il s’agissait d’une demande de bénédiction des mains du Seigneur. Jamais une telle requête n’a été repoussée. Il y avait évidemment un esprit de compétition entre les disciples, car les dix estiment que les deux ont marqué un point par rapport à eux et ils sont indignés. Cela nous vaut une leçon plus belle encore quant à l’humilité qui convient dans le royaume. Même aujourd’hui nous sommes très lents à admettre que les principes qui prévalent dans le royaume divin sont l’opposé de ceux qui ont cours dans les royaumes des hommes. Dans le monde, la grandeur s’exprime par la domination et l’autorité ; les grands sont dans la position de chefs sur leurs semblables. Parmi les saints, la grandeur consiste dans le fait de servir et d’être esclave. Au verset 26, nous avons le mot « serviteur » ; et au verset 27, celui d’ « esclave », le terme que Paul emploie pour Timothée et pour lui-même dans le premier verset de l’épître aux Philippiens. Paul était par excellence un esclave de Jésus Christ, et il ne sera pas estimé petit lorsqu’il sera jaugé par la mesure ayant cours dans le royaume des cieux.
D’un autre côté, il y avait aux jours de Paul des hommes qui,
aspirant à la domination et à l’autorité, asservissaient les croyants,
prenaient leurs biens, s’élevant eux-mêmes et frappant les autres au visage.
Mais c’était des faux apôtres, des ouvriers trompeurs (voir 2 Corinthiens 11:13-20).
Il y en a aujourd’hui qui affirment leur domination de la même manière, et il
convient que nous soyons sur nos gardes à leur égard. Le Seigneur se présente à
nous comme le Fils de l’homme venu non pas pour être servi mais pour servir, et
pourtant son droit était d’être servi. Nous le voyons sous un double aspect en
Daniel 7:9-14, car Jésus peut être identifié à « l’Ancien des jours »
aussi bien qu’au Fils de l’homme. En tant qu’Ancien des jours, « mille
milliers le servaient » avant qu’il ne descende parmi nous. Comme Fils de
l’homme, « tous les peuples, les peuplades et les langues » le
serviront. Mais dans l’intervalle, il y a le temps de son humiliation, lorsqu’il
est venu pour servir ; et cela a été jusqu’au point extrême de donner sa
vie en rançon pour plusieurs. Ainsi pour la cinquième fois depuis le chapitre
16, le Seigneur place sa mort devant ses disciples ; et cette fois, il
parle de la vertu rédemptrice
de
celle-ci. Dieu soit béni ! Nous sommes au nombre de ces « plusieurs ».
Les scènes finales de l’évangile sont introduites par l’incident concernant les deux aveugles, comme Jésus sortait de Jéricho. Tant Marc que Luc ne mentionnent qu’un seul d’entre eux, appelé Bartimée, mais il est évident qu’il y en avait effectivement deux. Ce même fait se retrouve dans les récits de la légion de démons chassés, car à la fin du chapitre 8, Matthieu parle de deux hommes, alors que Marc et Luc n’en indiquent qu’un seul. Chaque fois, il y a deux témoins de la puissance et de la grâce de Jésus, et Matthieu le souligne, car ce serait particulièrement frappant pour les lecteurs juifs : leur loi ne stipulait-elle pas la nécessité du témoignage de deux personnes, celui d’une seule pouvant être rejeté ?
Le Fils de David montait maintenant pour la dernière fois dans
sa ville. Ces hommes avaient assez de foi pour le reconnaître et ils obtinrent
de lui la vue physique qu’ils désiraient. Les yeux ouverts, ils se mirent à le
suivre. Cela parle symboliquement sans doute de la misère spirituelle des
foules en Israël. Si seulement leurs yeux avaient été véritablement ouverts,
elles auraient discerné leur Messie en Jésus au jour de sa visitation. Aujourd’hui
la situation est la même. Les gens se plaignent souvent du manque de lumière.
En fait ce qui leur fait défaut c’est la vue spirituelle — c’est-à-dire la foi
— qui leur permettrait de voir la
lumière, qui a brillé d’un éclat si vif en Lui.
Au début de ce chapitre, nous voyons le Seigneur se présenter à
Jérusalem selon la prophétie de Zacharie. L’Éternel
avait parlé par le prophète, et maintenant, quelque cinq siècles plus tard, l’ânesse
et son ânon étaient là, exactement au bon moment, sous la garde de quelqu’un
qui répondrait immédiatement au besoin du Seigneur. Une fois encore le Seigneur
était clairement manifesté devant eux comme leur Messie et leur Roi. Il était
né de la vierge à Bethléhem, avait été appelé hors d’Égypte
et s’était levé comme la grande Lumière en Galilée, ainsi que les prophètes l’avaient
dit. Maintenant, les soixante-neuf semaines de Daniel étant achevées, il entrait
comme Roi dans sa ville. Hélas ! le peuple n’a pas pris garde au fait qu’Il
devait être débonnaire
, et que le
salut qu’Il venait apporter devait s’accorder avec cela, et non pas être fondé
sur la puissance victorieuse. Aussi se sont-ils heurtés à cette pierre d’achoppement.
Toutefois, pour un court moment, il sembla qu’ils allaient le recevoir. L’exemple des disciples est contagieux et la multitude lui rend hommage, le saluant comme le Fils de David, et comme Celui qui venait au nom du Seigneur. Mais la réalité de leur foi ne tarde pas à être mise à l’épreuve, car lorsque Jésus entre dans la ville, une question est soulevée : « Qui est celui-ci ? » La réponse des foules ne contient pas trace de foi réelle. Elles disent : « Celui-ci est Jésus, le prophète, qui est de Nazareth de Galilée ». C’était tout à fait vrai, naturellement, mais cela n’allait pas au-delà de ce qui était évident même pour ceux qui n’avaient pas la foi. De nombreux prophètes étaient venus avant cela, et Jérusalem les avait mis à mort.
Jésus vient de se présenter à eux comme Roi ; aussi, étant entré dans la ville, il va directement dans le temple, le centre même de leur religion, et affirme sa puissance royale en le purifiant. Il avait agi de cette manière tout au début de son ministère, comme nous le voyons en Jean 2 ; il le fait de nouveau à la fin. La pratique du trafic et du change dans le temple résultait probablement des dispositions accommodantes de la loi, que nous trouvons en Deutéronome 14:24-26. Des hommes impies avaient profité de cette ressource pour transformer l’enceinte du temple en caverne de voleurs. Pour Dieu, le temple était la maison où les hommes s’approchaient de lui avec leurs requêtes. Ses gardiens en avaient fait un lieu où l’escroquerie avait cours, et ainsi le nom de Dieu était diffamé. Souiller ou corrompre le temple de Dieu est un péché extrêmement grave. 1 Corinthiens 3:17 le montre, dans son application au temple actuel de Dieu.
Après avoir chassé ces hommes méchants, Jésus dispense la grâce à ceux mêmes qu’ils empêchaient d’entrer. Les aveugles et les boiteux n’avaient pas le droit de s’approcher selon Lévitique 21:18, et 2 Samuel 5:6-8 rapporte la sentence de David contre eux : ils « n’entreront pas dans la maison », dit-il. Le vrai Fils de David était maintenant arrivé dans Sion, et il fait l’inverse de ce que David avait décidé. Ceux qui étaient « haïs de l’âme de David » sont aimés et bénis ce jour-là. Les changeurs sordides avaient dénaturé le Dieu dont le temple était la maison, et amené les hommes à blasphémer son nom ; en guérissant ceux qui étaient dans le besoin, Jésus révélait pleinement le cœur de Dieu ; et alors la louange jaillit. Les enfants aussi crient : « Hosanna au Fils de David ! » Ils font écho au cri des adultes.
Les chefs religieux eux-mêmes sont témoins de Ses œuvres merveilleuses de puissance et de grâce et ils entendent avec un profond mécontentement le cri des enfants. Jésus justifie ceux-ci dans leur simplicité et cite le verset 2 du Psaume 8 comme trouvant son accomplissement en eux. Le Psaume dit : « tu as fondé ta force », tandis que Jésus en donne une autre application en disant : « tu as établi ta louange » ; mais dans les deux cas, la pensée est que Dieu accomplit ce qui est son bon plaisir, et qu’il reçoit la louange qui lui est due, par ce qui est petit et faible. Il est ainsi démontré que la force et la louange sont l’une et l’autre de Lui et par Lui. C’est ce que nous avons ici. Lorsque les chefs non seulement se taisent mais s’opposent, Dieu veille à ce que la louange qui convient lui soit rendue par la bouche des petits enfants.
Mais pour le moment, la ville et le temple étaient sous la garde de ces hommes incrédules ; il les laisse donc et va passer la nuit à Béthanie, où demeurait une famille au moins qui croyait en lui et l’aimait. Revenant le lendemain, il prononce sa sentence contre le figuier qui n’avait rien que des feuilles. Beaucoup d’apparence extérieure, mais pas de fruit ; sur cet arbre jamais aucun fruit ne naîtrait plus. Il est entièrement condamné. Et à l’instant, il sèche ! L’incident est si manifestement miraculeux qu’il attire l’attention et les commentaires des disciples.
La réponse du Seigneur détourne leurs pensées du figuier pour les diriger sur « cette montagne ». Le figuier était un type d’Israël, plus particulièrement de cette partie de la nation qui était remontée de la captivité et se trouvait maintenant dans le pays. Jugés en tant que nation, il n’y avait rien en eux pour Dieu, et ils étaient condamnés ; et puisqu’ils étaient des échantillons de choix de la race humaine, l’arbre sans fruit présente le fait que la race d’Adam, comme hommes dans la chair, est condamnée, et qu’il n’y aura jamais en eux aucun fruit pour Dieu. Jérusalem et son temple couronnaient « cette montagne » qui symbolisait, pensons-nous, tout le système juif. S’ils avaient de la foi, ils anticiperaient ce que Dieu allait faire en ôtant la montagne afin qu’elle soit submergée dans la mer des nations. L’épître aux Hébreux montre comment le système juif a été mis de côté, et « cette montagne » a été finalement jetée dans la mer lorsque Jérusalem a été détruite en l’an 70 de notre ère.
La chose nécessaire, c’est la foi
. L’épître aux Hébreux met l’accent là-dessus, car c’est elle
qui contient le magnifique chapitre sur la foi. Le système israélite n’était
après tout qu’une ombre des biens à venir et non pas leur réalité. Il fallait
de la foi pour discerner cela et nombre de ceux qui croyaient en Christ ne s’étaient
pas débarrassés des ombres, même lorsque l’épître aux Hébreux fut écrite. Seul
l’homme de foi a accès aux réalités que Christ a introduites ; et de
telles personnes peuvent prier avec la confiance qu’elles recevront ce qu’elles
demandent.
Les chefs religieux pressentent que l’arrivée de Jésus à Jérusalem et ses actes merveilleux constituent un défi à leur autorité, aussi décident-ils d’agir agressivement et de défier la sienne. À cet effet, ils se lancent dans une controverse, qui s’étend jusqu’à la fin du chapitre 22. Il en résulte trois paraboles frappantes prononcées par le Seigneur, suivies par trois questions astucieuses des pharisiens et hérodiens, des sadducéens et d’un docteur de la loi, respectivement ; le tout couronné par la grande question posée par le Seigneur lui-même qui réduit tous ses adversaires au silence.
En lui demandant de prouver son autorité, les principaux
sacrificateurs se font fort de déterminer sa valeur une fois qu’il en aurait
produit la preuve. La réponse du Seigneur est en fait celle-ci : s’ils
prouvaient leur compétence en se prononçant sur la question beaucoup moins
importante de l’autorité de Jean, il soumettrait alors la sienne à leur examen.
Cela les plonge dans l’embarras. S’ils reconnaissaient le baptême de Jean comme
venant du ciel, ils se condamnaient, car ils ne l’avaient pas cru. S’ils le
rejetaient comme étant simplement des hommes, ils perdaient leur popularité
face au peuple qui le considérait comme un prophète. Ils tenaient très fort à
cette popularité, car « ils ont aimé la gloire des hommes plutôt que la
gloire de Dieu » (Jean 12:43). Ils ne voulaient
pas dire que le baptême de Jean était vrai et ils n’osaient
pas dire qu’il était de nul effet ; aussi se
placent-ils sur le terrain de l’ignorance en disant : « Nous ne
savons ». Ils se disqualifiaient ainsi pour juger et perdaient tout motif quelconque
de protestation lorsque Jésus refusa de révéler son autorité. La puissance de
Dieu qu’il détenait lui donnait son autorité à l’exclusion de toute autre
chose. Mais ils n’en voulaient pas et l’avaient même attribuée à l’énergie du
diable, comme nous l’avons vu auparavant dans cet évangile.
Le Seigneur mène maintenant le débat par ses paraboles. En les examinant, nous constaterons que la première concerne leur attitude en tant que placés sous la loi ; la deuxième, en tant que mis à l’épreuve par la présence du Fils de l’homme sur la terre ; la troisième est prophétique et considère la réponse qui serait faite à l’évangile. L’ordre divin est respecté — la Loi, le Messie, l’Évangile.
Jésus introduit la première par les mots : « Que vous en semble ? » (v. 28) puisqu’il soumettait cette courte parabole à leur jugement et leur donnait l’occasion de se condamner eux-mêmes. La parabole des deux fils en Luc 15 est relativement longue, tandis que celle que nous avons ici est très brève, mais dans l’une et l’autre les mêmes deux classes sont dépeintes : les chefs religieux d’une part, les publicains et les pécheurs d’autre part. Ici cependant, nous avons leur responsabilité sous la loi, tandis qu’en Luc 15, c’est leur réception selon la grâce de l’évangile.
Dans plusieurs passages de l’Ancien Testament, l’image de la vigne est employée pour parler d’Israël sous la loi ; aussi les paroles : « Va aujourd’hui travailler dans ma vigne », expriment-elles de façon très appropriée le commandement de l’Éternel. Elles sont souvent citées comme un appel aux chrétiens à servir leur Seigneur dans l’évangile, mais tel n’est pas leur sens premier si nous les lisons dans leur contexte. Le chapitre 9:38, Jean 4:35-38, et d’autres passages nous montrent que l’image qui s’appliquerait plutôt à nous est celle du travail dans « la moisson » et non pas dans « la vigne ». Le mot important sous la loi, c’était « FAIS ceci », car l’homme doit travailler ; mais par les œuvres de loi, nulle chair n’a été justifiée.
La parabole fait ressortir ce fait, car aucun des deux fils n’est caractérisé par une obéissance entière. L’un fait une belle profession en paroles, mais désobéit complètement. L’autre refuse d’abord catégoriquement, mais ensuite il est amené à la repentance, et à l’obéissance comme fruit de celle-ci. De la même manière les principaux sacrificateurs et les anciens se trompaient eux-mêmes par leur profession religieuse, alors que les publicains et les prostituées se repentaient et entraient dans le royaume. Au verset 32, le Seigneur lie clairement ce fait avec le ministère de Jean. Ce dernier est venu à la fin de l’économie de la loi, appelant à la repentance ceux qui avaient failli sous elle. Le Seigneur lui-même rattache donc la parabole à la loi et non pas à l’évangile.
Nous avons ensuite la parabole du maître de maison et de sa vigne. Remarquons qu’il s’agit toujours de la vigne ; or « la vigne de l’Éternel des armées est la maison d’Israël » (Ésaïe 5:7). Non seulement ils ont failli sous la loi, mais ils ont maltraité tous les prophètes par lesquels Dieu s’était adressé à leur conscience, et finalement nous avons la mission du Fils, venu comme mise à l’épreuve suprême. Les « cultivateurs » de la parabole représentent clairement les chefs responsables d’Israël, qui ne se limitent pas à répéter leur incapacité à produire du fruit pour le profit du « maître de maison », mais couronnent leur méchanceté en mettant à mort le Fils. Ils veulent tout l’héritage pour eux. Ainsi le Seigneur résumait l’accusation contre Israël sous trois titres : pas de fruit pour Dieu ; mauvais traitements infligés à ses serviteurs les prophètes ; réjection et meurtre du Fils.
Après avoir exposé la parabole, il dit de nouveau en quelque
sorte : « Que vous en semble ? » — soumettant à leur
jugement le sort que méritaient les cultivateurs. Ses adversaires, si prompts
quand il s’agit de leurs propres intérêts, sont lents à comprendre tout ce qui
est de nature spirituelle, et terriblement aveugles. Aussi ne discernent-ils
absolument pas la portée de la parabole et ils donnent une réponse qui annonce
la juste condamnation qui allait s’abattre sur leur propre tête. Ils seraient,
en deux mots, dépossédés
et détruits
.
Le Seigneur accepte, comme étant correct, le verdict qu’ils ont prononcé sur eux, citant à l’appui le Psaume 118:22 et 23. Il était la pierre qu’eux, ceux qui bâtissaient, avaient rejetée. Il ne convenait pas du tout au bâtiment qu’ils avaient en vue et ils ne voulaient pas de Lui. Le jour vient où il paraîtra pour être le fondement et pour édifier la maison que Dieu a en vue ; et cet événement merveilleux entraînera la destruction des hommes méchants et de leur fausse construction.
Le verset 43 et la première partie du verset 44 exposent les effets présents de sa réjection. Il devient une pierre d’achoppement pour les chefs d’Israël et la nation comme telle, et il s’ensuit que, comme peuple, ils sont brisés. Cela a eu lieu de façon définitive lors de la destruction de Jérusalem. Le royaume de Dieu avait été établi au milieu d’eux par Moïse ; maintenant il leur était définitivement retiré et il allait être donné sous une autre forme à une « nation » qui produirait ses propres fruits. Autrefois, les prophètes avaient dénoncé le péché du peuple et annoncé que Dieu susciterait une autre nation qui les supplanterait ; des passages tels que Deutéronome 32:21 ; Ésaïe 55:5 ; 65:1 ; 66:8, nous l’indiquent. Cette nation « naîtra… en une fois » au début du millénium ; c’est-à-dire qu’ils seront nés de nouveau, et auront ainsi une nature qui se plaira à faire la volonté de Dieu et les rendra propres à porter du fruit. C’est ce que nous, chrétiens, connaissons déjà, comme nous le voyons en 1 Pierre 2:9. Rachetés et nés de nouveau, nous avons été appelés des ténèbres à la merveilleuse lumière de Dieu, et nous pouvons, comme « une nation sainte », annoncer les vertus de Celui qui nous a ainsi appelés. N’est-ce pas là porter du fruit à Sa satisfaction ?
La seconde partie du verset 44 se rapporte à ce qui arrivera aux incrédules au début du millénium. Les paroles du Seigneur semblent tirées de Daniel 2:34-35, et parlent de l’effet en destruction de sa seconde venue sur les hommes, Juifs ou Gentils. L’enseignement de ces deux versets porte donc sur le brisement national d’Israël comme conséquence du fait qu’ils ont rejeté Christ, son remplacement par une « nation » nouvelle, et la destruction finale de tous les adversaires dans la révélation du Seigneur Jésus en flammes de feu.
Un trait de lumière pénètre dans l’esprit obscurci des
principaux sacrificateurs et des pharisiens qui ont écouté ces paroles :
ils comprennent que le Seigneur parlait d’eux et qu’à leur insu ils se sont
condamnés eux-mêmes. Quel choc terrible ! Battus, ils décident de le
mettre à mort ; ils ne sont arrêtés sur le moment que par la crainte de l’opinion
publique. Au verset 26, la crainte de la foule a mis un frein à leur langue
. Au verset 46, elle les retient
encore dans leurs actions
.
Mais le Seigneur continue calmement à exposer ce qu’il a à leur dire ; aussi ce chapitre commence-t-il par la parabole du mariage du fils du roi, qui annonce le jour de l’Évangile sur le point de se lever. Nous ne trouvons pas la question : « Que vous en semble ? » en relation avec cette parabole, car elle dépasse de beaucoup les pensées des hommes. Elle se distingue aussi des deux autres en ce qu’elle commence par : « Le royaume des cieux a été fait semblable ». En acceptant l’invitation de l’évangile, lorsque la ruine est totale comme les autres paraboles l’ont montré, les hommes se placent sous la juridiction des cieux. Nous allons maintenant comme au chapitre 13 apprendre quelque chose de nouveau.
Dans cette parabole, le roi ne demande rien à personne. Il donne
au lieu de demander
. Lui aussi a un « fils » pour lequel il fait des
noces, envoyant ses esclaves pour convier les hommes. Quelle correspondance
merveilleuse entre l’invitation envoyée et le message de l’évangile ! « J’ai
apprêté… tout est prêt : venez aux noces ». Apprêté
par le sacrifice de Christ. Prêt, puisque son œuvre est
achevée. Aussi maintenant n’est-ce pas : « Allez, travaillez »,
mais « Venez ».
En premier lieu, l’invitation est adressée à « ceux qui étaient invités », une classe de personnes particulièrement privilégiées. Nous en avons l’accomplissement dans les premiers chapitres des Actes. Pendant une courte période, l’évangile n’a été annoncé qu’aux Juifs, mais la plupart d’entre eux en firent peu de cas, étant occupés des avantages du monde, alors que d’autres s’opposèrent activement, persécutant et mettant à mort certains des messagers de la première heure, comme dans le cas d’Etienne. Cette étape prit fin avec la destruction de Jérusalem, annoncée dans le verset 7.
Puis l’invitation s’étend, comme les versets 9 et 10 nous l’indiquent.
Dans la parabole de Luc 14, il y a un esclave, représentant sans doute le Saint
Esprit ; ici, il y en a plusieurs ; ce sont les instruments humains
dont l’Esprit peut se servir. Ils sont envoyés dans les carrefours des chemins
pour convier autant de gens qu’ils trouveront, soit mauvais soit bons. L’Esprit peut « contraindre
»
les hommes d’entrer, comme en Luc 14 ; les esclaves eux reçoivent l’instruction
d’inviter
tous ceux qu’ils trouveront
sur leur chemin. Tous n’accepteront pas, mais grâce à
cela, le nombre des invités aux noces sera complet. Le prédicateur de l’évangile
n’a pas à s’embarrasser de questions touchant à l’élection de la grâce. Il a
simplement à transmettre la parole à tous ceux qu’il rencontre, assemblant tous
ceux qui répondent, car c’est à Dieu qu’il appartient de toucher le cœur des
hommes.
La seconde partie de la parabole, les versets 11 à 14, montre que, comme toujours lorsqu’il s’agit du service humain, ce qui est sans réalité peut s’introduire et subsister quelque temps. En n’acceptant pas la robe de noces, l’homme avait refusé d’honorer le fils du roi. À l’arrivée de ce dernier, il est démasqué et condamné à être jeté dans la place qui lui revient, les ténèbres de dehors. La présence divine découvrira tout ce qui n’est pas réel et démêlera toute chose. Nous l’avons vu au chapitre 13 ; nous le verrons encore une fois au chapitre 25.
Les pharisiens sont maintenant à bout de ressources ; cela
se voit dans l’alliance qu’ils sont amenés à conclure avec les hérodiens qu’ils
détestaient. Leur question concernant le tribut est habilement formulée de
manière à discréditer Jésus soit aux yeux de César soit devant le peuple. Ils
commencent par ce qu’ils considèrent comme de la flatterie, mais qui est un
constat sobre de la vérité. Il était
vrai. Il enseignait
la voie de Dieu
en vérité. Il ne s’embarrassait
de
personne. Leur ayant demandé la monnaie du tribut, il leur prouve que celui-ci
était bien évidemment de César, car le denier portait son image. S’il est de
César, il doit lui être rendu ; mais ensuite Il les place dans la présence
de Dieu. Rendaient-ils à Dieu les choses qui lui appartenaient ? Cette
réponse magnifique non seulement les étonne, mais elle frappe tellement leur
conscience qu’ils s’en vont. Jésus a posé là un grand principe qui s’applique à
chacun de nous tant que nous sommes sous la juridiction d’un César quel qu’il
soit. Nous devons rendre à César tout ce qui lui est dû, mais les choses qui
sont de Dieu sont infiniment plus importantes et plus étendues dans leur
application que tout ce qui est à César.
La question des sadducéens avait manifestement le double objectif de mettre Jésus dans l’embarras et de ridiculiser la foi en la résurrection qui, selon eux, ne pouvait être qu’un retour à la vie dans les conditions ordinaires de ce monde. Sans doute étaient-ils sûrs du résultat : la confusion de Jésus et la justification de leur incrédulité. Mais par sa réponse, le Seigneur montre que la résurrection introduit dans un autre monde, où les conditions sont différentes ; et il cite Exode 3:6 pour indiquer que les patriarches, aux jours de Moïse, vivaient dans cet autre monde, quoiqu’ils ne fussent pas encore ressuscités d’entre les morts. Le fait que leur esprit était là garantissait qu’ils y seraient, à la fin, dans des corps glorifiés.
En ce temps, les sacrificateurs étaient en général d’une même pensée avec les sadducéens, et le Seigneur ne les épargne pas dans le reproche direct qu’il leur adresse. « Vous errez », leur dit-il clairement et il indique la source de leur erreur ; ils ne connaissaient ni les Écritures qu’ils prétendaient exposer, ni la puissance du Dieu qu’ils professaient servir. Cette double erreur est à la base de toute l’incrédulité religieuse moderne. D’abord, les Écritures sont souvent citées à tort et toujours mal comprises. Secondement, à force de dépouiller Dieu, dans leur esprit, de sa puissance et de sa gloire, ils se trouvent confrontés à des difficultés sans fin. Reconnaissons Sa puissance et les difficultés disparaissent.
La réponse du Seigneur étonne tous ceux qui l’entendent. C’était
évidemment tout nouveau pour eux, et pour les pharisiens aussi qui n’avaient
jamais réussi à fermer ainsi la bouche aux sadducéens. Ayant entendu cela, ils
s’assemblent et l’un d’eux pose au Seigneur une question sur la loi ; il
soulève un point qu’ils avaient sans doute souvent discuté entre eux. Il
pensait aux dix commandements d’Exode 20, mais le Seigneur l’amène à
Deutéronome 6:5, et ajoute Lévitique 19:18. L’exigence de la loi se résume en
un mot : l’amour
. D’abord l’amour
pour Dieu ; puis l’amour pour son prochain. En disant : « L’amour…
est la somme de la loi » (Rom. 13:10), Paul ne fait que répéter en d’autres
termes
ce que Jésus dit ici (v. 40).
Les trois paraboles les avaient mis en face de la grâce de l’Évangile ; les réponses données aux trois questions ont placé devant eux l’amour comme étant l’exigence suprême de la loi. Ils étaient étrangers à cet amour. Mais pendant qu’ils sont encore rassemblés, Jésus leur pose cette question importante : « Que vous semble-t-il du Christ ? — de qui est-il Fils ? » Ils savaient qu’il devait être le Fils de David, mais ils ignoraient pourquoi, dans le Psaume 110, David l’appelait son Seigneur. Le premier chapitre de notre évangile donne la seule solution possible à ce problème. « Jésus Christ, Fils de David » est « Emmanuel, ce qui, interprété, est : Dieu avec nous ». Lorsque la foi a saisi cela, la position entière paraît dans toute sa clarté. Si la vérité est refusée comme par ces pauvres pharisiens, tout est obscur. Ils étaient dans les ténèbres. Ils ne trouvent rien à répondre et leur défaite est si complète qu’ils n’osent plus l’interroger.
Mais si eux en ont fini avec le Seigneur, lui n’a pas terminé avec eux. Le moment est venu de démasquer ces hypocrites devant les foules placées sous leur influence.
Les paroles sévères que Jésus adresse aux chefs du peuple sont rapportées dans ce chapitre. Quelques jours plus tard, sous l’influence de ces hommes, les foules réclameront sa mort. Leur responsabilité et leur culpabilité sont d’autant plus grandes que le Seigneur les a averties du vrai caractère de leurs conducteurs.
Il commence par leur reconnaître la place qu’ils réclamaient comme interprètes de la loi de Moïse. Le peuple devait par conséquent garder la loi et l’accomplir selon qu’il l’entendait de leur bouche, mais veiller soigneusement à ne pas les imiter. Leur vie contredisait la loi qu’ils proclamaient. Ils légiféraient pour les autres sans s’inquiéter le moins du monde d’obéir eux-mêmes. Le Seigneur le souligne au verset 4 ; c’est une faute très répandue chez les religieux de profession, qui aiment diriger les autres tout en préservant leur propre liberté.
Puis, dans les versets 5 à 12, Jésus dénonce leur désir d’être vus et d’avoir la première place. Tout était fait en fonction des hommes. Dans les repas : le cercle social ; dans les synagogues : le cercle religieux et dans les places publiques : le cercle des affaires, ils réclamaient la place la plus élevée en tant que rabbis et maîtres. Le disciple de Christ est appelé à être exactement l’opposé de tout cela, aussi prenons-le à cœur. L’abaissement de ces hommes n’est qu’une question de temps. Ils étaient censés être des guides pour introduire les âmes dans le royaume, mais en fait ils étaient des obstacles pour elles. Ils n’entraient pas eux-mêmes et empêchaient les autres d’entrer.
En outre, ils profitaient de leur position pour dépouiller les
veuves sans défense et couvraient cette énormité par l’étalage de longues
prières ; aussi recevraient-ils un jugement plus sévère. Les longues
prières impressionnent peut-être la foule, mais pas le Seigneur !
Souvenons-nous-en et évitons-les. Celui qui a une ardente requête sur le cœur
et qui est vraiment conscient de la présence de Dieu ne déversera pas un flot
de paroles. « Que tes paroles soient
peu nombreuses
», lisons-nous en Ecclésiaste 5:2.
Le grand zèle déployé pour faire des adeptes est caractéristique de l’esprit pharisaïque, et les paroles du Seigneur au verset 15 brossent un tableau remarquable du simple prosélytisme. Celui-ci reproduit en les accentuant les traits des agents recruteurs dans ceux qui sont gagnés. Les pharisiens étaient des fils de la géhenne, et leurs adhérents l’étaient deux fois plus qu’eux. Cela explique pourquoi les hommes méchants et les séducteurs progressent toujours plus dans le mal, jusqu’à ce que tout soit mûr pour le jugement.
Dans les versets 16 à 22, le Seigneur condamne leurs enseignements imaginaires. Les distinctions qu’ils établissaient entre le temple et l’or du temple, entre l’autel et le don qui est dessus, pouvaient les faire passer aux yeux des simples pour des esprits très supérieurs ; en fait, ces subtilités étaient purement fantaisistes et ne faisaient que prouver l’aveuglement et la folie de ceux qui les soutenaient. Dans les autres domaines aussi : une exactitude scrupuleuse dans les petites choses ; beaucoup de négligence dans celles qui sont importantes — que ce soit positivement, quant à ce qu’ils observaient (v. 23), ou négativement, quant à ce qu’ils ne faisaient pas (v. 24). Ils étaient certes aveugles, et ce genre de cécité spirituelle n’est que trop répandu aujourd’hui.
Les versets 25 à 28 dénoncent un autre caractère pernicieux : ils se souciaient uniquement de la pureté extérieure, de manière à se donner une bonne apparence aux yeux des hommes. L’intérieur qui est découvert au regard de Dieu ne les inquiétait pas du tout. Ils portaient la plus grande attention à la souillure qu’ils pourraient contracter par contact extérieur, mais étaient absolument indifférents à celle qu’ils produisaient eux-mêmes et qui venait du dedans. Ils devenaient par là des sources de souillure, et bien loin d’être contaminés par les autres, ils la leur communiquaient. C’est un mal très subtil ; et nous pouvons bien demander à Dieu de nous en préserver à quelque degré que ce soit.
Enfin, dans les versets 29 à 33, le Seigneur les accuse d’être les meurtriers des prophètes de Dieu. Ils bâtissaient les sépulcres des prophètes d’autrefois, puisque l’aiguillon de leurs paroles n’était plus senti, mais ils étaient véritablement les fils de ceux qui les avaient tués ; et, selon le principe du verset 15, ils se montreraient criminels deux fois plus qu’eux, comblant les péchés de leurs pères et ayant leur fin, sans aucun doute, dans le jugement de la géhenne.
Nous trouvons dans ce passage, prononcée par Jésus, l’accusation la plus sévère, de toutes celles qui nous sont rapportées. Jamais il n’a dit de telles choses à aucun pauvre publicain ou pécheur. Ces paroles vives étaient destinées aux hypocrites religieux. Lui était plein de grâce et de vérité. Aux pécheurs qui se reconnaissaient tels, il offrait la grâce avec la vérité. Le projecteur de la vérité, sans mention de la grâce, était réservé aux hypocrites.
C’est ainsi que le sang d’une longue lignée de martyrs allait
être imputé à cette génération ; et maintenant pour la dernière fois l’occasion
était offerte à Jérusalem de se réfugier sous les ailes de l’Éternel, présent
au milieu d’eux dans la personne de Jésus. Souvent il aurait voulu les abriter
de cette manière, les Psaumes en témoignent ; et souvent Jésus aurait
voulu les rassembler pendant son passage parmi eux ; mais ils ne l’ont pas
voulu. Aussi la splendide maison, à Jérusalem, reconnue autrefois comme celle
de l’Éternel, était-elle maintenant désavouée. Elle n’était plus que leur
maison, et elle était déserte ;
Celui qui aurait voulu l’occuper allait les quitter et ne serait plus vu jusqu’à
ce qu’ils disent : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »
Le Psaume 118 montre qu’ils ne prononceront pas ces paroles avant que vienne ce
jour « que l’Éternel a fait », lorsque « la pierre que ceux qui
bâtissaient avaient rejetée, [sera] devenue la tête de l’angle ».
Tout ce qui précède, à partir du chapitre 21:23, s’est passé dans l’enceinte du temple. Maintenant, au chapitre 24, Jésus sort, et les disciples veulent attirer son attention sur quelques-uns de ses magnifiques bâtiments ; cela leur vaut la prédiction qu’il allait être rasé jusqu’à ses fondations. Ils s’enquièrent alors du moment où ces paroles auraient leur accomplissement, qu’ils lient avec la « consommation du siècle ». Le Seigneur commence par répondre que le but de ses prédictions est de nous avertir et de nous fortifier par avance, et non pas simplement de satisfaire notre curiosité ou même notre soif de précision. Nous avons à prendre garde nous aussi à cette tendance.
De faux christs sont annoncés, ainsi que des guerres et des bruits de guerres, mais ces choses n’indiquent pas que la fin est là. Il y aura des famines, des pestes, des tremblements de terre, et aussi en effet des guerres, mais ce n’est qu’un commencement de douleurs. À ces épreuves s’ajouteront la persécution et le martyre des disciples, l’apostasie de certains qui auront fait profession d’être disciples, la présence de faux prophètes, un redoublement d’iniquité et l’abandon de Dieu par de nombreux professants. Dans un tel moment, les fidèles seront caractérisés par la persévérance jusqu’à la fin où ils seront sauvés. En outre, pendant ce temps, Dieu maintiendra son propre témoignage parmi toutes les nations, et alors seulement la fin viendra.
Trois fois dans ces versets le Seigneur parle de « la fin »,
et chaque fois il s’agit de la « consommation du siècle » à propos de
laquelle les disciples l’avaient questionné. À ses vrais disciples,
caractérisés par la persévérance, la fin apportera le salut. C’est la première
chose qu’il mentionne, avant de dire que pour ses ennemis, elle amènera le
jugement. Remarquons que c’est « cet
évangile du royaume » qui doit être prêché pleinement avant que la fin
vienne ; c’est-à-dire l’évangile que le Seigneur lui-même avait prêché
(voir 4:23 ; 9:35) annonçant que le royaume s’était approché. L’évangile
que nous proclamons aujourd’hui (voir 1 Corinthiens 15:1-14) ne pouvait pas
être annoncé avant la mort de Christ.
Au temps de la fin, l’abomination de la désolation, dont il a été parlé en Daniel 12:11, sera établie dans le lieu saint et le verset 16 montre que Jérusalem est en cause. Il y aura manifestement de nouveau un temple avec son lieu saint, à la fin, et il sera profané par cette idolâtrie si abominable. La prophétie du chapitre 12:43-45 aura son accomplissement à cette époque. L’esprit immonde d’idolâtrie entrera avec une force septuplée dans le peuple ; celui-ci dans son ensemble acceptera cette abomination établie dans le lieu saint — très probablement « l’image de la bête », mentionnée en Apocalypse 13:14-15. Cette iniquité suprême sera la cause de la désolation qui les frappera selon le juste gouvernement de Dieu. Or, l’établissement de cette abomination sera, pour les fidèles, le signal que la grande tribulation annoncée a commencé et que leur salut dépend de leur fuite hors de Jérusalem et de la Judée, où la fournaise de l’affliction sera la plus ardente. Le Seigneur s’adressait à ses disciples qui, à ce moment, n’étaient que des Israélites pieux entourant leur Messie sur la terre, même si bientôt ils devaient être édifiés sur le fondement de l’Assemblée qui allait être bâtie. Mais à ce moment-là, ils représentaient non pas l’Assemblée, mais le résidu pieux d’Israël qui observera encore scrupuleusement la loi du sabbat (v. 20), et plusieurs d’entre eux demeureront en Judée. Ils devront fuir immédiatement. Cela concorde avec ce qui nous est présenté symboliquement en Apocalypse 12:6.
La grande tribulation sera absolument sans précédent ; elle ne sera jamais égalée, et encore moins surpassée. Le Seigneur le dit au verset 21 ; et le livre de l’Apocalypse en donne la raison : ce sera le temps où la colère sera versée des cieux — le déversement des coupes de jugement. Ce ne sera pas simplement des hommes frappant des hommes, ou une nation châtiant d’autres nations, comme nous en avons des exemples aujourd’hui, mais ce sera Dieu châtiant les nations en réglant ses comptes avec elles. La colère de Dieu est « révélée du ciel » (Rom. 1:18), bien qu’elle ne soit pas encore exécutée, et pour ce qui concerne les nations, elle s’abattra à ce moment sur elles. Les nations comme telles n’existent que dans ce monde ; elles ne demeurent pas au-delà du tombeau, tandis que les hommes qui les composent, eux, subsistent.
Il y aura des élus sur la terre pendant la tribulation et à cause d’eux celle-ci sera abrégée (v. 22). En Romains 9:28, nous lisons que le Seigneur fera « une affaire abrégée sur la terre », et cela afin qu’un résidu soit sauvé. Aujourd’hui Dieu dispense la grâce par l’évangile, et il en a fait une affaire de très longue durée, qui a commencé il y a près de vingt siècles ; lorsqu’il s’agira de la colère, il fera une œuvre rapide qu’il abrégera en justice. D’autres passages nous indiquent qu’elle s’étendra sur le court laps de temps de trois ans et demi. Ainsi la bonté de Dieu sera manifestée tant en grâce que dans la colère.
À cette époque, le diable, sachant parfaitement bien que le retour de Christ est imminent, s’emploiera à brouiller les choses en suscitant des imposteurs qu’il dotera de pouvoirs surnaturels, pour tâcher de séduire les élus qui L’attendent. Le verset 24 indique clairement que les signes miraculeux ne sont pas tous de Dieu. Il en existe de deux sortes — divins ou diaboliques. Dans ceux qui sont de Dieu on peut reconnaître une manifestation du caractère divin en grâce et en puissance ; les miracles diaboliques de leur côté ont souvent un aspect plus voyant, plus étonnant et attrayant pour les inconvertis. Que ceux qui, aujourd’hui, recherchent désespérément le miraculeux prennent bien garde à ne pas se laisser séduire !
La venue du vrai Christ de Dieu sera accompagnée de la plus grande publicité possible, comme l’éclair. Personne ne sera contraint de se retirer dans un désert ou dans une chambre intérieure pour Le voir. De même que les vautours s’assemblent où sont les cadavres, le jugement s’abattra partout où les hommes seront trouvés dans la putréfaction et la pestilence du péché.
La tribulation sera suivie par la destruction et le renversement des puissances établies, tant dans le ciel que sur la terre, et alors le Fils de l’homme sera manifesté dans sa gloire. Deux fois déjà, le Seigneur a parlé du « signe de Jonas le prophète » (12:39-40 ; 16:4), c’est-à-dire du Fils de l’homme passant trois jours dans le tombeau. Ici, nous avons le signe du Fils de l’homme dans le ciel — le signe qu’enfin Dieu va revendiquer ses droits sur cette terre rebelle et les faire exécuter par l’Homme de son conseil et de son choix. Ce sont là deux bien grands signes ! Personne ne saurait dire lequel est le plus grand. Les deux le sont également en leur temps et sont dignes de notre adoration.
Après être apparu en gloire, le Seigneur rassemblera ses élus, ceux à cause desquels les jours de la tribulation ont été abrégés. Ce rassemblement sera effectué par le ministère des anges et signalé par le grand son de la trompette ; ce sera l’accomplissement de la fête des trompettes (Lév. 23:24-25), comme la mort de Christ a été l’accomplissement de la Pâque, et le don de l’Esprit et la formation de l’Assemblée celui de la Pentecôte. Ce rassemblement des élus est en vue de la bénédiction millénaire. L’enlèvement au ciel, ou même la résurrection, ne sont pas mentionnés, car il s’agit du rassemblement des vivants sur la terre. Au chapitre 16, le Seigneur a révélé qu’il allait bâtir son Assemblée, mais il n’a parlé ni de son appel ni de sa destinée célestes, aussi ne faut-il pas voir l’Assemblée au verset 31.
À partir du verset 32, nous avons une série de paraboles ou de déclarations sous forme de paraboles. Le figuier nous parle des Juifs ; lorsque nous verrons ce peuple reprendre vie en tant que nation, nous connaîtrons que l’été est proche ; mais « cette génération » ne passera pas avant que toutes ces choses se soient accomplies et que ce moment soit arrivé. Le Seigneur a parlé plusieurs fois de cette génération (voir 11:16 ; 12:39, 45 ; 16:4). C’est une génération très ancienne et persistante, car Moïse l’a dénoncée en Deutéronome 32:5 et 20 — « des fils en qui il n’y a pas de fidélité ». La génération incrédule sera jugée lorsque Jésus viendra — pas avant. Ils passeront, mais les paroles de Christ demeureront.
Le moment exact de sa venue est un secret connu du Père seul qui a réservé à sa propre autorité tous les temps et saisons (voir Actes 1:7) ; et de ce fait, il surprendra complètement le monde insouciant. Il en sera comme aux jours de Noé ; les hommes sont absorbés par leurs plaisirs jusqu’au moment où le jugement s’abat sur eux. Sophonie 3:11-13 aura son accomplissement ; les transgresseurs seront retranchés par le jugement ; les affligés et les pauvres qui ont mis leur confiance dans le nom du Seigneur seront laissés pour les bénédictions milléniales : ils sont « le résidu d’Israël ».
Arrivés au verset 42, nous voyons de nouveau le Seigneur veiller à ce que ces réalités prophétiques aient leur effet sur la conduite de ses disciples. Puisqu’ils ne savaient pas l’heure, ils devaient être caractérisés par la vigilance et la fidélité dans le service. Le serviteur qui est établi pour gérer la maison doit faire face à sa responsabilité. Il sera alors béni et récompensé. D’un autre côté des hommes peuvent prendre la place de serviteurs et être pourtant des méchants. Ils ne se préoccuperont pas de leurs responsabilités et maltraiteront ceux qui sont serviteurs avec eux, disant dans leur cœur : « Mon maître tarde à venir ». Telle est toujours la pensée qui prévaut dans le monde. Les hommes écoutent la prophétie, puis ils disent : « La vision que celui-ci voit est pour des jours lointains, et il prophétise pour des temps éloignés » (Ézéch. 12:27). Le vrai serviteur se tient prêt pour la venue de son maître et s’occupe diligemment de Ses intérêts en l’attendant.
Les versets 50 et 51 montrent que le « méchant esclave » dont il s’agit ici n’est pas un homme coupable d’un manquement grave et qui serait néanmoins sincère dans le fond, mais quelqu’un de totalement faux. Son maître le jugera et lui donnera sa part avec les hypocrites, car il en est un lui-même. Il est banni par le jugement dans la compagnie de ses pairs. Lorsque l’hypocrite est démasqué et jugé, il y a pleurs et grincements de dents.
Ce chapitre commence par la parabole des dix vierges. Ce monde
présente une scène très embrouillée à tous égards. À la venue du Seigneur, tout
sera démêlé. Nous l’avons déjà vu au chapitre 13 dans la parabole du froment et
de l’ivraie, et dans celle du filet jeté dans la mer, et de nouveau dans les
versets que nous venons de considérer à la fin du chapitre 24. Et nous
retrouvons ce même grand fait dans cette nouvelle similitude du royaume des
cieux. Le Seigneur avait déjà mentionné l’Assemblée par anticipation, mais il
ne dit pas ici : « Alors l’Assemblée sera faite semblable… » mais « le royaume des cieux », une sphère plus
vaste que l’Assemblée, tout en l’incluant. Aussi les dix vierges ne
représentent-elles pas l’Assemblée d’une
manière distincte
, bien que celle-ci soit comprise.
Nous pouvons donc bien appliquer cette parabole aux saints de la
période actuelle — nous l’appliquer à
nous-mêmes
. Les vierges « sortirent » à la rencontre de l’Époux
tout comme nous-mêmes avons été appelés
hors
du monde pour attendre le Seigneur. Il y a eu une période d’oubli et
de sommeil dans l’histoire de l’Église. Un cri a été lancé, annonçant la venue
de l’Époux, un cri disant : « Sortez
à sa rencontre » ; c’est-à-dire, revenez à votre position première en
tant que peuple élu. Pendant la période de sommeil, il n’y avait que peu ou pas
de différence visible entre les vierges sages et les folles, mais celle-ci
apparaît aussitôt qu’elles se sont réveillées et ont repris leur place
primitive. Celles qui n’avaient pas d’huile ont été manifestées. L’huile
représente le Saint Esprit ; or, « si quelqu’un n’a pas l’Esprit de
Christ, celui-là n’est pas de lui » (Rom. 8:9).
On s’est servi de cette parabole pour soutenir l’idée que seuls les croyants consacrés, très vivants, rencontreront le Seigneur à sa venue, et que ceux dont le mérite est moindre seront pénalisés. C’est une erreur, à notre avis. Dans tout ce passage, il s’agit de la manière dont la venue du Seigneur fera une séparation complète entre ceux qui lui appartiennent véritablement et ceux qui ne sont pas siens. Dans cette parabole, la séparation est établie entre les sages et les folles dans la sphère de la profession ; seuls ceux qui sont véritablement de Christ ont le sceau de l’Esprit. La porte fermée scelle le rejet définitif de ceux qui sont faux. Les vierges folles ne représentent pas les apostats, c’est-à-dire ceux qui, une fois, ont connu le Seigneur et ont été connus de Lui. Il n’est pas dit : « Je vous connaissais autrefois, mais maintenant je vous désavoue » mais bien : « Je ne vous connais pas ». Le Seigneur connaît ceux qui sont siens, mais ceux-ci étaient des étrangers pour lui.
Au verset 13, le Seigneur fait l’application de cette parabole à ses disciples et à nous-mêmes. Nous ne connaissons pas le moment de la venue du Fils de l’homme et nous sommes appelés à veiller. Ainsi une fois encore il veut que son enseignement prophétique exerce une influence sur notre caractère et notre conduite. Il ne nous éclaire pas quant à ce qui doit arriver simplement pour nourrir notre esprit et satisfaire nos désirs personnels. Aussi après nous avoir exhortés à la vigilance, il montre dans le reste du chapitre l’effet que sa venue doit avoir sur nous comme serviteurs, et aussi son effet sur le monde. La séparation qu’elle produira sera complète.
La parabole des esclaves et des talents vient renforcer l’exhortation à la vigilance donnée au verset 13 ; elle montre que la venue du Fils de l’homme sera le test pour tous ceux qui prétendent être ses esclaves, et aboutira au rejet de tout ce qui n’est pas réel. La pensée que pendant le temps de son absence le Seigneur a confié « ses biens » aux siens, est propre à nous exercer. Ses intérêts ont été placés entre nos mains, et nous ne pouvons pas nous soustraire à la portée de la parabole en disant : « Je n’ai pas de don particulier ; aussi cela ne me concerne pas ».
Le maître remet ses biens à ses esclaves, « à chacun »
d’entre eux ; il a le discernement pour apprécier les aptitudes de chacun
et il donne à chacun « selon sa propre capacité ». Il nous faut donc
distinguer entre les dons
qui peuvent
nous être octroyés et les capacités
que nous avons, sans jamais oublier que c’est le Seigneur qui ajuste la
relation entre les deux. Nos capacités couvrent nos facultés naturelles aussi
bien que spirituelles, et si celles-ci ne sont pas très grandes, cinq talents,
ou même deux, seraient seulement un fardeau pour nous. Le Seigneur, le sachant,
ne nous en donnera alors qu’un. Nous pouvons établir la relation avec les dons
mentionnés en Romains 12:6-15, dont le caractère est tel qu’ils englobent tous
les enfants de Dieu. Que le don soit grand ou petit, l’important c’est de le
faire fructifier.
L’esclave qui a reçu cinq talents et celui qui en a eu deux ont fait preuve de la même diligence. Les deux sont parvenus à doubler ce qui leur a été confié ; et au retour de leur maître, ils ont l’un et l’autre droit à son approbation et à sa récompense. Remarquons que, dans cette parabole de nouveau, le contraste n’est pas entre la fidélité et la diligence plus ou moins grandes dont les vrais esclaves peuvent faire preuve, mais entre des esclaves véritables, bien que n’ayant pas la même mesure de capacité, et quelqu’un qui n’était pas un vrai esclave. Celui qui a reçu un seul talent l’a caché dans la terre au lieu de s’en servir dans l’intérêt de son maître ; et il a agi de la sorte parce qu’il ne connaissait pas vraiment son seigneur. Il prétend qu’il le savait être un homme dur, exigeant davantage que ce qui lui était dû, quelqu’un de redoutable. Son maître le prend sur le terrain de la connaissance qu’il prétend avoir, et lui montre que son prétexte ne fait qu’aggraver sa culpabilité, car si son seigneur avait été un homme dur, il aurait eu d’autant plus de raison de faire un bon usage du talent qui lui avait été confié.
En réalité, le maître n’était pas du tout un homme dur ; la
manière dont il traite les esclaves bons et fidèles en témoigne. Le fait est
que cet esclave ne connaissait pas véritablement son seigneur, qu’il n’avait
pas de lien réel avec lui. Il perd alors tout ce qui lui avait été confié, et
il est jeté dans les ténèbres de dehors, là où sont les pleurs et les
grincements de dents, comme l’esclave méchant décrit à la fin du chapitre
précédent. Dans la parabole correspondante rapportée en Luc 19, une distinction
est établie entre les différents esclaves d’après le degré de leur zèle et de
leur fidélité, et ils sont récompensés en conséquence. L’esclave qui n’avait
reçu qu’une mine subit une perte, mais il n’est pas jeté dans les ténèbres. Il
est remarquable que dans les deux cas c’est l’homme à qui il a été confié le
moins qui faillit
. Sondons notre
propre cœur, et nous devrons reconnaître que, quand ce sont de petites
choses qui sont à notre portée,
nous avons tendance à ne rien
faire
du tout. Le Seigneur ne manquera pas d’honorer l’esclave qui accomplit avec
zèle et fidélité les petites choses, bien que n’ayant que peu de capacités.
Le dernier paragraphe de ce chapitre (v. 31 à 46) n’est pas présenté comme une parabole. Celles-ci, qui ont commencé au verset 32 du chapitre 24, sont maintenant achevées, et le verset 31 reprend le fil du récit prophétique du chapitre 24:31. Quand il viendra, le Fils de l’homme ne rassemblera pas seulement ses élus, mais il fera comparaître les nations devant lui, pour qu’il y ait, sur toute la terre, une séparation complète entre le bien et le mal. Toutes les nations seront assemblées devant lui ; et cette scène aura lieu sur la terre. Lors de la comparution finale, annoncée en Apocalypse 20, quand la terre et le ciel se seront enfuis, il n’y aura plus de nations : ce sont « les morts, les grands et les petits », car dans la mort, toutes les distinctions nationales disparaissent.
D’autres passages nous renseignent sur les jugements guerriers qui seront exécutés par Christ personnellement, lorsque les puissantes armées des différents rois de la terre seront détruites à Armagédon. Mais après ces jugements, il y aura encore des multitudes de civils ; ils devront tous comparaître devant le Fils de l’homme, car lui seul a la sagesse infaillible pour discerner et séparer. Il agira comme un berger qui sépare les brebis d’avec les chèvres ; et les résultats de son jugement seront éternels, tout comme ils le seront lors du jugement du grand trône blanc. Ici comme alors, les hommes seront jugés selon leurs œuvres.
Dieu connaît l’état véritable de chaque cœur, indépendamment des œuvres. Toutefois lorsqu’il s’agit d’un jugement public, c’est toujours en relation avec les œuvres, car par elles cet état est manifesté d’une manière claire et infaillible ; et ainsi tous les témoins doivent constater que les jugements divins sont justes. Ces messagers que le Roi appelle « mes frères » étaient ses représentants ; le traitement qui leur était réservé dépendait de la considération portée au Fils de l’homme au nom de qui ils se présentaient. Ceux qui croyaient en Lui s’identifiaient à ses messagers et les assistaient dans leur réjection et leurs afflictions ; ceux qui ne croyaient pas en Lui ne leur prêtaient aucune attention. Ceux qui avaient la foi la manifestaient par leurs œuvres. Ceux qui ne l’avaient pas le prouvaient par leurs œuvres également.
Remarquez que le Roi n’accuse pas ceux qu’il condamne d’avoir
persécuté et emprisonné ses serviteurs, mais seulement de les avoir ignorés, de
ne leur avoir accordé aucune attention. Cela rejoint la question si importante
de Hébreux 2 : « Comment échapperons-nous, si nous négligeons
un si grand salut ? »
En ce jour-là, on verra que si les hommes méconnaissent Christ en méconnaissant
ses serviteurs, ils se sont placés sous la condamnation éternelle.
Qui sont « ceux-ci… mes frères » ? Si nous
prenons dans leur ensemble les déclarations prophétiques dont nous avons ici la
conclusion, la réponse est simple. Au début de son discours le Seigneur s’adresse
à ses disciples personnellement ; il leur annonce qu’ils seraient haïs,
maltraités et trahis, mais que la fin ne viendrait pas avant que « cet
évangile du royaume » ait été prêché en témoignage à toutes les nations,
et que ceux qui persévéreraient jusqu’à la fin seraient sauvés. Il s’exprime
comme si les disciples auxquels il parlait devaient être là à la fin, car il
les considère comme les représentants du résidu à venir. Les « frères »
de la fin du discours sont les disciples des derniers
jours ; et ceux-ci étaient représentés par les
disciples du début
auxquels il s’adressait.
Même si un peu plus tard ils allaient être baptisés de l’Esprit en un seul
corps (l’Assemblée) comme Actes 2 le rapporte, ils n’étaient à cette époque qu’un
résidu d’Israël, qui avaient discerné en Jésus le Messie, et s’étaient attachés
à Lui. Ils représentaient ce même résidu d’Israël qui,
dans les derniers jours, aura les yeux ouverts et reprendra le fil brisé de « cet
évangile du royaume » — brisé lorsque Christ a été rejeté sur la terre,
repris et renoué juste avant son retour sur la terre pour régner.
Dans ce dernier paragraphe du chapitre 25, la fin est là. Le
Fils de l’homme est roi ; les disciples qui ont persévéré jusqu’à la fin,
sont sauvés, les nations sont jugées ; la séparation entre le bien et le
mal est achevée ; le résultat du jugement est éternel. Le mot éternel
revient trois fois. Le châtiment des méchants et le feu dans lequel ils sont
jetés sont éternels ; la vie dans laquelle les justes sont introduits est
éternelle. L’antithèse de la vie n’est pas la cessation de l’existence, (comme
ce serait le cas si vivre signifiait simplement exister en suite de l’étincelle
vitale demeurant en nous), c’est le châtiment, car la vie éternelle comprend
toute l’étendue des vérités bénies et éternelles qui seront la part des justes
à toujours. L’aspect souligné ici n’est pas celui de la vie qui est en eux
; ce sont eux qui entreront dans la vie
. Le discours prophétique du
Seigneur se termine sur cette note heureuse.
Avec ce chapitre, nous reprenons l’histoire des derniers jours de la vie du Seigneur sur la terre. Les premiers versets nous font entrevoir ce qui se passait dans le palais du souverain sacrificateur ; nous n’y trouvons que ruse et plans de meurtre. Les versets 6 à 13 nous détournent de toute cette abominable méchanceté tramée dans les hautes sphères, pour fixer notre attention sur un acte d’amour et de dévouement accompli dans l’humble demeure de quelques fidèles du résidu pieux. Par Jean 12, nous savons que la femme était Marie de Béthanie. Il est clair qu’elle a oint à la fois la tête du Seigneur et ses pieds ; mais Matthieu, mettant l’accent sur son caractère royal, ne parle que de sa tête : c’est ce qui convenait pour un roi ; Jean, soulignant sa divinité, nous dit que ses pieds furent oints, et pourtant même un serviteur aussi grand que Jean le Baptiseur n’était pas digne de délier les courroies de Ses sandales.
Les disciples ne comprennent rien du tout à cet acte de dévouement ; pour eux c’est une pure perte. L’évangile selon Jean nous apprend que Judas Iscariote est l’instigateur de leur réaction. Mais cela montre que, dans leurs pensées, l’argent passait avant les pauvres, et qu’ils étaient ignorants et se leurraient quant à Sa mort prochaine. La femme ne se préoccupait ni d’argent ni des pauvres. Elle ne voyait que Christ et il sut interpréter son geste. Très probablement elle a agi plus par instinct que par intelligence ; mais elle avait conscience que la mort menaçait l’objet de ses affections et de son adoration, et le Seigneur accepte ce qu’elle a fait comme étant pour sa sépulture. Non seulement il approuve son acte de dévouement, mais il déclare qu’il en sera parlé en mémoire d’elle en quelque lieu où l’évangile sera prêché dans le monde entier. Et il en a été ainsi.
Le dévouement de la femme est en contraste absolu avec la haine des chefs religieux, rapportée dans le paragraphe précédent, et avec la trahison de Judas, dans les versets qui suivent. La violence atteint son point culminant chez les chefs — ils seraient prêts à le faire mourir sur le champ, sans scrupules. La corruption est à son comble chez Judas qui, après avoir marché trois ans avec Jésus, veut réaliser par sa trahison le misérable gain de trente pièces d’argent. En Israël, selon Exode 21:32, un esclave était estimé à trente sicles d’argent.
En outre, si le deuxième paragraphe de notre chapitre (v. 6 à 13) présente l’attachement d’une femme pour son Seigneur, le quatrième (v. 17 et suivants) montre la sollicitude du Seigneur envers ses disciples et son désir qu’ils se souviennent de lui pendant la période, toute proche alors, de son absence.
Ils mangent la pâque dans le lieu choisi par le Seigneur ; au cours du repas, Jésus désigne le traître et le prévient de son jugement. Les Saintes Écritures avaient prédit que le Fils de l’homme serait livré à la mort par trahison, mais cela n’ôte rien à la gravité de l’acte du traître. Que Dieu soit omniscient et puisse prédire les actes des hommes ne décharge pas ceux-ci de leur responsabilité. Par sa conduite, Judas découvrait son vrai « moi ». Jésus, lui, allait se révéler pleinement par sa mort.
À la fin du souper pascal, Jésus institue son repas, comme mémorial de son corps donné et de son sang versé pour nous en rémission de péchés. Rien dans la teneur des versets 26 à 29 ne définit clairement que cette institution doive être observée jusqu’à son retour ; c’est 1 Corinthiens 11 qui nous enseigne à cet égard. Mais le verset 29 permet de le déduire, car la coupe parle de bénédiction et de joie, et le Seigneur en boira d’une manière nouvelle dans son royaume ; en attendant, la coupe est pour nous, non pas pour lui. Aujourd’hui notre Seigneur est caractérisé par la patience ; au jour du royaume, il entrera dans la bénédiction et dans la joie d’une manière tout à fait nouvelle. Dans l’intervalle, nous avons le mémorial de sa mort, car son corps et son sang ne nous y sont pas présentés ensemble comme s’il était un homme vivant sur la terre, mais séparément : ce pain (son corps) et cette coupe (son sang répandu) symbolisant ainsi Sa mort.
Alors qu’ils s’en vont à la montagne des Oliviers, Jésus leur annonce que sa mort provoquerait leur dispersion, selon ce que les Écritures avaient dit, mais il dirige leurs pensées sur sa résurrection et fixe un lieu de rendez-vous en Galilée, où il les retrouverait. Mais Pierre, très sûr de lui, résiste à l’avertissement pour sa propre perte ; et de la sorte, le fait et la portée de la résurrection lui échappent aussi. Ce trait caractérise tous les disciples, mais pas au même degré.
Très vite ils vont être mis à l’épreuve, à Gethsémané. Là, en esprit, Jésus connaît l’angoisse de la mort qui est devant lui, mais dans la pleine communion avec son Père. Sa perfection même le fait reculer devant tout ce que signifient la souffrance et la mort comme jugement de Dieu, mais il accepte cette coupe de la main du Père. En outre, la perfection de son humanité veut qu’il recherche la sympathie de ses disciples, mais la parole prophétique s’accomplit : « J’ai attendu que quelqu’un eût compassion de moi, mais il n’y a eu personne,… et des consolateurs, mais je n’en ai pas trouvé » (Ps. 69:20). Pierre et les autres, tellement sûrs de ne jamais le renier, ne peuvent veiller une heure avec lui. La chair en eux est trop faible, mais ils ne le savent pas encore. Ils ne savent pas non plus que la trahison de Judas va aboutir, et que le dénouement est imminent.
Et pourtant, l’heure est venue ; et le reste du chapitre révèle le contraste surprenant entre le Christ de Dieu et tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, sont en contact avec lui. Ils manifestent chacun les traits particuliers de laideur qui leur sont propres ; il est lui, par son calme, la figure centrale de ce tableau.
Judas, le traître, s’avance le premier. L’hypocrisie masquant sa trahison est telle que dix-neuf siècles plus tard « le baiser du traître » demeure une expression proverbiale de dégoût. Pour reprendre le langage du Psaume 41:9, « mon intime ami aussi, en qui je me confiais, qui mangeait mon pain, a levé le talon contre moi ». Aussi Jésus, s’adressant à lui, l’appelle-t-il « ami », mais il lui pose la question pénétrante : « Pourquoi es-tu venu ? » — Il était venu pour trahir son maître et empocher trente misérables pièces d’argent.
L’hypocrisie écœurante du faux disciple est suivie par le zèle charnel d’un vrai disciple ; l’évangile selon Jean nous apprend qu’il s’agit de Pierre. L’homme sûr de lui dort quand il aurait dû veiller, et frappe lorsqu’il aurait dû rester tranquille : si son geste n’avait pas été désavoué, il aurait discrédité son maître. Le moment vient où « les saints » se réjouiront « de la gloire » ; alors « les louanges de Dieu » seront « dans leur bouche, et une épée à deux tranchants dans leur main » (Ps. 149:5-7) ; mais ce sera à la seconde venue du Seigneur et non pas à la première. L’action de Pierre était tout à fait déplacée et aurait pu lui valoir un coup d’épée en retour. Elle ne s’accordait pas non plus, en aucune manière, avec l’attitude de son maître qui avait à sa disposition une puissance à laquelle rien ne pouvait résister, mais qui consentait à être amené comme un agneau à la boucherie, ainsi que les Écritures l’avaient annoncé.
Pour détruire de dessous le ciel les villes de la plaine, Dieu n’a
envoyé que deux anges
. Que se
serait-il passé si douze légions
avaient été lâchées sur ce monde rebelle ? Le Seigneur n’a pas prononcé la
prière qui les lui aurait fournies, et le coup porté par Pierre autant pour
lui-même que pour son maître, était simplement ridicule. Si nous pouvons nous
réjouir de souffrir comme chrétiens, nous sommes spirituellement vainqueurs ;
si nous prenons l’épée, nous perdons la bataille spirituelle, et finalement
nous périrons par l’épée. Une des principales causes de la triste stagnation et
de la dégradation de la Réformation d’il y a quatre siècles est que ses
promoteurs ont recouru à l’épée pour sa défense, et qu’ainsi ils en ont fait un
mouvement national et politique, et plus seulement spirituel.
Nous voyons ensuite le Seigneur s’adresser calmement à la foule grossière, sortie sous la conduite de Judas pour l’arrêter. Il leur montre l’inconvenance et même la folie de leur manière d’agir. Face à cette troupe nombreuse, le courage des disciples fond ; ils abandonnent tous leur maître et s’enfuient. Voilà comment se conduisent même les meilleurs d’entre les hommes !
La foule le livre aux chefs d’Israël ; ces hommes qui
prétendaient représenter Dieu, avaient rejeté toute prétention de rechercher la
justice. Il n’est pas dit qu’ils ont été induits
en erreur
par un faux témoignage, ni qu’ils ont été tentés
à le recevoir parce qu’il leur était imposé. Non, mais ils « cherchaient
quelque faux témoignage contre Jésus, de manière à le faire mourir ». Ils
en CHERCHAIENT un. Y a-t-il jamais eu sur cette terre un procès autre que
celui-ci, où les juges ont dû commencer par chercher des menteurs pour pouvoir
condamner l’accusé ? C’est ce qui s’est passé là ; et Jésus garde le
silence. Le jugement n’ayant plus rien à faire avec la justice, il comparaît
devant eux avec une dignité divine ; Il ne parle que pour confirmer qu’il
est le Christ, le Fils de Dieu, et proclamer sa gloire à venir comme Fils de l’homme.
C’est sur cette base qu’ils le condamnent ; mais le souverain sacrificateur enfreint la loi en déchirant ses vêtements au moment où il prononce son jugement, et par là, il se condamne lui-même. À ce signal, les insultes se mettent à pleuvoir sur notre Sauveur et Seigneur. Le calme et l’éclat de Sa présence nous font mesurer la sinistre dégradation dans laquelle ils étaient enfoncés.
À la fin de ce chapitre, Pierre moissonne ce qu’il a semé par sa confiance en soi. Au verset 58, nous lisons qu’il suivait de loin, et maintenant, nous le trouvons avec les ennemis de son Seigneur, incapable de résister. Sa faiblesse se manifeste dans ce qui paraissait être son point fort, car impétuosité et courage sont deux choses différentes. L’énergie charnelle l’a poussé dans une position où il n’aurait jamais dû être, et il est tombé. Ne lui jetons pas la pierre. Prions plutôt qu’il nous soit accordé, si nous devions nous trouver dans une situation analogue à la sienne, une repentance semblable à celle qui est rapportée dans le dernier verset — une repentance qui a commencé immédiatement après la chute.
Dans le récit qu’il nous fait des scènes finales de la vie du Seigneur, Matthieu met l’accent sur l’immense culpabilité des chefs d’Israël. Cela apparaît d’une manière frappante tout au long de l’évangile, et nous l’avons vu en particulier au chapitre 23. Les premiers versets de notre chapitre nous montrent que même si la condamnation officielle du Seigneur devait être prononcée par Pilate, sa mort est due à leur hostilité à eux.
La fin misérable de Judas nous est rapportée dans le paragraphe suivant, sorte de parenthèse venant interrompre la suite du récit. Il s’attendait, semble-t-il, à ce que le Seigneur échappe à ses adversaires et s’en aille comme il l’avait fait précédemment. Maintenant, voyant qu’il était condamné et qu’il se soumettait à eux, le remords et l’horreur de ce qu’il a fait se saisissent de lui. Mais dans son cas, ce n’était pas une véritable « repentance à salut dont on n’a pas de regret », car une telle repentance est étroitement liée à la foi. Or il n’avait pas la foi ; s’il l’avait eue, il se serait tourné vers son maître, comme Pierre qui avait, lui aussi, gravement manqué. Judas a eu les yeux ouverts sur son péché ; mais il s’est ôté la vie, commettant un suicide. Celui même qui a livré le Seigneur à ses ennemis doit confesser Son innocence. Dieu l’a voulu ainsi ; et c’est très frappant.
Le nom même de Judas est passé en proverbe, incarnant la
traîtrise. Mais Anne et Caïphe sont des hommes plus méchants encore. Nous le voyons
au verset 4. Judas a livré
le sang
innocent et eux l’ont condamné
. Il a
eu au moins quelque sentiment
de
remords pour ce qu’il avait fait — suffisamment pour l’amener à se donner la
mort. Eux étaient complètement insensibles
.
Qu’était pour eux le sang innocent ? Ils n’avaient aucun remords à le
verser ; ils n’avaient pas non plus la crainte du Dieu qui ne passe pas
sur le mal. Ils étaient prêts à tuer l’innocent, disant dans leur cœur : « Tu
ne t’enquerras pas » (Ps. 10:8, 13). S’ils avaient eu la moindre crainte
de Dieu, jamais ils n’auraient dit : « Que son sang soit sur nous et
sur nos enfants ! » comme nous le lisons dans ce chapitre.
Judas n’a jamais profité de ses trente pièces d’argent. Séduit, puis finalement possédé par le diable, il a tout abandonné pour ne rien recevoir. C’est ce qui se produit toujours lorsque des hommes petits et stupides cherchent à conclure un marché avec le géant qu’est l’esprit du mal. À présent l’argent est de nouveau entre les mains des sacrificateurs et il leur donne l’occasion de couronner tous leurs autres péchés par la pire hypocrisie. Leur souci d’accomplir scrupuleusement la loi les empêche de mettre ces pièces dans le trésor sacré, puisque c’est le prix du sang. Mais qui en a fait le prix du sang ? Eux-mêmes ! Aussi accomplissent-ils les Écritures en achetant le champ du potier. Leur acte devient public, et le champ acquiert ainsi son nom de « Champ de sang ». L’ironie du jugement gouvernemental de Dieu transparaît dans cette désignation, car dès ce moment-là, ce lieu a été un champ de sang et une place de sépulture pour les étrangers ; il le sera dans un sens plus large encore, et cela jusqu’au jour où le Rédempteur viendra à Sion.
Les autorités religieuses ont maintenant livré Jésus au
gouverneur civil ; dans les versets 11 à 26, nous trouvons ce qui se passe
devant ce dernier. Lorsque Pilate l’interroge devant la multitude, Jésus ne
prononce que trois mots : « Tu le dis », l’équivalent de notre « oui ».
Il confesse qu’il est véritablement le Roi des Juifs ; or c’est là le
principal motif d’accusation dressé contre lui devant la puissance romaine. Les
trois évangiles synoptiques concordent sur ce point. Jean rapporte d’autres
questions posées par Pilate et auxquelles Jésus répond dans l’intimité relative
du prétoire ; et trois fois il mentionne que Pilate sortit
vers la foule. Lorsqu’il est interrogé en public, Jésus ne
répond rien, car il n’y avait en réalité rien à répondre ; Pilate ne
devait pas tarder à s’en apercevoir, et il s’en étonne fort. Il connaissait
parfaitement les coutumes subtiles des Juifs, et son esprit légal exercé a vite
fait de discerner l’envie qui est à l’origine du procès. D’un autre côté, il
craint le peuple et veut être bien avec lui.
Ainsi Pilate a l’esprit singulièrement troublé. Pour condamner Jésus, il doit violer son sens de la justice et passer outre au songe et à l’intuition de sa femme. L’échec du subterfuge par lequel il espérait se sortir de ce dilemme l’agite d’une manière évidente. La foule accusatrice est excitée par la ruse des sacrificateurs et des anciens. Le prisonnier est la seule figure sereine au milieu de cette terrible scène. Nous voyons Pilate abdiquer pratiquement sa fonction de juge pour ce cas, et rejeter la responsabilité sur le peuple. Il n’est naturellement pas réellement déchargé pour autant, mais cela a pour conséquence que le peuple prend sur lui la pleine responsabilité du sang de son Messie. Le verset 25 nous donne l’explication des souffrances qui ont frappé le peuple et qui poursuivent ses enfants jusqu’à ce jour. Ils auront encore à traverser la grande tribulation avant que le compte soit réglé selon le gouvernement de Dieu.
Barabbas est relâché et Jésus est condamné à être crucifié ;
puis (v. 27-37) nous voyons Jésus livré entre les mains des soldats romains. Là
ce sont les moqueries vulgaires, la brutalité et enfin la crucifixion
elle-même. Pour que son humiliation soit complète, ils le mettent au rang des
iniques en le plaçant entre deux brigands. Il n’y a pas trace de justice, de
pitié, ni même de compassion élémentaire, que ce soit de la part des autorités religieuses
, civiles
, ou militaires
.
En le condamnant, les Juifs comme les Gentils se condamnaient eux-mêmes.
Les versets 39 à 44 nous montrent toutes les classes s’unissant
pour insulter Jésus alors qu’il est cloué sur la croix. Lorsque des criminels
particulièrement méchants sont condamnés à mort, ils sont en butte à des
paroles sévères, mais même aux êtres les plus mauvais et les plus dépravés, les
moqueries sont épargnées dans l’agonie de la mort. Et pourtant c’est ce qu’a dû
subir, lorsqu’il était sur la croix, Celui qui incarnait toute la perfection,
tant divine qu’humaine. Il n’y avait pas de différence, sauf dans les
expressions employées. « Ceux qui passaient par là » étaient les gens ordinaires
, ceux qui vaquaient à
leurs affaires. « Les principaux sacrificateurs avec les scribes et les
anciens » faisaient partie des classes
supérieures
. Mais « les brigands aussi… l’insultaient de la même
manière ». Ils représentaient les plus vils, les criminels
; mais ils ne faisaient que suivre les autres, dans
leur langage grossier et vulgaire. Il était le Fils de Dieu et le Roi d’Israël.
Il aurait pu déployer sa puissance alors aussi facilement qu’il le fera en
jugement dans très peu de temps. Mais en restant là où les mains d’hommes
iniques l’avaient placé, et en portant lui-même le jugement du péché, il
manifestait l’amour divin.
Matthieu n’en donne pas ici un exposé doctrinal, mais il passe au récit des trois heures solennelles de ténèbres, à la fin desquelles la sainte Victime, d’une forte voix, a donné expression au cri rapporté par l’Esprit prophétique dans le premier verset du Psaume 22, quelque mille ans auparavant. Au troisième verset de ce psaume, nous avons une réponse à ce cri : « Et toi, tu es saint, toi qui habites au milieu des louanges d’Israël ». Un Dieu saint ne peut demeurer au milieu des louanges d’hommes pécheurs que si l’expiation a été faite, le jugement du péché ayant été porté. Étant fait péché pour nous, celui qui n’a pas connu le péché devait inévitablement connaître l’abandon. Ceux qui se tenaient là n’en savaient rien ; ils semblent même avoir été incapables de distinguer entre Dieu et Élie.
Puis, selon le verset 50, il y eut encore un cri puissant, et Jésus rendit l’esprit. Les paroles exactes exprimées dans ce dernier cri nous sont rapportées en partie dans l’évangile selon Jean et en partie dans l’évangile selon Luc. Jésus cria « d’une forte voix », témoignage que ses forces n’étaient pas altérées, et qu’il rendait ainsi lui-même, délibérément, son esprit. Sa mort était surnaturelle, et elle fut suivie immédiatement de signes surnaturels qui en indiquaient la signification et la puissance.
Le premier de ces actes de Dieu concerne le voile du temple, type de l’humanité du Seigneur (voir Héb. 10). Sous la loi, « le chemin des lieux saints » n’était « pas encore manifesté » (Héb. 9:8) ; maintenant il l’est, car par la mort de Christ, nous pouvons nous approcher de Dieu. Le deuxième acte est en rapport avec la création matérielle : la terre trembla, les rochers se fendirent et les sépulcres s’ouvrirent. Le troisième, avec les corps des saints endormis : après Sa résurrection, ils ressuscitèrent et apparurent à plusieurs à Jérusalem. Ainsi, un triple témoignage était rendu de la manière la plus frappante. Le premier, en relation avec la présence de Dieu, mais sous le type du voile, que seuls les sacrificateurs pouvaient voir. Le deuxième, dans le domaine de la nature, doit avoir été perçu par tout le monde. Le troisième était sans doute réservé aux yeux des vrais saints. En plus de ces signes, le soleil avait été obscurci précédemment. D’innombrables témoignages étaient rendus à cette heure extraordinaire, et pourtant personne ne semble en avoir été impressionné, excepté le centurion de garde et ceux qui veillaient avec lui. Le travail opéré dans son cœur l’amène à la conviction que « certainement celui-ci était Fils de Dieu », la chose même que son peuple reniait, et renie encore.
Comme souvent, lorsque le courage et le dévouement des hommes flanchent, les femmes prennent la relève. Les disciples ont disparu, mais plusieurs femmes regardent la scène, même si c’est de loin. Pourtant un homme, quelqu’un de tout à fait inattendu, s’avance et a le courage de s’identifier avec le Christ mort, demandant son corps à Pilate. C’était un disciple de Jésus, mais en secret jusqu’alors, comme nous le dit l’évangile selon Jean. Il était l’homme riche, propriétaire du sépulcre neuf, qui a agi de manière à ce qu’Ésaïe 53:9 soit accompli. C’est la seule chose que nous sachions de ce Joseph d’Arimathée.
Dieu ne manque jamais d’un serviteur selon sa volonté pour accomplir sa parole. Joseph est né dans ce monde pour accomplir cette unique et brève déclaration prophétique, et ainsi, bien que les hommes aient donné à Jésus son sépulcre avec les méchants, il a été avec le riche dans sa mort.
Les femmes qui ont assisté à sa mort et à son ensevelissement étaient dévouées, mais manquaient d’intelligence. Ce sont ses ennemis acharnés qui se souviennent l’avoir entendu dire qu’il ressusciterait d’entre les morts. La mémoire et l’esprit ravivés par la haine, ils envoient une délégation à Pilate pour demander que des précautions particulières soient prises. Ils renient ce qu’il a accompli dans sa vie, le taxant de premier égarement. Ils craignent que sa résurrection puisse être constatée, conscients que cela aurait des effets beaucoup plus puissants. Pour eux, ce serait un dernier égarement, qui serait pire que le premier. Ce serait inévitablement la justification de leur victime et leur propre condamnation ; ils le savaient parfaitement.
Que ce soit à l’égard de Joseph ou de ces hommes, Pilate est consentant. Il leur accorde ce qu’ils demandent : une garde de soldats est placée, mais il semble y avoir une note ironique dans ses paroles : « Rendez-le sûr comme vous l’entendez ». Ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir, et ils n’ont réussi qu’à établir au-delà de tout doute raisonnable le fait de la résurrection de Jésus, une fois que celle-ci a été accomplie, et leurs savantes mesures s’effondrent. Dieu a changé leur sagesse en folie. Il a permis que leur plan serve son propre dessein et détruise le leur.
Le verset 1 nous rapporte que les deux Marie, qui ont assisté à son ensevelissement, se sont rendues au sépulcre tout de suite après la fin du jour du sabbat. Elles sont venues « au crépuscule du premier jour de la semaine ». Selon la manière juive de compter, la journée s’achevait au coucher du soleil, et le dévouement de ces femmes était tel qu’elles vinrent au sépulcre à peine le sabbat passé. Il est difficile de coordonner les détails fournis par les quatre évangélistes pour en faire un récit suivi ; mais il semble bien que les deux Marie soient venues seules pour cette visite spéciale, et qu’elles soient retournées ensuite avec Salomé et peut-être d’autres, apportant des aromates pour l’embaumer. Marc et Luc nous le précisent, et il semblerait que le verset 5 de notre chapitre se situe lors de cette seconde occasion, de sorte que ce dont il nous est parlé dans les versets 2 à 4 a eu lieu entre les deux visites. Quoi qu’il en soit, il est clair qu’à l’aube du premier jour de la semaine Christ était ressuscité.
Un tremblement de terre a signalé sa mort, et un second tremblement de terre, grand mais très localisé apparemment (car il est lié à la descente du ciel d’un ange du Seigneur), proclame sa résurrection. Les autorités terrestres avaient scellé son sépulcre ; une autorité infiniment plus grande rompt le sceau et roule la pierre. Lorsqu’ils le virent, les gardes se mettent à trembler et deviennent comme morts. Le sépulcre scellé était le défi d’hommes audacieux. Dieu le relève, brise leur puissance et réduit à néant leurs représentants. Le Seigneur Jésus a été ressuscité par la puissance de Dieu, et le tombeau a été ouvert pour que les hommes puissent constater sans qu’aucun doute subsiste que le Seigneur n’était pas ici. L’ange ne se contente pas de rouler la pierre ; il s’assied dessus, la scellant pour ainsi dire de sa présence dans sa position nouvelle, afin que personne ne la déplace avant qu’un grand nombre de témoins aient vu le sépulcre vide.
Matthieu nous parle d’un ange assis sur la pierre ; Marc, d’un ange assis du côté droit, mais à l’intérieur du sépulcre. Luc et Jean mentionnent chacun deux anges. Cependant tous nous montrent que si les femmes furent effrayées par la présence des anges, elles ne furent pas terrassées comme les soldats. Elles cherchaient Jésus le crucifié ; aussi la parole qui leur est adressée est-elle : « N’ayez point de peur ». Sa résurrection avait été annoncée ; et elles sont invitées à voir le lieu où son corps avait été mis et où, selon le récit de Jean, les linges étaient à terre en ordre ; mais le corps n’était plus là. Il suffisait de voir le lieu où il avait été déposé pour être convaincu que le corps n’avait été ni soustrait ni volé. Un acte surnaturel s’était produit ; et elles étaient envoyées comme messagères aux disciples, pour leur dire d’aller en Galilée où ils Le rencontreraient.
Bien que partagées entre des sentiments de crainte et de joie, les femmes reçoivent la parole de l’ange avec foi et sortent pour obéir. L’obéissance de la foi est récompensée : le Seigneur ressuscité lui-même leur apparaît ; elles se jettent a ses pieds et adorent ; puis elles s’en vont, comme les messagères du Seigneur et non plus seulement de l’ange. Lors du dernier souper, le Seigneur avait nommé la Galilée comme point de rencontre, et il le leur confirme.
Les versets 11 à 15, qui forment une parenthèse, nous offrent un
contraste frappant. Nous passons de la scène glorieuse de la résurrection, avec
la joie, la foi, l’adoration et le témoignage, aux ténèbres épaisses de l’incrédulité,
avec la haine, la conspiration, le pot-de-vin et la corruption, pour en arriver
à un mensonge flagrant. Si les gardes dormaient, comment pouvaient-ils savoir
ce qui s’était passé ? L’argent et l’amour de l’argent sont à la base de
ce complot. Les soldats avaient été achetés et nous pouvons bien penser que c’est
ainsi qu’on avait l’intention de persuader le gouverneur aussi. Tout est mis en
œuvre pour empêcher que la vérité de la résurrection du Seigneur vienne au jour !
Ils réalisaient que cela ruinerait leur cause tout en établissant la sienne, et
le diable qui les poussait, le savait encore bien mieux qu’eux. Ils n’ont donné
que trente pièces d’argent à Judas pour s’assurer Sa mort, mais ils remettent une bonne somme d’argent
aux soldats
pour étouffer le fait de sa résurrection.
L’évangile se termine par la rencontre des disciples avec leur Seigneur ressuscité en Galilée, et par la mission dont il les charge. Il n’est pas du tout parlé des nombreuses apparitions à Jérusalem, ni de l’ascension depuis Béthanie. Tout en mentionnant l’établissement de l’Assemblée, cet évangile, dans son ensemble, nous a dépeint le passage du royaume présenté dans sa relation avec le Messie sur la terre (tel que les prophètes l’avaient annoncé), au royaume des cieux dans sa forme actuelle : c’est-à-dire une forme mystérieuse, pendant que le Roi est caché dans les cieux. C’est à Jérusalem qu’ils devaient recevoir l’Esprit et être baptisés en un corps, l’Assemblée, dans les quelques jours qui suivraient. La Galilée était le district où se trouvait la plus grande partie du résidu pieux d’Israël, ceux qui, en recevant Christ, sont entrés dans le royaume, alors que le peuple dans son ensemble est resté dehors.
Ainsi le Seigneur ressuscité renoue des liens avec ce résidu,
dont les onze disciples étaient les membres principaux ; et s’il n’est pas
parlé de son élévation dans le ciel, c’est pourtant comme parlant du ciel qu’il
leur confie un mandat, car toute autorité lui a été donnée, aussi bien dans le
ciel que sur la terre. Ce n’était pas encore le moment de révéler pleinement la
mission chrétienne, qui consiste à tirer d’entre les nations un peuple pour son
nom ; les termes sont plus généraux ici. Ils devaient aller, faire des
disciples et les baptiser : c’est un mandat que le résidu pieux d’Israël
pourra reprendre après l’enlèvement de l’Église. Comme Israël a été baptisé
pour Moïse, son conducteur, le disciple est baptisé pour le Christ ressuscité,
venant ainsi se placer sous son autorité ; et le baptême doit être au nom
de Dieu tel qu’il a été pleinement révélé. Ce n’est pas le pluriel, mais le
singulier — non pas aux noms
mais au nom
— car même si elle est révélée en
trois personnes, la Déité est une.
L’évangile se termine par cette promesse : « Voici,
moi je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation du siècle » ;
ainsi, dans cette fin, « tout » ne revient pas moins de quatre fois.
Notre Seigneur exalté détient toute
autorité
dans les deux sphères, de sorte que rien ne lui échappe. Si ses
serviteurs sont frappés par l’adversité, c’est qu’il l’a permis. Leur service
doit s’étendre à toutes les nations
,
et non pas se limiter à Israël comme jusqu’à présent. Ceux d’entre les nations
qui ont été baptisés doivent être enseignés à garder toutes les choses que le Seigneur a commandées
, car les serviteurs
doivent d’abord être eux-mêmes caractérisés par l’obéissance, pour amener ceux
qu’ils gagnent à l’obéissance. Enfin, ils peuvent compter sur le support et la
présence spirituelle de leur Maître tous
les jours
jusqu’à la fin.
Telle est la mission sur laquelle l’évangile s’achève. En considérant les Actes, puis les épîtres, nous trouvons des développements qui nous enseignent quelle est la véritable mission évangélique pour nos jours ; mais nous ne perdons pas pour autant la lumière et le bénéfice de ce que le Seigneur dit ici. Nous continuons à aller vers toutes les nations, baptisant pour le Nom. Nous sommes toujours appelés à enseigner toute la parole du Seigneur. Il continue d’avoir toute autorité. Et, quoi qu’il arrive, il sera avec nous tous les jours « jusqu’à la consommation du siècle ».