H. Rossier — Courtes méditations — n°12
ME 1922 p. 77-80
Par un privilège spécial
trois disciples furent conviés dans ce passage à « voir le royaume de Dieu venu avec
puissance
». Ce n’est certes pas une petite chose que la « puissance ». Cette
vision s’était tellement imposée à Pierre qu’il y revient dans sa seconde
épître pour la décrire, comme « la puis
sance et la venue
de notre Seigneur Jésus Christ ». Quand il
dit : « sa venue », c’est celle par laquelle il établira le royaume de Dieu
en gloire ; et il ajoute que les chrétiens « font bien
d’être attentifs
» à ces choses, choses dont la prophétie nous entretient, comme
étant de son domaine et qu’il ne nous est pas permis de négliger. En effet, la
venue en puissance du Seigneur anéantira tout ce qui s’oppose à lui et établira
sur la terre son règne millénaire. Mais qu’est-ce que, de fait, la vue
anticipée de cette puissance glorieuse a produit sur le coeur des trois
disciples ? Ils étaient épouvantés
. Il n’en sera point ainsi pour nous,
quand nous assisterons à son déploiement, car nous y aurons personnellement
part quand le ciel sera ouvert et que nous en sortirons comme formant le
cortège du roi. Par la même raison, cette puissance n’épouvantait pas non plus
Moïse et Élie qui apparaissaient en gloire avec Lui ; plus tard elle
n’épouvantait plus Jean, l’un des trois disciples, quand en esprit, et non plus
en chair, il pouvait contempler dans le ciel et sur la terre toute cette puissance
glorieuse à laquelle il devait
avoir part.
Nous de même, nous aurons part à cette puissance et cela bannit toute crainte de nos coeurs quand nous pensons au jour futur de sa manifestation. En attendant ce moment, une autre puissance que celle du royaume nous a été donnée : la puissance du Saint Esprit, la « puissance d’en haut » dont les disciples devaient être revêtus selon la promesse du Seigneur et qui, dès ce moment, est devenue la part de tous les rachetés. Ce don du Saint Esprit fut introduit avec des signes solennels et impressionnants de puissance, avec un souffle violent et impétueux et des langues de feu divisées. Loin d’être épouvantés devant ces manifestations, les disciples qui y avaient tous part furent remplis de joie pour rendre témoignage à la toute-puissance de la grâce.
Nous possédons aujourd’hui le
Saint Esprit, aussi bien que les premiers disciples, mais pourquoi n’avons-nous
plus part à sa puissance comme eux ? En réalité, si elle nous fait
entièrement défaut, c’est à cause de la ruine complète du témoignage de
l’Église, à laquelle dans une si grande mesure nous avons tous participé. Ce
manque de puissance est, en effet, pour nous un sujet d’humiliation
continuelle, mais il est selon Dieu que nous gardions cette attitude
d’humiliation sans essayer de nous y soustraire. C’est la seule attitude d’un
Résidu fidèle qui ait aujourd’hui la pleine approbation du Seigneur. Ne dit-il
pas à Philadelphie : « Tu as peu de
force
et tu as gardé ma
parole, et tu n’as pas renié mon nom ? »
Devant cet état de choses
dont nous sommes responsables, gardons-nous d’oublier qu’il nous reste une
chose infiniment supérieure à tout déploiement de puissance : Cette chose
est la communion
. Moïse et Élie, tout en faisant
partie de la scène où la puissance du royaume était révélée, n’étaient pas
occupés de cette dernière, ni de leur place dans le règne glorieux de Christ.
Leur jouissance était tout autre : « ils parlaient avec Jésus ». Ils
s’entretenaient avec lui de sa mort, des résultats du sacrifice que son amour
allait accomplir. Les disciples qui venaient d’être les témoins oculaires de sa
Majesté furent enseignés à rechercher les mêmes choses dont Moïse et Élie
venaient de leur fournir l’exemple. La nuée, demeure de l’Éternel, descend sur
eux et les enveloppe comme elle avait jadis enveloppé le tabernacle. Sont-ils
appelés maintenant à voir quelque chose ? Toute la vision de la puissance
glorieuse de Christ a disparu. Ils ne
voient rien
, mais ils entendent.
Qui
donc entendent-ils ? Le Père
, qui leur parle de ce qui remplit son
propre coeur, afin qu’ils aient communion
avec lui au sujet de son Fils. Il ne dit pas : « Voyez » , mais
« Écoutez », et il ajoute : « Écoutez-le
». Mais de quoi le Fils
va-t-il nous parler ? Du Père
! Tout l’évangile de Jean en
rend témoignage. Ainsi, en dehors de tout l’appareil de la puissance, notre
communion est avec le Père et avec le Fils. Il n’y a de « joie accomplie
»
que là : le plus merveilleux déploiement de puissance ne peut donner cette
joie. Nous avons part à l’amour du Père que le Fils nous révèle, à l’amour du
Fils que le Père nous révèle ; nous avons la communication des pensées les
plus intimes de la déité dans le Père et dans le Fils !
Cela nous suffit-il ?
Quand aucune puissance n’existe plus, nous contentons-nous de ne voir plus personne, sinon Jésus, seul avec nous
? Immense bénédiction, car
aucun autre objet n’est capable désormais de nous distraire. Quel
bonheur ! dirons-nous : Si la puissance a disparu par notre faute,
Dieu en tire avantage pour que désormais nous n’ayons pas d’autre ressource que
Lui !
Marie jouissait de cette communion quand elle était à ses pieds, écoutant sa parole ; elle en jouissait encore quand elle répandait son encens sur les pieds du Sauveur. Jean en jouissait aussi quand il reposait sa tête sur le sein de Jésus. Il n’avait sans doute pas beaucoup de choses à communiquer à son Maître, mais, en vertu de cette proximité, il était capable de recevoir ses confidences intimes, même prononcées à voix basse. Ce n’est pas en présence de la gloire, ni de la puissance que la joie est accomplie, mais en présence de l’amour du Père et du Fils.