par Henri Rossier (1914)
Table des matières :
2 - PREMIÈRE PARTIE : CHAPITRES 1-3 : État moral d’Israël et conseils de Dieu à son égard.
2.1 - Chapitre 1 : Dieu rejette Israël et reçoit les nations.
3 - DEUXIÈME PARTIE : CHAPITRES 4-10 : Le Débat de l’Éternel avec Israël.
3.1 - Chapitre 4 : Plus d’espoir pour Éphraïm ; il reste un faible espoir pour Juda.
3.3 - Chapitres 6 v.4 à ch. 7 : Le débat s’accentue et se fait plus pressant.
3.4 - Chapitres 8 à ch. 10 : Ils ont semé le vent, ils récoltent la tempête.
4 - TROISIÈME PARTIE : CHAPITRES 11-13 : Jugements mélangés d’espérances.
4.1 - Chapitre 11 : Le nouvel Israël et la miséricorde après les jugements.
4.2 - Chapitre 12 : Menaces et promesses.
4.3 - Chapitre 13 : Derniers éclats. Aube de la délivrance.
5 - QUATRIÈME PARTIE : Chapitre 14 : Repentance et Restauration d’Israël.
Le prophète Osée s’adresse spécialement aux dix tribus, tout en
mentionnant à diverses reprises les tribus de Juda et de Benjamin. Ne pas tenir
compte de ce fait ajouterait de l’obscurité au langage souvent difficile de ce
livre. C’est ainsi que, pour Osée, Israël
signifie d’habitude les dix tribus,
en
contraste avec celle de Juda (par ex. 1: 6, 11; 3: 1; 4: 15). Ce même nom
s’applique aussi aux neuf tribus
en
rapport avec Éphraïm qui en est le chef (4: 3), mais distinctes de Juda et de
Benjamin (5: 5). Ce n’est qu’occasionnellement que la réunion passée ou future
des douze tribus
prend le nom
d’Israël (3: 5; 9: 10; 11: 1). Le nom Éphraïm
est continuellement employé pour désigner les dix tribus
caractérisées par leur tribu dominante. Juda,
comme nous l’avons dit, est en
contraste avec Israël et comprend d’habitude Juda et
Benjamin. Parfois ces deux tribus sont nommées séparément. Jacob
est l’ensemble du peuple sous la conduite de Juda,
sa tribu dominante.
— Le rôle si important que jouent les dix tribus dans ce livre ressort du fait
que le nom d’Israël (presque toujours les dix tribus) y est mentionné 43 fois,
le nom d’Éphraïm (avec le même sens) 36 fois, enfin le nom de Juda seulement 15
fois.
Osée est donc essentiellement un prophète d’Israël, caractère que partagent, quoique à un moindre degré, les prophètes Amos et Michée.
Osée prophétisait sous les mêmes rois de Juda qu’Ésaïe et, par conséquent, sous la série des rois d’Israël qui commence à Jéroboam II et finit avec le roi Osée, dernier souverain des dix tribus avant leur captivité. En additionnant les années des rois d’Israël, de Jéroboam à Osée, y compris les interrègnes, on arriverait à la somme énorme de 82 ans 7 mois, comme durée de cette prophétie ; en ajoutant, d’autre part, les années d’Ozias, de Jotham, d’Achaz et les six années d’Ézéchias jusqu’à la captivité des dix tribus, on arriverait à la somme plus considérable encore de 90 ans. Un calcul pareil serait erroné. En étudiant la prophétie d’Osée, on s’aperçoit aisément que le règne de Jéroboam Il y joue un rôle très restreint ; il faut donc retrancher ici le plus grand nombre des années de ce règne. D’autre part, le contenu du livre nous amène à la conclusion que notre prophète n’a pas vu l’ensemble des années de son homonyme, Osée, roi d’Israël. Par ces calculs approximatifs nous atteignons une durée, longue encore, de cette prophétie, mais qui se peut aisément concevoir.
Le contenu du livre nous fournit des indications nombreuses sur les circonstances traversées par notre prophète, ou qui deviennent la cause prochaine de ses oracles. Ces circonstances sont, d’un côté, l’interrègne de 11 ans qui sépare le long règne de Jéroboam de celui, si court, de Zacharie — de l’autre, l’anarchie de 9 ans qui précéda l’avènement d’Osée, dernier roi d’Israël. Ces événements divers sont mentionnés par notre prophète, soit comme accomplis, soit comme prêts à l’être, et figurant des événements prophétiques futurs (3: 4; 10: 3). Osée fait, en outre, allusion à un bon nombre d’autres circonstances : les violences et les meurtres successifs des rois d’Israël (4: 1-3; 7: 7; cf. 2 Rois 15: 8, 16, 25, 30) ; la recherche de l’Assyrie ou de l’Égypte, comme protecteurs (5: 10, 13; 7: 11; 8 :9, 13; 10: 6; 12: 2; cf. 2 Rois 15: 19, 20; 17:3, 4). Les chapitres 10 :7, 15; 13: 16, nous montrent, d’autre part, que si le prophète a pu voir le commencement du règne d’Osée, il n’a pas atteint les jours où les dix tribus furent emmenées captives par l’Assyrien. Ces nombreuses citations expliquent en même temps comment l’Esprit prophétique relie à des circonstances présentes la révélation des événements futurs.
En ces jours tragiques, où tout se précipite vers une issue fatale, le style du prophète est hâché, abrupt, par conséquent obscur et sans transitions ; il semble souvent que le temps lui manque pour relier ses pensées entre elles. Cette hâte se marque de plus en plus, à mesure qu’on avance dans la seconde partie de la prophétie. Osée passe, sans nous en avertir, des menaces aux promesses ; d’une échappée sur la bénédiction à une vue sur une scène de carnage ; du tableau des gratuités passées, à celui des douleurs d’enfantement qui viendront subitement sur Éphraïm. C’est que le jugement est à la porte. Tout se mêle et se confond pour le prophète, dans sa précipitation à tout dire. Ah ! qu’au moins une parole de grâce ou de jugement atteigne les oreilles de ce peuple ! Hélas ! il n’écoute pas ! Et cependant, jusqu’au style obscur doit le forcer à la réflexion ! Malheur à lui ! — Mais voici que soudain Dieu revient à ses promesses d’ancienneté. Aussitôt le style se calme et se repose enfin, au dernier chapitre, sur le tableau d’Israël repentant qui retrouve la jouissance de la faveur divine. La colère n’est plus ; seule la bénédiction subsiste, dans une parfaite paix.
C’est ainsi que, dans la Parole, Dieu approprie même le style de
ses serviteurs à l’expression de ses pensées. Nous nous verrons obligés, à
cause des difficultés et du décousu apparent
de ce style, de donner parfois une paraphrase,
c’est-à-dire un développement explicatif du texte. Tout notre désir est que
cette méthode ne fatigue pas le lecteur, mais lui fournisse une intelligence
plus claire de la Parole inspirée et ne nuise en aucune manière à
l’édification, but unique de ces pages.
En étudiant Osée, il faut que nous soyons saisis nous-mêmes des angoisses tumultueuses qui remplissent le coeur de cet homme de Dieu : Indignation de la conduite d’Israël envers son Dieu et annonce des jugements prochains ; amour pour ce peuple auquel il tient par toutes les fibres de son coeur, d’un coeur douloureux qui saigne, s’indigne, chérit, espère ; qui appelle, crie, rugit, supplie ; qui, de sa haute tour, signale la tempête et retombe accablé quand son cri n’a point trouvé d’écho ; — mais qui, au milieu de tant de vains appels, a la consolation suprême de se reposer sur la grâce, espérant invariablement dans les promesses confirmées à Christ, et dont Dieu ne se repentira jamais.
Un mot encore sur le plan, très simple du reste, de la prophétie d’Osée. Elle se divise en quatre parties de longueur très inégale, dont nous marquerons en leur lieu les subdivisions :
— Les chap. 1 à 3 nous présentent l’état moral d’Israël et les conseils de Dieu à son égard. Chacun de ces trois chapitres se termine par la restauration finale du peuple comme ensemble.
— Les chap. 4 à 10 contiennent le débat de l’Éternel avec Israël et l’énumération de ses voies à l’égard du peuple. C’est là surtout que nous assistons aux angoisses du prophète.
— La troisième division comprend les chap. 11 à 13. Ici le débat continue, mais entremêlé d’échappées sur les desseins de la grâce de Dieu à l’égard d’Éphraïm et de Juda.
— La quatrième division contient le chap. 14 seul. Il fournit une expression à la repentance définitive aux derniers jours et décrit la restauration finale d’Éphraïm sous le règne millénaire du Messie. Les dix tribus retrouvent ainsi la communion avec l’Éternel qu’elles avaient perdue et qui devient leur partage à toujours.
(v. 1.) — « La parole de l’Éternel qui vint à Osée, fils de Beéri, aux jours d’Ozias, de Jotham, d’Achaz et d’Ézéchias, rois de Juda, et aux jours de Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël ».
Dès le premier verset nous nous heurtons à une difficulté. Comment se fait-il qu’Osée, prophète d’Éphraïm, au lieu d’énumérer la série des rois d’Israël sous lesquels il a prophétisé, ne mentionne que Jéroboam, le premier de ces rois, passe sous silence ses six successeurs et marque la durée de sa prophétie par les rois de Juda ? À cette énigme l’histoire des rois d’Israël fournit une solution, confirmée par le contenu de notre premier chapitre.
Jéhu, exécuteur des jugements de Dieu contre les dix tribus,
avait exterminé Joram, roi d’Israël, et les 70 fils de l’impie Achab, mais,
plein d’un zèle charnel, il avait outrepassé les ordres de Dieu en exerçant la
vengeance sur Achazia, roi de Juda, et ses quarante-deux frères. L’Éternel
reconnut l’obéissance de Jéhu, dans la
mesure
où elle s’était exercée à son service, et lui dit : « Parce que tu as
bien exécuté ce qui était droit à mes yeux, et que tu as fait à la maison
d’Achab selon tout ce qui était dans mon coeur, tes fils, jusqu’à la quatrième
génération, seront assis sur le trône d’Israël » (2 Rois 10: 30; 15: 12). Ce
fut, en effet, ce qui arriva. Sur les instances de Joakhaz, son père, première
génération de Jéhu, Joas, la seconde génération, avait été suscité comme « Sauveur
à Israël » (2 Rois 13: 5). Jéroboam
II, troisième génération, tout mauvais roi qu’il fût, avait été également
honoré du titre de Sauveur
du peuple
(2 Rois 14: 27). Dès lors cependant, Israël était jugé, mais il manquait encore
la quatrième génération de Jéhu pour accomplir la promesse, faite à ce dernier
par l’Éternel. À la mort de Jéroboam, les dix tribus traversèrent une période d’interrègne
dont la prophétie d’Osée porte les traces. Mais ce que l’Éternel avait promis
devait nécessairement avoir lieu. Au bout de onze ans d’interrègne, Zacharie,
quatrième descendant de Jéhu, s’assit sur le trône d’Israël, mais ne régna que
six mois et mourut de mort violente (2 Rois 15: 8-12). Ainsi s’accomplissait à
la fois la parole de l’Éternel à Jéhu et le jugement définitif sur les dix
tribus. Déjà, du temps de Jéroboam II, ce jugement était consommé dans les
décrets de Dieu. Les cinq souverains qui se succédèrent sur le trône depuis
Zacharie jusqu’à la transportation des dix tribus ne comptent pas pour le prophète,
malgré le long règne de deux
d’entre eux.
Osée prophétise sur Israël, alors que déjà le sort du peuple est
invariablement fixé par l’Éternel. Celui-ci tient sa promesse à Jéhu, mais juge
définitivement la maison d’Israël, à
commencer par Jéhu
(1: 4). Pour un temps Juda, sous quelques rois fidèles,
« marche encore avec son Dieu et les vrais saints », quoique, de fait, la ruine
des deux tribus soit déjà complète (12: 1). Aussi, comme nous le verrons,
chaque fois que Juda est mentionné, c’est pour montrer que, si son jugement est
retardé, il n’est pas éloigné et atteindra sûrement la maison de David.
Voilà donc ce qui nous semble expliquer pourquoi Osée, prophète d’Éphraïm, nous est présenté comme prédisant sous le règne des rois de Juda, et passe sous silence tous les rois d’Israël, sauf Jéroboam. Ce dernier était encore un « Sauveur ». Après lui, tout n’est plus que désordre, meurtres et anarchie.
(v. 2-5.) — En un temps où la parole de Dieu n’a plus de
puissance sur le coeur du peuple, pour le convaincre et le ramener, l’Éternel
l’accompagne de signes visibles, symboliques, propres à atteindre la conscience
et au sens desquels personne ne peut se soustraire. « L’Éternel dit à Osée : Va,
prends-toi une femme prostituée et des enfants de prostitution ; car le pays
s’est entièrement prostitué en abandonnant l’Éternel ». Il faut que le prophète
de l’Éternel, l’homme qui représente Dieu lui-même devant le peuple, contracte
une alliance déshonorante. Israël ne comprendra-t-il pas que la prostitution
est sa condition actuelle ? Il avait abandonné
l’Éternel, trahi ses engagements avec son mari ; et cependant les relations
d’une alliance légitime subsistaient encore. Y avait-il rien de plus honteux
pour le prophète ? Mais combien plus pour l’Éternel lui-même ! En outre, non
seulement le prophète (ou Dieu) était déshonoré, mais les enfants issus de
cette union ne pouvaient s’appeler que des enfants de prostitution. Jamais la
souillure ne peut être améliorée, même alliée avec la pureté la plus parfaite.
Si la sainteté du prophète, sous la conduite de l’« Esprit de Dieu, n’en était
nullement altérée, l’impureté de son épouse était décuplée par le fait qu’elle
n’avait eu aucun égard à cette sainteté ; mais il était désormais impossible
que Dieu n’en prît pas connaissance, si, le fait une fois constaté, Il ne
voulait pas renier Sa sainteté. Le jugement devenait donc une nécessité, à
moins que Dieu n’abandonnât son caractère.
Cette vérité est de tous les temps. Après Israël, l’Église, en
tant qu’Épouse responsable
de Christ,
a suivi le même chemin, s’est prostituée, et tombera sous le même jugement,
bien plus terrible toutefois que celui d’Israël, puisqu’il sera proportionné
aux grâces qu’elle a reçues. Israël a manqué sous la loi ; l’Église responsable
a manqué sous la grâce. Mais Israël, après sa défection sous l’économie de la
loi, retrouvera, sous la nouvelle alliance, la grâce qu’il n’avait jamais
connue ; l’Église ne la retrouvera pas, car, après la grâce, manifestation
suprême du caractère de Dieu, il ne lui reste plus de ressource, ni d’autre
issue, que le jugement. L’Église est en voie de devenir « la grande prostituée »,
la mère de toutes les abominations de la terre qui aura pour fin cette sentence : « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande ! » (Apoc. 17: 1, 5; 18:
2.)
Osée prend donc pour femme Gomer, dont la conduite est l’image de celle du peuple. Elle est fille de Diblaïm, qui signifie « double embrassement ». Ce nom semble être une allusion. Dès son origine, Israël avait été soumis à deux influences contraires, celle de la chair et celle de la sainteté de Dieu. Un mélange — une chose ni tout à fait bonne, ni tout à fait mauvaise — pouvait-il en être le résultat ? Impossible ! « La corruption n’hérite pas de l’incorruptibilité ».
Le premier fils de Gomer est Jizreël. « Appelle », dit l’Éternel, « son nom Jizreël, car encore un peu de temps et je visiterai le sang de Jizreël sur la maison de Jéhu, et je ferai cesser le royaume de la maison d’Israël ; et il arrivera, en ce jour-là, que je briserai l’arc d’Israël dans la vallée de Jizreël » (v. 4). Ce nom rappelle le meurtre, commis par Jéhu, sur Achazia, roi de Juda et ses quarante-deux frères (2 Rois 9-10). Dieu avait approuvé Jéhu en ce qu’il avait fait à la maison d’Achab et lui en avait même accordé la récompense. Ce n’est qu’environ quatre-vingts ans après que nous apprenons ce que Dieu pensait du meurtre des fils de Juda.
Ce principe est très instructif quant aux voies de Dieu. En tant qu’il sert à l’accomplissement des conseils de Dieu, l’homme peut être approuvé de Lui, quels que soient les motifs secrets de son coeur, si toutefois il ne s’oppose pas à cet accomplissement. Mais les motifs secrets qui l’ont fait agir, quand il semblait ne travailler que pour Dieu, seront un jour mis en lumière et la violence ou l’hypocrisie se cachant sous le manteau de l’obéissance n’échapperont pas plus dans le jour du jugement qu’ils n’échappent aujourd’hui à Son regard. Il arrive un temps où la patience de Dieu prend fin. Les motifs du coeur de Jéhu, qu’il savait si bien cacher aux yeux du fidèle Jonadab, en les parant du nom de « zèle pour l’Éternel » (2 Rois 10: 15, 16), sont maintenant mis à découvert. Les meilleurs pouvaient s’y tromper, mais on ne trompe pas Dieu. Des années s’écoulent, le jour et l’heure de la rétribution arrivent, lentement peut-être, mais d’un pas certain et inévitable. N’en avait-il pas été de même dans l’affaire de Saül et des Gabaonites ; il semblait, après tant d’années, que Dieu eût oublié ce qu’il n’avait pas même enregistré. La famine de trois ans vint détromper Israël (2 Sam. 21).
Le nom de Jizreël est synonyme ici de brisement :
l’arc d’Israël (sa puissance) sera brisé dans la vallée
de Jizreël. Avec la maison de Jéhu le royaume des dix tribus a cessé
virtuellement et Dieu ne tient plus compte de ce qui reste.
Mais la royauté n’était pas seule en question. Dans quel état se
trouvait la nation elle-même sous les successeurs de Jéhu ? Gomer enfante une
fille et Dieu dit : « Appelle son nom Lo-Rukhama (elle n’a pas obtenu
miséricorde), car je ne ferai plus miséricorde à la maison d’Israël
pour leur pardonner encore » (v. 6). La coupe était
comble ; à l’égard d’Israël, il n’y avait plus lieu à repentance de la part de
l’Éternel ; cependant il voulait encore « faire miséricorde à la maison de Juda
et les sauver » — ce qu’il avait fait en vain par deux fois, comme nous l’avons
vu, à l’égard de la maison d’Israël — car la sentence définitive n’était pas
encore prononcée sur la race de David.
Gomer a un second fils. Dieu dit : « Appelle son nom Lo-Ammi (pas
mon peuple), car vous n’êtes pas mon peuple et je ne serai pas à vous » (v. 9).
Ainsi tout lien avec Dieu est rompu. Israël est rejeté et remarquons que Dieu
ne fait plus une exception en faveur de Juda, comme il l’a faite pour
Lo-Rukhama. La sentence s’étend ici au delà d’Éphraïm. Dans le moment même où
elle est prononcée, les relations vitales de tout
le peuple sont déjà rompues. Elles feront bientôt place aux simples
voies de la Providence
de Dieu, comme
nous les voyons au livre d’Esther, jusqu’au jour du rétablissement d’Israël.
Avec cette sentence : « Vous n’êtes pas mon peuple », il semble
que tout soit définitivement terminé. Sans doute, si Dieu n’était pas Dieu, et
si sa gloire voulait être fondée sur ses jugements au lieu d’être établie sur
sa grâce. Dieu est un juge et les pécheurs sont affreusement coupables de n’en
pas tenir compte, mais Il est aussi le Dieu des promesses et ces promesses sont
sans repentance. On le voit bien ici, au v. 10, à l’égard d’Israël : « Cependant
le nombre des fils d’Israël sera comme le sable de la mer, qui ne se peut
mesurer ni nombrer ». Le prophète, chose remarquable, ne remonte pas aux
promesses faites à Jacob (Israël) à Béthel : « Ta semence sera comme la poussière de la terre
» (Gen. 28: 14)
— mais à celles qu’il fit à Abraham à la suite du sacrifice d’Isaac : « Je
multiplierai abondamment ta semence
…
comme le sable qui est sur le bord de la
mer
» (Gen. 22: 17), promesse que Jacob lui-même rappelle à l’Éternel avant
de passer le gué de Jabbok : « Tu as dit : Certes, je te ferai du bien et je
ferai devenir ta semence comme le sable
de la mer
, qui ne se peut nombrer à cause de son abondance » (Gen. 32: 12).
C’est en vertu du sacrifice de Christ que la grâce de Dieu triomphera à la fin,
et sur ce sacrifice que l’Éternel établit ses promesses immuables. La loi,
venue si longtemps après, ne peut les annuler. Le Dieu des promesses ne peut
mentir, ni désavouer Christ, l’Isaac ressuscité, en qui elles sont toutes « Oui
et Amen ».
Mais le prophète mentionne encore une promesse bien plus
merveilleuse que celle du « sable de la mer » : « Et il arrivera que, dans le lieu
où il leur a été dit : Vous n’êtes pas
mon peuple, il leur sera dit : « Fils du Dieu vivant ». Ce passage a trait
aux nations et non pas à Israël, comme l’Esprit de Dieu nous l’enseigne en Rom.
9. N’est-il pas remarquable que, sans cet enseignement, nous n’aurions jamais
découvert, dans ce verset, la pensée de Dieu au sujet des gentils ? En Rom.
9 : 24-26, l’apôtre cite deux passages d’Osée pour montrer que Dieu a
appelé « des vaisseaux de miséricorde… savoir nous, non seulement d’entre les
Juifs, mais aussi d’entre les nations ». Le premier de ces passages est pris en
Osée 2: 23: « J’appellerai mon peuple, celui qui n’était pas
mon peuple et bien-aimée celle qui n’était point
bien-aimée ». Ces paroles se rapportent exclusivement
à Israël ; l’apôtre Pierre, s’adressant à des Juifs convertis, les emploie à
leur sujet : « Vous qui autrefois n’étiez
pas
un peuple, mais qui maintenant
êtes le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde, mais qui maintenant
avez obtenu miséricorde » (l
Pierre 2: 10). Pierre montre à ces chrétiens sortis du judaïsme que ce qui
était promis pour l’avenir à leur nation, eux le possédaient maintenant ;
qu’ils avaient le droit de
s’appeler le peuple de Dieu, et avaient des relations avec Dieu fondées sur sa
grâce gratuite.
Le second passage de Rom. 9 est tiré d’Osée 1: 10. C’est celui
qui nous occupe : « Il arrivera », dit l’apôtre, « qu’au lieu où il leur
a été dit : Vous n’êtes point
mon peuple, là ils seront appelés fils du Dieu
vivant ». Dans l’avenir, les fils d’Israël apprendront que Dieu s’est suscité à
leur place un peuple nouveau, ayant un titre nouveau : « Fils du Dieu vivant ».
Ce nom me semble avoir une portée toute
spéciale. Dans l’Ancien Testament le nom du Dieu vivant, du Dieu d’Israël
possédant la vie en lui-même,
semble
être en contraste avec les dieux sans vie, idoles des nations. Dans le Nouveau
Testament, Christ est le Fils du Dieu vivant (Matt. 16: 16; Rom. 1: 4), déclaré
tel par la résurrection d’entre les morts. En vertu de cette résurrection et
par la descente du Saint Esprit, le chrétien possède la même relation avec Dieu
que son Seigneur et Sauveur. Il est fils de Dieu, du Dieu vivant. Telle me
semble être la portée de ce passage. Il s’adresse aux nations dont nous faisons
partie, et proclame la nouvelle relation dans laquelle elles entreront avec
Dieu par un Christ ressuscité. Sans doute le prophète ne va pas jusqu’au
mystère de l’Église, inconnu de l’Ancien Testament, mais nous pouvons dire que
ce mystère est caché
ici dans ces
mots : « le Dieu vivant », titre connu de tous les prophètes, mais révélé ici pour
le temps futur où, sur lui, le Seigneur bâtira son Assemblée.
« Et les fils de Juda et les fils d’Israël se rassembleront, et
s’établiront un chef, et monteront du pays ; car la journée de Jizreël est
grande » (v. 11). De la bénédiction des nations, le prophète passe au
rassemblement futur de tout
Israël.
Juda, avec lequel Dieu patientait encore, devait être dispersé après les dix
tribus, mais il n’en sera pas toujours ainsi. Si le but de la croix, de
rassembler en un les enfants de Dieu dispersés, a échoué quant à Israël, le
temps viendra où ce dessein s’accomplira. Juda et Israël (ou les dix tribus)
s’établiront un seul chef
; ils
reconnaîtront ensemble
la seigneurie du Christ que Juda avait rejeté. Alors ces
frères ennemis vivront unis avec leur Chef, souverain sacrificateur et Roi sur
son trône, devenu désormais leur Conducteur. Ils « monteront du pays ». Le sens
de cette parole me paraît être qu’ils monteront de la terre de Canaan comme une
moisson abondante, car, ajoute immédiatement le prophète, « la journée de
Jizreël est grande ». Alors Jizreël, lieu du massacre et de la rétribution (v.
5), recevra sa vraie signification : « Dieu sème » (cf. 2: 23). Il sème et la
moisson lèvera, mais seulement après que le jugement du peuple aura été
consommé. Dès que la journée de Jizreël est introduite par Dieu lui-même, elle
ne peut être qu’en bénédiction ; où Lui a semé, la moisson ne peut être
qu’infiniment grande. Autrefois, sous Jéhu, l’homme avait semé, et récolté la
tempête ; mais quand Dieu sèmera il récoltera un peuple bien uni, le fruit mûr
de son oeuvre, rassemblé sous un Chef divin. Alors on pourra dire, en effet :
La journée de Jizreël est grande ! (*)
(*) C’est du moins l’explication que je propose de ce passage qui a reçu plusieurs interprétations. Voir pour la même signification du mot monter : chap. 10: 8. S’établir un chef et monter ne se lient point, selon moi, dans ce passage.
Nous avons donc trouvé dans ce chapitre un résumé important du passé et de l’avenir d’Israël et de Juda. Toute la prophétie de l’Ancien Testament y est condensée en quelques mots. Les promesses de Dieu ; le peuple sous la loi abandonnant l’Éternel ; le jugement qui en est la conséquence ; la rupture de toute relation entre Dieu et le peuple ; la cessation de ses voies de miséricorde envers lui ; l’alliance légale ayant été rompue par Israël ; — l’entrée des nations dans les bénédictions de la nouvelle alliance, comme fruit de la résurrection du Christ qu’Israël avait rejeté, — mais ensuite la reprise des relations de Dieu avec Israël, lorsque le Christ ressuscité devient Chef de son peuple, le réunit en un après sa dispersion, et fait lever une moisson abondante sur la terre renouvelée.
Le premier verset de ce chapitre : « Dites à vos frères : Ammi ! et
à vos soeurs : Rukhama ! » semble se rapporter à l’espérance donnée à Israël, à la
fin du premier chapitre. C’est comme si le prophète disait : Dans le jour actuel
il est possible de
réaliser le caractère d’un Résidu. Mais il y aura, en un temps futur
, non encore déterminé, des fidèles qui se
reconnaîtront, les uns les autres, comme étant le peuple de Dieu et comme ayant
obtenu miséricorde. Seulement ces fidèles, unis dans l’heureuse pensée
d’appartenir à l’Éternel et d’être en faveur auprès de Lui, « plaideront contre
leur mère » (v. 2), la femme prostituée, Israël apostat, « qui n’est pas la femme
de l’Éternel et dont il n’est pas le mari ». Eux sont issus de Dieu, puisque
l’Esprit de prophétie (le prophète) les a engendrés, mais, obligés de
reconnaître qu’Israël idolâtre est leur mère, ils entrent en procès avec elle
pour revendiquer leur droit à la sainteté de Dieu. Une dernière fois ce pauvre
peuple est sommé par ses enfants eux-mêmes qui appartiennent à l’Éternel, de
revenir de sa mauvaise voie, sinon Dieu le mettra à nu, lui ôtera tous les
privilèges qu’il lui avait accordés et le laissera dans l’horreur de sa
prostitution, objet d’un jugement sans rémission (v. 3). Ses enfants même, en tant qu’ils ne prennent pas le caractère
du Résidu,
seront Lo-Rukhama (je ne ferai pas miséricorde), car ils sont le
fruit de sa prostitution. Ainsi il y aura, comme descendant d’Israël, des
enfants nés de la prostitution et des enfants nés de Dieu, ceux dont il est dit : « Sortez du milieu d’elle, soyez purs, vous qui portez les vases de
l’Éternel », et « vous me serez pour fils et pour filles, dit le Seigneur, le
Tout-Puissant » (Ésaïe 52: 11; 2 Cor. 6: 18).
Cet abandon de Dieu est, chez Israël, le fruit d’une volonté
sans frein qui pousse le coeur vers ses convoitises et le met en opposition
avec Dieu : « J’irai après mes amants qui m’ont donné mon
pain et mon
eau, ma
laine et mon
lin, mon
huile et ma
boisson » (v. 5), comme si ces choses
appartenaient au peuple infidèle, par la libéralité du monde dont il voulait
les recevoir ! — « J’irai
! » Combien
cette propre volonté diffère de la volonté de Rebecca, interrogée par ses
parents, et qui leur répond aussi : J’irai. Qu’importent la fatigue, les
privations, le désert sans pain, sans eau, sans huile et sans vin.
J’irai ! Aucun avantage pour compenser ceux de la maison paternelle, rien
qui réponde aux habitudes ou aux aspirations de son coeur ; dans ce désert tout
est contre elle, et cependant elle dit : J’irai ! C’est qu’elle a devant
elle un personnage en qui elle a mis sa confiance, en qui elle croit
, quoiqu’elle ne le voie pas, et
qu’elle aime sans le voir : Isaac. Pour l’atteindre, sous la conduite du Saint
Esprit qui ne l’abandonnera pas dans le désert, elle consent à laisser les
affections les plus chères, le toit familial, à endurer toutes les privations.
Elle veut arriver à lui, comme une vierge pure et chaste, digne objet de son
affection. Remarquez cependant que ce n’est pas Rebecca qui choisit Isaac comme
époux. C’est lui qui l’a choisie et qui, avant qu’elle se voue tout entière à
lui, lui a donné les arrhes de son propre amour. Tel est le premier amour,
l’amour de l’Époux s’emparant du coeur de l’Épouse pour l’attirer au devant de
lui. Israël avait trouvé cet amour au début de sa carrière, quand, racheté
d’Égypte, il marchait dans le désert après l’Éternel (Jér. 2: 1-3). Il l’a
perdu pour « aller après ses amants » (v. 5). Il ne le retrouvera plus tard que
sur le chemin de la repentance (v. 14-17).
Combien Israël, la prostituée, diffère de Rebecca ! Israël dit :
« J’irai après mes amants », l’Assyrie et l’Égypte. Elle se donne à eux pour les
avantages terrestres qu’elle pense retirer de ce commerce. Elle ne voit pas
que, même ces avantages temporels lui viennent de Dieu : « Elle ne sait pas que
c’est moi qui lui ai donné le blé, et le moût, et l’huile ». Et, chose pire
encore, des richesses que Dieu lui donne elle se fait des idoles : « Je lui ai
multiplié aussi l’argent et l’or : — ils l’ont employé pour Baal » (v. 8).
Mais le Créateur lui retirera ses dons, et elle verra s’ils venaient de ses
amants : « C’est pourquoi je reprendrai mon
blé en son temps, et mon
moût en sa
saison ; et j’ôterai ma
laine et mon
lin qui devaient couvrir sa nudité ».
Dieu lui enlève les biens de la terre (v. 9) ; elle est humiliée aux yeux des
nations (v. 10). Les fêtes solennelles, tous les dehors de son culte, lui sont
ôtées (v. 11) ; les signes de la faveur de l’Éternel, la joie et l’abondance
terrestres, lui sont retirés ; elle devient la proie de ses ennemis (v. 12).
Dieu se vengera de son idolâtrie, car « elle m’a oublié, dit l’Éternel ! » (v.
13).
Ce tableau de l’état d’Israël est aussi celui de l’état actuel de la profession chrétienne. On recherche le monde et ses avantages, ses richesses et sa prospérité, les douceurs de l’existence qu’il nous procure, sans s’enquérir du Dieu auquel ces choses appartiennent, et on les fait servir à la satisfaction de ses convoitises, au lieu de tout abandonner pour suivre Jésus.
Parfois, l’âme désabusée, voyant que « ses amants » ne lui offrent plus ce qu’elle désire, et après avoir poursuivi en vain les choses par lesquelles Satan l’a leurrée, s’écrie : « J’irai et je m’en retournerai à mon premier mari ; car alors j’étais mieux que maintenant » (v. 7). Ne nous y trompons pas, ce n’est pas la description de ce qui se passe dans le coeur du fils prodigue : « Je me lèverai et m’en irai vers mon père ». Heureux ceux qui, sous le poids de leurs désillusions et de leur misère, ont enfin senti qu’il n’y avait pour eux de ressource que dans les bras du Père qu’ils avaient déshonoré, et qui retournent à lui, repentants, et lui disant : « J’ai péché contre le ciel et devant Toi ! » — Mais ici nous ne trouvons aucune repentance. La lassitude, le découragement, la nausée du péché, peuvent pousser les âmes vers la religion, et leur faire désirer un changement, mais il ne peut être obtenu que sur le chemin de la repentance.
Ici, l’horreur des idoles ne remplit pas encore le coeur d’Israël. Il ne se doute pas quel personnage effroyable se cache derrière les Baals. En apparence une idole n’est rien ; les hommes cherchent à se persuader qu’il est bien indifférent de se livrer à ses convoitises, pourvu qu’elles n’appartiennent pas au groupe des choses dégradantes, mais se doutent-ils que les démons sont cachés derrière chacun des objets de leurs désirs ? (1 Cor. 10: 20).
Nous l’avons dit : les paroles d’Israël, au v. 7, ne sont pas réellement la repentance. Le dégoût, le vide que laissent les convoitises, jamais satisfaites par la possession des choses désirées, l’espoir de trouver mieux que cela en se tournant vers Dieu, la résolution d’en finir, ne sont pas encore le vrai « J’irai » du fils prodigue. Il faut, comme lui, se lever et s’en aller vers son père. Israël ne le fait pas ici ; il dit simplement : « J’étais mieux que maintenant ». La pensée d’avoir péché contre l’Éternel ne monte pas dans son coeur, et, de fait, ce qui nous convertit, c’est la conviction d’avoir offensé l’amour de Dieu au moment même où il avait tout fait pour nous. Mais il arrive un moment où Dieu ôte tout, même les formes religieuses (v. 11) qu’Israël accordait avec le culte des démons et l’impureté. Il en sera de même de la chrétienté, ces formes y subsistent encore aujourd’hui, mais seront bientôt englouties dans l’apostasie générale et, dès lors, le Dieu auquel on a si légèrement tourné le dos sera introuvable !
Cependant, au milieu de toutes ces ruines, Dieu a des vues de
grâce envers Israël et nous les trouvons dans les v. 14 à 17. « C’est pourquoi,
voici, moi, je l’attirerai, et je la mènerai au désert, et je lui parlerai au
coeur ; et de là je lui donnerai ses vignes, et la vallée d’Acor pour une porte
d’espérance ; et là elle chantera comme dans les jours de sa jeunesse et comme
au jour où elle monta du pays d’Égypte. Et il arrivera, en ce jour-là, dit
l’Éternel, que tu m’appelleras : Mon mari, et tu ne m’appelleras plus : Mon
maître (mon Baal). Et j’ôterai de sa bouche les noms des Baals, et on ne se
souviendra plus de leur nom ». — Ce sera comme un renouveau, un recommencement
de l’histoire d’Israël (c’est-à-dire des dix tribus qui sont spécialement en
vue dans ce passage). D’abord Dieu lui-même l’attirera après Lui dans le désert
pour le bénir. Le peuple retrouvera ce qu’il avait eu autrefois quand la
fraîcheur du premier amour l’attirait, à sa sortie d’Égypte, après son Époux
dans une terre inhabitée (Jér. 2: 1-3). Hélas ! ce premier amour avait été
abandonné pour la recherche des idoles, des Baals dont Israël avait fait ses
maîtres. N’y avait-il donc plus aucun espoir de le retrouver ? Aucun pour
l’ensemble du peuple, pas plus que pour l’ensemble de l’Église professante de
nos jours. Mais un Résidu pourra retrouver ce premier amour, cette bienheureuse
communion avec le Mari d’Israël. « Israël fût-il comme le sable de la mer, un
résidu seulement reviendra ». Ce Résidu sera éprouvé, jugé, purifié dans le
désert, pour retrouver le chemin de la bénédiction et rentrer en possession de
son pays (Ésaïe 11: 11-16; 27: 12, 13; Ézéch. 20:10-38; Zach. 10: 7-12; Soph.
3: 10). Dans cette épreuve un grand nombre de ceux qui s’étaient mis en route
avec le Résidu sera jugé et ne verra jamais le pays de la promesse ; ce sera la
répétition de l’histoire du peuple de jadis, dont les corps tombèrent dans le
désert. Mais, de même qu’autrefois, un Résidu sera sauvé ; « l’Éternel parlera à
son coeur ». Éphraïm retrouvera ses vignes (v. 15), mais non plus comme au temps
passé où il cherchait sa joie dans l’ivresse ; — et combien de fois l’ivrognerie
d’Éphraïm n’est-elle pas mentionnée par les prophètes ? (Ésaïe 28 : 1-4,
etc.) — il retrouvera sa joie dans la communion avec son Dieu. « Je
lui donnerai ses vignes », dit
l’Éternel ; cette restauration sera due entièrement à la grâce ; le Seigneur se
servira des souffrances du désert pour produire ce résultat. Mais, comme toute
restauration, elle ne pourra avoir lieu sans un travail de repentance.
Le premier amour perdu ne peut être retrouvé que par ce
chemin-là. Il en a été, il en est, il en sera toujours ainsi pour toute
conversion véritable ; aussi trouvons-nous ici : « Je lui donnerai la vallée
d’Acor pour une porte d’espérance ». La vallée d’Acor (Josué 7: 19-26),
c’est-à-dire la vallée du trouble, le jugement du mal, était le lieu où Acan
qui avait amené, par l’interdit, le trouble sur Israël, avait été lapidé, puis
brûlé, lui, ses fils et ses filles, tout son bétail, ainsi que l’interdit qu’il
s’était approprié, afin de détourner d’Israël l’ardeur de la colère de
l’Éternel. Cette vallée du trouble, dont la solennité atteint la conscience
d’Éphraïm quand il assiste, pendant le voyage, au jugement terrible de
l’Éternel sur le peuple dont il fait partie, devient pour le Résidu une porte
d’espérance et ouvre l’issue à la délivrance finale. Alors, et seulement alors,
l’heure d’une seconde jeunesse aura sonné pour les dix tribus. « Elle (l’Épouse)
chantera comme dans les jours de sa jeunesse et comme au jour où elle monta du
pays d’Égypte ». Le Résidu d’Israël comprendra de nouveau la douceur des liens
d’amour qui l’unissent à l’Éternel, la douceur de pouvoir l’appeler : « Mon
Mari », et de ne plus l’appeler « Mon Maître », nom que les dix tribus donnaient
aux Baals, car Maître et Baal sont le même mot. Elles s’étaient livrées à Baal,
au démon caché derrière l’idole, maintenant elles ont oublié jusqu’à son nom
(v. 17). Quelle grâce ! Comme l’Éternel, en ce jour-là, ne se souviendra plus
des iniquités d’Israël, Israël ne se souviendra plus du nom de ses faux dieux !
Le passé, l’esclavage de Satan, aura disparu pour faire place au renouvellement
des heureuses relations avec Dieu, si longtemps méconnu, si longtemps méprisé.
Cet avenir d’Éphraïm est pour nous, chrétiens, le présent.
Dieu nous dit lui-même qu’Il ne se souviendra plus
jamais de nos péchés, ni de nos iniquités, et, en vertu du sang de Christ versé
pour nous, nous pouvons nous présenter devant Lui, sans aucune conscience de
péché. Ces heureuses certitudes attachent nos coeurs à Celui auquel nous devons
nos bénédictions. Le connaître, Lui, devient la source de toutes nos joies et
de toute notre activité. C’est le premier amour. L’avons-nous perdu ?
Retrouvons-le promptement par une libre repentance, sinon Dieu, pour nous le
faire retrouver, produira dans nos coeurs cette repentance sur le chemin de ses
jugements !
C’est seulement après le travail de repentance que s’ouvre
devant Israël la scène merveilleuse des bénédictions du règne millénaire (v.
18-23). « En ce jour-là » (v. 18), l’Éternel apaisera tous les instruments de ses
jugements contre son peuple : les bêtes sauvages, les oiseaux de proie, les
serpents venimeux ; il « ôtera, en les brisant, l’arc et l’épée, et la guerre »,
tous les ennemis divers que Dieu avait si souvent suscités pour châtier cette
nation. Israël « reposera en sécurité
».
Ce peuple qui avait fermé l’oreille à son Messie quand il venait lui dire : « Je
vous donnerai du repos », trouvera enfin le repos par la repentance, et à travers
la tribulation.
« Et je te fiancerai à moi pour toujours ; et je te fiancerai à moi en justice, et en jugement, et en bonté, et en miséricorde ; et je te fiancerai à moi en vérité ; et tu connaîtras l’Éternel » (v. 19, 20). Israël connaît désormais l’Éternel, car ses fiançailles dépendent entièrement de Sa grâce. La justice est désormais inséparable de la miséricorde. Le peuple entre en relation avec Dieu sur le pied d’une justice basée sur le jugement, et d’une miséricorde fondée sur l’amour. C’est ce que nous, chrétiens, nous avons trouvé à la croix de Christ ; ce sera la part d’Israël en un jour futur ; ce sera le fondement du règne glorieux de Christ sur la terre : « La justice et le jugement sont les bases de ton trône ; la bonté et la vérité marchent devant ta face » (Ps. 89: 14).
« Et je te fiancerai à moi en vérité » (v. 20). La repentance d’Israël l’amènera à des rapports avec Dieu, non seulement en justice et en grâce, mais aussi en vérité, c’est-à-dire selon le caractère qu’il donnera à son peuple pour qu’il puisse entrer en relation avec Lui. Ce caractère dépend entièrement de la grâce, car c’est d’elle seule que provient ce que nous sommes devant Dieu, et ce qu’Israël sera devant Lui. Et c’est alors qu’Israël pourra dire : Je connais l’Éternel ! (v. 20).
« Et il arrivera, en ce jour-là, que j’exaucerai, dit l’Éternel, j’exaucerai les cieux, et eux exauceront la terre, et la terre exaucera le froment et le moût et l’huile, et eux exauceront Jizreël (Dieu sème). Et je la sèmerai pour moi dans le pays, et je ferai miséricorde à Lo-Rukhama, et je dirai à Lo-Ammi : Tu es mon peuple, et il me dira : Mon Dieu » (v. 21-23). Nous trouvons ici la plénitude des bénédictions de la terre millénaire. Remarquons dans tout ce passage, depuis le v. 18, trois choses : 1° Le mal, instrument extérieur du jugement, est supprimé ; car, nous l’apprenons autre part, Satan qui le met en oeuvre est lié pour mille ans (Apoc. 20: 1-3). 2° Le mal dans le coeur du peuple est ôté, et remplacé par un coeur nouveau et par la connaissance de Dieu. C’est la nouvelle alliance dont nous parle Jérémie, fondée entièrement sur la grâce (Jér. 31: 31-34; Héb. 8: 10-13). 3° La création, soumise autrefois à la « servitude de la corruption », est affranchie pour jouir de la liberté de la gloire des saints (Rom. 8: 19-22).
Il y aura accord entre le ciel et la terre dans les semailles et dans les moissons. Jizreël ne sera plus le lieu du meurtre et du carnage, mais correspondra à son nom : « Dieu sème ». Oui, Dieu sèmera dans ce qui était autrefois le lieu de la violence de l’homme et des jugements de Dieu, et la semence tombant dans une terre préparée par Lui, portera du fruit au centuple. La bénédiction du froment, du moût et de l’huile, qu’Israël avait d’abord cherchée auprès des nations (v. 5), puis que Dieu lui avait ôtée (v. 8, 9), il la retrouvera sous le règne du Médiateur, du vrai Melchisédec, qui bénira le peuple de la part de Dieu et Dieu de la part du peuple. Alors Israël sera revenu par la foi aux bénédictions d’Abraham ; il sera semé par Dieu et pour Dieu dans son pays. Lo-Ammi deviendra : Mon peuple ; Lo-Rukhama deviendra : Objet de miséricorde. Et Israël dira : Mon Dieu ! Il y aura confiance réciproque, amour réciproque, joie débordant dans la communion avec Dieu. Toutes ces choses seront la part d’Israël repentant et restauré. Elles appartiennent aujourd’hui aux chrétiens, en vertu de relations avec le Fils et avec le Père, bien plus intimes et plus précieuses que celles d’Israël avec son Dieu (1 Pierre 2: 10).
Le prophète est appelé à accomplir un nouvel acte symbolique. Il doit aimer une femme qui, quoique aimée d’un ami — le prophète, qui symbolise ici l’Éternel, — est adultère, infidèle aux liens obligatoires qui l’attachent à son ami. Il en avait été de même pour les fils d’Israël. L’Éternel les avait aimés, eux l’avaient abandonné pour aller après d’autres dieux, et avaient « aimé les gâteaux de raisin » (v. 1), estimant que l’adultère leur fournirait cette nourriture de fête et que l’Éternel la leur refuserait. Pourtant, c’était David qui les avait distribués au peuple, Salomon qui les donnait à sa bien-aimée, et la Parole ne montre pas qu’ils aient été distribués par d’autres que le Roi (2 Sam. 6: 19 ; 1 Chron. 16: 3 ; Cant. 2: 5). Il est vrai que le Roi selon les conseils de Dieu, donnait aussi à son peuple une nourriture plus substantielle que ce mets délicat, mais Israël n’en tenait pas compte. « Ils aiment les gâteaux de raisins » ; l’Ennemi leur avait fait croire qu’ils trouveraient une fête perpétuelle loin du Dieu qu’ils trahissaient. Cette erreur est de tous les temps. Le coeur naturel de l’homme ne cherche pas toujours satisfaction dans une souillure grossière ; il veut aussi une nourriture raffinée, des joies intellectuelles élevées et cherche à faire de sa vie une fête de l’intelligence. Pour obtenir ces choses il se tourne vers le monde et abandonne Dieu, oubliant que la vraie intelligence et les seules joies réelles ne se trouvent que dans la communion avec le Sauveur.
Le prix auquel le prophète achète la femme adultère est de fait bien minime. Le léthec d’orge fait supposer qu’il avait dû marchander pour se la faire céder à vil prix. C’est qu’en effet, n’ayant aucune valeur en elle-même, l’amour seul de celui qui l’avait acquise lui donnait du prix. Mais, quoi qu’il en fût, cette femme lui appartenait, parce qu’il l’avait payée et avait ainsi des droits sur elle. Il pouvait, à sa guise, régler l’avenir de celle-ci sur sa conduite passée : « Durant beaucoup de jours tu m’attendras ; tu ne te prostitueras pas, et tu ne seras à aucun homme ; et moi je ferai de même à ton égard. Car les fils d’Israël resteront beaucoup de jours sans roi, et sans prince, et sans sacrifice, et sans statue, et sans éphod ni théraphim » (v. 3, 4). C’était ce qui devait arriver en premier lieu aux dix tribus. Dès leur transportation elles furent sans prince, sans idoles, sans relation avec Dieu. Il n’en fut pas de même de Juda qui, après la captivité, n’avait pas manqué de princes et de gouverneurs, et avait conservé quelques relations avec Dieu. Le sort d’Éphraïm atteignit Juda après qu’il eut rejeté et crucifié l’Oint de l’Éternel ; dès lors la condition des deux fractions du peuple fut analogue, sinon identique. Plus de roi, plus de culte, nul moyen de consulter l’Éternel ; d’autre part, plus d’idolâtrie publique ou domestique, mais une maison balayée et parée qui n’attend plus… que sept démons plus méchants que le premier (Matt. 12: 44).
Toutefois cet état de désolation prendra fin :
« Ensuite, les fils d’Israël retourneront et rechercheront
l’Éternel, leur Dieu, et David, leur roi, et se tourneront avec crainte
vers l’Éternel et vers sa bonté,
à la fin des jours » (v. 5).
Israël se convertira, reviendra à Dieu, reconnaîtra pour Roi le Christ, le vrai
David autrefois rejeté. Deux choses domineront dans le coeur du peuple
restauré : la crainte de l’Éternel et le sentiment de son amour, selon la parole
du prophète : « Il y a pardon auprès de toi, afin que tu sois craint » (Ps. 130:
4).
En récapitulant ces trois chapitres, n’est-il pas frappant qu’Osée, à la veille de la disparition des dix tribus, annonce 1° leur restauration dans le pays sous un seul Chef (quand la parenthèse de l’Église sera close) ; 2° Dieu reprenant ses relations avec eux, sous la nouvelle alliance, dans le Millénium ; 3° leur retour, par la conversion, sous le sceptre de David, leur vrai roi, le Christ qu’ils avaient rejeté ?
Les v. 1 à 5 de ce chapitre décrivent l’état moral
d’Israël et les v. 6 à 15 son état
religieux. L’état moral d’Éphraïm, le prophète Osée l’avait sous les yeux :
Partout « exécration, et mensonge, et meurtre, et vol, et adultère ; la violence
déborde et le sang touche le sang ». Zacharie, dernier rejeton du meurtrier
Jéhu, est lui-même mis à mort par Shallum, qui est frappé par Menahem ; Menahem
sème partout le meurtre et la violence ; il en est de même de Pakakhia, de
Pékakh, ses successeurs, qui meurent de mort violente. Le deuil couvre le pays ;
le jugement de Dieu, obligé d’assister à ces abominations, s’étend des hommes à
toute la création animale sur la terre d’Israël. Plus rien ne correspond aux
pensées de Dieu ; c’est le contre-pied absolu de la restauration décrite au
chap. 2. Lorsque le coeur abandonne Dieu, l’amour et la vérité, traits du
caractère divin, disparaissent immédiatement pour être remplacés par les fruits
du coeur naturel de l’homme, la violence, la corruption et le mensonge.
C’étaient les traits de la famille de Caïn qui avaient nécessité le jugement de
Dieu par le déluge sur le monde d’alors, comme ils nécessitent ici la sentence
de mort prononcée sur le pays et sur tous les êtres vivants qui l’habitent (v.
3).
« Toutefois, que nul ne conteste, que nul ne reprenne ; or ton peuple est comme ceux qui contestent avec le sacrificateur. Et tu broncheras de jour, et le prophète aussi avec toi bronchera de nuit : et je détruirai ta mère » (v. 4, 5). C’est maintenant un appel à ne plus reprendre ce peuple ni contester avec lui. Il est trop tard : son sort est arrêté, car il n’y a plus aucun espoir de le voir revenir. « Ton peuple », dit l’Éternel au prophète, « est comme ceux qui contestent avec le sacrificateur ». À quoi bon contester avec Israël et le reprendre, quand lui-même conteste avec le seul qui puisse offrir pour lui la victime expiatoire ? Il n’est plus temps : tout secours divin va être ôté aux restes de ce peuple ; la nation elle-même, leur mère, sera détruite (cf. 2: 2). Telle est la sentence de l’Éternel.
Mais avec quelle douleur Dieu s’exprime maintenant par la bouche
du prophète ! « Mon peuple… mon peuple », s’écrie-t-il aux v. 6 et 12 à la
veille de dire Lo-Ammi ! Quelle est leur condition dans ses rapports avec Dieu ?
Leur défection est générale ;
l’idolâtrie
a tout envahi ; Juda est aussi coupable qu’Éphraïm. Même les détails donnés au
v. 13: les sacrifices sur les hauts lieux et sous tout arbre vert,
caractérisent Juda plus encore que les dix tribus. Cependant le prophète fait
quelque différence entre les deux royaumes : « Si tu te prostitues, ô Israël,
que Juda ne se rende pas coupable ! » En des temps de réveil, sous Ézéchias dont
Osée vit le règne à son début, et plus tard sous Josias, les abominations de
Juda furent détruites et ses hauts lieux renversés.
Quoi qu’il en soit, Dieu dit : « Mon peuple est détruit faute de
connaissance… et je te rejetterai afin que tu n’exerces plus la sacrificature
devant moi. Car tu as oublié la loi de Dieu, et moi j’oublierai tes fils » (v.
6). Au désert de Sinaï, l’Éternel avait déclaré à Israël que, s’il gardait
l’alliance de la loi, il Lui serait un royaume de sacrificateurs (Ex. 19: 5,
6). Israël ne l’ayant pas gardée, la sacrificature royale lui était ôtée. Comment
aurait-il pu servir et adorer, être maintenu dans des fonctions sacerdotales
vis-à-vis d’un Dieu qu’il ne connaissait point ? « Tu as rejeté la
connaissance », lui dit l’Éternel ; et c’est « faute de cette connaissance » que
la destruction l’atteint. Bien plus encore, il avait « oublié
la loi de son Dieu ». L’oublier, comme si elle n’avait jamais
existé, après l’avoir connue, cette loi juste et sainte, n’était-ce pas bien
pire que de ne l’avoir jamais connue ? Aussi Dieu dit : « Moi, j’oublierai tes
fils » (v. 6). Dans quelle misère la désobéissance et le péché plongent l’homme !
Quel sort, d’être oublié de Dieu, quand il aurait pu entrer devant l’Éternel
qui déclarait ne vouloir oublier qu’une chose, les péchés et les iniquités de
son peuple !
Osée, avec l’incohérence voulue
qui caractérise sa prophétie, passe de la
sacrificature du peuple aux sacrificateurs établis sur lui (v. 8 et 9). « Ils
mangent le péché de mon peuple, et leur âme désire son iniquité. Et comme le
peuple, ainsi sera le sacrificateur ». Je pense que « le péché » signifie ici,
comme plus d’une fois dans l’Écriture, le sacrifice pour le péché. Les
sacrificateurs désirent que les iniquités du peuple se multiplient afin de
pouvoir d’autant plus largement se nourrir de leurs sacrifices. Voilà jusqu’où
étaient tombées les fonctions sacerdotales ; elles n’étaient plus qu’une affaire
de profits matériels, un gagne-pain ! Aussi Dieu « visite sur eux leurs voies »
(v. 9). Quant à l’ivresse, conduisant à la fornication, et si commune en
Éphraïm, elle leur ôtait le sens et ils avaient cessé de prendre garde à
l’Éternell (v. 11). Les pratiques superstitieuses les plus insensées avaient
remplacé en Israël le culte du vrai Dieu. Le peuple « interrogeait son bois, et
son bâton était son oracle » (v. 12). Ces superstitions sont de tous les temps,
à mesure que décroît la religion du vrai Dieu. Il faut à l’homme, tel qu’il est
constitué, un objet, et si Dieu n’est pas pour lui cet objet, il se dégrade
moralement et cherche des conseils auprès de sa table et de son bâton. Et c’est
le jugement de Dieu sur l’impiété de l’homme : Il « le livre à un esprit
réprouvé ».
Désormais Dieu n’arrêtera plus le jugement. Trois paroles
solennelles montrent que Dieu a pris à l’égard d’Éphraïm une décision
irrévocable : « Que nul ne conteste, que nul ne reprenne ! » « Je ne punirai pas
vos filles ». « Éphraïm s’est attaché aux idoles : laisse-le faire
» (v. 4, 14, 17).
Ces paroles sont semblables à celles de l’Apocalypse : « Que celui qui est
souillé se souille encore ! » (Apoc. 22: 11).
Mais, comme nous l’avons dit, cet arrêt définitif ne s’adresse
pas à Juda. « Que Juda ne se rende pas coupable ! » dit l’Éternel (v. 15). Combien
cette parole est importante, pour ce qui reste encore du peuple de Dieu, dans
le jour actuel. Déjà le mal qui a envahi la masse du peuple sévit au milieu de
ceux que Dieu conserve encore comme un témoignage au milieu de l’infidélité
générale. Bientôt ce qui reste aujourd’hui debout subira le même sort que
l’ensemble de la nation. Comment se préserver de la contagion ? Comment demeurer
sur le terrain de la bénédiction ? Dieu demande-t-il de grandes choses à Juda,
déjà entamé de toutes parts par l’apostasie finale ? Non, quand il y a si peu
de force, il ne demande qu’un témoignage négatif pour ainsi dire, comme il dit
à Philadelphie : « Tu n’as pas
renié
mon nom » (Apoc. 3: 8). Abstiens-toi, tel est le mot d’ordre. Reste éloigné de
ce qui, sous des dehors respectables, ou sous des noms augustes et sacrés, ne
couvre plus que l’iniquité et l’abandon de Dieu. « N’allez pas à Guilgal, et ne
montez pas à BethAven, et ne jurez pas : « L’Éternel est vivant ! » (v. 15). Ces
lieux si connus dans l’histoire du peuple de Dieu avaient passé, par voie de
conquête, après la division du royaume, des mains de Benjamin à celles
d’Éphraïm, et se trouvaient par leur position à la portée immédiate de Juda,
comme un piège sur son chemin. Guilgal, mémorial de la victoire remportée sur
la mort par l’Arche placée au milieu du Jourdain ; monument durable de l’entrée
des douze tribus en Canaan ; Guilgal, lieu de la circoncision, du retranchement
de la chair, du jugement prononcé sur elle et sans lequel on ne pouvait prendre
possession du pays de la promesse ; Guilgal, lieu où Israël revenait toujours
pour y trouver le secret de la victoire, lieu de rassemblement du peuple fidèle,
était devenu un lieu d’autels et de sacrifices profanes pour Éphraïm, un lieu
où la transgression s’était multipliée (Osée 9: 15; 12: 12; Amos 4: 4; 5: 5).
Béthel, « maison de Dieu », lieu des promesses faites à Jacob, lieu où il avait
reçu son nom d’Israël, et où le Tout-puissant s’était comme tout de nouveau
fait connaître à lui, — Béthel était devenu la maison des veaux d’or, de leur
autel et de la fausse sacrificature instituée par Jéroboam (1 Rois 12; Amos 3:
14). Comme il méritait bien le nom de Beth-Aven, « maison d’iniquité », nom dont
Osée le flétrit trois fois ! (4: 15; 5: 8; 10: 5). Dans ces lieux où jadis
Samuel, le prophète de l’Éternel, se rendait d’année en année, on ne trouvait
plus qu’idolâtrie et faux prophètes. Tel était le culte d’Éphraïm. Juda devait
s’en abstenir. N’avait-il pas le lieu où l’Éternel faisait habiter son nom, à
Jérusalem ? Et si ce lieu même était déshonoré, était-ce une raison pour
retourner à l’idolâtrie qui avait l’impudence de se parer du saint nom de
l’Éternel ?
Cet appel si pressant à ne pas se rendre coupable a-t-il atteint le coeur de Juda ? Le chapitre suivant va nous répondre. Et que feront aujourd’hui ceux qui, dans la chrétienté, reçoivent le même appel ? N’allez pas à Guilgal et ne montez pas à Beth-Aven !
Le chap. 4: 15 conjurait Juda de ne pas se rendre coupable. Peut-être y avait-il encore, de ce côté-là, quelque espérance ! Le chap. 5 nous détrompe. Juda et Benjamin sont associés dans la même apostasie et dans le même jugement qu’Israël.
(v. 1.) — Ici le prophète s’adresse en premier lieu aux
sacrificateurs, puis appelle l’attention de toute la nation et spécialement de
la maison du roi qui, je n’en doute pas, est la royauté de Juda,
celle d’Israël étant déjà condamnée d’avance. « C’est contre
vous, ajoute le prophète, qu’est le jugement ; car vous avez été un piège à
Mitspa, et un filet étendu sur le Thabor ». Le lieu de rassemblement du peuple,
Mitspa (*) et le Thabor, montagne centrale qui
domine le territoire des dix tribus, sont devenus des pièges pour le peuple, la
sacrificature s’étant prêtée aux pratiques idolâtres auxquelles on s’adonnait
en ces endroits. C’était donc la sacrificature que le jugement devait atteindre
en premier lieu. Les plus coupables sont ceux que leur position met le plus
directement en rapport avec Dieu ; ils seront battus de plus de coups. Quant à
Éphraïm et à Israël, leur état n’est point caché au Dieu qui les connaît (v.
3), mais eux ne connaissent pas l’Éternel !
Quelle parole écrasante ! Ce peuple auquel Dieu s’était révélé, qu’Il
avait mis en rapport avec Lui-même, auquel il avait fait connaître son nom et
son caractère de Dieu saint, ce peuple avait préféré la fornication et la
souillure à l’intimité des relations avec Dieu lui-même. Au milieu de leur
dépravation, l’orgueil remplissait leur coeur ! « L’orgueil d’Israël témoigne en
face contre lui ! » (v. 5). Quelle image de l’homme ! Dégradé au suprême degré et
enflé d’orgueil ! Aussi « Israël et Éphraïm tomberont par leur iniquité », mais
Juda, exhorté à ne pas se rendre coupable (4: 15), « tombera aussi avec eux » (v.
5). Quand le jugement les atteindra, tous iront chercher l’Éternel avec leurs
sacrifices. Ce qui est encore possible aujourd’hui sera inutile alors. Toutes
leurs pratiques religieuses seront sans résultat : « Il s’est retiré d’eux ! » (v. 6).
Parole d’autant plus solennelle, que
le même sort atteindra la chrétienté professante quand, au jour du jugement,
elle viendra se prévaloir des privilèges qui lui avaient été octroyés. Oui,
toutes les formes religieuses de la chrétienté professante ne la mettent pas en
relation avec Dieu : les formes sont là, Dieu
n’y est pas.
(*) Je suppose que ce Mitspa est celui qui fait partie du territoire de Benjamin (Jos. 18: 26 — 1 Rois 15: 22; 2 Chron. 16: 6 ; Néh. 3: 7) et non pas le Mitspa d’au-deIà du Jourdain dès longtemps abandonné. On trouve du reste six Mitspa différents dans l’Écriture. — Il est remarquable que, sauf le Thabor, tous les noms Guilgal, Bethel, Guibha, Rama, Mitspa cités dans ces passages sont ou avaient été compris autrefois dans le territoire de Benjamin.
« Maintenant », dit Osée, « un mois les dévorera avec leurs biens » (v. 7) ; peut-être une allusion à la fin du règne de Juda (2 Rois 25: 3, 8).
Les v. 8-12 présentent la ruine commune du peuple tout entier.
Peu importe que le jugement soit plus prochain pour les uns que pour les
autres, il les atteindra tous, Éphraïm avec les neuf tribus, Juda avec Benjamin.
« Sonnez du cor en Guibha, de la trompette à Rama. Criez dans Beth-Aven :
Derrière toi, Benjamin ! » Tous ces lieux faisaient partie ou avaient appartenu
au territoire de Benjamin. Le mal allait l’atteindre et s’emparer de lui à
l’improviste ; les princes de Juda et Éphraïm subiront le même sort. Devant
l’imminence du danger, commun à tous, « Éphraïm s’en est allé en Assyrie et a
envoyé vers le roi Jareb, mais lui n’a pu vous guérir et ne vous a pas ôté
votre plaie » (v. 13). Ce Jareb
n’est
pas un nom propre. Il signifie : « Il contestera ». C’est un vengeur qu’Israël
appelle à son aide. C’est Pul (2 Rois 15: 19) ; ou Tiglath-Piléser quand il
s’agit de Juda (2 Rois 16: 7). Ce Pul conteste contre Israël, ou lui est
hostile, au temps même où Israël le prend pour protecteur (voyez aussi 1 Chron.
5: 26; voyez encore Osée 5: 13; 7: 11; 8: 9).
Mais ce chapitre, comme les trois premiers, se termine par une
parole d’espérance. L’Éternel ne sera pas à toujours comme un lion qui déchire
sa proie, à l’égard d’Éphraïm et de Juda. « Je m’en irai », dit-il, « et je
retournerai en mon lieu, jusqu’à ce qu’ils se reconnaissent coupables et
recherchent ma face » (v. 15). Deux choses inséparables sont nécessaires, qu’il
s’agisse de trouver
Dieu comme
pécheur, ou de le retrouver
quand on
s’est détourné de lui : la repentance et la conversion. Autrefois ils avaient
cru rencontrer Dieu avec leurs brebis et leurs boeufs (v. 6), mais sans
repentance et n’avaient trouvé qu’un endroit désert. Plus tard ils « se
reconnaîtront coupables », et Zacharie nous en offre le touchant tableau (Zach.
12: 10-14). Alors, d’un coeur contrit, le peuple enfin humilié, dépouillé de
son orgueil, se convertira et recherchera la face de l’Éternel. Le fils
prodigue se lèvera et ira vers son père.
« Dans leur détresse, ils
me
chercheront dès le matin » (v. 15).
Par
quel moyen Dieu amènera-t-il ce résultat béni ? Une grande tribulation, la
détresse de Jacob, viendra sur eux ; ils auront à passer à travers la longue
nuit des terribles jugements de Dieu. Réveillés par ces jugements, au lieu de
dormir comme les autres, ils attendront leur Messie, l’Éternel, « plus que les
sentinelles n’attendent le matin », et le trouveront à l’aube de ce règne
millénaire où Israël restauré sera de nouveau : Ammi, le peuple de Dieu.
Les trois premiers versets du chap. 6 sont la continuation du dernier verset du chap. 5. J’ai cru longtemps qu’ils devaient être mis dans la bouche du peuple, mais la structure de tous ces chapitres m’a convaincu depuis qu’ils sont prononcés par le prophète, et ne sont pour le moment qu’une invitation à laquelle le peuple ne répond pas. « Venez », dit-il, « retournons à l’Éternel, car lui a déchiré et il nous guérira ; il a frappé et il bandera nos plaies ». Ô merveilleux appel de la grâce, à ces âmes courbées sous la douleur de la tribulation et auxquelles Dieu a enlevé toute ressource. Plus de montagne vers laquelle le pauvre oiseau, menacé des flèches de l’oiseleur, puisse s’envoler. Ce refuge, du moins, aurait offert quelque stabilité ; il est ôté. Dieu cache sa face et l’âme en est épouvantée (Ps. 11: 1; 30: 7). Il ne reste plus de ressource qu’en Lui ; retournons à Lui ! Comme un lion il a déchiré le royaume à cause de nos péchés ; il nous a justement frappés. Qui pourra recoudre, bander, guérir les plaies, sinon Celui qui les a faites ? On sent ici la profondeur de l’humiliation, comme l’homme de Dieu seul pouvait la sentir, mais avec la foi pour soutien. La foi seule, en de telles circonstances, nous pousse à nous approcher de Dieu. Mais quelle réponse elle trouve ! N’est-il pas bon d’avoir été affligé pour trouver une telle délivrance ? « Avant que je fusse affligé, j’errais » (Ps. 119: 67).
La chose n’est exprimée ici qu’à l’état d’espérance, mais d’une
espérance réalisée par le prophète comme une certitude : « Dans deux jours, il
nous fera vivre ; au troisième jour, il nous mettra debout, et nous vivrons
devant sa face, et nous connaîtrons et nous nous attacherons à connaître
l’Éternel » (v. 2, 3). Aussi certainement que Dieu a ressuscité leur Messie
d’entre les morts, car je ne doute pas que ce passage ne sous-entende la
résurrection de Christ, Dieu ressuscitera aussi son peuple. Il est sans doute
question ici de leur résurrection nationale,
telle qu’elle nous est décrite au chap. 37 d’Ézéchiel, ce qui explique les
deux jours nécessaires pour les faire revivre et le troisième pour les mettre
debout. De même en Ézéchiel les ossements ne « se tinrent sur leurs pieds » par
la puissance du Saint Esprit qu’après avoir été auparavant vivifiés (Ézéch. 37:
10). Cette résurrection nationale, comme notre résurrection corporelle, à nous
chrétiens, est donc liée à celle de Christ. Si les vagues et les flots du
jugement ont passé sur le Messie, ils passeront aussi sur le Résidu d’Israël,
qui en sortira comme Christ en est sorti, en résurrection. Le troisième jour
est le jour où, selon l’Esprit de sainteté, Dieu intervint en puissance pour
ressusciter Jésus d’entre les morts. C’est à quoi tout l’Ancien Testament rend
témoignage. « Christ », dit l’apôtre, « a été ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1
Cor. 15: 4). En effet, les
Écritures nous montrent Isaac sous la sentence de mort jusqu’au troisième jour
, où il est ressuscité en
figure. Jonas, type de Christ, .mais aussi du Résidu, jeté à la mer tandis que
le vaisseau des nations continue sa route, englouti dans le shéol, est rejeté
le troisième
jour sur la terre.
Partout la résurrection de Christ est annoncée comme étant la conséquence
nécessaire de sa mort. Au Ps. 16 il ne voit pas la corruption et connaît le
chemin de la vie. Au Ps. 110, il monte en résurrection à la droite de Dieu,
après qu’au Ps. 109, le méchant l’a fait mourir (v. 16). Au Ps. 8 il est
couronné de gloire et d’honneur après avoir été fait, par la passion de la
mort, un peu moindre que les anges. Tout cela, il l’a traversé pour son peuple
céleste, mais aussi pour son peuple terrestre. Quand, au Ps. 42, toutes les
vagues et tous les flots de l’Éternel ont passé sur l’âme de Christ et sur
celle du Résidu, ce dernier peut dire : « Il est le salut de ma face et mon
Dieu ! »
Mais il y a plus encore ici qu’une résurrection nationale. Le
prophète dit : « Nous vivrons devant sa face, et nous connaîtrons, et nous nous
attacherons à connaître l’Éternel » (v. 2, 3). Une résurrection spirituelle
est le fruit de la grâce,
accompagne la nouvelle alliance faite avec Israël. C’est l’aube du jour
millénaire. « Sa sortie est préparée comme l’aube du jour ; et il viendra à nous
comme la pluie, comme la pluie de la dernière
saison
arrose la terre » (v. 3). Ce ne sera plus, comme à la Pentecôte, la
pluie qui accompagne les semailles, mais la pluie qui précède l’heureuse
moisson du siècle à venir. Une nouvelle effusion du Saint Esprit sera la part
de ce peuple restauré.
Ce passage, dicté par l’Esprit de Dieu, est propre à faire passer dans l’âme d’Israël, mais aussi dans la nôtre, quelque chose de sa délicieuse fraîcheur ; car il nous occupe de Christ, de sa mort et de sa résurrection, gages assurés de l’avenir d’Israël et de notre part éternelle avec le Seigneur !
Comme au chapitre précédent, Éphraïm et Juda sont unis ici dans la même réprobation : « Que te ferai-je, Éphraïm ? Que te ferai-je, Juda ? Votre piété est comme la nuée du matin et comme la rosée qui s’en va de bonne heure » (v. 4). Que te ferai-je ? Comme cela s’adresse à la conscience ! Réponds toi-même. Diras-tu : Ton jugement est juste ? Leur piété n’avait duré qu’aux toutes premières heures de leur existence comme nation, puis s’était envolée et avait disparu comme la rosée au lever du soleil.
Après s’être adressé au peuple d’Israël, Dieu étend son appel à tous les hommes
: « Et mon jugement sort
comme la lumière. Car j’ai aimé la bonté (ou la grâce), et non le sacrifice, et
la connaissance de Dieu plus que les holocaustes ; mais eux, comme Adam, ont
transgressé l’alliance ; là ils ont agi perfidement envers moi » (v. 5-7). Si sa
grâce sort « comme l’aube du jour » (v. 3), son jugement sort comme le soleil
quand il luit dans sa force (v. 5). Certes ce n’est pas Dieu qui désire le jugement ;
c’est l’iniquité de son peuple qui l’y oblige. Dieu veut chez l’homme
la bonté et non pas les
sacrifices. Mais son désir resterait stérile s’il s’agissait de ce que l’homme
peut offrir. Où trouver la bonté dans le coeur d’un homme ? Aussi Dieu ne se borne
pas à cette exigence. Il veut ce qui se trouve dans son propre coeur à Lui
: la bonté sous forme de grâce et de
miséricorde. La bonté qu’Il aime, c’est la grâce envers le pécheur, la grâce
venue par Jésus Christ. Quand les yeux de Dieu se reposaient sur cet homme, Il
pouvait dire : « J’ai aimé la bonté ». Cette bonté est allée jusqu’au sacrifice,
au seul sacrifice que Dieu pût accepter, car il n’a pris plaisir à aucun des
sacrifices des hommes (Ps. 40: 6, 7). Aussi le Seigneur put dire : « A cause de
ceci le Père m’aime, c’est que moi je laisse ma vie » (Jean 10: 17). Le Seigneur
cite deux fois ce passage du v. 6 dans l’évangile de Matthieu (9: 13; 12: 7) :
la première fois pour montrer que rien ne peut satisfaire le Seigneur que sa
propre grâce ; la seconde fois qu’il ne peut aucunement compter sur la bonté
dans le coeur de l’homme.
De même, tous les holocaustes que l’homme pouvait offrir ne
valaient pas « la connaissance de Dieu » (v. 6). Dieu s’est fait connaître à nous
dans la personne et l’oeuvre de son Fils. C’est la grâce, le salut, la vie
éternelle. « Mais eux, comme Adam, ont transgressé l’alliance ; là ils ont agi
perfidement envers moi » (v. 7). Au lieu de commencer par la connaissance de la
grâce, Juda et Éphraïm avaient été mis à l’épreuve, sous l’alliance de la loi,
car il leur fallait apprendre ce qu’il y avait dans leur propre coeur. Au
commencement Adam, placé, comme Israël, sous sa responsabilité, avait
transgressé une
alliance qui lui
avait été imposée ; Israël avait-il mieux agi quand Dieu lui imposait l’alliance
du Sinaî ? Non, dit l’Éternel, « là ils ont agi perfidement envers moi ! »
Aux v. 8-10, le prophète revient à Éphraïm. Ce va-et-vient, de l’un à l’autre, est des plus touchants, montrant l’angoisse, la sollicitude pour Israël, l’indignation du fidèle prophète qui voit son Dieu méprisé de la sorte. « Galaad est une ville d’ouvriers d’iniquité, couverte de traces de sang. Et comme les troupes de voleurs guettent un homme, la bande des sacrificateurs assassine sur le chemin de Sichem ; car ils commettent des infamies. J’ai vu des choses horribles dans la maison d’Israël : là est la prostitution d’Éphraïm ! »
Chose affreuse ! les villes de refuge elles-mêmes, Galaad (ou, je
le crois, Ramoth de Galaad) au delà du Jourdain, et Sichem en Éphraïm,
assignées aux lévites, étaient devenues des lieux de brigandage. Les
sacrificateurs eux-mêmes assassinaient, sans doute sous prétexte d’être des
vengeurs du sang, ceux qui se rendaient à Sichem. Ils dépouillaient des
innocents en couvrant leurs meurtres du manteau de la loi ! C’était dans le
domaine d’Éphraïm, chef des dix tribus, que se commettaient les pires infamies !
Mais voici que le prophète, selon son habitude, passe sans aucune transition
d’Israël à Juda, auquel il venait de dire : « Que te ferai-je, Juda ? » et lui
jette un regard de compassion : « Pour toi aussi, Juda, une moisson t’est
assignée, quand je rétablirai les captifs de mon peuple » (v. 11). Ne
semble-t-il pas que l’Éternel devrait dire : Pour toi aussi, Juda, le
jugement aura lieu ? Non ! « Dieu aime la bonté » ; et se détourne du jugement
pour considérer ce qui le suivra. Sans doute, Juda ira en captivité comme
Éphraïm, mais cette captivité prendra fin. Nous trouvons ici le terme si
souvent employé dans les prophètes, traduit littéralement : « Je tournerai la captivité »,
c’est-à-dire j’y mettrai fin pour amener la restauration
de mon peuple. C’est comme un avant-goût de l’Evangile : Dieu annonce
sa grâce à Juda coupable. « Une moisson t’est assignée », non point cette moisson
terrible où le Fils de l’homme mettra sa faucille tranchante sur la terre pour
la moissonner (Apoc. 14: 16), mais une heureuse moisson, appartenant à Juda,
aux captifs de Sion, quand ils diront : « Ô Éternel, rétablis nos captifs comme
les ruisseaux dans le midi », et qu’il leur sera répondu : « Ceux qui sèment avec
larmes, moissonneront avec chants de joie » (Ps. 126: 4, 5).
Quel coeur, que celui de notre Dieu ! Jamais il ne trouve son repos dans ses jugements. À peine a-t-il annoncé les calamités qui atteindront le peuple pervers et les hommes qui habitent sur la terre, qu’il s’arrête et vient trouver son repos dans le déploiement de sa grâce ! Laissant le corbeau du déluge se repaître de quelque cadavre ballotté par les flots, la colombe vole à son arche, à son lieu de repos, portant dans son bec l’emblème de la paix qui va succéder au naufrage !
Au chap. 7, les images du prophète vengeur deviennent de plus en plus tumultueuses dans leur intermittence, comme un jet pressé de quitter le tuyau trop étroit d’une fontaine. Il s’agit de nouveau d’Éphraïm. C’est que le jugement est à la porte. Pas un instant à perdre si l’on veut y échapper ! « Quand j’ai voulu guérir Israël, l’iniquité d’Éphraïm s’est découverte, et les méchancetés de Samarie ; car ils ont pratiqué la fausseté, et le voleur entre, et la troupe des brigands assaille dehors. Et ils ne se sont pas dit dans leur coeur que je me souviens de toute leur méchanceté. Maintenant leurs méfaits les environnent, ils sont devant ma face » (v. 1, 2). Éphraïm avait été une bande de voleurs et de brigands (6: 9), maintenant le voleur entrait dans sa maison et les brigands l’assaillaient du dehors. La Syrie, l’Égypte, l’Assyrie allaient tomber, tombaient déjà, sur la nation coupable. Elle était avec ses méfaits devant la face de Dieu, et penser qu’elle aurait pu s’y trouver avec sa repentance (6: 2) pour obtenir la délivrance et le salut !
Comme nous l’avons dit, les images se pressent, se confondent ; c’est l’indignation contre le mal, mais aussi c’est un dernier appel à Éphraïm.
« Tous, ils commettent l’adultère, comme un four allumé par le
boulanger, qui cesse de l’attiser depuis qu’il s’est mis à pétrir la pâte
jusqu’à ce qu’elle ait levé » (v. 4). Il parle ici de la religion des dix
tribus, du mélange de l’idolâtrie avec le culte de l’Éternel. Ceux qui les
conduisent ont conscience de ce qu’ils font et le font avec soin. Ils mettent
le levain dans la pâte, la pétrissent jusqu’à ce qu’elle ait levé. C’est une
image semblable à celle de Matt. 13: 33, où le Seigneur caractérise le mal
doctrinal introduit dans le christianisme. Ensuite il faut cuire à point ce
pain levé pour qu’il devienne une nourriture acceptable
.
Ceux
qui s’appliquent à cette tâche évitent soigneusement le four surchauffé ; ils
pensent échapper au jugement en gardant encore la « forme de la piété » ; comme le
boulanger, ils cessent d’attiser le feu pour que leur pain sorte du four et
trouve de nombreux consommateurs.
Mais la corruption religieuse engendre la corruption morale, conduit à se moquer des choses sacrées, et aboutit à la violence. « Au jour de notre roi, les princes se sont rendus malades par l’ardeur du vin ; il a tendu sa main aux moqueurs. Car ils ont appliqué leurs coeurs comme un four à leurs embûches : toute la nuit, leur boulanger dort ; le matin, il brûle comme un feu de flammes » (v. 5, 6). Ici le four est l’image de leur propre coeur. Leur boulanger, leur conscience a dormi toute la nuit. Au matin, quand ils touchent au but de leurs désirs et de leurs convoitises, le feu, dont les flammes ont grandi pendant leur sommeil, les dévore sans qu’ils puissent échapper.
« Ils sont tous ardents comme un four, et ils dévorent leurs juges : tous leurs rois sont tombés ; nul d’entre eux ne m’invoque » (v. 7). Ici ce sont eux-mêmes qui, comme un four, dévorent leurs juges et leurs rois. Cela est arrivé littéralement à Éphraïm et marque la date de cette prophétie contre les rois qui, depuis Zacharie, le dernier de la race de Jéhu, se sont succédé jusqu’au roi Osée sur le trône d’Israël. Nous lisons les détails de cette période en 2 Rois 15: 10, 14, 25, 30; 17: 1.
« Éphraïm s’est mêlé avec les peuples ; Éphraïm est un gâteau
qu’on n’a pas retourné. Des étrangers ont consumé sa force, et il ne le sait
pas » (v. 8, 9). Ici l’image de la pâte levée continue à hanter le prophète.
Éphraïm aurait dû être un gâteau sans levain pour l’Éternel ; mêlé au levain des
nations, il s’est allié à l’Égypte et à l’Assyrie. Mais ces nations sont
devenues le four qui a consumé Éphraïm, ce gâteau « qui n’a pas été retourné »,
qui ne s’est pas repenti, dont la face n’a pas changé vis-à-vis de Dieu. Aussi
toute sa force a disparu, a été consumée, et
il ne le sait pas !
Sérieuse parole ! Comme Éphraïm, la chrétienté d’aujourd’hui,
mélangée avec le levain du monde qui a fait lever toute la pâte, le sait-elle
davantage ? Est-elle retournée vers Dieu ? Elle pense améliorer le monde,
proclame que les bonnes compagnies amélioreront les mauvaises moeurs et ne sait
pas que c’est le monde qui la dévore. Que l’on se vante d’être protestant ou
catholique, d’appartenir à une des innombrables sectes de la chrétienté, cette
pensée dénote l’ignorance absolue de la faiblesse dans laquelle nous plonge
l’alliance avec le monde : « Il ne le sait pas », dit le prophète. « Des cheveux
gris sont aussi parsemés sur lui, et il
ne le sait pas ! » (v.
9). Le déclin est arrivé, les cheveux gris parsemés
sur Éphraïm le sont aussi sur la chrétienté de nos jours. Sa vieillesse penche
déjà vers le sépulcre et elle ne le sait pas ! Cette ignorance de leur propre
état devrait convaincre la conscience de ceux auxquels Dieu s’est révélé !
Sommes-nous pareils au prophète dont cette ignorance accablait le coeur ? Et ce
qui est pire encore, c’est qu’elle est mélangée d’orgueil. « L’orgueil d’Israël
témoigne en face contre lui, et ils ne se retournent pas vers l’Éternel, leur
Dieu, et ils ne le recherchent pas malgré tout cela » (v. 10). On pense si peu à
Dieu, qu’on garde une haute idée de sa religion
quand déjà le feu du jugement est préparé. Si le coeur se tourne vers Dieu
il abandonne bien vite son orgueil religieux pour s’approcher de Lui, humble et
repentant, seule attitude convenable à celui qui est convaincu de péché.
Mais l’orgueil va de pair avec l’inintelligence. « Éphraïm est devenu comme une colombe niaise, sans intelligence ; ils appellent l’Égypte, ils vont vers l’Assyrie ». Les rois d’Éphraïm s’imaginaient être d’habiles politiques en s’appuyant alternativement sur l’une et l’autre de ces nations ennemies. « Le filet est tombé sur eux ». Cela s’est réalisé littéralement sous Osée, dernier roi d’Israël et sous ses prédécesseurs (2 Rois 17: 4 ; 15: 19, 20).
On voit, aux v. 13 à 16, quels avaient été les soins de Dieu
envers Israël et son but à leur égard. « Et
moi, je voulais les racheter ».
Telle est toujours, en tout temps, Sa
première pensée envers l’homme, devenu par le péché esclave de Satan. Puis, à
cause de leur méchanceté, il avait été obligé de les châtier ; ensuite,
ralentissant le cours de ses jugements, il avait « fortifié leur bras », et eux
s’étaient servis de sa faveur pour « méditer du mal contre Lui » (v. 15). Voici,
en quelques mots, l’énumération de ce que Dieu avait rencontré chez ce peuple
obstiné : Ils s’étaient enfuis loin de Lui, s’étaient rebellés, avaient proféré
des mensonges contre Lui ; ils hurlaient de douleur sur leurs lits et ne
songeaient pas à crier à Dieu et à l’implorer ; leurs intérêts matériels les
réunissaient (caractère de toute association humaine), mais ils ne sentaient
nullement le besoin de se rapprocher de Lui : « Ils se sont retirés de moi ». Au
lieu de retourner au Très-Haut, ils se retournaient comme un arc trompeur, pour
combattre contre Lui. Dieu avait beau sonder leur coeur pour y chercher ou y
produire par sa grâce quelque fruit, il se heurtait de toute part à
l’indifférence, au mensonge, à la rébellion, à la guerre ouverte.
Aussi (v. 16) leur ruine et celle de leurs princes insolents était inévitable. Ils s’étaient tournés vers l’Égypte et devenaient pour elle « un objet de risée ». Ceux qui ont autrefois connu Dieu et marché, longtemps peut-être, dans son chemin et sous sa loi, rencontrent toujours le mépris du monde, quand, devenus infidèles à leurs croyances premières, ils ont cherché son amitié. Le monde, au lieu de les accueillir avec faveur, se moque d’eux, selon la mesure où leur témoignage avait été plus remarquable auparavant. Ils ont abandonné Dieu et son peuple, comme le fit Éphraïm, mais sans trouver l’estime du monde qui les tourne en dérision. Un arc qui trompe est jeté au rebut ; le monde n’en veut pas, et Dieu peut-il en vouloir ?
Au chap. 8, Israël, ou les dix tribus, est considéré comme agissant à la manière des nations : « Ils ont fait des rois, mais non de par moi ; ils ont fait des princes et je ne le savais pas » (v. 4). C’est, en effet, ce qui arriva, et ce que confirme, comme nous l’avons vu, le premier verset du chap. 1. Depuis Jéroboam II, roi d’Israël, Osée ignore à dessein tous les rois qui lui ont succédé. Leur histoire (2 Rois 15-17) montre que l’Éternel ne les reconnaît plus, et comment le prophète les reconnaîtrait-il ? Ces rois n’étaient établis, ni par descendance royale, comme en Juda, ni par ordre positif de Dieu, comme pour la postérité de Jéhu : la révolte, le meurtre, les faisaient paraître ou disparaître. Bien plus, Israël, avec son argent et son or, avait fait des idoles, et cet acte appelait le retranchement et la vengeance : « Ma colère s’est enflammée contre eux » (v. 5). Aussi l’Assyrien allait fondre sur les dix tribus comme un vautour. Entre ses serres elles s’écrieront : « Mon Dieu, nous te connaissons, nous, Israël ! » Cette connaissance qui s’accommodait aux veaux de Béthel et de Dan ne leur servira de rien (v. 1, 2). Il en sera de même en la tribulation future du peuple. Il dira : « Nous avons mangé et bu en ta présence et tu as enseigné dans nos rues. Et lui, dira : Je vous dis, je ne vous connais pas, ni ne sais d’où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquité » (Luc 13: 26, 27). Il en sera de même aussi quand les chrétiens professants, sans vie et sans l’Esprit, viendront frapper à la porte et diront : « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! Mais répondant, il dira : En vérité, je ne vous connais pas » (Matt. 25: 11, 12). — De fait, malgré son cri : « Nous te connaissons », Israël était sans Dieu. Eh bien ! même son idole le rejetait : « Ton veau t’a rejeté, Samarie », puisque l’Assyrien fondait victorieusement sur lui ; et, à son tour, cette idole elle-même serait mise en pièces (v. 6). Combien il est sérieux, quand on a reçu la révélation du vrai Dieu, de se détourner de Lui ! « Ceux qui sèment le vent, moissonnent la tempête ». Tel fut le sort de ce pauvre peuple sous le prophète Osée, mais cela reste vrai en tout temps. La chrétienté a d’immenses privilèges. Comme jadis à Israël, les oracles de Dieu lui ont été confiés, et l’Esprit de Dieu les interprète au milieu d’elle. Elle fait bien pis que de « transgresser l’alliance et d’être rebelle à la loi » (v. 1), car elle rejette les promesses de Dieu et méprise sa grâce. Que récoltera-t-elle, sinon un jugement sans rémission, à moins qu’elle ne se repente ?
Le jugement par l’Assyrien tombe « sur la maison de l’Éternel » (v. 1). C’est ainsi que le prophète appelle les dix tribus, et l’on voit ce que cette maison était devenue. Comme aujourd’hui la chrétienté, Israël était une grande maison ou toute sorte d’iniquités avaient élu domicile.
Comme nous l’avons vu, chez le prophète Osée, une image en fait naître une autre. Ce n’est pas le fleuve large et majestueux d’Ésaïe qui prophétisait au même temps que lui, mais un torrent impétueux qui s’élance en bouillonnant sous l’impulsion de l’Esprit prophétique. Au moment où il parle de semer le vent et de moissonner le tourbillon, l’image seule de la moisson le force à demander s’il y a, en Éphraïm, du fruit pour Dieu : « Il n’a pas une tige de blé ; elle germerait, qu’elle ne produirait pas de farine ; et, en produisît-elle, des étrangers la dévoreraient » (v. 7). Point de fruit ! Rien qui germe, donnant quelque espérance pour l’avenir ! Rien qui puisse servir de nourriture ! Ce qu’Israël pourrait produire est dévoré par les nations auxquelles il se confie. Maintenant, la nourriture épuisée, il reste parmi les nations comme un vase vide dont on n’a que faire !
(v. 9, 10.) — Éphraïm n’ayant aucune confiance en Dieu, son
péché spécial
est d’avoir recherché
l’appui de l’Assyrien. Plus tard, Ézéchias montra que Juda ne se rendait pas
coupable du péché d’Éphraïm. Osée fait allusion à Menahem, roi d’Israël,
lequel, au temps d’Azaria, avait donné mille talents d’argent à Pul, roi
d’Assyrie, « afin que sa main fût avec lui, pour affermir le royaume dans sa
main » (2 Rois 15: 19) ; mais, dit le prophète, « maintenant je les assemblerai,
et ils commenceront à être amoindris sous le fardeau du roi des princes » (v.
10).
Cependant l’idolâtrie (v. 11-14) était le péché principal
d’Éphraïm, en punition duquel
« ils retourneraient en Égypte » (v. 13). Remarquons ici que « retourner en
Égypte » est présenté comme une affaire morale
et non comme un retour matériel
en
Égypte. Israël avait recherché l’appui de ce pays, il retomberait dans la servitude
dont le peuple avait jadis été délivré. Il en est de même au chap. 9: 3 :
« Éphraïm retournera en Égypte, et mangera en Assyrie ce qui est impur ». Le
retour en Égypte n’est pas autre chose que la captivité sous le joug de
l’Assyrien amené par la recherche du secours de l’Égypte. Osée est, comme nous
l’avons vu, coutumier de ces images heurtées et de ces brusques transitions.
L’image conduit à un fait nouveau en rapport avec elle. Ainsi au chap. 9: 6, il
nous est dit que « l’Égypte les rassemblera, que Moph les enterrera ». Ce fut le
cas de Juda, comme nous le voyons dans le prophète Jérémie (ch.41 à 44, ch.46
v.13-19) tandis qu’Osée nous dit positivement, au chap. 11: 5, qu’Éphraïm « ne retournera pas
dans le pays
d’Égypte, mais que l’Assyrien sera son roi ». — La distinction entre le sort
d’Israël et celui de Juda est introduite au v. 14 du chap. 8: « Mais Israël a
oublié celui qui l’a fait ; et il bâtit des palais, et Juda multiplie les villes
fortes ; mais j’enverrai un feu dans leurs villes, et il dévorera leurs
palais ». Cela explique la confusion apparente que nous trouvons au chap. 9.
Tout en les distinguant sans cesse l’un de l’autre, le prophète assimile
parfois en certaines choses les deux royaumes, comme attirant sur eux le
jugement de Dieu.
Les v. 1 à 4 du chap. 9 se relient aux v. 11 à 14 du chapitre
précédent. Tout ce qu’Israël, les dix tribus, et Éphraïm, leur représentant et
leur conducteur, avaient, soi-disant, sacrifié à Dieu, ils l’avaient offert à eux-mêmes
« Leur pain est pour eux-mêmes » (v. 4). Quand ils offraient un sacrifice (8: 13), ils offraient seulement de la chair pour en manger. Le froment et le vin qu’ils cultivaient pour eux-mêmes leur seraient ôtés (v. 2) ; ils mangeraient à la place les choses impures de l’Assyrie, du pays de leur captivité (v. 3). Tout ce qu’ils offriront à l’Éternel sera souillé ; Dieu ne l’acceptera pas, et eux se souilleront du produit même de leur souillure. C’était un cercle vicieux, partant d’eux-mêmes et retournant à eux-mêmes ; rien que souillure, rien pour Dieu. « Leur pain n’entrerait pas » comme pain de proposition « dans la maison de l’Éternel » (v. 4). Ce principe est de tous les temps. Quelque belle apparence qu’aient les oeuvres religieuses des hommes pécheurs, ils les font pour être satisfaits d’eux-mêmes et non pour plaire à un Dieu qu’ils ne connaissent pas. C’est un pain souillé qui n’a pas accès dans la maison de Dieu.
D’Éphraïm, le prophète passe sans transition à Juda (v. 5-10).
Ce fut lui, en effet, qui s’enfuit en Égypte et trouva son tombeau à Noph
(Moph, Memphis), à part quelques réchappés. Le reste des biens que les Juifs
avaient emportés avec eux fut englouti dans ce désastre. Osée annonce, au sujet
de la déportation d’Israël qui eut lieu peu de temps après, la destruction des
restes de Juda arrivée environ un siècle et demi plus tard. Le mal était tel
que le prophète était comme saisi de folie quand il détaillait la grandeur de
l’iniquité du peuple de Dieu : « Le prophète est insensé, l’homme inspiré est
fou, à cause de la grandeur de ton iniquité et de la grandeur de ton hostilité »
(v. 7), parole à retenir pour expliquer l’incohérence apparente
du prophète Osée. — En effet, le mal était si grand qu’il
le compare aux « jours de Guibha » (car il est dans ces versets sur le terrain
des deux tribus), faisant allusion au crime de Benjamin (Juges 19), qui avait
jadis nécessité son extermination presque complète.
Aux v. 10-17, Dieu parle de l’ensemble de son peuple, tel que Dieu l’avait contemplé dans le désert : quelle beauté alors dans cet Israël ; quel rafraîchissement pour le coeur de Dieu qui trouvait en lui sa joie et ses délices, « comme des raisins dans le désert ! » Nous trouvons, d’autre part, en Jér. 2: 1-3, quels étaient les sentiments d’Israël lui-même, attiré par le premier amour sur les pas de son époux et de son berger. Hélas ! bientôt le peuple était allé après Baal-Péor, le dieu des filles de Moab (v. 10; Nomb. 21).
Avec quelle douleur le prophète revient maintenant à Éphraïm, sa préoccupation constante. Dieu l’avait vu comme une ville riche et florissante, une Tyr, entourée d’une campagne merveilleuse. Qu’était-il devenu ? Avait-il mieux valu que l’ensemble du peuple en Sittim ? Non ; il n’avait répondu en rien à l’attente de son époux.
Comme une femme stérile il n’avait jamais conçu, jamais porté de fruit, jamais produit aucun rejeton sur lequel pût reposer l’amour de son époux ; « point d’enfantement » pour Dieu ! Car Éphraïm avait des fils de sa prostitution et, sous le jugement de Dieu, il serait obligé de « les mener dehors au meurtrier », à ce Jareb exterminateur d’Israël.
Et de nouveau (v. 14-17), le prophète se prend à apostropher l’ensemble des neuf tribus d’une part, Éphraïm de l’autre. Israël, pas plus qu’Éphraïm, n’avait rien produit pour Dieu. Celui-ci « leur donne un sein qui avorte et des mamelles desséchées » ; il les frappe de stérilité — son jugement sur eux. « Toute leur méchanceté », dit-il, « est à Guilgal », au lieu même où la chair avait été retranchée et où l’opprobre d’Égypte avait été roulé de dessus le peuple. La chair se montre là dans toute sa laideur, bravant la sainteté de Dieu, aussi seront-ils « chassés de sa maison ; Il ne les aimera plus ! » « Tous leurs princes sont des rebelles. Éphraïm a été frappé ; leur racine a séché ; ils ne produiront pas de fruit » (v. 16) ; malédiction finale prononcée plus tard par le Seigneur sur Juda, puis sur l’homme, sur le figuier sans fruit. « Que désormais personne ne mange jamais du fruit de toi… Et ils virent le figuier séché depuis les racines » (Marc 11: 14, 20). Le seul miracle du Seigneur qui ne soit pas un miracle d’amour est mentionné dans ces pages vengeresses. En Éphraïm, dans l’homme, il n’y avait point d’enfantement (v. 11), mais, « si même ils enfantent, Dieu fera mourir le fruit précieux de leur sein » (v. 16). Les dix tribus ne se multiplieront pas, et il en est ainsi jusqu’à aujourd’hui, elles ont disparu sans trace, tandis que ceux de Juda (car ce chapitre traite alternativement de l’un et de l’autre) « seront errants parmi les nations » (v. 17), et tels ils sont encore.
Le chap. 10 continue, sans interruption, le même sujet. Les v.
1-3 présentent ce qu’Israël était maintenant, en contraste avec ce qu’il avait
été au commencement (9: 10). « Israël est une vigne branchue ; il porte du fruit
pour lui-même ». Dieu avait autrefois trouvé ses délices en Israël comme des
raisins dans le désert, quoiqu’ils eussent, sans doute, bien vite abandonné le
Dieu vivant pour Baal-Péor (9 :10) ; mais ici Israël (c’est en particulier
des dix tribus qu’il parle) était devenu une vigne branchue, belle dans son
développement, ayant toute l’apparence de force, de puissance et de vitalité,
mais sans porter aucun fruit pour Dieu. Tous ses fruits, il les avait portés pour lui-même
(cf. 9: 4). La chrétienté
offre le même spectacle que cette vigne branchue. Elle nous est montrée sous la
figure d’un grand arbre issu d’une petite semence, assez puissant pour offrir
un abri aux oiseaux des cieux et de l’ombre aux bêtes des champs, mais où est
son fruit pour Dieu ? (Matthieu 13: 32). Éphraïm avait employé toute sa
prospérité matérielle à multiplier ses autels. Planté dans une campagne
agréable (9: 13), à quoi a-t-il fait servir « la beauté de son pays ? à rendre
belles ses statues ! » (v. 1). Aussi Dieu, dans son indignation, abattra tout cet
appareil de l’idolâtrie, « et maintenant », au moment où le prophète parle, « ils
diront : nous n’avons pas de roi ». Nous savons, en effet, qu’avant l’avènement
d’Osée, leur dernier roi, une période d’anarchie eut lieu, pendant laquelle le
peuple coupable, se voyant abandonné de Dieu, disait : « Un roi, que ferait-il
pour nous ? » (v. 3).
(v. 4-6.) — « Ils prononcent des paroles, ils jurent faussement,
et ils concluent une alliance ». Cela arriva littéralement à leur dernier roi,
Osée. Tout en concluant une alliance avec Shalmanéser, roi d’Assyrie, auquel il
prêtait un faux serment, il recherchait traîtreusement l’appui de Sô, roi
d’Égypte (2 Rois 17: 4-6). Une scène semblable se renouvela beaucoup plus tard
sous Sédécias, roi de Juda, à l’égard du roi de Babylone (2 Chron. 36: 13). — Aussi
le jugement, comme une « plante vénéneuse », croîtra dans les sillons de ses
champs, détruisant tout espoir de moisson. Shalmanéser se vengea de la trahison
d’Osée, monta contre les dix tribus et assiégea Samarie, leur capitale. Que
fait le peuple de Samarie en présence du jugement qui fond sur lui ? Il tremble
« pour son veau », pour l’idole de Béthel, lieu que dans son indignation le
prophète appelle Beth-Aven (comme en 4: 15; 5: 8; 10: 8), maison de vanité ou
d’iniquité. Un Beth-Aven existait, de fait, du temps de Josué. Dans la
délimitation des frontières assez restreintes de Benjamin, il est mentionné
comme un lieu désert
peu éloigné de
Béthel (Josué 18: 12, 13). Mais le prophète emploie ce terme que l’on peut
aussi traduire : « maison d’idoles » pour caractériser ce que Béthel, la maison
de Dieu, était devenue. C’était à Dan et à Béthel que Jéroboam I avait établi
les veaux d’or (1 Rois 12: 29). Béthel était désormais un véritable désert, une
maison d’idoles, une vanité, une abomination pour le Dieu qui en avait fait sa
maison et y avait confirmé solennellement ses promesses de grâce à Jacob (Gen.
28: 19; 35: 15). Le veau d’or avait ses Camarim, ses sacrificateurs qui
tremblaient pour lui. Comme plus tard, lors de l’émeute au sujet de la grande
Diane des Ephésiens, si le veau d’or disparaissait, tout l’espoir de leur gain
était anéanti. La valeur monétaire de l’idole jouait aussi un rôle dans le
deuil du peuple. Son trésor, le témoin de sa prospérité matérielle, en même
temps que son dieu, lui était enlevé pour être porté à Shalmanéser, le roi
Jareb de ce jour-là, l’ennemi d’Éphraïm.
« Samarie est détruite, son
roi a péri,
comme un fétu sur la face des eaux ; et les hauts lieux d’Aven,
le péché d’Israël, seront détruits. L’épine et la ronce monteront sur leurs
autels ; et ils diront aux montagnes : Couvrez-nous ! et aux collines : Tombez sur
nous » (v. 7, 8). Ces versets correspondent à 2 Rois 17: 4-6. Le prophète nous
apprend qu’Osée devait périr
après
avoir été mis en prison et lié de chaînes par Shalmanéser. Tout cela était
proche, mais encore à venir au temps du prophète. L’idolâtrie d’Éphraïm devait
disparaître de dessous la face des cieux ; l’épine et la ronce devaient
recouvrir ses autels, Béthel redevenir le désert de Beth-Aven. Il en est encore
ainsi aujourd’hui.
Cependant, comme toujours, la prophétie ne s’arrête pas à une interprétation prochaine, mais nous reporte vers un temps futur, où, non plus à la suite de l’idolâtrie, mais après le rejet du Christ, le jugement atteindra ce peuple coupable. C’est ce qu’annonçait le Seigneur aux filles de Jérusalem, quand il se rendait au Calvaire : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ; mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ; car voici, des jours viennent, dans lesquels on dira : Bienheureuses les stériles, et les ventres qui n’ont pas enfanté, et les mamelles qui n’ont pas nourri (cf. Osée 9: 11, 14). Alors ils se mettront à dire aux montagnes : Tombez sur nous ; et aux coteaux : Couvrez-nous ; car s’ils font ces choses au bois vert, que sera-t-il fait au bois sec ? » (Luc 23: 28-31). Tel sera aussi le cri des hommes, depuis les rois jusqu’aux esclaves, sous le sixième sceau de l’Apocalypse, quand ils se cacheront devant la colère de l’Agneau (Apoc. 6: 16, 17).
Dans les v. 9 à 15 le prophète enveloppe de nouveau Juda avec
Israël dans le même jugement. Guibha, comme nous l’avons vu plus haut (9: 9),
parle du péché de Benjamin, mais le prophète fait ressortir que « la guerre
contre les fils d’iniquité » n’avait pas atteint à Guibha ceux d’Israël qui se
posaient en champions de la justice (v. 9). Aussi arriverait-il un temps où
Dieu châtierait ceux qui avaient été les instruments du châtiment de Benjamin.
Juda et les dix tribus seraient « liés pour leurs deux iniquités
». Tous deux, nous dit le prophète, seront asservis
au joug des nations : « Éphraïm est une génisse dressée, qui aime à fouler le
blé ; et j’ai passé sur son beau cou : je ferai tirer le chariot à Éphraïm ;
Juda labourera, et Jacob hersera ». Ils seront esclaves, chacun d’eux dans des
circonstances et à des époques diverses, pour faire lever et prospérer les
moissons des étrangers !
Ah ! n’était-il pas temps encore de semer en justice pour moissonner selon la piété, de défricher un terrain neuf, de recommencer une vie, produit d’une nouvelle naissance, et de chercher l’Éternel ? (v. 12). Dès qu’Israël suivra cette voie le Seigneur viendra, comme la pluie, apporter la justice au terrain ainsi préparé (cf. 6: 3). Mais il est impossible qu’une telle bénédiction se produise sans la repentance et la conversion « qui cherche l’Éternel ».
Pourquoi et pour qui Éphraïm et Juda avaient-ils travaillé jusque-là ? « Vous avez labouré la méchanceté, moissonné l’iniquité, mangé le fruit du mensonge » (v. 13). Ainsi, comme toujours en Osée, les images produisent pour ainsi dire les pensées, et nous voyons le labourage signifier à la fois le joug des nations, l’iniquité du peuple et le retour du coeur à l’Éternel.
Mais bientôt toutes les forteresses d’Éphraïm seront détruites « comme Shalman détruisit Beth-Arbel au jour de la guerre », c’est-à-dire comme Shalmanéser, dont l’armée fit le siège de Samarie, détruisit sans doute, d’une manière terrible, Beth-Arbel, une de ces forteresses qui n’est nommée que dans ce passage.
Enfin ce chapitre se termine par ces mots prophétiques : « A l’aube du jour, le roi d’Israël aura entièrement cessé d’être » (v. 15). Avec le roi Osée, la royauté sur les dix tribus va prendre fin, rentrer dans le néant, et il n’en sera plus jamais question.
Les chap. 11 à 13 ont ceci de particulier que, semblables aux trois premiers chapitres, ils ajoutent au débat des chap. 4 à 10 des paroles d’apaisement, des lueurs d’espérance, des allusions à un Libérateur futur, le souvenir des grâces premières et l’espoir de délivrances futures. Ces chapitres préparent le chapitre final, la pleine restauration d’Israël sur le chemin de la repentance. Dans tous les chapitres qui précèdent, un seul passage, et encore est-il mis comme une exhortation dans la bouche du prophète (6: 1-3), pourrait se rapprocher de ceux que nous allons rencontrer. Ici, nous en avons fini en grande partie avec les scènes d’indignation si fougueuses, avec les images si imprévues dont nous avons été souvent obligés de paraphraser le texte, verset après verset, pour en faire comprendre le sens. Au chap. 11 l’orage s’éloigne déjà, mais n’a pas cessé complètement. Ici et là un grondement de tonnerre, un éclair qui tombe, montrent que tout n’est pas fini. Mais déjà, de temps à autre, un rayon de soleil perce les sombres nuées, le vent ne mugit plus en rafales inattendues ; une haleine plus douce annonce que la saison nouvelle n’est pas loin de paraître.
(v. 1-7.) — Après avoir mentionné la destruction totale
d’Éphraïm et de son roi, le prophète revient à l’histoire passée d’Israël et
nous dit comment, dans sa jeunesse, Dieu avait pris plaisir en lui. Il l’avait
adopté, l’avait appelé hors d’Égypte pour le conduire en Canaan, comme il avait
appelé Abraham hors d’Ur des Chaldéens. Dieu avait fait tout cela ; Israël, en
lui-même, n’avait d’autre attrait pour Lui que sa jeunesse sans défense et le
joug d’esclavage qui pesait sur lui. De son libre choix Dieu l’avait aimé et
placé en relation intime avec Lui. Pouvait-il y avoir intimité plus grande que
celle d’un fils avec son père ? Le prophète a déjà fait allusion, au chap. 9:
10, au prix que l’Éternel attachait à la possession d’Israël. Qu’est-ce que le
peuple avait fait de tous ces privilèges ? Ils se détournaient quand les
prophètes venaient leur parler ; et, chose affreuse, « ils sacrifiaient aux Baals
et brûlaient de l’encens aux images taillées » (v. 2). Cette conduite n’avait
pas lassé la patience de Dieu. Tenant compte de l’extrême jeunesse de son
peuple, comme un tendre père le ferait à l’égard d’un petit enfant, il lui
avait appris à marcher (ici nous retrouvons Éphraïm seul), l’avait pris sur ses
bras, comme un enfant fatigué — quel amour, quels tendres soins ! — mais Éphraïm
n’avait eu aucune conscience de toute la sollicitude de Dieu à son égard : « ils
ne savaient pas que je les guérissais ». Dieu les excusait encore. À mesure
qu’ils grandissaient, ses soins pour eux grandissaient aussi, et s’adaptaient à
leur âge. Comme un guide attentif à l’égard d’un voyageur, Dieu les liait par
des cordeaux d’amour pour les attirer après Lui. Ils étaient empêchés de se
nourrir librement, par le joug qui pesait sur leurs mâchoires ; que de fois Dieu
avait desserré le joug pour leur donner doucement à manger ! Tout ce tableau de
la tendresse de Dieu à leur égard est propre à toucher le coeur et à atteindre
la conscience de son peuple. Mais tout a été en pure perte. Combien de fois
pendant la marche du désert leur coeur était retourné en Égypte, combien de
fois, depuis leur entrée en Canaan, ils s’étaient orientés du côté de ce pays
d’esclavage, quand surgissaient les difficultés, fruit de leur infidélité. En
ces jours de déclin, Éphraïm s’était particulièrement caractérisé par la
recherche des secours de l’Égypte, comme nous l’avons vu dans les chapitres
précédents, et dans son histoire. Désormais, dit l’Éternel, « il ne retournera
pas dans le pays d’Égypte, mais l’Assyrien sera son roi ». Tous ses instincts et
ses désirs l’y portaient ; il ne tenait aucun compte de ce que Dieu l’avait
appelé hors
d’Égypte, — mais, dit le
prophète, il n’effectuera pas ce retour et sera transporté dans des contrées
lointaines par l’Assyrien qui dominera sur lui. Autre fut le sort de Juda ;
rebelle à la parole de Jérémie, il persista à se réfugier en Égypte pour fuir
le joug de Babylone, et ne put échapper à sa destruction.
Telle est la fin de l’histoire d’Éphraïm, mais, grâce infinie,
ce n’est pas la fin de l’histoire de Dieu. Il nous est dit, en Matt. 2: 15, que
Joseph prit le petit enfant Jésus et se retira en Égypte, « afin que
fût accompli ce que le Seigneur avait dit par le
prophète, disant : J’ai appelé mon fils
hors d’Égypte ».
Tel était (l’aurait-on cru ?) le but de la prophétie d’Osée ; elle s’accomplissait dans cet événement. Dieu avait un autre, un second
Israël, objet de ses conseils d’éternité ; celui-là devait le glorifier et
répondre à toutes les exigences de sa sainteté, de sa justice et de son amour.
La vigne d’Israël que l’Éternel avait plantée n’avait produit pour Dieu
que des grappes sauvages (És.
5) ; la « vigne branchue » avait porté du fruit pour elle-même
(10: 1). Aussi ses clôtures ont été rompues et les
bêtes des champs l’ont broutée. Mais le Seigneur regardera des cieux et à un
certain moment visitera ce cep que sa droite avait planté et ce provin qu’il
avait fortifié pour Lui, c’est-à-dire qu’il rétablira Israël. Mais comment ? « En
mettant sa main sur l’homme de sa droite,
sur le fils de l’homme qu’il a fortifié
pour lui ».
Israël ressuscitera et sera de nouveau introduit dans la
bénédiction par le vrai fils de la droite de Dieu (Ps. 80), par le vrai cep
(Jean 15) qui seul peut porter pour l’Éternel les sarments d’Israël. Seulement
le vrai cep n’attend pas sa gloire future de Messie, pour porter du fruit pour Dieu.
Il en porte maintenant
sur la terre
et tous les sarments d’entre les nations qui sont aujourd’hui en relation
vivante avec lui icibas, formeront dans la gloire son Épouse céleste, tandis
qu’Israël, uni à son Messie, reparaîtra dans le royaume millénaire comme la
vigne de l’Éternel.
(v. 8-11.) — Au chap. 6: 4, Dieu avait demandé : « Que te
ferai-je, Éphraïm ? » montrant qu’il
n’y avait plus de jugement assez sévère pour lui et pour Juda. Ici il
s’écrie : « Que ferai-je de toi,
Éphraïm ? Comment te livrerais-je, Israël ? » Christ, le vrai Israël, ayant été appelé
hors d’Égypte, un moyen était trouvé pour faire intervenir la grâce. Dieu
ferait-il d’Israël ce qu’il avait fait des rois de Canaan, des rois d’Adma et
de Tseboïm, aux jours d’Abraham ? (Gen. 14: 2). Non, dit-il, « mon coeur est
changé en moi ; toutes ensemble mes compassions se sont émues. Je ne donnerai
pas cours à l’ardeur de ma colère, je ne détruirai pas de nouveau Éphraïm ; car
je suis Dieu, et non pas un homme, — le Saint au milieu de toi ; et je ne
viendrai pas avec colère » (v. 8, 9). Un jour arrivera où ses voies changeront
envers son peuple, où il donnera libre cours à ses compassions ; il est Dieu, et
la colère ne fait pas partie de son Etre, quoiqu’il ait été obligé de
manifester sa justice en jugement — mais il est
amour. Il est Saint,
sans doute,
au milieu de son peuple, et il faut que ce dernier le sache et en fasse
l’expérience, mais il est avant tout un Dieu ému de compassion.
Jésus n’a-t-il pas été cela, lui le Fils de Dieu
appelé hors d’Égypte ? Venu comme Dieu, comme Emmanuel, à Israël, était-ce pour
le juger ? Sa vie n’a-t-elle pas été, d’un bout à l’autre, une vie de compassion ? (Lisez Matt. 9: 36 ; 14: 14 18, 27 ; 20: 34 ; Marc 6: 34 ; 9: 22 ; Luc 10:
33 ; 15: 20). Il est venu manifester à ce misérable peuple et à tous les
hommes ce qu’il y avait dans son coeur, dans le coeur de Dieu pour eux. Aussi
l’apôtre Paul, résumant tout ce qu’il venait de révéler au sujet des pensées de
Dieu envers l’homme, pouvait dire : « Je vous exhorte, frères, par les
compassions de Dieu » (Rom. 12: 1). C’est la venue du Fils de sa droite, du vrai
Benjamin, premier-né quoique dernier-né, qui a ouvert l’écluse des compassions
de Dieu, alors que le Dieu saint, dans le gouvernement de son peuple, après
avoir ouvert l’écluse de ses jugements, aurait dû leur donner cours jusqu’à
épuisement.
Quel changement s’est opéré avec la venue de Christ ! L’histoire d’Israël a recommencé avec Lui, à la gloire de Dieu, que son ancien peuple avait livrée à l’opprobre. Ce nouvel Israël, jeune enfant, était Celui dont Dieu avait dit : « Tu es mon Fils ; aujourd’hui je t’ai engendré » (Ps. 2). Il l’a appelé hors d’Égypte, pour l’introduire comme Roi en Canaan sur son peuple terrestre ; il l’a aussi appelé hors d’Égypte, hors du monde, pour l’introduire, et tous ses rachetés avec Lui, dans les délices de la Canaan céleste !
Alors, dit le prophète, « ils marcheront après l’Éternel » (v. 10). Le lion de Juda n’aura qu’à faire entendre son rugissement, pour que « les fils » accourent de toute part vers lui. Il ne rugira plus contre eux, mais contre les nations qui les ont asservis ; eux auront confiance dans ce rugissement. Ils arriveront de l’Occident (Juda), de l’Assyrie (Israël). À tire-d’aile ils fuiront l’Égypte, comme jadis quand le Seigneur les appelait à en sortir.
N’avons-nous pas raison de dire qu’un tel chapitre respire la compassion plus encore que les jugements, l’espérance d’Israël plus que sa destruction ? C’est que le petit enfant, le second Adam, va paraître, et que déjà le prophète l’annonce en paroles mystérieuses !
Le retour des dix tribus n’aura lieu qu’« après la gloire » ; le
retour national de Juda aura lieu auparavant, dans l’incrédulité, quand les
« vaisseaux rapides » ramèneront ce peuple en Palestine, mais « quand leur nombre 1 serait comme le sable de la mer, le résidu seul
sera sauvé » (Rom. 9: 27).
Dieu ne reconnaîtra comme son peuple que ceux qu’il aura scellés, Juda en tête,
la tribu du grand Roi, Benjamin à l’arrière-garde, la tribu du Fils de sa
droite (Apoc. 7: 5-8).
Le chapitre 11 avait pour sujet principal la miséricorde envers
les dix tribus et l’introduction du nouvel Israël ; le chapitre 12 traite
éventuellement de Juda et parle du relèvement, aux derniers jours, de
l’ensemble du peuple. Le prophète commence par mettre en regard la condition
d’Éphraïm et celle de Juda au moment même où sa prophétie est émise. « Éphraïm
m’entoure de mensonge, et la maison d’Israël de fraude ; mais Juda marche encore
avec Dieu et avec les vrais saints » (v. 1). Cette phrase est importante pour
l’intelligence de toute la prophétie d’Osée. Elle a souvent été traduite ainsi :
« Juda est encore sans frein à l’égard de Dieu et du vrai Saint ». Affaire non de
grammaire, mais d’intelligence spirituelle et, pour notre part, nous sommes
persuadés que la seconde version ôterait à ce chapitre son vrai caractère. La
pensée que Juda « marche encore avec Dieu » correspond d’une manière frappante à
ce qui nous est dit en 2 Chron. 12: 12 et 19: 3. Tandis qu’Éphraïm, qui avait semé
le vent (8: 6), s’en repaissait, se nourrissait de vaines espérances, et
agissait avec fourberie, cherchant à se concilier ces deux ennemis
irréconciliables, l’Assyrie et l’Égypte (v. 2), Juda marchait encore avec son
Dieu. Combien de temps cela dura-t-il ? Un peu plus d’un siècle, jusqu’à la
captivité de Babylone, mais Dieu faisait encore trêve au jugement dans les
jours d’Osée. Il y avait encore de vrais saints et la crainte de Dieu au milieu
du déclin si manifeste de Juda. Les yeux de Dieu se reposaient avec
complaisance sur un Ozias, sur un Jotham, sur un Ézéchias et, plus tard, sur
Josias, dont le règne fleurit après la transportation des dix tribus. Mais Juda
allait-il persister ? Qu’était, même sous ces règnes bénis, l’ensemble du
peuple ? Le prophète, ainsi que l’histoire, nous l’apprennent. « L’Éternel », nous
est-il dit, « a aussi un débat avec Juda,
et
il punira Jacob selon ses voies, et il lui rendra selon ses actions » (v. 3) (*).
(*) Comme nous l’avons dit dans l’Introduction, Jacob est ici l’ensemble du peuple en rapport avec Juda son chef, comme Israël est l’ensemble des dix tribus en rapport avec son chef Éphraïm.
Mais Jacob retournera-t-il à Dieu ? Oui, car si, dès le début, il
a, par ruse, supplanté son frère, il arrivera un moment où il rencontrera Dieu
et aura à lutter avec Lui. « Dans le ventre il prit son frère par le talon, et
par sa force il lutta avec Dieu ; oui, il lutta avec l’ange et prévalut : il
pleura et le supplia » (v. 4, 5). Il lutta avec Dieu par sa force ;
alors l’ange toucha l’emboîture de sa hanche et il
dut faire l’expérience de sa faiblesse. Cependant il prévalut
. Quel est donc le moyen de prévaloir dans la lutte avec
Dieu ? Le voici : Il pleura et supplia
.
Il faut que Jacob soit vainqueur pour pouvoir hériter de la bénédiction, et le
moyen de vaincre et de l’obtenir, c’est la
repentance et la prière
. Cependant Jacob, quoiqu’il pût dire : « Mon âme a
été délivrée » (Gen. 32: 30), n’avait pas encore retrouvé la communion avec Dieu
. L’ange refuse de lui dire son nom et le
patriarche ne rencontre Dieu qu’à Béthel : « À Béthel il le trouva » (v. 5). Une
première fois, fuyant la maison paternelle, il avait rencontré l’Éternel à
Béthel, mais dans un songe
(Gen. 28:
13-22). Une seconde fois, à Mahanaïm (Gen. 32: 24-32), il le rencontre « face à
face », mais sans que l’ange lui déclare
son nom
. Une troisième fois, enfin, à Béthel, il le trouve réellement
, après s’être purifié et avoir enterré ses
idoles (Gen. 35: 11). — « Là il parla avec nous » (v. 5). Quand il a retrouvé la
présence de l’Éternel dans sa maison de Béthel, Jacob entre en communion avec
Lui, entend, comprend, jouit de sa parole. « Et l’Éternel, le Dieu des armées —
l’Éternel est son mémorial » (v. 6). Son
mémorial est son nom même d’Éternel
, tel qu’il l’a révélé à Israël (Exode
3: 15). Auparavant (Exode 6: 3), il s’était révélé comme le Tout-puissant à
Abraham, à Isaac et à Jacob, mais quand il se révèle à Israël par la bouche de
Moïse, son nom : Éternel
est « son nom
éternellement, et c’est là son mémorial
de génération en génération ». Or, pour retrouver cette relation bénie avec
Dieu, il faut qu’Israël se convertisse comme le patriarche : « Et toi, retourne
à ton Dieu, garde la piété et
le jugement, et attends-toi à ton Dieu continuellement » (v. 7).
En résumé, la portée de tout ce passage, en apparence si énigmatique, est celle-ci : Israël ne peut retrouver ses relations avec son Dieu et la communion avec lui, que dans le sentiment de sa propre impuissance, par l’humiliation et la repentance, en abandonnant ses idoles pour rechercher la face de son Dieu. C’est par une vraie conversion qu’il sera capable de « garder la piété », de conserver ces heureux rapports avec Dieu, — « le jugement », — le discernement nécessaire pour se séparer du mal, — enfin « l’attente continuelle de son Dieu », c’est-à-dire, la dépendance.
(v. 8-15.) — Après avoir traité du retour, de l’humiliation, de la repentance de Juda, et de tout le peuple, le prophète revient à Éphraïm et ne le quitte plus jusqu’à la fin de sa prophétie. Dans le même style abrupt et sans transitions, comme toujours, il exprime la pensée de Dieu à l’égard des dix tribus : « C’est un marchand ; la fausse balance est dans sa main ; il aime à extorquer » (v. 8). Mais cette accusation n’atteint pas la conscience d’Éphraïm ; il dit : « Toutefois je me suis enrichi, je me suis procuré des biens. Dans tout mon travail on n’a trouvé contre moi aucune iniquité qui soit péché ». Quelle satisfaction de soi-même et de son travail ! Quelle ignorance de son propre coeur ! Involontairement on pense à Laodicée, disant les mêmes paroles à la veille d’être vomie de la bouche du Seigneur : « Tu dis : Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien ; et tu ne connais pas que toi tu es le malheureux, et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu — (Apoc. 3: 17). Ainsi la fin de la chrétienté sera caractérisée par le même aveuglement que celui d’Israël. Il suffit à Éphraïm qu’une enquête humaine n’ait pas trouvé chez lui d’actes répréhensibles qui le fassent tomber sous la sentence de la loi. Sans parler des idoles dont, chose stupéfiante, il ignore ici l’existence. Mais le monde d’aujourd’hui connaît-il ses idoles ? Maintenant, comme alors, la pensée d’un Dieu qui sonde l’homme et le connaît, est complètement ignorée. Et, quant à Israël, la fraude coutumière de Jacob le caractérise encore.
En présence d’un tel endurcissement de conscience, l’Éternel va,
sans doute, tourner définitivement le dos à ce triste peuple ! C’est parce que
l’on s’y attend qu’on est confondu d’entendre l’Éternel s’exprimer ainsi au v.
10 : « Et moi, l’Éternel ton Dieu dès le pays d’Égypte, je te ferai encore
habiter sous des tentes, comme aux jours de la fête solennelle ». Quelle grâce inattendue
! Il y aura pour toi,
misérable Éphraïm, un repos glorieux après la traversée du désert dans lequel
je te chasserai de nouveau. Il y aura pour toi une fête des tabernacles qui
suivra la moisson et la vendange. Si tu m’as oublié, moi, je n’ai pas oublié
que, dès la rédemption opérée en ta faveur quand je te fis sortir d’Égypte,
j’avais la pensée de te faire célébrer ce repos final.
Immédiatement Dieu reprend le cours des amers reproches (v. 11-15). Éphraïm avait-il jamais écouté Celui qui lui parlait par l’inspiration des prophètes, par leurs visions et leurs similitudes ? Non, il avait offert des sacrifices que Dieu ne pouvait accepter, aussi leurs autels seraient comme des tas de pierres dans les sillons des champs ! Déjà le jugement était tombé sur Galaad, les deux tribus et demie au delà du Jourdain (2 Rois 15: 29 ; 1 Chron. 5: 26), mais que serait-ce quand il tomberait sur Éphraïm ?
(v. 12). Veuille repasser, ô Éphraïm, l’histoire de Jacob, l’histoire d’Israël ! N’est-elle pas une vision et une similitude prophétique qui s’adresse à toi ? Jacob n’a-t-il pas dû fuir dans la plaine de Syrie, parce qu’il avait suborné son frère ? Jacob n’a-t-il pas été gardé en esclavage, et cette servitude ne s’est-elle pas prolongée jusqu’à son union avec la femme qu’il aimait ? Cependant Israël fut délivré à la fin de sa longue captivité : « Par un prophète (Moïse), l’Éternel fit monter Israël d’Égypte » ; par ce même prophète « il fut gardé » jusqu’à la fin des jours du désert. Il en sera de même pour Israël : La parole de Dieu (l’esprit de prophétie, le témoignage de Jésus, Apoc. 19: 10; 22: 7), parole qu’ils ont méprisée quand le Seigneur multipliait pour eux ses prophètes, cette parole les ramènera à la fin. Mais, quant à Éphraïm (v. 15), pour le moment la colère de Dieu demeure sur lui.
C’est ainsi que s’entremêlent les menaces, les supplications, les jugements, les espérances et les promesses, dans cette merveilleuse prophétie. Ah ! si, aujourd’hui, la chrétienté voulait entendre ! Son sort sera bien plus terrible que celui d’Israël, car Israël sera restauré, et la chrétienté, devenue la grande Babylone, sera détruite pour toujours !
Au chap. 13, l’orage soulevé contre Éphraïm infidèle fait entendre de nouveau sa grande voix. Un dernier tourbillon de colère semble tout briser sur son passage. Puis il se fait un grand silence, le silence de la mort. Alors, du sein de la mort même s’élève une voix libératrice (v. 14). Encore un dernier coup de vent d’Orient, un fracas de terreur et de carnage. La destruction d’Éphraïm est consommée (v. 15, 16). Alors enfin sonne l’heure du réveil sous le règne glorieux du Messie (chap. 14).
(v. 1.) — « Quand Éphraïm parlait, c’était une terreur ; il s’éleva en Israël : mais il se rendit coupable par Baal, et mourut. »
Le prophète continue à exposer la condition d’Éphraïm. Cette tribu avait une autorité de par Dieu, une place éminente en Israël. Elle avait tout perdu par l’idolâtrie de Baal et par les veaux de Béthel. Quel sera son sort ? Que restera-t-il d’elle ? « Ils seront comme la nuée du matin et comme la rosée qui s’en va de bonne heure, comme la balle chassée par le tourbillon hors de l’aire, et comme la fumée qui sort par le treillis » (v. 3). Cherchez Éphraïm ; où le trouverez-vous ? Autant chercher à retrouver la nuée, la rosée et la fumée. Il en est ainsi des dix tribus jusqu’à ce jour !
Au v. 4, l’Éternel revient aux témoignages passés de sa grâce (remarquez combien de fois depuis qu’il a « appelé son Fils hors d’Égypte » au chap. 11: 1) ; il revient, dis-je, à ce qu’il fut pour Israël dès le pays d’Égypte. « Et moi, je suis l’Éternel, ton Dieu, dès le pays d’Égypte ; et tu n’as pas connu d’autre Dieu que moi, et il n’y a pas de Sauveur hors moi. Moi, je t’ai connu dans le désert, dans une terre aride » (v. 4, 5). Ah ! comme les jours étaient loin où l’épouse suivait son époux au désert, où le Berger d’Israël y nourrissait et y abreuvait ses brebis, en sorte que chacune pût dire : « Je ne manquerai de rien » ! Mais Éphraïm s’était élevé, en sorte que l’Éternel avait dû rugir contre lui comme un lion dévorant, au lieu de rugir en sa faveur (cf. 11: 10), comme il le fera à la fin. Terrible sort ! Éphraïm allait être attaqué, dévoré par toutes les bêtes sauvages, images des nations hostiles et sans pitié qui montèrent à l’assaut de ce peuple. « Je leur serai comme un lion ; comme un léopard, je les guetterai sur le chemin. Je les attaquerai comme une ourse privée de ses petits ; je déchirerai l’enveloppe de leur coeur, et je les dévorerai là, comme une lionne ; les bêtes des champs les dépèceront ! » (v. 7, 8).
Quelle folie d’être ennemi de Dieu, du seul qui puisse nous secourir ! N’est-ce pas la condition des hommes d’aujourd’hui, aussi bien que des hommes d’alors ? On préfère être rassasié des biens de ce monde, comme il est dit ici (v. 6), plutôt que de se tourner vers le Sauveur. Mais on a beau chercher à se faire illusion ; si l’on n’est pas pour Lui, on est contre Lui. Si l’on est pour le monde et pour les choses qui sont dans le monde, on est ennemi de Dieu. N’est-ce pas la mortelle illusion du chrétien professant, de penser pouvoir en même temps être ami du monde et de Dieu ? Puissent les âmes y prendre garde, afin de ne pas trouver Dieu, comme un lion sur leur chemin ! Il n’y a pas d’autre Sauveur que Lui, et Israël avait été « contre lui, contre son secours » (v. 9). Et quand enfin le jugement s’était approché, il avait cherché le salut en s’appuyant sur le bras de la chair. « Où donc est ton roi. pour qu’il te sauve dans toutes tes villes. Où sont tes juges, dont tu as dit : Donne-moi un roi et des princes ? » L’Éternel rappelle aux dix tribus ce qu’avaient été les rois et les princes qu’elles avaient demandés, car il ne s’agit pas ici de Saül, comme je le pensais autrefois, encore moins de David et de Salomon, pas même de Jéroboam I, suscité par Dieu en jugement contre Juda. « Je t’ai donné un roi dans ma colère », dit Dieu à Éphraïm, « et je l’ai ôté dans ma fureur » (v. 11). Toute la prophétie d’Osée reporte la pensée vers Jéhu, exécuteur de la colère de Dieu contre la maison d’Achab, et vers son dernier successeur, Zacharie, qui périt de mort violente après six mois de règne. Comme nous l’avons vu au premier chapitre, Dieu ne tient pas compte des successeurs de Zacharie et, cependant, cette parole : « Je l’ai ôté dans ma fureur » s’applique à la presque totalité d’entre eux, car jusqu’au dernier, Osée, ils meurent de mort violente.
(v. 12, 13.) — « L’iniquité d’Éphraïm est liée ensemble ; son péché est tenu en réserve. Les douleurs de celle qui enfante viendront sur lui. C’est un fils qui n’est pas sensé, car au temps de la sortie des enfants, il ne se tint pas là ». Quand l’Assyrien s’était présenté devant Jérusalem, le pieux Ézéchias avait eu recours au prophète Ésaïe, en lui disant : « Ce jour est un jour d’angoisse, et de châtiment, et d’opprobre ; car les enfants sont venus jusqu’à la naissance, et il n’y a point de force pour enfanter… Fais donc monter une prière pour le Résidu qui se trouve encore » (És. 37: 3, 4), et Dieu avait répondu au roi de Juda — tandis que le péché d’Éphraïm était tenu en réserve.
Mais voici que, malgré tout ce que l’Éternel allait faire contre
Éphraïm, il annonce, sans aucune transition comme toujours : « Je les délivrerai
de la main du shéol, je les rachèterai de la mort. Ô mort, où sont tes pestes ?
Ô shéol, où est ta destruction ? Le repentir est caché à mes yeux » (v. 14).
Oui, quoique Éphraïm ne se repentît pas, le Seigneur voulait accomplir envers
lui son oeuvre de délivrance. Nouvelle allusion à l’oeuvre libératrice de
Christ, comme nous l’avons déjà vu au chap. 6: 2. Cette oeuvre, Dieu
l’accomplira pour la délivrance terrestre d’Israël, en vertu de la mort et de
la résurrection du Sauveur. Alors aura lieu ce qui est annoncé en Ésaïe 25: 8
« Il engloutira la mort en victoire… et ôtera l’opprobre de son peuple de dessus toute la terre
».
Mais cette oeuvre, accomplie pour la délivrance terrestre
d’Israël, le sera pour nous, chrétiens, sur une bien plus vaste échelle. La
résurrection de Christ est le prélude de la résurrection des saints endormis et
de la transmutation des saints vivants. Cette délivrance des saints et de
l’Église a le ciel en vue, et non pas la terre. Alors aussi s’accomplira pour
nous, d’une manière absolue et définitive, cette merveilleuse promesse — « La
mort sera engloutie
en victoire ».
Elle le sera à tout jamais, avant d’être abolie
pour toujours. Jusqu’à ce moment la mort a sur les rachetés une victoire
apparente, puisque, quant à leur corps, ils peuvent
mourir et être couchés dans le sépulcre. Un seul homme, Christ, est
aujourd’hui pour toujours hors de son pouvoir, car il l’a vaincue par sa
résurrection. Et nous avons déjà la
victoire par notre Seigneur Jésus Christ.
Elle nous est donnée et nous
appartient, ayant été donnée au second Adam, chef de la famille de Dieu, et par
conséquent à tous ceux qui font partie de cette famille (l Cor. 15: 54-57).
Dans ce passage la mort est assimilée au scorpion dont l’aiguillon, le péché,
introduit son principe destructif dans l’homme. La puissance de l’aiguillon, du
péché, c’est la loi, son venin, qui fait de la mort un tourment pour l’homme,
en lui montrant le sort qu’il mérite et l’impossibilité d’y échapper. Cette
délivrance de la mort et de tout ce qui l’accompagne, nous la possédons en
Christ.
Ainsi la délivrance future d’Israël a, comme la nôtre, une même origine, un Christ ressuscité. Elle introduira ce peuple dans une terre purifiée du péché ; mais nous, chrétiens, dans le ciel, délivrés à toujours de la présence du péché et de la mort.
Aux v. 15, 16, le prophète revient au jugement actuel d’Éphraïm. C’est le dernier grondement du tonnerre. Juda, qui n’est pas mentionné ici, subira le même sort par la main de Babylone, qu’Éphraïm par celle de l’Assyrien. Mais l’ennemi qui, dans sa haine atroce, a fait tomber les hommes par l’épée, écrasé les petits enfants, fendu le ventre aux femmes enceintes, trouvera sa rétribution après avoir été la verge de Dieu contre Israël et contre Juda. On peut rapprocher ce passage de la parole prophétique sur Édom, mise dans la bouche du Résidu de Juda qui a suspendu ses harpes aux saules de Babylone : « Fille de Babylone, qui vas être détruite, bienheureux qui te rendra la pareille de ce que tu nous as fait ! Bienheureux qui saisira tes petits enfants, et les écrasera contre le roc ! » (Ps. 137: 8,9).
Dans ce chapitre nous assistons à l’heureux dénouement de toutes les voies de Dieu envers son peuple. Le torrent des reproches est tari, la voix des jugements s’est tue ; l’appel à la repentance trouve enfin un écho dans le coeur d’Israël. Au jour où le prophète les exhortait à la repentance et à la conversion et leur annonçait les bénédictions qui en seraient le résultat (6: 1-3), ils n’y avaient pas pris garde. Maintenant que la détresse était venue à son comble (cf. 5: 15), leur oreille était enfin ouverte pour écouter la voix de l’Éternel : « Israël, reviens à l’Éternel, ton Dieu, car tu es tombé par ton iniquité. Prenez avec vous des paroles, et revenez à l’Éternel ; dites-lui : Pardonne toute iniquité, et accepte ce qui est bon, et nous te rendrons les sacrifices de nos lèvres » (v. 1, 2).
Israël revient ; il apporte des paroles dont nous trouvons si souvent l’expression dans les Psaumes (Ps. 103: 2; 130: 3; Ps. 51: 1-17; 69: 30, etc.), et qui maintenant sortent de bouches sans fraude. Le pardon complet, le pardon de toute iniquité, voilà ce que demande le coeur convaincu de péché et attiré par la grâce. Dieu peut « accepter ce qui est bon », ce qui est selon lui et selon ses pensées, la repentance d’un peuple qui vient à Lui confessant ses péchés. Ainsi le Seigneur s’associait avec « les excellents de la terre » qui venaient au baptême de la repentance. Mais en les recevant ainsi, Dieu acceptait ce qui était bon, un état dans lequel le péché n’entrait plus pour rien, fruit de l’oeuvre expiatoire de Christ, accomplie à la croix, et que Dieu accepte comme nous justifiant pleinement. S’il en est ainsi, son peuple peut entonner la louange. Il ne s’agit plus pour Israël, du sang de taureaux et de boucs, qui ne peut ni ôter son péché, ni le faire agréer de Dieu, mais des « sacrifices (ou taureaux) de ses lèvres ». Le fruit de lèvres qui bénissent son nom, le sacrifice de louanges, est la seule offrande à lui présenter désormais, car le sacrifice expiatoire a été offert une fois, et a satisfait pour toujours les exigences de la sainteté divine.
« L’Assyrie ne nous sauvera pas ; nous ne monterons pas sur des chevaux ». Israël ne cherche plus la protection d’un monde ennemi, et ne se fie pas à l’énergie de la nature pour échapper au mal ou pour lui tenir tête. « Nous ne dirons plus : Notre Dieu, à l’oeuvre de nos mains ; car, auprès de toi, l’orphelin trouve la miséricorde » (v. 3). Comment les veaux de Béthel seraient-ils encore les idoles du coeur ? Dépourvu de tout appui, de tout secours humain, ce peuple affligé, sans aucun lien qui le rattachât à Dieu, cet orphelin, ce Lo-Ammi et ce Lo-Rukhama, l’a rencontré, Lui, et les trésors de son coeur pour des êtres dénués de tout, un Père au lieu d’un juge, la miséricorde au lieu du jugement. Ce dernier passé, l’amour seul subsiste.
Tout ce passage est bien l’oeuvre de la grâce dans le coeur, l’histoire de toute âme d’homme, de tout pécheur, revenant à Dieu par la repentance, que ce soit au jour actuel, aux jours d’autrefois, ou en un temps à venir.
Sans tarder (v. 4-7), Dieu montre ce qu’Il sera pour eux quand
ils auront pris avec eux des paroles pour revenir à Lui : « Je guérirai leur
abandon de moi, je les aimerai librement, car ma colère s’est détournée d’eux.
Je serai pour Israël comme la rosée ; il fleurira comme le lis, et il poussera
ses racines comme le Liban » (v. 4, 5). Dieu ôtera toutes les conséquences de
leur abandon de Lui et remplacera leur misère par les bénédictions d’une vie
nouvelle. Il pourra les « aimer librement ».
Cet amour avait toujours existé dans son coeur, car il est l’essence même
de Dieu, mais avait été entravé dans ses manifestations par leur infidélité,
leur dureté de coeur, et les jugements terribles qu’Il avait été obligé de leur
infliger. Dieu sera pour Israël comme la rosée, un rafraîchissement céleste
dont la personne bénie de Christ sera la source. Son peuple fleurira comme le
lis, emblème de grâce, de beauté, parure glorieuse de la terre. « Il poussera
ses racines comme le Liban ».
Remarquez le rôle du Liban dans toute cette scène. Il est le symbole de la stabilité du règne de Christ. Comme les cèdres majestueux qui recouvrent cette montagne, ainsi Israël étendra ses racines pour ne plus jamais être abattu ; ainsi ses rejetons s’étendront et sa postérité occupera la terre. Mais son parfum sera aussi, comme le Liban, parfaitement agréable au Roi, son Bien-Aimé (Cant. 4: 10, 11). Enfin leur renommée sera comme le vin du Liban, source de joie pour le monde entier, d’une joie établie sur un règne consolidé à jamais (v. 5, 6, 7). Ils auront encore, dans cette scène nouvelle, « la magnificence de l’olivier ». Greffé de nouveau sur son propre tronc, Israël paraîtra dans la beauté première de sa royauté et de sa sacrificature (Zach. 4: 3 ; Apoc. 11: 4) ; symbole de paix pour la terre renouvelée comme jadis la feuille apportée par la colombe de Noé, après le déluge (Gen. 8: 11). Aussi « reviendra-t-on s’asseoir sous son ombre » (v. 7), et chercher auprès de lui une protection offerte à tous. « Ils feront vivre le froment et fleuriront comme la vigne ». Il y aura abondance de fruit (cf. 2: 22), et une nouvelle floraison de la vigne du Messie dégageant le parfum du renouveau (*).
(*) Notons la présence ici de trois arbres, figures d’Israël, introduit dans les bénédictions millénaires. Ce sont le cèdre, l’olivier et la vigne.
Le cèdre. La montagne du Liban est, comme nous l’avons dit, le symbole de la stabilité du règne de Christ ; les cèdres qui la couvrent sont la figure d’Israël, autrefois détruit par les nations (És. 37: 24) maintenant rétabli dans sa puissance et sa gloire. Ce même Israël fera partie intégrante de la maison de l’Éternel (voyez le temple et la maison du Liban sous Salomon).
L’olivier est la figure du Résidu d’Israël, enté de nouveau sur le tronc des Promesses, reçu selon l’élection de grâce et restauré après la chute des nations. Ce Résidu formera l’ensemble du peuple sous le sceptre du Messie, après la destruction des Juifs apostats.
La vigne est l’image d’Israël restauré en vertu de son union vitale avec Christ, le vrai cep ; et capable, après avoir été jadis détruit comme une vigne stérile, de porter désormais du fruit pour Dieu.
Détail remarquable : Le figuier si souvent mentionné dans l’Écriture comme symbole de la nation juive est passé ici sous silence, la sentence définitive ayant été prononcée sur ce peuple : « Que jamais aucun fruit ne naisse plus de toi » (Matt. 21: 19). Cela n’empêche pas le figuier d’être au même titre que la vigne un emblème du repos et de la prospérité millénaire (Michée 4: 4; Zach. 3: 10; 1 Rois 4. 25).
Telles seront les bénédictions millénaires qu’apportera la repentance d’Israël.
Le v. 8 nous fait assister à un échange délicieux de pensées entre l’Éternel et Éphraïm, genre de conversation souvent présenté dans certains Psaumes, que j’ai appelés, autre part, les Psaumes de communion, et qui montre un accord parfait entre les interlocuteurs.
« Éphraïm dira : Qu’ai-je plus à faire avec les idoles ? » Israël a trouvé le Christ, son Sauveur et son Roi ; les faux dieux ne jouent plus aucun rôle, ni dans son coeur, ni dans sa vie. Il en est toujours ainsi lorsque l’âme a trouvé un objet qui s’est emparé d’elle et auquel elle attache plus de prix qu’aux misérables vanités de ce monde.
« Moi, dit le Seigneur, je lui répondrai et je le regarderai ». Lui sera le Dieu auquel Éphraïm aura à faire, son vrai Dieu. J’exaucerai, dit-il, toutes ses demandes ; je l’illuminerai du regard de ma face, selon son désir : « Lève sur nous la lumière de ta face, ô Éternel ! » (Ps. 4: 6).
Sous ce regard, Éphraïm dira : « Moi, je suis comme un cyprès vert ». Le cyprès, dont le feuillage ne se flétrit point, croît sur le Liban avec le cèdre, et fait, avec ce dernier, l’ornement du temple de l’Éternel (l Rois 5: 8, 10; 6: 15; 2 Chron. 2: 8). Stabilité, témoignage non interrompu, sainteté, parure incorruptible du sanctuaire, proximité de l’Éternel ; que de pensées bénies évoque ce seul nom !
Et le Messie répond : « De moi provient ton fruit ». Douce, indicible parole finale ! Comme elle convient à son propre coeur et à celui d’Israël restauré ! Christ veut avoir le dernier mot, il se réjouit en voyant chez son peuple le fruit de sa grâce. « Il verra du fruit du travail de son âme, et sera satisfait » (És. 53: 11). Toute cette bénédiction n’a pas d’autre origine. Rien ne vient de l’homme, tout provient de Dieu ! Ah ! comme le coeur de ses bien-aimés pourra répondre dans une adoration muette : « Toutes mes sources sont en toi ! » (Ps. 87: 7).
Le v. 9 clôt et résume toute la prophétie d’Osée. « Qui est sage ? il comprendra ces choses ; et intelligent ? il les connaîtra ; car les voies de
l’Éternel sont droites et les justes y marcheront, mais les transgresseurs y
tomberont ». N’est-ce pas la conclusion du livre ? Il faut, pour le comprendre,
une sagesse et une intelligence données d’en haut, mais que Dieu ne refuse pas
aux siens, tandis que les sages de ce monde traitent précisément ce prophète
d’incompréhensible et d’insensé. Cependant le résumé, en est aussi simple,
aussi élémentaire que possible. Ce sont les
voies de Dieu.
Elles sont droites, elles sont le chemin du juste et sa
sauvegarde. Elles sont la perte et la ruine des transgresseurs, de ceux qui
refusent de se soumettre à la volonté de Dieu.
Tel est ce livre merveilleux. Dans sa fougue, il attaque inopinément les âmes pour les frapper et les convaincre. S’il déborde à flots pressés pour manifester le mal, c’est afin d’atteindre les consciences. Un large souffle d’amour passe à travers ces strophes indignées. La révélation de la personne, de l’oeuvre de Christ y coule, comme un fleuve paisible et souterrain, qui tend au même but que les flots tumultueux de la surface. C’est dans ce fleuve que Dieu fait tremper les racines des bénédictions futures, mais le mépris de cette eau vive rend la sentence du Juge irrémissible.
Il est impossible, comme nous l’avons dit en commençant, d’étudier Osée sans le paraphraser, tant les pensées y sont en apparence distantes et comme étrangères les unes aux autres ; mais le Saint Esprit nous en dévoile les liaisons, et les découvertes que nous faisons sous sa direction augmentent encore l’intérêt de ces admirables chapitres. Sans doute ils n’ont pas, pour nous exprimer ainsi, le courant vaste et majestueux qui caractérise Ésaïe plus que tout autre prophète, quoique l’un et l’autre aient l’Assyrien en vue ; le sujet, comme nous l’avons vu, est ici plus restreint. Les nations qu’Osée met en scène sont uniquement l’Égypte et l’Assyrie ; le peuple a beaucoup plus souvent le caractère d’Éphraïm que celui de Juda. C’est que l’heure de la rétribution a sonné pour les dix tribus, et que plus d’un siècle attendra encore le glas annonçant la fin de la maison de David. Après les violences de l’orage, entremêlé çà et là de quelques rayons de soleil, l’oeil finit par se reposer sur la scène paisible dans laquelle le peuple, restauré par la grâce, aura retrouvé la communion avec son Dieu, sous le sceptre du Messie