Henri Rossier
Les titres intermédiaires ont été ajoutés par Bibliquest ; ME 1921 p. 81-110, avec modifications issues d’un article tiré à part.
Table des matières :
2 - Crainte de Dieu extérieure
3 - Une première étape : découverte que Dieu est lumière
5 - Plein épanouissement de la crainte de Dieu ; ses conséquences heureuses
6 - Bénédictions temporelles et crainte de Dieu
7 - La crainte de Dieu dans les Proverbes ; ses rapports avec la sagesse
8 - Absence de crainte de Dieu — Crainte marque d’une Résidu fidèle
À mesure que l’histoire de
l’homme se déroule et approche de sa fin, le cœur du chrétien s’afflige de voir
le monde abandonner de plus en plus jusqu’aux caractères extérieurs et aux
apparences du christianisme. Les fondements même de la vie chrétienne :
l’inspiration et l’autorité de la parole de Dieu, la mort et la résurrection de
Christ, l’œuvre de la rédemption, la divinité du Seigneur, sont mis en question ;
l’incrédulité ouverte se donne libre cours ; la vérité de Dieu, ce qu’Il
pense de toutes choses, ce qu’Il pense des hommes et du monde, est abandonnée.
Les hommes, tout en portant le nom de Christ et ayant celui de Dieu dans leur bouche
, agissent comme si Dieu n’existait
pas et parlent ainsi dans leur cœur
(Ps. 14:1 ; 53:1).
La parole de Dieu nous décrit la dernière phase de cet état moral : Les hommes, incapables malgré tout, de ne pas croire à quelque chose, reviendront aux superstitions païennes, à l’évocation des esprits et à la magie et retourneront même au culte des faux dieux, car la chrétienté apostate, la fausse église, la grande prostituée, n’aura, pour désaltérer ses esclaves, qu’une coupe remplie d’abominations, c’est-à-dire d’idoles.
Quand on pense au gouffre
vers lequel se précipite le monde d’aujourd’hui, l’on se reporte avec tristesse
au temps où, même en dehors des vrais croyants, une certaine crainte de Dieu
régnait dans les milieux
sortis de la Réforme. Ce n’était, sans doute, pour l’immense majorité, qu’un
respect de convention des vérités révélées, mais ce respect existait chez les
masses qui avaient peur d’offenser Dieu et il n’était point une chose
indifférente quoiqu’il n’eût aucun rapport avec la foi qui sauve. Dans bien des
cas la conscience
était en exercice,
et la grâce de Dieu se servait des vérités reconnues de tous, pour amener des
pécheurs à Lui, car, en dehors de la Révélation, la conscience est le seul
levier dont l’Esprit de Dieu puisse se servir pour convaincre les hommes de
péché et les tourner vers Dieu. Mais de plus, la parole de Dieu, remise en
lumière à la Réforme, n’était ni contestée, ni un objet de doute, sauf en de
rares exceptions, et devenait ainsi le moyen de provoquer ce travail de conscience.
En disant ces choses, nous
désirons assurer ceux qui nous lisent que Dieu tient compte de ces convictions
— quand même la foi en est absente — pour attirer les hommes à lui en se
servant pour les atteindre de tous les côtés divers de leur état mental. Même
le caractère de l’homme naturel peut avoir des côtés aimables que le Seigneur
est loin de mépriser (Marc 10:21), mais qui n’établissent aucun lien moral
quelconque entre le pécheur et Lui. Quant à ce lien lui-même Dieu déclare que,
depuis la chute il n’existe plus en aucune manière. Il prend, pour nous le
prouver, l’homme religieusement le plus favorisé, le Juif, auquel la pensée de
Dieu avait été révélée dans la loi ; puis Il nous montre qu’il est aussi
bien sous le péché que le Gentil, et que la Parole même qu’il a entre les mains
le condamne absolument et aboutit à la sentence terrible : « Il n’y a
point
de crainte de Dieu devant leurs
yeux
». Cette crainte qui est le résultat de toute action de l’Esprit de
Dieu dans le cœur de l’homme pécheur, leur manque entièrement
. Il est dit que « la crainte de l’Éternel c’est de haïr le
mal »
(Prov. 8:13) ; or toute l’histoire de l’homme prouve que ce
dernier aime le mal et hait le bien.
Si donc les apparences
peuvent nous tromper sur l’état réel des hommes, cet état ne trompe pas Celui
qui sonde et connaît le fond de leur cœur. És. 29:13 nous dit que cette crainte
n’était pour le peuple d’Israël qu’un
commandement d’homme enseigné
ou appris.
Il en était de même lorsque
les nations païennes que le roi d’Assvrie avait envoyées à Samarie vinrent
remplacer les dix tribus dispersées. Elles ne
craignaient pas Dieu
, quoiqu’elles
y fussent tenues, puisqu’elles occupaient le territoire qui Lui
appartenait en propre ; aussi leur envoya-t-il des lions qui les
dévoraient. En suite de cet événement, le roi d’ Assvrie les fit instruire par
un sacrificateur institué sous le régime du culte semi-idolâtre de Jéroboam.
Par son ministère, les nations apprirent à craindre
l’Éternel
tout en servant d’autres
dieux
(2 Rois 17:34, 41).
Elles désobéissaient ainsi à l’alliance que l’Éternel venait de faire avec
elles. Donc elles ne craignaient
pas
l’Éternel ; mais Dieu supporta longtemps leur ignorance involontaire, bien
différente de celle de son peuple, jusqu’au moment où il leur envoya le
« Sauveur du monde » (Jean 4:44), comme objet de
foi
, et ces pauvres
Samaritains, haïs des Juifs, les devancèrent dans la connaissance et la
possession du salut. Cet exemple ne concerne pas seulement les nations païennes
qui entraient en contact avec le vrai Dieu. La chrétienté d’aujourd’hui est
plus coupable qu’elles, plus coupable même qu’Israël, parce qu’ayant reçu la
pleine révélation de la grâce, elle pense allier la crainte de Dieu avec les
idoles du monde : avec la convoitise de la chair, la convoitise des yeux
et l’orgueil de la vie. En effet, la crainte de Dieu ne peut marcher de pair
avec l’amitié du monde. Il pourrait cependant arriver que cette crainte fût
réelle, quoique dominée et comme submergée par la peur des conséquences qu’elle
entraîne. Tel fut le cas d’Abdias en 1 Rois 18. Il pouvait dire et penser qu’il
craignait l’Éternel dès sa jeunesse
tout en étant en grande frayeur de l’homme,
deux choses qui ne
pourront jamais s’accorder. Il faut choisir l’une ou l’autre. Abdias, rassuré
et encouragé par la foi d’Élie, préféra finalement la crainte de Dieu à celle
des hommes.
L’état désespéré du cœur
naturel dont nous avons cherché à décrire les divers aspects, portera peut-être
le pécheur, travaillé dans sa conscience, à se demander quel chemin il doit
suivre pour acquérir
cette crainte de
Dieu qui est à la base même de toute bénédiction réelle.
Un passage du Ps. 19 v. 7-11
va lui donner la réponse. Parmi toutes les choses données de Dieu : sa loi,
ses témoignages, ses ordonnances, son commandement, ses jugements, le Psalmiste
en cite une et dit : « La crainte de
l’Éternel
est pure,
subsistant pour toujours », et il ajoute : « Aussi ton serviteur est instruit par
ces choses ; il y a un grand salaire à les garder
». Cette crainte, comme toutes les
choses qui viennent d’être énumérées, provient de Lui
et n’est pas à acquérir. Quand je me
trouve devant Lui, c’est Lui qui m’inspire cette crainte, comme la présence de
quelque personnage auguste m’inspire, à son aspect, une déférence que je ne produis pas au-dedans de moi-même, mais
qui est le produit de sa dignité et de sa majesté. Cette crainte de l’Éternel
donne à l’âme la sensation d’une pureté
inaltérable
qui
s’impose à elle.
Elle comprend aussitôt qu’aucune impureté ne peut, ni ne
pourra jamais subsister en sa présence. Il faut donc, pour entrer devant Dieu,
être pur comme il est pur, saint comme il est saint (Ps. 18 v. 25-26) ; si
je pensais autrement, ce serait traiter Dieu avec un mépris manifeste. Cette
vérité atteint ma conscience : Il me faut
être pur
pour entrer en relation avec Lui !
Nous venons de voir que, pour
connaître cette crainte, je dois en tout premier lieu avoir été placé devant
Dieu. Or cela est une grâce qui nous vient entièrement
de Lui
. Nous verrons plus tard que c’est par la sagesse qu’il nous y place.
N’oublions pas que, depuis la chute d’Adam, tout accès à Dieu est fermé à
l’homme pécheur, à moins que Dieu lui-même ne le lui ouvre ; mais s’il le
fait, c’est afin de le mettre en rapport avec Lui, selon la perfection de Sa
nature. Il faut donc, quand nous sommes placés devant Lui, que la question du
péché soit réglée entre notre âme et Dieu. La crainte de Dieu ne va pas jusque-là
; elle n’est pas le salut, bien que cette crainte subsiste et
soit encore intensifiée après
le
salut, c’est-à-dire quand la question du péché a été entièrement réglée. Mais
la crainte de Dieu est, pour ainsi dire, le premier pas d’une ascension qui
nous amène, de la conscience de notre état de péché que nous haïssons, à la
pleine certitude du salut par le sang de Christ.
Une fois introduit en la
présence de Dieu, je reçois, par ce fait même, la connaissance de ce qu’Il est.
Je le vois lumière sans aucun mélange de ténèbres, pur sans trace de souillure,
saint sans trace de mal, juste sans trace d’injustice. Je me compare à Lui et
je vois que tout ce que je suis est en absolue contradiction avec Sa nature,
incompatible avec elle. Je suis donc saisi du désir d’être en harmonie avec la
sainteté et la pureté de Dieu. Ce caractère, je le connais et l’apprécie, mais
avec la certitude que Dieu ne peut supporter le mal et est obligé de le punir.
Il ne me reste donc que deux alternatives : ou bien m’enfuir loin de Lui,
renonçant pour toujours à me mettre en rapport avec le Dieu saint, ou bien rester
devant lui
, ayant horreur du mal
et comptant sur la grâce qui m’a
amené là, pour mettre mon état d’accord avec Son caractère. La crainte de Dieu
a d’abord commencé par sa grâce qui m’a placé devant Lui tel que je suis ;
elle continue par la conviction de Sa perfection absolue ; elle m’amène
enfin à la haine du mal
quand
je compare mon état avec cette divine perfection (Prov. 8:13). Mais dès que
l’horreur du mal est produite, c’est la sagesse (voyez 12-14). La folie est de
s’enfuir pour éviter de se juger et, n’ayant pas voulu le faire, de tomber
finalement sous le jugement de Dieu
.
Je
hais donc le mal, mais comment
puis-je m’en débarrasser ? C’est la grande question qui se pose maintenant
devant l’âme, car il ne suffit pas de le haïr : Il faut qu’il soit aboli si je veux rester devant Dieu. C’est alors que nous entendons
cette exclamation du Ps. 130 : « Ô Jah ! si tu prends garde aux
iniquités, Seigneur, qui subsistera ? Mais il y a pardon auprès de toi, afin
que tu sois
craint
» (v. 3-4). Dieu
restera-t-il sourd à cet appel ? Nullement, « car auprès de l’Éternel est
la bonté, et il y a rédemption en abondance
auprès de lui » (v. 7). L’âme est délivrée ; alors commence
une nouvelle vie de relation avec Lui et pour ainsi dire une seconde étape de
la crainte, séparée de la première par la connaissance de la rédemption, du
pardon des péchés et de la
justification, en un mot, du salut.
Dans
cette seconde étape, la crainte est pour ainsi dire intensifiée, comme il est
dit ici : « afin que tu sois craint
». La connaissance de la grâce nous
pousse à ne rien laisser subsister au-dedans de nous qui soit en
désaccord avec la sainteté de notre Dieu. — C’est Lui qui a tout fait. Il ne
reste pour moi, en présence de cette grâce, qu’une expression bien plus
complète de la crainte qu’au début : la vénération, fruit de la
reconnaissance ; le respect, la soumission, la dépendance ; le
sentiment de Ses droits sur moi, car il a toute autorité ; la peur de lui
déplaire, car je connais maintenant sa bonté et sa puissance pour me garder et
me secourir. Dès lors je m’approche de Lui avec mes pieds déchaussés, car il
dit : « Soyez saints comme je suis saint » ; je cherche de toute
manière à lui être agréable, en sorte que ma conduite ne soit pas en désaccord
avec Son caractère. Cela me sépare
désormais et du monde et de ma vie passée dans le péché.
Depuis ce moment, la
crainte
découle de l’entière connaissance de la grâce au lieu de découler,
comme au début, de la découverte que Dieu est lumière. Je sais qu’il est Amour.
Le craindrai-je moins parce qu’il est amour ? Non, certes.
Nous avons dit que la
première étape de la crainte de Dieu consiste à haïr le mal et à désirer
conformer sa conduite à ce sentiment. Souvent l’âme qui ne connaît pas encore la
plénitude du salut peut en rester à ce degré pour un temps, mais le moment
arrivera où la grâce de Dieu la conduira plus loin. Tel fut le cas de Corneille
au chap. 10 des Actes. Il est dit de lui qu’il était « pieux et craignant
Dieu
avec toute sa maison ». Il montrait cette piété et cette crainte par
ses aumônes et ses prières. Ces choses avaient de la valeur aux yeux de Dieu
qui en tenait compte, montrant « qu’en toute nation celui qui le craint et
qui pratique la justice
(*) lui est
agréable » (v. 35). Alors Pierre lui annonce l’Évangile, la bonne nouvelle de la
paix, car il ne connaissait encore ni le salut, ni le Rédempteur ; et, par
la foi en Christ, Corneille reçoit la rémission des péchés. Immédiatement le
Saint Esprit vient sceller cette foi sur tous ceux qui entendent la Parole. On
voit clairement dans ce passage en quoi la crainte de Dieu consiste et que, si
l’on n’a pas encore le pardon des péchés, elle y conduit indubitablement.
(*) La justice pratique est l’absence de péché dans nos voies, suite de la haine du mal et de la recherche du bien qu’inspire la présence de Dieu.
Nous trouvons la même vérité
au Chap. 13 des Actes (v. 26). Arrivé à Antioche de Pisidie, Paul s’adresse,
dans la synagogue, aux Juifs et à ceux
qui
, parmi eux
, craignent Dieu
. Il leur annonce la parole du
salut
. Cet évangile était annoncé à tous
, car sa portée est
universelle, mais ceux qui craignaient Dieu et le servaient, le reçurent, les
autres se montrèrent ennemis et rejetèrent la grâce qui leur était offerte. Ce
cas nous montre clairement, comme celui de Corneille, la distinction que la
Parole fait entre la crainte de Dieu initiale qui nous pousse à haïr le mal et
à pratiquer la justice, et la connaissance de l’Évangile du salut.
Il est important de remarquer
à ce propos que, dans le Nouveau Testament ce n’est plus seulement l’Éternel ou
Dieu, mais le Seigneur
, qui est un objet de crainte. En Actes 9:31, « les
assemblées marchaient dans la crainte du Seigneur
». Ce
caractère de nos relations avec Christ est important ; Il n’est pas le
même que les relations d’intimité qui existent entre le racheté et son Sauveur
,
mais la crainte
nous place devant Celui qui a toute autorité et tout
droit sur nous comme ses serviteurs et ses esclaves. Il en est de même de nos
relations avec notre Père quand nous voyons en Lui Celui qui « juge
selon
l’œuvre de chacun ». La crainte
remplace alors l’intimité des rapports de
famille (1 Pierre 1:17).
Considérons maintenant la
crainte de Dieu dans son plein épanouissement, c’est-à-dire après que l’âme a connu le salut et la paix avec Dieu. Cette crainte est toute de confiance
et n’a rien à faire avec la frayeur. Celui qui craint l’Éternel ignore la
frayeur parce qu’il a fait la connaissance du Dieu d’amour. Si son cœur est
partagé entre le monde et Dieu, il aura peur du monde comme Abdias et devra
être rassuré de ce côté. Aussi avons-nous souvent besoin d’entendre ce
mot : « Ne crains
pas » quand le monde nous est
hostile ou que nous souffrons en le traversant. Alors l’amour du Père nous
remplit de confiance. « Il n’y a pas de crainte dans l’amour, mais l’amour parfait chasse la crainte » (Luc 12:4, 7, 32 ; 1 Jean 4:18).
La crainte de Dieu a toutes
sortes de conséquences heureuses pour nos âmes. On peut dire d’autre part que
toutes nos chutes ont pour cause l’abandon momentané de cette crainte ou un
état de relâchement spirituel qui nous a, depuis plus ou moins longtemps,
privés de la jouissance de sa présence, et, dans ce cas, la crainte qui est
toujours attachée à la présence de Dieu a été négligée. Mais insistons plutôt
sur les conséquences heureuses de la crainte de Dieu : Commençons par dire
que nous avons en Christ homme
le
modèle parfait de la crainte de l’Éternel. Elle caractérise le Messie, le vrai
Roi, celui qui dominera parmi les hommes « en la crainte de Dieu »
(2
Sam. 23:3). Ésaïe nous présente la même vérité au Chap. 11, v. 2-3. Sur
le Christ, rejeton du trône d’Isaï, repose « l’Esprit de sagesse et
d’intelligence, l’Esprit de conseil et de force, l’Esprit de connaissance et de
crainte de l’Éternel
et son
plaisir sera la crainte de l’Éternel
».
Nous trouvons donc en Lui le modèle parfait des rapports de l’homme avec
Dieu. Demandons-nous, devant de tels passages, si, comme Lui, nous avons notre
plaisir dans cette crainte. S’il en est autrement, c’est que nos cœurs ne sont
pas suffisamment occupés de Lui et que nous ne pouvons dire en vérité :
« Mon âme s’attache à toi pour te suivre. » (Ps. 63:8).
Comme le plaisir de Christ
était dans la crainte de Dieu, le plaisir du Père était en lui, son Fils
bien-aimé ; mais, ne l’oublions pas, ce plaisir du Père est en nous aussi
qui suivons les traces du Seigneur ici-bas. N’est-il pas dit : « Le plaisir de l’Éternel est en ceux qui le
craignent,
en ceux qui s’attendent à sa bonté ? » (Ps. 147:11). Et ne
trouvons-nous pas, dans cette promesse, un motif capital de le craindre
continuellement ?
Le bonheur que l’on trouve à
suivre le Seigneur dans la crainte de Dieu est une ressource précieuse dans les
temps d’affliction. Toutes les perfections qui sont en Lui nous ont été
révélées : sa bonté, sa miséricorde et son pardon, sa sainteté, sa vérité,
sa justice, nous sont connues, mais le croyant éprouvé dit : « Unis mon
cœur à la crainte de ton nom
» (Ps. 86, 11). Il désire et demande que son cœur, ses
affections, soient tout entières concentrées sur le nom du Seigneur, sur ce qui
est l’objet de sa crainte, sur les perfections dont nous venons de parler, afin
d’être rendu capable de célébrer le Seigneur et de glorifier par ses louanges
son Nom à toujours.
En effet, la crainte de Dieu
est inséparable de la louange.
Cette
crainte est-elle absente ? le culte n’a
pas
de réalité : « Qui ne te craindrait,
Seigneur
et qui ne glorifierait ton nom ? » chantent les saints glorifiés
en Apoc. 15:4. Combien de fois faisons-nous ici-bas l’expérience de la pauvreté
de notre culte, quand la crainte de Dieu n’a pas été le trait dominant de notre
vie ! Cette crainte n’exclut nullement la pleine jouissance de la
grâce ; bien au contraire : mais la jouissance, si elle est réelle,
s’accompagnera toujours du sentiment profond de la sainteté et de la justice du
Dieu de grâce auquel nous avons affaire. Au Ps. 5:7 nous voyons le fidèle unir
ces deux choses : « Mais moi », dit-il, « dans l’abondance
de ta bonté
, j’entrerai
dans ta maison, je me prosternerai devant le temple de ta sainteté, dans ta crainte
».
Il est une autre conséquence
heureuse de la crainte de Dieu : Elle nous lie avec les âmes pieuses qui
vivent dans la même crainte que nous, elle nous sépare « des hommes vils » (Ps.
15:4). Unis ensemble, les fidèles qui le craignent
reçoivent de
l’Éternel une bannière, le Seigneur Jésus Christ. C’est à cette bannière qu’on
les reconnaît, et sous elle qu’ils combattent : Le seul nom écrit sur elle
rassemblera les peuples à la fin autour du Fils de David, du Messie, du Roi
d’Israël. Ainsi la victoire dans le combat, le rassemblement futur d’Israël et
des nations (pour nous, le rassemblement
actuel des enfants de Dieu
) puis
la possession de l’héritage (Ps. 61:5) enfin le salut et la gloire (Ps. 85:9) appartiennent à ceux qui craignent
Dieu.
La crainte de Dieu, ne
l’oublions pas, règle toute la conduite du fidèle ici-bas. C’est elle que nous
avons au chap. 10 du Deutéronome : « Qu’est-ce que l’Éternel, ton Dieu,
demande de toi », dit Moïse à Israël, « sinon que tu craignes l’Éternel
, ton
Dieu
, pour marcher dans toutes ses voies
, et pour L’ai
mer
et pour servir
l’Éternel, ton Dieu… en gardant
les commandements de l’Éternel ? » (Deut. 10:12, 20).
Cette crainte de Dieu est
entretenue par la Parole
, chose de toute
importance
. C’est « en la
lisant tous les jours de sa vie » que le roi apprenait à craindre l’Éternel son
Dieu. (Deut. 17:19. Voyez aussi Deut. 31:11-13). C’est par elle aussi que nous
sommes préservés des idoles. (Jos. 24:14).
Je ne voudrais pas clore
cette énumération des résultats bénis de la crainte de Dieu sans faire
remarquer les bénédictions temporelles
qui
en sont la conséquence. Israël, peuple terrestre, récoltait en bienfaits
terrestres les conséquences de la crainte de l’Éternel. Le chrétien,
appartenant à un peuple céleste, n’a rien de semblable à attendre. Son trésor
est dans les cieux. Il y a cependant ici-bas, pour tous les hommes, selon la
sagesse du gouvernement de Dieu, des conséquences bénies de la crainte de Dieu
et la parole de Dieu a soin de les faire ressortir. Ainsi la crainte des
parents va de pair avec la crainte de Dieu en Lévit. 19:1-2, 32, et ce « premier
commandement avec promesse » a pour résultat que « nos jours seront prolongés sur
la terre » (Ex. 20:12 ; Éph. 6:2-3). De même aussi le Ps. 34:7-16 commence
par établir que la crainte de l’Éternel nous assure ici-bas sa protection et
ses délivrances. C’est pourquoi les saints
sont exhortés à demeurer dans
cette crainte. Ils ne manqueront de rien. Même une prolongation de vie sous
le gouvernement de Dieu ne leur manquera
pas. Ces promesses faites à Israël restent vraies aussi quant aux voies du
gouvernement de Dieu à l’égard de nous tous, comme nous le voyons par la
citation de ce passage en 1 Pierre 3:10-12. La crainte de Dieu qui donne
ici-bas une vie heureuse consiste 1° à se garder de dire le mal
et de
mentir ; 2° à se garder de faire le
mal
, mais de plus à faire le bien
; 3° à chercher et à
poursuivre la paix
. — Cela suppose la connaissance des caractères de
Dieu, connaissance qui s’empare de l’âme dès qu’elle est introduite en Sa
présence. De même le Ps. 128 nous montre que le fruit du travail,
l’accroissement de la famille, la prospérité extérieure sont dispensés à ceux
qui craignent l’Éternel
. Nous
retrouvons ces mêmes principes aux Ps. 112, 145 :19, et dans les Proverbes aux
chapitres 10:27, 20:4, etc.
Il y a donc en tout temps, même pour la terre, une faveur spéciale de Dieu sur ceux qui le craignent. Toutefois, hâtons-nous de répéter que, sous l’économie (ou dispensation) de la grâce, le mot « bienheureux » n’est pas prononcé sur ceux qui jouissent de ces privilèges, mais sur les saints qui souffrent de la part du monde, sur ceux qui sont dénués de tout, sur ceux qui ont sacrifié les richesses injustes pour être reçus dans les tabernacles éternels, sur ceux qui ont abandonné ce qu’ils ont, en vue d’un trésor dans les cieux, infiniment supérieur à tout ce que le monde pourrait offrir.
Le livre des Proverbes où il
est beaucoup parlé de la crainte de
l’Éternel
, nous la présente
sous un point de vue tout spécial, c’est-à-dire dans ses rapports avec la
sagesse
, ce qui nous oblige à donner à ce livre une place séparée dans
notre méditation. Au chap. 1 v. 7, nous lisons : « La crainte de l’Éternel
est le commencement de la connaissance ».
En présence de tous les
problèmes qui se posent devant nous pour notre conduite dans ce monde, car
c’est de cette dernière que les Proverbes nous entretiennent, comment
échapperons-nous à la folie des pensées de l’homme ? Il nous faut, pour
résoudre ces questions, la connaissance, le discernement des paroles de
l’intelligence divine, la prudence, la réflexion, l’accroissement du sens pour
comprendre les choses difficiles (1:1-6). Tout cela fait partie de la sagesse,
mais le commencement de toutes ces choses, le « sine qua non » pour les acquérir,
c’est la crainte de l’Éternel.
Elle
est à la base de toute vraie connaissance, de toute appréciation du bien et du
mal. Aucune connaissance humaine, quelque approfondie ou quelque subtile
qu’elle soit, ne peut être notre fil conducteur pour éviter les pièges qui nous
sont tendus dans ce monde. Une âme, placée en la présence de Dieu, acquiert par
là même cette connaissance. Elle voit, dans sa propre personne, le mal sous son
aspect le plus haïssable ; elle dit, comme Job : « J’ai horreur de
moi », mais elle apprend à connaître en Dieu le bien suprême, le bien parfait
qui l’attire.
Chap. 9:10. « La crainte de
l’Éternel est le commencement de la sagesse, et la connaissance du Saint est
l’intelligence ». Cette crainte est le principe
même de la sagesse ;
c’est là ce que la sagesse établit comme base première de toute bénédiction. La
sagesse qui est, au chap. 8, Dieu
lui-même révélé en Christ
, nous
amène en Sa présence ; là je me trouve devant le Saint
. La sagesse
me le fait connaître. Aussitôt j’ai horreur du mal, et c’est la crainte ;
mais je désire connaître Dieu dans son caractère de sainteté parfaite, et c’est
la sagesse. Ainsi la sagesse divine, car c’est l’Éternel qui la donne (2:6), me conduit à la crainte et la
crainte me conduit à la sagesse, c’est-à-dire à la pleine connaissance
du caractère de Dieu pour le reproduire dans ce monde. Seulement il y a pour
moi progrès continuel dans la connaissance de ce qui constitue la sagesse
pratique. Nous trouvons des pensées analogues en d’autres parties de
l’Écriture, par exemple en Job 28:28 : « Voici, la crainte du Seigneur,
c’est là la sagesse, et se retirer du mal est l’intelligence ». Job se demande
où est la sagesse. On ne la rencontre nulle part : « elle ne se trouve pas
sur la terre des vivants » et cependant elle est plus précieuse que les plus
purs trésors. Où donc la trouver ? En Dieu lui-même, en Dieu seul. Mais
Dieu la met à la disposition de l’homme : « Voici, la crainte du Seigneur c’est la sagesse
». C’est ainsi que la sagesse se
manifeste chez l’homme, « et
se retirer du mal est l’intelligence
». Nous revenons ici à la pensée
initiale de la crainte de Dieu. La crainte de Dieu est de haïr le mal, mais
notre passage va plus loin : Si je hais le mal je m’en retire
et
c’est en cela que consiste la sagesse (voyez aussi 3:7). Ainsi la sagesse, la
crainte de Dieu, la haine du mal, et une marche sainte, sont
inséparables : il faut nous en souvenir. Tout cela, nous le trouvons en
perfection dans la personne de Christ (8:13-14). Mais n’oublions jamais et
répétons, quant à nous-mêmes, que nous sommes appelés à faire continuellement
des progrès dans cette sainteté pratique. Voyez encore Ps. 111:10.
Chap. 14:26-27. « Dans la crainte de l’Éternel
, il y a la sécurité de la force, et
il y a un refuge pour ses fils. La crainte de l’Éternel est une fontaine de vie
pour faire éviter les pièges de la mort ».
Ici la crainte de l’Éternel
nous met en sécurité parce qu’elle se confie et se réfugie en Celui en qui est
la force. En outre, les ressources que nous trouvons dans cette crainte sont
une fontaine de vie
. En Christ nous
puisons la sagesse, la justice, la sainteté, la pureté, l’amour et la grâce.
Toutes ces choses nous garantissent des pièges de Satan qui conduisent à la
mort.
Chap. 16:6. « Par la bonté et
par la vérité, propitiation est faite pour l’iniquité, et par la crainte de l’Éternel,
on se détourne du mal ».
Après que le sacrifice a été offert pour nos péchés et que la vérité et l’amour se sont rencontrés à la croix pour faire propitiation et nous purifier de toute iniquité, c’est la crainte de Dieu qui désormais nous fait prendre le mal en horreur. Étant purifiés devant Dieu, comment retournerions-nous à la souillure si nous le craignons ?
Chap. 19:23. « La crainte de
l’Éternel mène à la vie, et on reposera rassasié, sans être visité par le mal ».
Comme la crainte de l’Éternel est une fontaine de vie (14:27), elle conduit à la vie.
Telle est son
issue ; telle sera pour nous la jouissance future de la vie
éternelle : Repos, rassasiement à toujours !
Encore une parole sérieuse pour
clore ces pages : Ce qui avait perdu le peuple au temps de Jérémie,
c’était l’absence de crainte de l’Éternel : « Ne me craindrez-vous pas
, dit
l’Éternel, ne tremblerez-vous pas devant moi ?… Mais ce peuple-ci a un
cœur indocile et rebelle ; ils se sont détournés et s’en sont allés ;
et ils n’ont pas dit dans leur cœur : Craignons
pourtant l’Éternel,
notre Dieu… » (Jér. 5:22-24).
Jérémie était resté seul
témoin de l’Éternel au milieu de ce peuple infidèle. La chrétienté est-elle
aujourd’hui dans un état meilleur ? La Parole de Dieu nous renseigne sur
ce qu’elle est devenue à Ses yeux, sur ce que l’Église professante est pour
Christ. L’état de ruine actuel est plus grand que celui de Juda. Le Seigneur
fera une alliance éternelle à la fin des temps avec un Résidu de son peuple. Il
les recevra de nouveau en grâce et « mettra sa crainte
dans leur cœur pour qu’ils ne se retirent pas de Lui » (Jér.
32:38-40), mais jamais
la chrétienté,
l’épouse infidèle, ne sera de nouveau reçue en grâce. Le Résidu chrétien fidèle
qui la représente aujourd’hui est encore pour un peu de temps au milieu d’elle.
Quand le Seigneur sera venu pour le recueillir auprès de Lui dans le ciel, il
ne restera plus sur la terre que la chrétienté apostate, cette grande
prostituée dont les cieux célébreront la destruction. Mais nous, les témoins
actuels de Jésus-Christ, avons-nous compris que c’est la crainte du Seigneur
qui doit caractériser les fidèles en un temps où tous les
fondements sont ébranlés ? « Qui d’entre vous craint l’Éternel
? » dit Ésaïe, et voici ce qui distingue cet homme : Il
entend la voix du parfait serviteur ; il se confie en son nom , il
s’appuie sur son Dieu (És. 50:10).
Oui, la crainte de Dieu est
la marque caractéristique d’un Résidu fidèle, que ce soit le Résidu juif de la
fin ou le Résidu chrétien d’aujourd’hui. Remarquez que le prophète Malachie ne
lui assigne pas d’autre caractère. « Alors », dit-il, « ceux qui craignent
l’Éternel
ont parlé
l’un à l’autre » (3:16). C’est cette crainte qui les fait se réunir, qui remplit
leurs pensées d’un seul objet, qui les sépare de l’infidélité générale, qui les
porte à s’entretenir de leur bienheureuse espérance, de cet événement qui est à
la porte : la prochaine venue du Seigneur. Cela suffisait pour alimenter
tous les entretiens de ces fidèles d’autrefois. Ils attendaient le Seigneur
venant ici-bas en grâce. Une Anne, un Siméon, une Marie, une Élisabeth
l’attendaient ainsi. La marque du Résidu chrétien d’aujourd’hui n’est-elle pas
le rassemblement de ceux qui craignent le Seigneur, pour attendre ainsi Sa
venue en grâce, qui les introduira dans la maison du Père ? Alors tous
ceux qui le craignent, saints terrestres ou célestes, seront associés en gloire
à son règne. « C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, retenons la grâce,
par laquelle nous servions Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec
révérence et avec crainte.
Car aussi
notre Dieu est un feu consumant » (Hébr. 12:28-29).