Romains 14:1 à 15:7 — Les faibles et les forts

Ta viande et ton frère

Michael Hardt

Truth and Testimony, p. 149-155, déc. 2018

Table des matières :

1 - La situation à Rome

2 - La pertinence pour aujourd’hui

3 - Comment agir avec les croyants qui ne voient pas encore les choses à notre façon

3.1 - Rom. 14:3 — « Car Dieu l’a reçu »

3.2 - Rom. 14:4 — « Qui es-tu, toi qui juges le domestique d’autrui ? »

3.3 - Rom. 14:5 — « L’un estime un jour plus qu’un autre jour, et l’autre estime tous les jours égaux : que chacun soit pleinement persuadé dans son propre esprit »

3.4 - Rom. 14:6-9 — On a affaire au Seigneur

3.5 - Rom. 14:10 — « Car nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu »

3.6 - Rom. 14:13 — « Jugez plutôt ceci, de ne pas mettre une pierre d’achoppement ou une occasion de chute devant votre frère »

3.7 - Rom. 14:15a — « Car si, à cause de l’une viande, ton frère est attristé, tu ne marches plus selon l’amour »

3.8 - Rom. 14:15b — « Ne détruis pas par ta viande celui pour lequel Christ est mort »

3.9 - Rom. 14:19 — « Poursuivons ce qui tend à la paix et à l’édification mutuelle »

4 - Les pensées de Christ et ce qui ne l’est pas

5 - Résumé


Cette section de l’Écriture groupe des enseignements, et traite d’un sujet qui, à première vue, semble n’avoir guère d’importance pour les chrétiens du 21ème siècle, à savoir les attitudes des premiers chrétiens de Rome par rapport au fait de manger ou ne pas manger certains types de nourriture. En y regardant de plus près, on se rend compte du contraire : il y a des principes sous-jacents qui sont d’une grande pertinence pour aujourd’hui. Beaucoup de problèmes entre croyants pourraient être résolus, ou même évités, si nous agissions (davantage) selon ces principes.


1 - La situation à Rome

La déclaration au début de ce passage est une exhortation à accueillir ceux qui sont « faibles en foi » (Rom. 14:1). Cela soulève la question : qui sont ces croyants faibles ? Le verset suivant explique : « Les faibles mangent des herbes ».

Très vraisemblablement, cette différence d’attitude provenait, au moins en partie, de ce que l’assemblée de Rome comportait des croyants d’origine juive et d’autres des nations. Ceux d’origine juive avaient l’habitude de s’abstenir d’aliments impurs (Lev.11 ; Deut.14) et avaient de la difficulté à réaliser leur liberté chrétienne. Leur mentalité était que les lois alimentaires juives étaient l’un des points caractéristiques du peuple de Dieu, par opposition aux « chiens » (même réflexe que Pierre en Actes 10:9-16). En outre, certains avaient peut-être des préoccupations supplémentaires les amenant à s’abstenir même de choses qui n’étaient pas impures en soi, comme le vin ou la viande en général (Rom. 14:21). De tels scrupules pouvaient être fondés sur d’autres considérations, comme celle de savoir si certains aliments avaient pu faire partie des sacrifices aux idoles, avant d’être vendus.

À première vue, y a-t-il la moindre importance à donner aux différences d’habitudes alimentaires ? Pourquoi l’apôtre Paul s’intéressait-il à ce sujet et pourquoi l’Esprit le conduisait-Il à y consacrer plus d’un chapitre dans sa lettre ? — En fait il ne s’agissait pas simplement d’une question d’habitudes alimentaires, mais cette question risquait d’envenimer les relations fraternelles entre croyants, et de nuire à la pleine jouissance de leur relation avec Dieu dans la louange et l’adoration. Le verset 3 dit : « Que celui qui mange ne méprise pas celui qui ne mange pas ; et que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange, car Dieu l’a reçu ». Il y avait deux groupes, chacun enclin à agir d’une manière non fraternelle : ceux qui se sentaient libres de manger (les « forts ») risquaient de mépriser ceux qui ne mangeaient pas (les « faibles »). Les faibles, de leur côté, risquaient de juger les forts.


2 - La pertinence pour aujourd’hui

Ce qui est si instructif pour nous dans ce chapitre, est la façon dont Paul encourage chaque groupe, en particulier les forts, à changer d’attitude, de sentiments et de comportement vis-à-vis de leurs frères. Les pensées humaines auraient préconisé une approche très différente :



Mais ce n’est pas du tout la procédure adoptée. C’est d’autant plus surprenant que Paul indique clairement quelle était la manière correcte de voir les choses. En effet il dit : « Je sais, et je suis persuadé dans le Seigneur Jésus, que rien n’est souillé par soi-même » (14:14) ; et encore : « Or… nous les forts… » (15:1). Paul s’identifiait donc avec ceux qui comprenaient la liberté chrétienne en matière de nourriture et de boisson. Les faibles n’avaient pas la pleine jouissance de la vérité, et c’est sans doute pour cela qu’il ne fallait pas leur demander de résoudre des questions difficiles (14:1). Or il ne s’agissait pas simplement d’expliquer aux faibles que la liberté chrétienne inclut la liberté de manger tous les genres de nourriture (hormis le sang et ce qui est étouffé : Actes 15:29).


3 - Comment agir avec les croyants qui ne voient pas encore les choses à notre façon

Paul donne une série de conseils importants qui élèvent tout le sujet à un niveau bien plus haut que les questions de manger et de boire, ou celles des différences d’opinion. Ces conseils touchent au cœur ou au centre de la foi chrétienne. Ils ne s’en tiennent pas seulement aux symptômes, mais ils abordent les causes et attitudes sous-jacentes. Et ils ont pour but de toucher nos cœurs et nos consciences :


3.1 - Rom. 14:3 — « Car Dieu l’a reçu »

Quelle raison touchante de reconsidérer notre comportement à l’égard de notre frère : Dieu l’a reçu. L’amour et la grâce de Dieu ont été révélés en Christ — et ceci doit gouverner même les plus petites choses de notre vie (cf. 15:7).


3.2 - Rom. 14:4 — « Qui es-tu, toi qui juges le domestique d’autrui ? »

Ce point s’adresse au frère faible qui, en ruminant les droits et les torts des actions de son frère, a oublié un point important : son frère n’est pas responsable devant lui, mais devant le Seigneur !


3.3 - Rom. 14:5 — « L’un estime un jour plus qu’un autre jour, et l’autre estime tous les jours égaux : que chacun soit pleinement persuadé dans son propre esprit »

Il faut laisser de la place pour l’exercice individuel. C’est bien d’avoir des convictions, mais on ne doit pas les imposer aux autres, ni non plus avoir recours à des querelles sur des sujets auxquels ont tient beaucoup. Combien de fois a-t-on fait beaucoup de dégâts en essayant de forcer chacun à être d’accord sur ses propres vues (parfois même des ‘dadas’) ! Nous devrions plutôt être exercés dans la prière devant le Seigneur.


3.4 - Rom. 14:6-9 — On a affaire au Seigneur

Ce passage souligne la seigneurie de Christ (comme le v. 4 a insisté sur ce que nous sommes Ses serviteurs). La seigneurie de Christ est ici basée sur Sa mort et Sa résurrection — ces deux événements si centraux pour la foi chrétienne. C’est pourquoi, combien nous devons être attentifs à ne pas interférer avec la seigneurie de Christ, mais plutôt à être exercés devant Lui et à vivre en vue de Lui plaire !


3.5 - Rom. 14:10 — « Car nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu »

Ici, l’Apôtre introduit une autre pensée d’une grande portée : un jour, nous nous tiendrons devant le tribunal de Dieu. Nous devrons y « rendre compte » (14:12), le frère faible comment il aura agi à l’égard du frère fort, et vice versa. La question ne sera pas simplement « Qui avait raison », mais : « Mon attitude envers mon frère était-elle à l’honneur de Christ ? » Cette pensée stimulante s’applique aux deux groupes, ceux qui « jugent » et ceux qui ont tendance à « mépriser ».


3.6 - Rom. 14:13 — « Jugez plutôt ceci, de ne pas mettre une pierre d’achoppement ou une occasion de chute devant votre frère »

Voici une autre considération vitale. Mes actions peuvent potentiellement faire trébucher autrui. Prenons le plus fort. Il est convaincu — à juste titre — de sa liberté chrétienne de manger. Cependant, sa propre liberté n’est pas la seule chose à considérer. Quel impact cela a-t-il sur son frère ? Si le frère faible voit le fort manger, il peut suivre son exemple et manger aussi, mais sans être libre dans sa conscience, ce qui serait un péché (14:23).


3.7 - Rom. 14:15a — « Car si, à cause de l’une viande, ton frère est attristé, tu ne marches plus selon l’amour »

Voici un autre principe chrétien vital : l’amour ! Nous pouvons être tellement pris par nos raisonnements et nos convictions que nous oublions complètement l’amour qui, après tout, est la marque du christianisme authentique ! L’amour cherche ce qu’il y a de mieux pour son objet. Mon amour pour mon frère doit me rendre capable de renoncer à mes droits et à ma liberté.


3.8 - Rom. 14:15b — « Ne détruis pas par ta viande celui pour lequel Christ est mort »

C’est vraiment une comparaison puissante. C’est comme avec une gamme de prix : à un bout, il y a « ta viande » — peut-être une assiette pleine de nourriture, dont il ne restera rien demain. À l’autre bout de la gamme, il y a ton frère, désigné par la belle expression « celui pour lequel Christ est mort ». La valeur d’un bien immobilier est déterminée par le prix qu’un acheteur est prêt à payer pour l’avoir. Christ a payé de Sa vie, — non seulement pour toi, mais aussi pour ton frère que tu viens juste de mépriser ou de n’en faire aucun cas ! Cette pensée remet les idées en place et fait voir une magnifique perspective. Notre nourriture est-elle si importante qu’à cause d’elle, on prenne le risque de détruire le frère « pour lequel Christ est mort », de détruire « l’œuvre de Dieu » (14:20) ? La prochaine fois que nous sommes exaspérés par telle ou telle chose que notre frère ou notre sœur serait en train de faire, vérifions si on n’en a pas exagéré l’ampleur de manière tout à fait excessive !


3.9 - Rom. 14:19 — « Poursuivons ce qui tend à la paix et à l’édification mutuelle »

Voici deux autres choses à considérer : sommes-nous occupés des vrais problèmes, c’est-à-dire ce qui tend à la paix et à l’édification ? Nos opinions les plus chères, et peut-être les vues auxquelles nous tenons le plus fort ne doivent pas mettre en danger ce qui compte vraiment : la paix et l’édification. Combien il est facile de s’emballer pour une conviction ou une autre et d’oublier de se demander si qui que ce soit sera édifié par ce conflit, ou s’il contribuera à une harmonie paisible. — Rien dans cet article ne doit nous décourager de défendre la vérité. Nous avons l’obligation de « combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints », de « demeurer fermes » et d’être « inébranlables » (Jude 3 ; 1 Cor. 15:58 ; 16:13 ; Gal. 5:1 ; 2 Thess. 2:15). Mais soyons prudents : nous pouvons honnêtement croire que nous luttons pour la foi, et pourtant nous tromper. En particulier, quand il s’agit de questions de conscience ou de faire usage de nos droits et de notre liberté, il est temps pour nous de tâcher d’être flexible.


4 - Les pensées de Christ et ce qui ne l’est pas

Dans les sept premiers versets du ch. 15, la question est résumée et la conclusion est tirée : « Or nous devons, nous les forts, porter les infirmités des faibles, et non pas nous plaire à nous-mêmes » (15:1). L’attitude qui consiste à dire : « Je sais ce qui est juste, j’agis en conséquence et je me fiche des effets sur autrui » ne convient pas à un chrétien. Ce serait se plaire à soi-même plutôt que d’imiter Christ. Ce ne serait pas les pensées de Christ. « Car aussi le Christ n’a pas cherché à plaire à lui-même » (15:3). Il était prêt à souffrir, à porter l’opprobre. Et où est-Il maintenant ? Glorifié à la droite de Dieu. « Ces choses ont été écrites pour notre instruction, afin que, par la patience et la consolation des Écritures, nous ayons espérance » (15:4).

Nous avons besoin d’avoir Christ devant nous, celui « qui n’a pas cherché à plaire à Lui-même » (15:3), et cela se traduira par une similarité de pensées les uns à l’égard des autres — non pas une communauté de vues humaine, basée sur des compromis et la tolérance, mais « selon le Christ Jésus » (15:5). Si tel est le cas, il en résultera de la louange pour Dieu : « afin que d’un commun accord, d’une même bouche, vous glorifiiez le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (15:6).

C’est peut-être pour cela que l’ennemi essaie si souvent de nous faire succomber à notre tendance à juger ou, le cas échéant, à mépriser : cela fait un blocage dans la louange et l’adoration, et nous empêche d’agir à l’unisson en tant que « sainte sacrificature » (c’est davantage que la simple action individuelle de sacrificateurs). C’est là un autre motif puissant pour nous pousser à résoudre ces questions afin que le Père et Christ ne soient pas privés de l’adoration qui leur est due « d’un commun accord, d’une même bouche ».

Il est intéressant de comparer la déclaration finale (15:7) avec celle du début (14:1). À la fin, il nous est dit de « nous recevoir les uns les autres », pas seulement de recevoir « les faibles » (14:1), et il nous est dit de nous recevoir « comme le Christ… nous a reçus » (15:7), alors que dans un verset auparavant, il était dit « car Dieu l’a reçu » (14:3). Le mot « car » invoquait le fait de la réception du frère par Dieu ; mais le mot « comme » (15:7) fait faire un pas de plus, et souligne la manière dont cela est fait, et son résultat : « à la gloire de Dieu » (15:7).


5 - Résumé

Nous avons vu que l’apôtre Paul ne fournit pas moins de 12 principes importants et puissants pour orienter sur le sujet des rapports les uns avec les autres dans les situations de conflit entre la compréhension de celui qui est fort et la conscience du frère faible :

1. Dieu a reçu le frère (14:3 ; cf. 15:7).

2. Le frère est le serviteur d’autrui (c’est-à-dire de Christ ; 14:4).

3. Il faut laisser de la place à l’exercice de la prière (14:5).

4. Christ est mort et est ressuscité pour être Seigneur sur nous. Par conséquent, nous devons vivre en vue de Lui plaire (14:6-9) !

5. Nous aurons à rendre compte devant le tribunal de Dieu (14:10).

6. Nous devons veiller à ne rien faire qui puisse faire trébucher notre frère (14:13).

7. Amour : mon amour pour mon frère doit me rendre capable de renoncer à mes droits et à ma liberté (14:15a).

8. C’est le frère « pour lequel Christ est mort », il est « l’œuvre de Dieu » (14:9,20).

9. Nous devons poursuivre ce qui tend à la paix et à l’édification (14:19).

10. Nous devons suivre l’exemple de Christ : Il n’a pas cherché à plaire à Lui-même (15:3).

11. Ce n’est que de cette manière que nous pouvons être animés de pensées « selon le Christ Jésus » (15:5).

12. Cela nous rendra capable de glorifier Dieu à l’unisson, « d’un commun accord, d’une même bouche » (15:6).