Le LIVRE du PROPHÈTE JOËL

par Henri Rossier


Table des matières :

1 - INTRODUCTION

2 - CHAPITRE 1 — L’avant-garde du jour de l’Éternel ou l’invasion des sauterelles

3 - CHAPITRE 2 : 1-27 — Le jour de l’Éternel ou l’invasion de l’Assyrien

4 - CHAPITRE 2 : 28-32 — L’effusion de l’Esprit

5 - CHAPITRE 3 — Le jour de l’Éternel ou le jugement des nations


1 - INTRODUCTION

Joël est exclusivement un prophète de Juda et de Jérusalem, différant en cela d’Osée qui, sans laisser Juda hors du cercle de sa vision, prophétisait au sujet d’Israël. Le dernier chapitre de notre prophète nous en fournit la preuve. Nous y trouvons le rétablissement des « captifs de Juda et de Jérusalem » (v. 1), les fils de Juda et de Jérusalem vendus aux étrangers (v. 6), et leur rendant la pareille (v. 8) ; le repeuplement définitif de Juda et de Jérusalem (v. 20). Partout le prophète insiste sur les bénédictions futures accordées à Jérusalem (2 : 32; 3 : 16, 17, 18, 19, 20) ; partout il mentionne le temple, la maison de l’Éternel (1 : 9, 13, 14, 16; 2 : 17) et la montagne de Sion (2 : 1, 15, 23, 32; 3 : 17). Telle est donc l’empreinte particulière de ce livre.

Cela est d’autant plus remarquable que, dans Joël, l’ennemi le plus en vue est l’Assyrien, dont l’invasion et la destruction finale remplissent tout le second chapitre de notre prophète (*). Or l’Assyrien historique est l’ennemi des dix tribus et l’agent de leur ruine et de leur dispersion définitive. Vis-à-vis de Juda, ou plutôt de Jérusalem (voyez l’histoire d’Ézéchias), il joue le rôle d’un ennemi vaincu et ne réussit pas à s’emparer de la ville, tandis que le grand ennemi de Jérusalem et l’agent de sa ruine est Nébucadnetsar, roi de Babylone (voyez Jérémie). Or Babylone est entièrement passée sous silence dans notre prophète. Il faut en tirer la conclusion que l’Assyrien de Joël n’a pas de rapport immédiat avec l’Assyrien historique et ses invasions successives, avec cet Assyrien dont les attaques remplissent à son déclin, l’histoire des dix tribus et la prophétie d’Osée. Joël nous occupe donc d’un Assyrien prophétique dont l’Assyrien historique, lequel, du reste, semble avoir été encore un ennemi futur au temps de Joël, n’est qu’un pâle reflet. Gog, l’Assyrien prophétique, occupera sans doute les mêmes territoires que ]’Assyrien d’autrefois, mais son domaine sera infiniment plus étendu, car ce grand et formidable ennemi de la fin réunira sous son sceptre presque toutes les nations de l’Asie, et c’est à lui, à Gog, que les prophéties nombreuses qui nous parlent de l’Assyrien historique nous reportent sans cesse. Comme donc le prophète Joël nous occupe exclusivement de Juda et de Jérusalem, le centre de sa prophétie nous présente l’Assyrien comme l’ennemi futur de Jérusalem. Ajoutons néanmoins qu’au chap. 3, toutes les nations sont comprises avec lui dans le jugement final des peuples.

(*) « Tout le chapitre », selon la Bible hébraïque, où le chap. 3 commence au chap. 2 : 28 de nos versions ordinaires.

À cette seconde remarque s’en rattache une troisième : Un fait particulier distingue Joël de tous les autres prophètes. Ne traitant que d’un ennemi futur, il n’assigne aucune date historique à sa prophétie.

Nous n’y trouvons, en effet, ni la mention des rois sous le règne desquels Joël prophétise, comme on le voit dans la plupart des prophètes ; ni même des allusions à certains événements qui font date dans l’histoire, comme en Ézéchiel, Abdias, Jonas, Nahum, Habakuk et Malachie. Sous ce rapport, Joël est isolé au milieu de tous les voyants. Nous ne savons pas quand eut lieu la calamité, mémorable cependant, dont le premier chapitre nous entretient. Le fameux tremblement de terre, autre événement, appartenant, comme celui-ci, à l’ordre des phénomènes naturels, a pour date les jours d’Ozias (Amos 1 : 1; Zach 14 : 5) ; mais les invasions successives des sauterelles à si brève échéance, et la famine qui les accompagna, ne sont mentionnées nulle part. On a prétendu que ces plaies étaient des figures des quatre invasions de l’Assyrien sur le territoire d’Israël, invasions auxquelles le prophète aurait assisté. Rien n’est moins prouvé, et nous ne craignons pas de dire que, s’il en était ainsi, le caractère de la prophétie de Joël en serait gravement altéré. Le prophète voit le jugement qu’il annonce se dérouler dans un avenir éloigné. Son regard visionnaire se porte d’une calamité inouïe, mais naturelle, et qui fait penser au jour de l’Éternel, sur des événements, cachés pour longtemps encore derrière le rideau de l’avenir, et dont cette calamité est l’image. Il tire le voile ; il rapproche les événements actuels de ceux de la fin, mais il saute, pour ainsi dire, par-dessus les jugements d’Israël par l’Assyrien, probablement encore futurs de son temps, mais qui sont à la veille de se produire — par-dessus les voies multiples de Dieu dans le gouvernement de son peuple, voies décrites avec une grande richesse de détails dans le prophète Osée ; pour arriver, d’un seul bond, en plein dernier jour, à la grande journée de l’Éternel.

En effet (et c’est ici notre quatrième remarque), toute la prophétie de Joël est restreinte au jour de l’Éternel et pourrait même porter ce titre. Nous aurons’ l’occasion de revenir en détail sur ce sujet dans le cours de cette étude. Il suffit de remarquer ici que le jour de l’Éternel est un jour de jugements manifestes et multiples, jugements sans lesquels l’accès aux bénédictions millénaires ne pourrait être ouvert. Ces jugements manifestes sont précédés de jugements providentiels qui, sans être le jour de l’Éternel, en donnent un avant-goût. Tel, le chapitre 1 de notre prophète, telle aussi la suite d’événements que le monde traverse au moment où nous écrivons ces lignes. Le but de tous les jugements de la fin est :

1° de glorifier le nom de Dieu qui a été déshonoré par la conduite des hommes, et ici en particulier d’Israël, son peuple terrestre.

2° D’abaisser l’orgueil des nations qui s’élèvent contre Lui (Abdias 15; Ésaïe 2 : 12-19), et d’apprendre la justice aux « habitants du monde » (Ésaïe 26 : 9). Aussi ce jour est-il terrible sur ceux qui ont péché contre l’Éternel (Soph. 1, 14-18). C’est un jour de destruction (Ésaïe 13 : 6-9), de vengeance (Ésaïe 61 : 2; 63 : 4; Jérémie 46 : 10), de colère (Soph. 2 : 2), de ténèbres (Amos 5 : 20). Ces jugements de la fin sont exercés par l’Éternel lui-même ; c’est pourquoi ce jour est appelé le jour de l’Éternel. Or c’est le Christ qui est l’Éternel, car Dieu « a établi un jour auquel il doit juger en justice la terre habitée, par l’homme qu’il a destiné à cela, de quoi il a donné une preuve certaine à tous, l’ayant ressuscité d’entre les morts » (Actes 17 : 31). — Ces jugements atteignent la terre habitée tout entière (Apoc. 3 : 10), comme nous le voyons dans tout le cours de l’Apocalypse ; seulement, quand nous abordons le prophète Joël, nous constatons d’emblée qu’ils ne dépassent pas, dans ce prophète, le cercle très restreint de Juda et de Jérusalem, et se meuvent dans le même cadre que les chapitres 12 à 14 du prophète Zacharie (*).

(*) Voyez le livre de Zacharie le prophète, par H. Rossier

3° N’oublions pas toutefois que les conseils de l’Éternel ne se limitent jamais à ses jugements et vont toujours au-delà. Les jugements de Dieu au dernier jour ont pour troisième but de délivrer son peuple terrestre, Israël, lequel ne peut être affranchi que de cette manière du joug des nations qui le foulent aux pieds. Le terrible jour de l’Éternel aura pour résultat final d’amener les hommes qui auront traversé les jugements, dans la jouissance des bénédictions du règne millénaire de Christ. Il n’en est pas tout à fait de même dans le Nouveau Testament. On peut remarquer dans la deuxième épître de Pierre, qui traite spécialement de ce sujet, au chapitre 3 : 10-13, que « le jour du Seigneur » (identique au « jour de l’Éternel ») dépasse le règne millénaire et nous conduit jusqu’à la dissolution de toutes choses, ce que l’Ancien Testament ne fait jamais. Dans cette deuxième épître de Pierre, le millénium n’est pas compté comme faisant partie du jour du Seigneur ; on est libre de l’y intercaler, pour ainsi dire, comme une parenthèse, après laquelle le jour du Seigneur reprend son cours, et alors « la terre et les oeuvres qui sont en elle » sont brûlées entièrement, pour faire place au « jour de Dieu », aux nouveaux cieux et à la nouvelle terre, « dans lesquels la justice habite » (2 Pierre 3 : 10-13). C’est donc à l’apparition du jour de Dieu que le jour du Seigneur prend fin dans le Nouveau Testament, tandis que dans l’Ancien Testament le jour de l’Éternel prend fin au millénium. Jamais la vision prophétique de l’Ancien Testament ne va jusqu’au jour de Dieu ; et l’éternité n’y dépasse pas le règne millénaire de Christ sur la terre, appelé un règne éternel, par la simple raison que c’est l’Éternel qui règne.

Joël nous montre, mais d’une manière très restreinte, les trois buts des jugements de Dieu dont nous venons de parler. L’Assyrien seul y est la verge de Dieu contre Juda et Jérusalem qui ont déshonoré l’Éternel. Quand Son but est atteint, Dieu détruit cet ennemi, parce que la cognée s’était glorifiée contre Celui qui s’en servait (Ésaïe 10 : 15), et juge, du même coup, toutes les nations qui sont montées contre Jérusalem (Joël 3). Le peuple entre enfin dans la bénédiction finale par le chemin de la repentance.


2 - CHAPITRE 1 — L’avant-garde du jour de l’Éternel ou l’invasion des sauterelles

Tandis que la prophétie d’Osée (*) est entièrement liée aux circonstances du règne des rois d’Israël et de Juda, circonstances que le prophète a traversées et dont il fait souvent mention, la prophétie de Joël est absolument indépendante de tous ces faits historiques. Un événement mémorable, dans l’ordre des calamités naturelles, s’abattant sur le pays de Juda, a eu lieu sous les yeux du prophète. Joël le considère comme un jugement sur son peuple, mais aussi comme un avertissement solennel à la repentance. Le chap. 24 d’Ésaïe a beaucoup d’analogie avec ce premier chapitre. Dans les deux cas il s’agit de la désolation du pays et de l’anéantissement de sa prospérité, à cause du péché de ses habitants. Il en est ainsi, en tout temps, de toutes les calamités qui frappent le monde, dans l’ordre des phénomènes naturels : éruptions volcaniques, tremblements de terre, inondations, ouragans, épidémies, dévastations par des parasites végétaux ou animaux, et avec quelle fréquence et quelle intensité ne se sont-ils pas répétés dans les années où nous vivons ! Dieu agit par ces plaies pour atteindre la conscience des hommes ; et, quand ils refusent d’écouter, il agit par des calamités plus terribles, par les guerres, les dévastations et le pillage dont nous trouvons l’exemple au chapitre 2 de notre prophète. Dieu a donc parlé d’abord à son peuple terrestre, puis à son Église, puis au monde par ces moyens, et si les hommes n’écoutent pas et ne reviennent pas à Lui, ils scellent eux-mêmes, par leur incrédulité, leur jugement définitif. Il est très important d’ouvrir les yeux sur le but de ces calamités providentielles. Si Juda et Jérusalem s’étaient repentis devant l’invasion des sauterelles, Dieu n’aurait pas eu besoin d’envoyer encore l’ennemi dans ses confins. De même, si les nations chrétiennes avaient écouté les avertissements que Dieu leur donnait par les convulsions sans précédent qui les ont ravagées dans ces dernières années, peut-être « sa colère se serait-elle détournée et sa main ne serait-elle plus étendue ». Au lieu de cela le monde a continué dans l’incrédulité au milieu de tant de désastres, refusant d’y voir la main de Dieu, et nous assistons aujourd’hui aux envahissements de l’ennemi, aux guerres, aux massacres, qui ne sont, hélas ! que le prélude des jours d’angoisse où les hommes diront aux montagnes et aux rochers : « Tombez sur nous ! » (Apoc. 6 : 16).

(*) Voyez le livre du prophète Osée, par H. R.

La calamité dont parle le premier chapitre consiste en invasions successives — inouïes dans un pays accoutumé cependant à ces plaies — de diverses espèces de sauterelles. « Ce qu’a laissé la chenille* , la sauterelle** l’a mangé ; et ce qu’a laissé la sauterelle, l’yélek*** l’a mangé, et ce qu’a laissé l’yélek, la locuste**** l’a mangé » (v. 4).

* Gazam, autrement dit criquet, jeune sauterelle sans ailes. ** Arbèh, sauterelle ailée arrivée à son entier développement. *** Yélek, autre espèce de sauterelle. **** Chasil, une troisième espèce de sauterelle, les deux premières, comme nous l’avons dit, étant le même insecte à deux degrés de développement.

Dieu avait jadis envoyé les sauterelles (arbèh), une des plaies d’Égypte, sur le pays du Pharaon, parce que ce roi refusait de s’humilier devant Dieu (Exode 10 : 3, 4). Moïse lui dit : Tu verras « ce que tes pères n’ont point vu, ni les pères de tes pères, depuis le jour qu’ils ont été sur la terre, jusqu’à ce jour » (Exode 10 : 6). Ici, Dieu les envoie, presque avec les mêmes paroles, sur le pays de Juda, l’assimilant, pour ainsi dire, au pays d’Égypte, dont Il avait jadis sorti son peuple : « Ceci est-il arrivé de vos jours, ou même dans les jours de vos pères ? Racontez-le à vos fils, et vos fils à leurs fils, et leurs fils à une autre génération » (v. 2, 3). Cette plaie-ci était plus extraordinaire encore que celle d’Égypte, en ce que des armées de sauterelles, d’espèces diverses, s’étaient successivement, année après année, abattues sur le pays. D’entre les neuf espèces de sauterelles que l’on trouve dans la Parole, quatre, mais les plus calamiteuses de toutes, sont mentionnées ici. Elles sont donc un jugement spécial et terrible sur Israël, car, il n’y a pas à s’y méprendre, elles ne sont point une plaie occasionnelle. Mais, notons-le bien, ce jugement n’exclut pas la possibilité de la repentance, selon ce que le Seigneur avait dit à Salomon : « Si je ferme les cieux et qu’il n’y ait pas de pluie, et si je commande à la sauterelle (chagab) de dévorer la terre… et que mon peuple, qui est appelé de mon nom, s’humilie, et prie, et cherche ma face, et revienne de ses mauvaises voies, moi aussi j’écouterai des cieux, et je pardonnerai leur péché, et je guérirai leur pays » (2 Chron. 7 : 13, 14). Cette repentance a-t-elle lieu dans le cas qui nous occupe ? Amos, prophète d’Israël, avait constaté l’inutilité de tous les jugements providentiels de Dieu, à l’égard des dix tribus : « La chenille (gazam) a dévoré la multitude de vos jardins, et de vos vignes, et de vos figuiers et de vos oliviers ; mais vous n’êtes pas revenus à moi, dit l’Éternel » (Amos 4 : 9). Et, dans Amos, cette phrase douloureuse se répète de verset en verset, à chaque calamité nouvelle. Alors l’Éternel « forma des sauterelles (gob), comme le regain commençait à pousser ; et voici, c’était le regain après la fauche du roi. Et il arriva, lorsqu’elles eurent entièrement mangé l’herbe de la terre, que je dis : Seigneur Éternel, pardonne, je te prie ! » (Amos 7 : 1, 2). L’Éternel lui répond en grâce : « Cela ne sera pas » (v. 3). On voit ici que l’intercession de l’homme de Dieu, tout seul, arrête l’entière destruction du peuple. De même l’avenir d’Israël dépendra de l’intercession d’un seul, Christ, que le prophète Amos représente, et il ne faudra rien moins que la grâce de Dieu, pour que la plaie disparaisse, mais, comme nous allons le voir dans le prophète Joël, non pas sans que cette grâce ait produit la repentance dans le coeur du peuple de Dieu. Il en fut autrement pour le Pharaon d’Égypte : Le vent d’orient avait amené l’armée des sauterelles ; sur l’intercession de Moïse, le vent d’occident les enleva et les noya dans la mer Rouge. Mais l’humiliation, dans le coeur du roi endurci, n’était qu’extérieure et n’avait aucune racine dans sa conscience. Quoiqu’il eût dit : « J’ai péché contre l’Éternel, votre Dieu, et contre vous ; et maintenant, pardonne, je te prie, mon péché seulement pour cette fois » ; il était décidé à ne point laisser aller les fils d’Israël (Exode 10 : 12-20). Cependant, n’est-il pas remarquable que, même dans ce cas, une seule manifestation extérieure et superficielle de repentance arrête, momentanément du moins, la main de l’Éternel ? Il connaît bien l’état du coeur du Pharaon et, ses dispositions les plus secrètes ne sauraient lui échapper, mais il est un Dieu de patience et de grâce qui se plaît à reconnaître la plus légère inclination du pécheur vers le bien, pour lui ouvrir l’accès à une repentance réelle et sincère. Les voies multiples de Dieu envers son peuple tendent à produire ce résultat dans la conscience de tous, afin de pouvoir les bénir. De là vient l’apparence souvent inexorable de ses jugements.

La première parole du prophète nous montre cet appel à la conscience : « Ecoutez ! » (v. 2), la seconde : « Réveillez-vous ! » (v. 5). C’est Dieu qui parle ; il faut que celui qui a des oreilles écoute. Il faut, quand les calamités s’abattent sur le monde, que les âmes y distinguent un appel de Dieu et que ceux qui sont couchés dans les ténèbres (1 Thess. 5 : 7) se réveillent. Quand ils sont réveillés, il est impossible que les plus endurcis ne pleurent pas et ne sentent pas l’acuité de la douleur : « Hurlez », dit le prophète, « vous tous, buveurs de vin. » « Hurlez, vignerons. » « Hurlez, vous qui servez l’autel » (v. 5, 11, 13).

Mais le cri de douleur le plus aigu est encore loin d’être la repentance. Pour la produire, Dieu envoie une seconde cause d’affliction, sur laquelle le prophète insiste, une perte plus terrible que celle des récoltes, et qui en est la conséquence, une perte destinée à atteindre profondément la,conscience du peuple. Cette cause d’affliction est qu’il a perdu l’Éternel et ne peut plus s’approcher de Lui. « Gémis », dit le prophète, « comme une vierge ceinte du sac, sur le mari de sa jeunesse » (v. 8). Pauvre peuple ! pleure ton époux ; l’Éternel est mort pour toi ; tu ne le reverras pas ! Il n’y a plus moyen de présenter l’offrande du gâteau (voyez Lév. 2) et sa libation dans la maison de l’Éternel, car le blé et la vigne sont dévorés, les arbres fruitiers sans fruit, le figuier rongé jusqu’à l’écorce, le produit des champs perdu (v. 9, 13, 16). Peut-on venir à l’Éternel les mains vides, sans lui apporter l’hommage qui lui est dû ? Une sacrificature qui n’a plus rien à offrir est inutile. Dieu cache sa face : « la joie est tarie du milieu des fils des hommes » (v. 12). Ils n’ont plus même la ressource de se réjouir dans les produits de la terre, bénédiction que l’homme a préférée à toutes les autres, depuis que Cain fut chassé de la présence de Dieu, car voici que Dieu ôte tout l’ornement, tous les rafraîchissements, tous les aliments de la vie ! En ces jours de deuil, de honte et de douleur, tout espoir de trouver quelque consolation dans la présence du Dieu qu’on a tant de fois méprisé doit être complètement abandonné. Que reste-t-il à l’homme ? Une seule chose, la repentance, et c’est à cela, avons-nous dit, que tendent toutes les voies de Dieu à son égard. Si, comme nous l’avons noté dans Amos, la grâce et la médiation de Christ sont la seule ressource, la repentance est ici pour le peuple le seul moyen de profiter, de la grâce. Aussi Dieu fait-il dire à Juda et à Jérusalem, par son prophète : « Sanctifiez un jeûne, convoquez une assemblée solennelle ; assemblez les anciens, tous les habitants du pays, à la maison de l’Éternel, votre Dieu, et criez à l’Éternel ! » (v. 14.) Dernière, unique ressource ! Qu’ils invoquent le Dieu qu’ils ont offensé ! Qu’ils l’invoquent des lieux profonds ! Mais qui subsistera, si Lui prend garde aux iniquités ? Et cependant, peut-être y aura-t-il pardon par devers lui ? Ce qu’il faut avant tout, c’est de « sanctifier un jeûne ». Il faut que le peuple exprime devant Dieu l’affliction du péché qui oblige l’Éternel de recourir à ces extrêmes sévérités. Il faut que Juda, que les hommes, mènent deuil avec une repentance sincère et générale. Faible, mais unique espoir !

Avant même qu’ils aient pu répondre à cet appel pressant, voici qu’une nouvelle calamité s’ajoute à la première (v. 15-20). Une chaleur dévorante, ou peut-être l’incendie qui l’accompagne, anéantit les « pâturages du désert », ressource habituelle du gros et du menu bétail. Les cours d’eau ont tari sous l’influence de la sécheresse. Les réserves du désert (il s’agit ici de certaines parties inhabitées du territoire de Juda, bien connues de David fugitif) en fourrage étaient inépuisables pour les troupeaux dans les années d’abondance. La famine s’abat sur tous, hommes et bêtes. Cette extrémité fait naître la pensée du jour de l’Éternel : « Hélas, quel jour ! car le jour de l’Éternel est proche, et il viendra comme une destruction du Tout-Puissant. » L’épouvante d’un renversement général et final s’empare des coeurs. Notre génération actuelle a le même pressentiment en face des bouleversements qui l’agitent, et c’est aussi ce que ressentiront les hommes, bien avant les derniers jugements quand le Seigneur ouvrira le sixième sceau et qu’un ébranlement général viendra les réveiller. Alors ils diront : « Le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister ? » (Apoc. 6 : 17). Et pourtant ils se tromperont, car ce ne sera qu’un commencement de douleurs et non pas encore la venue du jour. Cette venue, nous allons y assister aux chap. 2 et 3 de notre prophète (*).

(*) N’oublions pas que même cette scène de désolation, affectant la création, aura disparu quand Israël sera réconcilié avec l’Éternel. Alors il sera dit : « Tu as visité la terre, tu l’as abreuvée, tu l’enrichis abondamment : le ruisseau de Dieu est plein d’eau… tes sentiers distillent la graisse. Ils distillent sur les pâturages du désert Les prairies se revêtent de menu bétail » (Ps. 65 : 9-13).

Le jeûne est proclamé, la terreur du jour de l’Éternel est profondément ressentie ; mais il faut encore, comme nous l’avons déjà remarqué dans Amos, qu’un messager, qu’un médiateur, un entre mille, se présente, comme Élihu à Job, et dise : « Délivre-le ! » (Job 33 : 23, 24). Ce médiateur est trouvé. Un seul homme qui est ici, en Amos, en Jérémie, le prophète lui-même, comme type de Christ, se tient devant Dieu pour le peuple : « À toi, Éternel, je crierai ! » (v. 19). Y a-t-il une condamnation plus absolue de l’homme ? Quand il leur avait été dit : « Criez à l’Éternel ! » (v. 14), un seul répond : « A toi, Éternel, je crierai ! » Mais cela suffit à Dieu : Un seul juste se trouve au milieu de cette génération perverse, un seul, sur lequel ses yeux reposent. Nous trouvons donc deux choses, indispensables pour la délivrance, réunies dans ce premier chapitre : La repentance et la grâce qui peut y répondre parce qu’elle repose tout entière sur Christ, sur la personne du Juste devant Dieu.


3 - CHAPITRE 2 : 1-27 — Le jour de l’Éternel ou l’invasion de l’Assyrien

Devant les invasions de sauterelles, si désastreuses que les hommes sont obligés d’y reconnaître un jugement de Dieu, devant les circonstances solennelles qui les accompagnent, telles que l’interruption des fonctions sacerdotales et des relations du peuple avec Dieu, enfin devant la terrible famine les hommes crient : « Hélas ! quel jour ! car le jour de l’Éternel est proche ! » — Mais tous ces événements, dont Joël est le témoin, ouvrent une scène lointaine devant ses yeux visionnaires. Il voit dans ces maux un tableau des choses futures, un symbole des calamités qui accompagneront le jour de l’Éternel. Ne devrait-il pas en être ainsi aujourd’hui, quand nous assistons aux bouleversements dont le monde est le théâtre ?

La prophétie de Joël, si différente de celle d’Ésaïe et d’Osée, nous l’avons déjà noté dans l’Introduction, a soin de garder un silence complet sur les événements historiques. Nous ne sommes donc pas autorisés à les introduire ici, comme dans les autres prophètes. La plaie des sauterelles, à quelque moment qu’elle ait eu lieu, est le point de départ ; l’attaque de l’Assyrien prophétique contre Juda et Jérusalem, au chap. 2, en est l’application symbolique. Le prophète Ésaïe porte continuellement nos regards de Sankhérib, l’Assyrien historique, à l’Assyrien de la fin, et part du caractère et du sort de l’un pour prédire le caractère et le sort de l’autre ; le prophète Joël passe absolument sous silence le premier. Pour lui, l’invasion assyrienne de la fin dans le pays de Juda est un trait caractéristique du « jour de l’Éternel, grand et fort terrible ». Les événements du chap. 1 y font penser, mais n’en sont qu’un faible avant-coureur.

L’Assyrien joue donc un rôle capital dans les événements qui précéderont l’établissement du règne millénaire de Christ, tel qu’il est décrit à la fin de notre chapitre, v. 23-27, et au chapitre 3, v. 18 à 21. Peut-être serait-il plus exact de parler ici d’une confédération assyrienne dont le chef politique, le Gog d’Ézéchiel (chap. 38 et 39), ou le chef militaire, le Roi du Nord de Daniel (chap. 8 et 11, 40-45), est appelé dans notre prophète : « Celui qui vient du Nord… qui s’est élevé pour faire de grandes choses » (2 ; 20). Cette armée symbolique des sauterelles a toujours un roi (voyez notre chapitre et Apoc. 9 : 11), tandis que, considérées au point de vue non symbolique, comme au chap. 1, il est dit : « Les sauterelles n’ont point de roi, mais elles sortent toutes par bandes » (Prov. 30 : 27).

Nous nous sommes déjà occupés en détail de l’Assyrien dans d’autres écrits et ne jugeons pas nécessaire d’y revenir (*) ; nous nous bornerons donc à quelques remarques supplémentaires sur ce terrible ennemi d’Israël aux derniers jours. Le roi du Nord de Daniel et le Gog d’Ézéchiel n’ont rien de commun avec Babylone, quoique le prophète Jérémie parle souvent des armées du Nord, du peuple du Nord, du pays du Nord au sujet de Nébucadnetsar et de Babylone, et aussi des Mèdes et des Perses qui plus tard conquirent la Chaldée. Gog, dont le domaine primordial s’est étendu graduellement vers le Nord jusqu’au fond de la Russie et de l’Asie, est le descendant et le successeur de l’Assyrien historique. La confédération assyrienne de la prophétie comprend tous les territoires qui sont sous la domination de Gog. Le roi du Nord, domine sur l’Asie Mineure qui, primitivement, a fait partie du domaine de l’Assyrien historique, mais est devenu un royaume séparé sous Seleucus, l’un des quatre successeurs d’Alexandre, puis sous les Antiochus. Sans être identique à Gog, le roi du Nord s’identifie avec lui, agit conjointement avec lui et joue un rôle prépondérant comme chef de ses armées (**). L’Assyrien d’Ésaïe est l’Assyrien historique, reparaissant aux derniers jours, longtemps après que Babylone qui avait jadis subjugué, anéanti et englobé son royaume, a disparu pour toujours. En effet, Babylone ne sera jamais rétablie, excepté sous forme symbolique, pour caractériser, dans l’Apocalypse, la corruption de la chrétienté apostate retombée aux derniers jours dans l’idolâtrie. Un seul des quatre empires universels, l’empire romain, ressuscitera comme tel et sera un sujet d’étonnement pour le monde entier. Sous la direction de Gog, chef de la Russie, la confédération assyrienne sera le grand antagoniste de l’empire romain occidental, ressuscité, et de son allié, l’Antichrist, faux Messie et faux prophète, roi du peuple juif apostat. C’est l’Assyrien qui, dans le conflit de la fin, envahira la Palestine et spécialement la Judée et Jérusalem.

(*) Voyez : L’histoire prophétique des derniers jours, par H. R., pages 23-31. Le livre de Zacharie le prophète, par H. R., pages 97, 110.

(**) Plusieurs mettent en doute le rôle militaire du roi du Nord, mais son caractère historique comme roi de l’Asie-Mineure et général d’armée, et son caractère prophétique qui n’en diffère en rien, nous semblent ressortir très clairement de l’étude du chap. 11 de Daniel (v. 5-19 et v. 40-45).

La confédération assyrienne des derniers jours a Gog pour chef politique (Ézéch. 32 : 22-30; 38 : 1-6). C’est de lui que l’Éternel a « parlé dans les jours d’autrefois », par ses serviteurs « les prophètes d’Israël, qui, en ces jours-là, pendant des années ont prophétisé » que l’Éternel le ferait venir contre eux (Ézéch. 38 : 17). Or les prophètes d’Israël annonçaient l’Assyrien, ce qui prouve que Gog et l’Assyrien sont le même personnage (*).

(*) Voyez encore sur l’Assyrien : És. 5 : 26-30; 7 : 18-25; 10 : 12; 14 : 24; 18 : 2; Ézéch. 31 : 12; Michée 5 : 5; Nahum 3; et sur le roi du Nord : Dan. 8 : 21-24 ; 11 : 40-45; Joël 2 : 20.

Dans notre chapitre, l’Assyrien avec ses armées est comparé aux sauterelles du chap. 1. En une seule occasion la Parole nous présente un ennemi méridional sous cette image, et cela s’accorde parfaitement avec l’origine des sauterelles, venant presque invariablement du Sud et de l’Orient. C’est en Juges 6, 5, où Madian, Amalek et les fils d’Orient viennent contre Israël « nombreux comme des sauterelles ». Dans tous les autres passages, cette image est employée pour désigner l’ennemi du Nord. Ainsi en Jér. 46 : 20, 23; 51 : 14, 27 et dans notre chapitre. Le fait que l’armée des sauterelles vient du Nord confirme donc le caractère symbolique de cette invasion.

Examinons maintenant les détails de notre chapitre :

« Sonnez de la trompette en Sion, sonnez avec éclat dans ma sainte montagne ! Que tous les habitants du pays tremblent, car le jour de l’Éternel vient ; car il est proche, un jour de ténèbres et d’obscurité, un jour de nuées et d’épaisses ténèbres : c’est comme l’aube qui s’étend sur les montagnes — un peuple nombreux et fort, tel qu’il n’y en eut jamais, et qu’après lui il n’y en aura point jusqu’aux années des générations et des générations » (v. 1, 2).

La pensée que le jour de l’Éternel est proche, pensée suscitée par la calamité tombée sur Juda (1 : 15), est le point de départ de ce qui va suivre. Joël voit une armée future, semblable aux nuées de sauterelles, image, comme nous l’avons vu, familière à la prophétie. Cette armée est bien plus terrible que celle des insectes dévastateurs. Il est dit de ces derniers, plaie d’une intensité inouïe jusqu’à ce jour-là : « Ceci est-il arrivé de vos jours, ou même dans les jours de vos pères ? » (1 : 2) ; mais des armées du chap. 2, il est dit : « Un peuple… tel qu’il n’y en eut jamais, et qu’après lui, il n’y en aura point jusqu’aux années des générations et des générations. »

L’éveil est donné, il faut signaler leur approche : « Sonnez de la trompette en Sion, sonnez avec éclat dans ma sainte montagne ! » En deux occasions la sonnerie des trompettes d’argent avait lieu avec éclat en Israël : D’abord pour le départ du camp, ensuite pour aller à la guerre contre l’ennemi. Dans ce dernier cas, la sonnerie avec éclat rappelait le peuple en mémoire devant l’Éternel et ils étaient délivrés de leurs ennemis (Nombres 10 : 1-9). C’est cette occasion qui nous est rappelée ici. L’armée innombrable des Assyriens envahit la terre de Juda. Comment lui tenir tête ? Une poignée d’hommes peut-elle être de quelque ressource devant ce puissant adversaire ? Pourtant la trompette sonne avec éclat dans Sion et sur la sainte montagne : il faut se rassembler. Pour combattre ? Quelle folie ! Ne comprenez-vous pas que ce serait combattre contre l’Éternel ? Cette armée, tu ne t’en doutais pas, pauvre peuple aveuglé, est l’armée de l’Éternel ! « L’Éternel fait entendre sa voix devant son armée » (v. 11). Il ne reste donc aucune ressource ! Aucune, sinon que l’Éternel est avec ceux qui sont contre vous. C’est à Lui que vous avez affaire. Sonnez de la trompette avec éclat, non pas pour combattre un ennemi devant lequel vous devez nécessairement succomber, mais Pour vous rappeler en mémoire devant Dieu. En mémoire ? N’est-ce pas lui rappeler notre culpabilité ? Sans doute, mais qui sait ? Il n’y a pas rien que la vengeance dans le coeur du Juge. Peut-être abandonnera-t-il la verge de son jugement pour s’intéresser à vous. « Auprès de Lui est la bonté. » Telle est la vraie signification de ce passage, et la solution à laquelle l’Esprit de Dieu veut amener son peuple coupable. Hélas ! le résultat voulu est encore loin d’être produit ici et nous verrons ce qui manque encore pour que la bénédiction puisse se répandre sur Juda et Jérusalem, quand nous considérerons au v. 15 le second usage des trompettes.

« Que tous les habitants du pays tremblent, car le jour de l’Éternel vient ; car il est proche » (v. 1). Ici le jour de l’Éternel vient. Ce n’est plus, comme au chap. 1, 15, une anticipation de ce jour : « Il est proche, et il viendra », mais : il vient, il est proche. C’est le commencement de ce jour terrible dont il est dit : « Un jour de ténèbres et d’obscurité, un jour de nuées et d’épaisses ténèbres : c’est comme l’aube qui s’étend sur les montagnes » (v. 2), non pas pour amener la lumière sur le monde, mais, au contraire, les ténèbres, comme il est dit en Amos 4 : 13. Mais ces ténèbres sont loin d’équivaloir à celles qui nous seront décrites plus tard (2 : 30, 31; 3 : 15) ; nous n’avons encore ici que les premiers phénomènes du jour de l’Éternel. L’ennemi, semblable à une armée de sauterelles, comme une épaisse nuée obscurcit la lumière du jour prête à paraître. Ézéchiel 38 : 9 dit de même, en parlant de l’Assyrien : « Tu monteras, tu viendras comme une tempête, tu seras comme une nuée pour couvrir le pays, toi et toutes tes bandes, et beaucoup de peuples avec toi. » Si l’avant-goût du jour de l’Éternel avait été donné par la plaie du chap. 1, l’arrivée de ce jour est liée à l’invasion future de l’Assyrien.

Partout où cette armée a passé, le pays, semblable au jardin d’Eden, comme au temps, où Lot contemplait la plaine du Jourdain, est entièrement dévasté : « Devant lui un feu dévore, et une flamme brûle après lui ; devant lui le pays est comme le jardin d’Eden, et après lui, la solitude d’un désert ; et rien ne lui échappe. » C’est une allusion à la seconde partie des calamités du chap. 1 (v. 19, 20). Puis vient la description de cette armée : « Leur aspect est comme l’aspect des chevaux, et ils courent comme des cavaliers. Ils sautent : … c’est comme le bruit des chars sur les sommets des montagnes, comme le bruit d’une flamme de feu qui dévore le chaume, comme un peuple puissant rangé en bataille » (v. 4, 5). Le prophète a assisté à l’invasion des sauterelles et lui emprunte ses images. Tous ceux qui ont été témoins de ces invasions les décrivent de la même manière. Un observateur dit : « Cette immense armée au repos faisait une sorte de bruit particulier en mangeant. Ce bruit, nous l’entendions avant d’atteindre le corps d’armée. » Un autre dit : « Il est difficile d’exprimer l’effet que produisit en nous la vue de toute l’atmosphère, remplie de tous les côtés et à une très grande hauteur, d’une innombrable quantité de ces insectes, dont le vol était lent et uniforme, et dont le bruit ressemblait à celui de la pluie ; le ciel en était obscurci, et la lumière du soleil considérablement affaiblie … » Un autre dit encore : « Réunis en un corps compact et formant de vastes bataillons, et, suivant une direction rectiligne, gardant leurs rangs comme des hommes de guerre, ils escaladèrent les arbres, les murs et les maisons et détruisirent toute la verdure qu’ils rencontrèrent en chemin. Bien plus, ils s’introduisirent dans toutes les maisons et dans les chambres à coucher comme des voleurs. »

Mais ici, la description de l’ennemi dépasse le phénomène : « C’est comme le bruit des chars sur les sommets des montagnes… comme un peuple puissant rangé en bataille… ils se précipitent à travers les traits et ne sont pas blessés… ils se répandent par la ville » (v. 5-9). C’est « l’armée de l’Éternel », « le puissant exécuteur de sa parole ». Au v. 1, le jour vient, car il est proche, au moment où la trompette sonne avec éclat ; maintenant : « Le jour de l’Éternel est grand et fort terrible ; et qui peut le supporter ? » (v. 11). Au chap. 3 : 14, nous le voyons encore « proche dans la vallée de jugement ».

Le peuple de Jérusalem prend-il garde au son éclatant de la trompette ? Hélas ! dans ce temps futur il ne l’entendra pas plus qu’aux jours d’autrefois. Tous les prophètes nous renseignent sur ce point. Jérusalem, se confiant dans son alliance avec l’empire romain et l’Antichrist, se vantera d’avoir fait « une alliance avec la mort, et… un pacte avec le shéol ». Elle dira : « Si le fléau qui inonde passe, il n’arrivera pas jusqu’à nous » (Ésaïe 28 : 15). L’ennemi la surprend ; la ville est en son pouvoir. Remarquez qu’il ne s’agit ici que de la ville, Jérusalem, et de sa muraille. C’est là, en effet, que toute cette scène de Joël se passe ; c’est en Sion, qu’on est appelé à sonner avec éclat de la trompette. L’armée escalade la muraille, se répand dans la ville, monte dans les maisons, entre par les fenêtres. Jérusalem est ici en contraste avec les autres villes du territoire d’Israël. En Ézéchiel, ce même ennemi, Gog, dit : « Je monterai dans un pays de villes ouvertes, je viendrai vers ceux qui sont tranquilles, qui habitent en sécurité, qui tous habitent là où il n’y a pas de murailles et chez qui il n’y a ni barres ni portes, pour emporter un butin et faire un pillage… sur un peuple rassemblé d’entre les nations, qui… habite le centre du pays » (Ézéch. 38 : 11-22). D’autre part, Zach. 14 : 2 nous apprend que Jérusalem sera assiégée et que la ville (ce mot est répété trois fois ; voyez aussi Luc 24 : 49) sera prise par ce même ennemi. Enfin Ésaïe nous apprend que la ville ne sera pas épargnée devant « le fléau qui inonde », c’est-à-dire l’Assyrien, mais que, lorsque viendra la délivrance, on ne s’appuiera plus désormais sur « l’enregistreur » et« celui qui compte les tours » (Ésaïe 28 :14-21; 33 :18). Nous voyons donc que, en contraste avec « les villes ouvertes », Jérusalem, la capitale, centre de la résistance à l’ennemi du Nord, sera fortifiée. Mais le prophète va plus loin et son langage nous montre clairement que l’armée des sauterelles n’est qu’une image affaiblie de l’invasion future de l’Assyrien. « Devant eux la terre tremble, les cieux sont ébranlés, le soleil et la lune sont obscurcis, et les étoiles retirent leur splendeur » (v. 10). C’est que « l’Éternel fait entendre sa voix devant son armée, car son camp est très grand, car l’exécuteur de sa parole est Puissant ; parce que le jour de l’Éternel est grand et fort terrible ; et qui peut le supporter ? » Ce n’est plus, comme au commencement du chapitre, le jour qui vient, mais maintenant il est là. La question se pose de nouveau : Que faire ? Le chap. 17 : 30, 31 des Actes nous donne la réponse : « Dieu… ordonne maintenant aux hommes que tous, en tous lieux, ils se repentent ; parce qu’il a établi un jour auquel il doit juger en justice la terre habitée, par l’homme qu’il a destiné à cela, de quoi il a donné une preuve certaine à tous, l’ayant ressuscité d’entre les morts. » La repentance en présence du jugement est donc la seule chose nécessaire aux hommes ; et c’est ce que nous trouvons aussi dans notre prophète. Il y a, encore maintenant, dit-il, place pour la repentance : « Ainsi, encore maintenant, dit l’Éternel, revenez à moi de tout votre coeur, avec jeûne, et avec pleurs, et avec deuil ; et déchirez vos coeurs et non vos vêtements, et revenez à l’Éternel, votre Dieu ; car il est plein de grâce et miséricordieux, lent à la colère et grand en bonté, et il se repent du mal dont il a menacé » (v. 12, 13). Il appelle le peuple à cela, comme il est dit en Osée 6 : 1: « Venez, retournons à l’Éternel, car lui a déchiré, et il nous guérira ; il a frappé, et il bandera nos plaies », ou en Jacques 4 : 9: « Sentez vos misères, et menez deuil et pleurez. Que votre rire se change en deuil, et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous élèvera. » « Qui sait ? il reviendra et se repentira, et laissera après lui une bénédiction, une offrande et une libation à l’Éternel, votre Dieu » (2 : 14). L’offrande et la libation avaient disparu de la maison de l’Éternel, alors que ses jugements préliminaires S’abattaient sur le peuple (1 : 9, 13). Peut-être les retrouveront-ils maintenant s’ils se repentent. Nous apprenons, en effet (És. 66 : 20; voyez aussi 18 : 7), que tel sera le cas à la fin des temps quand le Résidu d’Israël sera retourné à l’Éternel : Ce sera comme les fils d’Israël « apportant l’offrande dans un vase pur à la maison de l’Éternel. » Alors l’offrande et la libation seront le Résidu croyant lui-même, offert à Dieu comme étant à Lui et pour Lui. Seulement cette repentance, pour être efficace, doit être véritable et non extérieure : « Déchirez vos coeurs et non vos vêtements » (v. 13; voyez aussi Zach. 12 : 10-14).

Ainsi toutes les parties de la prophétie s’accordent pour nous montrer que la bénédiction future des Juifs dépendra du retour, avec une humiliation véritable, au Dieu qu’ils ont offensé. Le premier appel de la trompette au son éclatant pour rappeler le peuple en mémoire devant Dieu, quand l’Assyrien et son armée, verge de l’Éternel, s’abattait sur Jérusalem, n’avait pas été entendu (2 : 1), et cet endurcissement avait eu pour résultat, comme nous venons de le voir, la prise de la ville par le roi du Nord, que Zacharie nous décrit d’une manière si frappante, et dont ce chapitre nous entretient (*). Après ce désastre, les fidèles entendront-ils l’appel que le Dieu de grâce adresse à leur conscience ? Il leur dit : « Revenez à l’Éternel, votre Dieu ; car il est plein de grâce et miséricordieux, lent à la colère et grand en bonté, et il se repent du mal dont il a menacé » (v. 13). Il prend ici les titres révélés à Moïse en Exode 34 : 6, 7, car il ne faut pas oublier que le peuple, c’est-à-dire les fidèles du Résidu futur d’Israël, seront encore sous l’alliance de la loi. Mais le prophète ajoute ici : « Il se repent du mal dont il a menacé ». Au moindre signe de repentance, l’Éternel revient en arrière, se repent, change de disposition dans ce contrat légal où les deux parties sont engagées. La nouvelle alliance, cette alliance unilatérale, dépendant uniquement de la grâce de Dieu envers son peuple, n’aura lieu que lorsque l’Esprit de Dieu aura produit une vraie repentance dans le coeur d’Israël.

(*) Voyez le « livre de Zacharie le prophète » et « L’histoire prophétique des derniers jours », pages 31-39.

Les v. 15-17 sont la réponse à l’invitation des v. 12-14. Sous la pression de l’ennemi qui a envahi Jérusalem, l’appel pressant à s’humilier est entendu. Il n’a pas fallu moins que cette calamité finale pour atteindre enfin la conscience des élus. « Sonnez de la trompette en Sion, sanctifiez un jeûne, convoquez une assemblée solennelle. » Ici la trompette ne sonne plus avec éclat, car il ne s’agit pas de faire face à l’ennemi qui presse le peuple dans son pays, mais de réunir la congrégation. « Quand on réunira la congrégation, est-il dit, vous sonnerez, mais non pas avec éclat. Les fils d’Aaron, les sacrificateurs sonneront des trompettes » (Nombres 10 : 7, 8). Cette réunion n’a pas encore le caractère de ce que sera la réunion millénaire, la « grande congrégation », dont il est dit : « Dans vos jours de joie, et dans vos jours solennels, et au commencement de vos mois, vous sonnerez des trompettes sur vos holocaustes, et sur vos sacrifices de prospérités, et elles seront un mémorial pour vous devant votre Dieu » (Nombres 10 : 10) — mais elle précède la réunion définitive qui ne peut avoir lieu sans elle. C’est un rassemblement de quelques-uns, du Résidu croyant à Jérusalem, dans le jeûne solennel, l’humiliation et les larmes.

N’en est-il pas de même pour les fidèles dans le jour actuel ? L’humiliation nationale ne trouve pas aujourd’hui plus d’écho réel parmi les populations frappées de désastres sans précédents, qu’elle n’en trouvait en Juda, appelé à « sanctifier un jeune » lors de la plaie des sauterelles (1 : 14) ; mais la repentance est la part de quelques-uns que le Seigneur a scellés et qui « soupirent et gémissent » au milieu d’un monde rebelle. Il s’agit d’une repentance réelle et non extérieure, d’une repentance où les fidèles d’entre le peuple déchirent leurs coeurs et non leurs vêtements (v. 13). La ruine de l’Église, le jugement final sur la chrétienté, l’humiliation d’avoir contribué à cet état de choses et d’avoir déshonoré le nom de Christ, produisent la repentance dans le coeur d’un petit nombre qui, dans cet esprit, représentent l’Assemblée. Le pauvre Résidu de Jérusalem et de Juda humilié formera le peuple futur et deviendra le noyau de l’Israël terrestre millénaire, comme le Résidu chrétien d’aujourd’hui est le représentant de la grande assemblée céleste. Cependant l’humiliation de Jérusalem diffère encore en plus d’un point de la nôtre. D’abord elle est amenée, non par l’annonce des jugements futurs, mais par le jour grand et fort terrible de l’Éternel que ces fidèles traverseront en même temps que le peuple apostat, tandis que la nôtre a lieu avant la « colère à venir ». Ensuite la scène se passe, avec la conscience que la relation du peuple avec Dieu est rompue, tandis que pour nous, si le péché interrompt notre communion avec Dieu, il n’interrompt jamais notre relation avec Lui, basée sur l’oeuvre accomplie de Christ.

Combien cette scène future sera solennelle : « Assemblez le peuple, sanctifiez la congrégation, réunissez les anciens, assemblez les enfants et ceux qui tètent … ; que l’époux sorte de sa chambre, et l’épouse de sa chambre nuptiale ! » (v. 16). Toutes les classes de la population sont conviées à la repentance ; même les enfants à la mamelle doivent porter le poids de la culpabilité du peuple ; du plus grand au plus petit, personne n’est exempt de la réprobation. Les jouissances les plus intimes de la famille sont abandonnées pour venir célébrer le jeûne. Toutes les autorités civiles et religieuses y ont part : « Que les sacrificateurs, les serviteurs de l’Éternel, pleurent entre le portique et l’autel. » Ils n’osent même se tenir devant l’autel. N’ont-ils pas rejeté, puis crucifié l’Agneau de Dieu, le seul qui pût les réconcilier avec l’Éternel ? Ils disent : « Épargne ton peuple, ô Éternel, et ne livre pas ton héritage à l’opprobre, en sorte qu’ils soient le proverbe des nations. Pourquoi dirait-on parmi les peuples : Où est leur Dieu ? » On voit ici que, malgré tout, et dans un temps où ils sont encore sous la sentence de Lo-Ammi (pas mon peuple) ils persistent à dire : « Ton peuple ». C’est réellement la foi et cela caractérise le Résidu croyant qui parle ici et qui, s’il doute absolument de lui-même, n’a jamais douté de la fidélité de Dieu à ses promesses. Ces mots : « Où est leur Dieu ? » combien de fois ils retentiront aux oreilles du Résidu de Juda, fugitif parmi les nations, lors de la persécution suscitée contre lui par la Bête et le faux prophète, comme on le voit au second livre des Psaumes (Ps 43 : 3, 10 et aussi 79 : 10; 115 : 2) ; ils atteignent maintenant les oreilles de cette partie du Résidu resté à Jérusalem. Ah ! comme ils pénètrent d’une manière cuisante dans le coeur repentant des fidèles ! N’étaient-ce pas les mêmes paroles que leurs pères avaient prononcées contre le Messie, mourant pour la nation ? « Il s’est confié en Dieu ; qu’il le délivre maintenant, s’il tient à lui ; car il a dit : Je suis fils de Dieu » (Matt. 27 : 43).

Qu’était-ce que le jeûne d’autrefois, lors de l’invasion des sauterelles (1 : 14), en comparaison du jeûne actuel ? Un mouvement passager de componction, si même il était prouvé que Jérusalem eût, à ce moment-là, répondu à l’appel : « Sanctifiez un jeûne ! » car, comme nous l’avons vu, un seul avait dit alors : « À toi, Éternel, je crierai » (1 : 19). Maintenant l’humiliation est réelle, la repentance complète. C’est « la grande lamentation de Jérusalem » dont nous parle le prophète Zacharie (12 : 11-14). Chose bénie que l’humiliation ! Elle nous fait retrouver la face de Dieu ! Et pendant combien de siècles l’Éternel avait-il attendu, attendu en vain qu’elle se produisît chez ce peuple rebelle ! S’était-il humilié de son idolâtrie ? S’était-il humilié après avoir cloué le Fils de Dieu, son Messie, sur la croix ? Ah ! combien le coeur de l’homme, notre coeur à tous, est rebelle, obstiné, orgueilleux, dominé par une volonté qui refuse de se soumettre ! Ces choses, illustrées par 1 histoire d’Israël, ne sont-elles pas dites pour notre instruction ? Quand notre conscience, juge inexorable, nous dit que nous avons péché, sommes-nous prêts à le reconnaître ? Ne sommes-nous pas plutôt, comme Adam, prompts à nous excuser, comme si des excuses pouvaient nous blanchir ? Nous excusons notre mondanité, nous excusons notre tiédeur, notre lâcheté, notre manque d’activité pour les intérêts de Christ, et la dernière chose à laquelle nous pensons, c’est de « sanctifier le jeûne ». Il arrive plus d’une fois que, pareils à David, nous gardons par devers nous quelque faute cachée, étouffant la voix de notre conscience quand elle cherche à parler, oubliant que Dieu a tout vu, jusqu’à ce que se lève enfin le « jour de l’Éternel grand et fort terrible », ce jour où tout est mis à nu et où le coupable s’écrie enfin : « J’ai péché contre l’Éternel ! »

Oui, l’humiliation est une chose solennelle et douloureuse. C’est le couteau du chirurgien appliqué aux membres qui n’ont pas été mortifiés et sont, par conséquent, sensibles à crier quand l’instrument atteint la chaire vive. Mais combien l’humiliation est précieuse ! « Avant que je fusse affligé, j’errais », dit le Psalmiste ; « il est bon pour moi que j’aie été affligé » (Psaume 119 : 67, 7 1).

La bénédiction ne se fait pas attendre ; voyez comme elle se montre aussitôt ! Si nous avions su cela, ah ! comme nous aurions été prompts à courber nos fronts dans la poussière, confessant nos péchés devant le Père qui est fidèle et juste pour nous les pardonner et nous purifier de toute iniquité ! Combien elle est touchante, la réponse instantanée de Dieu, après vingt siècles d’endurcissement de ce peuple qui avait rejeté son Sauveur et son Roi ! « Alors l’Éternel sera jaloux pour son pays, et aura pitié de son peuple. Et l’Éternel répondra et dira à son peuple : Voici, je vous envoie le blé, et le moût, et l’huile, et vous en serez rassasiés ; et je ne vous livrerai plus à l’opprobre parmi les nations » (v. 18, 19). « Épargne ton peuple », avait dit le Résidu (v. 17), faisant appel aux relations de jadis entre Dieu et lui ; y faisant appel, quand il est encore sous la sentence de Lo-Ammi, et que le jour grand et terrible de l’Éternel s’est abattu sur lui. Aussitôt Dieu répond à son peuple. La sentence est levée, abolie, anéantie pour toujours ; les relations avec Dieu sont rétablies, toutes les bénédictions terrestres qui en découlent sont retrouvées, car il s’agit ici d’un peuple terrestre. « Dans le lieu où il leur a été dit : Vous n’êtes pas mon peuple, il leur sera dit : Fils du Dieu vivant » (Osée 1 : 10). Le blé, le moût et l’huile, l’offrande et la libation, détruits autrefois lors des jugements préparatoires (1 : 9), redeviennent la part du peuple qui en est rassasié. La maison de l’Éternel qui se trouvait depuis une demi-semaine d’années sans sacrifices et sans offrandes est de nouveau ouverte (Dan. 9 : 27) ; le fidèle peut s’approcher de Dieu dans son temple ; il n’est plus « livré à l’opprobre parmi les nations » qui disent : « Où est leur Dieu ? » (v. 19, 17).

Mais qu’est-ce que l’Éternel va faire de cet Assyrien, verge de sa colère qui a envahi la terre d’Israël et s’est même emparé une première fois de la ville sainte ? « J’éloignerai de vous celui qui vient du Nord, et je le chasserai dans un pays aride et désolé, sa face vers la mer orientale, et son arrière-garde vers la mer d’occident ; et sa puanteur montera, et son infection montera, parce qu’il s’est élevé pour faire de grandes choses » (v. 20).

Cet événement dont le jugement de Sankhérib, sous le règne d’Ézéchias, n’est qu’une faible image (2 Rois 19 : 35; 2 Chron. 32 : 21) est continuellement mentionné par les prophètes qui traitent du jugement de l’Assyrien futur. Ainsi Ésaïe 10 : 24-27: « C’est pourquoi, ainsi dit le Seigneur, l’Éternel des armées : Mon peuple, qui habites en Sion, ne crains pas l’Assyrien ! Il te frappera avec une verge et lèvera son bâton sur toi à la manière de l’Égypte ; car encore très peu de temps, et l’indignation sera accomplie, et ma colère, dans leur destruction. Et l’Éternel des armées suscitera contre lui un fouet, comme Madian a été frappé au rocher d’Oreb ; et son bâton sera sur la mer, et il le lèvera à la manière de l’Égypte. Et il arrivera en ce jour-là, que son fardeau sera ôté de dessus ton épaule, et son joug de dessus ton cou ; et le joug sera détruit à cause de l’onction. » Et encore Ésaïe 14 : 24, 25: « Pour certain, comme j’ai pensé, ainsi il arrivera, et, comme j’ai pris conseil, la chose s’accomplira, de briser l’Assyrien dans mon pays ; et je le foulerai aux pieds sur mes montagnes ; et son joug sera ôté de dessus eux, et son fardeau sera ôté de dessus leurs épaules. » Ézéchiel, parlant de Gog, l’Assyrien, dit : « Et tu viendras de ton lieu, du fond du Nord, toi et beaucoup de peuples avec toi, tous montés sur des chevaux, un grand rassemblement et une nombreuse armée ; et tu monteras contre mon peuple Israël comme une nuée, pour couvrir le pays. Ce sera à la fin des jours. » « Et j’appellerai contre lui l’épée sur toutes mes montagnes, dit le Seigneur, l’Éternel ; l’épée de chacun sera contre son frère. Et j’entrerai en jugement avec lui par la peste et par le sang ; et je ferai pleuvoir une pluie torrentielle, et des pierres de grêle, du feu et du soufre, sur lui et sur ses bandes, et sur les peuples nombreux qui seront avec lui » (Ézéch. 38 : 15, 16, 21, 22). Et le même prophète. « Voici, j’en veux à toi, Gog… et je te ferai retourner, et je te mènerai, et je te ferai monter du fond du Nord, et je te ferai venir sur les montagnes d’Israël. Et j’abattrai ton arc de ta main gauche, et je ferai tomber tes flèches de ta main droite ; tu tomberas sur les montagnes d’Israël, toi et toutes tes bandes, et les peuples qui seront avec toi ; je te donnerai en pâture aux oiseaux de proie de toute aile, et aux bêtes des champs ; tu tomberas sur la face des champs ; car moi, j’ai parlé, dit le Seigneur, l’Éternel » (39 : 2-5). « Voici, cela vient et s’accomplit, dit le Seigneur, l’Éternel : c’est ici le jour dont j’ai parlé » (39 : 8). Et de même Daniel : « Le roi du Nord fondra sur lui comme une tempête, avec des chars et des cavaliers, et avec beaucoup de navires, et entrera dans le pays et inondera et passera outre ; et il viendra dans le pays de beauté, et plusieurs pays tomberont ; mais ceux-ci échapperont de sa main : Édom, et Moab, et les principaux des fils dAmmon. Et il étendra sa main sur les pays, et le pays d’Égypte n’échappera pas. Et il aura sous sa puissance les trésors d’or et d’argent, et toutes les choses désirables de l’Égypte ; et les Libyens et les Ethiopiens suivront ses pas. Mais des nouvelles de l’Orient et du Nord l’effrayeront, et il sortira en grande fureur pour exterminer et détruire entièrement beaucoup de gens. Et il plantera les tentes de son palais entre la mer et la montagne de sainte beauté ; et il viendra à sa fin, et il n’y aura personne pour le secourir » (Daniel 11 : 40-45). Citons encore, en terminant, Michée 5 : 6: « Et Il nous délivrera de l’Assyrien, quand il entrera dans notre pays, et qu’il mettra le pied dans nos confins. »

Ainsi donc, « celui qui vient du Nord » (*), l’Assyrien, après avoir une première fois saccagé Jérusalem, puis passé outre pour envahir l’Égypte, reviendra de là contre la ville et le pays de beauté (la Palestine) et y sera anéanti par l’intervention immédiate de l’Éternel : « J’éloignerai de vous celui qui vient du Nord. » C’est alors, et alors seulement qu’aura lieu la délivrance finale de Jérusalem, accomplie en partie une première fois, historiquement et en type sous Ézéchias, quand l’ange de l’Éternel frappa 185 000 hommes dans le camp de Sankhérib, roi d’Assyrie, qui assiégeait Jérusalem, mais ne la prit pas. Cet ennemi sera chassé « dans un pays aride et désolé (le désert de Juda ?), sa face vers la mer orientale (la mer Morte), et son arrière-garde vers la mer d’Occident » (la Méditerranée). Les cadavres de cette multitude couvriront le sol et leur puanteur montera et leur infection montera. (Ici, allusion nouvelle à l’armée des sauterelles qui, détruite, répand sa puanteur dans les airs.) Une subite et terrible destruction vient sur ce dernier ennemi d’Israël, « parce qu’il s’est élevé pour faire de grandes choses » (v. 20). Mais il n’y a que l’Éternel qui en fasse : « Ne crains pas, terre ; égaye-toi et réjouis-toi ; car l’Éternel fait de grandes choses » (v. 21). En effet, l’orgueil de l’homme qui va devant l’écrasement, sa haine contre Dieu et son peuple qui lui fait méditer les attaques brusquées, le mal, le pillage et la destruction, tout cela est réduit à néant lorsque Dieu se lève pour intervenir. Dieu fait de grandes choses ! Si ses jugements sont grands, si son jour « est grand et fort terrible », si l’Assyrien, par lequel il châtie son peuple est sa « grande armée » (v. 25), sa miséricorde, sa gratuité et ses délivrances sont plus grandes encore. La grandeur de son caractère divin est de faire sortir ses délivrances du sein même de ses jugements. Ainsi, avant toutes choses, il est grand en conciliant des caractères absolument inconciliables pour l’esprit de l’homme, sa justice et sa grâce, sa sainteté et son amour. Oui, l’Éternel fera de grandes choses pour Israël qui les reconnaîtra à l’aube du règne du Messie, mais, loué soit Son nom, ces choses sont déjà faites pour nous sans qu’il nous en coûte rien, sans qu’il nous faille traverser le jour de la tribulation, le grand jour de l’Éternel pour les connaître ! À Golgotha, lieu du jugement qui est tombé sur notre Substitut, Dieu, en donnant son propre Fils, a fait s’entrebaiser sa haine pour le péché et son amour pour le pécheur.

(*) Nous le répétons : « le roi du Nord » ou « celui qui vient du Nord », n’est jamais Nébucadnetsar, quoique la Chaldée et les contrées avoisinantes soient souvent appelées le Nord.

« Ne craignez pas, bêtes des champs, car les pâturages du désert verdissent, car l’arbre porte son fruit, le figuier et la vigne donnent leur force » (v. 22). À la suite de la défaite de l’Assyrien, toutes les plaies qui avaient atteint le pays ont disparu. La terre reverdit, les champs sont couverts de moissons, la vigne et le figuier, ces heureuses images d’Israël, portent leur fruit. L’offrande et la libation pourront être de nouveau offertes à l’Éternel. On trouve les mêmes promesses en Ézéchiel 36 : 29, 30. « J’appellerai le blé, et je le multiplierai, et je ne vous enverrai pas la famine ; et je multiplierai le fruit des arbres et le produit des champs, afin que vous ne portiez plus l’opprobre de la famine parmi les nations. »

« Et je vous rendrai les années qu’a mangées la sauterelle, l’yélek, et la locuste, et la chenille, ma grande armée que j’ai envoyée au milieu de vous » (v. 25). Ces mots nous reportent au chap. 1 et ne sont pas une allusion aux armées de l’Assyrien. Il s’agit, dans tout ce passage, de la bénédiction du pays, mis à l’abri des calamités envoyées comme jugements aux jours de l’endurcissement du peuple. L’ère de paix dont la Création jouira sous le règne du Messie, n’est pas un fait sans importance, et cette pensée devrait remplir nos coeurs de joie et d’espérance. « La création elle-même aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour jouir de la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Car nous savons que toute la création ensemble soupire et est en travail jusqu’à maintenant » (Rom. 8 : 21 et 22).

« Et vous, fils de Sion, égayez-vous et réjouissez-vous en l’Éternel, votre Dieu ; car il vous donne la première pluie dans sa mesure, et fait descendre sur vous la première pluie et la dernière pluie, au commencement de la saison. » Il s’agit ici de bénédictions purement temporelles ; la première pluie, celle qui suit les semailles faites en octobre, la seconde pluie, celle de mars à la suite de laquelle le grain semé en octobre promet une moisson abondante. Mais il est à remarquer que la bénédiction des pluies par lesquelles la récolte et la vendange sont assurées, est liée à la présence de l’Éternel, du Messie, du Roi, au milieu de son peuple. « Sa sortie est préparée comme l’aube du jour ; et il viendra à nous comme la pluie, comme la pluie de la dernière saison arrose la terre » (Osée 6 : 3). « Dans la lumière de la face du Roi est la vie, et sa faveur est comme un nuage de pluie dans la dernière saison » (Prov. 16 : 15) (*). C’est alors que l’Éternel reprendra et reconnaîtra publiquement ses relations avec son peuple, déclaré jadis Lo-Ammi ; alors aussi, que le peuple lui-même se réjouira dans le nom de son Dieu : « Vous louerez le nom de l’Éternel, votre Dieu, qui a fait des choses merveilleuses pour vous ; et mon peuple ne sera jamais honteux. Et vous saurez que je suis au milieu d’Israël, et que moi, l’Éternel, je suis votre Dieu, et qu’il n’y en a point d’autre ; et mon peuple ne sera jamais honteux » (v. 26, 27). Toute la honte d’autrefois est passée (1 : 10, 11, 12) ; le Seigneur de gloire vient prendre place au milieu de son peuple. C’est ainsi que se termine cette division du livre.

(*) Voyez encore pour les pluies : Zach. 10 : 1; Deut. 11 : 14; Jér, 5 : 24; Ps. 84 : 6 ; 2 Sam. 23 : 4.

4 - CHAPITRE 2 : 28-32 — L’effusion de l’Esprit

Nous trouvons ici une nouvelle division du sujet. Il est marqué dans les Bibles hébraïques qui commencent le chap. 3 au v. 28 de notre chap. 2. Le prophète passe, en effet, des bénédictions temporelles assurées à la terre d’Israël, des pluies de la première et de la dernière saison, aux bénédictions spirituelles que la présence et l’exaltation du Christ apporteront à son peuple terrestre, ainsi qu’à toutes les nations.

« Et il arrivera, après cela, que je répandrai mon Esprit sur toute chair » (v. 28). « Après cela » : c’est-à-dire à la suite de la destruction de l’Assyrien, mais cette destruction vient elle-même à la suite de la repentance du peuple. En effet, c’est après le jeûne et l’assemblée solennelle, quand une vraie repentance pénètre enfin dans le coeur des élus, que l’ennemi est anéanti. Alors Israël sera non seulement comblé de bénédictions temporelles, mais aura part à tous les bienfaits de la nouvelle alliance que l’Éternel établira « avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda ». Sous l’action du Saint Esprit, ils recevront un coeur nouveau, capable de connaître l’Éternel, leur Dieu, qui ne se souviendra Plus jamais de leurs péchés, ni de leurs iniquités (Jér. 31 : 31-34). Cette effusion du Saint Esprit, en rapport avec la nouvelle alliance donnée à Israël, est souvent annoncée par les prophètes : « Je vous prendrai d’entre les nations, et je vous rassemblerai de tous les pays, et je vous amènerai sur votre terre ; … et je vous donnerai un coeur nouveau, et je mettrai au dedans de vous un esprit nouveau ; et j’ôterai de votre chair le coeur de pierre, et je vous donnerai un coeur de chair ; et je mettrai mon Esprit au dedans de vous » (Ézéchiel 36 : 24-27). « Et je ne leur cacherai plus ma face, parce que j’aurai répandu mon Esprit sur la maison d’Israël, dit le Seigneur, l’Éternel » (Ézéchiel 39 : 29). « Et je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplications » (Zach. 12 : 10).

Mais une bénédiction, dépassant de beaucoup les limites d’Israël et de Juda, nous est annoncée ici : « Je répandrai mon Esprit sur toute chair. » Ce don sera répandu non seulement sur le peuple élu, mais sur la grande multitude des nations millénaires qui auront reçu l’Evangile du royaume (Apoc. 7 : 9).

Et vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards songeront des songes, vos jeunes hommes verront des visions ; et aussi sur les serviteurs et sur les servantes, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit » (v. 28, 29). Il est du plus haut intérêt de considérer la citation qui est faite de ce passage dans les Actes (Actes 2 : 17-21). La croix de Christ avait été à la fois le lieu du jugement définitif de l’homme et d’Israël et celui de la victoire remportée sur l’Ennemi. À la suite de cette victoire, Christ, ressuscité d’entre les morts, ayant « emmené captive la captivité », alla s’asseoir à la droite de Dieu. Alors il put baptiser du Saint Esprit ceux qui croyaient en Lui. Ce grand fait eut lieu à la Pentecôte. Tous ceux qui crurent d’entre le peuple juif reçurent le baptême du Saint Esprit et, par lui, furent formés en un seul corps. Mais cette communication du Saint Esprit n’eut pas lieu sans la foi et la repentance. C’est pourquoi Pierre dit à ceux dont le coeur était saisi de componction à la pensée qu’ils avaient crucifié leur Messie : « Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, en rémission des péchés ; et vous recevrez le don du Saint Esprit » (Actes 2 : 37, 38). Pour les premiers disciples de Jésus, la repentance avait déjà eu lieu au baptême de Jean en vue de recevoir le Messie entrant dans son royaume terrestre, mais ce Messie ayant été rejeté par le peuple et crucifié, les disciples attendaient encore le moment où, selon la parole du précurseur, Jésus les baptiserait de l’Esprit Saint (Matt. 3 : 11). Cette parole fut confirmée par le Seigneur à ses disciples après sa résurrection (Luc 24 : 49), car ils ne pouvaient être rendus participants de l’Esprit Saint sans que cet événement eût lieu. C’est ainsi qu’un Premier Résidu de Juda fut sauvé et introduit dans l’Assemblée. Si le don du Saint Esprit avait été accepté dans ce moment-là par la nation et reçu par l’ensemble du peuple, les terribles jugements qui suivirent lui eussent été épargnés ; mais Israël ne se borna pas à rejeter son Messie, le Fils de Dieu ; il rejeta aussi le Saint Esprit et lapida Etienne qui en était le porteur aux yeux de tous. En suite de ce crime, selon la prophétie de Matt. 22 : 7, le roi irrité, « ayant envoyé ses troupes… fit périr ces meurtriers-là et brûla leur ville », événement qui eut lieu en l’an 70 de notre ère, lors de la destruction de Jérusalem par Titus. Le jugement étant près de s’accomplir, tous ceux qui avaient été baptisés du Saint Esprit y échappèrent en se sauvant « de cette génération perverse » (Actes 2 : 40). L’endurcissement d’Israël eut une seconde conséquence. Non seulement un Résidu juif fut sauvé et prit place dans l’Assemblée, mais la porte fut ouverte aux nations, selon la parole de Joël : « Je répandrai mon Esprit sur toute chair », et « quiconque invoquera le nom de l’Éternel sera sauvé » (v. 28, 32). Dès lors, Juifs et gentils, réconciliés en un seul corps à Dieu par la croix, eurent les uns et les autres accès auprès du Père par un seul Esprit (Eph. 2 : 16, 18). La période de l’Église était ainsi inaugurée : à la suite de la réjection d’Israël, le Seigneur se préparait une Épouse, une perle de grand prix, mille fois plus précieuse et plus glorieuse que l’Épouse juive, une Épouse qui sera sa compagne éternelle, sa Bien-aimée dans la gloire céleste. La formation de l’Église a lieu sur la terre et c’est là que se déploient, dans le temps actuel, toutes les voies de Dieu à son égard. Dès qu’elle aura été enlevée de la terre au ciel, à la venue du Seigneur, les voies de Dieu envers son ancien peuple, aujourd’hui rejeté, reprendront leur cours. C’est ce dont tous les prophètes nous entretiennent. L’ancien peuple de Dieu persistera dans son incrédulité ; lui qui n’a pas voulu du Fils de David pour roi, tombera sous le joug de l’Antichrist. Jérusalem deviendra une coupe d’étourdissement pour toutes les nations. Tandis que l’Église, nouvelle Jérusalem, brillera dans la gloire céleste, la Jérusalem terrestre devra subir une seconde fois toutes les horreurs du siège pour s’être donnée au faux Messie. Nous avons vu la mention de cet événement au commencement de notre chapitre.

Mais alors, un deuxième Résidu juif, ou plutôt le Résidu futur, se reliant, par-dessus la parenthèse de l’Église, à celui qui entourait le Seigneur sur la terre, ce Résidu, disons-nous, se tournera vers le Seigneur. Le voile qui couvrait ses yeux sera ôté (2 Cor. 3 : 16). À travers les douleurs de la grande tribulation il se reconnaîtra coupable, et la dernière attaque de l’ennemi, celle de l’Assyrien, l’amènera au jugement complet de lui-même et à la repentance telle qu’elle est décrite dans notre chapitre. En suite de cette repentance et de la victoire définitive de l’Éternel sur l’Assyrien, la seconde effusion du Saint Esprit sur les témoins de la fin aura lieu, comme la première avait eu lieu à la suite de la victoire de la croix et de la résurrection qui en était la preuve. Le don du Saint Esprit fera du Résidu, non pas, comme aujourd’hui, un peuple céleste, mais le peuple terrestre du Messie, qui aura pour centre la Jérusalem terrestre, la ville du grand roi. Alors s’accomplira cette parole : « Et je ne leur cacherai plus ma face, parce que j’aurai répandu mon Esprit sur la maison d’Israël, dit le Seigneur, l’Éternel » (Ézéchiel 39 : 29). Dans Ézéchiel, la destruction de Gog, l’Assyrien, et après elle le don du Saint Esprit, est le dernier événement qui soit mentionné, avant que le prophète passe, dans les chapitres 40 à 48, à la description du temple de Jérusalem, et du pays d’Israël pendant le Millénium. Il n’en est pas tout à fait de même en Joël, comme nous le verrons au chap. 3. Cependant la bénédiction de Jérusalem y est liée, comme en Ézéchiel, à l’effusion du Saint Esprit : « Car sur la montagne de Sion il y aura délivrance, et à Jérusalem, comme l’Éternel l’a dit, et pour les réchappés que l’Éternel appellera. » (Joël 2 : 32.) La délivrance dont Joël nous parle n’est obtenue que par la destruction de l’Assyrien, seul personnage auquel sa prophétie fasse allusion dans le second chapitre, car la Bête romaine et l’Antichrist, si en vue dans le livre de Daniel et surtout dans l’Apocalypse, ne sont pas même notés dans notre prophète.

D’après tout ce que nous venons de dire, on a pu remarquer que le passage des Actes (2 ; 16-21) n’est pas l’accomplissement de la prophétie de Joël, et c’est que l’apôtre Pierre a soin de faire ressortir, quand il dit : « Ceux-ci ne sont pas ivres, comme vous pensez,… mais c’est ici ce qui a été dit par le prophète Joël. » (Comp. Matt. 1 : 22; 2 : 15, 17, 23.) Ce qui avait lieu à la Pentecôte sous les regards de tous n’avait pas le caractère d’une excitation factice, mais était produit par l’Esprit Saint. La citation elle-même de ce passage par l’apôtre Pierre, contient des choses qui se réalisaient dans le moment où il parlait, d’autres qui étaient réservées pour un temps à venir. Il suffit, pour s’en convaincre de noter ces dernières au moyen de parenthèses. ~oici donc le passage, lu de cette manière : « Et il arrivera aux derniers jours, dit Dieu, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens verront des visions, et vos vieillards songeront en songes ; et sur mes serviteurs et sur mes servantes, en ces jours-là, je répandrai de mon Esprit, et ils prophétiseront ; et je montrerai des prodiges dans le ciel en haut, et des signes sur la terre en bas, du sang et du feu, et une vapeur de fumée ; le soleil sera changé en ténèbres et la lune en sang, avant que vienne la grande et éclatante journée du Seigneur. Et il arrivera que quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. »

Notez ce mot : « Mes serviteurs et mes servantes », ceux qui appartiennent au Seigneur. Ils remplacent ici et dans la Version des 70 « les serviteurs et les servantes » du texte hébraïque, ceux qui appartiennent à la famille juive. En même temps ce mot est assez vague dans Joël pour laisser d’avance la place à des serviteurs propres au temps de l’Église et qui seront inconnus aux temps futurs de la restauration d’Israël. Remarquez encore que Pierre dit : « Aux derniers jours », et non : « Après cela », comme dans notre prophète. Cette dernière parole montre clairement que la prophétie de Joël ne pouvait être accomplie définitivement à la Pentecôte, mais seulement après la défaite de l’Assyrien, tandis que les « derniers jours », appelés autre part : « les fins des siècles » nous ont atteints depuis que le Christ a été rejeté des Juifs et du monde (*). Ce qui caractérise le jour de la Pentecôte aussi bien que celui du passage de Joël, c’est qu’on y trouve ces trois choses : la repentance, la délivrance de l’Ennemi, et l’Esprit répandu sur toute chair. Mais, en outre, un grand fait domine à la Pentecôte. Le Saint Esprit y est donné, preuve de la résurrection et de l’exaltation de Christ, et il réunit en un tout ceux qui croient en Lui. Joël annonce un temps futur où la porte sera ouverte aux Gentils ; dans les Actes, elle est déclarée ouverte par l’apôtre (2 : 39). Nous trouvons, au chapitre 1 d’Osée, la même prophétie confirmée par Rom. 9 : 26, au sujet de l’admission des nations dans la bénédiction (**). Seulement en Joël, ce mot « toute chair » n’a pas trait à l’admission actuelle des Gentils dans l’Église par le baptême du Saint Esprit, mais à l’entrée des Gentils, de la « grande foule que personne » ne pourra dénombrer (Apoc. 7 : 9), et à leur introduction dans la bénédiction millénaire dont jouira le peuple de Dieu.

(*) Cette modification du texte est d’autant plus frappante qu’elle ne se trouve pas dans la version des 70, version généralement citée dans le N. T. mais qui n’est pas suivie dans ce passage.

(**) Voyez le livre du prophète Osée, par H. R., page 17.

Aux v. 30, 31, le prophète interrompt son sujet et ouvre une parenthèse pour montrer que des signes auront lieu avant le jour de l’Éternel : « Et je montrerai des signes dans les cieux et sur la terre, du sang, et du feu, et des colonnes de fumée ; le soleil sera changé en ténèbres, et la lune en sang, avant que vienne le grand et terrible jour de l’Éternel. » Ce passage a trait, nous semble-t-il, au contenu du chap. 2, c’est-à-dire à l’invasion de l’Assyrien. En effet, cette invasion est appelée « le jour de l’Éternel…, grand et fort terrible » (2 : 11), et est précédée de signes : les cieux ébranlés, le soleil et la lune obscurcis, au v. 10. Ledit passage nous paraît correspondre au chap. 6 de l’Apocalypse où « le soleil devint noir comme un sac de poil, et la lune devint tout entière comme du sang » avant le jour de la colère de l’Agneau, car, malgré l’appréhension des hommes, cet événement n’aura pas lieu à ce moment-là (Apoc. 6 : 12,17). Les signes dont il vient d’être question précéderont donc le jour de l’Éternel, mais il en est d’autres qui le suivront et auront lieu au moment même de la venue du Fils de l’homme. C’est ce que nous lisons en Matt. 24 : 29, 30: « Et aussitôt après la tribulation de ces jours-là » (tribulation dont l’invasion de l’Assyrien est le dernier acte) « le soleil sera obscurci, et la lune ne donnera pas sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des Cieux seront ébranlées. Et alors paraîtra le signe du Fils de l’homme dans le ciel. » Le signe, c’est-à-dire l’apparition du Fils de l’homme, sera donc immédiatement précédé de signes. Nous trouvons ces derniers au chap. 3 : 15, de notre prophète : « Le soleil et la lune seront obscurcis, et les étoiles retireront leur splendeur ; et l’Éternel rugira de Sion, et de Jérusalem il fera entendre sa voix. » La petite parenthèse des v. 30 et 31 me semble être introduite ici pour établir le contraste entre le don céleste du Saint Esprit qui accompagnera la repentance et la délivrance chez le Résidu juif, et les bouleversements terrestres précurseurs des jugements de l’Éternel sur le peuple apostat. Aussi le prophète termine-t-il en disant : « Et il arrivera que, quiconque invoquera le nom de l’Éternel sera sauvé. Car sur la montagne de Sion il y aura délivrance, et à Jérusalem, comme l’Éternel l’a dit, et pour les réchappés que l’Éternel appellera » (v. 32). Comme nous l’avons déjà vu, le salut dépassera de beaucoup les limites étroites de Juda, de Jérusalem, et même d’Israël ; il s’adressera à « quiconque », de même qu’il est dit ailleurs : « Quiconque croit en Lui, ne périra pas. » Comme, en vertu de l’oeuvre de Christ il n’y a pas aujourd’hui « de différence de Juif et de Grec, car le même Seigneur de tous est riche envers tous ceux qui l’invoquent », et que « quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé » (voir Rom. 10 : 12, 13 qui cite notre passage), il en sera de même en un jour futur. Seulement, dans cet avenir dont parle Joël, la montagne de Sion et Jérusalem seront les objets de la délivrance terrestre, tandis que la bénédiction céleste a aujourd’hui l’Église pour objet. Il n’en reste pas moins vrai que tous les « réchappés que l’Éternel appellera » auront part au règne glorieux de Christ sur la terre ; or ces réchappés, notre passage nous l’apprend, comprennent non seulement le Résidu de Juda et d’Israël, mais aussi le Résidu des nations, tel que le chapitre 7 de l’Apocalypse nous le présente.


5 - CHAPITRE 3 — Le jour de l’Éternel ou le jugement des nations

Le chap. 3 nous montre un nouvel aspect du jour de l’Éternel. Ce jour était déjà signalé par anticipation comme étant proche, lors de l’invasion des sauterelles (1 : 15). Le chap. 2 nous l’a montré comme venant et étant proche lors de l’invasion de l’Assyrien, dont l’armée des sauterelles au chap. 1 n’était qu’une figure (2 : 1), et comme précédé par des signes au v. 31 du même chapitre ; puis enfin comme étant , lorsque l’attaque de l’Assyrien s’effectue (2 : 11).

Nous avons vu qu’à la suite de la repentance de Juda et de Jérusalem, l’Assyrien sera anéanti et que l’Esprit Saint sera répandu sur le Résidu et sur toute chair, mais il reste encore à nous présenter d’autres ennemis, qui devront être détruits, c’est-à-dire toutes les nations assemblées contre Jérusalem. Le jour de leur jugement est le jour de l’Éternel, tout comme celui de la défaite de l’Assyrien. En effet, les événements des chap. 2 et 3 ont lieu concurremment et ne sont séparés, dans Joël, que pour faire ressortir le sujet principal de ce prophète, l’attaque et l’anéantissement de l’Assyrien. De fait l’Assyrien, j’ai lieu de le croire, est compris au chap. 3 dans le jugement de toutes les nations, mais il n’y est pas mentionné, son sort particulier ayant été traité en détail au chap. 2. Nous savons même d’après Daniel et l’Apocalypse que son jugement ne précédera pas celui des nations apostates représentées par la Bête romaine et le faux prophète, mais le suivra de très près, ce qui, chronologiquement, placerait en quelque manière le chap. 3 avant la chap. 2. Les mêmes termes sont employés dans ces deux chapitres pour définir le jour de l’Éternel, montrant qu’il s’agit bien du même jour : « Le jour de l’Éternel est proche dans la vallée de jugement » (3 : 14; cf. 2 : 1). Ce que nous venons de présenter quant à la concordance de ces événements est confirmé par le fait que la bénédiction millénaire est aussi bien mentionnée après la vallée de Josaphat qu’après la défaite de l’Assyrien (2 : 23-27; 3 : 4-7).

Les différents actes du drame final sont donc appelés de ce nom : le jour de l’Éternel, mais le chap. 3 nous entretient de l’ensemble du dernier acte.

Un Résidu s’est formé à la suite de la repentance de Juda et de Jérusalem, et le Saint Esprit est tombé sur lui. Il y a délivrance pour les réchappés que l’Éternel a appelés. Ce sont les jours où Dieu rétablit les captifs de Juda et de Jérusalem (3 : 1), car, comme nous l’avons fait observer plus haut, il ne s’agit dans Joël que du Résidu vu sous cet angle restreint, et non pas de la « captivité » tout entière, c’est-à-dire du Résidu d’Israël et de Juda. Pour procurer à son peuple une entière délivrance, il faut que, dans le jour de l’Éternel, toutes les nations (goïm) qui ont « foulé aux pieds » Juda et Jérusalem tombent sous le même jugement que l’Assyrien : « Je rassemblerai toutes les nations, et je les ferai descendre dans la vallée de Josaphat » (3 : 2).

On a beaucoup écrit et discuté sur la « vallée de Josaphat ». Une tradition, sans aucune racine dans la parole de Dieu, la localise dans la vallée du Cédron qui sépare Jérusalem de la montagne des Oliviers. Cette tradition qui subsiste encore de nos jours parmi les juifs et les mahométans, ne date guère que des premiers siècles de notre ère. Tous y placent le lieu du jugement dernier, car ils ignorent le jugement des nations vivantes dont la prophétie nous entretient si souvent et ici en particulier. Cette légende peut être née du fait que Jérusalem (3 : 16; Zacharie 14 : 4) est en rapport avec la scène du jugement. Mais la scène elle-même ne doit ni ne peut être localisée. Même le mot employé pour « vallée » (Emeq en hébreu) ne s’applique jamais à une vallée resserrée comme celle qui sépare Jérusalem de la montagne des Oliviers.

En tout premier lieu il faut se rappeler que le mot Josaphat, signifiant : l’Éternel juge, a un rapport direct avec notre chapitre qui nous présente le jugement de l’Éternel sur les nations, et le lieu où il aura lieu comme la vallée de jugement (ou plutôt de « ce qui est décrété », comp. Ésaïe 10 : 22). Ce nom a donc un sens symbolique. D’autre part je ne doute pas, Pour mon compte, qu’il fasse allusion à l’histoire du roi Josaphat, rapportée en 2 Chron. 20, car, il ne faut pas l’oublier, il s’agit dans notre chapitre du jugement des nations pour introduire la bénédiction du Résidu de Juda repentant. Or, l’histoire de Josaphat nous donne précisément l’histoire de la délivrance du Résidu amenée par le jugement de Dieu sur ses ennemis. Ce fut au bout de la montée de Tsits et de la vallée (vallée encaissée, hébreu Nachal) qui s’ouvre sur le désert de Jeruel et vers celui de Thekoa, que fut remportée la victoire de Josaphat sur la grande multitude des nations montées contre Jérusalem (v. 12, 15).

Josaphat avait été infidèle à son Dieu, en s’alliant avec l’impie Achab, roi d’Israël (2 Chron. 18). Pressé par l’ennemi, il avait crié au milieu de la bataille et l’Éternel l’avait secouru (18 : 31). Infidèle une seconde fois, il s’était allié avec Joram, fils d’Achab, et avec le roi d’Édom contre Moab. C’était une honte pour son témoignage comme serviteur de l’Éternel (2 Rois 3). La défaite de Moab suscita chez ce peuple orgueilleux une haine violente contre Juda. En compagnie des fils d’Ammon et des Maonites de Séhir (Édom) il envahit le territoire du peuple de Dieu, en contournant la mer Morte et campa à En-Guédi. Tout cela, conséquence de l’infidélité du roi, est aussi en petit l’histoire de l’infidélité de Juda et de Jérusalem. Josaphat en convient ; avant d’aborder l’ennemi, il proclame un jeûne et assemble le peuple, et « tout Juda se tenait devant l’Éternel, avec leurs petits enfants, leurs femmes et leurs fils » (2 Chron. 20 : 3, 13). Ce jeûne rappelle forcément celui de Joël 2, 15. Puis, dans son extrême faiblesse, Josaphat invoque le nom de l’Éternel afin d’être sauvé : « Ô notre Dieu, ne les jugeras-tu pas ? car il n’y a point de force en nous devant cette grande multitude… mais nos Yeux sont sur toi » (2 Chron. 20 : 9 12). On assiste à la même demande, du sein de l’humiliation en Joël 2 : 17. Alors l’Éternel déclare que cette guerre n’est pas la leur, mais celle de Dieu (2 Chron. 20 : 15). L’Esprit de l’Éternel se tient au milieu de cette congrégation (v. 14), comme il est en Joël la part bénie du Résidu (Joël 2 : 28). Les hommes de Josaphat descendent au-devant de ces multitudes, vers le désert de Thekoa, en troupes équipées, non pour combattre, mais pour voir la délivrance de l’Éternel qui est avec eux (v. 17, 21). Ils rencontrent l’ennemi dans la vallée (hébreu Emeq, le même mot qu’en Joël 3 : 2, 12, 14). Cette vallée de jugement devient pour Josaphat et son peuple la vallée de Beraca, c’est-à-dire la vallée de bénédiction. Après la victoire, ils entonnent le célèbre cantique millénaire : « Célébrez l’Éternel, car sa bonté demeure à toujours » (20 : 21).

Tout ceci, répétons-le, nous reporte d’une manière frappante à la scène décrite en Joël. À la suite de l’infidélité d’Israël et en présence des jugements qui en sont la conséquence, la congrégation est rassemblée, le jeûne et la repentance proclamés, Juda et Jérusalem rendus attentifs, le Saint Esprit donné. Les nations montent en grande multitude contre Jérusalem dans la vallée où le jugement est décrété, et elles y sont anéanties. Le jugement est exécuté par l’Éternel lui-même et non par ceux qui l’accompagnent. Il en sera de même lorsque le Roi des rois sortira du ciel avec ses armées et qu’il frappera les nations avec l’épée à deux tranchants qui sort de sa bouche (Apoc. 19). En ce jour-là, et à la suite de cette scène, considérée ici en Joël au point de vue juif, la vallée de Josaphat deviendra la vallée de Beraca, c’est-à-dire de la bénédiction millénaire sous le règne de Christ (Joël 3 : 18-21).

Quoique l’allusion à la victoire de Josaphat nous semble claire, il n’est du reste nullement besoin de localiser cette scène. Le sens de la vallée de Josaphat, c’est, nous l’avons dit, que « l’Éternel juge » comme il le fit en 2 Chron. 20. Que le lieu soit le même en Joël et dans les Chroniques, cela n’importe en aucune manière, bien que cela soit possible ; mais il est souvent dangereux de vouloir localiser les événements prophétiques quand leur sens symbolique est évident.

La vallée de Josaphat fait partie d’un ensemble d’événements qui se rapportent tous au « jour grand et terrible de l’Éternel », et se relient à un fait capital : l’apparition du Seigneur. Cette apparition aura lieu lorsque les cieux seront ouverts et que le Christ, comme nous venons de le voir, en sortira avec ses armées célestes. À ce grand fait se rattachent les différents actes de sa venue en jugement pour établir son royaume. Ces actes, comme nous l’avons montré ailleurs (*), ne se passent pas simultanément, c’est-à-dire n’ont pas lieu au même moment, chose impossible, mais forment un événement ininterrompu avec ses manifestations diverses. Ils appartiennent tous à son « apparition » et font partie du jour de l’Éternel.

(*) Voyez le livre de Zacharie le Prophète. par H. R., page 113.

L’apparition du Seigneur ou « apparition de sa venue » est le second acte de sa venue. Au premier acte, invisible au monde, il viendra chercher les saints pour les introduire avec Lui, dans la gloire. Au second acte, accompagné de ses saints pour exercer le jugement sur les nations, il sera visible à tous, car il est dit : « Voici, il vient avec les nuées, et tout oeil le verra, et ceux qui l’ont percé ». C’est de ce second acte, jamais du premier, que nous parle la prophétie de l’Ancien Testament, car sa venue pour les saints est un mystère qui n’est révélé que dans le Nouveau.

Mais ce second acte, l’apparition du Seigneur, a lui-même deux caractères, l’un céleste et l’autre terrestre. Le céleste appartient au Nouveau Testament, le terrestre à l’Ancien. En faisant cette remarque, nous ne pouvons assez insister sur la différence entre les points de vue de l’Ancien et du Nouveau Testament qui, sans toutefois jamais se contredire, ne doivent pas être mélangés l’un avec l’autre. Cette remarque est très importante dans le cas qui nous occupe. Dans le Nouveau Testament les passages prophétiques au sujet de l’apparition du Seigneur nous montrent, en 2 Thess. 1 et Apoc. 19, sa révélation du ciel avec les anges de sa puissance et tous les saints célestes pour exercer la vengeance sur les nations christianisées faisant partie du domaine occidental de la Bête, c’est-à-dire de l’empire romain qui sera ressuscité au temps de la fin. Aussi le jugement de l’Assyrien n’y est-il pas mentionné. C’est la Bête et le faux prophète qui sont jugés et jetés dans l’étang de feu. La prophétie de l’Ancien Testament ne nous présente pas les choses sous cet aspect. Le Seigneur y est révélé sur la terre. Sans doute, il vient du ciel, mais de la même manière que jadis ses disciples l’ont vu s’en allant au ciel (Actes 1 : 11), ses pieds se poseront sur la montagne des Oliviers. Il ne vient pas, comme dans l’Apocalypse, revendiquer ses droits au royaume universel et prendre possession de la terre en anéantissant tous ses ennemis ; il vient établir son royaume sur Israël, être oint Roi sur Sion, la montagne sainte de l’Éternel (Ps. 2 : 6). Mais pour que cela puisse avoir lieu, le jugement doit être exécuté sur toutes les nations qui ont asservi Israël. L’Éternel les rassemble et les fait descendre dans la vallée de Josaphat. Il entre en jugement avec elles au sujet de son peuple, de son héritage qu’elles ont dispersé parmi les nations. Le sujet du jugement est uniquement le traitement qu’elles ont fait subir à Israël, au peuple de Dieu. « Elles ont partagé mon pays, et elles ont jeté le sort sur mon peuple, et ont donné le jeune garçon pour une prostituée, et ont vendu la jeune fille pour du vin, et elles l’ont bu » (v. 2, 3). Tyr, Sidon et la Philistie (plus tard l’Égypte et Édom, v. 19) sont distinguées dans le jugement, car nous avons ici le jugement général de toutes les nations qui se sont partagé le pays et ont « foulé Jérusalem aux pied » (Luc 21 : 24). « Et vous aussi, que me voulez-vous, Tyr et Sidon, et tous les districts de la Philistie ? Est-ce une récompense que vous me donnez ? Et si vous me récompensez, je ferai retomber votre récompense vite et promptement sur votre tête ; parce que vous avez pris mon argent et mon or, et que vous avez porté dans vos temples mes belles choses désirables, et que vous avez vendu aux fils de Javan les fils de Juda et les fils de Jérusalem, afin de les éloigner de leurs confins » (v. 4-6).

Les peuples susnommés avaient pillé, volé l’héritage de Dieu, vendu les fils de Juda à la Grèce (*), pour s’emparer de leur pays, de ce qui appartenait à l’Éternel. Ils subiront un sort différent des autres peuples : les fils de Juda les vendront aux Sabéens.

(*) Voyez aussi la vente des fils d’Israël à Édom, par Tyr et les Philistins (Amos 1 : 6, 9).

Il est intéressant de rapprocher de ce passage celui d’un livre qui n’a rien à faire avec les écrits inspirés, quoiqu’il aît la valeur d’un document historique. On lit au premier livre des Macchabées (3 : 38-41) : « Lysias choisit Ptolémée, fils de Dorimène, Nicanor et Gorgias, habiles capitaines et amis du roi ; et il envoya avec eux 40 000 hommes de pied et 7000 cavaliers, pour envahir le pays de Juda et le ruiner selon l’ordre du roi. lis se mirent en marche avec toutes leurs troupes, et étant entrés en Judée, ils campèrent près d’Emmaüs, dans la plaine. Quand les marchands du pays apprirent leur arrivée, ils prirent avec eux beaucoup d’argent et d’or, ainsi que des entraves, et vinrent au camp des Syriens pour acheter comme esclaves les enfants d’Israël. À cette armée se joignirent les troupes de Syrie et celles du pays des Philistins. »

Le jugement est un jugement guerrier d’un caractère particulier et rappelle, comme nous l’avons dit plus haut, la victoire de Josaphat. Comme l’Éternel avait fait entendre sa voix devant son armée, devant l’Assyrien quand il s’agissait de châtier son peuple (2 : 11), il fait maintenant entendre sa voix aux oreilles des nations pour anéantir toute leur puissance. Il oblige les nations à se présenter en armes. Elles croient poursuivre leurs desseins et leurs buts politiques et ne soupçonnent pas qu’elles courent au-devant du jugement final. Tous les travaux de la paix sont abandonnés et les instruments aratoires sont convertis en armes de guerre : « Proclamez ceci parmi les nations, préparez la guerre, réveillez les hommes forts ;’qu’ils approchent, qu’ils montent, tous les hommes de guerre ! De vos socs, forgez des épées, et de vos serpes, des javelines. Que le faible dise : Je suis fort ! Accourez et venez, vous, toutes les nations, de toute part, et rassemblez-vous ! » (v. 9-11.) Elles montent pour le combat, pour se disputer le faible Résidu de Juda et, de fait, contre son Roi qui a manifesté sa gloire à ses saints en se montrant à eux sur la montagne des Oliviers. C’est, en effet, la scène finale. Quels que soient les motifs politiques des peuples, tous, les armées de l’empire romain d’Occident et les armées du Nord et de l’Orient se rassemblent pour la possession de Jérusalem. C’est le conflit suprême produit par la « Question d’Orient ». Que va-t-il en résulter ? « Là, Éternel, fais descendre tes hommes forts ! » (v. 11.) On a voulu voir dans ces hommes forts de l’Éternel, les armées célestes. Encore une fois, c’est introduire les scènes de l’Apocalypse (chapitre 19) dans la prophétie de l’Ancien Testament, tandis qu’il s’agit ici, je n’en doute pas, du faible Résidu de Juda entourant son roi, comme jadis les « hommes forts » de David, ou comme la poignée d’hommes forts qui entourait Josaphat au jour de la bataille. Ésaïe 13, 3, nous renseigne sur ce qu’ils sont et sur leur caractère. « J’ai donné commandement à mes saints, j’ai appelé aussi pour ma colère mes hommes forts, ceux qui se réjouissent en ma grandeur ». Mais, pas plus que Josaphat et les siens, ils ne sont appelés à combattre. Ils assistent au jugement que l’Éternel va accomplir. Il en sera de même en Apoc. 19 pour les armées célestes ; cependant les hommes forts du Fils de David pilleront les nations et leur enlèveront leur butin (2 Chron. 20 : 25), ou, selon Ésaïe 11 : 14: « Ils voleront sur l’épaule des Philistins vers l’ouest, ils pilleront ensemble les fils de l’orient : Édom et Moab seront la proie de leurs mains, et les fils d’Ammon leur obéiront. » Ces nations avaient échappé à l’Assyrien en Dan. 11 :11. La même chose est dite d’Édom en Ézéchiel 25 : 14: « J’exercerai ma vengeance sur Édom par la main de mon peuple Israël. » Et encore, en Abdias, v. 15: « Car le jour de l’Éternel est proche, contre toutes les nations : comme tu (Édom) as fait, il te sera fait ; ta récompense retombera sur ta tête. »

Le jugement, s’il a un caractère guerrier, n’est pas proprement un combat : « Que les nations se réveillent et montent à la vallée de Josaphat, car là je m’assiérai pour juger toutes les nations, de toute part » (v. 12) ; cette scène est bien différente comme aspect de la sortie du Seigneur, sur un cheval blanc, avec les armées qui sont dans le ciel, jugeant et combattant en justice (Apoc. 19 : 11-14).

Le siège de ce jugement, le lieu où l’Éternel est assis, c’est Jérusalem et Sion : « L’Éternel rugira de Sion, et de Jérusalem il fera entendre sa voix, et les cieux et la terre trembleront » (v. 16).

Malgré certaines analogies, le tableau qui nous est fait ici n’a rien de commun avec celui du jugement de Matt. 25 : 31-46 qui lui est postérieur. Là « le fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui alors il s’assiéra sur le trône de sa gloire, et toutes les nations seront assemblées devant lui. » Il fera comparaître et assemblera toutes les nations, mais non pas pour exécuter sur elles un jugement national. Ce sera un jugement individuel, séparant parmi les nations les bons d’avec les méchants. Ils seront déclarés bons ou méchants selon la manière dont ils auront reçu et traité les frères du Fils de l’homme, les messagers juifs envoyés par lui pour proclamer l’Evangile du royaume et engager les nations à se soumettre au sceptre du vrai David. À la suite de la sentence prononcée, les uns s’en iront dans les tourments éternels, les autres dans la vie éternelle.

Tout autre est la scène de Joël. Elle se termine par la moisson et la vendange : « Mettez la faucille, car la moisson est mûre ; venez, descendez, car le pressoir est plein, les cuves regorgent ; car leur iniquité est grande » (v. 13). Ces images sont employées en beaucoup d’autres endroits des Ecritures. Le chap. 14 : 14-20 de l’Apocalypse a beaucoup d’analogie avec ce qui nous est dit ici, mais a une portée beaucoup plus vaste. Nous y voyons quelqu’un de semblable au fils de l’homme, assis, mais sur la nuée, et faisant la moisson au moment voulu de Dieu, seulement la moisson comprend la population de la terre tout entière. Ici, nous le voyons assis à Jérusalem où il a son trône et faisant affluer les multitudes dans la vallée de jugement (hébreu : Charuts), dans la vallée, dont la sentence était décrétée d’avance. Les nations viennent combattre et montrent ainsi ce qu’il y a dans leurs coeurs contre Christ et contre son peuple, car ce qui touche à son peuple touche à Lui-même. Il faut, pour qu’elles soient saisies sur le fait, qu’elles soient trouvées en armes devant le jugement inexorable, elles qui ont employé tous les outils de la paix, de la prospérité des peuples, pour préparer la guerre. N’assistons-nous pas déjà de nos jours, à ce gaspillage effréné qui sacrifie tout à l’équipement guerrier des multitudes ?

En Apoc. 14 la moisson et la vendange sont très distinctes l’une de l’autre ; la première a les nations, la seconde Israël apostat pour objet. Ici rien de semblable, quoique je ne doute pas que les juifs apostats, le peuple de l’Antichrist, s’étant solidarisé avec les nations, ne soit compris dans leur jugement. La moisson et la vendange sont réunies dans notre passage (« la moisson est mûre… les cuves regorgent ») parce que cette scène s’occupe non pas du rapport des peuples avec les juifs incrédules, mais avec le Résidu de Juda et de Jérusalem quand leurs captifs sont rétablis. La moisson devient ici le jugement des ennemis d’Israël, séparant l’ivraie du bon grain, la vendange leur extermination sans merci.

Ajoutons encore deux ou trois passages qui ont trait au même événement. Le Ps. 18 : 30-45 célèbre le jugement des nations confié au Fils de l’homme. Il se termine par leur soumission apparente à l’autorité de son sceptre de fer. Le Ps. 78 : 65, 66 décrit aussi cette scène : Celui qui a choisi la tribu de Juda et la montagne de Sion comme siège de sa puissance, y « frappa ses ennemis par derrière, il les livra à un opprobre éternel », Zach. 14 : 3, semble comprendre, outre le jugement de l’Assyrien, celui des nations qui ont été de connivence pour opprimer Israël, car le combat y est différencié du « jour de la bataille ». On pourrait multiplier ces citations ; nous nous bornerons à celles-ci.

En résumant tous les passages dont nous venons de nous occuper, nous pouvons noter quatre événements faisant partie de ce grand tout : le jour de l’Éternel et l’apparition du Seigneur, ou l’apparition de sa venue. Ces événements sont :

1° La destruction des armées de la Bête et du faux prophète par l’apparition du Fils de l’homme, sortant du ciel avec ses armées (Apoc. 19).

2° Comme conséquence du n° 1, l’apparition du Christ à Jérusalem, sur la montagne des Oliviers pour délivrer le Résidu juif et anéantir l’Assyrien (Ésaïe 31 : 4-9; Zach. 14 : 3, 4).

3° Le jugement guerrier et collectif des nations qui, environnant le territoire d’Israël, ont été les oppresseurs du peuple de Dieu. Le Résidu de Juda est associé à ce jugement guerrier. (Étant général, il englobe aussi toutes les nations mentionnées sous les n° 1 et n° 2, mais le tout est considéré au point de vue juif.) (Joël 3, Abdias, etc.)

4° Le jugement des nations, ayant un caractère individuel, quand le Fils de l’homme, entouré de ses anges, vient s’asseoir sur le trône de sa gloire. Ce jugement n’atteint parmi les nations que ceux qui ont rejeté les messages du Seigneur, quand ils leur annonçaient l’Evangile du royaume.

Comme le jour de l’Éternel était précédé de signes terribles (2 : 30, 31), des signes semblables accompagnent ce jour dans la vallée de Josaphat. « Le soleil et la lune seront obscurcis, et les étoiles retireront leur splendeur » (v. 15).

Après le jugement, « l’Éternel sera l’abri de son peuple et le refuge des fils d’Israël ». Alors ils le connaîtront selon les bénédictions de la nouvelle alliance : « Vous saurez que moi, l’Éternel, je suis votre Dieu. » Il demeurera désormais au milieu d’eux : Je « demeure en Sion, ma montagne sainte ». « Jérusalem sera sainte », purifiée désormais de toute souillure et consacrée à l’Éternel, et les étrangers qui avaient été les instruments du jugement de Dieu contre son peuple infidèle ne fouleront plus aux pieds la cité bien-aimée (v. 16, 17).

« Et il arrivera, en ce jour-là, que les montagnes ruisselleront de moût, et les collines découleront de lait, et tous les torrents de Juda découleront d’eau » (v. 18). Maintenant un libre cours peut être donné à la bénédiction. La vallée de Josaphat est devenue la vallée de Beraca (2 Chroniques 20 : 26). Partout, dans le pays d’Israël, la joie, le rassasiement, les bénédictions spirituelles sont répandues. Désormais rien ne manque au peuple de l’Éternel. Le pays est redevenu ce qu’il devait être dans les pensées de Dieu au moment où la grâce en ouvrait les frontières aux douze tribus (Deut. 8 : 7-10).

« Une source sortira de la maison de l’Éternel, et arrosera la vallée de Sittim » (v. 18). C’est un fait naturel, en même temps qu’un symbole. (Voyez Ézéch. 47 : 1-12; Zach. 14 : 8; Apoc. 22 : 1, 2.) La bénédiction divine répand la vie partout où elle passe. Sittim est situé près du Jourdain de Jéricho dans les plaines de Moab (Nombres 26 : 3; 31 : 12; 33 : 48, 49). C’est là qu’Israël habitait quand il commit fornication avec les filles de Moab (Nombres 25 : 1). C’est de là que Josué envoya des espions pour reconnaître Jéricho (Josué 2 : 1) ; de là aussi que le peuple partit pour passer le Jourdain. Les eaux descendront de Jérusalem dans l’Arabah, ou vallée de Sittim où coule aussi le Jourdain, et parviendront jusqu’à la mer Morte. En Zacharie, la source sort de Jérusalem pour aller à la Méditerranée d’un côté, à la mer Morte de l’autre. Ici, elle sort du temple, établi sur la montagne de Sion et arrose la vallée qui s’étend au-delà du Jourdain. En Ézéchiel, les eaux descendent dans la plaine (de Sittim) vers l’Orient, et parviennent jusqu’à la mer Morte pour la rendre saine. Le territoire d’Édom, la montagne de Séhir qui domine toute cette scène autrefois désolée, sera le témoin de l’abondance des bénédictions répandues sur ce peuple dont Édom a versé le sang dans sa haine violente et sa rage de destruction. Tous les prophètes nous annoncent qu’Édom n’obtiendra aucune rémission au jour de la vengeance (voyez Abdias).

Désormais, la scène de la bénédiction est établie pour toujours, mais n’embrasse, dans notre prophète, comme nous l’avons maintes fois remarqué au cours de cette étude, que Juda et Jérusalem. « Juda (en contraste avec Édom qui sera « un désert désolé ») sera habité à toujours, et Jérusalem de génération en génération. » Et Dieu ajoute : « Je les purifierai du sang dont je ne les avais pas purifiés : et l’Éternel demeure en Sion » (v. 21).

C’est sans doute parce que cette scène est restreinte à Juda et à Jérusalem que la « purification du sang » est mentionnée, car je pense qu’il s’agit ici du sang du Christ, dont la coulpe tombe sur Jérusalem et Juda, comme le sang innocent du peuple tombait sur Édom qui l’avait versé (v. 19). Le peuple de Dieu en est désormais purifié et l’Éternel peut demeurer en paix au milieu d’eux sur la montagne de la grâce royale. Le sang dont Jérusalem S’est rendue coupable en immolant le Saint et le Juste est devenu le sang de propitiation par lequel leur faute est expiée à toujours, par lequel ils sont réconciliés avec Dieu, en vertu duquel ils habiteront de génération en génération autour de leur Roi glorieux qui, Lui-même, a choisi Sion, et l’a désirée pour être son habitation. « C’est ici, dira-t-il, mon repos à perpétuité ; ici j’habiterai, car je l’ai désirée ! » (Ps. 132 : 13, 14).

N’est-il pas remarquable de voir comment, au dernier mot du livre, le motif de toutes les voies de Dieu envers son peuple se dévoile ? L’outrage à son Fils unique, descendu ici-bas pour ôter le péché du monde, la crucifixion de leur Roi, a été la cause des terribles jugements que Dieu leur a infligés — mais leur péché même, le crime par lequel ils ont répandu le sang de l’Agneau de Dieu, est le moyen employé pour les purifier et les racheter, pour réconcilier toutes choses avec Dieu et pour établir sur la terre un règne de justice et de paix. Merveilleuse grâce ! Dieu se sert de la haine de Satan et du crime de l’homme pour introduire le règne de Christ et notre bénédiction éternelle ! À Lui la gloire aux siècles des siècles !