par Henri Rossier
1 - Chapitre Premier — « Je suis un homme pécheur ». — Luc 5:1-11
2 - Chapitre 2 — Pierre allant à Jésus sur les eaux — Matthieu 14:22-33
3 - Chapitre 3 — Connaissance personnelle de Christ — Matthieu 16:13-23
4 - Chapitre 4 — Venir après Lui — Matthieu 16:24-28
5 - Chapitre 5 — Le contempler dans la gloire — Matthieu 17:1-8 ; Luc 9:28-34 ; 2 Pierre 1:16-19
6 - Chapitre 6 — La maison du Père — Luc 9:34-36
7 - Chapitre 7 — La relation avec le Fils — Matthieu 17:24-27
8 - Chapitre 8 — Sacrificature et communion — Jean 13
9 - Chapitre 9 — Pierre entre en tentation — Luc 22:31-62
10 - Chapitre 10 — Le sépulcre — Jean 20:1-18
11 - Chapitre 11 — Le service et la nourriture des serviteurs du Seigneur — Jean 21:1-14
12 - Chapitre 12 — L’âme restaurée — Jean 21:15-19
13 - Chapitre 13 — Suis-moi — Jean 21:18-19
L’histoire de Simon Pierre est profondément instructive. Chaque chrétien peut y reconnaître les grands traits de son histoire, depuis le premier pas qu’il a fait dans la connaissance de Christ, jusqu’à l’état, hélas si rarement atteint ou maintenu, dans lequel l’Esprit Saint agit sans entraves et déploie en nous sa puissance. Entre ces deux limites, se déroule toute l’activité de la grâce qui nous fait pénétrer dans la connaissance de Christ et des privilèges chrétiens. Nous assistons aussi au brisement d’âme nécessaire, pour que le croyant, après avoir perdu toute confiance en soi-même, puisse enfin réaliser ses privilèges et suivre le Seigneur dans le chemin qu’Il a tracé.
L’histoire de Pierre se divise naturellement en deux parties que nous trouvons dans la Parole de Dieu. Les évangiles présentent l’une, l’autre se trouve dans les Actes et les épîtres. À la première partie correspondent les vérités dont nous venons de parler ; la seconde, qui nous occupera plus tard si Dieu le permet, est remplie, non pas toutefois sans défaillance de la part de l’homme, de l’activité du Saint Esprit dans le ministère de Pierre, et de la puissance divine qui le soutient, comme témoin de Christ, au milieu des obstacles et des combats.
La manière dont Pierre entre
en rapport avec le Seigneur, dans l’évangile de Luc, est digne de remarque (*). La belle-mère de Simon (4:38-39) était malade
d’une grosse fièvre qui la rendait incapable de toute activité. Jésus la guérit
et la rend propre à le servir. C’est ainsi, bien souvent, que l’âme rencontre
Christ pour la première fois ; elle entre en contact avec lui par les bénédictions qu’il dispense à
d’autres.
Quand le moment est venu, où il se révélera à notre propre coeur,
nous découvrirons qu’il ne nous est pas tout à fait étranger. Le Seigneur
emploie cette connaissance préparatoire pour abréger le travail par lequel nos
consciences sont ouvertes au sentiment du péché, et nos coeurs à celui de la
grâce. Dans notre évangile, Simon Pierre connaissait donc Jésus pour l’avoir vu
à l’oeuvre dans sa maison
.
(*) J’omets à dessein les
considérations si intéressantes auxquelles peut donner lieu la première
rencontre de Pierre avec le Seigneur, dans les autres évangiles. Dans
l’évangile de Jean (1:42, 43), entre autres, Pierre le connaît pour lui avoir
été présenté
par son frère André, qui avait déjà trouvé en lui le
Christ.
Quant à sa vocation, le fils de Jonas était pêcheur ; il possédait les engins nécessaires pour prendre le poisson, une nacelle et des filets. Pierre en avait fait usage pour obtenir ce qu’il désirait et avait travaillé toute la nuit dans ce but, mais sans aucun résultat. Ainsi l’homme naturel se sert de ses facultés et des moyens mis à sa disposition pour arriver à quelque chose qui remplisse et satisfasse son coeur ; mais c’est en vain, le filet reste vide. Son labeur ne rapporte rien qui réponde aux profonds besoins de son âme. La nuit s’écoule et le jour va se lever où la pêche, le travail à la poursuite du bonheur, ne lui sera même plus possible.
N’ayant rien pris, Simon et ses compagnons quittent leurs nacelles et lavent leurs filets. Ils s’occupent à les nettoyer, car ils n’avaient ramassé que la vase du fond de la mer, et quand ils auront fini, la pêche recommencera. N’en est-il pas ainsi de l’homme dans ce monde ? Chaque jour voit se renouveler ses labeurs pour ne jamais arriver au but après lequel il soupire.
Mais, quand l’impuissance de
l’homme a été mise en évidence, Jésus entre en scène, occupé en apparence de
toute autre chose que de Pierre. Il enseigne les foules,
mais, au milieu de son ministère, son coeur est avec Simon
et ne le perd pas de vue. « Montant dans l’une des nacelles qui était à Simon,
il le pria de s’éloigner un peu de terre ». Il le sépare un peu
avec
lui de la foule. Pierre entend ainsi tout le discours du Seigneur. Auparavant,
Jésus ne lui était point étranger ; maintenant, il entend sa parole, et sa
position d’isolement avec lui contribue à l’y rendre attentif. Cependant, il ne
retient, semble-t-il (v. 5), de cette parole que la conviction de son autorité.
Alors le Seigneur s’occupe
plus spécialement de lui. « Mène en pleine eau, dit-il, et lâchez vos filets
pour la pêche ». Pierre avait fait cela toute la nuit, mais jusqu’ici c’était
par la volonté de l’homme, maintenant c’est sur la parole du Seigneur. Pierre croit à cette parole et s’y soumet.
Tel
est le premier résultat de la parole de Dieu. Elle produit la foi ;
celle-ci accepte son autorité et lui obéit. Le Seigneur a parlé ; cela
suffit à la foi.
Mais Jésus va s’adresser à Pierre d’une manière plus puissante. Il va lui montrer en présence de qui il se trouve et atteindre ainsi sa conscience. Lui, le Créateur, qui commande à toutes choses, rassemble en plein jour les poissons, là où de nuit il n’y en avait point, et en remplit les filets de Pierre. Il les remplit de bénédictions que des vases humains sont incapables de contenir sans se rompre, et qui débordent les besoins du disciple. Ses compagnons viennent avec une seconde nacelle ; elle enfonce aussi, tant les richesses données par le Seigneur de gloire sont abondantes.
Pierre voit
(v. 8)
toute cette bénédiction, mais elle le place pour la première fois, tel quel, en
présence de Celui
qui en est la
source et qui l’administre. Ainsi, ce n’est plus seulement la parole de Jésus
qui le frappe, mais Jésus lui-même et la gloire de sa personne. Un phénomène se
passe dans son âme : La bénédiction
ne lui cause pas de la joie, mais lui apporte la conviction de péché
et la frayeur, parce qu’elle l’amène en présence du Seigneur de gloire. D’autre
part, le sentiment de son état, en lui donnant la certitude effrayante que
l’Éternel devrait le repousser, le jette aux pieds de Jésus, comme sa seule
ressource.
De même, le Psaume 130:1-4,
nous montre l’âme appelant au secours Celui qu’elle a offensé. S’il prend garde
aux iniquités, c’en est fait d’elle ; elle est perdue, si la question des
péchés n’est pas réglée. Mais le Dieu
offensé pardonne
: Dieu est connu dans son amour !
Connaissance bénie pour le pécheur que celle de sa vraie condition, du jugement qui lui est dû, et de la sainteté du Seigneur ! « Retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur ». Pierre se juge pécheur et indigne de la présence de Dieu ; il tremble devant sa sainteté et sa justice. Il ne sait encore que d’une manière presque instinctive ce qu’est la grâce, il ignore que Dieu peut rester juste en justifiant celui qui est de la foi de Jésus ; mais il est à ses pieds, il ne s’enfuit pas, parce que, s’il y a quelque espoir, c’est là.
Tant qu’il était occupé à
laver ses filets, il ne connaissait ni Dieu, ni lui-même. Maintenant il connaît
l’un et l’autre. Chose remarquable, il ne juge pas ce qu’il a fait, mais ce qu’il est.
Bien des âmes
reconnaissent qu’elles ont à se repentir de leurs actes coupables et les
jugent, mais n’ont pas été amenées à voir la source de ces actes. Au-dessous
des péchés se trouve « un homme pécheur ». Le sentiment de la présence de Dieu
nous ouvre les yeux, nous montre ce que nous sommes, et nous fait voir qu’il
n’y a de refuge qu’auprès de Celui qui pourrait nous condamner.
« La frayeur l’avait
saisi » ; mais le Seigneur ne laisse jamais subsister la crainte en sa
présence ; il parle et bannit la crainte, parce qu’il est le Seigneur de
grâce. Il laisse subsister tout le reste ; il n’atténue en rien les effets
de l’oeuvre produite dans l’âme, mais il ôte
la frayeur.
« Retire-toi ? » Non, le Seigneur ne se retirera jamais ;
il dit : « Ne crains pas ; dorénavant tu prendras des hommes ». Si je
ne t’avais rencontré pour te sauver, je ne pourrais sauver d’autres par ton
moyen. Il fait plus que de rendre Simon Pierre heureux, il lui donne une
nouvelle bénédiction ; il lui promet le
service.
Au lieu de rester un pêcheur, Pierre est devenu un serviteur,
capable de tout quitter pour suivre Jésus.
Jésus venait de rassasier de
pain les pauvres d’Israël, selon la prophétie du Psaume 132, v. 15,
accomplissant son rôle de Messie au milieu d’un peuple qui ne le recevait pas.
Après leur avoir fait du bien, il avait renvoyé les multitudes, se séparant en
figure d’Israël qu’il allait abandonner pour un temps. Le soir
était venu ; le Seigneur était monté seul
sur une montagne à l’écart pour prier. Alors la nuit
était arrivée pour les douze, que
Jésus avait contraints à monter dans la nacelle. Il avait terminé ses relations
avec le peuple, mais il avait pour lui un résidu voguant vers l’autre rive. Les
disciples étaient pleins d’angoisse, seuls pendant ces heures ténébreuses, sur
la mer soulevée par l’orage, quand, à la quatrième veille de la nuit, vers
trois heures du matin, le Seigneur se met en route pour venir à eux. Sa venue
est le signal de la reprise de ses relations avec ceux qu’il appellera de
nouveau son peuple. Il vient à eux sur la mer irritée, au milieu des
difficultés qui ne sont rien pour ses pieds divins, mais qui seront leur
chemin pour apprendre à le
connaître. C’est ainsi qu’il se servira de la « détresse de Jacob ». Scène
touchante, et dont nous, chrétiens, pouvons aussi tirer la leçon morale, mais
ce qui nous concerne plus personnellement, c’est la scène qui se passe entre
Jésus et Pierre.
Le premier acte de Pierre
avait été de se jeter aux genoux de Jésus, en reconnaissant son état de péché,
le second est de se mettre en route pour aller au-devant de lui. On ne peut
trop insister sur ce point (*). Ce qui doit
suivre la conversion, c’est de nous mettre en route pour aller au-devant du
Sauveur. Cela précède le service. Pierre n’ayant encore que la promesse
d’être fait pêcheur d’hommes,
était déjà poussé à se rendre au-devant de lui. Il jette ici ses regards sur
Celui qui vient du sommet de la montagne, et ce n’est que le début des
glorieuses révélations qu’il recevra sur la personne de Christ. Cher lecteur,
êtes-vous sorti à sa rencontre ? Si vous ne l’avez pas fait dès le début
de votre conversion, vous n’avez pas encore dépassé la connaissance du salut, car
vous ne pouvez prétendre à la connaissance plus approfondie de Christ, que
Pierre acquit plus tard, si, d’abord, le Seigneur venant du ciel n’est devenu
votre objet et ne vous a rempli du désir d’aller à lui.
(*) Nous ne faisons ici
qu’une application individuelle de ce passage, qui nous présente proprement,
pour compléter le tableau si étendu du chap. 14, la position de l’Église, sortie du judaïsme
, pour marcher à la rencontre de Christ, par
la foi à sa parole et les yeux fixés sur lui, là où, en apparence, il
n’y avait pas de chemin.
Au premier moment, cette
connaissance est encore peu développée chez Pierre : « Seigneur, si
c’est toi
», dit-il. Mais elle lui suffit pour se mettre en route ;
pour lui, tout dépend de l’identité de cette personne, et, si c’est lui, sa parole
suffit à Pierre pour quitter la nacelle : « Commande-moi d’aller à toi sur
les eaux ». C’était une chose grave que de quitter l’endroit de sécurité
apparente, pour marcher où il n’y avait pas de chemin, mais, je l’ai dit, la
parole de Christ lui suffit. Il en connaissait bien la puissance. À sa parole,
il avait lâché le filet ; à sa parole, il se met en route. Elle suffit
pour le faire marcher sur les eaux, comme elle avait suffi pour lui faire
connaître le Sauveur.
« Commande-moi d’aller à
toi
». En demandant cette grâce, Pierre n’a pas l’idée de tenter une
expérience, ni de faire montre de son habileté à surmonter les obstacles ;
ce qu’il veut, c’est d’aller à lui
. Christ l’attire. Pour le moment, il
ne pense pas au vent, ni aux vagues, car si le coeur naturel ne connaît pas le
chemin qui mène à Christ, la foi trouve un chemin dans les difficultés de toute
espèce, dans la nuit et dans l’orage, et en profite pour se rapprocher du
Seigneur. Elle quitte le bateau, seul abri apparent, ne l’estimant pas comme le
vrai endroit de sécurité, et, selon l’expression remarquable d’un philosophe
ancien, elle « s’embarque sur une parole divine », pour arriver à Jésus, dont la
présence vaut plus encore pour elle que d’arriver à l’autre bord.
Hélas ! on commence bien ; la première foi et le premier amour, la simplicité d’un coeur rempli d’un objet nous soutiennent, puis le regard se laisse détourner de son objet. Satan avait cherché à troubler les disciples en leur faisant peur de Jésus (v. 26) ; ils apprennent bien vite de sa bouche qu’ils peuvent avoir bon courage. Alors l’ennemi effraye Pierre par les difficultés. Quelle folie à nous de l’écouter ! Les difficultés ne mènent-elles pas à Christ ? Pauvres incrédules que nous sommes ! Dans les épreuves, comme dans les besoins, la seule chose que nous devrions ne pas perdre de vue, la puissance divine, est la seule chose que nous oubliions ! Dans la scène qui précède, au v. 17, les disciples n’avaient pas oublié de compter leurs pains et leurs poissons, ni de supputer les ressources des villages, mais ils n’avaient nullement compté sur la présence du Seigneur ; Pierre aussi, après s’être mis en route, se prend à penser à la violence du vent et à faire un retour sur ses forces, et il oublie qu’il a devant lui une puissance d’attraction plus forte que l’aimant du pôle, pour l’amener infailliblement auprès de Jésus ; alors il commence à enfoncer.
Qui donc n’a pas été sur le
point d’enfoncer comme Pierre ? L’Église, les individus n’ont-ils pas eu
le même sort ? Mais un cri sort de la bouche du disciple : « Seigneur,
sauve-moi ! » non pas : « Retire-toi de moi », mais le contraire, car le
Sauveur est connu du croyant ; il sait que son caractère est de sauver.
Pierre crie au secours, au moment où il se trouve sur le point d’arriver au but ;
Jésus n’a qu’à étendre la main pour l’amener à lui. Une minute
de foi de plus, et le disciple n’aurait pas
enfoncé ! Et nous, douterons-nous encore ? Il nous est permis de
douter de beaucoup de choses, mais jamais de Christ. Ayons confiance en Celui qui
est capable de nous sauver jusqu’au bout, car l’orage ne s’apaisera que lorsque
le Seigneur et les siens seront définitivement réunis.
Pierre avait appris à
connaître le Seigneur comme Celui qui répondait à ses besoins : Sauveur en
vue de ses péchés, Sauveur en vue de sa faiblesse. Maintenant, le disciple va
être introduit dans une connaissance plus profonde et plus merveilleuse. Il
apprendra ce que le Seigneur est en
lui-même.
Il en est toujours ainsi : le croyant marche pas à pas dans la connaissance de Christ. Toutefois, ce n’est pas la fidélité de Pierre qui lui acquiert cette nouvelle bénédiction ; elle lui est accordée par la fidélité de Dieu, qui l’avait séparé des hommes pour lui faire une telle révélation. C’était le Père, et non la chair et le sang, qui lui avait révélé ces choses (v. 17).
Introduit par le Père au
centre de la bénédiction, Pierre est mis en présence du Dieu vivant. Dans le
Fils de l’homme, il reconnaît le Christ, objet de toutes les promesses, et
auquel se rattachent tous les conseils de Dieu ; mais ce Christ est le
Fils du Dieu vivant
. Il n’est pas seulement cet homme né
dans le monde que Dieu avait déclaré son Fils, en disant : « Tu es mon
Fils ; je t’ai aujourd’hui engendré » ; mais il est Fils du Dieu
vivant ; il possède une puissance de vie qui appartient à Dieu seul, et
dont toute la plénitude se trouve en Christ.
Les hommes, dont Pierre avait
été séparé pour recevoir cette glorieuse révélation, ignoraient entièrement la
grandeur de Jésus. Il n’était pour eux que le fils de Joseph, tout au plus l’un
des prophètes. Ils se trouvaient devant cette majesté sans la connaître, car il
faut une révélation du Père pour cela. Désormais, Pierre connaît le Sauveur
dans sa gloire personnelle, source et centre de toute bénédiction ; aussi
Simon, fils de Jonas, est-il déclaré bienheureux
par Jésus lui-même. Le ciel lui est ouvert, il possède un bonheur que rien
ne peut égaler (*).
(*) Je ferai remarquer qu’il
ne s’agit pas, dans cette méditation et les suivantes, de la manière
dont Pierre a saisi les choses qui lui ont été révélées, mais de la portée
des révélations qui lui furent faites. En réalité, Pierre et ses compagnons ne
comprirent ces choses et n’en jouirent qu’après le don du Saint Esprit.
Mais le Père ne peut révéler
à Simon la gloire personnelle de son Fils, sans que le Fils
révèle à son
disciple les relations de cette gloire avec la bénédiction individuelle et
collective des rachetés. « Et moi aussi
, je te dis.. ». Christ aussi lui
déclare ce qui découle de son caractère de Fils du Dieu vivant.
1° Tu es Pierre ; comme le Père t’a révélé mon nom, moi je te fais connaître le tien. Tu as individuellement et officiellement une place dans l’édifice qui sera établi sur cette révélation.
2° Le fondement de cet
édifice étant connu
désormais (il devait être posé
plus tard dans
la déclaration du Fils de Dieu en puissance, fruit de la résurrection d’entre
les morts), le Seigneur déclare qu’il bâtira
sur lui cette assemblée ; dont le disciple est une pierre vivante. « Je
bâtirai mon
assemblée ». Elle devait être l’assemblée de Christ, et lui
appartenir, objet de son intérêt et de son affection. Pour nous, la chose est
faite ; l’assemblée existe, elle lui appartient.
Et vous, chers lecteurs, partagez-vous en quelque mesure l’intérêt et les sentiments de Christ pour son assemblée ? Il y a, grâce à Dieu, des coeurs chrétiens qui battent pour elle et qui, en dépit de sa ruine, sont capables de comprendre sa beauté, parce qu’ils la regardent avec les yeux du Sauveur et l’estiment au prix dont il l’a acquise, disant d’elle, comme autrefois l’Esprit le disait d’Israël : « Dieu n’a pas aperçu d’iniquité en Jacob, ni n’a vu d’injustice en Israël ».
Ce fondement, un Christ
ressuscité et exalté dans le ciel, donne à l’Église un caractère
céleste.
Sans doute, elle est bâtie sur
la terre, mais son fondement est dans le ciel, au delà des portes du hadès.
C’est là qu’elle se trouve déjà. La
puissance de la mort, brisée par Christ ressuscité qui tient les clefs de la
mort et du hadès, ne peut et ne pourra jamais rien contre elle.
3° En vertu de cette
déclaration, une nouvelle dispensation allait s’ouvrir ici-bas. Israël devait
être remplacé par le royaume des cieux, dont Pierre aurait les clefs ; il
serait appelé à introduire les Juifs et les gentils dans une scène nouvelle de
bénédictions sur la terre. Il y aurait dans ce monde, en vertu de la révélation
du Fils du Dieu vivant, un terrain sur lequel on professerait
lui appartenir. Pierre allait être, comme nous le
verrons dans les Actes, l’instrument pour introduire dans cette profession
bénie. Il aurait, pour ainsi dire, l’administration extérieure et intérieure du
royaume, les clefs et le pouvoir de lier et de délier. La connaissance
personnelle de Christ ouvre tous les cercles de bénédictions aux yeux de Simon
Pierre ; il est placé au centre de la bénédiction, qui est Christ, pour
contempler le domaine immense qui en dépend (*).
(*) Voyez la note précédente.
C’en était fait (v. 20) de toutes les relations d’Israël avec un Messie terrestre. Plus tard, ces relations seront reprises ; mais dès ce moment, le Seigneur révélait aux disciples un changement total dans leurs espérances et leur position qui, de terrestres, allaient devenir célestes.
Glorieuses vérités que celles contenues dans la révélation faite à Pierre. Précieux privilèges ! Mais voici une nouvelle révélation inattendue : ces privilèges sont la conséquence de la mort de Christ ; ils nous sont acquis par elle, et, pour les avoir, il nous faut accepter la croix : « Dès lors, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il fallait… qu’il souffrît beaucoup… et qu’il fût mis à mort, et qu’il fût ressuscité le troisième jour » (v. 21). Pierre ne peut admettre que Christ ait à subir un tel opprobre ; ne pouvait-il accomplir ses glorieux desseins sans mourir ? Le disciple prend son maître à part, et se met à le reprendre, disant : « Seigneur, Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera point ! » Il y avait, dans cette parole, de l’affection naturelle pour Christ, mais on y découvre que Pierre n’avait pas compris et apprécié la révélation qu’il avait reçue et qui ne peut nous appartenir qu’à ce prix. De plus, ces mots dénotent qu’il ne voulait d’un pareil avilissement, ni pour le Christ qui lui promettait de tels avantages, ni pour lui-même qui, avec les douze, faisait cortège au Messie.
Mais si nous pouvons, en quelque mesure, distinguer les motifs naturels de Pierre pour reprendre Jésus, un fait, dont lui-même ne pouvait se douter, c’est que Satan se servait de lui pour mettre une occasion de chute sous les pas de Christ. Les pires et les plus dangereux instruments de Satan sont des croyants possédant la vérité et en jouissant, peut-être, mais craignant l’opprobre et l’inimitié du monde.
Reculer devant la croix, c’est renier le christianisme, et c’est la tendance de tous nos coeurs naturels. Nos rapports avec le monde ne le constatent que trop. Il nous tolère quand nous avons osé lui parler d’événements futurs, ou de telles vérités qui ne touchent pas aux sources mêmes du christianisme, mais si nous parlons de la croix et du sang de Christ, il nous méprise. Nous n’aimons pas cela, car nous voudrions éviter l’opprobre, et nous méritons ainsi la sévère réprimande du Seigneur.
Quelle humiliation pour
Pierre, tombant de la hauteur des révélations à la conviction de jouer le rôle
de l’Ennemi
vis-à-vis de Christ ! Lui, confesseur du Fils du Dieu
vivant, lui, future pierre vivante de l’Église, lui, revêtu de l’autorité du
royaume, s’entendre dire par le Maître qu’il aimait : « Arrière de moi,
Satan ! »
Mais aussi, quelle folie de venir au Fils du Dieu vivant, pour le reprendre et lui suggérer ce qu’il avait à faire ! Ah ! que Pierre se connaissait peu et connaissait peu Celui que le Père venait de lui révéler.
Tout ce récit nous dévoile ce
qu’est la chair dans le croyant, vue dans son meilleur jour, avec ses
meilleures intentions. Elle recule devant l’opprobre, offense Christ, et Satan
peut s’identifier avec elle. Après avoir été introduit en présence du Dieu
vivant, Pierre apprend que ses pensées naturelles ne sont pas aux choses de
Dieu, mais à celles des hommes
. Ce
mot dit tout : les choses des hommes sont celles sur
lesquelles Satan a la haute main. Les hommes et Satan sont en parfait
accord !
Nous voyons, ici, les
disciples appelés à venir après Christ. Pour venir après lui, il faut les deux
choses que nous avons vues au chapitre précédent : la connaissance
personnelle de Christ et la connaissance de la croix. Pierre avait reçu la
première et reculait devant la seconde ; mais la croix seule enlève tout
empêchement à venir après Christ. C’est là notre point de départ, notre premier
pas dans le chemin chrétien, car le croyant ne peut faire un seul pas, s’il
n’est parti du pied de la croix. Cela contredit toutes les pensées habituelles,
tout l’enseignement journalier, de l’homme religieux. Cet enseignement revient
à ceci : Faites un premier pas vers Christ, abandonnez vos vices,
consacrez-vous à Dieu, et sa grâce vous aidera. Jamais Dieu n’a tenu un
semblable langage. Le début même de l’histoire de Pierre en est une preuve. La
Parole nous enseigne que Dieu
a fait
le premier pas vers l’homme, que ce premier pas a conduit le Seigneur à la
croix, que par elle seule l’homme commence à Lui être agréable. Tel est donc
notre point de départ pour venir après lui. Voyons à quelles conditions nous
pouvons marcher dans ce chemin. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se
renonce soi-même ». La plupart des chrétiens traduisent ces mots ainsi : Il
faut renoncer à certains péchés, à certaines convoitises ; la Parole nous
dit qu’il faut se renoncer soi-même.
Mais
le peut-on ? Pas autrement que dans la puissance du nouvel homme, car le
vieil homme ne peut se dépouiller lui-même. Il faut être un nouvel homme pour
pouvoir se considérer comme ayant dépouillé le vieil homme et dire : « Je
suis crucifié avec Christ et je vis, non pas moi, mais Christ vit en moi ». Pour
l’homme nouveau, la chair n’a plus de droits, ni de place ; il se tient pour
mort. La conséquence en est que le chrétien, et lui seul, peut
renoncer à tout. Que sont au nouvel homme les habitudes et les
convoitises charnelles ? Remarquons-le ; il ne s’agit pas de faire un
effort sur soi-même pour se débarrasser de ses liens. C’est la connaissance
d’un jugement passé sur nous à la croix, et de la nouvelle position de l’homme
en Christ, qui nous affranchit. La lutte entre les deux natures vient ensuite.
Se renoncer soi-même, c’est faire ce que Christ a fait, seulement d’une autre
manière que nous, car en lui, il n’y avait pas de vieil homme à juger. Il
marchait dans la puissance absolue de l’homme nouveau, car il était comme la
génisse sans tare qui n’avait jamais porté le joug (Nombres 19). Mais Christ, comme homme, avait une
volonté parfaite ; il l’a soumise entièrement : « Que ce ne soit pas
ma volonté, dit-il, mais la tienne qui soit faite ». Christ avait des droits, il
y a renoncé ; il avait tout pouvoir, il a été crucifié en faiblesse. Entré
sur la scène avec le renoncement de soi-même, il en est sorti avec le même
renoncement absolu, consommé dans le don de sa propre vie.
« Et qu’il prenne sa croix ».
C’est la conséquence du renoncement de soi-même. Celui qui se serait
complètement renoncé, ne trouverait aucune attraction dans ce que le monde lui
offre, mais uniquement un sujet de douleurs. Christ a répondu aux tentations,
non par l’indifférence, mais par la souffrance : « Il a souffert étant
tenté ». Des milliers de chrétiens croient prendre leur croix, quand ils sont
éprouvés, ou que la main de Dieu s’appesantit sur eux en discipline. Il n’y a
rien de la croix dans cela. Remarquez le mot : « Prendre
sa croix ».
Ce n’est pas recevoir
des afflictions
de la main de Dieu, mais prendre volontairement, je dirais « volontiers
»,
le fardeau des souffrances que le
monde nous présente. Ce fardeau est d’autant plus réel et d’autant plus lourd
que, pour suivre Christ, nous marchons davantage dans la puissance du nouvel
homme qui, n’ayant aucune attache ici-bas, ne trouve dans le monde que
l’inimitié contre son Sauveur et contre ce qui est né de lui.
« Et me suive ». Le suivre est la conséquence des deux conditions précédentes. Le suivre, c’est l’imiter ; l’imiter, c’est former sur lui ses actes et ses pensées.
Il faut ces trois choses pour
venir après lui. Où est la puissance pour les réaliser ? Pierre, au chap.
22 de Luc, v. 33, se faisait illusion à cet égard. Il pensait que cette
puissance était dans ses bonnes intentions, dans ses décisions, dans son amour
pour le Sauveur. Combien de chrétiens pensent de même ! Ils diraient
volontiers : « Je te suivrai en prison et jusque dans la mort ». Mais cette
puissance n’est pas de l’homme (nous reviendrons plus tard sur ce sujet), elle
est essentiellement liée à deux choses : au don du Saint Esprit, puissance
d’en haut pour notre marche, à la perte de toute confiance en la chair. Cette
défiance de lui-même, Simon Pierre l’acquit avec Satan, par une chute ;
Paul avec Dieu, par la connaissance d’un Christ glorieux. Lorsque Pierre est
entièrement brisé, le Seigneur lui dit définitivement : « Suis-moi » (Jean
21:19). Et le disciple, à la suite de Jésus, se met en marche à travers la mort
jusqu’à ce qu’il atteigne Christ dans la gloire. Frères, suivons-le jusqu’au
bout ! Comme nous allons le voir au chap. 17 de notre évangile, nous en
aurons maintenant la récompense bénie, nous apprendrons, dès ici-bas
, à le
connaître dans la gloire.
Nous arrivons à un nouvel événement dans la vie spirituelle du disciple. Après avoir appris que les bénédictions ne pouvaient être acquises que par la mort et la résurrection de Christ, Pierre et ses deux compagnons obtiennent la faveur de contempler dès ici-bas le Seigneur Jésus venant en gloire. Ils ont le privilège de voir où aboutit le chemin pénible qui commence à la croix, et de jouir d’une telle vision. Ce spectacle a laissé une impression profonde dans l’esprit de Pierre, et il en a plus tard compris toute la portée. Au chap. 1 de sa seconde épître, après avoir placé devant les yeux des saints les conditions d’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, se souvenant de la transfiguration, il leur expose en quoi ce royaume consiste : « Car ce n’est pas en suivant des fables ingénieusement imaginées, que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais comme ayant été témoins oculaires de sa majesté. Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, lorsqu’une telle voix lui fut adressée par la gloire magnifique : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir ». Et nous, nous entendîmes cette voix venue du ciel, étant avec lui sur la sainte montagne » (2 Pierre 1:16-18).
Toutes les vérités qui
avaient trait au royaume se résumaient dans la personne de Christ. C’était sa puissance
et sa venue
; sa majesté
y était visible ; l’honneur et
la gloire
lui étaient
donnés là par Dieu le Père, du sein de la gloire magnifique. C’était donc,
avant tout, de lui-même qu’il s’agissait dans la transfiguration. Il fallait
que les disciples connussent dès ici-bas quel était ce Christ qui venait de
leur parler de son humiliation et de sa croix. Il fallait que Pierre apprît à
le connaître, non seulement comme le Fils du Dieu vivant, dispensateur pour les
siens de toutes les bénédictions célestes, mais comme un homme déclaré Fils
bien-aimé du Père dans la gloire. Il fallait qu’il contemplât, comme centre de cette gloire,
un homme duquel
non seulement découlait toute bénédiction, comme au chap. 16, mais auquel
remontaient tout honneur et toute gloire, comme à l’objet unique de la terre et
du ciel. Il fallait qu’aux oreilles du disciple retentît cette voix suprême qui
déclarait que toutes les affections et
toutes les pensées de Dieu
étaient concentrées sur cet homme. Hors lui, il
ne restait rien. Quand cette voix eut dit : « Écoutez-le », ils ne virent
que Jésus seul, et s’il leur eût été ôté, le ciel lui-même serait resté
solitaire et vide !
La seconde vérité révélée à
Pierre sur la montagne, c’est que des hommes, sujets aux mêmes infirmités que
nous, étaient associés au Fils de l’homme dans sa gloire. Fait remarquable.
Moïse et Élie manquèrent l’un et l’autre à leur responsabilité, et durent être
arrêtés avant d’avoir parcouru jusqu’au bout le chemin de la foi. La
bénédiction qui s’y attache leur fut retirée, pour Élie, du moins, quant à sa
charge de prophète (1 Rois 19:16). Notez-le bien, ces deux hommes étaient très
grands, car ils représentaient, aux yeux des disciples, la loi et les
prophètes. Cependant, Moise frappa le rocher par deux fois, oubliant de
« sanctifier l’Éternel au milieu du peuple », et dut mourir sur le Nébo, en face
de la terre promise ; Élie se coucha sous le genêt et désira mourir, puis
plaida contre Israël devant Dieu, et dut remettre son office de prophète en
oignant un autre à sa place. Et néanmoins, merveilleuse grâce, ils sont dans la
même gloire que Jésus, gloire due
à
Christ, et conférée
aux siens en
vertu de son oeuvre. Moïse et Élie n’adorent pas ici ; ils parlent avec lui,
signe d’une intimité
complète. Le sujet de leur
entretien, c’est sa mort. La gloire est le résultat de sa mort, et sa mort est
le sujet dont on s’entretient dans la gloire !
En troisième lieu, Pierre a,
sur la sainte montagne, une vision complète de tout ce qui constitue
le royaume : un Christ glorieux, des saints
ressuscités ou transmués, apparaissant avec lui en gloire, des saints
terrestres associés à cette scène bénie, vérités prophétiques bien connues, que
je touche seulement en passant, et dont l’apôtre pouvait dire : « Et nous
avons la parole prophétique, rendue plus ferme, à laquelle vous faites bien
d’être attentifs, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce
que le jour ait commencé à luire et que l’étoile du matin se soit levée dans
vos coeurs ! »
Nous venons de voir comment
les disciples furent appelés à jouir de la gloire de Christ avant le moment de
sa manifestation. Cette scène, dont ils ne comprenaient pas alors la portée,
devait plus tard servir d’appui à l’autorité de leur apostolat. À ce point de
vue, nous n’avons pas été appelés à la contempler, et nous ne la connaissons
que sur leur témoignage ; mais nous avons aussi notre scène actuelle de
gloire ; car il est dit que « nous tous
, contemplant, à face découverte, la gloire du Seigneur, nous
sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur
en Esprit » (2 Cor. 3:18).
Toutefois, la sainte montagne
n’est pas seulement la scène de la vision future ou de la contemplation
présente de la gloire, elle offre aux disciples une part intime
avec Christ. Ce Pierre qui, peu de jours auparavant, avait
encouru la réprimande du Seigneur, est appelé par grâce à entrer avec ses
compagnons là où jamais homme n’était entré avant eux. La nuée couvre les
disciples, et ils y entrent avec Jésus. Chose terrible pour un Juif !
Comment ne pas avoir « peur » de pénétrer en la présence de Jéhova, dont la nuée
était la demeure solitaire ? Comment ne pas trembler en se souvenant que même
le souverain sacrificateur devait, pour ne pas mourir, s’envelopper d’un nuage
d’encens, quand il se présentait dans le sanctuaire devant Dieu ? Mais que
les disciples se rassurent : la nuée n’est plus désormais pour eux la
demeure du Jéhova d’Israël, elle est la
maison du Père
! La présence de Christ dans la nuée avec eux est le
moyen de leur révéler le nom de Celui qui y habite. Ils deviennent, non
seulement comme Moïse et Élie, les compagnons du Fils de l’homme dans sa
gloire, mais du Fils dans la maison de son Père. Demeurer dans la gloire est,
de fait, une bénédiction future qu’aucun saint, même endormi, n’a encore
atteinte ; demeurer dans la maison du Père est une part présente aussi
bien que future. Si je puis dire en parlant de l’avenir : « Mon habitation sera
dans la maison de l’Éternel pour de
longs jours » (Ps. 23:6), je puis tout aussi bien m’écrier, en parlant du
présent : « J’ai demandé une chose à l’Éternel, je la rechercherai :
c’est que j’habite dans la maison de l’Éternel tous les jours de ma vie
,
pour voir la beauté de l’Éternel et pour m’enquérir diligemment de lui
dans son temple » (Ps. 27:4). C’est dans cette maison du Père, qu’à peine
converti, le fils prodigue est introduit ; c’est là que, revêtu de la plus
belle robe, et marchant dans la dignité de fils, il lui est donné d’avoir part
à tous les biens du Père et à la joie qu’il a de les lui communiquer. Cette
maison est la demeure secrète de la
communion.
Dans la transfiguration, bien des choses attiraient les regards
des disciples : le visage de Christ resplendissant comme le soleil, ses
vêtements blancs comme la lumière, Moïse et Élie, ces personnages fameux,
paraissant en gloire. Dans la nuée, rien de semblable. Comme Paul ravi dans le
paradis, les disciples ne voient
rien,
car Moïse et Élie disparaissent ; mais c’est pour qu’ils puissent prêter
leur attention tout entière à une parole
dans
laquelle toute la pensée de Dieu se résume.
Tant qu’il voyait Moïse et Élie, Pierre oubliait la prééminence de Christ. « Faisons trois tentes », dit-il. Comme tant de chrétiens le font d’une manière inconsciente, il voulait mettre la loi et les prophètes au même niveau que Christ, en les associant avec lui. Pauvre disciple ! comme il se montre peu digne de ce spectacle ! Ses paroles, son sommeil et sa crainte, trahissaient l’état de son âme ! Plus la perfection de Jésus resplendissait, plus les imperfections de Pierre se multipliaient. Jusqu’à ce qu’il arrive au plein jugement de lui-même, nous le trouvons ainsi dans chaque occasion. L’Esprit lui communique la puissance, la chair la lui ôte ; l’Esprit lui donne la connaissance, la chair se montre ignorante, surtout de la croix ; l’Esprit lui fait contempler la gloire, la chair rabaisse cette gloire au niveau d’hommes qui ont failli. Il en sera de même dans la scène des didrachmes, et au souper, et en Gethsémané, et dans la cour du prétoire, jusqu’à ce que Pierre ait appris ce qu’est la chair et reçu la puissance d’en haut.
Mais la gloire magnifique, au lieu de repousser les disciples, les attire à Christ, les place à ses pieds comme disciples, en leur disant : « Écoutez-le », et Pierre, avec les autres, est introduit dans les pensées du Père au sujet du Fils de son amour. Oui, la maison du Père est le lieu de cette révélation. Les disciples, nous l’avons dit, y entendent une seule parole, brève expression de la pensée que la présence du Fils fait sortir de la bouche du Père, mais un mot qui résume tout ce qui se trouve dans son coeur : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le ». Telle est notre bénédiction actuelle. Nous avons reçu la communication du secret du Père ; il nous introduit aujourd’hui dans une intimité avec lui qui sera plus complètement goûtée, mais ne pourra pas être plus grande dans l’état éternel. Là, nous verrons tout le déploiement de la gloire de Christ et nous serons vus dans cette gloire, mais maintenant nous sommes dépositaires de la pensée du Père nous révélant le Fils, du Père que le Fils nous révèle. La voix s’étant fait entendre, Jésus reste seul avec nous. En l’écoutant, nous apprendrons toujours mieux ce que le Père est pour lui et pour nous.
Sur la montagne, Pierre avait
vu des hommes associés avec Christ dans la gloire du royaume ; puis
introduit dans la nuée, il était entré en communion avec le Père au sujet de
son Fils (*). Ici, dans la scène des
didrachmes, le Seigneur associe son disciple avec lui, non pas dans une gloire
future, ni dans une jouissance céleste actuelle, mais ici-bas, sur la terre,
comme un fils de Dieu marchant dans la conscience de sa dignité de fils (*). Quand le Seigneur montre à ses disciples les
compagnons de sa gloire, un moment arrive où ils disparaissent, faisant place à
Jésus seul, pour que la gloire de Christ, « plus excellente que celle de Moïse »,
soit reconnue dans toute sa prééminence ; mais lorsque le Seigneur associe
Pierre avec lui comme fils, il le place et le garde dans la même relation que
lui vis-à-vis du Père. Ces trois paroles : « Les fils
en sont donc exempts » ; « afin que nous
ne les
scandalisions pas », et « Donne-le-leur pour
moi et pour toi
», sont l’expression
bénie de cette relation.
(*) Voyez les deux notes précédentes.
Combien nous connaissons et
apprécions peu cette dernière ! Être fils de Dieu, posséder une relation
qui n’est pas inférieure à celle de Jésus homme avec Lui, chose incroyable,
impossible, si elle ne nous était affirmée de Dieu. Hâtons-nous d’ajouter que
Christ est Fils de Dieu sous deux aspects : comme « le Fils unique qui est
dans le sein du Père », il a une relation
que nous n’avons pas et que nous n’aurons jamais, mais comme homme
il est appelé Fils de Dieu (Ps. 2 et Luc 1:35), et nous place
dans cette relation, qui n’offre qu’une seule différence entre lui et nous,
c’est que lui s’y trouve selon sa valeur et sa dignité personnelle (aussi Dieu,
quand Jésus paraît dans ce monde, le salue-t-il de ces mots : « Tu es
mon Fils, je t’ai aujourd’hui
engendré »), tandis que nous, nous sommes fils uniquement en vertu de son
oeuvre. Mais il est merveilleux de penser que notre relation est absolument la
même : « Mon
Père et votre
Père, mon
Dieu et votre
Dieu ».
« Vous avez reçu l’Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba, Père »
(conf. Marc 14:36) ; « héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ ! »
Mais hélas ! comme en toute occasion la misère des pensées naturelles est mise à nu chez le pauvre disciple ! Quand il disait : « Seigneur, Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera point », ses pensées étaient humaines, c’est-à-dire sataniques ! Comme si Jésus avait pu penser à s’épargner lui-même ! Sur la montagne, Pierre « ne savait ce qu’il disait » (Luc 9:33). C’était l’inintelligence, voulant faire d’une scène future une scène actuelle. On pourrait comparer ces paroles de Simon : « Il est bon que nous soyons ici », à celles des chrétiens de nos jours qui attendent pour l’économie présente un règne de Christ sur la terre par l’Évangile. En outre, son inintelligence introduisait quelque chose à côté de Christ, une autorité à côté de la sienne. Je l’ai dit plus haut : c’est comme tant de chrétiens qui font un mélange de loi et de grâce, la grâce, ce qui nous sauve, la loi, notre règle de conduite. Les pensées terrestres de Pierre étaient en scandale à Christ, aussi tança-t-il fortement son disciple ; mais, sur la montagne, Dieu répond en grâce à son ignorance (quelle condescendance !), en plaçant Christ devant lui comme le seul qu’il dût écouter.
Dans la scène des didrachmes,
on trouve chez le disciple le désir de revendiquer pour son Maître le caractère
d’un Juif zélé. C’est comme le besoin, si fréquent de nos jours, d’accommoder
Christ à la religion d’un monde qui l’a rejeté, pour le faire accepter,
reconnaître et honorer. Pierre voudrait que Jésus ne fût pas traité en étranger
dans le système officiel et n’eût pas l’air de s’en séparer. Le Seigneur montre
à son disciple que lui marche en vue de Dieu, et non pas en vue d’un système.
Si Christ était désormais étranger au système juif, c’est que ce dernier était étranger à Dieu,
tandis que, vis-à-vis
de Dieu, Jésus est Fils. De plus, le Seigneur du temple ne doit pas payer
l’impôt pour le temple ; lui, le Créateur, qui a tout pouvoir sur la
création, ne peut être assimilé à la créature ; lui, auquel un poisson
même, du fond de la mer, apporte le tribut, ne doit pas payer le tribut.
Qu’elles sont misérables, les meilleures pensées de l’homme, livré à lui-même pour apprécier Christ ! Aussi le Seigneur ne peut-il jamais, dans ses communications, reconnaître l’intelligence de Pierre, sauf dans le cas où ce dernier avait reçu directement une révélation du Père que la chair et le sang ne pouvaient lui enseigner. Mais, nous l’avons dit, la grâce répond à la folie du disciple. Le souverain accepte cette position d’humiliation non méritée, pour ne pas les scandaliser. Il ne cherche pas à combattre un système que Dieu avait abandonné, mais n’avait pas encore jugé. Celui qui était déjà réellement rejeté ne veut pas scandaliser des hommes qui le rejettent. Quoique étant Fils, il accepte la position de dépendance qui lui est faite. De plus, il ne veut pas, en refusant de payer les didrachmes, humilier et démentir son pauvre disciple devant le monde. Quelle condescendance !
Mais il fait plus ; dans sa réponse, il révèle à Pierre son association avec Christ, comme Fils du Dieu souverain. Sur la montagne, les disciples avaient reçu la révélation du Père au sujet du Fils ; ici, Jésus révèle à son disciple une merveilleuse relation de famille. Ils sont tous deux fils de Dieu ; mais Pierre l’est seulement en vertu du fait que Christ s’est abaissé pour nous sauver. De telles bénédictions sont actuelles ! Sur la montagne, il y avait trois pauvres pêcheurs plongés dans la frayeur, le sommeil et l’ignorance, appelés à entrer dans la maison du Père, pour avoir communion avec lui au sujet de son Fils ; ici, à Capernaüm, nous voyons un faible disciple dont le zèle humain pour honorer Christ, a pour effet de le rabaisser, appelé tel qu’il est à marcher avec lui, dans l’humilité toujours, mais aussi dans la conscience de la dignité d’un fils de Dieu.
La scène du souper révèle à
Pierre un nouveau côté du caractère de Christ et de son oeuvre, sa
sacrificature en rapport avec la communion. Sur la sainte montagne, le disciple
avait déjà été introduit au lieu même de la communion, et avait entendu le Père
exprimant le bon plaisir qu’il trouvait en son Fils, mais Pierre avait à
apprendre ce qui lui était nécessaire pour avoir cette communion, ou pour la
maintenir, ou pour y être réintégré s’il l’avait perdue. Nous pouvons, comme le
disciple au chap. 17 de Matthieu, jouir en quelque mesure de nos relations avec
Dieu, sans communion réelle avec lui. La communion, c’est avoir une pensée et un coeur avec le Père et avec
le Fils.
Le Seigneur l’exprime dans notre chapitre, quand il dit à Pierre :
« Si je ne te lave, tu n’as pas de part
avec moi
» (v. 8).
Avons-nous, sans réserve, part avec Christ dans ses appréciations, ses pensées
et ses affections ? Avons-nous, avec Dieu, un même jugement au sujet de
l’homme, du monde, du péché, une même pensée au sujet de l’oeuvre de Christ et
de la valeur de son sang ; avons-nous les mêmes affections que le Fils
pour le Père, que le Père pour le Fils ; une commune jouissance avec Dieu
au sujet de la perfection de Christ, une commune pensée avec le Fils au sujet
du Père pour le glorifier, lui plaire, faire sa volonté, nous confier en lui,
jouir pleinement de sa présence ?
Hélas ! quand, il s’agit
de réaliser de telles choses, nous sommes bien forcés de l’avouer cette
communion, nous la connaissons à peine ! En vérité, les instants où nous
jouissons de la communion divine sont comme submergés par l’ensemble de notre
vie chrétienne. Et cependant, rien ne nous manque pour l’avoir toujours, car
nous avons la vie éternelle qui nous y introduit (1 Jean 1). Mais si la
communion nous est si peu familière, ne nous contentons pas de notre mesure et,
d’autre part, ne nous décourageons pas. Dieu a pourvu à toute notre incapacité
et à tous nos manquements par la sacrificature
de Christ.
Cette sacrificature a pour
base l’amour,
manifesté une fois,
mais non épuisé à la croix, car il reste et restera le même jusqu’à la
fin : « Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima
jusqu’à la fin » (Jean 13:1). Il ne suffit pas au Seigneur de nous sauver ;
son amour veut nous sauver jusqu’au bout, et c’est à quoi il s’emploie comme
sacrificateur. Il a une « sacrificature qui ne se transmet pas. De là vient
aussi qu’il peut sauver entièrement (jusqu’à l’achèvement) ceux qui
s’approchent de Dieu par lui » (Héb. 7:24, 25). Rien ne peut arrêter ou même
entraver ce service sacerdotal en faveur des siens. C’est au moment même de la
trahison de Judas (13:2), qu’il se ceint pour laver les pieds de ses disciples.
La possession de toutes choses, sa propre dignité comme venant de Dieu et allant
à Dieu, ne l’éloignent pas non plus de ces fonctions serviles ; bien au
contraire, il se sert de sa toute puissance pour la mettre, en s’abaissant, au
service de ses bien-aimés (v. 3). Tel est l’amour manifesté dans la
sacrificature.
La sacrificature de Christ a des fonctions multiples. Sans parler de sa nécessité pour faire propitiation (Héb. 2:17), nous la voyons s’exercer pour secourir ceux qui sont tentés (Héb. 2:18), et pour nous rendre capables de nous approcher du trône de la grâce (Héb. 4:16). Nous la voyons en activité pour que nous puissions avoir communion avec le Seigneur là où il est (Jean 13), et enfin, pour nous faire retrouver cette communion quand le péché nous l’a fait perdre (1 Jean 2:1). Dans son exercice en notre faveur, cette sacrificature a deux faces, une du côté de Dieu, une du nôtre. Il est devant Dieu pour nous, notre intercesseur ; et il nous porte secours de sa part.
Au point de vue de la
communion, nous trouvons dans notre chapitre le côté secourable
de la sacrificature. Quand Jésus dit plus tard à
Pierre : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (Luc
22:32), c’est l’activité de la sacrificature devant Dieu
pour la restauration de son disciple. Ici, nous voyons
le Seigneur nous mettant en contact avec la Parole (l’eau de purification),
qu’il applique lui-même à nos consciences et à notre marche, afin de nous
donner une part actuelle — non pas future — avec lui : « Si je ne te lave,
tu n’as pas de part avec moi ». C’est ce que nous voyons avec de si précieux
détails dans le type de la génisse rousse, au chap. 19 des Nombres (*).
(*) Nous renvoyons au traité : « La Génisse rousse », H. R.
Mais, à cette sacrificature
de Christ qui lui était ainsi présentée, Pierre ne comprenait rien encore et ne
pouvait entrer là où elle voulait l’introduire. Pour cela, deux choses lui
manquaient, exprimées dans ces deux paroles : « Ce que je fais, tu ne le sais
pas maintenant, mais tu le sauras
dans la suite » (v. 7) ; et : « Là où je vais, tu ne peux
pas me suivre maintenant, mais tu
me suivras plus tard » (v. 36). Ces deux choses sont la connaissance et la
puissance.
Pierre avait une réelle
affection pour le Seigneur, mais cette affection ne put le préserver de la
chute la plus grave. Il lui manquait une chose indispensable : la connaissance
, dont on peut jusqu’ici constater l’absence dans les actes les
plus marquants de sa vie. Quand il disait (Matt. 16:22) : « Seigneur, Dieu
t’en préserve, cela ne t’arrivera point ! » c’était son affection qui
parlait ainsi, et pourtant, à ce moment même, Pierre était un Satan qui, faute
de connaître le coeur de Christ, osait penser que le Dieu d’amour consentirait
à être un égoïste. — Lorsque, sur la montagne, il disait : « Faisons trois
tentes, une pour toi, et une pour Moïse, et une pour Élie », c’était encore de
l’affection pour Jésus, mais la connaissance de la gloire de cette personne lui
manquait totalement, quoique ses yeux en vissent la manifestation. Il mettait
la grâce divine au même niveau que « la loi venue par Moïse » pour condamner, et
que la prophétie qui annonçait le jugement. — Dans la scène des didrachmes, le
« oui » de Pierre à la question : « Votre Maître ne paie-t-il pas ? »
dénote encore de l’affection pour son maître qu’il pensait honorer devant ses
compatriotes, mais sans aucune connaissance de la dignité de celui qui était
Dieu, Créateur, Seigneur du temple, Fils du souverain sur son trône. Dans un
sens, la connaissance précède les affections, car au fond, elle n’est pas autre
chose que l’appréhension par le Saint-Esprit de l’oeuvre, de l’amour et de la
personne de Christ ; elle les suit aussi, car les affections pour Christ
sont le meilleur moyen de le mieux connaître. Dans le chapitre qui nous occupe,
ces mots de Pierre : « Tu ne me laveras jamais les pieds », dénotent de
nouveau son affection, jointe au sentiment de la dignité de Christ, mais aussi
l’ignorance de la sacrificature du Sauveur, et d’un amour qui trouvait sa
satisfaction dans le dévouement du service. Puis, quand le Seigneur lui
dit : « Si je ne te lave, tu n’as pas de part avec moi », il demande à avoir
non seulement les pieds lavés, mais aussi les mains et la tête. Certes, c’était
de l’affection pour Christ, puisqu’il estimait comme une chose des plus
précieuses d’avoir part avec lui ; mais cette affection était accompagnée d’une
ignorance complète de l’oeuvre qui avait déjà accompli la purification une fois
pour toutes (*).
(*) Je dis : « accompli »,
parce que, dès ce chap. 13 jusqu’à la fin du chap. 17, le Seigneur se présente
à nous comme étant au delà de la croix, son heure
étant venue
pour
aller de ce monde au Père.
C’est dans cette connaissance de l’oeuvre et de l’amour de Christ que se trouve aussi le secret de toutes nos relations avec nos frères. Comme le Seigneur les avait aimés, les disciples devaient s’aimer les uns les autres (v. 34) ; comme il avait lavé leurs pieds, eux aussi devaient se laver les pieds les uns aux autres (v. 14) . À ce propos, remarquons en passant que, lorsque nous avons besoin de la sacrificature pour être nous-mêmes restaurés, ce n’est pas le moment de l’exercer vis-à-vis de nos frères. Pour faire aspersion avec l’eau de la purification sur celui qui avait été souillé par un mort, il fallait un homme pur qui lui-même ne se fût pas souillé (Nombres 19). Si nous manquons de vigilance dans notre marche, nous perdons, avec la communion qui en est la conséquence, le grand privilège du service sacerdotal envers les autres.
Comme nous l’avons dit plus
haut, la seconde chose qui manquait à Pierre était la puissance
.
Humainement, il était caractérisé par une énergie, qui lui faisait affronter
les difficultés, mais qui, étant l’énergie de la chair, ne le rendait pas
capable de les surmonter. « Je te suivrai ». « Je laisserai ma vie pour toi ». « Je
ne t’abandonnerai pas », tel est son langage habituel. C’était de l’affection
toujours, mais sans la puissance divine ; et cette affection n’empêche pas
le disciple de renier son maître. La puissance qui lui manque est celle de
l’Esprit, qui est exactement l’opposé de celle de la chair, et qui ne se
développe que dans la mesure où la chair est jugée. Il faut, pour qu’elle se
manifeste pleinement, que l’homme ait la conscience de sa complète impuissance.
Pierre ne pouvait avoir ni cette connaissance, ni cette puissance, avant la mort et la résurrection de Christ, et avant le don du Saint-Esprit, mais les expériences qu’il a dû faire, alors qu’il ne possédait pas encore ces deux choses, lui ont été profitables, le sont et le seront à d’autres. Dans les Actes, tout est changé dans la carrière -de Pierre. Connaissance de Christ, puissance, oubli de soi, action bénie sur les autres, se rencontrent à chaque pas. Les choses vieilles sont passées, c’est la nouvelle carrière d’un nouvel homme.
Pierre avait appris dans la
scène du lavage des pieds, ce qui était nécessaire pour être en communion avec
le Seigneur. En repassant les bénédictions déroulées devant lui dès le début de
sa carrière, il semblerait que le cercle en est complet et qu’il ne lui reste
rien à apprendre… Il reste une chose, sans laquelle toutes ces bénédictions
seraient sans effet, la connaissance et le jugement de la chair et de son
absolue incapacité devant Dieu. Le v. 31 du chap. 22 de Luc introduit cette
nouvelle scène : Satan avait demandé à avoir les pauvres disciples pour
les cribler comme le blé. Comme dans le cas de Job, l’Ennemi s’était présenté
devant Dieu pour les accuser. Se prévalant du moment favorable à ses desseins,
où le Seigneur leur serait retiré et où ils seraient extérieurement sans
défense, il avait demandé à les mettre sur le crible, bien certain qu’il n’y
resterait rien que Dieu pût accepter. Satan pensait les arracher ainsi à
Christ ; il se trompait. Sans doute, sur le crible il ne resterait rien de
l’homme,
mais ce que Dieu
avait produit dans les disciples
devait y rester. Dans sa haine, Satan ignore que, s’il a toute puissance sur la
chair, il n’en a aucune sur Dieu et sur ce qui vient de lui. Dieu accorde à
Satan sa demande, parce qu’il a des vues de grâce et d’amour, envers Pierre et
les disciples comme jadis envers Job. Simon va être abandonné aux mains de
l’Ennemi pour apprendre à se connaître. Il fallait de telles voies pour le
bénir ; elles furent autres envers Saul de Tarse. Ce dernier, à sa
première rencontre avec Christ, acquit la connaissance de lui-même sur le
chemin de Damas. Quelque pénible qu’elle fût, il eut le bonheur de la faire
avec Dieu, et ne fut pas obligé d’y revenir. Dès le début, il put dire :
« Je sais qu’en moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite point de bien », et
aussi : « Nous qui n’avons aucune confiance en la chair ». Avant cette
rencontre, son caractère naturel arrivé à son entier développement, s’était
manifesté pleinement dans ses fruits. Les circonstances avaient prouvé que sa
chair était animée, sans raison et sans cause, de la plus terrible inimitié
contre Christ qu’il fût possible de voir. Sa conscience, et il en avait
beaucoup, car il dit : « J’ai pensé en moi-même qu’il fallait faire
beaucoup
contre le nom de Jésus le
Nazaréen », l’avait constitué en ennemi acharné de Jésus. Pierre, nous l’avons
dit souvent, avait beaucoup d’amour pour le Seigneur. Si quelque chose était
capable d’empêcher sa chair d’agir, et de la garder, c’était bien cela. Eh
bien ! son amour pour Christ ne faisait que donner confiance à sa
chair ! Même chez Paul qui avait appris sa leçon, la chair aurait voulu se
servir plus tard de la communion avec Dieu, pour s’enorgueillir. Il faut à Paul
l’ange de Satan pour le garder de chute, à Pierre il faut la chute et le crible
de Satan pour lui ouvrir les yeux.
Mais si l’Ennemi avait déployé son activité, Christ s’était mis à l’oeuvre avant lui et avait devancé le moment du crible : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (v. 32). Il avait intercédé pour Pierre, avant même qu’il se passât quoi que ce fût dans la conscience du disciple. La première fonction de la sacrificature, celle qui regarde Dieu, avait eu lieu sans que Pierre en sût rien, et en vue d’une chute qui n’était pas encore arrivée ; la seconde fonction commence après la chute, quand « le Seigneur se tournant, regarde Pierre » (v. 61), et atteint sa conscience. Un seul regard de Christ est le point de départ de toutes les bénédictions qui suivront, en rappelant au coeur du disciple tout l’amour qui s’était employé à prévenir sa chute, en l’assurant que cet intarissable amour n’était pas altéré par son infidélité, en atteignant enfin sa conscience pour lui faire répandre les pleurs amers du repentir en présence de la grâce.
Alors seulement Pierre, une fois revenu, sera capable de fortifier ses frères (v. 32), pourra commencer à agir sur le coeur et la conscience des autres. L’action du ministère ne peut s’exercer que dans le jugement de soi-même : tout ce que Pierre avait appris auparavant, ne pouvait le qualifier pour une action bénie auprès de ses frères ; ce qui l’en rend capable, c’est la connaissance de la grâce, prenant son point de départ dans l’expérience qu’il a dû faire de son absolue indignité.
Maintenant (v. 33), le
Seigneur laisse Pierre mettre au jour toute sa confiance en lui-même :
« Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort ». Je suis
prêt
; c’est bien la chair ! Prêt à tout affronter !
La chair, même avertie, a toujours
confiance
en elle-même. Si elle avait seulement un atome de force, l’avertissement si
solennel du Sauveur aurait dû l’empêcher de tomber. Le moment arrive où Pierre,
abandonné à ses propres ressources (v. 35-38), accompagne le Seigneur en
Gethsémané. Le Maître aussi est laissé seul ; pas un de ses disciples ne
veille une heure avec lui. « Veillez et priez », dit-il, « afin que vous n’entriez
pas en tentation » (Matthieu 26:41). Veiller et prier, c’est ce que fait Jésus.
Si Pierre eût écouté (il dormait devant la tentation, comme il dormait devant
la gloire), la tentation l’eût trouvé sur ses gardes et dans la dépendance de
Dieu, et il n’y serait pas entré. Entrer en tentation, pour des êtres charnels,
c’était succomber. Christ seul pouvait y
entrer
et en sortir divinement victorieux, et cette victoire, il ne la
remporte que par la dépendance. Il aurait pu user de sa puissance pour se
délivrer : rien qu’à sa vue, ses ennemis reculaient et tombaient en
arrière ; il aurait pu demander des légions d’anges, mais il se soumet,
supporte la trahison de Judas, abandonne tous ses droits (et quels
droits !) entre les mains des hommes, muet comme une brebis devant celui
qui la tond, sans une protestation, sans un murmure. Pierre ne veille ni ne
prie, entre en tentation et succombe aussitôt. Impatient, il tire l’épée pour
se défendre, fait couler le sang, au lieu d’accompagner le Seigneur pour être
frappé comme lui. Il suit de loin, et entre dans la cour du souverain
sacrificateur — la chair peut le mener jusque-là. Ici, toute sa force charnelle
tombe et se réduit en poussière devant la parole d’une servante !
Quelques femmes et le disciple bien-aimé avaient assisté au dernier acte de la croix. Avant de baisser la tête et de remettre son esprit, le Seigneur avait prononcé cette parole : « C’est accompli ». Bénédiction d’une portée infinie pour le coeur des disciples, qui recevaient ainsi l’assurance d’un amour divin prenant en pitié leur état et ayant fait à tout prix ce qui était nécessaire pour y pourvoir. C’est accompli ! une telle oeuvre ne laissait rien à faire. La croix ne pouvait plus garder la victime. Joseph d’Arimathée et Nicodème sont les instruments choisis de Dieu pour donner au Sauveur une place avec le riche dans son sépulcre, et c’est là que nous mène le passage que nous venons de lire.
En effet, connaître un amour
qui avait fait descendre pour eux le Seigneur jusque dans la mort, n’était pas
tout, il restait un grand point à connaître : que contenait le
sépulcre ? La mort qu’avait-elle fait du Sauveur, sinon le Sauveur
qu’avait-il fait de la mort ? Si le tombeau l’avait retenu, son oeuvre
était vaine et pas un seul de ceux pour lesquels il s’était donné n’était
acquitté, ni justifié. Marie trouve le sépulcre ouvert, Pierre et Jean
constatent qu’il est vide. Pierre entre et voit ; les attributs de la mort
sont là, témoignant par leur présence qu’elle n’a pu retenir sa proie, et
qu’elle est vaincue, d’une victoire paisible, sans lutte et sans combat. Le
suaire était plié dans un lieu à part, comme on fait d’un vêtement quand on
s’apprête à sortir. La preuve du « c’est accompli » était livrée ; l’amour
qui avait entrepris l’oeuvre, l’avait menée à bonne fin, et les disciples qui
ne connaissaient pas encore l’Écriture, sont convaincus par le témoignage de
leurs yeux ; ils croient et s’en retournent à la maison avec la connaissance
d’une oeuvre désormais
terminée (*).
(*) Pierre semble en avoir été moins convaincu que Jean (Luc 24:12).
C’est beaucoup, sans doute,
mais, à la confusion des deux disciples, c’est peu en comparaison de ce que
trouve au sépulcre une pauvre femme ignorante. Marie de Magdala, témoin dans sa
personne de l’amour de Christ qui l’avait délivrée de la plénitude démoniaque,
aimait le Seigneur d’une affection produite par la grandeur d’un tel amour, et
qui dépassait de bien loin sa connaissance. Heureuse femme après tout, car la
connaissance de Pierre et de Jean peut s’attacher à une oeuvre et en être
satisfaite, l’affection de Marie ne le peut ; il lui faut autre chose,
elle veut la personne
qui est son
objet. Pierre qui était entré dans le sépulcre, n’y avait vu que les linges et
le suaire ; Marie, cherchant une personne, se baisse en pleurant dans le
tombeau et voit des anges. Les linges avaient suffi aux disciples, mais les
anges ne suffisent pas à Marie. Même en leur présence, et sans attendre leur
réponse, elle se retourne, car il lui faut son Seigneur. D’abord son ignorance
complète des choses qui « devaient arriver », l’empêche de le reconnaître, mais « Jésus lui dit : Marie », — un
seul mot : Marie.
Quoi d’étonnant qu’il pût y
avoir un lien d’affection de Marie à Jésus ! que la personne si parfaite
du Sauveur attirât toutes les pensées et tout l’amour d’un être ignorant et
imparfait, et surtout quand cet être avait été l’objet de tels bienfaits et
d’une si grande délivrance ! Mais qu’il y eût un lien d’affection de Jésus
à Marie, voilà la chose merveilleuse ! Entre des milliers de milliers, il
la connaissait par son nom comme sa brebis, il se rappelait la plus misérable.
Elle s’écrie : Maître ! Il répond, non pas : Va vers mes serviteurs,
mais : « Va vers mes frères,
et dis leur : Je monte vers
mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu ». L’affection de Marie,
en s’attachant à Christ, a trouvé une révélation plus grande que toutes celles
que Pierre avait reçues jusque-là. L’amour qui s’attache à sa personne devient
le dépositaire d’une connaissance plus étendue. Avec la simple connaissance de
son oeuvre, les disciples s’en étaient retournés chez eux ; avec l’amour
qui s’attachait à sa personne, Marie de Magdala avait trouvé, aux pieds du
Sauveur, la connaissance des résultats les plus glorieux de son
sacrifice ! Et voilà pourquoi Pierre et Jean jouent un rôle si effacé dans
cette scène ; une faible femme, restant dans la modestie de son rôle, les
devance. Leurs pieds sont prompts, sans doute, pour les mener au
sépulcre ; Marie, la première, a connu le chemin qui mène directement au
Père et, revenant sur ses pas avec cette merveilleuse révélation, en a porté le
message aux disciples !
Nous trouvons dans ce passage quelques enseignements au sujet du service et de la nourriture des serviteurs du Seigneur. Examinons-le avec quelque détail.
Après toutes les expériences
qu’il a faites, Simon Pierre semble désormais qualifié pour le service. Suivi
de six autres disciples, il s’en va pêcher sur la mer de Tibérias. Cette
entreprise est caractérisée par le fait que Pierre se met à l’oeuvre de sa
propre initiative pour obtenir les résultats de son travail. Ils sont nuls, et
la nuit s’écoule sans que l’apôtre et ses compagnons voient leur activité
couronnée de succès. Pierre employait les mêmes procédés que ceux dont il avait
usé dans la scène qui précéda sa conversion. Que de fois, lorsque Dieu nous
confie une activité pour son service, nous avons la manière d’agir et les
décisions de l’homme selon la chair, et notre travail reste stérile. Il est
important de comprendre que dans le ministère tout, absolument tout,
doit être de Dieu et rien de l’homme.
Quand Jésus se tient sur le
rivage, la scène change aussitôt ; l’aurore d’un jour de bénédiction
paraît avec sa présence. C’est sa
présence
qu’il faut avant tout. Tant qu’ils avaient travaillé, lui absent,
loin de son regard, leur travail avait été stérile.
Cette scène a lieu au point
du jour. Il y a un moment spécial
, déterminé de Dieu pour le service,
et les disciples, qui ignoraient ce moment, avaient perdu leur temps toute la
nuit. Ils trouvent du poisson au côté droit de la nacelle, dans un endroit spécial
, connu de Jésus seul, et Pierre doit
s’en remettre à cette connaissance pour voir son activité couronnée de succès.
Les disciples jettent le
filet à sa parole
: ils ne peuvent dépendre que
d’elle. Ils capturent cent cinquante-trois gros poissons : leur pêche, à
cette place, est close avec un nombre
déterminé
que le Seigneur seul pouvait connaître. Dès ce moment, ils ont
autre chose à faire : ils apportent le résultat de leur travail à Jésus
(v. 10). Ils ne pêchent pas pour eux, ni pour les autres, mais pour le Seigneur seul.
Ah ! que nos coeurs, chers serviteurs de Christ, apprennent tous cette leçon. Quand, où, avec qui, par qui et pour qui travaillons-nous ? Notre vie est-elle une longue nuit d’activité humaine dirigée par la volonté de l’homme, ou est-elle comme une aurore illuminée de la présence du Seigneur, et dans laquelle nous voyons nos filets se remplir, parce que nous travaillons sous sa dépendance ?
Voici maintenant la
nourriture : le Seigneur se tient sur le rivage et dit : « Enfants,
avez-vous quelque chose à manger ? » « Non », répondent-ils. Ils pensent, sans doute, que cet étranger qu’ils
n’ont pas encore reconnu, a besoin de nourriture. Mais la question du Seigneur
les force à l’aveu que tout leur travail n’a pu jusqu’ici donner quelque chose
à Christ. Alors viennent ces mots : « Jetez le filet ». C’est comme s’il
leur disait : Si vous voulez me donner quelque chose, il faut que vous
l’ayez reçu de moi. Dès lors, Jean ne peut plus le méconnaître, lui que Jésus aimait,
car le Seigneur était pour lui
celui qui donne et auquel on ne donne pas.
Mais un autre point ressort ici : les disciples, eux-mêmes, n’avaient rien à manger. Le travail ne nourrit pas, il donne faim. Même un travail productif, une pêche miraculeuse, laissait les disciples aux prises avec la faim. Que d’âmes, en nos jours d’activité, restent arides malgré leur travail, parce qu’elles se font illusion sur les bénéfices que cette activité leur apporte pour leur vie spirituelle. Ce n’est pas sur la mer, au milieu de l’effort et de l’agitation qui les entoure, c’est sur le rivage, dans le calme, que les disciples entendent cette parole du Seigneur : « Venez, dînez ». Ce repas n’est pas apprêté avec les poissons qu’ils ont tirés de leur filet. Il a été préparé par le Seigneur lui-même qui le leur distribue. Ils se nourrissent du résultat du travail de Christ, de ce que lui a fait tout seul pour eux (*). Qu’il en soit ainsi pour nous, bien-aimés. Après avoir apporté au Seigneur le fruit du service pour qu’il en fasse ce qu’il juge bon, sachons nous asseoir au repas auquel il nous convie, nous nourrir de lui dans la retraite du rivage. Revenons toujours, non seulement pour les autres, mais avant tout pour nous-mêmes, à la sainte Parole qui révèle Christ. Ayant pris son repas, Pierre fut introduit dans un meilleur service où il fut capable de distribuer la nourriture aux agneaux et aux brebis du Seigneur.
(*) Je n’entends nullement expliquer ici la signification typique de toute cette scène. D’autres l’ont fait, et je ne puis que renvoyer le lecteur à leurs écrits.
Après avoir rassasié tous ses
disciples, témoignant ainsi d’un amour qui ne faisait aucune distinction entre
eux, le Seigneur isole Pierre avec lui, et lui demande : « Simon, fils de
Jonas, m’aimes-tu plus que ne font ceux-ci ? » Pierre aimait le
Seigneur ; or il y avait un disciple qui l’aimait, je ne dirai pas
davantage, mais mieux que Pierre. Tandis que ce dernier était occupé de son
service, Jean était occupé du Seigneur. Il ne se nomme jamais : le
disciple qui aimait Jésus, mais le disciple que
Jésus aimait
. Ce qui lui
semble merveilleux à enregistrer, c’est que Jésus aimât un être tel que lui, et
il ne se lasse pas de le répéter. Jonathan aima David comme son âme, et
cependant ne sacrifia pas sa position pour lui ; l’amour d’Abigaïl, auquel
celui de Jean ressemble davantage, n’était que la conscience de pouvoir être
aimée d’un tel homme, elle, « l’esclave pour laver les pieds des serviteurs de
son seigneur ». Jean, comme Marie de Magdala, était occupé de la personne et de
l’amour de Christ, aussi est-il prompt à reconnaître Jésus et n’a-t-il pas
besoin, comme Pierre, de quelqu’un qui lui dise : « C’est le Seigneur ».
Pierre se jette à la mer, avec toute l’impétuosité de sa nature, pour le rejoindre
et lui montrer son
affection ; Jean se contente d’être l’objet de
l’amour de Jésus.
« M’aimes-tu plus que ne font
ceux-ci ? « Pierre avait dit qu’il l’aimait davantage et l’avait renié. Le
Seigneur le prend, pour ainsi dire, par la main et remonte avec lui au point de
départ de sa chute, à sa confiance en ses forces et en son amour pour Christ.
Dans les derniers entretiens du Sauveur avec ses disciples, trois paroles de
Pierre exprimaient clairement l’état de son âme. « Si tous étaient scandalisés
en toi, moi, je ne serai jamais scandalisé » (Matt. 26:33). « Seigneur, avec toi,
je suis prêt à aller et en prison et à la mort » (Luc 22:33), et :
« Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant ? Je laisserai ma
vie pour toi » (Jean 13:37). Le Seigneur va reprendre ces trois paroles, en
commençant par la première : « Si tous
étaient scandalisés ».
« M’aimes-tu plus que ne font ceux-ci ? » Tous hélas ! l’avaient
abandonné, mais Pierre seul l’avait renié ! Pierre ne peut donc plus
s’appuyer sur son amour pour se comparer à d’autres. Dans son humiliation, il
fait appel, non à ses sentiments, mais à la connaissance du Sauveur. Celui-ci savait
…
« Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». Il n’ajoute pas : « plus qu’eux »,
car il se compare à Christ, et dans l’humilité il estime les autres supérieurs
à lui-même.
Alors Jésus lui dit : « Pais mes agneaux ». C’est de l’humilité, jointe à l’amour pour le Seigneur, que découle le pastorat pour les jeunes âmes. Quand le Seigneur trouve ces choses chez les siens, il peut leur confier cet office. D’autres dons, peut-être, ne sont pas aussi absolument liés à l’état intérieur ; mais on ne peut réellement s’occuper des besoins des âmes tendres sans abnégation et sans beaucoup d’amour, non seulement pour elles, mais pour Christ.
« Pais mes agneaux ». Ce seul
mot nous montre ce qu’ils sont pour Jésus et la valeur de ce que le Seigneur
confie à Pierre. Ils sont sa propriété. Le coeur de Christ n’avait pas changé à
l’égard de Simon ; au premier pas que fait le disciple dans le pénible chemin
qui mène à une pleine restauration, le Seigneur lui confie ce qu’il aime. Le
coeur de Pierre était brisé, mais soutenu par Christ dans ce brisement. Jésus
ne le sonde pas trois fois pour ne lui donner une réponse qu’à la troisième, il
la donne déjà à la suite de la première. Quelle délicatesse d’affection et de
soins dans la discipline ! Si les trois questions eussent été posées sans
l’encouragement d’une promesse, à chacune, ce coeur affligé de sa faute, aurait
été accablé d’une trop grande tristesse. La promesse, au contraire, le soutient
chaque fois sous le coup destiné à le briser. C’est comme le buisson en feu que
la grâce empêche d’être consumé. Jésus sonde Pierre trois fois, il avait renié
Jésus trois fois. À la dernière, que reste-t-il de lui ? Rien que ce que
le Seigneur peut voir et a produit. De l’affliction, sans doute, mais jointe à
la certitude que cet amour, fruit de Son amour, enseveli aux yeux de tous sous
les manifestations de la chair, le regard seul de Christ et sa toute
connaissance saurait le distinguer et le connaître. « Seigneur, tu connais toutes choses,
tu sais que je
t’aime ». À la deuxième question, la surveillance des brebis, à la troisième, la
nourriture de tout
le troupeau, sont
enfin placés entre les mains de Pierre. C’est quand, les yeux tournés, par la
grâce, sur lui-même, il est obligé de faire appel au Seigneur pour qu’il
découvre ce que Pierre renonce à découvrir, c’est alors qu’il se trouve en
possession de la bénédiction complète et sans réserve.
Pierre, confiant en lui-même, avait dit : « Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort » (Luc 22:33). L’âme du disciple ayant été brisée, le Seigneur peut l’instruire : « En vérité, en vérité, je te dis : Quand tu étais jeune, tu te ceignais, et tu allais où tu voulais ». Au commencement de sa carrière, il disposait, pour ainsi dire, de sa propre force (la ceinture est ce qui fortifie les reins de l’homme(*)) ; la confiance en lui-même en était le résultat. Il allait où il voulait et marchait ainsi dans l’indépendance. « Mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te conduira où tu ne veux pas ». À la fin de sa carrière, quand la vieillesse aurait abattu sa force naturelle, il dépendrait d’autrui pour sa force et devrait consentir à être guidé par d’autres qui le mèneraient où sa volonté ne l’aurait jamais conduit. Pierre avait dit : « En prison et à la mort ». La chose aurait lieu, mais nullement avec les forces de l’homme ; elle se réaliserait au milieu de la faiblesse du vieillard. « Or il dit cela pour indiquer de quelle mort il glorifierait Dieu ». Dieu serait glorifié dans ce brisement complet de l’homme, alors que vieux, faible, et conduit par d’autres contre son gré, il semblerait être devenu un instrument inutile. Comme nous jugeons mal d’habitude ce qui convient à Dieu et ce qui l’honore ! Quand, frappés dans nos corps, dans notre intelligence peut-être, nous sommes mis au rebut par les hommes, quand, sentant notre inutilité, nous serions tentés de dire comme le monde, que nous ne sommes plus bons à rien, Dieu déclare que nous lui sommes utiles. Jusqu’ici le disciple, avec toute son énergie, avait plus déshonoré que glorifié le Seigneur. Maintenant l’homme va vieillir, s’affaiblir, mourir, et devant sa mort Dieu dit : Voilà ce qui me glorifie. C’est que cette gloire n’est réalisée que dans des vases brisés, dépendants, et n’ayant pour force que celle de Dieu.
(*) Il est intéressant de voir dans la Parole que l’on se ceint pour la marche (Ex. 12. 11). pour le service (Luc 12:35), et pour le combat (Éph. 6:14).
C’est alors que Jésus dit : « Suis-moi ». Il répond à la parole prononcée jadis par Pierre : « Pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant ? » (Jean 13:37). Désormais celui-ci va pouvoir le suivre.
Pierre se retourne et voit
suivre Jean, « le disciple que Jésus aimait, qui aussi, durant le souper,
s’était penché sur sa poitrine, et avait dit : Seigneur, lequel est celui
qui te livrera ? » (v. 20). Trois choses caractérisent ici le disciple bien-aimé.
Il était l’objet de l’amour de Christ
et
en avait conscience, il avait confiance
en
Christ seul, et son attitude pendant le souper montrait qu’il avait une
intimité de communion
avec le Maître,
que d’autres ne possédaient pas. Aucun motif n’est plus simple pour suivre
Jésus, que relui-ci : son amour, qui nous est connu, nous attire après
lui, cet amour gagne naturellement notre confiance et nous met en communion
avec le Seigneur. Il était donné à Pierre de suivre maintenant le Seigneur pas
à pas, à travers la mort. Les expériences de lui-même, avant d’être « revenu »
(Luc 22:32), étaient désormais terminées ; il avait perdu confiance en
lui, gagné confiance en Christ, et il entrait maintenant dans le chemin béni où
il allait apprendre à réaliser la dépendance jusqu’à la mort. Je dis :
« allait apprendre », car cette dépendance ne s’apprend pas d’un seul coup et en
une fois, quelle que soit la profondeur du travail opéré dans l’âme. « Quand tu
seras devenu vieux », dit le Seigneur ; Pierre avait à être éprouvé jusqu’à
la mort et là, comme pour son Maître, se trouverait le couronnement d’une vie
appelée à glorifier Dieu. Jean a une autre mission : il ne lui est pas
donné de suivre le chemin de Christ dans la mort violente, mais de demeurer
figurativement jusqu’à ce que le Seigneur vienne, assistant au déclin et à la
ruine de l’Église et, en rapport avec elle, à cette puissante venue du
Seigneur, dont les disciples avaient vu le tableau sur la sainte montagne en
rapport avec le royaume. Mais Jean suit aussi le Seigneur. Il n’avait pas
besoin, comme Pierre, d’un ordre ou d’un encouragement pour le suivre ;
l’amour l’attirait après lui.
En suivant le Seigneur, Pierre n’a pas à s’occuper des autres. « Que t’importe ? Toi, suis-moi ». Du moment qu’on se retourne, on cesse de suivre et l’on s’arrête. La chose est sérieuse. Pour le suivre, il faut unité de pensée et l’oeil simple. Pierre ne pouvait être occupé à la fois de Jean et de Christ. Pour bien suivre le Seigneur, il faut qu’il se soit emparé si puissamment de nous que nous ne nous appartenions plus. C’est là le seul moyen du renoncement à nous-mêmes, le seul moyen de porter, courageusement notre croix ; nous estimons que Jésus seul vaut la peine d’être suivi ici-bas, même au prix d’une vie de souffrances. Les disciples l’ont suivi de deux manières : avant et après la croix. Au premier chapitre de Jean, Jésus dit à Philippe : « Suis-moi », au dernier chapitre, il dit à Pierre : « Suis-moi ». Dans le premier cas, avant la croix, les disciples avaient tout abandonné pour le suivre, car ils avaient foi en lui, mais leur marche s’arrêta devant le Calvaire, et ils s’enfuirent tous. Pierre persista le dernier, et le suivit de loin ; nous avons vu où cela aboutit.
Au delà de la croix, le chemin interrompu recommence, mais les disciples suivent désormais un Christ ressuscité, céleste, qui imprime son caractère à leur marche. Cette marche devient céleste. Avant la croix, bien qu’avec d’autres motifs et d’autres sentiments que les disciples, les foules pouvaient le suivre ; après la croix, le monde ne le peut plus, car il faut pour cela la fin du vieil homme et la puissance de l’Esprit, deux choses trouvées par le croyant seul, dans la mort et la résurrection de Christ.
Que Dieu nous donne une
intensité soutenue et toujours croissante d’énergie pour le suivre. En le
suivant, lui qui « nous a laissé un modèle afin que nous suivions ses traces » (1
Pierre 2:21), nous deviendrons des modèles pour d’autres. Notre immense
privilège est de posséder en lui l’homme modèle marchant ici-bas dans une
perfection absolue, et l’homme modèle sanctifié dans le ciel pour nous ;
mais en le suivant, je le répète, nous pouvons devenir nous-mêmes des modèles
pour nos frères. L’apôtre Paul disait : « Soyez tous ensemble mes
imitateurs, frères, et portez vos regards sur ceux qui marchent ainsi, suivant
le modèle que vous avez en nous » (Phil. 3:17). Paul ne se donnait pas comme
devant être suivi
, ce qui aurait été se substituer à Jésus, mais il
offrait l’exemple d’un homme qui, n’ayant pour objet que cette personne bénie,
s’était mis à la suivre ici-bas et courait vers elle, l’ayant pour but dans la
gloire. Ainsi la personnalité de Paul ne cachait pas le Seigneur à ses frères,
mais, bien au contraire, le mettait en pleine lumière comme le seul objet digne
d’être suivi, digne d’être atteint !