H. Rossier — Courtes méditations — n°33 [29]
ME 1923 p. 117-119
La parabole du Juge inique,
bien qu’elle présente, comme au chap. 17, la condition du Résidu juif de la
fin, est pleine d’instruction pour nous, chrétiens. Le juge inique ne possède
pas les premiers éléments de la connaissance de Dieu, semblable en cela à
beaucoup de dignitaires dans la chrétienté actuelle : « Il ne craignait pas
Dieu et ne respectait pas les hommes ». Pour celui qui n’a pas cette crainte de
Dieu, la Sagesse divine est lettre morte ; sans cette crainte, le
caractère d’un Dieu qui a en horreur le mal, sous toutes ses formes, n’est pas
même soupçonné. L’âme est sans Dieu
. Le résultat, pour cet homme, est
qu’ayant, non pas Dieu, mais lui-même
pour point de comparaison, il se
constitue juge de tous les hommes, sauf de lui-même, car, sans Dieu, l’homme
naturel est incapable de se juger : il se fait centre, à la place de Dieu,
et, ne se jugeant pas, il juge les autres. Ce jugement le portera toujours à ne
pas respecter les hommes, à les mépriser. Il se dresse une statue, au milieu de
la faillite et de la ruine morale de l’humanité, et reste seul, à son sens,
intact sur ces débris.
Le caractère de la pauvre
veuve qui, comme nous le verrons, est le tableau fidèle du Résidu juif de la
fin, offre cependant un important point de contact avec le nôtre. Hâtons-nous
de le constater, car il sert de thème à l’exhortation du Seigneur à ses
disciples. « Ils devaient », comme cette veuve, « toujours prier et ne pas se
lasser ». Il y a devant nous une infinité de besoins, soit en ce qui nous
concerne, soit en ce qui a rapport au peuple de Dieu, soit en ce qui a trait au
monde : Sujets de prières, d’intercessions, de supplications continuelles auprès
du Dieu de grâce. Voilà ce que nous avons à faire, mais dans de tout autres
circonstances que la veuve. Elle invoque le
juge
; nous, chrétiens, nous ne le pouvons jamais, car nous invoquons
le Père. « Père, pardonne-leur », dit le Seigneur entre les mains de ses
bourreaux. Elle dit : « Venge-moi de mon adversaire » et nous ne pouvons
qu’implorer la pitié de Dieu à leur égard. Cependant, au milieu de l’épreuve,
suscitée par le monde contre les saints, nous savons que Dieu « use de patience
avant d’intervenir pour nous ». Nous savons que Dieu jugera, mais que sa promesse
est certaine, et que s’il use
de patience, c’est qu’il « ne veut pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent
à la repentance ».
Le Seigneur fait allusion ici
aux « élus qui crient à lui jour et nuit » pour que « justice leur soit faite »
comme au Psaume 81:1. Cette pauvre veuve est donc l’image du Résidu juif,
traversant la tribulation à la fin des jours, et pouvant invoquer instamment la
vengeance du Juge, parce que cette vengeance sera pour ces croyants-là, le seul
moyen de délivrance. Toute cette scène n’a donc pas trait à nous directement,
mais outre qu’elle nous engage à toujours prier et à ne pas nous lasser, elle
veut nous convaincre que Dieu use de patience avant d’intervenir pour les siens
en jugement. De son côté, rien ne manquera : « Je vous dis que bientôt
il leur fera justice ». Ces mots sont prophétiques, mais ont pu,
par anticipation, se réaliser historiquement et partiellement pour les
disciples du Seigneur lors de la destruction de Jérusalem.
Jésus ajoute : « Mais,
quand
le fils de l’homme viendra,
trouvera-t-il de la foi sur la
terre
? » De fait, le Résidu
juif qui « crie à Lui nuit et jour », ne sera convaincu de l’intervention en
délivrance du « fils de l’homme » que lorsqu’il le verra
. Il faudra
donc qu’Il paraisse aux yeux de ces fidèles pour qu’ils croient.
Ce fut le cas de Thomas. Le Seigneur lui dit : « Parce
que tu m’as vu
, tu as cru
. Bienheureux ceux qui n’ont point vu
et qui ont cru ». « Ne sois pas incrédule,
mais croyant
» (Jean 20:27-29). Donc, sous ce
rapport
seul,
le Résidu sera incrédule
et ne croira
à la réalité de la délivrance par le fils de l’homme en personne,
par Celui que le peuple avait
jadis crucifié, que quand ils l’auront vu de leurs yeux. Ce n’est donc pas de
cette foi-là, de la foi qui accompagne la vue, que le Seigneur parle ici, quand
il dit : « Le fils de l’homme trouvera-t-il de la foi sur la terre ? »
mais de la foi de ceux qui ont cru à l’intervention du fils de l’homme sans le
voir. La rencontrera-t-on peut-être chez l’un ou l’autre du Résidu qui, sous
l’influence de réminiscences chrétiennes, aura attendu le Christ, comme fils de l’homme
, au lieu d’espérer seulement dans l’intervention céleste de
l’Éternel ? C’est la question que le Seigneur laisse ouverte ici et à
laquelle il ne nous est pas donné de répondre. Mais il est de fait que, jusqu’à
ce qu’ils le voient, ceux du Résidu seront incrédules par rapport à cette
intervention personelle
. Jusque-là leur foi sera en Dieu
(v. 7) à qui, dans leur détresse, ils crient nuit et jour. De
plus, ils savent, par cette même foi en Dieu, qu’il interviendra un jour,
puisqu’ils disent : « Jusques à quand ? » Mais la foi, notre foi au
Fils de l’homme maintenant invisible, et venant
personnellement se manifester
, par
le jugement, pour établir son règne, leur manquera. Ils seront incrédules
jusqu’à ce que l’Homme crucifié leur montre ses blessures.