Le livre du Prophète DANIEL

Edward Dennett (d’après Bible-notes.org)

Messager Évangélique (ME) 1981 (5 articles, ch. 1 et 2; à partir de p. 182), ME 1982 (12 articles, ch. 3 à 8; à partir de p. 20), 1983 (12 articles, ch. 8 et 12; à partir de p. 24),


Table des matières abrégée :

1 - Préface

2 - Introduction

3 - Plan et bref résumé du livre de Daniel

4 - Ch. 1

5 - Ch. 2

6 - Ch. 3

7 - Ch. 4

8 - Ch. 5

9 - Ch. 6

10 - Ch. 7

11 - Ch. 8

12 - Ch. 9

13 - Ch. 10

14 - Ch. 11: Prophéties sur les rois du nord et du midi

15 - Ch. 12


Table des matières détaillée :

1 - Préface

2 - Introduction

3 - Plan et bref résumé du livre de Daniel

3.1 - Ch. 1: Un résidu fidèle à Babylone

3.2 - Ch. 2 à 6: Le temps des nations et leurs caractères moraux

3.3 - Ch. 7 à 11: L’histoire prophétique des quatre monarchies

3.4 - Ch. 12: La grande tribulation et la fin du temps des nations

4 - Ch. 1

4.1 - Première phase de la déportation de Juda à Babylone (v. 1-3)

4.2 - Les quatre jeunes Hébreux (v. 3-7)

4.3 - L’épreuve de la foi (v. 8-16)

4.4 - En témoignage devant le monde (v. 17-21)

5 - Ch. 2

5.1 - La vision du roi Nebucadnetsar (v. 1-16)

5.2 - La prière de Daniel (v. 17-23)

5.3 - « Un Dieu …qui révèle les secrets » (v. 24-30)

5.4 - La vision de la statue et son interprétation (v. 31-45)

5.5 - Nebucadnetsar reconnaît Dieu (v. 46-49)

6 - Ch. 3

6.1 - La statue d’or et sa dédicace (v. 1-3)

6.2 - L’ordre de Nebucadnetsar (v. 4-7)

6.3 - Fidèles à leur Dieu (v. 8-15)

6.4 - La réponse de Shadrac, Méshac et Abed-Nego (v. 16-18)

6.5 - Dans la fournaise (v. 19-23)

6.6 - La délivrance divine (v. 24-28)

6.7 - Le témoignage public à la suprématie du Dieu Très-haut (v. 24-28)

6.8 - La portée prophétique de cette délivrance

7 - Ch. 4

7.1 - Un nouveau songe (v. 1-8)

7.2 - La révélation de la vision (v. 9-19)

7.3 - L’interprétation du songe (v. 20-27)

7.4 - Le jugement annoncé s’exécute (v. 28-33)

7.5 - Le roi bénit le Très-haut (v. 34-37)

8 - Ch. 5

8.1 - La profanation des ustensiles du sanctuaire (v. 1-4)

8.2 - L’écriture sur la muraille (v. 5-6)

8.3 - L’appel aux sages de Babylone (v. 7-12)

8.4 - Daniel devant le roi (v.13-16)

8.5 - La réponse de Daniel (v. 17-23)

8.6 - L’interprétation de l’écriture (v. 24-28)

8.7 - L’exécution de la sentence (v.29-31)

9 - Ch. 6

9.1 - Daniel établi sur tout le royaume de Darius (v. 1-3)

9.2 - Le complot contre Daniel (v. 4-9)

9.3 - Daniel en prière (v. 10-11)

9.4 - L’accusation de Daniel (v. 12-15)

9.5 - Daniel jeté dans la fosse (v. 16-18)

9.6 - La délivrance divine (v. 19-23)

9.7 - Le jugement des ennemis de Daniel (v. 24)

9.8 - La proclamation de Darius (v. 25-27)

10 - Ch. 7

10.1 - La vision des trois premières bêtes (v. 1-6)

10.1.1 - Le lion

10.1.2 - L’ours

10.1.3 - Le léopard

10.2 - La quatrième bête (v. 7-12)

10.2.1 - La bête romaine

10.2.2 - Les trônes et l’Ancien des jours

10.2.3 - Le jugement de la bête

10.3 - Le royaume du Fils de l’homme (v. 13-14)

10.3.1 - L’Ancien des jours, distingué du Fils de l’homme

10.3.2 - L’effet des visions sur l’esprit de Daniel

10.4 - L’interprétation des visions (v. 15-28)

10.4.1 - Interprétation générale

10.4.2 - Interprétation de la vision de la quatrième bête

10.5 - Conclusion des visions et de leur interprétation

11 - Ch. 8

11.1 - La vision présentée à Daniel à Suse (v. 1-14)

11.1.1 - Le royaume des Mèdes et des Perses

11.1.2 - Le royaume grec

11.1.3 - Les quatre cornes et la petite corne d’orient

11.1.4 - L’activité de la « petite corne »

11.1.5 - L’activité personnelle du roi de Syrie (la corne) contre les Juifs

11.2 - L’interprétation de la vision par l’ange Gabriel (v. 15-26)

11.2.1 - Apparition céleste à Daniel

11.2.2 - L’explication de la vision et sa réalisation historique

11.2.3 - La portée prophétique future

12 - Ch. 9

12.1 - La délivrance imminente du peuple et la prière de Daniel (v. 1-19)

12.1.1 - L’amour de Daniel pour son peuple

12.1.2 - La confession de Daniel

12.1.3 - L’intercession de Daniel

12.1.4 - La vision de Gabriel et la réponse divine

12.2 - Les soixante-dix semaines (v. 24)

12.3 - « Sept semaines et soixante-deux semaines » (v. 25)

12.4 - « Le Messie sera retranché et n’aura rien » (v. 26)

12.5 - La dernière semaine (v. 27)

13 - Ch. 10

13.1 - La préparation morale de Daniel, marquée par l’humiliation et le jeûne

13.1.1 - Deux observations peuvent être faites pour notre instruction :

13.2 - La vision glorieuse du Fils de l’homme au bord du Tigre

13.3 - L’effet produit par la vision sur Daniel et ses compagnons

13.4 - La communication de l’ange à Daniel

13.5 - Le conflit des puissances spirituelles dans le monde invisible

13.6 - La clé de la communication qui va être faite au prophète

13.7 - Secours divin, consolation et promesses divines

13.8 - Introduction aux révélations à venir

14 - Ch. 11: Prophéties sur les rois du nord et du midi

14.1 - Les rois de Perse et Alexandre le Grand (v. 1-4)

14.1.1 - La protection de Daniel à la cour de Darius

14.1.2 - Les quatre rois de Perse

14.1.3 - Alexandre le Grand

14.2 - Les rois du Nord et du Midi, de -305 à -175 (v. 5-20)

14.2.1 - Premiers conflits entre le Nord et le Midi

14.2.2 - De nouveaux conflits impliquant le « pays de beauté »

14.2.3 - Le stratagème et les attaques d’Antiochus le Grand

14.3 - Antiochus Épiphane et le peuple de Dieu (v. 21-35)

14.3.1 - L’homme méprisé

14.3.2 - Les expéditions contre l’Égypte

14.3.3 - Les actes d’Antiochus Épiphane à Jérusalem et dans le pays de beauté

14.4 - Evénements à venir (v. 36-45)

14.4.1 - L’Antichrist

14.4.2 - Le roi du nord

15 - Ch. 12

15.1 - La grande tribulation (v. 1-4)

15.1.1 - L’action de Micaël

15.1.2 - La détresse de Jacob

15.1.3 - La délivrance de Juda et Benjamin

15.1.4 - La délivrance d’Israël

15.1.5 - Les sages

15.1.6 - Le livre scellé

15.2 - La conclusion des visions prophétiques de Daniel (v. 5-13)

15.2.1 - La vision de deux anges au bord du Tigre

15.2.2 - Repos et bénédiction pour Daniel


1 - Préface

Ce livre est présenté au lecteur chrétien avec le désir de contribuer à faire connaître la vérité concernant les dispensations. Il ne prétend pas être davantage qu’une introduction simple et concise à l’étude du contenu du livre de Daniel ; le lecteur y trouvera néanmoins suffisamment de détails pour pouvoir, avec le secours et sous la direction du Saint Esprit, comprendre le caractère des « temps des nations » dont cette portion du livre inspiré s’occupe spécialement. Des symptômes de la période annoncée par notre Seigneur se discernent déjà : « les hommes rendant l’âme de peur dans l’attente de ce qui va atteindre la terre habitée » (Luc 21:26). Il est par conséquent de toute importance de comprendre la nature des derniers jours et le cours des événements jusqu’à l’apparition de Christ, tels qu’ils sont révélés dans la Parole infaillible de Dieu. De plus la connaissance des propos que Dieu a formés pour la bénédiction de son peuple terrestre tend à rehausser l’appréciation de l’appel céleste et du caractère du christianisme. Lorsque le cœur est délivré de lui-même parce que Christ le satisfait, le Saint Esprit peut l’introduire dans tout le cercle des intérêts de Dieu, que ce soit à l’égard de l’Église, de son peuple terrestre ou du monde. Qu’il veuille enseigner tant le lecteur que celui qui écrit à maintenir dans leurs relations propres toutes les vérités qu’Il a révélées, et les rendre vivantes dans l’âme.


2 - Introduction

Avant de considérer le contenu de ce livre, il est nécessaire d’attirer brièvement l’attention sur son caractère particulier. Dès le début, il est mentionné que Nebucadnetsar avait assiégé Jérusalem et que le Seigneur avait livré en sa main Jéhoïakim, roi de Juda, et une partie des ustensiles de la maison de Dieu ; puis nous lisons que d’entre les fils d’Israël, et de la semence royale et d’entre les nobles, certains étaient maintenant captifs à Babylone. Ces faits, s’ils sont bien saisis, nous donnent la signification de tout le livre. Jusque-là, le trône de Dieu avait été à Jérusalem ; il demeurait entre les chérubins, et Israël — nous parlons de la nation selon le propos de Dieu — était donc le centre des voies de Dieu dans le gouvernement de toute la terre (voir Deut. 32:7-9). Israël, comme ce même passage nous l’enseigne, occupait une position privilégiée et bénie toute spéciale, « car la portion de l’Éternel, c’est son peuple ; Jacob est le lot de son héritage ». Du fait de sa position bénie et de ses privilèges, la nation avait des responsabilités particulières. Ce principe est annoncé par le prophète : « Je vous ai connus, vous seuls, de toutes les familles de la terre ; c’est pourquoi je visiterai sur vous toutes vos iniquités » (Amos 3:2). Leur responsabilité était en proportion de la lumière qu’ils avaient reçue, et parce qu’ils étaient le peuple de l’Éternel ; car comme tels, ils étaient ses témoins (Es. 43:8-13), et Jérusalem était son chandelier au milieu des nations.

Quand donc Israël fut dans un état pire que les nations qui l’environnaient et que le roi de Juda eut fait errer les habitants de Jérusalem, en les induisant à faire le mal plus que les nations (2 Chr. 33:9), l’Éternel, après avoir donné de nombreux avertissements et exercé sa longue patience (2 Chr. 36:14-20), exécuta, par la main de Nebucadnetsar, le jugement dont il avait menacé : « ils brûlèrent la maison de Dieu, et abattirent la muraille de Jérusalem, et brûlèrent par le feu tous ses palais ; et tous ses objets désirables furent livrés à la destruction. Et il transporta à Babylone le reste échappé à l’épée » (2 Chr. 36:19-20). Le gouvernement de la terre fut à partir de ce moment-là confié au roi de Babylone (voir Dan. 2:37, 38), et c’est au sein de ce nouvel état de choses que Daniel et ses compagnons sont vus dans le premier chapitre de notre prophète, tels un résidu fidèle, une semence préservée par Dieu.

Cette position douloureuse du résidu à Babylone, soumis à la puissance et à la domination des nations, fournit la clé de l’interprétation de ce livre. Les diverses visions données aux rois concernent les puissances gentiles elles-mêmes, dans leur succession et dans ce qui pourrait être appelé leurs « phases morales », allant jusqu’à l’apostasie complète. Les révélations faites au prophète traitent du même sujet, mais elles vont jusqu’à la fin de l’accomplissement des conseils de Dieu à l’égard de son peuple bien-aimé. Le « pays désirable » devient finalement le centre autour duquel convergent toutes les activités et les desseins des nations ; et le rideau est levé sur l’avenir de la nation élue : un temps de détresse telle qu’il n’en avait jamais existé (12:1) à cause de ses péchés et de ses iniquités, et surtout à cause du péché capital qu’elle a commis en rejetant le Messie. Et cela jusqu’à la jouissance de sa bénédiction assignée selon les pensées de Dieu.

Nous verrons tout cela plus distinctement au cours de notre étude ; mais on peut indiquer d’emblée que le livre est divisé en deux parties égales — les chapitres 1à 6 formant la première, et les chapitres 7 à 12, la seconde.


3 - Plan et bref résumé du livre de Daniel

3.1 - Ch. 1: Un résidu fidèle à Babylone

Daniel et ses compagnons paraissent sur la scène comme ayant la pensée de Dieu et comme Lui étant fidèles au milieu de toute la séduction et de toute l’opposition qui les entourent.


3.2 - Ch. 2 à 6: Le temps des nations et leurs caractères moraux

Cette partie comprend exclusivement les visions et les actes des monarques gentils et de leurs activités subordonnées.

Daniel, comme Joseph en Égypte, est d’abord présenté au roi comme étant un « interprétateur de songes » ; et, comme Joseph, il trouve alors faveur de la part du monarque : il est élevé à la position de gouverneur. Daniel, ayant obtenu du roi que Shadrac, Méshac et Abed-Nego soient associés à son élévation, ceux-ci deviennent les objets de l’envie et de l’inimitié des princes du pays. Nous verrons les détails en temps voulu ; mais les deux choses sont entremêlées : le caractère des puissances gentiles et la condition pénible du résidu, puis sa délivrance finale de dessous la domination et les persécutions des Gentils.


3.3 - Ch. 7 à 11: L’histoire prophétique des quatre monarchies

Cette partie du livre contient les visions prophétiques reçues par Daniel et leur interprétation ; elles embrassent le cours des empires, leur caractère et leur destinée après la destruction de Jérusalem par Nebucadnetsar. Leurs voies diverses, particulièrement celles des troisième et quatrième empires, sont décrites en relation avec le « pays de beauté » et le peuple juif ; et de plus nous avons la révélation spéciale faite à Daniel des soixante-dix semaines, comme indiquant la période à la fin de laquelle les propos de Dieu pour son peuple terrestre seront accomplis.

Enfin, dans la longue révélation de l’avenir faite au prophète, les gouvernements des nations font place au « Fils de l’homme » : « On lui donna la domination, et l’honneur, et la royauté, pour que tous les peuples, les peuplades et les langues, le servissent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et son royaume, un royaume qui ne sera pas détruit » (7:14). C’est en relation avec sa venue pour établir son royaume qu’il est dit à Daniel : « En ce temps-là ton peuple sera délivré : quiconque sera trouvé écrit dans le livre » (12:1). Lors de sa première venue, il a été retranché (9:26) et il n’a rien eu ; cependant bien qu’il eût été rejeté et crucifié par son propre peuple, selon les conseils de Dieu, il est mort pour cette nation ; et c’est sur le fondement de ce sacrifice que Dieu, après les avoir dans son juste gouvernement châtiés pour leurs péchés, agira dans l’avenir pour la restauration de son peuple bien-aimé mais coupable. C’est ainsi qu’Ésaïe peut s’écrier : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée ; qu’elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés » (Es. 40:1- 2).


3.4 - Ch. 12: La grande tribulation et la fin du temps des nations

Daniel annonce la grande tribulation juive et la délivrance finale du résidu.

Dans sa vision prophétique, le livre de Daniel va jusque-là, mais pas au-delà. Il faut consulter d’autres prophètes pour voir l’établissement du royaume et sa gloire. En Daniel, comme nous l’avons déjà indiqué, nous avons le cours des puissances gentiles et leur caractère, depuis la destruction de Jérusalem jusqu’à l’apparition de Christ, en parallèle avec la position du résidu et les souffrances du peuple juif sous la domination des Gentils jusqu’à ce qu’enfin Dieu, dans sa fidélité à accomplir ses desseins, intervienne et opère, à sa propre gloire, pour la délivrance et la bénédiction de son peuple terrestre élu. Cela est encore à venir, mais bien que notre appel et notre part soient célestes, et que notre espérance soit la venue du Seigneur pour nous prendre à Lui et nous introduire dans la maison du Père, il est de toute importance que nous comprenions la nature des « temps des nations » et que nous embrassions dans nos pensées tout l’ensemble de ce que à quoi Dieu prend intérêt et qui nous est révélé.


4 - Ch. 1

Quelle que soit la situation sur la terre, Dieu ne se laisse jamais sans témoignage. Il peut punir son peuple à cause de son infidélité et de ses péchés ; il peut aussi permettre qu’il soit emmené en captivité et soumis à l’esclavage sous la puissance de ses ennemis. Pourtant, au sein des ténèbres qui l’entourent, Il rallumera le flambeau de sa vérité, en témoignage à Lui-même et à sa fidélité, et pour l’encouragement de ceux qui, dans leur détresse, s’attachent à Lui ou se tournent vers Lui. Il fera en outre connaître à ceux dont Il s’est servi pour châtier son peuple que celui-ci demeure néanmoins l’objet de ses soins et de son amour. Il montrera que les oppresseurs, malgré leur élévation et leur puissance apparentes, lui sont soumis et doivent lui rendre compte.


4.1 - Première phase de la déportation de Juda à Babylone (v. 1-3)

Les trois premiers versets expliquent comment Daniel et ses compagnons se sont trouvés en contact avec la cour du roi de Babylone. Il s’agit, ainsi qu’il ressort clairement des récits historiques de 2 Rois et 2 Chroniques, du premier siège de Jérusalem par Nebucadnetsar. Dans les Chroniques, après la mention de l’accession de Jéhoïakim au trône grâce à l’intervention de Neco, roi d’Égypte, il est dit : « Nebucadnetsar, roi de Babylone, monta contre lui, et le lia avec des chaînes d’airain pour le conduire à Babylone. Et Nebucadnetsar emporta à Babylone une partie des ustensiles de la maison de l’Éternel, et les mit dans son temple à Babylone » (2 Chr. 36:6, 7). Mais ni dans ce passage ni dans les Rois nous ne voyons qu’il y ait eu d’autres captifs à cette époque ; et il est tout à fait possible que la courte déclaration d’introduction de notre chapitre embrasse dans sa portée les agissements suivants du roi de Babylone jusqu’à la destruction de Jérusalem et la transportation à Babylone de tous les chefs et de tous les hommes forts et vaillants, avec la masse du peuple (voir 2 Rois 24:12-16 ; 25:1-21).

C’est donc la situation générale qui est donnée ici. L’Éternel avait livré Jéhoïakim en la main de Nebucadnetsar et Il avait si complètement abandonné sa maison à Jérusalem qu’Il avait permis que les saints ustensiles du temple, profanés comme ils l’avaient été par les péchés des rois de Juda, fussent emmenés dans le pays de Shinhar (Babylone), dans la maison du dieu de Nebucadnetsar. Le chandelier de Dieu à Jérusalem était ainsi enlevé pour le moment ; et il était enlevé judiciairement parce qu’il avait cessé de répandre la lumière divine pour diriger et bénir les siens au milieu des ténèbres morales de ce monde.


4.2 - Les quatre jeunes Hébreux (v. 3-7)

Dans ce paragraphe est introduit le résidu, ou ce qui le représente. Ezéchias avait reçu l’ambassade du roi de Babylone et, flatté par l’attention qui lui était ainsi manifestée, il leur avait montré tous les trésors de son royaume (Es. 39:1-2). Alors Ésaïe lui avait été envoyé avec ce message : « Ecoute la parole de l’Éternel des armées : Voici, des jours viennent où tout ce qui est dans ta maison, et ce que tes pères ont amassé jusqu’à ce jour, sera porté à Babylone… et on prendra de tes fils, qui sortiront de toi, que tu auras engendrés, et ils seront eunuques dans le palais du roi de Babylone » (v. 5-7). Les versets d’introduction de notre chapitre montrent l’accomplissement de la prédiction d’Ésaïe. Mais ce que nous désirons souligner c’est que, dans l’accomplissement de sa propre parole en jugement, Dieu s’est souvenu de la miséricorde, car c’est précisément d’entre ces descendants d’Ezéchias qu’il a suscité des témoins pour Lui-même au milieu de la corruption idolâtre de Babylone.

En permettant à Nebucadnetsar de les emmener captifs, Dieu accomplissait son propre dessein, tandis que Nebucadnetsar, ayant obtenu pouvoir sur eux, a voulu s’en servir à sa volonté. Il en est aussitôt résulté un conflit entre les pensées de Dieu et celles du roi de Babylone. Nebucadnetsar voulait orner son palais de ceux de ses captifs « en qui il n’y eût aucun défaut, et beaux de visage, et instruits en toute sagesse, et possédant des connaissances, et entendus en science, et qui fussent capables de se tenir dans le palais du roi » et il commanda qu’on leur enseignât « les lettres et la langue des Chaldéens » (v. 4). Le monde est tout disposé à faire des enfants de Dieu ses serviteurs, et à profiter de leurs connaissances ; mais il ne peut pas tolérer qu’ils restent fidèles à leur Dieu dans l’obéissance à sa Parole et dans une sainte séparation du mal. Le roi voulait donc que ces captifs soient nourris de ses propres mets et qu’ils boivent de son vin, pour les élever pendant trois ans, à la fin desquels ils se tiendraient devant lui (v. 5). Il voulait, en un mot, qu’ils cessent d’être Juifs et deviennent Chaldéens, et qu’ils mélangent la lumière qu’ils avaient reçue par les oracles de Dieu à cette nouvelle religion. Voilà l’origine de la philosophie qui devait être celle de l’époque chrétienne et contre laquelle Paul nous met sérieusement en garde comme étant « selon les principes du monde, et non selon Christ » (Col. 2:8).

C’est en relation avec ce commandement de Nebucadnetsar que Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria sont placés devant nous (v. 6). Leurs noms mêmes, pour ceux qui les comprenaient, proclamaient à qui ils appartenaient et le caractère de leur Dieu. Daniel signifie « juge de Dieu ; Hanania, « que l’Éternel a donné ; Mishaël, « qui (est) comme Dieu ; et Azaria, « que l’Éternel aide ». Le prince des eunuques, sentant instinctivement que de tels noms ne pouvaient convenir à la cour de son maître, leur en donna d’autres, tous plus ou moins en rapport avec les idoles de Babylone (v. 7).


4.3 - L’épreuve de la foi (v. 8-16)

La question qui se posait maintenant pour Daniel et ses compagnons était de savoir si, pour s’attirer les faveurs du monde et obtenir de l’avancement, ils allaient se soumettre au commandement du roi. La réponse était déjà donnée : « Daniel arrêta dans son cœur qu’il ne se souillerait point par les mets délicats du roi et par le vin qu’il buvait ; et il demanda au prince des eunuques de lui permettre de ne pas se souiller » (v. 8). En tant que Juif soumis à la parole de Dieu, il était impossible à Daniel de manger la nourriture des Gentils. Un Juif ne pouvait consommer que des bêtes et des oiseaux purs et encore en s’abstenant de leur graisse et de leur sang (voir Lév. 7:22-27 ; 11:22). À moins donc d’être prêts à renier leur roi et à renoncer à la parole de leur Dieu, Daniel et ses compagnons ne pouvaient accepter les mets royaux. Et il y a une autre instruction, si nous en faisons une application à nous-mêmes : la nourriture du monde, celle en laquelle l’homme, éloigné de Dieu, puise sa force et sa subsistance, est toujours destructive pour la vie spirituelle du chrétien ; s’il veut être un vrai nazaréen et marcher dans un chemin de sainte séparation pour Dieu, il doit toujours se détourner du vin, symbole des joies du monde. Ainsi l’apôtre écrit : « Ne vous enivrez pas de vin : c’est une voie de débauche ; mais soyez remplis de l’Esprit » (Éph. 5:18). Nous avons donc, dans l’attitude de Daniel, un exemple pour tous les croyants : plus ils le suivront, plus ils jouiront consciemment de la faveur et de la bénédiction de Dieu ; et étant moralement morts aux choses d’ici-bas, ils réaliseront d’autant plus pleinement leur vraie position en Christ, là où il est.

Nous lisons ensuite, en explication de ce qui suit, que « Dieu fit trouver à Daniel faveur et grâce auprès du prince des eunuques » (v. 9). Cela nous rappelle le cas similaire de Joseph. Vendu en Égypte et habitant chez Potiphar, il « trouva grâce » aux yeux de son maître. Mais refusant, comme Daniel, les mets et le vin du monde il fut, à l’opposé de Daniel, jeté en prison où l’Éternel lui fit aussi trouver « grâce aux yeux du chef de la tour » (Gen. 39:21). « Quand les voies d’un homme plaisent à l’Éternel, il met ses ennemis mêmes en paix avec lui » (Prov. 16:7). C’est ainsi que le prince des eunuques, malgré la crainte qu’il avait du roi son seigneur et même au risque de sa vie, accorda par l’intermédiaire de l’intendant la requête de Daniel : lui et ses compagnons seraient mis à l’épreuve dix jours, avec des légumes à manger et de l’eau à boire, au lieu des mets délicats et du vin du roi. Dieu était avec Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria, et ainsi il se trouva que, au bout des dix jours, « leurs visages avaient meilleure apparence et étaient plus gras que ceux de tous les jeunes gens qui mangeaient les mets délicats du roi » (v. 15). Dieu avait soutenu et fait prospérer ses serviteurs dans leur chemin de fidélité à sa volonté, en les gardant purs au milieu des séductions et de la corruption qui les entouraient à Babylone. Même l’intendant ne pouvait nier que leur régime simple les avait fait prospérer, et dès lors il leur donna des légumes.

Qu’on me permette la réflexion suivante : il y a bien des enfants de Dieu qui peuvent marcher fidèlement dans le sentier étroit de disciple tant qu’ils jouissent de la communion des saints et qu’ils sont entourés d’influences spirituelles heureuses. Mais on voit parfois que, lorsqu’ils sont transportés dans un cercle mondain, ils sont enclins à se conformer aux pratiques et aux coutumes de la nouvelle société dans laquelle ils se trouvent et à perdre ainsi ce qui les caractérisait dans leur marche, si même leur témoignage ne s’éteint pas tout à fait.

Il est alors très rafraîchissant et encourageant de considérer le spectacle offert par ces quatre descendants de Juda. Privés de tous les privilèges rattachés au temple — celui-ci étant détruit -, eux-mêmes captifs à la merci d’un monarque païen, pressés aussi par toutes sortes de tentations attrayantes, ils maintiennent une place de nazaréens, de vraie séparation par obéissance à la parole de Dieu. Sans doute, c’étaient la foi et l’énergie de Daniel qui agirent sur ses compagnons et les conduisirent à le suivre dans le chemin de la volonté de Dieu ; mais même ainsi, ils avaient le désir de le suivre. Et tous les quatre donnent une preuve frappante de la toute-suffisance de la grâce de Dieu pour soutenir ses serviteurs dans les circonstances les moins favorables qu’on puisse imaginer.


4.4 - En témoignage devant le monde (v. 17-21)

La Parole ajoute, significativement : « Et à ces jeunes gens, aux quatre, Dieu donna de la science et de l’instruction dans toutes les lettres et dans toute la sagesse ; et Daniel avait de l’intelligence en toute vision et dans les songes » (v. 17). « Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent, pour leur faire connaître son alliance » (Ps. 25:14). Ce principe demeure ; et on le retrouve dans toutes les dispensations. C’est Dieu lui-même qui l’a posé en premier, dans les paroles bien connues : « Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire ?… Car je le connais, et je sais qu’il commandera à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de l’Éternel, pour pratiquer ce qui est juste et droit, afin que l’Éternel fasse venir sur Abraham ce qu’il a dit à son égard » (Gen. 18:17-19). Il apparaît aussi dans la prière de l’apôtre Paul pour les Colossiens : « Que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle » (Col. 1:9). En d’autres termes, il est absolument clair que Dieu a donné à ces quatre jeunes gens de la science et de l’instruction dans toutes les lettres et dans toute la sagesse, à cause de leur séparation de cœur et dans leur vie du mal qui les entourait. Il reste toujours vrai que plus nous nous tenons pratiquement près du Seigneur, plus Il nous communiquera sa pensée. Et remarquez qu’il ne s’agit pas seulement de ce qui est généralement compris comme étant « Sa pensée », mais c’est en toute instruction et sagesse. Les étudiants chrétiens des temps modernes se laissent trop souvent égarer par la pensée que pour acquérir l’instruction et la sagesse humaines, ils doivent avant tout compter sur leur travail et sur leurs propres forces. Il en résulte que leurs années d’études sont souvent marquées par un déclin spirituel, quand ce n’est pas un abandon ouvert. L’exemple des quatre jeunes gens donne une leçon bien différente.

À la fin du verset, Daniel est distingué de ses compagnons ; car il nous est dit, sans doute en vue de son œuvre et de sa mission spéciales, qu’il « avait de l’intelligence en toute vision et dans les songes ». Nous apprenons par là aussi, qu’au travers de toutes les circonstances et les expériences par lesquelles Dieu fait passer les siens, Il les forme comme des vases pour son service. À vue humaine, c’était une calamité qui s’était abattue sur Daniel ; du côté de Dieu, comme cela est clairement révélé, cette calamité apparente n’était que le moyen qu’Il avait choisi pour former Daniel en vue de sa mission : porter Son témoignage dans la cour du puissant monarque gentil, Son témoignage concernant les puissances qu’Il avait suscitées pour remplacer son propre gouvernement direct de la terre par Israël et par Jérusalem, comme le lieu de son habitation et de son trône. Cependant, seule la foi peut s’élever au-dessus de toutes les causes secondaires, mettre tout en rapport avec la main de Dieu, et en même temps se reposer paisiblement sur Lui, dans l’assurance que sa sagesse et son amour sont infinis et que l’aboutissement de tous les événements sera selon sa propre volonté toujours parfaite.

Les trois versets suivants (18-20) donnent le résultat, devant le roi, de l’éducation à laquelle avaient été soumis les quatre jeunes gens, ainsi que les autres sélectionnés. Tous furent amenés dans la présence royale et Nebucadnetsar examina lui-même les étudiants de son collège : il « parla avec eux, et entre eux tous il n’en fut trouvé aucun comme Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria ; et ils se tinrent devant le roi. Et dans toutes les choses qui réclamaient de la sagesse et de l’intelligence, au sujet desquelles le roi les interrogea, il les trouva dix fois supérieurs à tous les devins et enchanteurs qui étaient dans tout son royaume » (v. 19-20). Ils auraient ainsi tous pu adopter le langage du psalmiste : « Tes commandements m’ont rendu plus sage que mes ennemis, car ils sont toujours avec moi. J’ai plus d’intelligence que tous ceux qui m’enseignent, parce que je médite tes préceptes. J’ai plus de sens que les anciens, parce que j’observe tes préceptes » (Ps. 119:98-100). Puisse cette leçon être prise à cœur par tous les jeunes croyants d’aujourd’hui !

Le chapitre se termine par la remarque que « Daniel fut là jusqu’à la première année du roi Cyrus ». Il vécut assez longtemps pour voir la chute de l’empire colossal sur lequel régna Nebucadnetsar ; il servit sous Darius le Mède, et fut témoin de l’avènement de Cyrus au sujet duquel Ésaïe avait prophétisé plus de cent-cinquante ans auparavant (voir Es. 44:28 ; 45:1-3 ; etc.) comme celui qui serait l’instrument de la restauration de Jérusalem et du temple. On remarquera toutefois que ce dernier verset n’est que la constatation générale du fait que Daniel vécut pour voir l’accession au trône de Cyrus ; au chapitre 10 (v. 1), nous voyons qu’il reçut des révélations spéciales de Dieu « la troisième année de Cyrus, roi de Perse ». Il n’est pas dit combien d’années il vécut après cette date ; mais celle qui est indiquée montre clairement qu’il atteignit un âge avancé.


5 - Ch. 2

Le sujet de la première partie de ce livre commence de fait avec ce chapitre. Le premier est une introduction donnant, pour ainsi dire, la situation et présentant les différents acteurs des événements qui vont suivre, ainsi que leurs positions relatives, tandis que derrière tout cela Dieu est clairement révélé comme accomplissant toutes choses selon le conseil de sa volonté. Quelque puissant que l’homme puisse paraître, comme par exemple Nebucadnetsar dans sa domination, souvenons-nous que Dieu n’abandonne jamais les rênes du gouvernement. Il peut contrôler directement ou indirectement, mais Il n’en contrôle pas moins les événements les plus petits comme les plus grands qui surviennent sur la terre.


5.1 - La vision du roi Nebucadnetsar (v. 1-16)

Ce ne fut nullement par hasard que Nebucadnetsar « songea des songes » en la seconde année de son règne ; « son esprit fut agité, et son sommeil le quitta » (v. 1). Rappelons que la même chose était arrivée au Pharaon et qu’elle avait servi à introduire Joseph devant le roi pour le secourir. Cela avait été le moyen dans la main de Dieu de l’établir gouverneur sur tout le pays d’Égypte. Il devint ainsi un type, et non le moindre, du rejet et de l’exaltation de Christ dans sa gloire terrestre. De même, les songes de Nebucadnetsar ont été l’occasion de l’introduction de Daniel devant le roi et de son élévation comme gouverneur sur toute la province de Babylone.

Mais l’homme doit généralement être amené au bout de ses propres ressources avant de consentir à se tourner vers Dieu pour obtenir aide et direction. Le roi avait déjà constaté par lui-même que dans toutes les choses qui réclamaient de la sagesse et de l’intelligence, les quatre jeunes gens étaient dix fois supérieurs à tous les devins et enchanteurs qui étaient dans tout son royaume. Pourtant, dans sa perplexité, il ne se tourne pas vers eux pour trouver aide et conseil. Nous lisons en effet que « le roi commanda d’appeler les devins, et les enchanteurs, et les magiciens, et les Chaldéens, pour exposer au roi ses songes ; et ils vinrent et se tinrent devant le roi » (v. 2). Tous les sages de son royaume, des hommes ayant des connaissances et de l’expérience, tous les philosophes et hommes de science de l’époque, furent ainsi assemblés pour entendre le commandement de Nebucadnetsar. On éprouverait de la pitié à voir ces sages soumis à une telle épreuve si l’on ne se souvenait pas que les maîtres en sciences occultes de cette époque prétendaient pouvoir révéler les secrets et pénétrer dans des régions cachées aux yeux des mortels. Or, toute l’affaire était voulue de Dieu pour réduire à néant, devant ce monarque absolu, la sagesse des sages, pour les prendre à leur propre ruse et pour jeter le mépris sur tout l’orgueil de l’homme. Ils répondirent : « Dis le songe à tes serviteurs, et nous en indiquerons l’interprétation » (v. 4).

Il était relativement facile de donner une interprétation qui, si elle concernait des événements futurs, ne serait peut-être pas mise en question, car jusqu’au moment de sa réalisation, personne ne pourrait dire si elle était vraie ou fausse. Le propos de Dieu, d’exposer la vanité de la perspicacité et de la science auxquelles ils prétendaient, n’aurait alors pas été accompli. Le roi ne voulut pas se laisser convaincre par leur réponse. Après avoir été pressés tour à tour par des promesses de récompenses et par des menaces, ils furent amenés à confesser : « Il n’existe pas un homme sur la terre qui puisse indiquer la chose que le roi demande ; c’est pourquoi aucun roi, quelque grand et puissant qu’il fût, n’a demandé chose pareille d’aucun devin, ou enchanteur, ou Chaldéen ; et la chose que le roi demande est difficile, et il n’existe personne qui puisse l’indiquer devant le roi, excepté les dieux, dont la demeure n’est pas avec la chair » (v. 10- 11).

Le cas était ainsi tranché, et les sages eux-mêmes furent contraints d’avouer, en termes non équivoques, leur incapacité à révéler le secret du roi, et de déclarer en même temps que la connaissance requise d’eux était absolument en dehors du domaine de l’homme ; seuls « les dieux » la possédaient. Venant de l’homme, la réponse n’était pas si déraisonnable ; mais Nebucadnetsar, en monarque absolu et impérieux, ne pouvait tolérer que ses désirs ne soient pas réalisés. Dans sa fureur, il commanda de détruire tous les sages de Babylone. « Un décret fut promulgué portant que les sages fussent tués ; et on chercha Daniel et ses compagnons, pour les tuer » (v. 13).

L’extrémité de l’homme est l’occasion pour Dieu de montrer sa puissance. Daniel n’avait pas été convoqué devant le roi avec les astrologues ; mais étant compté au nombre des sages dans l’opinion publique, il était soumis au décret du roi. Il fut ainsi mis en contact avec l’officier chargé de son exécution. C’était le propos de Dieu d’amener son témoin, Daniel, devant Nebucadnetsar. L’agitation de l’esprit du roi par son songe, ainsi que sa colère face à l’incapacité de ses sages de le lui révéler, n’étaient que des moyens pour accomplir ce propos.

En apprenant par Arioc la cause de la colère du roi et du décret qui avait été promulgué, « Daniel entra et demanda au roi de lui accorder du temps pour indiquer au roi l’interprétation » (v. 16). On peut se demander ce qui amenait Daniel à supposer que ce secret lui serait communiqué ? La réponse est simple : sa confiance était en Dieu. Il savait que Sa gloire était engagée dans cette affaire, ainsi que la sécurité de ceux qui, par sa grâce, avaient maintenu leur foi et leur espérance en Lui au milieu de toutes les séductions de la cour de Babylone. Le Dieu des cieux ne manquerait donc pas d’intervenir en leur faveur à l’heure du danger. C’était certes un moment crucial — un moment où toute la sagesse du monde avait confessé son échec. Si donc Daniel pouvait révéler le secret du roi, Dieu serait publiquement magnifié devant tout le royaume.


5.2 - La prière de Daniel (v. 17-23)

Daniel s’en alla dans sa maison et « fit connaître la chose à Hanania, Mishaël et Azaria, ses compagnons, pour implorer, de la part du Dieu des cieux, ses compassions au sujet de ce secret, afin que Daniel et ses compagnons ne fussent pas détruits avec le reste des sages de Babylone » (v. 17-18). Comptant sur Dieu, Daniel associait ses compagnons à ses supplications. C’est un des rares exemples de prière en commun rapporté dans l’Ancien Testament. Le fait que ces enfants de la captivité y eurent recours, nous découvre le secret de leur marche dans la sainteté et la séparation. La dépendance de Dieu dans le secret est la clé de toute puissance dans la vie et dans le témoignage. Elle est aussi la clé du courage en présence de l’homme et de la puissance de Satan. Admirons ces quatre jeunes gens, sur leurs genoux devant le Dieu des cieux en un tel moment. Ils n’étaient que des étrangers dans un pays étranger, expatriés à cause des péchés de leur nation, condamnés maintenant à une mort rapide, à moins que le songe oublié ne pût être retrouvé et interprété. Mais ils savaient à qui ils avaient affaire : Celui qui, dans leurs Ecritures, avait dit : « Invoque-moi au jour de la détresse : je te délivrerai, et tu me glorifieras » (Ps. 50:15) ; aussi l’implorèrent-ils « au sujet de ce secret ». Et leur confiance ne fut pas vaine : Dieu entendit leur cri et le secret fut révélé à Daniel dans une vision de la nuit (v. 19).

On remarquera qu’ils implorent le Dieu des cieux. En Israël, Il était connu comme le Seigneur de toute la terre (Ex. 8:22 ; Jos. 3:11 ; 2 Rois 5:15), car de fait Il demeurait et avait son trône au milieu de son peuple. Mais maintenant, il en était autrement ; car il avait ôté son trône de Jérusalem et confié la direction souveraine de la terre à Nebucadnetsar (v. 37-38) ; aussi était-ce dans une vraie connaissance de leur position propre en relation avec Dieu que les quatre jeunes gens s’adressèrent à Lui comme au Dieu des cieux. Le temps vient où une fois encore Il reprendra le titre de Dieu de la terre et ce sont ses droits comme tel qui formeront le sujet du témoignage des deux témoins dans le livre de l’Apocalypse (Apoc. 11:3-4).

Daniel eut le cœur rempli de reconnaissance pour la révélation qui lui fut faite du secret du roi. Le caractère de sa piété, l’état de son âme, sont manifestés en ce qu’il se tourna immédiatement vers Dieu dans la reconnaissance et la louange. Lorsque des bénédictions sont communiquées, il y a souvent la tendance à en jouir immédiatement plutôt que de les faire remonter, comme Daniel le fit, au cœur de Dieu. Au verset 19, nous avons la constatation générale qu’il bénit Dieu, puis dans les versets 20 à 23, nous trouvons les termes exacts dans lesquels il exprima sa reconnaissance. Il bénit d’abord le nom de Dieu. Il désire que la louange qu’il offre soit éternelle, « d’éternité en éternité », comme étant due à Celui qui s’était plu à se révéler à son peuple. Il donne ensuite une raison : « la sagesse et la puissance sont à lui ». Déclaration simple, mais combien profonde ! Si la sagesse et la puissance sont à Dieu (comp. Apoc. 5:12), elles ne se trouvent nulle part ailleurs ; il est donc vain de les y chercher. Puis il attribue à Dieu la souveraineté universelle. « C’est lui qui change les temps et les saisons, qui dépose les rois et établit les rois » (v. 21). Les puissants de la terre peuvent prétendre exercer le pouvoir absolu ; les hommes, par la force des armes ou même par des mouvements politiques, peuvent déposer des monarques et établir des gouvernements ; mais ni la puissance ni la sagesse ne sont à eux — ils ne sont que des instruments aveugles de la volonté divine.

Une fois que nous reconnaissons la souveraineté de Dieu comme Daniel -quel que soit le caractère des temps dans lesquels nous vivons ou l’aspect menaçant des affaires publiques -, nous pouvons nous reposer dans une paix parfaite. Nous savons, comme Nebucadnetsar dut le confesser, que Dieu « agit selon son bon plaisir dans l’armée des cieux et parmi les habitants de la terre » (4:35). Plus encore, Daniel dit qu’Il « donne la sagesse aux sages et la connaissance à ceux qui connaissent l’intelligence ». Ce principe, qu’il faut un certain état d’âme pour recevoir de Dieu, est affirmé partout. Ainsi l’apôtre priait que les Colossiens soient remplis de la connaissance de la volonté de Dieu, en toute sagesse et intelligence spirituelle (Col. 1:9). De même, nous apprenons par ces paroles de Daniel, qu’être sage selon les pensées de Dieu – « la crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse » (Ps. 111:10) — est la condition pour recevoir la sagesse. « À celui qui a, il sera donné » (Matt. 13:12) ; c’est ce que Daniel confesse : « C’est Lui qui révèle les choses profondes et secrètes ; Il sait ce qui est dans les ténèbres, et la lumière demeure auprès de Lui » (v. 22). Il est un Dieu omniscient (Ps. 139) ; « tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous avons affaire » (Héb. 4:13).

Après avoir célébré Dieu pour ce qu’Il est, dans sa sagesse, sa puissance et sa souveraineté, Daniel exprime sa reconnaissance pour la grâce particulière dont il avait été l’objet. Et pour cela, il passe de l’appellation « Dieu des cieux » au titre plus intime de « Dieu de mes pères » ; le Dieu que ses pères avaient connu et qui les avait secourus dans toutes leurs détresses, est Celui qui était apparu en sa faveur ; aussi il Le célèbre et Le loue comme étant Celui qui lui avait maintenant donné « sagesse et puissance ». Il est enfin très beau de souligner comment il s’associe ses compagnons : « Tu m’as fait connaître ce que nous t’avons demandé, nous ayant fait connaître la chose que réclame le roi » (v. 23). Ils avaient cherché ensemble l’aide de leur Dieu ; Daniel, dans une pleine identification avec ses frères, reconnaît que la réponse qu’ils avaient reçue était la réponse de Dieu à leur cri commun.


5.3 - « Un Dieu …qui révèle les secrets » (v. 24-30)

Aussitôt, « Daniel entra auprès d’Arioc, que le roi avait établi pour détruire les sages de Babylone ; il alla, et lui parla ainsi : Ne détruis pas les sages de Babylone ; conduis-moi devant le roi, et j’indiquerai au roi l’interprétation » (v. 24). Arioc accède « en hâte » à la requête de Daniel et « le roi répondit et dit à Daniel, dont le nom était Belteshatsar : Peux-tu me faire connaître le songe que j’ai vu et son interprétation ? » (v. 25). La réponse de Daniel se divise en trois parties ; d’abord l’explication de la source et de l’objet de la révélation du secret, puis le songe lui-même, et enfin son interprétation.

Daniel commence donc, en communion évidente avec la pensée de Dieu, par déclarer l’impuissance de la sagesse humaine, en accord avec les paroles d’un autre prophète : « Je détruirai la sagesse des sages et j’annulerai l’intelligence des intelligents » (Es. 29:14 ; 1 Cor. 1:19). Conduit par le Saint Esprit, Daniel inscrit ainsi la sentence de mort sur la sagesse du monde ; puis il continue en déclarant la source de la vision : « Il y a un Dieu dans les cieux qui révèle les secrets » (v. 28). C’était le Dieu de Daniel qui se plaît à l’exalter en présence de ce roi absolu et idolâtre. Il annonce ensuite l’objet du songe à l’égard de Nebucadnetsar ; c’était pour lui donner à connaître ce qui arrivera à la fin des jours (v. 29). Enfin il rejette tout mérite de sa part ; il n’était qu’un instrument. Dieu, en révélant le songe, avait en vue son peuple, le résidu fidèle auquel Daniel appartenait. Il voulait aussi que le roi connaisse les pensées de son cœur. Daniel se maintenait ainsi à l’arrière-plan — signe certain qu’il était normalement prêt à rendre témoignage pour Dieu. Plus nous sommes près de Dieu, plus nous nous perdons nous-mêmes de vue, et mieux nous sommes en mesure de comprendre et de communiquer Sa pensée.


5.4 - La vision de la statue et son interprétation (v. 31-45)

Après avoir expliqué au roi la source et l’objet de la révélation de son secret, Daniel se mit à rappeler le songe et à en donner l’interprétation. Le langage dont il se servit pour décrire le songe était à la fois simple et élevé. « Toi, ô roi, tu voyais, et voici une grande statue : cette statue était grande, et sa splendeur, extraordinaire ; elle se tint devant toi, et son aspect était terrible » (v. 31). Nous verrons les détails en considérant l’interprétation ; mais on peut remarquer d’emblée que si la statue représente le temps des Gentils, depuis les jours de Nebucadnetsar jusqu’à l’établissement du royaume de Christ, c’est néanmoins une seule statue et la statue d’un homme. Comme un autre l’a remarqué d’une manière frappante, c’est ainsi une représentation de « l’homme qui est de la terre » (voir Ps. 10:18) — l’homme qui est de la terre dans toutes les phases variées de son cœur corrompu et de sa volonté sans frein. L’homme, en fait, n’est jamais complètement connu avant que toute restriction lui soit ôtée et qu’il ait la liberté aussi bien que le désir de satisfaire ses propres convoitises (voir 2 Thes. 2:6-12). La statue, tout en étant une image complète, est néanmoins divisée, quant à son composition, en quatre parties : la tête d’or pur ; la poitrine et les bras d’argent ; le ventre et les cuisses, d’airain ; les jambes, de fer ; les pieds, en partie de fer et en partie d’argile. Il y a donc une détérioration en allant de la tête jusqu’aux pieds, comme l’indique l’emploi figuratif des différents métaux. Finalement la statue fut frappée par une pierre qui « se détacha sans mains » et toutes ses parties furent broyées ensemble, « et ils devinrent comme la balle de l’aire d’été ; et le vent les emporta, et il ne se trouva aucun lieu pour eux ; et la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne qui remplit toute la terre » (v. 34-35).

L’interprétation suit. La tête d’or était Nebucadnetsar (v. 38). De tous les royaumes qui doivent remplir l’intervalle entre la destruction de Jérusalem et la période de l’établissement de la domination éternelle du Fils de l’homme, celui de Babylone est le plus élevé. La raison en est donnée ici. Le royaume de Nebucadnetsar était un don direct de Dieu. Daniel le dit : « Toi, ô roi, tu es le roi des rois, auquel le Dieu des cieux a donné le royaume, la puissance, et la force, et la gloire » (v. 37). Cela ne pouvait être dit d’aucun des trois empires suivants. Ils entrent en scène d’une manière providentielle, comme « autorisés » à le faire par Dieu, pour le gouvernement de la terre et selon ce qu’Il a disposé ; mais leurs chefs respectifs n’étaient en aucun cas les dépositaires directs de la puissance, comme l’était Nebucadnetsar. Il était dans ce sens extérieurement le plus proche de Dieu, et sa responsabilité en était d’autant plus grande !

Le caractère de ce royaume, tel qu’il est décrit par Daniel, était remarquable. Nebucadnetsar était le roi des rois — le monarque suprême, par décret de Dieu, sur tous les rois de la terre. Dieu lui avait donné « le royaume, la puissance, et la force, et la gloire » — autant de termes accentuant la majesté et l’excellence de sa position et de sa domination. Et son autorité n’était pas limitée aux hommes ; car « partout où habitent les fils des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux des cieux, il les a mis entre tes mains et t’a fait dominer sur eux tous » (v. 38). On a parfois comparé la place occupée par Adam comme chef de cette création et celle donnée ici au roi de Babylone, et il a été dit à juste titre : « C’est une domination qui, bien que plus limitée, porte quelques traits de celle d’Adam, différent de celle-ci en ce que les hommes lui sont assujettis ; elle est plus limitée (car la mer n’est pas comprise dans les limites de sa souveraineté). Mais elle s’étend partout où les bêtes des champs et les oiseaux peuvent se trouver ». Si l’on prend ces divers traits en considération, on comprend facilement que Nebucadnetsar soit présenté comme la tête d’or. On remarquera que ce n’est pas seulement Nebucadnetsar personnellement qui est figuré par la tête d’or, car les successeurs de sa propre lignée jusqu’à Belshatsar sont inclus.

Les deux royaumes suivants, désignés par l’argent et l’airain, sont à peine mentionnés dans l’interprétation ; mais dans une autre partie de ce livre, ils sont clairement indiqués comme étant les royaumes médo-perse et grec (8:20- 21). Le quatrième royaume est décrit avec plus de détails. Il n’y a heureusement aucune difficulté à l’identifier et tous ceux qui se sont penchés sur la prophétie s’accordent à voir en lui l’empire de Rome. Les quatre royaumes sont donc : Babylone, la Perse, la Grèce et Rome ; comme nous le verrons, ils doivent couvrir toute la période des temps des nations.

Considérons brièvement les caractères du quatrième royaume tels qu’ils nous sont donnés par Daniel. Il convient d’abord d’indiquer sa durée : il s’étend manifestement jusqu’à l’établissement du royaume de Christ (v. 44) ; pour le comprendre, nous consulterons d’autres passages des Ecritures. Historiquement l’empire romain succède à l’empire grec ; « fort comme le fer », il broya et écrasa tout. Sa puissance à l’époque paraissait irrésistible et il établit sa domination sur la plus grande partie du monde alors connu. Tout cela relève de l’histoire, mais la question se pose : Si cet empire romain doit exister à la veille de l’apparition de Christ, où est-il maintenant et d’où doit-il émerger à nouveau ? C’est dans le livre de l’Apocalypse que nous trouvons la réponse à cette question.

Il n’est que trop évident que la forme extérieure de ce royaume a disparu ; pour les yeux humains, en fait il n’existe plus. Aux yeux de Dieu, il n’est que caché momentanément et attend de resurgir et d’étonner le monde par sa réapparition. Ainsi l’ange dit à Jean, dans son interprétation du « mystère de la femme et de la Bête qui la porte, qui a les sept têtes et les dix cornes… Les sept têtes sont sept montagnes, là où la femme est assise ; ce sont aussi sept rois : cinq sont tombés, l’un est, l’autre n’est pas encore venu et, quand il sera venu, il faut qu’il demeure pour peu de temps. La Bête qui était et qui n’est pas, est elle aussi un huitième, et elle fait partie des sept, et elle s’en va à la perdition » (Apoc. 17:7-11). Et plus précisément encore : « La Bête que tu as vue était, et n’est pas et va monter de l’abîme, puis aller à la perdition ; ceux qui habitent sur la terre, dont les noms ne sont pas écrits dès la fondation du monde dans le livre de vie, s’étonneront, en voyant la Bête, de ce qu’elle était, et n’est pas, et sera présente » (v. 8). Ces passages enseignent deux choses : la « Bête » est considérée comme la continuation de celle qui existait précédemment ; tout en faisant « partie des sept », elle réapparaît après un intervalle de non-existence apparente. Eh bien ! cette « Bête » représente la tête de l’empire romain ressuscité aux derniers jours ; son origine, ses caractéristiques, comme aussi la source de son trône et de son autorité, sont décrites en Apocalypse 13:1-8. Si l’on compare le verset 2 de ce passage avec Daniel 7:3-6, on comprend que cette bête est le successeur des trois royaumes précédents ; comme tel, elle réunit tous leurs traits moraux décrits sous les symboles du léopard, du lion et de l’ours.

Ainsi le quatrième royaume, le royaume qui était au pouvoir lorsque notre Seigneur était ici-bas sur la terre, et par l’autorité duquel, dans la personne de Pilate, Il fut condamné à être crucifié, est celui qui sera une fois rétabli et qui durera jusqu’à ce qu’il soit frappé par la pierre qui se détachera « sans mains ».

Daniel attire l’attention sur une source de faiblesse en ce qui, par ailleurs, était « fort comme le fer » : « Et selon que tu as vu les pieds et les orteils en partie d’argile de potier et en partie de fer, le royaume sera divisé ; et il y aura en lui de la dureté du fer, selon que tu as vu le fer mêlé avec de l’argile grasse ; et quant à ce que les orteils des pieds étaient en partie de fer et en partie d’argile, le royaume sera en partie fort et sera en partie fragile. Et selon que tu as vu le fer mêlé avec de l’argile grasse, ils se mêleront à la semence des hommes, mais ils n’adhéreront pas l’un à l’autre, de même que le fer ne se mêle pas avec l’argile » (v. 41-43). Nous ne voyons aucune raison de mettre en doute l’interprétation très répandue selon laquelle l’argile représente le mélange des formes populaires, « démocratiques », avec le gouvernement absolu, la combinaison de l’absolutisme avec la volonté populaire qui, comme il s’agit d’éléments hétérogènes, ne peut jamais être tout à fait soudée ensemble et doit, dans la tentative même de l’union, devenir une source de faiblesse.

Les dix orteils sont aussi symboliques ; on peut le voir au chapitre 7 ainsi qu’en Apocalypse 17. Mais comme l’explication n’en est pas donnée ici, nous laisserons ce sujet jusqu’à ce que nous arrivions au chapitre 7, nous bornant à remarquer qu’ils suggèrent les dix royaumes qui, fédérés sous une seule tête impériale, constituent la forme finale de l’empire romain.

On comprendra maintenant que cette statue donne une esquisse des diverses formes de la puissance mondiale, depuis les jours de Nebucadnetsar jusqu’au moment où le Seigneur viendra pour établir sa souveraineté sur toute la terre et régner pour toujours. C’est ainsi que le plan de l’histoire de ce monde, jusqu’à la fin, se trouve, découvert, devant les yeux de Dieu. Les hommes peuvent s’agiter, comploter, former et renverser des gouvernements ; ils pensent y parvenir par leur propre puissance et selon leur propre volonté, mais la prophétie enseigne qu’ils ne peuvent agir que dans les limites de la volonté divine pour l’accomplissement du propos de Dieu. Nous voyons en outre que les gouvernements humains, malgré les efforts d’hommes parfois sincères mais abusés, doivent se détériorer jusqu’à ce qu’enfin, comme cela est nettement dit dans l’Apocalypse, Satan soit la source et le soutien de la dernière forme de gouvernement terrestre. Il convient donc lorsque, conduits par l’Esprit de Dieu, nous considérons l’avenir, de chercher à garder, par grâce, une position de séparation en dehors de toutes les alarmes et de toutes les confusions du monde, en attendant le retour du Seigneur.

Nous apprenons ensuite que « dans les jours de ces rois, le Dieu des cieux établira un royaume qui ne sera jamais détruit ; et ce royaume ne passera point à un autre peuple ; il broiera et détruira tous ces royaumes, mais lui, il subsistera à toujours » (v. 44). Comme Daniel le dit expressément, nous avons là l’explication de la pierre qui s’est détachée sans mains de la montagne, a frappé la statue dans ses pieds et les a broyés. L’expression « dans les jours de ces rois » est à relever, spécialement comme faisant suite au verset 43:elle correspond au fait, énoncé formellement ailleurs, que le dernier des quatre royaumes sera subdivisé en dix royaumes. Cela indique aussi le temps où le Dieu des cieux établira un royaume qui, après avoir détruit l’empire romain sous sa dernière forme, se substituera à lui. Ce royaume, établi du haut des cieux, est le royaume de Christ (voir Dan. 7:1-14). Son premier acte sera de broyer la statue, puis, une fois formellement établi en puissance par Christ Lui-même, il s’agrandira jusqu’à ce qu’il remplisse toute la terre ; il n’aura pas de successeur, car il subsistera à toujours.

En concluant son interprétation, Daniel ajouta deux choses. D’abord il répéta que le grand Dieu avait fait connaître au roi ce qui arriverait ci-après. Ensuite, il affirme la certitude tant du songe que de son interprétation. Comme il convenait à un messager divin, il avait confiance en la véracité de son message. C’est précisément en ce point particulier qu’une révélation de Dieu diffère de ce qui vient de l’homme. Tout ce qui est en dehors de la Bible, tout ce qui se permet d’entrer en compétition avec elle et s’offre aux oreilles des hommes, n’est qu’une « mer », une masse informe, d’opinions et de raisonnements. Pour l’âme fatiguée par sa recherche d’un fondement stable sur lequel se reposer en vue de la mort et de l’éternité, combien est bienvenue la base immuable posée pour la foi dans les Ecritures qui sont infaillibles. Le message de Daniel concernait le temps seulement — bien qu’il allât jusqu’à la fin de toutes les voies de Dieu en gouvernement sur la terre. Il pouvait annoncer avec autorité que ce que Dieu avait fait connaître s’accomplirait sûrement.


5.5 - Nebucadnetsar reconnaît Dieu (v. 46-49)

Tout idolâtre qu’il fût, le roi fut contraint de reconnaître la puissance de la Parole. Il « tomba sur sa face et se prosterna devant Daniel, et commanda de lui présenter une offrande et des parfums. Le roi répondit et dit à Daniel : En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et le révélateur des secrets, puisque tu as pu révéler ce secret » (v. 46-47). Il n’y avait pas moyen pour le roi d’échapper à cette conclusion. Lui seul avait eu le songe, et l’ayant eu, lui seul pouvait reconnaître le bien-fondé de la déclaration qu’avait faite Daniel : Dieu était le révélateur des secrets. Aussi, lorsque son secret est révélé, la conclusion que le Dieu de Daniel est au-dessus de tous les dieux s’impose à lui. La confession était en fait remarquable, en ce qu’elle admettait la suprématie de Dieu dans les cieux et sur la terre et aussi son omniscience. Malgré tout, ni la conscience ni le cœur de Nebucadnetsar ne semblent avoir été touchés. Ce n’était que son esprit qui s’inclinait devant l’évidence même des faits, exactement comme pour ceux qui, aux jours de notre Seigneur, crurent en son nom lorsqu’ils virent les miracles qu’il faisait (Jean 2:23). Le fait qu’il rende hommage à Daniel et qu’il commande qu’une offrande lui soit présentée, comme aussi sa conduite dans la suite, en est la preuve ; quand bien même, sur le moment, il proclama en la présence de ses grands la souveraineté du Dieu de Daniel dans les cieux et sur la terre.

Enfin, Nebucadnetsar « éleva Daniel en dignité, et lui fit beaucoup de grands dons, et l’établit gouverneur sur toute la province de Babylone, et grand intendant de tous les sages de Babylone » (v. 48). Comme le Pharaon, le roi sentait qu’un homme « en qui est l’esprit des dieux » (Gen. 41:38) serait une aide précieuse dans le gouvernement ; aussi l’entoura-t-il de grands honneurs. Daniel n’avait ni recherché ni demandé quoi que ce soit pour lui-même ; mais maintenant qu’il était haut placé, il « fit une demande au roi, qui établit Shadrac, Méshac et Abed-Nego sur les services de la province de Babylone. Et Daniel se tenait à la porte du roi » (v. 49).

C’est ainsi que Dieu sauva ses serviteurs alors que la sentence de mort avait été prononcée contre eux. Accomplissant ses propres desseins en témoignage et en bénédiction, Il les amène dans la pleine lumière du jour. Ils étaient de la captivité de Juda ; mais maintenant ils sont appelés à occuper les places les plus en vue à Babylone. Le roi les éleva au-dessus de tous ses courtisans et nobles dans la direction des affaires publiques, tandis que Daniel lui-même était dans une position plus élevée encore, puisqu’il « se tenait à la porte du roi ».


6 - Ch. 3

Au chapitre 2, la statue que Nebucadnetsar avait vue dans ses songes de la nuit préfigurait, selon l’interprétation révélée par Dieu à Daniel, tout le cours des temps des nations. C’est par conséquent un tableau général, mais un tableau si distinct dans ses contours, qu’aucun de ceux qui s’adonnent sérieusement à l’étude du sujet, ne peut se méprendre sur sa portée. Même un lecteur superficiel peut reconnaître le caractère des royaumes qui remplissent l’espace entre la destruction de Jérusalem par Nebucadnetsar et l’apparition de Christ en gloire.

Après cette esquisse générale, notre attention est attirée, par l’Esprit de Dieu, sur ce qu’on peut appeler les traits moraux des puissances des nations, principalement tels qu’ils sont déployés à Babylone. Mais, bien qu’ils soient déjà manifestés là, les nombreuses caractéristiques sont typiques ou représentatives de ce qui sera vu tout au long de la souveraineté des nations. En d’autres termes, il nous est accordé de voir maintenant l’usage que les nations feront de la puissance qui leur a été confiée en responsabilité.


6.1 - La statue d’or et sa dédicace (v. 1-3)

« Nebucadnetsar, le roi, fit une statue d’or ; sa hauteur était de soixante coudées, sa largeur, de six coudées ; il la dressa dans la plaine de Dura, dans la province de Babylone » (v. 1).

Tel est l’homme. Nebucadnetsar avait appris par Daniel, s’il ne le savait pas auparavant, que le Dieu des cieux lui avait donné cette domination universelle, et il avait confessé que le Dieu de Daniel était « le Dieu des dieux et le Seigneur des rois ». Pourtant, il veut se servir de sa puissance absolue pour avoir un dieu à lui, pour affirmer sa propre volonté sur les consciences de ses sujets dans son vaste empire, et usurper ainsi pour lui la place et l’autorité qui appartiennent au Dieu des cieux seul. Il se servait ainsi de la puissance que Dieu lui donnait pour Le renier et se mettre, lui, à la place de Dieu ; ce trait est exprimé plus loin sous une forme encore plus nette.

Une telle conduite serait tout à fait inexplicable si nous ne connaissions pas les motifs subtils qui animent et gouvernent le cœur humain et si nous ne nous souvenions pas que nous avons nous-mêmes souvent employé les bénédictions accordées par Dieu pour notre profit et notre exaltation propres. Certes de puissants mobiles pouvaient bien avoir incité Nebucadnetsar à s’engager dans le chemin décrit dans ce chapitre. Son empire devait être un immense conglomérat, composé d’une multitude de langues (voir v. 4-8) et de religions, tendant toutes, au point de vue politique, à troubler la paix de son royaume. Si donc ses états hétérogènes pouvaient être soudés ensemble par une religion commune, son empire s’en trouverait consolidé et le bien-être de ses sujets augmenté. Quelles qu’aient été ses pensées, voilà la voie qu’il adoptera, et il dresse la splendide statue qui, selon sa décision, servirait de divinité à tous les « peuples, peuplades, et langues » qui étaient soumis à son autorité. On a souvent suggéré que la statue de ses songes a été le modèle de son idole. Il est certes remarquable que l’une suivit l’autre de si près et que, de même que la tête de celle qui symbolisait son propre royaume était d’or, il fit son idole en or. Il peut y avoir eu une relation dans son esprit entre les deux, mais ce qui étonne, comme nous l’avons déjà vu, c’est que les impressions faites sur son esprit par la révélation de son secret et par l’interprétation que Daniel lui donna, aient pu s’effacer si vite ! Nous savons cependant tous combien les sentiments les plus profonds sont passagers là où il n’y a pas une œuvre positive du Saint Esprit dans l’âme.

Une fois la statue dressée, toutes les autorités civiles et tous les grands de son royaume furent convoqués à Babylone pour assister à « la dédicace de la statue que Nebucadnetsar, le roi, avait dressée ». Tous obéirent à l’ordre royal : « Ils se tinrent devant la statue » (v. 3).


6.2 - L’ordre de Nebucadnetsar (v. 4-7)

Un héraut proclama le décret : « Il vous est ordonné, peuples, peuplades, et langues : Aussitôt que vous entendrez le son du cor, de la flûte, de la cithare, de la sambuque, du psaltérion, de la musette, et toute autre espèce de musique, vous vous prosternerez et vous adorerez la statue d’or que Nebucadnetsar, le roi, a dressée ; et quiconque ne se prosternera pas et n’adorera pas, sera jeté à l’heure même au milieu d’une fournaise de feu ardent » (v. 4-6).

Le décret était facile à comprendre : il était simple et bref, et le châtiment était clair. De plus, selon les pensées humaines, les exigences n’étaient pas grandes. Il suffisait de se prosterner devant l’idole du roi à un moment déterminé, et c’était tout. Mais il convient d’examiner d’un peu plus près ce décret. Comme cela a été observé plus haut, c’était l’intrusion de la volonté de l’homme dans le domaine de Dieu. L’obéissance aux autorités établies est un devoir sacré ; mais elle ne peut être rendue que dans le cercle de leur propre autorité légale. Si elles outrepassent ce cercle, comme les chefs à Jérusalem quand ils enjoignirent aux apôtres de ne plus parler ni enseigner au nom de Jésus, il doit leur être dit, comme Pierre et Jean le firent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Act . 5:29). Quelque absolu que fût Nebucadnetsar en tant que monarque, en faisant proclamer son décret, il sortait des limites du domaine qui lui était propre et revendiquait pour lui ce qui était dû à Dieu seul.

Remarquons une autre chose. Le signal pour adorer la statue était le son de toutes sortes d’instruments de musique les plus raffinés dans toutes les provinces du roi. Si les sentiments religieux étaient absents, ils pourraient ainsi être produits par l’harmonie de sons suaves et sensuels. Combien les ruses de Satan sont subtiles ! Nous avons ici le caractère que peut revêtir la musique « religieuse » en faisant appel à la nature, engendrant des émotions naturelles. Or l’action de l’Esprit de Dieu est chose différente, car ceux qui adorent Dieu doivent l’adorer « en esprit et en vérité » (Jean 4:24). Tous ces expédients peuvent servir à tromper les âmes en les amenant à jouir de ce qui est naturel, et en même temps à exclure Dieu et à cacher la vraie condition spirituelle de ceux qui professent adorer.


6.3 - Fidèles à leur Dieu (v. 8-15)

Il y eut pratiquement une réponse unanime dans l’obéissance au commandement du roi. Seuls trois hommes, pour autant que cela est rapporté, refusèrent de se soumettre au décret. Ils furent dénoncés au roi par certains Chaldéens qui « s’approchèrent et accusèrent les Juifs » (v. 8). Après avoir rappelé le décret du roi et le châtiment qui y était rattaché en cas de désobéissance, ils dirent : « Il y a des hommes juifs, que tu as établis sur les services de la province de Babylone, Shadrac, Meshac et Abed-Nego : ces hommes ne tiennent pas compte de toi, ô roi ; ils ne servent pas tes dieux, et la statue d’or que tu as dressée, ils ne l’adorent pas » (v. 12). Si l’accusation était subtile et formulée de la manière la plus apte à susciter la colère du roi, ses motifs sont évidents : la jalousie et la haine des Chaldéens. « Il y a des hommes juifs » — des hommes d’une race étrangère, appartenant à une nation hostile, d’entre ceux qui ont été amenés ici comme captifs, et que tu as placés au-dessus des têtes de tes propres sujets loyaux — ce sont eux qui s’opposent à ton commandement royal. La haine n’est guère moins cachée, car avant de les accuser de refuser d’adorer la statue du roi, ils disent : « ils ne servent pas tes dieux ». Le roi le savait bien par Daniel, et malgré cela, il les avait nommés à leurs postes d’honneur ; mais les Chaldéens ne pouvaient pas supporter que les serviteurs du vrai Dieu soient ainsi exaltés, et l’occasion leur était enfin fournie d’exprimer l’inimitié de leurs cœurs dans l’accusation qu’ils portaient maintenant. Combien il était heureux pour Shadrac, Méshac et Abed-Nego que, comme plus tard dans le cas de Daniel, aucune autre accusation que celle concernant la loi de leur Dieu, ne pût être portée contre eux !

Mais si la forme de l’accusation était dictée par la jalousie et la haine, elle était bien propre à en appeler à la conscience de Nebucadnetsar. On peut supposer que la mention du fait qu’il avait promu les trois Juifs ne manquerait pas de rappeler à la mémoire du roi ce jour mémorable où Daniel lui avait rappelé son secret et donné sa signification, et aussi la confession que les paroles de Daniel avaient arrachée à ses lèvres. Mais quoi qu’il en fût, sa fureur contre les hommes qui avaient osé défier sa volonté absolue et impérative, lui fit tout oublier. La connaissance que Dieu avait donnée à Daniel avait, dans un certain sens, servi les désirs cachés du roi, tandis que maintenant, la fidélité à Dieu contrariait sa volonté. Et il apprenait qu’il y avait quelques-uns de ses sujets qui croyaient et qui agissaient selon leur foi. Dieu était pour eux, selon les propres paroles du roi, « le Dieu des dieux et le Seigneur des rois » (2:47). C’était intolérable pour le monarque insensé et irrité ; il commanda donc d’amener Shadrac, Méshac et Abed-Nego. « Alors on amena ces hommes devant le roi » (v. 13).

Moralement parlant, c’était une scène extrêmement impressionnante. D’un côté, il y avait Nébucadnetsar, le monarque le plus puissant que le monde eût jamais vu, entouré de toute la pompe et la magnificence de sa cour et de son royaume ; de l’autre, trois hommes d’une race méprisée, quelle que fût leur position à ce moment dans le gouvernement. Et la question qui allait être soulevée était celle-ci : Qui est le maître de la conscience des hommes, Dieu ou l’homme ? Nebucadnetsar lui-même la souleva. Il leur demanda d’abord si l’accusation était vraie ; on remarquera qu’il s’écarte de son propre décret en acceptant l’accusation supplémentaire que les Chaldéens avaient portée : ils ne servent pas les dieux du roi. Ensuite, il leur donne une occasion ultime de prouver leur loyauté, lorsque les instruments de musique feraient à nouveau entendre leurs accents excitants. Si donc « vous êtes prêts à vous prosterner et à adorer la statue que j’ai faite…, mais si vous ne l’adorez pas, à l’instant même vous serez jetés au milieu de la fournaise de feu ardent » (v. 15). Finalement, transporté de rage, il ose défier l’intervention de quiconque s’estimerait supérieur à lui, et par là, affirmerait sa propre toute-puissance, car il ajoute : « Et qui est le Dieu qui vous délivrera de ma main ? ». C’était en fait une déclaration de guerre, et le conflit engagé se situait maintenant entre Nebucadnetsar et Dieu.


6.4 - La réponse de Shadrac, Méshac et Abed-Nego (v. 16-18)

Les trois Hébreux s’expriment devant le roi sur un ton paisible et soumis. Sublime dans sa confiance en Dieu et en sa puissance, leur réponse manifeste leur calme courage dans leur détermination à oser tout et à endurer tout plutôt que d’être infidèles à leur Dieu. Ils disent : « Nebucadnetsar, il n’est pas nécessaire que nous te répondions sur ce sujet. S’il en est comme tu dis, notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent, et il nous délivrera de ta main, ô roi ! Et sinon, sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous n’adorerons pas la statue d’or que tu as dressée » (v. 16-18). De même que la sagesse, une sagesse divine, se trouvait avec le résidu dans le chapitre précédent, ici, c’est la fidélité à Dieu, une fidélité indomptable, qui est manifestée. La grâce leur a donné et l’une et l’autre, car c’était Dieu qui avait choisi ses serviteurs afin de déployer, par eux, sa propre sagesse et sa propre puissance.

 Mais il faut examiner cette réponse des trois jeunes gens de Juda à Nebucadnetsar pour en comprendre toute la portée. Donc, premièrement, ils déclarèrent qu’il n’était pas nécessaire de répondre au roi sur ce « sujet », sans doute dans le sens que, le roi ayant défié Dieu, c’était Dieu seul qui aurait affaire avec le roi et qu’ils comptaient pleinement sur Son intervention pour réprimer cette prétention arrogante et profane, et pour revendiquer Son propre nom et Sa suprématie. Puis ils se mirent à confesser calmement leur foi dans la puissance de leur Dieu pour les délivrer si Nebucadnetsar mettait à exécution sa menace de les jeter dans la fournaise, et leur confiance qu’Il les délivrerait de sa main. Ils ajoutèrent en outre que même si Dieu ne devait pas les délivrer, ils étaient fermement décidés à ne pas céder au commandement du roi. Ils savaient qui ils avaient cru et qu’Il était capable de les préserver de la fureur du roi ; mais si telle était Sa volonté, ils étaient prêts à mourir en martyrs pour l’amour de Son nom. Comme un autre l’a remarqué, leur foi et leur obéissance étaient aussi absolues que la volonté du roi.

Cette attitude de Shadrac, Méshac et Abed-Nego définit avec exactitude, comme cela a déjà été souligné, la vraie position du croyant face aux autorités établies. Partout dans le Nouveau Testament, la soumission à celles-ci est enjointe, et tel doit être le chemin du chrétien au milieu des remous et de la confusion politiques. Il n’a ni à soulever des questions ni à examiner la légalité des autorités constituées. Il suffit pour lui qu’elles soient établies, et il poursuit sa route en paix, leur rendant l’obéissance requise. Mais si ces autorités, qu’il s’agisse d’empereurs, de rois ou de magistrats, sortent de leurs limites propres, comme le fit Nebucadnetsar, et cherchent à substituer leur volonté à la parole de Dieu et à imposer cette volonté à la conscience de leurs sujets — se mettant en fait elles-mêmes à la place de Dieu — alors, par fidélité envers Dieu, comme ces trois jeunes gens de la captivité, et quel qu’en soit le prix, le croyant est tenu de désobéir. La limite de son obéissance aux rois est l’obéissance à Dieu tout en leur étant soumis. Dès le moment où le croyant aurait à désobéir à Dieu pour céder aux demandes de l’autorité, il doit, s’il veut garder une bonne conscience envers Dieu, refuser l’obéissance exigée, même au prix de sa vie. Voilà le terrain choisi dans ce conflit entre Nebucadnetsar et ces trois sujets de son royaume.

C’était quelque chose de nouveau pour ce maître du monde. Son autorité sur tous les royaumes de la terre étant absolue, pouvait-il admettre que ces trois Juifs — ressortissants d’une nation qu’il avait asservie — lui désobéissent d’une manière flagrante et publique ? Une telle chose ne pouvait être tolérée un seul instant ; aussi fut-il « rempli de fureur, et l’apparence de son visage fut changée envers Shadrac, Méshac et Abed-Nego » (v. 19).


6.5 - Dans la fournaise (v. 19-23)

Nebucadnetsar « prit la parole et commanda de chauffer la fournaise sept fois plus qu’on n’était accoutumé de la chauffer ; et il commanda aux hommes les plus vaillants de son armée, de lier Shadrac, Méshac et Abed-Nego, et de les jeter dans la fournaise de feu ardent » (v. 19-20).

Il fallait faire un exemple public de ces rebelles aux commandements du roi, et produire une impression salutaire sur tous les représentants du gouvernement. On peut comprendre, dans une certaine mesure, la colère de ce roi absolu. Il a trouvé un expédient pour assurer l’unité des diverses races de ses états et le succès paraissait certain. Pas une main ne s’est levée contre son projet, quand soudain trois Juifs, et, qui plus est, parmi les objets particuliers de la faveur du roi, sont amenés devant lui et accusés de résister à ses commandements. De nombreuses suppositions ont été avancées quant au fait de l’absence de Daniel de cette scène. Certes, il n’a pas renié sa foi et a été aussi fidèle que ses compagnons ; cela est attesté par la suite de son histoire, mais il ne nous est pas révélé pourquoi il n’apparaît pas dans ce chapitre.

Tout le plan du roi est ainsi mis en péril, d’où la fureur avec laquelle il condamne ces rebelles à son autorité au destin le plus cruel qui puisse être imaginé. Ses ordres sont aussitôt exécutés, et « parce que la parole du roi était rigoureuse et la fournaise extrêmement chauffée, la flamme du feu tua ces hommes qui avaient fait monter Shadrac, Méshac et Abed-Nego » (v. 22). Qu’était une vie humaine pour ce roi volontaire et cruel ? Mais par le contraste même, Dieu veut lui enseigner que ce qui est la mort pour Ses ennemis ne peut nuire à ceux qui sont sous sa protection (comp. Ex. 14 ; Marc 16:18). « Ces trois hommes, Shadrac, Méshac et Abed-Nego, tombèrent liés au milieu de la fournaise de feu ardent » (v. 23). Et leur confiance en Dieu étant revendiquée, ils ne furent pas détruits. Les hommes qui les avaient jetés dans la fournaise furent atteints et tués par les flammes ardentes ; mais eux-mêmes, bien qu’au milieu de la fournaise, furent épargnés. Leur Dieu pouvait les délivrer.


6.6 - La délivrance divine (v. 24-28)

Le roi « se leva précipitamment et prit la parole et dit à ses conseillers : N’avons-nous pas jeté au milieu du feu trois hommes liés ? Ils répondirent et dirent au roi : Certainement, ô roi ! Il répondit et dit : Voici, je vois quatre hommes déliés, se promenant au milieu du feu, et ils n’ont aucun mal ; et l’aspect du quatrième est semblable à un fils de Dieu » (v. 24-25). Deux miracles confondaient ainsi le roi : le fait que ceux dont il avait voulu faire des victimes étaient déliés et sans aucun mal, et la présence avec eux d’un Compagnon surnaturel, qu’il décrit comme « semblable à un fils de Dieu ». Non pas qu’il comprît ses propres paroles, mais nous pouvons conclure que, comme souvent dans les Ecritures, l’Esprit de Dieu le contraignait et lui faisait proclamer la vérité. Ésaïe avait dit, parlant au nom de l’Éternel, à Israël : « Quand tu passeras par les eaux, je serai avec toi… quand tu marcheras dans le feu, tu ne seras pas brûlé, et la flamme ne te consumera pas » (43:2). Cette promesse trouvait maintenant sa réalisation pour ce résidu croyant, comme ce sera le cas envers le résidu d’un jour futur, dont ces trois jeunes gens sont un type. L’Éternel était avec ses fidèles serviteurs dans la fournaise pour les soutenir, les réconforter et les préserver du mal. Il apparaît devant les yeux mêmes du roi qui L’avait défié vainement et de façon impie de délivrer ces hommes de sa main (v. 15). Alors, protégeant ses serviteurs de la puissance des flammes, Il justifie leur confiance en Lui et leur fidélité à son nom. Ne nous a-t-Il pas aussi dit : « Je ne te laisserai pas et je ne t’abandonnerai pas ; de sorte que, pleins de confiance, nous disions : Le Seigneur est mon aide ; je ne craindrai pas : que me fera l’homme ? » (Héb. 13:5- 6).

Nebucadnetsar a provoqué le conflit en défiant le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego. Dieu intervient et manifeste silencieusement sa puissance devant le roi en furie, et celui-ci est vaincu ! Oubliant tout sauf le spectacle qui s’offre à ce moment à ses yeux, insensible même à sa propre humiliation publique, confessant sa défaite, tout son maintien et son aspect étant changés, il s’approche de la fournaise de feu ardent. « Il prit la parole et dit : Shadrac, Méshac et Abed-Nego, serviteurs du Dieu Très-haut, sortez et venez ! Alors Shadrac, Méshac et Abed-Nego sortirent du milieu du feu » (v. 26).

On remarquera qu’il n’est pas dit que quelqu’un d’autre que Nebucadnetsar vit le Compagnon divin de Shadrac, Méshac et Abed-Nego. Ses yeux furent un instant ouverts pour voir ce qui était invisible à l’œil naturel, afin d’apprendre à connaître sa propre folie d’entrer en conflit avec le Dieu des cieux. Quelle patience de la part de Dieu, en présence de la faiblesse profane de l’une de ses propres créatures ! Combien il est heureux pour l’homme, pour nous tous, qu’Il ne permette jamais que ses desseins soient annulés par notre présomption et notre rébellion audacieuses.


6.7 - Le témoignage public à la suprématie du Dieu Très-haut (v. 24-28)

Le commandement du roi est exécuté aussitôt ; les « serviteurs du Dieu Très-Haut » sortent du milieu du feu. La vérité de leur salut — le miracle opéré — est vérifié par « les satrapes, les préfets, les gouverneurs, et les conseillers du roi » qui sont « assemblés », semble-t-il, pour examiner la réalité de cette miraculeuse préservation. Ils « virent ces hommes sur le corps desquels le feu n’avait eu aucune puissance : les cheveux de leur tête n’avaient pas été brûlés, et leurs caleçons n’avaient pas changé, et l’odeur du feu n’avait pas passé sur eux » (v. 27). La délivrance était totale et complète, car le feu n’avait pu brûler que les liens avec lesquels ils avaient été liés. On les vit se promenant librement en compagnie de Celui qui les avait délivrés et préservés. Confondu par l’évidence qui s’offrait à lui, le roi dut reconnaître son impuissance et sa défaite devant le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego, « qui a envoyé son ange et a sauvé ses serviteurs qui se sont confiés en lui, et ont changé la parole du roi, et ont livré leurs corps, afin de ne servir et n’adorer aucun autre dieu que leur Dieu » (v. 28). Il rendait ainsi honneur à Dieu qui avait sauvé ses serviteurs et il justifiait ceux qui, par fidélité à « leur Dieu », avaient refusé d’adorer la statue qu’il avait lui-même dressée. Plus encore, il édicta un décret : « Qu’en tout peuple, peuplade, et langue, quiconque parlera mal du Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego, sera mis en pièces, et sa maison sera réduite en un tas d’immondices, parce qu’il n’y a pas d’autre Dieu qui puisse sauver ainsi » (v. 29).

Toutes les pensées et tous les projets du roi étaient ainsi réduits à néant. La statue qu’il avait faite avait été publiquement rejetée, et tout aussi publiquement déclarée être un faux dieu. Nebucadnetsar lui-même fut contraint de confesser son impuissance et celle de son dieu, et de proclamer dans son empire qu’il n’y avait point de dieu pareil au Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego. Son assemblée grandiose avait été vaine pour ce qui concernait ses propres desseins. Des sujets obséquieux étaient venus de toutes les parties de son empire pour reconnaître et adorer son idole ; et voici, avant même qu’ils se soient dispersés, un témoignage semblable à un coup de trompette a été rendu à la suprématie du Dieu Très-haut. Dieu revendiquait son propre nom et la foi de ses serviteurs devant tous les notables du royaume.

Une chose est encore rapportée : « Alors le roi éleva Shadrac, Méshac et Abed-Nego dans la province de Babylone » (v. 30). La victoire était complète ; car non seulement Dieu annulait les desseins du roi, mais aussi ceux des ennemis jaloux et malveillants de ses serviteurs. Ils avaient pensé obtenir l’anéantissement de ces hommes fidèles ; mais le résultat fut leur promotion à une position plus élevée.

Voilà pour le récit historique ; mais n’est-il qu’historique ? Le supposer serait passer à côté du principal objet du récit. Les faits ont eu réellement lieu ; mais ces faits réels ont été choisis pour présenter ce qui arrivera aux derniers jours.


6.8 - La portée prophétique de cette délivrance

De même que le premier empire gentil devint idolâtre, le dernier le deviendra aussi, comme nous pouvons le voir en Apocalypse 13 ; et de même que le résidu fidèle de Dieu a été l’objet de l’inimitié et de la persécution sous le roi de Babylone, il le sera de nouveau sous le dernier chef de l’empire romain (voir Apoc. 12:13-17 ; 13:6-8, 15…). Mais comme nous le lisons en ce même livre, quelque brûlante que puisse être la fournaise dans laquelle le peuple de Daniel sera jeté dans ce temps, « quiconque sera trouvé écrit dans le livre » (12:1) sera délivré. Il peut être permis à Satan de se déchaîner et de cribler les enfants de Dieu, mais pas un cheveu de leur tête ne peut tomber sans la permission de Dieu. Ainsi l’histoire de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego est pleine d’encouragement — spécialement pour le résidu juif dans les derniers jours. Mais elle l’est aussi pour les saints de Dieu dans tous les temps, lorsqu’ils sont pris sous les feux de la persécution et que Satan, comme un lion rugissant, cherche qui il peut dévorer. La leçon qui en ressort est celle-ci : « Dieu est fidèle, qui ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez supporter, mais avec la tentation il fera aussi l’issue, afin que vous puissiez la supporter » (1 Cor. 10:13).


7 - Ch. 4

Un caractère spécial s’attache à ce chapitre du fait qu’il contient une proclamation de Nebucadnetsar lui-même, adressée à « tous les peuples, peuplades et langues, qui habitent sur toute la terre » (v. 1a). Dieu lui avait fait la faveur de lui donner plusieurs signes, d’abord par l’interprétation de son songe par Daniel dans le chapitre 2, puis par la délivrance de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego de la puissance des flammes dans le chapitre 3. Ainsi, sous l’effet d’impressions passagères, il avait confessé que le Dieu de Daniel était le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et le révélateur des secrets, et qu’il n’y avait pas d’autre dieu qui pût sauver comme le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego. Cependant son cœur n’était pas changé ; mais dans le récit placé devant nous, qui est lui aussi à la fois historique et prophétique, il nous est accordé de voir comment ce roi idolâtre est amené finalement à louer, à exalter et à magnifier le roi des cieux (v. 37).


7.1 - Un nouveau songe (v. 1-8)

En lisant ce récit dans son contexte, on ne peut avoir aucun doute que Nebucadnetsar s’inclina véritablement, dans sa conscience et dans son cœur, devant le témoignage qui lui parvint par le prophète Daniel, et qu’il devint ainsi un serviteur du « Très-haut ». Preuve en est la communication royale faite à tous ses sujets. Il désire que chacun dans son royaume soit mis au courant de sa « conversion ». L’adresse de la lettre a déjà été relevée ; et elle est suivie par une salutation : « Que votre paix soit multipliée ! » (v. 1b) ; dans sa forme, elle est presque apostolique (comp. 1 Pier. 1:2).

Dans les versets 2 et 3, Nebucadnetsar expose brièvement l’objet qui le pousse à s’adresser à ses sujets : « Il m’a semblé bon de faire connaître les signes que le Dieu Très-haut a opérés à mon égard ». Puis, lorsqu’il évoque ce que Dieu a opéré en lui, son cœur déborde d’admiration et il s’exclame : « Ses signes, combien ils sont grands ! Et ses prodiges, combien ils sont puissants ! Son royaume est un royaume éternel, et sa domination est de génération en génération ». C’est une chose bonne que l’âme soit contrainte de confesser ce que Dieu a opéré par sa grâce ; car, comme l’apôtre l’enseigne, si du cœur on croit pour la justice, c’est de la bouche qu’on en fait la déclaration pour le salut (Rom. 10:10). On doit à Dieu de faire confession ; et une fois faite, celle-ci devient un témoignage rendu à Sa gloire.

Ensuite, il relate ses propres circonstances à l’époque où ce nouveau message de Dieu lui parvint. « Moi, Nebucadnetsar, j’étais en paix dans ma maison, et florissant dans mon palais » (v. 4). Il avait atteint le sommet de toute ambition humaine. Monarque de tous les royaumes de la terre, jouissant d’une autorité incontestée et prospérant dans toutes ses entreprises, rien ne venait troubler sa tranquillité, que ce soit dans ses affaires publiques ou privées ; il était en paix dans sa maison, et florissant dans son palais. Tout, en un mot, allait bien pour ce monarque puissant, de sorte qu’il aurait pu jouir – si la prospérité humaine avait pu l’offrir – d’un bonheur parfait. Et il était, semblerait-il, heureux, mais sans Dieu. Ce fut dans ce ciel pur, sans aucune prémonition de cataclysme imminent, que les avertissements de Dieu vinrent soudain réveiller le roi et le remplir d’angoisses. « Je vis un songe », dit-il, « et il m’effraya, et les pensées que j’avais sur mon lit, et les visions de ma tête, me troublèrent » (v. 5).

Le songe ne s’effaça pas de son esprit, comme dans une occasion précédente ; et il ne comprit pas non plus ce qu’il avait vu, mais fut troublé – troublé en sentant que ce songe avait une très grave portée pour lui et pour son royaume. Il fit alors aussitôt proclamer un décret enjoignant d’amener devant lui tous les sages de Babylone pour lui faire connaître l’interprétation du songe (v. 6). Après avoir expérimenté leur incompétence au chapitre 2 et appris en même temps que Daniel seul pouvait élucider son mystère, il peut paraître étrange qu’il n’ait pas immédiatement fait venir Daniel en sa présence. Mais il n’y a pas d’affinité entre l’homme naturel et l’homme spirituel. Saül était heureux de profiter des services de David, tant par la harpe que par l’épée, et pourtant il le haïssait. Pareillement, Nebucadnetsar avait tiré profit de l’interprétation donnée par Daniel ; mais il ne pouvait pas aimer celui qui était le représentant du Dieu des cieux devant lui. Si donc il pouvait se passer de Daniel, il le ferait ; ainsi il eut d’abord recours à ses propres sages. De nouveau leur impuissance fut manifestée. La sagesse de l’homme est confinée à la terre ; mais le songe de Nebucadnetsar venait du ciel. Son sujet était en dehors de toutes les pensées des hommes, même s’il se rapportait à la terre. Pour comprendre les choses de Dieu, l’homme doit être instruit par Dieu ; et les sages de Babylone ne l’étaient pas. Frustré dans son dessein, le roi ajoute : « À la fin, entra devant moi Daniel, dont le nom est Belteshatsar, selon le nom de mon dieu… » (v. 8). Le verset suivant montre clairement que Nebucadnetsar n’avait pas oublié les capacités de Daniel comme révélateur des secrets quoiqu’il ait pu ne pas connaître la source de son inspiration, ni discerner qu’il était le vase de Dieu pour l’esprit de prophétie. Aussi ne l’envoya-t-il chercher que poussé par la nécessité, car dans toutes ses possessions il n’y avait personne d’autre qui pût interpréter son songe.


7.2 - La révélation de la vision (v. 9-19)

Chaque détail du songe était profondément enraciné dans la mémoire du roi et il se mit à le répéter à Daniel. Il se subdivise en trois parties ; d’abord, son sujet, l’arbre (v. 10-12) ; puis, le jugement sur l’arbre (v. 13-16) ; et enfin, l’objet du jugement exécuté (v. 17). Tous ces détails étant repris par Daniel, nous passerons à son interprétation, après avoir souligné préalablement l’effet que le récit du roi produisit sur Daniel.

Lorsque Nebucadnetsar lui eut exposé ce qu’il avait vu dans les visions de sa tête, sur son lit (v. 10), « Daniel, dont le nom est Belteshatsar, fut stupéfié pour une heure environ et ses pensées le troublèrent ». La signification du songe fut révélée à son esprit à mesure qu’il l’entendait et, lorsqu’il comprit sa portée dans son application au roi, il fut stupéfié et troublé, hésitant même, semble-t-il, à lui communiquer la signification du songe. Cela ne passa pas inaperçu à Nebucadnetsar qui dit : « Belteshatsar, que le songe et son interprétation ne te troublent pas. Belteshatsar répondit et dit : « Mon Seigneur ! que le songe soit pour ceux qui te haïssent, et son interprétation pour tes ennemis » (v. 19). On peut se demander si, en parlant ainsi après avoir reçu de Dieu l’interprétation du songe, Daniel restait au niveau de son office prophétique comme messager de Dieu ; d’ailleurs on remarquera que pour la seule et unique fois, son nom n’apparaît pas dans la reproduction de cette phrase. C’est Belteshatsar, et non pas « Daniel, dont le nom est Belteshatsar », mais simplement Belteshatsar, qui répondit au roi.


7.3 - L’interprétation du songe (v. 20-27)

Daniel commence à donner au roi l’interprétation de son songe : « L’arbre que tu as vu, qui croissait et devenait fort, et dont la hauteur atteignait jusqu’aux cieux, et qu’on voyait de toute la terre, et dont le feuillage était beau et le fruit abondant, et qui avait de la nourriture pour tous, sous lequel habitaient les bêtes des champs, et dans les branches duquel demeuraient les oiseaux des cieux : c’est toi, ô roi, qui t’es agrandi et est devenu puissant ; et ta grandeur s’est accrue et atteint jusqu’aux cieux, et ta domination, jusqu’au bout de la terre » (v. 20-22). L’image d’un arbre pour désigner les hommes dans leur grandeur terrestre est souvent employée par les prophètes. Ainsi Ezéchiel dit : « Voici, Assur était un cèdre sur le Liban, beau par sa ramure, et touffu, donnant de l’ombre, et de haute taille, et sa cime était au milieu des rameaux feuillus… Tous les oiseaux des cieux faisaient leurs nids dans ses rameaux, et toutes les bêtes des champs faisaient leurs petits sous ses branches, et toutes les nations nombreuses habitaient sous son ombre… » (31:3-9). Cette analogie frappante aide beaucoup à comprendre le symbolisme des songes de Nebucadnetsar, et nous permet de percevoir combien c’est une illustration appropriée de l’exaltation dans le gouvernement de la terre, dans la protection étendue et rassurante qu’elle offre aux hommes de tous rangs et de toutes conditions. Les bêtes des champs et les oiseaux des cieux sont introduits parce que tous les deux avaient été placés entre ses mains (voir 2:38) ; et, par conséquent, eux, comme les fils des hommes, sont considérés comme soumis à son autorité, entretenus et protégés par elle. Daniel peut bien alors dire au roi : « Ta grandeur s’est accrue et atteint jusqu’aux cieux, et ta domination, jusqu’au bout de la terre ».

Il convient de relever une différence entre la tête d’or du chapitre 2, et l’arbre ici, dans leur application respective. Tous deux concernent Nebucadnetsar, comme cela est clairement dit ; mais le premier inclut sa dynastie, tandis que le second est un symbole de Nebucadnetsar lui-même, comme nous le voyons dans le jugement exécuté. Seulement il faut ajouter que sa dégradation est en réalité, comme cela sera expliqué plus loin, typique du caractère de la puissance gentile en gouvernement jusqu’à son remplacement à l’apparition de Christ pour établir son royaume.

Après avoir donné l’application du symbole, Daniel poursuivit son interprétation : « Et quant à ce que le roi a vu un veillant, un saint, descendre des cieux et dire : Abattez l’arbre et détruisez-le ; toutefois laissez dans la terre le tronc de ses racines, avec un lien de fer et d’airain autour de lui, dans l’herbe des champs, et qu’il soit baigné de la rosée des cieux, et qu’il ait sa part avec les bêtes des champs jusqu’à ce que sept temps passent sur lui – c’est ici l’interprétation, ô roi, mon seigneur : On te chassera du milieu des hommes, et ta demeure sera avec les bêtes des champs, et on te fera manger l’herbe comme les bœufs, et tu seras baigné de la rosée des cieux, et sept temps passeront sur toi, jusqu’à ce que tu connaisses que le Très-haut domine sur le royaume des hommes, et qu’il le donne à qui il veut. Et quand à ce qu’on a dit de laisser le tronc des racines de l’arbre, ton royaume te demeurera, quand tu auras connu que les cieux dominent » (v. 23-26).

Rien ne saurait être plus précis que cette interprétation, et elle est reproduite ici dans son entier afin que le lecteur puisse voir combien son accomplissement a été exact dans chaque détail. Il ne pouvait pas en être autrement, vu que c’était, par le moyen de Daniel, une exposition divine de la vision de Nebucadnetsar. On comprendra maintenant pourquoi Daniel fut tenté de dire, lorsque le jugement imminent sur le roi se dessinait devant lui : « Que le songe soit pour ceux qui te haïssent ». Seul le courage que lui donnait le sens de sa mission de Dieu, lui permit de déployer ainsi sans crainte le rouleau de l’avenir du roi ; et il fallait du courage au prophète captif juif pour se tenir devant le monarque du monde et dépeindre un désastre aussi accablant. Daniel lui-même semble avoir été saisi ; car il adressa au roi des paroles de solennelle supplication : « C’est pourquoi, ô roi, que mon conseil te soit agréable ; et romps avec tes péchés par la justice, et avec ton iniquité, par la compassion envers les affligés, si ce peut être un prolongement de ta paix » (v. 27). Comme Paul avec Félix, Daniel plaça devant Nebucadnetsar la justice, la maîtrise de soi et le jugement à venir (Act. 24:25) ; mais nous ne lisons pas que le roi fut effrayé comme le gouverneur romain ; le message avait néanmoins été délivré et l’appel adressé ; et l’importante entrevue entre le prophète et le monarque prit fin.


7.4 - Le jugement annoncé s’exécute (v. 28-33)

Nous avons ensuite l’accomplissement historique de l’interprétation de Daniel. « Tout cela », dit-il, « arriva au roi Nebucadnetsar » (v. 28) ; puis viennent les circonstances dans lesquelles le jugement annoncé s’exécuta. Douze mois s’étaient écoulés, et il n’est pas dit que le roi ait même été troublé par l’avertissement qu’il avait reçu. Le ciel était encore clair, sans un nuage au lointain horizon. C’est vraiment étrange, mais n’avons-nous pas devant nos yeux chaque jour le spectacle de pécheurs impassibles à la veille du malheur éternel ? La mort doit venir et le jugement suivra, et pourtant les hommes sont indifférents et insouciants. Il en allait de même avec Nebucadnetsar, et c’est ainsi que nous lisons : « Au bout de douze mois, il se promenait sur le palais du royaume de Babylone » (v. 29). Et quel était le sujet de ses méditations ? Sa grandeur, sa puissance et sa majesté ! « Le roi prit la parole et dit : N’est-ce pas ici Babylone la grande, que j’ai bâtie pour être la maison de mon royaume, par la puissance de ma force et pour la gloire de ma magnificence ? » (v. 30). Tout ceci était la glorification de lui-même, l’orgueil pleinement épanoui du cœur humain, fruits de son exaltation et de sa prospérité – « l’orgueil qui va devant la ruine » (Prov. 16:18). La source de sa puissance lui avait été communiquée (chap. 2) ; mais cela il l’avait tout à fait oublié en s’attribuant à lui-même toute la gloire de son royaume. À la vue de la magnificence de son palais et de sa capitale, son cœur bouillonnant d’orgueil et d’exultation attribuait tout à la force de sa propre puissance, et se plaisait à proclamer la gloire de sa propre magnificence. Dieu n’était dans aucune de ses pensées, pas plus d’ailleurs que ses propres faux dieux ; sa vision était circonscrite à lui-même – lui comme la source de toute sa gloire, et lui comme l’objet de toutes ses œuvres. Quel tableau du cœur humain ! Il nous est ainsi donné de voir la condition morale de cet arbre gigantesque avant qu’il ne fût abattu selon le décret divin.

Un rapprochement s’impose avec la parabole de l’homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Alors que cet homme se félicitait de sa prospérité et se proposait d’agrandir ses greniers, comptant sur des années de jouissance égoïste, le jugement tomba : « Insensé ! Cette nuit même, ton âme te sera redemandée » (Luc 12:16-20). Pareillement, tandis que Nebucadnetsar donnait libre cours à l’orgueil de son cœur dans sa folle vanterie, alors même que « la parole était encore dans la bouche du roi… une voix tomba des cieux : Roi Nebucadnetsar, il t’est dit : Le royaume s’en est allé d’avec toi » (v. 31-32) ; et alors le jugement prononcé par Daniel est répété par la voix et aussitôt exécuté. Car « au même instant la parole s’accomplit sur Nebucadnetsar : il fut chassé du milieu des hommes, et il mangea de l’herbe comme les bœufs, et son corps fut baigné de la rosée des cieux, jusqu’à ce que ses cheveux fussent devenus longs comme les plumes de l’aigle, et ses ongles, comme ceux des oiseaux » (v. 33). Lorsque Dieu parle, l’accomplissement suit, et ce qu’Il commande demeure toujours assuré.

Penchons-nous maintenant sur la signification de ce jugement ; nous verrons qu’elle est de trois ordres : personnelle, morale et prophétique.

Considérons d’abord la signification personnelle. Elle réside dans le fait que ce qui fut infligé à Nebucadnetsar était un jugement direct de Dieu sur son orgueil personnel, sur ce qu’on pourrait appeler la déification de soi-même. L’orgueil de l’homme est l’un des objets particuliers de la haine de Dieu ; et à cause de son expression sous une forme extrême dans le roi de Babylone, celui-ci tomba sous la main judiciaire de Dieu. Certains cherchent à expliquer sa condition d’une manière naturelle comme une espèce de folie. Même ainsi la question se pose : d’où cette folie venait-elle ? Le récit biblique fournit la réponse — une réponse rapportée par le roi lui-même : elle venait de la main de Dieu comme un juste jugement sur l’orgueil présomptueux et la vaine gloire de Nebucadnetsar. Menacé une année avant l’exécution de celui-ci, et ayant eu ainsi du temps pour la repentance, il entend les paroles mêmes de Daniel rappelées à son esprit par une voix venue des cieux, au moment précis où le coup allait s’abattre. Le gouvernement de la terre lui ayant été confié, Dieu le tenait pour responsable et le punissait en conséquence, et pourtant en grâce autant qu’en justice, puisque le but était de lui apprendre « que le Très-haut domine sur le royaume des hommes et qu’il le donne à qui il veut » (v. 32).

La signification morale de ce qui frappa Nebucadnetsar est même plus importante, si cela est possible. Il fut chassé du milieu des hommes, devint comme une bête de la terre, car il mangeait de l’herbe comme les bœufs, et dans sa condition physique, il était même inférieur aux bêtes des champs. Tout cela ne fait qu’exprimer son état moral, et le caractère de la puissance qu’il détenait en tant que séparé de Dieu. Voici ce qu’un autre a écrit : « Le dépositaire du pouvoir est réduit à l’état des bêtes qui ne connaissent pas Dieu et manquent d’intelligence humaine. Le seul vrai privilège de l’homme, ce qui l’élève, c’est qu’il peut regarder en haut vers Dieu et le reconnaître. Autrement, il regarde en bas, il est dégradé, car il ne peut se suffire à lui-même… L’orgueil et l’indépendance séparent l’homme de Dieu : il devient une bête, privé d’intelligence réelle ».

L’état physique de ce monarque est par conséquent une image morale, et une image qui devrait nous faire réfléchir, en tant qu’elle révèle la condition de l’homme selon l’estimation de Dieu, lorsqu’il se vante de sa propre force, cherche sa propre gloire et fait état de sa propre indépendance. Mais cela va plus loin que le roi lui-même et s’étend aussi au caractère de sa domination et de son royaume. Si donc le premier royaume confié à la main de l’homme se montre idolâtre au chapitre 3, il devient bestial au chapitre 4. Cela signifie qu’il est dénué de toute intelligence puisque séparé de Dieu, et regardant en bas pour se nourrir seulement de motifs et d’objets de la terre. Car lorsque l’homme dans son exaltation bannit Dieu de ses pensées et fait de lui-même son centre et son objet, il n’est moralement pas supérieur à une bête. Comme le dit le psalmiste : « L’homme qui est en honneur et n’a point d’intelligence, est comme les bêtes qui périssent » (Ps. 49:20).

Il y a enfin l’aspect prophétique. « Sept temps » devaient passer sur le roi dans sa dégradation avant qu’il soit restauré. Il n’est pas dit « années », bien qu’il soit possible que ces « temps » aient été des « années », mais il est dit « temps ». L’expression est vague, tandis que le terme « sept » lui donne une signification très précise ; c’est une période parfaite, une période comprenant toute la durée des temps des Gentils. Nous apprenons d’abord que les quatre royaumes — et ceux-ci, souvenons-nous-en, embrassent toute la période de la domination gentile — auront le même caractère moral devant Dieu. Ensuite que toute la puissance exercée en eux laissera Dieu de côté et sera déployée pour le moi, pour l’homme et pour des objets terrestres, sans considération pour les pensées de Dieu, ou pour la responsabilité envers Celui de qui la puissance a été tirée. C’est une pensée très solennelle, et à plusieurs points de vue. Elle montre qu’il n’y a aucun progrès à attendre dans les gouvernements de la terre et, par conséquent, qu’il est plus qu’inutile pour le chrétien — pour ne rien dire de l’incompatibilité avec son appel céleste — de s’embarquer sur la mer de l’agitation politique dans l’espoir de parvenir à une amélioration décisive de l’état des choses. Nous ne nions pas du tout que la condition de l’homme dans ce monde puisse être améliorée par des lois justes et bonnes. Mais la question demeure : Des changements politiques ou des actes législatifs pourront-ils jamais changer le caractère moral soit des gouvernements humains, soit de leurs sujets ? Notre chapitre, ainsi qu’une quantité d’autres passages, proclame que le caractère du premier royaume se répétera dans ses successeurs, et comme nous l’apprenons par le livre de l’Apocalypse, il se manifestera sans aucun déguisement dans la forme finale du dernier des quatre royaumes prophétiques. Si quelqu’un devait douter de cette déclaration, qu’il trace le cours des gouvernements humains dès les jours du royaume de Babylone jusqu’à aujourd’hui. Qu’il étudie l’histoire des conquêtes, des guerres et des dynasties et qu’il se demande ensuite s’il pourrait nommer une période quelconque où la puissance du trône a été tenue par Dieu et exercée pour Dieu. Il découvrira sans doute que quelques monarques ont été personnellement des hommes pieux ; mais il devra confesser que, quelle qu’ait été leur piété, ils n’ont pas pu changer le cours ou le caractère de leurs gouvernements. Les puissances établies sont ordonnées de Dieu, aussi le chrétien est-il tenu de leur rendre tout l’honneur et toute la soumission qui leur sont dus ; mais cela n’infirme nullement le fait que la condition de Nebucadnetsar dans son aspect moral, telle qu’elle est donnée dans notre chapitre, dépeint le caractère des royaumes qui remplissent les temps des Gentils.


7.5 - Le roi bénit le Très-haut (v. 34-37)

Après avoir considéré les significations de la dégradation de Nebucadnetsar, voyons maintenant son effet sur lui. Les « sept temps » peuvent également se référer à cet effet. La période était arrêtée par Dieu et avait sans doute trait au changement qui devait s’opérer dans son âme. En d’autres mots, sa dégradation devait se poursuivre pendant une période parfaite, comme l’indique le nombre sept, jusqu’à ce que l’œuvre voulue de Dieu soit accomplie dans son âme. Aussi il dit : « Et à la fin de ces jours, moi, Nebucadnetsar, j’élevai mes yeux vers les cieux, et mon intelligence me revint, et je bénis le Très-haut, et je louai et magnifiai celui qui vit éternellement, duquel la domination est une domination éternelle, et dont le royaume est de génération en génération ; et tous les habitants de la terre sont réputés comme néant, et il agit selon son bon plaisir dans l’armée des cieux et parmi les habitants de la terre ; et il n’y a personne qui puisse arrêter sa main et lui dire : Que fais-tu ? » (v. 34-35). L’objet des voies de Dieu à son égard était atteint ; car le roi avait maintenant appris la leçon qui lui était destinée : que le Très-haut domine sur le royaume des hommes et qu’il le donne à qui il veut (v. 25, 32).

Examinons néanmoins sa confession d’un peu plus près. Dans le jugement par lequel il avait été visité, il était comme une bête de la terre ; et, nous l’avons fait remarquer, la caractéristique d’une bête est qu’elle regarde en bas et qu’elle ne possède pas l’intelligence de l’homme. Il est, par conséquent, extrêmement intéressant de noter que du moment où Nebucadnetsar éleva ses yeux vers les cieux, son intelligence lui revint. Nous voyons la même chose chez le fils prodigue qui s’en était allé en un pays éloigné ; son « retour à lui-même » (Luc 15:17) et son retour à la maison de son père sont liés. La crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse, et cette déclaration est illustrée dans l’expérience du roi de Babylone. En regardant en haut vers la main qui l’avait frappé, il commença à comprendre, car il apprenait pour la première fois sa responsabilité envers Dieu.

Et remarquez que le premier usage qu’il fait de son intelligence retrouvée, c’est de bénir le Très-haut, de le louer et de le magnifier comme le Dieu éternel et comme le Dominateur souverain tant dans les cieux que sur la terre. C’est de toute beauté ; et c’est la preuve assurée de ce que nous appelons une œuvre de grâce dans l’âme. Le caractère sous lequel il bénit Dieu, « le Très-haut », est aussi significatif. Nous trouvons ce titre pour la première fois en relation avec Melchisédec, qui est appelé sacrificateur du Dieu Très-haut et qui, bénissant Abram à son retour de la bataille des rois, déclare : « Béni soit Abram de par le Dieu Très-haut, possesseur des cieux et de la terre » (Gen. 14:19). Cela indique clairement, comme on peut aussi le déduire d’autres passages, que c’est le titre que Dieu prendra dans le siècle à venir lorsque, de fait, Il possédera la terre comme les cieux. Outre la signification de l’emploi du titre par Nebucadnetsar, qui reconnaissait par là que Dieu, bien qu’Il lui ait confié la souveraineté sur la terre, agissait néanmoins selon sa volonté sur la terre comme dans les cieux, il y a donc aussi une signification prophétique. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que la dégradation de Nebucadnetsar préfigurait le caractère de la domination des nations jusqu’à la fin. Nous apprenons maintenant que ce sera par le jugement que les nations seront amenées à reconnaître Dieu. C’est ainsi que nous lisons dans le prophète Sophonie : « Car ma détermination c’est de rassembler les nations, de réunir les royaumes pour verser sur eux mon indignation, toute l’ardeur de ma colère ; car toute la terre sera dévorée par le feu de ma jalousie. Car alors, je changerai la langue des peuples en une langue purifiée, pour qu’ils invoquent tous le nom de l’Éternel pour le servir d’un seul cœur » (3:8-9).

Daniel avait dit à Nebucadnetsar que le royaume lui demeurerait ; après cela le roi avait appris que les cieux dominent. Cette prédiction fut aussi vérifiée ; il ajoute : « Dans ce temps-là, mon intelligence me revint, et, pour la gloire de mon royaume, ma magnificence et ma splendeur me revinrent, et mes conseillers et mes grands me cherchèrent, et je fus rétabli dans mon royaume, et ma grandeur fut extraordinairement augmentée » (v. 36). Dieu accomplissait ainsi sa parole qu’Il avait fait entendre par la bouche de son serviteur ; pas un seul trait de lettre ne devait tomber en terre. Nebucadnetsar confesse et rapporte avec joie la fidélité divine. Et ce n’est pas un mince encouragement, face à l’orgueil de puissance partout manifesté et au sein de toute la confusion de la terre, de voir que Dieu fait travailler toutes choses à l’accomplissement de ses propres desseins, et que, à la fin, toutes les nations, comme aussi son ancien peuple, seront amenés dans une soumission librement consentie à Christ lorsqu’Il établira son royaume et étendra sa domination sur toute la terre.

Le chapitre se termine sur une autre note de louange : « Maintenant, moi, Nebucadnetsar, je loue et j’exalte et je magnifie le roi des cieux, dont toutes les œuvres sont vérité, et les voies, jugement, et qui est puissant pour abaisser ceux qui marchent avec orgueil » (v. 37). En comparant le Nebucadnetsar qui rend cet hommage à Dieu, au Nebucadnetsar qui avait dit, en considérant la magnificence de sa ville : « N’est-ce pas ici Babylone la grande, que j’ai bâtie… » (v. 30), nous ne pouvons que nous exclamer : « Qu’est-ce que Dieu a fait ? » (Nom. 23:23). Il avait en effet montré sa puissance pour abaisser celui qui marchait dans l’orgueil. Plus que cela, en l’abaissant, Il avait totalement changé le cœur du monarque ; celui-ci se tournait dans la soumission vers la main qui l’avait frappé, et confessait que toutes les œuvres de Dieu sont vérité, et ses voies, jugement. Il justifiait ainsi Dieu, un signe sûr et évident de conversion, et tout en le justifiant, ses lèvres étaient pleines de louange et d’adoration. C’est une belle image des voies de Dieu tant en jugement qu’en grâce.

Ajoutons un mot sur le caractère dans lequel il confesse ici Dieu. Il parle maintenant de Lui comme du Roi des cieux ; et c’est une preuve qu’il a été divinement enseigné. Lorsque l’Éternel avait son trône à Jérusalem, Il était le Dieu de la terre aussi bien que des cieux, mais lorsqu’Il eut abandonné son trône dans cette ville et eut remis la souveraineté du monde au monarque gentil, Il était connu comme le Dieu des cieux, et c’est à Lui comme tel que Daniel avait rendu témoignage devant le roi (2:37-44). Mais si Dieu avait maintenant pris ce titre, Il n’abandonnait en aucune manière ses droits sur la terre, ni les voies présentes de son gouvernement ; car son but dans le châtiment judiciaire qui s’abattit sur Nebucadnetsar était, comme nous l’avons vu, de lui enseigner « que le Très-haut domine sur le royaume des hommes, et qu’il le donne à qui il veut ». Nebucadnetsar avait confessé cette vérité ; mais avant de conclure le récit des voies de Dieu envers lui, il fait un pas de plus, et Le reconnaît comme le Roi des cieux.

Il est très intéressant de suivre, dans l’histoire de Nebucadnetsar, les diverses étapes qui l’ont amené à cette conclusion. Au chapitre 2, il a confessé à Daniel : « En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et le révélateur des secrets, puisque tu as pu révéler ce secret » (v. 47) ; au chapitre 3, il a décrété que personne, sous peine des sanctions extrêmes de la loi, ne devait parler mal du Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego, reconnaissant qu’il n’y avait pas d’autre Dieu « qui puisse sauver ainsi » (v. 29) ; et enfin, dans notre chapitre, il reconnaît Dieu comme le Très-haut et comme le Roi des cieux. Ainsi, Dieu dans sa grâce, a soumis le cœur orgueilleux de ce puissant monarque, et l’humiliant devant Lui, l’a amené à confesser Son nom devant tous les habitants de son vaste empire. Si nous avons là un récit de jugement, c’est néanmoins une page de l’histoire de la grâce illimitée de Dieu.


8 - Ch. 5

En lisant les chapitres qui forment la première partie de ce livre, il est de toute importance de ne jamais oublier que s’ils sont strictement historiques, ils sont aussi prophétiques. Si donc ils décrivent les caractéristiques des trônes des Gentils à qui Dieu a confié la souveraineté de la terre après la destruction de Jérusalem, celles-ci réapparaîtront aux derniers jours. Il y a en fait trois choses qui ont spécialement cet aspect prophétique : les actes de ces divers monarques, les jugements qui s’ensuivirent, comme dans le chapitre précédent et dans celui-ci ; la délivrance des enfants de Dieu telle qu’elle est apparue au chapitre 3, et de nouveau, pour Daniel, au chapitre 6. À cela on peut ajouter la reconnaissance du vrai Dieu par les Gentils après qu’ils ont été jugés, telle qu’elle apparaît chez Nebucadnetsar, et aussi chez Darius (chap. 6). Toutefois la confession de ce dernier est due davantage au déploiement de la puissance de Dieu en secourant son peuple (représenté par Daniel) lorsqu’il était dans la fosse même de la destruction.


8.1 - La profanation des ustensiles du sanctuaire (v. 1-4)

Dans notre chapitre, un trait moral plus dépravé encore de la souveraineté gentile est accentué. L’idolâtrie et l’orgueil du pouvoir — la vaine gloire — avaient marqué Nebucadnetsar. Belshatsar, lui, se distingue par l’impiété audacieuse, se vantant avec une méchanceté et une insolence publique. L’occasion de cette explosion d’iniquité est décrite dès le premier verset : « Le roi Belshatsar fit un grand festin à mille de ses grands, et but du vin devant les mille. C’était une nuit de festin, d’orgie et de licence débridée, où toutes les mauvaises passions du cœur corrompu de l’homme étaient enflammées et entraînées à leur satisfaction. Remarquez que ce fut alors que Belshatsar buvait du vin qu’il donna le commandement « d’apporter les vases d’or et d’argent que son père Nebucadnetsar avait tirés du temple qui était à Jérusalem, afin que le roi et ses grands, ses femmes et ses concubines, y bussent » (v. 2).

Etait-il ivre ? D’orgueil certes, et ce sentiment fut surexcité par le vin qu’il buvait. Se laisser aller au vin et aux réjouissances qu’offre le monde, excitent facilement les pires passions du cœur ; et la compagnie qui entourait le roi révèle que cette occasion n’était pas une exception à la règle générale. Si toutefois cela n’avait été qu’une orgie ou débauche ordinaire, quelle que soit la licence qui ait pu l’accompagner, nulle plume inspirée ne l’eut rapportée ; mais le péché suprême fut l’insulte directe que Beltshatsar fit au Dieu d’Israël, le Dieu des cieux. Les vases saints étaient encore saints aux yeux de Dieu, quelque souillés qu’ils aient été par les péchés de ses rois et sacrificateurs, car ils avaient été employés dans la maison où Il avait mis son nom et où ses yeux et son cœur seraient à toujours (1 Rois 9:3). Il est vrai qu’en jugement Il avait permis qu’ils partagent les conséquences de la captivité de son peuple ; mais Il ne pouvait admettre, compte tenu de tout ce qu’Il était et de tout ce qu’Il se proposait, qu’ils soient profanés par le monarque gentil et ses compagnons de débauche. Ce n’était pas non plus seulement le fait que le roi et ses grands, ses femmes et ses concubines, y burent ; mais « ils burent du vin, et ils louèrent les dieux d’or et d’argent, d’airain, de fer, de bois, et de pierre » (v. 4). Des dieux de toute espèce furent exaltés et leur supériorité sur le Dieu d’Israël audacieusement vantée. En agissant ainsi, ils défiaient Dieu de manière publique et insolente. C’est avec une telle folie et une telle impiété insensées que ce roi téméraire provoqua l’intervention du Dieu vivant et vrai.


8.2 - L’écriture sur la muraille (v. 5-6)

La réponse — elle ne pouvait être différée — ne tarda pas ; avant même que leurs chants idolâtres se fussent tus — « en ce même moment, les doigts d’une main d’homme sortirent, et écrivirent, vis-à-vis du chandelier, sur le plâtre de la muraille du palais du roi ; et le roi vit l’extrémité de la main qui écrivait » (v. 5). Ces doigts mystérieux parurent silencieusement en réponse au défi du roi ; calmement, au milieu du bruit de l’orgie et des chants, ils écrivirent leurs paroles de jugement, et pourtant, parce qu’une puissance invisible dirigeait ses yeux, le roi vit l’extrémité de la main qui écrivait. Et quel fut l’effet de cette apparition ? Enhardi par le vin et fort de sa confiance dans la toute-puissance de ses dieux, le roi ne va sûrement pas être effrayé, pourrait-on penser. Pourtant, si méchant qu’il fût, il avait une conscience et il savait quelque chose de la puissance qui avait écarté même un Nebucadnetsar de son trône et l’avait rendu, pour un temps, semblable aux bêtes de la terre. Sa conscience maintenant, malgré ceux qui l’entouraient, remplit son office ; « alors le roi changea de couleur, et ses pensées le troublèrent ; et les liens de ses reins se délièrent, et ses genoux se heurtèrent l’un contre l’autre » (v. 6). Quel changement ! En plein festin, il avait osé insulter le Dieu des cieux, et maintenant, à la vue de cette main mystérieuse, l’effroi saisissait son âme et il tremblait de la tête aux pieds. Il avait défié le Dieu Tout-puissant ; et au moment où le défi était relevé, avant que le coup s’abattît, son cœur défaillait sous la terrible appréhension du jugement imminent. Qui pouvait l’assister en un tel moment ?


8.3 - L’appel aux sages de Babylone (v. 7-12)

Au lieu de s’humilier devant Celui contre lequel il avait péché d’une façon si grave, le roi appelle à son secours les enchanteurs, les Chaldéens et les augures et leur offre des récompenses généreuses, dans l’espoir qu’ils pourront déchiffrer les paroles écrites, et par-là, comme il le pense vraiment, le soulager. Mais la sagesse de ce monde ne peut pas pénétrer dans les secrets de Dieu, ni interpréter ce qu’Il écrit. Et ces hommes de prétendue science sont aussi impuissants qu’aux jours de Nebucadnetsar. « Personne ne connaît les choses de Dieu… si ce n’est l’Esprit de Dieu » (1 Cor. 2:11).

Si effrayé qu’il ait été, Belshatsar fut encore plus troublé, et même ses grands étaient bouleversés. Mais Dieu voulait que le roi eût l’explication de l’écriture, seulement elle devait lui être donnée par l’instrument qu’il avait Lui-même choisi. Le moyen de rappeler Daniel à l’attention du roi était préparé. « La reine, à cause des paroles du roi et de ses grands, entra dans la maison du festin » (v. 10). Elle peut difficilement avoir été la femme de Beltshatsar (voir v. 3) ; très probablement, par conséquent, s’agissait-il de la reine-mère. Elle n’avait pas participé aux orgies déchaînées de cette nuit mouvementée ; mais la rumeur de l’apparition qui avait stupéfié le roi et ses hôtes avait franchi le palais et était parvenue à ses oreilles. Elle connaissait parfaitement ce qui s’était passé sous le règne de Nebucadnetsar, comme aussi le service que Daniel avait rendu, et la place à laquelle il avait été nommé en conséquence ; aussi elle accourt au secours du roi. « Ô roi, dit-elle, vis à jamais ! Que tes pensées ne te troublent pas, et ne change pas de couleur : il y a un homme dans ton royaume, en qui est l’esprit des dieux saints ». Puis après avoir rappelé ce qui s’était passé aux jours de Nebucadnetsar, elle ajoute : « Que Daniel soit donc appelé, et il indiquera l’interprétation » (v. 10-12).


8.4 - Daniel devant le roi (v.13-16)

« Le roi prit la parole et dit à Daniel : Es-tu ce Daniel, l’un des fils de la captivité de Juda, que le roi, mon père, a amenés de Juda ? » (v. 13). Il avait connaissance, comme cela a déjà été relevé, des services de Daniel, mais il ne s’était pas soucié de le connaître personnellement. Le roi impie n’avait aucun désir de connaître le serviteur de Dieu. Réduit à l’extrémité, il ne l’envoie chercher que maintenant pour avoir du secours à l’heure du besoin. Il dit alors à Daniel qu’il avait entendu parler de lui et poursuit : « Maintenant, si tu peux lire l’écriture et m’en faire connaître l’interprétation, tu seras vêtu de pourpre, et tu auras une chaîne d’or autour de ton cou, et tu seras le troisième gouverneur dans le royaume » (v. 14-16).

Daniel était là devant le souverain de tous les royaumes de la terre, devant le monarque absolu et devant quelqu’un qui détenait le pouvoir de vie et de mort sur tous ses sujets (voir v. 19) ; mais Daniel était le serviteur de Dieu qui était la source du pouvoir de Belshatsar, pouvoir si limité dans le temps. Et par conséquent, Daniel, conscient de sa mission, ne craignit pas le roi ni ne fut tenté par les récompenses promises.


8.5 - La réponse de Daniel (v. 17-23)

Dans la confiance calme qui, par grâce, était la sienne en Celui dont il était le serviteur, Daniel « répondit et dit devant le roi : Que tes présents te demeurent, et donne tes récompenses à un autre. Toutefois je lirai l’écriture au roi, et je lui en ferai connaître l’interprétation » (v. 17). C’était une noble introduction, digne du messager de Dieu pour le méchant roi ; et le lecteur ne manquera pas de remarquer la différence entre l’esprit dans lequel Daniel s’adressait à Belshatsar et celui dans lequel il parlait à Nebucadnetsar. Ce dernier était idolâtre, impérieux, et avait cherché à forcer ses sujets à adorer l’idole qu’il avait dressée, mais il n’avait pas été aussi loin que Belshatsar dans son impiété. Aussi Daniel, enseigné qu’il était sans doute par l’Esprit de Dieu et sachant que la coupe de l’iniquité de Belshatsar était maintenant remplie jusqu’au bord, fit une distinction. Il délivra son message, bien que, tout d’abord, Belshatsar dût être amené à entendre comment Dieu avait agi envers Nebucadnetsar dans le passé, et comment, aussi absolu qu’il fût et aussi universelle que fût sa domination, « quand son cœur s’éleva et que son esprit s’endurcit jusqu’à l’orgueil, il fut précipité du trône de son royaume, et sa dignité lui fut ôtée » (v. 20). Daniel rapporta en outre la nature du jugement qui lui fut infligé, et rappela à Belshatsar que tout cela avait duré « jusqu’à ce qu’il connût que le Dieu Très-haut domine sur le royaume des hommes, et qu’il y établit qui il veut » (v. 21).

Ensuite, le prophète s’occupe du monarque tremblant qui était devant lui — en paroles sévères mais fidèles. « Et toi, son fils Belshatsar, tu n’as pas humilié ton cœur, bien que tu aies su tout cela. Mais tu t’es élevé contre le Seigneur des cieux ; et on a apporté devant toi les vases de sa maison, et toi et tes grands, tes femmes et tes concubines, vous y avez bu du vin ; et tu as loué les dieux d’argent et d’or, d’airain, de fer, de bois et de pierre, qui ne voient, et n’entendent, et ne comprennent point ; et le Dieu en la main duquel est ton souffle, et à qui appartiennent toutes les voies, tu ne l’as pas glorifié » (v. 22-23).


8.6 - L’interprétation de l’écriture (v. 24-28)

Si Dieu était sur le point de frapper, Il voulait que les motifs de son acte soient expliqués. C’est un trait frappant de ses voies, spécialement dans les faits rapportés dans l’Ancien Testament que, avant d’agir en jugement, Il veille à en établir les raisons, afin qu’il soit justifié quand il parle et trouvé pur quand il juge (voir 2 Chr. 36:11-21). Ainsi, Daniel présenta ici l’accusation contre le roi ; il lui montra qu’il avait méprisé tous les avertissements du passé, qu’il avait péché contre la lumière et la connaissance, et que finalement il s’était élevé contre le Seigneur des cieux en profanant les vases saints de sa maison. Cela établit clairement la signification de l’action du roi ordonnant que ces vases soient apportés : ce n’était pas un simple caprice extravagant sous l’effet du vin, mais une insulte délibérée et préméditée contre Dieu. C’est pourquoi Daniel voulait faire comprendre au roi que « l’extrémité de la main » était envoyée de Dieu pour écrire sur la paroi en relation avec cet acte même (v. 24). Dans un moment aussi solennel, il ne devait y avoir aucune erreur et ainsi il accusait le roi devant le tribunal de Dieu avant de donner l’interprétation de l’écriture. Vu que celle-ci était en langue chaldéenne, ce n’était pas que les sages du roi ne comprenaient pas les mots. C’était la liaison, l’application et l’interprétation qu’ils ne pouvaient pas donner. Ils n’avaient devant eux que des mots séparés, qui, sans la clé, leur apparaissaient comme décousus et dénués de sens.

 Les mots étaient au nombre de quatre : MENE, MENE, THEKEL, UPHARSIN, et nous avons ensuite, faisant autorité, l’interprétation de Daniel. Avant de nous y arrêter, il convient d’attirer l’attention sur le fait que Daniel ne se borne pas à traduire ce qui avait été écrit sur la muraille, mais il donne la pensée de Dieu que ces mots devaient communiquer. Cela n’aurait pas pu être fait si, auparavant, il n’avait pas lui-même reçu une communication directe de Dieu. Les termes eux-mêmes, rendus selon leur signification, sont : « Compté », « pesé » et « divisé » ; mais nulle ingéniosité humaine n’aurait pu en découvrir la signification divine, et c’est cela que Daniel explique. Le premier mot était répété deux fois. La raison peut sans doute en être trouvée dans les paroles de Joseph au Pharaon : « Et que le songe ait été répété deux fois au Pharaon, c’est que la chose est arrêtée de la part de Dieu, et que Dieu se hâte de la faire » (Gen. 41:32).

« Voici, dit Daniel, l’interprétation des paroles : MENE : Dieu a compté ton royaume, et y a mis fin » (v. 26). En exposant la vision que Nebucadnetsar avait eue de la grande statue, Daniel lui avait dit : « Tu es cette tête d’or » et, dans la mesure où Babylone devait avoir l’empire médo-perse pour successeur, il est évident, comme cela a été déjà remarqué, que la dynastie de Nebucadnetsar était incluse dans ce terme, Belshatsar en étant le dernier membre. Dieu lui-même avait confié la souveraineté de la terre à Nebucadnetsar — qui en était ainsi responsable — et Lui seul déterminait la durée de son royaume. Aussi lorsque Daniel dit à Belshatsar : « Dieu a compté ton royaume, et y a mis fin », il entendait que, selon le décret divin, la fin de la souveraineté babylonienne était arrivée ; ses jours étaient comptés et avaient maintenant pris fin.

Le motif de cette déclaration se trouve dans le verset suivant : « THEKEL : Tu as été pesé à la balance, et tu as été trouvé manquant de poids » (v. 27). Si Dieu avait confié le gouvernement de la terre à Nebucadnetsar et à ses successeurs pour l’accomplissement de ses desseins dans ses voies envers son peuple, il les tenait pour responsables de la manière d’accomplir leur mission. Le verdict est maintenant prononcé sur Belshatsar. Nebucadnetsar avait aussi failli, même si ce n’était pas au même degré ; mais, sous le châtiment de Dieu, il s’était humilié, l’avait reconnu, Lui, comme la source de son autorité. Il l’avait reconnu comme le Souverain tout puissant dans les cieux et sur la terre ; et il l’avait exalté et honoré comme le Roi des cieux. Belshatsar, aveugle à tous les enseignements du passé, avait péché plus gravement en magnifiant ses idoles au-dessus du Dieu en la main duquel était son souffle, et s’était ainsi élevé contre le Seigneur des cieux. Sa mise à l’épreuve avait maintenant pris fin, et Daniel lui déclarait le résultat : comme l’indiquait le mot mystérieux THEKEL, pesé à la balance infaillible de Dieu, il avait été trouvé manquant de poids.

Le jugement est contenu dans le mot suivant, PÉRÈS, le jugement public comme conséquence du manquement de Belshatsar dans l’usage du pouvoir qui lui avait été confié dans le gouvernement de la terre. « Ton royaume est divisé, et donné aux Mèdes et aux Perses » (v. 28). La longue patience de Dieu envers la « tête d’or » était terminée ; c’est pourquoi il n’y a pas d’exhortation à la repentance, rien que l’annonce du résultat du verdict de Dieu, avec le jugement qui l’accompagne. En bref, comme cela a été bien dit : « Ce récit nous présente le dernier caractère de l’iniquité de la puissance souveraine des Gentils contre le Dieu d’Israël, et le jugement qui en résulte pour la monarchie dont Babylone a été le chef, et à laquelle elle a imprimé son caractère ».


8.7 - L’exécution de la sentence (v.29-31)

Il n’est rien dit de l’effet produit par cette terrible interprétation. Le jugement prononcé, Dieu en avait fini — l’exécution de la sentence mise à part — avec l’homme qui avait avec arrogance défié sa puissance. Une chose toutefois est ajoutée, et c’est le dernier acte royal de Belshatsar. Quelle que fût l’attitude de Daniel, il ne pouvait manquer à sa promesse publique de récompenser l’interprète. Les hommes qui sont faux envers Dieu sont souvent vrais les uns à l’égard des autres, dans leur égoïsme même. Aussi Belshatsar donne-t-il des ordres : on revêt Daniel de pourpre, on met une chaîne d’or à son cou et on proclame qu’il sera le troisième gouverneur dans le royaume (v. 29).

Si le roi prêtait foi à l’interprétation, il n’avait probablement pas la moindre idée de l’imminence de l’exécution de la sentence qu’il avait entendue : mais « en cette nuit-là, Belshatsar, roi des Chaldéens, fut tué. Et Darius, le Mède, reçut le royaume, étant âgé d’environ soixante-deux ans » (v. 30-31).

Dieu jugeait ainsi le premier des royaumes des Gentils, à savoir la monarchie de Babylone. L’événement était de la plus haute importance, historiquement, et d’une importance non moindre prophétiquement ; car les traits moraux qui ont marqué la souveraineté de Belshatsar apparaîtront dans la Babylone future dont il est parlé dans l’Apocalypse. Là elle est présentée sous deux aspects : celui d’une femme et celui d’une ville. Le caractère moral de la première est rendu dans ces mots : « Mystère, Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre » et nous lisons, au sujet du chef dont le trône venait de Satan, qu’il « ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, son habitation, et ceux qui habitent dans le ciel » (voir Apoc. 17:5 ; 13:6). En outre, quant au jugement de Babylone il est dit : « en un seul jour viendront ses plaies, mort, deuil, et famine ». Il en sera ainsi, car voici ce que disent ceux qui se lamentent de sa destruction : « Hélas ! hélas ! la grande ville, Babylone, la ville forte ! En une seule heure ton jugement est venu ! » (18:10). Cela montre clairement la nature prophétique de ces récits historiques (comp. aussi Jér. 50:35-46 ; 51:24-64).


9 - Ch. 6

Rappelons que la série de tableaux historiques du livre de Daniel présente les traits moraux qui caractériseront, à la fin des temps, la dernière forme de la souveraineté des nations. Si donc Belshatsar typifiait l’impiété qui osa s’élever contre le Seigneur des cieux, Darius présente l’exaltation de l’homme et, en fait, la substitution de l’homme à Dieu comme objet d’adoration. Il se peut qu’un caractère aimable l’ait entraîné à prendre cette position, mais cela ne change rien ; il n’en demeure pas moins qu’il signa le décret portant que quiconque ferait une demande à quelque dieu ou à quelque homme que ce soit, sinon à lui, durant trente jours, serait jeté dans la fosse aux lions (v. 7). L’instruction prophétique ne réside pas dans ce qu’il était, mais dans ce qu’il a fait. De même celui qui, dans un jour futur, s’opposera et s’élèvera contre tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération, et qui s’assiéra au temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu (2 Thes. 2:4), possédera peut-être de nombreux traits qui lui vaudront l’admiration et l’hommage des hommes. Lorsque le Seigneur était sur la terre, il n’y avait point de beauté en Lui pour le faire désirer des hommes ; il n’y avait rien en Lui qui le rendît désirable à l’homme naturel. En revanche, lorsque l’Antichrist apparaîtra sur la scène, il sera caractérisé par des traits qui attireront les cœurs des hommes en tant qu’hommes. Etant du monde, le monde aimera ce qui est à lui ; tandis que Christ, qui n’était pas du monde, était haï de lui. Darius étant un homme au caractère à certains égards admirable, était propre à préfigurer, ce chef futur, dans son exaltation de soi et sa déification.


9.1 - Daniel établi sur tout le royaume de Darius (v. 1-3)

Les trois premiers versets de ce chapitre donnent la base de ce qui suit. En prenant possession du trône de Babylone, Darius réorganisa les affaires du royaume ; et il établit « sur le royaume cent vingt satrapes… et au-dessus d’eux, trois présidents, dont Daniel était l’un… Et ce Daniel surpassa les présidents et les satrapes, parce qu’il y avait en lui un esprit extraordinaire ; et le roi pensa à l’établir sur tout le royaume ».

Belshatsar, à la veille de la prise de sa ville, avait proclamé que Daniel serait le troisième gouverneur dans le royaume ; Darius le nomma à la première place au-dessous de lui. En agissant ainsi, il était l’instrument de Dieu pour l’accomplissement de Ses desseins.


9.2 - Le complot contre Daniel (v. 4-9)

Daniel n’était pas un inconnu ; il était haï à la fois comme Juif et comme vrai adorateur du Dieu des cieux. Son élévation dans le gouvernement ne fit qu’exciter davantage l’envie et la jalousie des nobles, des satrapes et des présidents au-dessus desquels il avait été placé. Un homme d’une fidélité incorruptible, et ne cherchant qu’à plaire à Dieu, ne pouvait pas être aimé par des hommes au cœur pervers et avide. Ils décidèrent donc de provoquer d’une manière ou d’une autre sa destitution ou sa perte ; et tout d’abord, ils cherchèrent à trouver une occasion contre lui quant à l’administration qu’il exerçait. Il n’y a personne qui ait l’œil plus vif que les hommes malveillants, de sorte que rien — que ce soit dans les questions de finances ou les autres branches de l’administration de ce vaste empire — ne devait échapper à leur attention. Mais « ils ne pouvaient trouver aucun sujet d’accusation ni aucune faute, parce qu’il était fidèle » (v. 4). Quel témoignage à l’honnêteté et à la droiture de ce serviteur de Dieu ! C’est d’autant plus beau que, comme nous le lisons dans le verset suivant, c’était un témoignage rendu par ses ennemis. Ils ne savaient pas que Daniel travaillait sous les yeux de Celui qui voit les secrets du cœur et que la joie de sa vie était de marcher dans la faveur et dans la bénédiction de son Dieu.

Déçus dans cette direction, ils cherchèrent, avec l’ingéniosité qui caractérise toujours un cœur méchant, un autre motif d’attaque. « Ces hommes (un terme manifestement choisi pour exprimer leur iniquité) dirent : Nous ne trouverons dans ce Daniel aucun sujet d’accusation, à moins que nous n’en trouvions contre lui à cause de la loi de son Dieu » (v. 5). Idolâtres qu’ils étaient tous, et ayant un souverain qui l’était aussi, il était facile, pensaient-ils, de prendre Daniel dans leurs filets sur un tel terrain. Mais Darius ne pouvait pas avoir ignoré ni ce qui avait eu lieu entre Daniel et Belshatsar, ni le fait qu’il était un Juif pieux. Cela, expliquera la méthode adoptée par ces satrapes et ces présidents. Ils ne commencèrent pas par accuser Daniel d’adorer son Dieu. Avec une subtilité plus grande, ils décidèrent de flatter d’abord le roi en lui offrant la place de suprématie absolue — sur le ciel aussi bien que sur la terre — et ensuite de placer Daniel en conflit avec le roi en l’amenant à désobéir à ses ordres.

Inspiré par Satan, leur projet était intelligemment conçu et ils cherchèrent aussitôt à le mettre à exécution. Ils « s’assemblèrent en foule auprès du roi, et lui parlèrent ainsi : Roi Darius, vis à jamais ! » ; puis ils informèrent sa majesté que, après avoir tenu conseil, ils s’étaient mis d’accord « pour établir un statut royal et mettre en vigueur une défense, portant que quiconque fera une demande à quelque dieu ou à quelque homme que ce soit, durant trente jours, excepté à toi, ô roi, sera jeté dans la fosse aux lions » (v. 7). La seule chose qui manquait pour assurer la validité du décret, c’était la signature du roi, et alors il ne pourrait être changé « selon la loi des Mèdes et des Perses, qui ne peut être abrogée » (v. 8). Le roi, flatté probablement par l’hommage et la soumission des nobles de son nouvel empire, tomba aussitôt dans le piège qu’ils avaient tendu sous ses pieds. Et sans prendre le temps de considérer la place terrible qu’il acceptait, une place appartenant à Dieu seul, il « signa l’écrit et la défense » (v. 9). Nebucadnetsar avait fait une statue et avait ordonné à ses grands d’être présents à sa dédicace et de s’unir pour lui rendre hommage ; mais Darius prenait maintenant lui-même la place de Dieu et interdisait à tous ses sujets de se prosterner, pour la durée de tout un mois, devant n’importe quel « dieu » sinon lui, que ce soit en privé ou en public. C’était la déification de l’homme, qui aura, comme nous l’avons mentionné, sa contrepartie aux derniers jours, et vers laquelle les hommes, aujourd’hui même, se dirigent à si grands pas. Le remplacement de Dieu par l’homme est vu même au sein de la chrétienté ; il ne faut pas s’étonner alors si, après l’enlèvement de l’Église, lorsque l’énergie de Satan ne connaîtra plus de limite ni d’empêchement, l’homme voudra prendre publiquement et ouvertement la place de Dieu, même avec l’approbation de tous. Un tel état n’est atteint que graduellement. Les pas qui y mènent sont parcourus silencieusement et inconsciemment. Car les hommes y sont préparés par des enseignements qui, dans leur fruit, doivent amener cette conclusion, au point qu’ils seront à peine étonnés lorsqu’un homme, après avoir gagné leur hommage par sa sagesse et sa puissance terrestres, déclarera qu’il est Dieu.


9.3 - Daniel en prière (v. 10-11)

Que fait Daniel en présence du décret de Darius ? Va-t-il obéir ? Ou va-t-il, comme ses trois compagnons de captivité précédemment, ignorer volontairement le commandement du roi ? Qui aurait pu douter de la conduite qu’il allait adopter — vu la fidélité avec laquelle il avait parlé tant à Nebucadnetsar qu’à Belshatsar ? En outre, le fait que, dans le cercle de ses responsabilités et de son obéissance envers son souverain, il l’avait si bien servi que même ses ennemis ne pouvaient pas trouver de sujet d’accusation, donnait une garantie que lui, serviteur du Dieu des cieux, ne serait pas moins scrupuleux dans cet autre domaine où Dieu est souverain.

Darius, bien que pris au piège — avait outrepassé les limites de son autorité. En signant ce décret, il avait pénétré dans la sphère de Dieu, où l’homme n’a ni droit ni place. Si donc Daniel voulait garder une bonne conscience devant Dieu, il n’avait d’autre alternative que de refuser de se soumettre au décret qui avait été établi. Aussi quand il sut que l’écrit était signé, il entra dans sa maison ; et, ses fenêtres étant ouvertes dans sa chambre haute, du côté de Jérusalem, « il s’agenouillait trois fois le jour, et priait, et rendait grâce devant son Dieu, comme il avait fait auparavant » (v. 10).

Quel spectacle ! Un homme de race différente, objet de l’envie des Chaldéens et ne devant son élévation qu’à la faveur du roi, défie, quel qu’en soit le prix, le pouvoir de tout le royaume, parce qu’il ne veut pas être infidèle à son Dieu ! Et remarquez qu’il n’y avait pas d’ostentation dans le chemin qu’il poursuivait. Il continuait sa vie habituelle ; il agissait « comme il avait fait auparavant ». Il aurait pu fermer ses fenêtres et échapper aux regards de tous, mais agir ainsi, dans ces circonstances, serait revenu au même que respecter le décret du roi. Ses fenêtres avaient toujours été ouvertes du côté de Jérusalem, et elles devaient être maintenues ouvertes. Aussi Daniel, le matin, à midi et le soir, criait à l’Éternel, « comme il avait fait auparavant », sans se soucier, par la grâce de Dieu, des conséquences de son acte.

Il y avait une raison à ce que ses fenêtres soient ouvertes du côté de Jérusalem. Lors de la dédicace du temple, Salomon avait prié à l’égard du peuple, au cas où ils seraient emmenés captifs dans le pays de l’ennemi, loin ou près : si « dans le pays où ils auront été emmenés captifs, ils rentrent en eux-mêmes… et qu’ils te prient en se tournant vers leur pays, que tu as donné à leurs pères, vers la ville que tu as choisie et vers la maison que j’ai bâtie pour ton nom : alors écoute dans les cieux, le lieu de ton habitation, leur prière et leur supplication, et fais-leur droit » (1 Rois 8:46-49). Daniel s’appuyait par conséquent sur la sûre parole de Dieu en priant de la sorte, car l’Éternel avait dit à Salomon : « J’ai entendu ta prière et la supplication que tu as faites devant moi » (1 Rois 9:3).

Daniel n’était pas un « disciple en secret » ; ses habitudes de prière étaient connues et ses ennemis savaient comment découvrir si oui ou non il obéissait au décret. « Ces hommes s’assemblèrent en foule et trouvèrent Daniel qui priait et présentait sa supplication devant son Dieu » (v. 11). Le terme « ces hommes », comme au verset 5, se retrouve ici (voir aussi v. 15, 24), sans doute pour exprimer quelle était l’estimation divine de leur méchante conduite. Mais ils avaient gagné un point ; leur mauvais dessein avait réussi jusque-là.


9.4 - L’accusation de Daniel (v. 12-15)

En se réjouissant de leur succès, les présidents et les satrapes « s’approchèrent et dirent devant le roi, touchant la défense du roi : N’as-tu pas signé une défense ?… Le roi répondit : La chose est certaine, selon la loi des Mèdes et des Perses, qui ne peut être abrogée » (v. 12). Hélas ! le roi était dans les mains de ces hommes sans scrupules. Il avait accepté leurs flatteries, et maintenant il était devenu leur esclave impuissant. Il avait lui-même, sans s’en douter, fixé ses propres chaînes. Tenant ainsi le monarque dans leur piège, ces gens continuèrent en dévoilant le dessein de leur méchant cœur ; et leurs paroles mêmes ne faisaient que trahir la profondeur de leur iniquité. Ils dirent devant le roi : « Daniel, qui est d’entre les fils de la captivité de Juda, ne tient pas compte de toi, ô roi, ni de la défense que tu as signée, mais il fait sa requête trois fois par jour » (v. 13).

Leur inimitié personnelle envers Daniel et envers sa race, et leur jalousie du fait de sa position, sont clairement révélées. Et ils ne s’étaient servis du roi, dans leur prétendu désir de le voir accéder à la suprématie absolue, que comme instrument pour la destruction de Daniel. Le roi était ainsi amené à considérer le fruit de ses propres actes et ne pouvait se cacher plus longtemps l’objet réel de l’écrit qu’il avait signé. Combien souvent n’arrive-t-il pas que nous soyons aveuglés sur la nature de nos actions jusqu’à ce que nous soyons placés en face de leurs conséquences irrévocables ! Tel fut le cas pour Darius ; et lorsqu’il entendit l’accusation contre Daniel, il « en fut fort affligé, et il pensa avec sollicitude à Daniel afin de le sauver, et jusqu’au coucher du soleil il s’efforça de le délivrer » (v. 14). Ses efforts étaient un témoignage à l’estime qu’il portait à Daniel, et aussi de la bonté de son cœur, mais il n’était plus son propre maître. Lui-même avait invoqué le caractère immuable des lois des Mèdes et des Perses ; et les ennemis de Daniel ne furent pas lents à tirer avantage de cette règle, car de nouveau ils s’assemblèrent en foule auprès du roi, et lui dirent : « Sache, ô roi, que c’est la loi des Mèdes et des Perses, qu’aucune défense ou statut que le roi a établi, ne peut être changé » (v. 15). Ils revendiquaient leur pouvoir ; et leur langage, « sache, ô roi », trahissait leur intention de l’affirmer à tout prix ; de sorte que Darius n’osa pas résister à ces nobles qui comptaient parmi les plus influents de son royaume, car, par sa propre folie, ils avaient la loi de leur côté. Aussi il commanda qu’on amenât Daniel et qu’on le jetât dans la fosse aux lions (v. 16a).


9.5 - Daniel jeté dans la fosse (v. 16-18)

L’acte était consommé, et « ces hommes » triomphaient à la fois de Daniel et de Darius. Mais Daniel avait Quelqu’un d’autre de son côté, sur lequel ses ennemis n’avaient pas compté ; et, comme on le voit dans le récit qui suit, leur brève victoire ne fut que le prélude à leur propre défaite et à leur destruction. Si Dieu est pour les siens, personne ne peut réussir contre eux, quelles que soient les apparences du moment. Même Darius, d’une manière ou d’une autre, avait la conviction qu’il ne serait pas permis que Daniel pérît. « Ton Dieu », dit-il, « que tu sers continuellement, lui, te sauvera » (v. 16b). Et pourtant, il était encore sous le pouvoir de ses serviteurs et était obligé d’exécuter son décret jusqu’à sa fin amère ; car après que la pierre eut été apportée et mise sur l’ouverture de la fosse, « le roi la scella de son cachet et du cachet de ses grands, afin que l’intention à l’égard de Daniel ne fût pas changée » (v. 17).

Avant de continuer, permettez une remarque sur la similitude entre l’action de Darius et ses grands et celle des principaux sacrificateurs et des pharisiens telle qu’elle est rapportée dans l’évangile selon Matthieu. Dieu avait permis que ceux-ci arrivent à faire crucifier le Seigneur Jésus ; et après sa mort, il fut enseveli dans un sépulcre. Non contents d’avoir atteint leur but, ils obtinrent de Pilate de rendre « le tombeau sûr, en scellant la pierre et en y mettant la garde » (Matt. 27:66). Dans les deux cas, l’homme pensait servir ses fins en rendant toute intervention ou délivrance impossible. Mais Dieu n’avait point de place dans leurs pensées ; et que peut faire l’homme quand il se risque à combattre contre Dieu ?


9.6 - La délivrance divine (v. 19-23)

On a vu clairement que Darius n’avait pas son cœur dans ce qui avait été fait ; et maintenant que l’acte a été accompli, malgré sa confiance formelle que Dieu délivrerait Daniel, il est plein de remords. Il passe la nuit suivante en jeûne et en veille et se levant tôt le lendemain, il s’en va en hâte à la fosse aux lions. Toutes ses pensées sont pour le moment concentrées sur Daniel. « Et comme il approchait de la fosse, il cria à Daniel d’une voix triste… Daniel, serviteur du Dieu vivant, ton Dieu, que tu sers continuellement, a-t-il pu te délivrer des lions ? » (v. 20). Dieu n’avait pas oublié son serviteur ; et bien que Daniel eût été exposé à tout ce qui nous parle de la puissance de Satan, il ne lui fut pas fait de mal et il ne pouvait pas lui être fait le moindre mal, car il était sous la protection toute puissante du Dieu vivant. Il fut par conséquent en mesure de répondre à la question du roi, après la formule usuelle de loyauté : « Mon Dieu a envoyé son ange et a fermé la gueule des lions, et ils ne m’ont fait aucun mal, parce que devant lui l’innocence s’est trouvée en moi, et devant toi non plus, ô roi, je n’ai rien fait de mal » (v. 22).

Il demeurait ainsi vrai que « l’ange de l’Éternel campe autour de ceux qui le craignent, et les délivre » (Ps. 34:7). Il convient cependant de remarquer que Daniel atteste que « l’innocence » s’était trouvée en lui devant Dieu. La leçon est que nous ne pourrions être consciemment sous la protection de Dieu, ni ne pourrions réclamer, ou plutôt attendre, son secours, si nous n’avions pas une bonne conscience devant lui. Devant le roi, Daniel était aussi pur que devant Dieu ; comme l’apôtre, il avait une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes. Dieu, le moment venu intervint et, protégeant son serviteur, le délivra, comme Paul (2 Tim. 4:17), de la gueule du lion.

Le décret ayant été exécuté, car le châtiment rattaché à son inobservation était que le coupable devait être jeté dans la fosse aux lions, non pas qu’il devait être dévoré par les lions, le roi était libéré du filet de ses grands. La loi avait été revendiquée et Daniel en avait subi la peine. Darius pouvait par conséquent exercer sa prérogative, sans que personne l’arrête en invoquant les lois des Mèdes et des Perses ; il commanda qu’on tirât Daniel de la fosse. Lorsqu’il en fut retiré, « aucun mal ne fut trouvé sur lui, parce qu’il s’était confié en son Dieu » (v. 23). Tout le secret de sa protection et de sa délivrance est révélé ici. La foi, divinement produite dans son âme, introduisit Dieu qui protégea son serviteur de la malice de ses ennemis en soumettant et refrénant les instincts naturels et destructeurs des lions. L’auteur de l’épître aux Hébreux, pensant sans doute à Daniel, mentionne les prophètes : « qui par la foi… fermèrent la gueule des lions » (Héb. 11:33). C’était une des victoires de la foi qui devait encourager le peuple de Dieu à se confier à Lui et à compter sur Lui en tout temps, se souvenant que si toutes choses sont possibles pour Dieu, toutes choses sont aussi possibles pour celui qui croit ; et c’est cette merveilleuse vérité que Daniel illustre ici.

Au début de ce chapitre, nous avons vu que Darius, en acceptant la place que ses conseillers lui offraient, préfigurait la tête future de la dernière forme de la souveraineté des nations, qui acceptera les honneurs divins et imposera sa déification à ses sujets (Apoc. 13:8-12). La délivrance de Daniel est aussi typique. Il représente le résidu fidèle de Dieu qui se trouve à Jérusalem et dans le pays pendant les jours de la terrible domination de l’Antichrist. Par les machinations de leurs ennemis, ils seront pour ainsi dire jetés dans la fosse aux lions, entourés de tous côtés par les diverses manifestations de la puissance de Satan ; et à vue humaine, leur destruction paraîtra imminente et certaine. Mais Dieu lui-même les protégera et, intervenant pour leur délivrance par l’apparition de Christ, il fera tomber sur leurs ennemis le jugement même qu’ils avaient destiné à son peuple. Cette situation du résidu, antérieure à l’apparition de Christ en gloire, est souvent dépeinte tant dans les prophètes que dans les Psaumes. Une citation de ceux-ci rendra la chose claire : « Mon âme » dit le psalmiste, parlant comme le porte-parole de l’Esprit de Christ dans ce résidu, « mon âme est au milieu de lions ; je suis couché parmi ceux qui soufflent des flammes, — les fils des hommes, dont les dents sont des lances et des flèches, et la langue une épée aiguë » (Ps. 57:4). Puis regardant en haut, il s’écrie : « Elève-toi, ô Dieu ! au-dessus des cieux ; que ta gloire soit au-dessus de toute la terre ! », sachant que lorsque la gloire de Dieu sera ainsi manifestée à l’apparition de Christ, le temps de la délivrance du résidu sera arrivé. « Il a envoyé des cieux, et m’a sauvé ; il a couvert de honte celui qui veut m’engloutir. Dieu a envoyé sa bonté et sa vérité ». « Ils ont préparé un filet pour mes pas, mon âme se courbait ; ils ont creusé devant moi une fosse, ils sont tombés dedans » (Ps. 57:6). Ce psaume a été écrit au moins cinq cents ans avant l’époque de Daniel ; or la ressemblance avec son expérience est suffisamment frappante pour arrêter l’attention de tout lecteur pieux des Ecritures. En effet, les circonstances de David qui ont fourni l’occasion de ce psaume, comme celles de Daniel, étaient toutes les deux prophétiques de celles du résidu des derniers jours.

Et on peut remarquer une fois encore, pour le profit des plus jeunes lecteurs des Ecritures, que très peu des récits de la Bible sont purement historiques. Certes, en tant que récits, ils sont pleins d’intérêt et présentent des leçons morales de grande valeur. Mais ils sont souvent aussi typiques et prophétiques. Par exemple, David est un personnage historique et une grande instruction peut être retirée de sa vie et de sa conduite, instruction qui donne à la fois des encouragements et des avertissements. Mais nous avons aussi à le considérer, dans toute sa réjection et ses persécutions avant de monter sur le trône, comme un type de Christ lorsqu’il vint chez lui, et que les siens ne l’ont pas reçu (Jean 1:11). De même ensuite dans le royaume, il nous présente Christ comme le Roi de justice, tandis que Salomon, son fils, préfigure le Messie comme Roi de paix. David, en outre, comme nous l’apprend Pierre (Act. 2:30), était un prophète, et c’est pourquoi, comme dans le Psaume auquel il a été fait allusion, beaucoup de ses écrits décrivent l’avenir, qu’il s’agisse de la position et de l’état du résidu ou des bénédictions et de la gloire du règne du Messie. Nous en souvenir accroît considérablement notre intérêt pour les Ecritures et nous permet en même temps de comprendre leur caractère profond et le propos de Dieu dans les événements qui y sont rapportés.


9.7 - Le jugement des ennemis de Daniel (v. 24)

Le roi avait encore quelque chose à faire après la délivrance de Daniel. Rendu pleinement conscient de ce qu’avait d’énorme l’iniquité des présidents et de ses satrapes, dans une juste indignation il « donna des ordres, et on amena ces hommes qui avaient accusé Daniel, et on les jeta dans la fosse aux lions, eux, leurs enfants et leurs femmes ; et ils n’étaient pas parvenus au fond de la fosse, que déjà les lions se rendirent maîtres d’eux et leur brisèrent tous les os » (v. 24). « Ces hommes » tombèrent dans la fosse qu’ils avaient pour ainsi dire creusée de leurs propres mains et leurs pieds furent pris dans le piège qu’ils avaient tendu pour Daniel. Dieu témoignait de cette manière en faveur de son serviteur et exécutait son jugement sur ses ennemis.


9.8 - La proclamation de Darius (v. 25-27)

L’impression produite sur Darius par ces événements dont il avait été témoin fut profonde ; et il envoya une proclamation dans tout son royaume, aux différentes nations qui habitent sur toute le terre, disant : « Que votre paix soit multipliée ! De par moi l’ordre est donné que, dans tous les gouvernements de mon royaume, on tremble devant le Dieu de Daniel et on le craigne ; car il est le Dieu vivant, et il subsiste à jamais, et son royaume est un royaume qui ne sera pas détruit, et sa domination durera jusqu’à la fin » (v. 25, 26). Jusqu’à quel point il entrait dans la vérité des paroles qu’il fit écrire, cela n’est pas révélé. Quoi qu’il en fût, ce n’était pas un faible témoignage qu’il rendait à Dieu et à sa souveraineté. Il allait beaucoup plus loin que Nebucadnetsar au chapitre 3. Ce monarque s’était contenté d’interdire à ses sujets, sous peine de châtiments extrêmes, de parler mal du Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego. Darius, lui, commanda que, dans tous les gouvernements de son royaume, on tremblât devant le Dieu de Daniel et qu’on le craignît, parce qu’il était le Dieu vivant et que son royaume était éternel. Ainsi la tentative d’éteindre pour toujours la lumière de son témoignage à Babylone devint le moyen de la répandre sur toute la terre.

Il reste encore à relever que la confession faite par Darius du Dieu de Daniel comme étant le Dieu vivant a un caractère typique. Elle préfigure la conversion des Gentils, suite à l’intervention de l’Éternel pour la délivrance de son peuple et pour le jugement de leurs ennemis. Au Psaume 18, après une description de la victoire du Messie sur ses ennemis, nous lisons : « Tu m’as délivré des débats du peuple ; tu m’as établi chef des nations ; un peuple que je ne connaissais pas me servira. Dès qu’ils ont entendu de leur oreille, ils m’ont obéi ; les fils de l’étranger se sont soumis à moi en dissimulant ». Et encore : Il « m’a délivré de mes ennemis ! Même tu m’as élevé au-dessus de ceux qui s’élèvent contre moi, tu m’as délivré de l’homme violent. C’est pourquoi, Éternel ! Je te célébrerai parmi les nations, et je chanterai des cantiques à la gloire de ton nom » (v. 43, 44, 48, 49). Nous apprenons donc, comme aussi dans tous les écrits prophétiques, que le Seigneur délivrera son peuple au travers de jugements inexorables ; après avoir versé sa colère sur leurs oppresseurs, il établira son trône, et alors tous les rois tomberont devant lui et toutes les nations le serviront.


10 - Ch. 7

Avec ce chapitre, nous abordons la seconde partie du livre. La première contient les visions qu’ont eues les rois, ainsi que les actes, tant de ces rois que d’autres personnes en relation avec Daniel et ses compagnons. Daniel y apparaît comme le messager de Dieu, possédant Son esprit, pour exposer avec autorité les songes et les visions que Nebucadnetsar avait reçus. Voilà ce qui nous a occupés jusqu’ici.

Maintenant, dans la seconde partie, nous avons les visions qui ont été données à Daniel lui-même, et leurs interprétations. Ces communications contiennent non seulement des principes généraux, mais des détails concernant à la fois le peuple de Dieu, et les Gentils qui l’opprimaient — détails historiques quoique donnés d’avance prophétiquement. On remarquera d’emblée une différence entre ces communications et les communications prophétiques ordinaires. Pour Daniel, ce n’est pas comme pour les prophètes en général, que la parole de l’Éternel vînt à lui ou qu’il parlât étant poussé par l’Esprit Saint ; mais il « vit un songe, et des visions de sa tête, sur son lit », ou comme au chapitre 8, une vision lui « apparut ». En fait, il n’était pas un messager pour le peuple de Dieu comme, par exemple, Ésaïe et Jérémie ; mais, comme Jean à Patmos, il reçut des révélations touchant l’avenir pour la direction du peuple de Dieu dans tous les âges. Les visions de Daniel sont, par conséquent, comme celles de Jean, apocalyptiques dans leur nature.


10.1 - La vision des trois premières bêtes (v. 1-6)

La première vision se produisit « la première année de Belshatsar, roi de Babylone » (v. 1). Nous disons la première vision, bien qu’en fait trois visions soient données ici (v. 2, 7, 13) ; et outre celles-ci, nous trouvons, en réponse à la question posée par Daniel, l’interprétation dans les versets 17-27.

L’objet de ce chapitre est surtout le quatrième empire gentil, son jugement et son remplacement par le royaume du Fils de l’homme. Les trois premiers empires ne sont introduits que brièvement, et le chapitre couvre ainsi, à un autre point de vue, le même sujet que la vision de Nebucadnetsar au chapitre 2. Les trois visions se rattachent l’une à l’autre et se complètent ; leur examen dans l’ordre selon lequel elles sont données conduira par conséquent à une meilleure compréhension. Quant à l’interprétation, elle sera abordée lorsque nous aurons saisi les visions avec leurs traits caractéristiques.

Le sujet de la première vision était donc quatre grandes bêtes : « Daniel prit la parole et dit : Je voyais dans ma vision de nuit, et voici, les quatre vents des cieux se déchaînèrent sur la grande mer. Et quatre grandes bêtes montèrent de la mer, différentes l’une de l’autre » (v. 2, 3). La mer, une masse d’eau, signifie, comme souvent dans l’Ecriture, des peuples et des nations (voir Apoc. 17:1, 15) ; et dans le cas qui nous occupe, il y a un état d’anarchie et de confusion, vu que « les quatre vents des cieux se déchaînèrent sur la grande mer ». Les vents sont diverses influences perturbatrices, ordonnées de Dieu d’une manière providentielle, et en jugement, pour l’accomplissement de ses desseins dans le gouvernement de la terre. Ainsi, en Apocalypse 7, nous avons des anges qui retiennent les quatre vents de la terre, les empêchant d’accomplir leur mission judiciaire jusqu’à ce que les esclaves de Dieu aient été scellés au front. Là, ce sont les vents de la terre, parce que la terre était l’objet de leur visitation ; tandis que, en Daniel, ce sont les vents des cieux, indiquant la source de laquelle ils devaient sortir.

C’était donc de la mer — de la masse des peuples dans un état d’agitation, sinon de confusion chaotique — que les quatre bêtes montèrent. Il n’y a cependant pas lieu de supposer qu’elles montèrent simultanément, car si elles représentent vraiment, comme personne ne saurait en douter, les mêmes quatre empires que ceux typifiés par la statue de Nebucadnetsar, elles apparaissent successivement sur la scène. De fait, cela est indiqué par Daniel au verset 6: « Après cela, je vis, et en voici une autre… », et aussi au verset 7. Au verset 3, ce n’est qu’une constatation générale, mais elle montre que tous ces empires se manifestèrent et obtinrent chacun leur domination de la même manière : ils vinrent à l’existence comme des empires universels à une époque d’agitation révolutionnaire et furent édifiés sur les ruines d’autres royaumes. Tous sont décrits comme des bêtes, différant en cela du symbolisme de la statue de Nebucadnetsar. Dans la statue, nous avons la pensée de la détérioration graduelle de la puissance gouvernementale dans les mains des Gentils, depuis Nebucadnetsar (à qui elle avait été confiée directement par Dieu lui-même), comme la tête d’or, en descendant jusqu’au fer et à l’argile dans les jambes et les pieds. Ici, tous, bien qu’ils diffèrent dans leur caractère et peut-être dans leurs qualités respectives, sont vus sous forme de bêtes, pour montrer leurs traits moraux, car Dieu étant mis de côté, le moi, les appétits égoïstes, les buts, les motifs et les objets terrestres, la cruauté et la rapacité, caractérisent tous ces royaumes gentils. Quelle révélation, que tous les gouvernements de la terre, depuis la destruction de Jérusalem jusqu’au royaume de Christ, doivent être moralement représentés comme des « bêtes » !


10.1.1 - Le lion

La première bête, Babylone, « était comme un lion, et elle avait des ailes d’aigle. Je vis jusqu’à ce que ses ailes furent arrachées, et qu’elle fut soulevée de terre, et mise debout sur ses pieds, comme un homme ; et un cœur d’homme lui fut donné » (v. 4).

Chacun de ces symboles — le lion et l’aigle — avait déjà été employé auparavant en rapport avec Babylone (Jér. 4:7 ; 49:19-22) ; ils parlent de majesté et de rapidité — cette rapidité de marche et de conquête qui a spécialement marqué le royaume de Nebucadnetsar. Mais le prophète fut témoin d’un changement remarquable. Les ailes de la bête furent arrachées ; elle perdit la rapidité d’exécution qui l’avait distinguée, révélant par là le déclin de l’empire entre les mains des successeurs efféminés de Nebucadnetsar. En outre, la bête perdit son attitude caractéristique ; elle fut amenée à se tenir debout comme un homme, et reçut un cœur d’homme — images de l’état de faiblesse auquel Babylone fut finalement réduite. Car si un lion est contraint à se tenir debout et que toute sa nature soit changée, il a perdu à la fois sa puissance et sa grandeur.


10.1.2 - L’ours

La seconde bête était « semblable à un ours, et elle se dressait sur un côté. Et elle avait trois côtes dans sa gueule, entre ses dents ; et on lui dit ainsi : Lève-toi, mange beaucoup de chair » (v. 5).

Si Babylone est désignée par la première bête, la Perse ou plutôt le royaume médo-perse, est tout aussi clairement présenté par la seconde ; car il nous est expressément dit au chapitre 5 que cet empire a succédé à celui de Babylone et, au chapitre 8, qu’il a précédé celui de Grèce (v. 20- 21). Cette succession est d’ailleurs bien connue par l’histoire. Le symbole d’un ours indique son caractère féroce et qu’il se dresse « sur un côté » attire l’attention sur le fait que, composé à l’origine des deux royaumes des Mèdes et des Perses, l’un de ceux-ci — le dernier, sous Cyrus — obtint la supériorité, même s’il n’absorba pas l’autre. Le fait que cette bête avait trois côtes dans sa gueule, entre ses dents, et l’exhortation « Lève-toi, mange beaucoup de chair », indique évidemment les traits distinctifs de cet empire, c’est-à-dire, sa rapacité — engloutissant, dévorant, pour ainsi dire, royaume après royaume.


10.1.3 - Le léopard

La Grèce suit — l’empire grec tel qu’il fut formé par les conquêtes d’Alexandre, mais pas seulement tel qu’il fut détenu par lui, car « la bête avait quatre têtes ». De même que l’unique tête d’or symbolisait et Nebucadnetsar et sa dynastie, les successeurs d’Alexandre sont vus dans ces quatre têtes, l’empire d’Alexandre étant finalement, après sa mort, divisé en quatre royaumes, dirigés par quatre de ses généraux. Seuls deux d’entre eux subsistèrent. Les Séleucides eurent la Syrie et les Ptolémées, l’Égypte. Les deux autres royaumes, la Grèce et la Thrace, furent bientôt conquis par les Romains. Les deux premiers, la Syrie et l’Égypte, se maintinrent jusque vers 50 avant Jésus Christ.

Les deux traits prédominants, tels qu’ils sont figurés par le léopard avec quatre ailes d’oiseau sur son dos, sont l’agilité et la rapidité d’exécution — des traits qui ont distingué d’une manière remarquable Alexandre dans ses guerres et ses conquêtes. Il n’a probablement jamais été surpassé en ce qui concerne la rapidité et l’impétuosité, et nous devrions nous souvenir que ces caractères du roi grec ont été dépeints quelque deux cents ans avant sa naissance. Comme Cyrus, par conséquent, il a été ceint pour son œuvre, bien qu’il ne connût pas Celui qui l’avait appelé à l’existence.


10.2 - La quatrième bête (v. 7-12)

La quatrième bête est considérée dans une vision séparée, car, comme cela a été indiqué, c’est le quatrième royaume que l’Esprit de Dieu a spécialement en vue dans ce chapitre. De ce fait les trois premières bêtes ne sont que brièvement esquissées, en guise d’introduction et parce qu’elles couvrent, avec la quatrième, toute la période des temps des Gentils.


10.2.1 - La bête romaine

Daniel fut spécialement impressionné par la quatrième bête, comme le traduit le langage frappant qu’il est conduit à employer : « Après cela je vis dans les visions de la nuit, et voici une quatrième bête, effrayante et terrible et extraordinairement puissante, et elle avait de grandes dents de fer : elle dévorait et écrasait ; et ce qui restait, elle le foulait avec ses pieds. Et elle était différente de toutes les bêtes qui étaient avant elle ; et elle avait dix cornes. Je considérais les cornes, et voici une autre corne, petite, monta au milieu d’elles, et trois des premières cornes furent arrachées devant elle. Et voici, il y avait à cette corne des yeux comme des yeux d’homme, et une bouche proférant de grandes choses » (v. 7-8).

Tous les commentateurs sont d’accord que l’Empire romain est décrit ici, quelles que soient leurs différences d’opinion quant à la période à laquelle s’appliquent certaines parties de la description. En fait, nulle autre interprétation n’est possible, car il est facile de constater que le dernier successeur au royaume d’Alexandre a été Rome. Nous n’avons toutefois pas besoin de faire maintenant plus que relever un ou deux traits de la vision que Daniel a eue de cet empire, vu que nous avons une interprétation revêtue d’autorité à la fin du chapitre.

Le caractère dominant est donc la force, une puissance irrésistible, semant la terreur dans les cœurs des témoins de ses cruautés effroyables et impitoyables. Comme un autre l’a écrit : « La force, la rapacité n’épargnant et ne respectant rien, s’appropriant tout, en le foulant sous les pieds sans conscience, voilà ce qui caractériserait moralement la quatrième bête » (Études sur la Parole de Dieu -J.N.D. -Tome 3 p. 237).

Remarquez aussi qu’elle était différente de toutes les bêtes qui l’avaient précédée. L’explication peut, me semble-t-il, en être trouvée dans le livre de l’Apocalypse, où nous lisons à l’égard de cette même bête, qu’elle « était semblable à un léopard, ses pattes comme celles d’un ours, et sa gueule comme une gueule d’un lion ; le Dragon lui donna sa puissance et son trône, et un grand pouvoir » (13:2). Cette Bête concentrait en elle toutes les formes bestiales qui avaient distingué ses trois prédécesseurs et, en outre, elle reçut son royaume dans sa forme finale, directement des mains de Satan. Nebucadnetsar avait reçu son pouvoir de Dieu ; l’Empire romain ressuscité, à la fin, acceptera sa puissance de Satan et recevra son énergie de lui. C’est l’apostasie complète dans le gouvernement humain. Comme une bête en effet, il tirera ses motifs de la terre, cherchera sur elle des objets, et dans sa volonté immodérée de s’agrandir et de satisfaire ses propres désirs et passions, exclura Dieu de tous ses desseins ; plus que cela même, faisant volte-face résolument, aussi complètement que les enfants d’Israël lorsqu’ils adorèrent le veau d’or, il deviendra le serviteur et l’esclave volontaire de Satan. Telle sera l’issue de tout le progrès et des lumières tant vantées ainsi que de toute la science politique de ce siècle. Cela se manifestera, en ce qui concerne les puissances dirigeantes, par la mise de côté de Dieu et l’exaltation, à sa place, de Satan !

Il est également important de remarquer que dans cette vision du quatrième empire, Daniel le voit comme un tout — c’est-à-dire de son début jusqu’à la fin. Réservant les autres remarques à ce sujet pour la fin du chapitre, nous ajouterons simplement que la preuve en est dans la mention des dix cornes et dans l’apparition d’une autre petite corne d’une puissance remarquable, et caractérisée par son intelligence et son langage ; enfin dans le fait que la destruction finale de cette quatrième bête est suivie par l’introduction du royaume du Fils de l’homme.


10.2.2 - Les trônes et l’Ancien des jours

Daniel poursuit ainsi le récit de ce qu’il a vu dans ses visions de la nuit. « Je vis jusqu’à ce que les trônes furent placés, et que l’Ancien des jours s’assit. Son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête, comme de la laine pure ; son trône était des flammes de feu ; les roues du trône, un feu brûlant. Un fleuve de feu coulait et sortait de devant lui. Mille milliers le servaient, et des myriades de myriades se tenaient devant lui. Le jugement s’assit, et les livres furent ouverts » (v. 9-10).

Que l’Ancien des jours soit le Dieu éternel est incontestable ; et il est aussi évident, tant d’après le verset 22 que selon Apocalypse 1, que le Fils de l’homme est l’Ancien des jours, le Dieu éternel. Tout le jugement lui a été donné parce qu’il est Fils de l’homme ; et il est clairement établi dans la scène placée devant nous que c’est une session de jugement — non pas la séance de jugement du grand trône blanc d’Apocalypse 20, mais une session pour le jugement des vivants (car il jugera les vivants aussi bien que les morts) préalable à l’établissement de son royaume (v. 14).

Le trône était des flammes de feu ; ses roues, un feu brûlant, et un fleuve de feu sortait de devant lui ; car le feu est toujours dans l’Ecriture un symbole de la sainteté de Dieu, appliquée en jugement. Les myriades d’anges aussi qui servent et se tiennent devant Lui, mènent à la même conclusion. Nous voyons également ce trône en Matthieu, en relation avec le jugement des nations : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il s’assiéra sur son trône de gloire » (Matt. 25:31). Les trônes — non pas le trône de la fin du verset 9 qui est celui de l’Ancien des jours, mais les trônes du début du verset — sont ceux que nous avons en Apocalypse 20: « Et je vis des trônes — et ils s’y assirent, et le jugement leur fut donné » (v. 4). Ce sont les trônes occupés par les saints, les armées du ciel qui suivront Christ lorsqu’il sortira pour le jugement décrit dans notre chapitre (Apoc. 19:11-21). C’est ainsi que l’apôtre pouvait écrire aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? » (1 Cor. 6:2). Ils seront associés à Christ dans le jugement des vivants, et de ce fait, Daniel vit des trônes outre celui de flammes de feu sur lequel le Juge lui-même était assis. Il convient de remarquer que Daniel ne vit que les trônes eux-mêmes, tandis que Jean les vit occupés par ceux qui sortirent des cieux à la suite de Christ (Apoc. 20).


10.2.3 - Le jugement de la bête

Le motif du jugement, tel qu’il fut révélé au prophète, est donné dans le verset suivant : « Je vis alors, à cause de la voix des grandes paroles que la corne proférait, — je vis jusqu’à ce que la bête fut tuée ; et son corps fut détruit et elle fut livrée pour être brûlée au feu » (v. 11).

Le motif était donc les « grandes paroles que la corne proférait ». En Apocalypse 13, il est dit de la Bête : « Il lui fut donné une bouche qui proférait des paroles violentes et des blasphèmes… Elle ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, son habitation, et ceux qui habitent dans le ciel » (v. 5-6), et ce fut à cause de ces blasphèmes que l’Ancien des jours vint et s’assit pour le jugement sur son trône de feu. Par ces actes audacieux de défi contre Dieu, la coupe de son iniquité a été remplie jusqu’à déborder et un jugement rapide et sûr vint sur elle : la bête fut tuée et son corps livré au feu éternel (comp. Apoc. 19:19-21).

Suit la constatation générale : « Quant aux autres bêtes, la domination leur fut ôtée ; mais une prolongation de vie leur fut donnée, jusqu’à une saison et un temps » (v. 12). Il ne faut pas voir là la suite directe de ce qui précède. Les quatre bêtes ont d’abord été présentées à Daniel et, maintenant, après avoir montré le jugement de la dernière, la vision revient en arrière pour nous dire ce qui avait été fait des trois premières bêtes, non pas à cette session de jugement, mais précédemment, dans les voies judiciaires de Dieu dans son gouvernement providentiel. La domination et la vie de la dernière bête furent ôtées en un même moment. Il n’en fut pas ainsi de Babylone, de la Perse et de la Grèce : Babylone a continué à exister longtemps après son assujettissement par les Mèdes et les Perses ; la Perse, dépouillée de sa gloire précédente, subsiste jusqu’à aujourd’hui ; et quant à la Grèce, elle forme à nouveau de nos jours un état indépendant. Les vies de ces empires ont ainsi été prolongées « jusqu’à une saison et un temps » ; mais lorsque l’Empire romain, après être ressuscité à l’étonnement de tous ceux qui le verront, sera finalement jugé, tant lui que son chef disparaîtront pour toujours.


10.3 - Le royaume du Fils de l’homme (v. 13-14)

Après le jugement de la quatrième bête, nous avons la vision du royaume qui ne passera jamais : « Je voyais dans les visions de la nuit, et voici, quelqu’un comme un fils d’homme vint avec les nuées des cieux, et il avança jusqu’à l’Ancien des jours, et on le fit approcher de lui. Et on lui donna la domination, et l’honneur, et la royauté, pour que tous les peuples, les peuplades et les langues, le servent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et son royaume, un royaume qui ne sera pas détruit » (v. 13-14).


10.3.1 - L’Ancien des jours, distingué du Fils de l’homme

L’Ancien des jours, comme nous l’avons déjà vu, est le Fils de l’homme ; mais dans cette vision, l’un est distingué de l’autre. Il en est souvent ainsi dans les Psaumes. Le Messie est l’Éternel ; et pourtant au Psaume 110, l’Éternel dit au Seigneur : « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je mette tes ennemis pour le marchepied de tes pieds » (v. 1). C’est le mystère des Personnes divines. Dans la vision de Daniel, elles sont distinguées parce que, comme Fils de l’homme, notre Seigneur reçoit tout de Dieu. Aussi, après qu’Il a été amené à l’Ancien des jours, il est dit : « On lui donna la domination ». Cela montre clairement, tant par son titre, Fils de l’homme, que par le fait qu’Il reçoit la domination, que ce que nous avons ici, c’est sa domination universelle, étendue à toute la terre, qu’Il établira après son apparition en gloire. C’est, en un mot, l’accomplissement du Psaume 8, toutes choses étant mises sous ses pieds. Par conséquent, cette vision est en relation directe avec le verset 11 et l’ordre des événements sera : d’abord la venue de Christ en gloire avec ses saints ; puis son jugement sur la Bête ; après cela, bien que la chose ne soit pas spécifiquement mentionnée ici, l’établissement de son trône en Sion ; et enfin, la verge de la force de l’Éternel sera envoyée de ce centre (voir Ps. 110) et soumettra tous les peuples, nations et langues, afin qu’ils servent Celui qui est à la fois le Christ et le Fils de l’homme.

Nous verrons quelques-uns des traits de ce royaume glorieux dans l’interprétation de la vision ; mais avant de les considérer, il convient de remarquer l’effet produit sur Daniel par ce qu’il avait vu.


10.3.2 - L’effet des visions sur l’esprit de Daniel

« Moi, Daniel, je fus troublé dans mon esprit au dedans de mon corps, et les visions de ma tête m’effrayèrent » (v. 15).

Divinement enseigné, Daniel a été rendu capable d’expliquer les songes et les visions de Nebucadnetsar, mais il n’a pu comprendre les siens propres. Personne ne connaît les choses de Dieu… si ce n’est l’Esprit de Dieu (1 Cor. 2:11) ; et ainsi, à moins qu’il ne Lui plaise de communiquer la signification d’une révélation divine, celle-ci ne pourra jamais être comprise. Daniel, par conséquent, était aussi dépendant de Dieu pour l’interprétation de sa propre vision qu’il l’avait été pour celle de Nebucadnetsar. Il faut cependant rappeler que Dieu n’envoie jamais de messages d’aucune sorte, apocalyptique ou autre, sans donner un moyen de les faire comprendre. Tant pour Nebucadnetsar que pour Belshatsar, les explications étaient à portée de main ; et c’est le cas pour Daniel dans ce chapitre.

Pourquoi le prophète fut-il troublé et effrayé ? En tant que Juif pieux, il attendait la venue du Messie, avec son règne de paix, de prospérité et de bénédiction ; mais maintenant l’Esprit de Dieu avait ouvert devant son âme la vue de l’avenir. Bien que presque tout dût nécessairement être mystérieux pour lui, il ne pouvait pas ne pas percevoir qu’un long chemin de douleur devrait être parcouru par son peuple avant que soit atteint l’aboutissement après lequel il languissait.

Il était par conséquent accablé et désirait recevoir de « l’un de ceux qui se tenaient là », « la vérité touchant tout cela ». Il n’est pas révélé qui étaient ceux qui se tenaient là : selon le caractère du livre, c’étaient probablement des anges. Celui à qui Daniel s’adressa répondit aussitôt à sa question : « et il me l’a dit, et me fit savoir l’interprétation des choses » (v. 16).


10.4 - L’interprétation des visions (v. 15-28)

On remarquera qu’il y a en fait deux interprétations :



10.4.1 - Interprétation générale

Dans l’interprétation générale, l’ange dit : « Ces grandes bêtes, qui sont quatre, sont quatre rois qui surgiront de la terre ; et les saints des lieux très-hauts recevront le royaume, et posséderont le royaume à jamais, et aux siècles des siècles » (v. 17-18). Cette explication a été déjà largement traitée par anticipation, cependant il y a deux ou trois points qui appellent encore une remarque.

Les quatre rois sont vus comme représentant leurs différents royaumes, à savoir, Babylone, la Perse, la Grèce et Rome ; et comme cela a été dit précédemment, ils comprennent, par conséquent, leurs dynasties ou successeurs jusqu’à la fin de leurs empires respectifs. Au verset 3, il est dit de ces rois, les bêtes, qu’elles montent de la mer, tandis qu’ici elles sont décrites comme surgissant de la terre. Dans le premier passage, elles sont vues à l’occasion de leur apparition et de l’acquisition qu’elles font de la puissance gouvernementale, élevant leur trône des vagues agitées des peuples ; dans notre verset, elles sont vues plutôt dans leur origine, « de la terre », en contraste avec Celui qui viendra des cieux pour établir sa puissance royale. Ces quatre remplissaient donc tout l’intervalle à partir des jours du prophète — car Babylone existait encore — jusqu’à la venue de Christ en gloire. De ce fait, il est ajouté : « et les saints des lieux très-hauts recevront le royaume… » ; il n’en existe point d’autre après lui, car ils le posséderont « aux siècles des siècles ».

Qui sont donc ces « saints des lieux très-hauts » ? Le terme « très-haut » est employé aux versets 22, 25 et 27, outre le verset 18 ; mais à part le verset 25, où le terme est employé pour Dieu lui-même comme le titre sous lequel il sera connu à l’avenir, l’expression est au pluriel, d’où notre traduction de saints des « lieux très-hauts ». Et il ne peut guère être mis en doute que le terme « lieux célestes » dans les Éphésiens est tiré de cette expression de Daniel. Il est à peine nécessaire de dire qu’une signification beaucoup plus vaste doit être rattachée à ces mots dans les Éphésiens que dans Daniel, du fait de la vérité présentée dans cette épître qui développe les conseils éternels de Dieu pour la gloire de son Fils bien-aimé et pour la bénédiction des saints en Lui. Toutefois leur portée dans les deux passages est la même en ce sens qu’ils parlent d’une sphère céleste, une sphère en dehors du monde, à laquelle appartiennent certains saints. Nous répétons donc la question : qui sont les saints décrits ici ? Dans le sens le plus large et le plus général, comme on peut facilement le déduire de l’épître aux Éphésiens, y sont inclus tous les croyants depuis la Pentecôte jusqu’à la venue de Christ, tous ceux qui sont unis à Christ par le Saint Esprit, et qui composent, par conséquent, Son corps. Mais on ne pourrait guère s’attendre à trouver une telle anticipation et révélation du « mystère » (Éph. 3:3) dans le prophète Daniel. Bien que, d’un côté, ils pouvaient être dans la pensée de l’Esprit (car ceux qui souffrent avec Christ régneront avec Lui et ne doivent donc pas être exclus par le lecteur chrétien) il faut cependant chercher une autre classe à laquelle la description s’applique. Si maintenant nous passons un instant à Apocalypse 20, nous verrons que deux compagnies sont ajoutées à la première résurrection, « ceux qui avaient été décapités pour le témoignage de Jésus, et pour la Parole de Dieu ; et ceux qui n’avaient pas rendu hommage à la bête (la quatrième bête de notre chapitre) ni à son image, et qui n’avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main ; et ils vécurent et régnèrent avec le Christ mille ans » (v. 4). Durant les jours terribles de la domination de la « petite corne », ces saints avaient refusé de reconnaître sa puissance, car ils reconnaissaient et adoraient le Dieu des cieux, confessant qu’à Lui appartient la domination tant dans les cieux que sur la terre, et que « les cieux dominent » (4:26). De ce fait ils sont aussi nommés « saints des lieux très-hauts » en vue de ce qui les attendait et de l’honneur spécial qui leur serait accordé. Bien qu’étant sur la terre, ils appartenaient aux cieux, car au lieu d’être préservés pour des bénédictions terrestres sous le règne de leur glorieux Messie, une portion plus brillante les attendait : régner avec Lui dans le royaume. Et c’est à ceux-ci qu’il est spécialement fait allusion dans notre verset, bien que la constatation générale, lorsqu’il est dit que les saints des lieux très-hauts recevront le royaume, puisse inclure tous les saints célestes.

Daniel s’enquiert ensuite plus particulièrement de la quatrième bête ; et on remarquera que tout en répétant ce qu’il avait vu, comme nous l’avons dans les versets 7 et 8, il ajoute deux choses non mentionnées auparavant. Il dit : « Je regardais ; et cette corne fit la guerre contre les saints, et prévalut contre eux, jusqu’à ce que l’Ancien des jours vint, et que le jugement fut donné aux saints des lieux très-hauts, et que le temps arriva où les saints possédèrent le royaume » (v. 21-22). L’explication de ces adjonctions viendra lorsque nous considérerons l’interprétation pleine d’autorité donnée à Daniel ; mais nous attirons l’attention sur elles ici pour illustrer le fait qu’il n’y a pas de simples répétitions dans l’Ecriture. La relation, ou l’objet, est différent, ou comme ici, l’intérêt est rehaussé par une révélation supplémentaire, de sorte qu’aucun passage, qui paraît semblable à un autre, ne devrait jamais être laissé de côté avec légèreté. La présence d’une apparente répétition devrait inciter à une étude d’autant plus approfondie, pour recevoir la lumière nouvelle qui nous est communiquée par là.


10.4.2 - Interprétation de la vision de la quatrième bête

Ayant déjà indiqué, aux versets 7 et 8, que l’Empire romain est symbolisé par cette quatrième bête, il nous suffira de nous arrêter aux traits spéciaux expliqués ici. D’abord il est dit que ce royaume « sera différent de tous les royaumes, et dévorera toute la terre, et la foulera aux pieds et l’écrasera » (v. 23). Ceux qui sont familiers avec l’histoire conviendront qu’il n’aurait pu être donné une description plus précise de l’Empire romain, dans son caractère, ses progrès et sa domination. Il était différent de tous ses prédécesseurs dans la nature de son gouvernement, combinant comme il l’a fait l’absolutisme le plus extrême avec des formes démocratiques, mélangeant ainsi le fer et l’argile de la statue de Nebucadnetsar. Par ses bras puissants auxquels il n’était pas possible de résister, il acquit presque la domination universelle, dévora toute la terre et subjugua et foula aux pieds des nations de tous côtés. Ces constatations s’appliquent à sa formation et à son apogée — particulièrement à l’époque des consuls et des Césars.

Puis il nous est dit que « les dix cornes… ce sont dix rois qui surgiront du royaume » (v. 24). C’est là véritablement le point crucial de l’interprétation, car la question se pose, vu que le verset 23 s’applique sans aucun doute au passé, de savoir si ces dix rois sont passés ou futurs. Certains tiennent fermement à ce qui est appelé l’interprétation historique et maintiennent que la prophétie a ainsi été accomplie. Pour citer un interprète représentatif de cette école, M. Elliott dit qu’on trouve les dix rois dans « les Anglo-Saxons, les Francs, les Alamans, les Burgondes, les Visigoths, les Suèves, les Vandales, les Hérules, les Bavarois et les Ostrogoths : dix au total » ; et il échafaude là-dessus pour prouver « la relation de ces dix royaumes barbares primitifs avec les évêques de Rome comme leur tête ecclésiastique et spirituelle, en accord avec le symbole des dix cornes de l’Apocalypse, surgissant de la huitième tête de la Bête » (Horae Apocalypticae, vol. III, p. 124-134, 4ème édition).

L’objection décisive à cette théorie réside dans le fait qu’une fois ce quatrième royaume jugé, il est immédiatement suivi et remplacé par le royaume du Fils de l’homme (v. 13, 14, 26, 27 ; comp. aussi 2:43-44). Or quel événement du passé, on peut bien se le demander, pourrait répondre, même au moindre degré, à celui dont il est parlé dans les passages ci-dessus ? Ce n’est en fait qu’en spiritualisant le royaume du Fils de l’homme et en l’interprétant comme étant le christianisme, que l’on parvient à obtenir quelque apparence de preuve pour appuyer une telle théorie. Mais même ainsi, qu’y a-t-il dans le développement public du christianisme qui corresponde à la domination universelle, prédite dans la Parole du Fils de l’homme, devant qui tomberont tous les rois et que toutes les nations serviront ? Si l’on acceptait une telle explication, toutes les vues imaginables pourraient être lues dans les paroles de l’Ecriture. Mais ce n’est pas là la manière de l’Esprit de Dieu. Il parle clairement et avec précision, et quand il se sert du terme « Fils de l’homme », et décrit l’étendue et la gloire de Son royaume, et cela comme faisant suite aux gouvernements de la terre, ceux qui étudient la Parole avec droiture peuvent aisément affirmer qu’il ne fait allusion ni à l’Église ni au christianisme, mais au royaume que Christ établira dans ce monde dans un jour futur, lorsqu’il reviendra avec ses saints en gloire.

Si l’on accepte cette explication, tout est clair et nous comprenons alors que, dans cette communication divine reçue par Daniel, l’Empire romain est vu comme un tout, depuis le moment de son établissement jusqu’à sa réapparition comme cela est expliqué en Apocalypse 17:10-13, et à sa destruction à l’apparition du Seigneur. Il y a, à cet égard, un grand laps de temps entre les versets 23 et 24, seulement il faut se souvenir que si le verset 23 décrit l’Empire romain dans son énergie et sa force primitives, les mêmes traits réapparaîtront dans sa forme finale ; et que, par conséquent, le tableau est à la fois historique et prophétique, comme cela est souvent le cas dans l’Ecriture.

Ces dix rois sont donc futurs et ils indiquent la forme particulière de la dernière phase du quatrième royaume : il y aura dix royaumes en Europe occidentale, confédérés sous une tête impériale. Ce fait est préfiguré dans les dix orteils de la statue que vit Nebucadnetsar et il est pleinement établi dans l’Apocalypse (17:12-13). Tout en insistant sur cela comme étant la pensée du passage que nous avons devant nous, on peut bien concevoir que dans le passé, il y a eu des ombres de cet accomplissement final ; mais l’erreur est de vouloir faire de ces ombres l’accomplissement lui-même, au lieu de les regarder comme des poteaux indicateurs sur le chemin pour indiquer que la réalisation complète est encore à venir.

Non seulement il y aura ces dix rois, mais « un autre surgira après eux ; et il sera différent des premiers ; et il abattra trois rois. Et il proférera des paroles contre le Très-haut, et il consumera les saints des lieux très-hauts, et il pensera changer les saisons et la loi, et elles seront livrées en sa main jusqu’à un temps et des temps et une moitié de temps » (v. 24- 25). C’est la petite corne des versets 8, 20 et 21 ; mais elle est absolument distincte, comme nous l’expliquerons plus loin, de la petite corne du chapitre 8:9.

La corne de notre chapitre est en relation avec l’Empire romain en Europe occidentale, où les dix rois exerceront leur souveraineté dans les limites, d’une manière générale, de l’ancien Empire romain en Europe. On peut facilement tracer ces limites dans tout atlas biblique ou sur les cartes contenues dans la plupart des Bibles ; on comprendra alors la signification du terme « Europe occidentale ». La plus grande partie de l’Allemagne, la Scandinave et la Russie d’Europe, n’ont jamais été dans le territoire de l’Empire romain.

La corne du chapitre 8 est tout autre. Elle aura son siège en Syrie ; elle est souvent mentionnée dans l’Écriture comme étant le Roi du nord.

Il convient de relever diverses particularités de la petite corne de notre chapitre afin de pouvoir l’identifier. Tout d’abord, elle surgit après les dix rois et elle est différente de ceux-ci, bien qu’il ne soit pas établi en quoi elle diffère d’eux. Deuxièmement, il est dit qu’elle « abattra trois rois », c’est-à-dire trois d’entre les dix qui sont sur la scène quand elle surgit. Ensuite, il est évident qu’elle acquiert la puissance sur tout l’Empire romain, car c’est « sa domination » qui est enlevée quand le jugement s’assied. Enfin, les choses qui lui sont attribuées au verset 25 sont exactement les mêmes que celles qui sont imputées à la première bête d’Apocalypse 13, dans les versets 5-7. La conclusion s’impose ainsi que la petite corne n’est personne d’autre que la tête de l’Empire romain reconstitué aux derniers jours en Europe occidentale ; et cette conclusion est encore renforcée par la constatation d’Apocalypse 17, que les dix rois » ont une seule et même pensée, et ils donnent leur puissance et leur pouvoir à la Bête » (v. 13). La petite corne surgit donc après la formation des dix royaumes, puis en ayant soumis trois, soit par des actions militaires soit par d’autres moyens, les sept autres sont amenés, conjointement avec les trois royaumes soumis, à s’unir en une vaste confédération, dont la petite corne devient la tête impériale. Si on lit sous cet angle Apocalypse 13:1-8 et 17, toute la position de la petite corne sera plus facilement comprise. Si donc la petite corne de ce chapitre préfigure la tête de l’Empire romain revenu à la vie dans les derniers jours, il convient de se souvenir que l’Antichrist existera à la même époque, qu’il sera associé à la Bête romaine, qu’il exercera « tout le pouvoir de la première bête devant elle » et fera « que la terre et ceux qui habitent sur elle rendent hommage à la première Bête dont la plaie mortelle avait été guérie » ; il les induira aussi à lui faire une image pour lui rendre hommage (Apoc. 13). Il sera ainsi en toutes choses identifié moralement avec la bête occidentale, et c’est pourquoi il partagera le même sort, comme étant son prophète (Apoc. 19, 20).

Le caractère moral de la petite corne nous est ensuite présenté dans les mots : « Et il proférera des paroles contre le Très-haut » (v. 25). Non seulement, comme c’est le cas de tout homme irrégénéré, son esprit charnel est inimitié contre Dieu, mais dans sa folle impiété, il va jusqu’à se placer sur le terrain du défi ouvert (comp. Apoc. 13:5, 6). Il s’ensuit – car celui qui hait Dieu doit aussi haïr Son peuple – qu’ » il consumera les saints des lieux très-hauts » (il « fit la guerre contre les saints, et prévalut contre eux » — v. 21), dans son effort présomptueux d’ôter le nom de Dieu de dessus la face de la terre (voir Apoc. 13:7 ; 14:12, 13). Dieu permettra par là même que la patience de son peuple terrestre soit mise à l’épreuve ; car jusque-là, ils ne sauront pas que Jésus de Nazareth est leur Messie promis. Ils crieront au Dieu de leurs pères, et chercheront auprès de lui le secours, comme nous le voyons dans les Psaumes qui traitent de cette période ; mais ce n’est pas avant que le Seigneur apparaisse des cieux qu’ils regarderont à Celui qu’ils ont percé et qu’ils auront les yeux ouverts pour discerner, comme Thomas, que le Jésus qui a été une fois crucifié est leur Seigneur et leur Dieu. Cela nous aide à comprendre pourquoi il permet qu’ils tombent à cette époque entre les mains de leurs ennemis, en châtiment et pour être purifiés. Mais bien que leur ennemi, comme instrument de Satan, puisse les cribler, pas un seul grain de blé ne tombera en terre. Ce serait impossible, car, pour citer une autre illustration, les cheveux de leurs têtes seront tous comptés.


La suite du verset 25 montre clairement qui sont ces saints. Cette petite corne pensera « changer les saisons et la loi, et elles seront livrées en sa main ». À cette époque, le temple juif aura été rebâti, bien que dans l’incrédulité ; et en relation avec ce temple, les ordonnances de la loi et les différentes fêtes auront été rétablies. Ce sont là « les saisons et la loi » que ce roi pensera changer, c’est-à-dire, abroger, car leur existence même, quel que soit l’état du peuple qui les observe, constituera un témoignage à l’existence de Dieu ; or cela sera insupportable à celui qui désire occuper lui-même la place de Dieu. Et il réussira à les abolir ; car elles (non pas les saints, mais les saisons et la loi) seront livrées en sa main. Antiochus Épiphane, tel qu’il est connu dans l’histoire, et dont nous trouverons des traces au chapitre 11, fit la même chose et profana le temple ; et ses exploits seront répétés d’une manière encore plus terrible par cette petite corne aux temps de la fin. Mais celui qui permettra que son peuple soit jeté dans la fournaise de feu ardent de la persécution, fixera la limite de la puissance de l’ennemi : ce ne sera que pour un temps et des temps et une moitié de temps, les 1260 jours, les quarante-deux mois, les trois ans et demi du livre de l’Apocalypse. Notre Seigneur parle du commencement de cette période lorsque, citant Daniel, il dit : « Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par le prophète Daniel, établie dans le lieu saint (que celui qui lit comprenne), alors, que ceux qui sont en Judée s’enfuient dans les montagnes… » (Matt. 24:15 ; Dan. 12:11 ; comp. ch. 9:27).


À la fin de cette période déterminée, « le jugement s’assiéra ; et on lui ôtera la domination, pour la détruire et la faire périr jusqu’à la fin » (v. 26). Comme cette session de jugement avait été pleinement révélée au prophète, l’interprétation n’y fait allusion qu’en passant. C’est un jugement mené par l’Ancien des jours, de son trône de feu, avec toute la majesté qui s’y rattache, accompagné de ses myriades d’anges (v. 9-10). Nous apprenons en outre, et cela prouve également que l’Ancien des jours est le Fils de l’homme, que les saints qui viennent avec Christ, les saints célestes, lui seront associés dans le jugement (v. 22 ; comp. Ps. 149:6-9) de ce jour, lorsque Dieu prendra publiquement et formellement connaissance des actes et des paroles de cet audacieux ennemi. C’est à cet effet que les livres seront ouverts (v. 10), les livres qui contiendront les rapports infaillibles des actes de ce pécheur impie, et la sentence sera prononcée selon les exigences de la gloire de Celui qui sera assis sur son saint trône.

L’exécution de la sentence est rapportée ainsi : « Et on lui ôtera la domination, pour la détruire et la faire périr jusqu’à la fin » (v. 26). Si l’on ajoute à cette description ce qu’on trouve au verset 11, on verra ce que le jugement a été sur sa personne — à strictement parler, il n’est question là que du « corps » de la Bête. Les « grandes paroles que la corne proférait » sont néanmoins mentionnées comme étant le motif du jugement. Si nous passons un instant à Apocalypse 19, nous trouvons quelques informations supplémentaires. En relation avec le même jugement, nous lisons que tant la bête que le faux prophète furent jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre (v. 20). Dépouillé de sa domination, ayant, comme Belshatsar, été pesé à la balance et ayant été trouvé manquant de poids, il subit avec le faux prophète la vengeance du feu éternel et il y sera jeté vivant. La prière de David trouve ainsi son accomplissement : « Que Dieu se lève, que ses ennemis soient dispersés, et que ceux qui le haïssent s’enfuient devant lui. Comme la fumée est dissipée, tu les dissiperas ; comme la cire se fond devant le feu, les méchants périront devant Dieu » (Ps. 68:1-2) ; ou comme il le dit ailleurs : « Que la mort les saisisse ! qu’ils descendent vivants dans le shéol ! Car la malice est dans leur demeure, au milieu d’eux » (Ps. 55:15).

Après que le jugement aura été exécuté sur la petite corne et que la domination lui aura été ôtée, pour la détruire et la faire périr jusqu’à la fin, « le royaume, et la domination, et la grandeur des royaumes sous tous les cieux, seront donnés au peuple des saints des lieux très-hauts. Son royaume est un royaume éternel, et toutes les dominations le serviront et lui obéiront » (v. 27). C’est là le royaume du Fils de l’homme qui, à la suite du jugement et de l’anéantissement du dernier des quatre empires mondiaux, est établi sur la terre. Aux versets 13 et 14, nous avons son investiture. Comme Fils de l’homme, il reçoit le royaume de l’Ancien des jours. Déjà nous voyons Jésus, qui a été fait un peu moindre que les anges à cause de la passion de la mort, couronné de gloire et d’honneur. Dans la scène placée devant nous, toutes choses sont remises entre ses mains pour Lui être assujetties ; car Il doit régner jusqu’à ce que tous ses ennemis soient mis sous ses pieds. Dans le verset 27 toutefois, c’est le « peuple des saints des lieux très-hauts » qui est mis en évidence et dont il est dit qu’ils reçoivent le royaume. Pourtant ce n’est pas indépendamment de Christ, vu qu’à la fin du verset, il est dit : « Son royaume (c’est-à-dire celui de Christ) est un royaume éternel, et toutes les dominations le serviront et lui obéiront ». C’est son royaume, seulement dans sa grâce Il se plaît à s’associer le « peuple des saints des lieux très-hauts ». Qui sont-ils donc ? Comme cela a déjà été indiqué au verset 18, il est dit des « saints des lieux très-hauts » qu’ils prennent le royaume ; et au verset 22, « les saints » le possèdent, tandis qu’ici c’est le « peuple des saints des lieux très-hauts ». Il y a une raison à cette expression. Elle indique les Juifs ; et ils sont nommés ainsi comme étant, durant le règne millénaire, en relation avec les saints des lieux très-hauts, sinon dépendants d’eux. Ces derniers règnent avec Christ ; par les premiers, Christ soumettra les nations et exercera sa souveraineté sur la terre ; car « l’Éternel enverra de Sion la verge de ta force : Domine au milieu de tes ennemis ! » (Ps. 110:2 ; voir aussi Jér. 51:19-21 ; Es. 60:10-16).


De sa divine présence

Jésus remplira l’univers ;

Il étendra sa puissance

Sur tous les rivages des mers.


Gloire à sa bonté suprême !

Diront les peuples triomphants.

Il sera célébré même

Par la voix des petits enfants.


Trois classes sont donc spécifiées dans ce chapitre. Les « saints des lieux très-hauts », au verset 22, sembleraient être les saints célestes ; aux versets 18 à 25, la même expression, sans exclure les saints célestes, se réfère spécialement aux saints sur la terre pendant la domination de la petite corne, qui regardent à Dieu et le reconnaissent comme le Dieu des cieux et comme la seule source d’autorité, soit dans les cieux, soit sur la terre. Ils sont considérés, à cet égard, comme appartenant aux cieux et, comme nous l’apprenons par Apocalypse 20, ils auront finalement part à la première résurrection et régneront avec Christ mille ans. Enfin, le peuple des saints des lieux très-hauts, sont les saints terrestres, l’ancien peuple de Dieu, qui dans la grâce et la fidélité de leur Dieu, portés au travers de toutes leurs épreuves et peines, posséderont finalement le royaume et la domination sur la terre sous le règne de leur Messie exalté et glorifié.


10.5 - Conclusion des visions et de leur interprétation

Le prophète ajoute : « Quant à moi, Daniel, mes pensées me troublèrent beaucoup, et ma couleur fut changée en moi. Mais je gardai la chose dans mon coeur » (v. 28). Si c’est un honneur inexprimable d’être fait le dépositaire des pensées divines, le vase doit souffrir et d’autant plus que le moment de les communiquer n’était pas encore arrivé. À cette période, Daniel était au milieu de toute la splendeur et la magnificence de l’empire de Babylone, dont l’autorité s’étendait jusqu’aux bouts de la terre, et dont la stabilité était incontestée. Mais le rouleau de l’avenir avait été déployé sous son regard étonné, et il voyait dans la vaste perspective qui s’étendait loin dans les siècles futurs, une succession de guerres, de conflits, de tyrannies et d’oppressions, avant que Celui qui avait quitté son trône à Jérusalem n’intervienne, ne donne la souveraineté de la terre à l’Objet de toutes les espérances juives et ne rétablisse son peuple bien-aimé en bénédiction, sous le règne de paix et de gloire du Messie. Daniel avait véritablement vu les visions de Dieu, mais elles avaient amené la mort dans sa propre âme, et par là, il était divinement qualifié pour être le canal de ces révélations divines (comp. 2 Cor. 4:7-18).


11 - Ch. 8

Deux changements marquent le début de ce chapitre. Du chapitre 2:4 à la fin du chapitre 7, la langue employée est le chaldéen, tandis qu’ensuite, jusqu’à la fin du livre, c’est l’hébreu. Quand l’Esprit de Dieu développait des choses, présentes ou futures, relatives aux monarques gentils et à leur conduite, avec le caractère et le cours de leurs royaumes respectifs, il se servait de la langue du pays dans lequel Daniel vivait ; mais dès le moment où il commence à traiter de leur conduite en relation avec le pays d’Israël et avec le sanctuaire, il revient à la langue sacrée — les chapitres 1 et 2, 1-3, sont en Hébreu. En second lieu, la scène est changée. Jusque-là, Daniel avait probablement été à Babylone ; ici, « la troisième année du règne de Belshatsar le roi », lorsque la vision de ce chapitre lui apparut, il était « à Suse, le palais, qui est dans la province d’Elam », un pays voisin du territoire perse et qui semble être devenu ensuite une province perse.


11.1 - La vision présentée à Daniel à Suse (v. 1-14)

11.1.1 - Le royaume des Mèdes et des Perses

Ce fut à Suse, près du fleuve Ulaï, que Daniel vit « dans la vision ». « Et je levai les yeux, et je vis ; et voici, un bélier se tenait devant le fleuve, et il avait deux cornes ; et les deux cornes étaient hautes, et l’une était plus haute que l’autre, et la plus haute s’éleva la dernière. Je vis le bélier heurtant vers l’occident, et vers le nord, et vers le midi ; et aucune bête ne pouvait tenir devant lui, et il n’y avait personne qui pût délivrer de sa main ; et il fit selon son gré, et devint grand » (v. 2-4). C’est une description symbolique des « rois de Médie et de Perse » (v. 20) ; on dit qu’un bélier servait d’emblème de leur royaume aux Perses, et une chèvre aux Macédoniens. Cela représente la dualité de caractère de cet empire, composé qu’il était de la Médie et de la Perse (voir 5:28 ; 6:8). Le fait que la corne qui s’éleva la dernière était plus haute que l’autre, montre que la partie perse du royaume obtint finalement la suprématie. Ainsi, Cyrus le Perse succéda à Darius le Mède ; et le bélier heurtant vers l’occident, et vers le nord, et vers le midi, invincible dans ses conquêtes et faisant « selon son gré », représente ce royaume à l’apogée de sa puissance et de sa grandeur, probablement sous le règne de Cyrus. La rapacité de cet empire au cours de ses conflits victorieux a été indiquée lorsque nous avons considéré le chapitre 7 (v. 5). C’était là le deuxième des quatre empires gentils et, par conséquent, le successeur de Babylone.


11.1.2 - Le royaume grec

Daniel rapporte ensuite ce qu’il vit en ces termes : « Et je considérais, et voici, un bouc venant du couchant sur la face de toute la terre, et qui ne touchait pas la terre ; et le bouc avait une corne de grande apparence entre ses yeux » (v. 5). Le bouc représente « le roi de Grèce », le roi étant ici, comme souvent, l’expression de la souveraineté ou du royaume ; et la « corne de grande apparence » est donc cet Alexandre dont le génie guerrier, le courage et les victoires, ont été si abondamment célébrés dans l’histoire. La rapidité de ses mouvements, qui était un trait saillant de ses campagnes, est décrite d’une manière frappante dans la vision : « un bouc venant du couchant sur la face de toute la terre, et qui ne touchait pas la terre ». En une dizaine d’années, il conquit presque tous les royaumes du monde connu d’alors. Dans les versets 6, 7, l’attaque d’Alexandre contre les Perses est décrite figurativement ; et cependant, bien que le langage soit symbolique, on n’aurait pas pu faire une description plus précise de sa conquête. Le bouc « vint jusqu’au bélier qui avait les deux cornes… et courut sur lui dans la fureur de sa force ». Encore : « Et je le vis arriver tout près du bélier, et il s’exaspéra contre lui et frappa le bélier, et brisa ses deux cornes » (v. 6-7).

Les termes mêmes employés expriment une très vive hostilité de la part de l’assaillant de la Perse ; et tel fut le cas, car la Grèce n’avait jamais oublié l’invasion de son pays par les armées perses, et elle brûlait de se venger de ses ennemis. L’impuissance totale de la Perse en présence de son adversaire est dépeinte d’une manière non moins figurée : « Le bélier fut sans force pour tenir devant lui : il le jeta par terre et le foula aux pieds, et il n’y eut personne qui pût délivrer le bélier de sa main » (v. 7). En fait la durée de l’Empire perse avait, selon le décret de Dieu, atteint son terme ; et le royaume qu’il avait choisi pour lui succéder, devait maintenant avoir la suprématie. Les batailles d’Issos et d’Arbèles comptent parmi les batailles décisives du monde, et elles furent décisives parce que Dieu se servait d’Alexandre « le Grand » pour accomplir son propos à l’égard du gouvernement de la terre.


11.1.3 - Les quatre cornes et la petite corne d’orient

Le motif de la mention de la Perse et de la Grèce et de ces deux empires seulement, à cette place, est bien dépeint dans les lignes suivantes : « Les deux empires de Perse et de Grèce, soit ceux de l’Orient après celui de Babylone sous lequel la prophétie a eu lieu, ne sont mentionnés que pour désigner les contrées où ces événements doivent se passer et les introduire dans leur ordre historique. L’empire perse est renversé par le roi grec, dont l’empire est ensuite remplacé par quatre monarchies, de l’une desquelles surgit une puissance qui fait essentiellement le sujet de la prophétie » (Etudes sur la Parole de Dieu — J.N.D). Cette dernière phrase trouve son explication dans les deux versets suivants : « Et le bouc devint très grand ; et lorsqu’il fut devenu fort, la grande corne fut brisée, et quatre cornes de grande apparence s’élevèrent à sa place, vers les quatre vents des cieux. Et de l’une d’elles sortit une petite corne, et elle grandit extrêmement vers le midi, et vers le levant, et vers le pays de beauté » (v. 8-9). Une longue période de l’histoire (mort d’Alexandre, 323 avant Jésus Christ ; avènement d’Antiochus Épiphane, 175 avant Jésus Christ) est résumée dans cette déclaration succincte, qui contient néanmoins tous les points concernant le sujet prophétique du chapitre. D’abord, le fait de l’établissement du royaume grec est posé ; puis la mort d’Alexandre au milieu de ses triomphes — « lorsqu’il fut devenu fort » ; — le partage subséquent de son empire entre quatre de ses généraux ; et finalement l’élévation du milieu de l’un d’eux d’une « petite corne » qui « grandit extrêmement ».

Laissant au lecteur, s’il le désire, le soin de poursuivre l’examen de l’histoire, nous nous bornerons à dire ici, comme cela a déjà été indiqué au chapitre 7, que les quatre royaumes issus de la division finale de l’empire d’Alexandre sont la Syrie, l’Égypte, la Grèce et la Thrace. Les deux derniers succombèrent bientôt à la puissance croissante de Rome, tandis que les deux premiers subsistèrent jusque vers 50 avant Jésus Christ. C’est du royaume de Syrie que sortit la petite corne, qui représente, ainsi que nous le verrons au cours de la prophétie, le roi Antiochus Épiphane. Si l’on se souvient de ce qui a été dit de la petite corne du chapitre 7, on constatera que les deux petites cornes sont absolument distinctes ; celle du chapitre 7, encore future, qui soumet trois rois et détient finalement toute la puissance de l’empire, appartient à l’Occident. Elle aura la domination de l’Empire romain ressuscité. En revanche, la petite corne du chapitre 8 a son siège et son trône en Syrie, et c’est de ce fait qu’elle devient un type d’une manière aussi remarquable du personnage si souvent mentionné dans les écrits prophétiques comme l’Assyrien, et comme le roi du nord (voir par ex. Es. 10:24 ; 14:25 ; 31:8 ; Mich. 5:5 ; Dan. 11:6, 8…).

La petite corne étendit son royaume, « grandit extrêmement vers le midi », c’est-à-dire vers l’Égypte, qui est toujours nommée ainsi, étant au sud de la Palestine ; « et vers le levant », c’est-à-dire vers le royaume parthe et l’Arménie… ; « et vers le pays de beauté », la Palestine. Ce sont là de nouveau des faits historiques bien connus, et les différentes campagnes que fit ce roi célèbre dans ces divers pays sont rapportées dans les livres d’histoire. Ses actes à l’égard du pays de beauté sont racontés dans le premier livre des Macchabées qui, bien que ne faisant pas partie des Saintes Ecritures, est jugé exact dans l’ensemble. Cette remarque ne s’applique pas cependant aux autres livres des Macchabées, à l’exception peut-être, dans une mesure, du deuxième livre.


11.1.4 - L’activité de la « petite corne »

On trouve dans les versets 10 à 12 les agissements de ce roi à l’égard du « pays de beauté », sur lesquels notre attention est particulièrement dirigée vu leur grande importance prophétique : « Et elle grandit jusqu’à l’armée des cieux, et fit tomber à terre une partie de l’armée et des étoiles, et les foula aux pieds » (v. 10). La première chose nécessaire pour comprendre cette description, est de considérer la signification du terme « armée des cieux ». Que le soleil, la lune et les étoiles sont ainsi désignés, nous le voyons dans le Psaume 33: « Les cieux ont été faits par la parole de l’Éternel, et toute leur armée par l’esprit de sa bouche » (v. 6). Et il est tout aussi clair, selon les Ecritures, que le soleil, la lune et les étoiles, représentent, symboliquement, les autorités dirigeantes – le soleil, l’autorité suprême ; la lune, une autorité dérivée et les étoiles, des autorités subordonnées. Cette signification symbolique est tirée des fonctions mêmes assignées aux luminaires célestes. Dans la Genèse, nous lisons : « Et Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour dominer sur le jour, et le petit luminaire pour dominer sur la nuit ; et les étoiles » (1:16) ; et dans le Psaume 136, il est dit : « Qui a fait de grands luminaires… le soleil pour dominer sur le jour… la lune et les étoiles pour dominer sur la nuit » (v. 7-9). En accord avec la signification emblématique ainsi établie, nous avons le soleil, la lune et les étoiles, introduits en Apocalypse 12:1 et les étoiles au verset 4.

On peut donc tirer en toute sécurité la conclusion que « l’armée des cieux » dans notre passage est l’image d’autorités dirigeantes. Qui sont-elles alors ? Les références faites dans le verset suivant indiquent, sans aucun doute, Jérusalem comme le lieu où elles existaient à l’époque mentionnée ; c’est-à-dire une période qui a suivi la conquête de la Perse par la Grèce. Il est indispensable de s’en souvenir parce que — comme nous l’apprenons par Esdras et Néhémie — le temple et la ville sainte avaient été rebâtis sous la souveraineté de la Perse. Les services au temple avaient été rétablis à l’époque en question, quels que fussent l’état du peuple et la corruption dans laquelle il était tombé ; et il avait été pourvu, dans une mesure, à ce que leur gouvernement s’exerçât selon les coutumes et les formes juives. « L’armée des cieux » désigne ainsi ceux qui avaient la place d’autorité dans la vie politique juive ; ceux qui, par quelques moyens que ce soit, occupaient des positions de responsabilité dans le gouvernement du peuple juif. On se souviendra que les étoiles sont employées, en Apocalypse 1 à 3, comme emblèmes de ceux qui ont une place de responsabilité dans l’Église, l’Assemblée ; et, pareillement, l’armée des cieux désigne ceux à qui l’autorité a été confiée à cette époque parmi les Juifs.

Nous apprenons donc par notre passage que cette petite corne, Antiochus Épiphane — il s’agit d’un fait historique — attaqua les puissances dirigeantes parmi les Juifs, en jeta par terre quelques-unes de niveaux différents, les « foula aux pieds » et les soumit à toutes sortes de mauvais traitements et de dégradations, allant même jusqu’à la destruction.


11.1.5 - L’activité personnelle du roi de Syrie (la corne) contre les Juifs

Le verset 11 nous conduit plus loin et nous donne davantage de détails ; mais il faut soigneusement remarquer que dès le début de ce verset, jusqu’au mot « transgression » du verset 12, nous avons une parenthèse explicative, de sorte que la phrase faisant suite à ce mot se rattache à la fin du verset 10. On le verra aisément si l’on prend garde que dans la parenthèse nous trouvons « il », tandis qu’après, le pronom féminin « elle » (s’accordant avec « corne) est de nouveau employé, comme nous l’avons dans les versets 9 et 10. Si nous prenons maintenant la parenthèse, nous lisons : « Et il s’éleva jusqu’au chef de l’armée (c’est-à-dire, le prince de l’armée des cieux) ; et le sacrifice continuel fut ôté à celui-ci, et le lieu de son sanctuaire fut renversé. Et un temps de détresse fut assigné au sacrifice continuel, pour cause de transgression » (v. 11- 12). Le passage de « elle » à « il » auquel nous avons fait allusion semblerait indiquer, comme cela a été suggéré, que c’était le roi en personne qui agit ainsi — le roi figuré par la petite corne — et cette suggestion est confirmée par le fait que la petite corne pourrait exprimer, bien que d’une façon générale, la puissance du royaume. Nous déduisons alors que l’audace de ce roi était telle qu’il osa ouvertement et consciemment se dresser en opposition à Celui qui n’était rien moins que l’Éternel. Les chefs juifs, quant à leur « profession » du moins, étaient les serviteurs de Dieu ; et leur Prince, Celui qu’ils attendaient, quelles que fussent en outre leurs espérances charnelles, était le Dieu d’Israël, Celui qui ensuite apparut dans ce monde comme l’Éternel-Jésus, pour sauver son peuple de leurs péchés.

La phrase suivant est obscure, mais la plupart sont d’accord pour la rendre ainsi : « Et le sacrifice continuel fut ôté, à celui-ci ». Cela signifie qu’il fut ôté à l’Éternel, qu’il fut, en fait, supprimé – il n’est pas dit par qui, bien que le contexte indique très clairement la petite corne, le roi lui-même. Le début du verset suivant révèle aussi que, quelle que fût la méchanceté de l’agent, il n’était qu’un instrument dans les mains de Dieu pour punir ceux qui étaient à la place de son peuple, car il fut permis à ce méchant roi de réussir dans ses desseins contre le sacrifice continuel « pour cause de transgression ». De plus « le lieu de son sanctuaire fut renversé ». Pour un temps, tous les rites et sacrifices juifs furent abolis, et Sion, la sainte montagne, fut souillée par l’oppresseur gentil. En plus de cela, la petite corne (car maintenant le lien avec le verset 10 est rétabli) « jeta la vérité par terre, et agit, et prospéra ». Parallèlement à l’abolition du sacrifice continuel et à la profanation et à la destruction du sanctuaire, la vérité — comme le dit Ésaïe — avait trébuché sur la place publique, jetée par terre par la violence de l’ennemi ; et cette puissance de méchanceté agissait – opérait par des subterfuges, des plans et des combinaisons – et prospérait. Le Psaume 79 peut être lu comme étant un commentaire de l’état des choses à Jérusalem à cette époque.

À ce moment, dans la vision, Daniel entendit « un saint qui parlait ; et un autre saint dit au personnage qui parlait : Jusqu’où va la vision du sacrifice continuel et de la transgression qui désole, pour livrer le lieu saint et l’armée pour être foulés aux pieds ? Et il me dit : Jusqu’à deux mille et trois cents soirs et matins ; alors le lieu saint sera purifié » (v. 13-14). Laissant pour le moment de côté la question (nous y reviendrons lors de l’examen de l’interprétation) de savoir si cette période de temps mentionnée dans la réponse de l’ange a une signification prophétique quelconque, il nous suffit maintenant de comprendre qu’elle doit avoir eu une application historique. Le sacrifice a été ôté, le lieu du sanctuaire a été souillé, jeté par terre, par le personnage appelé la petite corne ; après un certain temps, le temple a été à nouveau purifié par les Macchabées et les sacrifices ont été restaurés, de sorte qu’il n’y a aucun lien qui s’impose entre cette période et celles d’une durée différente au chapitre 12.


11.2 - L’interprétation de la vision par l’ange Gabriel (v. 15-26)

Le prophète ne se contenta pas de la vision elle-même, mais il chercha à la comprendre. Le désir de son cœur avait l’approbation de Dieu, car Il se plaît à communiquer sa pensée à celui qui cherche ; aussi à peine le prophète a-t-il exprimé le désir de connaître la signification de la vision que l’interprète est là.


11.2.1 - Apparition céleste à Daniel

« Et voici, comme l’apparence d’un homme se tint vis-à-vis de moi ; et j’entendis la voix d’un homme au milieu de l’Ulaï ; et il cria et dit : Gabriel, fais comprendre à celui-ci la vision » (v. 15-16). Gabriel, obéissant au commandement qu’il avait reçu, vint près du lieu où Daniel était. Effrayé en présence de ce visiteur angélique, le prophète tomba sur sa face ; mais Gabriel lui dit : « Comprends, fils d’homme, car la vision est pour le temps de la fin ». Daniel, accablé, était dans une profonde stupeur, sa face contre terre ; mais l’ange le toucha et le fit tenir debout (v. 17-18). Gabriel lui communiqua ainsi l’intelligence et la force pour le rendre capable de recevoir l’interprétation de la vision. Le titre « fils d’homme » lui est également donné ; on en trouvera la signification dans les remarques suivantes sur la même expression appliquée à Ezéchiel. C’est un « titre qui convenait au témoignage d’un Dieu qui parlait « en dehors » de son peuple, comme n’étant plus au milieu de lui, et qui au contraire le jugeait du haut de son trône souverain. C’est le titre de Christ lui-même considéré comme rejeté et en dehors d’Israël, quoiqu’il ne cesse de penser à la bénédiction du peuple, en grâce. Il met le prophète en rapport avec la position de Christ lui-même (Etudes sur la Parole de Dieu — J.N.D).


11.2.2 - L’explication de la vision et sa réalisation historique

Il est profitable d’établir à nouveau distinctement la relation d’une interprétation divine avec la chose interprétée. L’interprétation ne se confine jamais au sujet qui doit être expliqué, mais ajoute ce qui peut être nécessaire pour faire ressortir la pensée de Dieu dans la chose communiquée. Une simple illustration tirée de Jean 14 montrera le principe. Lorsque le Seigneur eut dit qu’il se manifesterait à celui qui a ses commandements et qui les garde, Jude lui demanda comment Il pouvait se manifester aux siens et non pas au monde. Dans la réponse à cette question, notre Seigneur va bien au-delà de ce qu’Il avait dit auparavant — du moins Il en explique la portée. Au lieu de se manifester lui-même, Il dit : « Nous (le Père et le Fils) viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui » (v. 23). Tout cela est sans doute compris dans sa première déclaration, mais cela n’aurait pas été saisi s’il ne l’avait pas expliqué. Et dans l’interprétation d’une vision prophétique, des adjonctions et des applications sont faites pour faire ressortir sa signification divine – une signification qui autrement aurait été cachée.

Tel est le cas ici. Ce que Daniel vit fut partiellement accompli historiquement, en Antiochus Épiphane au temps des Macchabées ; mais nous apprenons maintenant, par l’interprétation de Gabriel, que cet accomplissement historique annonçait aussi prophétiquement un autre accomplissement ; par conséquent, la pleine réalisation de ce qui est décrit s’accomplira après l’enlèvement de l’Église, lorsque les Juifs seront de nouveau dans leur propre pays. Ainsi, les toutes premières paroles de l’ange sont : « La vision est pour le temps de la fin », et encore, « voici, je te fais connaître ce qui aura lieu à la fin de l’indignation ; car à un temps déterminé sera la fin » (v. 17, 19). Il y a, dans le prophète Ésaïe, une preuve remarquable que la période mentionnée ici se réfère aux derniers jours — un passage dans lequel il parle de l’Assyrien, ou roi du nord, duquel « la petite corne », Antiochus Épiphane, est une image si frappante : « C’est pourquoi, ainsi dit le Seigneur, l’Éternel des armées : Mon peuple, qui habites en Sion, ne crains pas l’Assyrien ! Il te frappera avec une verge et lèvera son bâton sur toi à la manière de l’Égypte ; car encore très peu de temps, et l’indignation sera accomplie, et ma colère, dans leur destruction » (Es. 10:24, 25).


11.2.3 - La portée prophétique future

On peut voir que ce passage s’applique au futur dans le fait que l’apôtre Paul se sert du contexte (v. 22- 23) dans ce sens (Rom. 9:28) ; et c’était là le point important à comprendre pour Daniel : la vision traitait de l’accomplissement, au travers de peines et de tribulations, des desseins de bénédiction de Dieu envers son peuple bien-aimé. Il est vrai qu’Antiochus n’avait pas encore été suscité ; mais avec ce développement authentique de la vision devant les yeux, il serait impossible à quiconque le connaît de supposer qu’Antiochus Épiphane, autant qu’il ait pu lui ressembler, soit vraiment le personnage dépeint ici : il aurait fallu que sa fin ait été la restauration et la bénédiction de la nation choisie, ce qui n’est pas le cas.

Ayant vu que l’accomplissement de cette vision est encore futur, nous pouvons considérer les détails de l’interprétation qu’en donne l’ange. Mais puisque plusieurs d’entre eux ont nécessairement déjà été donnés lorsque nous avons traité de la vision elle-même, il suffira de montrer leur portée et leur lien. Dans les versets 20-23, il est déclaré avec autorité que les deux royaumes figurés par le bélier et le bouc (v. 3-7) sont la Perse et la Grèce, et on se souviendra que l’introduction de ces deux royaumes dans ce chapitre ne sert qu’à montrer d’où la petite corne doit surgir. La Grèce succède à la Perse dans l’empire universel ; la corne célèbre de Grèce, Alexandre le Grand, est brisée et « quatre royaumes s’élèveront de la nation, mais non avec sa puissance ». Ces royaumes ont déjà été spécifiés, mais l’ange ajoute un détail : qu’ils n’auront pas la puissance de leur prédécesseur. Puis, sautant par-dessus l’intervalle entre l’existence de ces quatre royaumes et « le temps de la fin » (v. 17) — car à cette période l’Assyrien, le roi du nord, aura apparu et exercera sa souveraineté dans les mêmes régions que la petite corne des versets 9 et 10.

Gabriel continue : « Et au dernier temps de leur royaume, quand les transgresseurs auront comblé la mesure (de leur iniquité), il s’élèvera un roi au visage audacieux, et entendant les énigmes » (v. 23). C’est là la description personnelle de l’adversaire d’Israël aux derniers jours, celui dont Ésaïe parle si souvent en l’appelant l’Assyrien. Il peut être intéressant de rappeler, comme preuve que l’Assyrien est un ennemi futur, ce qui a souvent été relevé, à savoir que, historiquement, l’Assyrie succomba devant Babylone, tandis que prophétiquement l’Assyrien est, après la restauration d’Israël dans son propre pays, son dernier ennemi de l’extérieur.

L’orgueil et la cruauté paraissent caractériser l’Assyrien, et une espèce de sagesse surnaturelle (comprenant les énigmes), le rendant capable de pénétrer dans la signification de paroles mystérieuses, lui donneront prise sur l’esprit des hommes et spécialement sur l’esprit des Juifs éloignés de Dieu. En lui-même, il ne sera pas un roi puissant, car s’il l’est, ce ne sera pas « par sa propre puissance » ; il sera soutenu, dans son royaume, par un potentat plus puissant que lui-même. On met souvent deux choses en relation avec cette déclaration : le siège de la souveraineté de ce roi sera en Turquie d’Asie, et d’autre part, comme cela paraît clairement en Ezéchiel 38 et 39, la Russie sera l’ennemi final d’Israël après son établissement dans le pays en bénédiction sous son Messie. On en déduit alors que la puissance derrière ce roi du nord sera la Russie. Il se peut que ce soit le cas, mais là où l’Ecriture ne parle pas positivement, une supposition ne peut être acceptée que comme une possibilité.

Ensuite, les agissements de ce roi audacieux sont décrits : « Il détruira merveilleusement, et il prospérera et agira ; et il détruira les hommes forts et le peuple des saints » (v. 24). Son lieu d’action, ne l’oublions pas, comme aussi celui de son prototype, sera en Syrie, au nord de la Palestine, d’où sa désignation dans ce livre, au chapitre 11, de « roi du nord » ; ainsi, étant aux frontières du pays de beauté, il grandira extrêmement vers celui-ci, comme nous l’apprenons par le verset 9. Cela explique la déclaration de notre verset concernant son hostilité mortelle à l’égard des Juifs. Comme l’a écrit un autre : « Il fera de grands dégâts, prospérera et opérera, détruira des puissants ou un grand nombre de personnes, et en particulier le peuple des saints, c’est-à-dire les Juifs (voir 7:27). Il est subtil et fait réussir toutes ses ruses, il s’exalte dans son cœur et en corrompt plusieurs par le moyen d’une fausse et irréligieuse sécurité ». Dans l’ensemble, c’est un portrait terrifiant de quelqu’un qui sera un outil efficace de Satan et néanmoins aussi un instrument dans la main de Dieu pour le châtiment des Juifs impies. Il sera un homme de volonté arrêtée, d’une cruauté raffinée, exercé aux ruses et aux intrigues, un maître dans les sciences occultes, et si déterminé dans ses propos qu’il ne permettra à rien de résister dans l’exécution de ses propres desseins égoïstes ; car son unique objet sera son propre accroissement et sa propre exaltation. Tel sera l’un des puissants ennemis des Juifs après qu’ils auront été restaurés dans leur pays et qu’ils auront rebâti le temple, étant encore dans l’incrédulité, avant l’apparition de leur Messie en gloire.

Mais sa carrière de prospérité sera finalement sa ruine. Abusé par ses propres succès et enflé d’orgueil, il osera aussi se lever « contre le prince des princes, mais il sera brisé sans main » (v. 25). Le fait est seulement énoncé que ce monarque terrestre osera être l’adversaire ouvert de Celui qui revendiquera bientôt son titre de Roi des rois et de Seigneur des seigneurs, et que, d’une manière ou d’une autre, « sans main », il connaîtra une destruction instantanée.

Enfin Gabriel certifie la vérité de la vision que Daniel avait reçue et lui commande de ne pas la révéler, « car elle est pour beaucoup de jours » (v. 26). Sous le poids de ces communications divines, Daniel défaille et tombe malade quelques jours (v. 27a). Le vase pouvait à peine supporter la « pression » du contenu qui présageait tant d’afflictions et de tribulations, et pour un temps il est hors d’état d’agir.

Daniel ajoute : « Je me levai, et je m’occupai des affaires du roi » (v. 27b) ; il est toujours fidèle à son maître terrestre. « Et je fus stupéfié de la vision, mais personne ne la comprit » (27c). Il n’est pas expliqué qui est entendu par ce « personne », bien que nous puissions penser qu’il s’agissait des compagnons de captivité de Daniel. Même le peuple de Dieu n’écoute pas volontiers un prophète qui annonce des afflictions imminentes, alors qu’un prophète qui dit des choses agréables trouve toujours une oreille attentive. Aussi l’âme qui est dans le secret de la pensée divine doit-elle accepter d’être incomprise et de marcher seule.


12 - Ch. 9

Daniel apparaît sous un nouveau caractère dans ce chapitre. Jusque-là, nous l’avons vu comme celui qui recevait, de différentes manières, des communications divines et prophétiques ; nous le trouvons ici découvrant la pensée de Dieu par l’étude des Ecritures, et se présentant comme un intercesseur pour le peuple élu de Dieu. On ne peut pas dire avec certitude quel intervalle s’était écoulé entre ce chapitre et les précédents, puisque nous ne connaissons pas la durée du règne de Belshatsar. Celui-ci, à cause de son impiété, avait perdu la vie sous le juste jugement de Dieu, et « Darius, fils d’Assuérus, de la semence des Mèdes… fut fait roi sur le royaume des Chaldéens » ; les événements de ce chapitre se déroulèrent « la première année de son règne » (v. 1-2).


12.1 - La délivrance imminente du peuple et la prière de Daniel (v. 1-19)

12.1.1 - L’amour de Daniel pour son peuple

Deux choses distinguaient Daniel d’une manière évidente :


Il aurait pu être en vérité le porte-parole de ses compagnons de captivité dans le Psaume bien connu dont l’auteur ne nous est pas révélé : « Si je t’oublie, ô Jérusalem, que ma droite s’oublie ! Que ma langue s’attache à mon palais si je ne me souviens de toi, si je n’élève Jérusalem au-dessus de la première de mes joies ! » (Ps. 137:5- 6). C’était sans doute cet amour pour Jérusalem qui l’a conduit à sonder les écrits de Jérémie, pour s’informer de la durée de la désolation. Donnant le résultat de son étude, il dit : « Moi, Daniel, je compris par les livres que le nombre des années touchant lequel la parole de l’Éternel vint à Jérémie le prophète, pour l’accomplissement des désolations de Jérusalem, était de soixante-dix années » (v. 2 ; Jér. 25:11 ; 29:10).

L’effet de cette découverte sur Daniel fut de l’amener, dans son amour infatigable pour ceux de son peuple, à s’identifier avec leur état, à confesser leurs péchés et à intercéder pour leur pardon et leur restauration ; car il savait bien qu’une œuvre devait d’abord être opérée dans leur âme, avant qu’ils soient qualifiés pour retourner dans leur propre pays et dans leur ville. Ce n’est que là où il y a, dans le cœur, des affections divines pour le peuple de Dieu, — comme l’illustrent d’une manière si frappante tant Moïse que Paul, ainsi que Daniel et Esdras — qu’il peut y avoir puissance dans l’intercession à son égard. Et ne peut-on pas suggérer, comme instruction pour le temps actuel, que l’urgent besoin d’aujourd’hui est d’avoir des intercesseurs ? De saints hommes et de saintes femmes, enseignés de Dieu et remplis de l’Esprit, seront rendus capables, comme Épaphras, de travailler avec ferveur pour les saints par la prière. Et si nous-mêmes, par manque de zèle pour la gloire de Dieu et d’amour pour son peuple, nous ne pouvons pas être des intercesseurs, nous pouvons au moins prier qu’il en soit suscité dans toute l’Église de Dieu, partout dans le monde.

Avant de considérer la prière de Daniel, il peut être utile de remarquer que l’intercession du prophète est un des trois maillons de la chaîne des voies de Dieu pour l’accomplissement de ses desseins à l’égard de Jérusalem. Jérémie eut pour mission d’annoncer sa désolation pendant soixante-dix ans, à cause de ses transgressions ; Daniel a été poussé par l’Esprit de Dieu à prier pour sa restauration, et enfin, Cyrus a été suscité « afin que fût accomplie la parole de l’Éternel dite par la bouche de Jérémie », pour faire une proclamation concernant la reconstruction du temple (Esd. 1). Dieu lui-même doit avoir la gloire de toute son œuvre et Il ne permettra à aucun de ses serviteurs de revendiquer le crédit de ce que sa propre puissance a exécuté.


12.1.2 - La confession de Daniel

Il suffira de faire quelques brèves remarques sur la prière de Daniel, vu que son intention, son caractère et sa portée sont facilement compréhensibles. Il convient de relever toutefois, en premier lieu, que le propre état d’âme de Daniel était en accord avec ses confessions et ses prières. Il dit : « Je tournai ma face vers le Seigneur Dieu, pour le rechercher par la prière et la supplication, dans le jeûne, et le sac et la cendre » (v. 3). Ce n’est que dans la mesure où nous sommes nous-mêmes véritablement humiliés devant Dieu, que nous pouvons nous humilier pour les siens. Par la grâce, et par la puissance du Saint Esprit, nous devons nous placer moralement dans les circonstances de ceux dont nous désirons présenter le cas à Dieu. L’état du peuple réclamait des prières et des supplications, dans le jeûne, le sac et la cendre, et le prophète, comme l’un d’entre eux, comprenant leur condition, se plaça sur ce terrain dans la présence de Dieu. Le Seigneur lui-même a été le parfait modèle, lorsqu’Il confesse les péchés de son peuple, comme nous le voyons dans les Psaumes (par exemple Ps. 69:5). Rien en fait ne manifeste plus évidemment l’Esprit de Christ que cette identification complète avec la condition affligeante du peuple de Dieu à cause de leurs péchés. C’est ainsi que les saints peuvent « porter les charges les uns des autres » (Gal. 6:2) et accomplir la loi de Celui qui a été le grand Porteur de charges.

Les deux traits marquants des supplications de Daniel sont la confession et la justification de Dieu dans ses voies envers son peuple. En s’adressant à Dieu, au verset 4, il pose la base lui permettant de justifier Dieu. Il dit : « Seigneur, le Dieu grand et terrible, qui gardes l’alliance et la bonté envers ceux qui t’aiment et qui gardent tes commandements ». Nous remarquons le passage de « Éternel, mon Dieu » à la première ligne du verset, à Seigneur (« Adonaï ») à la troisième ligne. Dieu ne pouvait manquer de garder son alliance avec son peuple ; c’était donc la conduite des siens eux-mêmes qui avait été la cause de tous les châtiments qui étaient tombés sur eux. Et c’est cette mauvaise conduite que Daniel allait maintenant mentionner. « Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité, nous avons agi méchamment, et nous nous sommes rebellés et nous nous sommes détournés de tes commandements et de tes ordonnances » (v. 5). Il ne cherche pas à cacher ni n’atténue en aucune mesure ce qu’à d’énorme la culpabilité de son peuple ; mais avec une grande variété d’expressions il fait la confession la plus complète de leurs nombreuses transgressions. Ils avaient encore aggravé leur péché en refusant d’écouter les prophètes que Dieu, dans sa longue patience et ses tendres compassions, avait envoyés à leurs rois, à leurs princes, à leurs pères et à tout le peuple du pays (v. 6). Leur culpabilité s’étendait également à toutes les classes. En conséquence, Daniel reconnaît que la justice est au Seigneur dans ses voies envers son peuple et que la confusion de face est « aux hommes de Juda et aux habitants de Jérusalem et à tout Israël, à ceux qui sont près et à ceux qui sont loin, dans tous les pays où tu les as chassés, à cause de leurs infidélités par lesquelles ils ont été infidèles envers toi » (v. 7).

Cette particularité de la confession, qui considère les choses comme si rien n’avait été déjà reconnu dans la présence de Dieu, peut bien nous être recommandée pour que nous l’imitions. C’est un signe infaillible d’un « cœur vrai », de la droiture de l’âme devant Dieu et, par conséquent, d’un travail réel opéré par le Saint Esprit dans le cœur et dans la conscience. Mais si la confusion de face, comme Daniel le confesse de nouveau (v. 8), s’imposait à toutes les classes du peuple à cause de leurs péchés, il poursuit en disant : « Au Seigneur notre Dieu sont les compassions et les pardons, car nous nous sommes rebellés contre lui » : ils n’avaient pas écouté Sa voix parlant par des prophètes, et tout Israël avait transgressé la loi de l’Éternel leur Dieu et était ainsi tombé sous la malédiction et le châtiment de leurs péchés, comme cela avait été écrit dans la loi de Moïse, serviteur de Dieu (v. 9-11). Daniel, par cette seule phrase : « Au Seigneur notre Dieu sont les compassions et les pardons », avait touché le seul fondement sur lequel il pouvait se tenir dans son intercession. S’il n’avait connu que la loi, il n’aurait pas pu espérer être entendu. Mais il connaissait aussi l’Éternel son Dieu dans la mesure de grâce selon laquelle Il s’était révélé tant à Moïse (Ex. 34:6-7), qu’à David et à Salomon en relation avec la construction du temple en Sion, la montagne qui devait désormais être connue comme l’expression de la grâce royale (voir 1 Chr. 21 ; 2 Chr. 6:36-39). C’était donc de Dieu, connu en grâce, que le prophète dépendait ; et ce n’est que dans la mesure où la grâce est connue que le cœur peut décharger ses péchés et ses peines dans la présence de Dieu.

Daniel ne veut rien cacher, et ainsi il ajoute que si Dieu n’avait fait qu’accomplir ses paroles en faisant venir sur son peuple un mal si grand — et il n’y en avait jamais eu de plus grand sous tous les cieux que celui qui était venu sur Jérusalem (v. 12). Le mal était survenu sur eux exactement selon qu’il était écrit dans la loi de Moïse. Pourtant dit-il, « nous n’avons pas imploré l’Éternel, notre Dieu, afin de revenir de nos iniquités et de comprendre ta vérité » (v. 13). Le résultat de toute cette mauvaise conduite est maintenant établi : « Et l’Éternel a veillé sur le mal, et l’a fait venir sur nous ; car l’Éternel, notre Dieu, est juste dans toutes les œuvres qu’il a faites ; et nous n’avons pas écouté sa voix » (v. 14). Pourtant il mentionne encore une autre aggravation de leur culpabilité — c’était contre Celui qui les avait fait sortir du pays d’Égypte, à main forte, et qui s’était fait un Nom, qu’ils avaient péché et avaient agi méchamment (v. 15). Daniel allait ainsi jusqu’au fond, et voyait tous les péchés de son peuple à la lumière de la sainteté de Dieu, Le justifiant et reconnaissant que le jugement tombé sur Jérusalem, Juda et Israël, les rois, les princes et le peuple, n’était que ce qui leur était justement dû. C’est par conséquent une confession modèle pour tous les temps, que ce soit pour les croyants ou pour les pécheurs, nous souvenant seulement que la grâce est maintenant encore plus largement connue (voir 1 Jean 1:9 ; 2:1-2). Mais si elle est plus largement connue, ce n’est qu’un motif de plus de faire une confession complète et franche.


12.1.3 - L’intercession de Daniel

Après avoir confessé les péchés et les iniquités de son peuple, Daniel en vient à l’intercession. Il convient d’en bien observer la forme. Daniel avait pleinement reconnu la justice de Dieu dans le châtiment de son peuple et maintenant il supplie le Seigneur, selon toutes ses justices, de détourner sa colère et sa fureur de sa ville de Jérusalem, sa sainte montagne. Il déclare en outre que Jérusalem et le peuple de l’Éternel, à cause de leurs péchés et de leurs iniquités, étaient maintenant « en opprobre » à tous ceux qui les entouraient (v. 16b). Le prophète était en droit de réclamer les justices du Seigneur, car l’Éternel avait mis son Nom dans le sanctuaire bâti par Salomon. Il avait également accepté la prière de Salomon lors de sa dédicace, et Il s’était ainsi engagé à entendre les prières des siens lorsqu’ils s’humilieraient devant Lui à cause de leurs péchés (voir aussi Deut. 30 ; Ps. 89). Daniel, par conséquent, dans cette supplication, comptait sur tout ce que l’Éternel était comme révélé à Israël, et sur sa fidélité à sa propre parole. Rien ne donne à l’âme plus de courage que la connaissance de la justice de Dieu, ni ne lui donne une telle liberté dans la présence de Dieu. Il est aussi très touchant de voir l’usage que Daniel fait de l’expression « ton peuple ». En fait Dieu avait écrit « Lo-Ammi » (« pas mon peuple ») sur Israël, mais la foi rétablissait le lien.

Puis le sanctuaire est présenté dans toute sa désolation. Le fondement de la prière et des supplications de Daniel pour que Dieu fasse luire sa face sur son sanctuaire désolé, c’est « pour l’amour du Seigneur » (v. 17) — un motif de prière qui ne pouvait pas être refusé. Dans le verset suivant, le sujet de sa requête est « nos désolations, et la ville qui est appelée de ton nom » ; et pour cela il avance une autre raison : « ce n’est pas à cause de nos justices que nous présentons devant toi nos supplications, mais à cause de tes grands compassions » (v. 18b).

Ce sont donc là les trois raisons que Daniel avance : la justice de Dieu, son amour et ses compassions. Les ayant exposées dans sa présence, il résume tous ses propres désirs et les présente dans une dernière ardente supplication : » Seigneur, écoute ; Seigneur, pardonne ; Seigneur, sois attentif et agis ; ne tarde pas, à cause de toi-même, mon Dieu ; car ta ville et ton peuple sont appelés de ton nom » (v. 19). Voilà le secret de sa force ; son premier souci était le nom de son Dieu et ses intérêts dans Son sanctuaire, sa ville et son peuple. Daniel n’a rien à demander pour lui ou même pour ses compagnons de captivité, mais tout son cœur s’épanche en supplications pour l’honneur du nom de son Dieu, et Ses intérêts sur la terre. C’est, par conséquent, une prière qui devrait souvent servir de modèle à ceux qui désirent, en une mesure, être en communion avec le cœur de Dieu au sujet de la condition affligeante de son Église dans le monde.


12.1.4 - La vision de Gabriel et la réponse divine

Avant même que Daniel eût achevé ses supplications, la réponse à ses cris arriva — en ce qui concernait du moins la révélation de la pensée de Dieu en relation avec les sujets de sa prière. Il dit : « Et je parlais encore, et je priais et confessais mon péché et le péché de mon peuple Israël, et je présentais ma supplication devant l’Éternel, mon Dieu, pour la sainte montagne de mon Dieu — je parlais encore en priant, et l’homme Gabriel que j’avais vu dans la vision au commencement, volant avec rapidité, me toucha vers le temps de l’offrande de gâteau du soir » (v. 20-21).

Avant de poursuivre, deux remarques s’imposent. Rappelons-nous d’abord que l’oreille de Dieu est toujours ouverte aux prières des siens. Jean écrit : « Si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute » (1 Jean 5:14), et il en était ainsi dans ce cas. Daniel était dans le secret de la pensée de Dieu, et Dieu trouvait son plaisir dans les supplications de son serviteur, dont chaque parole montait devant Lui comme un parfum de bonne odeur ; car, en fait, c’étaient Ses propres désirs qui avaient été produits dans le cœur de son serviteur. Remarquons aussi que ce fut « vers le temps de l’offrande de gâteau du soir » que Gabriel vint et « toucha » Daniel. L’offrande de gâteau du soir accompagnait l’holocauste qui devait être présenté matin et soir, continuellement. Le temple ayant été détruit, il ne pouvait plus être offert, mais Daniel se tenait devant Dieu en vertu de ce sacrifice, c’est-à-dire qu’il s’identifiait en esprit avec toute son odeur agréable, comme assurant sa propre acceptation et l’efficacité de ses prières (comp. 1 Sam. 7:9-10 ; 2 Rois 3:20). Il en va de même de nos prières aujourd’hui lorsque, par la foi et dans la puissance du Saint Esprit, nous nous reposons entièrement sur ce que Christ est et sur toute la valeur de son sacrifice devant Dieu.

Gabriel vint, en premier lieu, pour éclairer l’intelligence de Daniel (v. 22) ; et, en outre, il lui dit : « Au commencement de tes supplications la parole est sortie, et je suis venu pour te la déclarer, car tu es un bien-aimé. Comprends donc la parole, et sois intelligent dans la vision » (v. 23). La révélation qui allait être faite demandait pour être comprise une intelligence divine et c’est celle-ci que Dieu donnait d’abord, par Gabriel, à son serviteur. Il voulait aussi que Daniel sût qu’Il avait lu les désirs de son cœur et qu’Il avait, au commencement de ses supplications, commandé la mission à Gabriel. Dans Sa grâce précieuse, pour encourager le cœur de Daniel, Il veut aussi l’informer qu’il était « un bien-aimé » — bien-aimé comme « le disciple que Jésus aimait » (Jean 13:23 ; 19:26 ; 20:2 ; 21:7, 20) : il était dans l’intimité de la pensée et des affections du Seigneur, et était ainsi capable de recevoir la communication des secrets divins. Car il demeure vrai que plus nous sommes près du Seigneur, plus Il peut nous dévoiler pleinement ses pensées. Aussi Gabriel ajoute : « Comprends donc la parole, et sois intelligent dans la vision ». Les qualifications étaient là ainsi que l’intelligence divine et un cœur en communion avec Dieu ; et Daniel, ainsi pourvu par grâce, était en position de comprendre la révélation qu’il allait recevoir.

Cela nous amène à la partie la plus difficile du livre, ou du moins, à une partie rendue difficile par les spéculations et les controverses : le sujet des soixante-dix semaines.


12.2 - Les soixante-dix semaines (v. 24)

Quelques remarques préliminaires prépareront le chemin pour considérer ce sujet. Il est de toute importance de noter que la révélation du propos de Dieu va bien au-delà de la prière du prophète. Jérémie avait dit : « Car ainsi dit l’Éternel : Lorsque soixante-dix ans seront accomplis pour Babylone, je vous visiterai, et j’accomplirai envers vous ma bonne parole, pour vous faire revenir en ce lieu » (Jér. 29:10 ; voir aussi 25:11-14). C’était sur ces passages, que Daniel avait découverts, qu’il avait basé son intercession, devenant ainsi, par la connaissance de la pensée de Dieu, un médiateur. C’est pourquoi aussi, comme cela a été souvent remarqué, il ne remonte pas jusqu’à l’alliance inconditionnelle de Dieu avec les patriarches ; sur le fondement de cette alliance, en vertu de la mort de Christ, Dieu rétablira finalement son peuple dans le pays pour jouir de la bénédiction sous le règne de Christ (voir Lév. 26:40-45). Daniel remonte seulement jusqu’à la révélation que Dieu avait faite de lui-même et aux promesses qu’il avait données à Moïse (Ex. 34) alors qu’en Exode 32, Moïse lui-même remonte à la promesse faite à Abraham, à Isaac et à Jacob, lorsqu’il est question que Dieu consume entièrement son peuple et fasse de Moïse une nation pour le remplacer.

Ce que Daniel recherchait dans ses supplications était l’accomplissement de la promesse faite par Jérémie. Conduit par l’Esprit de Dieu, il se plaçait sur le terrain approprié pour cela dans la présence de Dieu. Mais, dans la communication faite par Gabriel, il lui est révélé que Dieu avait pour son peuple des pensées de bénédiction encore plus vastes, qui trouveraient certainement leur accomplissement à la fin des soixante-dix semaines.

Il convient aussi de se souvenir que cette révélation concerne exclusivement le peuple juif et Jérusalem. Il est certes étrange de devoir insister sur ce point, vu le langage employé ; mais la tendance, dans certains milieux, d’expliquer, en les spiritualisant, les passages qui ont en vue la restauration future de la nation élue, est si forte, qu’il devient nécessaire d’affirmer et de maintenir leur application évidente. Ainsi Gabriel dit à Daniel : « Ton peuple » et ta sainte ville ». Même un enfant, s’il connaît ne fût-ce que les éléments du Nouveau Testament, comprend que les chrétiens n’ont pas de ville sainte sur la terre. Et si l’on voulait arguer que c’est la cité céleste, la nouvelle Jérusalem, qui est indiquée ici, on pourrait bien demander : Quand ses murailles ont-elles été détruites au point de devoir être reconstruites ? Non, Gabriel parle de la ville pour laquelle Daniel a prié, comme le verset 25 le montre à l’évidence ; le peuple de Daniel, ce sont les Juifs, et sa ville, la Jérusalem terrestre. Remarquez aussi que, bien que Daniel eût dit au Seigneur : « Ton peuple » et « Ta ville », Jérusalem, Gabriel lui dit : « ton peuple » et « ta ville » (comparer l’intercession de Moïse en Exode 32:11). Le lien avec l’Éternel avait été brisé par le péché d’Israël et Lo-Ammi (pas mon peuple), comme cela a été expliqué plus haut, avait été prononcé sur eux ; aussi dès cette époque et jusqu’à l’apparition de Christ et à la restauration de son peuple, l’expression « mon peuple » n’est jamais employée. On ne la trouve jamais en Esdras et en Néhémie ; mais lorsque le Seigneur reviendra une fois encore à Sion, Il la reprendra (voir Zach. 8:7, 8 ; 13:9 ; Osée 2:23).

Une autre chose à déterminer est la signification du terme « semaines » — soixante-dix semaines. L’emploi courant du mot laisse supposer qu’il s’agit d’une période de sept jours ; des commentateurs ont insisté sur cette théorie. La réponse est simple et catégorique. La date du commencement des soixante-dix semaines est indiquée avec la plus grande précision (v. 25) ; et à partir de cette date, s’il s’agit de soixante-dix semaines de jours, y a-t-il eu, on peut bien le demander, un accomplissement quelconque de cette prédiction dans la période concernée ? Non. Il est donc clairement prouvé pour ceux qui croient en l’inspiration plénière des Ecritures, que les « semaines » dans ce passage ne sont pas des semaines de jours. Les citations suivantes de quelqu’un dont personne ne contestera la connaissance intime de l’hébreu, aideront à comprendre le terme. Il dit : « Le mot lui-même est, strictement quelque chose divisé en — ou composé de — sept parties… ». Et encore : « Daniel avait questionné au sujet des soixante-dix années de la captivité de Babylone. La réponse parle aussi de soixante-dix périodes, qui dans notre version sont appelées semaines. Mais le mot ne signifie pas nécessairement sept jours, mais une période de sept parties ; bien sûr, il est beaucoup plus souvent employé en parlant d’une semaine que de quoi que ce soit d’autre, parce que rien n’est si souvent mentionné qu’une semaine, qui est divisée de la même manière. Mais les Hébreux employaient une échelle septénaire pour le temps, tout comme, habituellement, nous compterions par unités de dix ; les années sabbatiques, les jubilés, tout tendait à donner à cette pensée une place permanente dans leurs esprits. La dénomination doit ici être prise d’après le sujet de la prière de Daniel. Sa prière concernant des années, il lui est répondu en périodes de sept ans, c’est-à-dire le retour des années sabbatiques ».


12.3 - « Sept semaines et soixante-deux semaines » (v. 25)

Ayant établi que les semaines ici sont des périodes de sept ans, notre question suivante doit se porter sur leur point de départ. Gabriel précise que c’est « depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem » (v. 25). Dans le livre d’Esdras, nous avons un décret de Cyrus et un autre d’Artaxerxès dans la septième année de son règne ; mais tous les deux concernent la maison de Dieu à Jérusalem et, par conséquent, ni l’un ni l’autre ne répondent aux termes mentionnés par Gabriel. Mais si nous passons à Néhémie, nous voyons que « la vingtième année du roi Artaxerxès », celui-ci écrivit, à la requête de Néhémie, des lettres le chargeant d’aller en Juda, à la ville des sépulcres de ses pères, afin de la rebâtir (Néh. 2). Voilà donc la date à laquelle Gabriel faisait allusion et, vu qu’il n’y a point d’autre « commandement » semblable quant à la restauration et la reconstruction de Jérusalem où que ce soit dans l’Ecriture, le point de départ est déterminé et certain.

Une autre question se pose, à savoir si l’on peut situer la date de ce « commencement » dans l’histoire du monde. Sans entrer dans les détails de la recherche — qui peut facilement être faite par qui le désire — on peut établir que la vingtième année d’Artaxerxès doit vraisemblablement coïncider d’aussi près que possible avec les années 454 ou 455. On verra l’application de cette date en considérant les différentes parties de la communication de Gabriel.

Si nous prenons le verset 24, nous avons la déclaration que « soixante-dix semaines (490 années) ont été déterminées sur ton peuple et sur ta sainte ville, pour clore la transgression, et pour en finir avec les péchés, et pour faire propitiation pour l’iniquité, et pour introduire la justice des siècles, et pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le saint des saints ». Toutes ces expressions indiquent clairement le plein rétablissement du peuple et de la ville de Daniel en bénédiction. La transgression sera close, la transgression pour laquelle ils ont été dispersés. Jérusalem ayant alors « reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés », leur iniquité sera pardonnée (Es. 40:2) ; une justice éternelle, la justice de Dieu, sera introduite (Es. 51:4-8) ; les visions et les prophéties auront pris fin à toujours (voir Zach. 13), et le saint des saints sera une fois encore mis à part, sanctifié selon les exigences de la gloire de Celui qui y habitera à nouveau (voir Ex. 40:9).

Dans le verset 25, la période de soixante-dix semaines est divisée : « Et sache, et comprends : Depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem, jusqu’au Messie, le prince, il y a sept semaines et soixante-deux semaines ; la place et le fossé seront rebâtis, et cela en des temps de trouble ». Les soixante-dix semaines sont ainsi divisées en trois parties : sept semaines, soixante-deux semaines et une semaine. La première partie comprend à n’en pas douter la période employée à rebâtir Jérusalem et la muraille, car la fin du verset parle expressément « des temps de trouble » durant lesquels cela eut lieu. Dans le livre de Néhémie, on trouve la relation des obstacles et de l’opposition auxquels Néhémie et ses compagnons eurent à faire face.


Nous avons ensuite soixante-deux semaines qui vont « jusqu’au » Messie, le prince. C’est-à-dire, si nous ajoutons les quarante-neuf années que nécessita la restauration de la ville, qu’il y aurait 483 années jusqu’à Christ. Il convient de bien remarquer que l’expression est générale et que ni la naissance de Christ, ni son onction pour sa mission, ni sa mort, ne sont spécifiées. Il est simplement dit : « jusqu’au » Messie, le Prince. Certains, admettant que la date du commandement de restaurer et rebâtir Jérusalem est 454 ou 455 avant Jésus Christ, calculent que les 483 années comprises dans les soixante-neuf semaines, se terminèrent avec la mort de Christ. Cette manière de calculer considère, ce qui maintenant est communément admis, l’an 4 avant Jésus Christ comme celui de la naissance de Christ et, par conséquent, l’an 29 comme celui de sa crucifixion. Mais cette recherche de précision numérique n’apporte absolument rien, et nous croyons que l’expression « jusqu’au Messie, le Prince » est indéfinie, pour la raison que le Messie, comme cela est prédit ici, serait rejeté par ceux vers lesquels Il venait.


12.4 - « Le Messie sera retranché et n’aura rien » (v. 26)

Si le Messie avait été reçu, la nation juive aurait été, comme nous le savons, aussitôt établie dans le royaume ; et même s’il avait été reçu par la nation après la crucifixion, des « temps de rafraîchissement », comme Pierre le déclare distinctement, seraient venus de devant la face du Seigneur ; et il aurait envoyé Jésus Christ à son peuple (Act. 3:19-25). Mais Dieu savait tout à l’avance et ainsi, après avoir mentionné les soixante-deux semaines, il dit : « et après les soixante-deux semaines, le Messie sera retranché et n’aura rien » (v. 26). Il faut remarquer qu’il n’est pas dit immédiatement après, mais seulement « après », laissant place, nous ne pouvons en douter, pour la demi-semaine du ministère du Seigneur.

Quoi qu’il en soit, les faits mentionnés sont divinement donnés et, par conséquent, indiscutables ; c’est-à-dire que les soixante-deux semaines, partant de la restauration de Jérusalem, sont allées jusqu’à Christ ; et que, « après » l’achèvement de cette période, Il fut rejeté, retranché et n’eut rien ; car le royaume et sa gloire furent en conséquence différés, de même que l’accomplissement de la dernière partie des soixante-dix semaines. Nous le verrons plus clairement dans la suite.

En relation avec le retranchement du Messie, il est dit : « Et le peuple du prince qui viendra, détruira la ville et le lieu saint, et la fin en sera avec débordement ; et jusqu’à la fin il y aura guerre, un décret de désolations » (v. 26). Il convient de porter la plus grande attention aux termes précis employés dans ce passage, si nous voulons comprendre leur portée ; et le rappel à nos esprits d’un ou deux faits facilitera leur éclaircissement. Nous avons vu, dans les chapitres précédents, que le quatrième royaume, le successeur de celui de la Grèce, qui doit terminer le temps des Gentils, est Rome. Et nous avons vu aussi que ce quatrième royaume n’a pas de successeur terrestre, qu’il sera, en fait, remplacé par le royaume du Fils de l’homme, et que, par conséquent, bien qu’à vues humaines l’Empire romain d’Occident puisse sembler avoir disparu à jamais, il sera, selon l’enseignement de l’Ecriture, ressuscité (voir Apoc. 13 et 17), et prendra la forme de dix royaumes, confédérés sous une tête impériale — la petite corne de Daniel 7 ou la première bête d’Apocalypse 13. En outre, ce fut à l’époque du quatrième empire — fait historique bien connu et confirmé dans les Ecritures — que le Seigneur Jésus est venu dans ce monde et ce fut au tribunal de cet empire romain, avec Pilate comme juge, qu’Il fut condamné à la mort de la croix. Ces faits ont une portée très importante sur les déclarations de notre passage.

Remarquez d’abord qu’il n’est pas dit qu’un prince viendra et détruira la ville et le sanctuaire, mais que le peuple du prince qui viendra, agira ainsi. En d’autres termes, le « prince qui viendra » s’applique au futur et est en fait, comme on le verra dans le verset suivant, la tête impériale de l’Empire romain ressuscité aux derniers jours. Le « peuple » lui est identifié, car ce sont des Romains du même royaume qui doit encore réapparaître et dont ce prince sera le conducteur et le chef. Ce que nous avons donc dans ce passage, c’est la destruction de Jérusalem par les Romains après la mort de Christ, comme jugement de Dieu sur les Juifs pour avoir rejeté et crucifié leur Messie. Notre Seigneur lui-même a souvent parlé de ce triste événement et l’a toujours relié à son propre rejet (voir Matt. 22:7 ; Luc 19:41-44 par exemple).

Le caractère terrible de ce jugement est souligné dans les derniers mots du verset : « et la fin en sera avec débordement ; et jusqu’à la fin il y aura guerre » pour l’accomplissement de la volonté de Dieu dans les désolations de la ville sainte ; car comme le Seigneur lui-même l’a dit : « Ils (les Juifs) tomberont sous le tranchant de l’épée ; ils seront emmenés captifs parmi toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu’à ce que soient accomplis les temps des nations » (Luc 21:24 ; voir aussi Apoc. 11:2).


12.5 - La dernière semaine (v. 27)

On comprend maintenant pourquoi la dernière des soixante-dix semaines est séparée des soixante-deux précédentes. À l’exception d’une semaine (sept années), les soixante-dix semaines mentionnées par Gabriel s’étaient écoulées lorsque Christ est venu ; et si les Juifs avaient seulement reçu Jésus de Nazareth comme leur Messie promis, il aurait aussitôt établi son royaume et introduit toutes les bénédictions énumérées au verset 24 ; mais ils n’ont pas connu le temps de leur visitation (en grâce). Aussi le cours des soixante-dix semaines a été interrompu et Dieu ne compte pas le temps pendant lequel son peuple sur la terre est en dehors de son héritage et dispersé sur le globe. Il y a donc, pour ainsi dire, un « blanc » dans l’histoire juive, un intervalle durant lequel la nation, bien qu’encore surveillée, n’a pas de relation reconnue avec Dieu. Le lien entre Dieu et Israël est maintenu pendant cette période par la foi du Résidu, comme nous le montre la première partie de ce livre en Daniel et ses compagnons. Mais, béni soit son nom, « par leur chute, le salut parvient aux nations pour provoquer leur jalousie » (Rom. 11:11). Car il a plu à Dieu, dans la profondeur de ses richesses et de sa sagesse et de sa connaissance, de se servir de cet intervalle même dans le développement et l’accomplissement de ses conseils éternels en Christ à l’égard des saints qui doivent être cohéritiers de Christ, et former son corps et son épouse. C’est précisément cet intervalle, dans lequel le temps n’est pas compté, qui forme la période de l’Église. Lorsque celle-ci — l’an agréable du Seigneur — sera terminée, Dieu manifestera à nouveau sa puissance pour la bénédiction du peuple élu terrestre ; et alors ils chanteront avec des cœurs débordants : « Célébrez l’Éternel ! Car il est bon ; car sa bonté demeure à toujours. Que les rachetés de l’Éternel le disent, ceux qu’il a rachetés de la main de l’oppresseur, et qu’il a rassemblés des pays, du levant et du couchant, du nord et de la mer » (Ps. 107:1-3).

On verra qu’un immense intervalle s’intercale entre les versets 26 et 27 ; le verset 26 fait allusion à la mort de Christ et au jugement de Dieu sur Jérusalem quelque quarante ans plus tard, tandis que le verset 27 passe à un temps postérieur à la période de l’Église, lorsque les Juifs, bien que dans l’incrédulité, seront à nouveau dans leur propre pays. Si quelqu’un devait estimer que cette interprétation est forcée, qu’il se souvienne que des cas semblables se retrouvent souvent dans les écrits prophétiques. Pierre, par exemple, en citant le Psaume 34, dit : « La face du Seigneur est contre ceux qui font le mal », mais il n’ajoute pas ce qu’on trouve dans le Psaume : « pour retrancher de la terre leur mémoire » ; la raison en est que Dieu agit maintenant en grâce et s’il demeure vrai que sa face est contre ceux qui font le mal, Il ne retranchera pas de tels de la terre avant que le royaume de Christ soit établi. En d’autres termes, toute la période actuelle, le jour de grâce, doit être insérée entre les deux parties du même verset. En comparant Luc 4:18-19, avec le passage du début d’Ésaïe 61 d’où la citation est tirée, on constate que le Seigneur n’a pas cité : « et le jour de la vengeance de notre Dieu », parce qu’en fait ce jour ne viendrait pas avant que « l’an agréable » — c’est-à-dire toute la période de la grâce — ait eu son cours.

Nous pouvons maintenant aborder la première déclaration du verset 27: « Et il confirmera une alliance avec la multitude pour une semaine ». La première chose à déterminer dans cet énoncé, c’est la personne qui fait une alliance avec la multitude. Certains, adoptant la traduction anglaise « l’alliance », ont conclu hâtivement que c’est Christ lui-même, omettant de relever que l’alliance mentionnée n’est faite que pour sept ans. Il est toutefois généralement admis maintenant que les mots doivent être rendus par « une alliance » et cela montre d’emblée qu’il ne pouvait s’agir du Messie. En fait, le vrai antécédent du pronom « il » est « le prince qui viendra » ; et c’est à ce personnage qu’il est fait allusion. Ainsi ce qui est dit, c’est que le chef futur de l’Empire romain ressuscité fera une alliance avec « la multitude », c’est-à-dire avec la masse ou la majorité des Juifs qui, à cette époque, seront à nouveau dans leur propre pays ; en effet, la mention du sacrifice et de l’offrande établit sans aucun doute qu’il est question de Jérusalem et que le temple a été rebâti. Ce prince fera donc une alliance avec les Juifs, avec tous les Juifs à l’exception du Résidu pieux, prétendant embrasser leur cause et les protéger de leurs adversaires. Et il convient de bien remarquer que la durée de cette alliance est d’une semaine — c’est-à-dire pour la soixante-dixième semaine, à notre avis — et qu’elle est faite à l’égard des Juifs incrédules.

La foi peut considérer le ministère du Seigneur, pendant qu’Il était ici-bas, comme étant la première moitié de cette dernière semaine, et passer au temps où le prince rompt son alliance avec les Juifs pour le commencement de la dernière moitié. Tandis que, pour l’incrédulité, la soixante-dixième semaine est celle pour laquelle l’alliance est conclue. D’autres passages font allusion à cette alliance. Ainsi nous lisons en Ésaïe 28: « C’est pourquoi, écoutez la parole de l’Éternel, hommes moqueurs, qui gouvernez ce peuple qui est à Jérusalem. Car vous avez dit : Nous avons fait une alliance avec la mort, et nous avons fait un pacte avec le shéol : si le fléau qui inonde passe, il n’arrivera pas jusqu’à nous ; car nous avons fait du mensonge notre abri, et nous nous sommes cachés sous la fausseté » (v. 14, 15). Il semblerait donc que ce sera la peur d’un autre adversaire, « le fléau qui inonde » (qui n’est autre que l’Assyrien, ou le roi du nord), qui jettera ces « hommes moqueurs » dans les bras du chef impérial de l’Empire romain. Il faut aussi se souvenir, comme nous le verrons en arrivant au chapitre 11, que l’Antichist aura, à cette époque, son siège et sa domination à Jérusalem, et qu’il agira comme « prophète », le faux prophète, pour le prince de l’empire (Apoc. 13). C’est ainsi que, comme conduits par lui, ils accepteront le traité d’alliance proposé par le chef de l’Empire romain, par crainte de leur terrible adversaire, l’Assyrien.

Au début, comme nous l’avons vu en Ésaïe, tout s’annoncera bien et les Juifs se tromperont eux-mêmes en croyant s’être mis à l’abri de tout danger possible. Rejetant Dieu, ils s’appuieront sur le bras du monarque le plus puissant du monde. Qui donc devraient-ils craindre ? Mais celui-là même en qui ils se confient devient leur ennemi ; car, infidèle à son alliance, « au milieu de la semaine » (c’est-à-dire à la fin de trois ans et demi), « il fera cesser le sacrifice et l’offrande » et davantage encore, car « à cause de la protection (litt : » aile ») des abominations il y aura un désolateur, et jusqu’à ce que la consomption et ce qui est décrété soient versés sur la désolée ». Sans essayer de démêler les dédales de ce verset reconnu difficile, on peut affirmer que son sens général est très clair, d’autant plus que d’autres passages jettent de la lumière sur celui-ci pour nous guider.

Non seulement ce prince romain fera cesser les sacrifices continuels, mais l’Antichrist, outre le fait qu’il dressera la propre image de ce prince, laquelle sera vraisemblablement dotée de pouvoirs miraculeux (Apoc. 13), s’assiéra lui-même, comme nous l’apprenons par 2 Thessaloniciens 2, dans le temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu (v. 4). Le Seigneur se réfère à ce fait effroyable en Matthieu 24 où Il mentionne l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par le prophète Daniel, établie dans le lieu saint, faisant allusion au chapitre 12:11.

Les Juifs, à cette époque, seront retournés dans leur pays ; même si, pour la majorité, c’est dans l’incrédulité, ils auront rebâti le temple et restauré les services du temple. L’Antichrist, selon la prédiction du Seigneur, étant venu en son propre nom, sera reçu comme leur roi. Sous sa direction, lorsqu’ils seront menacés par la puissance de l’Assyrien, ils concluront une alliance et feront un traité avec le chef de l’Empire romain d’Occident. Ce prince rompt son alliance, comme nous l’avons vu et « au milieu de la semaine » fait cesser les services du temple ; et, profanation audacieuse, l’Antichrist, comme son prophète, fait dresser une image de lui-même dans le saint des saints et exige que les honneurs divins soient rendus à lui-même plutôt qu’à l’Éternel.

Nous avons répété ces faits parce que, à partir de ce point, l’établissement de l’abomination de la désolation dans le lieu saint, commence la dernière moitié de la soixante-dixième semaine prophétique. C’est le début des « un temps et des temps et une moitié de temps » du chapitre 7:25 et les quarante-deux mois ou des 1260 jours du livre de l’Apocalypse, à savoir des trois années et demie — la dernière moitié de la soixante-dixième semaine. C’est de cette période que notre Seigneur parle en Matthieu 24 comme d’un temps de détresse sans pareille. Il annonce qu’ » il y aura une grande tribulation, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais plus. Si ces jours-là n’avaient pas été abrégés, personne n’aurait été sauvé » (v. 21-22), car c’est pendant ces jours que les jugements annoncés par les trompettes et les « coupes du courroux de Dieu », desquels il est parlé dans l’Apocalypse, sont déversés sur la terre. C’est à ces jugements, affectant Jérusalem et les Juifs, qu’il est fait allusion dans le verset de Daniel que nous considérons.

Il est donc d’abord dit : « à cause de la protection des abominations il y aura un désolateur ». Le désolateur est ici sans aucun doute « le fléau qui inonde » (Es. 28) ; car, comme nous l’avons déjà vu, les Juifs sont conduits par l’Antichrist à conclure un traité avec le chef de l’Empire romain pour se protéger de leur adversaire du nord ; les « hommes moqueurs » qui gouvernent « ce peuple qui est à Jérusalem » se vantent de leur sécurité. Mais dit le prophète, « votre alliance avec la mort sera abolie, et votre pacte avec le shéol ne subsistera pas. Lorsque le fléau qui inonde passera, vous serez foulés par lui » (Es. 28:18 ; voir aussi v. 19-22). En fait, Dieu se sert de l’Assyrien comme d’une verge (Es. 10:5) pour briser le peuple coupable, doublement coupable — de rejeter Christ et d’accepter de nouveau l’idolâtrie après que la maison a été balayée et ornée.

Il y a cependant davantage : « et jusqu’à ce que la consomption et ce qui est décrété soient versés sur la désolée ». Il y a eu beaucoup de discussions pour savoir si ce mot « désolée » ne devrait pas être traduit par « désolateur ». Il est admis qu’il peut avoir les deux significations, bien que la première soit la traduction la plus commune. Quelle que soit celle qui est adoptée, le sens reste en gros le même, sauf que si l’on retient « désolée » il s’agit de Jérusalem, tandis que si l’on opte pour « désolateur » son adversaire est désigné. Dans l’un et l’autre cas, la signification est que, à partir du moment mentionné, un jugement croissant sera déversé, jusqu’à « la consomption et ce qui est décrété ».

Commençant donc par le fléau qui inonde, les Juifs seront les objets de jugements continuels et Jérusalem sera livrée à la furie de ses oppresseurs. Comme l’a dit un autre : « Ce mot : consomption décrétée, est une expression usitée pour les derniers jugements qui fondent sur les Juifs (voir Es. 10:22 ; 28:22) ». Comme ceux-ci nous seront présentés à la fin du livre, nous les considérerons plus tard, nous bornant à remarquer qu’à la fin de cette nuit de tribulation, leur Messie apparaîtra et « il détruira en cette montagne (Sion) la face du voile qui couvre tous les peuples, et la couverture qui est étendue sur toutes les nations. Il engloutira la mort en victoire ; et le Seigneur, l’Éternel, essuiera les larmes de dessus tout visage, et il ôtera l’opprobre de son peuple de dessus toute la terre ; car l’Éternel a parlé » (Es. 25:7-8).


13 - Ch. 10

Il est évident, même au lecteur le plus superficiel, que les trois derniers chapitres de ce livre ne forment pour ainsi dire, qu’une seule prophétie. Celle-ci traite néanmoins de différentes époques et de différents personnages ; elle traverse plusieurs sphères d’action, mais elle n’a pas de suite chronologique ; car après être parvenue à un certain point, avec une description historique de machinations et de conflits entre le roi du nord et le roi du midi, elle passe subitement au temps de la fin et place devant nous « le roi qui agira selon son bon plaisir », l’Antichrist avec ses méchantes actions (11:36, etc.) et ses conflits avec ses adversaires. Le dernier chapitre est entièrement consacré aux Juifs, ayant spécialement en vue le Résidu fidèle, les « temps de trouble » par lesquels ils passeront pendant les derniers jours de la domination gentile et leur glorieuse délivrance.

Le chapitre 10, que nous avons maintenant devant nous, s’occupe principalement des circonstances dans lesquelles Daniel reçut ces dernières communications ; et en relation avec celles-ci, il a été observé à juste titre « que, les deux fois (chap. 9 et chap. 10 à 12), la révélation donnée à Daniel quant à son peuple, constitue une réponse aux exercices de son cœur dans l’intercession ou le jeûne ; tandis qu’il n’en est pas ainsi pour les révélations concernant les puissances destructives occidentale ou orientale aux chapitres 7 et 8. Dieu les donne quand il lui semble bon : celles-ci le furent au temps de Belshatsar ; les premières, après la prise de Babylone » (Etudes sur la Parole de Dieu, J.N.D. — tome 3 p. 267).


13.1 - La préparation morale de Daniel, marquée par l’humiliation et le jeûne

La dernière vision du livre est révélée à Daniel la troisième année de Cyrus, roi de Perse ; on se souvient que ce roi avait succédé à Darius le Mède, sous le règne duquel Daniel avait été jeté dans la fosse aux lions. Comme cela est expressément dit, la chose révélée était « vraie, mais le temps d’épreuve déterminé (déterminé pour l’accomplissement de tous les événements, ou des derniers d’entre eux, qui avaient été développés dans la vision prophétique) est long. Et il comprit la chose et eut l’intelligence de la vision » (v. 1). Si Dieu se servait ainsi du prophète comme d’un vase pour la révélation de l’avenir, il lui donnait aussi de comprendre ce qui était révélé.

Nous avons ensuite les circonstances dans lesquelles la vision a été donnée : « En ces jours-là, moi, Daniel, je menai deuil trois semaines entières ; je ne mangeai pas de pain agréable, et la chair et le vin n’entrèrent pas dans ma bouche ; et je ne m’oignis point, jusqu’à ce que trois semaines entières fussent accomplies » (v. 2-3). Le motif de ce deuil et de ce jeûne n’est pas indiqué, mais comme nous savons, par le chapitre précédent, que la condition de son peuple et de la sainte ville pesait lourdement sur son cœur, nous pouvons bien en conclure que son deuil ici avait la même cause, d’autant plus que cette attitude conduisit à une révélation de la délivrance future de son peuple.


13.1.1 - Deux observations peuvent être faites pour notre instruction :


Quelle erreur plus grande peut être faite que de supposer que nous pouvons entrer dans les secrets de Dieu sans une préparation morale de cœur, ou de penser qu’il est possible de comprendre les choses divines simplement en écoutant ou en lisant, ou parce que nous nous sommes rangés autour de certains conducteurs et que nous soutenons avec enthousiasme leurs enseignements ? L’humiliation et le jeûne furent les moyens par lesquels Daniel reçut ces révélations ; et de même maintenant, ce n’est que lorsque nous sommes moralement séparés des choses d’ici-bas — en dehors de la satisfaction des sens et des joies du monde, nous étant totalement purifiés par l’application de la croix, dans la présence de Dieu — que l’Esprit de Dieu éclaire les yeux de notre cœur pour comprendre la pensée et la volonté de Dieu. Ces deux versets peuvent donc être considérés comme très importants en ce qu’ils contiennent les moyens par lesquels Daniel fut préparé à entendre et à comprendre la voix divine.


13.2 - La vision glorieuse du Fils de l’homme au bord du Tigre

D’autres détails concernant le temps et le lieu sont ajoutés : « Et le vingt-quatrième jour du premier mois, j’étais au bord du grand fleuve qui est le Hiddékel ; et je levai les yeux, et je vis … » (v. 4-5). Ce fleuve n’est mentionné par son nom que dans un seul autre passage (Gen. 2:14). Il est généralement identifié, par des considérations tant géographiques qu’étymologiques, avec le Tigre. Si c’est exact, Daniel aurait eu à le traverser dans ses déplacements de Babylone à Suse (8:2).

À cette date donc, et en ce lieu, il est donné à Daniel la vision d’ » un homme », et les différents traits de son vêtement et de son aspect sont décrits. Il était « vêtu de lin, et ses reins étaient ceints d’or d’Uphaz ; et son corps était comme un chrysolithe, et son visage comme l’aspect de l’éclair, et ses yeux comme des flammes de feu, et ses bras et ses pieds comme l’apparence de l’airain poli, et la voix de ses paroles comme la voix d’une multitude » (v. 5-6).

Qui donc était ce visiteur céleste ? On voit tout de suite de nombreuses ressemblances avec l’aspect de celui que Jean vit à Patmos, « semblable au Fils de l’homme » (Apoc. 1:13-16) ; mais il y a aussi des différences et certains des traits caractéristiques les plus frappants que Jean rapporte sont omis. Il n’est donc nullement certain que celui-ci soit un personnage divin. En fait, si c’est la même personne qui parle tout au long de ce chapitre, cela ne pouvait pas en être un, puisqu’il dit que le chef du royaume de Perse lui a résisté vingt et un jours. Certains ont pensé que c’était un personnage divin dans les versets 5-9 et un ange à partir du verset 10. Cela paraît un peu forcé bien qu’il y ait des traits dans les versets 5-9 qui pourraient suggérer que c’était plus qu’un ange. La question peut rester en suspens puisque rien n’en dépend pour l’interprétation de la vision.


13.3 - L’effet produit par la vision sur Daniel et ses compagnons

Il est parlé pour la première fois des compagnons qui étaient avec Daniel (v. 7) ; cela semblerait amener à la conclusion que Daniel était, à ce moment, en voyage, et que les hommes étaient ses serviteurs personnels. L’effet produit sur ces hommes par la vision présente par certains détails à la fois les effets produits sur les compagnons de Paul lorsque, sur le chemin de Damas, en plein midi, une lumière plus éclatante que la splendeur du soleil resplendit du ciel autour de lui (Act. 9:3 ; 26:13), et ceux produits sur Jean lorsqu’il eut, à Patmos, la vision du Fils de l’homme. Les compagnons de Daniel, comme ceux de Paul, furent saisis d’effroi et le « tremblement » qui tomba sur eux fut si grand qu’ils coururent se cacher. Quant à Daniel, comme Jean, il tomba comme mort aux pieds du messager céleste. Il dit : « Il ne resta aucune force en moi, et mon teint frais fut changé en corruption, et je ne conservai aucune force. Et j’entendis la voix de ses paroles ; et, comme j’entendais la voix de ses paroles, je tombai dans une profonde stupeur sur ma face, et ma face contre terre » (v. 8-9). Selon de nombreux exemples dans l’Ecriture, il semblerait impossible à l’homme dans sa nature actuelle de parler à des êtres célestes lorsque ceux-ci sont entourés de la majesté et de l’excellence qui appartiennent à leur existence ; aussi est-il nécessaire d’être comme Paul, qui ne savait « si ce fut dans le corps, si ce fut hors du corps » (2 Cor. 12:3), ou comme Jean « en esprit » (Apoc. 1:10), ravi en dehors de son mode ordinaire d’existence, afin de devenir le vase des secrets célestes.


13.4 - La communication de l’ange à Daniel

Trois choses se produisent avant que l’ange ne commence sa communication :


Alors Daniel est libéré. En réponse au commandement de se lever, il se tient « debout, tremblant » (v. 11b). L’ange lui dit : « Ne crains pas, Daniel ». Apaisé dans la présence du messager céleste, ses craintes dissipées, il est qualifié pour devenir le dépositaire du message de l’ange. L’ange lui révèle alors qu’il est venu en réponse à sa prière : « Dès le premier jour où tu as appliqué ton cœur à comprendre et à t’humilier devant ton Dieu, tes paroles ont été entendues, et moi, je suis venu à cause de tes paroles » (v. 12). Quel encouragement plein de grâce est ainsi donné aux intercesseurs pour le peuple de Dieu dans tous les âges ! Ils peuvent être seuls au milieu de la confusion et de la corruption ambiantes ; il se peut même que leurs noms soient rejetés comme méchants par les chrétiens professants, et par de vrais croyants ; mais Dieu entend leurs cris et Il les soutiendra par l’assurance de son amour, les consolera par les consolations que Lui seul peut dispenser et, au moment voulu, répondra à leurs prières.


13.5 - Le conflit des puissances spirituelles dans le monde invisible

Comme l’ange en informe maintenant le prophète, il peut y avoir, il y aura des forces antagonistes à l’œuvre pour empêcher la réponse divine aux supplications de Ses serviteurs ; et ici, un des mystères les plus profonds du monde spirituel nous est révélé : « Le chef du royaume de Perse », dit l’ange à Daniel, « m’a résisté vingt et un jours » (v. 13) ; c’est-à-dire pendant toute la durée du jeûne et de la prière de Daniel. Les paroles du prophète avaient été entendues « dès le premier jour » ; et l’ange avait été envoyé, mais ce « chef du royaume de Perse » avait, d’une manière ou d’une autre, dressé un obstacle pour une période de trois semaines. Tout en prenant garde de ne pas aller au-delà de ce qui est écrit et de ne pas pénétrer dans ce qui n’est pas révélé, quelques mots s’imposent pour élucider cette mystérieuse révélation.

D’abord, il faut remarquer que « le chef du royaume de Perse » est un ange, car Micaël, appelé dans le même verset « un des premiers chefs » et au chapitre 12, « le grand chef » en relation avec Israël, est connu, de par l’autorité de Jude, comme étant l’archange. Si tel est le cas, dans la mesure où ce « chef » de Perse est vu ici agissant en opposition avec la pensée de Dieu, il est un mauvais ange, en fait, un des chefs de Satan. Cela nous aidera à comprendre ce que nous trouvons souvent mentionné dans le Nouveau Testament : parmi les « pouvoirs » et les « autorités » dans les lieux célestes, il y a des bons (Éph. 1:21 ; Col. 1:16 ; 2:10 ; 1 Pier. 3:22) et des mauvais (Rom. 8:38 ; Éph. 6:12…). Il semblerait donc que Satan ait imité le royaume de Dieu — nous utilisons l’expression « royaume de Dieu » pour exprimer toute la sphère de l’autorité et de la domination de Dieu — et formé sa hiérarchie de rang et de puissance selon le modèle divin.

Ayant vu que Dieu avait désigné l’archange Micaël pour veiller sur les intérêts d’Israël dans son gouvernement providentiel, Satan envoya un de ses anges pour défendre ses intérêts en Perse qui, à cette époque, avait la souveraineté de la terre et, par conséquent, pour entraver, partout où c’était possible, les activités de Dieu sur la terre. Dans quelle mesure ce mode d’opération peut-il continuer pendant le jour de la grâce, nous n’en sommes pas exactement informés. Nous voyons cependant que le Seigneur, pendant son séjour sur la terre, faisait allusion aux anges des petits enfants (Matt. 18:10). Pierre fut délivré de prison par le moyen d’un ange (Act. 12:7). Les anges sont « envoyés pour servir en faveur de ceux qui vont hériter du salut » (Héb. 1:14). Le chapitre 12 de Daniel montre clairement que l’office de Micaël va jusqu’à la fin. Et à l’égard des esprits ou des anges de méchanceté, nous apprenons par l’épître aux Éphésiens, que leur activité et leur énergie ne cessent pas (2:2 ; 6:12) contre les enfants de Dieu. Paul, en écrivant aux Thessaloniciens, dit expressément : « C’est pourquoi nous avons voulu aller vers vous, du moins moi Paul, une fois et deux fois, mais Satan nous en a empêchés (1 Thes. 2:18). Ainsi lorsque nous marchons dans les sentiers de Dieu et faisons sa volonté, nous avons à compter avec l’opposition continuelle et malfaisante du Méchant par le moyen de ses émissaires ; et si nous oublions ce caractère de l’ennemi de Dieu et de nos âmes, c’est à notre détriment, car nous oublions en même temps notre besoin d’être revêtus de l’armure complète de Dieu et de veiller constamment contre les ruses de Satan.

C’est néanmoins un encouragement d’apprendre par ce passage que nous ne sommes pas abandonnés à nous-mêmes ; car si l’émissaire de Satan cherchait à arrêter la réponse aux supplications de Daniel, Micaël, l’un des premiers chefs de Dieu, vint au secours de Son messager et celui-ci resta là, « auprès des rois de Perse », victorieux, grâce à l’aide apportée par Micaël, de l’agent méchant qui s’était audacieusement interposé entre le commandement de Dieu et son exécution.


13.6 - La clé de la communication qui va être faite au prophète

L’ange dit : « Et je suis venu pour te faire comprendre ce qui arrivera à ton peuple à la fin des jours ; car la vision est encore pour beaucoup de jours » (v. 14). La plus grande partie de ce qu’il va dire se rapporte, comme nous le verrons, à ce qui eut lieu pendant la période du troisième royaume, le temps des successeurs d’Alexandre ; mais une telle importance est donnée même à ces faits, à cause de leur signification typique. L’objet de la communication de l’ange était de faire connaître au prophète ce qui arriverait à son peuple « à la fin des jours » ; et si l’on perd cela de vue, il est impossible de lire d’une manière juste ces communications prophétiques. C’est par manque d’attention à de telles paroles qui nous ouvrent la portée de la prophétie, que tant d’erreurs ont été faites.


13.7 - Secours divin, consolation et promesses divines

Daniel, une fois encore, est bouleversé par les révélations qui lui ont été faites concernant les conflits dans le monde spirituel en relation avec son peuple. Il tourne sa face vers la terre, et il devient muet (v. 15). Mais si le vase humain est trop faible en lui-même pour exprimer les pensées qui montent dans son cœur, le secours divin est là. « Et voici, comme la ressemblance des fils des hommes toucha mes lèvres. Et j’ouvris ma bouche et je parlai, et je dis à celui qui se tenait devant moi : Mon Seigneur, par la vision les douleurs m’ont saisi, et je n’ai conservé aucune force » (v. 16). Tant sa force que son souffle, comme il le dit ensuite, avaient fait défaut. Le vase, nous l’avons déjà vu, pouvait à peine supporter la pression du contenu de la vision ; et de cette manière, le Seigneur enseignait à son serviteur sa faiblesse totale, afin qu’il apprît que la puissance du Seigneur s’accomplit dans l’infirmité. Aussi, dès que Daniel eut reconnu qu’il ne subsistait point de force en lui, « comme l’aspect d’un homme » le touche de nouveau, le fortifie, et lui dit : « Ne crains pas, homme bien-aimé ; paix te soit ! sois fort, oui, sois fort ! » (v. 18-19a). Cela est de toute beauté, nous montrant que le Seigneur n’attend rien de nous, sinon que nous regardions à lui, et même pour cela c’est lui qui donnera la puissance. La force, le sentiment de Son amour, le calme, la paix, et même une double force, sont impartis à Daniel pour le qualifier en vue du service auquel il est appelé. Qui jamais va à la guerre à ses propres dépens ? Celui qui appelle équipe et soutient ; et le serviteur n’a qu’à apprendre à se servir de ce qui est mis à sa disposition. L’effet sur Daniel est immédiat : « Je pris des forces, et je dis : Que mon Seigneur parle, car tu m’as fortifié » (v. 19b).


13.8 - Introduction aux révélations à venir

Les deux derniers versets requièrent un examen attentif pour comprendre leur portée. Après avoir demandé : » Sais-tu pourquoi je suis venu vers toi ? », l’ange continue : « Et maintenant, je m’en retournerai pour combattre contre le chef de la Perse ; et quand je sortirai, voici, le chef de Javan viendra. Cependant je te déclarerai ce qui est consigné dans l’écrit de vérité » (v. 20- 21a). Si nous comprenons bien, la dernière phrase signifie que, avant de sortir contre le chef de la Perse, l’ange veut communiquer à Daniel son message, c’est-à-dire le contenu des chapitres 11 et 12. Cela clarifie tout. Si le chef de la Perse est un ange satanique, comme cela a déjà été expliqué, le chef de Javan le sera aussi, bien qu’il ne nous soit pas dit pourquoi il paraîtra sur la scène, sauf que nous savons que cela doit être dans l’hostilité envers le peuple de Dieu.

La raison de l’antagonisme spécial du « chef de la Perse » peut facilement être discernée. La Perse était le royaume au pouvoir à ce moment et tenait, par conséquent, le peuple de Dieu en captivité. Influencée par le délégué de Satan, indépendamment de raisons naturelles, la Perse serait l’ennemi de Daniel et de son peuple, malgré la tolérance de sa domination. Elle serait intéressée à les garder dans l’assujettissement ; et, en se souvenant de cela, on comprendra d’autant mieux la nécessité du conflit dont parle l’ange. Avant toutefois de s’en aller, il communiquerait, par direction divine, l’histoire de l’avenir avec son aboutissement dans le plein accomplissement des desseins de Dieu pour son peuple terrestre.

Puis l’ange ajoute : « et pas un seul ne tient ferme avec moi contre ceux-là, sinon Micaël, votre chef » (v. 21b). Ainsi Satan était alors déjà, même si cela n’avait pas encore été démontré, le dieu du monde ; ses anges avaient une influence suprême sur les divers gouvernements qui étaient établis sur les nations, de sorte que sur la terre, il n’y en avait pas un seul pour tenir ferme et pour assister cet ange dans son conflit contre les agents de Satan, sinon l’archange qui veillait, dans la voie du gouvernement providentiel, sur les intérêts de la nation élue.


14 - Ch. 11: Prophéties sur les rois du nord et du midi

Comme nous l’avons déjà relevé plus haut, les chapitres 10 à 12 forment une révélation ou prophétie continue. Tout le chapitre 10, avec le premier verset du chapitre 11, constitue une introduction relatant les circonstances dans lesquelles la révélation fut faite et les exercices par lesquels Dieu faisait passer le prophète pour le rendre moralement capable de recevoir ces développements divins concernant l’avenir.

Jusqu’à la fin du verset 35 du chapitre 11, nous avons un compte rendu des événements qui devaient avoir lieu en relation avec les royaumes en lesquels la Grèce fut divisée après la mort d’Alexandre le Grand. Et ceux-ci sont choisis parce qu’ils placent devant nous deux monarques, le roi du nord et le roi du midi — ainsi nommés en raison de la position géographique de leurs territoires respectifs relativement au « pays de beauté ». Ils sont eux-mêmes des types des adversaires des Juifs aux derniers jours. Leurs actes, tels qu’ils sont décrits ici, sont maintenant passés depuis longtemps ; mais leur signification prophétique demeure. Sinon ils n’auraient aucun intérêt pour le lecteur, sauf en ce qu’ils révèlent la prescience divine ainsi que les soins de Dieu envers son peuple, même lorsque, comme tel, il Lui est infidèle.


14.1 - Les rois de Perse et Alexandre le Grand (v. 1-4)

14.1.1 - La protection de Daniel à la cour de Darius

Le premier verset contient une révélation remarquable. Chacun doit être frappé, à la lecture du chapitre 6, de la sincérité avec laquelle Darius épouse la cause de Daniel et cherche à le délivrer des machinations de ses ennemis. Le secret nous en est maintenant découvert, illustrant le fait que Dieu tient les cœurs de tous les hommes entre ses mains et les incline à tout ce qui lui plaît pour l’exécution de ses desseins. « Et moi », dit l’ange à Daniel, « dans la première année de Darius, le Mède, je me tins là pour l’aider et le fortifier ». Darius ne le savait pas ; mais le fait est maintenant révélé qu’il y avait une influence divine œuvrant en secret pour l’aider dans une certaine voie, et pour le fortifier contre ceux qui complotaient contre le témoin de Dieu à la cour du roi. Nous pouvons bien apprendre par cela à détourner nos regards de toute cause secondaire et à nous reposer dans l’assurance que Dieu travaille en silence en vue du but qu’Il s’est proposé, au travers de toute la confusion apparente des desseins humains, et face à toutes les démonstrations de puissance de l’ennemi.


14.1.2 - Les quatre rois de Perse

Les trois versets suivants (v. 2-4) donnent un bref aperçu de ces événements proches qui formeraient la base des développements subséquents que l’Esprit de Dieu allait tracer.

D’abord, quatre rois de Perse devaient encore se lever ; « le quatrième deviendra riche de grandes richesses plus que tous ».

Trois d’entre eux (les trois premiers) sont mentionnés en Esdras 4:Assuérus, Artaxerxès et Darius. Remarquons que ce n’est pas ici Darius, le Mède (v. 1), mais Darius Hystaspe, tel qu’il est connu dans l’histoire. On suppose que cet Assuérus et cet Artaxerxès sont les monarques désignés par les auteurs profanes comme Cambyse et Smerdis.

Le quatrième fut le fameux Xerxès qui « devenu fort par ses richesses » excita « tout contre le royaume de Javan ». La défaite écrasante de son armée mélangée, puis l’invasion et la conquête de son royaume par Alexandre — faits bien connus de tout lecteur de l’histoire, et auxquels il a été fait allusion au chapitre 8 (v. 7) — sont passés sous silence ici. Alexandre, « un roi vaillant » est aussitôt introduit.


14.1.3 - Alexandre le Grand

« Un roi vaillant se lèvera et exercera une grande domination, et il agira selon son bon plaisir » (v. 3). Il nous est ensuite dit que « quand il se sera levé, son royaume sera brisé et sera divisé vers les quatre vents des cieux, et ne passera pas à sa postérité, et ne sera pas selon la domination qu’il exerçait ; car son royaume sera arraché, et sera à d’autres, outre ceux-là » (v. 4). Tout croyant sincère recevant la Parole inspirée de Dieu n’aura aucune peine à voir là une description précise dans tous les détails de ce qui eut lieu à la mort d’Alexandre — si précise que pour l’expliquer, l’incrédule est obligé de prétendre qu’elle a été écrite après l’événement ! L’ingéniosité de l’incrédulité pour éviter de reconnaître que Dieu a parlé à l’homme dans sa Parole et que l’avenir est là tout entier devant son regard, est simplement stupéfiante. Les suppositions de l’incrédulité sont facilement reçues et sont répandues comme des faits ; mais les vérités du récit divin sont rejetées avec mépris. Et qui est le perdant ? Certainement l’homme qui, dans l’orgueil de son contentement de lui-même, ferme les yeux à la lumière. La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne la comprennent pas.

Pour en revenir à notre sujet, il est bien connu (les faits ont été établis plus haut) qu’à la mort de ce « roi vaillant », après bien des conflits, son royaume fut « divisé vers les quatre vents des cieux », et ne passa « pas à sa postérité », mais à quatre de ses généraux. Deux de ces royaumes disparurent bientôt ; deux subsistèrent plus longtemps, ceux qui, sous les appellations « roi du midi » et « roi du nord », apparaissent dans ce récit ; ils représentent les deux fameuses dynasties des Ptolémées (Égypte) et des Séleucides (Syrie).


14.2 - Les rois du Nord et du Midi, de -305 à -175 (v. 5-20)

Il faut se souvenir d’un fait en suivant ce récit : le roi du Nord et le roi du Midi ne désignent pas toujours les mêmes personnes. Ce sont des titres comme Pharaon, par exemple ; ils s’appliquent ainsi à tous les monarques de la même lignée. Si donc un roi du nord venait à mourir, son successeur portait la même désignation. Cela sera facile à comprendre.


14.2.1 - Premiers conflits entre le Nord et le Midi

Le premier des monarques sur lequel notre attention est dirigée est le roi du midi — c’est-à-dire le roi d’Égypte comme le verset 8 l’indique. Il est caractérisé par la force ; mais « un autre sera plus fort que lui » et « sa domination sera une grande domination » (v. 5). Cette phrase s’applique au roi du nord ; et nous avons ici les fondateurs de leurs dynasties respectives, c’est-à-dire Ptolémée et Seleucos, deux des quatre qui succédèrent au royaume d’Alexandre.

Les monarques sont maintenant à leur place, au sud et au nord de la Palestine ; ensuite nous avons un compte rendu de leurs relations et de leurs conflits. Il n’est cependant pas nécessaire de les considérer dans tous les détails ; il suffira d’indiquer les grandes lignes des événements présentés ici.

Au verset 6 nous lisons que « au bout de plusieurs années, ils s’uniront ensemble ; et la fille du roi du midi viendra vers le roi du nord pour faire un arrangement droit ». Cela s’est accompli exactement ; car après qu’une querelle eut éclaté entre les successeurs immédiats des premiers rois grecs de Syrie et d’Égypte, le roi d’Égypte chercha à restaurer l’amitié, et donna sa fille (Bérénice) en mariage au roi du nord. Mais, comme cela est dit ici : « elle ne conservera pas la force de son bras ; et il ne subsistera pas, ni son bras ; et elle sera livrée, elle, et ceux qui l’ont amenée, et celui qui l’a engendrée, et celui qui lui aidait dans ces temps-là ». C’est ce qui se passa. Car cette reine (Bérénice), avec son mari (le roi du nord), son fils et ses serviteurs, furent assassinés ; et ainsi le moyen proposé pour renouer l’amitié devint le motif de dissensions et de conflits futurs. Les trois versets suivants (7-9) décrivent la vengeance du meurtre de Bérénice par un homme issu d’un rejeton de ses « racines », un autre roi du midi, qui envahit la Syrie, entra » dans la forteresse du roi du nord », et prévalut (v. 7). En fait sa victoire fut totale et il étendit ses conquêtes jusqu’à Antioche, et à l’est jusqu’à Babylone, avant de rentrer triomphalement en Égypte avec un grand butin de dieux et de trésors, comme le relate le verset 8. « Et celui-ci viendra dans le royaume du roi du midi et il retournera dans son pays » (v. 9). Le nom de ce roi du midi était Ptolémée III, connu aussi sous le titre d’Evergète (Bienfaiteur), titre qu’il se donna ou qu’il reçut.


14.2.2 - De nouveaux conflits impliquant le « pays de beauté »

Le contexte établit clairement que le terme « ses fils » au verset 10, s’applique aux successeurs du roi du nord qui avait été vaincu par Ptolémée III ; et en fait les deux rois du nord suivants — ce fut d’abord Seleucos Kéraunos qui ne régna qu’un ou deux ans ; et ensuite son frère et successeur, Antiochus le Grand — attaquèrent l’Égypte avec un grand déploiement de forces, mais sans succès ; et le second des deux connut une défaite des plus désastreuses, selon la prédiction du verset 11: « La multitude (l’armée du roi du nord) sera livrée en sa main » — dans la main du roi du midi (l’Égypte). Mais, comme nous le lisons au verset 12, le roi d’Égypte ne profita pas de sa victoire — la bataille par laquelle cette victoire fut remportée est connue sous le nom de Raphia, et le roi qui la remporta était Ptolémée Philipator. Son cœur s’exalta et bien qu’il fît tomber des myriades, il ne prévalut pas. La raison en est donnée au verset 13: « le roi du nord reviendra et mettra sur pied une multitude plus grande que la première ; et au bout d’une période d’années, il s’avancera avec une armée nombreuse et de grandes richesses » (v. 13). Beaucoup d’autres aussi « se lèveront contre le roi du midi » ; et outre ceux-ci une autre classe est nommée, « les violents de ton peuple » (c’est-à-dire du peuple de Daniel), dont il est dit qu’ils « s’élèveront pour accomplir la vision », pour vérifier la parole divine, « mais ils tomberont » (v. 14).

Tout ceci, il est presque superflu de le remarquer, a eu lieu exactement ; car Antiochus le Grand et Philippe III de Macédoine formèrent une ligue, avec d’autres, contre l’Égypte, et plusieurs des insurgés juifs et patriotes professants, « les violents de ton peuple », rejetèrent, à la même époque, leur soumission à l’Égypte. Le résultat de cette coalition contre le roi du midi est constatée dans le verset 15. Antiochus et ses alliés conquirent « les villes fortes », s’emparèrent de toute la Judée et vainquirent définitivement l’armée égyptienne. Il agit donc selon son gré et il n’y eut personne qui lui résistât (v. 16). Alors il est dit : « Il se tiendra dans le pays de beauté, ayant la destruction dans sa main ». Le pays de beauté est la Palestine et il est fait allusion à une action du roi du nord à l’égard de la Terre Sainte. Certains maintiennent que le mot « destruction » devrait être « accomplissement », et il semble établi que le roi du nord en cette occasion agit en tant qu’ami des Juifs et coopéra à l’achèvement ou à l’embellissement du temple.

En soi la circonstance n’est pas très importante mais elle nous rappelle pourquoi les conflits de ces souverains rivaux nous sont racontés : ils sont donnés avec tant de détails à cause de leur portée sur les Juifs et le pays de beauté. On le comprendra si on considère la position géographique de la Palestine relativement à la Syrie et à l’Égypte. Elle est située entre les deux et formait par conséquent la voie d’accès de l’un et de l’autre pays. Dans leurs invasions mutuelles, les armées des deux pays hostiles étaient donc continuellement amenées à fouler le pays ; et en outre, la Judée appartenait au monarque victorieux du moment. La Palestine était ainsi nettement le champ de bataille, vu qu’elle constituait l’avant-poste du territoire des deux royaumes. Dieu ne pouvait pas être indifférent à ce qui affectait ainsi le bien-être de son pauvre peuple, rentré de Babylone. Et c’est pourquoi l’Esprit de Dieu a voulu que le récit de toutes ces guerres soit rapporté. Cela nous montre l’intensité de l’amour de Dieu pour son peuple quel que fût son état ; et nous enseigne qu’Il a égard aux mouvements des nations portant atteinte aux intérêts de son peuple.


14.2.3 - Le stratagème et les attaques d’Antiochus le Grand

La section suivante (v. 17-19) contient les actes subséquents de ce roi du nord (Antiochus le Grand) et le récit de sa mort.

Tout d’abord, il médita une autre attaque contre l’Égypte ; mais changeant d’avis, il conclut une alliance avec le roi du midi, lui donnant sa fille Cléopâtre pour femme, afin d’assurer sa propre influence dans la cour égyptienne. « Pour la pervertir » traduit son désir que sa fille agisse dans ses intérêts à lui plutôt que dans ceux de son mari. Mais elle, en vraie femme sous cet aspect, s’attacha à son mari.

Ayant, à son avis, tout assuré en Égypte par ce mariage, Antiochus se mit à attaquer, d’après le plan qu’il avait dressé, « les îles » — les îles de Grèce — et il en prit beaucoup ; mais là s’acheva sa carrière de victoires.

« Un chef » apparut sur la scène, un général romain (Scipion), car la république romaine était alliée à la Grèce, l’attaqua et le vainquit dans deux batailles décisives : Thermopyles (191 avant Jésus Christ) et Magnésie (190 avant Jésus Christ). Puis il le contraignit à céder à ses vainqueurs la moitié occidentale de son empire outre le paiement d’un lourd tribut. Pour se procurer le moyen de payer ce tribut, le roi du nord fit une expédition contre un riche temple et fut tué en cherchant à le piller, selon la prédiction : « il bronchera et tombera, et ne sera pas trouvé » (v. 19).

Son successeur, un « exacteur » (v. 20), cherchant à lever le tribut aux Romains, pilla le temple à Jérusalem, et « en quelques jours » il fut brisé, « non par colère, ni par guerre ». L’homme même dont il s’était servi pour piller le temple fut l’instrument de son assassinat.


14.3 - Antiochus Épiphane et le peuple de Dieu (v. 21-35)

Nous arrivons maintenant à l’avènement d’un monarque, « un homme méprisé » (v. 21) toutefois, qui a été spécialement choisi pour être le type de l’Assyrien ou roi du nord des derniers jours. C’est pour cette raison que sa carrière est donnée avec tant de détails, à partir du verset 21.


14.3.1 - L’homme méprisé

Cet « homme méprisé » qui « s’élèvera » est connu dans l’histoire sous le nom d’Antiochus Épiphane ; son règne débuta vers 175 avant Jésus Christ. Il ne lui fut pas donné « l’honneur du royaume », car il n’était pas l’héritier légal ; mais « il entrera paisiblement, et prendra possession du royaume par des flatteries », et il répondit à la lettre à cette description. S’étant établi lui-même dans le royaume, ses divers actes sont rapportés, ses succès, ses tromperies et sa force croissante, l’agrandissement de son territoire et sa prodigalité insensée (v. 22-24).


14.3.2 -  Les expéditions contre l’Égypte

Comme ses prédécesseurs, Antiochus Épiphane partit en expédition contre le roi du midi. Aidé par des traîtres dans la cour et le camp de son ennemi, il le vainquit entièrement. On dit qu’il fit quatre expéditions contre l’Égypte, dans les années 171, 170, 169 et 168 avant Jésus Christ ; mais deux seulement sont rapportées dans le récit sacré, à moins que trois ne soient vues au verset 29 — celles-ci sont évidemment choisies à cause de leurs conséquences quant aux Juifs.

Un traité semblerait avoir été conclu, d’après le verset 27, les deux monarques cachant sous le masque de l’amitié la traîtrise de leur cœur : ils « diront des mensonges à une même table ; mais cela ne réussira pas, car la fin sera encore pour le temps déterminé ». Ayant réglé pour le moment ses affaires avec le roi d’Égypte, Antiochus retourna dans son pays « avec de grandes richesses » (v. 28). Alors son inimitié contre « la sainte alliance », c’est-à-dire contre la religion juive, l’alliance de Dieu avec son peuple, fut en quelque sorte manifestée. On dit que sur son chemin de retour, il attaqua Jérusalem, massacra des milliers de ses habitants et profana le temple, à cause de l’insurrection des Juifs à la suite d’un faux rapport concernant sa mort (voir 1 Macchabées 1:21-24).

Au verset 29, nous lisons : « Au temps déterminé il retournera et viendra dans le midi ». Le « temps déterminé », si nous comprenons bien, signifie, comme le verset 27 l’établit, le temps fixé par Dieu pour la fin de l’alliance trompeuse que ce monarque avait faite avec le roi du midi. Elle ne devait pas réussir et, par conséquent, Antiochus, au mépris des obligations qu’il avait prises dans son traité, reprit les hostilités contre son allié ; « mais », comme cela fut dit à Daniel, « il n’en sera pas la dernière fois comme la première ». Dans les occasions précédentes, il avait réussi dans ses desseins, mais maintenant une autre puissance s’avance — celle qui bientôt allait succéder, comme quatrième empire prophétique, à celui de Grèce dans le gouvernement du monde. Cette puissance arrête la carrière victorieuse d’Antiochus : « les navires de Kittim viendront contre lui » (v. 30) ; ce sont les navires d’Italie, une flotte, en fait, de la République romaine. Arrêté par le consul romain dans la poursuite de ses objectifs en Égypte, et impuissant en présence d’un tel ennemi, il est contraint de retourner. Son état d’esprit en voyant sa proie ravie de sa gueule est décrit en ces termes : « Et il sera découragé, et retournera et sera courroucé contre la sainte alliance » (v. 30).


14.3.3 - Les actes d’Antiochus Épiphane à Jérusalem et dans le pays de beauté

Nous arrivons à l’objet principal de ce récit qui est maintenant historique mais qui a été relaté par l’ange longtemps avant que les faits n’arrivent, démontrant, on peut l’affirmer une fois de plus, à la fois la présence de Dieu et le caractère de l’inspiration. De nos jours, on a l’habitude de rechercher parmi les ruines anciennes et les inscriptions et tablettes antiques la confirmation des récits bibliques. On semble oublier que Dieu n’a pas besoin que l’homme vienne authentifier la révélation qu’il a faite, et que si la Parole de Dieu n’est pas son propre témoin (voir Jean 3:33), nulle somme de preuves humaines ne l’établira comme telle dans l’âme. D’ailleurs, les faits allégués et les traductions faites d’après d’anciens cylindres et monuments prennent un aspect et une importance très différents selon les vues des divers interprètes. Mais, acceptant la Bible comme la véritable Parole de Dieu et maintenant par conséquent l’impossibilité qu’elle se trompe, nous avons un guide infaillible, un point d’appui sur lequel on peut compter. Nous avons la certitude que les événements prédits doivent avoir un accomplissement réel et véritable et que les faits historiques rapportés sont donnés avec la plus fidèle précision. Il est de toute importance, si nous voulons comprendre les récits divins, de commencer par une foi implicite dans l’infaillibilité des Ecritures.

Du milieu du verset 30 à la fin du verset 35, nous avons le récit des actes d’Antiochus à Jérusalem et dans le pays de beauté — actes si diaboliques que cet homme est choisi comme type du puissant ennemi d’Israël aux derniers jours. Il est peut-être même pire que leur dernier ennemi, l’Assyrien, car il semble concentrer en lui-même presque tous les éléments de l’hostilité et de la profanation qui seront trouvés non seulement dans le roi du nord, mais dans les deux bêtes d’Apocalypse 13.

Il nous est dit d’abord qu’il « sera courroucé contre la sainte alliance, et il agira » ; c’est-à-dire, si nous comprenons bien, qu’il agit sous l’impulsion de son courroux contre les Juifs et contre la sainte alliance. En outre il porte son attention sur les Juifs apostats. Cette histoire est relatée dans les livres des Macchabées. On y voit qu’il s’efforça de paganiser les Juifs, et comme Nebucadnetsar au chapitre 3, d’unifier ses possessions en contraignant tous ses sujets à adorer les mêmes faux dieux. Qu’il y parvint dans une large mesure parmi les Juifs ressort de ce récit prophétique. Les apostats sont mentionnés dans les versets 30 et 32.

Dans la poursuite de ses desseins, le temple se trouverait nécessairement sur son chemin et appellerait son hostilité la plus mortelle. Le verset 31 décrit ainsi sa conduite à cet égard : « Et des forces se tiendront là de sa part, et elles profaneront le sanctuaire de la forteresse, et ôteront le sacrifice continuel, et elles placeront l’abomination qui cause la désolation » (v. 31). Il y est fait allusion en 1 Macchabées dans les paroles suivantes : « Le roi envoya aussi, par les messagers, à Jérusalem et aux villes de Juda, des édits leur enjoignant de suivre des coutumes étrangères à leur pays, de bannir du sanctuaire holocaustes, sacrifice et libation, de profaner sabbats et fêtes, de souiller le sanctuaire et tout ce qui est saint, d’élever autels, lieux de culte et temple d’idoles, d’immoler des porcs et des animaux impurs… oubliant ainsi la loi et altérant toutes les observances ». Et nous lisons en outre que « le quinzième jour de Kisleu en l’an cent quarante-cinq, le roi installa l’abomination de la désolation sur l’autel » et que « le vingt-cinq de chaque mois, on sacrifiait sur l’autel dressé sur l’emplacement de l’ancien autel des holocaustes » (1:44-59). Par d’autres sources, nous apprenons que le culte qu’Antiochus ordonna à la place de celui du Dieu des cieux était celui de Zeus (Jupiter) Olympien.

Ces faits permettront au lecteur de comprendre au verset 30 à la fois le caractère effrayant des actes de profanation et de méchanceté de ce roi du nord, et aussi les souffrances que sa conduite entraînait pour les Juifs qui restaient fidèles à leur Dieu et à sa Parole. Certains, « ceux qui agissent méchamment à l’égard de l’alliance », il les corrompit par des flatteries ; mais Dieu préserva un résidu fidèle, et ceux-ci, connaissant leur Dieu, furent fort et agirent (v. 32). Dans le verset suivant, notre attention est attirée sur une classe plus restreinte : « les sages du peuple ». Il y avait ainsi, à ce que nous comprenons, trois classes de Juifs ; d’abord, la masse qui fut corrompue par des flatteries ; deuxièmement, le résidu fidèle qui refusa de renoncer à observer la loi de son Dieu ; et enfin, certains d’entre le résidu qui, enseignés de Dieu, étaient capables de l’instruire dans la parole et de l’encourager dans le sentier de la fidélité, quelle que fût la persécution à laquelle il pouvait être soumis. Cette classe est de nouveau mentionnée au chapitre 12 (v. 3), et ceux qui la composent sont nommés « les Maskilim ». C’était contre cette classe, ceux qui étaient publiquement identifiés avec le témoignage de Dieu sur la terre, que l’inimitié de Satan était spécialement dirigée ; aussi l’ange dit : « et ils tomberont par l’épée et par la flamme, par la captivité et par le pillage, plusieurs jours » (v. 33). Le lecteur de l’Apocalypse se souviendra d’expériences semblables relatées dans ce livre (voir chap. 11 ; 12:17 ; 13 ; 14:12, 13…).

Mais ils ne sont pas totalement abandonnés entre les mains de l’ennemi, car « quand ils tomberont, ils seront secourus avec un peu de secours, et plusieurs se joindront à eux par des flatteries » (v. 34). Il n’était guère possible que, dans ce récit prophétique, aucune allusion ne fût faite à la résistance naissante et vaillante des Macchabées contre les cruautés et la profanation de leur oppresseur. Car il y eut, du moins au commencement de leur rébellion, un zèle incontesté pour Dieu, pour son temple, et pour sa loi ; et un grand succès leur fut accordé. Pendant des années, ils refoulèrent les assauts de toute la puissance du roi du nord, et maintinrent, par des victoires répétées, leur cause juste et sainte. Tout ceci appartient maintenant à l’histoire et n’est rappelé ici que pour expliquer la dernière partie du verset 34: « plusieurs se joindront à eux par des flatteries » — car après le règne d’Antiochus, lorsque la Syrie fut déchirée par des factions et des disputes internes, les chefs des Macchabées furent aussi plus souvent flattés que menacés.

Mais que le lecteur s’en souvienne : si tout cela est de l’histoire, ce n’est pas seulement de l’histoire. Antiochus lui-même est un personnage typique et plusieurs des événements liés à son règne, et spécialement ses actes dans Jérusalem, se reproduiront à la fin. Nous en citons deux :


À la lecture de ce chapitre, quelqu’un est peut-être tenté de demander : Quel profit retire-t-on de ces détails historiques ? La réponse est celle-ci : Dieu a permis que ces choses soient rapportées en vue de préparer les fidèles à ce qui arrivera au temps de la fin. Il y a très peu d’événements purement historiques dans les Ecritures pour la raison déjà mentionnée que les récits rapportés sont en eux-mêmes typiques et prophétiques. C’est un point important, une aide immense pour l’étude des Ecritures, que de comprendre ce principe. Il convient aussi de se souvenir que ces révélations étaient pour la direction et la consolation des Juifs pendant la période de ces guerres entre la Syrie et l’Égypte, autant qu’elles le seront pour l’instruction du résidu pieux aux derniers jours.


14.4 - Evénements à venir (v. 36-45)

Nous passons maintenant à une autre section du chapitre, car il y a une interruption entre les versets 35 et 36. Jusqu’au verset 35, nous avons, sous forme prophétique, un compte rendu de ce qui — quoique futur au temps de Daniel — est maintenant depuis longtemps accompli ; à partir du verset 36, nous avons l’exposé de ce qui est entièrement futur. Deux phrases, disons-le tout de suite, nous en fournissent la preuve. Au verset 36, nous lisons que le roi « prospérera jusqu’à ce que l’indignation soit accomplie » ; et au verset 40, il nous est dit que l’événement rapporté là est « au temps de la fin ».

Quant à la première expression, il a déjà été remarqué qu’elle est employée en Ésaïe, à l’égard de la dernière indignation de Dieu, par le moyen de l’Assyrien, contre son peuple dans le pays avant l’apparition de Christ. Si le lecteur considère attentivement Ésaïe 10:20-25 ; 28:16-22, il ne peut manquer d’être convaincu de la justesse de cette interprétation.

La seconde expression, le « temps de la fin », pourrait être prise comme étant plus générale, parce qu’elle se trouve aussi au verset 35 ; mais malgré son emploi dans ce verset, la signification typique de ce qui est présenté ne doit pas être perdue de vue. Une autre chose apparaîtra quand nous avancerons, à savoir la similitude du roi décrit ici avec « l’homme de péché » ou l’Antichrist du Nouveau Testament. Pour ces raisons, nous ne pouvons douter qu’un très long intervalle sépare les versets 35 et 36 et cette pensée sera encore renforcée par plusieurs des événements relatés dans la dernière section du chapitre.


14.4.1 - L’Antichrist

Les traits caractéristiques et les actes du « roi » sont rapportés avec quelques détails. En premier lieu, nous lisons : « Et le roi agira selon son bon plaisir, et s’exaltera, et s’élèvera contre tout dieu, et proférera des choses impies contre le Dieu des dieux … » (v. 36). L’expression « agira selon son bon plaisir », exprime le fait que sa volonté propre est sa seule loi. Il sera l’incarnation et la manifestation de tout ce qui est mauvais dans l’homme. Adam dans le jardin d’Eden est tombé dans la désobéissance, en faisant sa propre volonté au lieu de celle de Dieu, et par le désir suscité par Satan, de s’exalter lui-même. Ces deux caractères atteindront leur plein développement dans ce roi agissant selon son bon plaisir qui prétendra, dans la grandeur de sa folie présomptueuse, se suffire à lui-même, être à la fois indépendant de Dieu et absolu en puissance. Il sera ainsi, moralement, le contraste parfait de Christ qui, « étant en forme de Dieu, n’a pas regardé comme un objet à ravir d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti lui-même, prenant la forme d’esclave… s’est abaissé lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix (Phil. 2:6-8). Cet homme affirmera sa supériorité au-dessus de tout dieu et en outre proférera des choses impies contre le Dieu des dieux. Ce dernier trait a le même caractère que ce qui, dans le chapitre 7 et en Apocalypse 13, est attribué à la tête impériale de l’Empire romain ressuscité ; mais il convient de rappeler que ce roi — roi pour les Juifs qui le recevront comme leur Messie — venant comme il le fera en son propre nom, agit comme prophète, le faux prophète, au bénéfice de ce monarque, et exerce toute la puissance de celui-ci en sa présence (Apoc. 13:12), et que c’est lui qui fera de grands miracles, de sorte qu’il fera descendre le feu du ciel sur la terre devant les hommes, pour appuyer ses droits. Le déploiement sans frein de la puissance satanique sera si grand à cette époque effroyable que les hommes, captifs d’une « énergie d’erreur », croiront au mensonge, « afin que soient jugés tous ceux qui n’ont pas cru la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice » (2 Thes. 2:11-12).

Nous voyons dans ce chapitre de la deuxième épître aux Thessaloniciens que l’apparition de cet « homme de péché », ce « fils de perdition », ne se produira pas avant que l’Église ait été ravie de la terre à la venue du Seigneur. Il est clairement dit : « Et maintenant vous savez ce qui retient pour qu’il soit révélé en son propre temps. Car le mystère d’iniquité opère déjà ; seulement, celui qui retient maintenant (le Saint Esprit dans l’Église, selon que nous comprenons le passage), le fera jusqu’à ce qu’il ne soit plus là. Alors sera révélé l’Inique … », etc. (v. 6, 7). Plus haut dans ce chapitre (v. 4), la description de cet « homme de péché » correspond de la manière la plus frappante avec ce qui est donné ici au verset 36. Il est dit : « Qui s’oppose et s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération, au point qu’il s’assiéra dans le temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu ». Il est impossible de lire ces deux versets sans en venir à la conclusion qu’ils se réfèrent à une seule et même personne et que tous deux traitent d’elle dans sa relation avec les Juifs. L’apôtre Jean nous la présente dans sa relation avec le christianisme lorsqu’il écrit : « Celui-là est l’Antichrist, qui nie le Père et le Fils (1 Jean 2:22).

Nous apprenons aussi qu’il prospérera jusqu’à ce que l’indignation soit accomplie. Dieu le laissera suivre sa propre voie pour un temps ; mais lorsque l’indignation sera accomplie, Dieu ayant châtié la nation coupable du rejet de Christ, à la fin des trois ans et demi dont il est si souvent parlé dans l’Apocalypse, le Seigneur apparaîtra des cieux et consumera ce méchant par le souffle de sa bouche et l’anéantira par l’apparition de sa venue (2 Thes. 2:8 ; Apoc. 19:20).

Poursuivant le récit prophétique, nous apprenons ensuite que l’Antichrist sera un Juif apostat ; « il n’aura point égard au Dieu de ses pères », ni davantage « à l’objet du désir des femmes, ni à aucun dieu », pour la raison déjà mentionnée qu’ » il s’agrandira au-dessus de tout ». Ceci, à notre avis, se réfère à son propre état d’esprit. Mais vu que les hommes, d’une manière générale, doivent avoir une religion d’une espèce ou d’une autre, il introduira un dieu qu’ils devront accepter — « le dieu des forteresses : avec de l’or, et avec de l’argent, et avec des pierres précieuses, et avec des choses désirables, il honorera un dieu que n’ont pas connu ses pères ; et il agira dans les lieux forts des forteresses, avec un dieu étranger : à qui le reconnaîtra il multipliera la gloire » (v. 38, 39). Totalement infidèle et athée lui-même, il établira, pour satisfaire les aspirations du peuple, le culte d’une idole — l’image, peut-on conclure, que lui-même fera faire de la bête qui avait la plaie de l’épée et avait repris vie — autrement dit la tête de l’Empire romain d’occident, dans sa dernière forme ressuscitée.

Ainsi « le roi » du verset 36 désigne bien l’Antichrist, la seconde bête dont l’Apocalypse nous dit qu’elle avait deux cornes semblables à un agneau mais parlait comme un dragon. Elle recevra le pouvoir « de donner la respiration à l’image de la Bête, afin que l’image de la Bête parle même » (Apoc. 13:15). Pour éviter toute confusion, nous rappelons de nouveau, qu’outre l’image que l’Antichrist fera et présentera pour être adorée dans l’Empire romain, lui-même s’assiéra comme dieu dans le temple à Jérusalem. On comprend facilement combien ce roi, supérieurement doué et revêtu d’une telle puissance satanique, prendra d’ascendant sur les esprits des hommes et réussira à les soumettre à sa volonté pour l’exécution de ses plans diaboliques. C’est de cette période que l’apôtre parle lorsqu’il dit que Dieu enverra aux hommes une « énergie d’erreur » pour qu’ils croient au mensonge, » parce qu’ils n’ont pas accepté l’amour de la vérité pour être sauvés » (2 Thes. 2:10, 11).

La dernière phrase du verset 39 est moins claire. Il y est dit : « Il les fera dominer sur la multitude et leur partagera le pays en récompense ». Il semble qu’il nommera ceux qui le suivent à des places d’honneur et de domination et partagera le pays soit à son propre profit, soit à titre de récompense pour les services rendus et la fidélité à ses intérêts. Le terme « le pays » correspond sans aucun doute à la sphère d’influence et d’activité de ce roi ; car il désigne toujours le pays de la promesse. Celui-ci, dans le langage des Ecritures, est emphatiquement le pays ; et ainsi, nous en arrivons à la conclusion que Jérusalem et la Palestine sont le siège de la puissance du roi qui agit selon son bon plaisir, et qu’il est donc bien l’Antichrist.


14.4.2 - Le roi du nord

Maintenant que l’Antichrist a été décrit dans ses caractéristiques morales, l’Esprit de Dieu, par l’ange, va montrer à l’œuvre principalement le roi du nord, bien que le roi du midi soit aussi mentionné. Deux ou trois remarques préliminaires aideront ici le lecteur. Les conflits entre les rois du nord et du midi au début du chapitre nous sont relatés à cause de la relation de ces deux souverains avec les Juifs et avec « le pays », et à cause de leur caractère typique et prophétique par rapport à la fin. Comprendre ce qui a eu lieu lors des conflits dans le passé permet de saisir ce qui aura lieu dans l’avenir. Une chose très importante, révélée dans les écrits prophétiques, se rattache à cela. Les rois du midi et du nord paraissent au verset 40 et c’est « au temps de la fin » ; Edom, Moab et Ammon sont mentionnés au verset 41 comme existant à la même période ; et on peut déduire de nombreux autres passages qu’une fois les Juifs de nouveau dans leur propre pays, les nations qui autrefois les entouraient et étaient en relation étroite avec eux, réapparaîtront en leurs anciens lieux. « Quand le Très-haut partageait l’héritage aux nations, quand il séparait les fils d’Adam, il établit les limites des peuples selon le nombre des fils d’Israël » (Deut. 32:8). Quand donc Israël occupera à nouveau son pays, les limites des peuples seront restaurées selon leur détermination divine et primitive. Comprendre cela, comme l’Ecriture le révèle, c’est posséder la clé d’une vaste portion de la prophétie. Il peut être intéressant de relever qu’il y a quatre mots utilisés dans l’Ancien Testament pour peuple et peuples — l’un toujours au singulier, « le peuple » ou « mon peuple » (Ham, Hammi), pour Israël ; un autre au pluriel (Gojim) pour indiquer « les païens ou les nations, c’est-à-dire ceux du dehors, en contraste avec Israël, peuple de Dieu (Israël est une fois désigné ainsi pour souligner sa culpabilité — Ps. 43:1), l’ummim, les peuplades, pour les peuples et nations en général sur la terre, les différentes races de l’humanité ; et enfin, un mot, pluriel Hammim, les peuples, pour, je pense, les nations envisagées en connexion avec Israël rétabli et placées en relation avec l’Éternel » (Voir Etudes sur la Parole — Psaumes — J.N.D).

Pour revenir à notre sujet, il nous est dit qu’au temps de la fin, le « roi qui agit selon son bon plaisir » sera attaqué par le roi du midi ; et que cela attirera sur les lieux son adversaire, le roi du nord qui « fondra sur lui comme une tempête, avec des chars et des cavaliers, et avec beaucoup de navires » (v. 40). À cette époque le roi du nord, fort mais « non par sa propre puissance » (8:24) combinera dans son expédition des forces terrestres et navales et aura apparemment du succès dans tous ses projets. Il n’est pas précisé quelle sera l’issue de sa campagne en Palestine ; mais nous trouvons au chapitre 8 qu’il « détruira les hommes forts et le peuple des saints » (v. 24) et ici nous apprenons qu’il « entrera dans les pays et inondera et passera outre ; et il viendra dans le pays de beauté, et plusieurs pays tomberont » (v. 40- 41). C’est certainement là le « fléau qui inonde » dont parle Ésaïe, comme passant sur le pays et écrasant les « hommes moqueurs » qui gouvernent « ce peuple qui est à Jérusalem » (28:14-22).

Ensuite, confirmation merveilleuse de la vérité et de l’unité de toute l’Ecriture, il nous est dit : « Mais ceux-ci échapperont de sa main : Edom, et Moab, et les principaux des fils d’Ammon » (v. 41). Si nous nous tournons vers Ésaïe 11, nous trouvons l’explication. Il est dit à l’égard de l’époque faisant suite à la restauration de Juda et d’Israël : « Edom et Moab seront la proie de leurs mains, et les fils d’Ammon leur obéiront » (v. 14). Le jugement de Dieu sur ces trois nations doit être exécuté par Israël ; c’est pour cette raison que l’Assyrien, le roi du nord, ne pourra pas les toucher ; ils échapperont de sa main.

Mais si ces nations échappent à sa vengeance, le roi du nord étendra ses succès dans d’autres pays et particulièrement en Égypte. « Le pays d’Égypte n’échappera pas. Et il aura sous sa puissance les trésors d’or et d’argent, et toutes les choses désirables de l’Égypte ; et les Libyens et les Ethiopiens suivront ses pas ». Mais il ne serait pas selon le propos divin qu’il aille plus loin, ou même qu’il consolide ses conquêtes dans ces régions méridionales. Instrument aveugle de la volonté de Dieu, il peut vaincre toutes les forces dressées contre lui, et s’enrichir des trésors d’Égypte et être ainsi l’exécuteur du jugement de Dieu sur ce pays. Mais, son travail accompli, il doit retourner : « des nouvelles de l’orient et du nord l’effrayeront, et il sortira en grande fureur pour exterminer et détruire entièrement beaucoup de gens » (v. 44). Manifestement des nouvelles annonçant l’approche d’ennemis venant de l’est, l’est de la Syrie, et peut-être d’ennemis intérieurs, vu que le nord indique son propre pays, l’atteindront ; et lui, entraîné à ce moment par ses succès, partira, confiant dans sa propre force et « en grande fureur », pour s’occuper de ces ennemis.

C’est en rentrant chez lui que, comme nous en informe le verset suivant, « il plantera les tentes de son palais entre la mer et la montagne de sainte beauté » (v. 45). Comme son type, Antiochus Épiphane, il fait de Jérusalem et du pays le premier objet de son hostilité, en rentrant d’Égypte ; puis il est ajouté : « et il viendra à sa fin, et il n’y aura personne pour le secourir ». Il ne nous est rien dit des circonstances dans lesquelles finit sa carrière ; seul est relaté le fait qu’en rapport avec son hostilité contre la montagne de sainte beauté, sa fin arrive ; et il meurt sous le jugement de Dieu. Au chapitre 8, nous avons lu que la petite corne qui, à n’en pas douter, est le roi du nord, « se lèvera contre le prince des princes, mais il sera brisé sans main » (v. 25). Si cela se réfère au même événement, comme il paraît probable, nous avons dans les deux passages la destruction de l’Assyrien prophétique par le Seigneur lui-même ; et il est brisé « sans main », c’est-à-dire sans instrumentalité humaine, et en outre, « il n’y aura personne pour le secourir ». Car comme nous l’apprenons par Ésaïe : « Voici, le Seigneur, l’Éternel des armées, abat les hautes branches avec violence, et ceux qui sont grands de stature seront coupés, et ceux qui sont élevés seront abaissés » (10:33). Seule une étude approfondie des écrits prophétiques peut montrer si cet événement doit être placé avant ou après la destruction de la Bête romaine et du faux prophète. Si Zacharie 14 présente l’assaut final de Jérusalem, il doit indubitablement être placé après que le Seigneur a jeté la Bête et l’Antichrist vifs dans l’étang de feu (voir aussi Michée 5:4, 5).

Il peut être utile d’ajouter que la fin du roi qui agit selon son bon plaisir, l’Antichrist, n’est pas donnée ici — elle se trouve en Apocalypse 19, où il est décrit comme le faux prophète. Ici, c’est la fin du roi du nord, l’un des ennemis les plus acharnés des Juifs aux derniers temps — pendant la période de leur détresse sans précédent. Ils seront assiégés de tous côtés ; car outre l’Assyrien (le roi du nord), il y aura la Bête d’Apocalypse 13 (la tête impériale de l’empire occidental) et son allié, l’Antichrist, comme aussi le roi du midi mentionné dans le verset 40 de notre chapitre. Cela nous aidera à comprendre le langage de l’Esprit de Christ au Psaume 118: « Toutes les nations m’avaient environné ; au nom de l’Éternel, certes je les ai détruites. Elles m’avaient environné, oui, environné ; au nom de l’Éternel, certes je les ai détruites. Elles m’avaient environné comme des abeilles ; elles ont été éteintes comme un feu d’épines ; au nom de l’Éternel, certes je les ai détruites » (v. 10-12).


15 - Ch. 12

15.1 - La grande tribulation (v. 1-4)

Le premier verset de ce chapitre jette quelque lumière sur la question discutée à la fin du chapitre précédent : la fin du roi du nord (v. 45) est-elle le jugement final sur l’Assyrien ? Les termes : « Et en ce temps-là se lèvera Micaël » se réfèrent à la période des événements décrits au chapitre 11 (v. 36-45), parce qu’ils sont suivis par la déclaration que « ce sera un temps de détresse » — la période de douleurs indicibles pour les Juifs dans le pays avant l’apparition de Christ. Puis il est dit : « En ce temps-là ton peuple sera délivré », c’est-à-dire, comme nous le savons par d’autres passages, à la fin de la tribulation, et par conséquent après la destruction tant de l’Antichrist que de l’Assyrien.


15.1.1 - L’action de Micaël

Trois choses importantes sont contenues dans ce premier verset. La première, c’est l’action de Micaël. Nous avons appris par le verset 21 du chapitre 10 que cette intelligence supérieure avait une relation spéciale avec les Juifs dans la disposition du gouvernement providentiel de Dieu et que, par conséquent, il était appelé par l’ange s’adressant à Daniel : « Micaël, votre chef ». Nous apprenons maintenant que, quelles qu’aient été ses fonctions particulières jusqu’à cette époque, au moment indiqué par les premiers mots du verset 1 il commence à agir d’une façon énergique, intervenant avec puissance en faveur de la nation confiée à ses soins. Avons-nous un moyen quelconque de découvrir ce que sera l’action particulière signifiée par les mots : « En ce temps-là se lèvera Micaël » ? Si nous nous tournons vers Apocalypse 12, nous lisons : « Et il y eut un combat dans le ciel : Michel et ses anges combattaient contre le Dragon. Et le Dragon combattit, ainsi que ses anges ; mais il ne fut pas le plus fort, et il ne fut pas trouvé de place pour eux dans le ciel. Et… le grand dragon… fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui ». Et alors il y eut une grande explosion de joie au ciel, « car l’accusateur de nos frères, qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit, a été précipité » (v. 7-10). Sans doute avons-nous là le commencement de l’activité de l’archange, lorsqu’il se lèvera pour le peuple de Daniel.

Cette conclusion est renforcée par le fait que le temps sans pareil de détresse suit cet événement, et cela s’harmonise avec ce que nous trouvons dans l’Apocalypse : « Malheur à la terre et à la mer ! car le diable est descendu vers vous, dans une grande fureur, sachant qu’il a peu de temps ». Et dans le verset suivant, nous lisons : » Quand le dragon vit qu’il avait été précipité sur la terre, il persécuta la femme (Israël) qui avait enfanté le fils mâle (Christ) » (Apoc. 12:12, 13). Remarquez en outre, car cela intéresse directement le sujet, que la femme est dotée de puissance pour échapper à son ennemi et est « nourrie un temps, des temps et la moitié d’un temps, loin de la face du serpent » ; et aussi que lorsque le dragon fut empêché de réussir dans sa tentative de détruire la femme, il fut irrité contre elle et « alla faire la guerre contre le reste de la descendance de la femme, ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus » (Apoc. 12:14-17).

Si cette interprétation est correcte, on comprendra sans difficulté la phrase suivante de ce verset.


15.1.2 - La détresse de Jacob

« Et ce sera un temps de détresse tel, qu’il n’y en a pas eu depuis qu’il existe une nation jusqu’à ce temps-là ». Il y a deux autres allusions remarquables à cette même période de souffrances et de tribulation. En Jérémie nous lisons : « Car ainsi dit l’Éternel : Nous entendons la voix de la frayeur ; il y a la peur, et point de paix. Demandez, je vous prie, et voyez si un mâle enfante. Pourquoi vois-je tout homme tenant ses mains sur ses reins comme une femme qui enfante, et pourquoi tous les visages sont-ils devenus pâles ? Hélas ! que cette journée est grande ! Il n’y en a point de semblable ; et c’est le temps de la détresse pour Jacob, mais il en sera sauvé » (Jér. 30:5-7). Et le verset suivant décrit sa délivrance par le Seigneur lui-même, tout comme en Daniel le temps de détresse est suivi par la délivrance. Notre Seigneur a aussi parlé de cette période en ces termes : « Car alors il y aura une grande tribulation, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais plus. Si ces jours-là n’avaient pas été abrégés, personne n’aurait été sauvé ; mais, à cause des élus, ces jours-là seront abrégés » (Matt. 24:21, 22). Pour prévenir toute possibilité d’erreur quant à l’époque de cette tribulation, le Seigneur la lie expressément avec l’établissement de « l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par le prophète Daniel… dans le lieu saint » (v. 15). On se souviendra, d’après ce qui a été dit de la soixante-dixième semaine, lorsque nous avons considéré le chapitre 9, que cet événement se situe au milieu de cette semaine.

Cette période de détresse est donc sa dernière demi-fraction — le « temps et des temps et une moitié de temps » du chapitre 7:25 ; le « temps déterminé, et des temps déterminés, et une moitié de temps » du verset 7 de ce chapitre ; et les 1260 jours ou quarante-deux mois de l’Apocalypse. Satan est l’instigateur de la détresse ; mais ses agents, comme nous l’apprenons ailleurs, seront les deux grands ennemis du résidu fidèle parmi les Juifs, les deux bêtes d’Apocalypse 13, et leur ennemi de l’extérieur, l’Assyrien. Mais si Satan est le principal auteur de toute la détresse que le peuple de Daniel devra traverser, souvenons-nous que Dieu s’en sert comme de Sa verge judiciaire pour punir son peuple de leur péché capital : le rejet de leur Messie. Restaurés dans leur pays, après la captivité de Babylone, quand l’accomplissement du temps fut venu, Christ vint et naquit à Bethléhem, selon la prédiction de leurs prophètes ; et son précurseur, Jean le Baptiseur, proclama sa venue ; mais quand Il « vint chez lui… les siens ne l’ont pas accueilli » (Jean 1:11) ; ils le refusèrent et le rejetèrent, allant même jusqu’à dire : « Nous n’avons pas d’autre roi que César » (19:15), et à accepter la culpabilité de sa mort, s’écriant : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! » (Matt. 27:25). Dieu ne pouvait que châtier la nation coupable et ce « temps de détresse » est la période durant laquelle sa verge, quels qu’en soient les instruments, s’abattra en coups successifs et toujours plus lourds, jusqu’à ce que l’indignation soit accomplie.

Mais au milieu de la colère, Il se souviendra de la miséricorde, car si ces jours-là n’avaient pas été abrégés, comme nous l’avons vu, personne n’aurait été sauvé ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés.


15.1.3 - La délivrance de Juda et Benjamin

« Et en ce temps-là ton peuple sera délivré : quiconque sera trouvé écrit dans le livre » (v. 1c). La période indiquée se situe évidemment à la fin du « temps de détresse ». Comme en fait nous l’apprenons par d’autres prophètes, ce sera au moment où tout espoir semblera avoir disparu, au moment précis où les mâchoires du lion rugissant seront prêtes à se fermer sur sa proie, que le Seigneur apparaîtra subitement pour secourir et sauver les pauvres et les affligés de son peuple (voir Zach. 12 à 14 ; Es. 25 et 26 par exemple).

Il est intéressant de noter la distinction faite ici entre la masse de la nation et le résidu élu. Tous ne sont pas délivrés, mais « quiconque sera trouvé écrit dans le livre ». Il est donc très clair que Dieu a ses élus parmi son peuple terrestre, et aussi que ceux qui forment son peuple céleste sont les objets de son choix éternel en Christ. Ils sont également mentionnés dans l’Apocalypse, après le compte rendu de la conduite blasphématoire de la première bête du chapitre 13, comme « ceux qui habitent sur la terre, dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, dans le livre de vie de l’Agneau immolé ».

Ainsi, dès la fondation du monde, non pas avant sa fondation comme dans le cas des saints célestes (Éph. 1:4), Dieu avait choisi ce résidu qui aurait à prouver son élection en refusant d’adorer l’image de la bête ; et c’est de ceux-ci que l’ange dit qu’ils seront délivrés. Certains en fait scelleront leur fidélité par le martyre, mais alors ils obtiendront une meilleure délivrance, car ils seront mis en réserve pour la bénédiction céleste, participant à la première résurrection. Mais qu’il en soit ainsi ou que, comme les 144 000 sur la montagne de Sion, ils aient à traverser le temps de détresse, tous seront rachetés de la main de leurs ennemis par la fidélité et la puissance de leur Dieu.


15.1.4 - La délivrance d’Israël

Le verset 2 est plus facile. « Et plusieurs qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle ». Souvenons-nous que pendant le « temps de détresse » seules deux tribus, Juda et Benjamin, sont dans le pays ; les dix autres seront perdues, comme elles le sont maintenant, parmi les nations ; et c’est à celles-ci que ce verset se réfère. Après que le Seigneur sera apparu et aura secouru le résidu fidèle en Juda et à Jérusalem (Zach. 12), Il établira son trône sur la montagne de Sion, et alors il rétablira son peuple perdu, comme nous le lisons dans le prophète Ezéchiel : « Je suis vivant… si je ne vous fais sortir d’entre les peuples, et ne vous rassemble hors des pays dans lesquels vous êtes dispersés… et si je ne vous introduis dans le désert des peuples, et là n’entre en jugement avec vous face à face !… et je séparerai d’entre vous les rebelles et ceux qui se sont révoltés contre moi… Et vous saurez que je suis l’Éternel, quand je vous aurai fait entrer dans la terre d’Israël, dans le pays touchant lequel j’ai levé ma main de le donner à vos pères » (Ezé. 20:33-42).

Eh bien, ce passage s’occupe exclusivement d’Israël — c’est-à-dire des dix tribus distinguées des Juifs (les deux tribus) ; et on verra, si on le considère attentivement, qu’il parle de deux classes : l’une qui sera ramenée dans le pays pour la bénédiction, et l’autre qui sera jugée dans le désert. C’est de ces deux mêmes classes que parle le verset 2. Toutes les deux sont vues comme dormant dans la poussière de la terre pendant le temps où elles sont perdues et dispersées parmi les nations ; mais lorsque le Seigneur « enverra ses anges avec un grand son de trompette » pour rassembler « ses élus des quatre vents, d’une extrémité des cieux à l’autre » (Matt. 24:31), tous seront réveillés ; les uns, comme nous le lisons ici, pour la vie éternelle, et les autres pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle. On trouve le même contraste dans le jugement des nations vivantes, d’entre lesquelles certains s’en iront dans les tourments éternels, et d’autres, dans la vie éternelle (Matt. 25:31-46). Ce dernier passage est important en ce qu’il montre que les saints terrestres pendant le Millénium jouiront de la vie éternelle, non pas du même caractère que celle que possèdent les chrétiens, mais selon la révélation que Dieu fera de Lui-même à son peuple de cette dispensation. Ce sera la « vie pour l’éternité » dont David parle dans le Psaume 133 comme caractérisant la félicité millénaire.

Certains se demanderont toutefois si ce verset 2 ne parle pas plutôt de la résurrection. Deux considérations montreront, à notre avis, que tel n’est pas le cas ; et que l’interprétation donnée plus haut est selon l’enseignement de l’Écriture. D’abord, l’image du « réveil » est constamment employée dans un sens moral dans l’Ancien Testament (voir Es. 51:17 ; 52:1…) ; et même dans le Nouveau Testament, elle est employée d’une manière très frappante. L’apôtre, par exemple, écrivant aux Éphésiens, dit : « Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ luira sur toi » (Éph. 5:14) ; personne ne saurait mettre en doute le sens figuratif dans ce passage. Secondement, le prophète Ezéchiel se sert de l’image de la résurrection manifestement dans le sens d’un rétablissement national. Nous disons « manifestement », car l’application que fait le prophète lui-même montre incontestablement de quoi il s’agissait (voir Ezé. 37:1-14).

Ce que nous apprenons donc, c’est que Dieu, d’une manière spéciale et extraordinaire, réveillera son peuple dispersé de la léthargie dans laquelle il est tombé, et allumera une fois encore dans leurs cœurs l’attente de l’accomplissement des promesses prophétiques concernant leur restauration et leur bénédiction sous le règne de leur Messie. Mais parallèlement au réveil de leurs espérances nationales, Dieu, en vue de leur restauration, séparera d’entre eux les rebelles, de sorte qu’il sera littéralement vrai que certains se réveilleront pour la vie éternelle et certains pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle.


15.1.5 - Les sages

Le verset 3 parle, à notre avis, de la classe mentionnée au chapitre précédent (v. 33), seulement ici il se peut qu’ils soient divisés en deux classes : les sages et ceux qui ont enseigné la justice à la multitude… Cette dernière expression indique le témoignage puissant suscité par Dieu au milieu des Juifs pendant la dernière demi-semaine, lors de la manifestation de la puissance de Satan sans frein ni obstacle. Même alors il y en aura certains, choisis et soutenus par Dieu, qui, ne se laissant pas arrêter par les terreurs des temps, maintiendront courageusement l’autorité de la Parole de Dieu et chercheront inlassablement à amener « la multitude » sous son influence et sous sa puissance. Lorsque le royaume sera établi, quelles qu’aient été leurs souffrances, ou même leur martyre, « couronnement » de leur témoignage, leur service passé sera reconnu et ils occuperont une place spéciale. Les sages, ayant eu la pensée de Dieu et ayant été doués d’une sagesse divine, brilleront comme la splendeur de l’étendue ; ils seront manifestés de façon visible comme jouissant de la faveur spéciale de Dieu. Ceux qui ont enseigné la justice à la multitude brilleront comme les étoiles à toujours et à perpétuité ; il leur sera donné une place d’autorité et de dispensateur de lumière pendant toute la durée du royaume (comp. Luc 19:15-19).


15.1.6 - Le livre scellé

La révélation donnée par le visiteur céleste de Daniel est maintenant achevée ; et il reçoit le commandement : « Et toi, Daniel, cache les paroles et scelle le livre jusqu’au temps de la fin. Plusieurs courront ça et là ; et la connaissance sera augmentée » (v. 4). Il a souvent été remarqué, en contraste avec cette instruction à Daniel, qu’il est dit à Jean, à la fin du livre de l’Apocalypse, de ne pas sceller « les paroles de la prophétie de ce livre » ; et la raison est donnée : « le temps est proche » (Apoc. 22:10). Cela explique la différence entre les positions occupées respectivement par Daniel et par Jean. Le temps n’était pas proche pour Daniel, aussi son livre devait-il être scellé jusqu’au temps de la fin. Si l’on demande comment il est possible que nous possédions le moyen de comprendre ce qui devait être scellé « jusqu’au temps de la fin », la réponse est que cette période est déjà arrivée pour les chrétiens. Paul parle des « derniers jours » et Jean, de la « dernière heure » (2 Tim. 3:1 ; 1 Jean 2:18). La mort de Christ qui, en fait, a pris place « en la consommation des siècles » a inauguré le temps de la fin ; et d’autre part pour les vrais chrétiens, possédant le Saint Esprit, il n’y a rien de caché (Jean 16:13 ; 1 Jean 2:20). Par l’Esprit de Christ donc, « le temps de la fin » étant arrivé, le livre de Daniel n’est pas scellé pour nous ; et si nous ne comprenons pas ce qui lui a été communiqué, c’est soit parce que nous ne sommes pas dans l’état d’âme qui donne l’oreille ouverte et l’entière soumission à la parole divine (voir Es. 50:4, 5), soit que nous n’avons pas porté une attention sérieuse à ce qui a été révélé.

La constatation que plusieurs courront ça et là et que la connaissance sera augmentée, semblerait donner les caractéristiques de la période entre les jours de Daniel et « le temps de la fin ». Combien cela est vrai de l’époque actuelle ; et jusqu’à la venue du Seigneur, cela sera encore davantage démontré.


15.2 - La conclusion des visions prophétiques de Daniel (v. 5-13)

15.2.1 - La vision de deux anges au bord du Tigre

Daniel est toujours au bord du fleuve Hiddékel et il nous dit : « Et moi, Daniel, je regardai ; et voici deux autres personnages qui se tenaient, l’un deçà, sur le bord du fleuve, et l’autre delà, sur le bord du fleuve. Et il dit à l’homme vêtu de lin qui était au-dessus des eaux, du fleuve : Jusques à quand la fin de ces merveilles ? » (v. 5-6). La réponse explique la question. L’homme vêtu de lin « leva sa main droite et sa main gauche vers les cieux, et jura par Celui qui vit éternellement que ce serait pour un temps déterminé, et des temps déterminés, et une moitié de temps ; et lorsqu’il aura achevé de briser la force du peuple saint, toutes ces choses seront achevées » (v. 7). De part l’introduction de la période familière, « un temps déterminé, et des temps déterminés, et une moitié de temps », c’est-à-dire la dernière demi-semaine, nous comprenons que la question avait trait à la durée du « temps de détresse » mentionné au verset 1. La réponse établit qu’elle est limitée à trois ans et demi, ou 1260 jours. La dernière partie de la réponse établit aussi que lorsque Dieu aura rassemblé son peuple dispersé, après avoir accompli ce qu’Il s’était proposé en les dispersant — c’est là la force, à notre avis de cette phrase, quelque peu difficile -, toutes ces choses seront achevées. Deux choses sont ainsi révélées :

Ces deux choses sont confirmées par un serment divin — un des deux actes irrévocables, dans lesquels il est impossible que Dieu mente (Héb. 6:18) — car une comparaison de ce passage avec Apocalypse 10:5-7, mènera infailliblement à la conclusion que Celui qui profère ce serment est plus qu’un homme.


15.2.2 - Repos et bénédiction pour Daniel

Daniel entendit, et ne comprit pas ; il dit alors : « Mon Seigneur, quelle sera l’issue de ces choses ? » (v. 8). Il lui est rappelé que « ces paroles sont cachées et scellées jusqu’au temps de la fin » ; puis une autre communication est faite : « Plusieurs seront purifiés et blanchis et affinés ; et les méchants agiront méchamment, et aucun des méchants ne comprendra ; mais les sages comprendront » (v. 10). Il est évident que la référence est de nouveau au » temps de détresse » de la dernière demi-semaine. Nous apprenons que le Seigneur prendra les souffrances et les épreuves de ce temps et s’en servira comme d’une discipline nécessaire pour ceux qui s’attendent à lui — son résidu fidèle au milieu de la méchanceté et de l’apostasie qui les entoureront. Quelles que soient leurs souffrances, « plusieurs seront purifiés et blanchis et affinés » (v. 10). C’est selon ce principe que Dieu agit toujours, comme l’apôtre aussi enseigne que Dieu nous discipline « pour notre profit, afin que nous participions à sa sainteté » (Héb. 12:10). Mais si Dieu purifie ainsi son peuple de ses scories, les méchants — les méchants d’entre les Juifs, selon nous — « agiront méchamment ». Sous la conduite de l’Antichrist, ils « pécheront avec fierté », rejetteront tout frein et tomberont dans l’apostasie ouverte et reconnue.

La dernière partie du verset fait allusion au verset 8, où Daniel dit qu’il ne comprit pas ; et là, nous avons un principe d’une importance constante. Cela nous donne la condition indispensable pour comprendre les choses divines comme elles sont révélées dans la Parole de Dieu. Il est dit : « Aucun des méchants ne comprendra ; mais les sages comprendront ». Il peut y avoir le témoignage le plus clair, mais si le cœur, éloigné de Dieu, est incliné à la méchanceté, il ne le comprendra pas. Ce qui, pour les enfants de Dieu, est la lumière la plus pure, sera l’obscurité la plus dense pour les pécheurs parmi la nation. Le sage seul comprendra ! Souvenons-nous toujours que « la crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse » (Ps. 111:10). Christ, dans le temps présent, est la seule sagesse des siens. Il est bon de s’en souvenir maintenant surtout où les Ecritures de vérité sont attaquées avec persistance, pour ne pas dire avec virulence, par des hommes de science et de grande puissance intellectuelle. « Personne ne connaît les choses de Dieu… si ce n’est l’Esprit de Dieu » (1 Cor. 2:11). « L’homme naturel ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu, car pour lui elles sont folie ; et il ne peut pas les connaître, parce qu’elles se discernent spirituellement » (v.14). Personne, sinon les sages, les spirituellement sages, ne peut, en aucune dispensation, entrer dans la pensée de Dieu, si clairement qu’elle soit révélée dans sa Parole.

C’est sur la base de ce principe, en réponse à la question de Daniel : « Mon Seigneur, quelle sera l’issue de ces choses ? » (v. 8), que « l’homme vêtu de lin » donne de nouvelles révélations au prophète. Il lui dit maintenant dans le langage le plus formel que, « depuis le temps où le sacrifice continuel sera ôté et où l’abomination qui désole sera placée, il y aura mille deux cent quatre-vingt-dix jours » (v. 11). C’est ce passage que notre Seigneur cite en Matthieu 24 pour ce qui concerne l’abomination de la désolation ; au chapitre 9:27, nous avons vu que ces choses auront lieu au milieu de la soixante-dixième semaine ; et s’il en est ainsi, il ne restera plus que 1260 jours pour que ces semaines prophétiques soient achevées. Mais ici, trente jours sont ajoutés. Est-il possible d’en expliquer la raison ? Rien de sûr ne peut être affirmé ; mais il est clair, d’après de nombreuses références tant dans ce livre que dans l’Apocalypse, que les 1260 jours déterminent la durée du « temps de détresse », qui prendra fin par l’apparition de Christ. À sa venue en gloire, la bête et le faux prophète sont capturés et jetés vivants dans l’étang de feu (Apoc. 19:20). Il sortira et combattra les nations qui, à ce moment, assiégeront Jérusalem. Il y a donc plusieurs événements importants qui suivront la fin de la dernière demi-semaine et prépareront l’établissement du trône du Messie en Sion ; il est possible que ce soit la raison des trente jours supplémentaires. Il y a cependant encore quarante-cinq jours de plus : « Bienheureux celui qui attend et qui parvient à mille trois cent trente-cinq jours ! » (v. 12). La forme même dans laquelle cette période supplémentaire est introduite indique évidemment le plein établissement de la bénédiction dans l’ordonnance du royaume. Nous citerons sur ce point les paroles d’un auteur connu : « Je pense qu’il est possible que ce calcul provienne de ceci : un mois intercalé, ajouté aux douze cent soixante jours, ou trois années et demie, puis quarante-cinq jours, si les années étaient des années ecclésiastiques, nous amèneraient à la fête des tabernacles ; mais je ne prétends pas avoir une opinion sur ce point. Quoi qu’il en soit, il nous est positivement dit que, alors, le sanctuaire de Dieu à Jérusalem sera purifié ». Il est clair, d’après le chapitre 9:24, que la période inclut l’onction du saint des saints. Si donc les trois années et demie, 1260 jours, déterminent la durée du temps de détresse, une autre période pourrait être indiquée ainsi pour l’introduction de la pleine bénédiction. Si le lecteur veut bien se reporter à Lévitique 23, il comprendra la portée de la remarque quant à la fête des tabernacles ; il constatera en effet que c’est la dernière du cycle des fêtes — une fête qui devait célébrer le repos d’Israël et sa possession du pays, après avoir erré dans le désert ; une fête, par conséquent qui, jusqu’à présent, selon l’enseignement d’Hébreux 3 et 4, n’a pas eu d’accomplissement complet. Elle attend sa réalisation selon les pensées de Dieu, lorsque le vrai Salomon, après avoir, comme le vrai David, exécuté le jugement sur ses ennemis, donnera le repos à son peuple, quand ils puiseront de l’eau avec joie aux fontaines du salut (Es. 12:3 ; comp. Jean 7:37).

Mais Daniel n’entre pas dans cette scène de joie millénaire. Il est occupé des temps des Gentils jusqu’à la délivrance de son peuple. Il était réservé à d’autres prophètes de parler de l’établissement du royaume et des bénédictions du règne du Messie. Il est remarquable combien peu nombreux sont les passages qui traitent des bénédictions réelles du règne de Christ. Parmi les Psaumes, par exemple, seuls les Psaumes 72 et 145 le font. Il y en a beaucoup plus qui traitent de sa venue et de la joie des siens en le recevant, mais ils s’arrêtent avant le règne millénaire lui-même. Ésaïe non plus, qui le plus souvent fait allusion prophétiquement aux gloires futures du règne d’Emmanuel, ne va pas beaucoup plus loin.

Et maintenant le livre se termine par une dernière parole au prophète. Vase de la pensée divine quant aux temps des Gentils et à la délivrance de son peuple, son œuvre est achevée et il lui est commandé de se retirer de la scène : « Et toi, va jusqu’à la fin ; et tu te reposeras, et tu te tiendras dans ton lot, à la fin des jours » (v. 13). Le repos allait suivre l’achèvement de ses travaux, et il aurait sa place spéciale dans le Royaume à la fin des jours. Notre Seigneur lui-même a dit : « Beaucoup viendront d’orient et d’occident, et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux » (Matt. 8:11) ; et Daniel aura part aux gloires de ce jour. Maintenant il est l’un des « esprits des justes parvenus à la perfection » (Héb. 12:23) ; alors il participera à la première résurrection ; et revenant avec tous les saints ressuscités avec Christ en gloire, il se tiendra dans son lot, occupera la place spéciale qui lui est assignée dans le royaume de Celui qu’il avait vu dans les visions de la nuit comme le Fils de l’homme venant avec les nuées des cieux.