Henri Rossier [ajouts bibliquest entre crochets]
ME 1923, p. 310-316, 333-338, 345-348
Table des matières :
3 - Psaume 33 [Rachetés sur la scène terrestre du royaume millénaire]
4 - Psaume 40 [Christ homme ressuscité entonne avec Israël le cantique qui exalte Dieu]
5 - Psaume 96 [Le résidu fidèle célèbre l’inauguration du règne]
6 - Psaume 98 [Hymne d’inauguration du règne qui célèbre ce que l’Éternel a fait]
7 - Psaume 144 [Désir de la délivrance et de la bénédiction millénaire]
8 - Psaume 149 [Cantique de la congrégation des saints d’Israël sur la terre]
9 - Ésaïe 42 [Christ humble serviteur est célébré dans son élévation au siège de l’empire universel]
10 - Apocalypse 14 [une liaison entre la louange terrestre et la louange céleste]
Cette expression : Le Cantique nouveau
a plus d’une
fois occupé ceux qui étudient la Parole et, plus spécialement, peut-être, ceux
qui s’occupent des questions prophétiques. Leurs pensées à ce sujet ne nous ont
jamais entièrement satisfaits. L’idée dominante chez quelques-uns, et qui, toute
incomplète qu’elle soit, se rapprocherait le plus de notre conclusion, c’est
que le Cantique nouveau célèbre le caractère du Seigneur comme triomphateur
.
Il sera aisé de montrer que cette interprétation manque de précision et qu’elle
est loin de répondre entièrement à la pensée que le mot « Cantique nouveau »
veut exprimer. L’examen des divers passages où nous trouvons ce terme nous
amènera, je le pense, à une interprétation plus précise. Il serait contre la
pensée de l’auteur d’offrir, dans ce petit travail, un aliment à l’intelligence ;
il désire, au contraire, le voir servir à l’édification des âmes en leur faisant
apprécier davantage les gloires multiples de notre adorable Seigneur et Sauveur.
Avant de présenter notre conclusion nous examinerons aussi brièvement que possible tous les passages où ce terme se rencontre.
« Et ils chantent un Cantique nouveau
, disant :
Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux » (v. 9.)
Nous commençons notre examen par ce chapitre, parce que nous y
trouvons, très clairement exprimés : 1° le milieu dans lequel le Cantique
nouveau est chanté ; 2° les personnes qui le chantent. 3° Le contenu du Cantique
et l’Objet qu’il célèbre. — Si l’on ose parler de la sorte, nous avons donc ici
« le Cantique nouveau modèle
», c’est-à-dire qui contient à la
fois tous les éléments de la louange qu’il a mission d’exprimer.
En premier lieu donc, la scène
dans laquelle il est
entonné est le ciel. C’est là qu’est établi le trône même de Dieu, au milieu
duquel on voit l’Agneau immolé.
Ensuite, ceux
qui entonnent le Cantique nouveau sont les
saints glorifiés, envisagés par anticipation lorsque leur nombre sera complet,
ayant le ciel pour domicile éternel et établis eux-mêmes sur leurs propres trônes.
Ces saints, avec les quatre animaux [êtres vivants], comprennent l’ensemble des
rachetés célestes ressuscités et glorifiés, c’est-à-dire tous ceux qui, depuis
la chute, ont hérité du salut ; jusqu’au moment où s’ouvriront les événements
prophétiques de la fin. Ces saints glorifiés peuvent célébrer, avec
intelligence, Celui qui est mort pour eux et dont la résurrection leur a acquis
la place glorieuse qu’ils occuperont à jamais. Ils sont rois et sacrificateurs,
compagnons de Celui qui exerce la royauté et la sacrificature suprêmes. Si leur
règne céleste est le sujet proéminent, le règne auquel ils auront part (et d’autres
encore avec eux) n’est pas omis : « Ils règneront sur la terre
»
(v. 10). Cette part est encore future ; les anciens n’occupent pas encore,
dans ce passage, le département terrestre du royaume, mais ils en tiennent
déjà, ce qui est de beaucoup supérieur, le département céleste.
En troisième lieu, l’Objet
du Cantique nouveau, c’est Lui
,
Lui seul
, l’Agneau immolé, établi publiquement comme le Centre éternel
de tontes choses. Quant à son Contenu
le Cantique nouveau célèbre le
Christ, comme ayant, par son sacrifice, remporté la victoire
sur toute
la puissance de l’Ennemi, afin d’acheter pour Dieu, par son sang, une multitude
d’adorateurs. Cependant, comme nous l’avons dit, le Cantique nouveau qui
exprime tant de choses, n’exprime pas ici la relation définitive des rachetés
avec la sphère terrestre, car il se borne à dire : « Ils règneront
sur la terre ». Christ lui-même a vaincu pour ouvrir le livre et en briser
les sceaux, c’est-à-dire pour donner libre cours aux jugements qui délivreront
la terre, mais, au Chap. 5, son règne, pas plus que celui des saints qui en
dépend, n’est établi ici-bas. Il ne peut l’être que par les jugements qui vont
avoir lieu. Ce n’est pas ici, mais au chap. 19 de ce livre que nous le voyons
apparaître personnellement sur la terre comme juge. Sa relation comme Roi avec
son peuple Israël est caractérisée ici par ces mots : « le lion de
Juda, la racine de David » (v. 5), mais ce triomphateur royal nous est
présenté sous des traits bien plus élevés, qui donnent essor au Cantique
nouveau, c’est-à-dire comme ayant droit à toute domination dans le ciel et sur
la terre par un sacrifice qui a brisé la puissance de Satan et a fait échapper
pour toujours les saints glorifiés à leur cruel ennemi.
Nous, les saints qui sommes aujourd’hui sur la terre, attendant
la venue du Seigneur et ne participant à cette scène qu’en espérance, nous
pouvons déjà entonner par anticipation
le Cantique nouveau d’Apoc. 5, parce
que, tout en étant encore dans notre état d’imperfection, nous sommes
ressuscités avec Christ et que nous appartenons, par l’Esprit, à la scène
occupée par notre Sauveur glorifié.
Considérons maintenant le Cantique nouveau, tel que les Psaumes
nous le présentent. Une première remarque de toute importance, c’est que, dans
les Psaumes, le Cantique nouveau n’est pas chanté dans le ciel, mais sur la
terre
où le règne de Christ est établi ou sur le point de s’établir. Je
veux dire que, lorsqu’il est entonné sur la terre il est près de revêtir ou a
déjà revêtu un nouveau caractère. La terre n’est plus la scène du mal ou de l’éloignement
de Dieu, que nous habitons, le royaume dont Satan est le prince et où il
domine. Elle est une terre renouvelée, semblable à un tapis secoué de ses
impuretés, balayé de ses souillures par le jugement pour devenir le marchepied
des pieds de l’Éternel, délivrée, en un mot, du pouvoir de Satan, lié pour
mille ans. Il faut que, ce grand fait ayant eu lieu, la création actuelle soit
digne de saluer le Roi entrant dans son règne. Historiquement, le Cantique
nouveau des Psaumes vient donc après celui d’Apoc. 5 qui célèbre dans le ciel
le jour encore futur où le Seigneur prend le livre et en rompt les sceaux pour
donner essor aux jugements qui prépareront Son règne sur la terre.
« Exultez en l’Éternel, vous justes ! Aux hommes
droits sied la louange. Célébrez l’Éternel avec la harpe, chantez ses louanges
avec le luth à dix cordes ; chantez-lui un Cantique nouveau
»
(v. 1-3).
Ce Psaume fait suite au Psaume 32 où, en vertu de l’œuvre de la croix, appliquée à des coupables qui viennent confesser leurs péchés devant Dieu, nous entendons « les chants de triomphe de la délivrance » (v. 7). L’âme est délivrée de toute sa culpabilité ; Dieu lui-même a « pardonné l’iniquité de son péché » (v. 5). Il n’y a plus que joie pour elle ; le pécheur est devenu un « juste », en vertu de la rédemption, un « homme droit » en vertu de la confession des péchés (Voyez 32:1, 11 ; 33:1). Alors retentit le Cantique nouveau (33:3).
Le Psaume dont nous nous occupons a une certaine analogie avec Apoc. 5. Dans ces deux passages, la rédemption est à la base de tout, mais, dans l’Apocalypse, la scène est céleste, ici terrestre. En vertu de la rédemption, l’heureux racheté est introduit sur une scène qui sera la terre millénaire, témoin « de la justice et du jugement et pleine de la bonté de l’Éternel » (v. 5), bonté qui repose sur les rachetés « selon qu’ils se sont attendus à lui » (v. 22) ; sur une scène où l’Éternel est craint universellement (v. 8), où « tous les cœurs sont formés par lui » (v. 15) ; où tous les siens « s’attendent à sa bonté » (v. 18) et se réjouissent en lui (v. 21). En vertu de la rédemption, l’Éternel s’est choisi un peuple pour son héritage (v. 12). Lui, le Créateur, l’introduit en pleine bénédiction sur la terre, après avoir dissipé le conseil des nations (v. 10).
Ce Psaume nous présente donc trois choses déjà signalées au chap. 5 de l’Apocalypse : une scène nouvelle : la terre, pleine de la bonté de l’Éternel — un peuple nouveau, juste et droit de cœur — un Cantique nouveau, célébrant les résultats d’une œuvre reçue par la foi : le rachat, la transgression pardonnée, le péché couvert, la conscience purifiée, qui est à la base de toutes les bénédictions futures.
« Il a mis dans ma bouche un Cantique nouveau
, la
louange de notre Dieu » (v. 3).
Ce Psaume ne nous parle pas proprement de la mort de Christ, c’est-à-dire
de l’œuvre rédemptrice accomplie sur la croix. Nous y voyons Christ, venant
comme homme, en parfaite obéissance, pour faire la volonté de Dieu, se substituant
aux sacrifices de la loi dont Dieu n’a pas voulu, devenant lui-même le
sacrifice, et atteint, jusqu’à les faire siennes, par les iniquités de ceux qu’il
venait sauver. Aussi Dieu lui a répondu par la résurrection
: « Il
m’a fait monter hors du puits de la destruction, hors d’un bourbier fangeux ;
et il a mis mes pieds sur un roc
» (v. 2). Cette position d’homme
ressuscité, il la partage avec les siens. C’est Lui-même
qui entonne un
Cantique nouveau, approprié à la position nouvelle qu’il occupe par sa
résurrection, un Cantique dont Dieu
est l’objet. La résurrection est donc
la victoire célébrée, plutôt que l’œuvre rédemptrice accomplie à la croix dont
nous parlent Apoc. 5 et les Psaumes 32 et 33. Les saints participent à cette
victoire, c’est pourquoi il est dit que le Cantique nouveau, entonné par Christ
homme, est « la louange de notre Dieu
». Le thème du cantique
est l’exaltation du nouveau caractère de Dieu qui a triomphé de la mort en
puissance, en ressuscitant l’homme Christ Jésus et en donnant la même position
à ceux qu’il était venu sauver en prenant leur place.
Au Psaume 40, les saints ne sont pas sur la nouvelle terre,
comme au Psaume 33, mais Christ est transporté par la résurrection dans une nouvelle
scène et y introduit les siens. Ceux-ci ont part à une vie toute nouvelle, à
une vie de résurrection à laquelle convient un Cantique nouveau. C’est Christ
qui est entré dans cette nouvelle scène et y a rendu participants ceux qu’il a
rachetés. Ceux-ci se trouvent dans une condition nouvelle
, amenée par la
résurrection de Christ.
Il en est de même aujourd’hui pour le chrétien. La scène dans
laquelle il se trouve corporellement n’a pas changé. Cependant Christ est là,
au milieu des siens, les ayant associés à Sa vie de résurrection devant son
Dieu et leur Dieu, dans les relations toutes nouvelles dans lesquelles il est entré
Lui-même, comme homme. Ce Psaume fait penser en quelque mesure aux quarante
jours de la résurrection de Christ sur la terre. 1° La scène va changer pour
Lui, elle va aussi changer pour nous. 2° Le caractère de Dieu est exalté comme
ayant mis fin par la résurrection à notre ancienne position. 3° C’est cette
victoire, accordée par Dieu à l’Homme obéissant jusqu’à la mort, que le Cantique
nouveau célèbre. Seulement, dans ce Psaume, c’est Dieu
que Christ exalte
(non pas le Père
, sujet propre au Nouveau Testament) et qu’Israël célèbre
avec lui.
« Chantez à l’Éternel un Cantique nouveau
; chantez
à l’Éternel, toute la terre » (v. 1).
Remarquons d’abord que les Psaumes 93 à 100 ont trait à l’établissement
du règne de Christ sur la terre. Les mots : « L’Éternel règne
»
sont comme le « Leit motif » de toute cette série de Psaumes (Voy. 93:1 ;
96:10 ; 97:1 ; 99:1). Ce règne est basé sur les jugements des ennemis
de Christ (Ps.94, 97:2-5), car le mal devra disparaître pour faire place à l’établissement
d’un règne de paix et de justice sous le sceptre du Messie.
Au Ps. 95 le Résidu qui est le nouvel Israël va avec joie et louange au-devant de Lui qui est le Roi entrant dans son règne. Le cœur des fidèles est changé, mais ils sont exhortés à ne plus faire comme jadis le peuple désobéissant à Massa et Mériba et à ne pas endurcir leur cœur comme lui.
Dans le Psaume 96 qui nous occupe, le Résidu fidèle a déjà vu la
gloire quand le Seigneur s’est manifesté à son peuple en posant ses pieds sur
la montagne des Oliviers (Zach. 14:4) ; alors les messagers d’Israël vont raconter
cette gloire parmi les nations (v. 3), afin qu’elles se hâtent d’abandonner
leurs idoles et de se soumettre à Celui dont les envoyés proclament l’entrée
dans son règne (v. 10). Le règne n’est pas encore établi, mais le Seigneur vient
pour l’établir
comme il est dit au v. 13 : « L’Éternel vient
,
il vient
pour juger la terre ; il jugera le monde avec justice et
les peuples selon sa fidélité ». C’est le Cantique nouveau des nations.
Au Psaume suivant (Ps. 97), le règne s’établit
. Ce n’est
plus le Résidu qui « raconte
Sa gloire parmi les nations »,
mais « tous les peuples voient sa gloire
» (v. 6). Leur idolâtrie
est abandonnée (v. 7) pour servir « le Très Haut, fort élevé par-dessus
tous les dieux » (v. 9).
Les Psaumes 96 et 97 célèbrent donc l’inauguration du Règne. Rien
désormais ne pourra lui être opposé. C’est le moment merveilleux du lever
du soleil de justice. Il y a changement complet de scène pour tous. L’apparition
de la Lumière remplace la nuit pour l’Israël de Dieu, ainsi que pour les nations,
et pour toute la terre. Désormais on ne peut revenir au Cantique ancien,
quelque précieux qu’il ait pu être, comme par exemple le Cantique de Moïse à la
mer Rouge. Ce dernier célébrait la victoire de l’Éternel sur l’Égypte, pour
amener le peuple à Lui-même, au moment d’entreprendre le voyage du désert qui
devait l’introduire dans la terre promise. Ici, le cortège triomphal, après la
victoire remportée, va au-devant du vainqueur qui vient
. Le roi ne s’est
pas encore assis sur son trône, mais il va le faire dans la Majesté de son pouvoir
et dans la grandeur de sa délivrance. Les nations, cette grande foule d’Apoc. 7
que personne ne peut dénombrer, ont entendu l’Évangile du royaume.
« Chantez à l’Éternel un Cantique nouveau
! Car
il a fait des choses merveilleuses : sa droite et le bras de sa sainteté l’ont
délivré » (v. 1).
Ici le Cantique nouveau ne célèbre pas, comme au Psaume 96 ce
qui va
se faire, mais ce que l’Éternel a fait
: « Il a
fait des choses merveilleuses » ; « il a fait connaître son
salut ; il a révélé sa justice aux yeux des nations » (v. 1, 2). Il
est le Roi ; l’Éternel ; il vient pour établir son gouvernement :
« Il jugera le monde avec justice et les peuples avec droiture » (v.
9).
Aux Psaumes suivants (Ps. 99 et 100), il est assis
sur
son trône entre les Chérubins, en Sion. Il aime la justice ; il établit la
droiture ; il exerce le jugement et la justice en Jacob. Ce n’est plus Lui
qui vient, mais toute la terre vient devant Lui (Ps. 100:2) avec chants de
triomphe. Alors retentit cet hymne que j’ai appelé « l’Hymne d’inauguration
du règne » : « Célébrez-le, bénissez son nom ! car l’Éternel
est bon ; sa bonté demeure à toujours ! » (Ps. 100:5).
En somme, si la scène millénaire n’est pleinement établie
qu’aux Psaumes 99 et 100, la scène est déjà toute nouvelle aux Psaumes 96 et 98
où le Cantique nouveau est célébré. Déjà le jugement a eu lieu ; déjà la
gloire a paru aux yeux du vrai Israël ; déjà les nations ont reçu l’Évangile
du royaume ; déjà Christ a un peuple bien disposé ; déjà Il paraît en
sainte magnificence ; déjà la rosée de ses jeunes hommes lui vient du sein
de l’aurore. Si la scène est nouvelle, elle est peuplée d’être nouveaux qui
exaltent la sainteté du vrai Roi au moment où il va s’asseoir entre les
Chérubins sur la montagne de la sainteté de Dieu !
« Ô Dieu, je te chanterai un Cantique nouveau
;
je te célébrerai sur le luth à dix cordes ! » (v. 9).
Ce Psaume n’est que le désir
, exprimé du sein de la tribulation
(Voyez Ps. 137 à143), d’en être délivré et d’arriver enfin à la bénédiction
millénaire sous le règne glorieux du Messie. L’Éternel interviendra en
vengeance et en jugement ; il sera reconnu de tout son peuple et la paix
et la prospérité seront proclamées sur une terre renouvelée. « Bienheureux
le peuple pour qui il en est ainsi ! Bienheureux le peuple qui a l’Éternel
pour son Dieu ! » (v. 15).
« Louez Jah ! Chantez à l’Éternel un Cantique nouveau
!
Chantez sa louange dans la congrégation des saints ! » (v. 1).
Ce Psaume est, pour ainsi dire, l’Alléluia du Cantique
nouveau
. Ce ne sont pas les nations, c’est l’Israël de Dieu qui seul l’entonne ;
il retentit uniquement dans la congrégation des saints (Khasidim), dans la
bouche des fils de Sion sur la terre, comme en Apoc. 5 dans la bouche des saints
célestes, ressuscités et glorifiés. Comme à l’Église dans l’Apocalypse, il est
donné à ces saints d’Israël une place d’intimité et de communion spéciale avec
le Roi. Cela est très beau, comme suprême expression du Cantique nouveau dans
les Psaumes. Israël ayant été l’objet spécial des voies de Dieu, de ses
jugements gouvernementaux et de ses délivrances, a droit à l’expression la plus
élevée et à l’accord le plus intime de la louange sur la terre : « Que
les saints se réjouissent de la gloire ! » (v. 5). Mais n’oublions pas
que la différence entre ce Cantique-ci et celui d’Apoc. 5 est aussi grande que
la différence entre la terre et le ciel. Nous n’avons pas ici l’Agneau immolé,
ayant opéré la rédemption et fait de ses bien-aimés des rois et des sacrificateurs
pour régner sur la terre — mais nous voyons le Seigneur de gloire,
resplendissant dans son règne et ayant armé les siens de l’épée à deux tranchants
pour combattre et anéantir toute puissance qui voudrait s’élever contre Lui.
Tout ce que nous venons de voir prouve, comme nous l’avons dit, que le Cantique nouveau a des caractères différents, non seulement selon que la scène est céleste ou terrestre, non seulement selon qu’il est proféré par les saints ressuscités, ou par Israël, ou par les nations, mais encore selon qu’il s’adresse à l’Agneau immolé, vainqueur de Satan sur la croix, ou au Fils de l’homme ressuscité, introduisant les siens dans la même gloire que Lui, ou enfin au Fils de David établissant son règne sur la terre. À Israël appartient d’exercer le jugement comme peuple terrestre, tandis que le peuple céleste l’exercera aussi, mais d’une manière bien plus élevée qu’Israël, dont il n’est pas dit, comme il est dit à l’Église : « Je lui donnerai autorité sur les nations, et il les paîtra avec une verge de fer, comme sont brisés les vases de poterie, selon que moi aussi j’ai reçu de mon Père ». (Comp. Ps. 2:9 avec Apoc. 2:26-27).
« Chantez à l’Éternel un Cantique nouveau
, sa louange
du bout de la terre » (v. 10).
Dans ce chapitre nous voyons en premier lieu Christ homme et serviteur, venu ici-bas dans l’humiliation, mais pleinement approuvé de Dieu. Il ne s’arrêtera pas dans l’œuvre entreprise au milieu du mal, jusqu’à ce qu’il ait « fait valoir le jugement en faveur de la vérité » et « établi le juste jugement sur la terre » (v. 1, 4). Il sera, de la part de l’Éternel, « une alliance du peuple et une lumière des nations ». Ce qu’il a commencé ici-bas dans l’humiliation, il l’achèvera en gloire, cette gloire de l’Éternel qu’Il ne donnera pas à un autre (v. 8). Les premières choses sont arrivées lors de son séjour sur la terre ; les choses nouvelles commencent (v. 9).
Alors retentit des bouts de la terre, sur la mer et les îles, dans
le désert et ses villes, dans les villages de Kédar, dans les rochers, sur le
haut des montagnes, en un mot, partout dans le monde habité, le Cantique
nouveau. C’est le Cantique de la délivrance ; le jugement s’exécute ;
les ténèbres sont changées en lumière ; les chemins tortueux sont
redressés (v. 16). C’est la réalisation universelle de ce que Jean Baptiste
avait annoncé pour le peuple au chap. 40 de ce même prophète. C’est aussi la
réalisation de ce qui nous est donné en détail dans les Psaumes. Mais la scène
est plus générale. Ce n’est plus le Roi entrant dans son règne. La scène
nouvelle est le monde habité, délivré du joug de Satan — le caractère de tous c’est
d’être amenés des ténèbres à la lumière, de l’esclavage à la liberté et à une
joie qui remplit tous les cœurs — le caractère nouveau de Christ, c’est que lui,
le fils de l’homme autrefois humilié, le fidèle serviteur, est maintenant élevé
au siège de la gloire et de la puissance divine, et reconnu comme Libérateur
universel
par tous les peuples, par la terre entière, par son peuple qui d’aveugle
est devenu voyant, de prisonnier a été mis en liberté, de sourd a les oreilles
ouvertes, d’objet de colère est devenu objet de miséricorde.
Tout cela est très beau, comme contraste entre un Christ jadis humilié, maintenant élevé au siège de l’empire universel. Mais nous n’y trouvons pas Christ victime comme au Ps. 33:1, ou Christ l’Agneau immolé comme en Apoc. 5. C’est plutôt l’humble serviteur ayant enfin achevé sa tâche et dominant le monde entier dont il a fait une scène de lumière et de vérité, de justice et de liberté, pour la gloire de l’Éternel !
*
Avant d’arriver à notre Conclusion, examinons encore le second passage où le Cantique nouveau est mentionné dans le Nouveau Testament.
« Et ils chantent un Cantique nouveau
devant le
trône, et devant les quatre animaux [êtres vivants] et les anciens » (v. 3).
Ici, une scène toute nouvelle, mais essentiellement juive quant
à son caractère, donne essor au Cantique nouveau. Ce n’est plus le ciel ouvert,
comme au Chap. 5 de ce même livre, ni la terre purifiée, comme dans les Psaumes,
pour l’établissement du royaume de Christ, mais nous trouvons ici la liaison
intime des scènes terrestre et céleste, présentée par anticipation, c’est-à-dire
avant le moment de son accomplissement historique. Ces deux scènes constituent par
leur jonction une scène nouvelle et justifient ainsi l’introduction du Cantique
nouveau. Elles ont en outre comme trait distinctif de nous montrer une partie
du peuple élu, c’est-à-dire du Résidu de Juda, dans le ciel, tandis que l’autre
partie de ce même Résidu est établie sur la terre. Ces deux compagnies ne sont,
ni le Résidu des douze tribus, ni la grande foule des nations sauvées, que le
chap. 7 nous a présentés, mais les deux parties du Résidu de Juda. L’une
céleste, sans doute celle qui a souffert le martyre pendant la grande
tribulation, est entièrement distincte de l’Église jointe aux saints
ressuscités et glorifiés de l’Ancien Testament, représentés, tous ensemble, par
les Anciens et les quatre animaux [êtres vivants] entourant « l’Agneau
immolé » dans la gloire. C’est en effet devant
le trône et devant
les quatre animaux [êtres vivants] et les anciens
, que le Cantique nouveau
sort de la bouche de cette compagnie céleste ressuscitée. L’autre, la compagnie
terrestre, est considérée comme faisant cortège à l’Agneau sur la montagne de
Sion, selon qu’il est dit au Psaume 2 : « Et moi, j’ai oint mon Roi
sur Sion, la montagne de ma Sainteté » avant que son Règne, avec la
nouvelle Jérusalem et le temple, soit officiellement reconnu et établi. Ces
144,000 sont ce qu’étaient en type les hommes forts de David. De ces deux compagnies
la première chante dans le ciel un Cantique nouveau et apprend à la seconde à
le chanter sur la terre. Ces deux sphères où le Cantique est chanté se relient
ainsi l’une à l’autre. Il y a unanimité pour célébrer le règne du Fils de
David, du Messie d’Israël, soit dans le ciel, soit sur la terre. Cette scène
nous prouve la grande place qu’Israël occupe dans les pensées de Dieu, comme,
du reste, en témoigne tout le livre de l’Apocalypse ; mais ce qui ressort
avant tout de ce passage, c’est que l’Agneau immolé au milieu du trône, dans la
gloire céleste, et le Fils de David sacré sur la montagne de Sion, sont le même
personnage, digne des mêmes louanges.
Après cet exposé, trop long peut-être, mais qui, nous l’espérons, n’aura pas été sans profit ni édification pour nos lecteurs, certaines observations nous semblent évidentes.
1° Le contenu
du Cantique nouveau ne nous est donné, en
propres termes, qu’en Apoc. 5:9-10 : Les saints glorifiés y reconnaissent
l’Agneau immolé comme seul digne de donner essor aux voies finales de Dieu envers
le monde, pour établir un royaume où toutes choses, dans les cieux et sur la
terre seront réconciliées avec Dieu. Ils célèbrent le rachat, par le sang de l’Agneau,
de toute tribu, peuple, langue et nation. Ils proclament le titre de rois et
sacrificateurs célestes que l’Agneau donne à ses bien-aimés, et le règne
terrestre qui sera la part des rachetés.
2° Le Cantique lui-même n’est pas identique dans les diverses occasions où il est chanté, et son caractère est déterminé par la scène qui en est l’occasion. C’est ainsi qu’au Psaume 33 il est basé sur l’œuvre de la Rédemption, comme en Apoc. 5 ; qu’il est basé au Psaume 40 sur la résurrection de Celui qui nous associe à sa propre louange. C’est ainsi encore que, dans les Psaumes dont l’énumération vient ensuite, le Cantique nouveau célèbre l’aube et enfin l’établissement définitif du règne personnel de Christ, auquel il associe ses bien-aimés.
3° En tenant compte de ce que nous venons de dire, nous constatons qu’il y a à proprement parler, plusieurs Cantiques nouveaux, dans ce sens qu’ils ne sont que des reproductions partielles du Cantique nouveau que tous les rachetés entonnent dans la gloire au Chap. 5 de l’Apocalypse.
Enfin, quant à la signification du terme lui-même, voici quelles sont nos conclusions :
1° Le Cantique nouveau est toujours en rapport avec la nouvelle
scène
dans laquelle sont entrés ceux qui le chantent. C’est ainsi qu’au
Chap. 5 de l’Apocalypse il est chanté par les saints ressuscités transportés dans
le ciel et dans la gloire
. C’est ainsi que, dans les Psaumes et en Ésaïe il
est chanté soit par le Résidu d’Israël, soit par les nations sur une terre
renouvelée et purifiée par les jugements.
2° Le Cantique nouveau est toujours en rapport avec le nouveau
caractère
de ceux qui le chantent. Il sort de la bouche des saints célestes
de tous les âges, ressuscités et glorifiés ! Il sort de la bouche du
Résidu terrestre d’Israël, amené par la repentance à la restauration finale. Il
sort de la bouche des nations qui, ayant reçu l’Évangile du royaume et
abandonné leurs idoles, ont été sauvées par la réception de cet Évangile. Nous
ajouterons, pour être complet, qu’il sort de la bouche des martyrs du Résidu,
ressuscités et glorifiés, en liaison
avec le Résidu de Juda vivant sur
la terre autour du Messie, sacré Roi sur Sion (Apoc. 14).
3° Mais le Cantique nouveau célèbre avant tout les nouveaux
caractères de Christ
et les nouvelles gloires dont il est revêtu. Il célèbre
sa victoire ct son triomphe, ses dignités, son règne dans le ciel et sur la
terre, ses droits et ses gloires, manifestés publiquement, et auxquels il
associe ses rachetés ; les résultats éternels de son sacrifice ; ceux
enfin de sa résurrection qui termine l’ancien ordre de choses pour introduire
un ordre de choses tout nouveau.
Donc c’est Lui
qui est le seul objet du Cantique nouveau,
Lui
, que ce dernier célèbre sous tous ses glorieux aspects, Lui
,
dans son triomphe final sur tout ce qui s’oppose à Son règne ! Mais de
plus, au Psaume 40, dans la bouche de Christ homme, le Cantique nouveau célèbre
le Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. Si donc le Cantique nouveau, vu
sous ces différents aspects, n’a, ni la même scène pour se déployer, ni le même
chœur pour le chanter, nous trouvons qu’il est toujours le Cantique de la
Victoire de Christ : Victoire par la mort, par la Résurrection, par le
jugement, par l’établissement du Règne !