H. Rossier — Courtes méditations — n°22
ME 1922 p. 225-228
Les deux grands écueils de la
profession chrétienne sont le légalisme
et
la mondanité,
deux choses par
lesquelles Satan empêche les âmes non converties de trouver le salut par
Christ, et détruit tout progrès spirituel chez les âmes qui le connaissent. Ces
deux écueils sont d’autant plus dangereux qu’ils se lient à la profession du
christianisme et ne sont pas le partage des incrédules. Ils n’est pas dit de
ces derniers qu’ils marchent
(v. 18),
tandis que cela nous est dit des professants. Rencontrer Jésus sur le chemin de
Damas avait mis fin à la religion légale de Saul de Tarse ; il avait
trouvé que désormais il ne pouvait avoir aucune confiance dans la chair. Faire
la connaissance de Christ dans la gloire avait coupé court chez lui à toute
mondanité possible, car le Seigneur lui annonçait par Ananias « combien il
devait souffrir
pour son nom » (Actes
9:16).
Le commencement du chapitre
dont nous avons lu quelques versets nous parle du légalisme
par lequel les judaïsants cherchaient à remettre les
chrétiens sur le pied d’hommes dans la chair vis-à-vis de Dieu. Ils insistaient
auprès d’eux sur la circoncision. Ce piège a sans doute changé de forme, mais
le légalisme n’en est pas moins la caractéristique de la chrétienté actuelle. À
cette tendance le christianisme professant n’a pas de remède, mais l’apôtre met
les vrais croyants en garde contre une telle religion. Nous sommes la circoncision,
dit-il, nous qui avons trouvé dans la croix la fin du vieil homme, dans un
Christ ressuscité le commencement de l’homme nouveau et, avec lui, le don du
Saint Esprit par lequel nous pouvons rendre culte à Dieu.
Notre passage nous parle du
second écueil : la mondanité.
Le
légalisme rattache l’homme à la
chair,
la mondanité le rattache à la terre
.
L’apôtre Paul était, devant les chrétiens, l’exemple d’un homme
ayant un but glorieux et céleste, avec un seul objet, entièrement en dehors de
ceux qui sont sur la terre. Les gens au sujet desquels il les mettait en garde
étaient l’exemple du contraire : ils marchaient, mais sans but
céleste ; ils avaient leurs pensées aux choses terrestres ; et cela
les constituait ennemis de la croix du
Christ
. Il ne dit pas
ici : « Plusieurs d’entre vous
marchent », car ces gens ne sont pas présentés ici comme faisant partie de
l’Assemblée, mais tel était, déjà alors, le commencement du mal qui plus tard a
tout envahi dans la chrétienté : une profession chrétienne, entièrement
étrangère à la vie de Dieu. Ces gens, portant le nom de Christ, étaient pour
l’apôtre un sujet de déception et de larmes amères. Ils étaient ennemis de la
croix du Christ dans leur marche
, non pas peut-être dans la profession
qu’ils faisaient du christianisme, mais ils marchaient de manière à
montrer qu’ils n’avaient aucun intérêt
céleste
. C’est une chose à
remarquer dans les jours que nous traversons. Le christianisme professant
ignore Christ dans la gloire tout en parlant de la croix, tandis que, pour le
chrétien, ces deux choses, la croix et la gloire, sont inséparables comme
l’apôtre va le montrer. Si nous n’avons pas la croix, c’est-à-dire les
souffrances pour Christ pendant notre vie sur la terre, nous serons privés de
la gloire céleste, et cette absence de souffrances « a pour fin la perdition ».
Les souffrances, la mort journalière ici-bas, ne faisaient pas l’affaire des
hommes dont parlait l’apôtre ; toute leur activité avait, au contraire,
pour but de les éviter. Ils les haïssaient, quand l’apôtre, lui, recherchait
« la communion des souffrances de Christ », parce qu’elles étaient le chemin de
la gloire. Malgré leur profession ils n’avaient pas la croix pour point de
départ ; ils lui avaient tourné le dos, puisque leur fin
était la perdition,
l’opposé
de la gloire. Tout au contraire, le chrétien « attend du ciel le Seigneur Jésus
Christ comme Sauveur
» pour
le libérer de ce qui est mortel en le revêtant d’un corps de gloire semblable
au sien. L’attendons-nous ainsi ? Oui, si nous portons la croix. Sans elle,
comment pourrions-nous parler de la délivrance de nos corps, du salut
final ? Le Dieu de ces hommes était leur ventre, siège des jouissances
matérielles, centre d’une vie facile et sans épreuves, dans laquelle la chair
trouve à se satisfaire. Tel était « leur Dieu », celui dont ils professaient le
culte. Ces hommes n’avaient aucun intérêt pour les choses divines et ne
pouvaient les comprendre ; le Dieu du chrétien, le Seigneur Jésus-Christ,
était un étranger pour eux, quand même ils portaient son nom.
« Leur gloire est dans leur
honte » : ils se glorifient de ce qui est honteux aux yeux de Dieu
,
que ce soit la fortune, les ambitions, les passions ou les souillures de
ce siècle mauvais, dont la croix de Christ nous a retirés. « Leurs pensées sont
aux choses terrestres » : Toutes les relations du chrétien sont dans le
ciel ; c’est là que sont établis et conservés ses droits de
bourgeoisie ; c’est de là qu’il attend le Seigneur Jésus pour être retiré
du milieu de ces choses auxquelles ils n’appartient plus et qu’il traverse
comme un étranger. La gloire du chrétien n’est pas dans la satisfaction de son
corps, qu’il considère comme un corps d’abaissement, jusqu’à ce qu’il soit
transformé en la conformité du corps glorieux de son Sauveur. Il ne peut
prétendre à la conformité
avec le
Seigneur ici-bas ; mais il l’atteindra à sa venue. En attendant, il peut
être transformé
moralement de gloire
en gloire à son image et c’est le précieux privilège de ceux qui le contemplent
maintenant à face découverte avant de lui être rendus semblables dans la
gloire.
Certes l’apôtre était bien loin d’envier ces heureux du monde, car nous le voyons pleurer sur eux. Pour lui, le ciel possédait de telles attractions qu’il ne faisait qu’une chose : « courir droit au but ». Et si l’attache du corps était une entrave, une charge, une source de gémissement souvent (2 Cor. 5:4), il était soutenu par une espérance que partage tout chrétien fidèle : la venue du Seigneur pour transformer notre corps vil en la conformité du corps de Sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses !