par Henri Rossier
Table des matières :
Le livre de Jonas ne contient pas de prophétie proprement dite,
ou plutôt n’en contient qu’une seule qui ne fut pas accomplie à cause de la
repentance des habitants de Ninive. Cent ans plus tard, un autre prophète,
Nahum, prononça de nouveau le jugement, jadis suspendu, de cette grande ville,
jugement qui ne fut exécuté qu’au bout d’un siècle environ. Au reste, ce n’est
pas dans la sentence de Ninive qu’il faut chercher l’enseignement principal du
livre de Jonas. Ce qu’il nous présente, du commencement à la fin, c’est la personne même du prophète
. Cette
circonstance, jointe au fait remarquable que le livre de Jonas nous parle des
voies de Dieu en grâce envers les nations
,
lui assigne une place unique parmi les prophètes de l’Ancien Testament. Quant à
Jonas, on peut dire qu’il est lui-même la prophétie
en action
. Il est un homme signe
et aussi un homme type
. Nous voyons
en lui, tout d’abord, l’image de son peuple rejeté, plongé dans la détresse,
puis sortant ressuscité des profondeurs de l’abîme. Mais ce n’est pas à cela
seulement que se borne son histoire. Dans la personne de Jonas, le témoin qui
s’est éloigné de Dieu, le prophète orgueilleux, le peuple coupable, le Résidu
repentant, passent successivement et souvent ensemble devant nos yeux,
traversant la scène des nations ; mais en outre, un personnage mystérieux,
« un plus grand que Jonas », y entre et en sort ressuscité pour la délivrance du
peuple de Dieu. Enfin, comme point culminant de ce merveilleux récit, nous
trouvons une révélation de Dieu lui-même ; nous apprenons à connaître sa
Providence, sa sainteté, sa justice en jugement, sa grande patience, sa grâce
illimitée, dernier mot de toutes ses voies envers l’homme, envers Israël et les
nations.
Ce que nous venons de dire explique notre division du sujet en sept chapitres intitulés : Le Témoin — le Prophète — les Nations — le peuple d’Israël — le Résidu — le Christ — Dieu.
Entre l’homme pécheur, devenu tel par la chute, et l’homme saint, devenu tel par la foi au Sauveur et en vertu de la rédemption, il y a une différence immense.
Adam innocent, et responsable, avant la chute, de demeurer dans la dépendance de Dieu, reste encore responsable après avoir perdu par la chute son innocence et sa dépendance, mais il a acquis comme pécheur la connaissance du bien et du mal, c’est-à-dire une conscience qui le juge. Cette conscience le rend inexcusable et le condamne. Il connaît le bien et le mal, mais hélas ! il ne lui reste à lui, homme pécheur et responsable, que l’incapacité absolue de faire le bien et la volonté de faire le mal.
Tout autre est le croyant, l’homme saint, le témoin de Dieu
dans ce monde. S’il a la chair en lui, la nature
pécheresse du premier Adam, il a reçu par la foi une nature nouvelle, la vie
divine, l’Esprit de Dieu, puissance de cette vie, et la capacité de faire le
bien et de résister au mal. Cela le rend, sans doute, doublement responsable.
Sa conscience l’avertit du bien et du mal ; il n’a qu’une alternative : obéir
à la direction du Saint Esprit et de la vie nouvelle qu’il possède, ou obéir à
la chair qui est en lui. S’il est donc doublement responsable, il est aussi
doublement inexcusable de pécher, car la puissance de l’Esprit et du nouvel
homme est à sa disposition, mille fois supérieure à celle de la chair et du
vieil homme.
Les conséquences du péché sont différentes pour l’homme pécheur
qui marche dans
la chair, ou pour le
croyant, s’il marche selon
la chair,
alors qu’il possède le pouvoir de marcher selon l’Esprit. Le pécheur ne peut
attendre que la mort et le jugement ; le saint, s’il pèche, rencontre le
châtiment ou la discipline de Dieu qui s’exercent envers lui, envers tous les
croyants, afin qu’ils ne soient pas « condamnés avec le monde » (1 Cor. 11:32).
Tel était le cas de Jonas. Il était un croyant, un saint ;
il avait la vie de Dieu ; il était en rapport avec Dieu ; un
témoignage lui avait été confié ; mais, placé devant un commandement de
l’Éternel, il s’en laisse détourner par la volonté de la chair qui est inimitié
contre Dieu. Bien qu’il soit un croyant et un témoin, il n’agit pas mieux
qu’Adam trompé par Satan ; il
désobéit à un commandement formel de Dieu. Son cas est même pire que celui
d’Adam innocent, séduit par le diable, puisque, par la foi, il possède une
nouvelle nature, capable de choisir le bien et de repousser le mal et la
séduction.
Adam désobéit à Dieu et a l’audace de s’en excuser (Gen. 3:
12) ; Jonas désobéit à Dieu et ose lui en donner le motif (Jonas 4:
2) ; mais aucune excuse, aucun motif ne sont valables devant Dieu pour lui
désobéir ; le motif d’un saint, bien moins encore que celui du premier
Adam ; car, dès le début de sa vie spirituelle, un saint possède l’obéissance de foi
par laquelle il est
sauvé (Rom. 1: 5) ; et dès le premier pas de sa carrière il est sanctifié
par le Saint Esprit, pour l’obéissance de
Jésus Christ
(1 Pierre 1: 2), c’est-à-dire pour obéir comme Lui.
Pour Jonas comme pour Adam, la première conséquence de la
désobéissance est la même. Adam fuit la présence de Dieu qui le cherche, et se
cache derrière les arbres du jardin ; Jonas se lève, pour s’enfuir à
Tarsis de devant la face de l’Éternel (1 : 3). Lequel de ces actes est
pire que l’autre ? À coup sûr le second, car Jonas est un saint qui a des
rapports habituels et intimes avec Dieu : fuir son meilleur ami, afin de
se soustraire à l’obligation de répondre à son désir, quel outrage un pareil
acte inflige à celui qui nous aime ! Mais, là où Adam, où Jonas ont
manqué, un homme se maintient et reste debout, un homme qui n’avait pas même
besoin d’un commandement positif pour obéir, bien qu’il gardât aussi tous les
commandements de son Père (Jean 15: 10), un homme qui prévenait sa volonté,
sans que Dieu le lui demandât. Je viens,
dit-il,
pour faire Ta
volonté (Héb. 10: 7).
C’est plus encore que l’obéissance ; c’est une volonté qui se fond et
s’absorbe dans la volonté d’un autre, s’identifie avec elle, et s’en nourrit :
« Ma viande », dit-il « est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé, et
d’accomplir son oeuvre » (Jean 4: 34).
La seconde conséquence de la désobéissance d’Adam ne se fait pas
attendre. Bon gré, mal gré, il lui faut paraître, dans sa nudité, devant la
face de Celui qu’il fuyait, et entendre le prononcé de son arrêt. Ce dernier
est irrévocable, mais malgré tout la grâce peut y remédier. Adam paraît devant
Dieu avant
que la sentence soit exécutée,
et cela le sauve. Il trouve
des ressources en Dieu qui a des vêtements de justice pour lui et sa femme.
Jonas, par sa faute, attire sur lui un
châtiment infiniment plus pénible que celui du premier Adam
. Il est
nécessaire que les enfants de Dieu se souviennent de ce fait, le pèsent et le
méditent. Suivons donc un instant cet homme de Dieu dans son voyage à Tarsis,
où il fait de si cruelles expériences. Le voici « donnant le prix de sa place »
(1: 3), s’acquittant de ses devoirs envers les hommes, alors qu’il a manqué à
son premier devoir envers Dieu. Notons que l’accomplissement de ces devoirs-là
a pour résultat d’augmenter encore la distance qui sépare Jonas de l’Éternel.
Il en est souvent ainsi : on « paie sa place », tout en étant animé d’un esprit
de révolte ; et par l’accomplissement de certaines obligations, on se
cache à soi-même une obligation bien supérieure, celle d’obéir à Dieu. On obéit
à des devoirs de famille et de société, de ville et de nation, très
respectables d’ailleurs, on s’acquitte de ses dettes, et l’on désobéit à
l’ordre formel de Dieu. Or cet ordre est de lui rendre témoignage.
Jonas était appelé à être le témoin de Dieu
devant le monde. Un témoignage pour Christ est en effet ce que Dieu cherche au
milieu d’un monde de péché et d’éloignement de Lui, d’un monde qui court vers
le jugement. C’est là un des points importants du livre de Jonas. Le monde est
condamné, mais, avant l’exécution de la sentence, Dieu veut que les siens
rendent témoignage à sa justice, afin que la repentance soit produite dans les
coeurs, et qu’il puisse faire grâce.
Il avait confié jadis ce témoignage à Israël, son peuple ; celui-ci y ayant désobéi, Dieu le place entre les mains de l’Église. L’Église abandonne la vérité et devient la chrétienté apostate, sujet que, du reste, l’Ancien Testament ne traite pas. Enfin un Résidu juif devient le fidèle témoin futur de l’Éternel auprès des nations, ce que, dans le passé, ni le peuple, ni ses conducteurs n’avaient jamais su être. Le livre de Jonas nous entretient de ce Résidu, d’une manière mystérieuse, comme nous le verrons plus tard.
Mais revenons à Jonas, comme représentant les saints, témoins de
Dieu dans ce monde. Pour que sa désobéissance n’aboutisse pas, comme celle de
l’homme pécheur, au jugement final, il faut qu’il soit arrêté sur le chemin qui
l’éloigne toujours plus de Dieu. La Parole nous dit : « L’Éternel envoya un
grand vent sur la mer ; et il y eut une grande tempête sur la mer, de
sorte que le navire semblait vouloir se briser » (1: 4). Ce n’est encore que le
début du châtiment de Dieu sur son serviteur, mais ce châtiment inaugure, comme
nous le verrons plus tard, Ses voies de grâce envers les nations. Or, pendant
la tempête, Jonas, couché au fond du vaisseau, « dormait profondément
» (1: 5).
Souvent les circonstances les plus menaçantes n’atteignent pas
la conscience des enfants de Dieu. Ni l’orage, ni la détresse des matelots, ne
touchent Jonas. Il ne réalise pas qu’il traverse personnellement le jugement du
Dieu qu’il a offensé, et il n’est pas rempli de crainte. C’est l’indifférence
d’une conscience endormie. S’agit-il de l’homme pécheur et de son état moral,
il dort toujours. Enfant des ténèbres et de la nuit, il dort (1 Thess. 5: 4:
7) ; mais, qu’un Jonas, un fils de lumière, dorme, c’est autrement grave,
et le cas n’est, hélas ! que trop fréquent. Les disciples dormaient devant
les souffrances
de leur Sauveur en
Gethsémané ; ils dormaient devant sa gloire
sur la sainte montagne ; le disciple Jonas dort devant le jugement
qui s’abat sur le monde, sans
se dire que ce jugement lui est destiné.
Bien souvent, depuis qu’une guerre atroce sévit parmi les nations, nous nous sommes demandé si les saints se réveilleraient à la pensée que cette tempête leur est destinée en tout premier lieu ? Sans doute, Dieu qui est riche en ressources se sert, comme nous le verrons, d’une calamité pour atteindre d’autres buts et accomplir d’autres desseins, mais n’oublions pas que, dans le cas de Jonas, le premier but était de parler à la conscience du serviteur de Dieu.
Souvent, à notre honte et à notre confusion, il faut que ce soit
le monde
qui nous réveille : « Que
fais-tu, dormeur ? Lève-toi, crie à ton Dieu 1 Peut-être Dieu pensera-t-il
à nous, et nous ne périrons pas », dit le maître des rameurs (1: 6). Vous,
serviteurs de Dieu, dit-il, vous ne pensez pas à ceux qui périssent ;
êtes-vous donc engourdis dans votre égoïsme ? Nous autres, nous
travaillons, nous peinons, nous sacrifions tout notre avoir ; toute notre
cargaison sombre dans cet orage. Que faites-vous ? Priez-vous,
suppliez-vous votre Dieu ? Nous, du moins, nous crions, chacun à son
Dieu ! N’est-il pas vrai que le monde est bien souvent en droit
d’apostropher ainsi les enfants de Dieu, parce qu’ils n’ont pas compris que ce
jugement est sur eux ?
Dieu cherche Jonas, le témoin, comme il cherchait jadis Adam, le
pécheur. Le « maître des rameurs » est la voix de Dieu qui disait jadis à Adam.
« Où es-tu ? » Mais ici, première humiliation pour Jonas, le monde est
l’instrument par lequel Dieu lui rappelle qu’il est perdu. L’Éternel a répondu
par le sort à ces êtres ignorants, mais sincères, sans connaissance du Dieu
auquel ils s’adressent, et il leur a révélé que c’est à son témoin qu’il a
affaire. Seconde humiliation pour Jonas : il ne reçoit, lui Juif, aucune
communication directe de Dieu. Bien plus, dernière humiliation, c’est encore le
monde qui dit à Jonas : « Qu’est-ce que tu as fait ? » (1: 10). Autrefois
Dieu lui-même avait dit à Ève : « Qu’est-ce que tu as fait ? » (Gen. 3: 13).
Le monde devient maintenant le juge des actes d’un témoin de l’Éternel !
Comment ! tu confessais toi-même que tu « crains l’Éternel, le Dieu des
cieux, qui a fait la mer et la terre » (1: 9), et tu t’enfuyais de devant
lui ! Coupable folie ! La conscience de ces païens est plus droite,
moins endormie, que celle de Jonas ! Mais à la fin cette dernière est
atteinte. Jonas reconnaît la pleine justice du jugement de Dieu : « Prenez-moi
et jetez-moi à la mer » (1: 12). Il sait qu’il mérite d’être jeté dans l’abîme
et le déclare. Il y aura délivrance pour vous, dit-il aux matelots, mais j’ai
mérité de perdre la vie. Il reçoit, comme Adam, la sentence de mort, mais, pour
Jonas, elle s’exécute au moment même
.
Il en est ainsi de nous : « Je suis mort ». « Je me tiens pour mort. » « Je
suis crucifié avec Christ. » Oui, mon jugement est juste et j’en rends
témoignage, mais je trouve Christ au fond des flots, s’identifiant avec moi
dans le jugement, pour me délivrer !
Dieu intervient, en effet, et comment ne le ferait-il pas ?
Un autre, semblable à Jonas, a pris sa place dans les entrailles du poisson.
C’est là que, sous la discipline et dans la profondeur de l’affliction, le
témoin coupable retrouve la dépendance qu’il avait si follement perdue : Il prie
(2: 2). Jamais il n’aurait osé
désobéir, si, par la prière, il fût resté dans la dépendance. L’abandon de la
dépendance avait perdu le premier Adam ; ici, le témoin de Dieu doit la
rapprendre comme une chose toute nouvelle. À cette restauration, Dieu ne peut
répondre que par la délivrance. Jonas reconnaît que cette bénédiction est due uniquement à la grâce
de Dieu : « La
délivrance est de l’Éternel » (2: 10). C’est d’elle que parle Élihu dans le
livre de Job : « Il chantera devant les hommes, et dira : J’ai péché et j’ai
perverti la droiture, et il ne me l’a pas rendu ; il a délivré mon âme pour qu’elle n’allât pas
dans la fosse, et ma vie verra la lumière
» (Job 33: 27, 28). Tel est donc
le fruit de la discipline pour le témoin du Seigneur : Jugement complet de
soi-même, connaissance approfondie de la grâce. Désormais Jonas ne s’enfuira
plus pour échapper à l’Éternel.
Avant de recevoir l’ordre de se rendre à Ninive, Jonas avait été
chargé d’une mission prophétique à Israël (*).
Cet événement avait eu lieu sous Jéroboam II (2), ou assez peu de temps avant
l’accession de ce roi au pouvoir. En 2 Rois 14: 25, il est dit que Jéroboam
« rétablit la frontière d’Israël, depuis l’entrée de Hamath jusqu’à la mer de la
plaine, selon la parole de l’Éternel, le Dieu d’Israël, qu’il avait dite par
son serviteur Jonas, le prophète, fils d’Amitthai, qui était de Gath-Hépher ».
Osée, Amos, Jonas aussi sans doute, connaissaient le triste état des dix tribus
et de la royauté en Israël. Avec quelle indignation les deux premiers ne
signalaient-ils pas les péchés de ce peuple et de ses conducteurs, en annonçant
le jugement qui attendait les uns et les autres ! Cependant l’Éternel
avait vu que « l’affliction d’Israël était très amère, et qu’il n’y avait plus personne,
homme lié ou homme libre, et qu’il n’y avait personne qui secourût
Israël ; et l’Éternel n’avait pas dit qu’il effacerait le nom d’Israël de
dessous les cieux ; et il les sauva
par
la main de Jéroboam, fils de Joas » (2 Rois 14: 26, 27). Il est dit dans un
autre endroit : « L’Éternel donna à Israël un sauveur
»
et ils sortirent de dessous la main du roi de Syrie (13: 5). Donc, tandis que
les autres prophètes annonçaient les jugements de Dieu sur Israël, Jonas fut
appelé à annoncer une délivrance momentanée par un sauveur
suscité dans ce but (indépendamment, du reste, de son
caractère).
(*) Nous disons « Avant », parce que le mot « Et » qui commence soit le livre de Jonas, soit d’autres livres de l’Ancien Testament (Josué, Ruth, 1 Samuel, Ézéchiel), nous semble être toujours en liaison avec des faits précédents quoique plus ou moins immédiats.
La frontière d’Israël fut rétablie ; Hamath, barrière
principale contre les ennemis venant du Nord, fut reprise. Jonas avait été
choisi pour proclamer ces miséricordes
de
Dieu, aux jours où Israël gémissait sous le joug terrible du roi de Syrie. Un
prophète, n’annonçant que la délivrance, était un phénomène, sinon unique, du
moins tout à fait rare en Israël. Quand il fut envoyé à Ninive, Jonas
connaissait donc l’Éternel (et il l’exprime plus tard), comme un Dieu qui fait
grâce et qui est miséricordieux, lent à la colère et grand en bonté et qui se
repent du mal dont il a menacé (4: 2). Lorsqu’il s’agissait d’Israël, Jonas
n’avait pas hésité à annoncer la délivrance de son peuple. Son coeur s’en
réjouissait et son patriotisme y trouvait sa satisfaction, mais, dans son
orgueil spirituel, il ne pouvait accepter une mission unique et spéciale envers
les nations, comme avait été précédemment sa mission en Israël. Passe encore, s’il
avait été certain que la menace de la destruction de Ninive s’accomplît, mais
il avait déjà éprouvé le caractère miséricordieux de l’Éternel, tel, du reste,
qu’il s’était révélé autrefois à Moïse : « L’Éternel, l’Éternel ! Dieu,
miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en
vérité, gardant la bonté envers des milliers de générations, pardonnant
l’iniquité, la transgression et le péché » (Ex. 34: 6, 7). Il était prêt à
reconnaître une grâce, tempérée du reste par la loi, envers sa nation, mais il
ne pouvait l’accepter, quand il s’agissait des nations idolâtres.
Dieu ne leur avait pas fait le don de la
loi ; comment admettre que la grâce leur fût librement octroyée ?
Mais un autre motif, et le plus important peut-être, poussait le
prophète à désobéir : Jonas pensait à lui-même.
On voit cela, dans toute sa conduite, aux chap. 3 et 4. Il allait crier à
Ninive : « Encore quarante jours, et Ninive sera renversée ». Mais si la chose
n’avait pas lieu ? Si Dieu se repentait de sa menace ? Que
deviendrait son caractère de prophète ? La miséricorde de Dieu serait
l’effondrement de son autorité et de sa dignité à lui ! Il ne vient pas un
instant à la pensée de Jonas que Ninive puisse se repentir, et changer par là
le cours des voies de Dieu à son égard. Cependant d’autres prophètes, et plus
tard le plus grand d’entre eux, Jean Baptiste, ont prêché le jugement et la
repentance. Jonas n’ambitionnait même pas une pareille mission. Ce qu’il
voulait sauvegarder, c’était son caractère, sa dignité, son autorité de
prophète. Que deviendraient tous ses attributs, si ce qu’il avait annoncé ne
s’accomplissait pas ? Quand il avait proclamé d’avance la reprise de
Hamath, sa parole l’avait accrédité auprès de son peuple ; il voulait
maintenant que l’annonce du jugement l’accréditât auprès des nations. Triste
chose que l’égoïsme de l’homme ; mais plus triste encore, l’égoïsme d’un
prophète !
C’est pourquoi Jonas s’enfuit et porte la pénalité de cet acte
de désobéissance. Combien de vocations chrétiennes ont été rendues stériles par
la propre volonté des serviteurs de Dieu, quels qu’aient pu, du reste, être
leurs motifs. Dieu veut m’envoyer à Ninive ; je préfère m’en aller à
Tarsis d’Espagne ! De nos jours, cela est tellement entré dans les moeurs
des disciples du Seigneur, qu’ils trouvent une semblable désobéissance toute
naturelle. On s’embarque sur le vaisseau qui vous éloigne du but de Dieu, et
l’on fait pire que Jonas, car on décore cette désobéissance du nom de mission
divine et d’obéissance à la direction de l’Esprit. Jonas était, dans un sens,
moins coupable que ceux dont nous parlons, car il ne craignait pas de déclarer
qu’il s’enfuyait de devant la face de l’Éternel (1: 10). Dans un autre sens, il
était plus coupable qu’eux, car il savait
qu’il faisait sa propre volonté en s’enfuyant. Chez eux, c’est souvent pure
ignorance, aussi la discipline leur est épargnée, tandis que l’esclave qui « a
connu la volonté de son maître… et n’a point fait selon sa volonté, sera
battu de plusieurs coups » (Luc 12: 47). Puissent les serviteurs ou évangélistes
qui ignorent ce qu’est réellement un appel de Dieu, être vrais devant Lui et ne
pas tranquilliser leur conscience en donnant le nom d’obéissance à ce qui est
exactement le contraire !
À la fin du chap. 2, Jonas semblait avoir appris, comme témoin
, sa leçon sous la discipline, car
le poisson l’avait vomi sur le sec et l’ancien Jonas, si semblable, hélas, à
l’ancien Adam, était devenu, en figure, un Jonas ressuscité ; mais, comme prophète
, il est loin d’avoir appris
toute sa leçon, leçon, semble-t-il d’après ce récit, bien difficile à
apprendre. Il avait, sans doute, trouvé sous le châtiment, qu’il était dur de
regimber contre les aiguillons et que, coûte que coûte, il fallait obéir
. Aussi, lors de la deuxième sommation, il ne
refusa pas de faire ce que l’Éternel lui commandait : « Et Jonas se leva et s’en
alla à Ninive, selon la parole de l’Éternel » (3: 3). Mais comment et dans quel
esprit obéit-il ? Comme un Juif obéissait sous la loi, dans un esprit
d’orgueil national et de propre justice, avec la pensée que Dieu doit
juger les nations n’ayant aucun
droit de cité en Israël, étrangères aux alliances de la promesse, et sans Dieu
dans le monde (Éph. 2: 12). Jonas devra apprendre que le dernier mot d’un
prophète n’est pas le jugement : quelque assuré qu’il soit, il reste encore de
l’espoir tant que la sentence n’est pas exécutée. Dieu avait dit : « Encore
quarante jours ». Mais jadis il n’en avait pas fallu davantage pour que le
jugement fût écarté, en vertu de l’intercession d’un Moïse (Ex. 34: 28 ;
24: 18) ; ni, plus tard, pour que toutes les ruses de Satan fussent
déjouées, en vertu de l’obéissance de Christ (Luc 4: 2). Le dernier mot
de la prophétie est la grâce
et la gloire,
et c’est ce dont Jonas ne se doutait aucunement. Son coeur
était légal, orgueilleux, dur, et se complaisait au jugement. Lui, que ce même
jugement venait d’atteindre, aurait dû connaître la grâce, non seulement pour
l’avoir annoncée autrefois, mais pour en avoir été lui-même l’objet. Qu’est-ce
donc que la dureté du coeur de l’homme, si l’on voit battre ce même coeur sous
la robe d’un prophète ? Ah ! comme il est humiliant de penser que
notre leçon est si difficilement apprise !
La prophétie de Jonas produit un effet considérable sur la
conscience des gens de Ninive. Le but de Dieu était atteint, car, s’il fait
connaître ses jugements, c’est afin que les âmes se convertissent et reviennent
à Lui. Alors le coeur du Dieu de grâce peut se révéler. Mais, quand la grâce
est proclamée, l’orgueil et la propre justice du prophète font place à une
sourde irritation. C’est de fait ce qui a toujours caractérisé les Juifs. Ils
s’irritaient de voir le salut annoncé aux nations, et ne pouvaient supporter
d’être placés au même rang qu’elles sous le jugement. Jonas fait penser au frère
aîné du fils prodigue se mettant en colère contre son père, et refusant
d’entrer, parce que son frère est un objet de grâce et un sujet de joie. Comme
le père de la parabole, Dieu reprend Jonas — avec quelle patience ! — mais
l’abandonne finalement à son obstination, dans la cabane qu’il s’était faite,
privé de son kikajon et sous l’ardeur du soleil. L’histoire s’arrête là
; mais si nous n’apprenons pas quel
changement s’est opéré dans le coeur du prophète, nous savons que la grâce de
l’Éternel n’a pas changé jusqu’à aujourd’hui envers les nations, et nous en
sommes les heureux témoins.
La première partie de l’histoire de Jonas montre, dans le coeur du prophète, plus de grâce que la seconde. Il en arrive souvent ainsi dans la carrière des serviteurs de Dieu. À mesure que s’accroît leur importance légitime, leur satisfaction d’eux-mêmes s’accroît aussi et aboutit à un désaccord avec les pensées de Dieu qui les rend impropres pour leur service. Combien d’entre eux sont laissés là, comme Jonas, avec une carrière brisée, pour avoir marché dans la satisfaction d’eux mêmes, au lieu de progresser dans la connaissance de la grâce. Au chap. 1er la discipline qui atteint le prophète est pleine d’enseignement pour lui. Il reconnaît, constatation douloureuse, que lui, prophète de l’Éternel, est la cause du jugement qui atteint ses compagnons et leur navire (1: 12) ; il accepte, comme légitime, le jugement qui l’atteint lui-même et annonce que son rejet devient la délivrance des nations. Combien il aurait été précieux de voir cette humiliation porter ses fruits dans la seconde partie de l’histoire du prophète !
Recevons instruction de toutes ces choses, et surtout, ne commençons pas où Jonas a commencé. N’évitons pas la présence de Dieu ; marchons dans la lumière ; disons-lui : « Sonde-moi et connais-moi ». Nous éviterons ainsi plus d’un châtiment douloureux. Dieu ne nous envoie pas dans le monde comme prophètes, mais nous confie une mission comme serviteurs. Ne pas nous en acquitter fidèlement serait faire comme Jonas tourner le dos à Dieu !
Leur état est représenté par Ninive qui est comme l’image de la
condition morale des gentils aux yeux de Dieu. « Lève-toi », dit l’Éternel à
Jonas, « va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car leur méchanceté
est montée devant moi » (1: 2). La méchanceté, l’absence complète du bien, voilà
ce qui les caractérisait aux yeux du Dieu saint. Sa patience avait longtemps
supporté cette méchanceté et celle-ci en avait pris occasion pour se développer
jusqu’à ses extrêmes limites, aussi ne restait-il plus, pour Ninive, que le
jugement, à moins qu’il n’y eût du côté de Dieu quelque ressource ou quelque
moyen de salut. Mais qui pouvait l’annoncer ? Le prophète Jonas, type ici
du peuple d’Israël, était sous le même jugement. Il s’était montré
désobéissant, rebelle à Dieu, et ne pouvait attendre de sa part que la
condamnation. Un autre prophète, Ésaïe, type d’un Résidu fidèle en Israël, se
trouva plus tard devant Dieu et ne chercha pas à fuir sa présence (És. 6). Avant
d’être envoyé, il reconnut sa souillure et en fut purifié par le charbon ardent
qui avait consumé l’holocauste. L’Éternel dit alors : « Qui enverrai-je, et qui
ira pour nous ? » Et le prophète répond : « Me voici, envoie-moi ». Dieu
l’envoie vers Israël pour lui annoncer le jugement qui va l’atteindre et la
grâce qui épargnera un faible Résidu. Jonas, loin de se trouver devant Dieu,
fuit sa présence, afin de ne pas
être
envoyé vers les nations. Or ce sont elles, précisément, que Dieu voulait
épargner, et Jonas s’en rendait bien compte.
Les matelots sont des échantillons
de toutes les nations,
embarquées sur un navire qui, de plus en plus, les
éloigne de Dieu. Chacun crie à « son dieu »
(1: 5), mais, devant la tempête qui menace de les engloutir, ils apprennent
ce que valent ces idoles muettes qui ne leur répondent pas. « Peut-être » le Dieu
de Jonas pensera-t-il à eux, et ils ne périront pas ? (1: 6). Mais quelle
est la cause de leur détresse ? L’ignorance de leur propre état leur fait
attribuer ce malheur à quelque autre, peut-être à l’un d’entre eux : « Venez,
jetons le sort,
afin que nous
sachions à cause de qui
ce malheur
nous arrive » (1: 7). Ne connaissant pas Dieu, ils font appel à une puissance
inconnue d’eux, le sort, pour être renseignés. On voit ici l’ignorance du coeur
naturel de l’homme, sans connaissance de lui-même,
sans connaissance de Dieu
;
les deux grands sujets dans lesquels se résume toute la révélation leur sont
inconnus. Ils sont aveugles, mais Dieu, dans sa grâce, leur répond en se
mettant au niveau de leur intelligence ; le sort parle et désigne Jonas.
Jonas, malgré le jugement qui l’atteint, malgré sa fuite loin de Dieu qu’il
leur avait déclarée auparavant (1: 10), rend témoignage au caractère de Dieu,
selon ce que leur intelligence obscurcie pouvait en saisir : « Je suis Hébreu,
et je crains l’Éternel, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre » (1:
9). Le témoignage de la foi d’Israël en un seul Dieu Créateur, rappelle aux
nations ce que Dieu leur avait révélé par ses oeuvres, de manière à les rendre
inexcusables (Rom. 1: 20). La prédication de Paul aux Athéniens (Actes 27) n’a
pas un autre caractère.
Ces pauvres gentils ignorants prononcent trois paroles : À la
première : « Déclare-nous à cause de qui » ce mal nous arrive (1: 8), Dieu a répondu
par le sort, mais en employant Israël, objet de son jugement, à apporter la
lumière aux nations, car, comme il est dit : « Le salut vient des Juifs » (Jean
4: 22). À la seconde parole : « Qu’est-ce que tu as fait ? » Jonas avait
déjà répondu d’avance, en sorte que ces gentils ne pouvaient s’y méprendre :
Jonas s’enfuyait « de devant la face de l’Éternel, car il le leur avait déclaré »
(1: 10). Aussi ce sont eux qui reprennent le prophète : Tu dis que tu crains
Dieu et tu ne crains pas de lui
désobéir ! Que de fois les Juifs, à leur honte, se sont trouvés sous la
férule des nations, comme les chrétiens aujourd’hui, sous celle du monde !
Leur troisième parole est : « Que te ferons-nous ? » (1: 11). La confiance
en la parole de l’Éternel naît dans leur coeur et, au lieu de se détourner
d’Israël, serviteur infidèle, ils comprennent que son représentant seul peut
les renseigner sur la volonté de l’Éternel. Jonas reconnaît que son infidélité
est cause des dispensations de Dieu envers les nations ; il dit : « Je sais
» (vraie expression d’un coeur
qui connaît Dieu) « que c’est à cause de
moi
que cette grosse tempête est venue sur vous » (1: 12). « Prenez-moi et
jetez-moi à la mer. » Ainsi la réjection d’Israël est la réconciliation du monde
(Rom. 11: 15).
Ces hommes hésitent à exécuter l’ordre du prophète et épuisent
tous les moyens avant d’y obéir, mais ils ne peuvent réussir, car « la mer
allait toujours grossissant » (1: 13). Pour qu’ils soient sauvés, il faut une victime,
sinon le jugement les
engloutira. Nous verrons plus tard ce qu’est cette victime, mais ce qui nous
occupe ici, c’est Jonas, comme type d’Israël rejeté. Le jugement étant exécuté,
le vaisseau des gentils peut désormais continuer sa course. Israël rejeté a
ouvert la porte à la bénédiction des nations. Cette scène est une image pour le temps actuel,
un exemple
anticipé du salut d’individus, faisant partie de tous les peuples idolâtres qui
criaient « chacun à son dieu », selon qu’il est dit : « Tu as acheté pour Dieu par
ton sang, de toute tribu, et langue, et peuple, et nation » (Apoc. 5: 9).
L’imminence du danger les fait « crier à l’Éternel », car c’est
toujours par là que commencent nos relations avec Dieu ; mais la
révélation d’un sacrifice dont ils sont
responsables
et qui peut éloigner à toujours le jugement, répugne à leur
coeur naturel. Ils préféreraient de beaucoup « ramer pour regagner la
terre » ; en outre, ils ne peuvent méconnaître qu’en précipitant le
serviteur de l’Éternel dans les flots, ils sont chargés « du sang innocent » (1:
14). Ils sont donc coupables, mais Dieu leur enseigne que, malgré leur part
dans le sacrifice, ce dernier est pour eux le seul moyen de salut. Remarquez
maintenant le changement moral qui se produit chez les gens de l’équipage : « Et
les hommes craignirent beaucoup l’Éternel, et offrirent un sacrifice à
l’Éternel, et firent des voeux » (1: 16).
Leur premier pas dans le chemin de la sagesse est de craindre beaucoup l’Éternel. Ils prennent ensuite devant Lui l’attitude d’adorateurs en lui offrant un sacrifice. Puis « ils font des voeux ». Un voeu est le libre dévouement à Dieu, pour le servir sans restriction (Deut. 23: 21 ; Lévit. 7: 16). Nous trouvons donc ici tout un ensemble d’hommes sauvés, amenés à Dieu, devenus témoins de sa grâce, des adorateurs et des serviteurs qui Lui sont consacrés. Dans ce vaisseau des nations se trouvent désormais des sauvés, tandis que Jonas, représentant Israël, est englouti dans les profondeurs de la mer des peuples.
Le premier chapitre de ce livre nous fait connaître comment
l’obéissance de la foi est devenue aujourd’hui
la part des nations ; le troisième chapitre porte nos regards vers un
temps futur.
Le jugement est annoncé
à Ninive, la « grande ville », représentant, comme capitale, l’ensemble des
peuples. Il nous est dit que « les hommes de Ninive crurent Dieu, et
proclamèrent un jeûne, et se vêtirent de sacs, depuis les plus grands d’entre
eux jusqu’aux plus petits » (3: 5). Remarquez qu’il s’agit ici d’un jeûne national
. On ne pourrait dire
qu’il ne soit pas réel, car il est basé sur la
foi
à la parole de Dieu, mais, chez les habitants de Ninive, cette foi
« n’est que pour un temps » (Matt. 13: 21). Malgré cela, une repentance
extérieure, basée sur la crainte du jugement, éloigne celui-ci pour un temps.
Deux siècles plus tard, le sort de Ninive devient définitif et la ville est
entièrement détruite. Il en sera de même lors de l’établissement du règne de
Christ. Placées en présence de ses jugements, les nations se soumettront à Lui
et reconnaîtront le Dieu d’Israël (Ps. 18: 44), mais quand, après mille ans de
ce règne glorieux, Satan sera délié et pourra de nouveau les séduire, elles
subiront le jugement final.
Cette repentance de Ninive porte nos pensées vers les jours
sérieux que nous traversons. La main de Dieu pèse lourdement sur les peuples.
Il semble que sa voix se fasse entendre, disant : « Encore quarante jours, et
Ninive sera renversée ». Les nations, comme telles, ne devraient-elles pas se
repentir et « proclamer un jeûne » ? Empereurs et rois, grands et petits, ne
devraient-ils pas crier à Dieu avec force et
revenir chacun de leur mauvaise voie et de la violence qui est dans leurs
mains ?
« Qui sait ? Dieu reviendra » de l’ardeur de sa colère, et
elles ne périront pas. Dieu peut se repentir, changer la direction de ses voies
envers les hommes, quand ils changent leurs propres voies et en reviennent.
Puissent ces paroles, comme jadis celles de Jonas, trouver un écho dans le
coeur des peuples !
Nous avons vu que Jonas, malgré sa foi et son caractère de prophète, incarne en lui l’esprit du peuple dont il fait partie, esprit de désobéissance, d’indépendance de l’Éternel, d’orgueil spirituel et de propre justice, que Dieu signale constamment par ses prophètes. Il ne s’agit pas ici de l’idolâtrie, si souvent anathématisée, mais qui avait quitté ce peuple longtemps avant que, par le rejet du Christ, il fût dispersé parmi les nations. Or c’est de ce temps-là que le livre de Jonas nous parle en figure. Nous y assistons au moment où l’histoire d’Israël va se terminer. Le peuple persiste dans ses voies d’indépendance et de propre volonté, sans s’être repenti réellement des « vanités mensongères » (2: 9), qui l’avaient caractérisé si longtemps. La maison était vide, balayée et ornée (Matt. 12: 44) ; l’état de ce peuple que le démon de l’idolâtrie ne hantait plus, était particulièrement marqué au temps des derniers prophètes et du vivant du Seigneur. C’était une génération incrédule et perverse, des sépulcres blanchis pleins de corruption au-dedans, une race hypocrite, mais fière de sa propre justice, orgueilleuse et se vantant d’avoir Abraham pour père, fuyant la lumière et le témoignage de Dieu, hostile à la vérité et rebelle à la grâce. Voilà ce que recouvraient toutes les apparences de piété, la fidélité stricte aux formes de la loi, formes extérieures auxquelles, du reste, ils ajoutaient encore leurs traditions qui annulaient le commandement de Dieu (Marc 7: 9). Les conducteurs faisaient tous leurs efforts pour garder leur dignité, leur réputation, leur influence sur le peuple. Mais ce qui les caractérisait avant tout, c’était la haine de la grâce qui leur apportait la vérité sur leur propre état. S’ils étaient condamnés, il n’y avait donc pas de différence entre eux et les autres hommes, et la grâce ouvrait la porte du salut à tout pauvre pécheur d’entre les nations. Jonas, quoiqu’il fût un homme de Dieu, nous offre plus d’un trait de ce tableau. Il arriva un moment où, par le rejet du Sauveur et de l’Esprit Saint, la condamnation définitive des Juifs fut prononcée : « Je vous transporterai au-delà de Babylone » (Actes 7: 43). Israël est jeté dans la mer des peuples où il est gardé jusqu’au jour de sa résurrection nationale.
Il renaîtra donc, mais nous entrons, au chap. 3, dans la seconde
période de son histoire. Son coeur sera-t-il changé ? En aucune
manière ! S’il reprend extérieurement, même sous l’Antichrist, les formes
anciennes de son culte (Dan. 9: 27), son état moral est caractérisé par
l’irritation contre Dieu. Il s’irrite
jusqu’à la mort
et estime qu’il fait bien (4: 9). Ici le livre se tait sur
la fin de son histoire. C’est comme si ce peuple
révolté
rentrait dans le néant. Observons nous-mêmes ce silence solennel à
son égard.
Le rejet d’Israël, en rapport avec la prophétie de Jonas, nous
est annoncé par le Seigneur d’une manière très frappante. Dans l’évangile de
Matthieu, chap. 12, Jésus parle de Jonas comme étant un signe de Sa mort et de
Sa résurrection. Nous considérerons plus loin ce sujet ; mais, au chap.
16, il y revient, et, je n’en doute pas, avec une tout autre intention. Les
pharisiens et les sadducéens lui demandent de nouveau un signe. Il leur parle
des signes du ciel, le beau temps et l’orage (images de la grâce et du
jugement), qu’ils savaient bien discerner, tandis qu’ils ne pouvaient discerner
« les signes des temps ». Le jugement était à la porte et ils n’en savaient rien :
Il ne leur serait pas « donné de signe, si ce n’est le signe de Jonas » (v. 4).
Israël allait être définitivement jeté à la mer, abandonné, pour faire place
aux voies de grâce de Dieu envers les nations. Aussi l’évangéliste ajoute : « Et les laissant, il s’en alla
».
Mais le vrai Israël
ressuscitera
et deviendra, comme nous allons le voir, l’envoyé et le témoin de l’Éternel,
pour amener à la repentance la « grande multitude des nations ».
Le but principal du livre de Jonas ressort, nous semble-t-il, du
chap. 2, que nous avons omis à dessein jusqu’ici. Nous avons vu que la personne
de Jonas nous présente les caractères qu’auraient dû porter les témoins de
l’Éternel, puis le prophète juif comme témoin ; enfin, que cette même
personne illustre aussi pour nous l’histoire du peuple qui, malgré tout, a été
et sera encore le témoin de Dieu vis-à-vis des nations. Nous disons « sera »,
car si le peuple, comme
ensemble, fut rejeté définitivement quand la patience de Dieu eut atteint son
terme, il en sortira dans l’avenir un Résidu, noyau d’un peuple futur, chargé,
comme toute sa race, de « la coulpe du sang », c’est-à-dire de la responsabilité
de la mort du Messie, et en subissant les conséquences lors de la tribulation
de la fin. La détresse
produira dans le coeur de ces fidèles une repentance à salut. Ils ne
chercheront pas à séparer leur responsabilité de celle du peuple dont ils font
partie ; ils reconnaîtront que leur châtiment est mérité, que la tempête
qui va « grandissant toujours » est la juste rétribution de leur forfait et
qu’ils doivent être retranchés de la terre des vivants, pour avoir crucifié le
Fils de Dieu ! Mais, engloutis par le grand poisson, ils trouveront, dans
la détresse, que leur Messie a traversé les mêmes angoisses, et que l’Éternel
lui a répondu. Cette conviction donnera une grande assurance à ces fidèles,
aussi crieront-ils à Dieu avec la certitude qu’il les entend. Leurs expériences
nous sont décrites au chap. 2 de notre prophète. La prière de Jonas contient
deux sujets : le premier, les expériences du Résidu croyant, du vrai Israël, au
jour de la détresse
(*) (2: 3) dont il est sauvé ; le second, la
mort et les souffrances de Christ, qui seront le sujet d’un autre chapitre.
(*) Appelée aussi « la détresse de Jacob » (Jér. 30: 7), et « la grande tribulation », terme plus général. Voyez pour le mot « détresse » une quantité de passages des Psaumes et des Prophètes.
Quant au premier sujet, nous supposons que nos lecteurs sont assez familiers avec l’Ancien Testament, pour savoir que les prophètes et les Psaumes nous entretiennent constamment du Résidu juif croyant de la fin, et des tribulations qu’il endure. La prière de Jonas est une preuve à l’appui de cette vérité. Les huit versets reproduisent de si innombrables passages des Psaumes et du prophète Ésaïe que, les citer tous, serait surcharger inutilement notre texte. Chaque lecteur, muni d’une bonne Concordance, peut lui-même en dresser la liste ; nous nous bornerons donc à la citation de quelques passages essentiels.
« Jonas pria l’Éternel, son Dieu, des entrailles du poisson, et il dit : J’ai crié à l’Éternel du fond de ma détresse, et il m’a répondu » (2: 2, 3).
Il est remarquable que le cri de Jonas ne vienne ici qu’après
celui des nations. Tel sera le
cas, en effet. Aujourd’hui le vaisseau des nations, contenant ceux qui, par la
foi, sont devenus des adorateurs du vrai Dieu, continue sa course, et ceux qui
le montent ont obtenu la délivrance après avoir crié « à l’Éternel » (1: 14).
Israël, par contre, est englouti dans la mer des peuples, mais un Résidu se
réveillera du sein du shéol ; du fond de sa détresse
, du sein de cette grande tribulation qui pèsera en tout
premier lieu sur les fidèles de l’ancien peuple de Dieu, il criera lui-même
aussi vers le Dieu qu’il a offensé.
Ce verset revêt la forme coutumière des Psaumes. Il est un résumé
de tout le contenu de la prière
et en indique d’avance le résultat
,
tandis que les versets suivants décrivent par quel chemin ce résultat sera
obtenu. Jeté au fond de l’abîme, englouti par le monstre préparé de Dieu comme
instrument de sa préservation, le fidèle prie et crie. Avec quelle joie il
constate que la réponse est venue ! Le Psaume 120, qui sert de préface au
petit recueil des Cantiques des degrés, parle exactement dans les mêmes termes.
Il s’agit, dans ce Psaume, du Résidu chassé de nouveau de son pays par la
persécution, après y être rentré en compagnie de la nation incrédule : C’est le
jour de la détresse de Jacob
(voyez
Apoc. 12: 13-16). Alors il dit : « À l’Éternel, en ma détresse, j’ai crié ;
et il m’a répondu » (Ps. 120: 1). L’Éternel le tire de toutes ses angoisses,
comme il est dit si souvent au Ps. 107, qui, à son tour, sert de préface au
livre cinquième des Psaumes, où se trouvent les Cantiques des degrés. « Il m’a
répondu » ; c’est le résumé de toutes les expériences des fidèles : une
pleine délivrance. Il en est de même au Ps. 130 : « Je t’ai invoqué des lieux
profonds, ô Éternel ! » Ce Psaume nous décrit les solennels exercices de
conscience du Résidu, et les résultats, éternellement bénis, de sa délivrance
(voyez aussi Ps. 18: 6 ; 86: 7).
« Du sein du shéol, j’ai crié ; tu as entendu ma voix » (2: 3).
Après le résumé dont nous venons de parler, la prière de Jonas
reprend la suite des expériences qui ont amené cette réponse
de l’Éternel. D’abord le fidèle crie du sein du shéol et
Dieu entend.
La réponse n’est pas
encore venue, mais il a la consolante assurance que la prière de la foi est
arrivée aux oreilles de l’Éternel. La prière d’Ézéchias (És. 38: 10) a beaucoup
de traits communs avec celle de Jonas, seulement la détresse y est moins grande : Ézéchias descend
dans le shéol,
Jonas y est,
David, au Ps. 30: 3, en remonte
(voyez encore Ps. 18: 4, 5).
« Tu m’as jeté dans l’abîme, dans le coeur des mers, et le courant m’a entouré ; toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi » (2: 4).
On trouve exactement la même expression au Ps. 42: 7. Tout lecteur, quelque peu familier avec la prophétie, sait que le deuxième livre des Psaumes (Ps. 42-72) décrit les sentiments et les expériences du Résidu de Juda, chassé parmi les nations lors de la grande tribulation. Or ce sont précisément ces expériences que nous présente la prière de Jonas (*).
(*) Voyez : L’Histoire prophétique des derniers jours et les Cantiques des degrés, par H. R., p. 11.
« Et moi je disais : Je suis rejeté de devant tes yeux : toutefois, je regarderai encore vers le temple de ta sainteté » (2: 5).
Nous retrouvons ici la prière d’Ézéchias (És. 38: 10, 11) ;
les nombreux passages du second livre des Psaumes (43: 2 ; 44: 9 ;
60: 1, 10), et d’autres passages encore (Ps. 74: 1 ; 77: 7 ; 31:
22 ; Lam. 5: 22). La conscience d’être rejeté ne détruit pas l’assurance
de la foi chez le pauvre Résidu dans la détresse. Chassé de Jérusalem, il ne
cesse de regarder vers le temple, comme Daniel du côté de Jérusalem (Dan. 6:
10. Voyez aussi Ps. 42: 4 ; 43: 3, 4 ; 18: 6 ; Hab. 2: 20). Les
saints d’aujourd’hui, qui peuvent s’appliquer ce passage quand ils sont dans
l’affliction, savent que ce temple est pour eux la maison du Père,
dans les cieux.
« Les eaux m’ont environné jusqu’à l’âme, l’abîme m’a entouré, les algues ont enveloppé ma tête » (2:6).
L’âme fait, dans la détresse,
l’expérience de ce qu’est le jugement de Dieu à cause du péché. Dans le
second livre des Psaumes, dont nous avons parlé, cette position terrible est
peinte en traits ineffaçables : « Un abîme appelle un autre abîme à la voix de
tes cataractes ; toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi » (Ps.
42: 7). Le Ps. 69 décrit la grandeur de cette angoisse. Entrer dans la boue
profonde du péché a pour conséquence le jugement : la profondeur des eaux qui
engloutit et le courant qui submerge, en même temps que s’ouvre un abîme sans
fond (Ps. 69: 2, 15). Nous verrons plus tard que le fidèle rencontre Christ
dans l’abîme, ce Jésus qui y est descendu pour lui. Nous aussi, chrétiens, nous
avons fait la même expérience, mais sans être obligés, comme le Résidu, de
connaître l’abîme, autrement que dans notre conscience.
« Je suis descendu jusqu’aux fondements des montagnes ; les barres de la terre s’étaient fermées sur moi pour toujours ; mais, ô Éternel, mon Dieu, tu as fait remonter ma vie de la fosse » (2:7).
La détresse arrive à ses dernières limites ; l’affligé ne peut descendre plus bas. C’est la mort dans toute son horreur. Les portes qui ferment l’accès à la terre des vivants sont fermées pour toujours. Ces mêmes expériences se retrouvent dans le cantique d’Ézéchias (És. 38: 10, 11), et aussi la même réponse de Dieu : « Mais toi, tu as aimé mon âme, la retirant de la fosse de destruction, car tu as jeté tous mes péchés derrière ton dos ». « L’Éternel a voulu me sauver » (v. 17, 20).
C’est par la résurrection de Christ que tous nos péchés sont laissés dans l’abîme où ils ne seront jamais retrouvés.
« Quand mon âme défaillait en moi, je me suis souvenu de l’Éternel, et ma prière est venue jusqu’à toi, dans le temple de ta sainteté » (2: 8).
Au moment de la suprême angoisse et de l’agonie, le fidèle se
souvient de l’Éternel, et sa prière n’est plus seulement entendue,
mais reçue
dans
le lieu où Dieu habite.
« Ceux qui regardent aux vanités mensongères abandonnent la grâce qui est à eux » (2: 9).
Ici vient la réprobation prononcée contre le peuple apostat envahi de nouveau par le démon de l’idolâtrie (Matt. 12: 43-45) et qui abandonne pour des vanités mensongères la grâce placée devant lui. Mieux vaut être plongé dans la détresse avec une espérance, que de partager le sort de ceux qui ont l’Antichrist pour maître. Au Ps. 31, nous voyons la différence entre ceux qui « prennent garde aux vaines idoles » (v. 6), et celui qui se confie en l’Éternel et dont la grâce est la seule ressource.
« Mais moi, je te sacrifierai
avec une voix de louange ; je m’acquitterai de ce que j’ai voué
. La délivrance est de l’Éternel »
(2: 10).
Ici, le fidèle du Résidu arrive au culte que les nations avaient trouvé au temps de son infidélité. Ce culte, les chrétiens le rendent maintenant ; seulement, dans l’avenir prophétique, les nations sacrifieront sous le règne du Messie, à l’Éternel, le Dieu d’Israël, et monteront à Jérusalem pour l’adorer, en compagnie de son peuple (Ps. 116: 14, 15 ; 22: 25). Il y aura alors, pour Israël comme pour les nations (1: 16), des « voeux », le service de l’Éternel, libre et sans restriction, d’un « peuple de franche volonté » (Ps. 56: 12 ; 61: 8 ; 66: 13 ; 76: 11 ; Lév. 8: 16 ; Deut. 23: 21).
Le dernier mot de cette prière prophétique est : « La délivrance est de l’Éternel ». Elle est là ; Lui seul l’a opérée ; elle est uniquement le fruit de sa grâce (És. 38: 20 ; 52: 10). Israël trouvera aux derniers jours cette grande vérité qui fait aujourd’hui la joie, la sécurité de tous les croyants, et sur laquelle leur assurance est fondée à jamais. Comment cette délivrance se produira-t-elle ? C’est ce que nous allons voir dans le prochain chapitre.
La personne de Jonas représente le Christ
sous deux aspects différents, dont nous trouvons le
premier, la mort et la résurrection de
Christ, pour accomplir l’oeuvre de la Rédemption,
dans les évangiles de
Matthieu et de Luc.
En Matt. 12, les scribes et les pharisiens qui venaient d’accuser le Seigneur de ne chasser « les démons que par Béelzébul, chef des démons » (v. 24), lui demandent « un signe de sa part » (v. 38), un miracle qui puisse l’accréditer à leurs yeux ! Demander à Jésus ce qui l’accréditait, quand toute sa vie et les miracles de bonté qu’il opérait à chaque pas proclamaient qu’il était Emmanuel, Dieu avec nous ! Cette génération méchante et adultère pouvait-elle encore être convaincue par un signe ? Aussi le Seigneur leur répond : Il ne vous sera pas donné de signe, « si ce n’est le signe de Jonas le prophète. Car, comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre » (v. 39, 40). Type merveilleux, donné dans la personne de Jonas, des souffrances de Christ, près de 900 ans avant sa venue ! En effet, ses souffrances et sa mort sont le premier sujet de la prophétie.
Mais le séjour de Christ dans le tombeau était aussi le signe qu’il était maintenant trop tard pour le peuple ; qu’il n’y avait plus possibilité pour lui de recevoir le Prophète, l’Envoyé, le Fils de l’homme, le Fils de Dieu, comme son Roi. Dès ce moment, toutes les relations anciennes de Dieu avec son peuple étaient interrompues et, pour être reprises, ne pourraient être basées que sur sa réjection, et plus du tout sur sa présentation à son peuple comme Messie et comme Roi. Christ est venu prendre, en amour, la place d’Israël, rejeté à cause de sa désobéissance, afin que ce dernier, en vertu de l’expiation accomplie, pût retrouver sa place dans le Royaume. Pour nous chrétiens, il a pris notre place, comme pécheurs, sous le jugement, afin que les cieux pussent nous être ouverts.
À ces paroles, Jésus ajoute (v. 41) : « Des hommes de Ninive se lèveront au jugement avec cette génération et la condamneront, car ils se sont repentis à la prédication de Jonas, et voici, il y a ici plus que Jonas ». Les nations, si méprisées des Juifs, étaient bien moins coupables que ce peuple. Ninive s’était repentie sans aucun signe, et par la simple prédication d’un prophète du jugement ; — Jérusalem s’était-elle repentie à la prédication d’un plus grand que Jonas, qui était non seulement le Prophète de la grâce, obéissant à la volonté de Dieu, mais le Fils de Dieu ? Aussi ces hommes des nations seront, au jour du jugement, les témoins accablants de la juste condamnation d’Israël, qui a rejeté Dieu dans la personne de Christ venu en grâce.
En Luc 11: 29-32, l’instruction est quelque peu différente. Après avoir dit, au v. 29, qu’il ne serait pas donné à cette méchante génération d’autre signe que celui de Jonas, Jésus ajoute : « Car comme Jonas fut un signe aux Ninivites, ainsi aussi sera le Fils de l’homme à cette génération » (v. 30). Il assimile cette génération juive coupable, aux Ninivites, à un peuple païen.
Jonas, mort et ressuscité en figure, était non seulement un
prédicateur, mais un signe
aux
Ninivites, signe qui l’accréditait auprès d’eux. En effet, il ne s’agit pas,
dans ce passage, de la prédication, mais de la personne
de Jonas. Un Christ mort et ressuscité, reçu maintenant
parmi les nations comme Sauveur, et dont Jonas est le type, condamne désormais
Israël. Ce peuple était coupable de sa mort, et, en le ressuscitant, Dieu
déclarait sa pleine satisfaction de l’oeuvre de son Bien-aimé, dont Israël
n’avait pas voulu, ce qui le condamnait sans rémission. Le Seigneur ajoute :
« Des hommes de Ninive se lèveront au jugement avec cette génération et la
condamneront ; car ils se sont repentis à la prédication de Jonas, et
voici, il y a ici plus que Jonas » (v. 32). De fait, les Ninivites s’étaient
repentis sans signe
, tandis que les
Juifs en demandaient un. La prédication
de Jonas les avait amenés à la repentance ; sa parole avait produit ce
résultat. Qu’avaient-ils fait, ces Juifs, de la prédication du Christ ? Et
pourtant, quelle différence entre ces deux témoignages ! Jonas venait
annoncer le jugement
et la
destruction de Ninive, Christ venait annoncer la grâce
à son peuple coupable. Quel était donc l’endurcissement
d’Israël pour avoir rejeté un tel message ?
Tel est le type de Jonas dans le Nouveau Testament : Jonas
rejeté, Jonas passant trois jours et trois nuits dans les entrailles du
poisson, Jonas ressuscité : c’est Christ, et, comme tel, il est présenté aujourd’hui
à salut
à tous les hommes.
Le livre de Jonas nous montre, du reste, plus qu’aucun autre, que la prophétie ne peut être interprétée par l’accomplissement d’événements historiques, une des nombreuses erreurs de la théologie moderne, mais que Christ en est le but final et la seule solution.
Christ nous est présenté dans ce livre sous un second aspect.
Jonas y est un type de Christ, subissant lui-même la colère de Dieu dans son gouvernement
et en étant délivré, afin que
les fidèles de la fin (le résidu d’Israël), traversant la grande tribulation, y
trouvent l’encouragement et la consolation dont ils auront besoin pour la
supporter eux-mêmes. Cette vérité importante est résumée dans un passage
d’Ésaïe : « Il est devenu leur Sauveur. Dans toutes leurs détresses, il a été en
détresse, et l’Ange de sa face les a sauvés » (És. 63: 8). C’est ainsi que le
résidu de Juda, coupable du rejet du Messie, passant, en vertu de ce péché,
dans la fournaise et la détresse, et se trouvant lui-même rejeté, selon Matt. 16:
4, trouvera, quand il sera englouti dans les eaux profondes, qu’un autre, son
Sauveur et son Rédempteur, y a été avant lui et pour lui, et en a été délivré.
Quelle assurance une telle découverte donnera à son âme ! En effet, dans
la scène de Gethsémané, il a pu dire : « Au jour de ma détresse
, incline vers moi ton oreille » ; et : « J’ai mêlé de
pleurs mon breuvage, à cause de ton indignation et de ta colère ; car tu
m’as élevé haut, et tu m’as jeté en bas » (Ps. 102: 2, 9, 10). Lui-même a dit
aussi : « Les eaux me sont entrées jusque dans l’âme » (Ps. 69: 1). Lui-même,
dans les jours de sa chair, a offert, « avec de grands cris et avec larmes, des
prières et des supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort », et a
été exaucé à cause de sa piété (Héb. 5: 7). Nous voyons dans ces passages, et
dans beaucoup d’autres, Christ en Gethsémané, traversant le jour de la
« détresse » (Ps. 102: 2), et les angoisses du jugement mérité par son
peuple ; sympathisant avec lui, réalisant dans son âme ce qu’est la colère
de Dieu contre Israël coupable. C’est en considérant cela, que les fidèles du
Résidu de la fin seront encouragés dans leur piété, dans leur confiance en
Dieu, dans l’assurance de leur délivrance finale, et qu’ils pourront dire :
« Jusques à quand ? » certains qu’un jour ils seront exaucés. Ils
apprendront à connaître Christ dans la profondeur des eaux et partageant leur
détresse, mais ils sauront qu’il est sorti en résurrection du grand abîme, afin
qu’eux retrouvent la bénédiction sur « la terre des vivants ».
Cette délivrance que nous, chrétiens, possédons aujourd’hui, nous a ouvert le ciel ; celle d’Israël, aux derniers jours, lui ouvrira la terre renouvelée sous le règne du Roi de paix, en sorte que ce peuple pourra dire, avec la même certitude que nous aujourd’hui : « La délivrance est de l’Éternel ! »
Dieu se manifeste dans le livre de Jonas sous deux caractères.
S’il envoie la tempête comme un jugement sur son prophète infidèle et sur les
nations, il a un but de grâce envers ces dernières. Elles étaient jusque-là
complètement indifférentes et sans connaissance du vrai Dieu, mais Il amène les
matelots aux portes du sépulcre pour les faire crier à l’Éternel (1: 14 ;
Ps. 107: 23-32). Alors il se révèle à eux comme le Dieu Sauveur
qui sacrifie son prophète en leur faveur. Il faut
que le serviteur de Dieu soit livré
à la mort pour que des âmes, étrangères à Dieu, apprennent à le connaître et
soient amenées à le servir. Mais Dieu est aussi un Dieu Sauveur pour
son peuple
. Il ne peut supporter la désobéissance
et il faut qu’il punisse les transgressions, car il ne peut abandonner sa
justice et sa sainteté ; mais le ventre du poisson qui engloutit Jonas
recèle, pour ainsi dire, un autre Jonas obéissant et fidèle, qui souffre sans
cause, mais qui ressuscite, afin que, pour Israël, « la délivrance soit de
l’Éternel ».
Le second caractère de Dieu, révélé dans ce livre, est : « Un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus
de tout, et partout »
(Éph. 4: 6). Il est le Dieu créateur et conservateur
de tous les hommes et de toute la création animale. Il dirige à son gré les
éléments, les vents et la mer ; il prépare un grand poisson, un kikajon,
un ver, un vent d’orient, pour accomplir ses desseins. Sa Providence veille à
tout ; sa bonté universelle est partout. Ce « Dieu des cieux, qui a fait la
mer et la terre » (1: 9), les nations l’adoreront à la fin, quand elle
reconnaîtront le « Père de tous » dans le Dieu qui, « sans acception de personnes,
juge selon l’oeuvre de chacun » (1 Pierre 1: 17). L’amour de Dieu envers toutes
ses créatures est universel, et les hommes d’aujourd’hui veulent bien le
reconnaître, à condition que cela ne les oblige pas à se repentir. Tel ne fut
pas le cas de Ninive : quand ces gens des nations apprirent que le Dieu de
patience et de mansuétude allait les juger parce qu’ils l’avaient offensé, ils
furent poussés à la repentance. Dieu ne se révéla pas à Ninive comme l’Éternel,
le Dieu d’Israël, mais comme Dieu,
Elohim,
le Créateur (3: 5, 8, 9, 10). Cette ville, dont la méchanceté était montée
devant Dieu et qui se prosternait devant ses idoles, se repentit. Le jeûne fut
proclamé, et ce ne fut pas le Dieu Sauveur, mais le Dieu créateur
qui en tint compte et qui épargna Ninive pour un
temps.
La conversion des nations, aux derniers jours, par l’Évangile éternel
n’aura pas un autre caractère. L’ange qui l’annoncera dira à haute voix :
« Craignez Dieu
et donnez-lui gloire,
car l’heure de son jugement est venue ; et rendez hommage à Celui qui a
fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines d’eau » (Apoc. 14: 7). Les
nations se repentiront et seront épargnées pendant mille ans, comme Ninive le
fut pendant deux siècles.
Cette vérité élémentaire, l’amour universel de Dieu, la providence du « Père de tous », Jonas avait à l’apprendre. Il connaissait l’Éternel, le Dieu d’Israël, comme un Dieu miséricordieux sous la loi ; il le connaissait comme un Dieu Sauveur qui l’avait délivré, mais son orgueil de Juif ne pouvait admettre que le coeur de Dieu fût également ouvert pour toutes ses créatures. Son égoïsme le portait à penser que les soins de Dieu devaient se porter exclusivement sur sa personne à lui. Que Jonas fût épargné, à la bonne heure ; que la grande ville fût détruite, cela était nécessaire pour sauvegarder l’honneur du prophète ! N’est-il pas vrai que notre amour-propre nous laisse souvent ignorer les vérités les plus élémentaires touchant le caractère de Dieu ? Aussi la dernière leçon de ce livre est-elle destinée au prophète. La Providence de Dieu prépare un kikajon pour faire ombre sur la tête de Jonas et le « délivrer de sa misère ». Il compte, plein de joie, sur la protection que lui offre une plante, créature infime de Dieu, au lieu de regarder à Celui qui l’a préparée. Dieu donne la plante en pâture à un ver qu’il a préparé de même. Ainsi tout s’enchaîne dans les voies de la Providence. Le Créateur pense à tout, à une plante, à un ver, à un Jonas (quelle humiliation pour le prophète !), à une grande ville avec sa population tout entière et son roi, aux petits enfants incapables de distinguer entre leur main droite et leur main gauche, au bétail nombreux qui remplit les étables. Où est donc ton coeur, dit à Jonas le Père de tous, en regard du mien ? Ton égoïsme t’aveugle sur ce que je suis et tu t’irrites. Fais-tu bien de t’irriter ? Et me suis-je irrité contre toi ? Le coeur de Jonas est jugé, ou du moins convaincu d’égoïsme et d’orgueil. Le juste Job eut à faire une expérience semblable, mais dont la Parole nous fait connaître les résultats. Quand il rencontra le Dieu créateur, le Père de tous, face à face, il dit : « J’ai horreur de moi, et je me repens dans la poussière et dans la cendre ». Jonas, hélas ! le rencontra et dit : « Je fais bien de m’irriter jusqu’à la mort ». Tel est ici le dernier mot du prophète d’Israël ! Les matelots naviguent heureux et remplis de joie sur la mer apaisée ; Ninive repentante jouit de sa délivrance ; les regards du Père de tous cherchent les plus ignorantes de ses créatures pour les bénir ; un seul reste à l’écart, lui le dépositaire des secrets de Dieu, sombre et irrité, parce qu’étant occupé de lui-même il ignore le coeur de son Dieu !
Mais, nous l’avons déjà dit, cette bienveillance universelle du Père de tous n’est jamais de l’indifférence au mal. Ce même Père « juge selon l’oeuvre de chacun ». Il juge ceux qui s’aventurent sur la mer, confiants en la protection de leurs faux dieux ; il juge ses témoins qui, dans un esprit de désobéissance, s’éloignent de Lui ; il juge une nation pleine de « mauvaise voie et de violence » ; il n’épargne personne afin de sauver tous ces hommes, et quand la volonté de l’homme, plus obstinée chez un saint que chez le plus misérable pécheur, persiste à s’opposer à Lui et à le contredire, lui, le Père de tous, ne s’irrite pas, use de patience, d’une patience dont nous ne voyons ni le résultat, ni la fin, dans cette histoire.
Ainsi nous avons passé en revue dans ce livre, si particulier parmi les écrits prophétiques, tout l’ensemble de l’histoire de l’homme du commencement à la fin : l’histoire de la créature déchue, mais pourvue d’une vie nouvelle, celle du rejet d’Israël, celle de la grâce faite aux nations, celle d’un Résidu préservé dans la détresse, celle des nations de la fin recevant l’Évangile du royaume ; et, couronnant tout cet ensemble, le Christ se livrant lui-même et ressuscité d’entre les morts, le Dieu créateur dans lequel espéreront les nations, et le Dieu Sauveur dont il nous est dit : « C’est peu de chose que tu me sois serviteur… pour ramener les préservés d’Israël ; je te donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu’au bout de la terre » (És. 49: 6).