H. Rossier — Courtes méditations — n°7
ME 1921 p. 265-268
Si la dispensation actuelle
est l’économie de la grâce, elle peut tout aussi bien être appelée l’économie
de l’Esprit. En effet, cette grande vérité, que le Saint Esprit a été envoyé du
ciel par un Christ assis à la droite de Dieu, domine toutes les autres depuis
que l’oeuvre de la croix a été accomplie. Cependant, chose profondément
humiliante, il n’y a pas de vérité qui soit plus méconnue, en théorie et en
pratique, parmi les enfants de Dieu ! Ils demandent une nouvelle effusion
du Saint Esprit, en contradiction formelle avec le fait que l’Esprit de vérité
nous a été donné, depuis l’ascension du Seigneur à la droite de Dieu, pour être avec nous éternellement
. Ils demandent le Saint Esprit pour chaque
acte de leur vie chrétienne, oubliant que leur corps en est le temple et
niant virtuellement qu’il est en nous pour nous diriger dans toute la vérité
. Ils remplacent la direction du Saint Esprit dans l’assemblée
par des institutions humaines qui en sont la négation, et, chose plus grave
encore, ils ignorent la présence du Saint Esprit pour former en Unité
tous les membres du corps de
Christ ici-bas, en sorte qu’il y ait un seul corps et un seul Esprit. Que
dirai-je ? Cette immense lacune se fait sentir partout dans la chrétienté
d’aujourd’hui. La présence du Saint Esprit est cependant la partie dominante du
témoignage de nos jours que tant de chrétiens ignorent ou méconnaissent, comme la
justification par la foi était la partie dominante du témoignage de la
Réformation.
Je n’essayerai pas de traiter cette vérité autrement que d’une manière fragmentaire et suivant que Dieu m’en fournira l’occasion. Ce n’est qu’en l’envisageant sous toutes ses faces diverses que l’âme du chrétien arrive à se convaincre de son importance. Aujourd’hui je suis attiré par le passage qui se trouve en tête de cette méditation. Je me bornerai comme d’habitude aux quelques points que l’Esprit recommande à mon attention dans cette lecture.
Quelle puissance la
possession du Saint Esprit nous donne ! Quels fruits elle porte en
nous ! Dans quelle liberté elle nous introduit !… Et cela en
contraste avec ce que la chair
peut
nous offrir. Cette dernière a un terrible antagoniste dans la loi
et
cependant la loi n’a jamais pu la maîtriser en quoi que ce soit. Il en est
comme du démoniaque qui, lié aux pieds de fers et de chaînes, rompait les
chaînes et mettait les fers en pièces, et que personne ne pouvait dompter (Marc
5). Ainsi la chair n’a jamais pu s’améliorer, ni se soumettre ; toutes ses
oeuvres sont et resteront mauvaises. La chair n’arrive jamais à d’autre fin que
d’être « bannie du royaume de Dieu ». Elle n’a pour provisions que les passions
qui nous placent sous la domination du mal et les convoitises
qui sont l’amorce des
passions. Quand la chair entre en contact avec l’Esprit, elle n’a jamais
d’autre activité que de convoiter contre lui et de lui refuser absolument toute
soumission : Tel est le tableau de la chair, donné par l’Esprit
saint ! Toute la corruption, toute la violence, toutes les basses et
ignobles passions, tous les sentiments inavouables appartiennent à son domaine.
Et, ce qui prouve l’état désespéré de l’homme, c’est que du côté de cette
sentine (*) s’orientent ses pensées et ses
désirs. Alors l’homme ayant parfois la nausée de sa vie passée, l’Esprit de
Dieu en profite (quelle grâce !) pour le faire soupirer après une
délivrance.
(*) note Bibliquest : sentine = partie de la cale d’un navire où s’amassent les eaux
Et quand, par la puissance de
cette grâce, le changement, le don d’une vie nouvelle, par la foi au sang de
Christ, a eu lieu, quels merveilleux horizons s’ouvrent devant l’âme
délivrée ! Certes, elle a enfin renoncé et une fois pour toutes à améliorer
sa chair, mais elle a trouvé la puissance divine, non pas pour la modifier,
mais pour la laisser où elle est, dans une impuissance permanente
et définitive, en sorte que ce chrétien qui a et aura
jusqu’au bout la chair en lui, ne puisse plus pratiquer les choses qu’il
voudrait, que sa chair voudrait, mais qu’il puisse agir dans la puissance de
l’Esprit. Mais, direz-vous, comment se fait-il que tout de même il pratique ces
choses ? Je réponds : S’il les fait il signe son malheur. Un jour,
longtemps après peut-être, l’Esprit l’amène à dire, comme David : « J’ai
péché contre l’Éternel ». Alors Dieu dit : « L’Éternel a fait passer ton
péché ». David put être ainsi purifié de toute iniquité. Mais les conséquences
terribles de son péché restèrent pendant toute sa vie selon les voies du
gouvernement de Dieu envers lui. « L’épée ne s’éloigna plus de sa maison à
jamais ». Dès lors cette discipline, quelque amère qu’elle fût, put porter des
fruits bénis pendant la longue carrière du roi. Heureux sommes-nous quand ils
sont portés spontanément (v. 22), heureux aussi quand ils sont produits grâce
aux soins journaliers du Père qui émonde les sarments pour qu’ils portent plus
de fruit. « Le fruit de l’Esprit
» est un fruit merveilleux, car
l’Esprit n’en produit jamais que d’excellents ! Le premier : l’amour
. Tous les autres en dépendent :
« L’amour de Dieu est versé dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous a été
donné ». Combien il y aurait lieu de s’étendre sur ces fruits de l’Esprit ;
mais ne faisons-nous pas mieux de les méditer chacun pour soi, dans un esprit
de vraie humiliation ? Il me suffit de dire ici que trois de ces
fruits : l’amour, la joie, la paix, sont relatifs à Dieu
; cinq : la
longanimité, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur,
relatifs aux hommes
; enfin un seul : la tempérance,
relatif à nous-mêmes.
Et maintenant, dans quelle
liberté l’Esprit saint nous place (2 Cor. 3:17) pour notre marche
(v. 16) et la vie
qui
la dirige (v. 25) ; enfin pour notre conduite
! (v. 18). Aucune loi ne se met en
travers de la marche de l’Esprit pour s’y opposer, car « contre de telles choses
il n’y a pas de loi » (v. 23).
Telle est la loi de l’Esprit,
la loi parfaite de la liberté ! Tout y est bon, beau, digne de
Christ ! Ah ! croyons seulement que cette puissance de l’Esprit est
nôtre ! Peut-il y avoir plus triste incrédulité que de douter du don de
Dieu ?