« Et il leur enseignait beaucoup de choses par des paraboles » (Marc 4:2)

Christian Briem

Traduit de l’allemand, éditions CSV Verlag


Table des Matières abrégée :

1 - Introduction. 2

2 - Paraboles de Matthieu 5 et 6. 10

3 - Paraboles de Matthieu 7 (Luc 13 et 6) 29

4 - Paraboles de Matthieu ch. 9 à 12. 40

5 - Les paraboles de Matthieu 13. 63

6 - Les Paraboles de Matthieu 15 à 22. 125

7 - Paraboles de Matthieu 24 et 25. 163

8 - Parabole de Marc 4:26-29. 195

9 - Paraboles de Luc 10 et 11. 199

10 - Paraboles de Luc 12 et 13. 210

11 - Paraboles de Luc 14 à 18. 219

12 - Les mines — Luc 19:11-27. 270

13 - Je ne vous parlerai plus par similitudes — Jean 16:25. 277


 Table des Matières détaillée :

1 - Introduction

1.1 - Les paraboles du Seigneur font partie intégrante de l’enseignement biblique

1.2 - Une bénédiction particulière résulte de l’étude des paraboles

1.3 - Qu’est-ce qu’une parabole ?

1.4 - Interprétation des paraboles

1.5 - Pourquoi le Seigneur parlait-Il en paraboles ?

1.6 - Classement des paraboles

2 - Paraboles de Matthieu 5 et 6

2.1 - Le sel de la terre — Matthieu 5:13

2.1.1 - Que signifie le sel ?

2.1.2 - Pourquoi le sel de la ‘terre’ ?

2.1.3 - Être salé de feu et de sel

2.1.4 - Le sel sans saveur

2.1.5 - Résumé

2.2 - La lumière du monde — Matthieu 5:14-16

2.2.1 - Que signifie la ‘lumière’ ?

2.2.2 - Deux images

2.2.3 - Les bonnes œuvres

2.3 - La lampe du corps — Matthieu 6:22-23 et Luc 11:34-36

2.3.1 - La succession des images

2.3.2 - L’œil méchant et ses conséquences

2.3.2.1 - Que signifie l’œil ?

2.3.2.2 - L’aspect général

2.3.2.3 - L’aspect juif

2.3.2.4 - L’aspect moral de la parabole

2.4 - La partie adverse — Matthieu 5:25-26

2.4.1 - La démarche

2.4.2 - L’application générale

2.4.3 - Le côté juif

2.4.4 - Jugement temporel et jugement éternel

3 - Paraboles de Matthieu 7 (Luc 13 et 6)

3.1 - La porte étroite (Matthieu 7:13, 14 — Luc 13:24-30)

3.1.1 - La porte étroite en Matthieu (7:13, 14)

3.1.2 - Les deux chemins (Matthieu 7:13, 14)

3.1.3 - La porte étroite et la porte fermée en Luc 13:24-30

3.2 - Les deux maisons (Matthieu 7:24-27 ; Luc 6:47-49)

3.2.1 - Un nouveau contraste

3.2.2 - L’homme prudent

3.2.2.1 - La divinité de Jésus

3.2.2.2 - Entendre et faire

3.2.2.3 - La maison bâtie sur le roc

3.2.3 - L’homme insensé

3.2.4 - Suites tragiques

3.2.4.1 - Le coté personnel et temporel

3.2.4.2 - Le côté personnel et éternel

3.2.4.3 - Le côté prophétique en rapport avec le peuple juif

3.2.4.4 - Le côté prophétique en rapport avec la chrétienté

4 - Paraboles de Matthieu ch. 9 à 12

4.1 - La présence de l’Époux — Matthieu 9:9-15 ; Marc 2:14-20 ; Luc 5:27-35

4.1.1 - Les disciples de Jean

4.1.2 - La joie au lieu des lamentations

4.1.3 - Jeûner

4.2 - Le morceau de drap neuf et le vin nouveau — Matthieu 9:16-17 et Luc 5:36-39

4.2.1 - Changement de dispensation

4.2.2 - Incompatibilité de la loi et de la grâce

4.2.2.1 - Le morceau neuf au vieil habit

4.2.2.2 - Du vin nouveau dans de veilles outres

4.2.2.3 - Préférer le ‘vin vieux’

4.3 - La brebis tombée dans la fosse — Matthieu 12:11-12

4.3.1 - Aperçu général du chapitre 12

4.3.2 - Le sabbat

4.4 - L’homme à la main sèche — Matthieu 12:9-13

4.5 - La maison de l’homme fort — Matthieu 12:22-29 ; Marc 3:22-30 ; Luc 11:14-23

4.5.1 - Le blasphème contre le Saint Esprit

4.5.2 - Satan chasse-t-il Satan ?

4.5.3 - En quoi consiste le blasphème contre le Saint Esprit

4.5.4 - Un péché dispensationnel

4.5.5 - La prière de David

4.5.6 - L’homme plus fort

4.6 - L’esprit immonde — Matthieu 12:43-45

4.6.1 - Deux signes solennels : convaincus ou jugés ?

4.6.2 - L’idolâtrie

4.6.3 - Conclusions pratiques

4.7 - Les enfants têtus — Matthieu 11:16-19 et Luc 7:31-35

4.7.1 - L’image

4.7.2 - L’application

4.7.3 - Les enfants de la sagesse

5 - Les paraboles de Matthieu 13

5.1 - Le semeur

5.1.1 - Vue d’ensemble des paraboles de Matthieu 13

5.1.2 - Le royaume des cieux

5.1.3 - Une œuvre nouvelle

5.1.4 - La semence

5.1.5 - États des cœurs

5.1.6 - Semé au bord du chemin

5.1.6.1 - Plusieurs applications

5.1.6.2 - Encouragement et avertissement

5.1.7 - Semé dans les endroits rocailleux

5.1.7.1 - La réception joyeuse de la Parole

5.1.7.2 - Repentance et confession du péché

5.1.7.3 - Pas de racines

5.1.8 - Semé parmi les épines

5.1.8.1 - Les épines

5.1.8.2 - Avertissements

5.1.9 - Résumé

5.1.10 - Semé sur la bonne terre

5.1.10.1 - La bonne terre

5.1.10.2 - Comprendre la Parole de Dieu

5.1.10.3 - Différences dans la production de fruit

5.2 - L’ivraie (*) dans le champ

5.2.1 - « Son » champ

5.2.1.1 - Ce à quoi le Seigneur Jésus a droit

5.2.1.2 - La bonne semence

5.2.2 - L’œuvre du diable

5.2.2.1 - Les fils du méchant

5.2.2.2 - Le manque de vigilance

5.2.3 - Le bien et le mal l’un à côté de l’autre

5.2.3.1 - Arracher l’ivraie ?

5.2.3.2 - Le ‘royaume des cieux’ n’est pas ‘l’assemblée’

5.2.4 - La moisson

5.2.4.1 - Au temps de la moisson

5.2.4.2 - La consommation du siècle

5.2.5 - En résumé

5.3 - Le grain de moutarde

5.3.1 - Un petit commencement

5.3.2 - Un développement étonnant

5.3.3 - Hors du camp

5.4 - Le levain

5.4.1 - Que signifie le levain ?

5.4.2 - Une manière collective de considérer les choses

5.4.3 - Jugement spirituel

5.4.4 - En résumé

5.5 - Le trésor dans le champ

5.5.1 - Un changement

5.5.1.1 - Dans la maison

5.5.2 - La parabole et son interprétation

5.5.2.1 - ‘L’homme’

5.5.2.2 - Le trésor caché dans le champ

5.5.2.3 - Comment le Seigneur trouve

5.5.2.4 - La joie

5.5.2.5 - Abandonner pour gagner

5.5.2.6 - L’achat du champ

5.6 - La perle de grand prix

5.6.1 - Le marchand

5.6.2 - Il a cherché

5.6.3 - De quoi parle la ‘perle’ ?

5.6.4 - Comparaisons

5.7 - Le filet et les poissons

5.7.1 - Ce que font les pêcheurs

5.7.1.1 - La prise de poissons

5.7.1.2 - Le tri des poissons

5.7.1.3 - Le rassemblement des bons poissons

5.7.2 - Ce que font les anges

5.8 - Le maître de maison

5.8.1 - Les scribes d’aujourd’hui

5.8.2 - Administrateurs

5.8.3 - Parallèles

5.9 - En résumé

6 - Les Paraboles de Matthieu 15 à 22

6.1 - Aveugles conducteurs d’aveugles — Matthieu 15:14

6.1.1 - Besoin de nouvelle naissance, pas seulement d’amélioration

6.1.2 - Abandonnés à leurs propres voies

6.1.3 - L’état d’aveuglement

6.1.4 - Origine et jugement de cet aveuglement

6.1.5 - La grâce envers les aveugles

6.2 - Le ciel rouge, le nuage à l’ouest et le vent du midi — Matthieu 16:1-4 — Luc 12:54-56

6.2.1 - Ceux qui exigeaient des signes

6.2.2 - L’avertissement du Seigneur

6.2.3 - Les nuages de l’ouest et le vent du sud

6.3 - La brebis égarée [dans les montagnes] — Matthieu 18:1-14 (surtout 18:10-14)

6.3.1 - Que se passe-t-il quand des enfants meurent ?

6.3.2 - La Parabole [de la brebis égarée dans les montagnes]

6.4 - Le serviteur impitoyable. Matthieu 18:23-35 et Luc 7:41, 42

6.4.1 - Des dettes différentes

6.4.2 - Un pardon infini

6.4.3 - Un croyant peut-il perdre son salut (le pardon de ses péchés) ?

6.4.3.1 - Ce que dit l’Écriture

6.4.3.2 - Deux sortes de pardon (ou : rémission) des péchés [pardon éternel, pardon gouvernemental]

6.4.4 - Signification de la parabole

6.4.5 - Autres applications de la parabole

6.4.6 - Conclusion - Résumé

6.5 - Les ouvriers dans la vigne — Matthieu 19:30 à 20:16

6.5.1 - Récompense

6.5.1.1 - Le salut et les richesses

6.5.1.2 - 100 fois ce qu’on a laissé pour Christ

6.5.2 - Une grâce illimitée

6.5.2.1 - Le « denier »

6.5.2.2 - Cinq groupes d’ouvriers

6.5.2.3 - Les derniers deviennent les premiers

6.5.3 - Beaucoup d’appelés, peu d’élus (20:16 et 22:14)

6.5.4 - Position de cette parabole dans l’évangile de Matthieu

6.6 - Les deux fils — Matthieu 21:28-32

6.6.1 - Le contexte qui précède et qui suit

6.6.2 - Les trois paraboles de Matthieu 21 et 22

6.6.3 - Matthieu 21:23-27

6.6.4 - La parabole des deux fils

6.6.5 - L’explication de la parabole

6.6.6 - Les leçons à apprendre

6.7 - Les méchants cultivateurs (*) — Matthieu 21:33-46

6.7.1 - Vue d’ensemble

6.7.1.1 - Révolte contre Dieu et contre Sa grâce

6.7.1.2 - Deux personnes de la Déité

6.7.1.3 - Application actuelle

6.7.2 - « Me levant de bonne heure et [les] envoyant »

6.7.2.1 - Israël comme vigne

6.7.2.2 - Le Maître s’en est allé. L’envoi de prophètes

6.7.2.3 - L’envoi du Fils bien-aimé

6.7.2.4 - Le rejet du Fils et ses conséquences

6.7.2.5 - Impossible de Lui ôter l’héritage

6.7.2.6 - Un jugement terrible, passé et futur

6.7.2.7 - Le royaume ôté. Royaume des cieux, royaume de Dieu

6.7.2.8 - Dieu attend du fruit

6.8 - Le roi qui fit des noces pour son fils — Matthieu 22:1-14

6.8.1 - Les pensées du roi au sujet de son fils — Matthieu 22:1, 2

6.8.2 - L’invitation du roi

6.8.3 - Le rejet de la grâce

6.8.4 - Le jugement contre Jérusalem

6.8.5 - Aux Juifs premièrement, et aux Grecs

6.8.6 - L’habit [ou : robe] de noces

6.8.6.1 - L’habit de noces nécessaire

6.8.6.2 - Sans habit de noces

6.8.7 - Le jugement éternel

6.8.8 - Beaucoup d’appelés

7 - Paraboles de Matthieu 24 et 25

7.1 - Le discours prophétique du Seigneur

7.1.1 - La sphère juive

7.1.2 - La sphère chrétienne

7.2 - La première parabole : L’esclave fidèle et le méchant esclave — Matthieu 24:45-51

7.2.1 - L’esclave fidèle et prudent

7.2.1.1 - Le service auprès des saints

7.2.1.2 - Responsabilité vis-à-vis du Seigneur

7.2.1.3 - La récompense

7.2.2 - Le méchant esclave

7.2.2.1 - Deux groupes d’ouvriers

7.2.2.2 - Il commence « dans le cœur »

7.2.2.3 - Gouverner au lieu de servir

7.2.2.4 - La communion avec le monde

7.2.2.5 - La fin de l’« hypocrite »

7.3 - Seconde parabole : Les dix vierges — Matthieu 25:1-13

7.3.1 - Une façon de regarder en arrière

7.3.2 - Sur l’interprétation des paraboles

7.3.3 - Le christianisme, c’est sortir, c’est du mouvement [première période]

7.3.4 - Principes mélangés dans la chrétienté

7.3.5 - Pas d’huile

7.3.5.1 - Une forme sans vie

7.3.5.2 - Objections

7.3.6 - Le sommeil des vierges [deuxième période]

7.3.7 - Le cri de minuit [troisième période]

7.3.7.1 - Dieu seul peut donner la vie éternelle

7.3.7.2 - Est-ce que plus personne ne peut être sauvé ?

7.3.8 - La porte fermée

7.4 - Troisième parabole : Les talents (*) — Matthieu 25:14-30

7.4.1 - Des dons différents

7.4.2 - Sur l’usage des dons

7.4.2.1 - Fidélité dans le service pour le Seigneur

7.4.2.2 - L’esclave paresseux

7.4.2.3 - Une leçon pour les vrais disciples

7.4.3 - Règlement de comptes

7.4.3.1 - Devant le tribunal de Christ

7.4.3.2 - Paroles d’approbation

7.4.3.3 - Fausses pensées sur Dieu

7.4.4 - Résumé

8 - Parabole de Marc 4:26-29

8.1 - La semence qui croît sans qu’on sache comment

8.2 - Ainsi est le royaume de Dieu

8.3 - L’absence du Seigneur

8.4 - Consolation et exhortation

8.4.1 - Une pensée consolante

8.4.2 - Exhortation à la confiance en la puissance de la Parole de Dieu

8.5 - Regard sur la récolte

9 - Paraboles de Luc 10 et 11

9.1 - Le Samaritain miséricordieux (ou : bon Samaritain). Luc 10:25-37

9.1.1 - Un propre juste.

9.1.2 - La parabole dans sa signification morale

9.1.2.1 - Le sacrificateur

9.1.2.2 - Le lévite

9.1.2.3 - Qui est le prochain

9.1.3 - La parabole dans sa signification typique

9.2 - La parabole des trois amis — Luc 11:5-8

9.2.1 - Différentes manières de Dieu pour exaucer nos prières

9.2.2 - Une prière instante

9.2.2.1 - L’ami qui demande

9.2.2.2 - L’ami à qui la requête est adressée

9.2.3 - Comparaison sommaire avec la parabole de « la veuve »

10 - Paraboles de Luc 12 et 13

10.1 - Le riche cultivateur — Luc 12:13-21

10.1.1 - Les trois paraboles faisant suite à une demande

10.1.2 - Avertissement contre l’avarice

10.1.3 - Riche — mais insensé

10.1.3.1 - Des considérations raisonnables ?

10.1.3.2 - Quand Dieu redemande l’âme

10.1.4 - Riche quant à Dieu

10.2 - Le figuier stérile — Luc 13:6-9

10.2.1 - Une erreur fréquente — Luc 13:1-5

10.2.2 - Le figuier

10.2.3 - Un dialogue divin

10.2.4 - Une deuxième occasion

11 - Paraboles de Luc 14 à 18

11.1 - La tour et les deux rois — Luc 14:25-33

11.1.1 - Être un disciple du Seigneur : ce que cela implique

11.1.2 - La tour— Luc 14:28-30

11.1.3 - Les deux rois — Luc 14:31-32

11.1.4 - Luc 14:33

11.2 - Paraboles de Luc 15

11.2.1 - Vue d’ensemble

11.2.2 - La Brebis perdue

11.2.2.1 - L’amour cherche

11.2.2.2 - La joie du ciel

11.2.3 - La drachme perdue

11.2.3.1 - Différences

11.2.3.2 - Ce qui est perdu

11.2.3.3 - La personne qui cherche

11.2.3.4 - La joie

11.2.4 - Le fils perdu (*)

11.2.4.1 - Vue d’ensemble

11.2.4.2 - La responsabilité de l’homme

11.2.4.3 - Le caractère du péché

11.2.4.4 - Dans le pays étranger [éloigné]

11.2.4.5 - La bonté de Dieu qui pousse à la repentance

11.2.4.6 - Conversion, repentance et confession

11.2.4.7 - La grâce surabondante de Dieu

11.2.4.8 - La joie de Dieu

11.2.4.9 - Dans la maison du père

11.2.4.10 - Le propre-juste

11.3 - L’économe [ou : administrateur] injuste — Luc 16:1-13

11.3.1 - Destitué de son administration

11.3.2 - La prudence de l’économe

11.3.3 - Fils de ce monde, fils de lumière

11.3.4 - Quand les richesses injustes viennent à manquer

11.3.5 - Servir deux maîtres ?

11.4 - L’homme riche et Lazare

11.4.1 - La vie présente

11.4.2 - Un changement significatif dans les voies de Dieu

11.4.3 - Le temps de l’au-delà

11.4.3.1 - Dans le sein d’Abraham

11.4.3.2 - En hadès

11.4.3.3 - Le résultat de tout

11.5 - L’esclave qui revient des champs — Luc 17:7-10

11.5.1 - La foi comme un grain de moutarde

11.5.2 - Un service qui va de soi

11.5.3 - Esclaves inutiles

11.5.4 - N’y a-t-il donc aucun salaire ?

11.6 - Le juge inique — Luc 18:1-8

11.6.1 - Trois dernières paraboles

11.6.2 - Double signification de la parabole

11.6.3 - Le Résidu Juif dans l’avenir

11.6.3.1 - La veuve et son adversaire

11.6.3.2 - Une requête qui n’est pas chrétienne

11.6.4 - Quand le Fils de l’homme viendra

11.7 - Le pharisien et le publicain — Luc 18:9-14

11.7.1 - La propre justice

11.7.2 - « Loin »

11.7.3 - Une prière qui parvient à Dieu

11.7.4 - La sentence du juge

12 - Les mines — Luc 19:11-27

12.1 - L’absence du Seigneur

12.2 - La mission confiée par l’homme noble à ses esclaves

12.3 - « Ses concitoyens »

12.4 - À Son retour

12.5 - Le méchant esclave

12.6 - Note finale

13 - Je ne vous parlerai plus par similitudes — Jean 16:25

13.1 - La fin du parler en paraboles

13.2 - Une heure significative

13.3 - L’activité du Fils

13.4 - Le Fils « à l’étroit » et la joie du Fils

13.5 - Sorti d’auprès du Père (Jean 16:28)

13.6 - Connaître le Père

13.7 - Quel amour

13.8 - Élus avant la fondation du monde

13.9 - L’espérance de la vie éternelle


1 - Introduction

1.1 - Les paraboles du Seigneur font partie intégrante de l’enseignement biblique

Dans Sa grâce infinie, Dieu nous fait connaître par l’Écriture sainte Ses pensées sublimes d’amour et de sagesse. Peut-être n’avons-nous pas encore bien réalisé qu’Il le fait de manières fort variées. À côté de paroles très directes, Il se sert aussi de formes imagées et symboliques pour nous faire comprendre Ses pensées et Ses intentions. Les types de l’Ancien Testament en sont un excellent exemple.

Dans cet ouvrage nous désirons nous occuper d’une catégorie également imagée d’enseignements de l’Écriture, les paraboles du Seigneur dans les évangiles, car il semble que les enfants de Dieu ne tirent que trop peu profit de cette partie de la parole de Dieu. Pourtant, quand le Seigneur Jésus était sur cette terre, Il a mis une grande partie de Ses enseignements sous forme de paraboles. Cela ressort clairement à la fois de la phrase remarquable de Marc 4:2 : « Et il leur enseignait beaucoup de choses par des paraboles », et aussi plus généralement de la lecture et de l’étude attentives des paroles du Rédempteur.

Les paraboles font tout à fait partie de l’enseignement du Nouveau Testament, au même titre que les épîtres de l’apôtre Paul et des autres apôtres. Certains passages des épîtres du Nouveau Testament ne peuvent même être compris correctement qu’à la lumière de telle ou telle parabole. Bien des enfants de Dieu ont ainsi des difficultés avec ce que l’apôtre Pierre dit dans sa deuxième épître au sujet des faux prophètes et de faux docteurs, à savoir que le maître les a « acheté » (2 Pierre 2:1). Or il ne dit pas « racheté », et c’est la parabole de ‘l’ivraie du champ’ qui donne l’explication correcte : ‘le champ’, image du monde (Matthieu 13:38), appartient au Seigneur Jésus ; c’est « Son champ » (Matthieu 13:27), Il se l’est acquis pour Lui-même par Son œuvre à la croix. Donc, même les faux docteurs chrétiens ont été achetés, c’est-à-dire que le Seigneur a tous les droits sur eux. Cependant, seuls ceux qui ont été justifiés par la foi au sang de Christ ont effectivement part à la rédemption (Romains 3:24, 25).

Inversement beaucoup de paraboles trouvent leur explication complète, ou un certain complément d’explication, dans les épîtres. Le Seigneur Jésus, en Son temps sur la terre, ne pouvait pas encore dire à Ses disciples tout ce qui était dans Son cœur et dans le cœur de Dieu à leur égard (Jean 16:12). Mais une fois que l’Esprit de vérité fut venu, Il put conduire les apôtres et prophètes du Nouveau Testament dans toute la vérité, et leur annoncer les choses qui allaient arriver. C’est ainsi que l’apôtre Paul « comble certains trous » qu’on ne manque pas de trouver dans les paraboles. Les paraboles sur le retour du Seigneur, par exemple, ne parlent pas encore directement de l’enlèvement des croyants. Le Seigneur Jésus ne pouvait pas encore dévoiler cette grande vérité à ce moment-là. Évidemment Il la connaissait, et c’est pourquoi elle se trouve incluse par exemple dans la parabole de ‘l’ivraie du champ’ déjà mentionnée ; mais elle n’y est pas révélée ouvertement. L’apôtre Paul a été le premier à recevoir la communication de cette vérité (1 Thessaloniciens 4:15-17).

Lorsque le Seigneur parle, dans ‘la parabole du levain’ de Matthieu 13, d’une femme qui prit du levain et le cacha parmi trois mesures de farine jusqu’à ce que tout fût levé, ce n’est que par les épîtres de l’apôtre Paul que nous apprenons à connaître le vrai sens de cette action. Par deux fois il parle effectivement de ce qu’un peu de levain fait lever la pâte toute entière. En 1 Corinthiens 5 le ‘levain’ représente le mal dans la marche, et en Galates 5 le mal doctrinal : les deux ont pénétré dans la chrétienté. C’est ce développement dans la chrétienté que le Seigneur signale prophétiquement dans la parabole.

Ainsi, bien des choses dans les paraboles nécessitent une explication ou un éclairage au moyen des épîtres, et il est bon de garder cette relation présente à l’esprit.

1.2 - Une bénédiction particulière résulte de l’étude des paraboles

La bénédiction particulière qui résulte de l’étude des paraboles réside d’une part en ce qu’on y trouve directement les paroles prononcées par notre Sauveur — des paroles pleines de grâce et de vérité, des paroles d’une grande profondeur et d’une grande portée, des paroles empreintes de gravité morale et de connaissance divine. D’autre part, les enseignements des paraboles sont présentés de manière si expressive grâce au langage imagé, qu’ils se comprennent et se retiennent bien mieux que s’ils étaient donnés sous forme d’exposé doctrinal. Cet avantage des paraboles se retrouve dans les types de l’Ancien Testament.

Il y a toujours une bénédiction profonde à méditer les paroles sorties de la bouche même du Seigneur Jésus. Bien sûr il est aussi important de faire attention à ce qu’Il a dit par l’intermédiaire de Ses apôtres et prophètes. Car ce que l’Esprit Saint leur a inspiré de dire et d’écrire est également la Parole de Dieu, et est revêtu de la même autorité inhérente à toute « écriture » (2 Timothée 3:16). Mais ces hommes saints n’étaient pas toujours sous l’inspiration de l’Esprit Saint, tandis que Christ exprimait en tout temps et en toute circonstance directement les paroles de Dieu, sans aucune restriction.

C’est la raison pour laquelle Paul disait aux croyants à Milet, il y a environ 2000 ans, qu’il faut « nous souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui lui-même a dit… » ; et ceci est tout aussi vrai et est tout autant à retenir aujourd’hui qu’à ce moment-là. Oui, la grâce est répandue sur Ses lèvres et Sa langue est le style d’un écrivain habile (Psaume 45:1,2). Il n’est donc pas surprenant que déjà les hommes d’autrefois s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de Sa bouche (Luc 4:22), et que même les huissiers endurcis de la garde du temple devaient avouer que « jamais homme ne parla comme cet homme » (Jean 7:46). Et aujourd’hui encore le croyant « est tout réjoui à cause de la voix de l’époux » (Jean 3:29), car les lèvres de notre Seigneur sont « des lis distillant une myrrhe limpide » (Cantique des Cantiques 5:13).

1.3 - Qu’est-ce qu’une parabole ?

Qu’est-ce qu’une parabole ? Qu’entend-on par-là ? Une parabole présente un incident ou une affaire de la vie terrestre qui sous-tend une signification spirituelle. Autrement dit : Une circonstance naturelle, terrestre qui se déroule ou peut se dérouler telle quelle dans la vie quotidienne, sert à illustrer des faits spirituels, une vérité divine. C’est sur ce point qu’une parabole se distingue fondamentalement d’une fable. Celles-ci ont bien pour but de communiquer une leçon ou une morale, mais elles sont des récits fictifs qui font intervenir des animaux ou des objets qui parlent et agissent comme des hommes. Une parabole est au contraire une histoire relative à la terre et ayant une signification spirituelle, relative au ciel.

Comme nous aurons l’occasion de le voir, le Seigneur utilise assez souvent le mot même de ‘parabole’. Le mot grec ‘parabolé’ = ‘parabole, discours parabolique, similitude, type’ vient d’un verbe qui veut dire ‘placer à côté de quelque chose’ comme on place quelque chose à mesurer ou à comparer à côté d’une échelle de mesure. Une parabole est donc un ‘placement l’un à côté de l’autre’, une ‘comparaison’ de circonstances qui présentent un certain parallèle dans leur déroulement, tout en appartenant à des domaines différents : le naturel et le spirituel. Il existe à cet égard une relation qu’il ne faut pas méconnaître entre les ‘types’ (par exemple les sacrifices et le tabernacle) et les ‘paraboles’, les types étant faits de matériaux et d’actions, tandis que les paraboles sont faites de paroles. Mais les deux contiennent des parallèles et des contrastes. ‘Parler en paraboles’ s’oppose à ‘parler ouvertement’, comme on le voit en Jean 16:29 : « Ses disciples lui disent : Voici, maintenant tu parles ouvertement, et tu ne dis aucune similitude ».

1.4 - Interprétation des paraboles

Quant à l’interprétation des paraboles et de leurs symboles, il faut se garder soigneusement de la fantaisie humaine qui cherche à étayer des opinions personnelles. On ne peut pas fonder une doctrine particulière quelconque sur la seule base d’une parabole (ou d’un type). L’explication doit toujours être, et sera toujours en accord avec d’autres passages clairs de la parole de Dieu où se trouve présentée une vérité identique ou similaire. Si ce n’est pas le cas, il faut conclure que notre interprétation de la parabole est fausse. Cela nous préserve d’avoir nos propres interprétations particulières.

Autrement dit une parabole ou un type explique, illustre, confirme et approfondit une vérité du Nouveau Testament, mais elle ne peut pas en être le fondement. La véritable clé de l’explication des symboles réside dans la Parole de Dieu elle-même. L’Écriture sainte s’explique toujours par elle-même. C’est ainsi par exemple qu’il ne faut pas interpréter arbitrairement le levain de la parabole du ‘levain’ de Matthieu 13 comme étant une image de l’évangile, alors que ce symbole est utilisé constamment dans la Parole de Dieu pour le péché comme principe actif du mal. La méconnaissance de ce principe a favorisé bien des fausses doctrines, et a causé bien des difficultés parmi le peuple de Dieu. Nous succombons si vite à la tentation d’interpréter les paraboles du Seigneur en y glissant nos idées personnelles, pour appuyer notre opinion sur telle ou telle chose. Les paraboles font autant partie de l’enseignement du Nouveau Testament que les épîtres de l’apôtre Paul et des autres apôtres. C’est pour cela que l’enseignement donné dans une parabole est toujours en accord avec l’enseignement de toute la parole de Dieu. Pour la méditation des paraboles, nous dépendons donc tout autant de la direction de l’Esprit Saint. Il nous faut toujours rester conscients que par nous-mêmes nous ne savons rien ni ne pouvons rien.

En règle générale il n’y a qu’une ligne de pensée principale à la base d’une parabole, et cette ligne est à saisir dans chaque cas. Même si nous devons nous garder d’une « spiritualisation » fantaisiste de tous les détails des paraboles, nous ne nous trompons certainement pas en admettant que le Seigneur Jésus a choisi Ses mots avec précision, et que ce n’est pas pour rien qu’Il a présenté les détails des circonstances accompagnant la parabole de telle et telle manière et non pas autrement. Quand le grand Maître dessine l’ébauche d’un tableau, qu’il soit de grande ou de petite taille, nous pouvons être assurés que chaque trait est bien à sa place et a sa signification.

Ceci n’est pas une simple supposition, et est confirmé par le fait que le Seigneur a daigné nous faire savoir directement l’interprétation de deux paraboles de Matthieu 13. Jamais Il n’utilise un mot ou une expression sans raison ou sans but ; il n’y a aucun mot de trop ni aucun qui manque. À travers chaque mot qu’Il utilise, Il veut exprimer quelque chose. Par exemple, s’Il parle de la joie de celui qui a acquis le champ (Matthieu 13:44), il y a une raison à cela, et nous la trouvons en Hébreux 12:2. Dans la parabole du ‘bon samaritain’ de Luc 10, ce n’est pas pour rien qu’Il change d’expression entre les versets 31 où Il dit « descendait par ce chemin », et 33 où on a « allant son chemin » : Le bon samaritain n’allait pas son chemin par hasard, et Il ne le « descendait » pas. Si en Luc 15, Il change la brebis « perdue » (15:6) en « la drachme que j’avais perdue » (15:9), il y a une raison pour cela : Rien ne peut être reproché au véritable bon Berger.

En méditant les paraboles du Seigneur, nous serons aussi souvent étonnés de la sagesse avec laquelle Il parle, et avec laquelle Il utilise ou évite certains mots. En tout cas nous retirerons toujours pour nous un message moral et rafraîchissant de Ses paraboles, à moins que la parabole n’ait avant tout une signification prophétique. Qu’Il nous aide à saisir ce message, et à tirer profit de ce qu’Il veut nous dire !

Il y a encore un autre principe à tirer des explications du Seigneur : d’abord, comme déjà dit, une parabole contient souvent plus d’une interprétation ou application. Une parabole peut avoir à la fois une signification historique, une signification prophétique et une signification pratique. La même chose se rencontre dans les types de l’Ancien Testament, ou dans les psaumes, ou même dans les sept lettres aux églises dans l’Apocalypse : on peut aussi les considérer selon ces trois points de vue. Au point de vue prophétique, certaines paraboles se rapportent clairement à Israël au temps de la fin, et pourtant il ne faut pas négliger leur enseignement moral pour nous aujourd’hui. Il n’est pas dans l’intention du Seigneur de laisser Ses paroles inutilisées, « en jachère » pour ainsi dire, jusqu’au temps de leur accomplissement prophétique. Elles sont au contraire importantes et significatives pour tous les Siens de tous les temps.

La nécessité dans laquelle le Seigneur s’est quelquefois trouvé de devoir expliquer les paraboles à Ses disciples, montre que leur véritable enseignement ne se trouve pas à la surface. Bien sûr, certaines connexions simples peuvent également être comprises par les incroyants, et c’est ainsi que nous lisons plusieurs fois que les pharisiens et scribes se rendaient compte que Jésus avait parlé d’eux dans telle ou telle parabole. Mais ce qu’ils avaient saisi des paraboles n’était justement pas tout. Seul le Seigneur pouvait faire ressortir la signification profonde. Cependant Il ne le faisait que vis-à-vis de ceux qui étaient avec Lui « dans la maison » (Matthieu 13:36 ; Marc 4:10 ; 7:17).

Tout ceci est d’une haute importance pour notre étude. Aujourd’hui aussi il y a beaucoup de chrétiens qui reconnaissent tout à fait les enseignements moraux situés à la surface des discours du Seigneur, et qui vont peut-être même jusqu’à les admirer. Mais ils sont incapables de voir davantage dans les paraboles. Ils ne voient pas, ou ne veulent pas reconnaître, par exemple, qu’une vérité dispensationnelle est à la base de telle parabole.

Si l’on veut donc connaître le vrai sens des paraboles du Seigneur, il faut faire comme les disciples autrefois : Ils venaient au Seigneur Jésus avec leurs questions sur les paraboles, et une fois qu’ils étaient seuls avec Lui, ils recevaient les explications désirées ; de même nous aussi aujourd’hui nous devons également aller vers Lui dans la conscience que nous ne savons rien et ne comprenons rien. Par Son Esprit Il nous aidera aussi à saisir la signification profonde de Ses paroles dans toute leur variété.

1.5 - Pourquoi le Seigneur parlait-Il en paraboles ?

Ceci nous montre une autre raison pour laquelle le Seigneur a tellement enseigné sous forme de paraboles. Au début de Son ministère sur la terre, Il parlait moins en paraboles ; au contraire Il parlait ouvertement aux hommes. Mais avec l’accroissement de l’inimitié des conducteurs du peuple, et quand ceux-ci l’accusèrent de chasser les esprits immondes par Beelzebub, le chef des démons, Il se mit à voiler davantage Son discours, et à cacher Ses enseignements derrière le langage imagé des paraboles : Il ne fallait pas qu’ils soient compris par les Juifs ennemis. C’est ainsi que la phrase de Marc 4:2 qui sert de titre à cet ouvrage sur les paraboles (« Il leur enseignait beaucoup de choses par des paraboles ») marque un tournant dans le ministère du Seigneur et dans les voies de Dieu envers Israël.

Cela est particulièrement marqué dans l’évangile selon Matthieu. Une fois le rejet du Seigneur par les scribes et les pharisiens rendu manifeste au ch. 12, le Seigneur cesse de reconnaître Ses relations terrestres avec la maison d’Israël. Étendant Sa main vers Ses disciples, Il explique qui seraient désormais ‘Sa mère’ et ‘Ses frères’ : ce serait ceux qui feraient la volonté de Son père céleste, de quelque nation qu’ils viennent. Le passage du ch. 12 au ch. 13 présente donc une rupture dans les relations du Seigneur avec le peuple juif. Au début du ch. 13, Il quitte symboliquement la ‘maison’ (Israël) pour s’asseoir près de ‘la mer’ (une image des nations). C’est depuis une barque (loin de tout contact physique) qu’Il enseigne le peuple, et ensuite nous avons à nouveau la phrase significative : « Et il leur dit beaucoup de choses par des paraboles » (Matthieu 13:3).

Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que nous trouvons dans cet évangile les grandes paraboles, spécialement celles du royaume des cieux. La première de ces grandes paraboles, celle du ‘semeur’ suscita chez les disciples la question suivante : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles » ? La réponse du Seigneur montre qu’il s’agissait d’un jugement sur le peuple incrédule : « Et lui, répondant, leur dit : C’est parce qu’à vous il est donné de connaître les mystères du royaume des cieux ; mais à eux, il n’est pas donné. Car à quiconque a, il sera donné, et il sera dans l’abondance ; mais à quiconque n’a pas, cela même qu’il a sera ôté. C’est pourquoi je leur parle en paraboles, parce que voyant ils ne voient pas, et qu’entendant ils n’entendent ni ne comprennent. Et par eux s’accomplit la prophétie d’Ésaïe qui dit : « En entendant vous entendrez et vous ne comprendrez point, et en voyant vous verrez et vous n’apercevrez point ; car le cœur de ce peuple s’est épaissi, et ils ont ouï dur de leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux, de peur qu’ils ne voient des yeux, et qu’ils n’entendent des oreilles, et qu’ils ne comprennent du cœur, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse ». Mais bienheureux sont vos yeux, car ils voient, et vos oreilles, car elles entendent ; car en vérité, je vous dis, que plusieurs prophètes et plusieurs justes ont désiré de voir les choses que vous voyez, et ils ne les ont pas vues, et d’entendre les choses que vous entendez, et ils ne les ont pas entendues » (Matthieu 13:11-17).

Si le peuple juif, et spécialement ses conducteurs, ne voulaient plus entendre le Seigneur et rejetaient la lumière divine qu’Il apportait, Il n’avait pas l’intention de continuer à leur donner de l’enseignement. Il dissocie Ses disciples de la masse du peuple incroyant. Aux premiers il était donné de connaître les mystères du royaume des cieux, mais non pas aux seconds. La conscience des Juifs était endurcie, et la promesse d’Ésaïe devait donc s’accomplir à leur égard : En voyant, ils ne devaient plus voir, et en entendant ils ne devaient plus entendre ni comprendre. Ils préféraient les ténèbres à la lumière qui était auprès d’eux. C’est pourquoi elle allait leur être ôtée.

Ce côté grave du parler en paraboles n’empêche pas l’autre mentionné auparavant : Elles permettent une compréhension plus profonde chez les Siens. C’est ainsi qu’à la question de Pierre demandant combien de fois il fallait pardonner à son frère, le Seigneur répond non pas simplement par une parole directe sur le sujet, mais par la parabole de portée assez large du roi voulant faire les comptes avec ses serviteurs (Matthieu 18:23-35).

En effet, le fait que le Seigneur parlait en paraboles était également une expression de Sa grâce envers Ses disciples. Il ne se bornait pas à simplement cesser de parler. Il y avait, parmi le peuple, ceux qui L’aimaient vraiment. Ils sont bien différenciés de la masse du peuple, et il n’est donné qu’à eux de connaître les mystères du royaume des cieux. Ils avaient reçu Sa personne. C’est pourquoi le Seigneur leur fait pénétrer plus profondément les mystères de Ses pensées, et leur interprète « tout en particulier » à l’intérieur de la maison, « mais pour ceux qui sont dehors, toutes choses se traitent par des paraboles », et : « mais il ne leur parlait pas sans parabole » (Matthieu 13:36 ; Marc 4:10, 11, 34). Le Seigneur voit en Ses disciples les « sages » de Daniel 12 qui comprendraient ce qu’Il disait (Daniel 12:10). « Qui est sage ? il comprendra ces choses ; et intelligent ? il les connaîtra » (Osée 14:9).

À Ses disciples il était donné de pénétrer le voile mystérieux dont le Seigneur enveloppait désormais Ses paroles, et de saisir les nouveautés qu’Il leur révélait. Or la définition du terme ‘mystère’ dans le Nouveau Testament est justement une vérité qui n’était pas révélée dans l’Ancien Testament, une vérité qui a besoin d’une révélation pour être connue. Nous voyons donc là notre cher Seigneur comme le vrai Joseph. De même que Joseph, autrefois rejeté par ses frères, reçut le nom de ‘Tsaphnath-Pahnéakh’, ce qui signifie ‘révélateur de secrets’ selon l’interprétation rabbinique, ainsi le Seigneur révèle Lui aussi aux Siens les mystères du royaume des cieux.

Comme les disciples autrefois, nous sommes également aujourd’hui à l’intérieur, dans la « maison » avec le Seigneur Jésus (comp. Matthieu 13:36). N’est-ce pas un privilège inestimable de pouvoir, à l’abri du monde, prêter là l’oreille à Ses paroles de grâce, et les comprendre par Sa grâce ? Lorsque nous arriverons à la méditation de chacune des paraboles, nous allons vite remarquer que Ses paroles et Ses paraboles sont loin d’être simples, et qu’elles ont une grande profondeur. Derrière des expressions souvent très modestes et des images naturelles, il y a chaque fois une signification spirituelle, profonde et cachée, que seul le Saint Esprit peut nous faire saisir. Cette signification n’est nullement à la surface, comme si elle était accessible à tous. Finalement le Seigneur exprimait ce qui était « caché dès la fondation du monde » (Matthieu 13:35).

Peut-être nous a-t-il échappé que les discours du Seigneur en paraboles ne commencent pas seulement à partir de la description de la rupture avec Israël en tant que nation. L’évangéliste Marc qui, contrairement à Matthieu, rapporte en principe les événements de manière chronologique, montre déjà au ch. 3 de son évangile comment le Seigneur se servit d’une parabole pour mettre à nu la folie des scribes (Marc 3:23 et suiv.). Et encore avant, au ch. 2, on a la parabole du morceau de drap neuf sur un vieil habit (Marc 3:21 et suiv.) ; or Luc nous dit que cette image constitue en fait une parabole (Luc 5:36). Nous allons revenir tout de suite sur cette indication intéressante.

1.6 - Classement des paraboles

J’ai beaucoup réfléchi pour savoir quel était le meilleur ordre et la meilleure manière d’aborder l’étude des paraboles. On peut les regrouper ou les résumer de bien des manières. Il y a les paraboles à caractère dispensationnel, et d’autres où ce sont plutôt les enseignements moraux qui sont mis en avant. Un grand nombre de paraboles s’occupe de la pensée du royaume de Dieu.

Bien des paraboles nous présentent la personne du Seigneur sous différents angles. C’est ainsi qu’entre autres, Il se présente dans les paraboles comme semeur, comme roi, comme fils de roi, comme samaritain, comme maître d’esclaves, comme une personne qui cherche, comme berger, comme juge, comme marchand, comme grain de blé, comme bâtisseur, comme rocher, comme époux, comme homme noble, comme médecin, comme vigneron-propriétaire. D’autres paraboles montrent ce que sont les hommes. Ils sont comparés à de la bonne et à de la mauvaise semence, à des vierges sages et à des vierges folles, à des esclaves bons et méchants, à des poissons bons et mauvais, à un trésor, à une perle, à des lumières, à du sel. Nous les voyons comme invités à des noces, comme voyageurs, comme fils, comme débiteurs, comme brebis, comme sarments, comme figuier, comme drachmes (de l’argent).

Il y a des paraboles qui parlent de ce que Christ est devenu homme, d’autres qui parlent de Sa mort, de Son ascension, de Son retour. Certaines sont données par le Seigneur Jésus en réponse à des questions qu’on Lui posait. Les paraboles doubles occupent une place particulière. Dans ces paraboles, on a ou bien la même ligne de pensées, ou bien l’usage de symboles identiques ou voisins. De telles paraboles peuvent se trouver soit directement l’une après l’autre, soit à des endroits tout à fait différents. Il y a des cas de paraboles doubles où l’une est dans un évangile et son complément dans un autre. Par exemple, ‘le figuier’ se trouve en Matthieu 24 et en Luc 13, ‘le bon berger’ en Luc 15 et en Jean 10.

Nous pourrions poursuivre le classement des paraboles sous différents points de vue. Mais les différents groupes de paraboles se chevauchent plus ou moins, ce qui rend difficile de fixer des frontières.

Tout bien pesé, il semble que le mieux c’est de laisser les différentes paraboles dans leur « environnement naturel », là où l’Esprit Saint les a placées par le moyen des différents écrivains, et de les considérer dans l’ordre où elles se trouvent dans les évangiles. Dans la mesure du possible, il sera bon de mettre en évidence les relations entre paraboles parallèles ou enseignements parallèles.

Nous avons parlé tout à l’heure des grandes paraboles. En règle générale, c’est à elles que nous pensons lorsque nous entendons parler de ‘paraboles’. Mais outre celles-ci, le Seigneur Jésus a inséré dans Ses discours beaucoup de petites images ou comparaisons. En fait, ces petites figures ou expressions imagées constituent également des paraboles. Nous avons déjà vu que Luc qualifie de ‘parabole’ l’image du morceau de drap neuf sur un vieil habit (Luc 5:36). Or Matthieu et Marc n’utilisent pas cette expression (Matthieu 9:16 ; Marc 2:21). En ce qui concerne l’image d’un aveugle conducteur d’aveugle, nous n’aurions guère parlé de parabole, et pourtant il est dit en Luc 6 : « Et il leur disait aussi une parabole : Un aveugle peut-il conduire un aveugle ? ne tomberont-ils pas tous deux dans la fosse ? » (Luc 6:39). « Expose-nous cette parabole » demanda aussi l’apôtre Pierre en Matthieu 15 après que le Seigneur, dans un autre cadre, ait comparé les pharisiens à des aveugles conducteurs d’aveugles (Matthieu 15:14, 15). Et quand Il parla du ‘maître de maison’ qui aurait veillé sur sa maison s’il avait su à quelle heure le voleur devait venir, le même disciple Lui demanda immédiatement : « Seigneur, dis-tu cette parabole pour nous, ou aussi pour tous ? » (Luc 12:41).

Nous pouvons conclure de tout cela que le Sauveur a bien plus parlé en paraboles que nous ne le penserions à première vue. Comme les petites paraboles sont aussi pleines d’enseignements pour nous, nous voulons aussi les prendre en compte dans ce qui suit, sans toutefois prétendre être exhaustif.

C’est par quelques-unes de ces petites images que nous désirons commencer nos méditations sur les paraboles du Seigneur dans les évangiles. Que notre bon Seigneur veuille nous ouvrir ces paroles de Sa bouche et nous les rendre précieuses ! Qu’Il veuille nous aider aussi à mettre en pratique ce que nous en avons appris afin que tout contribue à Sa gloire !

2 - Paraboles de Matthieu 5 et 6

2.1 - Le sel de la terre — Matthieu 5:13

Le Seigneur commence déjà dans le sermon sur la montagne à insérer une série de petites paraboles dans Son enseignement. La première parabole double du Nouveau Testament se trouve immédiatement après les béatitudes de Matthieu 5 : la parabole du ‘sel de la terre’ et celle de la ‘lumière du monde’. Nous voulons considérer ces deux paraboles d’abord séparément, l’une après l’autre, puis nous montrerons ensuite ce qui les relie et ce qui les différencie.

« Vous êtes le sel de la terre ; mais si le sel a perdu sa saveur, avec quoi sera-t-il salé ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et à être foulé aux pieds par les hommes » (Matthieu 5:13).

Dans les douze premiers versets du chapitre, le Seigneur Jésus a montré le caractère de ceux qui appartiennent au royaume des cieux. Nous reviendrons plus loin en détail sur la question du royaume à propos du ch. 13 et des paraboles du royaume des cieux. Pour le moment, il suffit de remarquer que, par l’expression ‘royaume des cieux’, il ne faut comprendre ni le ciel lui-même, ni l’assemblée (ou église) de Dieu, mais ce domaine sur la terre où est reconnu Jésus Christ, rejeté des Juifs et demeurant maintenant dans le ciel. Si donc les béatitudes montrent les traits de caractère qui conviennent au royaume des cieux, le Seigneur décrit maintenant la position de Ses disciples sur la terre pendant le temps de Son absence.

2.1.1 - Que signifie le sel ?

Il commence par dire « vous êtes le sel de la terre ». Le ‘vous’ est fortement accentué dans le texte original : « vous — vous seuls — êtes le sel de la terre ». Permettez de répéter : le Seigneur parle de Ses disciples, de ceux qui professent être de Son côté à Lui, le roi légitime de ce royaume. Certes, cette profession peut être authentique ou non, comme l’indique la phrase suivante. Mais le Seigneur part quand même d’abord du fait qu’elle est authentique ; aussi dit-Il : « vous êtes ». C’est toujours la manière de considérer les choses dans l’Écriture quand il est question du domaine de profession de christianisme sur la terre. Nous devrions prendre à cœur cette manière de voir, et la faire nôtre, et non pas toujours penser immédiatement aux non croyants quand nous entendons parler d’un ‘professant’.

Or le Seigneur Jésus ne dit pas qu’ils doivent être le sel de la terre, mais qu’ils le sont. Il ne parle pas sous forme d’exhortation, mais d’exposé d’une vérité. Cette manière d’enseigner est toujours encourageante pour le croyant. Le fait incontestable qu’ils sont le sel de la terre renforce en effet le côté exhortatif de ce genre d’explication. C’est ainsi que Jésus dit en Jean 10 que Ses brebis Le suivent (10:4, 27). C’est-à-dire que la caractéristique de Ses brebis est de suivre le Bon Berger. Si elles ne le font pas, c’est (au moins en principe) qu’elles ne font même pas partie de Ses brebis. Quelle exhortation pour nous dans cette déclaration quand nous pensons combien peu nous correspondons dans nos vies journalières à cette vérité absolue ! Pour revenir à Matthieu 5, nous apprenons donc de la bouche du Seigneur ce qui caractérise la position de Ses disciples ici sur la terre : Ils sont le sel de la terre.

Le sel jouait déjà un rôle important dans l’Ancien Testament. Tout sacrifice devait être salé de sel (Marc 9:49), non seulement les offrandes de gâteau (Lévitique 2:13), mais aussi les holocaustes (Ézéchiel 43:24), et même l’encens saint (Exode 30:35). Exercer le service du temple sans sel était de fait impensable (Esdras 6:9 ; 7:22). De plus, le sel servait à confirmer les contrats et les alliances, les rendant, en figure, durables et stables (Nombres 18:19 ; 2 Chroniques 13:5). Le prophète Élisée assainit les eaux de Jéricho en jetant du sel dans l’eau de source (2 Rois 2:19-22). Le ‘sel’ représente un principe conservateur agissant contre la corruption et la pourriture. Il symbolise les droits de Dieu, Ses principes justes lorsqu’Il agit avec les hommes. Ce n’est pas par hasard que la forme de jugement atteignant la femme de Lot consista en ce qu’elle fut pétrifiée en une statue de sel (Genèse 19:26).

Le sel empêche la corruption, le levain la génère. C’est pourquoi il ne devait jamais y avoir de levain dans les sacrifices, alors que le sel en était un constituant inévitable. Tout cela nous livre la clef de la signification symbolique du ‘sel’ : il préserve de la corruption, il donne de la durabilité au bien. Certes il ne peut pas rétablir ni guérir ce qui est déjà corrompu, mais il peut maintenir en l’état ce qui est encore bon.

Dans quelle mesure les disciples du Seigneur « salent-ils » la terre maintenant ? Par quel moyen maintiennent-ils les droits de Dieu dans un monde qui ne reconnaît ni Lui ni ce à quoi Il a droit ? De quelle manière contrecarrent-ils la corruption morale parmi les hommes ? Tout simplement par une vie dans la crainte de Dieu et la justice. Le Saint Esprit les préserve de tout ce qui est impur, et suscite dans leur cœur la sainteté et la consécration pour Dieu. C’est ainsi qu’ils ont revêtu les « armes de la lumière » (Romains 13:12), et qu’ils ont les « armes de la justice à la main droite et à la main gauche » (2 Corinthiens 6:7). Certainement, ils rendent témoignage contre le mal aussi par leurs paroles, selon les opportunités.

Cela ne veut pourtant pas dire qu’ils mettent à nu les péchés des hommes et les fustigent en toute occasion, ni qu’ils doivent entrer en guerre publiquement contre l’injustice et l’immoralité qui dominent toujours plus le monde. Une vie dans la crainte de Dieu parlera beaucoup plus tranquillement, mais efficacement, et alors « une parole dite en son temps, combien elle est bonne ! » (Proverbes 15:23) ; elle vaut « des pommes d’or incrustées d’argent » (Proverbes 25:11). Les vrais chrétiens n’ont rien à faire avec les conflits sociaux, syndicaux et politiques. Ils sont étrangers ici-bas et sans droit de cité et ne sont pas du monde. Si malgré tout, ils se laissent impliquer dans ce genre de conflits, ils ressemblent à celui dont parle l’Écriture sainte : « il saisit un chien par les oreilles, celui qui, en passant, s’emporte pour une dispute qui n’est pas la sienne » (Proverbes 26:17) : il en résulte des morsures cruelles, comme on a dit fort justement.

Sommes-nous assez conscients, chers amis, que nous sommes laissés ici-bas pour représenter les principes de la justice de Dieu sur la terre ? Les gens autour de nous nous observent plus que nous ne pensons. S’ils aperçoivent chez nous de la sainteté pratique, s’ils reconnaissent que nous nous laissons conduire dans la vie par des principes divins, ils en seront impressionnés d’une manière ou d’une autre, même sans vouloir l’admettre. En tout cas, la propagation du mal sera entravée dans une mesure et dans un certain sens. C’est l’effet du ‘sel’ qui s’étend sur les autres.

Nous voyons une pensée semblable en 2 Thessaloniciens 2. Le mystère d’iniquité opère déjà, « seulement celui qui retient maintenant, le fera jusqu’à ce qu’il soit loin. Et alors sera révélé l’inique » (2 Thessaloniciens 2:7-8). Aussi longtemps que le Saint Esprit habite dans l’assemblée sur la terre, c’est comme un verrou mis au développement sans frein de l’iniquité jusqu’à son apogée, et à l’apparition de l’antichrist.

Mais avec l’enlèvement de l’église, la situation changera d’un coup fondamentalement. Le Saint Esprit et l’assemblée seront alors loin — [en allemand : « hors du chemin »] : quelle expression marquante ! — alors l’iniquité et la violence se répandront sur terre avec une énergie effrayante et une rapidité effrénée.


2.1.2 - Pourquoi le sel de la ‘terre’ ?

Il est remarquable que le Seigneur Jésus ait parlé de Ses disciples d’abord comme le sel de la terre, et ensuite comme la lumière du monde. Le passage du mot ‘terre’ au mot ‘monde’ est forcément voulu, il n’est pas dû au hasard. Manifestement le Seigneur voulait exprimer avec le mot ‘terre’ une autre pensée qu’avec le mot ‘monde’. Le ‘monde’ dans ce genre d’expression, signifie les gens dans leur totalité, comme par exemple dans le passage connu de Jean 3:16: « car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son fils unique ». Il n’a pas aimé l’univers ni le système du monde, mais les gens dans le monde.

Par contre, la ‘terre’ semble indiquer un domaine où règne un certain ordre au sens moral et religieux. Cet ordre moral est le résultat de l’action et de l’opération de Dieu. Dieu ne s’est pas laissé sans témoignage dans le domaine décrit comme la ‘terre’ ; Il s’y est manifesté dans une certaine mesure, Il a donné des bénédictions et les a confiées à la responsabilité de l’homme. La ‘terre’ désigne ainsi un domaine de privilèges divins, et aussi avec cela, de responsabilité humaine. Autrement dit encore, la ‘terre’ est le domaine d’une profession religieuse de Dieu.

La compréhension de ce terme est facilitée quand on remarque que la ‘terre’ peut tout aussi bien être traduit par le ‘pays’. En fait, au temps de l’Ancien Testament, le pays d’Israël était ce domaine des privilèges et de la responsabilité. C’est dans ce domaine que les disciples devaient alors commencer leur témoignage en tant que ‘sel de la terre’.

Aujourd’hui, par le terme ‘terre’, il faut comprendre la chrétienté. Dieu s’y est manifesté beaucoup plus largement qu’en Israël, et la mesure de notre responsabilité croit avec la grandeur des bénédictions. Il est important que les disciples du Seigneur d’aujourd’hui comprennent que le domaine où ils doivent agir comme ‘sel’, c’est la chrétienté. Que la chrétienté se soit corrompue, cela ne peut être ignoré. Elle va s’écarter encore plus jusqu’à un abandon total de Christ et de la vérité divine. Ce sera alors l’apostasie. Dès lors, nous ne nous étonnons pas de voir dans le dernier livre de la Bible le jugement s’abattre justement sur cette ‘terre’ — la chrétienté déchue. L’Apocalypse fait bien la distinction entre d’une part la ‘grande foule’ de toute nation, tribu, peuples et langues (7:9), et même les païens, et d’autre part la ‘terre’ qu’atteindra le juste jugement de Dieu. Mais aujourd’hui, nous sommes encore dans le temps de la grâce, et le Seigneur veut nous aider à contrecarrer la corruption morale et religieuse qui nous entoure — pour le bien et le salut d’encore beaucoup de gens !

2.1.3 - Être salé de feu et de sel

Avant de nous occuper du sel qui a perdu sa saveur, nous voudrions jeter un coup d’œil sur l’évangile de Marc où le Seigneur ajoute des paroles qu’on ne trouve pas en Matthieu.

« Car chacun sera salé de feu ; et tout sacrifice sera salé de sel. Le sel est bon ; mais si le sel devient insipide, avec quoi lui donnerez-vous de la saveur ? Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix entre vous » (Marc 9:49-50).

Les disciples du Seigneur ne sont pas qualifiés ici de sel de la terre. Ils devraient beaucoup plutôt avoir le principe assainissant en eux-mêmes, le cultiver, et de cette manière être en paix entre eux. Quand nous nous jugeons nous-mêmes devant Dieu, nous sommes toujours plus prêts à supporter et à pardonner les fautes des autres. Avoir aussi du sel en nous-mêmes, conduit à la paix avec les autres. Avons-nous bien réfléchi à cette connexion des choses ?

Mais que veut dire le Seigneur Jésus quand Il dit que chacun sera salé de feu et que tout sacrifice sera salé de sel. Le ‘feu’ est le symbole du jugement de Dieu qui examine et rétribue ; et ‘chacun’ désigne ‘tous les hommes’. Tout homme donc, parce qu’il est pécheur de nature, doit être mis en relation avec le feu du jugement divin en quelque manière que ce soit. Si quelqu’un décline la grâce de Dieu en Christ, et rejette la personne et l’œuvre de Christ, il trouvera sa place finale dans « l’étang de feu », « l’étang brûlant de feu et de soufre, qui est la seconde mort » (Apocalypse 20:15 ; 21:8). Dieu est un « feu consumant » (Hébreux 12:29). Cependant le croyant se laisse sonder par Dieu, il s’éprouve et se juge lui-même. Il saisit par la foi que le feu du jugement divin a atteint Un autre à sa place. Il ne vient donc en relation avec le feu qu’indirectement, à savoir dans le sacrifice de Christ. En fait c’est le Seigneur Jésus, comme notre substitut, qui a été parfaitement « salé de feu », lorsqu’Il a souffert pour nous et nos péchés durant les trois heures de ténèbres à la croix.

La phrase suivante vise aussi au premier chef, à mon avis, Son sacrifice parfait : « et tout sacrifice sera salé de sel ». Le sacrifice de Jésus est d’une efficacité éternelle. Il a eu lieu une fois pour toutes, et par là Dieu a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés (Hébreux 10:10, 14). Merveilleuse grâce ! Elle est encore rehaussée en ce que les croyants peuvent offrir maintenant « leur corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu » (Romains 12:1). Les résultats d’une vie sainte, consacrée à Dieu, ne sont pas sans effet sur notre entourage, comme nous l’avons vu — et nous retrouverons ces résultats au ciel. Ces résultats survivront aussi à cette pauvre terre et à tout ce qui s’y voit, pour la gloire éternelle de Dieu.

2.1.4 - Le sel sans saveur

Le Seigneur Jésus termine la courte parabole par un avertissement sérieux :

« Vous êtes le sel de la terre ; mais si le sel a perdu sa saveur, avec quoi sera-t-il salé ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et à être foulé aux pieds par les hommes » (Matthieu 5:13).

Le sel peut-il devenir fade, sans saveur, dessalé ? En soi non ; le sel (chlorure de sodium) est une combinaison chimique stable, qui ne se détruit pas dans la nature. C’est pourquoi beaucoup de commentateurs sont partis de cette hypothèse que le Seigneur voulait signaler ici une absurdité, un contresens. Mais cela contredirait la pensée principale de la parabole, et serait indigne du Seigneur. Aurait-Il considéré nécessaire d’expliquer Sa pensée en ayant recours à une comparaison qui serait un contresens ? Ce n’est guère imaginable.

Les habitants de Palestine ont eu de tout temps l’habitude d’obtenir du sel par évaporation d’eau de la Mer Morte. Mais outre le chlorure de sodium, ce sel contient une grande quantité d’impuretés comme du calcaire, du magnésium et des résidus de végétaux. Si ce ‘sel’ prend l’humidité, le chlorure de sodium est entraîné, et il reste principalement les autres constituants. Un tel « sel » est totalement inutilisable pour préparer des plats de cuisine, et on le répandait sur les chemins et sur les toits des maisons, comme agent de consolidation, notamment du sol. Ainsi les gens ‘foulaient aux pieds’ littéralement le « sel » devenu sans saveur. C’est manifestement l’usage du sel sans saveur auquel le Seigneur fait allusion dans la parabole — un usage tout à fait familier à Ses auditeurs.

Le Seigneur Jésus voulait-Il dire par là, que les croyants, s’ils ne correspondent pas aux règles, vont finalement être perdus ? Non, ce n’est pas de cela que parle la parabole. Elle concerne le fait d’être disciple, elle vise le domaine de ce qu’on professe ici-bas sur la terre. Le Seigneur préparait à l’avance Ses disciples par ces paroles sur le fait, qu’un jour, il se trouverait parmi eux, des gens qui extérieurement professeraient être chrétiens, mais qui intérieurement le répudieraient et en renieraient la puissance. Nous pensons involontairement à la description des gens des « derniers jours », ceux où nous vivons, « qui ont la forme de la piété, mais qui en ont renié la puissance » (2 Timothée 3:1-5).

En fait la chrétienté est caractérisée par une grande impuissance et par l’indifférence à l’égard des intérêts de Dieu. Elle a perdu le ‘sel’, et pour beaucoup de gens, elle est devenue une affaire creuse, qu’on considère avec mépris, aussi bien chez les Juifs que chez les nations. On voit aujourd’hui la chrétienté si faible et si misérable qu’on a tout lieu de craindre qu’elle ne génère plus d’incroyants que tous les livres des moqueurs et critiques incrédules.

Le Seigneur attire aussi l’attention sur quelque chose de sérieux : l’irréversibilité du développement. Une fois qu’on a abandonné Christ et la vérité de Dieu, il n’y a plus moyen d’arrêter la tendance au déclin. Bien sûr Dieu opère dans Sa grâce ici ou là, Il travaille dans des individus, Il appelle à sortir et Il sauve. Mais la masse des professants chrétiens ne peut plus être restaurée, et elle ne le sera pas. Elle ira plus avant dans l’impiété et elle trouvera finalement le jugement mérité.

Le livre de l’Apocalypse nous montre, sous l’image de ‘Babylone’ et de la ‘prostituée’, la dernière phase de la chrétienté sans Christ. Avant de rencontrer le jugement de Dieu, il s’accomplira ce que le Seigneur Jésus a prédit dans cette parabole : ce système rencontrera le mépris et l’inimitié des gens. « Et il me dit : Les eaux que tu as vues, où la prostituée est assise, sont des peuples et des foules et des nations et des langues. Et les dix cornes que tu as vues et la bête, — celles-ci haïront la prostituée et la rendront déserte et nue, et mangeront sa chair et la brûleront au feu » (Apocalypse 17:15-16).

2.1.5 - Résumé

Résumons encore une fois l’enseignement de cette parabole. Les paroles du Seigneur en Matthieu et en Marc se complètent l’une l’autre. Si les disciples ont du sel en eux-mêmes, alors ils sont aussi par ce moyen le sel de la terre. Si cependant les chrétiens abandonnent leur sainteté pratique et leur dévouement pour Dieu, ils perdent ainsi leurs caractères de ‘sel’, et ils sont dès lors entièrement sans valeur pour le monde. Ils peuvent se mobiliser contre la misère de ce monde, ils peuvent chercher à se rendre utiles de toute sorte d’autres manières — s’ils n’ont pas de sel en eux-mêmes, ils ne sont plus bons à rien, sinon à être jetés dehors et à être foulés aux pieds par les gens. Les gens intelligents peuvent toujours objecter et dire ce qu’ils voudront, le point de vue de Dieu reste celui-là.

Que dans ces derniers jours si sérieux, le Seigneur puisse nous aider à avoir du sel en nous-mêmes, en sorte que nous jugions en nous tout ce qui pourrait aller à l’encontre de la clarté et la pureté de notre témoignage devant le monde ! Notre exemple et notre vie opèrent plus que tout ce que nous pouvons dire.

2.2 - La lumière du monde — Matthieu 5:14-16

La deuxième image dont le Seigneur se sert est celle de la ‘lumière du monde’. C’est une déclaration étonnante du Seigneur : Pendant le temps de Son absence, Ses disciples seraient la lumière du monde en plus d’être le sel de la terre.

« Vous êtes la lumière du monde : une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Aussi n’allume-t-on pas une lampe pour la mettre ensuite sous le boisseau, mais sur le pied de lampe ; et elle luit pour tous ceux qui sont dans la maison » (Matthieu 5:14-15).

2.2.1 - Que signifie la ‘lumière’ ?

Tandis que la première image du ‘sel de la terre’ contenait la pensée de justice, la seconde parle de grâce. Ces deux pensées ou principes sont aussi à la base des béatitudes du début du chapitre 5 de Matthieu. Aux versets 3 à 6, on voit des traits de caractère caractérisés par la justice, et aux v. 7 à 9 nous sont présentés ceux en relation avec la grâce. Même quand le Seigneur Jésus, à la suite de cela, parle des persécutions que rencontreraient Ses disciples, Il nomme en premier ceux qui sont persécutés à cause la justice (5:10), et ensuite ceux qui seraient rendus capables par grâce d’endurer les persécutions et les calomnies à cause de Lui (5:11-12).

Le sel et la lumière sont bien différents l’un de l’autre. Ils ont pourtant ceci en commun, c’est qu’ils parlent tous les deux d’un témoignage pour Dieu. Et parce que la corruption et les ténèbres au sens spirituel vont toujours ensemble, le Seigneur Jésus montre à Ses disciples, dans cette double parabole, la double responsabilité, mais aussi le double besoin des hommes.

Le sel agit à l’encontre de la corruption, tandis que la lumière chasse les ténèbres. Dans cette mesure, les deux paraboles contiennent une pensée commune. Bien des passages de la Parole dévoilent le mal moral du monde (par exemple 1 Jean 5:19 ; Galates 5:19-21 ; Romains 1:23-32 ; 2 Timothée 3:1-5). Le sel a son rôle là contre. D’autres passages montrent plutôt l’inintelligence, l’aveuglement spirituel et la folie des hommes (par exemple 2 Corinthiens 4:4 ; Éphésiens 4:18 ; 2 Thessaloniciens 2:10 ; Matthieu 24:11). Pour les chasser, Dieu, dans Sa grâce, fait briller la lumière.

La ‘lumière’ parle de ce que Dieu a fait connaître de Lui-même et de Ses pensées. Dans l’Ancien Testament, on trouvait déjà une certaine lumière de Dieu et au sujet de Dieu. Le chandelier d’or en Israël, répandait symboliquement Sa lumière dans le sanctuaire de Dieu (Exode 27:20), et les hommes de Dieu fidèles se réjouissaient de la lumière qui émanait de Dieu et de Sa Parole (Psaume 4:6 ; 27:1 ; 36:9 ; 43:3 ; 97:11 ; 112:4 ; 118:27 ; 119:105 ; Proverbes 6:23). Mais le peuple d’Israël dans son ensemble a failli comme porteur du témoignage de Dieu devant le monde. Ils n’ont ni apprécié eux-mêmes la lumière qui leur était offerte, ni surtout pensé à répandre la lumière au-dehors. Les étrangers qui venaient des nations vers Israël pouvaient à peine y reconnaître encore la lumière. Salomon a constitué une exception brillante dans l’histoire d’Israël, par ailleurs fort sombre. Quand la reine de Shéba, venant de son lointain pays, l’a visité, il comprit déjà que « ceux qui entrent » doivent « voir la lumière » (Luc 11:33). Elle était « hors d’elle » en voyant toute la sagesse de Salomon (1 Rois 10). Au temps du Nouveau Testament, les Juifs se vantaient d’être des « conducteurs d’aveugles » et « lumière de ceux qui sont dans les ténèbres » (Romains 2:19), mais la réalité leur manquait, ils n’étaient Juifs qu’extérieurement (Romains 2:28-29).

Quand le Fils de Dieu a été ici-bas sur la terre, Il était la lumière du monde (Jean 9:5), la vraie lumière (Jean 1:9). Il pouvait dire « Moi, je suis venu dans le monde, la lumière, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jean 12:46). Il révélait parfaitement qui était Dieu et ce que Dieu était. En Lui comme homme sur la terre, nous pouvons en fait trouver la vérité sur tout et tous. C’est un sujet béni, et quand on s’y arrête, cela conduit à adorer. Mais bien que Christ fût et soit la pleine révélation de Dieu, l’image du Dieu invisible (Jean 1:18 ; Colossiens 1:15), les hommes ont haï la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises et qu’ils ne voulaient pas se voir mis à nu (Jean 3:19-20). Nous savons qu’ils n’ont pas eu de repos tant qu’ils n’ont pas réussi à faire taire cette voix d’exhortation.

Or Christ dit à Ses disciples : « vous êtes la lumière du monde ». Quand Il a été rejeté et qu’Il est monté au ciel, Il a alors établi les Siens pour répandre à Sa place la lumière divine parmi les hommes. Bien qu’ils étaient autrefois eux-mêmes « ténèbres », ils sont maintenant « lumière dans le Seigneur » et par là ils sont rendus capables de marcher comme « enfants de lumière » (Éphésiens 5:8). Dans l’épître aux Philippiens, ils sont comparés avec des « lumières » dans le firmament (*), qui reluisent au milieu d’une génération tortue et perverse, « présentant la Parole de vie » (Philippiens 2:15-16). Ainsi la lumière qu’ils réfléchissent n’est pas leur propre lumière ; ils la reçoivent entièrement de Christ, leur Seigneur glorifié en haut.

(*) Note du traducteur : ‘luminaires’ dans la version française JN Darby, comme en Genèse 1:16.

C’est la grande grâce du temps présent, que la lumière brille toujours et encore, devant les autres et pour d’autres. Ce peut être une lumière qui indique la direction ou une lumière qui avertit — elle brille pour le bien des hommes. À cet égard, l’effet et le caractère de la lumière dépassent largement ceux du ‘sel’. Le ‘sel’ ne peut pas tout manifester ; il ne peut pas porter remède à un état corrompu. Par contre, la lumière de Dieu est capable de faire les deux. La lumière de la manifestation de Dieu ne met pas seulement le mal à nu — non, mais elle apporte aussi la grâce et la miséricorde divine dans ce qui n’est en soi que ténèbres. Elle illumine les ténèbres de l’âme et conduit à faire briller la lumière de la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ (2 Corinthiens 4:6). N’est-ce pas une pensée magnifique et stimulante que Dieu veuille aujourd’hui utiliser les Siens à répandre Ses pensées au sujet de Christ dans ce monde de ténèbres ? Qu’il est réjouissant d’apprendre que, malgré tous les efforts de Satan pour éteindre la lumière, « les ténèbres s’en vont, et la vraie lumière luit déjà » (1 Jean 2:8) ! Et ici, ce n’est pas Christ la vraie lumière ; non, ce sont les Siens, parce qu’ils possèdent Sa vie et qu’ils la reflètent.

2.2.2 - Deux images

Le Seigneur utilise maintenant deux images dans notre parabole : celle d’une ville sur une montagne et celle d’une lampe allumée dans une maison. La première nous parle de lumière vers l’extérieur, la seconde de lumière à l’intérieur.

Par une « ville située sur une montagne », et qui, à cause de cela, ne peut être cachée, nous devons bien d’abord penser à une ville d’Orient construite en pierres calcaire blanches, qui, dans l’antiquité, était souvent située sur une colline, et était visible de loin sous la lumière brillante du soleil, avec ses maisons, ses murailles et ses tours. Qu’on puisse aussi bien voir cette ville pendant la nuit à cause des nombreuses lampes allumées dans les maisons, c’est bien sûr aussi vrai.

Une telle ville ressemble aux disciples du Seigneur : par leur témoignage sur leur Maître et Seigneur, ils ont répandu la lumière spirituelle, qu’eux-mêmes avaient reçu auparavant. Cette lumière est accessible à tous les hommes ; elle est destinée à tous, elle est pour le ‘monde’, non pas seulement pour le domaine restreint de la ‘terre’. De vrais disciples du Seigneur ne peuvent pas rester cachés dans le monde : c’est la normale des choses. Quelle mesure de lumière la chrétienté a-t-elle répandu dans ce monde, ce n’est pas clair pour nous en général. Il y en a plus que des traces même encore aujourd’hui — Dieu en soit loué ! — alors que nous sommes dans un temps où les valeurs chrétiennes disparaissent de plus en plus. Les paroles du Seigneur n’ont pourtant rien perdu de leur valeur. Cela doit nous encourager.

Mais alors, le Seigneur passe à une autre image. Il prévoyait ouvertement le danger que la lumière puisse être obscurcie par l’infidélité humaine. Comme le sel perdant sa saveur, ainsi aussi l’influence de la lumière pouvait être inhibée. Dans les deux cas, le sel ou la lumière seraient inutilisables pour le but envisagé.

Sans aucun doute, dans le domaine naturel, les gens ne mettent pas une lampe allumée sous boisseau ou sous un lit (Marc 4:21 ; Luc 8:16). La lumière doit en fin de compte servir à tous dans la maison. Les gens n’aiment pas vivre dans le noir, et s’il fait sombre, ils allument la lumière. Il n’est pas seulement désagréable de se tenir et de se mouvoir dans l’obscurité, mais c’est aussi dangereux. C’est pourquoi ils apprécient absolument les sources de lumière artificielle, même si leur lumière peut être faible, comme dans l’antiquité. Non, ils ne voudraient pas couvrir d’un vase une lampe allumée (Luc 8:16), ni la mettre dans un endroit caché (Luc 11:33), mais bien plutôt la mettre sur un pied de lampe, « pour que ceux qui entrent voient la lumière ».

Cependant dans le domaine spirituel, les gens agissent souvent tout à fait différemment. La lumière spirituelle n’est pas du tout autant appréciée que la lumière naturelle. C’est pourquoi il existe le danger de cacher la lumière reçue par une suractivité ou par la soif du gain (le boisseau) ou par la recherche du confort (le lit) ou de toute autre manière (un vase). Nous savons que c’est justement ce qui s’est passé dans la chrétienté. Oui, on craint cette lumière qui met à nu sa propre défaillance et le vide complet du système.

La ‘maison’ symbolise à l’évidence un domaine intérieur qui nous est confié à nous chrétiens. C’est la volonté de Dieu que Sa lumière éclaire la scène dans ce domaine. Luc nous montre dans son évangile (8:16 ; 11:33) que le Seigneur Jésus a utilisé deux fois l’image de la lampe allumée, dans des circonstances différentes. Les deux fois il cite les paroles du Seigneur : « pour que ceux qui entrent voient la lumière ».

Nous avons déjà touché cette question : quand la reine de Shéba vint vers Salomon pour entendre sa sagesse, c’est là qu’elle vit quelque chose de la lumière et de l’ordre de Dieu dans Sa maison. Qu’en est-il pour nous ? Quand des étrangers viennent à nous dans nos maisons ou dans nos réunions, sont-ils impressionnés par la lumière qui y règne ? Quand on vient du dehors et qu’on entre dans la ‘maison’ de la chrétienté, on ne doit plus voir grand’ chose de la lumière que Dieu avait confié à l’origine. Mais le Seigneur veut nous aider à veiller à ce que, dans le domaine où nous pouvons encore exercer une influence, la lumière divine ait la direction. Ceux qui entrent s’en apercevront (comp. 1 Corinthiens 14:24-25). Et en ce qui concerne ceux qui « sont dans la maison », la lampe les éclaire et ils peuvent se mouvoir en sécurité à sa lumière. Quelle bénédiction inestimable quand, avant tout, les maisons des croyants sont conduites par la lumière des pensées et des révélations divines, et non pas par la sagesse humaine ou par l’arbitraire ou le hasard !

Mais le ‘boisseau’ et le ‘lit’ représentent pour nous et en tout temps, un danger à ne pas sous-estimer. Si nous inclinons soit vers l’un soit vers l’autre, nous perdrons peu à peu la lumière.

2.2.3 - Les bonnes œuvres

Le Sauveur termine la parabole en résumant son enseignement par l’invitation suivante :

« Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, en sorte qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Matthieu 5:16).

La lumière qu’Il a donnée doit luire devant les hommes. Posséder la « connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ » est, à cet égard, à la fois une condition et une obligation. Nous devons sans aucun doute penser que la lumière fait son œuvre de manière cachée, là où les gens ne la voient pas, mais où Dieu, notre Père, l’aperçoit — Lui « qui voit dans le secret » (Matthieu 6:6). Mais ici, nous avons le côté allant vers l’extérieur.

Ce n’est pas nos bonnes œuvres que nous devons faire luire devant les hommes, mais notre lumière. Faire luire les bonnes œuvres mettrait l’accent du mauvais côté et ne conduirait qu’à glorifier l’homme. Ce que nous avons à chercher, ce n’est pas de mettre en valeur des bonnes œuvres, mais d’attacher la plus grande importance au témoignage pour notre Seigneur. Si Dieu s’est donné à connaître dans Son Fils, Il veut aussi que nous Lui rendions témoignage devant le monde en paroles et en actes. Le faisons-nous ? Pour cela, nous n’avons pas besoin d’attendre des circonstances grandes et spéciales. La vie quotidienne offre mille occasions de montrer aux gens ce que le Seigneur Jésus signifie pour nous. Une vie de communion avec Lui sera aussi riche en bonnes œuvres qui, elles, seront vues des hommes.

Que veut dire le Seigneur par ‘bonnes œuvres’ ? Entend-Il par cette expression, la même chose que les gens du monde, des œuvres d’amour du prochain, par exemple ? S’il en était ainsi, Il mettrait les Siens sur le même terrain que les incroyants, et Il ferait dépendre de ceux-ci l’appréciation de ce qui est « bon ». Quand ils exercent la bienfaisance (les gens distingués et religieux sont prêts à le faire, et sont en mesure de le faire), c’est parce que eux l’estiment « bonne ». Mais aux yeux de Dieu, n’est bon que ce qui correspond à Sa volonté et qui est fait par obéissance envers Lui. Seul Dieu fait le bien sans obéir, justement parce qu’Il est Dieu, parce qu’Il est le Souverain. Dans un sens semblable, le Seigneur disait autrefois au jeune homme riche : « personne n’est bon, sinon un seul, Dieu » (Marc 10:18). Mais la créature ne fait le bien que quand elle Lui obéit.

Non, ce ne sont pas les actions d’amour du prochain en soi que le Seigneur attend de Ses disciples, mais Il cherche quelque chose de plus grand : des œuvres de foi, qui proviennent de la communion avec Lui et qui sont accomplies dans la force du Saint Esprit. Par ‘bonnes œuvres’ nous pouvons comprendre tout ce qui reflète dans nos vies la volonté et le point de vue de Dieu. Combien il nous faut être proches de Lui pour pouvoir le faire ! Et quel immense champ d’activité s’ouvre devant nous dans les circonstances normales de la vie !

Le résultat d’un témoignage fidèle et d’une marche pleine de dévouement sera que Dieu sera glorifié, et non pas l’homme. Les gens n’éclateront pas en cris d’admiration au sujet des croyants pour ce qu’ils voient en eux. Bien plutôt, tout retournera à Celui dont cela vient : à notre Père qui est aux cieux. « Tout ce qui nous est donné de bon et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières » (Jacques 1:17), et tout doit Lui revenir en actions de grâces et en adoration envers Lui qui est la source. C’est la manière de Dieu, et il n’y a que cela qui soit digne de Lui.

2.3 - La lampe du corps — Matthieu 6:22-23 et Luc 11:34-36

2.3.1 - La succession des images

La pensée de la lumière nous a déjà occupés. Dans le sermon sur la montagne, le Seigneur a désigné les croyants comme étant ‘la lumière du monde’ et Il les a comparés à une ville placée en haut d’une montagne, qui ne peut être cachée. La lumière de la vérité de Dieu devrait briller par eux au dehors, dans le monde, en témoignage à la grâce de Dieu, apparue dans Son Fils Jésus Christ, et apportant le salut à tous les hommes (Tite 2:11). Il a alors utilisé une deuxième image, celle d’une ‘lampe’. Cette lampe devrait laisser briller sa lumière vers l’intérieur, et devrait éclairer tous ceux « qui sont dans la maison ». Dieu voudrait que Sa volonté et Ses pensées dominent aussi le domaine intérieur des Siens (famille, assemblée). Il a confié ce domaine aux Siens, et ils y sont responsables vis-à-vis de Dieu. Le contraste subtil suivant mérite d’être remarqué : la ville sur la montagne ne peut pas être cachée, tandis que la lampe dans la maison ne doit pas être cachée. La première expression met l’accent sur la grâce et la souveraineté de Dieu, la seconde sur la responsabilité des hommes.

Alors en Matthieu 6, le Seigneur reprend encore une fois l’image de la lampe, et parle de la « lampe du corps » :

« La lampe du corps, c’est l’œil ; si donc ton œil est simple, ton corps tout entier sera [plein de] lumière ; mais si ton œil est méchant, ton corps tout entier sera ténébreux ; si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres ! » (Matthieu 6:22).

Quelle que soit la lumière autour de nous, elle ne sert à rien pour l’individu s’il ne désire pas la capacité de recevoir la lumière en lui. Il faut d’abord avoir un « œil », d’abord regarder, avant de pouvoir luire. Luc, dans son évangile, nous fait voir encore plus clairement cette relation. Il montre justement que le Seigneur Jésus a parlé dans une autre occasion de la « lampe sur le pied de lampe », et qu’Il a alors directement ajouté la parabole de la ‘lampe du corps’. En Luc, Il termine l’image avec des paroles différentes de celles de Matthieu 6 :

« Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres. Si donc ton corps tout entier est plein de lumière, n’ayant aucune partie ténébreuse, il sera tout plein de lumière, comme quand la lampe t’éclaire de son éclat » (Luc 11:35-36).

En combinant les passages de Matthieu et de Luc (Luc ne mentionne pas l’aspect collectif de la ‘ville sur la montagne’), nous découvrons dans la leçon du Seigneur une ligne descendante, ou un point de vue qui va toujours en se rétrécissant. C’est-à-dire, Il nomme d’abord ce qui est plus grand, et ensuite la condition pour que ce qui vient d’être nommé, qui est plus grand, puisse devenir une réalité. Si l’on considère donc la leçon du côté des conditions, la succession se trouve inversée : d’abord il faut un ‘œil simple’, pour que le corps soit éclairé de la lumière divine. Cette condition étant posée, alors la ‘lampe sur le pied de lampe’ peut éclairer de sa lumière tout ce qui est dans la maison ; et ce n’est qu’alors que nous pouvons personnellement laisser luire notre lumière devant les hommes. À son tour, cela forme la condition pour que la ‘ville sur la montagne’, en tant que témoignage collectif de Dieu, illumine le monde avec la lumière qui lui a été prêtée.

Cette succession ne mérite-t-elle pas notre attention ? L’affaire commence tout à fait personnellement ; l’œuvre de Dieu commence au plus profond de l’individu. Avant de pouvoir retransmettre notre lumière à d’autres, nous devons nous-mêmes avoir reçu la lumière. C’est pour cela que notre œil doit être en bon état et dirigé sur la vraie source de lumière. Pour que nous apprenions cela, le Seigneur nous donne cette leçon ; et parce que dans cette affaire une importance déterminante revient à ‘l’œil’, Il le nomme la ‘lampe du corps’.

Dans ce qui suit, nous allons d’abord nous occuper de ‘l’œil méchant’ et de ses conséquences, et nous y distinguerons trois aspects (ou trois manières de voir) différents : l’aspect général, l’aspect juif et l’aspect moral.

2.3.2 - L’œil méchant et ses conséquences

2.3.2.1 - Que signifie l’œil ?

Dans le domaine naturel aussi, l’œil est une porte d’irruption par laquelle tout ce qu’on peut percevoir objectivement parvient à l’intérieur de l’homme. Son degré de connaissance (sa ‘lumière’) dépend en premier lieu de la capacité de son œil à saisir correctement ce qui est perceptible. Si l’œil est malade, ou aveugle, la perception est fortement compromise, voire entièrement impossible. Pensons un peu simplement à la possibilité de pouvoir lire des textes écrits avec nos yeux. Combien de bénédictions échappent à ceux qui ont perdu leur « lumière de l’œil » à cause de l’âge, et qui ne peuvent plus recevoir en eux ce qui est écrit ! Sur ce point l’œil illumine effectivement l’intérieur de l’homme.

C’est cette circonstance du domaine naturel que le Seigneur Jésus transporte dans le domaine spirituel — et cela forme une ‘parabole’. Notre cœur a aussi des « yeux », et par eux la lumière spirituelle pénètre notre intérieur. Dans sa prière d’Éphésiens 1, l’apôtre supplie pour les saints à Éphèse, « les yeux de votre cœur étant éclairés, pour que vous sachiez quelle est l’espérance de son appel… » (Éphésiens 1:18).

Dans notre parabole, il ne s’agit pas de qui est la vraie lumière, la lumière véritable. Un autre évangéliste, Jean, nous le montre : c’est le Fils de Dieu. Non, ici ce n’est qu’une question ‘d’œil’. La lumière est certes là, et luit dans les ténèbres, et elle fait son œuvre parfaitement. C’est incontestablement une grande grâce. Mais où est l’œil, où est l’ouverture permettant à la lumière d’entrer à l’intérieur ? C’est ce dont il s’agit maintenant. Par l’expression « notre œil », nous pouvons comprendre tout ce qui a à faire avec le désir de nos cœurs, avec ses intentions, avec ce qu’il se propose. ‘L’œil’ peut être remplacé par ‘le cœur’ ; il en est l’organe permettant de voir. Nos désirs intérieurs et nos objectifs déterminent la direction du regard de nos yeux. C’est pourquoi déjà dans l’Ancien Testament nous sommes sérieusement avertis de garder notre cœur plus que tout ce que l’on garde, « car de lui sont les issues de la vie » (Proverbes 4:23).

Quand Léonard de Vinci a découvert, il y a plus de 400 ans, le principe de l’appareil photographique (ce qu’on a appelé en latin la ‘Camera obscura’, ou ‘chambre obscure’), il a alors construit une boite opaque avec un petit trou rond dans la paroi de devant. Avec cela, il a réussi à ce que la lumière entrante génère sur la paroi arrière une image inversée de l’objet. La lentille introduite ultérieurement dans le trou par Porta affina l’image et conduisit à ce que nous connaissons sous le nom d’appareil photo. Je ne vois guère de meilleure illustration de ce dont il s’agit dans notre parabole.

2.3.2.2 - L’aspect général

Le cœur de l’homme équivaut par nature à une chambre opaque dont l’ouverture unique est bouchée. Parce qu’aucun rayon de lumière divine n’y peut pénétrer, il ne s’y trouve qu’obscurité. En fait Satan, le dieu de ce monde, « a aveuglé les pensées des incrédules pour que la lumière de l’évangile de la gloire de Christ ne resplendît pas sur eux » (2 Corinthiens 4:4). L’homme naturel est aveugle pour ce qui est de l’Esprit de Dieu, car cela lui est folie, car il ne peut pas le connaître, car cela se discerne spirituellement (1 Corinthiens 2:14).

Mais l’œil de l’homme naturel n’est pas seulement aveugle, il est aussi méchant. C’est ici le contraste : ou bien l’œil est simple, ou bien il est méchant. Il n’est pas dit ‘simple’ ou bien ‘double’, mais ‘simple’ ou bien ‘méchant’. ‘Méchant’ inclut la pensée que la volonté de l’homme indépendante de Dieu est en activité. Le Seigneur désigne donc par là un état corrompu moralement. Les deux termes ‘simple’ et ‘méchant’ décrivent des états du cœur moraux.

Or un œil qui n’a pas Christ pour objet est en principe méchant. On peut appeler cela la loi morale du christianisme. Et parce que l’œil de l’homme naturel est méchant, c’est-à-dire parce que l’homme naturel, au fond de lui-même, rejette Christ, son corps tout entier est ténébreux. L’épître aux Éphésiens dépeint ce même état effrayant des nations : « ayant leur entendement obscurci, étant étrangers à la vie de Dieu à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur » (Éphésiens 4:18). Notez bien ici la liaison entre l’obscurité et le cœur.

En Jean 15 le Seigneur montre très clairement combien l’œil humain est méchant. « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait sien ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, mais que moi je vous ai choisis du monde, à cause de cela le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que moi je vous ai dite : L’esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé. Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse pas parlé, ils n’auraient pas eu de péché ; mais maintenant ils n’ont pas de prétexte pour leur péché. Celui qui me hait, hait aussi mon Père. Si je n’avais pas fait parmi eux les œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient pas eu de péché ; mais maintenant ils ont, et vu, et haï et moi et mon Père. Mais c’est afin que fût accomplie la parole qui est écrite dans leur loi : Ils m’ont haï sans cause » (Jean 15:19-25).

Quand le Seigneur Jésus était ici-bas sur la terre, Il s’est montré aux hommes dans la beauté morale de Sa personne, pour qu’on puisse parfaitement voir Sa gloire, celle comme d’un Fils unique de la part du Père (Jean 1:14). Dans Son être, dans Ses voies, et dans Ses paroles, Il a révélé l’amour et la bonté de Son Père, et Il l’a fait d’une manière parfaite. Or quelle a été la réponse des hommes à la révélation parfaite de l’amour et de la grâce de Dieu ? la haine ! la haine contre Christ et la haine contre Son Père. L’homme, et spécialement le Juif, pouvait-il prouver plus clairement à quel point son œil est méchant et quel abîme d’inimitié commande son cœur ? L’homme a de la haine pour la grâce de Dieu, il ne la veut pas. L’accepter serait l’aveu que rien d’autre que cette grâce ne pouvait l’aider. Mais l’homme hait aussi la lumière parce qu’elle met à nu ses mauvaises œuvres (Jean 3:20). Il a donc de la haine pour la grâce et pour la lumière de Dieu.

Si l’homme reste dans cet état, s’il résiste à l’œuvre de l’Esprit de Dieu qui veut apporter la lumière dans son âme sur la base de l’œuvre de Christ, alors cela le conduit inévitablement dans la nuit éternelle, dans la condamnation éternelle. Quelle fin effrayante pour ceux dont l’œil est méchant et dont le corps est ténèbres ! Celui qui reçoit la lumière, mais qui la rejette, à lui s’applique la parole sérieuse du Seigneur : « si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres ! » (Matthieu 6:23).

Mais comment l’homme obtient-il un œil simple ? Par « la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus Christ » (Actes 20:21). Si l’homme accepte, par la foi, Celui qui est la « lumière du monde » (Jean 8:12), alors les ténèbres reculent, et alors la lumière divine remplit l’âme (Jean 12:46). Cette lumière montre impitoyablement la corruption morale du cœur de l’homme ; mais elle montre aussi le moyen que le Seigneur Jésus a donné pour expier les péchés de ceux qui croient — et ce moyen est Son sang (Romains 3:25). Que le Nom de notre Rédempteur soit loué pour cela dans toute l’éternité !

2.3.2.3 - L’aspect juif

La parabole s’applique avec une exactitude particulière dans le cas des Juifs. C’est justement au peuple d’Israël que Dieu s’était révélé déjà du temps de l’Ancien Testament. Il leur avait donné une certaine mesure de lumière, ce qui les différenciait clairement des nations qui vivaient dans les ténèbres. Ce n’est qu’au peuple d’Israël qu’appartenaient « l’adoption, et la gloire, et les alliances, et le don de la loi, et le service [divin], et les promesses » (Romains 9:4). Ils étaient donc un peuple très privilégié, car Dieu avait déjà parlé, à plusieurs reprises et en plusieurs manières aux pères par les prophètes (Hébreux 1:1). Cela ne signifiait rien moins que le fait qu’Il leur avait donné « la lumière ».

Alors le Fils Lui-même est venu, Dieu Le leur a envoyé. Et Il a mis cette « lumière » — bien semblable à cette ‘ville sur une montagne’ — dans une position élevée et visible de tous, pour que tous ceux du peuple puissent en tirer parti. Mais quand la vraie lumière est venue à eux, les Juifs ont tout fait pour la faire disparaître. Leur œil était tellement méchant, leur intérieur tellement ténébreux, que certains d’entre eux ont attribué à Béelzebub le fait que le Fils de Dieu chassait des démons dans la puissance du Saint Esprit. Luc nous montre cette relation avec le peuple juif au ch. 11 de son évangile. Quand ils exigèrent des signes par incrédulité, Il ne leur donna que le signe de Jonas : le Fils de l’homme Lui-même devait servir de signe à cette génération méchante — dans Sa mort et Sa résurrection. La reine du midi se lèverait contre eux au jour du jugement, et avec elle les hommes de Ninive, et ils les condamneraient. Car bien qu’ils fissent partie des nations méprisées, ils avaient ajouté foi au témoignage de Dieu en leurs jours.

Mais maintenant, il y avait là, dans la personne de Christ « plus que Salomon », « plus que Jonas ». Et cette ‘lampe’ répandait sa lumière brillante dans la maison d’Israël. Si déjà les hommes ne cachent pas une lampe allumée ni ne la mettent sous le boisseau, combien moins Dieu le fait-Il. Ses voies envers ce peuple étaient parfaites de toute manière, et elles étaient caractérisées par la grâce. Si maintenant ils ne tiraient aucun parti de la lumière reçue, cela ne tenait pas à la lumière, mais à leur œil méchant.

Pourquoi les conducteurs du peuple ne voyaient-ils pas ce qui se déroulait sous leurs yeux ? Pourquoi ne reconnaissaient-ils pas qu’Un plus grand que Salomon et que Jonas séjournait parmi eux ? Parce que leur organe de vision, leur cœur, n’était pas simple. ‘Simple’ à l’origine, signifie ‘non composé, sans pli (ou sans enveloppe, sans pliure)’. Dans le Nouveau Testament, ce mot est utilisé sans exception dans un sens bon, avec la signification de ‘simple, pur, droit, ouvert’. Quand un œil de ce genre regardait le Seigneur Jésus, il voyait quelque chose de « plus » en Lui que le grand roi Salomon ou que le prophète Jonas.

C’est ainsi que le Seigneur dans ce temps-là, quand Il séjournait parmi eux, les a avertis en ce temps-là du danger que la lumière qui était en eux, se transforme en ténèbres. « Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres » (Luc 11:35). Redisons-le encore une fois : Une lumière rejetée signifie des ténèbres. C’est la réponse de Dieu en jugement au rejet de Sa grâce.

Nous savons que ce peuple n’a pas prêté l’oreille à l’avertissement du Seigneur. Bien plus, ils ont crucifié le Seigneur de gloire, et L’ont fait mourir. Et le résultat bouleversant en est que, jusqu’à aujourd’hui, ce peuple est dans les ténèbres, jusqu’à aujourd’hui un voile couvre leur cœur (2 Corinthiens 3:15). Et sans la grâce de Dieu, il y resterait. Un jour cette situation s’inversera, et le voile sera ôté. Ils regarderont avec foi Celui qu’ils ont percé autrefois (Apocalypse 1:7). Alors il fera clair dans la maison d’Israël, en sorte que « tous ceux qui entrent verront la lumière » (Luc 11:33). Les nations viendront de loin et loueront l’Éternel et Le glorifieront pour la lumière qu’ils y trouveront. La reine de Shéba en est un heureux type (1 Rois 10). Et dans ce temps merveilleux, le peuple d’Israël sera comme une ‘ville située sur une montagne’, et la lumière de la révélation de Dieu resplendira dans le monde.

2.3.2.4 - L’aspect moral de la parabole

Nous avons vu jusqu’ici que ‘l’œil méchant’, dans notre parabole, se rapporte à l’homme naturel en général, et aux Juifs en particulier. Mais cette parabole a aussi une application personnelle à chacun de nous individuellement, à tout croyant chrétien.

Même si en principe tout enfant de Dieu est « lumière dans le Seigneur » et que Dieu nous a ouvert les yeux du cœur quant à la personne de Christ, notre œil peut quand même être ‘méchant’ et notre corps ‘ténébreux’ dans certains compartiments de notre vie (voir l’expression ‘aucune partie ténébreuse’ ; Luc 11:36). Quand nos cœurs cherchent des yeux quelque chose d’autre que Christ (Colossiens 3:1, 2), quand nous cherchons quelque chose d’autre que glorifier Dieu (1 Corinthiens 10:31), quand nous ne faisons pas tout au nom du Seigneur Jésus (Colossiens 3:17), alors, bien-aimés, notre œil n’est pas simple, mais méchant. Il s’ensuit que notre corps est ténébreux, et nous n’avons pas de lumière à l’égard de la volonté de Dieu dans telle ou telle affaire.

Utilisons encore l’image de la « chambre obscure » (ou : camera obscura ; ancêtre de l’appareil photo) pour représenter nos cœurs. Elle n’a qu’une ouverture. Cette chambre obscure est monoculaire, « simple ». La lumière qui tombe sur l’ouverture du devant, dessine, sur la paroi arrière, l’objet sur lequel la ‘chambre obscure’ est dirigée. La loi morale du christianisme est valable pour nous aussi aujourd'hui. C’est-à-dire, si l’on dirige l’objectif de notre appareil sur Christ, Son image se dessinera dans notre intérieur. Cela peut-il signifier autre chose que la lumière et qu’un bonheur indescriptible ? Si au contraire, nous dirigeons le regard de nos cœurs vers d’autres objets, alors nous perdons les deux à la fois, la lumière et le bonheur, et à la place s’étalent le trouble, l’absence de paix et l’incertitude quant à la volonté de Dieu dans nos vies.

Soyons assurés de ce que, si nous n’avons pas de clarté quant à aux pensées de Dieu et à Son chemin, cela tient d’abord à ce que notre œil n’est pas simple. Souvent c’est à cause de cela que nous ne pouvons pas discerner la volonté de Dieu, parce que nous ne sommes pas prêts à céder en quelque affaire à laquelle nous tenons. Mais Dieu voudrait que notre corps n’ait « aucune partie ténébreuse », mais qu’il soit « tout entier plein de lumière », « comme quand la lampe t’éclaire de son éclat » (Luc 11:36).

Si nous fermons à la lumière de Dieu certains domaines de nos vies et de nos cœurs, nous ne devons pas nous étonner que Dieu ne puisse pas nous conduire de Son œil dans ces domaines-là, même si nous luttons pour discerner Sa volonté. Discerner la volonté de Dieu dépend de l’état de nos cœurs, et dépend de nos affections. C’est aussi la raison pour laquelle Dieu, dans Sa Parole, ne nous a pas donné une série de « recettes » d’après lesquelles nous avons simplement à agir sans que la question de nos affections soit touchée. Si notre œil n’est pas simple, nous pouvons alors prier et étudier la Parole sans pour autant apprendre par là la volonté de Dieu.

Il n’est pas rare de déjà prendre par avance des décisions, mais de continuer à demander toujours plus que le Seigneur nous montre Sa volonté dans l’affaire. Rien d’étonnant alors, si nous n’avons ni réponse ni certitude. Il s’agit de parties ténébreuses dans notre ‘corps’. Elles ont leur origine dans ce que nous n’avons pas dirigé notre œil sur le Seigneur Jésus, mais que nous avons eu d’autres objets à côté de Lui. Comme il est facile que quelque chose s’insère entre le Seigneur et nous, et recouvre alors notre œil comme d’un film mince qui amenuise nos facultés visuelles. Le Seigneur doit d’abord l’ôter avant de nous envoyer quelque autre lumière.

Quelquefois nous voulons quelque chose extrêmement fort, trop fort, et cela nous semble très important. Le Seigneur doit alors nous montrer que nous ne sommes rien. Parfois, nous devons simplement rester là où nous sommes, et ne rien entreprendre de particulier, mais nous attendre à Lui et à ce qu’Il agisse. — Ou bien nous cherchons à discerner Sa volonté dans des circonstances où nous ne devrions même pas nous trouver. Alors Il n’a rien d’autre à nous dire que de les abandonner au plus vite. Peut-être doit-Il aussi nous crier : « Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts, et le Christ luira sur toi » (Éphésiens 5:14).

Tout cela n’est-il pas un peu dur et même sans miséricorde ? bien au contraire ! Dieu sait que nous ne sommes réellement heureux que quand notre cœur est en contact permanent avec Christ. C’est une grâce quand Il met à jour ce qui s’oppose à des relations intimes avec Lui. Et ne serait-ce pas alors un manque de miséricorde, et même de l’injustice, si, ceux qui marchent à distance de Lui, Il les mettait au secret de Ses pensées au même degré que ceux dont les yeux sont simples et dirigés sur Christ ?

Ah, que nous puissions dire avec Paul : « mais moi, je fais une chose.. » (Philippiens 3:13, 14) ! ce serait l’expression d’une vraie simplicité de cœur. Et des milliers de choses ne disparaîtraient-elles pas de notre vie si nous nous demandions si nous pouvons les faire au nom du Seigneur Jésus et pour la gloire de Dieu ?

Nous devrions peut-être, nous créatures de Dieu, prendre quelquefois les fleurs comme exemple. Le Seigneur s’en est aussi servi comme moyens d’instruction. Il y en a (par exemple les Gazanies) qui referment leurs pétales aussi longtemps que le soleil ne les éclaire pas directement. Dès que la lumière du soleil les éclaire, elles s’ouvrent entièrement au soleil et à sa chaleur, et découvrent leur beauté florale. Faisons de même ! Nous ne sommes jamais plus beaux pour le Seigneur que quand nous nous ouvrons entièrement à Lui. Et nous ne sommes jamais plus heureux que quand nous nous laissons irradier consciemment par l’éclat du soleil de Son amour. L’œil simple — une bénédiction infinie lui est attachée.

2.4 - La partie adverse — Matthieu 5:25-26

Après avoir parlé, dans le discours sur la montagne, de la nécessité de la réconciliation entre frères, le Seigneur poursuit cette pensée de base et l’élargit par la petite parabole suivante :

« Mets-toi promptement d’accord avec ta partie adverse, pendant que tu es en chemin avec elle, de peur que ta partie adverse ne te livre au juge, et que le juge ne te livre au sergent, et que tu ne sois jeté en prison ; en vérité, je te dis : Tu ne sortiras point de là, jusqu’à ce que tu aies payé le dernier quadrant » (Matthieu 5:25, 26).

2.4.1 - La démarche

Cette parabole est fondée sur une coutume usuelle de la vie quotidienne en ce temps-là. Le Seigneur fait allusion à un litige entre deux parties, et Il s’appuie sur la loi romaine en vigueur en Israël à l’époque. Si quelqu’un devait quelque chose à autrui, le créancier avait la possibilité de contraindre son débiteur d’aller au tribunal avec lui, autrement dit de « le livrer au juge ». Si le juge le reconnaissait coupable, le débiteur était mis en prison, et y restait jusqu’à ce qu’il ait entièrement acquitté la dette. Mais inversement, l’accusé avait aussi la possibilité d’échapper à la peine en s’arrangeant avec l’accusateur, en se mettant d’accord avec lui pendant qu’ils étaient en chemin vers le tribunal. Si l’accusé n’avait pas recours à cette opportunité, celle-ci était définitivement perdue dès qu’il avait franchi le seuil du tribunal. L’affaire lui échappait des mains, et même des mains des deux parties, et devenait désormais l’affaire de la justice. À partir de ce moment la dette était considérée comme un délit contre l’état, qui ne pouvait être ni excusé ni réglé par un compromis. Une fois que le débiteur avait reçu une assignation, la seule occasion de régler l’affaire avec le créancier se situait dans la courte durée de temps quand ils allaient au tribunal.

Quand nous parlons de ‘partie adverse’, nous entendons donc d’un côté l’accusateur ou créancier en litige, et de l’autre côté l’accusé ou débiteur du même litige.

2.4.2 - L’application générale

Qu’est-ce que le Seigneur veut nous dire à travers cette parabole ? Dans un sens général, Il veut d’abord nous dire ceci : l’homme doit profiter du temps que la grâce de Dieu lui accorde sur cette terre pour se mettre en règle avec Dieu. S’il ne le fait pas, le jugement suivra. C’est l’état des affaires de tout homme, simple mais solennel. Dans Sa parabole, le Seigneur part du fait que l’accusé est coupable, et qu’une réconciliation est nécessaire pour le débiteur. C’est en effet l’homme pécheur qui doit être réconcilié avec Dieu, et ce n’est pas Dieu qui doit être réconcilié avec l’homme (comp. Romains 5:10 ; Colossiens 1:22). Car Dieu n’est pas l’ennemi de l’homme, Il n’est pas contre lui. Mais c’est l’homme qui vit en inimitié et en révolte contre Dieu. C’est pour cela qu’il a besoin de la réconciliation avec Dieu : « Nous sommes donc ambassadeurs pour Christ, — Dieu, pour ainsi dire, exhortant par notre moyen ; nous supplions pour Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! » (2 Corinthiens 5:20).

Cependant la parabole ne dit rien sur la manière de parvenir à la réconciliation ; elle insiste simplement sur sa nécessité, si l’homme ne veut pas se trouver un jour en face du jugement de Dieu. Il est intéressant de voir qu’un passage de l’Ancien Testament répond à la question sur la manière dont peut avoir lieu cette réconciliation. Là aussi on voit des gens « en chemin », courant le danger de tomber sous la colère. Il leur est dit : « Baisez le Fils, de peur qu’il ne s’irrite, et que vous ne périssiez dans le chemin, quand sa colère s’embrasera tant soit peu. Bienheureux tous ceux qui se confient en lui ! » (Psaume 2:12). Voilà la réponse de Dieu, valable dans tous les temps : la soumission au « Fils » et la confiance en Lui. C’est ainsi que le psaume introduit le Seigneur Jésus ; Lui seul peut préserver l’homme du « créancier » et du « juge », car Il a pris sur Lui la dette, la culpabilité, de ceux qui se confient en Lui.

Peut-être y a-t-il quelqu’un parmi les lecteurs de ces lignes qui ne s’est pas encore réfugié par la foi sous le sang protecteur de Jésus. Veux-tu poursuivre ton chemin de cette manière, et rencontrer un jour Dieu comme juge, sans t’être réconcilié avec Lui ? Il n’y aura alors plus de possibilité pour se mettre d’« accord » ; la juste sentence tombera sur toi, et ta part sera l’étang brûlant de feu et de soufre (Apocalypse 20:5 ; 21:8). Aujourd’hui encore le Seigneur Jésus te propose d’être ton Sauveur. Si tu l’acceptes par la repentance et par la foi, tu peux apprendre qu’Il a acquitté ta dette, ta culpabilité, et que tu es maintenant réconcilié avec Dieu. Mais réalise que le chemin vers le tribunal est court. Il ne te reste plus beaucoup de temps…

Que personne ne s’illusionne dans l’espérance trompeuse qu’un jour la dette sera « purgée », que le dernier quadrant sera payé ! Selon le processus naturel à la base de notre parabole, il est évident que ce n’est pas le sens des paroles du Seigneur. Dans l’antiquité les débiteurs restaient en prison tant que leurs dettes n’étaient pas acquittées : autant la sentence était définitive, autant il était improbable d’arriver encore à un arrangement entre le créancier et le débiteur. C’est justement ceci que le Seigneur veut nous apprendre, et non pas que tout un chacun acquittera un jour la peine de ses péchés devant Dieu, et pourra alors sortir de la prison, de l’enfer. Une telle pensée est totalement étrangère à l’Écriture sainte. Elle ne connaît ni purgatoire ni rétablissement général ou rédemption de tous les hommes.

2.4.3 - Le côté juif

Néanmoins les expressions utilisées par le Seigneur Jésus ne sont pas le fruit du hasard. Une comparaison avec Luc 12:58-59 où nous trouvons la même parabole nous amène à la conclusion que la véritable signification de la parabole concerne le peuple juif, et a pour objet un pardon national, on peut aussi dire un pardon dispensationnel. Nous allons voir un peu plus loin ce que cela signifie.

Le Seigneur avait parlé aux Juifs, disant qu’ils savaient discerner les signes du ciel, mais qu’ils étaient incapables de discerner ce temps béni où Lui, le Messie, séjournait au milieu d’eux (Luc 12:54-56). Au lieu de Le reconnaître et de L’accepter par la foi, ils Le traitaient en ennemi, comme leur « adversaire ». Ils ne profitaient pas du temps de Sa présence en Israël pour accepter Son service de réconciliation. N’était-Il pas venu pour sauver Son peuple de leurs péchés (Matthieu 1:21) ? Or ils ne Le voulaient pas. Déjà quand Il n’était encore qu’un petit enfant, leur haine meurtrière s’était manifestée en Hérode. Cette haine atteignit son point culminant dans sa crucifixion.

C’est ainsi que Dieu dut devenir leur « adversaire » et leur « juge ». « Mais ils se rebellèrent et contristèrent l’Esprit de sa sainteté, et il se changea pour eux en ennemi ; lui-même, il combattit contre eux » (Ésaïe 63:10). Il les mit en prison en tant que nation. Ils devinrent « un peuple pillé et dépouillé », « tous liés dans des fosses et cachés dans des prisons » (Ésaïe 42:22). Mais ce n’est pas tout. Dieu les exclut aussi pour un temps de toutes les promesses faites à leurs pères. Ils en ont été effectivement et radicalement déchus plus tard par le rejet du Messie, et Dieu remplaça ces promesses par un jugement temporel sur eux. Ils sont dans cette « prison » jusqu’à aujourd’hui, et ils y resteront jusqu’à ce que Dieu, dans Sa grâce, use à nouveau de miséricorde à leur égard.

Cette pensée de punition pour le peuple juif en tant que nation se retrouve dans beaucoup de paraboles. Nous l’avons déjà considérée dans la parabole de la ‘lampe du corps’. Là, leur rejet de la lumière avait eu les ténèbres pour résultat. Ici ils se trouvent en prison jusqu’à ce qu’ils aient payé leur dette. En rapport avec la ‘maîtresse pierre du coin’, nous apprenons qu’elle tombera sur eux et qu’elle les « broiera » (Matthieu 21:42-46). Dans la parabole du ‘festin des noces’ leur ville est brûlée et les meurtriers des envoyés du roi périssent (Matthieu 22:1-14). En Luc 13 il est dit que le ‘figuier’ sera coupé s’il ne porte pas de fruit. Jean le baptiseur avait averti que la cognée était déjà mise à la racine des arbres ; tout arbre qui ne produirait pas de bon fruit serait coupé et jeté au feu (Matthieu. 3:10). Il y aura pour ce peuple un baptême de feu, très différent du baptême du Saint Esprit qui caractérise la période chrétienne.

L’action judiciaire de Dieu vis-à-vis du peuple juif a donc bien des côtés, bien des étapes ou degrés. Elle a commencé par la destruction de Jérusalem et elle culminera par la grande tribulation, cette tribulation terrible qui ne peut être comparée à rien d’autre, la « détresse de Jacob », peu avant l’apparition du Seigneur. Pendant tout ce temps ils sont en « prison ». Ils ont négligé l’avertissement du Psaume 2 qui pourtant s’adressait justement à eux prophétiquement : « Baisez le Fils, de peur qu’il ne s’irrite, et que vous ne périssiez dans le chemin ». Combien c’est solennel !

Cependant, le moment viendra où Dieu « aura achevé toute son œuvre contre la montagne de Sion et contre Jérusalem » (Ésaïe 10:12). Alors Il dira dans Sa grâce magnifique : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée ; qu’elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés » (Ésaïe 40:1, 2).

Le Seigneur Jésus a prié pour ce peuple en mourant sur la croix de Golgotha : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Luc 23:34). Il leur a reconnu par là le statut d’homicides involontaires, et ne les a pas mis au rang de meurtriers. Ce n’est que pour les homicides involontaires qu’il y avait des « villes de refuge » où ils pouvaient rester jusqu’à la mort du souverain sacrificateur, tandis que les meurtriers ne bénéficiaient pas de ces dispositions (comp. Nombres 35:22 et suiv.). Les Juifs sont bien encore aujourd’hui « en prison », renfermés par Dieu dans l’incrédulité (Romains 11:32). Mais il y a pour eux une « ville de refuge », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été et ne sont pas exterminés en tant que peuple pendant tous ces siècles et millénaires. Et si le grand sacrificateur « meurt », c’est-à-dire si la sacrificature céleste que le Seigneur Jésus exerce aujourd’hui arrive à sa fin, alors ils rentreront dans le pays de leurs pères, non pas dans l’incrédulité comme aujourd’hui, mais par la foi. Ils reconnaîtront leur Messie dans Celui qu’ils ont percé autrefois, et ils se lamenteront sur Lui, et il y aura de l’amertume pour Lui comme on a de l’amertume pour un premier-né (Zacharie 12:10-14). « En ce jour-là, une source sera ouverte pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem, pour le péché et pour l’impureté » (Zacharie 13:1). Dieu leur pardonnera, et les comblera d’une mesure de bénédiction qu’ils n’auront jamais connue. C’est ainsi que sera exaucée la prière du Sauveur mourant.

2.4.4 - Jugement temporel et jugement éternel

Il me semble nécessaire de faire encore une remarque à propos de l’expression « son iniquité est acquittée » d’Ésaïe 40:2. Car certains disent peut-être : « il est donc quand même possible d’acquitter sa dette devant Dieu, ‘jusqu’à ce que le dernier quadrant soit payé’ ! Or c’est pourtant ce qui vient d’être contesté ».

Il faut bien faire attention qu’il s’agit ici d’Israël, et d’un jugement de Dieu temporel et national envers ce peuple coupable. Quand nous verrons plus loin la parabole du festin des noces de Matthieu 22, nous verrons clairement la différence entre ce genre de jugement et un jugement éternel. Le jugement temporel concerne le peuple dans son ensemble et est en rapport avec les voies de Dieu en gouvernement à l’égard d’Israël ; il a à faire avec la terre. En rapport avec Ses voies en gouvernement à l’égard des hommes, Dieu peut limiter la mesure de punition ; Il peut même « se repentir du mal » qu’Il avait parlé de faire, et ne pas le faire, comme dans le cas des Ninivites (Jonas 3:10). Cela repose sur la souveraineté de Sa grâce. Mais (il vaut la peine de le remarquer) quand Dieu pardonne au peuple d’Israël en tant que nation, les personnes qui profitent de ce pardon sont alors toutes autres que celles qui ont, par le passé, subi cette sentence. Ce sera un pardon national et aussi dispensationnel, c’est-à-dire un pardon rattaché à une dispensation.

C’est cela qui fait ressortir clairement la différence décisive entre ce jugement temporel qui s’applique aux voies de Dieu sur la terre, et le jugement éternel de Dieu. Le jugement éternel est un jugement personnel ; il atteint des individus à cause de leur culpabilité personnelle, « afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal » (2 Corinthiens 5:10). En Apocalypse 20 nous voyons les morts se tenir devant le grand trône blanc, « et les morts furent jugés d’après les choses qui étaient écrites dans les livres, selon leurs œuvres » (Apocalypse 20:12). S’il s’agit de la culpabilité personnelle de l’individu devant Dieu, il n’y a jamais d’acquittement de la dette, mais seulement la possibilité de se réconcilier avec l’« adversaire », aussi longtemps qu’on est « en chemin » avec lui, aussi longtemps qu’il est dit « aujourd’hui ». Et comme le péché de l’individu exige, aux yeux de Dieu, une mesure éternelle de châtiment, ainsi aussi la rédemption en vertu du « sang précieux de Christ comme d’un agneau sans défaut et sans tache » a une portée éternelle (1 Pierre 1:19).

Or il en va tout différemment quand il s’agit d’une question du péché de tout un peuple. Dans ce cas, chaque individu reste encore naturellement entièrement responsable de ses actes devant Dieu. Mais le peuple d’Israël en tant que nation s’est en outre rendu responsable devant Dieu du rejet du Messie. Si en réponse à cela, Dieu a mis le peuple d’Israël de côté, Il peut limiter ce jugement dans le temps, et pardonner à nouveau en son temps au peuple en tant que tel. C’est justement ce qu’Il fera, comme nous venons de le voir ; Il greffera de nouveau les branches naturelles sur leur propre olivier (Romains 11:23 et suiv.). C’est cela qu’on entend par les expressions de pardon national et dispensationnel. Sa portée se borne à la terre, et ne s’étend pas à l’éternité.

De ces considérations, il ressort clairement combien, dans l’interprétation des paraboles, l’aspect dispensationnel et prophétique est important. Notre parabole en est justement un exemple. Nous ne pourrions pas la comprendre sans prendre en compte le côté prophétique.


3 - Paraboles de Matthieu 7 (Luc 13 et 6)

3.1 - La porte étroite (Matthieu 7:13, 14 — Luc 13:24-30)

La parabole de la ‘porte étroite’, comme la précédente, fait partie du sermon sur la montagne selon qu’il est rapporté par Matthieu. Luc nous donne la même parabole, mais dans un tout autre contexte.

Il est remarquable que ce sermon sur la montagne où le Seigneur Jésus développe les principes du royaume des cieux, Il le termine par quatre avertissements. Chacun d’eux comprend deux choses, qui ont certes chaque fois en commun la marque générique, mais qui sont aussi dissemblables qu’il est possible de l’être : deux portes et deux chemins (7:13, 14), deux arbres (7:17-20), deux sortes de professants (7:21-23), et deux constructeurs (7:24-27).

Dans le cadre de ce travail [sur les paraboles], nous ne nous occuperons que de la première et de la dernière paire ; et nous commencerons par la parabole de la ‘porte étroite et du chemin resserré’ de l’évangile de Matthieu.

3.1.1 - La porte étroite en Matthieu (7:13, 14)

« Entrez par la porte étroite ; car large est la porte, et spacieux le chemin qui mène à la perdition, et nombreux sont ceux qui entrent par elle ; car étroite est la porte, et resserré le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui le trouvent » (Matthieu 7:13-14).

Nous avons peut-être déjà tous vu le tableau connu, dont l’image représente le chemin resserré et le chemin large [ou : spacieux]. On le trouvait souvent autrefois dans les maisons des croyants. Nombreux sont ceux qui se pressent sur le chemin large. Ils emportent avec eux toute sorte de fardeaux et de paquets. Le chemin large s’étire, plat et sans grand tournant, le long de toute sorte de lieux de plaisirs. Il débouche finalement sur une porte large derrière laquelle se cachent les flammes ardentes de l’enfer. À l’inverse, le chemin resserré est escarpé et étroit ; il tortille en de nombreuses courbes, montant vers le haut. On ne trouve qu’ici ou là un voyageur se fatiguant à grimper la hauteur. À la fin du chemin, on voit représentée la porte vers le ciel. — J’ai moi-même souvent regardé cette image, qui m’a toujours à nouveau impressionné. Oui, il en est ainsi : il y a deux chemins — et aussi deux points d’aboutissement. Si seulement les gens savaient ils vont !

Même si cette image est correcte sur beaucoup de détails, cependant elle s’éloigne sur un point critique de l’image que le Seigneur Jésus nous donne ici : dans celle-ci, la porte étroite et la porte large sont au début de chacun des chemins. On ne peut accéder au chemin resserré qui conduit à la vie qu’en passant par la « porte étroite ». C’est là l’enseignement qui doit nous être donné. L’accent est mis sur la porte étroite et sur la nécessité d’y passer. Le chemin resserré s’y rattache directement.

En Jean 10, le Seigneur Jésus se désigne Lui-même comme étant la ‘porte’ et il dit : « si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé » (Jean 10:9). Ce n’est que par la foi en Lui, et ainsi par la nouvelle naissance, qu’on peut entrer sur le chemin de la vie (Jean 3:3-16). Mais pourquoi la porte est-elle ‘étroite’ ? parce qu’elle est indissociable de la « foi en notre Seigneur Jésus Christ » et de la « repentance envers Dieu » (Actes 20:21). L’homme doit être amené à reconnaître ce qu’est le péché aux yeux de Dieu, et il doit se reconnaître lui-même comme entièrement perdu et ruiné. Ce n’est pas une petite affaire. Quand Pierre présentait leur péché aux Juifs lors de la Pentecôte, « ils eurent le cœur saisi de componction [= cela leur transperça le cœur] et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres : Que ferons-nous, frères ? Et Pierre leur dit : Repentez-vous… » (Actes 2:37-38).

Qu’il est difficile pour les gens religieux, et spécialement pour eux, de comprendre qu’ils doivent renoncer à toute soi-disant justice personnelle, et qu’ils ne peuvent que se rejeter sur la grâce de Dieu ! Ils voudraient bien « mériter » le bon plaisir de Dieu de telle ou telle manière. Il y a souvent là de nobles sentiments, et des gens qui ne redoutent aucune peine pour faire du bien et pour valoriser les valeurs chrétiennes. Mais pour passer par la porte étroite, ils doivent renoncer à toute propre-justice et laisser dehors tout ce qui glorifie la chair. Or c’est justement ce qui se heurte, en règle générale, à de la résistance intérieure, en conséquence de quoi une quantité innombrable d’entre eux se retrouve sur le chemin large qui conduit à la perdition.

À l’opposé de cela, la porte large est là, attrayante, mais c’est une entrée qu’ils se sont forgée selon leur propre imagination. Ils pensent entrer dans le royaume de Dieu avec leurs formes chrétiennes et en évitant la nouvelle naissance, et pouvoir ainsi jouir des bénédictions du christianisme. En vérité ils sont sur le chemin large vers la perdition, et ils y vont dans la compagnie de tous les « pécheurs impies ». N’est-ce pas une déclaration effrayante ?

3.1.2 - Les deux chemins (Matthieu 7:13, 14)

On est soit sur l’un de ces chemins, soit sur l’autre ; il n’y en a pas d’intermédiaire, pas plus qu’il n’y a de place intermédiaire après la fin de ce temps du chemin. Notons bien ce que le Seigneur présente : Il montre, deux portes, deux chemins, deux groupes de voyageurs, deux buts. Dans cette vie, on se trouve soit sur le chemin resserré [ou : étroit], soit sur le chemin large, et on se dirige soit vers la vie, soit vers la perdition pour l’éternité.

Quand le Seigneur parle de ‘perdition’, Il utilise pour cela un mot (apoleia en grec) qui ne signifie pas ‘dissolution’ ni ‘anéantissement’ (l’Écriture sainte ne connaît pas cette pensée), mais ‘une ruine ou une déchéance extrême et définitive, une perdition irrévocable’. En ce sens, ce mot est utilisé à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament pour décrire l’état après la mort et la séparation éternelle de la vraie vie divine (Jean 17:12 ; Romains 9:22 ; Philippiens 1:28 ; 3:19 ; 1 Timothée 6:9 ; Hébreux 10:39 ; 2 Pierre 2:1, 3 ; 3:16 ; Apocalypse 17:8, 11).

Le chemin resserré [ou : étroit] ou le chemin large [ou : spacieux] ici-bas, la vie ou la perdition dans l’éternité — voilà la réalité que chacun doit regarder en face. Le fait que beaucoup suivent le chemin large n’en prouve pas la justesse. La vérité n’est pas du côté de la masse. Déjà Dieu avertissait dans l’Ancien Testament : « tu n’iras pas après le foule pour mal faire » (Exode 23:2).

Même quand on est entré par la porte étroite, il faut une grande énergie, beaucoup de sérieuse décision de cœur pour se détacher de la grande masse et poursuivre à tout prix un chemin personnel qui soit bien « le chemin resserré ». Daniel, en son temps, avait déjà eu cette décision de cœur (Daniel 1), et Barnabas exhortait les jeunes croyants d’Antioche à demeurer attachés au Seigneur de tout leur cœur [litt. : avec décision de cœur] (Actes 11:23). Demeurer attaché au Seigneur, persévérer dans la foi, et être prêt à entrer dans le royaume de Dieu par beaucoup d’afflictions » (Actes 14:22), voilà une bonne description du chemin resserré.

Ce n’est bien sûr pas un hasard si le mot grec pour ‘resserré’ (tethlimmene = rétréci) est apparenté au mot ‘thlipsis’, qui signifie ‘tribulation, détresse, oppression, affliction, tourment, angoisse’. Si la conversion et la nouvelle naissance forment la porte d’entrée, la sainteté est bien la caractéristique du chemin resserré. Or dans un monde ennemi de Dieu, cela implique l’affliction, la détresse et la persécution. C’est tout autre chose qu’un chemin sans joie, mais la réalisation de la sainteté de Dieu et la conformité à Sa volonté en font un chemin « resserré ».

Si ceux qui trouvent ce chemin ne sont que peu nombreux, cela ne tient pas à la grâce de Dieu, mais au refus de cette grâce par l’homme. On veut tout emporter avec soi à travers la porte large et sur le chemin large — tout ce qui plait aux yeux et ce qu’aime la chair. Je ne vois guère de meilleure description du chemin large et du chemin resserré que cette parole de la première épître de Pierre : « … pour ne plus vivre le reste du temps dans la chair pour les convoitises des hommes [chemin large], mais pour la volonté de Dieu [chemin resserré] » (1 Pierre 4:2). Que nous pensions un peu plus à ceci : les « délices du péché » ne sont que pour un temps (Hébreux 11:25), alors que toute sa fin est éternelle, avec l’enfer, et la condamnation éternelle !

Or ceux qui parcourent le chemin resserré ont aussi trouvé ce chemin ou cette porte (l’expression ‘ceux qui le trouvent’ peut viser aussi bien le chemin que la porte, du point de vue grammatical comme du point de vue du sens) : « peu nombreux sont ceux qui le [ou : la] trouvent ». Ce n’est certes pas à attribuer à leur propre mérite, mais à la seule grâce de Dieu dont nous venons de parler. La porte large et le chemin spacieux n’ont pas besoin d’être trouvés, car ils sont ouverts à tous et visibles de loin. Mais la porte étroite et le chemin resserré sont trouvés par la bonté de Dieu. C’est comme si, à l’occasion de cette trouvaille, on entendait résonner la joie de la surprise comme dans les trois paraboles de Luc 15.

3.1.3 - La porte étroite et la porte fermée en Luc 13:24-30

L’occasion de la parabole de la ‘porte étroite’ en Luc, est une question posée par quelqu’un voulant savoir si ceux qui seront sauvés seraient peu nombreux. Tout le paragraphe place la parabole dans un contexte juif. Vraisemblablement, celui qui posait la question voulait savoir si le résidu juif qui devait être épargné du jugement comprendrait peu ou beaucoup de gens. Le Seigneur ne répond pas directement à cette question, en soi oiseuse et spéculative. Sa réponse vise bien plutôt « qui » au lieu de « combien » :

« Et il leur dit : Luttez pour entrer par la porte étroite ; car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas » (Luc 13:24).

Accepter le Seigneur Jésus en ce temps-là quand Il séjournait ici-bas, cela signifiait entrer par la porte étroite. C’est pour cela que les Juifs devaient lutter. Cela ne pouvait avoir lieu que par la repentance et par la foi, comme nous l’avons déjà vu. Effectivement, le Seigneur répond par une double parabole. À la parabole de la ‘porte étroite’, Il ajoute celle de la ‘porte fermée’.

« Dès que le maître de la maison se sera levé, et aura fermé la porte, et que vous vous serez mis à vous tenir dehors et à heurter à la porte, en disant : Seigneur, ouvre-nous ! et que, répondant, il vous dira : Je ne vous connais pas ni ne sais d’où vous êtes ; alors vous vous mettrez à dire : Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné dans nos rues. Et il dira : Je vous dis, je ne vous connais pas, ni ne sais d’où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquité. Là seront les pleurs et les grincements de dents, quand vous verrez Abraham et Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, mais vous, jetés dehors. Et il en viendra d’orient et d’occident, et du nord et du midi ; et ils s’assiéront dans le royaume de Dieu. Et voici, il y a des derniers qui seront les premiers, et il y a des premiers qui seront les derniers » (Luc 13:25-30).

Quand le Seigneur Jésus dit au v. 24 que beaucoup chercheraient à entrer et ne le pourraient pas, Il ne prend pas cela comme point de départ, et Il ne dit pas non plus qu’il s’agit de gens cherchant à entrer par la porte étroite (en fait, celui qui a vraiment un désir sérieux d’entrer par la porte étroite, y réussira par la grâce de Dieu). Non, ce que dit simplement le Seigneur, c’est qu’ils chercheraient à entrer dans le royaume de Dieu et ne le pourraient pas. Le problème ou la difficulté à craindre n’était pas l’étroitesse excessive de la porte, mais c’est qu’à un certain moment elle sera fermée. C’est pourquoi on ne peut comprendre correctement cette déclaration du Seigneur dans la dernière partie du v. 24 qu’en adjoignant la parabole de la ‘porte fermée’ à l’explication. Il en ressort aussi clairement que dans Sa réponse, le Seigneur ne s’adressait pas seulement à celui qui Lui avait posé la question, mais qu’Il avertissait tous ceux qui entendaient ou rejetaient alors Son message.

Le comportement de la masse du peuple juif à Son égard, était de l’indifférence, voire même de l’inimitié. S’ils gardaient cette attitude, il arriverait qu’un jour ils seraient dehors — tel est l’avertissement du Seigneur. De profonds exercices de cœur, une lutte sérieuse, étaient nécessaires en ce moment-là pour arriver à entrer dans le royaume de Dieu. S’ils cherchaient à entrer maintenant sans ces exercices de cœur de repentance et de foi, alors plus tard, ils devraient rester dehors. Il est vrai qu’alors, il y en aurait qui « lutteraient », appelant et heurtant sérieusement, ne trouvant devant eux qu’une porte fermée. Autrement dit : S’ils rejetaient le Seigneur Jésus dans Son abaissement, ils seraient rejetés par Lui au jour de Sa gloire.

Ainsi, c’est la pensée de la lutte qui relie les deux paraboles, et qui rend la réponse du Seigneur si expressive, mais aussi si sérieuse. Le terme utilisé par le Seigneur pour « lutter » (en grec agonizomai = lutter, se donner du mal pour, s’efforcer avec beaucoup d’ardeur) est un mot souvent utilisé à propos des combats d’athlètes. Cette portée du sens de ce mot grec montre clairement qu’il n’est pas fait allusion à l’obtention de la béatitude éternelle, mais au fait de la rechercher sérieusement. Cette signification du mot est soulignée par l’usage qui en est fait en Colossiens 4:12 : « Épaphras … combattant toujours pour vous par des prières ». Le dénominateur commun à ces deux paraboles, c’est ainsi simplement : Luttez maintenant de la bonne manière, pour ne pas avoir à lutter un jour en vain.

Tel est l’enseignement du Seigneur dans l’évangile de Luc — un enseignement et un avertissement qui, au sens figuré, nous concernent tous aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui professent extérieurement être chrétiens, mais qui ne sont pas prêts à s’engager dans le simple chemin du salut tel que nous l’avons considéré. Un jour ils se mettront aussi à se tenir dehors à la porte, et à heurter et à dire : « Seigneur, ouvre-nous ! ». Mais le temps de la grâce sera passé et la porte restera fermée. De l’intérieur, ils entendront la voix du Seigneur qu’ils auront dédaignée : « Je vous dis, je ne vous connais pas, ni ne sais d’où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquité » (comparer aussi Matthieu 7:22, 23).

On rencontre plusieurs fois une porte fermée dans les paraboles du Seigneur. Quand le Seigneur se trouve derrière la porte fermée, et qu’Il est présenté comme étant à l’intérieur, cela nous rend sensible la pensée effrayante d’être exclu pour toujours des bénédictions du royaume de Dieu et des cieux. Ce point de vue se retrouve dans la parabole des ‘dix vierges’ (Matthieu 25:1-13) : le Seigneur est dedans, et dehors sont l’hypocrite et le professant sans vie. Dans la parabole du ‘maître qui revient des noces’ de Luc 12, le maître est au contraire dehors, et c’est Lui qui heurte à la porte : Il attend de Ses esclaves une attente dictée par l’amour, — attente de Lui et de Son retour (Luc 12:36). Mais nous ne nous occuperons des autres détails que quand nous en arriverons à cette parabole.

3.2 - Les deux maisons (Matthieu 7:24-27 ; Luc 6:47-49)

3.2.1 - Un nouveau contraste

Le Seigneur termine son enseignement à Ses disciples dans le sermon sur la montagne par une parabole importante, celle des ‘deux maisons’ (Matthieu 7:24-27 ; Luc 6:47-49). Juste avant, Il avait parlé de deux portes et de deux chemins, de deux sortes d’arbres et deux sortes de professants, et Il avait montré que seul peut entrer dans le royaume des cieux celui qui fait la volonté de Son Père. Inversement, ceux qui se bornent à dire de bonnes paroles (« Seigneur, Seigneur ! »), mais n’agissent pas en conséquence, n’ont rien d’autre à attendre que le jugement. Malgré tout ce qu’ils auront « fait » vainement « en Son nom », ils devront entendre de Sa bouche les paroles : « je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquité » (7:23).

Professer extérieurement être de Christ, sans se soumettre à la volonté de Dieu révélée, non seulement prouve la fausseté de la profession, mais conduit en outre à la ruine éternelle.

Dans la parabole qui termine le sermon sur la montagne, le Seigneur résume encore une fois tout le domaine de la profession chrétienne. Il met le vrai et le faux l’un en face de l’autre, et par là Il montre un autre contraste que celui vu précédemment. Il ne s’agit plus de ‘dire’ ou de ‘faire’, mais ‘d’entendre’ et de ‘faire’.

« Quiconque donc entend ces miennes paroles et les met en pratique, je le comparerai à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc ; et la pluie est tombée, et les torrents sont venus, et les vents ont soufflé et ont donné contre cette maison ; et elle n’est pas tombée, car elle avait été fondée sur le roc. Et quiconque entend ces miennes paroles, et ne les met pas en pratique, sera comparé à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable ; et la pluie est tombée, et les torrents sont venus, et les vents ont soufflé et ont battu cette maison, et elle est tombée, et sa chute a été grande » (Matthieu 7:24-27).

Ce n’est pas par beau temps qu’on découvre si une maison a été bien ou mal construite : dans de telles conditions les maisons se valent toutes. Ce n’est que quand les forces de la nature se jettent violemment sur une maison que la qualité de celle-ci est mise à l’épreuve. Notons que, selon les paroles du Seigneur, la mise à l’épreuve de la maison s’effectue de trois côtés. Une pluie diluvienne (des chutes de pluie comme des torrents sont typiques en Palestine) tombe sur la maison par-dessus. Des courants de torrents, formés à l’improviste, minent la maison par-dessous, et les vents tempétueux attaquent la maison par côté. Si, dans ces conditions, la maison n’est pas assise sur un fondement solide, elle est perdue irrémédiablement. Quelle image pratique impressionnante et précise nous décrit ici le Seigneur !

3.2.2 - L’homme prudent

Le Seigneur fait maintenant la différence entre l’homme prudent et l’homme insensé. Le prudent se distingue en ce qu’il « entend ces miennes paroles et les met en pratique ». Avec cela, il construit sa maison « sur le roc ». Nous allons voir ce que cela signifie, mais regardons d’abord cette expression particulière « ces miennes paroles ».

3.2.2.1 - La divinité de Jésus

Le Seigneur Jésus avait dit auparavant : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Matthieu 7:21). Or maintenant Il ajoute : « Quiconque donc entend ces miennes paroles et les met en pratique, je le comparerai à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc » (Matthieu 7:24). Commençons par noter ceci : Le constructeur n’est pas jugé d’après le soin qu’il apporte à construire sa maison, mais d’après la nature du fondement sur lequel il la bâtit. Et Il ne laisse planer aucun doute sur ce qui seul peut être le bon fondement : Ses paroles. Elles équivalent finalement à la volonté de Son Père.

En mettant sur un pied d’égalité Ses paroles et la volonté de Son Père, le Seigneur Jésus revendique être égal au Père qui est dans les cieux. C’est une affirmation forte de Sa divinité, car Dieu seul peut parler pareillement ; seule une Personne qui est Dieu peut attribuer un pareil poids à ses propres paroles. Et effectivement, les deux sont sur un pied d’égalité : les paroles expriment la volonté, et la volonté consiste à obéir aux paroles.

Les foules qui l’écoutaient ressentaient l’autorité particulière avec laquelle Il leur parlait. À la fin du chapitre il est dit : « Et il arriva que, quand Jésus eut achevé ces discours, les foules s’étonnaient de sa doctrine ; car il les enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes » (Matthieu 7:29). La divinité de Jésus se manifestait dans tout ce qu’Il disait.

3.2.2.2 - Entendre et faire

Il semble que l’accent sur la disposition à obéir soit plus mis en Luc qu’en Matthieu, car en Luc il est ajouté quelques paroles qui manquent en Matthieu : « tout homme qui vient à moi… » (Luc 6:47). Dans le tableau de l’insensé, le Seigneur n’utilise pas non plus en Luc ces paroles additionnelles. Mais l’homme prudent vient d’abord au Seigneur, et alors suit le reste.

Le contraste entre ‘entendre’ et ‘faire’ — ou ‘entendre’ et ‘ne pas faire’ — est souligné à plusieurs reprises dans l’Écriture sainte. Il est justement trop facilement possible de prendre connaissance des paroles de Dieu, et de ne leur accorder aucune suite. Si on veut avoir de la bénédiction, entendre ne peut être qu’un premier pas, et faire est le deuxième pas qui doit suivre. Autrement, non seulement la responsabilité personnelle est accrue, mais il s’ensuit aussi le jugement en quelque manière. Car n’accorder aucune considération aux paroles de la plus haute autorité dans le ciel et sur la terre, c’est non seulement un sommet de folie, mais c’est aussi de la négligence et de l’incrédulité.

Le prophète Ézéchiel donne un exemple sérieux d’ ‘entendre et ne pas faire’. Dieu devait dire quelque chose à cet homme fidèle au sujet de Son peuple terrestre, — au sujet d’un danger qui nous guette aussi aujourd’hui : « Et ils viennent vers toi comme vient un peuple, et ils s’asseyent devant toi comme étant mon peuple ; et ils entendent tes paroles, mais ils ne les pratiquent pas… ils entendent tes paroles, mais ils ne les pratiquent nullement » (Ézéchiel 33:31, 32). Le verset suivant annonce aussi le jugement comme suite à cela : « quand la chose arrivera (la voici qui arrive), alors ils sauront qu’il y a eu un prophète au milieu d’eux » (Ézéchiel 33:33).

Jacques aussi, dans son épître, nous met en garde contre le fait d’être des « auditeurs oublieux » : « Mais mettez la parole en pratique, et ne l’écoutez pas seulement, vous séduisant vous-mêmes. Car si quelqu’un écoute la parole et ne la met pas en pratique, il est semblable à un homme qui considère sa face naturelle dans un miroir ; car il s’est considéré lui-même et s’en est allé, et aussitôt il a oublié quel il était. Mais celui qui aura regardé de près dans la loi parfaite, celle de la liberté, et qui aura persévéré, n’étant pas un auditeur oublieux, mais un faiseur d’œuvre, celui-là sera bienheureux dans son faire » (Jacques 1:22-27).

Dans la lettre à Laodicée, le Seigneur Jésus se tient dehors, en dehors du système religieux d’une chrétienté tiède et libérale, et il heurte à la porte du cœur de chacun des Siens qui peuvent encore se trouver là : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi » (Apocalypse 3:20).

Que cela se grave profondément dans nos cœurs : entendre la voix du Seigneur Jésus est une chose, lui ouvrir la porte en est une autre. La bénédiction qui suit le fait de Lui ouvrir la porte, est incomparable : la communion avec Celui qui nous aime d’une manière aussi inexprimable ! Peut-il y avoir quelque chose de plus précieux ?

En outre, entendre les paroles du Seigneur et les suivre n’apporte pas seulement de la bénédiction, mais c’est aussi une affaire de prudence. Le Seigneur décrit l’homme qui fait cela comme étant ‘prudent, intelligent’. Le sens de base du mot grec est ‘soucieux, réfléchi’. Cet homme pense à l’avenir, il réfléchit au fait que des tempêtes et des torrents viendront. Et il est donc prudent et sensé quand il s’organise en conséquence pour la construction de sa maison.

Le Seigneur Jésus utilise aussi le mot ‘prudent’ dans d’autres contextes, comme nous le montre notre évangéliste. Les disciples doivent être prudents comme des serpents (Matthieu 10:16) ; et dans deux autres paraboles Il qualifie de ‘prudents’ certaines personnes : l’esclave fidèle et prudent (en contraste avec le méchant esclave) et les vierges prudentes (en contraste avec les vierges folles), aux ch. 24:45 et 25:2 et suiv.

3.2.2.3 - La maison bâtie sur le roc

Que fait donc ‘l’homme prudent’ dans notre parabole ? Il se cherche un solide fondement pour sa maison, il construit « sur le roc ».

Pour la foi, il y a là bien des entraves à surmonter, bien des idées et traditions humaines à déblayer. C’est ce qu’exprime l’évangile de Luc quand il dit : « il est semblable à un homme qui bâtit une maison, qui a foui [= creusé] et creusé profondément, et a mis un fondement sur le roc » (Luc 6:48). Fouir [= creuser] et creuser profondément montrent le sérieux avec lequel l’homme s’est mis au travail.

Quelle qu’en soit la manière, chacun de nous bâtit « sa maison », et dans un autre sens, l’a déjà bâtie. Au lieu du mot ‘maison’, on peut aussi dire vie, bonheur, avenir, espérance, sécurité. Il s’agit de trouver pour sa propre vie, pour son bonheur, pour son avenir, pour sa sécurité, un fondement fiable qui résiste aux charges du temps et de l’avenir, — des fondations qui permettent à notre vie de durer pour le temps et l’éternité. Ce qui forme ce fondement, ce sont les paroles du Seigneur, la Parole de Dieu. Même quand le ciel et la terre passeront, Ses paroles ne passeront pas (Matthieu 24:35). S’appuyer par la foi sur ces paroles, c’est cela bâtir sa ‘maison’ sur le roc.

La première application de cette construction de maison vise l’éternité. Cela nous fait penser à la parole du Seigneur en Jean 5 : « celui qui entend ma parole, et qui croit celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie » (Jean 5:24). Sous cet aspect, le croyant a déjà bâti sa ‘maison’. Il a entendu et il a cru, et il sait : un jour la pluie [diluvienne] tombera, les torrents viendront, et les vents [de tempête] se jetteront contre sa ‘maison’. Mais elle ne tombera pas car elle est fondée sur le roc. « Il ne vient pas en jugement », a dit le Seigneur.

La mort peut nous surprendre, Dieu peut faire tomber Ses jugements sur la terre, le Seigneur Jésus peut exercer son jugement final sur les morts (Apocalypse 20:11 et suiv.) — notre ‘maison’ ne sera pas touchée par tout cela, parce que dans notre vie, nous nous sommes confiés en Sa Parole. Et comme la Parole du Seigneur demeure éternellement (1 Pierre 1:25), ainsi aussi demeure éternellement celui qui se confie en cette Parole et qui fait la volonté de Dieu (1 Jean 2:17). C’est une pensée réjouissante par-dessus tout. « Combien il est bon, Seigneur, d’avoir Ta Parole — la Parole qui est plus sûre et plus fiable que tout le reste dans tout l’univers créé par Dieu ».

Mais je pense que nous pouvons appliquer la construction de notre ‘maison’ aux jours de notre vie ici-bas sur la terre. Le Seigneur permet bien des « pluies diluviennes » et des « vents » violents qui se jettent contre notre ‘maison’. L’épreuve peut arriver de tous côtés ; qu’en est-il alors du bonheur dans notre vie, de notre paix et de notre prospérité ? Tout va-t-il s’écrouler comme un château de cartes ? Non ; si nous avons orienté notre vie pratique d’après la Parole de Dieu, nous verrons que notre ‘maison’ tient le coup : « et la pluie est tombée, et les torrents sont venus, et les vents ont soufflé et ont donné contre cette maison ; et elle n’est pas tombée, car elle avait été fondée sur le roc ». Peut-être que des hostilités et des persécutions nous atteindront, justement parce que nous Lui avons été obéissants. Rien, ou presque, ne rend plus paisible que la conscience de Lui avoir obéi. Ne va-t-Il pas nous garantir Lui-même pour toutes les conséquences de notre obéissance ? Il ne permettra pas que notre ‘maison’ tombe.

Quand Il était sur la terre comme l’homme dépendant, Il a toujours été obéissant, et parfaitement obéissant. Il a laissé chaque matin son oreille être réveillée, pour écouter, comme ceux qu’on enseigne (Ésaïe 50:4), et alors Il faisait la volonté de Son Père ; Il faisait toujours les choses qui Lui plaisent (Jean 4:34 ; 8:29). Ne devrions-nous pas, comme étant de Ses disciples, Lui ressembler plus et obéir comme Lui ? Par la vie nouvelle que nous avons reçue, nous pouvons obéir comme Lui a obéi. Nous sommes effectivement venus à « l’obéissance de Jésus Christ » (1 Pierre 1:2).

C’est quelque chose de très grand d’avoir appris à « fouir » [= creuser] et à « creuser profondément » et à tout fonder dans nos vies sur le roc de Sa parole. Alors notre ‘maison’ ne viendra pas à tomber, ni dans cette vie ni dans l’éternité.

3.2.3 - L’homme insensé

Dans le cas de l’homme insensé, il n’est pas parlé de creuser [ou : fouir] ni de creuser profondément, mais il est dit simplement (en citant le texte de Luc, pour une fois) :

« Mais celui qui a entendu et n’a pas mis en pratique, est semblable à un homme qui a bâti une maison sur la terre, sans fondement ; et le fleuve s’est jeté avec violence contre elle, et aussitôt elle est tombée ; et la ruine de cette maison a été grande » (Luc 6:49).

En Matthieu les paroles du Seigneur sont redonnées de façon détaillée, et on ne peut guère en nier un certain caractère dramatique :

« Et quiconque entend ces miennes paroles, et ne les met pas en pratique, sera comparé à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable ; et la pluie est tombée, et les torrents sont venus, et les vents ont soufflé et ont battu cette maison, et elle est tombée, et sa chute a été grande » (Matthieu 7:26-27).


Voilà donc le problème, ce qui est si lourd de conséquences : entendre et ne pas faire. Cet homme a lui aussi bâti sa ‘maison’. Il voulait s’assurer une vie la plus heureuse possible, et prendre aussi toutes les précautions pour l’avenir. Pour cela, il entreprend tout ce que les gens font et conseillent en pareil cas. Leur système de protection de la santé et du niveau de vie n’a jamais été autant développé, le « réseau social » n’a jamais été aussi dense qu’aujourd’hui. Ne fallait-il pas y parvenir malgré certains risques ? Il a bien déjà entendu parler des paroles de Jésus, et elles l’ont peut-être impressionné pour un temps, comme la foule de ce temps-là. Mais finalement il n’a pas agi selon Ses paroles, mais selon ce que les hommes enseignent et conseillent.

C’est ce que le Seigneur Jésus désigne par « construire sa maison sur le sable ». Y a-t-il rien de plus insensé que d’établir dans le sable sa ‘maison’, toute sa vie, son bien-être et ses peines ? Ne devrait-on pas attendre plus de bon sens d’un homme ? Ne vaut-il pas la peine d’examiner un peu plus soigneusement le sol sur lequel nous voulons tous construire notre bonheur ? « Ces miennes paroles », c’est le roc. Tout le reste, ce que les gens disent et enseignent, n’est que du sable.

Un de mes lecteurs appartient-il à ce groupe des gens insensés ? As-tu déjà peut-être entendu parler dans ton enfance du Seigneur Jésus, le Sauveur des pécheurs ? Et aujourd’hui, t’es-tu perdu dans le monde, faisant plus confiance aux paroles de tes amis et de tes conseillers qu’à la Parole de Dieu ? À quoi te servent le succès professionnel, la santé, la prospérité extérieure ? Tu as malgré tout construit ta maison sur le sable !

3.2.4 - Suites tragiques

Il y a quatre points de vue sous lesquels nous désirons considérer les suites de ce comportement insensé dépeint de façon si vivante par le Seigneur. Nous nous sommes déjà occupés, dans la première partie de la parabole, en rapport avec l’homme prudent, des cotés personnel et temporel d’une part, personnel et éternel d’autre part. Maintenant, il s’y rajoute encore deux autres aspects qui ont trait tous les deux à un point de vue prophétique. Dans tous ces cas, la maison construite sur le sable est premièrement soumise à une sérieuse épreuve, avant d’être détruite.

3.2.4.1 - Le coté personnel et temporel

Voyons d’abord le côté personnel et temporel. C’est souvent déjà dans la vie présente que se montrent la folie et la myopie des calculs humains. « Il y a telle voie qui semble droite à un homme, mais des voies de mort en sont la fin » (Proverbes 14:12). Pour Dieu, il suffit d’une « forte pluie » pour barrer d’un trait les calculs de l’homme, et voilà que tout prend un cours tout différent de ce que l’on s’était imaginé et de ce qu’on avait désiré. On commence sans Dieu et on finit sans Dieu.

Ce n’est pas seulement quand on voit la mort arriver, mais déjà souvent avant, qu’on doit apprendre la vérité amère contenue dans ces paroles : « mes jours sont passés, mes desseins sont frustrés [ou : déchirés], — les plans chéris de mon cœur » (Job 17:11). Il est vrai, et il reste vrai que « ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera. Car celui qui sème pour sa propre chair moissonnera de la chair la corruption ; mais celui qui sème pour l’Esprit moissonnera de l’Esprit la vie éternelle » (Galates 6:7-8). Il n’est pas rare que, sous la pression des circonstances, la ‘maison’ de l’homme s’écroule déjà dans le temps présent.

3.2.4.2 - Le côté personnel et éternel

Le côté personnel et éternel est naturellement ici le plus sérieux. Ce n’est pas à la mort seulement que tous les plans de l’homme s’écroulent (Psaume 146:4), mais il y a aussi et encore un Après : « … après la mort, le jugement » (Hébreux 9:27). Il y a alors les torrents qui viennent, et les vents qui se jettent sur cette maison. Elle ne tiendra pas le coup contre eux, mais elle tombera. Le Seigneur Jésus ne termine pas, comme avec la première maison, par des paroles du genre « car elle n’était fondée que sur le sable », mais Il ajoute une phrase courte et bouleversante : « et sa chute a été grande ». Celui qui prononçait ces paroles sait ce dont Il parlait. Celui qui se tiendra un jour devant le grand trône blanc ne Lui répondra pas sur un point entre mille (Job 9:3). « Et si quelqu’un n’était pas trouvé écrit dans le livre de vie, il était jeté dans l’étang de feu » (Apocalypse 20:15). Quelle chute que celle de cette maison qui, malgré tout ce qu’on a pu mettre en œuvre personnellement, n’était bâtie que sur le sable !

3.2.4.3 - Le côté prophétique en rapport avec le peuple juif

Le troisième côté dans notre parabole se rapporte au peuple juif. Parce que leur Messie est venu à eux en grâce, et qu’ils L’ont rejeté et crucifié, Dieu, à la fin des jours, amènera le jugement sur eux : « Et j’ai mis le jugement pour cordeau, et la justice pour plomb, et la grêle balayera l’abri de mensonge, et les eaux inonderont la retraite cachée » (Ésaïe 28:17).

On trouve quelque chose de parallèle à notre parabole en Ézéchiel 13. Dieu compare là les faux prophètes d’Israël avec ceux qui enduisent d’un mauvais mortier (c’est-à-dire de mensonges) un mur construit par le peuple incrédule, et il leur fait dire : « dis à ceux qui enduisent le mur de mauvais mortier, qu’il s’écroulera : il y aura une pluie torrentielle ; et vous, pierres de grêle, vous tomberez, et un vent de tempête éclatera. Et voici, … le mur s’écroulera… C’est pourquoi, ainsi dit le Seigneur, l’Éternel : Je ferai éclater, dans ma fureur, un vent de tempête ; et, dans ma colère, il y aura une pluie torrentielle, et, dans ma fureur, des pierres de grêle, pour détruire entièrement. Et je renverserai le mur que vous avez enduit de mauvais mortier, et je le jetterai par terre, et ses fondements seront découverts, et il croulera, et vous périrez au milieu de ses ruines ; et vous saurez que je suis l’Éternel » (Ézéchiel 13:11-14).

Cette prophétie a déjà eu un accomplissement partiel dans la mise de côté d’Israël comme peuple terrestre de Dieu, mais il reste un accomplissement final. Dieu amènera la maison de Juda dans la grande tribulation, et, considérée comme un tout, elle croulera. Ils ont eu le privilège inimaginable de la présence de Jésus le Fils de Dieu ; ils ont entendu Ses paroles — les paroles de Celui qui est la vérité — et n’en ont rien fait ! Certes il y aura là aussi un résidu croyant, mais la masse du peuple périra.

3.2.4.4 - Le côté prophétique en rapport avec la chrétienté

La chrétienté n’aura pas à subir autre chose, et c’est le quatrième côté de notre parabole, peut-être même celui qui viendra en premier. Ceux qui se sont fait baptiser au nom de Christ, n’ont-ils pas tous, d’une manière ou d’une autre, entendu « ces miennes paroles » ? Mais la masse d’entre eux a aussi peu obéi à l’évangile de la grâce que le peuple de Dieu d’autrefois à la loi. Tout comme eux, ils ont entendu et n’ont pas fait. C’est pourquoi le même sort les atteindra.

Quand le Seigneur Jésus reviendra pour enlever les Siens, Il vomira ‘Laodicée’ de Sa bouche, c’est-à-dire la chrétienté dans sa dernière phase (Apocalypse 3:16). Le diable s’emparera de la profession chrétienne morte, jusqu’à ce qu’elle soit finalement éliminée dans le jugement définitif de ‘Babylone’ exercé par le Seigneur Lui-même (Apocalypse 18). Alors, non seulement il ne restera plus de ‘lampe’ chrétienne, mais plus de chrétienté du tout sur la terre, même pas selon une profession chrétienne. C’est ainsi que s’écroulera la maison de la chrétienté, définitivement, irrévocablement — « et sa chute sera grande ».

Cependant, aujourd’hui, c’est encore le temps de la grâce. Aujourd’hui on peut encore entendre les paroles de la grâce (Luc 4:22) et par la repentance et la foi en Christ et en Son œuvre, on peut bâtir sa ‘maison’ sur le roc ; et selon les paroles du Seigneur, elle ne tombera pas. Que beaucoup de gens puissent encore souscrire à cette « assurance », la meilleure qui existe ! Ils ne le regretteront jamais. Et loué soit le Seigneur qui tiendra Sa parole !

4 - Paraboles de Matthieu ch. 9 à 12

4.1 - La présence de l’Époux — Matthieu 9:9-15 ; Marc 2:14-20 ; Luc 5:27-35

Dans la vie du Seigneur Jésus sur la terre, il y a eu bien des choses qui ont heurté les hommes, et dont les Juifs, tout spécialement, se sont scandalisés. La racine de ces sentiments se trouvait dans leur méchant cœur d’incrédulité. Ils ne savaient tout simplement pas QUI était devant eux, ni ne le croyaient. La gloire de Sa personne leur était cachée.

Il fut invité une fois par un publicain qu’Il venait d’appeler à Le suivre. Lévi (Matthieu) Lui fit un grand repas dans sa maison, et beaucoup de publicains et de pécheurs étaient à table avec Lui (Matthieu 9:9-15 ; Marc 2:14-20 ; Luc 5:27-35).

Les scribes et les pharisiens en furent fâchés, toutefois ils ne s’attaquèrent pas directement au Seigneur, mais seulement à Ses disciples : « Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? » (Luc 5:30). Le Seigneur répondit à leur place, et prit leur défense : « Ceux qui sont en santé n’ont pas besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal ».

4.1.1 - Les disciples de Jean

Il n’est pas exclu que cette circonstance ait eu lieu en un jour où les disciples de Jean et les pharisiens jeûnaient. Car dans chacun des trois évangiles, c’est toujours à la suite de ce repas dans la maison de Lévi qu’on trouve les critiques à propos du jeûne. En Matthieu ce sont les disciples de Jean le Baptiseur qui viennent interroger le Seigneur Jésus de la manière suivante :

« Pourquoi, nous et les pharisiens, jeûnons-nous souvent, et tes disciples ne jeûnent pas ? » (Matthieu 9:14).

Jésus et ses disciples venaient juste d’avoir un festin (Luc 5:29), tandis qu’eux, les disciples de Jean et les pharisiens et leurs disciples, jeûnaient. Eux, ils jeûnaient, et les disciples du Seigneur Jésus faisaient la fête, selon ce qu’ils s’imaginaient ! Comment concilier tout cela ? Il semble que ce n’était pas tant de l’inimitié qui les animait, mais plutôt une perplexité sincère.

Les pharisiens se vantaient de ce qu’ils jeûnaient volontairement deux fois par semaine (Luc 18:12), mais l’attitude fondamentale des disciples de Jean semblent avoir été quand même plus sérieuse. Leur maître avait lancé l’appel à la repentance en Israël en vue de la venue prochaine du Messie. N’était-il pas plus que convenable d’accompagner la repentance par un jeûne ? Lui-même n’avait ni mangé ni bu (Matthieu 11:18). Devaient-ils, en tant que ses disciples, délaisser cette habitude maintenant que leur maître était en prison ? Jean avait appelé à la repentance et avait jeûné. Eux, ses disciples, s’étaient repentis et avaient jeûné. Le jeûne n’était-il pas un fruit digne de la repentance ?

Moïse et Élie n’avaient-ils pas non plus été privés de nourriture assez longtemps ? Le prophète Joël n’avait-il pas proclamé : « Sanctifiez un jeûne, convoquez une assemblée solennelle » (Joël 1:14). Ce jeûne n’était-il pas la lamentation à Jérusalem dont Zacharie avait parlé (Zacharie 12:10) ? Pouvait-on ouvrir autrement à la maison de David la source pour le péché et pour l’iniquité (Zacharie 13:1) ? Tout cela était de nature à remuer le cœur de ces hommes — et voilà que les disciples de Jésus ne jeûnaient pas ! Comment le comprendre ? N’était-ce pas en contradiction évidente avec la parole de Dieu ?

Avant de considérer la belle réponse du Seigneur, il convient de dire quelques mots sur la position des disciples de Jean. Les livres historiques du Nouveau Testament nous montrent justement que ces disciples de Jean formaient un groupe à part pendant le service du Seigneur, et plus tard encore (Matthieu 11:2 ; 14:12 ; Jean 3:25 ; Actes 19:1-4). Même si Jean le Baptiseur était entièrement dépourvu de toute jalousie vis-à-vis de Celui qui venait après lui, et même s’il acceptait volontiers Sa prééminence (Jean 3:26-31), ses disciples ne semblent pas avoir tout à fait partagé cette noble attitude de leur maître. On doit même se rendre compte qu’ils n’avaient pas reconnu en vérité la personne de Jésus. Ils pensaient au royaume à venir, sans voir que le roi de ce royaume était devant eux. Ils étaient à juste titre remplis de la conscience de leur péché, mais restaient ignorants à l’égard de la personne du Sauveur des pécheurs. Du fait qu’ils se tenaient séparés des disciples du Seigneur, ils perdaient beaucoup de bénédiction, comme le montre bien l’exemple d’Actes 19.

Pourtant, lors de la circonstance qui nous occupe, ils firent la seule chose à faire : Ils vinrent directement au Seigneur avec leurs questions. N’est-ce pas pour nous un exemple à imiter ? Ne préférons-nous pas souvent aller d’abord vers les hommes pour la résolution de nos questions et de nos problèmes ? Bien sûr le Seigneur peut nous éclairer par le conseil de frères ou sœurs ayant du discernement. Qui voudrait négliger cela ? Pourtant notre cœur devrait encore et toujours chercher la proximité du Seigneur, capable comme nul autre de répondre aux questions de l’âme et de l’apaiser. Nous sommes déjà remplis de paix du seul fait d’avoir conscience de nous tenir directement avec notre problème devant notre bon Seigneur. Et si nous voulons poser des questions particulières au Seigneur Jésus sans toutefois être assurés de pouvoir le faire, accrochons-nous à ceci : Le plus important n’est pas tant notre question mais bien plutôt Sa réponse !

4.1.2 - La joie au lieu des lamentations

À ceux qui L’interrogent, le Seigneur répond à la manière qui est la Sienne, riche de grâce, et Il le fait par une petite parabole suivie de deux images :

« Les fils de la chambre nuptiale peuvent-ils mener deuil tant que l’Époux est avec eux ? » (Matthieu 9:15).

C’est l’une des paraboles dans lesquelles le Seigneur dit quelque chose de la dignité et de la position de Sa propre Personne — elles méritent donc spécialement notre attention. La personne du Seigneur et Ses relations avec Son Père et avec les hommes sont d’une importance et d’une signification qu’on ne peut surestimer. Elles constituent la partie centrale des révélations de Dieu dans Sa parole, et elles sont également la mesure d’après laquelle nous pouvons mesurer nos propres bénédictions issues de notre relation avec Lui.

Le Seigneur se désigne ici par le terme d’« époux ». De qui est-Il l’époux ? De l’église, de l’assemblée ? L’assemblée de Dieu est certes aussi Son épouse, Son épouse céleste (Apocalypse 21:2, 9 ; 22:17), mais elle n’existait pas au moment où le Seigneur parlait. Non, Lui, le Christ, présent au milieu d’Israël, se présente à la fille de Sion comme son époux. Jean lui-même n’avait-il pas parlé de Lui sous ce caractère, disant : « Ce n’est pas moi qui suis le Christ … Celui qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux, qui assiste et l’entend, est tout réjoui à cause de la voix de l’époux ; cette joie donc, qui est la mienne, est accomplie » (Jean 3:28, 29) ?

Par le terme d’« époux » le Seigneur fait allusion à des expressions de l’Ancien Testament, dans lesquelles l’Éternel, dans Sa grâce, se penche vers son peuple terrestre coupable, et se présente à lui comme son « mari » ou son « époux ». Écoutons deux de ces expressions qui touchent le cœur : « Car celui qui t’a faite est ton mari ; son nom est l’Éternel des armées, et ton rédempteur, le Saint d’Israël : il sera appelé Dieu de toute la terre. Car l’Éternel t’a appelée comme une femme délaissée et affligée d’esprit, et une épouse de la jeunesse [et] qu’on a méprisée, dit ton Dieu. Pour un petit moment je t’ai abandonnée, mais avec de grandes compassions je te rassemblerai » (Ésaïe 54:5-7). La citation suivante du même prophète n’est pas moins touchante : « On ne te dira plus ‘la délaissée’, et on n’appellera plus ta terre ‘la désolée’. Car on t’appellera : ‘Mon plaisir en elle’, et ta terre : ‘La mariée’ ; car le plaisir de l’Éternel est en toi, et ton pays sera marié. Car, [comme] un jeune homme épouse une vierge, tes fils t’épouseront, et de la joie que le fiancé [‘époux’ dans le texte allemand] a de sa fiancée, ton Dieu se réjouira de toi » (Ésaïe 62:4, 5 ; comparez également Osée 2:16-20).

Avec ces paroles de l’Éternel sous les yeux, nous réalisons toute l’étendue de la grâce de Dieu dans ce que Christ se présente à nouveau au peuple coupable en tant qu’« époux ». « Jésus », le vrai « Emmanuel » (« Dieu avec nous »), était venu pour « sauver son peuple de leurs péchés » (Matthieu 1:21-23) et pour renouer ainsi une relation d’époux-épouse avec lui ! Certainement, la repentance et la confession des péchés étaient nécessaires (Matthieu 3:2, 5, 6). Qui en douterait après tout ce qui s’était passé ? Mais maintenant Lui était là, leur Époux. La source de toute vraie joie était au milieu d’eux, manifestant la merveilleuse grâce de Dieu. Comment donc Ses disciples, liés à Lui en tant que ‘fils de la chambre nuptiale’, pouvaient-ils mener deuil et jeûner ? Celui qui voulait donner « l’huile de joie au lieu du deuil » était là (Ésaïe 61:3). Le cantique de louange de Marie (Luc 1:46-55) ne convenait-il pas beaucoup mieux que les lamentations de Jérémie ? Déjà à la naissance du Sauveur, les armées célestes avaient éclaté en louange envers Dieu, et les bergers aussi avaient glorifié Dieu et L’avaient loué « pour toutes les choses qu’ils avaient entendues et vues » (Luc 2:13-20).

Pourtant certains continuaient à mener deuil et à jeûner, alors qu’ils L’avaient sous les yeux. Comment était-ce possible ? Contrairement aux disciples de Jésus, les disciples de Jean ne réalisaient pas qui Jésus était réellement. Tel était le vrai problème. Jean le baptiseur avait parlé de ‘l’agneau de Dieu’ et de ‘l’époux’. Mais manifestement ils n’avaient pas ajouté foi à ce témoignage et ne L’avaient pas suivi. Au lieu de cela ils priaient et jeûnaient, et se tenaient à l’écart de Celui duquel Jean avait rendu témoignage.

Tout cela donne à réfléchir. Nos multiples défaillances et notre joie si petite n’ont-elles pas pour origine le fait que nous ne réalisons pas à quelle personne glorieuse nous avons affaire ? Nous avons certainement toutes raisons de nous humilier devant Dieu et de confesser notre culpabilité. Mais devons-nous en rester là ? N’avons-nous pas aussi la source de toute joie et de toute bénédiction ‘avec nous’, ‘en nous’, ‘au milieu de nous’ (Matthieu 28:20 ; Éphésiens 3:17 ; Matthieu 18:20) ? « Ta face est un rassasiement de joie, il y a des plaisirs à ta droite pour toujours » (Psaume 16:11).

4.1.3 - Jeûner

Mais le Seigneur indique alors un changement de relations lourd de conséquences :

« Mais des jours viendront, lorsque l’Époux leur aura été ôté ; et alors ils jeûneront » (Matthieu 9:15).

Des ombres épaisses allaient encore recouvrir le peuple d’Israël et ses espérances, avant que le soleil se lève à nouveau dans le règne millénaire : l’Époux leur serait ôté. Le Seigneur Jésus, « sachant toutes les choses qui devaient lui arriver », parle ici prophétiquement de Son rejet et de Sa mort. « Le Messie serait retranché et n’aurait rien » (Daniel 9:26). Quand Il serait dans le tombeau, alors Ses disciples aussi jeûneraient. Le Seigneur leur annonce ailleurs à l’avance : « En vérité, en vérité, je vous dis, que vous, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira ; et vous, vous serez dans la tristesse ; mais votre tristesse sera changée en joie » (Jean 16:20).

Nous voyons cette tristesse chez les deux disciples en chemin vers Emmaüs. Le Seigneur ressuscité se joignit à eux car Il savait qu’ils étaient « tristes » (Luc 24:17). Par la révélation de Lui-même Il a vite refait brûler leur cœur découragé.

Ainsi donc, le deuil des disciples du Seigneur n’a duré que peu de temps. Ce qu’Il leur avait prédit est devenu réalité : « Et vous donc, vous avez maintenant de la tristesse ; mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira : et personne ne vous ôte votre joie » (Jean 16:22). Comment auraient-ils pu continuer à mener deuil et à être craintifs en ayant sous les yeux le Seigneur ressuscité ? Et même quand Il « fut séparé d’eux, et fut élevé dans le ciel… ils s’en retournèrent à Jérusalem avec une grande joie. Et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu » (Luc 24:50-53).

Fondamentalement cette joie peut aussi nous caractériser dans le temps présent de la grâce (Philippiens 4:4) ; cependant elle n’exclut pas le jeûne dans des occasions particulières. Mais cela ne nous est pas imposé comme une règle ou une exigence. Le Seigneur n’a jamais condamné la pratique du jeûne (Matthieu 6:16-18 ; Marc 9:29 ; voir également Actes 13:3 ; 14:23 ; 2 Corinthiens 6:5 ; 11:27). Il est remarquable de voir combien souvent le jeûne est mentionné en rapport avec la prière. Dans notre parabole le Seigneur l’assimile au deuil.

Le jeûne, quand il est authentique, accompagne la tristesse du cœur. Quand le cœur est courbé, le jeûne est une expression convenable de ces sentiments. Si quelqu’un est dans une angoisse profonde, s’intéresse-t-il à manger et à boire ? L’esprit est occupé de manière si intensive des choses et des détresses spirituelles, que les besoins du corps passent complètement à l’arrière-plan pour un temps. Connaissons-nous encore aujourd’hui cet esprit de renoncement à soi-même qui caractérisait le nazaréen de l’Ancien Testament ? En tous cas, rien dans les Saintes Écritures ne justifie le fait de parler négativement du jeûne ou d’en rejeter entièrement la pratique.

Ainsi dans cette parabole de ‘la présence de l’Époux’, le Seigneur indique un changement proche et solennel de dispensation. La présence du Messie n’était que transitoire. L’appel de Lévi et Son festin avec les publicains et les pécheurs étaient des signes clairs qu’Israël comme tel était déjà mis de côté. Le fait que l’Époux qui séjournait alors parmi eux allait leur être ôté était un signe clair de la catastrophe toute proche — non pas une catastrophe qui allait fondre sur Lui, comme on aurait pu le penser, mais sur eux.

4.2 - Le morceau de drap neuf et le vin nouveau — Matthieu 9:16-17 et Luc 5:36-39

Dans cette petite parabole double, le Seigneur poursuit le courant de pensée amorcé par la parabole de ‘la présence de l’époux’. Les deux images suivantes se complètent l’une l’autre :

« Et personne ne met un morceau de drap neuf à un vieil habit, car la pièce emporte [une partie] de l’habit, et la déchirure en devient plus mauvaise. On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement les outres se rompent, et le vin se répand, et les outres sont perdues ; mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et tous les deux se conservent » (Matthieu 9:16-17).

Les images en tant que telles sont claires. Lorsqu’on prend un morceau d’un tissu qui n’a pas été porté et lavé, et donc non rétréci, et qu’on le coud solidement au tissu vieux et rétréci d’un habit pour réparer une déchirure, il en résulte une déchirure encore plus grande du tissu vieux. Le morceau de tissu neuf rajouté (littéralement : « morceau de remplissage ») « rétrécira » tôt ou tard, devenant plus petit. Le vieux tissu ne pourra pas supporter alors les tensions en résultant : une nouvelle déchirure naîtra à la couture.

La seconde image, comme la première, est aussi tirée de la vie quotidienne de l’époque. Dans l’antiquité, pour conserver et transporter les liquides, on utilisait des peaux d’animaux cousues ensemble, qu’on appelle des « outres ». Pour éviter autant que possible des changements de goût, on tannait soigneusement les peaux. Avec le temps, ces outres d’allure assez informe, devenaient dures et friables. Si on mettait alors dans de vieilles peaux du vin nouveau dont la fermentation n’était pas encore totalement achevée, les gaz naissant durant la fermentation mettaient sous pression les outres devenues friables, et les faisaient éclater. Du coup tout était perdu, le contenu et le contenant. C’est pour cela qu’on ne pouvait mettre du vin nouveau que dans des outres [récipients] neuves dont les peaux étaient encore assez élastiques pour pouvoir supporter la pression des gaz.

4.2.1 - Changement de dispensation

Par cette petite parabole double (comp. Luc 5:36 : « Et il leur dit aussi une parabole »), le Seigneur Jésus approfondit la pensée de l’imminence d’un changement de dispensation. Que signifie ‘un changement de dispensation’ ?

Israël était autrefois sous la première alliance — une alliance d’œuvres. Dieu voulait mettre à l’épreuve l’homme sous une loi qui exigeait certaines œuvres. Pour cela Il avait donné à Son peuple terrestre de bons commandements, comme aucun autre peuple n’en possédait. Mais à peine furent-ils donnés que le peuple les rompit. « La loi n’a » donc « rien amené à la perfection » (Hébreux 7:19). La faute n’en était pas à la loi — elle était sainte, juste et bonne (Romains 7:12) — mais à la méchanceté incorrigible de l’homme.

Avec la venue de Christ est intervenue la fin de cette époque, de la dispensation de la loi. La ruine de l’homme ayant été démontrée, Dieu voulut alors agir envers lui en grâce illimitée et inconditionnelle (et également l’éprouver de cette manière). Même si le fondement nécessaire à cela — l’œuvre propitiatoire de Christ à Golgotha — n’avait pas encore été posé pendant Sa vie ici-bas, la bonté de Dieu se tournait néanmoins dès avant la croix vers les publicains et les pécheurs. Ils étaient les objets particuliers de Sa grâce — une grâce qui allait bientôt franchir les frontières d’Israël et se tourner vers toutes les nations. En Christ, « la grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes » (Tite 2:11).

Les ‘publicains et les pécheurs’ étaient donc plus proches du royaume de Dieu que les ‘pharisiens’, irréprochables selon la loi cérémonielle, mais qui méprisaient les autres et se glorifiaient de leur prétendue justice (Luc 18:9 et suiv.). La raison pour laquelle les publicains étaient plus proches est qu’au lieu de se confier dans la chair, ils reconnaissaient leur méchanceté devant Dieu. Ils étaient les ‘malades’ qui avaient besoin d’un médecin, et ils le savaient. Or le Sauveur des pécheurs était venu pour appeler de tels pécheurs à la repentance — non pas ceux qui étaient ‘en bonne santé’, qui, dans leur propre justice, croyaient ne pas avoir besoin de Lui. Ceux qui étaient ‘en bonne santé’ s’appuyaient sur la loi et pensaient pouvoir se tenir devant Dieu par ce moyen. Par contre, ‘les publicains et les pécheurs’ se réfugiaient dans la grâce de Dieu qui leur était offerte.

Déjà au paragraphe précédent (Matthieu 9:9-13), on voit le passage de la loi à la grâce. Pour une âme pieuse, le passage de la dispensation de la loi à la dispensation de la grâce présentait sans aucun doute une énorme difficulté. N’était-ce pas difficile de reconnaître que Dieu changeait d’intention, et que ce qui avait été valable pendant des siècles, et que Dieu Lui-même avait institué, n’était plus désormais Son principe d’action envers l’homme ? La réponse est que Dieu n’avait jamais eu l’intention de se révéler pleinement sous la loi, dans le judaïsme. Certes la loi avait apporté une révélation partielle de Dieu, mais la pleine révélation de ce qu’est Dieu et de qui Il est, n’a pu être apportée que par la venue du Fils de Dieu. Christ est l’image du Dieu invisible ; Lui seul est l’expression parfaite de Son cœur et de Ses pensées.

4.2.2 - Incompatibilité de la loi et de la grâce

Le Seigneur montre maintenant, dans les deux images de notre parabole, qu’il est impossible de mélanger le principe de la grâce avec les anciennes formes du judaïsme. Il fallait soit la loi soit la grâce. On ne pouvait pas avoir les deux, on ne pouvait pas mêler les deux. C’est ce que les disciples devaient apprendre autrefois, et que nous devons aussi apprendre aujourd’hui.

4.2.2.1 - Le morceau neuf au vieil habit

Le ‘vieil habit’, c’est le judaïsme de ce temps-là, sous la forme vers laquelle les pharisiens et les scribes l’avaient fait évolué par leurs doctrines et leurs coutumes, leur formalisme et leur fausse justice (Matthieu 5:20). En dessous de la classe dirigeante, peut-être y en avait-il qui reconnaissaient certaines carences de leur système et qui n’étaient pas hostiles à une certaine amélioration ou réforme. Un ‘morceau neuf’ de ce que Jésus enseignait et faisait, n’aurait pas fait de mal à leur système, à leurs yeux. Mais le Seigneur Jésus en montre l’inutilité absolue : le neuf ne ferait que déchirer d’autant plus le vieux. Il est effectivement impossible d’associer ces deux systèmes. On ne peut pas — même si c’est dans une toute petite mesure (« un morceau ») — se servir de la grâce pour améliorer un système religieux marqué de l’empreinte pharisienne. Il était impossible de mêler les formes extérieures ou les manifestations de ce que Christ apportait, aux formes extérieures ou aux manifestations qui caractérisaient le judaïsme. C’est de ces formes extérieures ou de ces manifestations que semble parler ‘l’habit’. Nous ne devons pas perdre de vue que le christianisme lui aussi — ou l’évangile de la grâce, pouvons-nous dire aussi — suscite des effets visibles extérieurement. Mais cet ‘habit neuf’ qui faisait voir les effets de la grâce, ne pouvait en aucune manière être mis au même rang que les formes légales et en partie hypocrites du judaïsme (Matthieu 6:2, 5, 16 ; 23:13 et suiv.).

Quand Christ était sur cette terre, le système juif était déjà comme un vieux vêtement râpé. Il n’était bon à rien sinon à être jeté. Essayer de le réformer par des valeurs morales apportées par le christianisme, non seulement manifesterait encore plus la corruption de l’ancien système, comme nous l’avons déjà dit, mais le nouveau en serait aussi gâté. Nous allons reparler bientôt plus en détail de cette incompatibilité entre la grâce et la loi.

Signalons, dans ce contexte, une différence intéressante entre ce que le Seigneur dit en Matthieu et ce qu’il dit en Luc à propos de l’inutilité de mettre un morceau neuf à un vieil habit. Tandis qu’en Matthieu il n’est pas du tout fait mention d’un habit neuf :

« Et personne ne met un morceau de drap neuf à un vieil habit » (Matthieu 9:16),

il est dit en Luc :


« Personne ne met un morceau tiré (*) d’un habit neuf à un vieil habit ; autrement il déchirera le neuf, et aussi la pièce [prise] du neuf ne s’accordera pas avec le vieux » (Luc 5:36).

(*) Note Bibliquest : remarquer que l’auteur utilise le sens littéral du texte biblique en traduisant « tiré d’un habit neuf » et non pas simplement « d’un habit neuf » selon la traduction JN Darby en français.

L’évangile selon Matthieu insiste sur l’inutilité d’améliorer le ‘vieil habit’, la dispensation juive en train de disparaître, à l’aide d’un ‘morceau’ chrétien. Luc, par contre, ajoute la pensée que l’habit neuf serait, lui aussi, déchiré et gâté, si l’on en découpait un morceau pour réparer l’ancien. Si on associait ce que le vrai christianisme manifeste de sa nature, aux formes et aux rites du judaïsme — c’est ce qui s’est passé dans la chrétienté jusqu’à aujourd’hui — les formes d’expressions ou les manifestations qu’apporte le christianisme en seraient détruites. C’est l’avertissement du Seigneur dans Sa première image.

4.2.2.2 - Du vin nouveau dans de veilles outres

La seconde image élargit la pensée de la première. Il y a à la fois des parallèles et des contrastes entre les deux. Le vieux ne pouvait pas être conservé par un rajout d’un petit morceau du neuf associé au vieux. Le nouveau ne pouvait pas être conservé en l’associant en totalité avec le vieux. C’est là une pensée parallèle. — Le vieil habit ne pouvait pas être conservé par l’ajout d’un morceau neuf. Le vin nouveau ne pouvait pas être conservé en le versant dans de vieilles outres ; c’est la pensée contraire. — Mais les deux images se retrouvent sur leur point culminant respectif : Quand on associe le vieux avec le neuf, les deux sont gâtés, le vieux aussi bien que le neuf.

Le ‘vin nouveau’ nous parle de la vérité, de la force et de la joie intérieures du christianisme. Le ‘vin nouveau’ ne pouvait pas être contenu dans de ‘vieilles outres’, les institutions et les cérémonies du judaïsme. Dieu avait éprouvé Israël par la loi, mais maintenant, Il envoyait l’évangile de Sa grâce. Il ne s’agissait donc plus d’améliorer le vieux, mais d’accepter le nouveau. La nouvelle bénédiction a été trop grande, la défaillance dans l’ancienne dispensation a été trop démontrée. On ne peut pas associer l’évangile de la grâce avec le judaïsme. Ils sont aussi incompatibles que la grâce et la loi.

Or malgré cela, depuis le commencement du christianisme, on n’a pas manqué de tentatives visant à mélanger les éléments du christianisme avec les éléments du judaïsme. On se disait que les deux étaient finalement d’origine divine, la loi comme la grâce. Pourquoi ne pas prendre le meilleur des deux systèmes pour en faire quelque chose d’encore meilleur ? Déjà les Galates essayaient de mélanger la loi et la grâce ; et l’apôtre Paul a dû les reprendre sérieusement sur ce point. La chrétienté recommence cela aujourd’hui.

L’effet est toujours double et pernicieux à tous égards. D’une part on enlève à la sainte loi de Dieu le sérieux et la frayeur qu’elle inspire, en la ravalant à n’être qu’un instrument pour endiguer les défaillances de conduite des gens. D’autre part la grâce de Dieu inconditionnelle perd son vrai et beau caractère justement par le fait qu’on cherche à mériter la faveur de Dieu par un système d’œuvres.

Si les saintes exigences de Dieu consignées dans la loi sont bien comprises, elles doivent forcément être un sujet d’effroi pour l’homme qui n’est pas saint. La loi exige la justice de la part de l’homme sans lui donner la force nécessaire pour la produire. Elle met à nu son péché sans épargner et le condamne sans lui donner le moyen d’en être délivré. C’est là la force et l’utilité de la loi, mais aussi la frayeur qu’elle produit (comp. Romains 7:7-13 ; Galates 3:10 ; 1 Timothée 1:8-10).

En revanche, la grâce est ce qu’il y a de plus heureux et de plus merveilleux qui puisse arriver à un pécheur perdu. Car la grâce n’exige rien, elle donne. La grâce agit avec l’homme non pas selon ce qu’il est, mais selon ce que Dieu est. Or Dieu, qu’est-Il ? Lumière et amour. Dans Son amour Il a livré Son Fils à la mort ; dans Sa sainteté Il L’a puni pour ce que nous avions commis.

Dans le temps présent, Dieu est juste en justifiant celui qui est de la foi de Jésus (Romains 3:26). Combien la grâce de Dieu est magnifique ! Elle donne au racheté une place « en Christ » — une place dans la gloire du ciel. Le chrétien est mort avec Christ, et est aussi mort à la loi (Romains 6:8 ; 7:1-6). Mais ce qu’il vit, il le vit à Dieu (Romains 6:11 ; Galates 2:19). Il possède le Saint Esprit comme sceau de la rédemption, et aussi comme arrhes de son héritage céleste (Éphésiens 1:13-14). Tout cela, et encore bien plus, il le possède par pure grâce. « Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ; non pas sur le principe des œuvres, afin que personne ne se glorifie » (Éphésiens 2:8, 9).

Quand on a un peu compris ce qu’est la loi et ce qu’est la grâce, est-il pensable de mélanger ces deux principes, sans par-là les détruire tous deux ? Peut-on imaginer qu’un système religieux mort comme le judaïsme de cette époque-là et comme la chrétienté d’aujourd’hui, puisse être associé au ‘vin nouveau’ ? Les ‘vieilles outres’ des formes humaines figées peuvent bien contenir le dépôt du ‘vin vieux’ ; mais la force intérieure au christianisme et les principes qui lui sont propres les ferait éclater. Là où il y a la force de l’Esprit, les formes légales ne font que démontrer leur faiblesse. Une chrétienté imprégnée de rituels et de cérémonies humaines n’est en réalité ni juive ni chrétienne — « ceux qui se disent être Juifs, — et ils ne le sont pas, mais ils mentent » (Apocalypse 3:9).

4.2.2.3 - Préférer le ‘vin vieux’

Quel immense danger il y a à se contenter d’une forme extérieure de piété sans avoir la force intérieure correspondante (2 Timothée 3:5) ! L’homme aime les formes religieuses. Il est fou au point de croire que, s’il les a, il a aussi la chose elle-même. Mais si la réalité manque, si la foi manque, l’observation de formes extérieures ne fait que détourner toujours plus loin de Christ. C’est cela qui est vraiment tragique. Et au lieu de la grâce qui conduit à la repentance, l’esprit de légalisme et d’autosatisfaction se développera.

Dans ce contexte, il est extrêmement remarquable que Luc ajoute encore une phrase du Seigneur à la fin de la parabole, ce qu’aucun autre évangéliste ne mentionne :

« Et il n’y a personne qui ait bu du vieux, qui veuille aussitôt du nouveau ; car il dit : Le vieux est meilleur » (Luc 5:39).

Le Seigneur Jésus ne dit pas que le vin vieux est effectivement meilleur que le nouveau, mais Il dit que c’est ce que pensent les gens — les Juifs qui repoussaient le ‘vin nouveau’ qu’Il apportait. La manifestation de la grâce, oui, la manifestation de Lui-même dépassent la capacité de compréhension de l’homme à un tel point, et d’une manière tellement contraire à son intelligence, qu’elles n’engendrent que défiance et résistance de sa part. C’est la raison pour laquelle la nature pécheresse de l’homme se sent beaucoup plus proche des prescriptions légales que de ce que Christ apportait. Elle préfère faire quelque chose par elle-même, plutôt que d’accepter la grâce en confessant son impuissance. Qu’il est immense le cortège de ceux de la chrétienté qui, après que la grâce en Christ leur ait été proposée, veulent en rester au ‘vin vieux’ et disent : « Le vieux est meilleur » ! Que ceci soit un chemin menant avec certitude à la perdition n’est pas le sujet de notre parabole. D’autres passages de l’Écriture le montrent.

Avant de terminer, faisons encore la comparaison avec les noces de Cana. C’est là que le Seigneur accomplit Son premier miracle, en changeant l’eau en vin. « Mais lorsque le maître d’hôtel eut goûté l’eau qui était devenue du vin, et qu’il ne savait point d’où celui-ci venait (mais les serviteurs qui avaient puisé l’eau le savaient), le maître d’hôtel appelle l’époux, et lui dit : Tout homme sert le bon vin le premier, et puis le moindre, après qu’on a bien bu ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant » (Jean 2:9, 10).

Il est aussi parlé dans cette circonstance de deux vins différents, le ‘moindre’ et le ‘bon’. Le ‘bon vin’ était la manifestation de Sa merveilleuse Personne ; car le récit s’achève par ces paroles : « Jésus fit ce commencement de [ses] miracles à Cana de Galilée, et il manifesta sa gloire ». Combien c’est heureux, bien-aimés : Quel que soit le moment où le Seigneur Jésus se manifeste, que ce soit autrefois, aujourd’hui, pendant le millénium, ou dans l’éternité — le résultat est toujours une joie débordante et une gloire parfaite !

Oui, nous Le connaissons déjà maintenant. Mais un jour, peut-être proche, Il se manifestera à nous en gloire. Nous Le verrons comme Il est (1 Jean 3:2). Ne nous exclamerons-nous pas, bouleversés : « Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! » ?

4.3 - La brebis tombée dans la fosse — Matthieu 12:11-12

4.3.1 - Aperçu général du chapitre 12

Au chapitre 12 de l’évangile de Matthieu, nous trouvons plusieurs petites paraboles qui se rapportent toutes à l’état de la nation juive.

Ce chapitre constitue un tournant dans l’évangile selon Matthieu. Le Seigneur Jésus s’était fait connaître au milieu de Son peuple terrestre comme le Messie promis. La multitude du peuple avait entendu les paroles de grâce sortant de Sa bouche et avait vu Ses actes de puissance magnifiques. Les aveugles recouvraient la vue, les lépreux étaient rendus nets, les démons étaient chassés et les morts ressuscitaient. N’était-il pas manifeste qu’« Emmanuel » (= Dieu avec nous) avait visité ce peuple pour « le sauver de leurs péchés » (Matthieu1:21-23) ? Mais le peuple, vu dans son ensemble, n’avait de cœur ni pour Jésus ni pour la grâce qu’Il offrait. La haine des conducteurs du peuple allait toujours croissant, jusqu’à prétendre qu’Il chassait les démons par Béelzébul, le chef des démons (Matthieu 12:24). Le Seigneur accepte le rejet de la part de Son peuple, et là-dessus, Il rompt les relations extérieures qui L’avaient lié à ce peuple (Matthieu 12:46-50). Désormais Il ne se présentait plus à la nation juive en tant que Messie. Il allait plutôt opérer quelque chose de nouveau avec le « royaume des cieux ». Pour marquer ce changement prochain dans les voies de Dieu, « Jésus, étant sorti de la maison, s’assit près de la mer » (Matthieu 13:1).

Au cours du chapitre 12 dans Ses derniers discours au peuple, le Seigneur Jésus introduit trois petites paraboles, celle de « la brebis dans la fosse » (Matthieu 12:11), celle de « la maison de l’homme fort » (Matthieu 12:29) et celle de « l’esprit immonde » (Matthieu 12:43-45). La première parabole est en rapport avec la question du sabbat, la deuxième avec le blasphème du Saint Esprit et la troisième avec le désir de cette « génération méchante et adultère » (les juifs) de voir un signe opéré par le Seigneur.

4.3.2 - Le sabbat

La circonstance des huit premiers versets du chapitre manifeste déjà l’inimitié des pharisiens. Les disciples du Seigneur avaient arraché des épis le jour du sabbat, et les froissaient dans leurs mains pour les manger. Cela suscita l’opposition de ces conducteurs : « Voilà, tes disciples font ce qu’il n’est pas permis de faire en un jour de sabbat » (Matthieu 12:2). Ils se trompaient. Ce n’était pas la loi qui l’interdisait (comp. Deutéronome 23:25), mais seulement les prescriptions qu’ils y avaient ajoutées eux-mêmes, et qui, pour une partie d’entre elles, étaient exagérées jusqu’au ridicule, — cette « tradition des hommes » comme Il la nommait (Marc 7:8). Il aurait pu le leur montrer, et leur faire sentir combien il était répréhensible d’avoir ajouté leurs propres ordonnances à la loi de Dieu. Mais dans Sa sagesse infinie, Il agit tout autrement : Il leur montre en actes et en doctrine que maintenant tout lien entre la nation et Dieu était rompu.

Que valaient les formes extérieures de leur culte juif quand le Fils de Dieu était rejeté ? Dans l’histoire du peuple, il y avait eu des jours très semblables aux jours actuels. David, le vrai roi, avait été rejeté de son peuple et s’était enfui pour sa vie. Saül, le roi selon le cœur du peuple, était assis sur le trône d’Israël pendant que le roi de Dieu était en fuite. En un jour de sabbat, David et ses hommes mangèrent des pains de proposition, ce qui n’était permis qu’aux sacrificateurs, et n’en furent pourtant pas coupables (comp. Lévitique 24 avec 1 Samuel 21). Comment l’expliquer ? Si l’Oint de l’Éternel était rejeté, même les choses sanctifiées données par Dieu à Son peuple cessaient d’être saintes.

Il en était de même maintenant. N’était-il pas tout à fait caractéristique que les disciples de Jésus en soient réduits à arracher des épis pour calmer leur faim ? Le Messie séjournait au milieu de Son peuple, et pourtant ceux qui Le suivaient étaient affamés — un signe certain de ce qu’Il était déjà le rejeté. Quel sens y avait-il à veiller à l’observation rigoureuse du sabbat quand le Seigneur du sabbat était rejeté ? Dieu peut-Il recevoir quelque chose de saint de la part de gens qui rejettent Son Fils ? Quand le cœur n’appartient pas à Christ, combien les cérémonies extérieures sont dénuées de valeur !

Ensuite vient la guérison de l’homme à la main sèche, qui est mise en relation avec notre petite parabole. Cela se passait aussi un jour du sabbat. La question hypocrite des pharisiens était de savoir s’il était permis de guérir le jour du sabbat. Ils cherchaient une nouvelle raison pour L’accuser. Mais avant d’aborder l’image de « la brebis dans la fosse » dont le Seigneur se sert pour répondre, nous aimerions nous arrêter un moment sur la signification fondamentale du sabbat — sur laquelle même de vrais chrétiens ne sont pas toujours au clair, et cela a amené beaucoup de doctrines et de pratiques malsaines.

Deux questions se posent : Les chrétiens doivent-ils aussi garder le sabbat ? Et, si oui, a-t-il été reporté au dimanche ? C’est non qu’il faut répondre clairement à ces deux questions. Il n’y a, dans le Nouveau Testament, pas le moindre indice tendant à supporter un quelconque report du sabbat au dimanche. Quand on parle du sabbat, il est toujours question du septième jour de la semaine, et non pas du premier. Le sabbat était un jour de repos accordé au peuple d’Israël. Dieu Lui-même s’était reposé au septième jour de toute Son œuvre qu’Il avait faite (Genèse 2:2, 3), et Il avait « sanctifié » le septième jour, c’est-à-dire qu’Il l’avait distingué et séparé des autres jours de la semaine. Plus tard le sabbat devint un élément essentiel de la loi mosaïque. Il parle du travail et de la peine de l’homme sous la loi en ayant en vue le repos quand l’homme répondrait aux exigences de la loi. Nous savons que ce repos n’a jamais pu être réalisé à cause du péché. Ainsi le septième jour fait partie du système juif. C’est pour cela qu’il est significatif que, dans les évangiles, quand on voit le Seigneur Jésus en rapport avec le sabbat, Il est toujours en train de le violer, en tout cas selon l’avis des Juifs. Effectivement Il faisait beaucoup de Ses miracles justement le jour du sabbat, et Il rompait ainsi le lien entre Lui et Israël, dont le sabbat était un signe tout particulier (comp. Luc 13:16 ; Jean 5:9 ; 7:23 ; 9:14).

Mais ce ne fut pas tout ; Il apporta sa caution à un jour autre que celui du sabbat, le premier de la semaine. C’est en ce jour-là qu’Il apparut aux disciples rassemblés comme le Ressuscité victorieux (Jean 20:19). C’est le jour de Sa résurrection, le jour de Son triomphe sur la mort et sur le diable. Ce jour que l’ancien Testament caractérisait déjà comme le « lendemain du sabbat » (Lévitique 23:11, 16) porte dans le Nouveau Testament le titre significatif de « journée dominicale » (= jour du Seigneur ; Apocalypse 1:10) : Il Lui appartient.

La résurrection de Christ est le commencement d’une nouvelle création, le fondement de la nouvelle alliance. Dieu a été pleinement glorifié par Christ et par Son œuvre rédemptrice accomplie, et Il L’a ressuscité d’entre les morts en réponse à cela. C’est en Lui, le Christ ressuscité, que le vrai chrétien trouve maintenant son repos et sa joie. C’est le premier jour de la semaine, notre dimanche, qui convient donc au christianisme. Tant que nous pouvons le vivre, il nous parle toujours à nouveau de Sa résurrection. Il représente un don précieux de Dieu pour nous. C’est en ce jour-là que les premiers chrétiens se réunissaient pour rompre le pain (Actes 20:7). L’apôtre Paul insistait aussi pour que, chaque premier jour de la semaine, les croyants mettent de côté de l’argent pour l’œuvre du Seigneur et pour les pauvres d’entre leurs frères (1 Corinthiens 16:2). N’avons-nous pas toutes les raisons de nous réjouir de tout cœur de ce don, et de consacrer ce jour de manière toute particulière à l’adoration du Père et du Fils ? Ne devrions-nous pas profiter tout particulièrement de ce jour-là pour jouir de la communion avec le Seigneur et pour Le servir ?

Il y a encore autre chose à ne pas oublier : Dieu ne nous a pas donné de loi à l’égard du premier jour de la semaine, le jour du Seigneur. Le Juif au contraire, était sous la loi, et était donc sous l’obligation de garder le sabbat. Le croyant du temps de la grâce est mort à la loi (Rom 7:1-6), il n’est sous aucun joug, pas même celui de la loi. « Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant » dit l’apôtre, et il ajoute un peu plus loin : « Car vous, frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement n’usez pas de la liberté comme d’une occasion pour la chair, mais, par amour, servez-vous l’un l’autre » (Galates 5:1, 13). Ainsi les Israélites avaient l’obligation d’observer le sabbat ; mais le chrétien a le privilège de passer le premier jour de la semaine en communion avec Dieu.

Pour finir, notons encore que le repos sabbatique éternel est toujours réservé au peuple de Dieu (Hébreux 4:9). En un certain sens, le repos même de Dieu a été interrompu par le péché, et maintenant Dieu travaille, et Christ travaille, et le Saint Esprit travaille. Le but de l’activité de Dieu est de sauver encore beaucoup de gens (ce à quoi Il veut aussi nous utiliser), et à la fin de réconcilier toutes choses (Colossiens 1:20). Quand Son conseil sera accompli, et que tout, dans l’univers de Dieu, sera comme Il l’a toujours voulu, alors Il se reposera enfin de toutes Ses œuvres. Et là, nous aussi, nous auront part à ce repos magnifique, éternel, dont le sabbat était déjà le type depuis des millénaires.

4.4 - L’homme à la main sèche — Matthieu 12:9-13

Tandis que le Seigneur était à la synagogue un jour de sabbat pour enseigner, il y avait là un homme ayant une main sèche (Matthieu 12:9-13 ; Marc 3:1-6 ; Luc 6:6-11). Les pharisiens et les scribes L’observaient pour voir s’Il guérirait le jour du sabbat. Seul Matthieu nous rapporte qu’ils Lui posèrent aussi la question : « est-il permis de guérir le jour du sabbat ? ». Cette question montre qu’ils étaient intérieurement convaincus que Christ avait la capacité de guérir, et pourtant ils ne croyaient pas en Lui. Quelle dureté de cœur cela manifeste !

Même si notre Sauveur vivait dans l’abaissement parmi les hommes, Il était néanmoins le Maître de la situation. C’est toujours réjouissant de voir cela. Voilà donc l’homme à la main sèche. Sur ordre du Seigneur, il s’avance au milieu de la synagogue. Ceux qui guettent le Seigneur se réjouissent déjà d’une joie méchante, Le voyant bientôt pris au piège. La voix du Maître rompt ce silence tendu, elle est rayonnante de calme et de tranquillité :

« Quel sera l’homme d’entre vous, qui aura une brebis, et qui, si elle vient à tomber dans une fosse un jour de sabbat, ne la prendra et ne la relèvera pas ? Combien donc un homme vaut-il mieux qu’une brebis ! De sorte qu’il est permis de faire du bien le jour de sabbat » (Matthieu 12:12).

Quelle logique impérieuse, parce que c’est de la logique divine ! Qui pouvait y opposer ne serait-ce qu’un seul mot ? C’est ainsi que le Seigneur a convaincu d’hypocrisie Ses adversaires, en se servant d’une petite parabole, si simple.

En outre, elle tire sa beauté de ce qu’elle nous présente le Seigneur Jésus comme le bon berger qui va chercher une de Ses brebis pour la retirer de la fosse. C’est la suite de l’évènement qui nous le montre — qui plus est, un exemple du Seigneur mettant en relation une parabole avec un miracle, et l’« illustrant » ainsi. Ici Il retire la brebis de la fosse, tandis que dans les paraboles parallèles de Matthieu 18:12-14 et Luc 15:4-7 Il va à la suite d’une seule brebis qu’Il a perdue, et la cherche. La parabole de Luc 15 commence en des termes très similaires à ceux de Matthieu 12 : « Quel est l’homme d’entre vous, qui, ayant cent brebis et en ayant perdu une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf au désert, et ne s’en aille après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ? » La question du Seigneur : « Combien donc un homme vaut-il mieux qu’une brebis ? » peut s’appliquer aux deux paraboles, et les deux paraboles sont une réponse du Seigneur à l’indignation des pharisiens. Dans le premier cas, cette indignation provenait de ce que Jésus guérissait le jour du sabbat, et dans le deuxième de ce qu’Il recevait des pécheurs et mangeait avec eux.

Un exemple de parabole suivant un miracle — et non pas de miracle suivant une parabole, comme ici — se trouve en Jean 9 et 10. Au chapitre 9 le Seigneur ouvre les yeux de l’aveugle-né par un miracle, et cela donne la clé de la parabole de la « porte des brebis » et des leçons du chapitre suivant. Nous avons également cette même séquence (miracle - parabole) avec la parabole de la « maison de l’homme fort », qui suit celle dont nous nous occupons (Matthieu 12:22-29).

Mais ici c’est le miracle qui suit la parabole : « Alors il dit à l’homme : Étends ta main. Et il l’étendit, et elle fut rendue saine comme l’autre » (Matthieu 12:13). Combien c’est magnifique ! Cet homme avait de la foi, assez de foi pour étendre sa main sèche à la demande du Seigneur. Ne pourrions-nous pas tous apprendre quelque chose de lui ? Réagirons-nous également avec foi aux paroles de notre Seigneur, s’Il nous invite à étendre notre main vers Lui, — cette main qui par nature est totalement « sèche » et inapte à aucune bonne œuvre ? Il répondra toujours par une riche bénédiction à l’obéissance de la foi.

Il n’est pas difficile de reconnaître une image du peuple d’Israël dans cet « homme à la main sèche ». Ce peuple a été autrefois, et est encore aujourd’hui, dans un état d’assèchement spirituel — sans foi pour étendre la main vers Lui. À l’inverse de cet « homme », ce peuple n’a pas tiré profit de la présence du Seigneur et de Sa volonté de guérir. Mais le jour viendra, où il sera amené par de graves épreuves à montrer de la foi au Seigneur Jésus, tandis qu’aujourd’hui continue à s’accomplir pour ce peuple cette parole prophétique bouleversante : « Sion étend ses mains, il n’y a personne qui la console » (Lament. de Jérémie 1:17).

4.5 - La maison de l’homme fort — Matthieu 12:22-29 ; Marc 3:22-30 ; Luc 11:14-23

La petite parabole de Matthieu 12 de ‘l’homme fort’ suit un miracle du Seigneur, celui de la guérison du possédé aveugle et muet (12:22-29). Nous avions vu l’ordre opposé dans la parabole de la ‘brebis tombée dans une fosse’. Ici, comme en Jean 9 et 10, le Seigneur Jésus ajoute une parabole pour faire comprendre la signification propre et la portée du miracle qu’Il avait accompli.

4.5.1 - Le blasphème contre le Saint Esprit

Les pharisiens s’étaient rendus coupables du blasphème contre le Saint Esprit — un péché qui ne serait pas pardonné, dit le Seigneur. Parce qu’il y a toujours de nouveau des personnes qui pensent avoir commis ce péché et en conséquence, ne pas pouvoir être pardonnées, je voudrais m’arrêter quelques instants sur ce point important. Le diable cherche à ôter la paix même à de vrais enfants de Dieu, en leur suggérant qu’ils ont péché volontairement, et qu’en cela ils ont commis le péché contre le Saint Esprit qui ne peut être pardonné, même si l’on se courbe profondément devant ce qui a été commis. On argumente aussi que David lui-même a finalement prié en disant : « ne m’enlève pas l’Esprit de ta sainteté ! » (Psaume 51:11). Qui pourrait dès lors soutenir l’irréversibilité de la possession du Saint Esprit, et du salut du croyant qui l’accompagne ? Beaucoup de gens sont jetés dans une profonde détresse par de telles questions qui suscitent le doute ! C’est spécialement à elles que s’adressent les lignes suivantes.

4.5.2 - Satan chasse-t-il Satan ?

Que s’était-il passé aux jours du Seigneur ? Le Seigneur Jésus avait encore une fois prouvé Son autorité et Sa puissance divines en guérissant un possédé aveugle et muet. Ce possédé était en outre une figure parlante, bien que fort triste, de la nation juive : aveugle vis-à-vis de la personne de Jésus, leur roi, et muette quant à la louange qu’ils avaient à rendre à Dieu. Certes la masse du peuple était dans l’étonnement, et disait « celui-ci serait-Il le Fils de David ? ». Mais cette question elle-même laissait planer le doute sur ce qu’Il était réellement. Les pharisiens, toujours pleins d’envie et de jalousie vis-à-vis du Seigneur, franchirent alors un pas de plus, un pas décisif : ne pouvant nier le miracle, ils l’attribuèrent sans hésiter à Satan, et prétendirent : « Celui-ci ne chasse les démons que par Béelzébul, le chef des démons » (Matthieu 12:24).

Ce n’était pas la première fois qu’on faisait cette méchante imputation, mais jusque-là, le Seigneur ne s’y était pas arrêté. Mais cette fois-ci le Seigneur prit position de manière infiniment sérieuse contre ce blasphème effrayant et méchant. Il fit d’abord ressortir le contresens complet de leur argument. Comment un système peut-il exister quand il combat contre lui-même ? Et si Satan chasse Satan, c’est qu’il est divisé contre lui-même. Était-ce pensable ? C’était une folie absolue de le croire ! En outre parmi leurs propres fils, il y avait des soi-disant exorcistes, comme le montre d’ailleurs l’exemple d’Actes 19 (v. 13 et suiv.). Par quelle puissance exerçaient-ils alors leur œuvre malencontreuse, si Lui, le Christ, chassait les démons par Béelzébul ? « Je connais Jésus et je sais qui est Paul » leur dit l’esprit malin, « mais vous, qui êtes-vous ? » (Actes 19:15).

4.5.3 - En quoi consiste le blasphème contre le Saint Esprit

Le Seigneur Jésus prononce alors une phrase décisive pour notre sujet : « Mais si moi je chasse les démons par l’Esprit de Dieu, alors le royaume de Dieu est parvenu jusqu’à vous » (Matthieu 12:28). Remarquons ceci : Jésus ne chassait pas les démons simplement par Sa propre puissance — la puissance de l’Éternel, car Il était effectivement l’Éternel (Yahweh). Mais comme homme, Il était assujetti en tout à Son Père, et le Père faisait les œuvres (Jean 14:10, 11). Ici, nous apprenons qu’Il accomplissait aussi Ses miracles dans la puissance de l’Esprit de Dieu. Ils étaient l’expression visible de ce que le Saint Esprit habitait et agissait en Lui : Il chassait les démons par le doigt de Dieu (Luc 11:20).

Il est bien vrai que l’Esprit de Dieu habite et agit aussi en nous les rachetés, mais combien nous pouvons facilement L’attrister (ou Le « contrister ») (Éphésiens 4:30), voire même « L’éteindre » dans Son activité (1 Thessaloniciens 5:19) ! C’est pourquoi une accusation de la sorte à l’encontre du Saint Esprit ne peut pas nous toucher de la même manière, car Il ne peut se manifester en nous qu’imparfaitement. Bien des choses à cause desquelles on nous outrage correspondent même à la vérité. Mais dans le Seigneur Jésus, notre Rédempteur, tout était parfait, et le Saint Esprit pouvait agir en Lui sans entrave. Et si Christ chassait les démons, alors Il le faisait sans restriction par l’Esprit de Dieu. Dès lors, prétendre qu’Il le faisait par le chef des démons, c’était directement le « blasphème contre l’Esprit », c’était « parler contre le Saint Esprit ». Le Seigneur dit que ce péché ne serait pardonné ni dans « ce siècle » (c’est-à-dire le temps où le Seigneur Jésus séjournait sur la terre), « ni dans celui qui est à venir » (c’est-à-dire le règne de mille ans) (Matthieu 12:31, 32).

Or il est fondamentalement vrai que des gens animés dans leur cœur d’une telle méchanceté contre le Seigneur Jésus sont exclus de tout pardon, tant qu’ils restent dans cet état sans se repentir. Mais ceci est plus une application de cette position, que directement le blasphème lui-même contre le Saint Esprit. Reconnaître une puissance de Dieu agissant dans le Seigneur Jésus et l’attribuer malgré tout à Satan, voilà ce péché effrayant et impardonnable. Il ne pouvait effectivement être commis que quand le Seigneur Jésus séjournait sur cette terre. Les pharisiens s’en étaient rendus coupables.

Ceci est confirmé par une indication qui ressort du passage parallèle de l’évangile de Marc. « En vérité, je vous dis que tous les péchés seront pardonnés aux fils des hommes, et les paroles injurieuses, quelles qu’elles soient, par lesquelles ils blasphèment ; mais quiconque proférera des paroles injurieuses [ou : blasphèmes] contre l’Esprit Saint n’aura jamais de pardon ; mais il est passible du jugement éternel ». Il y a ensuite une justification qui clarifie parfaitement la circonstance : « C’était parce qu’ils disaient : Il a un esprit immonde » (Marc 3:28-30). C’est cela qui constitue donc ce terrible péché : être en présence du Seigneur et d’un tel miracle de Sa grâce devant les yeux, et prétendre qu’Il avait un esprit impur et qu’Il avait accompli Son miracle dans la puissance de cet esprit impur. Ils qualifiaient de démon le Saint Esprit par lequel Il avait accompli ce miracle. Il n’y avait pas de pardon pour cela.

4.5.4 - Un péché dispensationnel

Il s’agissait d’un péché dispensationnel, et redisons-le expressément : il ne peut pas être commis aujourd’hui, et en tout cas pas de la même manière. Ceux qui l’avaient commis fournissaient la preuve qu’ils avaient péché au point que leurs consciences étaient endurcies. Ils étaient arrivés au point où il ne peut plus y avoir de délivrance.

Si je parle ainsi de « péché dispensationnel », c’est pour montrer que le Seigneur Jésus a manifestement attribué le blasphème contre le Saint Esprit à des dispensations particulières. L’expression « ni dans ce siècle ni dans celui qui est à venir » ne signifie pas du tout qu’il y ait encore pour certaines personnes, un pardon dans un autre monde, comme on le prétend et l’enseigne dans plusieurs milieux chrétiens. Nous avons déjà brièvement indiqué que le Seigneur parlait de deux ères [ou : siècles] bien précises, celle qui était alors en train de se terminer, et l’autre à venir, le règne de mille ans. Nous chrétiens, notre position est en dehors de ces ères [ou : « siècles »]. L’ère chrétienne actuelle n’était alors pas encore révélée, en conséquence de quoi ce n’est pas d’elle que le Seigneur parlait. Pourtant ces paroles du Seigneur peuvent s’appliquer également à ceux qui, dans le temps présent, refusent intentionnellement le témoignage du Saint Esprit au sujet de Christ. De tels gens ne peuvent connaître le pardon ni dans l’ère juive, ni dans l’ère actuelle, ni dans n’importe quelle autre ère [ou : siècle]. Combien cela est extrêmement sérieux !

C’est justement des enfants de Dieu angoissés et faibles qu’on entend parfois parler de leur inquiétude profonde, de ce qu’ils auraient commis le péché contre le Saint Esprit et seraient ainsi perdus quoi qu’il arrive. Mais leur manière vague de s’exprimer montre déjà à elle seule combien, d’un point de vue général, leur souci est sans fondement. Ils parlent presque toujours — certainement inconsciemment — de péché contre le Saint Esprit, alors que le Seigneur utilise une autre expression : « le blasphème contre le Saint Esprit » ; « celui qui aura proféré des paroles injurieuses [ou : blasphémé] contre le Saint Esprit ». Tout péché est finalement contre Dieu, et par là également contre le Saint Esprit (Psaume 51:4). Mais pécher contre Dieu est une chose, et blasphémer le Saint Esprit en est une autre. Les mettre sur le même niveau conduit à des conclusions fatales et fausses.

4.5.5 - La prière de David

Quand David pria après son grave péché en disant : « ne m’ôte pas l’esprit de ta sainteté », une telle prière était tout à fait appropriée en ce temps-là. À cette époque l’œuvre de la rédemption n’était pas encore accomplie. Néanmoins, il a plu à l’Esprit de Dieu de venir sur, ou de saisir quelqu’un à de certaines occasions, même des incrédules, pour se révéler sous une forme ou sous une autre. Pensons simplement à l’exemple de Saül, qui fut saisi par l’Esprit de Dieu en sorte qu’il se mit à prophétiser et que ceci passa en proverbe : « Qu’est-il donc arrivé au fils de Kis ? Saül aussi est-il parmi les prophètes ? » (1 Samuel 10:10, 11).

Cependant, aujourd’hui, l’Esprit de Dieu habite dans le croyant sur la base de la rédemption accomplie, et son corps est le temple du Saint Esprit (1 Corinthiens 6:19). Le Seigneur Jésus avait également dit à ses disciples à Son sujet, que cet autre Consolateur ne les laisserait pas — comme Lui-même — mais qu’Il serait avec eux éternellement. Il demeurerait avec eux et serait en eux (Jean 14:16, 17). C’est pour cela que la requête de David serait tout à fait inappropriée pour nous, et nulle part dans le Nouveau Testament on ne trouve mention de ce genre de prière. Dieu se plait certainement à nous entendre Lui demander que le Saint Esprit nous remplisse davantage ou que nous ne L’attristions pas. Mais prier qu’Il ne nous soit pas ôté, cela reviendrait à rabaisser l’œuvre de notre Seigneur ; car le Saint Esprit est bien le sceau de la rédemption et les arrhes de notre héritage futur (2 Corinthiens 1:21, 22 ; Éphésiens 1:13, 14).

L’exemple de notre Seigneur nous fait également comprendre clairement que nous posséderons l’Esprit Saint aussi dans la résurrection. Quoiqu’il eût traversé la mort, c’est « par l’Esprit Saint » que le Seigneur « a donné », en tant que ressuscité, des ordres aux apôtres » (Actes 1:2) : Il ne L’avait pas perdu. Et nous non plus, nous ne Le perdrons jamais.

4.5.6 - L’homme plus fort

Revenons maintenant aux paroles de notre Seigneur en Matthieu 12. Il avait chassé le démon qui avait asservi le possédé aveugle et sourd. Le diable avait habité dans cette personne, dans cette « maison ». Combien cela est terrible, et entièrement opposé à la « maison » du croyant chrétien ! Nous avons vu précédemment que le corps du croyant est le temple du Saint Esprit. Mais ici c’est le diable, sous la forme d’un de ses démons, qui avait pris possession de cette personne et habitait en elle. Il a fallu la force de quelqu’un de plus fort pour libérer cet homme de la puissance de Satan ; et c’est ce que le Seigneur présente dans la petite parabole suivante :

« Ou comment quelqu’un pourra-t-il entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens, si premièrement il n’a lié l’homme fort ? et alors il pillera sa maison » (Matthieu 12:29).

Avant de nous occuper de la signification de cette parabole, signalons une relation intéressante avec la troisième parabole en Matthieu 12, celle de ‘l’esprit immonde’. Dans les deux paraboles on voit un homme devenu domicile de Satan. Dans l’une l’adversaire est vaincu par l’homme plus fort et ses biens sont pillés. Dans l’autre l’esprit immonde n’est chassé que temporairement, puis il revient avec sept autres esprits plus méchants que lui-même. Quel contraste : plus fort — plus méchant ! De plus, la première parabole offre un aspect individuel de l’habitation de Satan, tandis que la seconde offre un aspect collectif de cette habitation. La première parabole se termine par la victoire de l’homme plus fort, la fin de la deuxième parabole est le jugement de la génération méchante.

La guérison du démoniaque montre déjà que le Seigneur Jésus est l’homme plus fort, qui est entré dans la maison de l’homme fort (le diable), et a remporté la victoire sur lui. Néanmoins, dans Sa parabole, le Seigneur dépasse le fait historique actuel, et y décrit quelque chose d’une importance fondamentale.

Quand le Sauveur est venu dans ce monde, il est entré en quelque sorte dans la ‘maison’, c’est-à-dire dans la sphère de puissance de Satan. Mais quand l’a-t-Il « lié » ? Beaucoup croient que ceci a eu lieu à Golgotha. Or il ne semble pas que ce soit ici la signification des paroles du Seigneur. Elles semblent beaucoup plus viser Ses tentations par le diable au désert. Après son baptême au Jourdain, Jésus a été reconnu par le Père comme Son Fils Bien aimé, après que l’Esprit de Dieu soit descendu sur lui comme une colombe (Matthieu 3:16, 17). Ensuite Il a été tenté par le diable dans le désert pendant plus de 40 jours.

En rapport avec notre sujet, il est remarquable que la période de tentation du Seigneur se soit située avant le commencement de Son service public. L’intention de l’ennemi était de faire sortir le ‘Fils’, si c’était bien Lui, de la position de serviteur qu’Il avait prise volontairement. Mais tous les efforts du diable de Le faire sortir de la position d’obéissance et de dépendance de son Père ont été vains. C’est justement par cela que Christ a lié Satan, pour pouvoir ensuite piller ses ‘biens’ pendant Son service sur cette terre. Oui, « Lui a passé de lieu en lieu, faisant du bien, et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance, car Dieu était avec Lui » (Actes 10:38).

Sur la croix de Golgotha, le Seigneur n’a pas simplement lié l’homme fort, mais Il l’a vaincu — lui qui avait le pouvoir de la mort, pour délivrer « tous ceux qui, par la crainte de la mort, étaient, pendant toute leur vie, assujettis à la servitude » (Hébreux 2:14, 15). C’est dans cette mesure, c’est-à-dire dans une mesure encore beaucoup plus importante, qu’Il pille encore aujourd’hui la maison de l’homme fort. Et Il le fera encore plus tard au temps du royaume de paix, quand Satan aura été jeté dans l’abîme.

Quel bonheur, bien-aimés, de ne plus faire partie des ‘biens’ de Satan, mais d’appartenir à Celui qui, en tant qu’homme plus fort a lié ‘l’homme fort’ et l’a vaincu ! Même si dans ce passage il n’est pas parlé de l’œuvre nécessaire pour cela, nous connaissons et louons Celui qui l’a accomplie pour nous.

4.6 - L’esprit immonde — Matthieu 12:43-45

La parabole de ‘l’esprit immonde’ semble se rapporter à la guérison d’un démoniaque tout comme la parabole précédente (‘la maison de l’homme fort’, Matthieu 12:22 et suiv.). En tout cas, c’est ce que suggèrent les paroles introductives :

« Or quand l’esprit immonde est sorti d’un homme, il va par des lieux secs, cherchant du repos, et il n’en trouve point. Alors il dit : Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti. Et y étant venu, il la trouve vide, balayée et ornée. Alors il va, et prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui-même ; et étant entrés, ils habitent là ; et la dernière condition de cet homme-là est pire que la première. Ainsi en sera-t-il aussi de cette génération méchante » (12:43-45).

Toutefois, le Seigneur n’a pas prononcé cette parabole directement à la suite d’un miracle opéré par Lui, comme dans le cas des deux autres paraboles de ce chapitre (‘la brebis dans la fosse’ et ‘la maison de l’homme fort’). Ces deux dernières servaient à expliquer la signification de Ses miracles. Ici il s’agit au contraire de la demande d’une méchante génération de voir un signe. Le Seigneur n’avait-il pas fait le miracle remarquable de la guérison du démoniaque, et les pharisiens ne l’avaient-ils pas attribué au diable ? Au lieu de croire, ils demandaient encore un autre signe. On s’étonne comment, après tous les miracles puissants opérés par le Seigneur, ils pouvaient encore avoir l’audace de dire : « Maître, nous désirons voir un signe de ta part » (12:38).

4.6.1 - Deux signes solennels : convaincus ou jugés ?

N’avaient-ils pas assez vu de signes et de miracles ? À cet égard, il est peut-être instructif de remarquer que non moins de 33 miracles du Seigneur sur les 46 qui sont rapportés ont eu lieu en Galilée. Non, aucun signe supplémentaire ne les convaincrait. C’est pour cela que le Seigneur leur donne un ou deux signes appropriés pour les juger.

« Mais lui, répondant, leur dit : Une génération méchante et adultère recherche un signe ; et il ne lui sera pas donné de signe, si ce n’est le signe de Jonas le prophète. Car, comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Des hommes de Ninive se lèveront au jugement avec cette génération et la condamneront, car ils se sont repentis à la prédication de Jonas, et voici, il y a ici plus que Jonas » (12:39-41).

C’était le premier signe. Jonas fut le premier et le seul prophète à être envoyé aux nations avec un message de la part de Dieu. Mais avant de remplir correctement sa mission, il dut symboliquement passer par la mort et la résurrection. De la même manière le Fils de l’homme passerait Lui aussi par la mort, et en tant que ressuscité d’entre les morts, Il apporterait aux nations la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. Mais si le Messie était retranché, quelle espérance resterait-il pour cette génération méchante et adultère ? Le fait que les hommes de Ninive aient prêté l’oreille au message du prophète et se soient inclinés devant lui, renforcerait d’autant plus le jugement solennel des hommes d’Israël, puisque ceux-ci rejetaient le message d’un plus grand que Jonas.

En outre, il y avait encore un deuxième signe, pour ainsi dire : la force d’attraction de la sagesse de Salomon sur la reine de Sheba. « Une reine du midi se lèvera au jugement avec cette génération et la condamnera, car elle vint des bouts de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et voici, il y a ici plus que Salomon » (12:42). La gloire de cette sagesse (voir 1 Rois 10) avait suscité dans son cœur quelque chose d’encore plus précieux que la repentance des Ninivites : elle l’avait amenée en présence du grand roi. Et quel en avait été le résultat ? Tous les désirs de son cœur furent plus que satisfaits. Et qu’en était-il maintenant ? Quelqu’un d’incomparablement plus grand que Salomon était au milieu de Son peuple, et ils avaient le privilège d’être en Sa présence. Ce n’était rien moins que Celui qui avait donné à Salomon toute sa sagesse, toute sa richesse et toute sa gloire. Mais eux ne voyaient « pas d’apparence en Lui pour le faire désirer » (Ésaïe 53:2).

Combien le cœur de notre Seigneur a dû être remué par tout cela. Une tristesse profonde semble accompagner ces paroles graves du Seigneur, quand Il se met à parler du sort futur de cette « génération », la nation juive.

4.6.2 - L’idolâtrie

Sur ces entrefaites, Il décrit d’abord leur état actuel dans la parabole de « l’esprit immonde ». L’esprit immonde (une image de l’idolâtrie) avait effectivement quitté « l’homme », Israël, pour un temps.

Il semble que, parmi tous les efforts de Satan pour éloigner les hommes de Dieu, l’idolâtrie ait été la forme de mal ayant le mieux réussi. L’Écriture sainte ne mentionne pas l’idolâtrie avant le déluge. À cette époque, le diable se servait des passions sans frein de l’homme, comme les premières pages de la bible en donnent un aperçu. Une fois l’épée de la justice mise entre les mains de Noé et de ses fils, la violence physique fut certes enrayée, mais le mal moral continua son cours sans retenue. Et comme les hommes n’avaient pas de sens moral pour garder la connaissance du vrai Dieu (Romains 1:28), et qu’ils avaient quand même besoin d’un dieu quel qu’il soit, ils se firent leurs propres dieux sous la direction de Satan. Ils les firent comme leurs cœurs méchants les désiraient. Ils leur prêtèrent tous les méchants caractères qui remplissaient leurs propres cœurs. L’idolâtrie sous toutes ses formes eut tôt fait de pénétrer tout le monde connu alors.

Dans Sa grâce Dieu choisit Abraham, et le fit sortir de l’idolâtrie. Il allait devenir le père des croyants. Mais « l’esprit immonde » dans toute son efficacité pernicieuse, n’épargna pas la race élue. L’Écriture nous montre que la maison même de Jacob avait toléré l’idolâtrie. Et pendant la traversée du désert, le peuple s’y livra, et même sous le règne du roi le plus sage, elle fut maintenue. Enfin Manassé, roi de Juda et fils du pieux Ézéchias, fit pis que tous ceux qui avaient été avant lui. Il suffit de lire l’histoire de ses actes abominables en 2 Rois 21 ! Dieu prononça alors finalement le jugement sur Jérusalem, et la ville ne tarda pas à être « écurée comme on écure un plat » (2 Rois 21:13) : les fils de Juda furent chassés en tant qu’héritage de l’Éternel, et furent livrés en la main de leurs ennemis et emmenés en captivité à Babylone.

Depuis ce temps jusqu’à maintenant, on n’a plus trouvé d’idolâtrie parmi les Juifs. C’est ce que le Seigneur veut exprimer en disant que l’esprit immonde est sorti de cet homme. Ils avaient « balayé et orné » leur maison. Cela ne veut pas dire que d’autres formes de mal ne se trouvaient pas parmi eux ; mais quant à l’idolâtrie d’autrefois, ils en avaient purifié leur maison. Ils l’avaient même richement dotée des formes religieuses d’une piété extérieure — ils l’avaient « ornée », comme dit le Seigneur. Bien sûr les Juifs étaient très contents d’eux-mêmes et de leur piété, comme le sont toujours les hommes religieux avec leurs formes vides. Seulement ils ne remarquaient pas que Dieu n’y était plus. Et quand Il revint encore une fois vers eux dans la personne de Son Fils Jésus Christ, ils Le rejetèrent. La conséquence en était désormais l’imminence de la rupture avec eux. Se doutaient-ils un peu de ce que cela signifiait, pour le présent et pour le futur proche et lointain ?

Le Seigneur lève ici un peu le voile, et laisse voir à eux et à nous, des choses qui font frissonner. L’esprit immonde traverserait des lieux secs, chercherait du repos, mais n’en trouverait pas. Il avait besoin d’un lieu pour s’installer ; oui, il avait besoin d’une « maison » telle que le peuple juif : balayée et ornée, avec une profession de Dieu, avec beaucoup de piété extérieure, mais en réalité sans Dieu. Tel était le « terrain fertile », la « maison » appropriée pour qu’il s’y déploie. Le Seigneur Jésus prédit qu’il retournerait ainsi dans sa maison, et montre qu’en réalité cet esprit méchant n’avait jamais abandonné « sa maison », et qu’il amènerait avec lui sept autres esprits plus méchants que lui-même. Ensemble, ils prendraient possession de la maison et y habiteraient, « et la dernière condition de cet homme-là est pire que la première ».

Le Seigneur fait allusion par là au temps de la fin et au sort de cette « génération méchante et adultère ». Non seulement l’idolâtrie prendra de nouveau possession du peuple juif coupable, mais des formes de mal encore plus graves y trouveront également domicile. Ne recevant pas Celui qui était venu au nom de Son Père, ils recevraient un autre, venu en son propre nom, l’antichrist, l’homme de péché (Jean 5:43). Par le moyen de ce personnage, l’homme s’assiéra dans le temple de Dieu et se fera apporter l’adoration divine ; il « se présentera lui-même comme étant Dieu » (2 Thessaloniciens 2:3, 4). On rendra hommage à l’antichrist aussi bien qu’à l’image de « la première bête », le chef de l’empire romain (Apocalypse 13:11-18), et ceux qui le feront seront les hommes, la nation ayant la plus grande intelligence de la terre ! Ce sont donc justement les Juifs qui redeviendront idolâtres, et c’est du milieu d’eux que s’élèvera l’antichrist par lequel Satan exercera sa puissance d’une manière effroyable, jusqu’alors inconnue.

4.6.3 - Conclusions pratiques

Quand l’homme est sous le contrôle de Satan et est abandonné aux convoitises de son méchant cœur, il n’y a alors effectivement aucune forme de mal à laquelle peut échapper même l’homme le plus intelligent, ni le monde entier si hautement civilisé. Combien sommes-nous heureux aujourd’hui d’être encore au temps de la grâce, où Dieu agit encore aujourd’hui par Son Esprit et par Sa parole, et fait briller la lumière de l’évangile ! Pourtant l’avertissement du Seigneur s’adresse à nous tous : « L’esprit immonde » viendra, et avec lui le temps où plus personne ne pourra travailler (Jean 9:4). De profondes ténèbres morales régneront alors sur ce monde, et tout sera livré à la puissance directe de Satan. Combien il est meilleur, chers amis, d’avoir Dieu et Sa parole pour guide, et non pas Satan ni les convoitises de notre cœur !

Nous apprenons donc une nouvelle fois que, même des paraboles qui visent clairement et prophétiquement Israël, sont quand même remplies d’avertissements et d’instructions pour les croyants comme pour les non croyants d’aujourd'hui, pour l’individu comme pour la collectivité. Par exemple, avons-nous appris l’inutilité absolue de vouloir maîtriser extérieurement un mal quelconque, et combien l’apport de simples réformes extérieures est peine perdue ? Si on ne le fait pas avec Dieu, si on ne le surmonte pas avec Dieu, rien n’est vraiment gagné. Le peuple juif avait certes réformé et balayé sa maison, et pourtant ce n’était que le premier pas vers quelque chose de pire.

Ceci peut également être l’image de quelqu’un qui rompt avec une mauvaise habitude pour un temps, sans toutefois recevoir Christ dans son cœur. En agissant ainsi, il s’est borné à faire de la place pour l’esprit méchant qui reviendra avec du renfort. Au lieu d’aller vers une amélioration, les choses empireront pour cette personne. Sans une œuvre de Dieu véritable dans le cœur, il y aura tôt au tard endurcissement, et Satan gagnera d’autant plus de puissance sur l’homme.

La maison d’Israël ornée n’est-elle pas aussi une image frappante de la maison de la chrétienté professante ? Ne se contente-t-on pas aussi ici de beaucoup de formes et réformes extérieures, sans qu’on se rende compte que le Seigneur Jésus est dehors, hors du système créé par l’homme ? On se vante d’être riche — riche en biens spirituels et terrestres, riche en influence et en intelligence, riche en dignité et en fonctions dont on est investi, riche en efforts sociaux, culturels et humanitaires, riche en efforts pour l’amélioration du monde. Cela ne veut pas dire que tout ce qui est fait est sans valeur. Bien des activités et attitudes généreuses conviendraient aussi aux enfants de Dieu. Mais tout cela est fait sans Dieu, et c’est la raison pour laquelle le Seigneur doit dire à Laodicée : « Parce que tu dis : Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien, et que tu ne connais pas que, toi, tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu ». Ce système sans vie sera finalement vomi de Sa bouche (Apocalypse 3:16,17).

Le chemin de la chrétienté sans Christ ressemble à celui du judaïsme sans Christ. Ils se rencontreront sous le règne impitoyable de l’antichrist. Tous les privilèges de la foi judaïque seront alors abandonnés, et aussi ceux de la foi chrétienne (1 Jean 2:22). Et comme les esprits méchants habiteront la maison juive, de même aussi « Babylone », l’église mondaine du temps de la fin deviendra « la demeure de démons » et le « repaire de tout esprit immonde » (Apocalypse 18:2).

Quelle signification profonde et vaste se trouve contenue dans les simples paroles du Seigneur Jésus ! Puissions-nous les prendre à cœur, ainsi que les avertissements qui y sont contenus ! Lui nous familiarise avec la fin de ce mouvement que nous ne pouvons pas saisir dans son ensemble. Son point de vue est toujours le bon. C’est là qu’il faut mettre notre confiance, et non pas dans ce que disent les hommes !

4.7 - Les enfants têtus — Matthieu 11:16-19 et Luc 7:31-35

La parabole des « enfants têtus » jouant sur la place du marché se trouve à peu près mot pour mot en Matthieu 11:16-19 et Luc 7:31-35. Le contexte est aussi le même dans les deux évangiles. Le Seigneur avait parlé de Jean le baptiseur, et avait montré que, sous l’ancienne dispensation de la loi, parmi ceux qui sont nés de femme, aucun n’était plus grand que Jean le baptiseur. Il avait été estimé digne d’être le précurseur direct du Seigneur Jésus, pour préparer Sa voie comme Messie. Et non seulement ce service exceptionnel lui avait été confié, mais Jean le baptiseur était lui-même l’objet de la prophétie (Malachie 3:1).

Les conducteurs religieux du peuple avaient-ils accepté cette personnalité extraordinaire, ce messager de Dieu ? Non. Les publicains se faisaient bien baptiser par lui, et ainsi ils justifiaient Dieu ; c’est-à-dire ils avouaient et témoignaient que les revendications de Dieu à leur égard étaient fondées. Mais les pharisiens et les scribes le refusaient délibérément. De cette manière, ils annulaient le propos de Dieu à leur égard.

Alors le Seigneur Jésus montre à l’aide d’une petite image à quel point les « hommes de cette génération » (juive) étaient insensés, et non seulement ils étaient insensés, mais il y avait derrière tout cela une profonde méchanceté.

4.7.1 - L’image

« À qui donc comparerai-je les hommes de cette génération, et à qui ressemblent-ils ? Ils sont semblables à des petits enfants qui sont assis au marché et qui crient les uns aux autres et disent : Nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ; nous vous avons chanté des complaintes et vous n’avez pas pleuré » (Luc 7:31-32).

Représentons-nous d’abord la scène que le Seigneur décrit. En soi, elle est toute simple — si nous laissons tout à la place où le Seigneur l’a mis. Il y a là des enfants sur la place du marché, et ils jouent. La grande place du marché était naturellement parfaitement appropriée aux jeux d’enfants, les jours où il n’y avait pas marché. Le Seigneur voit devant Lui deux groupes d’enfants. Cela ressort encore plus clairement du texte de Matthieu : « Elle est semblable à de petits enfants assis dans les marchés, et criant à leurs compagnons… » (Matthieu 11:16).

L’un des groupes cherche à conduire et à influencer le jeu des autres à leur idée. Ils voudraient d’abord jouer à tel jeu, et ensuite à tel autre ; et si cela ne marche pas, ils s’en plaignent aux autres.

Ils veulent d’abord jouer à la noce. Pour cela ils imitent ce que font les adultes dans une telle occasion, et spécialement ce qu’ils aiment faire dans le cortège. Ainsi ils sifflent ou jouent de la flûte sur des pipeaux qu’ils se sont fait eux-mêmes, ou bien ils reproduisent le son seulement avec leurs lèvres. Ils attendent alors que les autres enfants se mettent à danser et sauter. Mais ceux-ci refusent car ils n’ont pas envie de ce jeu. Il leur faut alors entendre la plainte : « nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ».

Alors les premiers enfants disent en quelque sorte : « si vous ne voulez pas jouer à ce jeu drôle, jouons à un jeu triste, à l’enterrement ! » Et ils se mettent à imiter de nouveau les adultes, et commencent à faire tout haut des lamentations et des complaintes. Matthieu 9:23 montre que c’était effectivement l’usage en Israël. On faisait même venir des personnes spécialisées qui s’y connaissaient en lamentations et en chants de douleur (Amos 5:16). De telles pleureuses faisaient le tour des rues (Ecclésiaste 12:5). Mais les autres enfants ne veulent pas non plus jouer à ce jeu-là. Ils refusent de pleurer et de se frapper la poitrine en signe de deuil, car tel est le sens du terme « complaintes » utilisé par Matthieu (11:17). Et de nouveau on leur fait le reproche : « nous vous avons chanté des complaintes et vous ne vous êtes pas lamentés ».

Manifestement l’un des groupes d’enfants prend un rôle de meneur dans les jeux, et lance l’idée de ce qu’on doit jouer. Devant le refus des autres, ils passent au jeu correspondant, mais complètement inverse. Et quand les autres ne se plient par à leur volonté, et ne veulent ni d’un jeu ni de l’autre, ils s’en plaignent tout fort auprès d’eux. Voilà, dit à peu près le Seigneur, cette génération est justement semblable à ces enfants (voir Matthieu 11:16).

Le Seigneur commence par une double question : « À qui comparerai-je les hommes de cette génération et à qui ressemblent-ils ? » ; cette double question souligne la gravité avec laquelle Il établit la comparaison. C’est comme si, après avoir posé Sa question, Il avait observé un petit temps d’arrêt pour donner l’occasion à Ses auditeurs de se faire une idée de la réponse à donner. Mais alors, Il dit Lui-même à qui Il les compare : aux enfants entêtés du premier groupe.

4.7.2 - L’application

« Car Jean le baptiseur est venu, ne mangeant pas de pain et ne buvant pas de vin, et vous dites : Il a un démon. Le fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites : Voici un mangeur et un buveur, un ami des publicains et des pécheurs. Et la sagesse a été justifiée par tous ses enfants » (Luc 7:33-35).

Par ces paroles, le Seigneur applique cette parabole aux Juifs d’un côté, et à Jean le baptiseur et à Lui-même de l’autre côté. Le « Car » au début du v. 33 a conduit bien des commentateurs à expliquer que les enfants jouant de la flûte ou chantant des complaintes symbolisent Jésus et Jean (l’un mangeait et buvait, et l’autre pas), et que les autres enfants qui ne les suivaient pas étaient une image du peuple désobéissant.

Mais cette interprétation n’est pas en harmonie avec les paroles du Seigneur introduisant la parabole : « À qui comparerai-je les hommes de cette génération, et à qui ressemblent-ils ? » Il ne dit pas : « À qui me comparerai-je, Moi et Jean ? » Il poursuit en disant « Ils sont semblables à des enfants… ». Il ne se représente pas non plus, Lui et Jean, comme ceux qui passent d’un extrême à l’autre, et se plaignent ensuite de ce que le peuple n’accompagne pas ces revirements. Il est aussi frappant de ce que dans l’image, le son de la flûte est nommé en premier, et les complaintes ensuite, tandis que dans l’application qu’en fait le Seigneur, Il commence par parler de Jean le baptiseur prêchant la repentance, et ensuite de Lui-même. Non, ces enfants têtus ne sont une image ni du Seigneur et de Jean, ni de leur service, mais du peuple Juif.

Ils se comportaient comme des enfants insensés et têtus. Quand Dieu leur envoya Jean le baptiseur, il était décidément trop sérieux pour eux. Ils voulaient qu’on « joue de la flûte », ils voulaient que tous se réjouissent avec eux et « dansent ». Quand Jean refusa, et ne mangea ni ne but avec eux, mais plutôt prêcha la repentance, ils lui collèrent sans hésiter l’étiquette de « possédé par un démon » (Luc 7:33), et se détournèrent de lui. Ils voulaient de la « noce », avoir de la joie, — sans repentance ni conversion.

Alors le Seigneur Jésus vint à eux, et avec Lui des jours de joie et de bénédiction — s’ils s’étaient repentis à la prédication de Jean. Mais ils allèrent à sa rencontre avec un esprit d’« enterrement ». Ils jeûnaient pendant que l’époux était présent (comparer la parabole de la présence de l’époux, en Matthieu 9), ils insistaient sur une observance stricte de la loi, mais rejetaient la grâce apparue en Christ. Ce qu’ils exigeaient de la part de Jean, ils le condamnaient chez Jésus. Car si Jean « ne mangeait ni ne buvait », le Fils de l’homme s’abaissa à manger et à boire avec les publicains et les pécheurs. Quand le Seigneur Jésus ne voulut pas « chanter des complaintes », pour reprendre le langage de la parabole, il rencontra Lui aussi l’indignation des « enfants têtus ». Ils allèrent même jusqu’au point de Le traiter avec mépris de mangeur et de buveur, et d’ami des publicains et des pécheurs.

Ainsi « cette génération » avait sous les yeux à la fois Jean le baptiseur et le Fils de l’homme Lui-même, et elle les condamnait tous les deux. Effectivement aux yeux des gens de l’époque comme à ceux d’aujourd’hui, ce que Dieu fait est pratiquement tout faux. On ne veut ni Sa justice ni sa grâce. Si Dieu appelle à la repentance, pour beaucoup de gens c’est trop sérieux et ils n’écoutent pas. Et s’Il leur présente Sa grâce en Christ, pour la plupart des gens c’est trop facile et trop simple, et ils refusent. Derrière tout cela il n’y a rien d’autre que le méchant cœur de l’homme qui est inimitié contre Dieu (Romains 8:7).

Finalement dans ce que les Juifs disaient sur Jean et sur le Seigneur, ils ne se condamnaient qu’eux-mêmes, et comme nous le verrons de nouveau, le jugement de l’homme naturel dans les choses de Dieu ne vaut rien du tout. Il interprète de travers aussi bien la gravité de Jean que la grâce du Seigneur, parce qu’en réalité il ne veut pas les comprendre. Nous avons déjà trouvé ce principe dans la parabole du semeur.

4.7.3 - Les enfants de la sagesse

Si calomnieux que fût le jugement des Juifs sur le Seigneur et son précurseur, le Seigneur ne s’avise pas de se défendre devant eux. Il ajoute seulement ces paroles remarquables : « et la sagesse a été justifiée par tous ses enfants ». Que veut-Il dire par-là ?

Il avait montré où cela mène de suivre la folie et l’entêtement du cœur de l’homme. Les « hommes de cette génération » ne faisaient que montrer clairement par leur comportement vis-à-vis du Seigneur et de Son précurseur qu’ils étaient des enfants de folie. Il ne le dit pas expressément, mais c’est juste à quoi revient l’enseignement qu’Il veut donner avec cette parabole des « enfants têtus ».

Mais de son côté, la sagesse, aussi, a des enfants. En Proverbes 8 la « sagesse » est présentée comme une personne, et nous pouvons déjà reconnaître en elle le Seigneur Jésus. Dans le Nouveau Testament il est parlé nommément de Christ comme étant la puissance et la sagesse de Dieu (1 Corinthiens 1:24). Voilà donc maintenant les enfants de la sagesse, ceux qui suivent la vraie sagesse et qui croient en Christ. Tandis que la grande masse du peuple juif refusait aussi bien Jean le baptiseur que le Seigneur Jésus, il y avait quand même des individus qui accordaient foi au message du premier, comme à la Personne et aux paroles du second. Par-là, la sagesse était justifiée, ou, autrement dit : ils répondaient positivement aux voies de Dieu qu’Il a adoptées en Christ pour leur salut.

C’était justement les « publicains et les pécheurs » qui le faisaient, comme le montre aussi l’exemple de la « femme pécheresse » de Luc 7. Ils manifestaient tous leur sagesse en ce qu’ils ne critiquaient rien, ni chez Jean ni chez le Fils de l’homme. Bien au contraire. Ils trouvaient tout parfaitement en ordre, et ils acceptaient leur message. Combien cela est beau ! Ceux qui voyaient les choses correctement étaient justement ceux qui étaient méprisés des grands de ce monde. Ils comprenaient correctement aussi bien l’appel de Jean à la repentance que la grâce que Jésus apportait. Et quand le Sauveur s’asseyait à côté d’eux, et s’abaissait avec eux, ils savaient l’apprécier, et ne l’interprétaient pas de travers. Ils reconnaissaient plutôt l’amour en action chez Lui, et leur cœur s’enflammait pour Lui.

La signification de tout cela n’a pas changé aujourd’hui. Il s’agissait, à l’époque, des Juifs et de leurs conducteurs religieux, qui refusaient autant l’appel de Dieu à revenir que Sa grâce en Christ. Aujourd’hui il s’agit de la chrétienté, et il y a en elle d’innombrables gens qui, en principe, font la même chose. Ah ! si seulement beaucoup d’entre eux devenaient des « enfants de la sagesse » !

5 - Les paraboles de Matthieu 13

5.1 - Le semeur

5.1.1 - Vue d’ensemble des paraboles de Matthieu 13

Dans ces méditations sur les paraboles de notre Seigneur, nous arrivons maintenant au chapitre 13 de l’évangile de Matthieu, chapitre important qui contient à lui seul huit paraboles. Avant de nous occuper de la première, celle du ‘semeur’, nous voulons, avec l’aide du Seigneur, donner une vue d’ensemble de ce chapitre. Puisque sur les huit paraboles, six d’entre elles sont directement des paraboles du royaume des cieux, il sera bon, aussi, de commencer par clarifier la signification de cette notion. Matthieu donne en tout dix paraboles du royaume des cieux.

Il est arrivé au Seigneur de donner des paraboles isolées, mais très souvent il les reliait par groupes de deux ou plus. En Luc 5, Il commence par parler des ‘pièces de rapiéçage sur un vieil habit’ et Il y ajoute la parabole du ‘vin nouveau dans de vieilles outres’ (5:36-39). Au ch. 13 de ce même évangile, nous trouvons deux paraboles du ‘royaume de Dieu’ placées directement côte à côte (Luc 13:18-21).

Et qui ne connaît pas les trois paraboles de Luc 15, qui sont reliées par la pensée commune de quelque chose de perdu qui est retrouvé ? Il est évident qu’au moyen de ces groupements, il faut s’attacher à comparer les paraboles les unes avec les autres, et à reconnaître les parallèles et les contrastes.

Sous cet aspect, le chapitre 13 de Matthieu est unique en son genre. Il contient, comme déjà vu, pas moins de huit paraboles. Je sais qu’on dit en général qu’il en contient sept. Il est étrange que la huitième, celle du maître de maison (13:52), soit presque toujours omise. Pourtant c’est par cette petite et huitième parabole que le Seigneur termine Son enseignement de Matthieu 13 qui se présente sous forme de sept paraboles.

Nommons d’abord les huit paraboles de ce chapitre pour en avoir une première vue d’ensemble.


En tête de toutes les paraboles, il y a donc la parabole du ‘semeur’. Elle a une valeur particulière du fait que le Seigneur laisse entendre que cette parabole est la clef de la compréhension des autres paraboles ; Il dit en effet de cette parabole : « Ne connaissez-vous pas cette parabole ? et comment connaîtrez-vous toutes les paraboles ? » (Marc 4:13). Il ne voulait bien sûr pas dire par là que cette parabole soit la plus simple de toutes, mais qu’ils ne pourraient pas comprendre le changement de dispensation qui allait intervenir s’ils ne comprenaient pas cette parabole. Le royaume promis à Israël serait différé pour un temps ; cependant il commencerait entre temps sous une autre forme. Disons immédiatement quelque chose de plus là-dessus. La parabole du ‘semeur’ n’est en tout cas pas directement une parabole du royaume des cieux, mais elle situe les conditions pour les paraboles suivantes.

La parabole du ‘semeur’ est suivie par trois paraboles dont les deux premières commencent par les paroles « Il leur proposa une autre parabole » ; à la troisième parabole, on a « il leur dit une autre parabole ». Toutes les trois sont des paraboles du ‘royaume des cieux’ car elles sont introduites par les paroles « le royaume des cieux est semblable… ». Le Seigneur a adressé ces quatre paraboles aux foules, et ce premier groupe se termine par la remarque « Jésus dit toutes ces choses aux foules en paraboles » (Matthieu 13:34).

Une certaine rupture est alors marquée dans ce chapitre, et aussi un changement de position. De grandes foules s’étaient rassemblées auprès du Seigneur Jésus, en sorte qu’Il monta dans un bateau, et que de là, Il enseignait les gens sur la rive (13:2). Ensuite Il laissa les foules et entra avec les disciples « dans la maison » (13:36). « Et quand il fut en particulier, ceux qui étaient autour de lui, avec les douze, l’interrogèrent touchant la parabole » (Marc 4:10). Là-dessus, le Seigneur leur donne d’abord l’explication de la deuxième parabole (celle de ‘l’ivraie du champ’), et ensuite viennent trois autres paraboles qu’Il introduit avec la tournure « le royaume des cieux est semblable », « encore, le royaume des cieux est semblable ». À la fin on trouve la parabole du ‘maître de maison’, petite, mais si significative, et qui en un sens résume les sept paraboles précédentes ; elle nous montre en tout cas l’usage qu’on doit en faire. Ce deuxième groupe de paraboles se termine au v. 53 par la remarque qui ressemble beaucoup à celle qui termine les premières au v. 34: « Et il arriva que, quand Jésus eut achevé ces paraboles, il se retira de là » (Matthieu 13:53).

On a fait correspondre le premier groupe de paraboles à la formule 1 + 3, et le second groupe à la formule 3 + 1. Les paraboles centrales du royaume des cieux peuvent se répartir comme suit : 1 + 2 et 2 + 1. En fait, la première parabole [de ‘l’ivraie’] et la dernière [du ‘filet’] se ressemblent clairement.

Les sept premières paraboles nous montrent d’une manière symbolique les traits de caractère moraux du royaume des cieux dans un ordre systématique et dans une suite historique, en regardant

Le royaume est considéré comme quelque chose confié aux mains de l’homme et qui en conséquence peut prendre un développement malheureux. Mais en même temps, l’aspect intérieur et caché de ce royaume est dévoilé, expliquant les mobiles pour agir du Seigneur. En ce sens, ce royaume est invulnérable. Nous voyons ainsi dans ces paraboles ces trois choses supplémentaires :

Si nous remettons devant nous l’expression ‘royaume des cieux’, il apparaît opportun d’abord de mieux pénétrer ce sujet important, avant d’approfondir les paraboles elles-mêmes. Trop de choses dépendent d’une compréhension correcte de cette pensée pour ne la mentionner qu’en passant. Beaucoup de ce qu’on va dire dans ce qui suit trouvera sa confirmation plus tard dans les paraboles. J’espère que cette petite digression sur le royaume des cieux sera en aide à bien des lecteurs pour comprendre les paraboles elles-mêmes et les différentes dispensations.

5.1.2 - Le royaume des cieux

Que signifie le ‘royaume des cieux’ et que faut-il comprendre par cette expression ? Commençons par voir ce qu’il n’est pas. Le royaume des cieux n’est pas le ‘royaume au ciel’ comme on le conçoit souvent. Cette désignation pourrait laisser penser qu’il s’agit d’une image du ciel lui-même. Ce serait, à vrai dire, un triste ciel ! Non le royaume des cieux est un royaume sur la terre. Le ‘royaume des cieux’ n’est pas non plus un autre nom pour l’assemblée, ou église de Dieu. Dans le royaume des cieux règne le principe selon lequel il faut laisser croître ensemble le ‘froment’ et ‘l’ivraie’ jusqu’au temps de la moisson (Matthieu 13:29-30), tandis que l’assemblée de Dieu sur la terre est tenue d’ôter le méchant de son milieu, et donc d’exercer la discipline (1 Corinthiens 5:13).

Le ‘royaume des cieux’ est une expression que seul Matthieu utilise. Il écrivait sous l’inspiration du Saint Esprit, comme Juif s’adressant aux Juifs, et tout Juif instruit dans l’Ancien Testament savait que le prophète Daniel avait parlé de ce que le « Dieu des cieux » établirait un royaume sur la terre, qui ne serait pas détruit — le royaume des cieux (Daniel 2 et 7). Les Juifs attendaient ce royaume, et le précurseur du Seigneur comme Messie, Jean le Baptiseur, annonça même que le royaume des cieux s’était approché (Matthieu 3:2).

Mais le peuple juif au temps du Seigneur ne connaissait guère ce sujet et ne se rendait guère compte de l’état intérieur de cœur requis pour entrer dans ce royaume. Nicodème lui-même ne voyait dans ce royaume guère plus qu’une sorte de paradis terrestre qui serait à nouveau offert à l’homme. Il avait complètement perdu de vue que la nouvelle naissance est pourtant la qualification essentielle pour entrer dans ce royaume, même pour un Juif, et il était loin d’être le seul dans ce cas, bien que le prophète Ézéchiel en eût parlé (36:26). Et ainsi le Seigneur dut lui dire : « tu es docteur d’Israël, et tu ne connais pas ces choses ? » (Jean 3:10). C’est pourquoi l’appel de Jean le Baptiseur à la repentance était si important. Un changement total de cœur et de sentiments était nécessaire si les gens voulaient entrer dans ce royaume.

Moïse avait déjà parlé de ce que, quand les fils d’Israël obéiraient de cœur à la loi de Dieu, leurs jours seraient « comme les jours du ciel sur la terre » (Deutéronome 11:21). Dieu établirait « la semence de David » pour toujours, et ferait que son trône soit « comme les jours du ciel » (Psaume 89:29). Daniel le prophète avait reçu des communications sur le royaume allant encore plus loin ; il avait vu une scène céleste avec quelqu’un « comme un fils d’homme » amené à « l’Ancien des jours », et le royaume et la domination lui furent donnés. Ce devait être un royaume éternel (comp. Daniel 7). Jean le Baptiseur annonça ensuite que ce royaume « s’était approché ». Le roi était là dans la personne de Christ, mais allait-Il être reçu par le peuple Juif ? Nous savons ce qui est arrivé : le roi a été rejeté.

Tout était-il dès lors perdu, irrémédiablement perdu ? Dieu soit loué, et grâces à Dieu : non ! Certes le royaume des cieux n’était plus annoncé désormais comme s’étant approché ; on ne trouve plus cette annonce à partir de Matthieu 13. Bien plutôt l’établissement du royaume en puissance et en gloire a été différé pour un temps (Actes 3:21). Mais entretemps, le Seigneur Jésus est monté au ciel, et Il exerce maintenant Son influence sur la terre depuis là-haut, non pas d’une manière ouverte, mais d’une manière cachée, morale. C’est le royaume des cieux comme il existe aujourd’hui. C’est le royaume des cieux en mystère [ou : secret], en contraste avec le royaume dans sa forme et sa gloire extérieures et visibles encore à venir. Ainsi il y a deux formes sous lesquelles le royaume des cieux apparaît : le royaume des cieux dans sa forme d’aujourd’hui, mystérieuse (qui n’était pas révélée dans l’Ancien Testament) et le royaume des cieux dans sa forme visible, puissante et future (identique alors au règne de mille ans).

Quand ce royaume a-t-il commencé dans sa forme cachée ? Le royaume des cieux a commencé quand Christ est monté au ciel comme Celui qui a été rejeté ici-bas, et que là, il a pris Sa place à la droite de Dieu comme Celui qui a été glorifié. Partout sur la terre où s’étend l’influence du Seigneur demeurant au ciel, là est le royaume des cieux. Quand le royaume des cieux a commencé, il a commencé d’une bonne manière, avec de vrais disciples. Les paraboles de Matthieu 13 exposent cela, tout comme les récits du livre des Actes. Mais il n’en est pas resté là ; l’ennemi a semé l’ivraie parmi le froment. Le royaume des cieux (avec la permission de Dieu, et pour ce qui concerne son développement extérieur) est donc devenu une affaire mélangée, dans laquelle se trouvent côte à côte de l’authentique et du non authentique, des vrais croyants et des professants purement extérieurs, n’ayant pas la vie, — la distinction n’étant pas toujours faisable à nos yeux.

Quand j’ai dit que le royaume des cieux est partout où s’étend l’influence du Seigneur demeurant au ciel, ce domaine inclut aussi ce genre de chrétiens qui professent être pour Christ seulement par une profession extérieure, mais qui n’ont pas fait l’expérience d’une nouvelle naissance. Qu’il y ait eu une influence, c’est incontestable, car ils professent le christianisme ; mais cette influence n’est pas allée assez loin, et n’a pas pu atteindre les cœurs et les consciences. C’est là le drame. De telles personnes se croient en sécurité et se réclament du nom de Christ. Elles sont extérieurement dans le royaume des cieux, elles font partie de la chrétienté et sont par-là à portée directe de toutes les bénédictions magnifiques du vrai christianisme, — et pourtant elles vont à la perdition éternelle si elles ne se convertissent pas et ne se repentent pas. Que le Seigneur veuille avoir encore pitié de beaucoup d’entre eux et les amener à la connaissance de la vérité.

Je ne poursuivrai pas ici avec les différences entre le ‘royaume des cieux’ et le ‘royaume de Dieu’. Ces deux expressions signifient en partie la même chose, mais seulement en partie. Certaines paraboles se rapportent aussi bien au royaume des cieux qu’au royaume de Dieu. Cependant on peut dire en général que le ‘royaume de Dieu’ est une notion supérieure, plus vaste. Elle inclut la pensée du royaume des cieux, mais a souvent un contenu moral (1 Corinthiens 4:20 ; Romains 14:17). À l’inverse, l’expression ‘royaume des cieux’ désigne la plupart du temps une dispensation, une époque déterminée dans les voies de Dieu avec la terre. D’ailleurs, cette époque continuera encore d’exister après l’enlèvement de l’assemblée, même au temps de la tribulation. Le ‘royaume des cieux’ est donc bien loin d’équivaloir à ‘l’assemblée de Dieu’ ! La persistance du royaume des cieux après l’enlèvement est une pensée importante qui échappe souvent. Elle est pourtant à la base des paraboles du royaume des cieux en Matthieu 13.

Jusqu’ici, nous nous sommes surtout occupés du royaume des cieux selon ce qui en est visible aux gens extérieurement. Sous ce point de vue, le royaume des cieux est aujourd’hui la chrétienté. Mais ce n’est pas dans tous les passages que le ‘royaume des cieux’ désigne ce domaine extérieur de la profession chrétienne. Par exemple, quand le Seigneur Jésus dit :

« Si vous ne vous convertissez et ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux » (Matthieu 18:3),

ou bien

« Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car à de tels est le royaume des cieux » (Matthieu 19:14) ; ou encore :

« En vérité, je vous dis : parmi ceux qui sont nés de femme, il n’en a été suscité aucun de plus grand que Jean le baptiseur ; mais le moindre dans le royaume des cieux est plus grand que lui » (Matthieu 11:11),

alors, par cette expression ‘royaume des cieux’, Il n’entend manifestement pas le développement extérieur qu’allait prendre le royaume, mais un domaine intérieur, divin, qui est qualifié ailleurs de ‘royaume de Dieu’. Que le royaume des cieux ait aussi ce côté intérieur que le Seigneur ne révèle qu’à ceux qui sont « dans la maison », c’est-à-dire aux Siens, cela nous est montré par les deux paraboles du ‘trésor dans le champ’ et du ‘marchand’ qui cherche de belles perles (13:44-46). Nous y apprenons pourquoi le Seigneur supporte aujourd’hui dans Son royaume extérieur de tels « développements malheureux », une telle juxtaposition du bien et du mal : Son cœur est dirigé vers les Siens ; Il voit en eux Son « trésor » ; ils forment ensemble la « perle de très grand prix », Son assemblée. À cause d’eux, Il a tout laissé, y compris Sa vie. Cela ne peut que nous conduire à adorer.

En Matthieu 13 nous trouvons pour la première fois l’expression ‘mystères du royaume des cieux’. Cela exprime que le royaume allait prendre une forme inconnue dans la prophétie. Les prophètes avaient bien décrit le Messie comme étant rejeté, comme Celui qui allait être mis à mort ; mais ils n’avaient rien dit sur une forme particulière et exceptionnelle que prendrait Son royaume à la suite de Son rejet. Le royaume terrestre, objet de la prophétie, était pour le moment différé, comme nous l’avons déjà remarqué. Durant cette période intermédiaire, les héritiers de la gloire céleste sont rassemblés.

Sur ce point, à la pensée du royaume des cieux se rattache aussi celle de l’appel céleste — un appel qui s’appuie sur l’œuvre rédemptrice de Christ. Et il est remarquable, dans ce contexte, que le royaume des cieux soit premièrement introduit dans la deuxième parabole de Matthieu 13. Or là, le champ est déjà acquis, ce qu’indique l’expression ‘ton champ’ du v. 27. Combien la Parole de Dieu est précise ! Le royaume des cieux ne pouvait commencer qu’une fois l’œuvre de la croix accomplie et après que le Fils de l’homme soit entré en possession du ‘champ’ par cette œuvre. Auparavant, une autre œuvre était cependant nécessaire, une œuvre préparatoire, et c’est ce que nous présente la parabole du ‘semeur’.

5.1.3 - Une œuvre nouvelle

Dans les temps précédents, le Seigneur avait envoyé Ses disciples dans les villages d’Israël et leur avait donné l’ordre de ne pas aller sur le chemin des nations ni d’entrer dans aucune ville de Samaritains, mais plutôt « d’aller vers les brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu 10:5-6). Mais maintenant il se passait quelque chose de tout autre.

« Voici, le (*) semeur sortit pour semer » (Matthieu 13:3).

(*) Note du Traducteur : La version JN Darby traduit : « un semeur ». Le Nouveau Testament interlinéaire grec-anglais de A. Marshall donne « the [one] sowing » et le grec-français de Carrez donnent « le semant ». Vu les explications données par l’auteur, nous laissons « le semeur » comme indiqué par l’auteur de l’article.

Notre parabole commence par cette déclaration étonnante. Il n’y a pas de question sur l’identité du semeur, car il n’y en a qu’Un pour lequel cette description est exacte. Cependant le Seigneur ne dit pas à Ses disciples de qui il s’agit, ni ici, ni dans Ses explications sur la parabole à partir du v. 18. Nous ne l’apprenons que dans la parabole suivante où la même personne est vue s’occupant de la même œuvre : le Fils de l’homme.

« Le semeur sortit pour semer ». C’est une phrase tout à fait déterminante. Elle marque un tournant dans les voies de Dieu envers les hommes. Dieu ne cherche plus du fruit de la ‘vigne’ d’Israël (Ésaïe 5:1 et suiv.), ni du fruit du figuier qui représente le Résidu rentré dans son pays (= planté dans Sa vigne ; Luc 13:6) après les 70 ans de captivité (Luc 13:6-9). Non, le Seigneur, dans Sa grâce, prend un caractère nouveau et devient le semeur. Comme tel, Il commence une œuvre nouvelle qui n’avait jamais existé sous cette forme. Et pour cela, Il sort, c’est-à-dire Il commence cette œuvre nouvelle dans une nouvelle sphère. Manifestement, ce domaine nouveau n’est plus Israël.

Si le Seigneur ne voulait plus, en somme, avoir de royaume sur la terre, il était nécessaire qu’Il commence à travailler de nouveau, sous un nouveau point de vue et selon un principe entièrement nouveau. Ce nouveau principe, c’est la grâce de Dieu, débordante et illimitée. Et ce sont Sa grâce divine et Son amour sans borne qui ont poussé le semeur à cette nouvelle tâche. Après que tous les efforts à l’égard du peuple terrestre se soient montrés vains, et que l’homme se soit montré entièrement corrompu, n’aurait-Il pas pu simplement exercer sur eux le jugement mérité ? Non : cela aurait été la justice, mais non pas la grâce. Certes Il ne s’est plus présenté au peuple d’Israël comme Messie, mais Il a commencé une œuvre nouvelle et a manifesté la grâce infinie de Dieu, s’adressant indifféremment à tous les hommes.

Il répand Sa semence, où qu’elle tombe. Comme il n’y avait rien là à récolter, Il s’est vu forcé, dans Sa grâce, à apporter quelque chose de nouveau dans le sol, et Il porte avec Lui ce qui est approprié pour susciter du fruit. Il n’examine pas le sol pour savoir s’il est bon ou mauvais ; Il jette simplement la semence sur la terre. La grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue en Lui, accessible à tous les hommes » (Tite 2:11).

Ainsi, dans cette parabole, le caractère de l’œuvre de Christ nous est présenté d’une manière générale, — un caractère qui serait désormais caractéristique de Son service. Mais gardons présent à l’esprit que ce service du Seigneur n’a pas été limité aux jours où Il a séjourné sur la terre. Bien au contraire ! Aujourd’hui encore, il n’a pas cessé, et il garde cette caractéristique pour tout le temps de la grâce. C’est toujours Lui le semeur, et Il travaille du ciel ici-bas, dans la puissance de l’Esprit Saint et par le moyen de Ses serviteurs. C’est pourquoi les enseignements de cette parabole sont aussi pour nous aujourd’hui d’une grande importance — non seulement comme ceux qui reçoivent ou accueillent la semence, mais aussi comme ceux qui la répandent sous le regard du Seigneur et à Sa place. Nous pouvons apprendre de cette parabole ce à quoi il faut faire attention en rapport avec le fait de recevoir la semence, et nous pouvons aussi apprendre ce à quoi il faut faire attention quand le Seigneur veut nous utiliser pour apporter Sa semence au champ de semailles.

5.1.4 - La semence

Qu’est-ce que répand le semeur ? En quoi consiste la ‘semence’ ? L’explication du Seigneur à partir du v. 18 dit clairement ce qu’elle est :

« Vous donc, écoutez la parabole du semeur. Toutes les fois que quelqu’un entend la parole du royaume… » (Matthieu 13:18-19).

Dans l’évangile de Luc, il est simplement dit « la semence est la Parole de Dieu » (Luc 8:11), et en Marc : « le semeur sème la Parole » (Marc 4:14). Voilà donc la ‘semence’ qui cache en elle la vie : la Parole de Dieu. L’expression plus spéciale ‘parole du royaume’ met plutôt l’accent sur les droits du Seigneur à établir l’autorité de Dieu dans ce nouveau domaine moral sur la terre qu’est le royaume de Dieu. L’établissement de ce royaume est de la grâce pure ; mais la ‘parole du royaume’ attend la soumission de l’homme à l’autorité de Dieu, sous Son gouvernement ici-bas sur la terre. C’est pourquoi entendre cette Parole rend l’individu personnellement responsable — une pensée qui est à la base de toute la parabole et qui lui donne son sérieux.

Ce que le Seigneur Jésus répand donc, c’est la Parole de Dieu. Que ce soit dans Son service (Marc 2:2), ou au milieu des tentations (Matthieu 4:1-10) ou comme ressuscité d’entre les morts (Luc 24:27) — le Seigneur attribue toujours la plus grande importance à la Parole. Ce que les gens doivent entendre en tout temps et en toutes circonstances, c’est la Parole de Dieu. Cependant les gens ont toujours cherché, et cherchent encore, à introduire autre chose. Non, chers amis, ce qui est semé doit être la Parole, et la Parole seule. Le cœur de l’homme désire du nouveau, quelque chose qui excite ses sens, quelque chose de spectaculaire. Sur cette ligne de pensées, il y a l’homme riche en Hadès avec sa requête à l’égard de ses frères sur la terre : la résurrection sensationnelle de Lazare les porterait à se convertir. Mais combien est frappante la réponse d’Abraham : « ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent » (Luc 16:27-31). Paul aussi pouvait témoigner qu’il n’avait rien dit d’autre que ce que les prophètes et Moïse avaient indiqué comme devant arriver (Actes 26:22).

Qu’en est-il aujourd’hui avec nous ? De qui parlons-nous aux gens, qu’ils soient incroyants ou du Seigneur ? Ne leur disons-nous rien d’autre que ce qui est écrit ? Pensons-y : la semence de la nouvelle naissance est la Parole de Dieu, et cette Parole seule (Jacques 1:18 ; 1 Pierre 1:23). Utilisons cette ‘semence’ et annonçons « toutes les paroles de cette vie » (Actes 5:20) et ne faisons pas confiance à la sagesse et à l’éloquence humaines ou autres accessoires humains ! Dans la prédication de l’évangile, Paul ne perdait jamais de vue le but et le chemin de Dieu, et il ne rendait jamais vaine la croix de Christ (1 Corinthiens 1:17) par des ajouts humains. Et qu’enjoignait-il à la fin de sa vie, à son cher enfant Timothée, en ayant devant les yeux les ‘derniers jours’ et les ‘temps difficiles’ ? Lui recommandait-il de réfléchir à de nouvelles méthodes d’évangélisation plus efficaces, du fait que maintenant les gens avaient des oreilles qui leur démangeaient et qu’ils se tournaient vers les fables ? Mille fois non ! Il l’adjure « devant Dieu et le christ Jésus, qui va juger vivants et morts… prêche la parole » (2 Timothée 4:1-2).

C’est pourquoi chers amis, en ce qui concerne aussi bien le contenu, que l’art et la manière de la prédication, revenons au commencement ! Ayons devant les yeux avant toutes choses l’exemple que nous a donné le Seigneur : Il semait la bonne semence de la Parole de Dieu. Ne faisons pas confiance aux méthodes humaines modernes de spectacles de la Parole, mais à la puissance de la Parole elle-même ! Cette Parole vise en premier lieu la conscience des gens.

Seule une conscience labourée par le soc de la charrue de la Parole divine est prête et capable de recevoir la semence de la nouvelle naissance. Nous allons bientôt retrouver cela dans notre parabole. Les « solutions de remplacement » humaines au contraire, s’adressent avant tout aux sens des gens, à leurs sentiments, à leur intellect, plutôt qu’à leur conscience, et cela conduit absolument dans la mauvaise direction.

Paul évitait soigneusement tout ce qui aurait pu détourner ses auditeurs du véritable objet de sa prédication, à savoir « Jésus Christ », et Jésus Christ « crucifié ». « L’excellence de parole » et la « sagesse » humaine s’adressent, comme d’autres choses, à la chair de l’homme. C’est pourquoi il s’étudiait à parler d’une manière simple : « ma parole et ma prédication n’ont pas été en paroles persuasives de sagesse, mais en démonstration de l’Esprit et de puissance, afin que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » (1 Corinthiens 2:1-5). Oui, seule la force de Dieu est capable de susciter la foi et la vie dans le cœur.

Comme moyen dont l’Esprit de Dieu se sert cependant toujours, il y a la Parole de Dieu. Faisons-lui confiance, à elle et à la puissance de l’Esprit Saint ! Aujourd’hui encore, personne ne naît de nouveau autrement que « d’eau et de l’Esprit » (Jean 3:5). Que ‘l’eau’ soit une image de la Parole de Dieu dans sa puissance purifiante sous l’influence de l’Esprit de Dieu, c’est une notion courante pour la plupart d’entre nous. Certainement nous devons être « inventifs » sur la manière d’éveiller l’intérêt des gens et d’atteindre les cœurs. L’amour rend inventif. Paul nous en donne un bel exemple devant l’Aréopage d’Athènes (Actes 17:22 et suiv.). Mais ce que nous avons alors à dire aux gens, ce sont les paroles [ou : oracles] de Dieu (1 Pierre 4:11).

Gardons fermement dans notre cœur que la semence, c’est la Parole de Dieu ! Il est frappant dans chaque cas dans notre parabole, combien ce qui est présenté est l’attitude vis-à-vis de la Parole, aussi bien au moment où on l’entend, qu’après. Celui qui a été semé au bord du chemin ne comprend pas la Parole. Celui qui a été semé dans un endroit rocailleux reçoit la Parole avec joie ; mais quand vient la tribulation à cause de la Parole, il est scandalisé. Dans le troisième cas les épines étouffent la Parole. Dans le quatrième cas, la Parole est entendue et comprise. Dans tous les cas où il y a refus ou faute, nous voyons une mauvaise disposition vis-à-vis de la Parole de Dieu. Ne devons-nous pas en tirer un enseignement pour nous ? Notre disposition vis-à-vis de la sainte Parole de Dieu est plus importante que toute autre chose. Elle donne à tout dans nos vies la direction décisive, que ce soit pour le bien ou pour le mal, pour la vie ou pour la mort.

La parabole du ‘semeur’ nous présente, comme nous l’avons vu, la prédication de la Parole de Dieu par Christ. Israël, en tant que nation, était et reste sourd vis-à-vis de cette prédication : c’est un jugement de Dieu. Mais cette prédication de la Parole porte un caractère entièrement différent de l’annonce du royaume des chapitres précédents de l’évangile de Matthieu. Il y avait dans ces chapitres la prédication du royaume à une nation qui, bien que rebelle, était pourtant encore reconnue de Dieu dans un certain sens, et pour cela, elle était appelée à se repentir. Ce n’est que de cette manière qu’ils peuvent avoir part aux bénédictions et à la gloire du royaume à venir. Mais maintenant le semeur semait la Parole sur le champ de ce monde, et cela signifiait que Dieu offre maintenant Sa grâce à tout homme, indépendamment des différences de race, de caractère ou d’état.

5.1.5 - États des cœurs

Conformément à cela, le Seigneur présente maintenant dans notre parabole quatre ‘terrains’ ou états sur lesquels la semence arrive à l’occasion des semailles. Il est certain que le Seigneur, par le moyen de chacun de ces « terrains », n’indique pas l’état naturel des gens, sinon cela voudrait dire qu’il y a par nature des gens bons — des gens qui seraient bons avant d’avoir entendu la Parole, — ce que contredit entièrement l’enseignement de l’Écriture sainte. Comment se fait-il que le terrain est bon dans le quatrième cas, cela n’est absolument pas pris en considération ici. Il s’agit simplement du fait que la semence est répandue, et qu’elle atteint des états différents qui, ou bien empêchent de porter du fruit, ou bien en font porter.

Il semble aussi que ‘le semeur’ ne se donne pas spécialement de la peine pour qu’aucune semence ne tombe sur le chemin en bordure du champ. Au contraire, il s’y attend :

« Voici, un semeur sortit pour semer. Et comme il semait, quelques grains tombèrent le long du chemin, et les oiseaux vinrent et les dévorèrent » (Matthieu 13:4).

Que les quatre terrains représentent quatre états de cœurs différents que la Parole de Dieu rencontre chez les gens, c’est ce que l’expression du v. 19 montre clairement : « ce qui est semé dans son cœur ». C’est un point crucial : la Parole de Dieu est semée dans le cœur de l’homme, non pas dans son intelligence. Dieu agit par cette Parole sur son cœur et sa conscience, et l’état du cœur est déterminant pour ce qui arrive à la ‘semence’. C’est pourquoi chaque auditeur de la Parole est individuellement responsable. Chaque grain porte la force de vie en lui, où qu’il tombe ; et ce qui en résultera individuellement dépend de la responsabilité personnelle de l’individu.

5.1.6 - Semé au bord du chemin

Dans le premier cas, la Parole de Dieu arrive sur quelque chose comme un ‘chemin’. L’homme entend certes la Parole, mais son cœur est vis-à-vis d’elle comme un chemin durement piétiné. C’est donc le cas le plus désespéré. Beaucoup de choses ou de gens ont déjà passé sur ce ‘chemin’ et en ont durci le sol. En fait des choses innombrables du monde occupent le cœur des gens sans interruption, aujourd’hui plus que jamais. Combien nombreuses sont les influences auxquelles l’homme d’aujourd’hui est exposé, sous l’effet du flot d’information et de la multiplicité des médias, combien d’occupations des loisirs et de passe-temps captivent son intérêt ! et tout cela a des répercussions sur son être intérieur, qu’il l’admette ou non. L’homme est entièrement insensible au message de Dieu, il ne le « comprend » pas. Les préjugés religieux ont aussi le même résultat, comme on le voit clairement dans le cas des Juifs : l’homme ne comprend pas la Parole.

« Toutes les fois que quelqu’un entend la parole du royaume, et ne la comprend pas, le méchant vient et ravit ce qui est semé dans son cœur ; c’est là celui qui a été semé le long du chemin » (Matthieu 13:19).

Quand le Seigneur parle de comprendre, il ne s’agit pas d’examiner ou de saisir de manière purement intellectuelle, mais c’est une compréhension du cœur, une volonté de comprendre. C’est pourquoi en Luc 8 il est montré la nécessité d’un « cœur honnête et bon » pour que la Parole puisse trouver son entrée (8:15). Car du cœur, on croit à salut (Romains 10:10). Et l’apôtre Paul se recommande à toute conscience d’homme devant Dieu par la manifestation de la vérité (2 Corinthiens 4:2).

« Semé dans son cœur » — combien cette formule du Seigneur est frappante ! Dans l’Écriture sainte, le ‘cœur’ ne représente pas seulement le siège des affections. Très souvent ce terme désigne l’homme lui-même, l’homme responsable et son centre de volonté. Il y a ici en grec une construction de mots parallèle intéressante qui souligne la responsabilité personnelle par laquelle l’homme prend des décisions, en contraste avec les bêtes. Au v. 19, dans le texte original, pour « ce qui est semé dans son cœur », il y a simplement « le semé dans son cœur », et c’est ce que le diable ravit. À la fin du verset, il est dit de manière tout à fait semblable : « celui semé le long du chemin ». Autrement dit, « ce qui est semé dans le cœur » et « celui qui est semé le long du chemin » sont mis sur le même plan. La semence dans le cœur n’est pas responsable en soi, mais l’homme qui ne la désire pas, l’est. Cette mise sur le même plan du symbole et de la chose se trouve souvent dans l’Écriture, par exemple dans les paroles bien connues du Seigneur : « ceci est mon corps » (Luc 22:19 ; 1 Corinthiens 11:24). Le pain qu’Il « prend » n’est qu’une image de Son corps, et pourtant le Seigneur ne dit pas : « ceci est un symbole de mon corps », mais simplement : « ceci est mon corps ».

5.1.6.1 - Plusieurs applications

L’image d’un terrain du cœur piétiné dur et qui n’est pas prêt à recevoir la semence répandue, peut être appliquée dans plusieurs sens. D’abord, d’un point de vue historique et prophétique, nous y voyons une image d’Israël comme nation. Ce n’est pas seulement au temps de la vie du Seigneur que les Juifs n’ont pas reçu la Parole du royaume, mais la parabole nous montre aussi que, plus tard également, ils ont refusé de la recevoir.

L’application aux pécheurs qui entendent l’évangile tombe sous le sens également. Combien souvent nous avons déjà vu des personnes qui venaient de temps en temps, ou même régulièrement, pour écouter l’évangile, puis qui s’en sont allées entièrement impassibles et insouciantes. Les nombreuses influences dont nous avons déjà parlé ont enchaîné leur cœur et endurci leur conscience au point que la semence de la Parole est demeurée en surface. Ils écoutaient volontiers la Parole, mais l’oubliaient aussitôt, toujours de nouveau. Le diable a alors la tâche facile pour ravir entièrement la semence. Nous y reviendrons bientôt encore une fois.

Mais cette image peut être appliquée aussi à nous les croyants. La plupart du temps nous ne le faisons pas, et nous ne pensons qu’aux non croyants, mais c’est un tort. Avec Sa parabole du ‘semeur’, le Seigneur Jésus a aussi quelque chose à nous dire à nous, spécialement avec ‘celui qui est semé le long du chemin’. Même si chaque enfant de Dieu a fondamentalement un bon terrain de cœur et porte du fruit pour Dieu, il peut pourtant y avoir des compartiments dans nos vies où l’image de ‘celui qui est semé le long du chemin’ nous concerne directement. Nous pouvons par exemple, du point de vue religieux ou ecclésiastique, avoir des idées préconçues et non fondées. Si une parole claire de la bouche du Seigneur nous atteint, nous ne nous trouvons pas prêt à la recevoir. Sur ce point, ou d’autres plus complexes, notre cœur est dur, et nous ne comprenons ni ce que le Seigneur nous dit, ni surtout qu’Il a quelque chose à nous dire. Cela peut avoir des conséquences très néfastes sur notre chemin personnel et en commun comme enfants de Dieu.

Ne sommes-nous pas non plus tous en danger de laisser le monde entrer dans notre cœur, avec tous ses principes et toutes ses tendances, au point qu’il devient toujours moins réceptif à la Parole de Dieu ? Combien le Seigneur nous a déjà souvent parlé dans Sa bonté, et combien nous en avons peu fait cas et l’avons peu réalisé ! C’est avec honte que nous devons dire : souvent, sur tel ou tel point, nous ne voulions simplement pas accepter. Nous ne voulions plus rien entendre sur la conformité au monde, sur la séparation et sur porter sa croix. Nous étions fâchés d’être encore enseignés sur la chevelure des sœurs, sur la piété et sur l’ordre dans l’assemblée. Alors la bonne Parole est restée en surface, et le diable est venu et a ravi de nos cœurs ce qui n’était pas bienvenu pour nous.

Il est dit du ‘méchant’ qu’il vient et « ravit » ce qui est semé dans le cœur, autrement dit, il le « dérobe ». Il ne pouvait pas empêcher que la semence soit semée dans le cœur, mais quand la Parole n’est pas la bienvenue dans le cœur, il est alors facile à l’ennemi de tout dérober. Il sait souvent bien mieux que nous quelle bénédiction il y a dans ce que nous refusons si légèrement et si volontairement. C’est un principe qui vaut aussi pour nous chrétiens, que la vérité de Dieu est, ou bien reçue ou bien refusée par l’âme. Ce principe nous teste pour savoir jusqu’à quel point nous sommes réellement, dans notre vie pratique, « de la vérité » (Jean 18:37 ; 1 Jean 4:6). Le déclin moral au milieu de nous, l’abandon de vérités jusqu’alors hautement appréciées et l’acceptation d’opinions erronées ne sont pas le résultat d’une simple ignorance, mais d’un refus de la vérité, ne serait-ce que dans des domaines partiels. Pensons à ce que le Seigneur Jésus a dit : « si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole » (Jean 14:23) ! Si nous pensons autrement aujourd’hui, nous pensons faux.

En résumé on peut dire que dans ‘celui qui est semé le long du chemin’ nous avons l’auditeur de la Parole au cœur dur. De plus, la Parole de Dieu nous enseigne qu’il y a trois ennemis qui agissent à l’encontre d’une réception effective de la Parole : le diable, la chair et le monde. Tout manque à produire du fruit peut être ramené à l’un ou l’autre de ces ennemis ou de ces principes. Nous avons ici le premier ennemi, le diable et ses démons, présenté par le moyen des ‘oiseaux’. Il vient du dehors et tire parti de l’état intérieur. Il ravit la Parole.

5.1.6.2 - Encouragement et avertissement

Quelque chose encore rend claire cette parabole : Même si le grand Maître opère Lui-même les semailles, et qu’Il utilise pour cela une semence exclusivement bonne, le travail n’est pas couronné de succès dans tous les domaines. Dans les trois premiers cas, la semence ne produit en somme aucun fruit, et même quand elle tombe dans de la bonne terre, le résultat varie. N’est-ce pas propre à inspirer du courage à tous ceux qui se donnent de la peine sous le regard du Seigneur pour répandre Sa bonne semence dans le monde ? Il ne faut pas nous laisser décourager quand nous voyons peu ou pas de fruit. Il n’est rien advenu d’autre à notre cher Seigneur. Et pourtant il est dit de Lui : « Voici, le semeur sortit pour semer ». Continuons à répandre la bonne semence de la Parole de Dieu sur la terre en faisant confiance à Dieu. Nous verrons dans l’éternité qu’elle aura produit du fruit.

Nous répandons notre peine

Comme la semence sur le champ ;

On s’en remet à Toi,

Pour qu’elle fleurisse en bénédiction.

Notre parabole corrige totalement une notion qu’on rencontre souvent, à savoir que dans l’ère de la grâce, il y aurait une acceptation universelle de la Parole de Dieu : ce ne sera pas le cas. Les gens peuvent rêver de voir le monde entier se convertir, mais le Seigneur montre clairement et de manière non équivoque, ici et ailleurs, que la plupart des auditeurs de la Parole ne portent aucun fruit pour Dieu. Dans la parabole de ‘la porte étroite et de la porte large’, Il établit que peu nombreux sont ceux qui trouvent le chemin étroit qui mène à la vie, alors que beaucoup se trouvent sur le chemin large qui mène à la perdition (Matthieu 7:13-14).

Les paraboles ultérieures du ch. 13 nous montrent aussi un développement du déclin du royaume des cieux dans sa forme visible. Ce n’est pas sombrer dans le pessimisme ni manquer de foi que de ne pas croire à un essor dans le domaine chrétien. La Parole de Dieu parle autrement, et les livres ultérieurs du Nouveau Testament ne laissent aucun doute sur le fait que tout dans la chrétienté tend vers « l’apostasie » finale — l’abandon de tout ce qui est réellement « chrétien ». La réception de l’antichrist constituera le triste point culminant de ce développement.

Aussi effrayant que soit l’aboutissement de ce développement, — pour l’individu, pour l’auditeur au cœur dur, il commence en fait par ne pas permettre à la Parole de Dieu de laisser une influence dans son cœur. Il se trouve si entièrement sous la puissance de Satan, que celui-ci peut facilement dérober ce qui n’est pas bienvenu dans le cœur. C’est en fait le cas le plus désespéré qu’on puisse imaginer.

5.1.7 - Semé dans les endroits rocailleux

Le deuxième cas décrit par le Seigneur semble autoriser plus d’espoir :

« Et d’autres tombèrent sur les endroits rocailleux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; et aussitôt ils levèrent, parce qu’ils n’avaient pas une terre profonde » (Matthieu 13:5).

Ici, la semence lève toujours, alors que, dans le cas précédent, elle ne levait jamais. Mais la raison de cette germination rapide (« parce qu’ils n’avaient pas une terre profonde ») indique une sérieuse carence chez ce genre d’auditeurs de la Parole : ils n’ont pas été pénétrés en profondeur. Certes une levée rapide est favorisée par la couche mince de poussière ou de terre et par le calcaire chaud sous-jacent, mais la pierre elle-même fait obstacle à un quelconque accès à l’eau nécessaire à la vie. Et alors que le ‘chemin’ était déjà dur, ce qui se trouve sous la surface prometteuse de succès est ici encore plus dur. La semence levée n’a aucune possibilité de prendre racine et de pénétrer plus profond.

5.1.7.1 - La réception joyeuse de la Parole

Le Seigneur explique de la manière suivante la levée rapide de la semence :

« Et celui qui a été semé sur les endroits rocailleux, c’est celui qui entend la parole, et qui la reçoit aussitôt avec joie » (Matthieu 13:20).

Une réception avec joie de la Parole de Dieu, n’est-ce pas quelque chose de bon, méritant qu’on fasse des efforts ? Peut-il y avoir pour les hommes quelque chose de mieux adapté au fond ? Beaucoup l’ont pensé et ont aussi agi en conséquence. Mais c’est une erreur funeste ! On méconnaît entièrement le sérieux inhérent au message de Dieu, et on méconnaît pareillement son propre état corrompu.

Si dans l’exemple précédent, nous avons trouvé Satan comme le véritable adversaire, ainsi ici nous rencontrons la chair dans sa résistance contre la Parole — et la chair sous sa forme la plus attrayante. Il y en a bien qui étaient prêts à se donner avec joie au Seigneur. Mais les brisures de cœur dont parle la Parole de Dieu, ils ne les ont jamais connues. « Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé. Ô Dieu ! tu ne mépriseras pas un cœur brisé et humilié » (Psaume 51:17). Quand l’esprit de grâce et de supplications sera versé un jour sur les habitants de Jérusalem, alors ils se lamenteront, chaque famille pour elle-même (Zacharie 12:10, 12).

Il en est toujours ainsi où et quand l’Esprit de Dieu opère : le soc de charrue de la Parole de Dieu laboure le cœur des gens et les amène à prendre conscience de leurs péchés. Mais ce qui s’y rattache d’abord, c’est tout sauf la joie. Se reconnaître par la foi comme pécheur perdu, ne recèle pas de la joie, mais de l’effroi et de la détresse intérieurs. Certes quand la question des péchés est réglée, Dieu accorde la joie du salut. Mais la « repentance à salut » (2 Corinthiens 7:10) vient avant la joie, les « lamentations » avant la restauration.

Cependant, là où la Parole est reçue avec légèreté, « avec joie », c’est la preuve qu’il n’y a jamais eu de travail en profondeur. Jamais le soc de la charrue de Dieu n’a scruté à fond le cœur et la conscience, et jamais la nature corrompue de l’homme n’a été reconnue par lui. De fait, le cœur naturel de l’homme est un cœur de pierre, quand on considère le comportement de l’homme vis-à-vis de Dieu (comp. Ézéchiel 36:26). Le jugement de soi-même est étranger à la nature humaine. Mais ce cœur de pierre peut se montrer quand même très religieux, il peut en même temps se revêtir d’une mince couche de terre cultivable. N’est-ce pas d’ailleurs la caractéristique de la chrétienté aux derniers jours, que d’avoir une certaine « forme de piété », tout en en ayant renié la puissance (2 Timothée 3:5) ? Combien de gens dans nos pays christianisés qui ne professent le christianisme que parce que leurs parents le faisaient, ou que c’est l’habitude du pays ! Ils « croient » donc, ils reçoivent la Parole dans un sens limité, mais ils ne la possèdent pas réellement, et — comme la suite le montre — ils ne la gardent pas.

L’homme, spécialement celui qui est orienté par un idéal, est tout à fait à même de se laisser influencer par certaines pensées de Dieu. Il peut, par exemple, trouver le plan du salut de Dieu grandiose, et faire extérieurement des progrès rapides pour saisir certaines vérités. Il peut manifester un grand intérêt pour la prophétie, et classer les principes du sermon sur la montagne à un très bon niveau éthique. Mais il y a un grand danger dont le Seigneur veut avertir ceux qui entendent la Parole : c’est qu’avec tout cela, la conscience ne soit pas touchée, que le rocher non brisé reste inchangé par dessous. Certes la semence de Dieu de la Parole de Dieu est présente, mais il ne lui est pas permis de prendre racine à l’intérieur. La Parole n’est reçue que superficiellement avec un certain enthousiasme, la conscience n’entrant toutefois pas en activité.

Ceux qui annoncent la Parole contribuent eux-mêmes en partie à cette tendance. Un bon nombre d’entre eux ne cherchent-ils pas coûte que coûte à donner meilleur goût à l’évangile ? Faites donc la vérification : vise-t-on encore la reconnaissance des péchés et la confession des péchés ? Parle-t-on encore du péché ? Parle-t-on seulement de se donner avec joie au Seigneur ? Parler en faveur d’une acceptation purement sentimentale de l’évangile, ce n’est rien d’autre que du « feu étranger » (Lévitique 10:1). En outre le mot ‘évangile’ ne signifie pas, comme on l’entend trop souvent, un ‘heureux message’. Non, le sens est un ‘bon message’. Ce n’est pas un heureux message que de dire aux gens qu’ils doivent se convertir s’ils ne veulent pas être perdus pour l’éternité. Mais dans ce message lui-même, il y a quelque chose de bon s’il est propre à pousser les gens à se convertir. Et n’est-ce pas réellement un bon message que le Père ait envoyé le Fils comme Sauveur du monde ?

Mais la joie ne peut être ni le premier ni le seul sentiment du pécheur à l’ouïe de la Parole de Dieu. Le Seigneur montre bien qu’il est manifeste que l’absence de racine est justement due à ce que, dans ce deuxième cas, on ne trouvait que de la joie. Est-ce par exemple un signe d’amour pour le Seigneur quand on n’a aucun sentiment du jugement terrible qui a dû tomber sur notre Seigneur à cause de nos péchés ? Ou encore, est-ce une indication de l’opération de la grâce de Dieu quand on a tellement de joie à être sauvé personnellement, qu’on n’estime pas nécessaire de repenser au péché ? Le Seigneur Jésus démasque le vrai caractère d’un telle « joie ». Ce n’est rien d’autre que l’égoïsme inné et la preuve d’un cœur dur en face de Dieu. Des gens très religieux, chrétiens, peuvent être tellement durs de cœur qu’ils n’ont encore jamais rien éprouvé de ce que leurs péchés ont coûtés au Seigneur Jésus. Ils peuvent être profondément remués en écoutant des Passions (mise en musique du récit des souffrances) au moment des passages sur les traitements injustes et les souffrances de Jésus ; mais la pensée que le Seigneur Jésus soit allé à la croix à cause de leurs péchés, ne les a même jamais effleurés. Quand des sentiments chaleureux sont réveillés, mais qu’on passe par-dessus le péché, on se trouve en présence du cas décrit ici. Dès lors, ce qui a l’apparence d’un grand succès, ce n’est malgré tout que de la mort. « Je connais tes œuvres, que tu as le nom de vivre, mais tu es mort » (Apocalypse 3:1).

Mais n’avons-nous pas aussi nous-mêmes en tant qu’enfants de Dieu déjà eu bien des fois honte d’avoir un si faible sentiment du péché et de ce que nos péchés ont causé à notre Sauveur ? Ne nous occupons-nous pas trop souvent de « joies » qui ne sont pas « dans le Seigneur » (Phil. 4:4) ? Bien des joies qui nous remplissent ne sont finalement rien d’autre que de l’égoïsme et de l’orgueil. La joie est certes un élément essentiel d’un vrai christianisme, mais ce doit être la joie de l’Esprit Saint (1 Thessaloniciens 1:6). Chez les Thessaloniciens, elle allait de pair avec de « grandes tribulations ». Jamais le Saint Esprit ne conduira à une idée superficielle et plate du péché, comme nous l’avons déjà rappelé en nous appuyant sur Zacharie 12:10.

5.1.7.2 - Repentance et confession du péché

L’essence d’une vraie confession, c’est le jugement de soi-même. Job lui-même, bien qu’il fût un saint, dut être amené au point d’avoir horreur de lui-même. Ce n’est que quand il eut vu Dieu, et pas avant, qu’il reconnut : « c’est pourquoi j’ai horreur de moi, et je me repens dans la poussière et dans la cendre » (Job 42:6). Au sens du Nouveau Testament, nous pouvons dire que là où il y a la foi au Seigneur Jésus Christ, là aussi on verra la repentance envers Dieu (Actes 20:21).

La ‘repentance’ n’est pas qu’un changement de sentiments comme on l’a souvent définie. Sans aucun doute, quand il y a une repentance produite par le Saint Esprit, il s’y rattache aussi un changement de manière de penser. Cependant on ne pourrait absolument pas se représenter un vrai changement de sentiments sans qu’on se courbe devant le jugement de Dieu. Quand un homme se courbe devant le jugement que Dieu a sur lui, alors il se manifeste aussi un changement de manière de penser. Ce qu’on déduit sur un mot grec à partir de sa racine n’est pas à lui seul décisif pour la signification d’un mot, mais il faut aussi tenir compte du contexte et de l’usage que le Saint Esprit fait du mot (*).

L’étymologie du mot grec ‘metanoia’ est quelque chose comme « le sentiment après cela » = changement de sentiment.

La syrophénicienne de Marc 7 est un exemple de quelqu’un qui s’est repenti au temps de la vie du Seigneur. Ce n’est que quand elle confessa équivaloir à un « petit chien » impur et méprisé qu’elle reçut la bénédiction du Seigneur. Que la joie résulte de la repentance, c’est ce que montre clairement l’exemple du fils prodigue. Il a confessé être indigne d’être appelé « fils » parce qu’il avait péché contre le ciel et devant son père. C’est alors qu’il est parlé de joie à plusieurs reprises : « il fallait faire bonne chère et se réjouir » (Luc 15:32).

Beaucoup de ceux qui écoutaient les paroles de notre Seigneur correspondaient tout à fait à ceux semés dans les endroits rocailleux. Ils voulaient avoir la joie en la présence du Seigneur, sans se repentir. Les uns voulaient Le faire roi, les autres le recherchaient, non pas à cause de Ses paroles, mais parce qu’ils avaient mangé du pain et qu’ils avaient été rassasiés. Et beaucoup l’ont entouré de leurs cris « Hosannah » lors de Son entrée à Jérusalem. Il y avait alors effectivement de la joie. Mais que valait-elle alors que leurs cœurs n’étaient pas touchés ? Peu après, toute la foule s’écria : « Ôte celui-ci, et relâche-nous Barabbas » (Luc 23:18).

Je pense que le groupe de ceux qui font une confession de péché mécanique et superficielle appartient à ceux qui sont semés dans les endroits rocailleux. Il n’y a rien de tel pour endurcir le cœur que l’habitude de confesser des péchés sans les ressentir. Quand une prière telle que « pardonne-nous nos offenses comme nous nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé » ne fait que sortir des lèvres sans affliction intérieure, alors la conscience endurcie ne fait que devenir encore plus dure. Croit-on vraiment que Dieu écoute de telles « prières » ? La confession « j’ai péché » est facile à exprimer, et si elle l’est de manière empressée, on a tout lieu de douter de son authenticité.

Dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, on trouve bon nombre de personnes qui ont reconnu « j’ai péché ».

Le Pharaon (Exode 10:16),

Balaam (Nombres 22:34),

Acan (Josué 7:20),

Saül (1 Samuel 15:24, 30)

David (2 Samuel 12:13 ; 24:10, 17 ; 1 Chroniques 21:8 ; Psaume 51:4),

Shimhi (2 Samuel 19:20),

Judas Iscariote (Matthieu 27:4),

Le fils prodigue (Luc 15:18, 21).

N’est-ce pas très frappant, et même effrayant, que sur ces huit personnes, deux seulement étaient croyantes (ou figuraient des croyants) et que six sont allées à la perdition, pour autant que nous le sachions ? Non, une confession faite rapidement n’est souvent que la marque d’une conscience endurcie. Combien souvent les Israélites, au cours de leur histoire, se sont écriés « nous avons péché » — bien souvent seulement pour se sortir à nouveau d’une détresse dont ils étaient eux-mêmes la cause ! Une fois — alors qu’ils se trouvaient au début de leur pèlerinage dans le désert, mais déjà à la frontière du pays promis, et qu’à cause de leur incrédulité dans l’affaire des espions, ils reçurent l’ordre de l’Éternel de faire demi-tour et de se mettre en route vers le désert — alors ils répondirent « nous avons péché contre l’Éternel », et ils firent le contraire de ce que l’Éternel avait commandé. Puis, ayant dû subir une sévère défaite de la part des Amoréens, ils revinrent et pleurèrent devant l’Éternel. Pourtant, Moïse dut plus tard leur rappeler que l’Éternel n’avait pas écouté leur voix, et ne leur avait pas prêté l’oreille (Deutéronome 1:45). Ils avaient pensé pouvoir régler l’affaire avec Dieu par un rapide « nous avons péché ».

Nous, enfants de Dieu, avons aussi des leçons à apprendre de cela. Combien nous sommes rapides à préparer certaines formules de confession de nos péchés devant Dieu, et combien souvent nos cœurs en restent froids ! Ne devons-nous pas tous plus ou moins le confesser ? Que le Seigneur nous donne la profondeur nécessaire quand il s’agit de la confession de nos fautes ! Le regard plein de foi sur notre Sauveur souffrant sur la croix nous aidera à cela.

5.1.7.3 - Pas de racines

« Et, le soleil s’étant levé, ils furent brûlés, et parce qu’ils n’avaient pas de racine, ils séchèrent » (Matthieu 13:6).

C’est ainsi que le Seigneur Jésus continue la parabole. Ce qui avait conduit à une levée rapide, entraîna en même temps une fin rapide et le dessèchement : c’était le peu de terre, et l’absence de racines. Cette vie apparente n’a été que de courte durée, car la relation avec la vraie source de vie manquait.

« mais il n’a pas de racine en lui-même, mais n’est que pour un temps : et quand la tribulation ou la persécution survient à cause de la parole, il est aussitôt scandalisé » (Matthieu 13:21).


Le soleil met à jour les vraies situations (dans bien des passages de l’Écriture sainte, ici et ailleurs, le soleil est une figure de la tribulation et de la persécution). Aussi longtemps que les circonstances extérieures sont favorables dans le domaine chrétien, on ne voit pas le manque de racines ni l’absence de la vie de Dieu. Or le domaine où on professe être chrétien est vaste, et il y a beaucoup de gens qui prétendent croire à la Parole de Dieu. En un certain sens, ceux dont nous parlent ce verset font cela aussi, mais cela ne dépasse souvent pas l’intelligence qui accepte de tenir-pour-vrai, une foi purement humaine et sentimentale (comp. Jean 2:23-25 ; Actes 8:13 et suiv.). Mais si on y regarde de plus près et qu’on élimine la mince couche de poussière, on tombe droit sur le dessous en pierre : ils ne se sont jamais courbés devant l’autorité du Seigneur, et ils ne sont pas non plus prêts à le faire maintenant. Quelqu’un de mes lecteurs appartiendrait-il peut-être à cette catégorie ? Ô pensez à ce que le Seigneur a dit : ils n’ont pas de racine en eux, et ils ne sont que pour un temps ! À la fin tout est desséché.

En fait de telles personnes, quand les persécutions à cause du témoignage chrétien sont arrivées, elles ont laissé tomber leur profession encore toujours faible, ou même se sont transformées en ennemis des vrais chrétiens. Le Seigneur Jésus dit qu’ils sont « aussitôt scandalisés ». La Parole avait été reçue aussitôt avec joie, et aussitôt on en est scandalisé. Une telle personne n’a aucune force de résistance quand arrivent des mises à l’épreuve de quelque sorte que ce soit. Et pourquoi n’en a-t-elle pas ? parce qu’il n’y a pas de racine qui la relie à la source cachée de secours de la grâce de Dieu. Luc dit : « parce qu’ils n’avaient pas d’humidité » (Luc 8:6).

C’est pourquoi on a désigné ce groupe d’auditeurs, malgré le dessous en pierre qui se trouve partout dans leurs cœurs, comme étant les faibles de cœurs. Quand les circonstances favorables changent, le manque de toute racine, de toute vraie relation avec Christ, le manque de la vraie source de vie, — tout cela fait que ces personnes sont remplies de peur, et qu’elles deviennent rapidement sans énergie, et qu’elles se dessèchent à vue d’œil en ce qui concerne leur profession de christianisme. Tout leur enthousiasme chrétien, toute leur passion pour l’amélioration chrétienne du monde, — tout cela disparaît rapidement sous le soleil de la tribulation.

Ne « croire que pour un temps », et ensuite « se retirer » (Luc 8:13 ; ou : apostasier) a en fait des conséquences éternelles. Car si la grâce de Dieu n’intervenait, pour délivrer les professants sans vie de leur triste état, ils trouveraient leur jugement dans l’étang de feu brûlant de feu et de soufre.

C’est pourquoi la question se repose à chacun des lecteurs de ces lignes : Me suis-je déjà tenu une fois devant la face de Dieu avec mes péchés ? Tôt ou tard, cette question des péchés doit être réglée devant Dieu. Je n’aurai jamais pour part une paix solide, et qui demeure, tant que je ne me serai pas courbé devant le jugement de Dieu à mon égard, et que je ne me serai pas réfugié dans l’œuvre rédemptrice de Christ. Si quelqu’un manque de le faire ici sur la terre, la question sera mise sur le tapis pour lui au tribunal de Christ (2 Corinthiens 5:10). Mais cela signifiera alors sa perdition éternelle.

5.1.8 - Semé parmi les épines

Pour le troisième cas que le Seigneur nous présente, il ne nous est pas difficile de reconnaître le troisième des trois ennemis qui s’opposent à la réception de la Parole : le monde. Ce qui est placé devant nous n’est plus la dureté de cœur, ni la faiblesse de cœur de l’auditeur, mais son cœur partagé.

« Et d’autres tombèrent entre les épines, et les épines montèrent et les étouffèrent » (Matthieu 13:7).

Il est remarquable que l’expression « tombèrent entre les épines » du v. 7 utilise un mot différent du v. 22 « semé dans les épines ». Au v. 7, le mot grec (epi) signifie « sur », et l’expression correspond à : « d’autres tombèrent sur les épines », comme au v. 5 « tombèrent sur un endroit rocailleux ». Par contre au v. 22, le Seigneur utilise une autre préposition (grec : en), qui peut être traduit par « dans, au milieu de, au sein de » : « Mais celui qui est semé au milieu des épines ».

De ces deux expressions qui ne se contredisent nullement, il ressort la véritable figure que le Seigneur dépeint. Dans le champ sur lequel la semence est semée, il y avait déjà quelque chose de présent qu’on ne pouvait pas voir du dehors : des racines d’épines que la charrue a rencontrées. Littéralement, la semence tombe sur la terre, mais en fait elle tombe sur des épines, et même elle est au milieu d’elles pour ce qui concerne ses perspectives de croissance. Les épines jouent ici un rôle tellement important, qu’il n’est parlé que de leur levée à elles. La semence a-t-elle crû ? Cela n’est même pas indiqué. Il est vrai que Luc mentionne cette croissance de la semence, mais seulement pour montrer combien les épines ont bien prospéré (Luc 8:7) : les épines levèrent avec les grains semés et les étouffèrent.

L’œil spirituel de celui qui observe voit déjà la semence au milieu des épines et sous elles, bien qu’au début elles ne fussent tombées que sur elles. Comprendre cela aide beaucoup pour l’interprétation de la parabole.

5.1.8.1 - Les épines

« Et celui qui a été semé dans les épines, c’est celui qui entend la parole ; et les soucis de ce siècle et la tromperie des richesses étouffent la parole, et il est sans fruit » (Matthieu 13:22).

Dans ce troisième exemple d’auditeurs de la Parole, le terrain du cœur est déjà plein ‘d’épines’, plein de mauvaises racines avant même que la bonne semence ait été semée. Le résultat final est qu’« il est sans fruit » (Matthieu 13:22), « ils ne portent pas de fruit à maturité » (Luc 8:14).

Le Seigneur montre qu’il est complètement impossible de porter du fruit pour Dieu quand le cœur est rempli du monde. Si un auditeur de la Parole n’est pas vraiment droit dans son cœur quand il écoute cette parole, les épines croîtront toujours plus vite et plus haut que le froment (qui ressemble aux herbes), ou que l’orge (qui est de basse taille) — et elles étoufferont la Parole. Comme Luc le montre, il y a trois influences qui, ou bien coopèrent en une puissante synergie, ou bien produisent leur effet séparément. Si on les regroupe avec celles nommées en Matthieu, ce sont les soucis de la vie, la tromperie des richesses et les voluptés de la vie. Bien que la Parole soit écoutée, et qu’on soit même d’accord avec elle dans son for intérieur, la Parole ne peut susciter aucune foi dans le cœur, aucune vie, parce qu’il manque de se tourner positivement vers Dieu, et parce qu’on n’est pas prêt à rompre avec le monde.

Il semble que par les ‘soucis de la vie’ (ou : des circonstances) il faille plutôt entendre la convoitise, que les soucis au sens d’inquiétude. Par la combinaison de ces ‘soucis de la vie’ avec la ‘tromperie des richesses’ et les ‘voluptés de la vie’, le Seigneur décrit un état de cœur caractérisé par la conformité au monde. Là où la conformité au monde prévaut, la Parole de Dieu ne peut pas prendre pied. Ce principe vaut autant pour les non croyants que pour les croyants, même s’il y a des différences au niveau des conséquences.

Il ressort de cela que, quand le Seigneur parle des soucis de la vie (ou : des circonstances), Il ne veut pas dire les occupations de la vie. Un chrétien doit prendre soin des siens (1 Timothée 5:8), il doit se proposer « ce qui est honnête devant tous les hommes » (Romains 12:17). Se soucier de telles choses ne doit pas être considéré comme des ‘épines’ pour autant que cela ne prenne pas la place du Seigneur (ce qui n’est pas une condition secondaire) ni Le supplante dans le cœur. Le secret, la sauvegarde pour qu’un souci relatif aux choses de la terre soit juste et selon la volonté de Dieu, c’est qu’on ait devant les yeux de glorifier le Seigneur et non pas soi-même. Si nous travaillons de cœur, comme pour le Seigneur (Colossiens 3:23) et si nous faisons tout pour la gloire de Dieu et au nom du Seigneur (1 Corinthiens 10:31 ; Colossiens 3:17), alors tout est en ordre. Autrement Satan lui-même est capable de manipuler et de manœuvrer le souci nécessaire, pour faire sérieusement tort à l’âme. Chez les non croyants, cela peut conduire à la perdition éternelle, et chez les croyants à l’absence de paix, au déchirement intérieur, et même au doute.

La tromperie des richesses présente pareillement un danger sournois. Qu’on possède des richesses ou qu’on n’en possède pas, elles trompent. C’est inhérent aux richesses elles-mêmes. Elles promettent une satisfaction qu’elles ne donneront pas et ne peuvent pas donner. Et elles trompent aussi bien celui qui en a que celui qui n’en a pas.

En troisième lieu viennent les voluptés de la vie (Luc 8:14). Marc les désigne de manière caractéristique par l’expression « la convoitise à l’égard des autre choses » (Marc 4:19). Le mot « voluptés », quand il est au pluriel, est souvent traduit par « convoitises ». Il désigne une ‘jouissance’, mais surtout au sens mauvais. Il faut encore remarquer que pour le mot « vie » dans « voluptés de la vie », il y a ici un mot autre que celui qualifiant les ‘souci(s) ; ceux-ci sont appelés les « soucis de ce (du) siècle » (Matthieu 13:22 ; Marc 4:19) ; il s’agit de soucis de la vie en rapport avec les circonstances (en grec : aion ; le cours de la vie), tandis que les voluptés [de la vie] sont liées avec la conduite, avec la manière de vivre (en grec : bios).

5.1.8.2 - Avertissements

L’exemple du jeune homme riche nous montre l’influence paralysante des richesses, surtout de l’amour du monde. Ce jeune homme avait entendu la parole de Jésus, et elle avait eu une certaine influence sur lui. Aussi vint-il au Seigneur pour apprendre ce qu’il devait faire pour obtenir la vie éternelle. Il possédait un caractère aimable de nature, mais il n’était pas à la hauteur de l’examen auquel le Maître [qui enseigne] le soumettait : vendre tout son bien et le donner aux pauvres, tout abandonner et Le suivre. La tromperie des richesses étouffait la Parole. Ni le désir de la vie éternelle dans le cœur du jeune homme, ni l’assurance du Seigneur d’un trésor donné dans le ciel, — rien ne fut assez fort pour surmonter l’amour des richesses présentes. Aussi « s’en alla-t-il tout triste, car il avait de grands biens » (Matthieu 19:16-22).

Quand le roi fit des noces pour son fils, et invita beaucoup de gens au mariage avec l’assurance que tout était prêt, les invités ne vinrent pas (Matthieu 22 ; Luc 14). Ils avaient reçu l’invitation, mais ils la déclinèrent. Qu’est-ce qui les empêchait de venir ? Les choses les plus normales du monde ! Il n’est certainement pas interdit d’acheter un champ et de le voir. Il n’y a rien de mauvais à acheter des bœufs et à vouloir les tester. Il est tout à fait honorable d’épouser une femme : c’est la volonté de Dieu en principe pour l’homme. Mais mettre toutes ces choses en opposition à la Parole du roi, c’était en faire des ‘épines’. Du fait que ces choses légitimes prenaient la première place dans leur cœur, elles devenaient des ‘épines’, et elles étouffaient la Parole de la grâce. Aussi ces gens restèrent-ils dehors et tombèrent sous le jugement du roi. « Tiens-moi pour excusé » — combien nombreux ceux qui désirent le dire aujourd’hui ! Leur cœur est rempli de mille choses du monde, et ils déclinent l’offre de la grâce de Dieu — pour leur perdition éternelle.

Mais tout cela parle aussi sérieusement pour nous enfants de Dieu. Nous étonnons-nous quelquefois que notre joie dans le Seigneur et dans les bénédictions célestes soit si maigre, et que s’occuper de la Parole de Dieu nous soit si pénible et infructueux ? Peut-être cela tient-il aux ‘épines’ que nous tolérons dans notre cœur. Plus nous laissons de place dans notre cœur à ce qui n’est pas du Père, mais est du monde (1 Jean 2:15-16), plus notre vie sera sans fruit pour Dieu. Soyons sur nos gardes pour ne pas excuser de plus en plus les principes mondains dans nos vies.

5.1.9 - Résumé

Dans les trois ‘terrains’ que nous avons eus devant nous jusqu’ici, nous avons vu les trois ennemis qui cherchent à empêcher la réception de la Parole par les hommes. Le diable ravit tout simplement la bonne semence, parce que les gens ne la veulent pas. La chair peut se montrer attrayante, mais elle n’est pas disposée à se soumettre à l’autorité de la Parole. Et le monde étouffe tout ce qui est de Dieu. Les trois sont alliés dans leur inimitié contre Christ, contre le Saint Esprit et contre le Père.

Bien que tous les cas soient très différents, le résultat est toujours le même : pas de fruit. Qu’il s’agisse de la stupidité et de la lourdeur d’esprit des uns qui refusent simplement la Parole de Dieu, qui ne veulent pas croire, — qu’il s’agisse de la prétendue intelligence d’autres, et de leurs prétentions religieuses pour recevoir la Parole avec joie, mais sans repentance devant Dieu, — ou qu’il s’agisse de gens sérieux, plus réfléchis, qui, jusqu’à un certain degré, ont une pensée juste sur la Parole de Dieu, mais sont tellement occupés des choses de cette vie, que la Parole est étouffée dans leur cœur, — tous ces gens ont ceci en commun qu’ils n’ont pas la vie de Dieu. Qu’on soit un auditeur de la Parole dur de cœur, ou faible de cœur ou au cœur partagé, tous convergent vers un seul point : ils vont à la perdition. Nous pensons à ce que le Seigneur Jésus dit dans le premier des cas au sujet de l’intention du diable : il ravit la Parole de leur cœur « de peur qu’en croyant, ils ne soient sauvés » (Luc 8:12). Combien cela est sérieux !

Quels enseignements profonds contient cette parabole ! Nous ne nous y attendions peut-être pas dans toute cette étendue, mais celui qui révèle les secrets parle, et Il connaît ce qui est caché dans les cœurs.

5.1.10 - Semé sur la bonne terre

Ce n’est qu’au quatrième exemple qu’on rencontre un genre d’auditeurs fondamentalement différent : les auditeurs honnêtes. Ce n’est que dans leur cas qu’il y a du fruit.

5.1.10.1 - La bonne terre

« Et d’autres tombèrent sur une bonne terre et produisirent du fruit, l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente » (Matthieu 13:8).

Nous avons déjà remarqué que le Seigneur ne montre pas dans cette parabole comment il se fait qu’il y ait de la « bonne terre ». Il ne le dit pas non plus dans Son explication du v. 23 :

« Et celui qui a été semé sur la bonne terre, c’est celui qui entend et comprend la parole, qui aussi porte du fruit, et produit l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente » (Matthieu 13:23).

La ‘bonne terre’ est évoquée comme étant un fait ; il est expliqué en quoi elle consiste ; mais comment du terrain dur ou épineux devient de la ‘bonne terre’, ce n’est pas l’objet de la parabole. L’Écriture sainte nous montre ailleurs que « le cœur de l’homme est mauvais dès sa jeunesse » et que « toute l’imagination des pensées de son cœur n’est que méchanceté en tout temps » (Genèse 8:21 ; 6:5). « Il n’y a point de juste, non pas même un seul ; il n’y a personne qui ait de l’intelligence, il n’y a personne qui recherche Dieu ; … il n’y en a aucun qui exerce la bonté, il n’y en a pas même un seul » » nous dit l’épître aux Romains (3:10-12). Aucun homme n’est en état de porter de porter du fruit pour Dieu, et pas même un seul n’a de l’intelligence. S’il n’y avait pas d’œuvre cachée du Saint Esprit, notre cas serait sans espoir.

Mais le Saint Esprit opère dans l’homme. Il applique la Parole de Dieu au cœur et à la conscience avec l’intention de le conduire à la foi, à la repentance et à la vie éternelle. De cette manière les cœurs sont purifiés par la foi (Actes 15:9) ; de cœurs remplis de fraude, ils deviennent des cœurs honnêtes et bons (Luc 8:15 ; voir aussi Jérémie 4:3).

Cependant dans notre parabole, le Seigneur ne parle pas du travail intérieur de l’Esprit de Dieu, mais Il ne cite que les faits extérieurement perceptibles : c’était de la bonne terre ; de la bonne semence a été apportée sur ce sol, et il en est sorti du fruit. L’expression « il n’a pas de racine » d’un cas précédent (v. 21) est bien plutôt la déclaration d’un fait qu’une indication sur le terrain. Pour la compréhension des paraboles, il est important de comprendre cette manière de parler du Seigneur. Dans une parabole, tous les aspects de la vérité ne sont pas montrés d’un coup. Ce qui fait justement leur valeur, c’est qu’elles poursuivent une grande ligne quant au fond.

5.1.10.2 - Comprendre la Parole de Dieu

Cette grande ligne continue, dans notre parabole, est la pensée de porter du fruit. Quand le semeur apporte la semence sur la terre, il le fait pour obtenir du fruit. Le but des voies de Dieu avec les hommes, c’est le fruit. Il y a droit.

Dans les trois premiers cas, il n’y a pas de fruit, malgré les efforts du semeur. Dans le quatrième cas il y a des gens qui non seulement entendent la Parole, mais aussi la comprennent et portent du fruit. À cet égard, ils sont en contraste complet avec les trois autres groupes qui certes ont bien aussi entendu la Parole, et en sont donc responsables, mais qui n’ont rien amené à maturité. Justement à propos de celui semé le long du chemin, il est dit qu’il ne comprend pas la Parole, c’est-à-dire qu’il ne veut pas la comprendre, comme on se le rappelle. Ici pourtant, il y en a qui ont compris la Parole, et cela nous rappelle 1 Jean 5:20 : « Or nous savons que le Fils de Dieu est venu, et il nous a donné une intelligence afin que nous connaissions le Véritable ».

Quelle satisfaction ce doit être pour Dieu que de voir des gens amenés par Son Fils à comprendre Sa Parole et à entrer dans Ses pensées. Les enfants de Dieu connaissent Dieu, le Véritable. Ils ont Sa nature et sont rendus par-là capables de porter du fruit pour Lui. En eux se réalise déjà en partie la prophétie d’Ésaïe (53:11) : « Il verra du fruit du travail de son âme, et sera satisfait » ! Oui, à cause de ce fruit, le Fils de Dieu a entrepris le lourd travail de la rédemption, et Il s’est assujetti à toute la peine des semailles. Que Son nom en soit loué !

5.1.10.3 - Différences dans la production de fruit

Tout enfant de Dieu a bien reçu la Parole et la garde, et tout enfant de Dieu porte du fruit avec patience (Luc 8:15). Autrement, il n’y aurait pas de fruit. Il y a pourtant des différences comme le montre clairement notre parabole. Le Seigneur indique trois degrés de production de fruit. Tous avaient la bonne terre (un bon auditeur de la Parole), tous avaient reçu la même bonne semence, et malgré tout quelles différences dans le fruit produit ! Comment l’expliquer ?

Quand nous connaissons quelque chose de la folie de nos propres cœurs, il n’est pas difficile de trouver la réponse. Le Seigneur ressuscité devait faire le reproche aux disciples en chemin vers Emmaüs : « Et lui leur dit : Ô gens sans intelligence et lents de cœur à croire toutes les choses que les prophètes ont dites ! » (Luc 24:25). Ses paroles de réprimande ne sont-elles pas aussi souvent vraies pour nous ? Bien qu’en principe nous portions du fruit pour Dieu, il peut cependant y avoir dans nos cœurs des éléments de blocage. Par la parole de Dieu, nous savons que notre cœur reste mauvais jusqu’à la fin. Il est bien purifié par la foi, et par là rendu capable de pensées saintes et de sentiments saints. Mais en lui-même, notre cœur reste aussi mauvais et aussi trompeur que jamais.

Y a-t-il donc lieu de s’étonner que les trois ennemis dont nous avons considéré la manière d’agir dans les trois premiers cas, cherchent à susciter dans nos cœurs de la résistance à la Parole ?

Si nous ne veillons pas et si nous ne nous jugeons pas nous-mêmes, ces ennemis auront plus ou moins de succès à cet égard, et cela explique les différences dans le fruit porté. Colossiens 1:6 nous montre un principe important : toute Parole de Dieu porte du fruit et va croissant. Si elle ne porte pas de fruit chez moi, la faute n’en tient qu’à moi. Je suis très affecté de ce que, dans tel domaine particulier de mon cœur, le terrain soit dur au point d’être comme un chemin durement piétiné ! Si Dieu me parle alors dans cette direction, je ne suis probablement pas prêt à recevoir Sa parole ; et Satan n’aura pas de peine à me la ravir totalement. Ne devons-nous pas tous nous demander s’il y a des versets de la Parole de Dieu qui sont semés chez nous comme si c’était le long du chemin ? Et n’y a-t-il pas d’autres versets sur lesquels nous nous sommes d’abord profondément réjouis, mais qui sont devenus un choc, ou scandale, quand ils nous ont mis à l’épreuve ? Il y a peut-être aussi des passages de la Parole de Dieu que nous avons entre temps comme étouffés par notre amour du monde, parce que nous nous considérons aujourd’hui comme plus malins et plus éclairés qu’autrefois ? Ou croyons-nous réellement que des ‘épines’ ne peuvent pas lever dans nos cœurs, et étouffer la Parole ? Combien il est nécessaire de rester près du Seigneur pour les reconnaître et pour les juger ! Le ‘vigneron’ (Jean 15) ne va pas se désintéresser de ce que nous portions si peu de fruit. Il sait ce qu’Il doit faire — mais c’est une autre pensée.

Il y a quand même aussi — grâces à Dieu — des parties de vérité qui portent réellement du fruit dans nos vies. Pourtant, il peut aussi arriver que nous ne soyons pas ouverts de la même manière pour toutes. L’enseignement sur les nécessités de la prière ne porte peut-être chez nous que 30 fois le fruit, tandis que les vérités sur le retour du Seigneur s’arrêtent à 60 fois. Que Dieu nous donne, en ce qui concerne Sa volonté, de nous efforcer d’arriver à la pleine mesure de fruit porté !

Nous nous satisfaisons rapidement, comme déjà remarqué, de porter peu de fruit, mais Dieu voudrait que nous en portions beaucoup. « En ceci mon Père est glorifié, que vous portiez beaucoup de fruit » (Jean 15:5-8). Combien l’exemple d’Isaac est encourageant ! « Et Isaac sema dans cette terre ; et il recueillit cette année-là le centuple ; et l’Éternel le bénit » (Genèse 26:12).

Pour finir, nous pouvons dire que la présence de fruit est le test divin pour savoir si la profession de christianisme est authentique. Si ‘l’arbre’ est bon, on le reconnaît au fruit qu’il porte (Matthieu 3:10 ; 7:16-20). Si le ‘figuier’ est coupé ou pas, cela se décide sur la question du fruit porté (Luc 13:6-9). C’est en portant du fruit que les ‘sarments’ montrent une relation intérieure avec le ‘cep’.

De tout cela, nous apprenons que la parabole du ‘semeur’ ne porte pas seulement sur des questions dispensationnelles, mais qu’elle sonde aussi profondément notre propre vie. Le cœur de Josias avait été rendu sensible en écoutant la Parole de Dieu (2 Chroniques 34:27). Si l’occupation de la Parole de Dieu nous conduit aussi dans cette direction, nos vies seront aussi riches en fruit.

Le fruit est la réponse à l’amour de Celui qui s’est livré Lui-même pour nous.


5.2 - L’ivraie (*) dans le champ

(*) Note du traducteur : les termes « ivraie » et « froment » ont été presque partout utilisés selon la version JN Darby de la Bible, mais l’auteur de cet article utilise généralement, en allemand, les termes de « mauvaise herbe » et de « blé ». En français, l’ivraie est une mauvaise herbe particulière, et le froment est une variété de blé particulière.

La parabole du ‘semeur’ est suivie en Matthieu 13 par la parabole de ‘l’ivraie dans le champ’, la première des six paraboles du royaume des cieux. La parabole du ‘semeur’ forme la base de tous les enseignements ultérieurs et de toutes les autres paraboles du Seigneur dans ce chapitre. Elle nous montre, comme nous l’avons vu, l’œuvre préparatoire du Seigneur Jésus sur la terre.

Souvenons-nous encore une fois que le royaume des cieux ne décrit ni le ciel, ni l’assemblée de Dieu, mais ce domaine sur la terre où est reconnu — même si n’est que selon une forme extérieure — le Seigneur qui demeure au ciel. Ce royaume, que nous pouvons identifier aujourd’hui avec la chrétienté ne pouvait pas commencer avant que le roi rejeté sur la terre soit monté au ciel et y ait pris place à la droite de la puissance. Ce royaume devait exister en mystère (ou : en secret), ce qui était autre chose que le royaume de Dieu visible attendu par les Juifs. C’est pourquoi le Seigneur parle des « mystères [ou : secrets] du royaume des cieux » — il s’agissait d’un mystère parce que le roi serait absent, dans le ciel. Une autre caractéristique, non moins importante, serait que ce royaume serait caractérisé par la grâce.

Cette forme du royaume était alors totalement inconnue aux disciples de Jésus. Il devait aussi être étrange pour eux que ce royaume doive prendre un développement extérieur formant un contraste total avec ce que les prophètes avaient prédit au sujet du royaume à venir. Comme l’un des prophètes l’avait annoncé, la terre devait être, à la fin, « pleine de la connaissance de l’Éternel », et « on ne ferait pas de tort et on ne détruirait pas » dans toute Sa sainte montagne (Ésaïe 11:9). Quel étonnement devait être le leur en entendant que le royaume dont leur parlait maintenant leur Seigneur allait être envahi de mauvaises herbes (ivraie).

La vérité était que le royaume promis à Israël dans l’Ancien Testament devait être différé pour un temps à cause du rejet du Messie par le peuple juif, pour faire place intermédiairement à un autre royaume dont le Seigneur présente le développement extérieur dans les trois premières paraboles du royaume des cieux. Ces trois paraboles sont adressées aux foules (Matthieu 13:34), mais Il ne leur en donne pas l’explication, pas plus qu’Il n’explique pourquoi Dieu permettait un tel développement fâcheux ; ces explications, Il les donne à Ses disciples, une fois seul avec eux dans la ‘maison’ (13:36 et suiv.). Et Il se sert alors à nouveau de trois paraboles pour leur décrire la véritable intention de Son Père dans tout cela, et la valeur intérieure du royaume pour Lui.

Les trois premières paraboles (‘l’ivraie du champ’, le ‘grain de moutarde’, le ‘levain dans la pâte’) nous montrent donc le caractère public et le résultat visible du royaume dans le monde. C’est une représentation de la chose du côté historique. Il n’en est pas de même pour les trois dernières paraboles (‘le trésor dans le champ’, ‘la perle de grand prix’, ‘le filet dans la mer’). Dans celles-ci, on reconnaît plutôt le conseil caché de Dieu et la valeur intérieure de la chose, les pleins résultats dans la main de Dieu.

Il y a une grâce merveilleuse dans la manière dont le Seigneur instruit les Siens. Il veut réveiller leurs pensées et leurs affections et faire naître amour et actions de grâces. Que cela puisse aussi avoir lieu pour nous à Son égard en méditant maintenant cette parabole de ‘l’ivraie du champ’ ! Et même si cette parabole ne nous présente que l’aspect extérieur du royaume, nous pouvons quand même apprendre à reconnaître les principes actifs, et à faire la différence d’avec les conseils de Dieu, et à juger ces principes. Cela est justement d’une si grande importance pour notre marche pratique dans notre temps et dans ce monde. Les développements extérieurs peuvent être comme ceci ou comme cela, mais quels sont les principes qui sont derrière ? C’est ce qu’il faut toujours nous demander, et reconnaître cela peut seul nous garder de mauvaises décisions.

5.2.1 - « Son » champ

Avant de réfléchir à chacun des versets de cette parabole, commençons par deux sortes de remarques préalables. La première concerne notre manière de procéder, la seconde la liaison globale des éléments de la parabole. Du fait que nous avons le privilège inestimable d’apprendre l’interprétation des parties essentielles de la parabole de la bouche du Seigneur Lui-même, nous allons tirer parti immédiatement des explications du Seigneur à l’occasion de chaque point particulier, même si ces explications nous sont données comme un tout, plus loin dans le chapitre. Nous avons procédé de la même manière pour la parabole du ‘semeur’. — Et pour ne pas perdre la liaison globale des éléments de la parabole, il est important de comprendre que celle-ci (et elle seulement, la parabole de ‘l’ivraie du champ’) nous présente le développement du royaume des cieux, du début jusqu’à la fin, en tant que confié à l’homme. Dans cette parabole, le point où l’on se place pour considérer le royaume, c’est la terre. Pour le monde, il reste un mystère (ou : secret). Ne comprennent ces mystères, que ceux qui sont auprès de Jésus dans la ‘maison’, et ce n’est qu’à eux que le Seigneur explique cet état anormal, et la raison pour laquelle Dieu le supporte.

« Il leur proposa une autre parabole, disant : Le royaume des cieux a été fait semblable à un homme qui semait de bonne semence dans son champ » (Matthieu 13:24).

Les trois paraboles adressées aux foules sont introduites par la phrase « Il leur proposa une autre parabole, disant ». La signification originale du mot ‘proposer’ est ‘poser à côté’. Le Seigneur leur pose une autre parabole à côté de celle déjà communiquée, et Il explique. L’expression ‘a été fait semblable’ met l’accent sur l’aboutissement du développement, et non pas tellement sur son commencement ni sur son déroulement. Le Seigneur a devant Lui le plein développement de la chose, et montre comment cela est arrivé historiquement : d’où l’usage constant du passé pour les verbes : « semait », « vint », « sema », « monta », « produisit », « parut », etc. En fin de compte, la signification de « a été fait semblable » répond à la signification de « est semblable » des versets 31, 33, 44, 45, 47.

5.2.1.1 - Ce à quoi le Seigneur Jésus a droit

L’« homme » qui semait de la bonne semence dans son champ est le Fils de l’homme (13:37) — il n’est pas dit « Christ ». Le titre de ‘Fils de l’homme’ fait ressortir Son rejet comme Messie de Son peuple terrestre, et Son élévation à la droite de Dieu.

C’est aussi la raison pour laquelle ce n’est que dans cette parabole qu’il est parlé du champ comme étant « son champ » (13:24-27). Dans la parabole précédente du ‘semeur’, il n’y a rien de pareil. Entre temps, le Seigneur est, en figure, mort et ressuscité.

Quand Il parle maintenant de Son champ et qu’Il explique que « le champ, c’est le monde » (13:38), il est clair que le monde entier (en grec : kosmos) Lui appartient. Y a-t-il là quelque chose de particulier ? Ne Lui appartient-il pas déjà depuis toujours ? Bien sûr, comme Créateur, Il est propriétaire en droit de tout ce qu’Il a créé. Mais il y a ceci de spécial que, comme homme, comme Fils de l’homme, Il se l’est acquis d’une manière nouvelle — par sa mort à la croix de Golgotha.

C’est dans le même sens que les Juifs remplis de haine contre Lui, ont dit de Lui, quand Il est venu dans Sa ‘vigne’ : « Celui-ci est l’héritier ; venez, tuons-le, et possédons son héritage » (21:38). Selon le conseil de Dieu, Il ne devait pas seulement posséder seul la ‘vigne’ d’Israël, mais aussi le monde entier en tant que Fils de l’homme (Hébreux 1:2 ; 2:5-8). C’est au prix de Son sang, qu’Il a acheté non pas seulement ceux qui croient en Lui (1 Corinthiens 6:20 ; 7:23 ; Apocalypse 5:9 ; 14:3-4), mais aussi tous les hommes, y compris ces faux prophètes qui le reniaient comme leur maître (2 Pierre 2:1). ‘Acheter’ n’est pas synonyme de ‘racheter’. ‘Acheter’ inclut l’acquisition de droits (sur quelque chose ou sur quelqu’un), et met l’accent sur cette conséquence de Son œuvre.

Or le Seigneur Jésus, par Sa mort, s’est acquis des droits sur tous les hommes, et sur le monde entier en tant que lieu d’habitation de ces hommes. Ces droits sont-ils reconnus ? pas du tout ! La plupart des gens ne se soucient pas des droits par lesquels Il les a achetés. Ils pensent que le monde, ou au moins des parties du monde, leur appartiennent, et qu’ils peuvent donc agir avec comme ils se l’imaginent.

Pourtant ils se trompent : le monde appartient à Christ, et ils devront répondre un jour devant Lui de ce qu’ils se sont immiscés dans Ses droits.

5.2.1.2 - La bonne semence

Tandis que dans la précédente parabole, le ‘semeur’ semait sa semence dans les cœurs, le Fils de l’homme sème ici sa bonne semence dans Son champ. Cela correspond d’abord à Jean 3:16 : « car Dieu a tant aimé le monde » — le monde comme le total des gens. En second lieu, il faut comprendre le monde comme le lieu d’habitation des gens, comme la scène sur laquelle se déroulent les événements rapportés. Dans ce ‘champ’ donc, ‘l’homme’ introduit quelque chose qui ne s’y trouvait pas auparavant, quelque chose qui ne se trouve pas naturellement dans le sol. C’est ce qui rend clair qu’il ne peut s’agir ni de la nation juive ni du système juif, car ils étaient présents avant la période mentionnée ici.

Qu’est-ce donc que la ‘bonne semence’ ? Le Seigneur l’explique ainsi : « la bonne semence, ce sont les fils du royaume » (13:38). Dans la parabole du ‘semeur’, la semence était une image de la Parole de Dieu ; ici c’est une image de ceux qui l’ont reçue. Le fruit correspond à la semence. La ‘bonne semence’ — ce sont des croyants qui font partie du fruit du vrai grain de blé, qui est mort pour eux afin qu’ils aient la vie (Jean 12:24). Ce sont eux que le Seigneur met dans Son champ. Les fils du royaume Lui appartiennent, et Il les envoie dans le monde.

Répandre la bonne semence, c’est l’œuvre du grand Maître Lui-même. S’Il gardait la précieuse semence dans Sa corbeille, il n’y aurait ni croissance ni moisson. Il utilise différentes voies pour répandre les fils du royaume sur tout le champ. Il s’est servi par exemple de la persécution à l’occasion de la mort d’Étienne pour atteindre ce but, car nous lisons : « Et tous furent dispersés dans les contrées de la Judée et de la Samarie, excepté les apôtres… Ceux donc qui avaient été dispersés allaient çà et là, annonçant la parole » (Actes 8:1, 4). Ce que Satan a fait pour empêcher les témoins de se répandre plus loin a abouti au résultat exactement contraire dans les mains du Seigneur.

N’y a-t-il pas là des leçons à tirer personnellement ? Plus d’une fois le Seigneur permet des circonstances dans nos vies qui nous éprouvent, qui nous donnent bien de la peine, et que nous attribuons peut-être à l’adversaire. Mais si nous les appliquons correctement, nous pouvons être par là en bénédiction à d’autres. C’est dans ce but que le semeur a mis les fils du royaume dans Son champ. Mais le champ, c’est le monde.

Par ailleurs, le champ n’est pas l’assemblée ou église de Dieu. Notre parabole n’a rien à faire avec les principes de l’assemblée, comme on le verra plus loin encore plus clairement. On ne saurait trop mettre en garde contre une telle méprise. Certes le royaume des cieux prend, dans le temps présent, les traits et les formes de l’église, cela est indiscutable. Mais les principes selon lesquels Dieu agit dans le royaume des cieux sont autres que ceux qu’Il veut voir respectés dans Son assemblée.

5.2.2 - L’œuvre du diable

Dans la parabole du ‘semeur’, l’adversaire ravit ce qui est bon ; dans la parabole de ‘l’ivraie du champ’, il ajoute quelque chose de mauvais. Ces deux activités sont dangereuses, et il les exerce les deux.

« Mais pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sema de l’ivraie parmi le froment, et s’en alla » (Matthieu 13:25).

Remarquons en premier lieu que nous apprenons ici quelque chose sur la nature de la ‘bonne semence’ : il s’agit de froment (ou : blé). C’est pourquoi cela fait penser à Jean 12. Le Seigneur Jésus se compare Lui-même à un grain de blé, et ceux qui germent à la suite de Sa mort, et font partie de Son fruit, portent les mêmes caractères que Lui.

5.2.2.1 - Les fils du méchant

Voilà maintenant quelque chose de bien sérieux devant nous : le Seigneur a un ennemi, le diable (12:39), et celui-ci se sert du manque de vigilance des hommes pour faire du mauvais travail. Il marche « sur les talons » de Celui qui a semé la bonne semence dans Son champ, et il sème l’ivraie au milieu du froment. Le mot grec pour ‘semer’ est ici renforcé par un préfixe, ce qui lui donne le sens de « inonder de semence » : l’ennemi inonde de semence le froment déjà semé dans le sol. Pour cela il se sert d’une mauvaise herbe, l’ivraie, très semblable au froment dans la première phase de croissance, et qui mêle ses racines à celle du froment. Ce n’est que quand les épis sont visibles qu’on peut différencier l’ivraie du froment (13:26, 27).

Tout cela éveille une foule de pensées en nous. Sommes-nous vraiment conscients de ce que le Seigneur Jésus a un ennemi perpétuel dans ce monde ? Il est aussi l’ennemi de nos âmes, et cherche à tout détruire ce que le Seigneur a fait de bien. Il travaille tout spécialement à calomnier la personne de Christ et Sa Parole. Et comme Christ est la vérité et le témoin véritable (Jean 14:6 ; Apocalypse 3:14), ainsi le diable est menteur et le père du mensonge (Jean 8:44). Il séduit toute la terre (Apocalypse 12:9 ; 20:3). Comment le fait-il ? En introduisant des ‘fils du méchant’ (Matthieu 13:38) au milieu du peuple de Dieu pour le disperser. C’est une perfidie intentionnelle : S’il ne peut déraciner les fils du royaume, il peut quand même les disperser.

C’est ce que montre clairement Jean 10. Le Seigneur Jésus dit, dans ce passage, que le voleur vient « pour voler, tuer et détruire » (Jean 10:10). Cela ne signifie pas qu’il y arrive effectivement, quoique ce soit son intention ; car personne ne peut ravir une de Ses brebis de Sa main ni de la main de Son Père (Jean 10:28, 29). Mais quand Il parle du loup, Il dit quand même qu’il ravit et disperse les brebis (Jean 10:12) ; c’est ce que nous retrouvons dans notre parabole.

Comme les fils du royaume sont le résultat de la Parole de Dieu, ainsi les fils du méchant sont le résultat d’enseignements faux et mauvais. L’expression « fils du méchant » est même effrayante en soi ; elle est à comparer avec « fils de Bélial » (2 Samuel 23:6) et « fils de perdition » (Jean 17:12). « Comme Caïn était du méchant » (1 Jean 3:12), ainsi ces gens sont de leur père le diable (Jean 8:44).

L’image de la ‘mauvaise herbe’, ou ‘ivraie’, ne se rapporte pas seulement à des personnes non converties. Ce sont bien plutôt des personnes que Satan a introduit dans le royaume des cieux pour détruire la moisson de Dieu sur la terre. C’est ainsi qu’il se trouve aujourd’hui dans la chrétienté (non pas dans l’assemblée !) des fils du méchant à côté des fils du royaume. Cela se traduit chez ces derniers par une sérieuse mise à l’épreuve et par une détresse intérieure. Et voilà que le champ chrétien est recouvert ‘d’ivraie’ au point qu’on peut à peine encore reconnaître le ‘froment’. Ce n’est pas le ‘froment’ qui caractérise le ‘champ’, mais ‘l’ivraie’. N’est-il pas tout à fait caractéristique que, quand les disciples demandent l’explication de la parabole, ils ne disent pas (13:36) « expose-nous la parabole du froment du champ », mais « expose-nous la parabole de l’ivraie du champ » ? Nous allons revenir sur ce point.

Ne pouvons-nous pas non plus tirer de la grande similitude entre le froment et l’ivraie la leçon que le diable ne cherche pas tellement aujourd’hui à détruire le domaine chrétien par la persécution, mais plutôt par l’imitation ? 2 Timothée 3 cite comme exemples de cela dans l’Ancien Testament, Jannès et Jambrès qui résistèrent à Moïse en imitant par la force du méchant ce que Moïse accomplissait par la force de Dieu (2 Timothée 3:8).

En relation avec ce point, n’est-il pas remarquable que le mot grec pour ‘mauvaise herbe’ est zizanion, qui dérive d’un mot signifiant « ouvrir par effraction » ? On dit que l’ivraie est la seule sorte d’herbe qui est poison pour les animaux comme pour les gens, et qui agit par assoupissement, puis par des nausées, pour finir par la mort. Le parallèle spirituel est effectivement d’une immense portée, et bien propre à nous inciter à une plus grande vigilance.

5.2.2.2 - Le manque de vigilance

En fait, c’est le manque de vigilance qui a, en premier lieu, permis à l’adversaire un travail de cette ampleur. Il est frappant que le Seigneur Jésus ne dit pas : « quand la nuit vient, son ennemi vint aussi », mais « pendant que les hommes dormaient… ». Il veut assurément nous faire connaître par là non seulement la ruse et la malice de l’adversaire, mais Il veut nous signaler un sérieux manquement. Le semeur lui-même ne dormait certes pas (comp. Psaume 121:4), mais les hommes, eux, dormaient. Sans aucun doute l’ennemi est coupable, mais il tire parti du manque de vigilance chez les chrétiens. Déjà au commencement de l’histoire de l’église, quand les choses étaient encore largement en bon état, le Seigneur devait déplorer : « j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour » (Apocalypse 2:4). L’abandon des meilleures affections pour le Seigneur est la clef de toute la ruine dans la chrétienté. Sans cela, l’ennemi n’aurait pas pu réussir dans son œuvre méchante. Et comme la dispensation de la grâce a commencé par l’assoupissement, ainsi elle se termine par la tiédeur, l’absence total d’amour pour le Seigneur (Apocalypse 3:16).

Combien nous avons besoin aujourd’hui, au temps de la fin, d’une vigilance multipliée afin qu’au moins dans notre vie et notre domaine, il y ait, avant la moisson, une séparation positive entre le bien et le mal. Car il doit être complètement clair pour nous que le processus de semer du mal par-dessus le bien se poursuit encore aujourd’hui sans interruption. Ne devons-nous pas nous plaindre que l’état spirituel de nous, les croyants, est très bas ? Ne s’est-il pas introduit dans bien des domaines de notre vie un mélange de ce qui est spirituel avec ce qui est du monde ?

C’est la raison pour laquelle nous trouvons ici « pendant que les hommes dormaient ». C’est pourquoi la Parole de Dieu nous avertit à multiples reprises contre la tendance au sommeil. « Ainsi donc ne dormons pas comme les autres, mais veillons et soyons sobres » (1 Thessaloniciens 5:6) ; « et encore ceci : connaissant le temps, que c’est déjà l’heure de nous réveiller du sommeil » (Romains 13:11). Si nous avons conscience, et si nous souffrons, de ce que notre défaillance et notre manque de vigilance ont facilité la tâche à l’adversaire pour s’introduire, il y a encore un plus profond sujet de tristesse en ce que le Seigneur Jésus parle de « Son ennemi ». Il nous nomme « Ses frères », et voilà qu’Il désigne l’adversaire comme « Son ennemi ». Il fait de nos affaires, Ses affaires — de notre ennemi, Son ennemi. Le combat que nous avons à combattre est en réalité Son combat. L’ennemi auquel nous avons affaire, est en réalité Son ennemi. Aussi faut-il que nous regardions à Lui qui peut pourvoir à tout le nécessaire pour le combat (comp. Éphésiens 6:10-18).

5.2.3 - Le bien et le mal l’un à côté de l’autre

Les conséquences du manque de vigilance et de la négligence des chrétiens se sont déjà montrées très tôt, du vivant des apôtres. C’est ce que décrit l’apôtre Paul dans l’une de ses premières épîtres : « Car le mystère d’iniquité opère déjà » (2 Thessaloniciens 2:7). Et l’apôtre Jean devait écrire aux ‘petits enfants’ que « maintenant aussi, il y a plusieurs antichrists » (1 Jean 2:18 et suiv.). Cela souligne ce que notre parabole présente au figuré : que l’ivraie est venue très tôt à la suite du froment dans le champ, et a grandi ensemble avec lui :

« Et lorsque la tige monta et produisit du fruit, alors l’ivraie aussi parut. Et les esclaves du maître de la maison, s’approchant, lui dirent : Seigneur, n’as-tu pas semé de bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il a l’ivraie ? Et il leur dit : Un ennemi a fait cela » (Matthieu 13:26-28).

Non seulement la mauvaise herbe (ou : ivraie) apparaît avec le froment et en même temps, mais elle devient l’élément prépondérant dans le champ. Nous avons déjà rappelé que les disciples nommaient cette parabole, la parabole de ‘l’ivraie du champ’. Ils avaient compris que l’histoire de ‘l’ivraie’ était l’objet principal de l’image, et non pas le ‘froment’.

Nous trouverons la même chose quand nous considérerons les événements au temps de la ‘moisson’. Il semble que le ‘froment’, les fils du royaume, soit si insignifiant en comparaison de ‘l’ivraie’, les fils du méchant, qu’il ne confère même pas son caractère à l’affaire. On perd en même temps complètement de vue les croyants. Ce n’est pas qu’ils soient absents — le Seigneur aura toujours un Résidu sur la terre — mais ils ne marquent plus la scène (chrétienne) de leur empreinte.

Finalement, notre parabole montre encore la différence entre les professants authentiques et non authentiques. Dans les deux paraboles suivantes, cette distinction disparaît, et cela est bien typique. Les observateurs humains n’ont plus rien à faire des fils du royaume et de leur position — un développement des plus malheureux.

Nous en voyons partout les conséquences autour de nous. ‘L’ivraie’ est si abondante et prédominante que le caractère original du royaume est complètement détruit.

5.2.3.1 - Arracher l’ivraie ?

Au vu de cette disproportion, comment réagir à ce développement malheureux ? C’est aussi la question qui préoccupait les esclaves du maître :


« Et les esclaves lui dirent : Veux-tu donc que nous allions et que nous la cueillions ? Et il dit : Non, de peur qu’en cueillant l’ivraie, vous ne déraciniez le froment avec elle. Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu’à la moisson » (Matthieu 13:28-30).

C’est une bonne chose que les esclaves, s’apercevant maintenant du mal commis, n’aient pas agi à leur guise, mais aient montré leur dépendance en s’enquérant de la volonté du maître : « veux-tu donc… ? ». N’était-ce pas le plus important dans une telle situation ? Ils avaient leur propre idée sur la manière d’en finir avec le mal, mais c’était seulement humain et charnel, et cela aurait conduit à un désastre encore plus grand. Ce n’était que corriger une faute par une faute supplémentaire. En fait on peut se demander ce qui était le plus à craindre, la première faute ou la réponse charnelle proposée. Nombreux sont les cas où l’utilisation de mauvais moyens a conduit à plus de malheur que la faute initiale.

Mais le Seigneur qui pense toujours au bien du ‘froment’ répondit négativement à la proposition des esclaves qui partait d’une bonne intention : « Non, de peur qu’en cueillant l’ivraie, vous ne déraciniez le froment avec elle ». Il savait bien ce que le zèle aveugle de la chair occasionnerait. Il aimait trop Son froment pour l’exposer au danger d’être arraché avec l’ivraie. Non, Il prendrait Lui-même l’affaire en main, et ne se fiait pas à Ses esclaves.

Mais il ne s’agissait pas seulement de se livrer à une illusion funeste, pensant qu’on pourrait purifier l’Église et l’État de toutes les choses mauvaises qui s’y sont logées. Cueillir ‘l’ivraie’ ne signifie rien moins que d’ôter entièrement les fils du méchant hors du ‘champ’, c’est-à-dire leur ôter la vie. L’histoire de l’église nous montre que c’est justement ce qui s’est passé. Déjà au commencement du 4ème siècle, l’empereur Constantin a commencé à agir par l’épée contre les hérétiques, et au cours des siècles suivants, ceux qui étaient considérés comme hérétiques, ont été continuellement livrés à la puissance publique pour être punis.

Or c’est ce que notre Seigneur et Sauveur ne veut absolument pas. Les enfants de Dieu sont dans la grâce (Romains 5:2 ; 1 Pierre 5:12), et c’est pourquoi Il ne les a pas destinés à l’exercice du jugement, celui-ci étant réservé aux anges. « Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu’à la moisson ». Pour qu’aucun épi de Son ‘froment’ ne subisse de dommage, « laissez-les croître tous deux ensemble, laissez la petite troupe des Miens s’épanouir sans empêchement, jusqu’à ce que Je vienne exercer le jugement sur les fils du méchant ! ».

En général Dieu est « miséricordieux, et plein de grâce, lent à la colère et d’une grande bonté » (Psaume 103:8). Nous l’oublions bien des fois. À cause des justes, Il tarde à juger les impies. N’a-t-on pas un exemple particulièrement précieux de Sa patience parfaite, quand, après avoir fermé Lui-même l’arche sur Noé, Il a encore attendu sept jours avant de déverser l’eau du déluge sur la terre (Genèse 7:4, 10, 16). Et n’avait-Il pas décidé fermement le jugement sur Sodome ? Pourtant Il a fait savoir à Lot, si hésitant, par l’ange chargé du jugement, que celui-ci ne pourrait rien faire tant que Lot ne serait pas arrivé au lieu où il serait en sécurité (Genèse 19:22). Rahab, la prostituée, fut conduite hors de Jéricho par les espions avant que la ville soit consumée par le feu (Josué 6:22 et suiv.). Plus tard, le Résidu juif sera averti de fuir dans les montagnes avant que Jérusalem soit détruite (Matthieu 24:16 et suiv.).

Tout cela touche notre cœur. Aujourd’hui le Saint Esprit habite dans l’assemblée ; or c’est Lui qui « retient » (2 Thessaloniciens 2:7) le plein développement du mal, et là-dessus le jugement. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1 Timothée 2:4). C’est pourquoi nous devons « estimer que la patience » de notre Seigneur avec le monde « est salut » (2 Pierre 3:15), et nous ne devons pas l’interpréter à tort comme étant de l’indifférence ou de l’impuissance. Dieu ne s’occupe pas aujourd’hui de jugement. Il agit en grâce, et appelle les gens hors du monde, pour les conduire des ténèbres à Sa merveilleuse lumière.

Pour toutes ces raisons, le mal doit subsister à côté du bien dans le royaume des cieux jusqu’à la ‘moisson’. Les esclaves, à cause de leur inattention, n’avaient pas pu empêcher l’introduction du mal. Maintenant qu’il était là, il ne fallait pas chercher à l’ôter de force. Même si le caractère originel du royaume des cieux était détruit — et même irrémédiablement — cet état de mélange devait, selon les pensées de Dieu, subsister jusqu’à la fin. C’est ce qui fait le caractère de la dispensation présente, en ce qui concerne la présentation extérieure du royaume des cieux.

5.2.3.2 - Le ‘royaume des cieux’ n’est pas ‘l’assemblée’

Finalement, on voit clairement les conséquences funestes qu’il y a à mettre sur le même plan le ‘royaume des cieux’ et ‘l’assemblée’, ou de les confondre. Le principe qui vaut dans le royaume des cieux, c’est « laissez-les croître tous deux ensemble jusqu’à la moisson », tandis qu’il est commandé à l’assemblée « d’ôter le méchant du milieu de vous-mêmes » (1 Corinthiens 5:13). S’il n’y avait pas de différence entre les deux, cela voudrait dire que, sur la seule base que les gens professent être chrétiens, il faudrait avoir communion à la table du Seigneur avec les gens les plus immoraux et avec ceux qui enseignent les pires hérésies. Nous devrions même marcher avec les ivrognes, les sectaires, les adultères, et carrément avec les « antichrists ».

Naturellement, ce n’est pas l’enseignement de la sainte Écriture. S’agissant de l’assemblée et de la communion pratique, l’assemblée locale a — comme le montre le Seigneur en Matthieu 18 — l’autorité de lier et délier, c’est-à-dire d’exercer la discipline (18:20).

Si quelqu’un tombe dans un péché manifeste, l’assemblée ne peut pas continuer à être en communion avec lui. Même s’il s’agit « seulement » d’une marche dans le désordre, il y a l’instruction : « mais nous vous enjoignons, frères, au nom de notre seigneur Jésus Christ, de vous retirer de tout frère qui marche dans le désordre » (2 Thessaloniciens 3:6). Vis-à-vis aussi de ceux qui causent des divisions ou des occasions de chute, les croyants doivent s’éloigner d’eux (Romains 16:17). Quant à ceux qui n’apportent pas la doctrine du Christ, il ne faut pas les recevoir dans sa maison, ni même les saluer (2 Jean 10).

Même si l’assemblée de Dieu dans son aspect extérieur est tombée en ruine, tout comme le royaume des cieux, le principe et le commandement de Dieu restent immuables : « qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur » (2 Timothée 2:19). Mais cela n’a rien à voir avec ôter de tels gens du royaume des cieux. Cela signifierait les tuer, comme nous l’avons vu.

5.2.4 - La moisson

À la fin de la parabole, le Seigneur Jésus en vient à parler de la ‘moisson’ qui est l’aboutissement de tout dans la parabole et dans les voies de Dieu :

« Et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Cueillez premièrement l’ivraie, et liez-la en bottes pour la brûler, mais assemblez le froment dans mon grenier » (Matthieu 13:30).

Si l’on compare dans le détail les derniers versets de la parabole avec leur explication à partir du v. 39, on est frappé de la particularité suivante : sur bien des points, l’explication ne coïncide pas directement avec la parabole. Cela veut dire que la parabole et son explication ne décrivent pas exactement les mêmes scènes du temps de la fin, et dans la parabole, le Seigneur parle en partie de choses autres que dans l’explication. La raison en est que le Seigneur, dans Son explication, dépasse l’image prophétique parce qu’Il voit devant Lui le plein développement de tout. Je fais cette remarque préliminaire pour qu’on comprenne mieux. Si on garde cela à l’esprit, je pense que cela peut être extrêmement utile pour saisir les rapports entre les diverses choses qui nous sont présentées.

5.2.4.1 - Au temps de la moisson

L’expression ‘au temps de la moisson’ est un premier exemple de cette manière particulière de parler du Seigneur. Il n’utilise pas cette expression dans l’explication, mais Il dit : « la moisson est la consommation du siècle (*), et les moissonneurs sont des anges » (13:39). ‘Au temps de la moisson’ paraît désigner le temps qui précède immédiatement la ‘moisson’, sans qu’on puisse pourtant le séparer de la ‘moisson’ elle-même. Ce temps englobe une certaine période, au cours de laquelle différents processus se déroulent, tant pour ‘l’ivraie’ que pour le ‘froment’. Ce qui détermine l’époque, c’est l’état du ‘froment’, sa maturité, non pas l’état de ‘l’ivraie’. Autant ‘l’ivraie’ marque de son empreinte toute la période du royaume des cieux, autant elle n’est pas décisive pour déterminer quand le temps de la moisson est venu. Toute la question, c’est le ‘froment’. Dieu laisse Son ‘froment’ arriver à maturité dans ce monde, et quand il est mûr, le temps de la moisson est arrivé.

(*) Note du traducteur : L’expression « consommation du siècle » est utilisée ici selon la version JN Darby de la Bible. L’auteur de l’article utilise en allemand une expression qui signifie plutôt « l’achèvement de l’ère ». Le mot « siècle » a été utilisé ici alors qu’en allemand le mot employé correspond plutôt aux mots « ère », « âge » ou « époque » ; il ne s’agit pas de « siècle » au sens de 100 ans. Ces remarques valent presque partout où on trouve ces expressions.

Le premier événement de cette période doit être que ‘l’ivraie’ est cueillie et liée en bottes. Remarquons bien qu’il n’est pas dit dans la parabole, que ‘l’ivraie’ est brûlée au temps de la moisson, mais il n’est mentionné que l’intention pour laquelle elle est mise en bottes : « pour la brûler ». La mise au feu elle-même dans une fournaise fait partie de la ‘moisson’, du jugement (comparer les v. 40 à 42). La ‘mise en bottes’ décrit manifestement une préparation de ‘l’ivraie’ pour le jugement. Le ‘froment’ n’a besoin d’aucune préparation préalable pour être assemblé dans le ‘grenier’. La ‘mise en bottes’ correspond-elle à l’émergence de grandes unions mondiales, ou plutôt à une forte croissance de sectes anti-chrétiennes et de faux enseignements dans les derniers jours ? — je laisse la question ouverte. Je penche plutôt pour la seconde suggestion.

Au temps de la moisson, le ‘froment’ est assemblé dans le ‘grenier’ du Seigneur. L’explication n’en dit pas un mot. Il est bien dit dans cette explication, que les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père (13:43), mais nous ne voyons pas d’assemblage du ‘froment’ dans le ‘grenier’ céleste. Ce sont effectivement des scènes différentes, ou des événements différents, dont le Seigneur parle. ‘Assembler le froment dans le grenier’, ce n’est pas la même chose que ‘le resplendissement des justes dans le royaume de leur Père’. Même la ‘mise en bottes pour être brûlé’, ce n’est pas la même chose que ‘cueillir de son royaume tous les scandales’ et ‘les jeter dans la fournaise de feu’.

Même si l’enlèvement des saints (1 Thessaloniciens 4:15-17 ; 1 Corinthiens 15:23, 51, 52) n’est pas l’objet de notre parabole — il s’agit d’une vérité qui n’était alors pas encore révélée — il y a quand même place pour lui dedans. Le Seigneur s’exprime d’une manière qu’il y trouve place. D’un côté Il laisse parfaitement la place pour la pensée que le ‘froment’ est assemblé dans Son ‘grenier’ avant que ‘l’ivraie’ soit brûlée. En fait, assembler le ‘froment’ dans le ‘grenier’ de Dieu inclut le fait d’amener « à la maison » les croyants qui constituent le ‘froment’ à cette époque-là. Car la première partie de la parabole décrit précisément l’état de choses tel qu’il est maintenant : du froment et de l’ivraie côte à côte dans le champ. Mais d’un autre côté les paroles du Seigneur laissent aussi ouverte la possibilité qu’il y ait encore des saints sur la terre après l’enlèvement de l’église.

5.2.4.2 - La consommation du siècle

On peut donc dire que l’enlèvement des croyants constitue le premier acte ou la première partie de la ‘moisson’. Mais la moisson n’est pas engrangée en un seul jour. Une fois que le Seigneur aura amené Son assemblée au ciel, le siècle [ou : ère] du royaume des cieux continuera, mais il arrivera bientôt à son achèvement. Il faut introduire ici une considération qui peut aider à comprendre les connexions des divers éléments.

Quand le Seigneur parlait de laisser croître ensemble jusqu’à la moisson le froment et l’ivraie, il regroupait l’affaire en un tout, allant de Sa première à Sa seconde venue. Beaucoup de générations de bons, comme de méchants, se sont suivies les unes les autres, chacune prenant la relève de la précédente. Mais quand on arrive à la consommation du siècle, les choses se passent différemment. Il ne faut pas alors penser aux générations précédentes qui allaient et venaient, mais à une génération tout à fait précise, vivant en ce temps-là et dont le Seigneur s’occupera en ce temps-là. Il est vrai que l’assemblée est enlevée du ‘champ’ pour être mise dans le grenier céleste, tandis que les ‘bottes’ d’ivraie sont laissées là en arrière. Mais il y aura d’autres saints que le Seigneur assemblera dans Son ‘grenier’ terrestre — les croyants du Résidu juif et des saints des nations. C’est d’eux que parle Jean le baptiseur en Matthieu 3 : « Il a son van dans sa main, et il nettoiera entièrement son aire et assemblera son froment dans le grenier ; mais il brûlera la balle au feu inextinguible » (Matthieu 3:12). Ce qui est désigné par ‘la balle’ en Matthieu 3, c’est ‘l’ivraie’ dans notre parabole.

Quand l’assemblée sera enlevée, les ‘bottes’ resteront pour le moment sur le ‘champ’. Le Seigneur s’occupera d’eux en son temps en jugement. Mais le ‘froment’ qui existera alors, Il l’amènera dans le grenier terrestre de Son règne de paix de mille ans. C’est alors qu’il y aura proprement la ‘moisson’. Comme autrefois la moisson commençait en Israël par l’offrande de la gerbe des prémices (Christ et l’assemblée) (Lévitique 23:10 et suiv.), et que le reste ne s’achevait que plus tard, ainsi la ‘moisson’ à la fin de ce siècle commencera par la résurrection de tous ceux qui sont du Christ à Sa venue (1 Corinthiens 15:23). Mais la ‘moisson’ au sens de notre parabole n’aura lieu que quand le siècle dont parle cette parabole sera achevé.

L’annonce de l’évangile du royaume dans la dernière semaine de Daniel par les Juifs pieux, portera une abondance de fruits. Une foule innombrable viendra de la grande tribulation ; ils auront lavés leurs vêtements dans le sang de l’Agneau (Apocalypse 7:9-17). Ils seront tous déjà introduits d’une certaine manière dans le grenier terrestre, avant que ‘l’ivraie’ soit jetée dans la fournaise de feu. Ce jugement sur les iniques est ainsi décrit par le Seigneur :

« Le fils de l’homme enverra ses anges, et ils cueilleront de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l’iniquité, et ils les jetteront dans la fournaise de feu : là seront les pleurs et les grincements de dents » (Matthieu 13:41-42).

Le Seigneur Jésus, comme Fils de l’homme, se servira alors des anges pour exercer le jugement duquel personne n’échappera. Dans ce temps-là, les anges joueront à nouveau un rôle important. Au temps de l’Ancien Testament, ils occupaient d’une certaine manière une position d’autorité (faisant loi) (Galates 3:19). Dans le temps présent, ils sont des serviteurs, envoyés pour servir en faveur de ceux qui vont hériter du salut (Hébreux 1:14). Mais dans ce temps-là, ils exerceront, comme anges de Sa puissance, le jugement de Dieu sur tout le mal et tous les méchants.

Comme donc on cueille l’ivraie et on la lie en bottes dans le but de l’éliminer définitivement, ainsi aussi, les iniques trouveront, à la consommation du siècle, leur jugement définitif de la part du Seigneur dans leurs efforts groupés contre Christ et contre les Siens. Leur fin terrible sera la fournaise de feu, où « seront les pleurs et les grincements de dents ».

Mais revenons encore une fois brièvement sur les fêtes de l’Éternel en Lévitique 23. Les quatre premières fêtes parlent prophétiquement de vérités et d’événements qui appartiennent à la dispensation chrétienne. Les trois dernières fêtes, qui sont séparées des premières par un espace de temps considérable, présentent symboliquement la restauration d’Israël aux derniers jours. Or n’est-il pas remarquable qu’entre ces deux sections du chapitre, il y a un verset unique qui sonne comme un appendice à la première section et comme une remarque préalable à la suivante : « Et quand vous ferez la moisson de votre terre, tu n’achèveras pas de moissonner les coins de ton champ, et tu ne glaneras pas la glanure de ta moisson ; tu les laisseras pour le pauvre et pour l’étranger. Moi, je suis l’Éternel, votre Dieu » (Lévitique 23:22).

Quand il est parlé après la fête des semaines et avant la fête des trompettes de ce que le bord du champ ne doit pas être moissonné complètement, c’est une indication supplémentaire de ce qu’après le temps de l’assemblée, il y aura encore du ‘froment’ — des saints — sur le ‘champ’, outre ‘l’ivraie’. L’indication ‘pour le pauvre et pour l’étranger’ montre clairement de quels saints il s’agit — de saints d’entre les Juifs (le ‘pauvre’) et des saints d’entre les nations (‘l’étranger’). Nous les retrouvons, comme déjà remarqué, dans le livre de l’Apocalypse en un temps où les ‘24 anciens’ sont depuis longtemps dans le ciel. Le Seigneur veillera sur ces ‘pauvres’ et ces ‘étrangers’ pour Son royaume terrestre.

L’explication de la parabole par le Seigneur et la description de la consommation du siècle qui s’y trouve, culminent par ces paroles :

« Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende » (Matthieu 13:43).

Nous rencontrons ici une expression particulière : ‘le royaume de leur Père’. Il décrit, si l’on peut dire, la partie céleste du royaume, tandis que le ‘royaume du Fils de l’homme’ en forme la partie terrestre.

Les ‘justes’ sont manifestement ces ‘fils du royaume’ qui ont été assemblés dans le ‘grenier’ céleste avant l’établissement du royaume terrestre. En font partie non seulement tous les croyants de la période allant d’Adam à l’enlèvement de l’église, mais aussi les martyrs juifs mis à mort à cause de leur témoignage pendant la dernière semaine de Daniel (Apocalypse 20:4). Il s’agit de tous ceux qui auront part à la première résurrection. Tous vivront le royaume de son côté céleste, et seront avec le Seigneur Jésus dans la gloire céleste. C’est pourquoi il est dit qu’ils « resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père ». Cela rappelle Daniel 12 : « Et les sages brilleront comme la splendeur de l’étendue … à toujours et à perpétuité » (Daniel 12:3).

Combien ce que le Seigneur nous communique ici est incroyablement grand ! Quel triomphe visible et décisif de Dieu sur tout le mal ! Ses voies envers les hommes et envers les Siens peuvent paraître obscures et être mal comprises. Pendant beaucoup d’années, il aura semblé que Satan et ses ‘fils’ contrôlaient tout, et que toute la méchanceté et l’infamie restaient impunies sur la terre. Mais alors tout trouvera sa réponse juste. Le triomphe du Seigneur Jésus sur toutes les puissances et les dominations éclatera au grand jour. La justice et l’amour de Dieu trouveront leur pleine satisfaction. Et les justes qui auront longtemps souffert sous l’effet oppressant de ‘l’ivraie’, et auront paru entièrement écrasés — ils resplendiront dans le royaume de leur Père !

Quel aboutissement des choses ! Quel privilège infini d’avoir Dieu pour Père, et non pas le diable !

5.2.5 - En résumé

Cette parabole significative nous montre le développement extérieur du royaume des cieux du commencement à la fin. Déjà tout au début de ce siècle, le diable a commencé son œuvre destructrice en imitant le bien. Depuis, ce royaume — actuellement : la chrétienté — est caractérisé par un mélange de bien et de mal, un état qui subsiste jusqu’à la fin.

Bien que le ‘froment’ paraisse submergé, le ‘semeur’ a toujours les yeux sur lui. Il veille à ce qu’il arrive à maturité sans dommage. Il interdit donc à Ses disciples d’éliminer par la force les méchants de Son royaume, car ils risqueraient d’arracher les bons avec les mauvais. Les principes du royaume des cieux sont différents de ceux de l’assemblée de Dieu.

Quand le temps de la moisson approchera, les fils du méchant donneront forme à leur inimitié contre le Seigneur et contre les Siens. Mais cela ne peut pas empêcher que le ‘froment’ soit justement à ce moment-là amené dans le grenier céleste — tous les rachetés qui ont part à la première résurrection. Ce sera le commencement de la ‘moisson’, la consommation du siècle. Après la période de l’Église il y aura aussi des saints sur la terre. Venant des Juifs comme des nations, ils devront traverser la grande tribulation, mais ils seront conservés pour le règne de mille ans, le grenier terrestre du Seigneur.

Tandis que les iniques seront ôtés du royaume terrestre du Fils de l’homme par le jugement, les saints resplendiront en haut comme le soleil dans le royaume de leur Père, la partie céleste du royaume.

Il sera ainsi établi que le conseil de Dieu et l’œuvre du ‘semeur’ n’ont pas été une mauvaise décision, mais qu’ils ont eu leur source dans Son amour et Sa sagesse. Que pour tout cela le nom de Dieu et de Son Fils soit loué et glorifié !

5.3 - Le grain de moutarde

Jusqu’à présent, dans Matthieu 13, nous avons considéré les deux premières paraboles : la parabole introductive du ‘semeur’ et la première parabole du royaume des cieux, celle de ‘l’ivraie du champ’.

À la suite, nous avons maintenant une seconde paire de paraboles, celle du ‘grain de moutarde’ et celle du ‘levain’. Ce qu’il y a de commun à ces deux paraboles, c’est la manière collective de considérer les mystères du royaume des cieux, tandis que dans les deux premières paraboles le Seigneur décrit des personnes individuelles. Le semeur avait semé la bonne semence dans les cœurs de personnes individuelles ; elle y avait été soit bien soit mal reçue. Ensuite, il avait été semé de la bonne semence et de la mauvaise, représentant les ‘fils du royaume’ et les ‘fils du méchant’. Par contre dans le ‘grain de moutarde’, la chose est considérée comme un objet, de même que, dans la parabole suivante, la pâte mélangée au levain forme un tout.

Arrivés à ce point du chapitre, il est utile et intéressant d’en considérer la structure. Tout dans l’Écriture sainte est bien important, y compris l’arrangement des sujets dans une section. Avant d’examiner une petite représentation imagée, remarquons que dans les huit paraboles de notre chapitre, on trouve deux paires de paraboles, ou deux paraboles doubles. Ces deux paires sont placées au milieu. Ainsi le ‘grain de moutarde’ et le ‘levain’ vont ensemble (comme en Luc 13:18-21), comme le ‘trésor du champ’ et la ‘perle de grand prix’ sont liées par la pensée commune d’acheter et de vendre. La structure peut donc être représentée de la manière suivante :

A. Le semeur (personnel ; il n’est pas dit « le royaume des cieux est semblable »)

B. le froment et l’ivraie

C (1). Le grain de moutarde

C (2). Le levain (caché)

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C (2). Le trésor (caché)

C (1). La perle de grand prix

B. le filet avec les bons et les mauvais poissons

A. Le maître de maison (personnel ; il n’est pas dit « le royaume des cieux est semblable »)


Dans ce schéma, la ligne de séparation en pointillé indique une distinction supplémentaire : le premier groupe de quatre paraboles a été adressé aux foules, tandis que les quatre dernières n’étaient que pour les disciples.

Passons maintenant à la parabole du grain de moutarde :

« Il leur proposa une autre parabole, disant : Le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde qu’un homme prit et sema dans son champ : lequel est, il est vrai, plus petit que toutes les semences ; mais quand il a pris sa croissance, il est plus grand que les herbes et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent et demeurent dans ses branches » (Matthieu 13:31-32).

L’expression introductive « il leur proposa une autre parabole », qui se trouve dans chacune des trois premières paraboles du royaume des cieux (‘l’ivraie du champ’, le ‘grain de moutarde’, le ‘levain’), réunit donc ces trois paraboles pour former un sous-groupe. Comme déjà remarqué, le Seigneur les a adressées aux foules, dehors, au bord de la mer, tandis que les trois dernières (le ‘trésor’, la ‘perle’, le ‘filet’) n’ont été dites qu’aux disciples, dans la maison. Cela correspond bien au fait que le premier groupe de paraboles montre le développement du royaume des cieux dans son aspect extérieur. Le Seigneur a-t-Il prédit un bon développement ? La première parabole donne clairement la réponse : non ! ‘L’ivraie’ avait changé le royaume dans sa manifestation extérieure, au point que ce royaume ne correspondait absolument plus à l’intention initiale du semeur.

Maintenant le Seigneur ajoute deux paraboles supplémentaires dans lesquelles nous apprenons comment le développement du royaume des cieux devait continuer du point de vue historique. Après avoir montré un développement négatif, le Seigneur voulait-Il indiquer qu’il y aurait tout d’un coup un essor du royaume ?

Il est étrange que tant de commentateurs aient vu les choses ainsi, et les voient encore de cette manière ! Dans le ‘grain de moutarde’ et dans le ‘levain’, ils pensent pouvoir reconnaître une image de la diffusion générale de l’évangile (*) — une manière de voir qui n’est supportée dans le Nouveau Testament ni ici ni ailleurs. Certes, si l’on sort les paraboles de leur contexte, et si on les considère en soi, on pourrait arriver à l’opinion que le Seigneur expose ici quelque chose de bon. Mais si l’on prend en considération le contexte, et qu’on tient compte du sens qu’ont les symboles dans les autres passages où on les trouve, alors il est impossible de voir quelque chose de positif dans le développement signalé pour le royaume.

(*) Cette interprétation positive touche surtout parce qu’on prend à tort le royaume des cieux pour l’assemblée, la vraie église de Dieu.

5.3.1 - Un petit commencement

Nous voyons de nouveau ‘l’homme’ semer la semence ; c’est de nouveau ‘Son champ’, et nous savons que « le champ, c’est le monde » (13:38). Mais cette fois-ci il ne s’agit pas de bonne ou de mauvaise semence, mais d’une très petite semence, qui monte rapidement (Marc 4:32) et qui atteint une hauteur étonnante par rapport au reste de ce qui pousse dans le jardin. Tel est le point de départ de la comparaison. La petitesse du grain de moutarde était proverbiale chez les Juifs, et en bordure nord de la plaine de Génésareth où règne une végétation particulièrement abondante, on a découvert des arbrisseaux de moutarde des champs allant jusqu’à 4 mètres de haut.

Le Seigneur Jésus a reparlé ailleurs de la petitesse du grain de moutarde, et Il s’en est servi comme instrument de mesure de la foi. « Car, en vérité, je vous dis : si vous aviez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à cette montagne : Transporte-toi d’ici là, et elle se transporterait ; et rien ne vous serait impossible » (Matthieu 17:20). « Si vous avez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à ce mûrier : Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait » (Luc 17:6).

On dit souvent que dans ces passages le Seigneur compare la foi à un grain de moutarde, et qu’en conséquence la comparaison de Matthieu 13 indique aussi quelque chose de positif. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il n’en est pas ainsi. Le Seigneur ne fait aucune comparaison entre la foi et un grain de moutarde. Il compare plutôt la foi avec une force secrète, plus forte que la dynamite — pour utiliser un mot moderne. Une toute petite quantité de cette force cachée, aussi petite qu’un grain de moutarde, pourrait provoquer un « tremblement de terre » et serait suffisante pour déplacer une montagne et transplanter un arbre. C’est aussi la pensée de la petitesse du grain de moutarde dont le Seigneur se sert, et qu’on retrouve dans notre parabole.

Effectivement, le royaume des cieux a commencé par quelque chose de petit, d’insignifiant dans ce monde. Il présupposait, dans sa forme secrète (ou : en mystère), le rejet du Messie par les Juifs. Certes le royaume de Dieu était déjà présent dans la personne du Seigneur Jésus, mais pour le moment, et contrairement aux attentes juives, il ne devait pas paraître en puissance et en gloire. C’est la manière de voir les choses en Marc et en Luc où nous retrouvons cette parabole dans ces deux évangiles (Marc 4:30-32 ; Luc 13:18-19). Christ était certes ici-bas, mais non pas comme souverain de Son royaume ; Il était là plutôt comme « homme », dans l’humilité et l’abaissement, qui a l’intention précise de jeter un grain de moutarde dans son jardin. Tel a été le commencement de la chose, tout à fait bon, mais petit et sans apparence. Les 120 du début du livre des Actes correspondent à cela (Actes 1:15) ; nous pouvons penser à eux ici. Naturellement ils ont aussi été le commencement de l’assemblée, du corps de Christ, de la maison de Dieu ; mais c’est une pensée différente de celle du royaume. Il est vrai qu’en ce qui concerne les personnes, l’assemblée et le royaume se recouvraient, tous deux à l’identique au commencement. Même si le royaume des cieux et l’assemblée sont très différents l’un de l’autre quant à leur caractère, les personnes qui les formaient dans les deux cas au commencement, étaient les mêmes.

5.3.2 - Un développement étonnant

Le Seigneur prédit alors un développement qu’on doit qualifier d’étonnant : le grain de moutarde, allait croître, « monter » et devenir un grand arbre dans les branches duquel les oiseaux du ciel demeureraient. Il n’est pas question ici, pas plus que dans la parabole précédente, de savoir si ‘l’homme’ a voulu cela. Mais c’est de cette manière que se poursuivrait le développement extérieur de la chose : le royaume des cieux allait devenir un grand système sur la terre, qui apporterait protection et abri à d’autres.

On a objecté que, si Christ a apporté la semence dans le sol, le résultat du développement devrait aussi correspondre à Ses pensées. Pourtant, l’Écriture sainte dépeint un autre tableau. L’Éternel Lui-même n’a-t-il pas planté et cultivé Sa « vigne » ? Et pourtant, au lieu des raisins attendus, elle n’a porté que des raisins sauvages (Ésaïe 5:2). Dans Jérémie 2, Il se plaint aussi : « Et moi je t’avais plantée, un cep exquis, une toute vraie semence ; comment t’es-tu changée pour moi en sarments dégénérés d’une vigne étrangère ? » (Jérémie 2:21). Il faut même affirmer, au contraire, que tout ce que Dieu a commencé de bon, l’homme l’a gâté par son infidélité. Le jardin d’Éden ne nous en donne-t-il pas le premier exemple, et le plus lourd de conséquences ?

On trouve déjà en Ézéchiel 31 le symbole d’un grand arbre. Dans ce passage, l’Esprit de Dieu compare l’Assyrie avec un grand arbre, un cèdre du Liban. Sous les branches puissantes de cet ‘arbre’, tous les oiseaux du ciel et toutes les bêtes des champs trouvaient refuge. C’est une description imagée de la grande puissance de ce royaume. Son caractère moral n’est pas en cause, là ; il pouvait être aussi bien bon que mauvais. Mais le fait était que les peuples environnants se réjouissaient de trouver sous lui protection et refuge. Cet ‘arbre’ était tellement beau et magnifique, que tous les arbres d’Éden qui étaient dans le jardin de Dieu, lui portaient envie (Ézéchiel 31:9).

En Daniel 4, le même symbole est utilisé pour le roi Nebucadnetsar. Il est aussi comparé à un arbre grand et fort, sous lequel les animaux des champs trouvent ombrage et dans les branches duquel nichent les oiseaux du ciel. La raison pour laquelle Nebucadnetsar lui-même est mentionné, et non pas son royaume, réside dans le fait que toute la puissance, aussi bien législative (faire les lois) qu’exécutive (les appliquer) était concentrée dans sa main. Cela n’a pas été le cas dans les royaumes suivants : Nebucadnetsar était la tête d’or, les autres étaient moins considérables. C’est pourquoi il était lui-même le grand arbre dont le sommet atteignait jusqu’au ciel.

Lorsqu’en Ézéchiel 17 il est parlé du royaume à venir de notre Seigneur, le Saint Esprit utilise aussi l’image d’un cèdre magnifique, et Il ajoute : « et tout oiseau de toute aile demeurera sous lui ; ils habiteront à l’ombre de ses branches » (Ézéchiel 17:23). Notons qu’il est aussi ici parlé d’oiseaux. Nous reviendrons là-dessus.

Ainsi donc, l’Assyrie, Babylone et le royaume de mille ans nous sont montrés sous l’image d’un grand arbre qui offre à d’autres refuge et protection. Il est ainsi prouvé clairement qu’un ‘grand arbre’ représente dans l’Écriture une grande puissance sur la terre, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Et nous apprenons ensuite par notre parabole que le royaume des cieux se développerait aussi de cette manière. Ce qui était d’origine et de caractère céleste, deviendrait un grand système de puissance mondial offrant aux autres refuge et protection. Ceci correspond, dans l’histoire de l’église, à toute la période de Pergame (Apocalypse 2:12 et suiv.). Historiquement, cela a commencé avec l’empereur Constantin le Grand en l’an 312. La chrétienté cessa alors d’être quelque chose de persécuté et méprisé, et au lieu de cela, elle en arriva à être hautement considérée par l’empereur de l’empire romain, et elle fut élevée au niveau de religion d’état ; parmi tous ces résultats fâcheux, l’un des plus tristes fut que le moyen pour obtenir puissance et gloire dans le monde fut d’être bien considéré dans l’église. Est-il étonnant que des « loups ravisseurs » s’introduisirent alors, qui n’épargnèrent pas le troupeau (Actes 20:29) ?

L’église chrétienne en tant que système religieux humain est devenue une grande puissance mondiale, ce qu’elle est restée jusqu’à aujourd’hui en principe. Au lieu de garder son caractère céleste dans la séparation du monde, dans la sainteté devant les hommes et dans l’humilité devant Dieu, elle est devenue un facteur de puissance considérable dans le monde. Ce n’est pas « les cieux » qui ont régi ce royaume, mais les intérêts terrestres et politiques liés à la puissance. Quel développement malheureux ! De l’église souffrante (Smyrne signifie « myrrhe »), on est passé à l’église dominante (Pergame signifie « forteresse »). À la longue, elle est devenue un élément constitutif du monde. Le Seigneur n’avait-Il pas dit au sujet de Ses disciples « ils ne sont pas du monde comme, moi, je ne suis pas du monde » (Jean 17:16) ? Cependant, les grands systèmes de la chrétienté ont continué à prêter leur influence aux gouvernants de ce monde, et à faire mauvais usage du Nom de Christ pour poursuivre leurs buts politiques et étendre leur puissance. Enraciné profondément dans la terre, ‘l’arbre’ a poussé ses branches bien loin dans le monde, et nombreux sont ceux qui ont trouvé auprès de lui ombrage et refuge.

Cet arbre grand et très large de notre parabole ne nous rappelle-t-il pas l’épine de la parabole de Jotham (Juges 9) ? Il s’agissait justement et typiquement de « régner sur [couvrir] les arbres ». Après l’olivier, le figuier et la vigne, l’épine fut aussi invitée par les arbres de la forêt : « Viens, toi, règne sur nous. Et l’épine dit aux arbres : Si vraiment vous voulez m’oindre roi sur vous, venez, mettez votre confiance en mon ombre » (Juges 9:8-15).

Nous arrivons avec cela aux ‘oiseaux du ciel’ qui, dans notre parabole, se posent sur les branches de l’arbre devenu grand. Que faut-il comprendre au sujet de ces oiseaux ? Dans la parabole du ‘semeur’, il est indiscutable qu’ils symbolisaient le « méchant » (Matthieu 13:19), « Satan » (Marc 4:15), le « diable » (Luc 8:12) et ses instruments. Mais en relation avec les passages déjà cités de l’Ancien Testament et le ‘grand arbre’, il semble qu’ils ne représentent pas ici directement des esprits mauvais, instruments de Satan. Comme à propos de l’Assyrie, de Babylone et du royaume du Seigneur, ils paraissent beaucoup plus parler du fait que le système de puissance a une telle domination que d’autres peuvent y trouver refuge et protection. Nous retrouverons une pensée pareillement dépourvue de jugement de valeur dans le ‘levain’ de la parabole suivante.

Dans ces premières paraboles adressées aux foules, il ne semble pas que l’intention du Seigneur soit de donner une évaluation morale du développement du royaume sur la terre. Il ne cherche pas à montrer ce qui est bon ou mauvais du point de vue spirituel. La manière de considérer les choses est beaucoup plus historique, axée sur le développement extérieur, selon qu’il se présente aux gens. Naturellement quelqu’un de spirituel reconnaîtra à la lumière d’autres passages de l’Écriture le vrai caractère, le caractère profond des choses, et il est bon qu’il en soit ainsi, et cela mérite absolument qu’on fasse les efforts correspondants. Nous sommes ainsi obligés de constater qu’à « l’ombre » de la prétendue église, il s’est installé des gens qui sont ouvertement ennemis de la chrétienté et des agents directs de Satan. Mais à mon avis cela sort de la signification propre de la parabole. Le royaume nous est présenté comme un fait historique, et il allait prendre le caractère suivant : il deviendrait un grand système de puissance, et beaucoup de gens, et même des nations, y chercheraient et y trouveraient refuge et protection.

L’apogée de ce développement quand l’église intronisait et démettait les rois, appartient certainement au passé ; cependant son influence et sa puissance sont encore considérables. Il est aussi frappant que le Seigneur ne parle ici ni de la fin des temps ni de jugement. Il en est autrement dans la première et la dernière parabole du royaume des cieux (‘l’ivraie’ et ‘le filet’) où nous n’avons pas cet aspect collectif. Dans ces paraboles, les fils du royaume sont distingués des fils du méchant, et les bons poissons sont distingués des mauvais, et il est indiqué ce qui leur arrive à la consommation du siècle.

5.3.3 - Hors du camp

Il est incontestable qu’avec la parabole du ‘grain de moutarde’, le Seigneur prédit un développement du royaume des cieux très fâcheux. Pour mettre en évidence la déviation par rapport au plan de Dieu dans la chrétienté, nous voulons pour finir attirer encore une fois brièvement l’attention sur la position que les croyants possèdent selon les pensées de Dieu, et la place qu’ils doivent occuper dans notre époque et dans notre monde.

Ils ne sont « pas du monde » comme nous l’avons rappelé. Et parce qu’ils ne sont pas du monde, mais que Christ les a choisi du monde, ils sont les objets de la haine du monde religieux. Le monde aime bien ceux qui sont siens, mais il hait les enfants de Dieu et les persécute (Jean 15:18-20). Le seul fait qu’ils ont reçu de Dieu une vie nouvelle et que par-là, ils sont devenus enfants de Dieu, conduit à ce que le monde « ne les connaît pas, parce qu’il ne L’a pas connu » (1 Jean 3:1).

Christ est mort pour eux afin de les retirer du présent monde (ou : siècle) mauvais (Galates 1:4). Ils ont leur citoyenneté dans les cieux d’où ils attendent aussi le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur (Philippiens 3:20). Dans ce monde, ils sont forains et étrangers (Hébreux 11:13 ; 1 Pierre 2:11), les balayures du monde, le rebut de tous jusqu’à maintenant (1 Corinthiens 4:13). Ils n’ont pas ici de cité permanente, mais ils attendent celle qui est à venir (Hébreux 13:14).

Pendant le temps du rejet du Seigneur, ils ne sont pas appelés à régner dans le monde, mais à persévérer et souffrir avec Lui (2 Timothée 2:12 ; Romains 8:17). Leur appel (ou : vocation) est céleste ; Dieu Lui-même les a appelés à Sa gloire éternelle dans le Christ Jésus, mais les souffrances sont leur part ici-bas pour « un peu de temps » (1 Pierre 5:10). Leurs bénédictions ne sont pas de nature terrestre, mais ils sont bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ (Éphésiens 1:3). C’est pourquoi ils ont à chercher les choses qui sont en haut, non pas celles qui sont sur la terre (Colossiens 3:1, 2). Ils constituent en Christ une nouvelle création, et ils sont déjà transportés dans le royaume du Fils de l’amour du Père (2 Corinthiens 5:17 ; Colossiens 1:13). Pour le temps de leur séjour sur la terre, ils sont appelés à marcher d’une manière digne de Dieu, digne du Seigneur, digne de l’évangile et digne de l’appel dont ils ont été appelés (1 Thessaloniciens 2:12 ; Colossiens 1:10 ; Philippiens 1:27 ; Éphésiens 4:1).

Ce qui est vrai d’un seul racheté, vaut en principe pour tous les rachetés, l’assemblée du Dieu vivant. Cette assemblée ou église est la maison de Dieu, Son habitation, un temple saint dans le Seigneur, une maison spirituelle (1 Timothée 3:15 ; Éphésiens 2:20-22 ; 1 Pierre 2:5). Elle appartient au Seigneur Jésus, et c’est Lui qui la construit (Matthieu 16:18). Dieu se l’est aussi acquise par le sang de Son propre Fils (Actes 20:28). Comme colonne et soutien de la vérité, elle est appelée à maintenir la vérité de Dieu sur la terre (1 Timothée 3:15). À sa tête, il n’y a pas un simple homme, mais Christ glorifié (Colossiens 2:19), et dans ses réunions, elle est soumise à la direction du Saint Esprit (1 Corinthiens 12:4, 11). Ses « statuts » sont la Parole de Dieu, spécialement les « commandements du Seigneur » donnés par les apôtres (1 Corinthiens 14:37 ; 1 Timothée 2:8, 12).

Cette esquisse devrait suffire à montrer combien le système religieux de la chrétienté, le royaume des cieux dans sa forme présente, a peu en commun avec la vraie église. Dans ce système mort, presque tout n’est-il pas directement contraire aux pensées de Dieu ? Faisons une fois la comparaison point par point ; le résultat est effrayant !

Alors, que doit faire l’enfant de Dieu qui désire rester fidèle dans les « derniers jours » ? Faut-il chercher à améliorer autant que possible ce qui ne va pas ? La réponse de Dieu est simple, mais sérieuse : « qu’il se retire de l’iniquité quiconque prononce le nom du Seigneur » (2 Timothée 2:19). S’Il nous montre dans Sa Parole combien est mauvais à Ses yeux tout le système, alors il ne reste qu’une chose à faire pour un fidèle témoin : le quitter.

Dieu ne « réforme » jamais quelque chose qui s’est détourné de Lui. Comme le Seigneur Jésus conduisait autrefois les disciples hors du système juif apostat, la « bergerie », et qu’il devint Lui-même la « porte » pour cela (Jean 10:3, 7), ainsi aussi aujourd’hui Il conduit les Siens à sortir « hors du camp » (Hébreux 13:11-14). Nous ne pouvons pas, ni ne devons, quitter la chrétienté comme telle — pour cela il nous faudrait nous faire juifs ou mahométans. Mais nous sommes invités à sortir vers Lui, hors du camp, portant Son opprobre. À ce moment-là, le camp était le système de religion juif ; aujourd’hui nous devons comprendre, par cette expression, les grands systèmes religieux de la chrétienté. Ce n’est pas qu’il n’y ait pas de vrais croyants en leur sein, mais ces enfants de Dieu ne sont ni le résultat de ces systèmes, ni ils en sont caractéristiques. Non, ces systèmes religieux sont des systèmes morts, et Dieu veut que les Siens les quittent.

Christ a, en son temps, « souffert hors de la porte », mais maintenant Il demeure au cœur du sanctuaire céleste (Hébreux 6:20 ; 8:1). Maintenant, nous dit la Parole de Dieu, c’est aussi la part des Siens. Ils ont accès au sanctuaire, ils peuvent déjà séjourner là par la foi, — là où est Christ (Hébreux 10:19 et suiv. ; 4:16). Quel privilège immense ! Mais sont-ils, — sommes-nous prêts à endosser l’autre côté de la position de Christ (hors du camp) et à porter Son opprobre ? Ce n’est pas dans ce ‘camp’ que nous Le trouvons. Et si, quittant les systèmes humains, nous « sortons », nous n’allons pas dans le vide ; non, nous sortons vers Lui. C’est LUI le but de la séparation du mal. Combien cela est réjouissant !

5.4 - Le levain

Le Seigneur complète la description sur la manière dont le royaume des cieux devait se développer historiquement au moyen de la courte parabole du ‘levain’ :

« Il leur dit une autre parabole : Le royaume des cieux est semblable à du levain qu’une femme prit et qu’elle cacha parmi trois mesures de farine, jusqu’à ce que tout fût levé » (Matthieu 13:33).

Il ne nous est pas présenté ici, comme dans la parabole précédente, la grandeur extérieure qu’allait prendre le royaume des cieux dans le monde, mais le processus intérieur qui allait se passer à l’intérieur de ce royaume. Par ailleurs, ce n’est pas un ‘homme’, c’est-à-dire le Seigneur Lui-même, qui sème la bonne semence ou qui plante quelque chose. Bien plutôt, nous voyons une femme en activité, qui prend un peu de levain et le mêle avec trois mesures de farine. Il semble que ce soit ici la signification simple de « cacha ». Il n’est ni utile ni nécessaire d’établir une liaison avec les v. 35 et 44, où ce mot de « cacher » est de nouveau utilisé. Non, la femme n’a rien fait de secret, mais quelque chose de tout à fait banal. Elle voulait cuire du pain levé, et c’est la manière normale de faire.

Le Seigneur utilise donc une image toute ordinaire de la vie quotidienne. Les ‘trois mesures de farine’ sont la figure d’un domaine limité — tout à fait en contraste avec le ‘champ’ [qui est le monde] — qui est travaillé par un processus intérieur particulier, — qui allait être ainsi travaillé dans son entier. Nous comprenons que ce domaine limité correspond à la chrétienté, le royaume des cieux dans sa forme présente. Dans ce domaine, un principe allait se faire de la place, et donner son caractère au tout. C’est ce que suggère l’activité du ‘levain’ : « jusqu’à ce que tout fut levé ».

5.4.1 - Que signifie le levain ?

Que le levain, dans la Parole, ne soit jamais l’image de quelque chose de bon, c’est vrai et il faut en tenir compte (Exode 12:15 ; Lévitique 2:11 ; Matthieu 16:6 ; 1 Corinthiens 5:6, 7 ; Galates 5:9). Tout Juif le savait. C’est pourquoi il est complètement erroné d’y voir une image de l’évangile, qui à un moment ou à un autre pénètre le monde entier. Ce n’est pas de cette manière que la vérité de Dieu se ménage un accès au cœur de l’homme, comme le levain qui fait lever tout ce avec quoi il est mis en contact, — obligatoirement et sans entrave. La parabole du ‘semeur’ suffit à elle seule à le prouver. Ce n’est pas tous ceux qui entendent la Parole qui la reçoivent. Bien au contraire, le résultat recherché n’a pu être atteint que dans un seul des groupes. Et le fait que le monde entier n’est pas converti est souligné par la parabole de ‘l’ivraie du champ’. Les fils du méchant ne subsistent-ils pas jusqu’à la ‘moisson’, jusqu’à la consommation du siècle, pour n’être jugés qu’alors ?

Et pourtant, il ne semble pas que ce soit l’intention du Seigneur d’utiliser l’image du ‘levain’ pour présenter un principe mauvais dans tous les cas, un mauvais enseignement par exemple. Nous avons déjà vu une pensée semblable à propos des ‘oiseaux’ de la parabole du ‘grain de moutarde’. Dans une autre occasion, le Seigneur met Ses disciples en garde contre le « levain des Pharisiens et des Sadducéens », et il visait par là leur enseignement (Matthieu 16:11, 12). Il semble que ce soit ici le sens encore général de la pensée : un certain enseignement, ou un principe particulier, allait pénétrer et caractériser toute la masse dans des limites définies.

5.4.2 - Une manière collective de considérer les choses

Par cette manière collective (vue globale) de considérer le royaume des cieux, par laquelle Il rassemble tout en une image, sans laisser de place pour des distinctions, le Seigneur n’a manifestement pas pour but un jugement moral de l’état de choses. S’Il avait voulu décrire directement le développement du mal, Il aurait certainement montré des exceptions à la dérive générale, comme Il l’a fait dans la parabole de ‘l’ivraie du champ’.

Si les fils du royaume étaient presque disparus du champ de vision, ils étaient quand même encore présents, et il n’allait pas être oublié de montrer leur part à venir. Dans la parabole du ‘filet dans la mer’, une distinction est faite entre les ‘bons’ et les ‘mauvais’. ‘L’ivraie’ ne devient pas du ‘froment’, ni les ‘mauvais’ poissons’ ne deviennent des ‘bons’. Dans les deux paraboles, le jugement sur les méchants est alors introduit.

Mais ici, nous ne trouvons aucun jugement, car il ne s’agit ni des semailles initiales de la Parole, ni de ce qui en est résulté pour les individus. On a plutôt la masse de la chrétienté, et elle est caractérisée par une profession générale de Christ. Il y a quelque chose sur la terre où on professe extérieurement le nom de Christ, et ce système d’enseignement est caractéristique de tout le domaine. Il n’est pas pris en compte de savoir si la profession est authentique ou pas, car l’exposé de ce point n’est pas le but de la parabole. Le Seigneur nous donne beaucoup plutôt ici une vue historique, une image extérieure du royaume.

5.4.3 - Jugement spirituel

Le Seigneur laisse à la capacité de jugement spirituel des Siens, de reconnaître le vrai état des choses, et d’en juger. Ne sommes-nous pas aidés pour cela justement par le fait que le Seigneur Jésus parle ici de ‘levain’ ? Si le levain est utilisé partout dans l’Écriture comme une figure de corruption, n’est-il pas alors plus que clair pour nous que le Seigneur se sert de la parabole du ‘levain’ pour dire qu’au fond le développement n’est pas bon ? Effectivement le ‘levain’ et son activité ne représentent pas le vrai christianisme, la foi et la vie éternelle. Un croyant spirituel le saisit rapidement.

Quel genre d’enseignement chrétien est-ce, qui pénètre tout le domaine s’il trouve de la résonance chez une chrétienté devenue mondaine et en recherche de puissance et d’influence, comme nous la décrit la parabole du ‘grain de moutarde’ ?

Que le Seigneur fidèle veuille nous ouvrir les yeux sur le vrai état de la chrétienté ! Nous ne disons pas cela dans un état d’esprit orgueilleux et accusateur. Nous ne visons pas des personnes, mais le système comme tel. N’est-ce pas profondément douloureux pour nous aujourd’hui, qu’on annonce dans presque toute la chrétienté un évangile social, tandis qu’on a largement abandonné la vraie ‘foi de l’évangile’, l’enseignement proprement chrétien (Philippiens 1:27) ? N’y a-t-il pas le danger que même de vrais enfants de Dieu soient entraînés par le courant général ? Ne devons-nous pas craindre qu’il n’entre aussi dans le domaine de la vraie communion chrétienne, toujours plus de principes sociaux, philanthropiques et démocratiques ? Ne devons-nous pas y être attentifs ?

Ces paraboles du Seigneur ont donc certainement aussi pour nous, enfants de Dieu, une portée d’avertissement, et non pas simplement d’enseignement.

5.4.4 - En résumé

Dans les trois paraboles du royaume des cieux (‘l’ivraie du champ’, le ‘grain de moutarde’ et le ‘levain’), le Seigneur nous donne trois descriptions du développement qu’allait prendre le royaume des cieux sur la terre en l’absence du roi. Rappelons encore une fois que le royaume des cieux est le domaine sur la terre où l’autorité du Seigneur, sous quelque forme que ce soit, est reconnue sur la terre. C’est un domaine extérieur dont le développement est reconnaissable par tous.

La première image nous montre un mélange de bien et de mal. ‘L’ivraie’ envahit le ‘froment’, la moisson comme telle est gâtée. Nous voyons ensuite un ‘grand arbre’ — une grande puissance politique dont le commencement a été insignifiant. Et finalement une profession générale (et un enseignement général) de Christ, sans qu’il soit rien dit sur l’état personnel des individus.

Là s’achève l’enseignement du Seigneur adressé aux foules, et Il quitte le bord de la mer. Dans la maison, Il explique à Ses disciples la parabole de ‘l’ivraie du champ’, comme nous l’avons déjà considéré. Et puisque la question pourrait être soulevée de savoir si tout cela n’est pas un énorme développement raté, et pourquoi le Seigneur le supporte, le Seigneur ajoute quatre autres paraboles. C’est ce dont nous allons nous occuper.

5.5 - Le trésor dans le champ

5.5.1 - Un changement

À partir du v. 36 du ch. 13 de Matthieu, intervient un changement très significatif, portant tant sur le lieu que sur les personnes. Il se manifeste par les mots-clés « la mer – la maison », et « la foule – les disciples ». Le Saint Esprit sépare les quatre premières paraboles des quatre dernières, d’une part en faisant une citation du Psaume 78 et d’autre part en ce que, « ayant congédié les foules, il entra dans la maison ». À partir de là, le Seigneur est seul avec Ses disciples, seul avec ceux qui sont dans la maison, ne restant pas plus longtemps avec les foules qui sont dehors au bord de la mer. Le moment était venu de révéler les « choses qui ont été cachées dès la fondation du monde » (Matthieu 13:35 ; Psaume 78:2) et qui n’étaient destinées qu’aux Siens.

Dans le même sens, les premières paroles du Seigneur dans la maison sont des paroles d’explication, d’interprétation. Nous avons déjà médité là-dessus à propos de la parabole de ‘l’ivraie dans le champ’. Quelle différence sérieuse nous est révélée entre le sort effrayant des professants sans la foi et l’avenir glorieux des vrais enfants de Dieu ! Le contraste entre la fournaise de FEU et le resplendissement comme le SOLEIL ne parle-t-il pas non plus à nos cœurs ? Quand le Seigneur nous amène à voir si loin dans l’avenir, ne devons-nous pas nous poser la question : pourquoi cette révélation influence-t-elle si peu notre vie aujourd’hui ? Si telle est la fin des uns d’une part, et des autres d’autre part, quels gens devrions-nous être en sainte conduite et en piété (2 Pierre 3:11) !

Les paroles du Seigneur sont aussi toujours pratiques, et ainsi Il conclut Son interprétation de la parabole de ‘l’ivraie du champ’ par ces paroles : « qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende » (13:43). Il voudrait que nous tenions compte des avertissements contenus dans Sa Parole. Écouter avec foi, et tirer parti des paroles du Seigneur, c’est ce qui caractérise les croyants en tout temps, tandis que les incrédules vont leur chemin vers la perdition, sans tenir compte de rien.

5.5.1.1 - Dans la maison

Dans les trois paraboles de ‘l’ivraie du champ’, du ‘grain de moutarde’ et du ‘levain’, le Seigneur a fait voir le développement extérieur du royaume des cieux. Il n’a pas prévu un bon développement, et nous pouvons bien penser que Son cœur en était triste. Comment aurait-Il pu se réjouir quand cette chose si bien commencée allait dégénérer pareillement ? D’autres questions encore s’imposent à nous : n’était-il pas en Son pouvoir d’arrêter ce développement du mal ? Pourquoi le supporte-t-Il ? Le royaume des cieux et la chrétienté sont-ils un échec total ? Satan peut-il entraver et anéantir les plans de Dieu au point qu’il ne reste pratiquement plus rien de ce qu’il y avait au début ?

Bien loin d’être découragé et impuissant, le Seigneur donne dans les deux paraboles suivantes de Matthieu 13 le côté intérieur et lumineux de l’image, le côté divin, le côté de la foi. Les sages (Daniel 12:3, 10), les disciples du royaume des cieux les comprendraient. Qu’est-ce qui rend si attirantes les deux paraboles du trésor dans le champ et la perle de grand prix ? C’est que le Seigneur Jésus fait connaître les motifs véritables de Son cœur, ce qui a influencé Son cœur, à agir de la sorte. Indépendamment de la forme que Son royaume prendrait dans le monde, il y avait quelque chose dans ce royaume qui était en dehors du monde, quelque chose qui attirait Son cœur et qui correspondait aux pensées de Dieu.

Ces deux paraboles nous montrent donc le but véritable qu’a poursuivi le Seigneur avec le royaume. Elles nous donnent la réponse aux questions évoquées plus haut, et qui surgissent devant nous quand nous considérons la chrétienté avec toutes ses incrédulités, ses séparations, sa conformité au monde. Pourtant, auprès du Seigneur dans la ‘maison’, nous pouvons bien reprendre les expressions d’Asaph : « Quand j’ai médité pour connaître cela, ce fut un travail pénible à mes yeux, jusqu’à ce que je fusse entré dans les sanctuaires de Dieu… : j’ai compris leur fin » (Psaume 73:16, 17). Quand le roi nous conduit dans Ses chambres (Cantique des Cantiques 1:4), et nous parle de la richesse de la gloire de Son héritage dans les saints, cela ne peut que nous rendre heureux, car nous reconnaissons derrière toutes choses Son amour merveilleux et Sa grâce. Le Seigneur part de ce que Ses disciples comprendraient ce qui était véritablement l’objet de Son cœur, et de ce qu’ils feraient la différence entre le ‘champ’ et le ‘trésor’ qu’il contient.

5.5.2 - La parabole et son interprétation

« Encore, le royaume des cieux est semblable à un trésor caché dans un champ, qu’un homme, après l’avoir trouvé, a caché ; et de la joie qu’il en a, il s’en va, et vend tout ce qu’il a, et achète ce champ-là » (Matthieu 13:44).

En orient il est courant, en cas de danger, d’enterrer les objets précieux, par exemple les bijoux et les pierres précieuses. On a même rapporté que des gens riches partageaient souvent leurs richesses en trois : avec le premier tiers, ils faisaient des affaires ; avec le second tiers, ils achetaient des pierres précieuses pour servir au cas où ils seraient obligés de fuir ; quant au troisième tiers, ils l’enterraient. Quelquefois il arrivait que le propriétaire meure, ou que la fuite échoue, et personne hormis lui, ne savait rien du trésor enterré. C’est la situation qui sert de point de départ à la parabole du Seigneur.

Mais il n’y a pas qu’en orient qu’on se conduit ainsi. J’ai le souvenir vers la fin de la seconde guerre mondiale, peu avant l’invasion de l’armée russe, que mes parents enterrèrent dans le jardin derrière la maison le peu de bien qui leur restaient, ainsi que des documents. Et je me souviens des officiers russes piquant le sol avec leur épée, pour repérer des biens enterrés — mais ils ne les trouvèrent pas, ce dont nous avons remercié le Seigneur.

Il est important, dans la parabole, de bien noter ce que le Seigneur dit et ce qu’Il ne dit pas. Ainsi, Il ne dit pas qui a enterré le trésor, ni pourquoi cette personne l’a fait. Nous ne savons pas non plus quand cela eut lieu, ni combien de temps le trésor est resté en terre. Il n’est pas non plus parlé que l’homme ait cherché le trésor. Malgré cela, cette courte parabole qui ne comprend que 30 mots en grec, met en avant des mots et des pensées significatifs et sujets à méditation : le trésor, le fait de cacher, l’homme, le champ, le fait de trouver, le fait de cacher une nouvelle fois, la joie, le fait de s’en aller, la vente, ce que l’homme possédait, l’achat.

Ces mots significatifs peuvent servir de fils conducteurs à la méditation de cette parabole.

5.5.2.1 - ‘L’homme’

En premier lieu, posons la question : qui donc est cet ‘homme’ qui a vendu tout ce qu’il avait pour acheter un champ ?

Ce qui vient de suite à l’esprit est qu’il s’agit du même ‘homme’ que dans la parabole de ‘l’ivraie’. Cette expression « un homme » est déjà utilisée dans cette parabole de l’ivraie (13:24), et elle est appliquée plus loin directement au « fils de l’homme » (13:37). On retrouve cette expression dans la parabole du grain de moutarde (13:31), et nous avons vu qu’elle visait déjà là le Seigneur Jésus. La première parabole, sous la forme du semeur, nous avait aussi déjà présenté la même personne et Son activité.

Il n’y a donc aucun doute permis, que l’homme qui a vendu tout ce qu’il avait et a acquis avec cela un champ, est une image de la personne et de l’œuvre de notre Seigneur et Sauveur. Nous allons le trouver confirmé par plusieurs détails.

Il est d’autant plus étrange que, de tous temps, dans la chrétienté, on a été d’avis que Christ est le trésor (et la perle pour la parabole suivante), et que les gens doivent tout donner pour L’avoir. Luther considérait ainsi que le trésor, c’était l’évangile. On trouve partout, dans les commentaires, la pensée que les pécheurs doivent renoncer à tout dans le monde, pour arriver à posséder la vie éternelle. En fait cet « évangile » est encore largement prêché aujourd’hui dans la chrétienté.

Une telle explication fait violence à notre parabole, comme nous l’avons déjà vu dans la parabole du ‘levain’ ; en outre elle altère le vrai caractère de l’évangile. Est-ce vraiment l’évangile de Dieu, que le pécheur ait quelque chose à faire au préalable, qu’il ait à apporter une sorte d’offrande pour s’acquérir le salut en Jésus Christ ? Mille fois non ! Ce serait la loi et non la grâce, et ce serait mettre les œuvres à la place de la foi. Qu’est-ce que le pécheur peut offrir à Dieu en dehors de la souillure de ses péchés ? Ses justices ne sont-elles pas toutes comme un vêtement souillé ? (Ésaïe 64:6).

N’y a-t-il pas eu autrefois un jeune homme riche, venant au Seigneur Jésus pour acquérir la vie éternelle en observant les commandements ? Or le Seigneur lui donna bien la parole caractéristique : « va, vends tout ce que tu as, … et tu auras un trésor dans le ciel » (Luc 18:22). Mais était-ce là l’annonce de l’évangile, l’expression de la grâce de Dieu ? pas du tout. Bien plutôt, le Seigneur allait au-devant de ce chef des Juifs en se plaçant sur le même terrain que celui sur lequel il venait à Lui, celui de la loi : « Fais ceci et tu vivras » (10:28). Mais l’évangile de la grâce nous montre que l’homme ne doit rien offrir à Dieu pour être sauvé, mais que Dieu a offert quelque chose pour lui et a donné Son Fils en rançon pour nos péchés (1 Jean 4:10). Dieu est le grand Donateur, et Son don de grâce est la vie éternelle dans le Christ Jésus, notre Seigneur (Romains 6:23).

Mais l’Écriture ne parle-t-elle pas d’un « achat » du côté de l’homme ? Certes, mais c’est un achat sans argent et sans prix (Ésaïe 55:1). Dans la parabole des ‘dix vierges’, il est aussi parlé d’acheter, et il semble que par cette expression, l’Écriture veuille signaler une manifestation précise de la volonté de l’homme prouvant sa sincérité quant à une volonté réelle de faire la chose. C’est pourquoi à la dernière page de la Bible, il est dit : « Que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie » (Apocalypse 22:17).

Bien sûr il y a un renoncement aux choses de la terre dans le but de gagner les biens célestes à leur place (Matthieu 6:20 ; Luc 16:1-13 ; 2 Corinthiens 4:18 ; Philippiens 3:7-16 ; 1 Timothée 6:9-11, 17). Un disciple du Seigneur doit fondamentalement être amené à saisir qu’il a à renoncer à tout ce qu’il a, s’il veut vraiment suivre son maître (Luc 14:33). Mais de tels passages concernent des gens qui sont déjà croyants, et non pas des pécheurs perdus. Certes je ne veux pas dire que notre parabole n’a rien à voir avec la pensée de renoncement du côté du croyant, mais nous reviendrons sur ce point.

Dans cette parabole du royaume des cieux, le Seigneur montre bien le côté extérieur et le côté intérieur du royaume, mais non pas le chemin par lequel le pécheur peut venir à Dieu. Il parle des « mystères du royaume des cieux » (Matthieu 13:11). En outre, combien il serait funeste que le chemin du pécheur vers Dieu soit un mystère qui ne nous soit pas accessible à tous.

5.5.2.2 - Le trésor caché dans le champ

Il y a encore une autre pensée qui appuie l’interprétation selon laquelle il faut voir le Seigneur Jésus dans ‘l’homme’ qui vend tout, — et non pas le pécheur qui cherche à être sauvé. Il faut d’abord remarquer que les explications deviennent bien compliquées quand on met de côté la pensée simple de l’Écriture pour la remplacer par ses propres constructions de pensées. Au contraire, si la direction vient de l’Esprit, et non pas de l’intelligence humaine, comme tout devient simple, et combien chaque aspect de l’image est approprié !

Dans notre parabole, l’homme finit par acheter le champ dans lequel il a découvert le trésor. Le Seigneur n’a-t-il pas déjà clarifié ce que nous devons entendre par « le champ » ? « Le champ, c’est le monde » (13:38). Comment le pécheur pourrait-il acheter le monde pour acquérir la possession du trésor ? Les tenants de cette fausse interprétation ont bien reconnu cette difficulté. Pour y faire face, ils se voient contraints de donner au ‘champ’ une autre signification, et d’y voir ici une image des saintes Écritures ou quelque chose de ce genre. Mais rien ne nous autorise à nous écarter de l’interprétation donnée par le Seigneur lui-même. Le ‘champ’, c’est le monde.

Parmi les commentateurs qui s’accordent à voir le Seigneur Jésus dans « l’homme », il y a pourtant des différences d’opinion sur ce qu’il faut comprendre par le ‘trésor’. Que la ‘perle de grand prix’ soit une image de l’assemblée, les gens sont généralement d’accord. Mais dans le cas du ‘trésor’, les opinions divergent. Les uns y voient une image de l’assemblée de Dieu. D’autres pensent qu’il s’agit d’Israël. Ces derniers pensent que des passages comme Exode 19:5 et Psaume 135:4 sont des arguments forts en leur faveur (ce sont des passages où Dieu qualifie le peuple d’Israël comme étant ‘Sa possession’). Ils ne croient pas non plus que le Seigneur puisse parler d’exactement la même chose dans deux paraboles.

Commençons par le dernier argument : pourquoi le Seigneur Jésus ne parlerait-Il pas de la même chose, de l’assemblée ? Ne veut-Il pas montrer deux côtés différents d’une seule et même chose ? Avec le ‘trésor’ qui forme bien une unité, mais composée de beaucoup de pièces individuelles, comme des bijoux ou des pièces de monnaie, Il veut représenter le côté individuel (des personnes), tandis que la ‘perle’ donne le côté collectif (d’ensemble) de l’assemblée. Ainsi les deux paraboles se complètent l’une l’autre, croyons-nous, et elles vont étroitement ensemble.

Selon toute apparence, ces deux paraboles constituent une paire, c’est-à-dire qu’il s’agit de deux paraboles au contenu semblable, mais avec une symbolique différente. L’interprétation de ce genre d’images doubles ressort clairement des paroles de Joseph au Pharaon : « Et que le songe ait été répété deux fois au Pharaon, c’est que la chose est arrêtée de la part de Dieu, et que Dieu se hâte de la faire » (Genèse 41:32). Dans ces deux songes, il y avait aussi une symbolique double. L’une portait sur des animaux, l’autre sur des végétaux. Les songes de Joseph avaient aussi ce genre de dualité (les « gerbes » — « le soleil, la lune et les étoiles » ; Genèse 37:5 et suiv.). Si le Seigneur met côte à côte deux images de natures différentes et de contenu semblable, c’est qu’Il veut nous laisser une impression certaine de la chose, et qu’Il veut insister sur son importance et son caractère inexorable.

Que le ‘trésor’ ne représente pas Israël, cela ressort de la simple pensée suivante : Israël ne fait pas partie du ‘mystère’ (Éphésiens 3:4-12), ni du point de vue du rejet de ce peuple, ni du point de vue de son rétablissement. Contrairement à l’assemblée, ce qui concernait ce peuple n’était pas chose nouvelle. Le fait même que les nations seraient un jour bénies avec Israël, cela était abondamment prévu dans les écrits de l’Ancien Testament, et Paul insiste spécialement là-dessus dans l’épître aux Romains.

Arrivés à ce point, il est temps maintenant, et c’est fondamental, d’indiquer le changement de symboles dont se sert le Seigneur. La première parabole prononcée dans la maison, celle du ‘trésor’, est certes en relation avec un ‘champ’, comme celle du ‘semeur’ et celle de ‘l’ivraie’, mais il ne s’agit plus ici d’implanter la vie nouvelle là où il n’y en a pas. Le ‘champ’ est bien aussi ici le monde, mais il sert maintenant de lieu de conservation à quelque chose déjà présent.

Il est frappant que le champ ne soit pas appelé ici ‘son champ’ (cf. 13:44 et 13:24). En contraste avec la parabole de ‘l’ivraie’, le fils de l’homme doit ici premièrement acquérir le champ. Autrement dit, notre parabole n’a pas pour point de départ l’œuvre de rédemption déjà accomplie.

Et tandis que dans la quatrième parabole il y avait quelque chose de mauvais qui était caché, — le levain — notre parabole montre quelque chose de très précieux caché dans un champ, et qui est ensuite caché de nouveau. Le royaume, tel qu’il était dépeint aux foules, allait dégénérer, et se gâter. Pourtant le dessein du Seigneur ne peut être contré par rien ni par personne. Ainsi les disciples apprennent maintenant quelque chose au sujet de Son vrai peuple, et ils sont mis dans la situation de reconnaître le vrai et l’authentique à l’intérieur, au milieu de toute la corruption de la scène extérieure. Ce trésor d’une valeur extraordinaire pour le Seigneur, ne serait pas sali en terre, même qu’il y soit caché. Bienheureuse pensée !

Il y a comme un voile, un silence voulu — on peut même bien dire un silence inspiré — qui recouvre la question de savoir qui a caché le trésor la première fois, et pourquoi l’a-t-il fait. Est-ce peut-être une indication qu’il n’est pas question ici des raisons secrètes d’une telle manière de faire, comme nous les avons appelées précédemment. Cela ne nous renvoie-t-il pas au conseil éternel de Dieu, concernant Christ et l’assemblée ? Dans les siècles précédant la croix, ce mystère était « caché en Dieu » (Éphésiens 3:9). L’assemblée n’existait pas encore, et personne n’en savait encore rien. Dans Son conseil, Dieu a vu Ses élus dans le ‘champ’ du monde. Il la tenait là pour ainsi dire comme cachée ; Il l’a fait en vue de Son Fils bien-aimé : C’est Lui qui, au temps convenable, viendrait comme homme dans le monde, trouverait le trésor, et le recacherait à nouveau temporairement, pour opérer l’œuvre nécessaire à son rachat. Le Fils, lorsqu’Il séjournait sur la terre, a effectivement parlé de tels hommes que le Père Lui a « donnés du monde » afin qu’Il leur donne la vie éternelle (Jean 17:2, 6). Il était venu pour amener « plusieurs fils à la gloire ». C’est en vue d’eux, qu’après avoir accompli l’œuvre à Golgotha, Il dit : « Me voici, moi, et les enfants que Dieu m’a donnés » (Hébreux 2:10, 13).

5.5.2.3 - Comment le Seigneur trouve

En accord avec ce qui vient d’être dit, notre parabole comporte une petite particularité qui accentue sa signification. Elle se tait sur le fait de savoir si l’homme a cherché quelque chose dans le champ avant de le trouver — en contraste avec la parabole suivante. Ici il n’est parlé que de trouver, non pas de chercher. ‘L’homme’ savait-il quelque chose de la présence du ‘trésor’, et du lieu où il était caché ? Je pense que oui. Le Seigneur Jésus était le Fils de Dieu, et Il était complètement dans la confidence des conseils de Dieu. Ce conseil n’avait pas été pris sans le Fils, et il correspondait bien au bon plaisir de toute la plénitude (de la déité) (comp. Colossiens 1:19 ; 2:9). Ainsi, la manière d’exposer notre parabole laisse l’impression, ou tout au moins laisse place à la pensée que ‘l’homme’ savait précisément où Il avait à regarder pour voir le ‘trésor’ caché. Il creusa immédiatement au bon endroit, et le trouva.

Cette découverte Lui était réservée, à Lui seul. Nous avons en Jean 1:43 une belle illustration de cette manière dont le Seigneur trouve : « Il trouve Philippe ». On dit souvent que ceci montre que le Seigneur l’a cherché. Certes, mais pas dans le sens qu’Il ne savait pas où était Philippe. À Nathanaël, Il dit : « Avant que Philippe t’eût appelé, quand tu étais sous le figuier, je te voyais » (Jean 1:49). Nous, nous cherchons quelque chose parce que nous ne savons pas où cela se trouve, et nous trouvons quelque chose d’imprévu, par hasard. Mais dans la vie et l’œuvre du Seigneur Jésus, il n’y a pas de hasards, pas de surprises. Quand Il va chercher Sa brebis perdue, « jusqu’à ce qu’Il la trouve » (Luc 15:4), Il sait bien quel chemin elle a pris. Ainsi le Seigneur Jésus a vu les Siens selon le conseil de Dieu dans le champ du monde, et Il est venu pour se les acquérir.

Du point de vue de l’élection de Dieu, Son peuple était un ‘trésor’ ; mais en ce qui concerne l’état personnel des individus, ils étaient perdus. N’est-ce pas touchant que le Seigneur Jésus les a « trouvés » de deux manières : Il les a vus selon ce qu’ils étaient dans le conseil de Dieu, un ‘trésor’ ; et ils les a vus selon ce qu’ils étaient en eux-mêmes, perdus.

Il nous faut toujours penser que Dieu a une autre façon que nous de compter le temps ou de considérer les choses. N’est-il pas remarquable que dans la parabole du ‘semeur’ comme dans celle de ‘l’ivraie du champ’, les semailles ont lieu tout au début, et une fois seulement, tandis que chaque fois, le fruit qui en est produit n’est vu que tout à la fin ? De la même manière, le ‘trésor’ était visible dans son entier pour le Seigneur Jésus, et pareillement Lui a aussi porté tous les péchés de Son peuple. Pour Dieu toutes choses sont présentes, ou sont le présent, indépendamment de la manière dont nous, humains, nous nous représentons le temps.

5.5.2.4 - La joie

Pourquoi l’homme a-t-il à nouveau caché le trésor une seconde fois, après l’avoir trouvé ? C’est que le champ ne Lui appartenait pas ! S’il voulait posséder le trésor, il fallait d’abord acquérir le champ. Autrement il aurait été injuste de simplement prendre le trésor pour Lui.

Si nous appliquons cela au Seigneur Jésus, cela nous crée d’abord quelques difficultés. Mais en méditant dans cet ordre de pensées, nous éprouvons la manière si merveilleuse avec laquelle notre Sauveur a choisi Ses mots. Il laisse effectivement ouverte la question de savoir qui est le propriétaire légal du champ, car maintenant il est manifeste qu’un autre que Lui est en possession du ‘champ’. Par d’autres passages de l’Écriture nous apprenons que Dieu a permis qu’un autre, Satan, s’empare du monde sans absolument rien savoir du ‘trésor’ qui y était caché. Mais le Seigneur Jésus le savait, et c’est pourquoi Il s’est réjoui de cette certitude, et a voulu reprendre la propriété en achetant la totalité du ‘champ’.

Nous méditerons sur le prix qui a été nécessaire pour cela, et nous verrons qu’en relation avec cet achat de reprise de possession, il nous est laissé entendre qu’il y a eu non seulement Sa vie et Sa mort, mais aussi Sa résurrection et Sa glorification ultérieure. Cela nous fait voir aussi quelque chose de Sa grâce, de Son merveilleux caractère, en sorte que nous ne pouvons que nous prosterner en adorant.

En premier lieu, ce qui a rempli le cœur de l’homme après avoir trouvé le trésor, c’est la joie, et cette joie a été ensuite le ressort de Son action. Pouvons-nous mesurer, ne serait-ce que quelque peu, ce que signifie que le Seigneur Jésus éprouve de la joie à propos de Son ‘trésor’, — de la joie à notre égard, nous qui sommes Siens ? Il est le Dieu tout-puissant et bienheureux, parfaitement un avec le Père, et pourtant Il a un « trésor » précieux sur la terre, et Il s’en réjouit. Et aussi, mesurons-nous quelque peu le coût qui a pu se rattacher à cette acquisition du trésor ? — de Son point de vue, le résultat en est la joie.

Sur la joie du Seigneur, l’Écriture sainte nous en dit quelque chose dans plusieurs passages, et il est réjouissant qu’à cette occasion elle se réfère souvent à ce qui était si précieux pour Lui. Ainsi nous apprenons de Proverbes 8 que « Ses délices étaient avec les fils des hommes » (v. 31) ; le Psaume 45 nous parle d’une huile de joie avec laquelle Il a été oint plus que Ses compagnons (v. 7). « En cette même heure, Jésus se réjouit en esprit et dit : Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu … révélé [ces choses] aux petits enfants » (Luc 10:21) ; « Bien, bon et fidèle esclave ! … entre dans la joie de ton maître » (Matthieu 25:21).

Oui, bien-aimés, nous adorons notre Seigneur et Sauveur. Sa joie a été en rapport avec de pauvres pécheurs perdus, qu’il est venu racheter — une joie à l’égard des élus de Dieu. Rien ni personne n’a pu Le retenir de choisir le chemin nécessaire pour leur salut. Il était prêt à endurer la croix à cause de la joie qui était devant Lui (Hébreux 12:2).

Et c’est pourquoi Il « s’en est allé », selon l’expression de notre parabole, pour payer le prix. Nous voyons souvent, dans l’évangile de Jean, Jésus utiliser justement cette expression « je m’en vais » pour parler de Sa mort et de Sa résurrection (voir par exemple Jean 8:21, 22 ; 13:36).

5.5.2.5 - Abandonner pour gagner

À cause de la joie à l’égard du trésor, l’homme s’en va et « vend tout ce qu’il a » pour acheter le champ. Quelle description du chemin où le Seigneur s’est engagé ! En devenant homme, Lui qui était riche, il a vécu dans la pauvreté pour nous (2 Corinthiens 8:9). Il s’est anéanti comme nous dit Phil. 2. C’était un pas d’une portée incommensurable. Et plus encore, même comme homme, Il s’est abaissé. Son chemin a été un chemin de continuel abaissement, jusqu’à ce que finalement, par obéissance à Son Père, Il trouve Sa place et Sa mort à la croix. Nous pensons à l’outrage des soldats romains, comment ils Lui ont tout pris, y compris ses vêtements. Mais ce n’était pas là proprement le fait de « vendre » ; car « vendre » était Son œuvre propre, personnelle. Et Il a tout abandonné, tout vendu ce qu’Il avait.

En premier lieu il semble que cela se rapporte au fait de devenir le Messie, ce à quoi Il a renoncé sur le plan officiel, au moins pour un temps. « Mais maintenant mon royaume n’est pas d’ici » (Jean 18:36). Et qui pourrait rester insensible aux paroles émouvantes quand Lui, le vrai Messie de Son peuple, répandait Sa plainte devant l’Éternel : « Tu m’as élevé haut, et tu m’as jeté en bas » (Psaume 102:10). C’était selon la pensée de Dieu que Son Messie « soit retranché et n’ait rien » (Daniel 9:26). Mais cela incluait aussi Sa mort. En fait, Il « a tout vendu », Il n’a rien gardé pour Lui-même ! Il n’a pas seulement abandonné Ses droits comme Messie, mais aussi Sa propre vie, et même Il s’est abandonné Lui-même, ce qui va encore plus loin.

Voilà, chers amis, le prix d’achat qui a été payé pour le monde, le ‘champ’ d’un montant inimaginable. Il a acheté tout le ‘champ’, mais l’objet spécial de Son intérêt et de Son cœur, c’était l’assemblée. Oui, Il nous a aimés, et s’est donné Lui-même pour nous (Éphésiens 5:2), en sorte que maintenant, tous les traits caractéristiques qui sont en Lui, hormis Sa déité, nous appartiennent. Oh ! l’amour inconcevable de Christ ! Il a tout laissé et a tout gagné — non seulement l’assemblée, mais aussi le monde. Nous allons revenir brièvement tout de suite là-dessus.

Nous les rachetés, ne devons-nous pas agir dans notre petit domaine comme notre Rédempteur ? Certes, nous n’avons pas de ‘champ’ à acheter, et nous ne pourrions même pas en acheter. Mais quand le royaume prend ce caractère, quand nous le voyons en Christ, ne devrions-nous pas aussi renoncer pour l’amour de Christ à tout ce qui nous est un empêchement d’aller à Christ ? L’exemple parfait qu’Il a donné d’abandon à Son père peut nous encourager à l’imiter. Même si nous ne pouvons pas nous appliquer les détails de cette parabole, néanmoins dans l’histoire des individus il se passe souvent la même chose : Par la grâce de Dieu, nous sommes conduits, de joie, à abandonner à Christ ce qui est un empêchement à la jouissance de ce ‘trésor’. Paul pouvait dire : « Mais les choses qui pour moi étaient un gain, je les ai regardées, à cause du Christ, comme une perte. Et je regarde même aussi toutes choses comme étant une perte, à cause de l’excellence de la connaissance du christ Jésus, mon Seigneur, à cause duquel j’ai fait la perte de toutes et je les estime comme des ordures, afin que je gagne Christ » (Philippiens 3:7, 8).

Ainsi la joie est l’objet principal de cette parabole — la joie de Christ devant la valeur précieuse de Son assemblée.

5.5.2.6 - L’achat du champ

On dit souvent que cette parabole se termine par l’image de la mort de Christ. Ce n’est pas tout à fait vrai : elle se termine par l’achat du champ. Comme homme ressuscité d’entre les morts et glorifié, c’est au prix de Sa vie qu’il est propriétaire du monde, dans lequel l’assemblée est encore cachée. Certes, Il a acquis le ‘champ’ à cause du ‘trésor’ ; et ainsi, même que le monde « gise encore dans le méchant » (1 Jean 5:19) aujourd’hui, Il a tous les droits sur ce monde. Personnellement comme Dieu, et comme Créateur de l’univers, Il est depuis toujours propriétaire en droit de toute la création. Mais comme homme, Il a réacquis le monde (au sens de lieu d’habitation des hommes) de la main du prince de ce monde.

C’est une pensée qui n’est nullement secondaire dans la Parole de Dieu. Pensons un moment à ceci : si Christ n’avait pas regagné, au prix de Sa vie, le monde de la main de Satan, nous aurions été pour toujours exclus de régner avec Lui et d’hériter avec Lui. Comme Créateur, Il aurait bien été possesseur de tout, mais Il serait resté seul à le posséder, Il n’aurait pas pu le partager avec nous.

Mais maintenant Christ a le droit de possession sur ce ‘champ’, et cela signifie aussi que Son autorité doit être reconnue dans ce domaine. Si aujourd’hui il n’y en a que quelques-uns qui le font, cela ne change en rien les droits qu’Il a sur ce monde. Sous ce jour, on comprend mieux le passage de 2 Pierre 2, où il est dit des faux prophètes que leur maître les a « achetés », bien qu’ils l’aient renié (v. 1). Nous avons déjà considéré la différence entre « acheter » et « racheter » en rapport avec la parabole de ‘l’ivraie du champ’, en sorte qu’il n’est pas nécessaire ici d’y revenir.

Notre parabole se termine assez brusquement. Il est encore dit que l’homme a acquis « ce champ-là », mais il n’est fait aucune mention de ce qui est arrivé à l’homme ni au trésor. Manifestement, le Seigneur Jésus ne voulait ni ne pouvait rien en dire à ce moment-là. Il est cependant certain que l’homme voulait en réalité entrer en possession du trésor, et qu’Il ne devait guère le laisser dans le champ. Pour y rester longtemps, la terre n’est point le lieu approprié pour un trésor aussi précieux. S’Il se voyait forcé de le cacher encore une fois pour un certain temps, il irait certainement l’y chercher aussi vite que possible pour le ramener au bon endroit.

Certainement, ces dernières conclusions tirées sur la parabole sortent de ce qu’elle dit, mais ne dépassent pas ce que l’Écriture nous dit ailleurs sur l’assemblée et sur les rachetés du temps de la grâce. Nous avons déjà rappelé la merveilleuse prière du Seigneur en Jean 17 et nous avons vu que le Père a donné du monde, au Fils, des hommes pour qu’Il leur donne la vie éternelle. Ils Lui appartiennent maintenant à un double point de vue : le Père les Lui a donnés, et Il les a achetés pour Lui-même. Mais alors il ne reste plus aucun doute quant au lieu où ils se trouvent : comme le trésor dans le champ, ils sont dans le monde, et ont besoin d’être gardés par le Père (Jean 17:11, 15). Pour le moment, Il ne prie pas encore le Père de les ôter du monde.

Jusqu’ici Jean 17 coïncide entièrement avec notre parabole. Dans les deux passages, le ‘trésor’ est encore dans le ‘champ’, les croyants sont dans le monde. Mais en Jean 17, le Seigneur prolonge la ligne de pensée de la parabole, et Il parle de ce moment où le trésor sera amené au lieu de destination qui lui est réservé : « Père, je veux, quant à ceux que tu m’as donnés, que là où moi je suis, ils y soient aussi avec moi, afin qu’ils voient ma gloire, que tu m’as donnée ; car tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jean 17:24). Qu’y a-t-il de plus grand, de plus merveilleux, de plus réjouissant !

Encore une pensée à considérer. Le ‘champ’ a bien été acheté à cause du ‘trésor’. Mais il sera encore une fois la scène appropriée pour le déploiement de la gloire de Dieu. L’assemblée est certes le résultat le plus glorieux de la Rédemption, mais elle n’en est pas le seul résultat. Une fois que le Sauveur l’aura prise auprès de Lui, le propriétaire se servira à nouveau de Son ‘champ’ et se glorifiera par lui de plusieurs et diverses manières. Cela laisse de la place pour le rétablissement d’Israël.

5.6 - La perle de grand prix

C’est avec les mots « Encore, le royaume des cieux est semblable » que le Seigneur Jésus introduit une deuxième parabole ‘dans la maison’, celle de la ‘perle de grand prix’, placée juste à côté de celle du ‘trésor dans le champ’. Nous avons déjà vu que ces deux paraboles vont étroitement ensemble. Elles se complètent l’une l’autre, présentant à la fois des parallèles et des contrastes. C’est comme si l’une des paraboles ne suffisait pas au Seigneur pour exposer le vrai caractère et la valeur de ce dont Son cœur est occupé.

« Encore, le royaume des cieux est semblable à un marchand qui cherche de belles perles ; et ayant trouvé une perle de très-grand prix, il s’en alla, et vendit tout ce qu’il avait, et l’acheta » (Matthieu 13:45-46).

Quant au fait de trouver, de s’en aller, d’acheter et de vendre, nous en avons déjà parlé à l’occasion de la parabole du ‘trésor dans le champ’. On retrouve les mêmes pensées ici. Mais dans cette nouvelle image, il y a de nouveaux mots et de nouvelles pensées.

5.6.1 - Le marchand

Dans cette parabole, il ne s’agit pas simplement d’un ‘homme’ qui a trouvé un trésor, et qui, selon le langage de la parabole, aurait pu être n’importe quel ouvrier des champs. Cette fois-ci, la personnalité de l’homme est décrite comme celle d’un ‘marchand’, et ce marchand s’y connaît en belles perles, et il en cherche de précieuses de ce genre.

Nous comprenons qu’on puisse trouver en apparence « par hasard » un trésor ‘inattendu’. Cependant, pour aller à l’encontre d’une telle pensée en rapport avec le Seigneur et avec Son œuvre, il a fallu une parabole supplémentaire, celle dont nous nous occupons et qui nous révèle quelque chose de plus. Dans l’œuvre merveilleuse de notre Seigneur et notre Rédempteur, rien n’est dû au hasard, rien n’est l’effet de la surprise, comme nous l’avons déjà rappelé. Il est venu pour avoir un peuple qui soit Sa possession. Il a « cherché » exprès quelque chose de très précieux. Il n’est pas seulement allé ici ou là pour déployer la bonté et la miséricorde de Dieu d’une manière générale ; ni seulement pour « trouver » ce qui était caché dans un champ. Le Seigneur Jésus est bien plutôt venu pour donner une expression tout à fait spéciale de Sa grâce et de Son amour. Tel est l’objet de cette nouvelle parabole.

Mais cela ne suffisait pas. Le ‘marchand’ était aussi un connaisseur distingué, qui savait tout sur les perles et qui avait du goût pour la beauté des perles. Il ne se laisserait pas tromper par une perle qui ne soit pas authentique ; les défauts ne lui échapperaient pas ; il ne manquerait pas de voir les tares d’une perle, et ne risquerait donc pas de devoir, déçu, la mettre de côté plus tard. Il avait une connaissance accomplie de la valeur des perles, et n’hésiterait pas à tout donner son bien et son avoir s’il y avait ne serait-ce qu’une perle de la bonne sorte qu’il cherchait.

Notre cœur n’est-il pas ému quand, devant tout cela, nous pensons au Seigneur Jésus et que nous pouvons Le reconnaître comme étant le ‘marchand’ ? Quel bonheur pour nous que Son examen complet et Son appréciation de la valeur ne soient jamais pris en défaut, et qu’il ne puisse jamais y avoir de déception de Son côté ! S’Il attribue telle valeur à la ‘perle’ qu’Il a cherchée et trouvée, c’est qu’elle a cette valeur, et qu’elle la conservera toujours à Ses yeux. D’un côté, notre paix repose sur ce qu’Il nous connaît avec toutes nos carences (Psaume 139), et d’un autre côté, parallèlement, notre bonheur repose sur ce qu’Il a une parfaite appréciation de la valeur de ce qu’Il a acheté si cher.

5.6.2 - Il a cherché

À l’occasion de la parabole précédente, nous avons rappelé qu’au sens littéral, le Seigneur ne s’est jamais mis à chercher dans l’ignorance ou avec incertitude. Quand le Seigneur Jésus a « trouvé » l’aveugle-né de Jean 9, Il savait exactement où il était, et où il fallait le chercher. Mais il y a aussi un sens figuré pour le fait que Dieu cherche. Dans ce cas, cela signifie qu’il y a un désir pour quelque chose, une chose ou une personne. C’est ainsi, par exemple, que le Seigneur dit en Jean 4:23 que « le Père en cherche de tels qui l’adorent ». C’est dans ce sens qu’il faut comprendre que le ‘marchand’ cherchait de belles perles. Il désirait en avoir. La perle était dans Ses pensées avant qu’Il la trouve comme l’objet de Son amour.

Certains peuvent alors voir une difficulté dans le fait que le ‘marchand’ « cherchait de belles perles » (au pluriel), non pas seulement une perle de très grand prix (au singulier). Mais la difficulté s’en va bien vite si nous incluons Israël dans cette recherche faite par Dieu. Dieu n’avait-Il pas mis Son peuple à l’épreuve par la loi dans les siècles passés ? N’avait-Il pas cherché du fruit de Sa vigne, attendant qu’elle en porte — en vain comme nous le savons (Ésaïe 5:2). Plus encore : « L’Éternel a regardé des cieux sur les fils des hommes, pour voir s’il y a quelqu’un qui soit intelligent, qui recherche Dieu » (Psaume 14:2). Même à propos du ‘figuier’ (qui est un symbole du résidu juif après les 70 ans d’exil), le Seigneur a dû dire : « Voici trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve point » (Luc 13:7). Il est venu parmi les Siens, et les Siens ne l’ont pas connu (Jean 1:11). Il cherchait de ‘belles perles’ ; Il cherchait chez les hommes ce qu’il y avait de beau pour Dieu, mais Il ne l’a pas trouvé. L’homme a manqué entièrement — sans loi, sous la loi, dans toutes les dispensations.

Mais quel changement remarquable d’expression trouvons-nous dans notre parabole. Le Seigneur Jésus se met à ne plus parler de belles perles (au pluriel), mais seulement d’une perle (au singulier), et d’une perle de très grande valeur. « Et ayant trouvé une perle de très grand prix… ». C’est un contraste béni. Comme déjà indiqué, Il ne pouvait pas manquer Lui-même, ni accepter d’être définitivement déçu par Israël en particulier ou par les hommes en général. Mais ce que nous trouverons, c’est qu’Il a « trouvé » cette perle unique de très grand prix d’un coup d’œil bien précis, et qu’entre autres choses, Il a fait cela Lui-même.

5.6.3 - De quoi parle la ‘perle’ ?

Sans aucun doute, la ‘perle’ est en premier lieu le symbole de la beauté. L’expression de ‘belles perles’ le fait bien ressortir. Dans le sermon sur la montagne, le Seigneur met la perle en relation avec ce qui est saint et qui a de la valeur (Matthieu 7:6). Nous apprenons ainsi ici une vérité d’une portée incommensurable : avec l’assemblée, le Seigneur Jésus a trouvé l’objet qu’Il cherchait — la beauté morale de ce qui est en accord parfait avec les pensées de Dieu. Ce n’est pas seulement qu’Il a « découvert » ce ‘trésor’ dans le ‘champ’ (le temps était venu pour cela), mais Il a vu aussi l’assemblée comme correspondant aux conseils de Dieu, et Il l’a désirée avant qu’elle existe. Il l’a déjà vue auparavant, depuis l’éternité passée, dans sa beauté morale, et sans tache, et Il a désiré depuis toujours la posséder. Pour atteindre ce but, Il était prêt, dans le temps, à tout laisser ce qu’il avait. C’est ce qui nous est dit dans l’épître aux Éphésiens : « … comme aussi Christ a aimé l’assemblée et s’est livré Lui-même pour elle » (5:25). Elle nous touche toujours à nouveau cette pensée que le Seigneur n’est pas mort pour nous seulement, parce que nous en avions besoin, et parce que, sinon, nous étions éternellement perdus. Cela est vrai, et reste absolument vrai, et un sujet éternel de louange. Mais ici nous avons un autre motif, plus profond, de la mort de notre Seigneur : Il aimait l’assemblée, Il a vu en elle quelque chose de beau et précieux, et Il l’a désirée pour Lui. Nous n’oserions même pas penser à cela, si la Parole de Dieu ne nous montrait qu’il en est ainsi.

Quand le temps de la grâce viendra à sa fin, Christ, à Sa venue, prendra dans la gloire auprès de Lui tous ceux qui sont Siens (1 Corinthiens 15:23 ; 1 Thessaloniciens 4:15-17). Alors Il se présentera l’assemblée à Lui-même, glorifiée, « n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais […] sainte et irréprochable » (Éphésiens 5:27). Mais réfléchissons : cette absence de tache, elle la possède en position devant Dieu déjà maintenant, comme nous l’enseigne un simple coup d’œil sur Éphésiens 1 : Dieu nous a élu en Christ dès avant la fondation du monde « afin que nous fussions saints et irréprochables, devant Lui en amour » (Éphésiens 1:4). Selon ce qui devrait toujours être notre état pratique, Dieu nous voit toujours « dans le Bien-aimé », et Il nous voit en Lui saint et irréprochable. Et en ce qui concerne le Seigneur Jésus et Son assemblée, Il la voit déjà dans sa perfection accomplie et dans toute sa beauté. Il s’agit, comme nous le verrons, d’une beauté et d’une perfection accomplie conférées. Il ne la voit rien moins que dans toute sa valeur, selon la position qu’elle a dans les conseils de Dieu. Bien que l’Écriture soit beaucoup plus sobre que nous en matière d’attributs (ajouts) ornementaux, ici il est quand même question d’une perle « de très grand prix » (*).

(*) le mot grec pour « de très grand prix », polytimos, ne signifie pas seulement « très cher », mais aussi « évalué très haut, ayant une très grande valeur, très précieux ». Dans le Nouveau Testament on ne retrouve ce mot qu’en Jean 12:3 et 1 Pierre 1:7.

Justement de nos jours, dans les jours de la fin, il ne nous faut rien perdre de cette manière de voir. Il est vrai que l’assemblée comme témoignage de Dieu sur la terre a entièrement failli. Des séparations innombrables déchirent les saints. Nous sommes responsables de tout cela. Cependant, cela ne doit pas modifier notre vision à l’égard de l’assemblée, à l’égard de ce que l’assemblée représente pour le cœur du Seigneur quant à sa beauté, sa valeur précieuse et son unité. Ce n’est qu’alors que nous pouvons nous rendre compte du vrai degré de notre éloignement pratique, et ce n’est que de cette manière que nous pouvons être gardés du découragement.

À cet égard un autre mot-clé est frappant : l’unité de l’assemblée. Dans le ‘trésor’ nous avions devant nous l’aspect individuel de l’assemblée. En fait, elle se compose de personnalités individuelles distinctes, comme un trésor peut comprendre une foule de pièces de monnaie. Chaque ‘fils du royaume’ peut parler personnellement de l’amour de son Seigneur et confesser que « Il m’a aimé et s’est livré Lui-même pour moi » (Galates 2:20). Chaque croyant individuellement est précieux pour le Seigneur Jésus. Mais dans la ‘perle’ nous avons une image collective (de groupe). Ici et en Éphésiens 5, nous apprenons à connaître un autre côté, à savoir que l’assemblée, dans son unité, a une beauté qui attire le cœur du Seigneur. Quel bonheur pour nous de savoir qu’Il est satisfait de ce fruit particulier du travail de Son âme (Ésaïe 53:11) !

Cette double manière de considérer un seul et même objet se trouve déjà dans une belle figure de l’amour de Christ pour les Siens, celle d’Exode 21, où le ‘serviteur hébreu’ dit : « j’aime mon maître, ma femme et mes enfants, je ne veux pas sortir libre » (v. 5). Dans ‘ma femme’ nous avons une figure du côté collectif, dans ‘mes enfants’, une figure du côté individuel de l’assemblée. Le serviteur hébreu aimant aussi « son maître » trouve une contrepartie dans Jean 14 : « mais afin que le monde connaisse que j’aime le Père ; et selon que le Père m’a commandé, ainsi je fais » (Jean 14:31). C’est le seul passage du Nouveau Testament où le Seigneur Jésus parle de Son amour pour le Père.

Dans la création, il y a effectivement de très belles perles. Mais la beauté de la perle unique, celle qui a captivé le cœur du Seigneur, est de nature céleste. C’est, comme nous l’avons déjà dit, une beauté conférée. Ce n’est pas seulement que le Seigneur Jésus « trouve » la ‘perle’, mais elle est aussi le fruit de Son propre travail. Quand un corps étranger, ou un parasite, s’introduit dans une huître perlière posée au fond de la mer, et qu’il la blesse, l’huître vivante a une réaction de protection par laquelle elle enveloppe petit à petit le corps étranger dans une couche-mère de perle qui devient de plus en plus dure, et c’est ainsi que naît la perle à l’intérieur de l’huître vivante. Toutefois, cette perle n’est accessible que si l’on casse l’huître qui la contient et qu’on la tue.

Quelle image saisissante de ce que le Seigneur Jésus a fait pour l’assemblée ! Ce qui L’a blessé est l’origine de son existence et de sa beauté, et ce n’est que par Son sang précieux qu’Il pouvait faire Sienne la ‘perle de très grand prix’, parce qu’elle avait besoin de rédemption. Nous avons ainsi ici devant nous une double image de la mort du Seigneur. L’une se trouve dans le symbole de la perle elle-même, l’autre dans le fait que le ‘marchand’ a ‘vendu’ tout ce qu’il avait.

5.6.4 - Comparaisons

Dans notre parabole, il n’est pas parlé que le Seigneur Jésus ait acheté la ‘mer’ pour posséder la ‘perle’. C’est heureux qu’Il ne l’ait pas fait parce que les méchants sont comme la mer agitée, qui ne peut pas se tenir tranquille (Ésaïe 57:20), et cela, le Seigneur ne l’achète pas. L’acquisition souveraine du monde était l’objet de la parabole précédente. Mais ici nous avons une autre pensée : les Siens sont le fruit de Son propre travail. Ainsi nous pouvons dire : le ‘trésor dans le champ’ nous parle de l’élection opérée par Dieu, tandis que la ‘perle de grand prix’ parle de la rédemption opérée par le Seigneur Jésus Christ, et les ‘bons poissons’ de la parabole suivante parlent du rassemblement opéré par le Saint Esprit. Le ‘trésor’ était caché, la ‘perle’ a été formée, et les ‘poissons’ sont tirés individuellement de la mer.

Il n’est pas non plus parlé ici d’acheter l’huître avec sa coquille. Il semble que l’huître, comme les couvertures et tapis du tabernacle, nous parlent de l’abaissement du Seigneur Jésus aux jours de Sa chair sur la terre. Les hommes n’ont rien vu d’attirant qu’ils auraient désiré chez les Siens. Mais maintenant Lui est glorifié.

Un autre point encore nous frappe en comparant les deux paraboles. Dans la parabole du ‘trésor dans le champ’, le Seigneur parle au présent : … de la joie qu’il a, il s’en va et vend tout ce qu’il a, et achète le champ ». Dans la parabole de la ‘perle de grand prix’, le Seigneur utilise le passé et dit : « et ayant trouvé une perle de très grand prix, il s’en alla, et vendit tout ce qu’il avait, et l’acheta ». Pourquoi ces différences de manière de s’exprimer du Seigneur ? Il n’est pas possible qu’elles n’aient pas de signification.

Dans la première parabole, c’est la joie qui est la pensée principale, et le motif déterminant animant le cœur du Seigneur. Cette joie est une joie durable et présente, qui ne prend pas fin avec la « transaction » si l’on peut s’exprimer ainsi. D’où l’usage du temps présent pour les verbes. Dans la seconde parabole, c’est la beauté de la perle qui est le motif déterminant animant le ‘marchand’. C’est elle qui constituait tout ce qui était nécessaire pour mettre en route le processus d’acquisition de la perle. Comme le ‘marchand’, le Seigneur savait la valeur de la ‘perle’, et c’est dans une parfaite estimation de cette valeur qu’Il s’est engagé jusqu’au bout dans le chemin pour l’acquérir. D’où l’usage du temps passé pour les verbes, ce qui exprime une action définitive, précise et sans retour.

Les deux paraboles — celle du ‘trésor dans le champ’ et celle de ‘la perle de grand prix’ — s’achèvent au même point : l’achat. Dans les deux paraboles il n’est rien dit sur la suite de l’affaire, bien que cette suite ait lieu à n’en pas douter. Quand le ‘marchand’ cède tout son bien pour la ‘perle’ de très grand prix, est-ce aller trop loin que d’admettre que cette ‘perle’ est destinée à orner le Seigneur Jésus Lui-même au temps convenable ? Oui, le jour viendra où Il sera glorifié « dans Ses saints et admiré dans tous ceux qui auront cru » (2 Thessaloniciens 1:10). La Jérusalem céleste — l’église glorifiée dans le ciel — aura trois portes pour chacune des (quatre) directions du ciel, et chacune de ces douze portes sera constituée d’une perle (Apocalypse 21:12, 21). Quel que soit le côté par lequel on s’approchera de cette ‘ville’, on verra toujours la beauté éternelle de l’assemblée — le fruit des souffrances de Celui qui l’a aimée et qui s’est livrée Lui-même pour elle.

Encore une comparaison pour finir. Entre les paraboles par ailleurs si dissemblables, du ‘grain de moutarde’ et de la ‘perle de grand prix’, il y a quand même un point sur lequel elles s’accordent : le grain de moutarde, comme la perle, commencent par quelque chose de très petit avant de croître. L’arbre croît à partir d’un petit grain de moutarde, et la perle croît à partir d’un petit grain de sable qui a pénétré dans l’huître. Mais quelle différence de résultat ! La perle ne devient jamais très grande en taille, mais sa valeur peut être inestimable. Nous retirons dons de ces deux paraboles la leçon que la grandeur extérieure n’est pas tout. Ce n’est pas d’après cela que la vraie valeur peut être déterminée.

5.7 - Le filet et les poissons

Nous arrivons à la dernière et sixième parabole du royaume des cieux de Matthieu 13. Pour la sixième fois, une parabole est introduite par l’expression « le royaume des cieux est semblable ». Le premier mot « Encore » insiste en outre sur la liaison avec les deux paraboles précédentes (le ‘trésor dans le champ’ et la ‘perle de grand prix’). La parabole du ‘filet et des poissons’ dont nous nous occupons maintenant ressemble beaucoup par sa structure et son langage à la parabole de ‘l’ivraie du champ’, la première des six paraboles. Dans les deux paraboles, il est question de bons et de méchants, et dans les deux le Seigneur introduit dans Son explication la ‘consommation du siècle’ [litt. : l’achèvement de l’ère] à laquelle se rattache le jugement.

À un certain point de vue, l’interprétation de la sixième parabole du royaume des cieux (la septième parabole au total) offre les plus grandes difficultés. On ne s’étonne donc pas des différences qu’on trouve dans les commentaires. Beaucoup de commentateurs différent la scène qui s’y déroule, et que nous dépeint la parabole, au temps qui suit l’enlèvement de l’église, et ils voient, par exemple, dans les ‘bons poissons’ une image des nations qui seront introduites dans le royaume au temps de la fin (Apocalypse 7:9 et suiv.). Pourtant, comme nous l’avons vu avec le ‘trésor dans le champ’, l’introduction des nations dans le royaume de paix du Seigneur n’appartient pas aux ‘mystères’ du Nouveau Testament, ni aux vérités cachées dans l’Ancien Testament. La difficulté principale paraît résider en ce que l’on ne reconnaît pas la différence existant entre la parabole elle-même et l’explication ajoutée par le Seigneur. Si l’on ne comprend pas que, dans Son explication de la parabole, le Seigneur va chaque fois bien plus loin que ce qu’Il a dit dans la parabole, on ne trouve pas la clef à une interprétation correcte. On a vu aussi dans la parabole de ‘l’ivraie du champ’ que la parabole décrit une scène autre que celle de l’explication. Il en est de même dans cette parabole du ‘filet et des poissons’.

« Encore, le royaume des cieux est semblable à une seine jetée dans la mer et rassemblant [des poissons] de toute sorte ; et quand elle fut pleine, ils la tirèrent sur le rivage, et s’asseyant, ils mirent ensemble les bons dans des vaisseaux, et jetèrent dehors les mauvais. Il en sera de même à la consommation du siècle : les anges sortiront, et sépareront les méchants du milieu des justes, et les jetteront dans la fournaise de feu : là seront les pleurs et les grincements de dents » (Matthieu 13:47-50).

Commençons par considérer la parabole elle-même (v. 47-48), puis nous verrons ensuite l’explication ajoutée par le Seigneur (v. 49-50). On pourrait résumer la parabole elle-même en disant qu’elle concerne « ce que font les pêcheurs », et que l’explication du Seigneur concerne « ce que font les anges ».

5.7.1 - Ce que font les pêcheurs

Dans la parabole, les pêcheurs laissent traîner une seine (le mot ne se trouve qu’ici dans le Nouveau Testament ; c’est un grand filet permettant d’encercler des poissons entre la mer et le rivage, et de ramener ces poissons au bord en tirant le filet qui reste en position à peu près verticale dans l’eau), et la tirent lentement, tendue entre deux bateaux. Le filet se remplit ainsi progressivement de divers poissons, les rassemblant ‘de toute sorte’.

5.7.1.1 - La prise de poissons

Nous sommes frappés ici que ce sont des pêcheurs qui sont au travail, non pas un ‘homme’, ni non plus le Fils de l’homme Lui-même. Manifestement, il faut comprendre ce mot les ‘pêcheurs’ comme désignant les serviteurs du Seigneur qui jettent le filet de l’évangile dans la mer des nations (cf. Apocalypse 17:15), pour gagner des âmes pour le Seigneur. Il s’agit d’une activité typique du temps du royaume des cieux et que nous devons en aucune manière perdre de vue. La mission du Ressuscité à Ses disciples dit bien : « Allez dans tout le monde, et prêchez l’évangile à toute la création » (Marc 16:15).

Le Saint Esprit qui devait descendre sur eux, une fois l’œuvre de la rédemption accomplie, leur donnerait la force, et « vous serez mes témoins », avait-Il dit, « à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout de la terre » (Actes 1:8).

Avons-nous conscience de cette mission et de son importance ? Comment pourraient s’accomplir en pratique les conseils de Dieu en rapport avec le ‘trésor dans le champ’ et la ‘perle de très grand prix’ si les ‘poissons’ n’étaient pas effectivement tirés de la mer de ce monde ?

Par Sa mort et Sa résurrection, le Seigneur a établi la base pour cela, mais cette œuvre incombe aux ‘pêcheurs’. C’est un devoir béni, et grand. Comme « pêcheurs d’hommes » pour « prendre des hommes », peut-il y avoir un travail béni à notre époque ? Or il n’est pas confié seulement aux pêcheurs professionnels (Marc 1:16 ; Luc 5:10).

Avec le ‘filet’ qui rassemble toute sorte de poissons, il est clair que d’un côté nous avons ici, devant nous, une œuvre de l’homme (inachevée). D’un autre côté, nous y reconnaissons la bonne nouvelle s’adressant non pas seulement à une classe d’hommes particulière, mais à tous les hommes, quelque soient leur race ou leur condition sociale ; c’est la même pensée que dans la parabole du ‘semeur’. On ne trouve pas d’indication de l’exclusion d’aucune sorte de gens, ou de nation. C’est donc le résultat de la prédication de l’évangile : des ‘poissons’ de toute sorte sont rassemblés.

Cependant ce ne sont pas tous les poissons de la mer qui sont rassemblés dans le filet. Cela s’accorde avec les paroles de Jacques en Actes 15 : « Siméon a raconté comment Dieu a premièrement visité les nations pour en tirer un peuple pour son nom » (v. 14). On ne trouve dans l’Écriture ni un salut de tous les hommes ni une christianisation universelle du monde. Il est heureux que ce soit la volonté de Dieu que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité (1 Timothée 2:4). Et aucun de ceux qui iront un jour en enfer ne pourra objecter à Dieu que lui-même aurait voulu être sauvé, mais que pourtant il n’avait pas été élu de Dieu. Le résultat de la prédication de l’évangile est donc qu’une quantité limitée de poissons va dans le filet tandis que les autres restent dans la mer.

Il n’est pas non plus parlé que la pêche recommence une nouvelle fois. Bien plutôt, la totalité de l’œuvre, qui s’est étendue sur beaucoup de siècles pendant le temps de la grâce, se trouve incluse dans le cours de cette seule pêche.

5.7.1.2 - Le tri des poissons

Mais voilà que l’activité des pêcheurs change, et on passe manifestement à la fin de la période, un temps de crise : « … quand elle [la seine, ou : filet] fut pleine, ils la tirèrent vers le rivage ». Je ne doute point que par les mots « quand elle fut pleine », le Seigneur faisait allusion aux derniers jours du temps de la grâce. Déjà avant la mort du dernier apôtre la dernière heure avait commencé. Le fait que plusieurs antichrists soient apparus, était pour l’apôtre Jean une preuve suffisante que la dernière heure était déjà là (1 Jean 2:18). L’apôtre Paul parle aussi des « derniers jours » et il les caractérise comme des « temps fâcheux » (2 Timothée 3:1). En ce temps-là, les pêcheurs ont à faire aux poissons d’une autre manière que précédemment. Ils trouvent dans leurs filets des bons et des mauvais poissons. Et en contraste avec la parabole de ‘l’ivraie du champ’ où il fallait laisser croître l’ivraie avec le froment jusqu’à la moisson, on voit ici les pêcheurs occupés à séparer les bons poissons des mauvais.

À soit tout seul, ce point est déjà très remarquable. Cela montre clairement que l’état de mélange du bien et du mal n’est pas selon la pensée du Seigneur. Certes Il le supporte, comme nous l’avons vu, mais il n’est pas selon Sa pensée. Pour que ce soit bien clair, il fallait cette parabole. Mais le Seigneur ne le dit qu’à Ses disciples dans la ‘maison’. Ce n’est qu’à eux qu’il découvre Ses intentions véritables. Le filet avait bien amené toute sorte de poissons ensemble, des bons et des mauvais (sans valeur), comme on voit beaucoup de gens qui professent le christianisme, et parmi ces professants, certains sont authentiques, d’autres non. Le Seigneur veut faire une séparation entre eux, déjà ici-bas sur la terre. On voit donc ici les pêcheurs procéder à un examen. Ils comprennent ce que sont les poissons, lesquels sont bons et lesquels sont mauvais, et ils agissent en conséquence ; ils séparent les uns des autres.

Instinctivement on se rappelle la circonstance d’Actes 19. Comme quelques-uns des Juifs parlaient mal de la voie chrétienne et ne croyaient pas, Paul se retira d’eux et sépara les disciples (v. 9). La séparation du mal est un principe essentiel du Nouveau Testament, et même de toute l’Écriture (voir Exode 33:7 ; 1 Thessaloniciens 5:22 ; 2 Timothée 2:19 ; Hébreux 13:13 ; Apocalypse 18:4). Dans des temps de ruine et de mélange, si nous voulons jouir de la communion du Seigneur, nous devons nous purifier du mal et de ceux qui le supportent (2 Timothée 2:21). Le Seigneur ne se joindra jamais au mal. De notre côté, il est nécessaire d’avoir les sens exercés à discerner le bien et le mal et à savoir faire la différence entre les deux (Hébreux 5:14).


5.7.1.3 - Le rassemblement des bons poissons

Encore un point à la suite de ce qui précède. Les pêcheurs avaient jeté leur filet pour prendre des bons poissons. Ce sont ceux-ci qui les intéressaient. Mais leur filet a aussi pris des mauvais. Une fois celui-ci plein, ils s’asseyent (une image du soin qu’ils prennent) et ils rassemblent les bons dans des récipients (ou : vaisseaux), tandis qu’ils sortent les mauvais du filet, les jettent dehors et les y laissent. Ils s’occupent des bons, pas des mauvais. Comme habituellement les récipients sont la propriété de ceux à qui appartient aussi le filet, ce traitement des poissons jette une lumière particulière sur l’œuvre du Seigneur dans les derniers jours. Il voudrait non seulement voir les Siens séparés de toute sorte de mal, mais aussi Il voudrait les voir amenés et réunis dans des « récipients », dans des communautés locales. Pour cela Il utilise ses serviteurs, qu’Il a munis de discernement et force spirituels.

N’est-elle pas heureuse cette pensée de réunir dans des récipients ? La chrétienté peut bien se détacher de plus en plus de toutes les valeurs chrétiennes, et s’éloigner de Dieu et de l’ordre de Dieu ; elle va courir toujours plus rapidement vers l’effondrement final, l’apostasie complète de Dieu. Pourtant, avant que le jugement la frappe, les serviteurs de Christ sont à l’œuvre. Instruments dans Sa main, ils amènent les croyants dans des assemblées locales, selon ce qui correspond à Sa pensée. Même si nous n’en avons qu’une indication ici, l’enseignement sur l’assemblée dans son caractère général et son caractère local est pleinement développé plus tard dans le Nouveau Testament, spécialement dans l’épître aux Corinthiens.

Les « récipients » appartiennent au Seigneur, et Ses saints y trouvent protection et bénédiction. La parabole de ‘l’esclave fidèle et du méchant esclave’ de Matthieu 24 n’est-elle pas en heureuse harmonie avec la belle manière d’agir des ‘pêcheurs’ ici ? Le Seigneur a du ‘personnel’, et Il prend soin de ceux qui appartiennent à Sa maison. C’est pourquoi Il a établi un esclave sur son personnel, pour qu’en Son absence, il leur donne la nourriture convenable au moment convenable. Il apprécie tellement ce service (chrétien), qu’Il dit : « bienheureux sont ces esclaves, que le maître, quand il viendra, trouvera faisant ainsi » (Matthieu 24:45-46). Il ne s’agit pas ici de l’annonce de l’évangile, mais du soin pris envers ceux qui sont dedans — le service au vrai sens chrétien.

Dans cette parabole de Matthieu 24 dont on vient de parler, pas plus que dans celle ‘du filet et des poissons’, on ne trouve de changement des personnes. L’esclave établi par le Seigneur sur Son personnel est le même qui vit encore à la venue du Seigneur. Il en est aussi de même dans la parabole des ‘dix vierges’. Les vierges sorties au commencement sont les mêmes que celles qui, à la venue de l’époux, entrent aux noces avec Lui. Il en est de même ici. Les pêcheurs qui ont jeté le filet dans la mer, sont les mêmes qui, quand il est plein, rassemblent les bons poissons dans les récipients. Quelle leçon faut-il en retirer ? Que l’Écriture n’a déterminé aucun espace de temps important jusqu’au retour du Seigneur pour les Siens. Il vient bientôt ! Attendons-Le donc chaque jour !

Il vaut aussi la peine de noter le contraste avec la parabole de ‘l’ivraie du champ’. Cette parabole prononcée devant les foules montre une mise en botte et un rassemblement des méchants sur la terre ; ils attendent le jugement. La parabole prononcée pour les disciples montre un rassemblement des bons dans des récipients sur la terre ; ils attendent leur maître.

Naturellement, les croyants du début de l’ère chrétienne étaient aussi amenés dans des ‘récipients’. Ce n’est pas limité au temps de la fin. Mais ils n’étaient pas pris dans un ‘filet’ plein de toute sorte de poissons. Dans les premiers temps de la chrétienté, le Seigneur ajoutait ceux qui devaient être sauvés (Actes 2:47). Ils sortaient tous du monde, que ce soit le monde juif ou le monde païen, mais il n’y avait pas de monde chrétien ni christianisé. Cela rendait simple la manière d’agir, bien que de faux frères aient déjà alors trouvé l’entrée. Mais aujourd’hui le filet est pratiquement plein, et les bons poissons côtoient les mauvais. Tous ils professent Christ ; si c’est à tort ou à raison, c’est là la question. Il est donc nécessaire d’avoir une capacité de discernement spirituel pour n’amener que des bons dans les récipients. Si le Seigneur Jésus dit maintenant « quand elle [la seine ; ou : filet] fut pleine, c’est aussi lié à la pensée qu’après cela, il n’y a plus de ‘filet’ pour la chrétienté qui puisse modifier leur sort. Combien cela est sérieux !

5.7.2 - Ce que font les anges

La scène du v. 49 n’est pas quelque chose qui a directement à faire avec la parabole, car elle se termine au v. 48. Mais il a plu au Seigneur, comme dans la parabole de ‘l’ivraie du champ’, d’ajouter une explication ; dans les deux Il décrit le jugement des impies à la « consommation du siècle ». Mais rien dans Ses paroles ne suggère que ce qui se passe dans l’explication suive directement ce qui est dit dans la parabole, ni que les deux aient la même signification. Au v. 30 aussi, il n’est pas dit que la mise au feu de l’ivraie suive immédiatement. « Pour la brûler » ne fait qu’indiquer l’intention, mais non pas l’exercice du jugement selon l’expression « ils les jetteront dans la fournaise de feu » du v. 42. Dans notre parabole aussi, le rejet des mauvais poissons n’est pas suivi immédiatement de l’exercice du jugement. Dans les deux cas, le Seigneur laisse la question ouverte. Les deux scènes sont différentes et ont lieu à des moments différents : cela deviendra encore plus clair en entrant dans les détails.

Nous avons déjà vu que les pêcheurs sont d’abord occupés avec les bons poissons, les justes. Ils les rassemblent dans des récipients. Avec les mauvais poissons, ils n’ont rien d’autre à faire que de les jeter dehors. Mais à la consommation du siècle, c’est le contraire qui se passe : « les anges sortiront, et sépareront les méchants du milieu des justes, et les jetteront dans la fournaise de feu » (Matthieu 13:49-50). Les pêcheurs avaient séparés les bons poissons du milieu des mauvais (les professants sans vie), et ils les avaient mis dans des récipients. À l’inverse, les anges ne sont pas occupés des bons, mais des méchants. Ils les séparent du milieu des justes, et les jettent finalement dans la fournaise de feu. N’est-il pas clair qu’il s’agit de deux scènes différentes ?

Il s’ensuit que la parole du Seigneur « il en sera de même à la consommation du siècle » ne doit pas être interprétée avec l’explication qui suit, comme s’Il avait dit « de la même manière que décrit dans la parabole, les choses se passeront aussi à la consommation du siècle ». Bien plutôt, avec le « de même », le Seigneur amène à ce qu’Il a encore à dire, à savoir ce qui doit se passer à la consommation du siècle : « les anges sortiront… ». Cependant, entre les événements dans la parabole et dans l’explication, il y a un parallèle : les deux ont lieu aux derniers jours. Les pêcheurs développent leur activité quand le filet est plein, c’est-à-dire au moment de la fin du temps de la grâce. Les anges entrent en action quand est achevé (= consommé) le siècle dans lequel le royaume des cieux existe en mystère.

Les deux époques ne sont pourtant pas identiques. Nous devons penser que le royaume des cieux se poursuit aussi après l’enlèvement de l’église. Il y aura alors encore des saints sur la terre. Ce ne seront plus des chrétiens, mais des Juifs croyants, et des gens des nations qui croiront la prédication du royaume par les envoyés juifs. Le livre de l’Apocalypse s’occupe à partir du ch. 7 dans différents groupes de ces croyants. Il leur faudra passer par une tribulation sans pareille. De quelle manière le Seigneur les sauvera-t-Il de leurs adversaires ? Par le fait que, Lui-même, suivi de Ses armées célestes, viendra du ciel et exterminera leurs ennemis (Apocalypse 19:11 et suiv.). Que les anges soient particulièrement les exécuteurs du jugement, cela ressort clairement d’autres passages du Nouveau Testament (par exemple Matthieu 16:27 ; 2 Thessaloniciens 1:7 ; Hébreux 1:7). Si les saints jugeront le monde et même les anges (1 Corinthiens 6:2, 3), ce n’est pas à eux mais aux anges que Dieu a confié l’exercice de Ses châtiments qu’Il doit infliger sur la terre dans Sa providence et Son gouvernement. Les injustes seront donc retirés du milieu des justes et conduit pour le jugement. Les justes au contraire, entreront dans le royaume de mille ans et auront part à sa bénédiction.

Quand le Seigneur Jésus dans Son grand discours prophétique de Matthieu 24 en vient à parler de la venue du Fils de l’homme, Il leur montre le même ordre : « Alors deux hommes seront au champ, l’un sera pris et l’autre laissé ; deux femmes moudront à la meule, l’une sera prise et l’autre laissée » (Matthieu 24:40-41). Ceux qui seront « pris », seront emportés pour le jugement, tandis que ceux qui seront « laissés » seront laissés ici pour le royaume. À l’enlèvement des saints qui aura eu lieu auparavant, ce sera exactement l’inverse : ceux qui seront enlevés sont les croyants, et ils iront avec le Sauveur dans la maison du Père ; mais ceux qui resteront, sont les incrédules, et ils resteront ici, pour être jugés.

Résumons encore une fois les différents parallèles entre les paraboles de ‘l’ivraie du champ’ et du ‘filet et des poissons’, en regroupant les mots-clés. Un champ – un filet ; du froment – des bons poissons ; de l’ivraie – des mauvais poissons ; le froment et l’ivraie, les bons et les mauvais poissons – d’abord côte à côte, ensuite séparés ; dans les deux, la consommation du siècle et les anges comme exécuteurs du jugement ; le rassemblement de l’ivraie – la séparation des méchants ; dans les deux, le sort final dans la fournaise de feu, où sont les pleurs et les grincements de dents.

Quand nous considérons ces événements sérieux, nous ne voulons pas nous contenter d’un exposé aussi précis que possible, mais nous voulons laisser s’exercer sur nos cœurs l’impression reçue. Il faut nous demander : sommes-nous prêts pour la venue du Seigneur ? Sommes-nous conscients que nous vivons les derniers moments du temps de la grâce ? Nous soucions-nous de ceux qui ne connaissent pas le Seigneur et qui ne craignent pas les pleurs et les grincements de dents ? Réalisons-nous la séparation selon Dieu de toute sorte de mal ? Avons-nous un attachement particulier pour ceux qui sont dedans, et exerçons-nous notre service envers eux ? Tout ce que le Seigneur a exprimé est tout à fait pratique et utile pour nous-mêmes, et aussi pour que ce soit utile à d’autres.

5.8 - Le maître de maison

Avec la parabole du ‘maître de maison’, nous arrivons à la dernière des paraboles de Matthieu 13, la huitième. Comme souvent dans le Nouveau Testament, le huitième élément d’une série signale quelque chose de nouveau, souvent la résurrection elle-même. Ici, dans cette huitième parabole, il nous est montré une nouvelle sorte de « scribe » (*) sur le terrain de la résurrection.

(*) Note du traducteur : Le terme « scribe » a été utilisé comme dans la version JN Darby de la Bible. L’auteur de l’article utilise l’expression « instruit dans l’écriture ».

« Jésus leur dit : Avez-vous compris toutes ces choses ? Ils lui disent : Oui, [Seigneur]. Et il leur dit : C’est pour cela que tout scribe qui a été fait disciple du (*) royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui produit de son trésor des choses nouvelles et des choses vieilles » (Matthieu 13:51-52).

La question du Seigneur à Ses disciples « avez-vous compris toutes ces choses ? » donne à cette parabole une position spéciale par rapport aux paraboles précédentes de ce chapitre : elle est séparée des autres, et d’une certaine manière, elle est au-dessus d’elles, car elle les regroupe toutes. « Avez-vous compris toutes ces choses ? ». Son importance réside en ce qu’elle englobe toutes les autres paraboles. Laissons de côté la prétention quelque peu téméraire des disciples d’avoir « tout » compris. Dans Sa grâce, le Seigneur laisse subsister leur « oui », malgré qu’ils n’aient en réalité guère compris dans ce moment-là, et Il compare alors tout scribe instruit à l’égard du royaume des cieux à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses vieilles.

5.8.1 - Les scribes d’aujourd’hui

D’une part cette parabole du maître de maison n’est pas une parabole du royaume des cieux, et d’autre part elle est une parabole personnelle : « tout scribe ». Elle a ces deux points en commun avec la première des paraboles. Mais tandis que dans la première parabole, nous avons vu que le ‘semeur’ sur le ‘champ’ était Christ, nous avons ici une figure des Siens en tant qu’administrateurs fidèles dans la ‘maison’, mais considérée du point de vue de leur responsabilité et de leur activité personnelles.

Ceux qui avaient compris Ses paraboles, le Seigneur les désigne comme scribes [ou : instruits dans l’Écriture] qui ont été instruits dans le royaume des cieux, ou, selon une autre manière de traduire, qui ont été faits disciples du royaume des cieux (dans ce sens, le mot grec se retrouve en Matthieu 28:19 : « faîtes disciples »). Par cette expression, le Seigneur ne pense bien sûr pas aux scribes de Son temps, ni en général à un état spirituel ou religieux. Tout au contraire, Il désigne ceux qui sont enseignés de Dieu (Jean 6:45), ces « sages » de Daniel 12 qui « comprendraient » les mystères de Dieu (Daniel 12:3, 10). Maintenant donc, Il met de côté les scribes de Son temps, et introduit une nouvelle sorte de scribes, qui ne sont pas sur un terrain juif, mais sur le terrain de la résurrection.

En rapport avec ceci, il est intéressant de voir combien d’expressions du judaïsme ont été reprise dans le christianisme. Pensons simplement aux notions d’assemblée, de sacrificature, d’anciens, et bien d’autres encore. Ici ce sont des ‘scribes’. Ces expressions ont, dans le christianisme, une signification autre, bien plus profonde ; mais il y a plus. C’est comme si le Seigneur voulait, en les réutilisant dans l’ère nouvelle, que ce qui a échoué chez Son peuple terrestre, trouve son accomplissement chez Son peuple céleste. Nous ne pouvons donc que demander que le Seigneur veuille nous aider à occuper fidèlement et pratiquement la position dans laquelle Sa grâce nous a amenés.

Ce qui caractérise donc les ‘scribes’ de nos jours, c’est premièrement qu’ils sont initiés aux mystères du royaume des cieux, et qu’ils ont acquis par là un riche trésor de connaissance de la vérité de Dieu. Si nous repensons à la parabole du ‘trésor dans le champ’, il y a clairement un contraste béni. Dans cette dernière, c’est l’ensemble des rachetés qui constituent le trésor du Seigneur Jésus ; mais ici il s’agit du trésor de Sa vérité dans les Siens. Il la leur a confiée, Il l’a déposée en eux, et ils l’ont saisie dans leur cœur, et peuvent se réjouir de ce trésor.

Nous avons une pensée semblable en 2 Corinthiens 4:1-7, où il est parlé du trésor de la connaissance de Dieu dans la face de Christ.

5.8.2 - Administrateurs

La comparaison avec un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses vieilles, fait comprendre un second point : Le Seigneur voudrait que ceux qui possèdent quelque chose de Lui en fassent usage pour d’autres. Il ne nous a pas donné la vérité seulement pour notre usage et notre bénédiction personnelles, mais Il nous a confié une administration afin que d’autres aussi apprennent quelque chose de ce trésor. Le « c’est pour cela » avec lequel Il introduit cette petite parabole inclut manifestement la responsabilité.

La vérité divine forme toujours un tout unitaire. Cependant, elle a différentes parties et différents côtés, en sorte qu’on peut tout à fait parler de telle ou telle « vérité » particulière. C’est ainsi que le Seigneur parle ici de choses nouvelles et de choses vieilles. Il y a des vérités ou des communications de Dieu qui sont nouvelles, et d’autres qui sont vieilles.

Que Christ établisse un jour Son royaume sur la terre, en puissance et en justice, cela fait partie, par exemple, des choses vieilles ; c’était une vérité bien connue, révélée dans l’Ancien Testament. Que Christ dût souffrir et mourir, les prophètes de l’ancienne alliance l’avaient même aussi prédit, et dans cette mesure, ce n’était pas nouveau (1 Pierre 1:11). Mais que le royaume des cieux existât dans cette forme en mystère pendant le temps de Son rejet, et qu’il inclût l’assemblée, c’était quelque chose d’entièrement nouveau. Le Seigneur le leur avait annoncé maintenant sous la forme de ces paraboles, et ils devaient être désormais comme un maître de maison qui sert ses biens à ses invités.

C’est un privilège merveilleux de connaître les voies de Dieu au travers de l’Ancien comme du Nouveau Testament. Les unes comme les autres appartiennent au trésor qui nous est confié. Mais il faut que la vérité divine nous devienne premièrement précieuse à nous-mêmes avant que nous la présentions à d’autres. Et comme la Bien-aimée du Cantique des cantiques (7:13) avait gardé de tous les fruits exquis, nouveaux et anciens, pour son Bien-aimé, ainsi que le Seigneur nous aide à tirer des choses nouvelles et des chose vieilles du trésor qui nous a été confié, selon les nécessités du temps et selon les occasions — pour glorifier le Seigneur et pour la bénédiction des autres.

Pour cela, il ne fallait pas que les serviteurs du Seigneur — passons maintenant à de l’enseignement pratique — craignent d’apporter à leurs auditeurs des choses anciennes ou connues, en plus des choses nouvelles. Ce dont les saints ont justement besoin, ce n’est pas toujours des vérités les plus élevées du Nouveau Testament. Souvent, le Saint Esprit conduit le serviteur à indiquer des principes simples, déjà connus dans l’Ancien Testament. Pensons en outre à ceci : il est d’une grande valeur de se ressouvenir de ce qui est déjà connu. Les auditeurs devraient aussi prendre cela à cœur, et en tirer parti. Je ne parle pas d’un ministère de la Parole superficiel et dénué de puissance. Bien au contraire ! Mais ne devons-nous pas tous confesser qu’il y a beaucoup de vérités de la Parole de Dieu que nous connaissons bien et depuis longtemps, sans qu’elles n’aient encore exercé aucune influence sur nous ? En tout cas, l’apôtre Pierre s’appliquait à ce que les destinataires de sa seconde épître « se souviennent toujours de ces choses », bien qu’ils les connussent et qu’ils fussent affermis dans la vérité présente (2 Pierre 1:12).

5.8.3 - Parallèles

Comme le huitième ton d’une gamme musicale recommence le premier, simplement décalé d’une octave, ainsi la huitième parabole est un complément de la première et est en plein accord avec elle. On a déjà indiqué quelques parallèles entre elles. Dans les deux paraboles (le ‘semeur’ et le ‘maître de maison’), il s’agit de comment l’individu accueille la Parole de Dieu. La première nous la montre reçue dans le cœur et portant du fruit. Dans la seconde, le cœur n’est pas comparé au sol d’un champ, mais à un endroit où gît un trésor, et de ce trésor le maître de maison tire quelque chose à l’usage des autres. Porter du fruit représente le côté dirigé vers Dieu, tandis que tirer quelque chose du trésor représente le côté dirigé vers l’homme. Dans la parabole du ‘semeur’, porter du fruit consiste en ce que la Parole est reçue, comprise et gardée. La parabole du ‘maître de maison’ nous montre que le meilleur moyen de garder consiste à redonner à d’autres.

Tandis que le semeur répand son trésor sur le champ de ce monde, le maître de maison s’applique à tirer du trésor pour distribuer de la nourriture à la famille (ou : ‘maison’) et au personnel (ou : domestiques de la maison). On pourrait relier l’un surtout avec le don d’évangéliste, et l’autre avec le don de pasteur ou docteur. Sur ce point, il existe aussi un parallèle avec la parabole du ‘filet et des poissons’, où on trouve la prise de poissons et ensuite le regroupement des bons dans des récipients.

Bien que la première et la dernière parabole ne soient pas, comme nous l’avons vu, des paraboles du royaume des cieux, néanmoins elles s’y rattachent étroitement toutes les deux. La parabole du ‘semeur’ est la clef pour comprendre les mystères du royaume des cieux, tandis que la parabole du ‘maître de maison’ nous montre l’usage à faire de ces paraboles quand on les a comprises. La dernière parabole termine donc le cercle ouvert par la première.


5.9 - En résumé

Combien les paroles de notre Seigneur sont merveilleuses et divines ! Dans huit paraboles, simples mais profondes, Il nous dévoile les conseils du cœur de Dieu. Une fois armés de la connaissance des mystères du royaume des cieux, nous pouvons tranquillement et calmement apercevoir les différents développements qui se déroulent sur le grand champ de moisson. Il est vrai que le diable entre toujours en jeu pour tout corrompre ce que Dieu a produit. Dans cette mesure, le monde — mais aussi ce chapitre — est un immense et unique champ de bataille. On voit partout le conflit entre le bien et le mal, entre la puissance de Dieu et la puissance de Satan.

Mais la première grande prophétie de l’Écriture sur le Seigneur Jésus trouvera son accomplissement ultérieur comme elle a déjà été accomplie dans des parties essentielles : « et je mettrai inimitié entre toi et la femme, et entre ta semence et sa semence. Elle te brisera la tête, et toi tu lui briseras le talon » (Genèse 3:15).

N’avons-nous pas vu toujours à nouveau dans ces paraboles cette inimitié entre l’adversaire et la ‘semence de la femme’ ? Le Seigneur en parle directement dans la première et la seconde parabole (le ‘semeur’ et ‘l’ivraie du champ’), et dans la seconde, le Seigneur désigne l’adversaire comme « Son ennemi ». Mais l’influence de cette inimitié se retrouve aussi dans les autres paraboles, si nous pensons seulement au ‘grain de moutarde’ et au ‘levain’. Qui était l’instigateur de ce développement malheureux, sinon Satan ? Et que ‘l’homme’ ait dû réacquérir le champ en l’achetant d’une main étrangère pour gagner le ‘trésor’, cela nous ramène au même auteur.

Mais même si beaucoup de gens aujourd’hui se représentent le contraire, même si la méchanceté de l’homme peut beaucoup s’aggraver, et malgré toute l’inimitié de Satan, — Dieu amènera jusqu’à l’achèvement le propos de Son cœur pour la gloire de Son Fils. Même si cela paraît tarder, comme si Satan réussissait mieux que le Seigneur, la victoire décisive finale sera du côté de Celui qui est plus fort que Satan. Cela donnera donc une ‘moisson’ immensément riche. Il se réjouira éternellement du ‘trésor’ précieux et de la ‘perle’ de grand prix, et Il sera satisfait du fruit du travail de Son âme. Ils seront le reflet de Sa propre gloire jusque dans l’immense éternité.

Que le nom de notre Dieu et Père soit glorifié, Lui qui a conçu un tel plan ! Que soit haut élevé et loué le nom de Son Fils, notre Seigneur, qui dans des souffrances indicibles, a posé le fondement pour l’accomplissement du propos de Dieu.


6 - Les Paraboles de Matthieu 15 à 22

6.1 - Aveugles conducteurs d’aveugles — Matthieu 15:14

En Matthieu 15:14 le Seigneur emploie une image des scribes et des pharisiens que nous appellerions à peine une parabole à cause de sa brièveté. Mais dans le passage parallèle de l’évangile selon Luc, il est dit expressément :

« Et il leur disait aussi une parabole : Un aveugle peut-il conduire un aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous deux dans la fosse ? » (Luc 6:39).

6.1.1 - Besoin de nouvelle naissance, pas seulement d’amélioration

Certes, c’est une très petite parabole mais ce n’est pas pour autant qu’elle ne contient pas de précieux enseignements pour nous. Comme Matthieu nous le montre, le Seigneur Jésus prononce ces paroles à la suite du reproche des pharisiens aux disciples de Jésus qui mangeaient le pain sans s’être lavé les mains. Le Seigneur les dénonce comme hypocrites, car eux-mêmes transgressaient le commandement de Dieu à cause de leur tradition, et ainsi l’annulaient (Matthieu 15:1-6). Les doctrines qu’ils enseignaient au peuple n’étaient rien d’autre que des commandements d’hommes, comme le Seigneur le dit clairement à l’aide d’une citation d’Ésaïe (Matthieu 15:9). Ils commettaient l’erreur habituelle de croire qu’on peut plaire à Dieu par des choses extérieures, et ils oubliaient que même Satan peut se servir d’un système religieux (comme le leur) pour atteindre son but de faire du mal. Leur formalisme creux ne les menait pas seulement à l’hypocrisie, comme on l’observe de manière générale ; mais en rajoutant leurs règlements humains à la parole de Dieu, ils enlevaient la force à Sa sainte parole.

Tout à coup, le Seigneur se détourne d’eux et appelle la foule. C’est à celle-ci, et non aux pharisiens, qu’Il enseigne que ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, mais ce qui en sort. Le problème n’était pas le fait de manger avec des mains non lavées. Il se trouvait beaucoup plus dans le cœur méchant de l’homme et dans tout ce qui découle de cette source (Matthieu 15:19-20). Entendre cela était une pierre d’achoppement pour les pharisiens de l’époque, et il en est encore ainsi de nos jours pour l’homme religieux. On ne veut pas admettre que l’homme a une nature corrompue et que, pour cette raison, ce n’est pas d’amélioration qu’il a besoin, mais de nouvelle naissance (Jean 3:3-5). Il n’y a que l’implantation d’une vie nouvelle et divine qui peut apporter remède et salut. Ceux qui possèdent cette vie, le Seigneur les compare aux « plantes » que Son Père céleste a plantées. Les pharisiens n’en faisaient pas partie. Toutes les plantes que le Père n’avait pas plantées seraient déracinées — une image sérieuse du jugement à venir (Matthieu 15:13).

6.1.2 - Abandonnés à leurs propres voies

Après cette déclaration assez générale du verset 13, le Seigneur recommence à parler directement des pharisiens, et dit ceci aux disciples à leur sujet :

« Laissez-les ; ce sont des aveugles, conducteurs d’aveugles : et si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse. » (Matthieu 15:14)


Cette expression « Laissez-les » est extrêmement sérieuse. Ces hommes n’avaient rien d’autre à attendre que le jugement, aussi les disciples devaient les laisser, les laisser faire. Ils ne devaient pas discuter avec eux dans l’espoir d’arriver finalement à les convaincre. De façon similaire, l’apôtre Paul met le jeune Timothée en garde contre Alexandre, l’ouvrier en cuivre, qui lui avait fait beaucoup de mal : « Garde-toi aussi de lui, car il s’est fort opposé à nos paroles » (2 Timothée 4:14-15). Qu’y a-t-il de plus sérieux que Dieu abandonnant un homme et le laissant poursuivre ses propres voies ? Certes, Il rend témoignage de Lui-même à chaque homme, et cela plusieurs fois (voir Job 33:29, 30). Mais si celui-ci ne veut définitivement pas revenir, Dieu le laisse finalement aller. Ces paroles « Laissez-les ! » s’adressent également à nous aujourd’hui à l’égard de ceux qui sont des adversaires déclarés de la vérité.

À quoi sert-il de discuter sur des questions de doctrine avec quelqu’un qui est encore spirituellement mort, et qui est peut-être un opposant déclaré à la vérité ? Ce n’est pas seulement inutile, mais c’est même dangereux. Dans le Sermon sur la montagne, le Seigneur Jésus avertit Ses disciples de ne pas donner ce qui est saint aux chiens, ni de jeter les perles aux pourceaux, « de peur qu’ils ne les foulent à leurs pieds, et que, se retournant, ils ne vous déchirent » (Matthieu 7:6). Il ne faut pas tendre la main à un mauvais usage de la grâce.

6.1.3 - L’état d’aveuglement

Avant de nous occuper des conducteurs religieux d’Israël, nous aimerions jeter un coup d’œil sur ceux qu’ils enseignaient. Le Seigneur jugeait que, dans l’ensemble, les Juifs étaient des « aveugles », — aveugles quant à eux-mêmes et aveugles quant aux pensées de Dieu. C’est vraiment un jugement sérieux ! Comme nous le verrons plus tard, cela n’implique rien moins, pour ces Juifs, que de partager plus tard le sort terrible de ceux qui les enseignaient. Le jugement des pharisiens sur leur propre peuple était pourtant méprisant : « cette foule qui ne connaît pas la loi est maudite » (Jean 7:49). Quel orgueil émane de ces paroles !

Outre la propre justice, cet orgueil était l’un des caractères principaux des conducteurs religieux. Dans la parabole du « pharisien et du publicain », le Seigneur place ces deux caractères l’un à côté de l’autre : ces gens mettaient leur confiance en eux-mêmes, se croyant justes ; et ils méprisaient les autres (Luc 18:9). Ils avaient pourtant pris parmi le peuple d’Israël la position de docteurs [enseignants], et selon l’expression du Seigneur, ils s’étaient « assis dans la chaire de Moïse » (Matthieu 23:2). Ils se croyaient compétents et seuls autorisés à prendre des décisions quant à toutes les questions religieuses. Cette prétention venait de ce qu’ils possédaient les rouleaux de la Loi, et qu’ensemble avec les scribes, ils prenaient soin du texte sacré et veillaient à son respect et à son maintien. Étant instruits dans la loi, ils osaient se faire conducteurs d’aveugles (Romains 2:19). Dans les synagogues, ils enseignaient le peuple, et exposaient en détails les dispositions de la loi.

Cela ne veut pas dire qu’ils les avaient comprises. Certes ils pensaient les avoir comprises, mais le Seigneur Jésus dit qu’ils étaient des aveugles conducteurs d’aveugles. Celui qui comprenait réellement les Écritures, devait reconnaître qu’elles rendent témoignage de Lui, et venir à Lui pour avoir la vie éternelle (Jean 5:39, 40). Mais ils ne venaient pas à Lui, et cela montre qu’ils n’avaient pas compris les Écritures, qu’ils étaient aveugles.

6.1.4 - Origine et jugement de cet aveuglement

Cet aveuglement spirituel n’était pas seulement un simple hasard malheureux ; ce n’était pas non plus seulement l’aveuglement naturel de l’homme à cause de son état de péché. Non, c’est parce qu’ils croyaient voir, qu’ils étaient véritablement aveugles (Jean 9:39-41). Nous traiterons ces versets de manière plus détaillée quand nous nous occuperons de la parabole de « la porte des brebis » en Jean 10. En tout cas, les pharisiens avaient refusé de « voir », et pour cela, eux qui voyaient (c’est-à-dire qui croyaient voir), ils allaient devenir aveugles. C’était un jugement de la part du Seigneur. Ils préféraient les ténèbres à la lumière (Jean 3:19), et ainsi s’accomplissait en eux la prophétie de Sophonie 1 (1:17) : « Et je ferai venir la détresse sur les hommes, et ils marcheront comme des aveugles ; car ils ont péché contre l’Éternel ; et leur sang sera répandu comme de la poussière, et leur chair comme de la fiente ». Être condamné à l’aveuglement — quel jugement sérieux ! Il commence déjà au temps actuel, et a des conséquences éternelles.

Il est presque effrayant de constater le nombre de fois, et la manière dont le Seigneur Jésus qualifie d’aveugles ces conducteurs spirituels dans Son discours de Matthieu 23. « Malheur à vous, guides aveugles ! » (23:16) ; « fous et aveugles ! » (23:17) ; « aveugles ! » (23:19) ; « guides aveugles ! » (23:24) ; « pharisiens aveugles ! » (23:26). S’ils avaient eu des yeux oints par l’Esprit, ils auraient été gardés de tomber dans la fosse. Mais comme ils croyaient voir, ils étaient en réalité aveugles, et ce sort tomberait justement sur eux. « Si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse ». Ainsi cette petite parabole se termine par cette allusion au jugement à venir qui porterait aussi bien sur les conducteurs que sur ceux qui étaient conduits.

Ne pouvons-nous pas appliquer cette parabole au temps actuel et aux différents états dans la chrétienté ? Très certainement ! Aujourd’hui comme autrefois, le « dieu de ce siècle », Satan, aveugle « les pensées des incrédules pour que la lumière de l’évangile de la gloire du Christ ne resplendît pas pour eux » (2 Corinthiens 4:4). Mais quel jugement tombera sur ceux qu’il peut utiliser comme conducteurs spirituels pour opérer cet aveuglement ! Ceci ne place-t-il pas sur nous cette grande responsabilité de ne pas déformer la parole de Dieu, mais de présenter simplement la vérité devant les consciences des gens ?

6.1.5 - La grâce envers les aveugles

Nous ne voulons cependant pas terminer le commentaire sur cette petite parabole sans présenter la grâce de Dieu qui peut agir malgré tout. Saul de Tarse était aussi un pharisien, et même un persécuteur de l’assemblée. Pourtant Dieu lui a ouvert les yeux, les yeux du corps comme les yeux spirituels (Actes 9:12-18). Et non seulement cela, mais le Seigneur qui lui était apparu l’envoya vers d’autres, vers les nations, « pour ouvrir leurs yeux, pour qu’ils se tournent des ténèbres à la lumière » (Actes 26:17, 18).

Tandis que dans notre parabole les aveugles sont égarés par des aveugles, et finissent ensemble dans la fosse, les esclaves de la parabole du « grand souper », sur l’ordre du maître de la maison, amènent entre autres des aveugles trouvés dans les rues et les ruelles de la ville (Luc 14:21). Eux aussi conduisent des aveugles, mais ils ne sont pas des aveugles conducteurs d’aveugles. Et où finit leur chemin commun ? Dans la salle de fêtes du Maître ou — selon la présentation correspondante de Matthieu 22 — dans la salle des noces du roi. Si le Seigneur amène à Lui de tels aveugles, ne peut-on pas penser qu’Il leur a d’abord ouvert les yeux avant qu’ils prennent place à Sa table ? Le prophète Élisée nous en donne un bel exemple. Quand il accompagna à Samarie les Syriens ennemis frappés d’aveuglement, il pria : « Éternel, ouvre les yeux à ces hommes, afin qu’ils voient. Et l’Éternel ouvrit leurs yeux, et ils virent… » Et alors un grand repas leur fut préparé (2 Rois 6:19-23).

Quel triomphe de la grâce de Dieu ! Malgré l’aveuglement moral croissant des hommes, ce triomphe de la grâce se poursuit encore de nos jours.

6.2 - Le ciel rouge, le nuage à l’ouest et le vent du midi — Matthieu 16:1-4 — Luc 12:54-56

Deux fois, dans Ses discours, le Seigneur Jésus se réfère aux « signes du ciel », c’est-à-dire à l’aspect du ciel, au moyen desquels les habitants de Palestine avaient l’habitude de prédire le temps qu’il fait. En Matthieu 16, Il parle du ciel rouge, le soir et le matin (16:2, 3), et en Luc 12 il met en contraste un nuage à l’ouest avec le vent du midi. La question se pose de savoir s’Il se servait de ces images seulement par comparaison, ou bien s’Il voulait leur en faire dire plus — autrement dit, comportent-elles une signification symbolique ? Nous croyons que la seconde pensée est la bonne, car en Matthieu 13 il est dit : « Jésus dit toutes ces choses aux foules en paraboles, et sans parabole il ne leur disait rien » (Matthieu 13:34). Nous ne pouvons pas non plus admettre que le Seigneur choisissait Ses illustrations superficiellement ou sans intention particulière.

Jetons d’abord un coup d’œil sur le contexte où se trouve la parabole du ‘ciel rouge’.

6.2.1 - Ceux qui exigeaient des signes

Le début du ch. 16 montre quelque chose d’extraordinaire : pour la première fois les pharisiens et les sadducéens s’associent pour attaquer ensemble le Seigneur Jésus (ces groupes ou sectes étaient ennemis acharnés l’un de l’autre en matière de politique et de religion). Les pharisiens étaient la plus rigoureuse de toutes les sectes religieuses du peuple juif. C’était des ritualistes, faisant rigoureusement attention à l’observation extérieure et littérale de la loi — et non pas seulement de la loi, mais aussi des traditions qu’ils y avaient eux-mêmes ajoutées. Au chapitre précédent, le Seigneur avait démasqué les pharisiens comme étant des hypocrites. Nous nous sommes occupés de ce sujet dans la parabole des ‘aveugles conducteurs d’aveugles’.

Leurs adversaires déclarés étaient les sadducéens. Ils se positionnaient comme un mouvement d’opposition ou de réforme contre le pharisaïsme, et niaient tout surnaturel — tout ce qui ne peut pas être expliqué par la raison humaine. C’était les libres-penseurs et rationalistes du peuple juif. N’est-il pas caractéristique que ces deux partis directement opposés l’un à l’autre et ennemis (dans leur principe, on les retrouve de notre temps), se trouvaient réunis pour tenter le Seigneur ? Qu’est-ce qui les unissait, sinon leur haine commune contre le Seigneur Jésus ? Ils intervenaient donc comme un groupe uni, ce que souligne, dans notre verset 1, l’article commun [dans l’original grec] aux deux noms ‘pharisiens’ et ‘sadducéens’ : les pharisiens et sadducéens. Mais le Seigneur met à nu leur ignorance et leur méchanceté. Ce qui est grave dans cette affaire, c’est que le Seigneur ne les enseigne plus ni ne les avertit plus ; et quand ils cherchent un signe, ils obtiennent un avertissement.

Ils lui demandent s’Il pourrait leur montrer un signe du ciel. Déjà au ch. 12:38, les scribes et les pharisiens étaient venus Lui réclamer « Maître, nous désirons voir un signe de ta part ». Nous avons déjà exprimé quelques pensées sur ce sujet en rapport avec la parabole de ‘l’esprit immonde’. Mais cette fois-ci, ils demandaient de Lui un signe du ciel. Un signe peut être un miracle, ou toute autre action extraordinaire ; il signifie toujours quelque chose, et signale une révélation particulière sur soi-même. Ici, Jésus devait prouver par un signe qu’Il était le Messie envoyé par Dieu à Son peuple. Le fait qu’ils demandaient maintenant un signe venant du ciel, démontre combien grande était la suspicion et l’incrédulité de ces conducteurs juifs contre Lui.

Il y avait effectivement eu de tels signes en Israël, par exemple quand Josué avait fait arrêter le soleil et la lune (Josué 10:12 et suiv.), ou quand Élie avait fait descendre le feu du ciel (1 Rois 18:36 et suiv.), ou quand, à la suite de la prière de Samuel, un fort tonnerre avait mis en déroute les Philistins (1 Samuel 7:9 et suiv.). Le raisonnement des pharisiens et sadducéens semble avoir été que, du fait que le Messie devrait être plus grand que tous les prophètes et que Moïse lui-même, Il se devait d’accomplir des signes dont la grandeur et la majesté laisseraient dans l’ombre tous les autres signes opérés jusqu’alors. C’est la raison pour laquelle ils voulaient maintenant voir un signe venant du ciel.

Mais on ne vient pas à bout de l’incrédulité par des signes et des miracles. On voit toujours cela se répéter dans l’Écriture. Les signes opérés par Moïse devant le pharaon avaient-ils pu atteindre le cœur endurci de ce roi ? La logique de l’incrédulité se révèle toujours comme de la folie. Même l’homme riche en hadès était d’avis que ses frères viendraient à la foi si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts : « Je te prie donc, père, de l’envoyer dans la maison de mon père, car j’ai cinq frères, en sorte qu’il les adjure ; de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de tourment. Mais Abraham lui dit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent. Mais il dit : Non, père Abraham ; mais si quelqu’un va des morts vers eux, ils se repentiront. Et il lui dit : s’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seront pas persuadés non plus si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts » (Luc 16:27-31). L’incrédulité trouvera toujours un moyen d’éliminer un miracle par une explication quelconque. Voltaire avait dit une fois : « Si on faisait publiquement, sur la place du marché, un miracle devant mille témoins ayant du bon sens, je me méfierais plutôt de mes sens que de reconnaître un miracle ». C’est le point-clé : on ne veut pas croire. Il en était de même au temps du Seigneur. Supposons que le Seigneur ait accédé au désir des pharisiens et leur ait donné un miracle venant du ciel : qu’est-ce qui les aurait empêchés de prétendre sans hésiter qu’Il l’avait accompli avec l’aide de Béelzébul, le chef des démons ? C’est pourquoi Il ne leur accorde aucun signe du ciel. Par contre, Il leur donne un sérieux avertissement. Certes Il le revêt de la forme d’une parabole où Il parle de signes du ciel. Ceux-ci Lui servent à leur tour de symboles des signes des temps qu’il était si crucial, pour Ses auditeurs, de reconnaître et d’apprécier.

6.2.2 - L’avertissement du Seigneur

 « Mais lui, répondant, leur dit : Quand le soir est venu, vous dites : Il fera beau temps, car le ciel est rouge ; et le matin : Il y aura aujourd’hui de l’orage, car le ciel est rouge et sombre. Vous savez discerner l’apparence du ciel ; et ne pouvez-vous pas discerner les signes des temps ? » (Matthieu 16:2-3).

En Palestine, quand le ciel est rouge le soir, c’est que le vent a chassé les nuages et la brume vers l’ouest sur la Méditerranée, et qu’alors le soleil se couche rouge, derrière eux. C’est en général un signe annonciateur de beau temps le jour suivant, car dans ce pays, la pluie vient de l’ouest, de la mer, non pas de l’est. Inversement, si le ciel est rouge le matin, c’est que le vent a entraîné les nuages et la brume pendant la nuit au-dessus du pays, en sorte que le soleil se lève rouge, derrière eux. Cela fait s’attendre à un temps pluvieux et orageux. Les pharisiens et les sadducéens comprenaient tout cela bien sûr. Pourtant, il y a un accent d’ironie triste dans les paroles du Seigneur, quand Il dit : « Vous savez discerner l’apparence du ciel ; et ne pouvez-vous pas discerner les signes des temps ? » (Matthieu 16:3). Marc nous dit qu’à cette occasion le Seigneur soupira en Son esprit (Marc 8:12). Il Lui était douloureux que ces gens ne soient pas capables de discerner les signes des temps. Mais cela montre clairement que derrière l’image qu’Il utilisait, il y avait un sens plus profond. Qu’étaient donc ces signes des temps ?

Par la miséricorde de Dieu, l’Orient d’en haut les avait visités, afin de luire sur ceux qui étaient assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, pour conduire leurs pieds dans le chemin de la paix (Luc 1:78-79). Il vint chez les Siens, et les Siens ne L’ont pas reçu (Jean 1:11). Aussi le ‘soir’ de sa présence s’approchait rapidement. Il allait bientôt mourir à la croix de Golgotha. Par cela, la ‘lumière du monde’ allait disparaître derrière l’horizon de ce monde, mais ce ne serait cependant pas sans faire paraître un signe dans le ciel. Nous tous qui avons appris par la foi la signification du ciel rouge, c’est-à-dire de la mort du Seigneur, nous savons que le matin d’un jour nouveau va se lever, un matin sans nuages (2 Samuel 23:4). Et il n’y a pas que cela. Nous savons déjà aujourd’hui ce qu’est le « beau temps » : nous nous réjouissons de la faveur de Dieu, nous avons la paix avec Dieu et nous nous reposons dans la communion avec le Père et Son Fils Jésus Christ. Quelle part bienheureuse !

Combien pourtant sont nombreux les gens qui, alors comme aujourd’hui, n’ont pas compris, par la foi, la signification du ‘ciel rouge le soir’ ! Bien que le Seigneur ne se soit pas laissé sans témoignage, et ait en quelque sorte coloré en rouge le ciel par Sa mort, leurs yeux sont malgré tout restés fermés devant cela.

Que c’est effrayant : pour eux, il n’y a pas de ‘beau temps’, pas de bénédiction ‘au matin’ ; ils n’ont pas de promesses et ne verront jamais la vie éternelle. Au contraire ! Le même ‘soleil’ qui s’est autrefois couché rouge sur Golgotha, se lèvera rouge dans un jour à venir, et apportera la tempête du jugement sur les impies, sur toute la terre. Ne comprenons-nous pas que le Seigneur ait soupiré profondément dans Son esprit à cette pensée ? Ce n’était pas seulement parce qu’une génération méchante et adultère demandait un signe, mais Son cœur était plein de douleur au vu du ciel rouge et sombre qu’Il voyait venir en Esprit, accompagné de malheur terrible pour tous ceux qui auront laissé passer, sans l’utiliser, le jour de la grâce.

C’est ainsi que cette petite parabole parle de la mort du Seigneur et de Son retour en puissance et en gloire. Mais qu’il est effrayant que ce signe des temps n’ait pas été compris par les pharisiens du temps du Seigneur, et qu’il ne soit pas mieux compris par beaucoup de gens d’aujourd’hui !

Cependant, avant que le Seigneur abandonne Ses adversaires et s’en aille, Il leur dit encore une fois qu’il ne leur sera donné aucun autre signe que le signe de Jonas. Or ce signe ne serait que le jugement qui les atteindrait, encore aggravé. Jonas était une figure de Christ — un homme qui est sorti de la mort et a prêché aux nations. Mais cela implique la mise de côté temporaire d’Israël, jusqu’à ce que le nombre complet [la plénitude] des nations soit entré (Romains 11:25).

En outre, il y a ici un exemple évident de ce que le Seigneur a prononcé les mêmes paroles en plusieurs occasions différentes (comparer Matthieu 12:39). Il a fait cela à plusieurs reprises, et c’est ce qui fait que beaucoup de prétendues contradictions se réduisent ainsi à rien.

6.2.3 - Les nuages de l’ouest et le vent du sud

Avant de quitter notre sujet, nous voulons donner rapidement un coup d’œil à la parabole parallèle de Luc 12 :

« Et il dit aussi aux foules : Quand vous voyez une nuée se lever de l’occident, aussitôt vous dites : Une ondée vient ; et cela arrive ainsi. Et quand vous voyez souffler le vent du midi, vous dites : Il fera chaud ; et cela arrive. Hypocrites ! vous savez discerner les apparences de la terre et du ciel, et comment ne discernez-vous pas ce temps-ci ? » (Luc 12:54-56).


Le Seigneur utilise ici un autre « signe du ciel » : un nuage montant de l’ouest et d’autre part le vent du sud [= du midi]. Le nuage montant de l’ouest amène la pluie, comme nous l’avons déjà vu, tandis que le vent du sud suscite la sécheresse et la chaleur.

La pluie est, sans exception dans l’Écriture, une image de la bénédiction. Comparer seulement les versets bien connus d’Hébreux 6 : « Car la terre qui boit la pluie qui vient souvent sur elle, et qui produit des herbes utiles… reçoit de Dieu de la bénédiction » (Hébreux 6:7 ; comparer Lévitique 26:4 ; Deutéronome 11:11, 14, 17). Mais la ‘pluie’, dans l’Ancien Testament, renvoie aussi symboliquement et directement au Seigneur Jésus, le Messie du peuple d’Israël. C’est ainsi que le Psaume 72 parle de Lui : « Il descendra comme la pluie sur un pré fauché, comme les gouttes d’une ondée sur la terre » (Psaume 72:6). Et Salomon a ainsi parlé du plus grand que lui : « Dans la lumière de la face du roi est la vie, et sa faveur est comme un nuage de pluie dans la dernière saison » (Proverbes 16:15).

Ainsi nous ne faisons pas fausse route en admettant que le Seigneur parlait en premier lieu de Lui-même dans cette petite parabole. « Ce temps-ci » que les Juifs d’alors ne comprenaient ni ne discernaient, était le temps de Sa présence, et il était comme une ondée sur une terre sèche. C’est de ce temps que les prophètes de l’ancienne alliance avaient prophétisé. Maintenant leurs prophéties s’étaient accomplies, le roi Lui-même était venu au milieu d’eux, et déversait Ses bénédictions sur eux. Malgré cela, ils ne l’avaient pas reconnu et ne voulaient pas le reconnaître.

C’est la raison pour laquelle le Seigneur les qualifie ‘d’hypocrites’, et qu’après la ‘pluie’ il mentionne la venue du ‘vent du sud’. Venant des déserts brûlant du sud, il apporte généralement une chaleur (*) torride sur le pays. N’était-ce pas aussi un signal sérieux du jugement qui allait venir sur eux s’ils Le rejetaient, et « ne connaissaient pas le temps de leur visitation » (Luc 19:44) ?

(*) En Jacques 1:11 ce mot « chaleur » est utilisé pour l’ardeur du soleil qui dessèche tout.

Si nous appliquons tout cela à nous et à notre temps, ne devons-nous pas dire que nous vivons aujourd’hui dans un temps spécial de bénédiction, le temps de la grâce ? Dans ce temps, Dieu fait annoncer par Ses serviteurs l’évangile de Jésus Christ, comme jamais auparavant, et comme cela ne sera jamais répété. Celui qui accepte par la foi ce témoignage, Il le bénit, non pas seulement de bénédictions terrestres comme Israël en avait la promesse, mais « de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Éphésiens 1:3). Mais si les efforts de l’Esprit de Dieu pour amener des pécheurs au Sauveur, restent sans fruit, si le ‘pays’ qui reçoit la ‘pluie’ porte des épines et des chardons, au lieu de fruit pour Dieu, alors la malédiction est proche pour lui, et sa fin est d’être brûlé (Hébreux 6:7-8).

Qu’est-ce que le ‘pays’ ? c’est ce domaine où Christ a été connu et pourtant rejeté : la chrétienté. Le Seigneur Jésus ne va pas seulement anéantir bientôt ‘l’homme de péché’ par le souffle de Sa bouche, mais le ‘vent du sud’ atteindra de sa chaleur torride tous ceux qui auront plutôt cru le père du mensonge, et qui n’ont pas reçu l’amour de la vérité (Comp. 2 Thessaloniciens 2:8-12).

Combien sont sérieux les contrastes que le Seigneur signale dans ces deux petites paraboles : le beau temps / le temps d’orage — la pluie / la chaleur ! Nous avons vu un petit peu ce qui est caché derrière ces mots. Alors demandons-nous : quelle sera notre part ? Avons-nous ajouté foi à l’évangile de Dieu touchant Son Fils, ou nous sommes-nous contenté d’une profession creuse de christianisme ? Avons-nous reconnu et compris les signes du temps, que le juge se tient à la porte (Jacques 5:9) ?

À l’horizon de ce monde, on voit déjà les éclairs, les signes avant-coureurs du jugement qui vient. Le merveilleux temps de la grâce va prendre fin, vraisemblablement très bientôt. En sommes-nous conscients, chers amis, ou le Seigneur doit-Il nous demander : « comment se fait-il que vous ne discernez pas ce temps-ci ? »

6.3 - La brebis égarée [dans les montagnes] — Matthieu 18:1-14 (surtout 18:10-14)

La Parabole de « la brebis égarée » en Matthieu 18 ressemble beaucoup à celle de « la brebis perdue » de Luc 15, mais le contexte dans lequel le Seigneur a donné ces deux paraboles est tout autre. En Matthieu 18, Il place un petit enfant (*) « au milieu d’eux » pour montrer à Ses disciples l’état d’esprit approprié au royaume des cieux. Et même si à partir du verset 6, Il parle en général des « petits », des « insignifiants » qui croient en Lui, en pensant ainsi à ceux dont on fait peu cas parmi les Siens, Il revient aux versets 10 et 14 sur ceux qui sont littéralement des petits enfants. Même s’Il ne délaisse pas l’usage du terme « les petits » utilisé précédemment, le contexte montre clairement qu’Il a en vue ici exclusivement les petits enfants. De cette manière le petit enfant ne Lui a pas seulement servi d’image d’humilité pour les disciples, mais Il en profite pour faire deux constatations de grande portée en rapport avec les petits enfants. La première est liée à la question suivante :

(*) Le terme grec paidíon désigne aussi bien un nouveau-né, un bébé (Hébreux 11:23) qu’un petit enfant ou un jeune enfant (Matthieu 2:8, 11 ; 11:16). La frontière entre les deux n’est pas déterminée.

6.3.1 - Que se passe-t-il quand des enfants meurent ?

Beaucoup de parents se sont demandés avec inquiétude ce qui arrivait à leurs enfants qui mourraient en bas âge. Sont-ils perdus ou vont-ils au ciel ? Il semble que le Seigneur Jésus répond à cette question au verset 10 lorsqu’Il dit : « Prenez garde de ne pas mépriser un de ces petits ; car Je vous dis que, dans les cieux, leurs anges voient continuellement la face de Mon Père qui est dans les cieux. Car le Fils de l’homme est venu pour sauver ce qui était perdu ».

Les petits enfants ne sont pas innocents, comme beaucoup l’admettent, mais ils ne sont pas non plus endurcis par une vie de péché. Descendant d’une race déchue, ils sont pourtant perdus et ont besoin d’un sauveur. Le Fils de l’homme est effectivement venu pour les sauver, et ce n’est pas la volonté du Père qu’un seul de ces petits périsse.

Contrairement à Luc 19:10, il n’est pas parlé ici du fait de chercher. S’il faut chercher quelqu’un, c’est qu’il y a eu au préalable un éloignement volontaire de Dieu. Mais on ne peut pas dire cela des petits enfants. C’est la raison pour laquelle le Seigneur parle ici uniquement du fait d’être venu pour sauver ce qui était perdu. Quel contraste merveilleux en effet : perdu, parce qu’Adam a péché ; sauvé, parce que Jésus est mort !

Mais qu’est-ce que le Seigneur Jésus veut dire en disant que leurs anges voient continuellement la face de Son Père qui est dans les cieux ? Est-ce finalement vrai que les enfants ont un ange gardien ? L’Écriture n’en parle nulle part. Il est vrai que les anges sont des esprits administrateurs, envoyés pour servir en faveur de ceux qui doivent hériter du salut (Hébreux 1:14). Mais cela ne concerne pas les croyants envisagés individuellement, et encore moins les enfants, comme si les croyants ou les enfants avaient chacun un ange qui lui était affecté. Les livres prophétiques de Daniel et Zacharie nous apprennent bien qu’un ange se tenait là pour un peuple. Mais l’idée qu’un ange particulier soit là pour une personne particulière, est dénuée de tout fondement dans la Parole de Dieu.

Ici, il faut certainement comprendre les anges d’une manière générale, et non pas y voir les habitants du ciel. Mis à part le fait que « ange » signifie « messager », on trouve dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament que l’ange exprime la pensée de la représentation ou suppléance : L’ange représente quelqu’un d’autre, sans que ce dernier soit présent personnellement ou dans son ensemble. C’est ainsi que nous trouvons souvent dans l’Ancien Testament « l’Ange de l’Éternel », c’est-à-dire la représentation de l’Éternel sous une forme visible et supportable pour l’homme. Les « anges des sept assemblées » en Apocalypse 2 et 3 sont également considérés comme des représentants des rassemblements locaux dans leur responsabilité.

Il y a en Actes 12 un exemple particulièrement utile d’ange vu dans ce sens. L’assemblée à Jérusalem avait fait d’instantes prières à Dieu pour Pierre emprisonné. Quand ce dernier, libéré miraculeusement, se trouva effectivement devant la porte, il frappa et fut reconnu par Rhode, mais ils ne crurent pas que c’était réellement lui. Ils le croyaient mort et dirent alors : C’est son ange (Actes 12:15). Ils pensaient apparemment à la partie représentative de sa personne — son esprit.

C’est sans doute également la signification de l’ange dans notre passage. (*) Les « anges » des petits enfants sont leurs esprits après la mort et ils voient continuellement la face du Père qui est dans les cieux. La forme verbale au présent « ils voient » facilite la compréhension. Ce temps exprime, comme ailleurs dans l’Écriture sainte, une vérité valable sur un plan général (usage absolu du présent). Le Seigneur parle d’un certain groupe ou d’une classe, et non pas d’individus, et la chose est vraie en principe pour cette classe : Ils voient la face du Père.

(*) Note Bibliquest : nous approuvons l’enseignement donné sur le sort des enfants, mais nous ne sommes pas persuadés par le sens donné par l’auteur à l’expression « leurs anges voient continuellement la face de mon Père ».

Si donc des enfants meurent à un âge où ils ne sont pas encore responsables du péché, ils ne sont pas perdus, mais sont dans le ciel, et se réjouissent de la présence de Dieu. Ceci ne concerne pas seulement les enfants de parents croyants, mais tous les enfants qui quittent tôt la terre.

Cela ne nous réjouit-il pas beaucoup que tous ces innombrables milliards de petits enfants morts pendant tous les millénaires dans les pays sous-développés ou païens, souvent dans des conditions terribles, fassent également partie du fruit du travail de l’âme de notre Seigneur ? Nous allons tous les retrouver au ciel quand nous y irons. Et s’il Lui a plu d’établir Sa louange par la bouche des petits enfants et de ceux qui tètent déjà sur cette pauvre terre, combien leur louange unie Le glorifiera un jour dans le ciel ! (Matthieu 21:16).

6.3.2 - La Parabole [de la brebis égarée dans les montagnes]

Le Seigneur se sert d’une petite parabole pour étayer ce qu’Il vient de dire en disant :

« Que vous en semble ? Si un homme a cent brebis, et que l’une d’elles se soit égarée, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf sur les montagnes, pour s’en aller chercher celle qui s’est égarée ? Et s’il arrive qu’il la trouve, — en vérité, je vous dis qu’il a plus de joie de celle-là que des quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. Ainsi, ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux, qu’un seul de ces petits périsse » (Matthieu 18:12-14).

Il est montré ici une nouvelle raison de ne pas mépriser ces petits ou ces insignifiants : Le berger et le Père en prennent soin. La première raison était que leurs anges voient continuellement la face du Père qui est dans les cieux. C’est-à-dire qu’au cas où ils mourraient ici-bas, ils continueraient à vivre en présence du Père céleste dans des conditions incomparablement meilleures. Mais maintenant nous apprenons un autre côté précieux : Chacun individuellement est précieux pour le bon Berger ; et aussi ce n’est pas la volonté du Père céleste qu’un seul de ces petits périsse. Quelle sécurité leur est ainsi donnée !

Il ne faut pas voir au verset 14 des croyants qui sont pauvres en esprit ou inférieurs en esprit ; en effet ceux-ci sont les plus grands dans le royaume des cieux (Matthieu 5:3). Ce serait en outre une affirmation comparativement faible et légère de dire d’eux, que ce n’est pas la volonté du Père qu’un seul d’entre eux périsse. Non, le Seigneur parle ici de petits au sens littéral, d’enfants.

Il en va autrement dans la parabole. Son application s’étend à toute brebis égarée, qu’elle soit jeune ou âgée. Cependant, si dans la parabole de la brebis perdue en Luc 15, il est question de pécheurs, la parabole de la brebis égarée fait plutôt penser à des croyants. C’est le contexte qui le montre clairement comme nous l’avons déjà vu : Les disciples du Seigneur devaient avoir des sentiments corrects vis-à-vis de ceux qui appartenaient au royaume des cieux.

Si donc une brebis s’égare dans les montagnes, le désir qu’Il a de son rétablissement est tel qu’Il laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes, pour s’en aller vers l’égarée, jusqu’à ce qu’Il la trouve. Et quand Il la trouve, Il a plus de joie du rétablissement de celle-là que des quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. Cela ne veut certainement pas dire que, par principe, Il a plus de joie des brebis égarées que de celles qui sont restées sur le chemin. Cela mettrait tout sens dessus dessous. Le « bon Berger » veut bien plutôt souligner toute l’importance qu’a pour Lui chacune de Ses brebis individuellement. Si une brebis s’égare, Ses soins, Sa peine pour celle-là sont si grands qu’Il fera tout pour son rétablissement et qu’Il laisse les autres brebis de côté pour un moment. Son amour pour cette seule brebis ne sera cependant jamais aux dépens de tout le troupeau ; car c’est Son désir que le troupeau ne perde aucune des siennes.

Si nous comparons les images du berger et de ses brebis en Matthieu 18 et Jean 10 nous sommes frappés par des différences remarquables. Dans l’une le bon Berger va après la brebis égarée, dans l’autre Il marche devant les brebis. Si une de Ses brebis ne veut pas Le suivre dans la vie pratique journalière, Il se voit contraint d’aller après elle, de la suivre. L’un ou l’autre de ces deux cas sera toujours le nôtre. Mais combien il est beaucoup plus béni que ce soit nous qui Le suivions, plutôt que Lui nous suive ! Si nous Le suivons, nous sommes en sécurité ; si c’est Lui qui nous suit, c’est que nous sommes en danger. Ainsi ces deux images se complètent. En Matthieu le Berger cherche Sa brebis ; en Jean 10, Il meurt pour les brebis. Mais les deux fois c’est Son amour pour elles qui en est la source.

6.4 - Le serviteur impitoyable. Matthieu 18:23-35 et Luc 7:41, 42

6.4.1 - Des dettes différentes

Il y a toute une série de paraboles qu’on peut relier les unes aux autres par le fait qu’elles utilisent les mêmes symboles, soit dans le sujet principal soit dans les détails.

La parabole du « serviteur impitoyable » de Matthieu 18:23-35 en fait partie. Il lui correspond la parabole « des deux débiteurs » de Luc 7:41,42. Dans les deux paraboles des hommes sont présentés comme débiteurs, mais le point est différent dans l’une et l’autre.

Dans la parabole de Luc 7, l’accent est mis sur la grâce souveraine de Dieu. Les deux débiteurs « n’avaient pas de quoi payer », et le créancier, dans sa miséricorde, remis la dette à l’un et à l’autre. La différence entre les deux dettes remises était relativement petite : 500 deniers / 50 deniers. Quand il s’agit des dettes des hommes vis-à-vis de Dieu, les différences ne sont pas tellement grandes. En plus elles se situent beaucoup plus dans l’idée qu’on s’en fait chacun, que dans l’absolu. Mais elles suffisent pour expliquer différentes mesures d’amour — d’un amour qui se manifeste en réponse à la miséricorde. Celui, à qui (selon son avis) il a été beaucoup pardonné, aime beaucoup ; celui à qui (selon son avis) il a été peu pardonné, aime peu.

Le but visé dans la parabole du « serviteur impitoyable » de Matthieu 18 n’est pas le même. Ici aussi, il y a deux débiteurs, mais dans ce cas, c’est la dette de l’homme vis-à-vis de Dieu qui est comparée avec la dette de l’homme vis-à-vis de son prochain ; et là, les différences de dettes sont gigantesques : 10.000 talents d’un côté, 100 deniers de l’autre côté. C’est ainsi que l’accent est mis sur le résultat que la bonté de Dieu, dont on a fait l’expérience, devrait produire dans notre comportement vis-à-vis des autres. Mais nous verrons cela de plus près. Dans les deux paraboles, le créancier est une image de Dieu.

6.4.2 - Un pardon infini

Après que le Seigneur ait donné des enseignements sur ce qui devrait se passer si un frère pèche contre un autre (18:15 et suiv.), Pierre demande combien de fois il devrait pardonner à son frère qui péchait contre lui : « Sera-ce jusqu’à sept fois ? » (18:21). C’est l’occasion pour le Seigneur de montrer l’état d’esprit qui doit dominer dans le royaume des cieux : On devrait pardonner à son frère non pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. Il insiste donc sur un pardon illimité. Pour être encore plus clair, Il ajoute la parabole du « serviteur impitoyable » :

« C’est pourquoi le royaume des cieux a été fait semblable à un roi qui voulut compter avec ses esclaves. Et quand il eut commencé à compter, on lui en amena un qui lui devait dix mille talents. Et comme il n’avait pas de quoi payer, son seigneur ordonna qu’il fût vendu, lui, et sa femme, et ses enfants, et tout ce qu’il avait ; et que le payement fût fait. L’esclave donc, se jetant à ses pieds, lui rendit hommage, disant : Seigneur, use de patience envers moi, et je te payerai tout. Et le seigneur de cet esclave-là, touché de compassion, le relâcha et lui remit la dette. Mais cet esclave, étant sorti, trouva un de ceux qui étaient esclaves avec lui, qui lui devait cent deniers ; et l’ayant saisi, il l’étranglait, disant : Paie, si tu dois quelque chose. Celui donc qui était esclave avec lui, se jetant à ses pieds, le supplia, disant : Use de patience envers moi, et je te payerai. Et il ne voulut pas ; mais il s’en alla et le jeta en prison jusqu’à ce qu’il eût payé la dette. Or ceux qui étaient esclaves avec lui, voyant ce qui était arrivé, furent extrêmement affligés, et s’en vinrent et déclarèrent à leur seigneur tout ce qui s’était passé. Alors son seigneur, l’ayant appelé auprès de lui, lui dit : Méchant esclave, je t’ai remis toute cette dette, parce que tu m’en as supplié ; n’aurais-tu pas dû aussi avoir pitié de celui qui est esclave avec toi, comme moi aussi j’ai eu pitié de toi ? Et son seigneur, étant en colère, le livra aux bourreaux, jusqu’à ce qu’il eût payé tout ce qui lui était dû. Ainsi aussi mon Père céleste vous fera, si vous ne pardonnez pas de tout votre cœur, chacun à son frère » (Matthieu 18:23-35).


L’idée des rabbins juifs était qu’on devait pardonner jusqu’à trois fois à un frère qui se repent. Pierre était prêt à aller jusqu’à sept fois. Mais le Seigneur lui répond en quelque sorte : « Combien est grande à votre égard la grâce de Dieu qui restaure ! Ne l’avez-vous pas vécu de très nombreuses fois ? Si vous vivez dans la conscience de cette grâce, alors manifestez-la aussi à l’égard des autres sans aucune limite ». « …Vous supportant l’un l’autre et vous pardonnant les uns aux autres, si l’un a un sujet de plainte contre un autre ; comme aussi le Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même » (Colossiens 3:13).

Dans le passage parallèle de Luc 17, Il ajoute encore une condition remarquable pour ce pardon réclamé : « Si ton frère pèche, reprends-le, et s’il se repent, pardonne-lui ; et si sept fois le jour il pèche contre toi, et que sept fois il retourne à toi, disant : Je me repens, tu lui pardonneras » (17:3,4). Nous avons quelquefois tendance à négliger cette condition indispensable pour tout vrai pardon : il doit y avoir repentance au sujet du mal commis, et il faut être prêt à avouer la faute, non seulement à soi-même ou à Dieu, mais aussi à celui contre qui on a manqué. En d’autres termes, le coupable doit confesser son péché à son frère. Très souvent cela n’a pas lieu, et la conséquence en est que bien des incidents fâcheux parmi les enfants de Dieu ne sont jamais vraiment réglés. Ils continuent à couver, des racines d’amertumes se répandent, et beaucoup en sont troublés et souillés (Hébreux 12:15). Ne nous trompons pas : Dieu Lui-même ne pardonne que si le péché Lui est confessé. « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1:9). Mais même si le coupable n’est pas prêt à confesser sa faute, nous devrions être toujours remplis d’un esprit de pardon, et rester ainsi en accord avec Dieu.

C’est la première chose à retenir de cette parabole. Les deux derniers versets nous révèlent ce qui arrive si nous ne le faisons pas, si nous ne pardonnons pas de cœur à notre frère. Mais nous y reviendrons quand nous aurons mieux approfondi la parabole, et que nous aurons compris les autres leçons qu’elle comporte.

6.4.3 - Un croyant peut-il perdre son salut (le pardon de ses péchés) ?

6.4.3.1 - Ce que dit l’Écriture

Certains chrétiens se fondent sur la parabole du « serviteur impitoyable » pour étayer l’idée que, dans certaines conditions, un croyant chrétien peut à nouveau perdre le pardon qu’il a reçu. Leur argument est que le roi avait remis à l’esclave la dette de dix mille talents, mais comme celui-ci a manifesté un esprit implacable, il l’a finalement livré aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût tout payé. Or dans beaucoup de passages, l’Écriture enseigne de manière claire et nette qu’un vrai enfant de Dieu ne peut plus périr :

6.4.3.2 - Deux sortes de pardon (ou : rémission) des péchés [pardon éternel, pardon gouvernemental]

Beaucoup de difficultés et d’erreurs proviennent de ce qu’on ne fait pas la différence entre les deux sortes de pardon des péchés dont parle l’Écriture. En premier lieu nous avons besoin, — et Dieu le donne, — du pardon pour les pécheurs, ou pardon éternel, c’est-à-dire le pardon en vue de l’éternité. C’est de ce pardon que parlent les passages cités ci-dessus. Dieu dit : « Je vous écris, enfants, parce que vos péchés vous sont pardonnés par son (celui de Son Fils) nom » (1 Jean 2:12). La grâce l’offre, le sang l’assure, l’Esprit de Dieu le proclame, et la foi le saisit.

Mais en second lieu, l’Écriture parle en bien des passages d’un pardon en rapport avec les voies gouvernementales de Dieu à l’égard des hommes. Le gouvernement de Dieu, ou Son action à l’égard des hommes, peut s’exercer sur Ses enfants, sur le peuple juif ou sur ceux qui professent être chrétiens. C’est justement ce dont traite notre parabole. Ce n’est ni une parabole du ciel ni de l’église, mais une parabole du royaume des cieux, c’est-à-dire du domaine de la profession chrétienne sur la terre. En outre, notre parabole ne parle pas de l’expiation du péché, mais de pardonner ou de retenir les péchés en rapport avec les voies gouvernementales de Dieu. Si nous saisissons clairement cette pensée, toutes les questions douteuses disparaissent. Considérons donc maintenant cette parabole d’un peu plus près.

6.4.4 - Signification de la parabole

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, le « roi » est une image de Dieu. L’« esclave » qui devait la somme impossible à payer de dix mille talents est une figure du peuple d’Israël. La grande dette consiste en ce qu’à la plénitude de bénédictions et de privilèges que Dieu lui a offerts pendant des siècles, le peuple d’Israël n’a répondu que par la désobéissance et la rébellion, et finalement par la crucifixion de Son Fils. Dieu était prêt à « faire les comptes », c’est-à-dire à exercer le jugement sur le peuple, et déjà la cognée [hache] était mise à la racine des arbres (Matthieu 3:10). Mais le Seigneur Jésus a prié à la croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ! » (Luc 23:34). Pierre aussi, en Actes 3:17, leur concède l’ignorance, et ajoute : « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la face du Seigneur » (Actes 3:20).

Ainsi ils avaient entendu la voix du pardon sans y prêter l’oreille et sans y ajouter foi. Bien plus ils « étranglaient » celui « qui était esclave avec eux » et qui leur devait beaucoup moins. Cela nous montre l’attitude hostile des Juifs vis-à-vis des nations, que l’apôtre Paul décrit de la manière suivante : « …Qui ont mis à mort et le Seigneur Jésus et les prophètes, et qui nous ont chassés par la persécution, et qui ne plaisent pas à Dieu, et qui sont opposés à tous les hommes, nous empêchant de parler aux nations afin qu’elles soient sauvées, pour combler toujours la mesure de leurs péchés ; mais la colère est venue sur eux au dernier terme » (1 Thessaloniciens 2:15,16 ; voir aussi Actes 13:45 ; 14:2 ; 17:5 ; 21:27). À cause de cette attitude, Dieu les a livrés aux « bourreaux », les nations où ils se trouvent jusqu’à ce jour ; et la dette qu’Il leur avait remise dans Ses voies à leur égard, Il l’a à nouveau exigée d’eux, jusqu’au temps dont parle Ésaïe : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée ; qu’elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés » (Ésaïe 40:1,2).

L’Israël incrédule ne sortira jamais de la prison, à l’inverse du Résidu croyant représenté par « Jérusalem » — et cela uniquement par la grâce de Dieu et sur la base du sacrifice de Christ.

6.4.5 - Autres applications de la parabole

Il est évident qu’on peut aussi appliquer cette parabole à quiconque entend aujourd’hui l’évangile, mais qui n’y obéit pas. Si quelqu’un a cet esprit de ne pas pardonner, selon ce que manifeste cet « esclave » [le « serviteur impitoyable »] — un esprit totalement opposé à celui du christianisme —, il n’y a alors rien qui indique qu’il soit un vrai chrétien. Mais pour nous aussi, les enfants de Dieu, cette parabole contient un enseignement profond, et un avertissement sérieux, comme le déclare le Seigneur Jésus dans le verset final : Les voies gouvernementales de Dieu envers Ses enfants sont déterminées d’après la mesure dans laquelle nous manifestons un esprit de pardon.

6.4.6 - Conclusion - Résumé

Tel est donc l’enseignement du Seigneur dans cette parabole. Rien de ce qu’Il dit ne laisse entendre qu’aucune de Ses brebis pour lesquelles Lui, le bon berger, allait donner Sa vie, pourrait en définitive quand même périr ; pas un seul mot ne nous dit qu’on peut acquérir le pardon du péché en vue de l’éternité, et quand même le perdre sous certaines conditions. Dieu, qui a jeté nos péchés derrière Son dos, qui ne s’en souvient plus, pourrait-Il un jour nous les remettre à charge, peut-être juste avant de passer dans l’éternité ? Pourrait-Il méconnaître l’œuvre de Son Fils au point de laisser périr ceux qui s’appuient sur elle par la foi, à cause de leur infidélité sur tel ou tel point ?

C’est une doctrine misérable et déplorable, œuvre de Satan, qui résulte de ce qu’on n’a pas « découpé droit » la Parole de vérité (2 Timothée 2:15). Mais Dieu soit loué : Notre rédemption repose sur notre Rédempteur, et non pas sur le racheté ou sur quoi que ce soit en nous ! Elle a son origine dans le cœur même de Dieu. Et de plus, quand on ne jouit pas du pardon des péchés comme d’un fait accompli, il ne peut pas y avoir de paix ferme (Romains 5:1), l’Esprit ne peut pas conduire dans toute la vérité (Jean 16:13), et on ne peut pas être un adorateur en esprit et en vérité (Jean 4:23). C’est pour cela que Satan s’intéresse autant à détruire la vérité. Ne lui prêtons pas l’oreille, mais faisons confiance à Celui qui est la vérité !

Mais n’oublions pas non plus l’enseignement de cette parabole, et gardons-nous d’un esprit implacable ! Dieu, dans Ses voies à notre égard, ferait retomber sur nous les conséquences d’un tel état d’esprit, qui Lui est étranger. « Mais soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant les uns aux autres comme Dieu aussi, en Christ, vous a pardonné » (Éphésiens 4:32).

6.5 - Les ouvriers dans la vigne — Matthieu 19:30 à 20:16

La parabole des « ouvriers dans la vigne » de Matthieu 20, recrutés à différentes heures du jour et recevant en fin de compte chacun un denier, est en relation directe avec ce qui est dépeint au ch. 19. Le jeune homme riche s’en alla tout triste d’auprès du Seigneur. Il n’était pas prêt à renoncer à ses richesses pour suivre le Seigneur. Le chemin à la suite de Christ était trop étroit pour lui. Combien y en a-t-il de ce genre aujourd’hui ?

6.5.1 - Récompense

6.5.1.1 - Le salut et les richesses

Les disciples, imprégnés de notions juives, considéraient les richesses comme une preuve certaine de la faveur de Dieu (voir Deutéronome 28:1 et suiv.). Au moins permettent-elles de faire beaucoup de bien. Mais si absolument personne n’est réellement « bon », si les richesses sont sans valeur pour acquérir la vie éternelle, et constituent plutôt pour cela un obstacle sérieux, « qui », voilà la question des disciples, « qui donc peut être sauvé » ? La réponse du Seigneur est très nette, presque accablante : Personne ! Il serait plus facile qu’un chameau passe par un trou d’aiguille, qu’un riche qui se confie dans ses richesses n’entre dans le royaume de Dieu. Mais Dieu soit loué : Pour Lui, toutes choses sont possibles ! Dans Sa grâce, Il ne tient pas compte de ce qu’est l’homme, s’il fait partie de la classe la plus noble ou la plus mauvaise. Le salut vient de Dieu et ne se trouve qu’auprès du Sauveur. Ainsi Dieu, dans Sa grâce infinie, appelle des hommes de toutes les couches de la société, à la fois de la maison de l’empereur et des publicains et des pécheurs.

Le jeune homme riche avait préféré ses richesses au Seigneur Jésus, et Pierre l’avait vu repartir visiblement triste. Il se permet donc de L’interroger : « Voici, nous avons tout quitté et nous t’avons suivi ; que nous adviendra-t-il donc » ? (Matthieu 19:27). La réponse du Seigneur est un encouragement des plus précieux pour tous ceux qui Le suivraient un jour : Il récompensera toute fidélité montrée envers Lui — dans un sens, déjà dans cette vie, mais à titre principal dans Son royaume à venir, dans la gloire. N’est-il pas réjouissant, même si c’est une pensée sérieuse, que notre vie et notre témoignage ici-bas aient une influence directe sur notre position future dans Son royaume ?

6.5.1.2 - 100 fois ce qu’on a laissé pour Christ

Dans la « régénération », c’est-à-dire dans le royaume messianique du Seigneur sur cette terre, les douze apôtres auront une position particulière, réservée à eux seuls. Quand le Fils de l’Homme sera assis sur Son trône de gloire, ils seront eux aussi assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël. Mais le Seigneur montre alors un principe plus vaste en rapport avec la récompense. Il concerne tous ceux qui, pour l’amour de Son nom, font passer au second plan les relations de famille et les biens terrestres : Ils recevront cent fois autant, et hériteront de la vie éternelle. En Marc 10 il est même dit que, déjà en ce temps-ci, ils recevront maisons et frères, et sœurs, et mères, et enfants, et champs, avec des persécutions, et dans le siècle qui vient, la vie éternelle (v. 29, 30). Combien de serviteurs du Seigneur ont déjà fait l’expérience de la première partie de cette promesse, dans leur service pour Lui ! Ils ont trouvé ici-bas en Christ bien plus d’amis que tous ceux qu’ils avaient perdus pour l’amour de Lui. Mais il est certain que la deuxième partie de la promesse s’accomplira elle aussi.

6.5.2 - Une grâce illimitée

Lorsque Dieu place devant nos cœurs une vérité particulière dans Sa Parole, Il met presque toujours en face de cette première vérité, une autre vérité constituant la contrepartie de la première. Bien sûr, cette contrepartie ne contredit pas la première vérité, mais bien plutôt la complète. Pourquoi Dieu fait-Il ainsi ? Parce que nous, les hommes, sommes très portés à être unilatéraux, et que dans les choses divines, il y a plus d’un côté. Plus précisément, si nous nous fixons exclusivement sur un côté déterminé de la vérité, mais que nous oublions qu’il y a encore un autre côté à considérer, nous pouvons facilement nous engager dans une direction totalement fausse, et causer du tort à l’homme intérieur.

C’est pour cela que le dernier verset du ch. 19 contient déjà un avertissement : « Mais plusieurs [ou : beaucoup] qui sont les premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers ». Cela est vrai, et demeure absolument vrai, qu’un jour le Seigneur Jésus récompensera de manière merveilleuse tout ce qui Lui a été montré comme fidélité. Mais nous pourrions trop facilement oublier que tout n’est que grâce illimitée, et que nous ne pouvons absolument rien revendiquer. Pierre attribuait peut-être beaucoup d’importance à son bateau et à ses filets, et nous sommes tous en danger de faire la même chose en principe. Or les disciples avaient réellement tout laissé et L’avaient suivi Lui. C’est cela qui compte. Ce n’est pas pour une rétribution qu’ils avaient tout laissé, mais par amour pour Lui. Et rien de ce qui est fait par un amour vrai pour Lui n’est petit aux yeux du Seigneur. Il le récompensera selon une mesure appropriée.

Mais pour que nous ne prenions pas une mauvaise orientation, et que nous ne donnions pas trop d’importance à notre travail pour Lui, le Seigneur Jésus ajoute la parabole des « ouvriers dans la vigne ». C’est une explication ou un exposé du dernier verset du ch. 19 : « Mais plusieurs [ou : beaucoup] qui sont les premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers ». Dieu est souverain également dans Sa grâce, et Il fait exactement ce qu’il Lui plait. Il ne se laisse devenir le débiteur d’aucun de nous. Et si quelqu’un, imbu de propre justice et d’autosatisfaction pense être parmi « les premiers », le jugement divin peut bien le renvoyer un jour à la place des « derniers ». C’est ce que le Seigneur développe dans la parabole qui suit, et Il montre que la récompense dans Son royaume est en accord avec le principe de la souveraineté de Dieu et celui de la grâce de Dieu.

« Car le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui sortit dès le point du jour afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Et étant tombé d’accord avec les ouvriers pour un denier par jour, il les envoya dans sa vigne » (Matthieu 20:1, 2).

Rappelons-nous encore une fois qu’il ne s’agit pas ici de l’assemblée, mais du royaume des cieux — ce domaine terrestre où l’on professe reconnaître l’autorité du Seigneur.

Le mot préliminaire « car » confirme ce qui a déjà été dit : Le dernier verset du ch. 19 fait déjà partie de la parabole, et il en constitue l’introduction ; et ce sont à peu près les mêmes paroles qui la terminent (20:16).

6.5.2.1 - Le « denier »

Un maître de maison, image de Dieu, sort au point du jour pour louer des ouvriers pour sa vigne. N’est-ce pas déjà une expression de grâce ? Certes, ici il ne s’agit pas de la grâce qui amène les pécheurs au salut (il n’est pas du tout question de cela dans notre parabole), mais c’est la grâce qui appelle des hommes à venir travailler dans Sa « vigne ». Avons-nous déjà bien pris conscience de cette grâce ? Il ne va pas du tout de soi que des personnes telles que nous sommes puissent Le servir, et qu’Il veuille nous utiliser pour faire avancer les choses de Sa « vigne » selon Sa pensée. Paul glorifiait la miséricorde du Seigneur qui s’était manifestée en établissant « dans le service celui qui auparavant était un blasphémateur, et un persécuteur, et un outrageux » (1 Timothée 1:12, 13). Ne devrions-nous pas tous pareillement glorifier la grâce de Dieu ?

Encore une brève indication sur le contrat passé pour un denier par jour. On a déjà dit et écrit bien des choses sur ce denier, et aussi de l’accord passé entre le maître de maison et les ouvriers. Du fait que finalement ils ont tous obtenu un denier, beaucoup y ont vu et y voient encore une image de la rédemption, et de la vie éternelle que tous les croyants partagent dans la même mesure. Mais cela ne peut pas être le sens, car cela voudrait quand même dire qu’on peut gagner la vie éternelle par son travail, la mériter. Or cela ne serait plus la grâce, car l’Écriture dit expressément : « Or à celui qui fait des œuvres, le salaire n’est pas compté à titre de grâce, mais à titre de chose due ; mais à celui qui ne fait pas des œuvres, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est comptée à justice » (Romains 4:4, 5). La grâce du côté de Dieu, la foi du côté de l’homme, voilà les moyens par lesquels les hommes trouvent le salut. « Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (Éphésiens 2:8, 9).

Il ne faut absolument pas chercher à mettre une signification spirituelle sur chaque détail de la parabole. Nous l’avons déjà dit au tout début de notre étude sur les paraboles. Dans une parabole, le Seigneur suit une ligne principale d’enseignement, qu’on risque justement de manquer en essayant de « spiritualiser » chaque détail, et on risque même, à la place, d’arriver à des conclusions totalement fausses. L’exemple du « denier » en est un exemple tout à fait clair. On cherche une signification spirituelle pour le « denier », et en pensant l’avoir trouvée, on tire des conclusions que l’Écriture contredit totalement. Nous pouvons en toute sécurité partir du fait que le « denier » n’a aucune signification particulière. Il représente tout simplement ce qu’on reçoit. Il en va de même pour bien d’autres détails accessoires de cette parabole : Il n’y a pas lieu de leur donner une valeur spirituelle. Ce sont bien plutôt des composants de l’image utilisée ; et si des hommes agissent de telle ou telle manière, cela ne veut pas davantage dire qu’on peut y faire correspondre directement telle action de Dieu.

6.5.2.2 - Cinq groupes d’ouvriers

« Et sortant vers la troisième heure, il en vit d’autres qui étaient sur la place du marché à ne rien faire ; et il dit à ceux-ci : Allez, vous aussi, dans la vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste ; et ils s’en allèrent. Sortant encore vers la sixième heure et vers la neuvième heure, il fit de même. Et sortant vers la onzième heure, il en trouva d’autres qui étaient là ; et il leur dit : Pourquoi vous tenez-vous ici tout le jour sans rien faire ? Ils lui disent : Parce que personne ne nous a engagés. Il leur dit : Allez, vous aussi, dans la vigne (*) » (Matthieu 20:3-7).

(*) Note Bibliquest : la traduction JND ajoute ici : « et vous recevrez ce qui sera juste ». Cette phrase manque dans les meilleurs manuscrits selon l’auteur (voir ci-après).

Il n’y a en tout cas pas de conclusion spirituelle à tirer du fait que le maître de maison a vu sur la place du marché d’autres ouvriers en train de ne rien faire. Nous montrer que ces gens passaient leur temps à ne rien faire avant d’être appelés, n’est pas du tout dans la ligne d’enseignement que le Seigneur veut nous donner. Nous devons par contre manifestement apprendre la chose suivante : Dieu, dans Sa grâce souveraine, appelle des ouvriers dans Sa vigne tout le long de la « journée », même encore à la « onzième heure ». N’est-ce pas une grâce insondable ? Il y en a qu’Il juge dignes de porter tout le faix et la chaleur du jour, et d’autres qui peuvent encore accomplir un travail relativement petit pour Lui, peu avant la fin du temps de la grâce ou la fin de leur vie. Dieu ne se laisse pas priver du privilège d’agir justement de cette manière. Il est superflu de dire que les uns comme les autres ont autant besoin de Son appui. L’œuvre de Dieu doit être faite en tout temps, et un service tardif vaut mieux que pas de service du tout.

Le Seigneur nous montre en tout cinq groupes d’ouvriers :

Le premier groupe sort dans la vigne au point du jour, après avoir convenu avec le maître de maison d’une rémunération d’un denier pour la journée.

Le deuxième groupe sort dans la vigne à la troisième heure. Ces ouvriers s’en remettent entièrement, pour le salaire, à la promesse du maître de maison : « Je vous donnerai ce qui sera juste ».

Le troisième groupe sort dans la vigne à la sixième heure, et le quatrième groupe à la neuvième heure. Comme ceux du deuxième groupe, ces ouvriers se confient aussi entièrement à la justice et à la bonté du maître de maison.

C’est à la onzième heure que le cinquième groupe sort dans la vigne. Ces ouvriers n’ont aucune promesse de la part du maître de maison ; car le complément « je vous donnerai ce qui sera juste » du verset 8 manque dans les meilleurs manuscrits. Ils vont donc dans la vigne sans la moindre assurance d’avoir un salaire.

Si nous comparons ces cinq groupes entre eux, on est frappé de la progression croissante (ou décroissante, selon le point de vue où l’on se place) : On commence par un accord solide sur le salaire, puis de là, on passe à une promesse libre. Dans le troisième et le quatrième groupe, cette promesse n’est même plus mentionnée expressément (on trouve simplement que le maître de maison « fit de même »). Et finalement, pour le dernier groupe, il n’y a même plus aucune promesse de récompense. Les premiers ouvriers s’appuient sur le contrat passé avec le maître de maison. Les suivants, par contre, manifestent leur confiance envers le maître de maison, et plus précisément leur confiance en Sa justice (« ce qui sera juste »). Les derniers ouvriers font preuve d’une confiance encore plus profonde : Sans avoir la moindre promesse de rien, ils s’appuient uniquement sur la bonté de celui qui les a appelés.

En considérant cette image, il ne faut pas imaginer que Dieu s’entendrait à l’avance sur la récompense à attendre par certains de Ses serviteurs. Ce serait en tout cas entièrement contraire à l’Écriture, une erreur absolue. Dieu ne met pas des ouvriers à Son service en vue d’une récompense. Mais il y a une leçon profonde pour nous dans l’abandon progressif de la prétention à des droits, et dans la confiance croissante dans le Seigneur. Dieu ne veut pas que nous travaillions d’une manière légale en vue d’un salaire. « Vous servez le Seigneur Christ » (Colossiens 3:24). — C’est Lui qui est l’objet de l’amour et du service des Siens. La récompense est simplement un encouragement pour celui qui est déjà en train de servir. Elle n’est pas le réel motif pour le service. Plus nous apprenons cela, plus nous serons en harmonie avec Ses pensées.

Ainsi le premier groupe d’ouvriers nous révèle deux principes importants. D’un côté Dieu agit dans tous les cas de manière juste, et Il tient parole. De l’autre côté, un esprit légal aboutit à ce qu’un jour, on se retrouve parmi les derniers. Nous allons voir cela tout de suite.

6.5.2.3 - Les derniers deviennent les premiers

« Et le soir étant venu, le maître de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers, et paye-leur leur salaire, en commençant depuis les derniers jusqu’aux premiers. Et lorsque ceux qui avaient été engagés vers la onzième heure furent venus, ils reçurent chacun un denier ; et quand les premiers furent venus, ils croyaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun un denier. Et l’ayant reçu, ils murmuraient contre le maître de maison, disant : Ces derniers n’ont travaillé qu’une heure, et tu les as faits égaux à nous qui avons porté le faix du jour et la chaleur. Et lui, répondant, dit à l’un d’entre eux : Mon ami, je ne te fais pas tort : n’es-tu pas tombé d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui est à toi et va-t’en. Mais je veux donner à ce dernier autant qu’à toi. Ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux de ce qui est mien ? » (Matthieu 20:8-15).

« Et le soir étant venu » — quelles paroles consolantes ! Le moment arrivera où tout le travail et la peine sur la terre seront finis pour toujours. Comme l’esclave en Luc 17:7, nous allons « revenir des champs », et le travail journalier aura pris fin. Alors le jour éternel du repos sabbatique de Dieu commencera pour nous. Ce repos sabbatique « reste » pour nous, comme conservé, c’est Sa parole qui en donne l’assurance (Hébreux 4:9). Et Dieu ne sera pas injuste pour oublier l’œuvre et l’amour des Siens qu’ils ont prouvés pour Son nom au service des saints (Hébreux 6:10).

Ce qui a été dans notre vie et notre service pour Christ sur la terre, ainsi que ce qui ne l’a pas été, tout sera manifesté devant le tribunal du Christ (2 Corinthiens 5:10). C’est le principe qu’on trouve dans la dernière partie de notre parabole.

Les derniers y jouent un rôle plus important. C’est par eux que le maître de la vigne commence le paiement des salaires. Ils reçoivent tous un denier, le plein salaire pour une journée de travail. La même chose arrive à ceux qui ont été appelés au cours de la journée. Même si ce n’est pas directement exprimé, c’est ce qui est sous-entendu dans la parabole. Quand les premiers arrivent, ils s’attendent à recevoir plus, mais ils reçoivent chacun également un seul denier.

On en a tiré la conclusion qu’un jour il y aura une récompense uniforme pour tous. Mais cette idée n’est pas du tout soutenue par l’Écriture sainte. « Aie autorité sur dix villes » - « Et toi, sois établi sur cinq villes », dit le Seigneur ailleurs (Luc 19:11 et suiv.).

En réalité, notre parabole ne parle même pas de ce que tous recevraient la même récompense. Elle montre plutôt que tous reçoivent une récompense. C’est ce dont il s’agit. Il y a une grande différence entre un denier pour un jour, et un denier pour une heure.

Ensuite nous entendons parler des murmures. Seuls les ouvriers du premier groupe murmurent. En effet, ceux des autres groupes n’ont aucune raison de le faire : Ils ont tous été « surpayés ». Mais les premiers n’ont pas non plus raison de se plaindre. Ils ont été traités en parfaite justice. Ils ont reçu exactement ce qui avait été convenu. Qu’avaient-ils à se mêler de l’appréciation du service des autres ? C’était uniquement l’affaire du maître de maison, et ce n’était pas seulement une question de Sa justice, mais aussi de Sa bonté.

Si chaque récompense n’est qu’une grâce (ce qui est incontestable), la mesure ne peut en être calculée que d’après la grâce souveraine de Dieu. S’il Lui plait de faire les derniers égaux aux premiers, qui peut mettre en cause ce qu’Il fait ? Qui pourrait Lui interdire d’être bon ? N’a-t-Il pas le droit de faire ce qu’il Lui plait avec ce qui Lui appartient ? Jamais il n’y aura d’injustice dans Ses actes. « Le juge de toute la terre ne fera-t-il pas ce qui est juste » (Genèse 18:25) ? Mais personne ne Lui ôtera le privilège d’agir aussi selon la bonté de Son cœur.

« Ton œil est-il méchant, parce que moi, je suis bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers les derniers » (Matthieu 20:15, 16).

Évidemment, au jour de gloire, il ne pourra pas y avoir de murmures, et il n’y en aura pas. Gardons à l’esprit que les paraboles présentent d’une manière générale la vérité du royaume sur le terrain large de la profession. Sur ce terrain, il y en a qui n’ont pas de cœur pour le Maître, et qui ne font pas confiance à Sa grâce. Ils ne connaissent pas la vraie source du service, et ne travaillent que pour un salaire. Ils se révèlent être tels que ceux que le Seigneur appelle en Jean 10 des « hommes à gages ». Cet esprit peut également s’emparer des croyants, sans qu’ils ne puissent jamais être effectivement des « hommes à gages ». Néanmoins c’est une question qui nous sonde tous : « Ton œil est-il méchant, parce que moi, je suis bon » ? Un œil méchant peut révéler un cœur méchant.

Beaucoup de ceux qui pensent être pour eux-mêmes les premiers, seront un jour considérés comme des derniers ; et beaucoup qui ne se sont joints qu’assez tard au service, vont recevoir une première place. Le brigand mourant n’est sûrement venu qu’à la « onzième heure », mais cette seule heure de témoignage pour Christ est tombée justement au moment où tous les autres disciples L’avaient abandonné (Luc 23:39-43). Oserait-on regarder d’« un œil méchant » que le Seigneur l’ait pris, le jour même au paradis ? Par rapport aux douze apôtres, l’apôtre Paul a été un « dernier ». Il a été appelé relativement tard, au point de dire : « Après tous, comme d’un avorton, il a été vu aussi de moi » (1 Corinthiens 15:8). Mais combien le Seigneur a utilisé ce vase choisi pour porter Son nom autant auprès des nations qu’auprès des rois et des fils d’Israël ! C’est le seul de tous les apôtres qui ait vu le Seigneur Jésus dans Sa gloire céleste, et c’est ce qui a été le motif de son service incomparable pour son Seigneur. Cet homme pouvait dire : « Car l’amour du Christ nous étreint, en ce que nous avons jugé ceci, que si un est mort pour tous, tous donc sont morts, et qu’il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui pour eux est mort et a été ressuscité » (2 Corinthiens 5:14, 15).

On aura remarqué que les paroles « ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers les derniers » sont dans l’ordre inverse de celles du début de la parabole. Là il était écrit : « Mais plusieurs qui sont les premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers » (Matthieu 19:30). La raison de cette inversion semble résider dans ce que les paroles du début parlent de l’échec de l’homme, et il n’y a donc rien d’étonnant à ce que des premiers deviennent des derniers. Mais les paroles à la fin de la parabole dévoilent l’infini de la grâce de Dieu, qui peut faire que des derniers deviennent des premiers. Quelle paix profonde de s’appuyer sans réserve sur cette grâce !

6.5.3 - Beaucoup d’appelés, peu d’élus (20:16 et 22:14)

« Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus » (Matthieu 20:16).

Ce que le Seigneur dit en conclusion (20:16) ressemblent tout à fait à ce par quoi se termine la parabole du « roi qui fit des noces pour son fils » (22:14). Contrairement à cette dernière parabole, la phrase de 20:16 ne concerne pas l’élection en vue du salut, mais l’appel au service, et la récompense.

Le Seigneur circonscrit par là le caractère du service, selon qu’il a Son approbation ou non. Beaucoup sont appelés à servir, mais peu sont des vases élus comme Paul l’était. Aux jours de David, il y en avait beaucoup qui suivaient le roi, mais seuls quelques hommes bien précis ont été des héros élus, du fait de leur courage, de leur force et de leur vaillance, et parce qu’ils tenaient ferme à David (1 Chroniques 11:10 selon une traduction allemande). Aujourd’hui encore beaucoup prétendent être des serviteurs de Dieu. Ils attachent beaucoup d’importance à leur travail pour le royaume de Dieu. Mais en vérité ils ne connaissent pas le Seigneur Jésus, et leur service est sans valeur pour Lui. C’est pourquoi Il n’accepte pas leur service. Il n’y trouve aucun plaisir. Ce ne sont donc pas des serviteurs élus. Ils étaient nombreux à tomber sous ce jugement au temps du Seigneur. Peut-être que même parmi Son auditoire, il y en avait de tels.

Combien c’était entièrement différent pour Paul. Il pouvait dire de lui-même, et de ses compagnons : « C’est pourquoi aussi, nous nous appliquons avec ardeur à lui être agréables » (2 Corinthiens 5:9) ; il était toujours attentif à ce que, après avoir prêché à d’autres, il ne soit lui-même réprouvé (1 Corinthiens 9:27). Ce n’est pas qu’il doutait de son salut ; mais il s’appliquait d’abord à lui-même cette mesure qui concerne tous les serviteurs.

6.5.4 - Position de cette parabole dans l’évangile de Matthieu

Enfin encore quelque chose de remarquable en ce qui concerne la position de cette parabole dans l’évangile de Matthieu. Comme nous venons de le voir, le Seigneur traite dans cette parabole la question du service et de la souveraineté de Dieu dans la récompense du service. Mais cette parabole forme en même temps la conclusion des paroles du Seigneur Jésus, avant qu’Il entreprenne Son dernier voyage vers Jérusalem. Pour autant que notre évangéliste le rapporte, c’est par ces paroles que le grand Serviteur achève une étape importante de Sa vie et de Son service, et qu’Il se dispose dès lors à monter à Jérusalem — là où Il ne rencontrera non seulement qu’opprobre et mépris, mais aussi la mort de la croix. Combien notre Sauveur est adorable ! Ne mérite-t-Il pas tout notre dévouement ?

6.6 - Les deux fils — Matthieu 21:28-32

6.6.1 - Le contexte qui précède et qui suit

À la suite de la parabole des ouvriers dans la vigne (Matthieu 20:1-16), nous avons vu le Seigneur Jésus se mettre en chemin vers Jérusalem (Matthieu 20:17). Au chapitre 21 nous Le voyons dans Jérusalem, en train de commencer par purifier le temple de Dieu. Les souverains sacrificateurs et les anciens Lui demandent par quelle autorité Il fait ces choses. En retour Il leur pose une question qui touche leurs consciences, et met à nu leur méchanceté et leur aveuglement.

À cet endroit de l’évangile de Matthieu commencent ce que nous pouvons appeler Ses derniers discours publics, ou Ses discours du temple. Par contre, c’est ailleurs qu’il faut chercher Ses dernières paroles par lesquelles Il console les Siens, et les prépare à Son départ (voir Jean 14-16). Mais l’évangéliste Matthieu rapporte une multitude de détails qui ont rempli les derniers jours de Son ministère public.

6.6.2 - Les trois paraboles de Matthieu 21 et 22

Le Seigneur donne une nouvelle fois au peuple d’Israël l’occasion d’écouter Sa voix pleine de grâce. Bientôt elle allait se taire, pour ne se faire réentendre que plus tard, mais alors en jugement. Pour l’instant, Il révèle à l’aide d’un langage symbolique, l’état moral dans lequel se trouvaient les conducteurs spirituels, et dans lequel leur aveuglement avait aussi plus au moins entraîné la nation. Pour l’illustrer Il se sert de trois paraboles, qui sont dans l’ordre : la parabole des « deux fils », celle des « méchants cultivateurs » et la parabole du « roi qui fit des noces pour son fils ». Dans la première parabole, Il leur montre leur comportement vis-à-vis de Dieu. Les deux paraboles suivantes présentent comment Dieu agit à leur égard, et ceci sous deux aspects. Dans la parabole des « méchants cultivateurs », c’est le point de vue de la responsabilité de l’homme sous la loi qui domine, et dans celle du « roi qui fit des noces pour son fils », c’est plutôt la grâce de Dieu au temps du royaume des cieux qui est mise en avant.

6.6.3 - Matthieu 21:23-27

Mais entrons un peu plus dans les détails qui ont amené à la première parabole ! Les souverains sacrificateurs et les anciens Lui avaient demandé par quelle autorité Il agissait. Quelle question arrogante ! N’avait-Il pas fait sous leurs yeux des signes et des miracles puissants qui prouvaient clairement leur origine céleste ? Mais allaient-ils répondre à la question qu’Il leur renvoie : « Le baptême de Jean, d’où était-il ? du ciel, ou des hommes ? » Jean avait été une lampe ardente et brillante, et ils avaient voulu se réjouir pour un temps à sa lumière (Jean 5:35). Dans leur orgueil national, ils s’étaient glorifiés de ce qu’un prophète avait été suscité au milieu d’eux. Leurs pères avaient fait pareil. Mais leur propre justice les avait empêchés de recevoir son témoignage au sujet du Messie. Une fois Jean mis à mort, ils avaient eux-mêmes rejeté son Maître. La question du Seigneur les mettait donc dans l’embarras. Mais au lieu de confesser leur péché, ils refusent de répondre. Le Seigneur s’adresse alors encore une fois à leurs consciences, et leur révèle leur vrai état moral à travers la parabole des deux fils.

6.6.4 - La parabole des deux fils

« Mais que vous en semble ? Un homme avait deux enfants ; et venant au premier, il dit : Mon enfant, va aujourd’hui travailler dans ma vigne. Et lui, répondant, dit : Je ne veux pas ; mais après, ayant du remords, il y alla. Et venant au second, il dit la même chose ; et lui, répondant, dit : Moi j’y vais, seigneur ; et il n’y alla pas. Lequel des deux fit la volonté du père ? Ils lui disent : Le premier. Jésus leur dit : En vérité, je vous dis que les publicains et les prostituées vous devancent dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous ne l’avez pas cru ; mais les publicains et les prostituées l’ont cru ; et vous, l’ayant vu, vous n’en avez pas eu de remords ensuite pour le croire » (Matthieu 21:28-32).

6.6.5 - L’explication de la parabole

Cette parabole est un autre exemple de ce qu’il y a deux manières d’entendre. Nous l’avons déjà vu dans des paraboles précédentes. Les deux fils entendent le commandement du père. L’un refuse d’obéir, mais le regrette plus tard, et fait finalement la volonté de son père. L’autre promet d’obéir, mais ne tient pas sa promesse. Il est autant désobéissant que s’il avait refusé d’obéir dès le début. Mais par sa promesse de faire la volonté du père, il trompe les autres : ils le prennent pour un fils obéissant. Le père peut-il être content d’une attitude si entièrement opposée à la promesse faite, et qui, finalement, n’est rien d’autre que de l’hypocrisie ?

Si nous regardons le contexte, l’explication de la parabole n’est pas difficile. En fait, le Seigneur la donne lui-même. Dans l’image du fils qui regrette sa désobéissance initiale, et qui finit par aller, Il parle des « publicains et des prostituées ». Ce sont de tels pécheurs notoires que la prédication du précurseur du Seigneur avait amenés à la conviction de leurs péchés, et elle les avait introduits dans le royaume de Dieu.

6.6.6 - Les leçons à apprendre

Mais les conducteurs du peuple ressemblaient au deuxième fils, l’honorant de leurs bouches, mais n’y allant pas. Comme le peuple d’Israël disait autrefois à Moïse : « Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons », — eux aussi prétendaient obéir à Dieu. Ils se donnaient une apparence de piété, mais au fond de leurs cœurs, ils ne s’intéressaient pas à la volonté du « père », qu’ils n’ont d’ailleurs jamais faite.

C’est une leçon sérieuse que nous avons à apprendre ici. Non seulement la propre justice rend les hommes hypocrites, mais en outre elle les aveugle sur le besoin de se repentir. C’est ce qui est tragique, c’est le piège insidieux auquel se font prendre, non pas tellement les « publicains et les prostituées », mais surtout les hommes « religieux ». Ils n’ont jamais manqué ni ne manquent jamais de bonnes résolutions. Beaucoup ont déjà dit : « J’y vais, Seigneur », mais ils n’ont jamais mis un pied sur le chemin de l’obéissance qui commence par la repentance envers Dieu. Et c’est ainsi que les « publicains et les prostituées » en arrivent à précéder les hommes religieux dans le royaume de Dieu.

Ce que le Seigneur dit des conducteurs spirituels en Israël en particulier, et des hommes religieux en général, nous parle aussi à nous, enfants de Dieu. Mettons-nous bien dans la tête que Dieu voudrait que nos paroles et nos actes soient en accord les uns avec les autres, de même que ce que nous promettons avec ce que nous faisons effectivement. C’est là l’enseignement de notre parabole. D’autres paraboles montrent la nécessité qu’il y ait accord à d’autres égards. Dans la parabole du « serviteur impitoyable », nous avons dû apprendre qu’il faut un accord entre le pardon dont nous avons fait l’expérience, et celui que nous devons accorder à notre frère. Qu’il doive y avoir également accord entre ce que nous entendons et ce que nous faisons, c’est ce que nous enseigne la parabole des « deux maisons ». La nécessité de l’accord entre notre racine et notre fruit était le sujet de la parabole du « semeur ». Car c’est seulement dans la mesure où nous « poussons des racines en bas » que nous pouvons « porter du fruit en haut » (voir 2 Rois 19:30).

Notre parabole nous montre donc deux sortes d’hommes. Une rébellion franche contre le père, mais ensuite la repentance, c’est ce qui caractérise les premiers. Une profession fausse, et jamais de regrets, voilà ce qui caractérise l’autre. Dans la peau duquel des deux « fils » te ranges-tu ?

6.7 - Les méchants cultivateurs (*) — Matthieu 21:33-46

(*) Également appelée « les méchants vignerons ».

6.7.1 - Vue d’ensemble

6.7.1.1 - Révolte contre Dieu et contre Sa grâce

La parabole des « méchants vignerons » que le Seigneur place directement après celle des « deux fils » touche un principe encore plus profond que cette dernière. Le peuple d’Israël ne se trouvait pas seulement dans un état de neutralité malveillante — « dire » et « ne pas faire » —, mais en révolte directe contre Dieu et contre Ses voies de grâce. C’est ce que le Seigneur montre dans cette nouvelle parabole, avec les graves conséquences qui en résulteraient pour eux. Il est remarquable qu’elle soit rapportée dans trois évangiles, ceux de Matthieu (21:33-46), Marc (12:1-12) et Luc (20:9-18).

Cette parabole importante est un exemple de ce que les hommes incrédules, ici les conducteurs du peuple, pouvaient tout à fait comprendre la signification superficielle de l’image, car il est dit : « Les principaux sacrificateurs et les pharisiens, ayant entendu ses paraboles, connurent qu’Il parlait d’eux » (Matthieu 21:45).

Mais ils ne comprirent pas le sens profond de ce qui était exprimé. Autrement ils auraient réalisé le jugement terrible qu’ils étaient en train de faire venir sur eux. Ainsi ils ne se repentirent pas parce qu’ils ne reconnaissaient pas la personne du Fils, dont l’envoi est un des sujets de la parabole. Il fallait de la foi pour cela, et ils n’en avaient pas.

6.7.1.2 - Deux personnes de la Déité

De plus, la parabole fait partie du groupe des paraboles dans lesquelles deux personnes de la Déité, la personne du Père et la personne du Fils, sont liées ensemble. Ce genre de présentation est d’autant plus significatif qu’il exalte la divinité de la personne de Christ. Les deux autres paraboles de ce groupe sont celle du « figuier stérile » (Luc 13:6-9) et celle du « vrai cep » (Jean 15). Ces trois images ont ceci en commun que le Père cherche du fruit. Quant à leurs différences par rapport à la position du Seigneur, nous y reviendrons brièvement plus tard.

6.7.1.3 - Application actuelle

La parabole qui nous occupe maintenant est un exemple majeur de ce qu’une parabole dont le sujet est nettement Israël, contient également une signification constituant un exemple pour nous de nos jours. Le Seigneur décrit l’histoire d’Israël depuis les jours des prophètes jusqu’au temps de sa mise de côté en tant que nation. Au moment où le Seigneur Jésus prononçait la parabole, celle-ci renfermait à la fois la prophétie et l’histoire de son accomplissement. Ce qu’Il exprimait visait à la fois le passé, le présent et le futur de ce peuple. Mais ne contient-elle rien pour nous ? Le Seigneur ne veut-Il pas aussi nous donner des leçons à travers la défaillance d’Israël ? Nous verrons que c’est justement le cas.

6.7.2 - « Me levant de bonne heure et [les] envoyant »

« Écoutez une autre parabole : Il y avait un maître de maison, qui planta une vigne, et l’environna d’une clôture, et y creusa un pressoir, et y bâtit une tour ; et il la loua à des cultivateurs et s’en alla hors du pays. Et lorsque la saison des fruits approcha, il envoya ses esclaves aux cultivateurs pour recevoir ses fruits. Et les cultivateurs, ayant pris ses esclaves, battirent l’un, tuèrent l’autre, et en lapidèrent un autre. Il envoya encore d’autres esclaves en plus grand nombre que les premiers, et ils leur firent de même » (Matthieu 21:33-36).

6.7.2.1 - Israël comme vigne

Le peuple d’Israël était déjà comparé à une vigne dans les prophètes de l’Ancien Testament et dans les psaumes, — une vigne pour laquelle Dieu se donnait toute la peine pour lui faire produire du fruit. Au Psaume 80:8, il est dit : « Tu as transporté d’Égypte un cep ; tu as chassé les nations, et tu l’as planté ». Dieu parle de la même manière par Jérémie, et montre le triste résultat de Ses efforts pour eux : « Et moi je t’avais plantée, un cep exquis, une toute vraie semence ; comment t’es-tu changée pour moi en sarments dégénérés d’une vigne étrangère » (Jérémie 2:21) ? Le cantique du bien-aimé sur Sa vigne en Ésaïe 5 est particulièrement saisissant : « Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. Et il la fossoya et en ôta les pierres, et la planta de ceps exquis ; et il bâtit une tour au milieu d’elle, et y tailla aussi un pressoir ; et il s’attendait à ce qu’elle produirait de bons raisins, et elle produisit des raisins sauvages. — Et maintenant, habitants de Jérusalem et hommes de Juda, jugez, je vous prie, entre moi et ma vigne. Qu’y avait-il encore à faire pour ma vigne, que je n’aie pas fait pour elle ? Pourquoi, quand j’espérais qu’elle produirait de bons raisins, a-t-elle produit des raisins sauvages ? » (Ésaïe 5:1-4).

Cette image dont le Seigneur se servait maintenant était bien connue, et Ses auditeurs comprenaient très bien ce dont Il parlait. Dieu avait délivré d’Égypte leurs prédécesseurs et les avait amenés dans un bon pays, et Il en avait chassé les habitants devant eux. Il avait pris toutes les précautions pour eux, Il leur avait accordé toutes les protections nécessaires, et les avait abrité des abominations des nations au moyen d’une loi bonne. Qu’aurait-Il pu faire de plus ? Il avait confié Sa vigne à leurs pères, les hommes de Juda, pour qu’ils la cultivent. Lui-même s’en était allé « hors du pays pour longtemps » (Luc 20:9).

6.7.2.2 - Le Maître s’en est allé. L’envoi de prophètes

Cette dernière circonstance mérite qu’on s’y arrête. Car il nous montre justement la raison pour laquelle le maître de maison a dû plus tard envoyer ses esclaves auprès des vignerons.

Pourquoi le maître de maison n’habitait-il plus dans Sa propriété, pourquoi ne venait-il plus dans Son jardin pour en savourer le fruit délicieux ? Il n’y a qu’une réponse à cela : c’est parce que le peuple et ses conducteurs avaient abandonné l’Éternel. Dieu avait prévu cette évolution, et avait dit à Moïse : « Ce peuple se lèvera et se prostituera après les dieux étrangers du pays au milieu duquel il va entrer ; et il m’abandonnera, et rompra mon alliance que j’ai faite avec lui » (Deutéronome 31:16).

Mais quand le peuple se leva pour l’abandonner, Lui aussi, dans Sa grâce se leva pour aller les visiter. « Se levant de bonne heure et parlant », Il leur envoya Ses prophètes : « Depuis le jour que vos pères sortirent du pays d’Égypte, jusqu’à ce jour, je vous ai envoyé tous mes serviteurs les prophètes, chaque jour me levant de bonne heure, et les envoyant » (Jérémie 7:13, 25). Dieu cherchait du fruit de Sa vigne, et Ses prophètes étaient Ses messagers qui présentaient Ses droits et Ses revendications aux fils d’Israël. Après tout le bien qu’Il leur avait fait, n’avait-Il pas droit à leurs affections, à leur obéissance, à leur confiance ?

Il y a encore autre chose qui ressort clairement de ce qui vient d’être dit : L’entrée en scène des prophètes de l’Éternel en Israël n’était pas bon signe en soi, même si c’était une grande grâce d’en donner et d’en envoyer. Un prophète est un intermédiaire, et la nécessité que quelqu’un intervienne entre deux parties qui ne peuvent plus se parler face à face, est le signe qu’une distance s’est créée entre eux. Les deux premières occurrences du mot « prophète » dans la bible montrent déjà clairement qu’un prophète est un médiateur. Ce fut Abraham que Dieu appela en premier lieu prophète, et Il dit à Abimélec : « il priera pour toi » (Genèse 20:7). Et quand Moïse s’estimait incapable de parler au Pharaon, Dieu lui accorda qu’Aaron devienne « son prophète » (Exode 7:1). Il n’aurait pas eu besoin d’un tel intermédiaire, s’il avait été lui-même prêt à transmettre le message de Dieu. Lorsque les Israélites eurent peur d’entendre directement la voix de Dieu, ils demandèrent un intermédiaire et dirent à Moïse : « Toi, parle avec nous, et nous écouterons ; mais que Dieu ne parle point avec nous, de peur que nous ne mourions » (Exode 20:19).

La présence de prophètes montrait un état de choses tombé dans le désordre. Israël n’aurait pas eu besoin de prophètes s’ils étaient restés auprès de Dieu. Mais maintenant Dieu se voyait contraint de se retirer. Pourtant dans Sa grâce, Il ne cessa pas d’envoyer à Son peuple « tous ses serviteurs, les prophètes ». C’est une démarche qui, si nous y réfléchissons, ne fera que nous conduire à nous émerveiller de la patience et de la bonté de Dieu.

Mais les conducteurs spirituels du peuple, « les vignerons », qu’ont-ils fait des messagers de Dieu ? Pendant des siècles, Il a toujours recommencé à leur en envoyer — un, puis un autre, puis beaucoup d’autres (Marc 12:2-5). Se sont-ils réjouis de ce que Dieu pensait encore à eux ? Non, au contraire ! Ils battirent les uns, ils lapidèrent les autres et les tuèrent. Alors s’accomplit ce qui était déjà annoncé en 2 Chroniques 36 : « Et l’Éternel, le Dieu de leurs pères, envoya vers eux par ses messagers, se levant de bonne heure et envoyant, car il avait compassion de son peuple et de sa demeure. Mais ils se moquaient des messagers de Dieu, et méprisaient ses paroles, et se raillaient de ses prophètes, jusqu’à ce que la fureur de l’Éternel monta contre son peuple et qu’il n’y eut plus de remède » (2 Chroniques 36:15,16). Des siècles plus tard, Étienne, le premier martyr chrétien, dut reprocher à ses frères juifs : « Lequel des prophètes vos pères n’ont-ils pas persécuté ? Et ils ont tué ceux qui ont prédit la venue du Juste » (Actes 7:52).

6.7.2.3 - L’envoi du Fils bien-aimé

C’est de ce grand évènement, la « venue du Juste », que le Sauveur se met maintenant à parler dans Sa parabole. Et notons bien que c’est Lui, le sujet dont Il parle maintenant :

« Et enfin, il envoya auprès d’eux son fils, disant : Ils auront du respect pour mon fils » (Matthieu 21:37).

« Et enfin, il envoya auprès d’eux son fils » — grâce insondable ! Et quelle gloire rayonne ici autour de la personne de Christ ! Il n’est personne d’autre que « Son Fils », le Fils de Dieu : « Ils auront du respect pour mon Fils ». Dans le passage parallèle de Marc 12, Il ajoute encore quelques mots très touchant : « Ayant donc encore un unique fils bien-aimé, il le leur envoya, lui aussi, le dernier » (Marc 12:6). En Luc 20 il est également dit : « son fils bien-aimé » (Luc 20:13). Dieu, le Père, L’a envoyé. Celui qu’Il envoyait, n’était pas seulement l’un des « prophètes », mais « son fils bien-aimé » (voir aussi Matthieu 3:17).

Que ce Fils bien-aimé ne fut personne d’autre que l’Éternel Lui-même, cela ressort aussi clairement de ce qu’Il fit Lui-même ce que Dieu seul peut faire : Il envoya des prophètes. Nous l’entendons dire un peu plus tard dans notre évangile « C’est pourquoi voici, moi, je vous envoie des prophètes, et des sages, et des scribes » (Matthieu 23:34).

Des prophètes divinement inspirés étaient apparus en Israël, et avaient témoigné contre le peuple, et annoncé le jugement. Maintenant c’est le Seigneur Jésus qui fait cela également, comme le montre notre paragraphe. Dans ce sens, Il était Lui aussi un prophète (Actes 7:37). Mais Il était beaucoup plus : Il était le Fils : « Dieu ayant autrefois, à plusieurs reprises et en plusieurs manières, parlé aux pères par les prophètes, à la fin de ces jours-là, nous a parlé dans [le] Fils » (Hébreux 1:1,2).

Le fait que le maître de maison « envoya son fils bien-aimé » nous décrit rien moins que l’incarnation du Fils de Dieu. Le Fils quitta la maison de Son Père pour faire, en tant qu’homme parfait sur cette terre, la volonté de Celui qui L’avait envoyé. Pour cela, Il était nécessaire qu’Il s’anéantisse, et prenne la forme d’esclave.

L’incarnation de Christ est considérée dans l’Écriture sous de nombreux points de vue, et beaucoup de pensées de Dieu s’y rattachent, un nombre immense même. Mais dans notre parabole l’incarnation est vue entièrement en relation avec Son envoi à Israël : Le Fils vient dans Sa « vigne » avec un message de la part de Son Père, en vue de recevoir du fruit de celle-ci. C’est ainsi que le Seigneur se décrit Lui-même dans cette parabole — un détail qui touche notre cœur.

Ce fut sûrement un instant bien particulier pour Lui lorsqu’en tant que Fils envoyé par le Père, Il se tint au milieu des « cultivateurs », et se mit à leur parler. Autrefois Son Père avait envoyé des prophètes, mais maintenant c’est le Fils même qui était venu à eux. Et si c’était l’amour qui L’envoyait, c’était aussi l’amour qui Le faisait venir. Et maintenant Il se trouvait auprès d’eux pour parler à leurs cœurs et à leurs consciences. Ce qu’Il leur disait en détail, ce en quoi consistait le message de Son Père, se trouve d’ailleurs davantage dans l’évangile selon Jean. C’est justement cet évangile qui Le montre comme « l’envoyé » du Père. Cette expression se trouve environ 40 fois dans cet évangile. Mais allaient-ils L’écouter et recevoir le message de Son Père ?

On trouve des doutes mêlés aux paroles du maître de maison : « Que ferai-je ? J’enverrai mon fils bien-aimé ; peut-être que, quand ils verront celui-ci, ils le respecteront » (Luc 20:13) : nous reconnaissons alors une nouvelle fois qu’il s’agit là du langage de la parabole, et non pas de celui de Dieu. Dieu est omniscient, et si Son Fils fut « livré » aux hommes pour être crucifié, cela eut lieu « par le conseil défini et par la préconnaissance de Dieu » (Actes 2:23).

Je mentionne cela simplement pour montrer encore une fois qu’on ne peut pas attribuer un sens figuré à tous les détails d’une parabole. Mais l’expression « ils auront du respect pour mon fils » peut bien nous faire penser à une autre image, celle de Jacob et de son fils Joseph. C’est ce fils bien-aimé que le père envoya à ses frères en disant : « Tes frères ne paissent-ils pas le troupeau à Sichem ? Viens, et je t’enverrai vers eux » (Genèse 37:13).

6.7.2.4 - Le rejet du Fils et ses conséquences

« Mais les cultivateurs, voyant le fils, dirent entre eux : Celui-ci est l’héritier ; venez, tuons-le, et possédons son héritage. Et l’ayant pris, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent » (Matthieu 21:38,39).

C’est de cette manière que le Seigneur décrit Son rejet par le peuple et ses conducteurs. Le père fit une dernière tentative : « Peut-être que, quand ils verront celui-ci, ils le respecteront », mais au lieu de cela, la prophétie d’Ésaïe s’accomplit mot à mot. Quand ils Le virent, il n’y avait point d’apparence en Lui pour Le leur faire désirer. Il fut méprisé et délaissé des hommes, homme de douleurs, et sachant ce que c’est que la langueur, et comme quelqu’un de qui on cache sa face. Et même s’ils reconnurent en lui le véritable héritier de la « vigne », il monta dans leur cœur ce plan diabolique de Le tuer et de s’emparer de Son héritage.

Là aussi il y a un parallèle frappant avec l’histoire de Joseph. Quand ses frères le « virent de loin », ils complotèrent contre lui, avant qu’il fût proche d’eux, pour le faire mourir (Genèse 37:18). Oui, rien que de « voir » le Fils de Dieu, les conducteurs d’Israël en conçurent une haine meurtrière contre l’envoyé de Dieu. On peut bien se poser la question : Que sont ces gens-là pour en vouloir à mort au Fils à peine qu’ils L’ont vu ? La réponse est à la fois simple et bouleversante : L’homme naturel déteste la bonté de Dieu manifestée parfaitement dans le Fils, aussi bien que Sa lumière. « Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse pas parlé, ils n’auraient pas eu de péché ; mais maintenant ils n’ont pas de prétexte pour leur péché. Celui qui me hait, hait aussi mon Père. Si je n’avais pas fait parmi eux les œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient pas eu de péché ; mais maintenant ils ont, et vu, et haï et moi et mon Père » (Jean 15:22-24). Ce n’est pas une question d’ignorance. Mais Le voir et Le haïr — que c’est terrible !

Rien ne montre plus la corruption totale de l’homme que le fait que la simple vue du « Fils bien-aimé » ne suscite qu’un sentiment contre Lui — la haine. La réponse de l’homme à toute la bonté dont Dieu fait preuve, c’est la croix de Son Fils. Cela ne nous fait-il pas comprendre pourquoi, depuis la croix de Christ, Dieu a cessé de faire l’épreuve de l’homme, et a cessé de chercher du fruit chez lui ? Ce fruit Lui reste dû, et Il n’abandonne pas Ses droits à cet égard. Si en présence de l’amour parfait et de la bonté parfaite, l’homme en général et le Juif en particulier, n’ont plus que de la haine à rendre au Père et au Fils, pourquoi continuer à l’éprouver pour voir s’il y avait, ou non, du bien à attendre de sa part ? Il s’est montré comme quelqu’un d’entièrement corrompu.

Les « méchants vignerons » ne dirent pas seulement : « Celui-ci est l’héritier ; venez, tuons-le, et possédons son héritage », mais ils exécutèrent leur projet : « Et l’ayant pris, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent ». C’est ainsi que le Seigneur Jésus décrit prophétiquement la mort qui L’attendait. C’est la seule parabole où Il le fait directement. Beaucoup de paraboles parlent de Son retour, mais il n’y a que celle-ci qui parle clairement de Sa mort. Quelle prédiction solennelle des évènements à venir ! Le Messie devait être retranché et ne rien avoir (Daniel 9:26). Lui, qui prononçait les paroles de cette parabole, savait et ressentait parfaitement ce qu’elles impliquaient, ce que cela signifiait d’être jeté dehors et tué ! Et si, parmi les frères de Joseph, il y eut au moins une voix qui s’éleva contre leur projet sanglant, il n’y en a aucune dans notre parabole. On n’a pas eu compassion de Lui !

6.7.2.5 - Impossible de Lui ôter l’héritage

L’impie Jézabel fit jadis passer l’héritage de Naboth dans le domaine royal en faisant tuer Naboth. Mais cet acte ne lui profita pas : Les chiens mangèrent la chair de Jézabel dans le champ de Jizreël, selon la parole de l’Éternel (1 Rois 21 ; 2 Rois 9). Maintenant ces « vignerons » étaient sur le point de faire la même chose. Or ils tombèrent aussi dans une erreur fatale, de bien des manières. Ils pensaient pouvoir s’approprier l’héritage en mettant l’héritier de côté par la force. Mais ils ne savaient pas qu’on ne devient cohéritier de Christ que par la foi au Seigneur Jésus Christ et en Son œuvre expiatoire. Combien peu ils comprenaient qu’en tuant l’héritier, ils ne pouvaient pas L’empêcher de prendre possession de l’héritage ! Ils pensaient le Lui arracher. Mais la vérité était que justement Sa mort comme sacrifice Lui permettait de prendre possession de Son héritage dans les saints (voir Éphésiens 1:18). Et finalement, ce péché terrible ne leur apportait pas l’héritage, mais le jugement. Le sort de Jézabel allait être le leur.

6.7.2.6 - Un jugement terrible, passé et futur

C’est sur ce point que le Seigneur attire maintenant l’attention. Il place une question devant Ses auditeurs et les force à répondre. Sans le vouloir et sans le savoir, ils prononcent un jugement impitoyable sur eux-mêmes :

« Quand donc le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces cultivateurs-là ? Ils lui disent : Il fera périr misérablement ces méchants, et louera sa vigne à d’autres cultivateurs qui lui remettront les fruits en leur saison » (Matthieu 21:40, 41).

Combien ces hommes avaient raison ! C’est justement ainsi qu’allait agir le maître de la vigne. Dieu ferait périr ces malfaiteurs de manière terrible. Il était impossible de laisser impunis la mort de Son Fils et les sévices infligés à Ses esclaves. Celui qui pense autrement, ne se rend pas compte du caractère intangible des droits de Dieu.

« Jésus leur dit : N’avez-vous jamais lu dans les écritures : « La pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée, celle-là est devenue la maîtresse pierre du coin ; celle-ci est de par le Seigneur, et est merveilleuse devant nos yeux » ? C’est pourquoi je vous dis que le royaume de Dieu vous sera ôté, et sera donné à une nation qui en rapportera les fruits. Et celui qui tombera sur cette pierre sera brisé ; mais celui sur qui elle tombera, elle le broiera » (Matthieu 21:42-44).

Celui qui prononçait ces paroles était Lui-même la « pierre d’Israël » (Genèse 49:24), la « pierre éprouvée, la précieuse pierre de coin, le sûr fondement » (Ésaïe 28:16). Celui qui croit en elle ne sera point confus (1 Pierre 2:6). Mais pour Israël incrédule, Il est devenu une pierre d’achoppement et un rocher de chute, et ils « heurtent contre la parole, étant désobéissants, à quoi aussi ils ont été destinés » (1 Pierre 2:8). Ils n’ont pas été destinés à être désobéissants, mais s’ils sont désobéissants, ils sont destinés à heurter contre elle. Le Seigneur était venu vers eux en grâce et dans l’abaissement ; Il était cette « pierre » du Psaume 118 à laquelle il fait ici allusion. Mais si, malgré toute la grâce et la bonté dont Il avait fait preuve, Il était rejeté de « ceux qui bâtissent », alors eux, les conducteurs responsables et la masse du peuple, tomberaient sur cette pierre et seraient brisés. Nous savons que c’est précisément ce qui est arrivé. En l’an 70 après J-C, Jérusalem et son temple ont été détruits. Le peuple juif est encore aujourd’hui dans cet état de brisement.

Mais ce n’est pas tout. Il y aura aussi un jour de jugement où la « pierre » tombera sur tous les incrédules, et les « broiera », eux et toute puissance qui s’oppose à Lui (voir Daniel 2:35). Ce sera la fin inéluctable de tous ceux qui sont opposés à Dieu. Nous pouvons ainsi dire que la première partie du verset 44 de Matthieu 21 est déjà devenue une réalité. La deuxième partie s’accomplira au moment de l’apparition du Seigneur en puissance et en gloire. Comme le Seigneur a brisé les Juifs qui sont « tombés » sur Lui, ainsi Il broiera toute puissance et toute domination des hommes jusqu’à les réduire en poussière. Qu’il s’agisse de Juifs ou de nations, Il mettra fin à leur puissance, et mettra de côté tous Ses ennemis par le jugement.

6.7.2.7 - Le royaume ôté. Royaume des cieux, royaume de Dieu

Ensuite le Seigneur leur dit encore que le royaume de Dieu leur serait ôté. Il ne dit pas le « royaume des cieux », mais le « royaume de Dieu ». C’est ici la dernière fois que l’expression « royaume de Dieu » apparaît dans l’évangile de Matthieu. Cela est d’autant plus significatif que Matthieu est le seul à utiliser principalement l’expression « royaume des cieux », et presque seulement cette expression. Cela nous donne l’occasion de revenir encore une fois sur la différence entre les deux formes du royaume. Dans un certain sens les Juifs possédaient la révélation de Dieu, et comme ils reconnaissaient l’Éternel comme leur roi, ils étaient dans Son royaume. Par contre, le royaume des cieux est la forme qu’a prise le royaume de Dieu après la mort et la résurrection du Sauveur et Son ascension au ciel, pour user de Son influence sur la terre depuis là-haut. Les Juifs d’alors ne pouvaient pas posséder ce royaume, car il n’existait pas encore. Mais le royaume de Dieu dans le sens précédent était bien leur part. Or comme ils rejetaient maintenant Dieu dans la personne de Son Fils, ce royaume leur serait ôté et donné à une nation qui en porterait les fruits.

En parlant de « cette nation », Il ne pense pas à l’assemblée de Dieu au temps de la grâce, mais à Israël restauré dans le règne millénaire. Sans doute on peut aussi appliquer cette prophétie du Seigneur à nous, les chrétiens d’aujourd’hui. Elle a effectivement reçu un pré-accomplissement ou un accomplissement partiel dans la chrétienté. C’est ce que Pierre montre dans sa première épître. Comme nous le savons, il l’a écrite à des Juifs croyants. Ils étaient devenus de vrais chrétiens par la foi au Seigneur Jésus, et c’est à eux que Pierre écrit : « Mais vous, vous êtes une race élue, une sacrificature royale, une nation sainte, un peuple acquis, pour que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1 Pierre 2:9).

Cependant il sera dit à Israël en un jour futur : « Lève-toi, resplendis, car ta lumière est venue, et la gloire de l’Éternel s’est levée sur toi. … Et ton peuple, eux tous, seront justes ; ils posséderont le pays pour toujours » (Ésaïe 60:1-21). Le Psaume 22 se termine par ces paroles précieuses : « Une semence le servira ; elle sera comptée au Seigneur comme une génération. Ils viendront et raconteront sa justice à un peuple qui naîtra,… qu’il a fait ces choses ». Oui, « cela sera écrit pour la génération à venir ; et le peuple qui sera créé louera Jah » (Psaume 102:18). Quelle grâce merveilleuse celle qui sera la part d’Israël dans la « régénération » !

Mais entretemps il a été clairement prouvé que l’homme, testé sous le judaïsme, ne peut porter aucun fruit pour Dieu, même dans les meilleures conditions. Mais ceci ne suffit pas : il n’a pas seulement maltraité les esclaves de Dieu, mais il a aussi tué Son Fils. Il ne pouvait pas aller plus loin dans l’inimitié contre Dieu, il ne pouvait pas montrer plus clairement à quel point il est foncièrement méchant, et absolument perdu. Que va faire Dieu dorénavant ? La grâce peut-elle remédier à un état aussi désespéré ? C’est la prochaine parabole qui va nous donner la réponse.

6.7.2.8 - Dieu attend du fruit

Cependant, rappelons-nous d’abord, encore une fois, que tout ceci s’adresse solennellement à nous et à notre temps. La parabole des « méchants vignerons » est un avertissement pour tous ceux de qui Dieu est en droit d’attendre du fruit. Car même si Dieu ne fait plus l’épreuve de l’homme depuis la croix de Son Fils, Il n’en a pas pour autant renoncé à Ses droits sur l’homme.

Les hommes qui relèvent de l’époque et du domaine de la chrétienté, sont aussi responsables de porter du fruit pour Dieu. L’apôtre Paul avertit les branches de l’olivier sauvage qui ont été entées/greffées sur l’olivier naturel de persévérer dans la bonté de Dieu, sinon elles seront aussi coupées de l’olivier (Romains 11:16-22). Et si l’assemblée d’Éphèse a aussi abandonné son premier amour pour le Seigneur, Il doit lui dire : « Souviens-toi donc d’où tu es déchu, et repens-toi, et fais les premières œuvres ; autrement, je viens à toi et j’ôterai ta lampe de son lieu, à moins que tu ne te repentes » (Apocalypse 2:5). Quand Dieu nous place dans une relation particulière, Il attend que notre vie pratique y corresponde.

6.8 - Le roi qui fit des noces pour son fils — Matthieu 22:1-14

Dans la parabole des « méchants vignerons », nous avons vu le rejet de Christ par Son peuple terrestre. Mettre à mort le Fils de Dieu était le sommet de l’hostilité humaine contre Dieu.

Satan était-il arrivé à contrecarrer définitivement les plans de Dieu ? Non, mille fois, non ! Dans une nouvelle parabole qui se rattache directement à celles de ces « méchants vignerons », le Seigneur Jésus révèle la grâce sans limite de Dieu.

Dans la parabole du « roi qui fit des noces pour son fils », Il ne parle plus désormais de ce que l’homme a fait, mais de ce que Dieu fait.

Mais on y voit cependant un développement du mal supplémentaire : non seulement l’homme se refuse à apporter quoi que ce soit à Dieu, mais il refuse aussi de recevoir quelque chose de Lui. C’est une vraie image du cœur de l’homme et une vérité très humiliante.

S’il n’y avait pas la grâce de Dieu, aucun descendant d’Adam n’arriverait jamais dans la gloire de Dieu. Mais regardons maintenant les détails de cette parabole.

6.8.1 - Les pensées du roi au sujet de son fils — Matthieu 22:1, 2

« Et Jésus, répondant, leur parla encore en paraboles, disant : Le royaume des cieux a été fait semblable à un roi qui fit des noces pour son fils » (Matthieu 22:1, 2).

La plupart des gens n’ont pas des pensées élevées au sujet de Jésus Christ. Mais Dieu a une haute pensée de Son Fils. Quand les gens rabaissent Son Fils, Lui L’élève. Quand les gens rejettent Son Fils, Lui L’accueille et Le fait asseoir à Sa droite. Quand les gens n’honorent pas Son Fils, Lui L’honore et Lui Le glorifie.

Telle est la motivation profonde qui fait agir Dieu. C’est la vraie raison du changement dans Ses manières d’agir avec les hommes, et de la grâce débordante qu’Il apporte maintenant aux hommes. Ce ne sont pas en premier lieu les besoins de l’homme pécheur qui font ainsi agir Dieu. Naturellement ces besoins existent, et il faut y répondre. Mais la première pensée de Dieu est la suivante : glorifier Son Fils. « Le Père aime le Fils, et a mis toutes choses entre Ses mains » (Jean 3:35).

Notre parabole le montre clairement dès le début. Le « roi fait des noces pour son fils » (c’est ce que dit le texte littéralement). Le « Roi des siècles, l’incorruptible, invisible, seul Dieu » (1 Timothée 1:17) agit pour l’honneur de Son Fils. Il veut que Son Fils soit entouré de gens à table aux noces, et que ces gens soient à Son honneur. Et si ceux-ci ne sont pas dans un état convenable pour Sa présence, alors Il veut les rendre convenables, pour que Son Fils soit honoré, « afin qu’Il soit Premier-né entre plusieurs frères » (Romains 8:29). C’est la grande pensée de Dieu qu’Il a déposée dans Son évangile au sujet de Son Fils. Loué soit Son Nom glorieux !

6.8.2 - L’invitation du roi

« et Il envoya ses esclaves pour convier ceux qui étaient invités aux noces ; et ils ne voulurent pas venir » (Matthieu 22:3).

Pour mettre Son propos à exécution, le roi envoie maintenant ses esclaves « pour convier ceux qui étaient invités aux noces ». Qui repousserait une invitation aussi distinguée ? Mais quelle tristesse ! — les invités ne voulurent pas venir. Et voilà un nouveau fait bouleversant, que j’ai déjà signalé au début : Non seulement l’homme refuse de donner à Dieu ce qui Lui est dû, mais Il refuse de recevoir ce que Dieu lui offre dans Sa bonté. Quelle corruption dans le cœur de l’homme ! Les « invités », c’était les Juifs du temps où le Seigneur vivait sur la terre. C’est à eux que Dieu fit entendre cet appel : « Venez aux noces ! »

Ce premier envoi d’esclaves correspond par exemple à la mission de Matthieu 10 où le Seigneur a envoyé les douze apôtres dans les villes d’Israël. Cette mission a eu lieu avant la croix. Avec quelle grâce Dieu agissait-Il pourtant à leur égard ! C’était justement elles qui s’étaient toujours élevées contre Lui dans les siècles précédents, jusqu’à ce qu’Il doive finalement les envoyer en captivité en Assyrie et à Babylone, — c’était justement elles qui étaient spécialement les « invités », c’était spécialement à elles que s’adressaient l’invitation de grâce du Seigneur durant le séjour de Son Fils sur la terre.

Dans ce contexte, un verset de 2 Corinthiens (5:19) est spécialement important : « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec Lui-même, ne leur imputant pas leurs fautes ». Christ était sur cette terre, et en Lui, Dieu était ici-bas. Mais Dieu n’était pas venu pour juger le monde (Il le fera plus tard), mais pour réconcilier les hommes avec Lui-même. Christ était en grâce ici-bas, et faisait justement annoncer au peuple juif apostat le message suivant : « Repentez-vous car le royaume des cieux s’est approché » (Matthieu 3:2 ; 10:7). Mais les invités ne voulurent pas venir. Ils firent mourir le Christ de Dieu. « Mais vous, vous avez renié le saint et le juste, et vous avez demandé qu’on vous accordât un meurtrier ; et vous avez mis à mort le prince de la vie, lequel Dieu a ressuscité d’entre les morts ; ce dont nous, nous sommes témoins » (Actes 3:14-15).

Mais même cette infamie de l’homme ne peut pas empêcher Dieu d’accomplir Son propos. Il veut « faire des noces » à Son Fils. Même la méchanceté de l’homme ne peut L’en détourner. Et c’est ainsi que, selon le v. 4 de notre parabole, Il envoie de nouveaux esclaves :

« Il envoya encore d’autres esclaves, disant : Dites aux conviés : Voici, j’ai apprêté mon dîner ; mes taureaux et mes bêtes grasses sont tués et tout est prêt : venez aux noces » (Matthieu 22:4).

Entre les versets 3 et 4, nous devons nous figurer la crucifixion et la résurrection de Christ. Certes la parabole ne les représente pas, mais elles se situent entre ces deux versets comme nous allons le voir tout de suite.

Cette deuxième mission de Ses esclaves s’adresse de nouveau aux « conviés », de nouveau au peuple juif — ô quelle grâce ! Le méritaient-ils ? Ne venaient-ils pas de tuer Son Fils ? Dans Sa grâce inconcevable, Dieu fait parvenir encore une fois un message à ce peuple rebelle après la crucifixion, la résurrection et l’ascension au ciel du Seigneur Jésus, et ce message est : « Venez aux noces ! »

Historiquement parlant, c’est dans les premiers chapitres des Actes qu’on voit cette seconde invitation à Israël. La première invitation, c’est-à-dire la prédication du royaume par les douze prend fin avec le chapitre 12 de l’évangile de Mathieu comme cela ressort d’une étude plus approfondie de ce livre. Mais après la croix, la prédication du royaume a repris pour une courte période. Dieu y joignit la promesse d’accorder le pardon des péchés et des temps de rafraîchissement : « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la face du Seigneur » (Actes 3:19, 20).

Aucun païen n’entendit la prédication de Pierre. Elle n’était pas destinée aux nations. C’est aux « conviés » que s’adressait cette seconde invitation après la croix, aux Juifs de Jérusalem, comme le contexte le montre clairement. J’insiste spécialement là-dessus, car beaucoup de faux enseignements proviennent de ce qu’on n’a pas compris ce fait. Corneille, le centurion romain, était pieux selon le témoignage de l’Écriture, et il craignait Dieu avec toute sa maison (Actes 10:2), et il connaissait « la parole qu’Il a envoyée aux fils d’Israël, annonçant la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ » (Actes 10:36, 37). Il était donc tout à fait familier avec le message de Dieu à Israël, mais il n’osait pas se l’approprier (et il avait raison selon l’état de choses à ce moment-là !). Ce message était jusque-là adressé seulement aux « fils d’Israël ».

Jusqu’ici, nous n’avons pas encore mentionné une expression très importante de la deuxième invitation ; je voudrais m’arrêter brièvement sur sa signification : « Voici, j’ai apprêté mon dîner… tout est prêt : venez aux noces ». Ce « tout est prêt » manquait lors de la première invitation. Cela nous force à tirer la conclusion déjà mentionnée, que la croix se situe entre le premier et le second envoi des esclaves : le Seigneur Jésus a accompli entre temps l’œuvre de la rédemption.

Avant que cette œuvre soit accomplie, Dieu ne pouvait pas dire « tout est prêt ». Il fallait d’abord que Christ subisse à notre place la mort expiatoire, le châtiment de nos péchés, et il fallait encore qu’Il ressuscite d’entre les morts, et monte au ciel d’abord, avant que Dieu puisse mettre en place le royaume des cieux dans le caractère décrit précédemment, et puisse dire que « tout est prêt ».

Mais maintenant, chers amis, tout est prêt ; nous ne pouvons pas allonger davantage ici sur ce que cela signifie, pour nous spécialement. Pour le moment quand même, souvenons-nous simplement de la précieuse parole de 1 Corinthiens, où l’apôtre Paul cite le prophète Ésaïe : « Ce que l’œil n’a pas vu, et que l’oreille n’a pas entendu, et qui n’est pas monté au cœur de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Corinthiens 2:9).

Quelle réponse les « conviés » ont-ils donc donné à la seconde invitation du roi ?

6.8.3 - Le rejet de la grâce

« Mais eux, n’en ayant pas tenu compte, s’en allèrent, l’un à son champ, et un autre à son trafic ; et les autres, s’étant saisis de ses esclaves, les outragèrent et les tuèrent » (Matthieu 22:5-6).

Nous avons ici la réponse bouleversante qu’ont donnée les Juifs peu après la croix ; ils n’ont pas voulu de la grâce de Dieu. Ils envoyèrent encore, en quelque sorte, une ambassade à la suite du crucifié (désormais monté au ciel) et Lui firent savoir, pour ainsi dire : « nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » (Luc 19:14). Ils ne « tinrent pas compte » des plans du roi qui voulait faire des noces pour Son Fils. Quelle valeur avait-Il pour eux, ce Fils ? Ils le haïssaient. Ils L’avaient haï quand Il était parmi eux, et ils Le haïssaient maintenant qu’Il était au ciel. Rien ne montre davantage ce qu’est le cœur humain en pratique : L’homme a de la haine non seulement pour la sainteté de Dieu, mais aussi pour Sa bonté.

Il ressort des versets 5 et 6 deux caractères qui ne sont pas spécifiques des Juifs, mais qu’on rencontre chez les hommes en général. Certes les deux rejettent la grâce de Dieu. Mais le v. 5 montre le groupe de ceux qui ont leurs intérêts dans le monde, de ceux qui ne tiennent aucun compte du Seigneur Jésus. C’est le groupe des indifférents qui ont ici-bas leur champ et leur trafic. Ils ne s’intéressent à rien d’autre. Reçoivent-ils une invitation à une évangélisation… par principe ils n’ont pas le temps. Ils n’ont jamais le temps. Ils ont quelque chose de plus important à faire que d’aller écouter des sermons.

Luc nous montre avec beaucoup plus de détails toutes les sortes d’excuses que les gens avancent pour au moins ne pas avoir à donner suite à l’invitation de Dieu (Luc 14:18 et suiv.). « Ils commencèrent tous unanimement à s’excuser ». Peut-être que l’un de mes chers lecteurs appartient encore à ce groupe ? Permets que je t’avertisse. Il t’arrivera d’avoir assez de temps pour réfléchir à ta folie. Et prends bien garde à ceci : même si c’est par simple indifférence que tu rejettes la grâce de Dieu, tu la rejettes quand même. Et cela ne restera jamais impuni, comme nous allons encore le voir.

Au v. 6 de Matthieu 22, nous avons le groupe de ceux qui agissent par la force, et qui persécutent les messagers de Dieu. Ce sont la plupart du temps, si étrange que cela paraisse, des gens religieux, des conducteurs religieux qui sentent que Christ et le message de la grâce mettent en danger leur vocation et leur position religieuses. Ils combattent activement les serviteurs de Dieu.

On le voit expressément dans le livre des Actes où le Saint Esprit Lui-même a rédigé l’histoire des débuts de l’église chrétienne. Si nous pensons à la persécution de Pierre, à celle d’Étienne ou plus tard à celle de Paul et de ses collaborateurs, la haine des chefs religieux d’Israël s’est toujours dirigée contre le message de la grâce, dont le point de départ et le contenu sont un Christ glorifié.

Nous avons donc ici le grand fait historique que Jérusalem et les Juifs comme tels ont refusé l’offre de grâce de Dieu qui a pris fin par la lapidation d’Étienne commise par eux. Depuis lors, Dieu ne se tourne plus vers le peuple juif comme tel, en dépit de tous les zélateurs fanatiques d’Israël.

6.8.4 - Le jugement contre Jérusalem

Le rejet de la grâce de Dieu a entraîné un jugement inéluctable, un jugement dans le temps et un jugement éternel. Si la violation de la loi divine entraînait déjà une sanction grave, combien plus le mépris de Sa grâce !

« Et le roi, [l’ayant entendu, en] fut irrité ; et ayant envoyé ses troupes, il fit périr ces meurtriers-là et brûla leur ville » (Matthieu 22:7).

L’esquisse du sort de la nation juive et de la destruction de leur ville, faite par le Seigneur Jésus, n’est-elle pas étonnante par son exactitude et sa brièveté ! Il connaît la fin avant le commencement. Il parle comme Celui devant qui l’avenir est comme un livre ouvert.

C’est une folie de penser qu’on puisse impunément refuser la grâce de Dieu et y répondre par l’indifférence ou l’hostilité. « Le roi en fut irrité ». Dieu s’est servi des armées romaines comme de « Ses troupes » et a fait périr ceux qu’Il qualifie maintenant de « meurtriers » de Son Fils. Son fidèle témoin Étienne disait lui aussi devant le sanhédrin juif à la fin de son discours si touchant : « que vous, vous avez livré et mis à mort » (Actes 7:52).

« Il brûla leur ville ». Cette prophétie du Seigneur s’est accomplie en entier et littéralement, quand les Romains détruisirent Jérusalem en l’an 70. Ce fut aussi la fin des interventions de Dieu en rapport avec Israël en tant que nation, jusqu’à aujourd’hui. Il renouera plus tard avec ce peuple, quand la vraie église aura été enlevée au ciel. Mais dans le temps présent, le temps de la grâce, Israël est mis de côté, et pour Dieu il est « Lo-Ammi », c’est-à-dire « pas mon peuple » (Osée 1:9).

Bien sûr, cela ne veut pas du tout dire que Dieu ne veut pas aujourd’hui sauver des Juifs individuellement. Il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Timothée 2:4). Le Juif aussi peut et doit recevoir aujourd’hui le message de la grâce, mais les Juifs n’ont aujourd’hui aucun privilège particulier et aucune priorité par rapport aux autres. Le jugement de Dieu est venu sur eux et sur leur ville, et il pèse encore sur ce peuple.

« Jérusalem, Jérusalem » avait dit une fois le Seigneur Jésus, « la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! Voici, votre maison vous est laissée déserte » (Matthieu 23:37-38). Le Sauveur qui prévoyait la misère sans nom de ses habitants, pleura sur cette ville alors qu’Il la voyait encore une fois dans Son dernier voyage vers elle : « Si tu eusses connu, — au moins en cette tienne journée, — les choses qui appartiennent à ta paix ! » (Luc 19:42).

Les choses qui appartiennent à ta paix ! Les as-tu seulement déjà reconnues pour toi, cher lecteur ? Ou bien veux-tu aussi entendre une fois de Sa bouche la parole : « tu ne l’as pas voulu ! » (Luc 13:34 ; 19:27), et subir éternellement les conséquences de ton rejet de la grâce ?

6.8.5 - Aux Juifs premièrement, et aux Grecs

« Alors il dit à ses esclaves : Les noces sont prêtes, mais les conviés n’en étaient pas dignes ; allez donc dans les carrefours des chemins, et autant de gens que vous trouverez, conviez-les aux noces. Et ces esclaves-là, étant sortis, [s’en allèrent] par les chemins, et assemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, tant mauvais que bons ; et la [salle] des noces fut remplie de gens qui étaient à table » (Matthieu 22:8-10).

Dieu a d’abord offert l’évangile de la grâce aux Juifs, et à eux tout seuls. Mais du fait qu’ils l’ont refusé, Sa grâce était-elle dès lors épuisée ? Mille fois non ! et mille fois merci à Dieu ! Quand les « conviés » n’ont pas voulu venir, alors Il a envoyé Ses esclaves, encore une fois, pour la troisième fois. Mais maintenant ils ne devaient plus aller vers un groupe déterminé de personnes, ni vers un peuple particulier, mais ils devaient aller aux carrefours des chemins, et inviter aux noces autant de gens qu’ils trouveraient. Désormais l’appel de la grâce devait être lancé à tous sans faire de différences, et il devait aussi atteindre « les Grecs », c’est-à-dire ceux des nations. L’Évangile devait devenir la puissance de Dieu en salut à quiconque croit, « au Juif premièrement, et au Grec » (Romains 1:16).

Merveilleux propos de Dieu, qui nous inclut également ! Grâce qui est parvenue jusqu’à nous, et qui est un sujet d’adoration ! Dieu veut avoir Sa maison pleine de gens à table en l’honneur de Son Fils, et si ceux qui sont spécialement favorisés ne veulent pas venir, alors Il fait porter Son évangile sur les chemins, à ceux qui sont étrangers aux promesses de Dieu, sans Christ, sans espérance et sans Dieu dans le monde (Éphésiens 2:12). Il ne s’agit plus de ce que l’homme est, mais de ce que Dieu est.

L’évangile s’adresse à l’homme tel qu’il est. Tous sont bienvenus, tant mauvais que bons. Une Lydie qui priait, avait autant besoin du salut qu’un gardien de prison enfoncé dans ses péchés, qu’un Corneille pieux ou qu’un brigand mourant. Ils avaient tous besoin de l’évangile pour le salut, et c’est par la foi que tous le recevaient.

« Et la salle de noces fut remplie de gens qui étaient à table ». Au début de notre parabole, nous avons entendu que le roi voulait faire des noces pour Son Fils, et maintenant nous entendons que la salle de noces est remplie de gens à table. Quelle pensée réjouissante ! Dieu parvient à Ses fins, et même l’obstination de l’homme ne peut pas contrecarrer Son propos. Malgré tout ce qui peut intervenir entre temps, malgré tous les abîmes de méchanceté qui peuvent s’interposer, « la salle de noces fut remplie de gens qui étaient à table ». Mais il fallait encore autre chose. C’est ce dont le Seigneur Jésus va parler maintenant.


6.8.6 - L’habit [ou : robe] de noces

« Et le roi, étant entré pour voir ceux qui étaient à table, aperçut là un homme qui n’était pas vêtu d’une robe de noces. Et il lui dit : Ami, comment es-tu entré ici, sans avoir une robe de noces ? Et il eut la bouche fermée. Alors le roi dit aux serviteurs : Liez-le pieds et mains, emportez-le, et jetez-le dans les ténèbres de dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents » (Matthieu 22:11-13).

6.8.6.1 - L’habit de noces nécessaire

La gloire du roi, et l’honneur du fils du roi exigeaient qu’on ne se borne pas à accepter l’invitation du roi, mais qu’on soit dans un état convenable pour la présence du roi. C’est la raison pour laquelle un habit de noces était nécessaire. Ceux qui étaient à table en avaient besoin, et le roi le procurait. Le roi qui a fait cette invitation, ne se borne pas à faciliter admirablement le trajet de ceux qui étaient à table, mais dans sa libéralité royale, il prend soin de mettre à leur disposition le vêtement de noces qui leur permettra de paraître devant lui dans un état approprié à sa gloire. Tels étaient les mœurs d’orient. Toute personne à table était tenue de porter ce vêtement. Qui voudrait ne pas l’endosser, s’il veut honorer le roi et son fils ? Le roi n’a pas envoyé chercher sur les chemins pour choisir les gens ayant un habit de noces approprié, et pour n’inviter ensuite que ceux-là. Mais il n’était pas question qu’un seul invité paraisse dans l’habit que lui-même estimait convenable. Non, tout devait dépendre de la générosité du roi qui voulait faire des noces à son fils, et tout préparer pour que cela convienne à sa gloire.

Quand on en vient à l’application de ce verset à nous-mêmes, il faut d’abord remarquer qu’il ne faut pas situer cette scène au ciel. Cela a malheureusement eu lieu trop souvent, et de terribles fausses doctrines en ont été la conséquence. Remarquons qu’il ne s’agit pas d’une parabole du ciel, mais du royaume des cieux, qui est donc le domaine de la chrétienté professante sur la terre. Quand Dieu vient pour voir ceux qui sont à table, cela signifie que Dieu contrôle dans quelle mesure la profession de l’individu d’appartenir à la chrétienté correspond à la vérité. Tu professes être chrétien ? c’est bien, mais Dieu mettra à l’épreuve ta profession, Il déterminera si tu es réellement un chrétien. Il ne s’agit pas dans notre parabole de savoir quand Dieu fera cela, mais seulement du fait qu’Il le fera.

Or à quelle caractéristique reconnaît-on un vrai chrétien ? au fait qu’il a revêtu Christ (Galates 3:27). C’est cela l’habit de noces — Christ. C’est aussi la plus belle robe dont le père revêt le fils perdu (= prodigue) en Luc 15.

Quand Christ était sur la terre, Il a parfaitement glorifié Son Dieu et Père jusqu’à la mort de la croix, qu’Il a soufferte pour la propitiation pour nos péchés. En réponse à cela, et en l’honneur de Son Fils, Dieu fait maintenant quelque chose de merveilleux avec les enfants des hommes qui croient en Son Fils : Il ne cherche pas quelque chose de bien chez eux ; non, Il leur donne quelque chose de bon, quelque chose de très bon, le meilleur qu’Il puisse donner : Il leur donne Christ. Il les revêt de Christ. Il les justifie sur la base d’une rédemption accomplie. Il voit les croyants « en Christ », dans tout le caractère agréable qui est le Sien. C’est ce que l’apôtre Paul veut dire quand il dit : « Or vous êtes de lui [c’est-à-dire de Dieu] dans le christ Jésus », puis il continue la description de ce que nous acquérons en Lui : « qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption » (1 Corinthiens 1:30).

Parce que Son Fils L’a si merveilleusement glorifié dans Sa vie et dans Sa mort, Il couvre désormais Lui-même le plus petit et le plus faible de ceux qui croient au Nom de Son Fils, des plus hautes bénédictions qu’Il puisse jamais donner. C’est à cause de Son Fils qu’Il fait tout cela. Certes nous avions besoin de la rédemption, un besoin pressant, sinon nous allions à la perdition éternelle. Mais ce n’est pas la question ici. Dieu agit en l’honneur de Son Fils, et Il aime honorer le nom de Son Fils. Il nous pardonne nos péchés à cause de Son nom (c’est-à-dire le nom de Christ) (1 Jean 2:12). Si quelqu’un s’appuie sur le nom et l’œuvre de Son Fils, c’est (nous le disons en toute révérence) la justice de Dieu qui exige qu’il soit justifié par pure grâce, sur la base de la rédemption qui est dans le Christ Jésus.

Dieu restera toujours fidèle à Son caractère, Il n’agira jamais en contradiction avec Sa justice et Sa grâce. Et s’Il est allé nous chercher aux carrefours des chemins, alors que nous n’étions pas aimables, pour nous amener aux noces de Son Fils, alors nous y resterons, quoi qu’il arrive, et y resterons pour l’éternité.

Dans ce contexte je voudrais encore souligner deux particularités assez importantes de la parabole de notre Seigneur.

Il n’est pas parlé de ce que ceux qui étaient à table aux noces ait jamais quitté la noce ni la présence du roi, hormis une exception que nous allons voir tout de suite. C’est ce que nous voyons aussi dans la parabole du fils perdu (= prodigue) : il entre bien dans la maison du père, mais il ne la quitte plus. D’autres passages de l’Écriture montrent ce qu’on ne trouve ici que par allusion : une fois amenés à Lui, nous restons auprès de Lui pour toujours.

La deuxième chose à remarquer, est que le déroulement de la parabole passe imperceptiblement du temps à l’éternité. Les conséquences éternelles deviennent visibles. On va tout de suite encore mieux le comprendre en nous occupant de la part de celui qui n’avait pas d’habit de noces.

6.8.6.2 - Sans habit de noces

Les paroles qui suivent sont remarquables : « Et le roi, étant entré pour voir ceux qui étaient à table ». J’aime toujours beaucoup m’arrêter sur cette pensée que le roi est entré pour voir ceux qui étaient à table. Qu’est-ce qui a attiré l’attention du roi ? Le mobilier somptueux, les draperies et colonnes artistement ouvragées, comme le roi Assuérus en avait disposé au temps d’Esther pour sa fête (Esther 1:4-9) ? Non, son attention fut attirée par ceux qui étaient à table et par leur habillement. Tous ceux qui étaient à table, qui participaient à cette scène et portaient l’habit de noces qu’on leur avait attribué, — chacun d’eux parlaient au cœur du roi de l’excellence de Son Fils. C’est aussi ce qui arrive quand Dieu nous « regarde » : Il se réjouit de voir en nous Christ, Son Fils bien-aimé. Si nous entrons dans les pensées et les désirs du « roi », et que nous honorons le Fils comme le Père L’honore, cela suscite Son bon plaisir (Jean 5:23).

Mais il y avait un homme entré sans avoir d’habit de noces. Le Seigneur Jésus se sert de ce cas pour présenter un principe crucial : pour les noces, il faut avoir un habit de noces. On doit avoir revêtu Christ, pour pouvoir avoir part à Sa joie. On doit avoir revêtu Christ sur cette terre, par la foi, car dans l’Au-delà on ne peut plus chercher à l’être.

Mais cet homme ne se soucie ni des pensées ni des idées du roi. Il est venu avec son propre habit. Quel intérêt avait-il au vêtement que le roi avait fait préparer pour chaque convié ? Son propre habit, qu’il fût bon ou mauvais, lui paraissait suffire. Peut-être même cet homme était-il le mieux vêtu de tous ceux qui étaient venus à table. Peut-être que son vêtement était fait à partir d’étoffes les plus raffinées parmi les hommes, qu’une haute moralité et une profonde religiosité l’avaient caractérisé. Tout cela ne suffisait-il pas pour la présence du roi ?

Or cet homme ne se connaissait pas lui-même, et il ne connaissait pas non plus la grâce ni la majesté du roi ! Il était venu sans Christ devant le roi, il n’avait pas revêtu Christ. Il préférait venir devant le roi avec sa propre justice, et c’était là sa ruine éternelle.

Ah ! il y a beaucoup de gens chrétiens, valeureux, et qui pensent avoir tout à fait raison d’être satisfaits d’eux-mêmes. Extérieurement, ils mènent une vie honorable, et on les estime beaucoup. Ils sont au service de la société humaine, ou de leur église. Ils ont assez de réputation et de religiosité — et c’est justement ce qui leur est fatal — pour se tromper et tromper les autres. Car ils ne comprennent pas qu’ils n’ont pas Christ comme leur justice. Du fait que ce groupe de gens est si grand (bien plus grand, me semble-t-il, que celui des pécheurs déclarés) et de ce que ces gens sont si difficiles à convaincre de la nécessité où ils se trouvent de se convertir, je voudrais leur adresser une parole d’avertissement particulière.

Veux-tu vraiment te confier dans ton honnêteté et ta sincérité, dans ton amour du prochain et ton amabilité ? Je ne dis pas que tu n’as pas ces qualités, ni qu’elles sont sans valeur. Mais penses-tu qu’avec toutes ces qualités tu pourras « faire le poids » en face de tous tes péchés ? Regarde, le « Roi » t’offre Sa merveilleuse grâce, Il t’offre Son Fils unique qu’Il a livré à la mort pour toi. Si cela avait été inutile, Il ne l’aurait pas fait. C’est de Lui qu’Il veut te revêtir. Il veut te voir heureux dans la joie de Son Fils. Veux-tu refuser tout cela ? Veux-tu, à la place, paraître devant Lui dans le mince vêtement de ton honorabilité ? « Je te conseille d’acheter de moi de l’or… et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas » (Apocalypse 3:18). Ou bien veux-tu entendre de Sa bouche la parole solennelle : « Ami, comment es-tu entré ici, sans avoir une robe de noces ? » Toi aussi, tu auras la bouche fermée, cette bouche qui savait si bien parler, et tu « ne lui répondras pas sur un point entre mille » (Job 9:3). Ce sera pour toi éternellement trop tard.

6.8.7 - Le jugement éternel

Le refus d’honorer le Fils du Roi et d’accepter la bonté du Roi entraîne un jugement inéluctable. Il n’y a pas d’excuse pour celui qui préfère ce qui vient de lui-même à ce que le Roi accorde dans Sa bonté. Le roi fait donc lier l’homme pieds et mains, et le fait jeter dans les ténèbres du dehors, « là où sont les pleurs et les grincements de dents ». Que c’est solennel ! Le jugement jette cet homme hors de cette scène qui n’avait aucune place dans son cœur.

Par la forme de cette parabole et les termes utilisés, le Seigneur se sert de l’homme sans habit de noces pour exprimer clairement un autre principe : Le jugement dont il s’agit ici est un jugement personnel, et c’est un jugement éternel. Dans la première partie de la parabole, Il parle d’un jugement temporel, qui devait être exercé ou qui a été exercé dans Son gouvernement à l’égard du peuple juif. De la même manière, il arrivera aussi un moment où la chrétienté, à cause de la même infidélité, sera « coupée » [ou : retranchée ; Romains 11] tout comme le judaïsme. Dans la seconde partie de la parabole que nous considérons maintenant, il ne s’agit plus d’une destruction extérieure de villes, de mise à mort de meurtriers ou de mettre fin à une dispensation, mais d’un jugement éternel sur des personnes individuelles.

Dieu jugera chaque individu, et établira s’il correspond à ce qu’il professe, et s’il est personnellement en état de participer à la fête en l’honneur de Son Fils. Si ce n’est pas le cas, il sera jeté dans les ténèbres du dehors, où sont les pleurs et les grincements de dents, tandis que, de leur côté, les noces suivront leur cours. Il y a un jugement définitif, absolu, éternel : être séparé pour toujours de Celui qui est lumière et amour, et dont on a rejeté la grâce si parfaite.

Le chemin vers Dieu sort l’homme des ténèbres pour le mettre dans la lumière de Sa présence. Mais le chemin loin de Dieu, le chemin Sans Dieu et sans Son Christ, conduit dans les ténèbres de dehors, dans la nuit éternelle. Quel chemin suis-tu ?

6.8.8 - Beaucoup d’appelés

La dernière parole du Seigneur Jésus qui achève la parabole, résume toute la parabole et son enseignement.

« Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus » (Matthieu 22:14).

Beaucoup se sont servi de cette parole pour se persuader qu’ils ne pouvaient pas être sauvés parce qu’ils n’étaient pas élus. Mais c’est un enseignement trompeur, trouvé par Satan pour précipiter les gens dans le malheur. Non, « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 1:4). Et justement dans notre parabole, le Seigneur montre clairement que l’appel de la grâce de Dieu s’adressait, et s’adresse encore, à tous indistinctement : « autant de gens que vous trouverez, conviez-les aux noces » (Matthieu 22:9). « Autant de gens que vous trouverez », ce sont les « beaucoup d’appelés ».

Malheureusement l’offre de grâce de Dieu n’est acceptée que par peu. Par le refus de Christ, ils manifestent seulement qu’ils n’appartiennent pas aux élus. Ils sont donc effectivement un troupeau relativement petit, auquel le Père donne le royaume (Luc 12:32). Bienheureux ceux qui en font partie !


7 - Paraboles de Matthieu 24 et 25

Matthieu 24:45 à 25:30

À la fin de Matthieu 24 et au début de Matthieu 25, on trouve successivement trois paraboles qui forment un tout bien remarquable. Elles font partie du grand discours prophétique du Seigneur sur la montagne des oliviers (ch. 24 et 25), et une brève vue d’ensemble de ce discours facilitera la compréhension des paraboles.

7.1 - Le discours prophétique du Seigneur

Le Seigneur parle ici comme le grand prophète de Dieu, celui que Moïse avait annoncé (Deutéronome 18:18). Il s’agissait d’un moment extrêmement solennel de l’histoire d’Israël quand le Fils de Dieu sortit et s’en alla du temple (Matthieu 24:1). Pensons-y : On n’entendrait plus jamais Sa voix dans ses parvis ! Jérusalem avait rejeté son roi ! Le Seigneur a dû crier au peuple juif et à ses conducteurs : « Voici, votre maison vous est laissée déserte, car je vous dis : Vous ne me verrez plus désormais, jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (Matthieu 23:38, 39). C’est avec un tel arrière-plan solennel qu’il faut voir Ses exposés dans ces deux chapitres.

Pleins d’admiration pour les bâtiments du temple, les disciples avaient voulu les Lui montrer, mais Sa réponse dut forcément les déconcerter, voire même les inquiéter : « Ne voyez-vous pas toutes ces choses ? En vérité, je vous dis : Il ne sera point laissé ici pierre sur pierre qui ne soit jetée à bas » (Matthieu 24:2).

Quand ils furent seuls avec le Seigneur Jésus sur la montagne des Oliviers, ils Lui posèrent trois questions importantes : « Quand ces choses auront-elles lieu ? » — « Quel sera le signe de ta venue ? » — « Quel sera le signe de la consommation du siècle ? » (Matthieu 24:3).

Le Seigneur, dans Sa réponse, dépasse ce qu’ils demandaient. C’est toujours Sa manière de faire. Il leur donne — et à nous aussi par ce moyen — un aperçu grandiose des événements futurs qui suivraient son départ. Partant de la situation en Israël à l’époque, Il développe les choses jusqu’au temps où Il s’assiéra finalement sur Son trône de gloire ici-bas sur la terre et que le royaume ne sera plus en mystère, mais manifesté en puissance.

Il nous faut néanmoins faire attention à ce que, dans ce chapitre, les disciples ne sont pas en tant que chrétiens devant le Seigneur Jésus. Le christianisme n’existait pas encore, même si son introduction était proche. Non, le Seigneur les considère comme représentants du résidu croyant du peuple juif. Ils L’interrogeaient en tant que Juifs croyants, et ils recevaient Ses enseignements en tant que représentants du résidu juif des temps futurs.

La prophétie comporte trois grandes parties. La première couvre les versets 1 à 44 du chapitre 24, et concerne les Juifs. Le Seigneur annonce trois choses à leur sujet :

les tribulations qu’ils endureront (24:9),

les séductions auxquelles ils seront confrontés (24:24),

la libération qui sera leur part (24:31).

La deuxième partie s’étend du ch. 24:45 jusqu’au ch. 25:30. Il s’agit là exclusivement de chrétiens ; et en l’absence du Seigneur

ils servent dans un domaine intérieur (24:45-51),

ils L’attendent (25:1-13),

ils travaillent dans un domaine extérieur (25:14-30).

Le troisième paragraphe englobe les versets 31 jusqu’à la fin du ch. 25. Ce sont des nations qui nous sont présentées. Elles sont jugées et font l’objet d’une sentence, d’après leur attitude vis-à-vis des messagers du Roi, selon qu’elles les ont

accueillis (25:34-40) ou

rejetés (25:41-46).

7.1.1 - La sphère juive

Dans la première partie de Sa prophétie le Seigneur décrit donc la sphère juive. Il est particulièrement frappant qu’Il passe entièrement sous silence la dispensation chrétienne, le temps de l’église (ou : assemblée), qui y est inclus du point de vue chronologique. Dans ce sens, Il parle tout à fait à la manière de l’Ancien Testament. Ce n’est qu’après avoir présenté la succession des événements prophétiques dans la sphère juive et les avoir développés jusqu’à l’apparition du Fils de l’homme en puissance et en gloire, qu’Il en vient à parler de la sphère chrétienne dans la deuxième partie. Cette sphère chrétienne ne fait pas suite chronologiquement à la fin de la première sphère, la sphère juive. La troisième partie qui traite du jugement des nations vivantes au commencement du royaume millénaire, ne fait pas non plus directement suite à la fin de la deuxième sphère. La troisième sphère fait plutôt suite à la fin de la première.

Il est bon de bien comprendre cela. Le Seigneur montre chacune de ces trois sphères séparément pour que nous puissions voir clairement le caractère particulier de chacune. C’est pour cette raison qu’Il nous donne trois images qui, chacune de son côté, est complète et achevée.

Ce n’est pas l’ordre chronologique des différentes sphères (ou : domaines) les unes par rapport aux autres qui figure ici au premier plan. D’autres passages permettent de le reconstituer. Et même à l’intérieur de chacune des sphères particulières, le Seigneur ne suit pas strictement l’ordre chronologique lorsqu’Il expose le déroulement des évènements. Mais nous ne pouvons pas aller plus loin dans cette question ici maintenant.

Le fait que la première sphère est effectivement un domaine juif ressort déjà clairement des expressions qu’on y rencontre : « évangile du royaume » (24:14), « lieu saint » (24:15), « Judée » (24:16), « sabbat » (24:20), « toutes les tribus de la terre » (24:30), « figuier » (24:32), « cette génération » (24:34), « la venue du fils de l’homme » (24:37-39). Ces courtes allusions peuvent suffire ici.


7.1.2 - La sphère chrétienne

Il est très remarquable que le Seigneur Jésus présente la sphère chrétienne qui va nous occuper plus spécialement maintenant, sous forme de trois paraboles : la parabole de « l’esclave fidèle et du méchant esclave », la parabole bien connue des « dix vierges », et la parabole des « talents » (24:45 à 25:30). À proprement parler, ces paraboles ne donnent pas une vue d’ensemble sur des événements prophétiques, comme dans le cas de la première et troisième partie du discours. Ces trois paraboles ont toutes un caractère plutôt moral : elles mettent l’accent sur l’importance de l’attitude intérieure de l’homme.

Que dans ces paraboles nous ayons des images de la dispensation chrétienne actuelle, le temps de la grâce, les trois constatations suivantes l’étayent :

Si les croyants sont ici exhortés à attendre la venue de Christ, il est toujours parlé de la venue du Seigneur. Le titre de « Fils de l’homme » qu’Il prend toujours quand Il a à faire avec la terre ne se trouve dans aucune des trois paraboles.

Dans aucune des trois paraboles, il n’est fait mention « des temps et des saisons » (1 Thess. 5:1) ni d’aucun signe préparatoire comme on en trouve dans d’autres passages sur la prophétie en relation avec Sa venue en puissance. Tout porte plutôt le caractère de vérité chrétienne, surtout de la vérité qui nous est présentée au dernier paragraphe de 1 Thessaloniciens 4.

On ne trouve aucune citation de prophéties de l’Ancien Testament en rapport avec le sujet dominant — le retour de Christ pour les Siens. Pourquoi n’y en a-t-il pas ? Parce que l’Ancien Testament parle dans plus d’une centaine de passages de la venue du Messie, de Son rejet, de Sa mort et aussi de Son royaume en puissance et gloire, mais il n’est fait nulle part allusion à la période de temps durant laquelle le roi est absent et l’assemblée de Dieu, l’église, est formée.

Tout ceci n’est naturellement pas dû au hasard, et nous pouvons en conclure que le Seigneur Jésus ne parle pas ici d’Israël, mais de la dispensation chrétienne qu’Il désigne ici, comme ailleurs dans l’évangile de Matthieu, par le terme « royaume des cieux » (25:1).

Bien que j’aie déjà parlé de « l’assemblée de Dieu » et que j’utiliserai encore cette expression ici et là, il nous faut être bien au clair quant au point suivant : Dans ces trois paraboles, l’assemblée n’est pas présentée comme un tout organique, ni comme le corps de Christ ; mais il est parlé de ceux qui dans l’ère chrétienne prennent la place de professants et qui, en conséquence, sont placés sous la responsabilité correspondante. Leur profession peut être vraie ou fausse. Mais c’est justement quelque chose de typique du royaume des cieux : Il y a un mélange.

7.2 - La première parabole : L’esclave fidèle et le méchant esclave — Matthieu 24:45-51

Après avoir donné encore quelques exhortations personnelles au résidu juif, pour terminer l’aspect juif de Son discours (24:32-44), le Seigneur en arrive au verset 45 au terrain chrétien.

Il faut bien comprendre que les disciples auxquels Il parlait, étaient en principe dans deux positions différentes, même si, à ce moment-là, ils ne le comprenaient que très peu. D’un côté ils étaient les représentants du résidu juif de cette époque et des jours à venir ; nous l’avons déjà vu. D’un autre côté, le Seigneur considère les apôtres sous un angle complètement différent : comme représentants de l’assemblée de Dieu, dont ils formèrent le noyau ou l’embryon à son début (Actes 2). Du fait de Son rejet, leurs relations ne devaient plus être attachées à Israël et aux espérances de ce peuple, mais à Lui-même, le Seigneur demeurant au ciel.

C’est ainsi que, dans la parabole de « l’esclave fidèle et du méchant esclave », la première chose qu’Il montre aux disciples (et à nous), c’est que durant le temps de Son absence, les disciples devaient être caractérisés par la fidélité dans le service pour Lui. Ce service aurait sa source dans l’attente de Son retour. En un certain sens, ce serait une continuation du service qu’ils avaient exercé sous Ses yeux, quand Il était encore ici-bas.

Remarquons enfin que le Seigneur avait déjà prononcé cette même parabole à une précédente occasion (Luc 12:42-46). À ce moment là aussi, Il s’était servi de l’attente de Sa venue pour fortifier les disciples. La répétition de la parabole renforce l’impression produite par Sa parole.

7.2.1 - L’esclave fidèle et prudent

« Qui donc est l’esclave fidèle et prudent, que son maître a établi sur les domestiques de sa maison pour leur donner leur nourriture au temps convenable ? Bienheureux est cet esclave-là que son maître, lorsqu’il viendra, trouvera faisant ainsi. En vérité, je vous dis qu’il l’établira sur tous ses biens » (Matthieu 24:45-47)

C’est par une question pénétrante que le Seigneur introduit la première parabole : « Qui donc est l’esclave fidèle et prudent… ? » Ceci nous rappelle une parole de l’apôtre Paul : « Ici, au reste, ce qui est requis dans des administrateurs, c’est qu’un homme soit trouvé fidèle » (1 Corinthiens 4:2). C’est donc entièrement une question de responsabilité. Les trois paraboles ont toutes en commun cette pensée de base, même si le point de vue est chaque fois différent.

7.2.1.1 - Le service auprès des saints

La parabole elle-même traite d’un esclave établi par son maître (ou : Seigneur) sur ses domestiques, sur les gens de sa maison. Selon l’intention exprimée par son Seigneur, l’esclave a reçu cette position pour qu’il donne aux autres esclaves et servantes de Sa maison leur nourriture au temps convenable.

Le sens figuré est facile à saisir. Car le Seigneur Jésus a encore aujourd’hui « des domestiques », des serviteurs et des servantes — de ceux qu’Il appelle « les Siens » et qui Lui sont infiniment proches et précieux. Il prend soin d’eux pour qu’ils aient toujours la nourriture convenable au temps convenable. Combien sont heureux les soins du Seigneur glorifié pour Son assemblée (comp. aussi Éphésiens 5:29) !

Mais n’est-il pas remarquable que, parmi les trois paraboles, celle-ci vienne en premier ? Ne devons-nous pas en conclure peut-être que l’intérêt du Seigneur pour Son peuple ici-bas sur la terre tient la première place dans Son cœur ? Nous, les hommes, nous aurions sûrement mis au premier rang la prédication de l’Évangile pour le monde perdu. Et qui oserait émettre le moindre doute sur l’importance de cette activité ? C’est dans la troisième parabole que le Seigneur en parle avec beaucoup d’insistance. Mais s’occuper de ceux qui sont à l’intérieur, en un sens, a la priorité avant de s’occuper de ceux de dehors. Ceci est confirmé par la triple mission confiée à Pierre par le Seigneur ressuscité en rapport avec Ses brebis et Ses agneaux : « Pais mes agneaux » — « Sois berger de mes brebis » — « Pais mes brebis » (Jean 21:15-17).

Le Seigneur a des gens qui sont « Sa maison » : « Nous sommes sa maison » (Hébreux 3:6). À l’intérieur de ce domaine, le maître de maison attribue la plus grande importance, dans Son amour, à un service fidèle et intelligent. Voyons-nous les choses pareillement ? Ou bien les besoins spirituels des enfants de Dieu ne sont-ils qu’accessoires pour nous, parce que nos intérêts, notre prédication sont exclusivement tournés vers ceux de dehors ? Si c’était le cas, nous n’aurions pas encore bien compris un caractère essentiel de notre époque. Car un tel service auprès des saints est justement caractéristique du christianisme, alors que le judaïsme ne connaissait rien de semblable. Il y avait bien aussi un « enseignement » en Israël, mais il s’agissait toujours d’un enseignement ou d’une lecture de la loi, une instruction du peuple au sujet de la loi (Deutéronome 33:10 ; 2 Chroniques 17:7-9 : Esdras 7:10 ; Néhémie 8:7, 8, 18 ; 9:3).

Mais comment cela se situe par rapport à ce qui est relaté en Néhémie 8 : « Et ils lisaient distinctement dans le livre de la loi de Dieu, et ils en donnaient le sens et le faisaient comprendre lorsqu’on lisait » (Néhémie 8:8) ? N’était-ce pas une sorte d’« exposé » (Actes 28:23 ; 2 Timothée 2:15) au sens du Nouveau Testament ? Non, il s’agissait bien plutôt d’une traduction. Durant leur captivité, les Juifs avaient perdu leur langue d’origine, l’hébreu, et avaient adopté à la place, comme langue courante, l’araméen de leurs oppresseurs, qui était une langue apparentée. Or la loi était rédigée en hébreu comme presque tout l’Ancien Testament, ce qui fait que les Juifs ne comprenaient plus correctement ce qui était lu. C’est pourquoi les lévites, restés familiers avec l’hébreu, leur donnaient le sens de ce qui était lu. C’est aussi pourquoi il est dit au verset 12 : « Car ils avaient compris les paroles qu’on leur avait fait connaître ». Le verset 13:24 confirme également les difficultés linguistiques des Juifs revenus de Babylone.

Quelle différence avec l’enseignement donné à l’époque chrétienne au sujet de la loi et de ses commandements et du service ! Aujourd’hui le Saint Esprit conduit dans toute la vérité, et Il annonce les choses qui vont arriver, et Il glorifie Christ. Il prend de ce qui est au Seigneur Jésus et nous le donne (Jean 16:12-15). C’est une véritable « nourriture ». Il n’y a rien de comparable dans la dispensation juive.

Bien sûr, le service lui-même ne peut être accompli qu’au moyen de la parole de Dieu, comme les apôtres l’exprimaient déjà au début de l’ère chrétienne : « et pour nous, nous persévérerons dans la prière et dans le service de la parole » (Actes 6:4). Et si le service est accompli dans l’esprit du Maître et sous la conduite du Saint Esprit, l’esclave fidèle et prudent saura donner du lait aux « enfants » et de la nourriture solide aux « hommes faits », exactement selon les besoins (1 Corinthiens 3:2 ; Hébreux 5:12-14). C’est ce que le Seigneur veut dire ensuite par les mots « faisant ainsi », et c’est ce qu’Il apprécie tant.

7.2.1.2 - Responsabilité vis-à-vis du Seigneur

Il y a encore autre chose à apprendre de cette parabole simple : L’esclave appelé à ce service ne reçoit sa mission que du Seigneur, non pas des hommes, quels qu’ils soient, ni de l’assemblée. L’autorité pour faire ce service ne vient que du Seigneur ; Lui seul peut établir l’esclave sur Ses « domestiques ». Instruit lui-même dans la parole, il est maintenant appelé à enseigner d’autres. C’est plus tard dans les épîtres que nous apprenons que Christ exalté a donné des dons à Son assemblée : « et lui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs ; en vue du perfectionnement des saints, pour l’œuvre du service, pour l’édification du corps de Christ » (Éphésiens 4:11, 12).

Et comme la mission et l’autorité viennent du Seigneur seul, ainsi l’esclave n’est responsable dans son service que devant le Seigneur. Aucune instance humaine ne pourrait s’en mêler. Le service auprès des saints est une affaire divine, et il s’exécute sous le regard du Seigneur. C’est la raison pour laquelle dans notre parabole, tout tourne autour de la manière dont le maître, à sa venue, juge l’attitude de Son serviteur.

Nous arrivons par là à une autre question. Qu’est-ce qui rend l’esclave capable de servir de la bonne manière ? Qu’est-ce qui le fait poursuivre fidèlement en dépit de toutes les difficultés qui se rattachent au service ? C’est l’espérance que son Seigneur revient et qu’il y aura une rémunération pour toutes les peines. « Voici, je viens bientôt, et ma récompense est avec moi » (Apocalypse 22:12). Si nous aimons le Seigneur Jésus, nous attendrons ardemment Son retour, et en attendant, nous nous consacrerons à un service d’amour envers ceux qu’Il aime de manière si inexprimable.

7.2.1.3 - La récompense

La fidélité envers Lui et envers Sa « maison » aura sa récompense, indépendamment des détails de la nature du service. Naturellement il s’agit ici de donner aux croyants la « nourriture » dont ils ont besoin ; mais le principe s’applique à toute sorte de services que le Seigneur peut confier. Quand alors le Seigneur vient et trouve l’esclave « faisant ainsi », Il lui exprime Son approbation. Il appelle ce serviteur « bienheureux ». Même si d’autres l’ont jugé défavorablement, comme s’il avait déployé son énergie dans le mauvais sens (voir Matthieu 26:8, 9), c’est ce jugement du Seigneur qui subsiste.

Mais ce n’est pas tout ; en outre « il l’établira sur tous ses biens ». Il avait établi Son esclave sur Ses domestiques, et comme il a été fidèle à cet égard, Il l’établira sur tous Ses biens. Une comparaison avec Apocalypse 2:26 nous montre ce que cela comprend : « Et celui qui vaincra, et celui qui gardera mes œuvres jusqu’à la fin, — je lui donnerai autorité sur les nations ». L’apostasie de « Thyatire » caractérisera le temps du retour de Christ ; et l’esclave qui sera resté fidèle à son Seigneur et Maître dans un temps rempli de danger sera élevé à une place de puissance dans Son royaume. « Si nous souffrons (*), nous régnerons aussi avec lui » (2 Timothée 2:12). La place de l’autorité et du règne est normalement Sa place, car il s’agit de « tous Ses biens ». Le Père n’a-t-Il pas mis toutes choses entre les mains du Fils et ne L’a-t-Il pas établi sur les œuvres de Ses mains (Jean 13:3 ; Hébreux 2:7) ? Or le Seigneur Jésus ne veut pas occuper cette place tout seul ; Il désire la partager avec les Siens selon le conseil de Dieu. « Et quand le souverain pasteur sera manifesté, vous recevrez la couronne inflétrissable de gloire » (1 Pierre 5:4). Quelle grâce insondable !

(*) Note du Traducteur : en allemand, « persévérons ». Voir note de la traduction JN Darby en français : « endurons ».

7.2.2 - Le méchant esclave

Mais il y a aussi un autre côté du tableau, le côté sombre. Nous le retrouverons dans les deux paraboles suivantes.

« Mais si ce méchant esclave-là dit en son cœur : Mon maître tarde à venir, et qu’il se mette à battre ceux qui sont esclaves avec lui, et qu’il mange et boive avec les ivrognes, le maître de cet esclave-là viendra en un jour qu’il n’attend pas, et à une heure qu’il ne sait pas, et il le coupera en deux et lui donnera sa part avec les hypocrites : là seront les pleurs et les grincements de dents » (Matthieu 24:51).

Comme le Seigneur parle de « ce méchant esclave- », beaucoup se sont demandés : d’où vient-il donc, ce méchant esclave-là. Pourquoi dit-Il : « ce … là » ? De qui parle-t-Il ?

7.2.2.1 - Deux groupes d’ouvriers

Comprenons d’abord que l’esclave fidèle et le méchant esclave ne représentent pas des individus, mais différents groupes de serviteurs. L’esclave fidèle et prudent symbolise le groupe des serviteurs fidèles du Seigneur au temps du christianisme, le méchant esclave le groupe des serviteurs infidèles, indignes. Par contre, dans la troisième parabole nous avons bien l’aspect individuel des ouvriers, mais pas ici. Il est extrêmement utile de considérer ces précisions.

La conjonction « si » est un « si » d’expectative. Le Seigneur prévoit de Son œil spirituel un changement néfaste des serviteurs dans la sphère chrétienne. Ce changement concerne le caractère des serviteurs, non pas leur position, et il a pour origine l’abandon de l’espérance du retour du Seigneur. En ce qui concerne la position, le méchant esclave est vu et traité de la même manière que l’esclave fidèle. Ceci veut dire que tous les deux sont vus comme établis sur les domestiques, et qu’ils en sont donc tous les deux responsables. Mais c’est le caractère de l’esclave qui change : Il est devenu un méchant esclave. C’est dans ce sens-là que le Seigneur considère le méchant esclave comme étant le même esclave, et dit à cause de cela : « Mais si cet esclave-là… ». Nous avons la même manière de voir dans la parabole du « grain de moutarde », où le petit grain de semence, quoique semé par le Seigneur Lui-même dans Son champ, devient un grande arbre et offre une demeure aux oiseaux du ciel (Matthieu 13:31, 32).

Cependant, les deux groupes de serviteurs subsistent jusqu’à la venue du Seigneur — la parabole le montre aussi clairement, — même s’ils vivront différemment cette venue. Nous y reviendrons plus tard. Néanmoins, le Seigneur veut démontrer un développement en mal, et en même temps Il veut préciser que pendant toute la dispensation de la grâce, il y aura des ouvriers fidèles et prudents, « jusqu’à ce qu’Il vienne ».

Nous pensons parfois que les méchants esclaves ne sont pas du tout des serviteurs du Seigneur. Mais le Seigneur nous enseigne autre chose dans cette parabole. Ce n’est pas seulement le méchant esclave lui-même qui dit : « mon maître », mais c’est également le Seigneur qui se nomme Lui-même le « maître de cet esclave » (24:50). Ceci est très remarquable. Si quelqu’un professe être au Seigneur, et être un serviteur du Seigneur, alors il est aussi responsable vis-à-vis de ce Seigneur. Le Seigneur Jésus ne dit pas : « Tu n’es pas mon esclave », mais Il agit avec lui selon sa profession, et selon qu’il a été conforme à cette profession.

Ce principe s’étend à toute la chrétienté. Si quelqu’un professe être à Christ par le baptême ou par la cène ou de tout autre manière, il est aussi responsable vis-à-vis de ce Seigneur — responsable de vivre selon ses enseignements. Le Seigneur ne le libère pas de cette responsabilité si sa profession est vaine et qu’il n’y a pas de vie divine. Si quelqu’un prétend être chrétien, le Seigneur le jugera sur ce terrain-là, non pas comme un païen qui n’a jamais entendu parler de Lui, et qui porte donc une responsabilité bien moindre.

7.2.2.2 - Il commence « dans le cœur »

Comment le mal est-il entré dans l’assemblée ? Cela a commencé dans le cœur par l’abandon de l’espérance du retour immédiat de Christ : « Mais si ce méchant esclave-là dit en son cœur : Mon maître tarde à venir… ». Notons que c’est le langage du cœur que seul peut percevoir Celui qui connaît les cœurs. Or c’est là, dans le cœur, que l’évolution funeste a eu son point de départ. Il en est toujours ainsi. Quand Étienne se tenait devant ses accusateurs juifs, il dut leur rappeler leurs pères « qui ne voulurent pas être soumis » à Moïse et donc à Dieu ; « mais ils le repoussèrent et retournèrent de leur cœur en Égypte » (Actes 7:39).

Si on aime le Sauveur, il n’y a rien de plus normal et de plus beau que d’attendre ardemment l’accomplissement de Sa promesse de revenir bientôt. Pour un tel chrétien le retour de Christ n’est pas qu’une question doctrinale, mais un besoin du cœur. Les croyants à Thessalonique s’étaient « tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils » (1 Thessaloniciens 1:9, 10). Voilà, bien-aimés, ce qui devrait être notre attitude et notre espérance ! Le Seigneur Jésus n’a-t-Il pas dit qu’Il reviendrait pour nous prendre auprès de Lui, afin que là où Il sera, nous, nous soyons aussi (Jean 14:3) ? Cette espérance est sur Son cœur, et elle devrait également être sur le nôtre. Oui, son cœur nous désire, et Il transformera ce désir en réalité. Peut-il donc y avoir de notre côté une autre réponse que celle de chercher du regard Celui qui nous aime ?

Mais il peut en être autrement. Pourquoi est-ce que je parle de nous les enfants de Dieu, alors que c’est le « méchant esclave » qui est devant nos yeux ? Son langage peut-il aussi être le nôtre ? Malheureusement, oui ! Nous pouvons certes ne pas être directement « ce méchant esclave-là », car sa fin est la perdition. Mais nous pouvons tout à fait tenir son langage, avec des conséquences catastrophiques pour nous aussi.

Notons bien que le méchant esclave ne pense pas que son maître ne va pas revenir, mais il repousse cet événement (non désiré) vers un futur éloigné (comp. 2 Pierre 3:4, 9). Si le diable réussit à faire cela avec nous, la ruine est inéluctable. Peu importe la méthode utilisée par l’adversaire pour arriver à son but. Soit il amène le monde entre nous et Christ, soit il introduit de nouveaux enseignements : par exemple l’opinion selon laquelle les croyants devraient préalablement traverser la grande tribulation [post-tribulationistes], ou l’idée que la venue de Christ ne pourrait avoir lieu qu’après le règne millénaire [post-millénaristes]. Le résultat est le même dans les deux cas : L’attente immédiate de Sa venue est relativisée (atténuée), Son retour est repoussé dans le lointain, et en conséquence le cœur perd sa force vive. On s’installe sur la terre ; c’est elle qui devient le domicile (ou : la patrie) de l’âme, non pas le ciel. Et finalement on est même satisfait de penser que Christ ne viendra pas avant longtemps, si tant est qu’on croit qu’Il reviendra un jour.

Dans la chrétienté les choses ont évolué depuis longtemps dans cette direction ; c’est l’état le plus largement répandu. Mais — quel avertissement !— ce qui a conduit à cela n’était à l’origine rien d’autre que l’abandon de la bonne manière de penser. Et c’est ainsi que ceux qui auraient dû être fidèles et prudents sont devenus infidèles et méchants. Qu’on comprenne bien cette phrase ! Il n’est pas question ici de savoir si un croyant peut après tout aller à la perdition — ce que l’Écriture nie sans ambiguïté (Jean 10:27-30) — mais il s’agit dans cette parabole de la responsabilité du serviteur au temps du christianisme.

7.2.2.3 - Gouverner au lieu de servir

Après avoir perdu la bonne orientation d’esprit, l’étape suivante est la prétention à une fausse position : « et il se met à battre ceux qui sont esclaves avec lui ». Ceci est un changement radical d’un vrai service tel que le Seigneur vient de le décrire (Matthieu 19:29, 30). Il nous montre là deux grands principes qui devraient être la motivation du vrai serviteur au service : l’amour (« aura quitté…pour l’amour de mon nom ») et l’humilité (« les premiers seront les derniers »).

Ici, nous avons au contraire l’élévation du Moi et l’oppression des autres. Il n’est pas difficile de suivre les progrès de cet état d’esprit dans l’histoire de la chrétienté à travers les siècles. Déjà au temps des apôtres, il y avait un homme dont l’apôtre Jean a dû dire : « …qui aime à être le premier parmi eux » (3 Jean 9). Il a rapidement fait école.

Je ne veux pas dire qu’en principe l’exercice de l’autorité dans l’assemblée soit faux. Au contraire, il est voulu de Dieu. Le Seigneur tient les sept étoiles dans Sa main droite ; Il les a placées pour répandre dans l’assemblée la lumière divine pour conduire et pour enseigner (Apocalypse 1:16, 20 ; 2:1). Le Seigneur les mesurera selon qu’elles auront répondu à cette position et à ce devoir et se seront soumises en tout à Sa volonté et à Sa parole. Dans ce contexte j’aimerais mentionner que dans l’Écriture sainte le « soleil » est souvent utilisé comme image d’une autorité absolue (Dieu), la « lune » comme image d’une autorité dérivée (l’assemblée) et les « étoiles » comme l’image d’une autorité subordonnée (anges des assemblées) — les deux dernières « pour dominer sur la nuit » (comp. Genèse 1:16 ; Psaume 136:9). Dieu attend de Ses serviteurs que Sa volonté soit présentée et réalisée dans l’assemblée avec autorité.

Ces remarques montrent aussi clairement que l’exercice de l’autorité dans l’assemblée n’a strictement rien à voir avec une domination de propre volonté sur elle. Le travail de paître le troupeau de Dieu doit être fait ; la surveillance sur ce troupeau doit s’exercer. Mais l’apôtre Pierre ajoute aussitôt cet avertissement à ceux auxquels le Seigneur a confié un tel service : « non pas comme dominant sur des héritages » (1 Pierre 5:1-3).

Quand le Seigneur parlait dans Sa parabole d’esclaves battant les autres, Il vivait ici-bas sur la terre. À peine 70 ans plus tard, Il donnait du ciel au vieil apôtre Jean la mission d’écrire sept lettres à sept assemblées — des lettres qu’Il lui a dictées Lui-même. Dans deux de ces lettres, Il mentionne un certain groupe de gens, les nicolaïtes, et Il parle de leurs « œuvres » et de leur « doctrine » (Apocalypse 2:6, 15). « Nicolaïtes » signifie « dominateur du peuple » et nous pouvons en déduire que, par cette expression symbolique, le Seigneur visait l’apparition (précoce) d’un système clérical, même s’Il ne voulait pas limiter l’expression à cette pensée.

Ce système ecclésiastique nia rapidement la sacrificature [ou : prêtrise] de tous les croyants, comme l’enseigne l’Écriture sainte (1 Pierre 2:5, 9), et il mit de côté la libre action du Saint Esprit dans la prédication de la Parole de Dieu. Il introduisit la différence, contraire à l’Écriture, entre clergé et laïcs, ce qui amena la domination sur ces derniers. Seule une certaine classe, recevant une ordination par des hommes, avait le droit de prêcher, d’enseigner et de conférer les soi-disant sacrements (baptême et cène).

Un exemple historique confirme la rapidité avec laquelle ces principes faux ont pris pied dans la chrétienté : Ignace avait été à l’école de l’apôtre Jean et était son ami. Il ne lui survécut guère que sept ans. La veille de sa mort comme martyr, en chemin vers Rome, vers l’an 107, cet homme dévoué, évêque d’Antioche et archevêque de la Syrie, écrivit sept lettres à différentes assemblées. Dans ces lettres, il souligne la soumission des croyants à l’évêque et leur demande « de regarder à l’évêque comme au Seigneur Lui-même ». Il écrit à l’assemblée à Philadelphie : « J’ai crié, lorsque j’étais parmi vous, je vous ai dit bien fort : ‘Écoutez l’évêque et les anciens et les diacres !’ » (Andrew Miller, Histoire de l’église).

7.2.2.4 - La communion avec le monde

Après que les convictions justes ont été perdues et qu’on eut cessé d’attendre la venue du Seigneur, il en est résulté, outre la prétention à une fausse position (ce que nous venons de voir), la communion avec le mauvais côté, ce qui était presque inévitable : « il mange et boit avec les ivrognes ». Il n’est pas dit que le méchant esclave est ivre lui-même, mais il a communion avec ceux qui sont dans cet état.

La communion avec le monde : c’est la troisième caractéristique du méchant esclave. « Ceux qui s’enivrent, s’enivrent la nuit » dit l’Écriture (1 Thessaloniciens 5:7) ; nous voyons ainsi que la communion avec le monde se traduit par une communion avec les ténèbres. Les « enfants de lumière » sont donc exhortés : « N’ayez rien de commun avec les œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt reprenez-les aussi ; car les choses qu’ils font en secret, il est honteux même de les dire » (Éphésiens 5:11, 12). Car si on s’associe avec le monde et ses principes, comment pourra-t-on le reprendre ?

Manger et boire expriment la communion, que ce soit avec le bien ou avec le mal — un principe dont on retrouve la confirmation dans d’autres passages (comp. 1 Corinthiens 5:11 ; 10:17-22). Bien que le méchant esclave ne soit pas ivre, comme nous l’avons remarqué, le Seigneur le voit quand même uni avec ceux qui le sont. Pourquoi ? Parce qu’il « mange et boit » avec eux. Il ne faut pas forcément faire le mal soi-même pour être en communion avec lui. Il suffit souvent d’une participation extérieure. Le Seigneur la juge comme une identification, une assimilation avec le mal. La seule salutation normale peut faire participer aux « mauvaises œuvres » d’un faux docteur (2 Jean 11). C’est la manière de voir de Dieu, et combien peu les enfants de Dieu la comprennent aujourd’hui ! Sinon ils éviteraient et abandonneraient plutôt les relations mauvaises par lesquelles Il est déshonoré. « Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs » (1 Corinthiens 15:33).

Au lieu de servir le Seigneur, le méchant esclave s’engage avec le monde, et s’unit à ses voies et ses principes. Aussi, le moment venu, il sera traité comme lui.

7.2.2.5 - La fin de l’« hypocrite »

« Le maître de cet esclave-là viendra ». Il ne faut pas confondre la venue du verset 50 avec celle du verset 46. L’esclave fidèle et prudent vit dans l’attente du retour de son Maître. Tout son service s’accomplit en vue de ce moment désiré ardemment depuis longtemps. Mais pour le méchant esclave, la venue du Maître est quelque chose d’inattendu autant que non désiré. Il établira l’esclave fidèle sur tous Ses biens, tandis que le méchant esclave sera coupé en deux et recevra sa part avec les hypocrites.

Ainsi la venue du Seigneur porte un caractère totalement différent dans les deux cas. C’est pour le monde qu’Il vient « comme un voleur dans la nuit » (1 Thessaloniciens 5:2, 3 ; voir aussi 2 Pierre 3:10 ; Apocalypse 3:3 ; 16:15), mais non pas pour les Siens. Nous apprenons plus tard, en particulier par les épîtres de Paul aux Thessaloniciens, qu’il s’agit de deux actes différents et de deux moments différents de Sa venue. Mais au moment où parlait le Seigneur, la vérité de l’enlèvement des Saints n’avait pas encore été révélée. Les paroles du Seigneur ici en indiquent cependant déjà le chemin. Il est très heureux de le voir.

Le sort du méchant esclave est d’autant plus solennel. Il sera « coupé en deux » — avec une « scie » bien plus terrible que celle avec laquelle David « scia » les fils d’Ammon autrefois (1 Chroniques 20:3). Et comme le méchant esclave est un hypocrite — il prétendait servir le Seigneur, mais ne l’a pas fait, — c’est pour cela que le Seigneur lui donnera là sa part : avec les hypocrites.

Arrivé là, le Seigneur abandonne le langage en parabole, et se met à parler directement, littéralement. Il en est de même quand Il décrit plus en détail cette « part avec les hypocrites » : « Là seront les pleurs et les grincements de dents ». Nous retrouvons cet abandon subit du langage en parabole à la fin de plusieurs paraboles, et cela souligne l’immense portée et les lourdes conséquences de ce que la Seigneur place sur les cœurs.

Quand on compare entre eux les passages où le Seigneur utilise cette expression solennelle « les pleurs et les grincements de dents » (Matthieu 8:12 ; 13:42, 50 ; 22:13 ; 25:30 ; Luc 13:28), il apparaît clairement qu’Il parle toujours d’un jugement éternel dans le lieu de tourments. C’est l’enfer, la seconde mort, la séparation éternelle d’avec Dieu.

Que le Seigneur accorde qu’aucun de mes lecteurs n’arrive dans ce lieu effrayant, duquel on ne peut plus s’échapper ! Aujourd’hui est encore un jour de salut, aujourd’hui on peut encore « se tourner vers Dieu », pour venir des ténèbres à Sa merveilleuse lumière.

7.3 - Seconde parabole : Les dix vierges — Matthieu 25:1-13

La parabole des ‘dix vierges’, au début du chapitre 25, fait directement suite à celle de ‘l’esclave fidèle et du méchant esclave’ à la fin du chapitre 24. Il s’agit d’une des paraboles les plus connues, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit toujours bien comprise. Cette parabole du Seigneur est également riche en leçons de la plus grande importance, particulièrement pour les jours où nous vivons. Avec l’aide du Saint Esprit et avec tout le soin requis, nous voudrions essayer de saisir ces leçons pour les garder dans notre cœur et pour agir en conséquence.

7.3.1 - Une façon de regarder en arrière

Comme les paroles préliminaires l’indiquent, nous sommes de nouveau en présence d’une parabole du « royaume des cieux » :

« Alors le royaume des cieux sera fait semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, sortirent à la rencontre de l’époux » (Matthieu 25:1).

Le Seigneur compare donc l’ère chrétienne (le royaume des cieux) à dix vierges qui prirent leurs lampes pour aller à la rencontre du Seigneur. Il se sert d’une coutume habituelle d’Orient : le jour d’un mariage, des vierges allaient à la rencontre de l’époux pour l’accompagner jusqu’à la maison de l’épouse avec des flambeaux.

Par le mot introductif ‘alors’, le Seigneur fait la liaison avec la parabole précédente. ‘Alors’ ne se réfère pas du tout, comme beaucoup le pensent, à la grande tribulation et à sa fin, mais à la période chrétienne dont le Seigneur avait déjà parlé dans la première parabole. L’esclave fidèle et prudent aurait le regard et le cœur tournés vers le retour de son Seigneur, et travaillerait pour Lui dans un domaine intérieur pour donner « à ses domestiques la nourriture au temps convenable ». Par contre, le méchant esclave dirait en son cœur : « Mon maître tarde à venir » et commencerait à s’élever au-dessus de ceux qui étaient esclaves avec lui et à les battre. Finalement, il s’associerait même avec les ivrognes. C’est exactement la déchéance qui s’est produite dans la chrétienté.

Par la forme d’expression particulière « sera fait semblable » (ou moins littéralement : ‘deviendra semblable’), le Seigneur indique qu’Il a spécialement en vue une période de temps particulière et tardive dans cette époque chrétienne de la première parabole. Le royaume des cieux aurait alors précisément revêtu certains caractères moraux. Cette période se situe bien sûr à la fin de l’époque. C’est pourquoi la manière de voir dans cette parabole est en partie tournée vers le passé. Il en va ici autrement que, par exemple, dans les paraboles du royaume des cieux du ch. 13, où le développement du royaume est montré en partant d’un certain point de départ et en allant vers l’avenir ; ici c’est la situation de l’état final qui est décrite, mais un coup d’œil est quand même donné en arrière vers le point d’où tout est parti.

7.3.2 - Sur l’interprétation des paraboles

Avant d’entrer dans les symboles particuliers dont le Seigneur se sert, rappelons encore une fois ce qui a été dit au début de nos méditations sur les paraboles : en principe, nous ne pouvons pas « spiritualiser » tous les détails d’une parabole. Nous ne pouvons pas, et même nous n’avons pas le droit de vouloir absolument attribuer une interprétation spirituelle à chaque circonstance mentionnée dans la parabole. Chaque parabole a une ligne de pensée fondamentale, et c’est elle qu’il faut saisir. Dans notre parabole, cette ligne de pensée est qu’il faut être prêt pour l’arrivée de l’époux. C’est ce dont il s’agit ici, et c’est en relation avec cette ligne de pensée fondamentale que les détails de la parabole reçoivent leur sens figuré.

En principe on ne poursuit aucune ligne de pensée secondaire dans une parabole, on n’entre pas dans les vérités qui sont connexes à la vérité ou à la leçon présentée dans la parabole en question. Ainsi par exemple, il n’est pas parlé de l’épouse dans notre parabole ; au chapitre 22 nous avons une parabole qui traite de l’état des invités ; dans notre parabole, il s’agit de la venue de l’époux ; et ce n’est qu’en Apocalypse 19 et 21 que nous voyons l’épouse céleste.

Le Seigneur Jésus est de toute évidence le grand et divin Docteur [qui enseigne], et quand Il prononce une parabole et y utilise certains symboles, Il sait exactement pourquoi Il dit ainsi et non pas autrement. Il y a toujours une intention dans la façon dont Il choisit Ses mots. Ses paroles sont toujours parfaites et pleines de sagesse divine : c’est à maintenir de manière absolue. Néanmoins ce qui a été dit subsiste : dans chaque parabole, le Seigneur veut donner une leçon fondamentale. Saisir cette pensée principale doit être notre préoccupation principale, avant de nous demander ce que le Seigneur a encore à nous dire par tel ou tel détail.

Ajoutons encore qu’il nous faut être reconnaissants de ce que le Seigneur s’est abaissé à nous faire connaître Ses pensées divines au moyen de circonstances et d’événements de la vie normale. Nous assimilons souvent beaucoup plus facilement les images que les paroles abstraites.

Cette parabole qui est devant nous est un tableau tracé par une main divine et parfaite ; aussi serons-nous certainement surpris de tout ce que le grand Maître y a placé.

7.3.3 - Le christianisme, c’est sortir, c’est du mouvement [première période]

Si le Seigneur utilise le symbole de vierges, c’est parce qu’Il veut tout de suite nous faire connaître une pensée de base du christianisme : la séparation — la séparation du monde, de tout ce qui ne Lui est pas conforme. La racine du mot grec pour ‘vierges’ signifie ‘séparer’. Les vrais chrétiens sont des hommes qui sont séparés pour leur Seigneur, séparés pour Dieu. Le Seigneur Jésus « s’est donné lui-même pour nos péchés, en sorte qu’il nous retirât du présent siècle mauvais, selon la volonté de notre Dieu et Père » (Galates 1:4). Le service de l’apôtre Paul visait à « présenter les Corinthiens au Christ comme une vierge chaste » (2 Corinthiens 11:2). Sommes-nous toujours conscients de cette position, chers amis ?

Les vierges prirent leurs lampes. La lampe est une excellente image du témoignage du chrétien. Les chrétiens sont appelés à être un témoignage pour Christ dans ce monde. Ils ont le privilège de reluire « comme des luminaires dans le monde » « au milieu d’une génération tortue et perverse » (Philippiens 2:15). En montrant, dans leur vie et par leurs paroles, qui est Christ, ils répandent une lumière spirituelle et morale dans un monde de ténèbres. N’est-ce pas un service élevé ? Ne voulons-nous pas nous rappeler une nouvelle fois ce service en entendant dire des vierges qu’elles prirent leurs lampes ?

Équipées ainsi, « elles sortirent à la rencontre de l’époux ». Ceci est extraordinairement remarquable ; car nous y découvrons un caractère supplémentaire, un troisième caractère du vrai christianisme : La pensée de Dieu est que les chrétiens ne restent pas là où ils étaient au moment de leur conversion ; mais plutôt ils sortent, ils quittent au sens religieux leurs relations antérieures. Le Juif cesse d’être un Juif, le païen d’être un païen — « où il n’y a pas Grec et Juif … ; mais où Christ est tout et en tous » (Colossiens 3:11).

Mais ils quittent aussi leur position antérieure dans un autre sens : Ce qui avait pour eux de la valeur dans ce monde, ils l’abandonnent pour l’amour du Seigneur, pour aller à Sa rencontre — pour avoir « une rencontre avec Lui » (*). Je ne parle pas ici de relations naturelles, créées par Dieu, telles qu’elles existent entre homme et femme, ou parents et enfants. En suivant le Seigneur, il nous faut certes parfois les mettre au second plan. Mais je pense beaucoup plus au système du monde qui tient l’homme captif par ses joies et ses plaisirs. Celui qui est devenu croyant abandonne volontiers ces liens anciens et ces joies creuses qui n’ont plus d’importance pour lui. Quand on va réellement à la rencontre de « l’époux », ce ne sera pas du tout difficile.

(*) Il est très significatif que nous ayons ici (Matt. 25:6) la même expression qu’en 1 Thess. 4:17.

On peut voir un bel exemple de cette ‘sortie’ chez les croyants de Thessalonique. Ils s’étaient tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils (1 Thessaloniciens 1:9,10). Les chrétiens hébreux durent aussi faire l’expérience qu’il était impossible de rester dans le ‘camp’, le système religieux juif, et de jouir en même temps des bénédictions chrétiennes. « Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre ; car nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous recherchons celle qui est à venir » (Hébreux 13:13, 14). Bien-aimés, sommes-nous également « en mouvement », abandonnant ce qui est ancien et allant vers Celui qui vient ?

Une nouvelle différence apparaît ici par rapport à la position des Juifs croyants des jours à venir : Tandis que les chrétiens sont appelés à « sortir » à la rencontre de l’époux, le résidu juif n’a pas reçu cet appel. Il reste dans les relations qui l’ont caractérisé jusque-là, et y attend la venue du messie comme salut : les versets 40 et 41 de Matthieu 24 en parlent : l’un (ou l’une) sera pris(e) (par le jugement) et l’autre laissé(e) (pour le royaume).

En ce qui concerne l’époux, il n’est pas difficile d’y reconnaître une image du Seigneur Jésus. Déjà au chapitre 22 le Seigneur Jésus avait comparé le royaume des cieux à un roi qui fit des noces pour son fils. Si Dieu veut faire des noces pour Son fils (en langage figuré), il est tout à fait clair qui est l’époux : c’est Lui, le Seigneur Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant.

Ce qui est également frappant, c’est que dans les deux paraboles l’épouse n’apparaît pas. Si j’en parle quand même maintenant un peu, c’est parce qu’il nous arrive d’avoir des idées fausses à son sujet en rapport avec notre parabole.

S’agissant de l’épouse, il ne nous faut pas penser ici à l’assemblée de Dieu. Certes l’assemblée est l’épouse céleste de Christ, la femme de l’Agneau (Apocalypse 19:7 ; 21:2 ; 22:7), mais cette vérité n’est pas encore révélée ici.

En méditant notre parabole, nous ne devrions pas non plus laisser de place à l’idée qu’au cours du déroulement de la parabole, les vierges deviendraient elles-mêmes à l’improviste l’épouse. C’est ce qui est le plus souvent exposé, la plupart du temps sans même qu’on s’en rende compte ; mais ce n’est pas juste.

7.3.4 - Principes mélangés dans la chrétienté

« Et cinq d’entre elles étaient prudentes, et cinq folles. Celles qui étaient folles, en prenant leurs lampes, ne prirent pas d’huile avec elles ; mais les prudentes prirent de l’huile dans leurs vaisseaux [ou : réservoirs, récipients] avec leurs lampes » (Matthieu 25:2-4).

Il est intéressant de voir comment le Seigneur Jésus présente les choses : Parmi les dix vierges, il y en avait cinq prudentes et cinq folles. Le nombre cinq parle de la responsabilité humaine. Son double, le nombre dix, renforce encore cette pensée que nous trouvons d’ailleurs déjà dans les ‘dix commandements’. Par l’usage de ces nombres, le Seigneur Jésus veut déjà indiquer que le domaine chrétien a été confié à la responsabilité de l’homme. C’est là la raison pour laquelle Il utilise deux fois le nombre cinq, et non pas à cause de ce que les deux groupes seraient de même taille.

Mais quand quelque chose est placé par Dieu sous la responsabilité de l’homme, cette chose est toujours gâtée par lui. C’est ce que nous voyons ici : Parmi celles qui représentent symboliquement la chrétienté, il n’y en a que cinq de prudentes, les cinq autres étant folles. Quelle qu’en soit la signification dans le détail — et nous allons nous en occuper tout de suite, — nous en retenons une chose : des principes mélangés règnent dans le domaine du témoignage chrétien sur la terre, et dans ce domaine on trouve côte à côte des gens prudents et des fous. On a le même tableau dans la première et la troisième parabole. À côté de l’esclave fidèle et prudent, on trouve l’esclave méchant ; et à côté des esclaves bons et fidèles qui géraient fidèlement les biens de leur maître, il y avait aussi l’esclave méchant et paresseux qui cachait son talent dans la terre. Le bien et le mal à côté l’un de l’autre, c’est la caractéristique du royaume des cieux aujourd’hui, c’est-à-dire la chrétienté.

Le Seigneur avait déjà annoncé à l’avance que cela se passerait ainsi en Matthieu 13. Lui, le bon semeur sèmerait la bonne semence, mais son adversaire sèmerait aussitôt l’ivraie au milieu du froment. Il serait bon et extrêmement utile pour le discernement de ce qui se passe de nos jours dans la chrétienté, si nous gardions fermement ce fait dans nos cœurs, et si en plus, nous tenions toujours compte de ce que le royaume des cieux n’est pas la même chose que l’assemblée de Dieu. Dans l’assemblée, la discipline doit être exercée (« ôtez le méchant du milieu de vous-mêmes », 1 Cor.5:13), tandis qu’au contraire, dans le royaume des cieux le principe suivant prévaut : « Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu’à la moisson » (Matthieu 13:30).

7.3.5 - Pas d’huile

La prudence des vierges prudentes se montrait en ce qu’elles prirent de l’huile dans leurs vaisseaux avec leurs lampes. La folie des folles se manifestait en ce qu’elles prirent leurs lampes sans prendre d’huile dedans. Les deux avaient des lampes. Mais ce qui faisait la différence décisive à tous égards, c’était s’il y avait de l’huile ou pas.

Une idée largement répandue dans la chrétienté est que, dans les vierges prudentes, il faut voir une image des chrétiens fidèles, tandis que dans les vierges folles il faut voir des chrétiens infidèles, et que les prudentes attendaient le Seigneur tandis que les folles ne le faisaient pas. Cependant la vérité est que toutes les vierges s’endormirent, non pas seulement les folles. Sur ce point, elles étaient toutes infidèles. Non, c’était le manque d’huile qui différenciait les vierges folles des vierges prudentes, et qui fut finalement fatal aux folles.

Effectivement quelle folie d’avoir une lampe, mais de ne pas prendre d’huile dedans ! La ‘lampe’ parle, comme nous l’avons déjà dit, de la profession ; mais si ‘l’huile’ manque à la profession de Christ, cette profession est vaine et creuse. On peut tout à fait confesser le Seigneur extérieurement, et pourtant ne pas avoir ‘d’huile’.

Que veut dire le Seigneur Jésus quand Il montre les unes en possession d’huile, et les autres n’en ayant pas ? Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, l’huile est souvent une image du Saint Esprit. Dans l’Ancien Testament des personnes et des objets étaient oints en certaines occasions, mais il était toujours fait usage d’huile.

Par allusion à cet usage de l’Ancien Testament, le Nouveau Testament parle d’une onction que les enfants de Dieu ont reçu : « Et vous, vous avez l’onction de la part du Saint et vous connaissez toutes choses » (1 Jean 2:20). C’est une façon symbolique d’exprimer la réception du Saint Esprit, qui est décrite ailleurs comme le fait de sceller (Éphésiens 1:13). Si quelqu’un entend l’évangile de Dieu et croit à cet évangile, il sera scellé avec l’Esprit Saint, il recevra l’onction « du Saint », c’est-à-dire de Christ (*).

(*) Ici, « le Saint » veut dire Christ (comp. Jean 6:69 ; Actes 3:14 ; Apocalypse 3:7). Quand, en Jean 15, le Seigneur parle de l’Esprit Saint en tant que consolateur, Il dit : « … lequel moi je vous enverrai d’auprès du Père » (Jean 15:26). Or, il est aussi vrai que c’est le Père qui L’envoie (Jean 15:26) et que l’Esprit Saint vient de Lui-même (Jean 16:7, 8). Les personnes de la Déité agissent en harmonie parfaite l’une avec l’autre. C’est bien pour cela qu’en 2 Corinthiens 1:21, 22 le fait de sceller les croyants de l’Esprit Saint est attribué à Dieu en tant que tel (comp. Actes 5:32).

« Or celui qui nous lie fermement avec vous à Christ et qui nous a oints, c’est Dieu, qui aussi nous a scellés, et nous a donné les arrhes de l’Esprit dans nos cœurs » (2 Corinthiens 1:21, 22). Dans ce passage, trois expressions sont utilisées pour la même chose, la réception de l’Esprit Saint : oindre, sceller, donner les arrhes de l’Esprit dans le cœur.

Le verset suivant du prophète Ésaïe montre clairement que déjà dans l’Ancien Testament l’onction était mise en relation avec l’Esprit Saint ; c’est une prophétie sur le Seigneur Jésus : « L’Esprit du Seigneur, l’Éternel, est sur moi, parce que l’Éternel m’a oint pour apporter de bonnes nouvelles aux débonnaires » (Ésaïe 61:1 ; comp. aussi Luc 4:18-21 ; Actes 10:38).

7.3.5.1 - Une forme sans vie

J’espère que nous avons vu suffisamment clairement le sens d’avoir ou non de ‘l’huile’. Quelqu’un qui n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est pas de Lui (Romains 8:9). C’est extraordinairement sérieux. Cette personne peut avoir une ‘lampe’, elle peut professer Christ extérieurement. Elle peut présenter une certaine ‘forme de piété’, mais si elle ne possède pas l’Esprit Saint, elle en renie la puissance (2 Timothée 3:5). Hélas ! combien de personnes dans la chrétienté se contentent d’une forme extérieurement chrétienne ! Elles ne se sont jamais souciées d’entrer en possession ‘d’huile’. Elles n’ont pas la vie divine, ni ne possèdent pas l’Esprit Saint qui agit en puissance dans cette vie. C’est cela qui les rendrait capables d’être prêtes pour Christ et pour Sa venue. Et rappelons-nous encore une fois : C’est justement le point dont il s’agit dans notre parabole : être prêt pour l’Époux quand Il vient.

Ce que le Seigneur nous présente ici d’une manière imagée, Il l’exprime brièvement et sans ambiguïté dans le dernier livre de la Bible : « Je connais tes œuvres, que tu as le nom de vivre, et tu es mort » (Apocalypse 3:1). Quel état bouleversant ! Quelle tromperie fatale à laquelle, il faut le craindre, se livrent des gens sans nombre dans nos pays ! Ils ont une profession chrétienne, ils pensent avoir la vie de Dieu, mais ils sont morts — morts pour Dieu, morts spirituellement (Éphésiens 2:1).

Encore une fois, retenons bien ceci : Les vierges prudentes sont un symbole des vrais croyants, des enfants de Dieu. Leur marque caractéristique est de posséder le Saint Esprit, cette onction qui demeure en eux (1 Jean 2:27). Ils sont ainsi placés dans une relation de vie indissoluble avec Christ, leur Seigneur. Par contre, les vierges folles représentent des professants incrédules qui n’ont pas la vie divine, qui ne possèdent pas l’Esprit Saint et qui sont dépourvus de tout ce qui pourrait les mettre en état d’accueillir Christ d’une manière heureuse. L’homme naturel, si religieux et chrétien soit-il, ne possède rien qui le lie vraiment à Christ et qui lui fasse attendre sa venue.

7.3.5.2 - Objections

« Mais », demandera-t-on peut-être, « les dix vierges ne sont-elles pas toutes une image des croyants ? Ne sont-elles pas toutes qualifiées de vierges, sans distinction ? ». Certes le Seigneur les appellent toutes vierges, mais en rapport avec le nombre dix, il est clair qu’il s’agit ici beaucoup plus de leur responsabilité d’être dans cet état (pures, séparées), que du fait qu’elles y sont effectivement.

En outre, dans les paraboles précédente et suivante, les méchants esclaves sont dépeints à côté des bons, et le Seigneur ne dit pas qu’Il n’est pas aussi le maître [ou : Seigneur] des esclaves méchants. Au contraire ! Nous lisons : « … le maître [ou : Seigneur] de cet esclave-là viendra » (Matthieu 24:50), et : « et son maître [ou : Seigneur], répondant, lui dit : Méchant et paresseux esclave ! » (Matthieu 25:26). Si quelqu’un prétend être un esclave du Seigneur, alors le Seigneur a affaire à lui selon cette position, que ce soit pour le bien (une récompense) ou pour le mal (le jugement). Dans chacune de ces trois paraboles, nous nous trouvons sur cette ligne de la responsabilité.

Une autre objection souvent soulevée : « Par rapport aux vierges prudentes, ce qui manquait aux vierges folles, c’était simplement un vase supplémentaire pour prendre de l’huile ». Effectivement il semble qu’à côté de l’huile dans leur lampe, les prudentes prirent en plus un vase à huile supplémentaire. Mais cela change rien au fait qu’il est dit des folles : « … elles ne prirent pas d’huile avec elles ». C’est en cela que consistait leur folie et c’est ce qui leur fut fatal.

« Mais pourtant les lampes des vierges folles brûlaient, car plus tard elles disent qu’elles s’éteignent ! » J’aimerais simplement répondre : La mèche sèche d’une foi intellectuelle ou purement sentimentale se consume aussi, lentement et en vacillant, pour un temps, mais elle s’éteint au moment décisif. Nous le reverrons plus tard. La suite de la parabole, et surtout sa fin, montre sans ambiguïté que les vierges folles représentent des gens qui ne sont pas sauvés.

7.3.6 - Le sommeil des vierges [deuxième période]

« Or, comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. » (Matthieu 25:5).

Le méchant esclave avait dit en son cœur : « Mon maître tarde à venir » (Matthieu 24:48), ce qui n’était pas un bon état de cœur. Il était content que son maître retarde sa venue, car ainsi il pouvait entretemps agir à sa guise, comme il lui plaisait. « Mon maître ne va pas venir si vite que ça ! » Ceci nous rappelle les paroles des moqueurs des derniers jours : « Où est la promesse de sa venue ? car depuis que les pères se sont endormis, toutes choses demeurent au même état dès le commencement de la création » (2 Pierre 3:3, 4, 9).

Il a effectivement plu au Seigneur de ne pas revenir tout de suite au début du christianisme. Il y a certainement plusieurs raisons pour cela. L’une d’entre elles est sûrement que Dieu voulait encore sauver beaucoup de pécheurs. Cette pensée se trouve dans le passage cité de la deuxième épître de Pierre : « mais il est patient envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance » (2 Pierre 3:9).

Sans doute le Seigneur Jésus décrit maintenant une deuxième période dans notre parabole, une deuxième partie dans l’histoire de l’église chrétienne. La première a été caractérisée par la sortie des vierges. La deuxième période, beaucoup plus longue, nous montre le manque de vigilance des professants chrétiens. Qu’il s’agisse des vierges prudentes ou des folles, toutes s’assoupirent et finirent par s’endormir. Ceci signifie manifestement que l’espérance du retour de Christ pour l’enlèvement des Siens a été laissée de côté relativement tôt dans la chrétienté, et que finalement elle s’est perdue complètement.

C’est exactement ce qui est arrivé comme nous le montre un coup d’œil donné à l’histoire de l’église. Après le départ des derniers apôtres, l’appel céleste de l’église a été bientôt perdu de vue, et avec lui également, l’espérance du retour de Christ. Comme Christ était si, si loin, et le monde si proche, on se rendit la vie dans ce monde aussi agréable que possible, et on se mit à fraterniser avec lui. Quand les affections pour Christ ne sont plus vives, plus rien ne retient sur le chemin du déclin. Très tôt les vrais chrétiens sont devenus comme le monde, et le monde comme les chrétiens. Les chrétiens se sont sentis chez eux dans ce monde, et n’ont plus eu besoin de Lui. Les simples professants de leur côté, ne L’avaient jamais désiré. Et ainsi toutes s’endormirent effectivement, les vierges prudentes comme les folles.

Ce qui est si frappant en tout cas, c’est que non seulement l’espérance de la venue de Christ a été complètement perdue, mais aussi la connaissance de cette vérité elle-même. Très tôt on n’a plus ni vu ni compris qu’il y aurait une venue du Seigneur pour enlever les saints (1 Thessaloniciens 4:13-18). Au plus tard 300 ans après Christ, on ne trouve plus le moindre indice dans la littérature chrétienne de la connaissance de cette vérité précieuse, dont l’accomplissement avait été attendu si ardemment par les premiers chrétiens au cours des persécutions. Car cela avait été leur salutation : « Maranatha — Le Seigneur vient ! » (1 Corinthiens 16:22).

Même les croyants fidèles, qu’il y a eu sans doute à toutes les époques, ne se sont pas différenciés des professants sans vie à cet égard. Des hommes et des femmes de foi ont écrit des poèmes et des cantiques magnifiques dans des temps de détresses les plus profondes, et ceux-ci réjouissent et fortifient encore aujourd’hui le cœur de tout croyant. Mais nulle part dans aucun de leurs cantiques ne brille l’espérance de l’enlèvement des croyants. Comment est-ce possible ? Nous avons la réponse dans notre parabole : « Or, comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent ».

Cela a donc été l’état moral de la chrétienté pendant de nombreux siècles : Le retour du Seigneur a été oublié par tous. Combien cela est sérieux et humiliant ! Si nous n’attendons plus le Seigneur Jésus au quotidien, la porte est grande ouverte pour laisser entrer la conformité au monde dans notre vie individuelle et collective. Rien ne forme autant notre caractère que l’espérance qui anime et gouverne notre cœur. C’est pourquoi rien ne nous sépare davantage du monde et de tous ses objectifs que l’attente constante du Seigneur.

7.3.7 - Le cri de minuit [troisième période]

« Mais au milieu de la nuit il se fit un cri : Voici l’époux ; sortez à sa rencontre. Alors toutes ces vierges se levèrent et apprêtèrent leurs lampes » (Matthieu 25:6, 7).

Manifestement, le cri de minuit marque une troisième période dans l’histoire de la chrétienté — une très courte période, qui se trouve tout à la fin. La question est alors : Ce cri a-t-il déjà eu lieu ou devons-nous encore l’attendre ?

Je suis profondément convaincu que ce cri a déjà eu lieu. Nous le trouvons décrit dans la lettre à Philadelphie :

« Je viens bientôt ; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne » (Apocalypse 3:11).

Il y a plus de 160 ans, une action puissante de l’Esprit Saint dans toute la chrétienté a conduit, entre autres, à ce que les « anciennes » vérités, perdues depuis longtemps, soient remises en lumière. Cela n’a pas seulement été un temps de grand réveil pendant lequel beaucoup ont cru au Seigneur Jésus, mais Dieu a donné à des hommes fidèles de redécouvrir la doctrine des apôtres (Actes 2:42). La doctrine en elle-même n’était pas nouvelle, mais on l’a redécouverte.

Dans ce contexte il vaut la peine de faire remarquer que le cri de minuit ne fut pas selon la formule donnée par la précieuse traduction allemande de Luther, y compris encore dans l’édition de 1984, où il est écrit : « Voici l’époux vient ! » Le mot ‘vient’ ne figure pas dans le texte original, et ce n’est pas de peu d’importance, je pense. S’il était vraiment écrit : « l’époux vient ! », tout le poids du message reposerait sur le fait de la venue du Seigneur. Mais le cri : « Voici l’époux ! » met l’accent sur la personne de Celui qui vient. En harmonie avec cela, on ne s’est pas seulement occupé dans ce temps-là de la vérité de la venue du Seigneur, mais avant tout de ce que les Saintes Écritures disent sur la personne de Christ. Les cœurs des croyants de ce temps étaient attachés à la personne de leur Seigneur et Sauveur et non pas seulement à telle ou telle vérité. Est-ce encore vrai pour nous aujourd’hui ?

La vérité de Christ et de l’assemblée prend une place centrale dans la doctrine chrétienne. La vérité du retour de Christ pour enlever les Saints s’y rattache de manière inséparable. Or ces hommes de Dieu eurent la grâce de redécouvrir la différence entre l’enlèvement et le jour du Seigneur. Cela n’a pas seulement été une reconnaissance doctrinale de cette vérité, mais ils se sont soumis volontairement à la lumière spirituelle que Dieu leur accordait. Cela s’est traduit par des cœurs enflammés par l’attente journalière de la venue de Christ pour enlever les Siens, avec toutes les conséquences qui s’y rattachent.

De quelles conséquences s’agit-il ? C’est qu’ils ont perçu avec leur cœur ce cri « Voici l’époux ; sortez à sa rencontre ! », et la conséquence en fut qu’ils abandonnèrent toutes les relations ecclésiastiques dans lesquelles ils se trouvaient et qui n’étaient pas en accord avec la parole de Dieu, quoi que cela ait pu leur en coûter. Libérés des chaînes de la tradition et de la tutelle ecclésiastiques, ils allèrent à la rencontre du Seigneur d’une manière nouvelle (*).

(*) La première sortie a été une sortie hors du monde. La seconde sortie désigne l’abandon des systèmes chrétiens érigés par les hommes.

Mais bien plus encore ! Dieu leur accorda de répandre de manière efficace, oralement et par écrit, les vérités redécouvertes du Nouveau Testament, en sorte que toute la chrétienté y eut accès. C’est exactement ce que nous trouvons dans notre parabole : « Alors toutes ces vierges se levèrent et apprêtèrent leurs lampes ». Ce cri de minuit a saisi toute la chrétienté, non pas seulement quelques-uns et non pas seulement les croyants. En fait, depuis ce temps-là, l’effet du cri de minuit ne s’est pas éteint. Plus que jamais dans la chrétienté, on s’occupe de la prophétie, et partout on peut entendre, plus ou moins clairement selon les endroits, que le Seigneur Jésus viendra et qu’Il prendra les Siens auprès de Lui. La doctrine sur l’enlèvement n’est pas claire et conforme à l’Écriture partout dans la chrétienté. Souvent on la lie à quelque événement prophétique, comme par exemple la « septième trompette », mais quoi qu’il en soit, on en parle.

Selon les paroles du Seigneur, le cri de minuit a eu de l’effet tant auprès des croyants qu’auprès des professants incrédules : toutes apprêtèrent leur lampe. Néanmoins je pense que ce fait d’apprêter les lampes ne signifie pas la même chose pour les uns et pour les autres.

Tandis que les vrais chrétiens sont redevenus conscients — et je peux bien dire aussi : deviennent conscients de l’appel céleste qui leur est propre, la chrétienté incrédule déploie une activité intense sur le plan politique, culturel et surtout social. Ne voyons-nous pas cela partout autour de nous aujourd’hui ? N’est-il pas vrai que dans de larges fractions de la chrétienté, on ne répand plus qu’un « évangile social » ? Le soutien aux mouvements pour la paix, et la revendication de droits sociaux et les idées écologiques ont beaucoup plus cours que la question des droits de Dieu. Oui, les vierges folles apprêtent aussi leurs lampes, mais là, il n’y a pas d’huile.

Minuit a passé. Combien doit être proche l’étoile du matin ! « Sortons »-nous nous aussi, à la rencontre de l’époux ?


7.3.7.1 - Dieu seul peut donner la vie éternelle

Le cri de minuit manifeste encore autre chose : qui fait partie des vierges prudentes et qui fait partie des folles. Même si les deux apprêtent leurs lampes, la nouvelle de la venue de l’époux révèle le vrai état intérieur des deux ; et même plus, il provoque une séparation entre les prudentes et les folles. C’est ce que veulent dire les paroles du Seigneur par lesquelles Il continue la parabole :

« Et les folles dirent aux prudentes : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. Mais les prudentes répondirent, disant : Non, de peur qu’il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt vers ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous-mêmes » (Matthieu 25:8,9).

Tandis que les prudentes se réjouissent d’avoir de l’huile, et sont tout à fait paisibles par rapport à la venue prochaine de l’époux, nous voyons une agitation fébrile éclater chez les folles. Lorsqu’elles allument leurs lampes qui sont maintenant apprêtées, elles remarquent qu’elles s’éteignent aussitôt. Au moment décisif, elles sont obligées de constater qu’il leur manque l’élément essentiel, l’huile. Quelle situation regrettable, fatale ! En savoir assez du christianisme pour s’illusionner sur son véritable état pendant un temps, puis à la venue du Seigneur être obligé de constater que c’était une erreur, et constater aussi qu’elles ne sont pas prêtes pour l’époux !

En fait, les folles savent très bien que les prudentes possèdent ce qui leur manque. « Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent ». Cela révèle une folie supplémentaire de ces personnes : elles se tournent vers la mauvaise adresse. Non seulement elles se donnent de la peine trop tard pour cette huile, mais en plus, dans leur détresse, elles vont du mauvais côté. Non, des hommes ne peuvent pas donner l’Esprit Saint à d’autres hommes, ils ne peuvent pas leur communiquer la vie éternelle. Aucune église, aucune communauté chrétienne, aucun prédicateur si doué soit-il, aucun acte religieux n’est capable de le faire.

Quand Simon le magicien désira acquérir avec de l’argent le don de donner l’Esprit Saint à d’autres, l’apôtre Pierre a dû lui dire : « Que ton argent périsse avec toi, parce que tu as pensé acquérir avec de l’argent le don de Dieu » (Actes 8:20). Pour la question de la rémission des péchés, chacun a à faire tout seul avec Dieu. C’est à Lui qu’on doit aller, et je pense que c’est ce qu’il faut apprendre ici. « Un homme ne pourra en aucune manière racheter son frère, ni donner à Dieu sa rançon, car précieux est le rachat de leur âme, et il faut qu’il y renonce à jamais » (Psaume 49:7, 8).

Nous pouvons et devrions essayer d’amener des hommes perdus à Dieu. C’est une très bonne chose. Dieu désire aussi utiliser Ses enfants pour éclairer d’autres dans les choses divines. Mais le privilège et la puissance d’offrir le salut et la rédemption à des pécheurs perdus n’appartiennent qu’à Dieu. Néanmoins les hommes préfèrent aller vers des hommes. Pourquoi, en fait ? Parce qu’ils ne connaissent pas la grâce de Dieu. Ces gens ou vierges folles ne la connaissent pas non plus, et quand il est déjà trop tard, elles se tournent vers le mauvais côté.

Ah, si les gens de nos pays chrétiens prenaient à cœur ces paroles : « Car les gages du péché, c’est la mort ; mais le don de grâce de Dieu, c’est la vie éternelle dans le christ Jésus, notre Seigneur » (Romains 6:23) ! Conscients de leur culpabilité, ils se réfugieraient dans la grâce de Dieu, et se jetteraient pleins de foi dans les bras de Celui qui veut être également leur Sauveur. « Tout ce que le Père me donne viendra à moi ; et je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi » (Jean 6:37), disait le Seigneur Jésus. Et combien est touchante l’invitation de Dieu que nous trouvons déjà dans l’Ancien Testament : « Ho ! quiconque a soif, venez aux eaux, et vous qui n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez ; oui, venez, achetez sans argent et sans prix du vin et du lait » (Ésaïe 55:1).

7.3.7.2 - Est-ce que plus personne ne peut être sauvé ?

« Or, comme elles s’en allaient pour en acheter, l’époux vint ; et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces ; et la porte fut fermée » (Matt.25:10).

Il ne faut pas conclure de ces paroles que plus personne ne peut être sauvé depuis que le cri de minuit a retenti. Certainement il y aura un moment où il sera trop tard, notre parabole le montre clairement. Mais chaque individu peut encore venir à Dieu aujourd'hui s’il réalise qu’il n’a pas ‘d’huile’. Nous avons tous entendu la parole de Dieu qui invite le pécheur, et celle-ci garde toute sa validité jusqu’à la fin du temps de la grâce. Elle est encore répétée sous une forme un peu différente à la dernière page de l’Écriture : « Et que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie » (Apocalypse 22:17).

Si par contre les gens persistent dans leur folie que nous avons, je pense, suffisamment décrite, il ne leur reste à la fin plus que la constatation effrayante que pour eux c’est trop tard.

Il y a encore une autre comparaison à faire. De la même manière que Dieu a accordé au peuple d’Israël du temps pour se repentir après le rejet et la crucifixion de Son Fils et avant d’exécuter le jugement sur ce peuple en l’an 70 de notre ère, de même, depuis que le cri de minuit a retenti, Il accorde également assez de temps à la chrétienté pour revenir de ses mauvaises voies, jusqu’à ce que la venue de Christ mette fin irrévocablement au temps de la grâce.

Si nous passons tout cela en revue devant nos yeux, cette certitude s’affirme alors pour nous : Le Seigneur Jésus doit être très proche (comp. Philippiens 4:5)

7.3.8 - La porte fermée

Les vierges prudentes étaient prêtes et entrèrent aux noces avec l’époux. Quelle part bienheureuse ! Avec Lui — aux noces ! Ces paroles ne nous rappellent-elles pas l’expression de 1 Thessaloniciens 5:10 : « que nous vivions ensemble avec lui » ? Même si notre parabole ne présente pas notre part en tant qu’épouse, il est quand même parlé de la bénédiction insondable qui sera la nôtre, de vivre éternellement avec Lui, notre Seigneur et notre Rédempteur. En fait nous ne sortirons plus jamais dehors ! (Apocalypse 3:12). « Ah, Seigneur Jésus, si tu venais déjà aujourd’hui ! »

Mais alors viennent ces cinq paroles sérieuses : « et la porte fut fermée ». Bien peu de mots, mais quelle vaste portée ! Aujourd’hui elles sont un avertissement pour nous, mais le jour viendra où elles seront un fait accompli.

Pour ceux qui sont dedans, il est heureux de savoir que la porte sera fermée derrière eux. Rien ne pourra s’introduire dans cette scène qui serait susceptible de la troubler en aucune manière. Mais pour ceux qui sont dehors, cela signifie qu’ils seront pour toujours et éternellement exclus des joies et des gloires du ciel. Quelle pensée effrayante, d’être dehors éternellement !

« Ensuite viennent aussi les autres vierges, disant : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! Mais lui, répondant, dit : En vérité, je vous dis : je ne vous connais pas » (Matthieu 25:12).

Vu que ces vierges folles disent « Seigneur, Seigneur », beaucoup ont pensé qu’il s’agissait quand même de personnes également sauvées. Mais c’est une erreur. Déjà en Matthieu 7 le Seigneur Jésus a dit : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom, et n’avons-nous pas chassé des démons en ton nom, et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ? Et alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, vous qui pratiquez l’iniquité » (Matthieu 7:21-23).

C’est justement ce qui est bouleversant : Beaucoup de gens portent Son nom et Le reconnaissent comme Seigneur quant à leur profession. Ils se trouvent ainsi extérieurement dans le royaume des cieux, et pensent aussi peut-être avoir beaucoup travaillé pour Lui. Mais malgré cela, ils n’ont jamais eu une relation vivante avec le Seigneur Jésus, ils n’ont jamais connu ce que c’est qu’être né de nouveau (Jean 3:3). Sa réponse sera un jour : « Je ne vous connais pas », « Je ne vous ai jamais connus ».

Or le Seigneur Jésus ne parle jamais ainsi des Siens qu’Il a si chèrement rachetés par Son sang. Le Seigneur dit plutôt en parlant d’eux : « Moi, je suis le bon berger, et je connais les miens et je suis connu des miens » (Jean 10:14). Et dans la deuxième épître à Timothée, nous lisons cette parole consolante : « Le Seigneur connaît ceux qui sont siens » (2 Timothée 2:19).

Il est remarquable que cette parabole, en contraste avec la précédente et la suivante, ne se termine pas par l’exercice du jugement sur ceux qui ne font pas partie des Siens. Les vierges folles sont seulement vues dehors devant la porte fermée, et ainsi se termine la parabole.

La raison en est évidente : Quand le Seigneur se présente dans Sa grâce comme époux, Il ne parle pas de jugement. Il en va autrement, quand Il est le Seigneur [ou : Maître] de Ses esclaves. Dans ce cas-là, Il dit « Jetez l’esclave inutile dans les ténèbres de dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents » (comp. Matthieu 24:51 ; 25:30).

La sentence du Seigneur sur les vierges folles n’en est pas moins définitive, éternelle. Être exclu des bénédictions de Dieu, ne pas être reconnu par le Seigneur comme l’un des Siens, ne signifie rien moins que la condamnation éternelle. C’est pour cela que je repose encore à chacun des lecteurs de ces lignes cette question solennelle : Es-tu prêt ?

À chacun de nous s’adresse la parole du Seigneur par laquelle Il termine la parabole des dix vierges :

« Veillez donc ;

car vous ne savez pas

ni le jour ni l’heure ».

Le Seigneur Jésus attend de nous que nos affections pour Lui soient « éveillées », et que nous attendions Sa venue dans l’amour. Le moment de Son retour nous est inconnu. Il est certain qu’Il l’a caché intentionnellement. Toutes les tentatives de le calculer sont fausses et vaines. Il désire beaucoup plus que nous restions toujours dans l’attitude d’être veillant et attendant.

Le Seigneur Jésus peut venir encore aujourd’hui. À ceux qui sont prêts, il ne peut effectivement rien arriver de mieux : ils gagneront Christ, et tout avec Lui. Mais à ceux qui ne sont pas prêts, il ne peut rien arriver de pire. La venue du Seigneur signifie pour eux la mise dehors définitive de toute espérance de bonheur et de paix.

DEDANS et DEHORS — c’est la différence entre le CIEL et l’ENFER !

7.4 - Troisième parabole : Les talents (*) — Matthieu 25:14-30

(*) Note Bibliquest : le terme « talent », dans cet article et dans la parabole, correspond à une monnaie hébreue valant 3000 sicles, tandis que la « mine » valait 50 sicles. Il ne s’agit pas du mot « talent » au sens du français ordinaire (aptitude, don).

Après la parabole de ‘l’esclave fidèle et du méchant esclave’ et celle des ‘dix vierges’, la parabole des ‘talents’ est la troisième de cette série (Matthieu 25:14-30). Le Seigneur y termine la description de l’ère chrétienne dans Son discours prophétique sur le mont des oliviers.

Les trois paraboles ont en commun l’absence du Seigneur. Le sujet de la première parabole était le service dans un domaine intérieur, le service auprès des ‘domestiques de la maison’ du Maître [ou : Seigneur]. La deuxième parabole mettait l’accent sur l’attente de l’époux, et la troisième parabole parle de nouveau du service, mais du service dans un domaine extérieur, du service dans le monde pour la diffusion de la vérité. En accord avec ceci le seigneur Jésus se présente au long de ces trois paraboles d’abord en tant que Seigneur [ou : Maître], ensuite en tant qu’époux et enfin de nouveau en tant que Seigneur [ou : Maître].

En Luc 19 nous trouvons une parabole très semblable, celle des ‘mines’ (Luc 19:11-27). Cependant il ne s’agit pas de la même parabole. Le Seigneur prononça la parabole des ‘mines’ lors de Son dernier voyage vers Jérusalem, alors qu’Il s’approchait de cette ville ; celle des ‘talents’ quelques jours plus tard, quand ce voyage tirait à sa fin. L’auditoire n’était pas non plus le même. La parabole des ‘mines’ en Luc a manifestement été aussi entendue par la foule, tandis que la parabole des talents n’a été dite par le Seigneur qu’aux disciples. Nous serons amenés à parler d’autres différences dans le contenu, quand nous considérerons la parabole en détail.

7.4.1 - Des dons différents

« Car c’est comme un homme qui, s’en allant hors du pays, appela ses propres esclaves et leur remit ses biens. Et à l’un, il donna cinq talents ; à un autre, deux ; à un autre, un ; à chacun selon sa propre capacité ; et aussitôt il s’en alla hors du pays » (Matt. 25:14, 15).

Le Seigneur Jésus parle toujours et encore du royaume des cieux (25:1). Par le mot ‘Car’ Il rattache ce qu’Il dit à la parabole précédente, surtout à sa phrase finale (25:13), et Il ajoute une comparaison complémentaire : « Car [le royaume des cieux] c’est comme… ». Nous pouvons comprendre cette parabole qui est devant nous maintenant, comme explicitant l’appel qui terminait la parabole des ‘dix vierges’ : « Veillez donc ; car vous ne savez ni le jour ni l’heure ».

Un homme, manifestement fortuné, s’en alla hors du pays. Ici, il ne s’agit pas d’un ‘homme noble’ comme en Luc 19, mais d’un homme riche qui quitte son pays pour voyager ailleurs. N’est-ce pas une image exacte et en même temps saisissante de notre Seigneur comme Messie, qui s’est vu contraint de quitter Son pays à cause de Son rejet par Son peuple ? Il n’est pas dit ici qu’Il est allé dans un « pays éloigné », c’est-à-dire au ciel ; cette constatation ne se trouve qu’en Luc.

Mais avant son départ l’homme appelle ses propres serviteurs ou esclaves et leur remet ses biens. Ces esclaves lui appartiennent, et il part du principe qu’ils partageront ses intérêts, et administreront ses biens correctement pendant son absence. Il n’est donné aucune indication sur la manière dont ils doivent administrer ces biens, et on ne trouve pas d’avertissement qu’un jour il reviendra et tiendra des comptes avec eux. On comprend que cela va de soi. Ce qui est surprenant dans ce court tableau, c’est la confiance que le Maître place dans ses esclaves. La remise de tous ses biens ne doit-elle pas leur avoir touché le cœur, et avoir éveillé en eux les motifs les plus nobles pour se montrer dignes d’une telle confiance ?

On remarque ensuite qu’Il ne leur donne pas la même chose à tous. Il connaît ses esclaves et sait les estimer à leur juste valeur. Ainsi dans sa sagesse, il donne à l’un cinq, à l’autre deux et au troisième un seul talent — « à chacun selon sa propre capacité ». En Luc 19 le Maître donne au contraire 10 mines à ses 10 esclaves : la même chose à tous (à chacun une mine). Chacun devait « trafiquer » avec la mine qui lui avait été confiée de manière à ce qu’elle se multipliât ; en rapport avec les différents résultats, ils reçoivent aussi des récompenses différentes. Cela met en évidence (en Luc) le principe de la responsabilité de l’homme. Par contre, dans notre parabole de Matthieu, la pensée dominante est plutôt celle de la souveraineté de Dieu, qui donne différemment à chacun, mais qui accorde la même récompense.

Avons-nous déjà été touchés par le fait que le Seigneur en allant au ciel nous a également confié quelque chose de très grand, quelque chose de Ses ‘biens’ ? Nous sommes appelés à administrer cela fidèlement pendant le temps de Son absence ; nous sommes invités à sortir avec cela, en grâce, vers d’autres, pour leur faire connaître Sa personne et la vérité de Dieu. Qu’il s’agisse d’inconvertis ou d’enfants de Dieu, quelle tâche sublime ! Quelle confiance le Seigneur place en nous ! Et pourtant, même dans ce sens, nous ne sommes que Ses ‘esclaves’ !

Les talents ont été donnés pour être utilisés pour le Maître, et non pas pour honorer les esclaves. Nous sommes dans un monde plein de détresses et de besoins, et beaucoup d’hommes doivent encore être gagnés pour Christ. Quand le Seigneur était ici-bas, Il disait déjà alors qu’Il était encore un jeune garçon : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père ? » (Luc 2:49). C’est des affaires de Son Père qu’Il s’occupait. Elles étaient tout pour Lui. Ne devrions-nous pas nous aussi nous consacrer de cœur aux affaires et aux intérêts de notre Seigneur ?

Nous pouvons tirer de cette parabole la leçon que le Seigneur a confié des ‘talents’ précis à chaque croyant, selon les capacités qu’il possède. Mais il faut faire la distinction entre les capacités d’un côté, et les talents de l’autre.

Les capacités peuvent être d’origine naturelle, mais elles peuvent également être acquises et ensuite développées. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons englober dans cette notion : des capacités ou des forces particulières de l’esprit, mais aussi du corps ; l’éducation, la formation et d’autres avantages terrestres. Elles sont toutes des dons du même Seigneur. Je ne peux pas m’imaginer que le Seigneur ne donne pas aussi, au missionnaire par exemple, la constitution physique pour sa tâche difficile, ou qu’Il n’ait pas donné un certain don naturel de parler à celui qu’Il a appelé à prêcher l’évangile.

Mais ces capacités naturelles ou acquises ne sont pas en elles-mêmes des ‘talents’ [au sens de la parabole], elles ne sont ni de la puissance spirituelle ni des dons spirituels. Elles n’en forment que le cadre ou le vase. S’il plaît au Seigneur dans Sa sagesse, Il mettra un don spirituel dans ce vase extérieur, naturel. C’est cela qu’Il entend par le terme ‘talent’. La plupart du temps, Il a déjà préparé le vase correspondant longtemps avant la conversion de celui qu’Il veut utiliser plus tard pour un service spirituel.

Pensons un peu à Saul de Tarse. Cet homme possédait déjà des capacités et des aptitudes extraordinaires, bien avant sa conversion. Mais quand il fut appelé par la grâce de Dieu, Dieu mit dans ce vase un don spirituel exceptionnel, qu’il n’avait pas possédé auparavant. Dieu s’est servi du caractère naturel de Paul, et a utilisé sa manière de s’exprimer, et encore beaucoup d’autres choses. Il ne faut pas que cela nous échappe. Mais c’est seulement la puissance de l’Esprit Saint, qui lui a été confiée, qui l’a rendu capable de saisir la vérité de Dieu, et de la présenter à d’autres, en sorte qu’ils en fussent saisis. C’est cela qui constitue l’essence d’un don spirituel : pouvoir parler aux gens, croyants ou incrédules, de manière à ce qu’ils soient attirés vers Christ. On trouve des exemples de tels dons en Romains 12 et 1 Corinthiens 12.

Avant de parler du bon usage des talents, faisons bien attention encore une fois à la disparité dans notre parabole : cinq talents, deux talents, un talent. N’est-ce pas là un témoignage de la sagesse et de l’amour du Maître ? Déjà au point de vue naturel, nous sommes dissemblables, et dans les dons spirituels qu’Il nous a confiés, nous sommes très dissemblables. Cette disparité (une expression de la souveraineté du Seigneur) apporte une diversité heureuse dans l’assemblée de Dieu. Le Seigneur seul détermine la mesure de tout dans ce qu’Il répartit ; Lui seul a la sagesse, la vue d’ensemble complète, et la puissance correspondante.

Ainsi chacun des Siens a une place particulière à occuper, et le Seigneur lui confie pour cela les capacités nécessaires et la force spirituelle. Personne ne peut dire que le Seigneur ne lui a rien confié. Combien il serait dommageable si on imposait cinq talents à quelqu’un n’ayant la capacité que pour un talent ! Dans le monde l’égalité est à l’ordre du jour, mais le Seigneur n’agira jamais ainsi. Et d’un autre côté, quelle perte si l’on ne confie qu’un seul talent à celui qui a la capacité d’en gérer deux ! Toutefois, une telle erreur d’appréciation n’arrivera jamais au Maître.

7.4.2 - Sur l’usage des dons

Après que l’homme eut remis ses biens aux esclaves, il s’en alla hors du pays. Les esclaves se mirent tout de suite au travail, même si ce fut différemment.

7.4.2.1 - Fidélité dans le service pour le Seigneur

« Or celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla et les fit valoir, et acquit cinq autres talents. De même aussi, celui qui avait reçu les deux, en gagna, lui aussi, deux autres » (Matthieu 25:16, 17).

La fidélité des deux premiers esclaves s’est manifestée en ce qu’ils s’en allèrent aussitôt et commencèrent à travailler avec les biens de leur Maître. Les deux esclaves manifestèrent la même fidélité dans leur activité, puisque chacun d’eux gagna le même montant que celui qu’il possédait déjà : le rendement fut de 100 %. Ils obtinrent donc la même récompense, nous y reviendrons. Mais faisons attention à ce que nous voyons ici ! La même fidélité peut tout à fait produire des résultats très inégaux : cinq talents, deux talents.

Aujourd’hui, parmi les croyants, il n’en va pas autrement. Il se peut qu’il soit plus confié à l’un qu’à l’autre. Les résultats respectifs seront également différents. Et pourtant il a pu y avoir la même fidélité au travail ! C’est là un grand encouragement. Nous n’avons pas à comparer nos résultats respectifs avec les autres. Nous avons plutôt à simplement veiller à gérer fidèlement ce que le Seigneur nous a confié en matière de force spirituelle et de capacités naturelles. Alors le Seigneur à la fois multipliera les ‘talents’ et agrandira le ‘vase’.

C’est dans ce sens que Timothée est exhorté à « ranimer » le don de grâce qui était en lui (2 Timothée 1:6). Par un usage diligent et fidèle de nos ‘talents’ et de nos capacités, ceux-ci croîtront et augmenteront, la sphère du service s’élargira et la bénédiction se répandra plus abondamment. C’est ce qui devrait être le désir de tout esclave de Dieu, tout en ayant le regard fixé sur le but suprême : la glorification de Christ.

D’un autre côté, il peut arriver qu’un croyant laisse plus ou moins sommeiller son don sans l’utiliser. Les outils rouillent si on ne s’en sert pas. Si par paresse ou indolence, on laisse échapper sans les utiliser les occasions que le Maître accorde, le Seigneur ne peut pas bénir comme Il est prêt à le faire, et on s’appauvrit. La parole du Christ ne peut pas « habiter en nous richement » (Colossiens 3:16), si nous n’en sommes pas occupés avec sérieux et prière. Nos pères étaient très diligents à cet égard, et le Seigneur a pu les utiliser en riche bénédiction pour d’autres. C’est ce que nous devrions apprendre d’eux ! Comment pouvoir redresser par une parole ceux qui sont lassés et découragés, si nous-mêmes ne buvons pas continuellement à la source vivante ? Comment faire l’« œuvre d’un évangéliste » si l’on ne va pas là où les gens se trouvent ?

Dans ce sens la remarque que quelqu’un a faite est tout à fait vraie : Nous n’avons pas besoin de demander au Seigneur de nous confier plus de dons spirituels. Il les donne sans qu’on les Lui demande. Nous devrions plutôt Le supplier qu’Il fasse que les dons qu’Il a donnés soient réellement utilisés — pour Sa gloire et pour la bénédiction des hommes.

Saisir l’occasion avec diligence, racheter le temps, est une expression de fidélité et c’est ce que le Seigneur attend de nous. « C’est pourquoi aussi, que nous soyons présents ou que nous soyons absents, nous nous appliquons avec ardeur à lui être agréables » (2 Corinthiens 5:9).

Il n’est d’ailleurs pas besoin d’ordre particulier de la part du Seigneur pour utiliser dans le service pour Lui le don qu’Il a confié. La possession du don suffit comme ordre donné et comme obligation à charge. Mais tout doit se passer dans la force et sous la direction du Saint Esprit et en conformité avec la parole de Dieu écrite (1 Corinthiens 12:4 et suiv. ; 14:1-33). La certification et l’investiture du serviteur par une autorité humaine ne sont pas seulement superflues : elles portent une atteinte sérieuse aux droits du Seigneur.

7.4.2.2 - L’esclave paresseux

« Mais celui qui en avait reçu un, s’en alla et creusa dans la terre, et cacha l’argent de son maître » (Matthieu 25:18).

Après les deux esclaves bons et fidèles, voici donc le troisième esclave que le Seigneur appelle plus tard méchant, paresseux et inutile. Notons qu’ici le contraste ne se trouve pas entre des esclaves ayant plus ou moins de fidélité, mais entre des esclaves bons d’un côté, et le méchant esclave de l’autre côté. Les premiers ont géré les biens de leur Maître de la manière déjà indiquée, tandis que le dernier s’est comporté tout différemment.

Ceci nous aide à comprendre qui le Seigneur veut présenter comme le méchant et paresseux esclave. Certains voient dans cet esclave avec un seul talent une image des croyants qui gèrent infidèlement le bien que leur Seigneur leur a confié. Mais si nous considérons ce qui arrive à l’esclave inutile à la fin de la parabole (il est jeté dans les ténèbres de dehors), il parait clair qu’une telle présentation et une telle interprétation sont intenables. Cela signifierait qu’un enfant de Dieu qui n’a pas été assez fidèle sera finalement perdu.

C’est une doctrine misérable, mauvaise, et totalement opposée à l’enseignement des Saintes Écritures (Jean 10:27-30). En plus, ce ne serait pas prendre pour fondement de la rédemption l’œuvre propitiatoire de Christ, mais la fidélité de l’homme. Dans ces conditions, nous serions tous perdus ! Personne d’entre nous ne pourrait arriver au but en s’appuyant sur sa propre fidélité !

Ainsi ce point de vue porte atteinte aux fondements du christianisme.

Non, cet esclave ne représente pas du tout des croyants infidèles, mais des professants chrétiens sans vie. Ceci est tout à fait clair si l’on regarde son comportement de plus près. Selon l’image que le Sauveur dépeint, cet homme prend absolument la place d’un esclave du Seigneur, mais sans Le connaître en réalité. Même s’il s’adresse à Lui en tant que ‘Maître’ [ou : Seigneur], il n’a aucune confiance en Lui. Cela montre que le Seigneur Jésus se sert de cet esclave comme image de tous ceux qui Le reconnaissent extérieurement comme Seigneur, mais qui n’ont intérieurement aucune relation vivante avec Lui.

La juxtaposition du vrai et du faux ne nous surprend pas. Nous l’avons trouvée dans toutes ces paraboles. En effet, comme nous l’avons déjà vu plusieurs fois, le royaume des cieux est devenu quelque chose de mélangé. La profession pour Christ peut être vraie, comme elle peut être fausse.

Mais le Maître avait aussi donné à cet esclave un talent, selon sa capacité. Comme nous venons de le voir, la possession de ce talent est le fondement de la responsabilité de faire usage de ce bien selon la pensée du donateur qui a confié ce don. Même les hommes n’allument pas une lampe pour la mettre ensuite sous le lit.

Le fait que cet esclave ait également reçu un talent de la part de son Maître n’est nullement une preuve de ce qu’il représente des croyants, fussent-ils infidèles. S’Il le veut, le Seigneur peut aussi confier dans Sa sagesse des dons à des hommes incrédules. Pensons seulement à Judas Iscariote ! Il était véritablement un « diable » (Jean 6:70, 71). Néanmoins il faisait partie des douze à qui le Seigneur Jésus a donné puissance et force sur tous les démons et pour la guérison des maladies ; lui aussi a été envoyé avec les onze de la part du Seigneur pour prêcher le royaume de Dieu (Luc 9:1, 2). Ailleurs le Seigneur avertit : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom, et n’avons-nous pas chassé des démons en ton nom, et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ? Et alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, vous qui pratiquez l’iniquité » (Matthieu 7:21-23).

Il y a une chose que l’esclave muni d’un seul talent prouve par ses actes : il n’a aucun intérêt pour son Maître ni pour son honneur. La confiance qui lui est faite ne le stimule pas à tirer le meilleur parti de son talent. En vérité il n’y a aucune relation entre lui et son Maître. Et ainsi il s’en va, creuse un trou dans la terre, et y cache l’argent de son Maître.

Il semble que le Seigneur veut présenter l’obligation qui pesait sur l’esclave, et aussi sa responsabilité, sous sa forme la plus restreinte. Cet esclave ne reçoit qu’un talent de son Maître. S’il en avait reçu plus, il aurait peut-être trouvé là matière à s’excuser de sa défaillance. Mais cette possibilité lui a été enlevée, vu qu’il n’avait pas reçu plus que ce qu’il était en mesure d’administrer. Par ailleurs, cet homme aurait pu aussi gaspiller l’argent de son Maître, ce qui aurait été une infidélité bien plus grossière. Le choix qui a été fait de la forme la plus restreinte d’infidélité fait que toute forme d’infidélité plus grande est aussi condamnée. Cela fait ressortir aussi plus clairement ce qui constitue la vraie raison de l’infidélité.

L’esclave traitait ce qui lui avait été confié comme quelque chose qu’il ne désirait pas ; et cette chose ne suscitait pas de réponse dans son cœur. Il l’a gardée d’une manière qui exprime très bien son attitude vis-à-vis du don et du donateur : il l’a enfouie dans la terre. L’esclave se retrouvait ainsi sans talent. Il s’était pratiquement mis dans la position comme s’il n’a jamais eu de talent. Mais, en faisant ainsi, pouvait-il se soustraire à sa responsabilité ?

7.4.2.3 - Une leçon pour les vrais disciples

Il est certain que nous avons ici l’image d’un professant sans vie. Mais ceci n’exclut pas le fait que le Seigneur veut nous donner à nous aussi, à Ses vrais disciples, une leçon importante. Ce n’est pas la manière de faire du Seigneur, de donner des leçons qui ne se rapportent qu’aux autres, de sorte que nous puissions dire : « Cela ne nous concerne pas ». Ce qu’Il dit, parle toujours à notre cœur et à notre conscience. Si l’esclave inutile s’est mal comporté par principe, les vrais esclaves du Maître peuvent une fois ou l’autre tomber dans la même faute.

L’esclave inutile a caché son talent dans la terre au lieu d’en faire usage pour le Maître. Il me semble que pour beaucoup d’entre nous la ‘terre’ représente un danger plus grand que le ‘monde’. Nous n’avons peut-être pas envie des fêtes ou des attractions du monde, mais nous permettons aux obligations professionnelles de nous accaparer. Chaque instant de notre vie, toute notre énergie est consacrée au travail professionnel, tandis que nous n’avons plus ni le cœur ni le temps pour les intérêts du Seigneur. Pratiquement nous aussi, nous cachons notre talent dans la terre, et nous sommes comme si n’en avions pas. Ce n’est pas dans ce but que le Seigneur nous l’a donné !

Un autre point encore. C’était justement l’esclave avec un seul talent qui a agi de cette manière et qui a révélé par là son infidélité en rapport avec la demande de son Maître. Ne sommes-nous pas amenés à penser que la plupart des esclaves du Seigneur sont à mettre dans ce groupe — le groupe de ceux qui n’ont reçu qu’un talent ? Des hommes extraordinaires possédant « cinq talents » sont relativement rares. C’est pour cela que l’avertissement du Seigneur dans cette parabole s’adresse justement à ce groupe, de loin le plus nombreux, de ceux auxquels Il n’a confié qu’« un talent ». Souvent nous sommes tentés de penser que, vu que nous ne pouvons pas faire grand-chose, cela n’a pas d’importance si ce n’est pas fait. C’est une erreur. Les fils de Merari portaient les ais et traverses du tabernacle, mais leur service avait autant d’importance que celui des fils de Kehath qui étaient chargés de la garde des ustensiles intérieurs du lieu saint (Nombres 3:31, 36, 37).

7.4.3 - Règlement de comptes

« Et longtemps après, le maître de ces esclaves vient et règle compte avec eux » (Matthieu 25:19).

Oui, chers amis, le jour des comptes viendra où le Seigneur demandera des explications à chacun de Ses esclaves — « longtemps après ».

Par cette expression le Seigneur ne veut pas suggérer qu’Il retardera Sa venue pendant des millénaires. Non, « le Seigneur ne tarde pas pour ce qui concerne la promesse, comme quelques-uns estiment qu’il y a du retardement ; mais il est patient envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance » (2 Pierre 3:9).

Pourquoi donc est-il écrit : « Et longtemps après… » ? D’un côté ce temps long donnait l’occasion aux esclaves bons de faire la preuve de leur fidélité et de travailler pour leur Maître. De l’autre côté, cette période était suffisamment longue pour que le méchant esclave finisse par comprendre sa situation et par se repentir. Mais en tous cas, il ne nous faut pas perdre de vue ce que nous avons trouvé de semblable dans les deux paraboles précédentes : les esclaves qui ont reçu les talents sont les mêmes esclaves qui vivent au retour du Seigneur. Il n’y a pas d’indication d’une génération postérieure d’esclaves.

7.4.3.1 - Devant le tribunal de Christ

Quel moment solennel et sérieux ce sera quand le Seigneur nous demandera des comptes à nous, Ses esclaves ! « Car il faut que nous soyons tous manifestés devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal » (2 Corinthiens 5:10).

« Et celui qui avait reçu les cinq talents vint et apporta cinq autres talents, disant : Maître, tu m’as remis cinq talents ; voici, j’ai gagné cinq autres talents par-dessus. Son maître lui dit : Bien, bon et fidèle esclave ; tu as été fidèle en peu de chose, je t’établirai sur beaucoup : entre dans la joie de ton maître. Et celui qui avait reçu les deux talents vint aussi et dit : Maître, tu m’as remis deux talents ; voici, j’ai gagné deux autres talents par-dessus. Son maître lui dit : Bien, bon et fidèle esclave ; tu as été fidèle en peu de chose, je t’établirai sur beaucoup : entre dans la joie de ton maître » (Matthieu 25:20-23).

Le Seigneur [ou : Maître] traite les deux premiers esclaves tout à fait de la même manière, sans parler du nombre de talents. Les deux entendent les mêmes paroles de reconnaissance. Cependant les deux esclaves ne sont pas venus ensemble devant le Maître. L’un est venu d’abord, puis ensuite l’autre. C’est toujours pour moi une pensée solennelle : Que me dira mon Seigneur quand ce sera mon tour ?

Mais « il n’y a pas de crainte dans l’amour » et nous pouvons avoir « toute assurance au jour du jugement » (1 Jean 4:17, 18). Paul pouvait dire des croyants à Thessalonique en parlant du jour de la révélation de Jésus Christ : « Car quelle est notre espérance, ou notre joie, ou la couronne dont nous nous glorifions ? N’est-ce pas bien vous devant notre seigneur Jésus, à sa venue ? Car vous, vous êtes notre gloire et notre joie » (1 Thessaloniciens 2:19, 20).

Le premier esclave reconnaît, confiant et reconnaissant : « Maître, tu m’as remis cinq talents ». L’honneur en revient au Maître seul, car sans son don, il n’aurait rien pu réussir. Et il continue en disant : « voici, j’ai gagné cinq autres talents par-dessus », sans mettre l’accent sur le ‘je’. Il ne se vante pas en disant que c’est lui qui l’a fait. Il met beaucoup plus l’accent sur la grandeur de la somme, comme s’il en était lui-même surpris : « voici, j’ai gagné cinq autres talents par-dessus… ».

On remarque ici une autre différence par rapport à Luc 19. Là, l’esclave dit : « Maître, ta mine a produit dix mines » (Luc 19:16). S’agissant de la manifestation ou de la connaissance de Dieu en Christ (c’est de cela que parle « ta mine »), voilà un langage tout à fait approprié. C’est comme si la mine avait gagné d’autres mines par elle-même. On ne peut dire : « …j’ai gagné… » comme dans le cas de notre parabole, que quand entrent en ligne de compte la force spirituelle ou un don de grâce qui nous ont été confiés. Ainsi l’encouragement de la fin de 1 Corinthiens 15 « abondant toujours dans l’œuvre du Seigneur » est couronné par la certitude que notre « travail n’est pas vain dans le Seigneur » (1 Corinthiens 15:58). C’est exactement ce que nous montre notre parabole.

7.4.3.2 - Paroles d’approbation

La réponse du Maître à l’esclave avec les cinq talents comme à l’esclave avec les deux talents nous réjouit profondément. Le fait qu’il dit aux deux la même chose montre que Dieu ne récompense pas la grandeur du don, mais la fidélité qui a accompagné ce service. La fidélité dans le service, même dans les plus petites choses, suscite la louange vers Lui.

La réponse elle-même est triple :

1. « Bien, bon et fidèle esclave ! ». Ne sera-ce pas tout pour nous d’entendre un jour de Sa bouche cette parole d’approbation ? Il n’y a pas de louange plus élevée qui puisse sortir de la bouche du Seigneur Jésus pour Son serviteur. Ne sera-ce pas un riche dédommagement pour tout à ce à quoi nous avons renoncé pour Lui ici-bas ? Il le place devant nos cœurs pour que nous soyons stimulés à Le servir, en amour et en fidélité, aussi longtemps que possible.

2. Le Seigneur aurait pu s’en tenir à cette louange. N’était-ce pas suffisant ? Mais non, il ajoute encore : « tu as été fidèle en peu de chose, je t’établirai sur beaucoup ». Ne posséder qu’un ‘talent’ est vraiment ‘peu de chose’, juste assez pour montrer clairement quel genre de serviteur nous sommes. Mais ‘beaucoup’, qu’est-ce que cela comprend ? Nous pouvons juste dire : La récompense consistera dans le fait qu’Il attribuera à Ses esclaves une place dans le gouvernement du monde futur.

Ne voyons-nous pas là la bonté et la grâce du Seigneur ? Son intention est de nous élever à une haute position et de nous remplir de joie. Il a commencé par nous placer sur ‘peu de chose’, et ensuite Il nous place sur ‘beaucoup’. Combien cela révèle toute la gloire de Sa personne !

3. Nous nous heurtons là aux limites de notre capacité d’imagination. Mais le Seigneur ajoute une troisième chose qui dépasse de beaucoup ces limites : « Entre dans la joie de ton maître ». C’est une bénédiction inexprimable pour une langue humaine, infinie pour tout cœur humain. La ‘joie de ton maître’, n’est-ce pas la joie de notre Seigneur Jésus Christ dans le ciel, Sa propre joie ? C’est dans cette joie que nous allons entrer, c’est cette joie que nous allons partager avec Lui et dont nous jouirons éternellement. Quelle expression de communion intime ! Peut-il y avoir quelque chose de plus grand ?

Il y a encore une chose à remarquer. À s’en tenir à ce que dit la parabole, il semble que les talents restent aux esclaves. Rien ne suggère qu’ils leur soient ôtés. Au contraire ! Il est dit plus tard : « Donnez-le à celui qui a les dix talents » (Matthieu 25:28).

La force du Saint Esprit ne nous sera pas enlevée, mais la sphère où elle s’exercera va changer fondamentalement. Nous ne « trafiquerons » plus ici-bas sur la terre avec Ses biens en tant que Ses esclaves. Au lieu de cela, il nous sera donné dans cette force du Saint Esprit, la domination et une joie éternelle dans le ciel. Quelle grâce inimaginable ! Elle nous amène déjà maintenant à nous prosterner dans l’adoration devant notre Seigneur et notre Rédempteur.

7.4.3.3 - Fausses pensées sur Dieu

Il est toujours dangereux d’avoir de fausses pensées sur Dieu. Le troisième esclave en est un exemple solennel. Il se faisait effectivement une image totalement fausse du Maître, et il est à craindre que beaucoup de chrétiens lui ressemblent à cet égard aujourd’hui. La fin de cet homme nous en montre les conséquences fatales. Néanmoins, lui aussi doit au préalable paraître devant son Maître :

« Et celui qui avait reçu un talent vint aussi et dit : Maître, je te connaissais, que tu es un homme dur, moissonnant où tu n’as pas semé et recueillant où tu n’as pas répandu ; et, craignant, je m’en suis allé et j’ai caché ton talent dans la terre ; voici, tu as ce qui est à toi » (Matthieu 25:24-25).

« Maître, je te connaissais ». La parabole montre tout le contraire. L’esclave prétend connaître le Maître, et cependant il lui impute dureté et avidité au gain. Le Maître n’avait-il pas prouvé sa grandeur et sa générosité en ce qu’Il lui avait également confié à lui une partie de Ses biens ? Comment pouvait-il prétendre que le Maître ne lui avait rien donné à semer et à répandre, et qu’il venait seulement pour moissonner et recueillir ?

L’esclave fait valoir que la peur d’un Maître aussi dur l’avait obligé à mettre le talent en sécurité, qu’il aurait pu perdre si facilement l’argent, en totalité ou en partie, s’il avait travaillé avec, et qu’il avait donc dû le cacher en terre pour le lui rendre intact maintenant.

« Voici, tu as ce qui est à toi ». C’est la seule parole vraie qui sort de la bouche de l’esclave : « …ce qui est à toi ». En effet, l’esclave ne l’a jamais considéré comme lui appartenant dans un sens vrai et bon, comme lui étant confié à lui, en sorte qu’il aurait été incité à travailler avec et à le faire fructifier ! Il n’avait rien fait qui aille dans ce sens !

À la place du Seigneur, nous aurions sûrement essayé de prouver combien était faux et intenable ce qu’on Lui imputait. Mais dans Sa sagesse, le Seigneur fait quelque chose de bien mieux et de bien sérieux en même temps : Il se place vis-à-vis de l’esclave sur le terrain de ses propres arguments.

« Et son maître, répondant, lui dit : Méchant et paresseux esclave, tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé, et que je recueille où je n’ai pas répandu ; tu aurais donc dû placer mon argent chez les banquiers, et, quand je serais venu, j’aurais reçu ce qui est à moi avec l’intérêt. Ôtez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents ; car à chacun qui a il sera donné, et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté. Et jetez l’esclave inutile dans les ténèbres de dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents » (Matthieu 25:26-30).

Sentence foudroyante : « Méchant et paresseux esclave ! ». Qu’aucun des lecteurs de ces lignes n’ait à l’entendre de la bouche du juge suprême ! Le Maître juge l’esclave « par sa propre parole » (Luc 19:22). Il n’a même pas besoin d’éclairer son cœur. Ses paroles lui suffisent pour arriver à une sentence juste et incontestable à son sujet.

Tout ce que présente l’esclave est du mensonge. Car si les suppositions sur la base desquelles il prétendait agir, avaient été vraies, il aurait alors dû absolument agir autrement ; il aurait au moins dû placer l’argent de son Maître chez les banquiers, et il aurait pu au moins en retirer des intérêts. Mais il a fait le contraire, il l’a enfoui dans la terre. Or cela ne correspondait justement pas aux suppositions derrière lesquelles il voulait s’abriter. L’entière fausseté de cet esclave et de sa nature était ainsi manifestée.

La vérité était que cet homme n’avait jamais réellement connu son Maître, et qu’il n’avait jamais considéré qu’il fût bon. Celui qui nie la bonté de Dieu et qui Le présente comme quelqu’un de dur, ne fait que manifester sa méchanceté. Si quelqu’un pense savoir parler de justice avec Dieu, il ne s’en tirera certainement pas à son avantage. Il ne pourra pas lui répondre sur un point entre mille (Job 9:3).

Nous n’entendons plus un seul mot chez cet esclave inutile. Il a la bouche fermée, comme l’homme sans robe de noces de Matthieu 22. Comme ce dernier, il est jeté dans les ténèbres de dehors, où seront les pleurs et les grincements de dents.

Quelle fin bouleversante pour tous ceux qui ont méconnu Dieu et Sa grâce, qui se trouvaient dans une relation extérieure avec Lui en tant que Ses esclaves, mais qui ne L’ont jamais réellement aimé, ni Lui ni Son Fils ! Ils paraîtront un jour devant le grand trône blanc, et seront jugés « d’après les choses qui étaient écrites dans les livres, selon leurs œuvres » (Apocalypse 20:12). « Et si quelqu’un n’était pas trouvé écrit dans le livre de vie, il était jeté dans l’étang de feu » (Apocalypse 20:15).

7.4.4 - Résumé

Résumons brièvement les leçons de cette parabole.

La fidélité dans le service pour le Seigneur consiste à faire usage des dons qu’Il nous a confiés, en Lui faisant confiance, à Lui et à Son vrai caractère. L’infidèle se base sur une représentation de Dieu totalement fausse, et il méconnaît Sa grâce et s’attend à n’importe quoi d’autre.

La grâce de Dieu donne aux fidèles plus que ce qu’ils ont déjà ; la justice de Dieu ôte aux infidèles ce qu’ils ne désiraient pas.

Les uns entrent dans la joie du Maître ; les autres sont jetés dans les ténèbres de dehors.

La fidélité ou l’infidélité sont-elles décisives à ce point ? Oui, car c’est ce qui révèle s’il existe, ou non, une véritable relation avec le Seigneur, s’il y a réellement la vie divine ou non. C’est pour cela que les conséquences vont si loin : jusqu’en l’éternité.


8 - Parabole de Marc 4:26-29

8.1 - La semence qui croît sans qu’on sache comment

L’évangéliste Marc nous présente une petite parabole qu’aucun autre évangéliste ne mentionne, celle de « la semence qui croît ». Cette circonstance est d’autant plus significative que Marc ne présente que peu de paraboles, et guère de discours plus long du Seigneur. Le Saint Esprit avait confié à Marc la mission de dépeindre le Seigneur Jésus comme le vrai serviteur de l’Éternel (Yahweh, ou Jéhovah), et sous ce rapport, nous Le voyons maintenant effectuer l’œuvre plus humble que celle d’enseigner.

L’objet principal du chapitre 4 de l’évangile selon Marc est le service dans le royaume de Dieu, et nous y trouvons quelques paraboles, en premier lieu celle du ‘semeur’ et son explication par le Seigneur, auxquelles se rajoute la parabole de la ‘lampe’.

Nous nous sommes déjà occupés de ces deux paraboles en considérant les huit paraboles de Matthieu 13. Mais ici, à la suite de la parabole du ‘semeur’ et avant la parabole du ‘grain de moutarde’, on trouve cette petite parabole de la ‘semence qui croît’ à la place de la parabole de ‘l’ivraie du champ’. Certes elle prend en Marc la place de la parabole de ‘l’ivraie du champ’, mais on ne peut pas la mettre sur le même plan car elle est autonome et comporte un message entièrement différent. Il serait impossible de la transposer en Matthieu, pas plus qu’il ne serait possible de transposer en Marc la parabole de ‘l’ivraie du champ’ : ce serait bouleverser la liaison globale avec les thèmes du contexte tant en Matthieu qu’en Marc.

8.2 - Ainsi est le royaume de Dieu

« Il dit aussi : Ainsi est le royaume de Dieu : c’est comme si un homme jetait de la semence sur la terre, et dormait et se levait de nuit et de jour, et que la semence germât et crût sans qu’il sache comment. La terre produit spontanément du fruit, premièrement l’herbe, ensuite l’épi, et puis le plein froment dans l’épi ; et quand le fruit est produit, on y met aussitôt la faucille, parce que la moisson est arrivée » (Marc 4:26-29).

Le Seigneur Jésus donne ici une nouvelle illustration du royaume de Dieu — ce domaine moral sur terre où Dieu se révèle et où Il est connu. En grec, le « ainsi » placé au début de la phrase renforce ce qui est dit : C’est ainsi qu’est le royaume, et non pas autrement — voilà la vraie signification du texte.

Cela nous rappelle que dans chaque parabole sur le royaume de Dieu, il n’est mis en avant chaque fois qu’un trait de caractère remarquable. C’est de cette manière qu’il faut comprendre les tournures comme « ainsi est le royaume » ou « le royaume est semblable » : sous un certain rapport bien particulier, le royaume ressemble à cette figure-ci, ou à celle-là — ici à une personne qui jette de la semence sur la terre et qui s’en va et ne revient qu’au temps de la moisson.

Il y a bien sûr d’autres traits caractéristiques du royaume, et d’autres paraboles en parlent, mais ici c’est celui-ci qui est mis en avant, et il vaut la peine de le regarder de plus près.


8.3 - L’absence du Seigneur

Quelle est la caractéristique de cette petite parabole ? C’est que ‘l’homme’ qui jette la semence sur la terre est ensuite absent pendant tout le temps qui suit. Son absence couvre toute la période pendant laquelle la semence germe et croît et porte du fruit. Le propriétaire apporte bien la semence pour les semailles, mais en apparence il ne s’en soucie plus désormais ; au contraire, il se met à dormir, et à se lever de nuit et de jour, comme s’il n’avait plus rien à faire avec.

On peut partir en premier lieu du fait que ‘l’homme’ de notre parabole est la même personne que le ‘semeur’ de la première parabole, c’est-à-dire le Seigneur Jésus Lui-même. C’est aussi un trait caractéristique du royaume de Dieu sous ce rapport particulier : le Seigneur qui a commencé l’œuvre, quitte la scène, pour ne revenir qu’à la moisson. Entre temps, la semence croît toute seule, et il y a l’apparence qu’Il ne s’y intéresse plus.

Il est tout à fait frappant que la plupart des paraboles prononcées par le Seigneur décrivent le temps pendant lequel Il est absent. Pensons seulement aux trois paraboles de Matthieu 24 et 25, la parabole de ‘l’esclave fidèle et de l’esclave méchant’, la parabole des ‘dix vierges’ et la parabole des ‘talents’. Mais ce qui est particulier dans notre parabole, c’est que pendant tout le temps de l’absence du propriétaire, il ne se passe rien sur le champ [la terre] qui soit à signaler, rien qui soit fait et qu’on voie. Même ce propriétaire n’entreprend rien de plus, une fois qu’il a répandu la semence ; il la laisse à elle-même. Pourtant elle croît : la terre porte du fruit d’elle-même, d’abord l’herbe, ensuite l’épi, et puis le plein froment dans l’épi.

Pourquoi le propriétaire est-il en apparence aussi insouciant, aussi inactif, et se livre-t-il aux autres occupations de la vie ? La réponse est réjouissante : c’est parce qu’Il sait qu’il y a dans la semence une force intérieure qui se déploie en vie nouvelle ; et c’est ce que nous avons à apprendre ici. Soit que nous pensions maintenant au service du Seigneur Jésus Lui-même, qu’Il a accompli ici sur la terre, soit que nous appliquions la parabole au « service de la Parole » qui s’exerce aujourd’hui au moyen de Ses serviteurs et selon la mission qu’Il leur a confiée (voir Actes 6:4) — ce qui est semé contient, de façon cachée, la vie en soi. Il est indiscutable que la ‘semence’ est la Parole de Dieu comme dans la première parabole [du ‘semeur’]. Cette Parole est esprit et vie (Jean 6:63), et elle opère comme l’affirme 1 Thessaloniciens 2:13 : « la parole de Dieu, laquelle aussi opère en vous qui croyez » (1 Thessaloniciens 2:13).

8.4 - Consolation et exhortation

8.4.1 - Une pensée consolante

Il y a donc là à la fois de la consolation et de l’exhortation. Dans la parabole du ‘semeur’ nous avons vu tous les ennemis qui s’opposent à la réception de la Parole dans le cœur de l’homme, d’où les images des ‘oiseaux’, des ‘épines’, du ‘soleil’ brûlant, et autres choses semblables.

Malgré tout cela, la Parole de Dieu comporte en elle une puissance, en sorte qu’elle produit ce pourquoi Il l’a envoyée. « Car comme la pluie et la neige descendent des cieux, et n’y retournent pas, mais arrosent la terre et la font produire et germer, et donner de la semence au semeur, et du pain à celui qui mange, ainsi sera ma parole qui sort de ma bouche : elle ne reviendra pas à moi sans effet, mais fera ce qui est mon plaisir, et accomplira ce pour quoi je l’ai envoyée » (Ésaïe 55:11).

Quelle pensée consolante ! La Parole de la vérité de l’évangile « porte du fruit et croît », et cela « dans le monde entier » (Colossiens 1:5, 6). Et même si l’inimitié de Satan est grande et la faiblesse des serviteurs du Seigneur est immense — pourtant la Parole de Dieu poursuit son chemin victorieux. Dans les premiers jours du christianisme, nous apprenons en Actes 12:24 que « la Parole de Dieu croissait et se multipliait ». Malgré tous les Hérode du monde, cela est encore vrai aujourd’hui. Il est possible que, dans le détail, nous ne soyons pas en mesure de suivre la trace et la manière secrète dont le processus s’accomplit — même pour ‘l’homme’ de la parabole il est dit « sans qu’il sache comment » — mais malgré tout nous sommes au courant de la puissance de la ‘semence’ qui communique la vie. Et cela nous suffit. Déjà le Prédicateur de l’Ecclésiaste signalait l’œuvre cachée de Dieu : « Comme tu ne sais point quel est le chemin de l’esprit, ni comment se forment les os dans le ventre de celle qui est enceinte, ainsi tu ne connais pas l’œuvre de Dieu qui fait tout » (Ecclésiaste 11:5), — à quoi il ajoute l’encouragement : « Le matin, sème ta semence, et, le soir, ne laisse pas reposer ta main ; car tu ne sais pas ce qui réussira, ceci ou cela, ou si tous les deux seront également bons » (Ecclésiaste 11:6). Notons bien qu’il n’est pas dit « ce qui réussira, ceci ou cela, ou si aucun des deux ne réussira », mais bien « ce qui réussira, ceci ou cela, ou si tous les deux seront également bons ».

8.4.2 - Exhortation à la confiance en la puissance de la Parole de Dieu

Nous avons donc toute raison de faire confiance en la puissance de la Parole de Dieu, qu’elle possède par l’action du Saint Esprit. Mais cela nous conduit aussi à une exhortation qui se trouve pour nous dans la parabole : cela ne dépend pas de notre travail, ni de nos efforts, ni de notre connaissance. Comme Paul et Apollos, nous ne sommes, dans le meilleur des cas, que des « serviteurs », des instruments que Dieu utilise, soit pour planter soit pour arroser (1 Corinthiens 3:5 et suiv.). Mais Celui qui donne l’accroissement, c’est Dieu. Combien nous l’oublions facilement, et nous nous attribuons quelque importance, à nous et à notre travail !

Ce qui dans la parabole paraît être chez ‘l’homme’, de l’insouciance ou de la négligence, est en réalité de la confiance. ‘L’homme’ dort nuit après nuit et se lève jour après jour sans plus prendre soin de la semence. Il l’a apportée pour la répandre, et tout le reste ne dépend plus de lui. C’est dans ce sentiment que le Seigneur Jésus Lui-même a agi au début, et c’est avec ces sentiments que ceux qui le suivaient devaient poursuivre Son œuvre. Ne se laissait-Il pas réveiller chaque matin, ainsi que son oreille, pour écouter comme ceux qu’on enseigne » (Ésaïe 50:4) ? Dans une vraie humilité et une vraie dépendance, le Fils de Dieu exprimait les paroles de Dieu. Ce n’était pas Ses paroles qu’Il disait, mais celles de Celui qui L’avait envoyé (Jean 12:49, 50 ; 14:10 ; 15:15). C’est aussi à Lui qu’Il remettait les résultats de Son œuvre chez ceux auxquels Il avait donné Ses paroles (Jean 17:8, 13, 14). Si tels étaient les sentiments de notre Maître qui était Lui-même « la Parole » (Jean 1:1-3), combien plus de tels sentiments devraient nous caractériser puisqu’en nous-mêmes, nous ne sommes rien !

La Parole de Dieu répandue d’un cœur droit, c’est tout ce qu’il faut. Elle s’occupe d’elle-même, car elle est vivante et opérante, et plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants (Hébreux 4:12). Ainsi notre parabole ramène le royaume de Dieu à ce seul point : faire confiance à la puissance que Dieu a mise au dedans de la ‘semence’.

Aujourd’hui dans la chrétienté, cette confiance a largement disparu et a non moins largement fait place à l’activité de la propre volonté. Peut-être aussi que nous, les enfants de Dieu, avons aussi en partie perdu la confiance en la puissance de la Parole, et qu’en conséquence nous semons plus ou moins d’autres ‘semences’ ? Puissions-nous dès lors prendre à cœur l’enseignement de cette parabole et apprendre du comportement de cet ‘homme’ ! Il abandonne la semence à l’action d’un plus grand que lui. Tous nos efforts que nous pensons devoir ajouter à l’activité de la Parole ne font qu’entraver son efficacité.

8.5 - Regard sur la récolte

Même si ‘l’homme’ a été absent tout le temps de la croissance de la semence jusqu’au fruit, il ne faut pas interpréter cela de travers comme étant de la négligence. Certes sa manière d’agir pourrait donner cette impression, comme s’il ne s’intéressait ni à son champ ni à son fruit. En fait c’est tout le contraire : Il attendait le moment où le fruit allait arriver à pleine maturité. Manifestement c’est à cela qu’il avait justement déjà regardé ; sinon comment aurait-il pu établir que l’état du fruit permettait maintenant de faire entrer la faucille en action ? Ainsi nous savons que l’œil du Seigneur repose encore aujourd’hui sur Son ‘champ’. Comment pourrait-il en être autrement ? « Il ne retire pas ses yeux de dessus le juste » (Job 36:7).

La moisson elle-même n’est pas décrite ici — en contraste complet avec l’évangile selon Matthieu qui nous montre les différentes époques ou dispensations selon lesquelles Dieu agit avec les hommes ; là, au temps de la moisson, le Seigneur envoie Son ange ; ici, Il ne met la ‘faucille’ que comme signe que le temps de la moisson est arrivé. Ainsi la parabole est encadrée par deux angles, la première venue du Seigneur pour commencer Son service et Sa seconde venue pour achever Son service en rentrant la récolte. Entre temps, comme le vrai ‘laboureur’, Il attend le fruit précieux de la terre, prenant patience à son égard (Jacques 5:7).

C’est aussi l’attitude de ceux qu’Il a appelé dans Son œuvre pour répandre la ‘semence’. Et la Parole qu’Il nous adresse est : « Usez donc de patience, frères, jusqu’à la venue du Seigneur ». Le temps et la persévérance sont nécessaires avant l’achèvement de la récolte. Mais nous aussi, dans notre petite mesure, nous pouvons contempler par avance la ‘récolte’, comme Paul le faisait quand il écrivait aux croyants de Thessalonique : « Car quelle est notre espérance, ou notre joie, ou la couronne dont nous nous glorifions ? N’est-ce pas bien vous devant notre seigneur Jésus, à sa venue ? Car vous, vous êtes notre gloire et notre joie » (1 Thessaloniciens 2:19-20). Et si aujourd’hui nous avons à ‘semer avec larmes’, bientôt nous récolterons ‘avec chants de joie’ (Psaume 126:5).

9 - Paraboles de Luc 10 et 11

9.1 - Le Samaritain miséricordieux (ou : bon Samaritain). Luc 10:25-37

La parabole du Samaritain miséricordieux est l’une des plus connues du Nouveau Testament. Seul Luc la rapporte, mais la plupart des lecteurs de la Bible sont familiers avec son contexte historique. Mais il vaut quand même la peine d’y jeter un coup d’œil. Non seulement cela nous permettra de mieux comprendre la parabole, mais cela nous initiera aussi dès le commencement à ce qu’est l’homme, et à ce qu’est le Seigneur Jésus en face de lui. Ce contraste se poursuit comme un fil rouge à travers tout le récit qui précède la parabole, et à travers la parabole elle-même.

9.1.1 - Un propre juste.

« Et voici, un docteur de la loi se leva pour l’éprouver, et dit : Maître, que faut-il que j’aie fait pour hériter de la vie éternelle ? » (Luc 10:25).

Quand Luc introduit le récit d’un événement par l’expression « et voici », il établit en général un rapport avec ce qui précède. Or ici, le Seigneur Jésus venait de parler dans une prière à Son Père des « sages et des intelligents », et il avait dit : « Je te loue, ô Père… parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants. Oui, Père, car c’est ce que tu as trouvé bon devant toi » (Luc 10:21). Il semble que ce soit l’intention du Saint Esprit de se servir du docteur de la loi pour présenter l’un de ces « sages et intelligents », qui, en réalité, est insensé et ignorant.

Cet homme connaisseur de la loi se met à éprouver le Seigneur Jésus. La question de la vie éternelle en préoccupait beaucoup en Israël (voir Matthieu 19:16-22 ; Marc 10:17-22 ; Luc 18:18-23), et vraisemblablement il voulait voir ce que Jésus aurait à en dire, et si lui-même arriverait à L’empêtrer dans des contradictions sur les idées que les Juifs se faisaient au sujet de la loi.

Sa question « Maître, que faut-il que j’aie fait pour hériter de la vie éternelle ? » manifeste que cet homme était un propre juste, qui voulait faire pour mériter la vie éternelle. Il allait de soi pour lui qu’il avait quelque chose à faire ; la seule chose qui n’était pas claire pour lui était ce qu’il avait à faire. Cependant il semble qu’il s’agissait d’une question purement théorique, et il ne faut pas supposer que celui qui posait cette question se proposait en aucune manière de faire ce que Jésus allait répondre. Au contraire il Le mettait à l’épreuve, et attendant une réponse dont il pourrait se servir contre Lui.

Le seul point positif chez cet homme était qu’il se souciait de la vie éternelle, même si c’était peut-être avec des motifs mélangés.

Cependant la question sur la vie éternelle était trop peu de chose à elle seule, et toutes les dispositions intérieures étaient fausses. Car cet homme ne demandait pas, comme plus tard le geôlier de Philippes : « que dois-je faire pour être sauvé ? » (Actes 16:30). Poser une pareille question, c’est reconnaître qu’on est perdu, et qu’on n’a pas d’autre secours que celui de la grâce de Dieu. La question du docteur de la loi était bien loin de cette conviction. Il voulait faire quelque chose afin d’acquérir la vie éternelle. Mais raisonner ainsi, c’est se placer sur le terrain de la loi, et s’estimer compétent et capable de faire ce que Dieu requiert. Quelle erreur fatale, et en même temps quelle folie ! Car, d’abord, jamais personne n’a jamais pu garder la loi, sinon il vivrait encore aujourd’hui, et deuxièmement Dieu n’a pas donné la loi comme moyen de salut, sur la base duquel un pécheur peut parvenir à la vie éternelle (Gal. 3:21). Dieu a donné la loi pour tester ceux qui pensent être en état de répondre aux exigences de Dieu (Exode 24:3, 7).

La réponse du Seigneur va dans ce sens. Tandis que le geôlier pouvait entendre l’heureux message : « crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta maison » (Actes 16:31), le Seigneur répond d’abord au docteur de la loi par deux questions.

« Et il lui dit : Qu’est-il écrit dans la loi ? Comment lis-tu ? » (Luc 10:26).

On s’étonne de la patience du Seigneur avec ce propre juste, mais aussi de la sagesse avec laquelle Il répond à la question. Il se place sur le terrain de Son interlocuteur. Nous trouvons cela aussi en d’autres occasions. Cela permet au Seigneur d’amener le docteur de la loi à répondre lui-même à sa propre question, et à le faire à l’aide de la loi sur laquelle il s’appuie. Il s’était adressé à Lui en tant que « Maître », et ce Maître lui demande maintenant quelque chose en prenant pour point de départ que lui, le docteur de la loi, connaît cette loi, — ce qui se révèle exact. Cela n’était-il pas justement tout à fait désarmant ? Y avait-il encore place pour de mauvaises intentions ?

Dans le texte original, il y a une tournure de la phrase qui, au moyen de la place de l’expression « dans la loi », met l’accent justement sur cette expression. « Dans la loi », demande le Seigneur Jésus, « qu’est-il écrit ? ». Avec la deuxième question « que lis-tu ? », le Seigneur veut seulement forcer le docteur à citer le passage correspondant de la Parole. En cela aussi Il présuppose la connaissance suffisante pour répondre, et la capacité de le faire. Cette manière d’agir du Seigneur ne devait-elle pas faire disparaître tout sentiment d’inimitié dans le cœur de cet homme ?

« Et répondant, il dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et de toute ton âme, et de toute ta force, et de toute ta pensée » ; « et ton prochain comme toi-même ». Et il lui dit : Tu as bien répondu ; fais cela, et tu vivras » (Luc 10:27-28).

En soi, la réponse du docteur de la loi est tout à fait bonne. Elle montre qu’il n’avait pas étudié la loi en vain, et qu’il connaît très bien les deux commandements qui forment le cœur de ce que Dieu exige de l’homme dans la loi (voir Deut. 6:4-5 ; Lév. 19:18). D’eux dépendent la loi toute entière et les prophètes (Matt. 22:40). Effectivement l’amour est la somme de la loi (Rom. 13:10).

Ainsi, c’est comme si le Seigneur Jésus disait : « tu as tout à fait raison. Tout ce qu’il te reste à faire, c’est de te comporter selon ta réponse, et de vivre ainsi ». La forme verbale de « fais cela » est remarquable. Elle signifie : « fais cela constamment, de manière ininterrompue ! » Un seul manquement à cet égard serait tenu par Dieu comme une violation de toute la loi. Car il est écrit : « maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites dans le livre de la loi pour les faire » (Gal. 3:10). « Car quiconque gardera toute la loi et faillira en un seul point, est coupable sur tous » (Jacques 2:10). Ces conséquences inexorables ont-elles bien été pesées par ceux qui encore de nos jours pensent pouvoir réussir à se tenir devant Dieu sur le terrain de la loi, c’est-à-dire sur le terrain des œuvres accomplies ?

Aimer signifie vivre, et vivre réellement, c’est aimer. En tout cas la réponse du Seigneur au docteur de la loi le fait ressortir clairement. L’obligation morale de la créature tant vis-à-vis du Créateur que vis-à-vis du prochain, c’est l’amour. Le Seigneur Jésus s’en tient ici à ce principe éternel, — un principe valable en tout temps à toute époque de l’histoire de l’homme. Le caractère immuable de la vie éternelle est l’amour, et celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui (1 Jean 4:16).

Dieu peut-Il se satisfaire des formules creuses d’une fidélité extérieure à la loi ? Le docteur de la loi se flattait de s’y connaître en matière d’observance de la loi cérémonielle, ce dont Saul de Tarse s’est aussi vanté (Phil. 3:6). Mais le Seigneur lui dit en quelque sorte : « tu veux t’acquérir la vie éternelle ? Alors accomplis avec amour les formes extérieures et vides de la piété, car déjà cela seul c’est vivre réellement ».

En un sens, cela est aussi valable pour nous les croyants aujourd’hui, comme le montre clairement le passage déjà cité de Rom. 13. Le verset 8 donne l’encouragement suivant : « Ne devez rien à personne, sinon de vous aimer les uns les autres, car celui qui aime les autres a accompli la loi » (Rom. 13:8). Et Jacques se réfère ainsi dans son épître à la loi royale : « Si en effet vous accomplissez la loi royale, selon l’écriture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même », vous faites bien » (Jacques 2:8 et suiv.). Or il reste que, si nous croyons au Fils de Dieu, nous avons la vie éternelle (Jean 3:16-18, 36 ; 1 Jean 5:1, 13) — Dieu soit béni ! Mais cette vie éternelle se manifeste dans l’amour pour Dieu et pour le prochain.

Nous sommes souvent enclins à oublier cette liaison, et en tout cas à nous satisfaire de formes extérieures de piété. C’est pourquoi la parabole qui suit, du point de vue de son sens purement pratique, est aussi d’une grande importance pour nous.

Le Seigneur Jésus s’était exprimé comme si le sujet était maintenant clos, et la question définitivement clarifiée. Qu’y avait-il de plus à dire ? L’intention du docteur de la loi d’éprouver le Seigneur avait échoué. Entre les mains du Seigneur, l’affaire s’était montrée en vérité fort simple : ceux qui cherchent à obtenir la justice par des œuvres peuvent-ils s’en tenir à ce que dit la loi, et faire ce dont ils ont été convaincus comme étant l’élément essentiel de cette loi ? Pour un cœur sincère, cette remise en ordre aurait pleinement suffi. Convaincu par le Seigneur, un tel homme aurait dû voir son incapacité, et s’abriter sous la grâce de Dieu. Mais le docteur de la loi reprend la parole :

« Mais lui, voulant se justifier lui-même, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? » (Luc 10:29).

Sur ce point, l’un des deux brigands sur la croix était beaucoup plus avancé que ce docteur, quant à la sincérité et à l’intelligence spirituelle, et il confessait devant les autres suppliciés : « car nous recevons ce que méritent les choses que nous avons commises » (Luc 23:41). Ce brigand justifiait Dieu, tandis que le docteur de la loi ne cherchait qu’à se justifier lui-même. Les gens font comme ce dernier quand ils ne veulent pas se courber devant les pensées de Dieu par lesquelles ils se sentent jugés.

Peut-être qu’en faisant sa manœuvre d’esquive, le docteur de la loi avait encore l’arrière-pensée de se justifier d’avoir posé sa question initiale. Jésus ayant ramené l’affaire à un dénominateur aussi simple, n’aurait-il pas dû, lui le docteur, trouver tout seul la réponse ? Pour montrer que la réponse n’était quand même pas aussi simple, il ajoute la seconde question, celle de savoir qui est son prochain. Mais quel certificat d’indigence était-il ainsi en train de présenter ! Et en même temps quel aveu de n’avoir encore jamais agi selon ce commandement ! Il ne savait même pas qui était son prochain ! En tout cas c’est ce qu’il laissait apparaître. Dès lors, comment pouvait-il aimer ce prochain ?

C’était effectivement une piètre vie que celle de ce docteur en Israël ! La réponse simple du Seigneur avait tout mis en lumière chez cet homme : l’incrédulité, l’aveuglement, l’ignorance et le cœur partagé. Il avait besoin d’être enseigné par une parabole simple sur qui était « son prochain ».

9.1.2 - La parabole dans sa signification morale

Les Juifs de l’époque pensaient, selon l’enseignement de leurs maîtres, que le terme « prochain » ne visait que ceux qui avaient une parenté par le sang. Les gens issus des peuples païens en général, et les Samaritains en particulier, n’avaient aucune place dans leurs pensées. Ils cherchaient donc à contourner le commandement, et à l’atténuer. Mais le Seigneur montre dans Sa merveilleuse parabole que Dieu ne reconnaissait aucune frontière nationale ou corporative dans la question de l’amour du prochain.

« Et Jésus, répondant, dit : Un homme descendit de Jérusalem à Jéricho, et tomba entre [les mains des] voleurs, qui aussi, l’ayant dépouillé et l’ayant couvert de blessures, s’en allèrent, le laissant à demi mort. Or, par aventure, un sacrificateur descendait par ce chemin-là, et, le voyant, passa outre de l’autre côté ; et pareillement aussi un lévite, étant arrivé en cet endroit-là, s’en vint, et, le voyant, passa outre de l’autre côté » (Luc 10:30-32).

Le Seigneur se sert d’une image qui avait pu se dérouler de cette manière tous les jours en Israël. Il fait le tableau d’un homme allant de Jérusalem à Jéricho. Le chemin descendait, et depuis toujours il était désert, sinueux et dangereux ; il traversait une région inhabitée, infestée de voleurs et bandits de grands chemins.

Cet homme était Juif, sans qu’il soit décrit avec aucun détail. Cette particularité d’être Juif a son importance dans la parabole. Si le voyageur n’avait pas été Juif, le Seigneur n’aurait pas manqué de le signaler. Sinon Il aurait fourni au sacrificateur et au lévite un prétexte tout à fait bienvenu de ne pas s’approcher de l’homme tombé aux mains des voleurs, même si c’était un prétexte injustifié.

C’était donc un frère Juif qui était tombé aux mains des voleurs sur le chemin de Jéricho. Ceux-ci le dépouillèrent, le blessèrent jusqu’à mettre sa vie en péril, et le laissèrent dans cet état pitoyable, sans soins. Tout cela, bien entendu, était diamétralement opposé à aimer le prochain comme soi-même.

9.1.2.1 - Le sacrificateur

Mais voilà qu’arrive dans le tableau un sacrificateur, qui parcourt le même chemin. Il a vraisemblablement terminé son service hebdomadaire au temple à Jérusalem, et il rentre chez lui. Selon la tradition juive, il y avait une colonie de sacrificateurs à Jéricho. Il aperçoit l’homme à demi mort et passe de l’autre côté de la route aussi loin que la largeur de celle-ci le permet. Bien qu’il soit représentant de la loi, il ne voit pas son obligation d’aider cet homme. Il n’a aucun cœur pour lui. Il est vrai qu’il vient juste de sortir du sanctuaire de Dieu, où le peuple est régulièrement instruit de la loi de l’amour, mais il enfreint lui-même ce commandement sur ce qui est le plus impardonnable. Il voit l’homme à demi-mort par terre ; peut-être entend-il des appels à l’aide, et des gémissements. Et c’est l’un de ses frères ! Mais il ne se soucie point de tout cela. En aucun cas il ne voudrait se souiller. Aussi se dépêche-t-il de s’éloigner, car personne ne le voit, peut-être même pas l’homme à demi mort, — personne, sauf Dieu.

N’est-ce pas quelquefois notre image, chers amis ? Avons-nous compris qui est notre prochain ? Nous occupons par grâce une haute position spirituelle. Mais ne manquons-nous pas souvent de voir notre prochain dans celui qui est dans une vraie détresse et que le Seigneur amène sur notre chemin ? L’aidons-nous avec amour ? Ce sacrificateur en tout cas savait aussi peu que le docteur de la loi qui était son prochain. Avec une attitude légale on ne trouve jamais les bons motifs pour agir, ni la force pour faire ce qui plait à Dieu. Seul l’amour en est capable.

9.1.2.2 - Le lévite

La personne suivante qui apparaît est un lévite. Selon sa position, il est juste après le sacrificateur (le prochain en quelque sorte), et il se comporte de la même façon. Lui aussi arrive à l’endroit où gît l’homme à demi mort, il le voit dans sa misère et passe outre du côté opposé. Il répète la manière d’agir si mauvaise du sacrificateur. Comme lévite, il avait à faire aux ustensiles du temple, mais cela ne suffit pas à réchauffer son cœur pour son prochain. Ne devons-nous pas non plus craindre cette duplicité dans nos voies, ce manque de cœur ?

9.1.2.3 - Qui est le prochain

« Qui est notre prochain ? » Notre prochain est celui qui a besoin de notre aide et de notre amour. Il ressort cependant de ce qui vient d’être dit que nous ne devons pas seulement le chercher parmi les inconvertis. En Exode 12, en rapport avec la Pâque, nous trouvons une indication très utile : « Et si la maison est trop peu nombreuse pour un agneau, que lui et son voisin le plus rapproché [le prochain] de sa maison, le prennent, selon le nombre des âmes » (Exode 12:4). Notre prochain, c’est aussi celui avec lequel nous nous nourrissons ensemble de l’agneau immolé. Ainsi nous trouvons le prochain de deux côtés : parmi les enfants du monde avec lesquels il n’y a aucune communion spirituelle, et parmi les enfants de Dieu avec lesquels nous sommes liés intimement de plusieurs manières.

Dans les paraboles de « la brebis perdue » et de « la drachme perdue » de Luc 15, nous retrouvons les voisins et les amis. Là, ce sont ceux qui se réjouissent au sujet de ce qui était perdu, et avec celui qui l’a retrouvé. C’est une vérité touchante : nous sommes appelés à être un peuple proche de Lui, le Bon Berger, et rendu dignes, en tant que Ses « prochains », de partager Sa joie avec Lui ! Cela dépasse naturellement l’objet de notre parabole.

« Mais un Samaritain, allant son chemin, vint à lui, et, le voyant, fut ému de compassion, et s’approcha et banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin ; et l’ayant mis sur sa propre bête, il le mena dans l’hôtellerie et eut soin de lui. Et le lendemain, s’en allant, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier, et lui dit : Prends soin de lui ; et ce que tu dépenseras de plus, moi, à mon retour, je te le rendrai. Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé entre les [mains des] voleurs ? » « Et il dit : C’est celui qui a usé de miséricorde envers lui. Et Jésus lui dit : Va, et toi fais de même » (Luc 10:33-37).

Entre les Juifs et les Samaritains, la répugnance et l’inimitié étaient profondes. Les Samaritains étaient d’origine païenne, et ils étaient publiquement maudits dans la synagogue. On ne les acceptait jamais comme prosélytes ; leur nourriture était mise au rang de la viande de porc ; un Juif préférait souffrir que recourir à leur aide.

Nous remarquons combien le Seigneur met fortement l’accent dans Sa parabole sur le fait que celui qui reconnaît son prochain dans l’homme à demi mort, c’est justement un pareil homme haï des Juifs. Ému par l’amour et par la pitié, il lui fait tout ce qui peut le préserver d’une ruine certaine. Quelle grâce se manifeste ici ! L’étranger se soucie même de ce qui se passerait durant le temps de son absence. Il subvient à tout. Et en poursuivant son voyage, il n’allait pas oublier l’homme tombé entre les mains des voleurs, mais il allait revenir au temps convenable, et récompenser la fidélité qui a été montrée. C’est avec cette assurance que se termine la parabole.

À la question de savoir qui de ces trois personnages est le prochain de celui qui était tombé entre les mains des voleurs (10:36), le docteur de la loi donne de nouveau la bonne réponse. Dans celle-ci, il utilise une tournure qui a donné son nom à notre parabole : « c’est celui qui a usé de miséricorde envers lui ». Oui, c’est bien de la miséricorde qui a été exercée dans ce cas. Il devait s’appliquer à ce genre de sentiments, et ceux-ci devraient bien nous caractériser, nous aussi, qui avons été les objets de la grande miséricorde de Dieu.

9.1.3 - La parabole dans sa signification typique

Le lecteur attentif aura peut-être remarqué que la question du Seigneur au v. 36 contient une inversion de la direction du regard. Jusque-là le « prochain » était toujours celui à qui il devait être fait miséricorde. Mais maintenant le « prochain » c’est celui qui exerce la miséricorde. Le Seigneur ne veut-Il pas par-là orienter le regard sur Lui-même, le vrai Samaritain miséricordieux ? Lui est le prochain de celui qui est tombé entre les mains des voleurs, le prochain de chacun de nous.

De divers côtés, on conteste que cette parabole, ou cette affaire, ait une signification typique et prophétique outre la signification avant tout morale. Les arguments qu’on soulève sont réduits à néant par la simple constatation suivante : quand le Seigneur Jésus répond à une question, dans Sa grâce et dans Sa sagesse Il dépasse habituellement largement la question posée, et Il présente des vérités plus grandes et des principes plus élevés, qui sont bien inclus dans ce qui était demandé, mais qui sont en soi de portée supérieure.

C’est ce qu’on trouve ici aussi. Le commandement sur l’amour du prochain est étoffé et exemplifié au moyen de la manière d’agir de Dieu dans l’évangile. C’est aussi ce qui donne à notre parabole sa beauté particulière.

Lequel d’entre nous ne se réjouit pas à la pensée que l’exemple parfait d’amour du prochain soit le vrai « Samaritain miséricordieux », et plus précisément notre Seigneur et Sauveur. Certes nous devons prendre garde à ne pas faire de « surinterprétations », cependant plusieurs particularités mentionnées par le Seigneur ont un sens absolument figuré, que les auditeurs de l’époque l’aient compris ou non. Limiter le message de la parabole au seul côté moral serait une grande perte.

Considérons rapidement quelques-unes de ces particularités, et d’abord l’homme qui descend de Jérusalem à Jéricho. Ne délaisse-t-il pas le lieu de la bénédiction pour s’en aller au lieu de la malédiction ? En cela il est une image de l’homme naturel, de tout le genre humain, qui va de l’avant dans ce chemin. Le chemin loin de Dieu est toujours un chemin qui descend, un chemin où l’on tombe sous la puissance de Satan et où l’on fait du tort à son âme.

En ce qui concerne le sacrificateur et le lévite, ils personnifient la loi et son incapacité à délivrer l’homme de son état misérable. La religion ne peut pas sauver un homme mort dans ses péchés. Ce dont il a besoin, c’est d’un Sauveur, qui non seulement le sauve de la perdition, mais qui l’amène à la vie.

Le Samaritain est une image de ce Sauveur, le Seigneur Jésus. Il l’introduit dans la parabole par un « mais » béni, qui renforce le contraste : « Mais un Samaritain… ». Cela nous rappelle le passage d’Éph. 2 : « Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause de son grand amour dont il nous a aimés, alors même que nous étions morts dans nos fautes, nous a vivifiés ensemble avec le Christ » (Éph. 2:5). Nous pensons aussi à Rom. 5:8 : « mais Dieu constate son amour à lui envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous » (Rom. 5:8).

Le Samaritain « allait son chemin ». Cela nous parle de l’incarnation du Seigneur, ou au moins elle y est incluse. Dans la parabole de « l’homme noble » de Luc 19, il est aussi parlé d’un voyage, mais dans une autre direction, vers la gloire. Là c’est l’ascension du Seigneur qui est préfigurée. Mais dans chacun de ces deux voyages, le retour est préfiguré. C’est très beau. Ici le Fils de l’homme vient du ciel vers la terre, pour chercher et sauver ce qui est perdu (Luc 19:10). Il était donc en voyage, et est arrivé au bon moment auprès du blessé. Il ne descendait pas comme les autres vers Jéricho, le lieu de la malédiction. Il est seulement dit qu’Il « allait Son chemin ». Et quel chemin était-ce, celui qu’Il a entrepris pour venir jusqu’à nous, des misérables et des perdus ! C’est pour cela qu’il fallait qu’Il devienne homme.

Qui peut saisir pleinement cet amour ?

Qui est venu ici-bas parmi les pécheurs.

Lui que le monde entier ne peut contenir

A voulu être le parfait serviteur !

Mais il y a plus, encore ; Il a dû s’abaisser jusqu’à nous, pauvres pécheurs, et répondre à nos plus profonds besoins. Il l’a fait — que Son Nom en soit loué. Il a fait pour nous beaucoup plus que le Samaritain dans la parabole : Il a laissé Sa vie pour nous, pour que nous puissions vivre par Lui.

L’amour doit aller plus profond encore

Il a pris notre place :

Pendu à la croix dans la honte et la douleur

Il est mort pour un monde perdu.

Une indication nous touche beaucoup : « le voyant, Il fut ému de compassion » (Luc 10:33). Quand le Seigneur Jésus voit la misère de l’homme déchu, Il en est ému de compassion. Nous retrouvons à plusieurs reprises cette indication touchante dans les évangiles. En Luc 15 c’est le Père qui, voyant son fils de loin, est ému de compassion (15:20). Ainsi les mêmes sentiments remplissent le Père et le Fils, quand Ils « voient » jusqu’où l’homme est tombé sous la domination de Satan.

Ces sentiments saints dans le cœur du Seigneur sont aussi présentés dans la parabole par le fait que l’étranger se sert ouvertement d’une partie de ses vêtements pour bander les plaies de l’homme à demi-mort. Il se sert de Son propre vin et de Sa propre huile pour panser les plaies. Ensuite il installe le blessé sur sa propre bête et le mène à l’hôtellerie. Cela ne nous fait-il pas penser à 2 Cor. 8:9 : « Car vous connaissez la grâce de notre seigneur Jésus Christ, comment, étant riche, il a vécu dans la pauvreté pour vous, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis ».

La parabole se termine par l’indication du retour du bienfaiteur. Oui, le Seigneur Jésus va revenir. Entre temps, nous sommes confiés à l’autre Consolateur, le Saint Esprit, qui nous conduit dans toute la vérité.

L’hôtellerie peut faire penser à l’assemblée (communauté) qui, au temps de l’évangile, est ouverte à tout ce genre de personnes que le Samaritain miséricordieux y a amené.

Et finalement, de quoi nous parlent les deux deniers ? La plus belle explication me semble être que ce montant de l’hébergement et des soins du protégé ne suffisent pas pour une longue durée. Le Samaritain miséricordieux revient bientôt.

9.2 - La parabole des trois amis — Luc 11:5-8

Les paraboles du Seigneur sont riches en enseignements pratiques. Dans quelques-unes d’entre elles, le Seigneur prend le sujet de la prière, et met l’accent sur son importance vue sous différents aspects. Certaines paraboles ont été prononcées pour montrer aux gens comment et quand ils devaient prier. D’autres donnent des exemples de prières, — des bonnes et des mauvaises, des prières pressantes et des prières qui viennent trop tard. La parabole du ‘juge inique’ avec la veuve qui l’importune est introduite par cette parole : « Et il leur dit aussi une parabole, pour [montrer] qu’ils devaient toujours prier et ne pas se lasser » (Luc 18:1).

9.2.1 - Différentes manières de Dieu pour exaucer nos prières

Parfois, Dieu nous laisse prier longtemps pour une seule et même chose, pour éprouver notre foi et notre persévérance. D’autres fois, il exauce notre prière immédiatement et directement. Lorsque Daniel s’humiliait devant Dieu, la réponse est venue aussitôt, pendant qu’il priait encore (Dan. 9:21). Mais dans une autre circonstance, nous voyons Daniel mener deuil « trois semaines entières » avant de recevoir une réponse (Dan. 10:2). Dans ce cas, Dieu voulait lui donner l’occasion de s’unir à Ses intérêts et Ses pensées. Et c’est ainsi que le prophète a eu trois semaines entières pour prier et attendre avant que Dieu lui accorde ce qu’il avait demandé au bord du fleuve Hiddékel. Mais c’était certainement un temps de communion précieuse avec Dieu. Car la persévérance dans la prière rend plus profondes la communion avec Dieu et la conscience de notre dépendance de Lui.

Il y a des cas où nous sommes exhortés à demander avec persévérance et même avec ténacité, alors que dans d’autres, pour telle prière précise, nous sommes invités à cesser de prier. C’est ce dernier cas qu’a vécu l’apôtre Paul. Après que le Seigneur lui ait montré clairement qu’Il ne donnerait pas suite à sa demande de lui retirer son « écharde pour la chair », Il lui a dit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans l’infirmité » (2 Cor. 12:9). De même, Moïse, après avoir supplié l’Éternel instamment et à plusieurs reprises de lui permettre quand même de passer dans le pays promis, reçut finalement la réponse : « C’est assez, ne me parle plus de cette affaire » (Deut. 3:26).

Ces contrastes dans la manière dont Dieu répond à nos prières peuvent être un sujet de difficultés pour nous. Cependant nous avons besoin de la foi dans tous les cas, soit que Dieu nous exauce immédiatement, soit qu’il nous fasse attendre « trois semaines entières ». Nous ne supporterions certainement guère si Dieu nous répondait toujours de cette manière. La foi est autant nécessaire pour persévérer dans la prière, que pour cesser de prier pour telle chose particulière et laisser Dieu agir selon Ses voies à notre égard. La paisible soumission à la volonté de Dieu, même si ce que nous avons demandé ne peut pas nous être accordé, ne peut être réalisée que dans une pleine confiance en Sa bonté et en Sa sagesse.

Une telle opposition entre différents côtés d’une seule et même vérité, ici en rapport avec la prière, me paraît toujours particulièrement à sa place lorsque nous voulons ne nous occuper que d’un côté particulier, et que nous voulons en forcer l’application. Nous perdons trop vite des yeux qu’il y aussi d’autres manières de voir. Seul cet équilibre intérieur nous gardera d’un point de vue exclusif, ou pire, du fanatisme.

9.2.2 - Une prière instante

Deux paraboles nous enseignent la valeur de la prière instante et persévérante : celle des ‘trois amis’ en Luc 11 et celle de ‘la veuve et du juge inique’ en Luc 18. Il est désirable de faire une comparaison entre les deux, mais nous ne voulons le faire que plus tard, quand nous aurons considéré de plus près la parabole de Luc 11. Nous la désignons par le titre des ‘trois amis’ parce que nous y voyons trois amis : l’ami qui a faim, l’ami qui demande, et l’ami auquel la demande est faite.

« Et il leur dit : Qui sera celui d’entre vous qui, ayant un ami, aille à lui sur le minuit, et lui dise : Ami, prête-moi trois pains, car mon ami est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui présenter ? Et celui qui est dedans, répondant, dira : Ne m’importune pas ; la porte est déjà fermée, et mes enfants sont au lit avec moi ; je ne puis me lever et t’en donner. — Je vous dis que, bien qu’il ne se lève pas et ne lui en donne pas parce qu’il est son ami, pourtant, à cause de son importunité, il se lèvera et lui en donnera autant qu’il en a besoin » (Luc 11:5-8).

Au début du chapitre 11, juste avant cette parabole, Luc nous rapporte un autre exemple de cela, celui du Seigneur, comme homme dépendant, priant Son Dieu.

Stimulés par l’exemple de leur Maître, les disciples paraissent avoir reconnu la nécessité de la prière, en sorte que l’un d’eux demande au Seigneur : « Seigneur, enseigne-nous à prier ». Là-dessus, le Seigneur leur donne la prière qu’on appelle le Notre Père, — une prière merveilleuse qui était parfaitement adaptée à la situation et à l’époque où se trouvaient les disciples. Ceux-ci ne se trouvaient pas encore dans la position chrétienne, car le Seigneur n’était pas encore passé par la mort et la résurrection. À quoi cela aurait-il servi, si le Seigneur leur avait imposé des demandes (chrétiennes) qu’ils n’auraient absolument pas été en mesure de comprendre en tant que Juifs à ce moment-là ? Même si cette « prière du Seigneur », comme on l’appelle souvent, a eu une grande importance pour le résidu juif de l’époque, et en aura aussi une grande pour le résidu juif futur, elle n’en contient pas moins des principes moraux que nous ne devons pas non plus méconnaître aujourd’hui.

Pour approfondir chez Ses disciples la conscience de l’importance de la prière, le Seigneur ajoute cette parabole des trois amis. Les traits en sont particulièrement vifs, et il vaut la peine d’en considérer à la fois les parallèles et les contrastes. En partant du comportement typique d’un homme, des conclusions sont tirées sur le comportement de Dieu. La connexion avec le comportement humain est caractéristique de l’évangile que Dieu nous a donné par Luc.

9.2.2.1 - L’ami qui demande

La parabole nous présente d’abord l’ami qui fait une requête. Il ne demande pas pour lui-même, mais pour un autre ; il se charge de son cas et s’emploie en sa faveur. Nous pouvons aussi certainement faire ces deux choses : prier pour nous-mêmes et prier pour les autres. Tous les deux sont justes et nécessaires. Sachons voir au-delà de nos propres intérêts et ne négligeons pas la prière pour les autres — pour tous les saints (Éph. 6:18) et pour tous les hommes et tous ceux qui sont haut placés (1 Tim. 2:1-2). C’est sur la première catégorie que nous avons à apprendre ici.

Ce qui nous frappe, c’est la concision de la requête. Le demandeur ne fait pas un long exposé à son ami, mais il formule au contraire sa demande d’une manière claire et précise : « Ami, prête-moi trois pains ». Il n’a pas besoin de deux, ni de quatre pains, mais de trois, et c’est ce qu’il dit à son ami. Combien nous avons à apprendre de cet exemple ! Spécialement quand nous prions en public, efforçons-nous de prier de façon précise et concrète, et ne nous perdons pas en considérations interminables. Faire un exposé à Dieu quand nous sommes à genoux, c’est le contraire de ce que le Seigneur nous enseigne ici. On ne peut pas toujours éviter les prières ayant un contenu général ; mais des demandes concrètes dévoilent un intérêt profond pour la personne ou la chose dont il s’agit.

Le caractère pressant de la demande est encore souligné dans la parabole par le fait que celui qui adresse la requête se présente à la porte de son ami à une heure tout à fait indue. Il est lui-même trop pauvre, ou il n’est momentanément pas en mesure de nourrir son ami arrivé de voyage. Il va donc en confiance chez son ami qui est dans l’aisance, et il frappe à sa porte à l’heure où l’on dort. Il ne se laisse pas plus impressionner par son refus (« Ne m’importune pas »), que par toutes ses explications sur l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’aider sur le champ. Quand bien même la porte est déjà fermée, il continue à frapper jusqu’à ce qu’il ait en main ce qu’il demande.

Dieu prend plaisir à ce que ses enfants manifestent une certaine insistance dans leurs prières, voire même de la ténacité. Nous trouvons cette pensée chez les prophètes : « Vous qui faites se ressouvenir l’Éternel, ne gardez pas le silence, et ne lui laissez pas de repos… » (Ésaïe 62:6, 7). Abraham n’a-t-il pas déjà manifesté cette ténacité lorsqu’il intercédait devant l’Éternel en faveur de la ville de Sodome, et qu’il diminuait progressivement le nombre possible des justes qui s’y trouvaient (Gen. 18:22-33) ? N’en a-t-on pas un peu le souffle coupé quand on lit cette histoire dans Genèse 18 ?

Une telle persévérance dans la prière honore le Dieu Tout-puissant. « Car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie que [Dieu] est, et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le recherchent » (Héb. 11:6).

L’humble confession de notre propre indigence est une condition supplémentaire importante pour que la prière soit agréable à Dieu. L’ami qui venait demander était conscient de son dénuement et de son incapacité à venir en aide à son ami affamé ; c’est pourquoi il s’adresse à son ami manifestement mieux pourvu que lui. Nous aussi, nous sommes entièrement incapables de nourrir à l’aide de nos propres ressources les personnes affamées qui nous entourent, qu’il s’agisse des besoins des pécheurs perdus ou de ceux des enfants de Dieu manquant du nécessaire. Pourtant nous connaissons Celui qui est riche — riche aussi en miséricorde : c’est notre Dieu et Père. Allons à Lui lorsque nous avons besoin de pain, tant pour nous-mêmes que pour les autres !

9.2.2.2 - L’ami à qui la requête est adressée

Dans l’application de la parabole, il y a des parallèles évidents entre l’ami qui demande et l’attitude qui nous est recommandée. Il en est autrement avec l’ami riche auquel est adressée la requête. Si on fait l’application à Dieu, on trouve plus de contrastes que de parallèles. Souvent ce sont justement les contrastes qui nous offrent les leçons à apprendre. Tel est le cas ici.

Le Seigneur Jésus n’a pas honte de nous nommer Ses « frères » ou Ses « amis ». (Héb. 2:11, 12 ; Jean 15:14-15). Or si nous venons à Lui pour prier, nous ne prions pas un ami, mais Dieu Lui-même. C’est le premier contraste, et nous devons toujours être conscients de qui est la personne à qui nous nous adressons en prière. Le Seigneur Jésus à qui nous adressons notre prière, est Dieu ; notre Père à qui nous adressons notre prière, est Dieu. Un ami se tient sur un pied d’égalité, mais Dieu est infiniment élevé au-dessus de nous. Il est Souverain absolu.

Est-il concevable que nous puissions venir à Lui à un moment qui Le dérange ? Est-il pensable qu’Il nous dise : « Ne m’importune pas, la porte est déjà fermée » ? Est-il possible qu’Il allègue une quelconque excuse pour nous renvoyer ? Mille fois non ! « Voici, celui qui garde Israël ne sommeillera pas, et ne dormira pas » (Ps. 121:4). Il aime à donner, Il donne plus que ce que nous lui demandons, et Il est toujours bien disposé. Nous n’avons jamais à craindre de troubler Son repos, ni de Le fatiguer. Si nous pouvons nous servir encore une fois de l’image de l’ami, et l’appliquer au Seigneur, nous apprenons alors du livre des Proverbes cet encouragement consolant : « L’ami aime en tout temps, et un frère est né pour la détresse » (Prov. 17:17).

Le motif pour lequel celui qui demande obtient ce qu’il demande, fait aussi ressortir clairement une grande différence entre la manière d’agir de Dieu et celle de l’ami à qui est adressée la demande dans notre parabole. Ce dernier se voit non seulement dérangé dans son repos, mais il nourrit aussi des sentiments égoïstes et peu aimables envers son prochain. C’est pour cela qu’il commence par lui opposer un refus. Ce n’est que lorsqu’il est amené à craindre d’être incommodé plus longtemps par son insistance, qu’il se lève — cela est devenu subitement possible malgré les enfants au lit — et qu’il lui donne ce dont il a besoin. Il le lui donne, non pas parce qu’il est son ami, mais à cause de son culot.

Dieu donne-t-Il pour de tels motifs et de cette manière ? Non, bien sûr ! Notre Père est l’amour parfait et la bonté parfaite. Il aime à nous bénir, et Il bénit surabondamment ceux qui, en toute confiance, viennent à Lui avec leurs besoins.

Il s’ensuit que la leçon essentielle de notre parabole est la suivante : Si la persévérance conduit déjà au but de la part d’un homme qui n’y voit que de l’importunité, combien plus Dieu répondra-t-Il aux appels persévérants de Ses enfants qui se confient fermement en Lui !

9.2.3 - Comparaison sommaire avec la parabole de « la veuve »

Nous sommes impressionnés par la manière dont notre Seigneur et Sauveur nous enseigne aussi dans cette parabole. Or le Seigneur y rajoute le principe divin suivant : «  Demandez, et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ; heurtez, et il vous sera ouvert ; car quiconque demande, reçoit ; et celui qui cherche, trouve ; et à celui qui heurte, il sera ouvert » (Luc 11:9, 10). Ces paroles ne sont-elles pas propres à conférer à nos requêtes ce caractère d’urgence, auquel Dieu aime tant répondre ? Mais faisons bien attention à ceci : l’urgence et la persévérance, c’est à nous de les avoir, non pas à Dieu.

Nous n’avons pas encore considéré la parabole ‘du juge inique et de la veuve’ en Luc 18. Faisons quand même ici une comparaison entre ‘l’ami’ et ‘la veuve’.

Dans les deux paraboles il y a un contraste duquel nous avons à apprendre — le contraste entre ce qu’est l’homme et ce qu’est Dieu. Il ne peut pas être plus immense. Un juge inique se voit contraint de donner suite à la demande de la pauvre veuve, mais il le fait parce qu’il est tourmenté par ses cris incessants. Un ami malveillant se voit contraint de se lever au milieu de la nuit pour répondre aux besoins de son voisin, mais il ne le fait qu’à cause de son importunité.

Or ce que Le grand Maître qui enseigne veut faire savoir, c’est que, si la ténacité arrive à ses fins même de la part de gens mal disposés, et qu’elle permet d’obtenir le bienfait, combien plus le Dieu de bonté laissera-t-Il se déverser Sa bénédiction sur vous quand vous lui demandez avec sérieux, avec persévérance et avec foi.

La veuve est allée vers le juge pour lui exposer sa propre cause. L’ami, par contre, est intervenu en faveur de son frère affamé. Ainsi le Seigneur nous enseigne dans ces deux paraboles que nous devons prier pour nous-mêmes et pour les autres, jusqu’à ce que nous soyons exaucés. L’une de ces paraboles illustre l’exhortation : « Demandez, et il vous sera donné » ; et l’autre, l’exhortation « Heurtez, et il vous sera ouvert ».

10 - Paraboles de Luc 12 et 13

10.1 - Le riche cultivateur — Luc 12:13-21

10.1.1 - Les trois paraboles faisant suite à une demande

Il est toujours impressionnant de voir le Seigneur Jésus autant présenter Son enseignement divin dans l’habillage de paraboles. Les raisons de le faire sont toujours bien différentes. En trois occasions Il parle en paraboles à la suite de demandes qui lui ont été exprimées.

Quand les disciples du Maître avaient demandé « Seigneur, enseigne-nous à prier » (Luc 11:1), le Seigneur ne leur avait pas seulement donné ce qu’on appelle le « notre Père », mais Il y avait ajouté la parabole des « trois amis ». Comme nous l’avons vu, Il illustrait par là l’urgence et l’importance de la prière. En second lieu, il y a la parabole du « riche cultivateur de blé » que nous avons devant nous ; elle est précédée de la demande d’un Juif : « Seigneur, dis à mon frère de partager l’héritage avec moi » (12:13). La troisième parabole faisant également suite à une demande est celle du « grain de blé ». Le Seigneur l’a prononcée à la suite de la prière adressée par quelques Grecs à Philippe : « Seigneur, nous désirons voir Jésus » (Jean 12:21).

10.1.2 - Avertissement contre l’avarice

Le Seigneur repousse absolument ce qu’on voulait obtenir de lui : « Homme, qui est-ce qui m’a établi sur vous pour être votre juge et pour faire vos partages ? » (Luc 12:14). S’Il s’était laissé entraîner dans cette affaire, Lui serait-il arrivé autre chose qu’à Moïse quand celui-ci voulut arbitrer une querelle entre deux frères ? « Mais celui qui faisait tort à son prochain, le repoussa, disant : Qui t’a établi chef et juge sur nous ? » (Actes 7:27). Étienne le rappela plus tard aux conducteurs du peuple juif. La similitude de langage n’est-elle pas frappante ? Le Seigneur utilise presque les mêmes mots que l’homme du milieu de la foule, de sorte qu’on ne peut guère ne pas voir le parallèle. Non, dans les deux cas le peuple n’était pas prêt à recevoir le Sauveur et Libérateur.

À l’époque de cet incident, le Seigneur se voyait déjà rejeté. Ce n’est pas par hasard qu’Il préparait Ses disciples à être persécutés et à être menés devant les synagogues et les magistrats (Luc 12:1-12). S’il avait été reçu avec foi par Son peuple terrestre, Il aurait certainement fait ce dont les prophètes avaient parlé : « Et il ne jugera pas d’après la vue de ses yeux, et ne reprendra pas selon l’ouïe de ses oreilles ; mais il jugera avec justice les misérables, et reprendra avec droiture les débonnaires de la terre » (Ésaïe 11:3-4). Mais L’ayant rejeté et finalement crucifié, ce peuple perdit sa position de bénédiction. Aussi il ne s’agissait plus d’introduire la justice sur la terre ni de « partager des héritages », mais d’amener des individus à leur juste position devant Dieu, — au salut pour tous ceux qui le recevraient par la foi. Pour ceux-là, il y avait maintenant une part meilleure en haut, un héritage céleste.

Selon la loi en Israël, le premier-né avait droit à hériter une double part, mais c’est tout ce qu’il en est dit (Deut. 21:15-17). On ne sait pas ce qui faisait la difficulté dans le cas présenté au Seigneur. Mais derrière le désir apparemment légitime de cet homme, le Seigneur voyait apparaître à nu l’avarice du cœur humain. Cela L’amène à avertir : « Voyez, et gardez-vous de toute avarice ; car encore que quelqu’un soit riche, sa vie n’est pas dans ses biens » (Luc 12:15).

L’avarice (ou aussi la cupidité) est un mauvais défaut. En Colossiens 3:5 elle est appelée une « idolâtrie », et celui chez qui elle domine, est un « méchant », et en tant que tel, même s’il est « appelé frère », il doit être mis sous la discipline de l’assemblée (1 Cor. 5:11-13).

Mais la soif de biens terrestres est plus que seulement un mal : elle est aussi une folie. C’est ce que montre le Seigneur dans la parabole qui suit. Car même quand quelqu’un a tout en surabondance, sa vie n’est pas dans ses biens. Cela veut dire que la vie (comme principe de vie, non pas comme manière de vivre) ne dépend nullement du fait d’être riche ou pauvre. On n’a pas un brin de vie de plus quand on possède beaucoup, ni un brin de vie de moins quand on a peu à soi. Comme la parabole le montre clairement, la possession de la vie dépend seulement et uniquement de Dieu.

Mais cela n’est pas encore tout le message de la parabole. Car quelle folie d’amasser des trésors pour soi sur cette terre, et de ne pas être riche quant à Dieu, riche du point de vue du ciel !

10.1.3 - Riche — mais insensé

L’avertissement du Seigneur contre l’avarice n’a vraisemblablement pas été saisi dans toute sa portée. Aujourd’hui il n’en va pas autrement. Aussi explique-t-Il par une parabole le sérieux et la portée de cette question, comme du reste Il le faisait aussi en d’autres occasions. La parabole suivante est l’illustration et en même temps la pleine vérité de ce qu’Il dit sur l’avarice.

« Les champs d’un homme riche avaient beaucoup rapporté » (Luc 12:16).

Tout ce que le Seigneur peut dire d’abord de l’homme dans Sa parabole, c’est qu’il était riche. Il n’y a pas de honte à être riche. Abraham l’était, mais il était aussi beaucoup plus qu’un « certain homme riche ». Rien ne permet de conclure, dans le récit, qu’il s’agissait de richesses acquises malhonnêtement. Au contraire, l’homme possédait de grandes propriétés rurales dont, selon toute vraisemblance, il avait hérité ou qu’il avait acquises honnêtement.

La description que le Seigneur fait de cet homme n’est pas celle d’un oppresseur qui exploite les pauvres travailleurs ruraux ou les frustre de leur salaire. Non, il s’agit bien plutôt de quelqu’un de correct et d’estimé. Beaucoup pouvaient l’envier, surtout de s’être accru continuellement par le bon revenu de ses terres. La nouvelle récolte était en tout cas tellement bonne que les celliers et les greniers existants ne pouvaient pas la contenir.

Quand le Seigneur Jésus illustre le vrai caractère de l’avarice à l’aide de cette parabole, Il montre ce vice effrayant dans sa forme la moins repoussante. L’« homme » n’est pas dépeint de manière choquante. Même son avarice ne paraît pas détestable en soi, à première vue. Il vit simplement pour les choses de la terre. Ce sont elles, et elles seules, qui remplissent ses pensées, sa vie. C’est tout. N’y en a-t-il pas d’innombrables exemplaires semblables dans le monde aujourd’hui ?

10.1.3.1 - Des considérations raisonnables ?

« Et il raisonnait en lui-même, disant : Que ferai-je, car je n’ai pas où je puisse assembler mes fruits ? Et il dit : Voici ce que je ferai : j’abattrai mes greniers et j’en bâtirai de plus grands, et j’y assemblerai tous mes produits et mes biens ; et je dirai à mon âme : [Mon] âme, tu as beaucoup de biens assemblés pour beaucoup d’années ; repose-toi, mange, bois, fais grande chère » (Luc 12:17-19).

Ce que l’homme fait maintenant, n’est-ce pas tout à fait raisonnable ? Il s’assied, et réfléchit sur ce qu’il peut entreprendre pour bien mettre à l’abri son blé et ses autres fruits. — Mais remarquez bien combien de fois figurent les mots « je », « mon », « mes » dans la conversation que l’homme tient avec lui-même et avec son âme : treize fois en si peu de mots ! Cela ne montre-t-il pas à quel point il était égoïste ? Entendons-nous le moindre remerciement à Dieu pour ces riches bénédictions ? Non, Dieu ne fait pas l’objet de ses considérations. Y penser, ne serait-ce pas du temps perdu ?

Son seul problème, c’est de savoir comment mettre à l’abri son abondante récolte, et comment agir pour ce faire. Mais en réalité il ne pense qu’à multiplier sa richesse. Ses pensées ne vont absolument pas au-delà de ce but et de ce temps. Ce qui vient après ne l’intéresse pas. L’« économe injuste » de Luc 16 se comporte d’ailleurs de manière tout à fait opposée. Il abandonne les avantages présents pour ne pas se trouver à vide le jour où les richesses (le Mammon) viendront à manquer. C’est la direction vers laquelle regarde le vrai croyant qui ne se considère que comme un administrateur de biens terrestres, en route vers les « tabernacles éternels ».

Remplacer de vieux greniers par des neufs, plus grands, est certainement un progrès aux yeux des hommes, et c’est justement de cette manière que le riche cultivateur voit les choses. Combien il est dramatique de se relaxer dans le contentement de soi, et de tout oublier quant au salut de son âme immortelle ! Il peut bien se parler à lui-même, et se féliciter de tous ses biens, et se promettre du repos, de la jouissance, et d’être heureux. L’autosatisfaction ne peut guère être plus manifeste et présomptueuse. Mais peut-on trouver la vraie paix sur un tel chemin, la paix avec Dieu ?

Cet homme n’a devant les yeux que des biens matériels et passagers. Il en attend le bonheur. Des millions de gens lui ressemblent en cela. Et n’y a-t-il pas, pour nous croyants, le danger d’être plus ou moins saisi par cet esprit ? Nous ne parlons peut-être pas aussi crûment « à notre âme », mais nos actes ne manifestent-ils pas souvent le même langage ?

Un peintre français a représenté une fois le riche cultivateur dans l’attitude où il était quand il venait de prendre sa décision. L’homme a soigneusement compté son or et son argent, et a posé les sacs les uns à côté des autres. Il s’est ancré dans la tête une certaine somme réservée à d’autres usages. L’argent dont il a besoin pour les nouveaux bâtiments est entassé sur une table. Il est assis, renversé sur le dossier de son fauteuil ; son front plissé trahit ses réflexions, le regard est fixé sur le lointain. Il pense aux nouveaux greniers, et au grand changement qu’ils apporteront ; il voit les beaux bâtiments, il les voit regorger de tout son blé et des autres biens. Avec cela, il se laisse vivre un grand nombre d’années ; mais voilà ! quand on tourne la page, que voit-on ? Le même homme, mais il est mort, les bras croisés sur la poitrine.

10.1.3.2 - Quand Dieu redemande l’âme

« Mais Dieu lui dit : Insensé ! cette nuit même ton âme te sera redemandée ; et ces choses que tu as préparées, à qui seront-elles ? » (Luc 12:20).

Quoi que l’homme dise à son âme, Dieu la lui redemande, de manière soudaine, inattendue, cette nuit-là. Il n’avait pas compté là-dessus. Dans la multiplication de ses richesses terrestres, il avait oublié Dieu. Il ne découvre son erreur et sa folie que lorsqu’il est trop tard. Il était un insensé, Dieu le dit.

Combien il est sérieux quand ce que Dieu dit contredit entièrement ce que l’homme dit. C’est le cas ici. Quel contraste éclate ici ! Beaucoup d’années… c’était le langage de l’homme. Cette nuit-même… c’est le langage de Dieu. Salomon avertissait déjà : « Ne te glorifie pas du jour de demain, car tu ne sais pas ce qu’un jour enfantera » (Prov. 27:1). À l’inverse, cet homme riche considérait que demeurer encore longtemps ici-bas allait de soi. Il avait construit là-dessus tous ses plans. Mais c’était une mauvaise base. Il avait fait tous ses calculs sans tenir compte de la Personne la plus importante. C’est ce que Dieu appelle un insensé. Quelqu’un de mes lecteurs en serait-il un ? Il est encore temps de tirer la leçon de la folie du riche cultivateur.

Quand Dieu redemande l’âme à quelqu’un, Il reprend la vie naturelle qu’Il a donnée. Le sort en est alors jeté pour l’éternité. L’« âme » est la partie responsable de l’homme. Quand elle quitte le corps, elle va dans un autre endroit, ou bien le paradis auprès du Seigneur Jésus, ou bien le Hadès — selon qu’il s’agit d’un croyant ou d’un non croyant (Luc 23:43 ; 16:22, 23). Il ne peut pas y avoir différence plus grande. C’est la différence entre le ciel et l’enfer.

L’âme est immortelle. C’est ce que le Seigneur Jésus souligne par ces paroles : « Et ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent pas tuer l’âme ; mais craignez plutôt celui qui peut détruire et l’âme et le corps, dans la géhenne » (Matt. 10:28). Prétendre qu’avec la mort tout est fini, est un terrible mensonge de Satan, le père du mensonge.

L’âme n’est pas redemandée à l’enfant de Dieu, mais le croyant la recommande au Seigneur quand il déloge, et se confie en Lui en face de la mort (Actes 7:59 ; 2 Tim. 4:18). Par contre, au pécheur qui, sa vie durant, a asservi son âme et subordonné ses besoins aux désirs du corps, à lui l’âme est redemandée. Le riche cultivateur est allé au lit comme toutes les autres nuits, sans autre pensée que celle de ses biens matériels. Et dans la nuit où son âme lui était redemandée, il en a encore été pareil : pas d’autre pensée !

Le Seigneur Jésus fait aussi ressortir la folie de cet homme par les propos qu’il ajoute : « et ces choses que tu as préparées, à qui seront-elles ? » (Luc 12:20). Tout son temps, toutes ses pensées, tous ses efforts, toute sa vie même, l’homme les a employées à se préparer des biens pour lui-même. Il s’est fermé à des pensées plus élevées. Et maintenant quand sa vie se termine de manière imprévue, la question est posée : pour qui sera tout cela ? Peut-être que les héritiers se le partageront en riant, peut-être se battront-ils là-dessus, comme les deux frères du v. 13. Eux aussi sont insensés. Est-ce bien pour cela qu’il s’est battu au prix de la perte de sa propre âme qu’il a trompée ?

10.1.4 - Riche quant à Dieu

« Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n’est pas riche quant à Dieu » (Luc 12:21).

Avec cette dernière phrase de conclusion, le Seigneur fait une application morale du contenu de la parabole pour chacun. Tous les détails ne s’appliquent pas à tous. Mais il en est ainsi avec celui qui amasse des trésors pour lui-même et qui n’est pas riche quant à Dieu : il est un insensé, et à la fin il n’a rien.

Quand nous arriverons à la parabole de « l’économe injuste » de Luc 16 déjà mentionnée, nous trouverons qu’un croyant n’utilise pas ce qu’il possède seulement pour lui-même, mais aussi pour d’autres. Il montre par là qu’il est riche quant à Dieu. Il introduit Dieu aussi dans ces questions-là, et dans un esprit de grâce, il peut remettre à d’autres une partie de ce qu’il possède.

Mais c’est le contraire de ce que fait le riche cultivateur. Ce contraste dans la parabole met donc encore plus en relief sa folie. Il a amassé des trésors « pour lui-même », or la question posée est : « pour qui cela sera-t-il finalement ? »

Être riche quant à Dieu signifie avoir la foi — avoir la richesse qui se trouve en Dieu. Le croyant ne se réjouit pas seulement du pardon de ses péchés et de posséder la vie éternelle, mais il est aussi béni de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ (Éph. 1:3). Ici, le Seigneur Jésus ne va naturellement pas encore jusque-là, parce que l’œuvre de la rédemption n’était pas encore accomplie. Pourtant dans ce qui suit, Il parle aux disciples du « petit troupeau », et dit de lui : « Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le royaume » (Luc 12:32). Autant ils sont pauvres quant aux possessions et aux biens terrestres, autant ils sont riches quant à Dieu.

Il est surtout instructif de voir comment, à la suite de la parabole du « riche cultivateur », le Seigneur se sert d’un contraste pour continuer à montrer le chemin meilleur.

« Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’ont pas de cellier ni de grenier ; et Dieu les nourrit : combien valez-vous mieux que les oiseaux ! Et qui d’entre vous, par le souci qu’il se donne, peut ajouter une coudée à sa taille ? Si donc vous ne pouvez pas même ce qui est très-petit, pourquoi êtes-vous en souci du reste ? Considérez les lis, comment ils croissent : ils ne travaillent ni ne filent ; cependant je vous dis que même Salomon, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux » (Luc 12:24-27).

L’homme riche avait pensé devoir amasser beaucoup de biens dans ses greniers pour plusieurs années. Pourtant les corbeaux ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’ont ni celliers, ni greniers. L’homme riche avait travaillé dur, et voulait se mettre au repos. À l’inverse, les lis ne travaillent ni ne filent. Et pourtant Dieu nourrit les corbeaux et habille les lis. De combien plus de soins entourera-t-Il ses enfants !

On peut résumer l’enseignement de la parabole du « riche cultivateur » par les paroles suivantes de la première épître à Timothée :

« Or la piété avec le contentement est un grand gain. Car nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter. Mais ayant la nourriture et de quoi nous couvrir, nous serons satisfaits. Or ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans un piège, et dans plusieurs désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition ; car c’est une racine de toutes sortes de maux que l’amour de l’argent : ce que quelques-uns ayant ambitionné, ils se sont égarés de la foi et se sont transpercés eux-mêmes de beaucoup de douleurs. Mais toi, ô homme de Dieu, fuis ces choses, et poursuis la justice, la piété, la foi, l’amour, la patience, la douceur d’esprit » (1 Timothée 6:6-11).

Si nous avions vu le riche cultivateur et tous ses biens, nous aurions peut-être pensé : « quelle belle propriété possède cet homme ! ». Mais le Seigneur Jésus dit que les gens possédant de pareilles belles possessions n’entrent que difficilement dans le royaume des cieux (Marc 10:23). Déjà dans l’Ancien Testament, il est donné un sérieux avertissement tout à fait en accord avec notre parabole : « Ne crains pas quand un homme s’enrichit, quand la gloire de sa maison s’accroît ; Car, lorsqu’il mourra, il n’emportera rien ; sa gloire ne descendra pas après lui, Quoique pendant sa vie il bénît son âme (et on te louera, si tu te fais du bien), Il s’en ira jusqu’à la génération de ses pères : ils ne verront jamais la lumière » (Psaume 49:16-19). Combien il est important de laisser la Parole de Dieu former nos pensées, et non pas laisser celles-ci être formées par les idées du monde !

10.2 - Le figuier stérile — Luc 13:6-9

10.2.1 - Une erreur fréquente — Luc 13:1-5

La parabole du ‘ figuier stérile ’ de Luc 13 est précédée d’une leçon qui n’est pas sans importance pour la compréhension de la parabole elle-même. Elle corrige en outre une erreur qu’on rencontre souvent dans la manière de penser des gens.

Deux événements avaient excité à cette époque les cœurs des Juifs. Pilate, le gouverneur romain, avait fait publiquement tuer quelques Galiléens au moment où ils étaient en train d’offrir des sacrifices au temple. Dieu ne les avait pas protégés, et leur sang avait été mêlé à leurs sacrifices. Pourquoi l’autel de Dieu ne leur avait-il offert aucune protection (Exode 21:14) ? Et dans le même temps encore, la tour de Siloé s’était écroulée sur 18 personnes, qui s’étaient retrouvées ensevelies sous les décombres. — Pourquoi Dieu avait-Il laissé faire tout cela ? N’était-ce pas des signes clairs du déplaisir de Dieu vis-à-vis de ces personnes ? Plusieurs pouvaient penser ainsi, mais le Seigneur dut rectifier leur manière de penser, tout comme celle de ces disciples qui Lui demandaient à propos d’un aveugle-né : « Rabbi, qui a péché : celui-ci, ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » (Jean 9:1, 2). Ces Galiléens et ces habitants de Jérusalem qui avaient tous trouvés la mort d’une manière si extraordinaire n’étaient pas plus mauvais que les autres gens de cette ville.

Les gens tirent leurs conclusions de ce genre d’événements spectaculaires, mais elles sont souvent fausses comme dans le cas de l’aveugle-né. Le Seigneur donne aux Juifs, et pas seulement à eux, une leçon importante : « Si vous ne vous repentez, vous périrez tous pareillement » (Luc 13:1-5). Ces événements ne parlent pas seulement à propos des morts, mais pour les vivants.

Si les hommes ne se repentent pas, et ne reçoivent pas le Seigneur Jésus par la foi, le jugement de Dieu les atteindra pareillement. Cela vaut pour la nation juive en tant que telle, comme pour chaque homme en particulier. Ce jugement comporte un aspect temporel et un aspect éternel, comme nous l’avons déjà vu en considérant la parabole du ‘ roi qui fit des noces pour son fils ’ en Matthieu 22.

10.2.2 - Le figuier

Le Seigneur Jésus approfondit l’enseignement avec la parabole du ‘ figuier stérile ’.

« Et il disait cette parabole : Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne ; et il vint y chercher du fruit, et il n’en trouva point. Et il dit au vigneron : Voici trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve point : coupe-le ; pourquoi aussi occupe-t-il inutilement la terre ? » (Luc 13:6-7).

Le ‘ figuier ’ est une image d’Israël, et plus précisément du Résidu juif après la déportation de 70 ans. Dieu dans Sa grâce avait ramené ce Résidu de leur exil à Babylone jusque dans le pays de la promesse, et maintenant Il attendait du fruit de sa part. Mais il n’en portait aucun.

Il est typique pour le figuier, comme pour l’amandier, de commencer par porter des fleurs, et les feuilles ne viennent qu’après. Un beau feuillage est une promesse de bons fruits. C’est pourquoi le figuier est une image frappante de la ‘ profession ’, c’est-à-dire de ce qu’on professe être ou posséder du point de vue religieux. Les Juifs étaient comme un figuier. Il y avait beaucoup de ‘ feuillage ’ — de hautes revendications, comme celle d’être le peuple élu de Dieu. Mais du fruit pour Dieu, on n’en trouvait pas.

Quelle différence avec le Seigneur Jésus dans Son service pour Son Dieu et Père ici sur la terre ! La description du Psaume 1 s’appliquait parfaitement à Lui : « Et il sera comme un arbre planté près des ruisseaux d’eaux, qui rend son fruit en sa saison, et dont la feuille ne se flétrit point ; et tout ce qu’il fait prospère » (Psaume 1:3). Le fruit pour Dieu et la profession devant les hommes allaient de pair chez Lui, en une manière et une harmonie parfaite.

Que Dieu ait cherché du fruit du figuier pendant trois ans, c’est une référence touchante aux trois ans de service du Seigneur Jésus au milieu du peuple d’Israël. Il était Lui-même le vigneron, et pendant tout le temps de Son ministère public, Il avait fait tout ce qui était possible pour amener le figuier à porter du fruit. Mais cela avait été vain. Il devait faire monter cette lamentation : « J’ai travaillé en vain, et j’ai consumé ma force pour le néant » (Ésaïe 49:4). Ce côté du service de notre Seigneur ne nous est pas toujours bien connu. Mais il nous conduit à L’adorer quand nous pensons combien Il s’est fatigué pour le ‘ figuier ’ qui appartenait à Son Dieu et Père, et quelle réponse Lui fut donnée. Cela n’a-t-il pas été douloureux pour Lui ? Les hommes de Juda étaient « la plante de ses délices. Et il s’attendait au juste jugement, et voici l’effusion de sang, — à la justice, et voici un cri ! » (Ésaïe 5:7).

10.2.3 - Un dialogue divin

« Et il dit au vigneron : Voici trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve point : coupe-le ; pourquoi aussi occupe-t-il inutilement la terre ? Et répondant, il lui dit : Maître, laisse-le cette année aussi, jusqu’à ce que je l’aie déchaussé et que j’y aie mis du fumier ; et peut-être portera-t-il du fruit : sinon, après, tu le couperas » (Luc 13:7-9).

Ici et là dans l’Écriture, il y a des indications sur des dialogues entre les personnes de la Déité. Ce ne sont souvent que quelques mots ou phrases qu’il nous est permis d’entendre. Mais ils sont riches d’enseignements pour nous. Déjà à la première page de nos bibles nous trouvons comme une allusion à un tel entretien : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance » (Gen. 1:26). Et quand l’homme fut tombé dans le péché, il nous est permis d’entendre juste le début d’une phrase interrompue : « Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal ; et maintenant, — afin qu’il n’avance pas sa main et ne prenne aussi de l’arbre de vie et n’en mange et ne vive à toujours… ! » (Genèse 3:22).

Dans notre courte parabole, il nous est également permis d’écouter un dialogue entre les personnes divines, entre le Père et le Fils. Et ce qui nous touche particulièrement, c’est le caractère sous lequel le Seigneur Jésus se fait reconnaître : Il est un intercesseur, qui prête appui aux coupables. À première vue il semblerait y avoir une divergence entre le propriétaire de la vigne et le vigneron. Car le propriétaire suggère de couper l’arbre tandis que le vigneron insiste pour surseoir. Mais il n’y a en réalité aucune discordance entre les deux. Cela apparaît clairement du fait que le propriétaire est tout de suite d’accord avec la proposition du vigneron pour accorder une chance supplémentaire au figuier.

Il n’y pas non plus la moindre base, ni dans cette parabole ni ailleurs dans l’Écriture, pour se figurer que seul le Seigneur Jésus serait plein de tendresse et de compassion, et qu’Il devrait détourner un Dieu courroucé de l’exercice du jugement. Car non seulement le propriétaire donne son accord à la proposition du vigneron, mais celui-ci aussi approuve l’abattage final de l’arbre. Nous ne devons pas chercher à neutraliser la colère par la miséricorde, ni la miséricorde par la colère. Les deux sont des traits essentiels de Dieu.

Le cœur du Père n’aime pas moins que le Fils, et le Fils est la parfaite expression du Père (Jean 14:7-10). Sa parole est celle du Père, aussi bien quand elle s’adresse aujourd’hui à Israël, au monde ou à Son peuple. Le Fils est courroucé contre le péché tout comme le Père (Marc 3:5 ; Jean 3:36). Et si Dieu a tant aimé le monde qu’Il a envoyé Son Fils unique, c’était aussi l’expression de l’amour du Fils de venir dans le monde (Jean 3:16, 19 ; 6:38). Et n’est-Il pas venu pour faire la volonté de Son Père ? C’est pourquoi la parabole Le montre comme Celui qui se soucie de la vigne, et qui s’adresse au propriétaire en disant « Maître ». Néanmoins le vigneron n’agit pas et ne parle pas comme un serviteur qui se borne à exécuter des ordres, car il est autant intéressé à l’arbre que le propriétaire lui-même. Le propriétaire se comporte aussi à l’avenant.

Il y a une harmonie merveilleuse à tous égards entre les deux interlocuteurs. Ce que nous trouvons en type avec Abraham et Isaac en chemin vers la montagne de Morija, s’accomplit en perfection sur le chemin du Fils allant à la croix : « ils allaient les deux ensemble » (Gen. 22:8). Pourtant c’est là que, par Son sacrifice pour le péché, Il a apaisé la colère de Dieu contre le péché, et Il est maintenant la propitiation (*) pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour le monde entier (1 Jean 2:2). Oui, Il est le seul médiateur entre Dieu et les hommes, l’homme Christ Jésus, qui s’est donné Lui-même en rançon pour tous (1 Tim. 2:5-6).

(*) La propitiation n’est pas la même chose que le pardon, ou rémission. La propitiation a eu lieu pour tous les hommes, de sorte que tout pécheur peut maintenant venir à Dieu en confessant sa faute. La rançon suffit « pour tous ». Quant au pardon ou rémission des péchés, ne la reçoivent que ceux qui ont effectivement cru au Seigneur Jésus Christ (Actes 10:43).

La question du propriétaire : « pourquoi aussi occupe-t-il inutilement la terre ? » nous fait connaître un autre côté important de la vérité. Le fait que l’arbre ne porte aucun fruit, n’est que l’un des côtés de la vérité, bien que ce soit déjà un côté assez sérieux. Mais un autre côté non moins important, est que, par son absence de fruit, l’arbre empêche que le propriétaire puisse cultiver d’autres plantes à sa place. Si quelqu’un dédaigne la grâce de Dieu et la position privilégiée qu’elle lui confère, il fait par là obstacle à d’autres sur leur chemin ; car il réduit à néant la révélation de la grâce de Dieu, pour ce qui concerne le témoignage extérieur. Dieu se voit dès lors obligé, tôt ou tard, de l’ôter par le jugement, ou au moins de le mettre de côté, pour tourner Sa grâce vers d’autres qui portent du fruit à la place du sien. Telles sont les voies de Dieu envers les hommes.

La fin tragique de Judas Iscariote explique ce principe. Tous les efforts de l’amour du Seigneur sont restés vains. C’est pourquoi sa demeure devait rester déserte, et sa charge de surveillant devait être prise par un autre (Actes 1:20, 25). L’exemple d’Israël, comme nous le trouvons dans notre parabole, parle aussi le même langage si sérieux. Nous y reviendrons brièvement. Pourtant le Seigneur avait déjà indiqué les conséquences dans la parabole des ‘ méchants cultivateurs ’ : « Il fera périr misérablement ces méchants, et louera sa vigne à d’autres cultivateurs qui lui remettront les fruits en leur saison » (Matt. 21:41).

10.2.4 - Une deuxième occasion

Nous avons vu comment le vigneron a le rôle d’intercesseur et prête son appui au figuier stérile. Quand le propriétaire parle de le couper, le vigneron réplique : « Maître, laisse-le cette année aussi, jusqu’à ce que je l’aie déchaussé et que j’y aie mis du fumier ; et peut-être portera-t-il du fruit : sinon, après, tu le couperas » (Luc 13:8-9).

Cela ne nous rappelle-t-il pas la prière de Jésus à la croix : « Père pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font » ? En réponse à cette prière, Pierre et les autres apôtres furent envoyés à la nation coupable avec un message renouvelé de la grâce.

L’expression ‘ cette année aussi ’, ou ‘ cette année encore ’, ne doit pas être prise au sens littéral. Elle embrasse tout l’intervalle de temps entre la descente du Saint Esprit en Actes 2 et la lapidation d’Étienne en Actes 7. Dans cette période remarquable, le Saint Esprit a opéré par les douze apôtres et par Étienne parmi le peuple juif d’une manière particulièrement remarquable. C’était de nouveau l’activité du ‘ vigneron ’, mais Lui était au ciel pour l’exercer, — une activité intense comme les expressions ‘ mettre du fumier ’ et ‘ déchausser ’ le font comprendre. Nous retrouvons cette deuxième offre de la grâce dans la parabole du ‘ roi qui faisait des noces pour son fils ’ : « Il envoya encore d’autres esclaves… » (Matt. 22:4).

Cependant le ‘ figuier ’, la nation juive en tant que telle, produisit aussi peu de fruit pour Dieu pendant cette période de temps rajoutée par la grâce, que pendant les trois années où Christ séjourna et servit parmi eux. Certes la parabole laisse ouverte l’issue de la circonstance rapportée, mais nous savons par d’autres passages que le résultat de la période rajoutée fut effectivement négatif. Et c’est ainsi que le figuier fut effectivement coupé — non pas déraciné, mais bien coupé. C’est l’état de ce peuple aujourd’hui. Comme témoin particulier de Dieu, ce peuple a perdu sa place sur la terre.

Jean le baptiseur avait déjà averti précédemment, disant : « Et déjà la cognée est mise à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit est coupé et jeté au feu » (Matt. 3:10). En Romains 11 où une figure semblable, celle de l’olivier, est utilisée, nous apprenons que l’arrachage d’une branche n’est pas définitif, n’est pas pour toujours. Les branches naturelles seront greffées de nouveau sur leur propre olivier (Rom. 11:24). Un Résidu d’Israël fleurira à nouveau, et sera pour Dieu un champ fertile en fruits (És. 32:15).

C’est pourquoi il est si important que le figuier ne soit pas déraciné, mais simplement coupé. Les racines sont encore dans la terre. Dans le livre de Job, il y a un passage très précieux à cet égard : « Car il y a de l’espoir pour un arbre : s’il est coupé, il repoussera encore, et ses rejetons ne cesseront pas. Si sa racine vieillit dans la terre, et si son tronc meurt dans la poussière, à l’odeur de l’eau il poussera, et il fera des branches comme un jeune plant » (Job 14:7-9).

Cela fournit l’occasion d’une dernière remarque : La parabole du figuier stérile de Luc 13 précède chronologiquement la parabole du ‘ figuier portant des feuilles ’ de Matt. 24:32-33. Il s’agit en fait d’une double parabole, la deuxième étant la suite de la première. La première fois que le Seigneur s’est trouvé là, Il n’a trouvé aucun fruit en Israël. Mais avant qu’Il y revienne pour la deuxième fois, le ‘ figuier ’ présentera des marques d’un retour de la vie, et ce sera de nouveau le signe que l’été est proche (comparer Luc 21:29-31). Alors, oui alors, le ‘ vigneron ’ trouvera finalement le fruit auquel Lui et Son Père aspiraient, et la parole du prophète Ésaïe s’accomplira : « Dorénavant Jacob prendra racine, Israël fleurira et poussera, et remplira de fruits la face du monde » (Ésaïe 27:6).

Quelle fin merveilleuse des voies de Dieu envers ce peuple ! Que Ses jugements sont insondables et Ses voies introuvables ! (Rom. 11:33).

11 - Paraboles de Luc 14 à 18

11.1 - La tour et les deux rois — Luc 14:25-33

11.1.1 - Être un disciple du Seigneur : ce que cela implique

Après la parabole du ‘grand souper’ de Luc 14:16-24 — déjà considérée dans le livre sur les paraboles à l’occasion de l’image du ‘roi qui fit des noces pour son fils’ en Matt. 22 — à la fin de ce même chapitre de Luc 14 figure une petite parabole double : la parabole de la ‘tour’ et la parabole des ‘deux rois’. Le Seigneur s’en sert pour souligner l’enseignement précédent, adressé à une grande foule : être un vrai disciple, ça « coûte » quelque chose.

C’était relativement simple de Le suivre au sein d’une foule, lorsqu’Il allait d’un lieu à l’autre (14:25). Mais être un vrai disciple est une affaire personnelle, qui implique un renoncement à soi-même. Les gens étaient-ils vraiment prêt à Le suivre personnellement ? Assumeraient-ils les conséquences qui s’y rattachent ? ou préféreraient-ils leurs propres intérêts, comme ce que l’homme fait précisément ? Mais cela, ce ne serait pas être un disciple.

C’est pourquoi le Seigneur Jésus répète trois fois dans ce paragraphe l’expression « … ne peut pas être mon disciple ». Il met par là l’accent sur le sérieux de la décision d’être Son disciple, et Il montre que Le suivre ne peut pas être uniquement une profession creuse, mais qu’elle doit avoir, et aura, une influence sur

Les disciples du Seigneur auront aussi à endurer, à cause de Son nom, séparation, souffrance et privation. C’est à cette pensée qu’Il sensibilisait les foules d’alors, et qu’Il nous sensibilise aujourd’hui. En un sens, il est nécessaire pour cela de commencer par évaluer les coûts. Les deux paraboles vont montrer maintenant que ceci doit se passer d’une double manière.

11.1.2 - La tour— Luc 14:28-30

« Car quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne s’asseye premièrement et ne calcule la dépense, pour voir s’il a de quoi l’achever ? de peur que, en ayant jeté le fondement et n’ayant pu l’achever, tous ceux qui le voient ne se mettent à se moquer de lui, disant : Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever » (Luc 14:28-30).


L’image est simple. Si quelqu’un veut construire une tour, il ne commence pas la construction avant de s’être assuré qu’il est en mesure de la mener jusqu’au bout. Autrement il deviendrait la risée de tous ceux qui apprendraient son comportement.

C’est ainsi que tous ceux qui veulent devenir Ses disciples doivent au préalable en calculer la dépense. Suivre un Christ rejeté dans ce monde ne représente pas une simple joie frivole. Bien sûr, des joies sans mesure s’y rattachent, mais ce qu’on trouve sur le chemin où l’on suit Christ, ce n’est pas seulement la joie. Beaucoup de choses mettront le disciple à l’épreuve, lui causeront de l’affliction et lui demanderont du renoncement. Mais c’est justement ce à quoi il doit penser dès le commencement ; il lui faut se familiariser avec cette pensée. Il ne s’agit pas du tout de manquer de foi, ou de faire peur, mais bien d’être pragmatique et réfléchi.

Pourtant, quand la vraie foi manque, la peur de s’attirer les moqueries de ses compagnons l’emporte, et on n’ose même pas se mettre en route. Beaucoup ont reculé devant le chemin de suivre Christ par peur des moqueries de leurs amis. Mais le Seigneur montre que la seule moquerie à craindre, c’est celle qu’on mérite effectivement : quand, ayant jeté le fondement, on ne peut aller au-delà — quand on se contente d’une profession sans réalité — quand on commence et qu’on n’achève pas.

En même temps, être disciple n’est pas une affaire minime ou médiocre. C’est ce qui ressort clairement des paroles prononcées par le Seigneur. Il ne parle pas de construire une maison ordinaire, ou seulement une baraque, mais une tour. Une tour se dresse bien haut, et on la voit, elle impressionne. Suivre le Seigneur Jésus en vérité, c’est comme élever une tour puissante, ou comme triompher d’un ennemi bien plus fort que soi (14:31). On ne peut pas commencer une entreprise aussi audacieuse à l’aveuglette ; on ne se jette pas dans un tel projet avec précipitation. Car à quoi sert de poser le fondement, puis de voir qu’on n’est pas en état de faire plus ? On ne ferait que se livrer à la risée de tous, comme on l’a déjà remarqué.

Mais par ailleurs, il faut faire attention que le Seigneur ne dit pas que l’homme en question ferait mieux de ne pas bâtir de tour. Certes, c’est comme cela qu’on résume souvent ces paroles du Seigneur, mais elles ne supportent point une telle interprétation. Le Maître ne veut-Il pas que nous devenions Ses disciples ? Bien sûr que si ! Mais personne ne peut accomplir pareille tâche par sa propre force, et les ressources de la nature humaine n’y suffisent pas : après avoir jeté le fondement, on n’arriverait pas à aller plus loin ; autrement dit : il ne suffit pas de se borner à une profession de foi extérieure, à n’avoir avec Christ qu’une relation extérieure.

D’où obtient-on le capital nécessaire pour bâtir une tour ? Seule la grâce de Dieu peut accorder tout le nécessaire pour le chemin du vrai disciple, vraiment la grâce seule. Nous nous voyons, en quelque sorte, nous asseoir et calculer la dépense, et si nous constatons que notre « capacité » à assumer la grande tâche envisagée est trop maigre, alors nous élevons nos regards vers le Seigneur, pleins de confiance, car ce n’est que de Lui seul que vient toute l’aide : « Seigneur, donne-nous Ta grâce pour le chemin à Ta suite » — Ne devons-nous pas apprendre cette leçon de cette parabole ?

11.1.3 - Les deux rois — Luc 14:31-32

La parabole de la ‘tour’ nous a montré qu’il fallait évaluer les coûts pour devenir ou pour être Son disciple. La parabole qui suit maintenant, celle des ‘deux rois’, nous enseigne combien il est important d’évaluer le coût qu’il y a à ne pas devenir Son disciple.


« Ou, quel est le roi qui, partant pour faire la guerre à un autre roi, ne s’asseye premièrement et ne délibère s’il peut, avec dix mille [hommes], résister à celui qui vient contre lui avec vingt mille ? Autrement, pendant qu’il est encore loin, il lui envoie une ambassade et s’informe des conditions de paix » (Luc 14:31-32).

Dans cette parabole, il n’est pas question de construire, mais de faire la guerre, de triompher d’un ennemi. Ce n’est pas le côté positif, mais au contraire négatif : un ennemi puissant se dresse devant nous. Or être disciple a aussi à faire avec cela, et il faut y être attentif.

Le Seigneur ne laisse planer aucun doute sur le fait que ‘l’autre roi’ est plus puissant que nous. De quel roi ennemi parle-t-Il ? Je suis certain qu’il s’agit du diable, et de rien moins que lui. Or si nous ne voulons pas rendre les armes d’emblée devant cet ennemi puissant, il ne reste aucun autre chemin que de devenir et d’être disciples du Seigneur. Si nous ne le devenions pas, ou ne l’étions pas, il ne nous resterait qu’une solution, celle de conclure la paix avec Satan en acceptant ses conditions.

Tel est l’enseignement de cette parabole, et dans ce sens, nous devons ici évaluer les coûts. Si la première parabole nous laisse peut-être dans l’hésitation, la seconde nous montre que nous n’avons pas d’autre choix. Nous devons être Ses disciples si nous ne voulons pas être terrassés par l’adversaire, ou si nous ne voulons pas qu’il nous dicte ses conditions de paix. Cela ne signifierait rien d’autre que la ruine éternelle. Le coût d’être un vrai disciple peut paraître élevé, mais le coût de ne pas être un disciple du Seigneur est à perte de vue : être un vrai disciple peut signifier la perte de maintes choses dont nous faisons grand cas ici-bas, mais ne pas être disciple du Seigneur garantit la perte de tout ultérieurement.

Le Seigneur conseillait-Il aussi de ne pas accepter le combat et de rechercher plutôt les conditions de paix ? Comment le pourrait-Il ! Il veut le combat, Il veut avoir des disciples qui mènent ce combat. Mais Il leur fait aussi savoir qu’ils ne peuvent pas sortir vainqueurs d’un tel ennemi par leurs propres forces. Il ne le leur dit pas davantage que dans la première parabole ; mais même si cela n’est pas exprimé, l’invitation est quand même bien dans l’air : faire confiance à Lui et à Sa grâce, y compris pour le combat de la foi. Ce n’est que plus tard dans le Nouveau Testament que nous apprenons que Dieu fournit une armure pour ce combat (Éph. 6:10-17).

11.1.4 - Luc 14:33

Avec la phrase « ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a, ne peut être mon disciple » le Seigneur résume l’enseignement qu’Il vient de donner. Il montre encore une fois le coût qui s’attache au fait d’être un vrai disciple. Et quel est ce coût ? C’est se livrer sans réserve à Celui qui nous a aimés et qui s’est livré Lui-même pour nous. Est-ce vraiment un coût trop élevé pour nous ?

11.2 - Paraboles de Luc 15

11.2.1 - Vue d’ensemble

La manière dont l’évangéliste Luc, sous le contrôle et la direction complets du Saint Esprit, a, dans son évangile, regroupé des événements détachés et des enseignements du Seigneur, est déjà étonnante. La suite chronologique est couramment entièrement mise de côté, et on trouve, à la place, des connections morales. Je veux dire par-là qu’il dépeint des tableaux qui nous donnent des leçons importantes pour le cœur et la conscience, non seulement quand on les prend isolément, pour eux-mêmes, mais aussi dans leur succession et leur regroupement. De cette manière, nous apprenons à voir des relations qui autrement nous seraient restées entièrement fermées.

Le passage du ch. 14 au ch. 15 en est un exemple particulièrement instructif. Dans la parabole du « grand souper » (Luc 14:16-24), le Seigneur Jésus montrait la réponse que donnaient les gens (ici les Juifs en premier lieu) à l’invitation de Dieu de venir à Lui. Tous, sans exception, trouvaient une excuse. L’un avait acheté un champ, l’autre avait acheté cinq paires de bœufs, et l’autre avait épousé une femme ; et ainsi ils ne venaient pas. Le mal ne résidait pas dans les choses elles-mêmes qu’ils donnaient comme excuse, mais dans le fait qu’ils y trouvaient une excuse pour pouvoir ne pas donner suite à l’invitation de bonté. En bref, ils n’avaient ni le temps ni le cœur pour la grâce de Dieu. « Je te prie, tiens-moi pour excusé ». N’est-ce pas le langage de beaucoup de gens aujourd’hui ? « Pas de temps » ! pas de temps pour Dieu, et pas de temps pour réfléchir au message de Sa grâce.

La section suivante de Luc 14 (v. 25-35), brosse un tableau contraire : de grandes foules allaient à Jésus ; Il ne rencontrait plus ouvertement le rejet, mais au contraire un certain intérêt pour Lui. Les gens se sentaient extérieurement attirés par Lui, et L’accompagnaient. Il leur semblait facile de Le suivre. Mais savaient-ils seulement où Il allait, et où Il les conduisait ? Le Seigneur ne les laissa pas dans le flou ; Le suivre, cela signifiait renoncer à tout ce qui a de la valeur pour l’homme naturel ici-bas. C’est pourquoi chacun d’eux individuellement devait évaluer le coût, — le coût d’être Son disciple et le coût de ne pas l’être. Il fallait donc une décision de cœur et la conscience profonde que Dieu seul peut donner la grâce et la force de renoncer au monde et de suivre Christ de tout cœur. Nous avons considéré cela à l’occasion des deux petites paraboles de la ‘ tour ‘ et des ‘ deux rois ‘.

Immédiatement après suit le ch. 15 avec ses trois paraboles merveilleuses, celle de la ‘ brebis perdue ‘, celle de la ‘ drachme perdue ‘, et celle du ‘ fils perdu ‘ [fils prodigue]. Elles sont la réponse au murmure des pharisiens et des scribes contre le fait qu’Il recevait les pécheurs et mangeait avec eux.

Effectivement les publicains et les pécheurs s’approchaient de Lui pour l’entendre (15:1). Au ‘ grand souper ‘, les invités ne venaient pas (14:15-24), et les foules (14:25) allaient avec Lui, sans même vraiment Le connaître ni se connaître elles-mêmes. Mais ici (15:1) les pécheurs venaient en sachant leur état ; ils venaient au Sauveur des pécheurs. Leur cœur était attiré par Sa Personne, et ils voulaient entendre Sa Parole, Parole de grâce et de vérité. J’ai souvent pensé : quelle grâce il a fallu que le Seigneur montre ici-bas sur la terre pour que les gens dépravés soient attirés si puissamment par Lui, au point qu’ils surmontaient toute honte et s’approchaient de Lui !

Nous arrivons par-là au grand sujet de ce chapitre : la joie de Dieu — Sa joie de manifester la grâce et d’accueillir les pécheurs perdus. Les trois paraboles parlent toutes de cette joie, et nous verrons quelque chose de merveilleux : chaque Personne de la Déité est active dans la recherche de ce qui est perdu. Dans la première parabole, nous voyons Dieu le Fils ; dans la deuxième Dieu le Saint Esprit, et dans la troisième Dieu le Père. Dans toutes ces trois paraboles, c’est Dieu qui cherche, non pas l’homme ; car « il n’y a personne qui recherche Dieu » (Rom. 3:11).

Le thème de ce chapitre n’est donc pas tant de montrer comment l’homme est sauvé, mais plutôt pourquoi il est sauvé. Les pharisiens murmuraient de ce que Jésus recevait les pécheurs. Or c’est justement ce dont le Seigneur se glorifiait, et Il montrait qu’Il ferait encore bien plus, et que même toute la Déité participait à cette recherche des pécheurs qu’ils étaient. Quel domaine merveilleux se découvre ici : le cœur de Dieu, l’amour de Dieu pour les perdus !

Si nous gardons à l’esprit ce fil conducteur, nous ne serons pas étonnés que certaines vérités concernant le salut de l’âme ne figurent pas dans ces paraboles. Ainsi par exemple elles ne parlent pas de foi, ni de rédemption, ni de propitiation, ni d’un Rédempteur, ni de sang versé. C’est que, dans les paraboles, il n’y a pas à chercher tous les côtés de la vérité. Il s’agit ici de la révélation du cœur de Dieu, et cela envers des gens qui ne sont rien d’autre que des perdus.

11.2.2 - La Brebis perdue

Les pharisiens et les scribes avaient raison quand ils disaient de Jésus : Il reçoit les pécheurs et mange avec eux. Bien sûr eux-mêmes n’auraient fait ni l’un ni l’autre. Mais Lui faisait les deux. Sans le vouloir et sans en avoir l’intention, ils devenaient des propagateurs de Sa grâce illimitée.

Le Seigneur Jésus répond à leur objection par trois tableaux tirés de la vie journalière. Le premier provient de la vie d’un berger, le deuxième de la vie à la maison, et le troisième de la vie familiale.

« Et il leur dit cette parabole, disant : Quel est l’homme d’entre vous, qui, ayant cent brebis et en ayant perdu une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf au désert, et ne s’en aille après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ? et l’ayant trouvée, il la met sur ses propres épaules, bien joyeux ; et, étant de retour à la maison, il appelle les amis et les voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis perdue. Je vous dis, qu’ainsi il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance » (Luc 15:3-7).

Cette parabole est empreinte d’une grande simplicité. Le Seigneur dit à ces pharisiens et scribes orgueilleux et propre justes, qui continuaient à mépriser la bonté de Dieu, qu’en définitive ils feraient la même chose que Lui faisait. À partir du plus petit, Il conclut sur le plus grand, à partir de la brebis, Il conclut au sujet de l’homme. Si même l’un d’entre eux ferait ce qui est esquissé ici pour une brebis perdue, le Seigneur ne devait-Il pas agir de manière analogue pour un homme perdu ?

Cette question à laquelle, intérieurement, ils ne pouvaient répondre que positivement, ce tableau tout simple, suffisait au Seigneur pour les désarmer et pour trancher la question en Sa faveur. Les questions sont dans Sa main des outils puissants ; Il s’en sert pour viser et atteindre directement les cœurs et les consciences de Ses auditeurs. Elles manifestent une sagesse infiniment plus qu’humaine. Le Seigneur n’a besoin pour ainsi dire que de lever le doigt, et voilà ses contradicteurs qui tombent, et qui tombent sous leur propre jugement. Quelle personne grandiose est Celui à qui nous avons affaire !

Pour comprendre correctement cette parabole et les deux qui suivent, il faut garder à l’esprit que le Seigneur répond par leur moyen au reproche des conducteurs religieux du peuple juif. Il les compare ici avec les 99 brebis au désert, tandis qu’Il présente les publicains et les pécheurs sous l’image de la brebis perdue. Ils étaient tous des « brebis », les uns comme les autres. Même si les pharisiens et les scribes regardaient de haut les publicains et les pécheurs, et les méprisaient, ils étaient tous des brebis du même troupeau. Car le peuple d’Israël est souvent considéré dans l’Ancien Testament comme un « troupeau » (voir Ps. 77:20 ; 78:52 ; 95:7 ; És. 40:11 ; 63:11 ; Jér. 13:17, 20).

Ni dans cette parabole ni dans les deux suivantes du même chapitre, il n’est fait référence aux différences, comme celles qui distinguaient les Juifs d’avec les nations selon les pensées de Dieu.

Au sens national, les publicains et les pécheurs étaient sur le même terrain de privilèges extérieurs que les pharisiens et les scribes. Si le Seigneur avait reçu des « païens » et avait mangé avec eux, il est vrai que les pharisiens et les scribes auraient eu en un certain sens un motif valable d’accusation contre Lui. Mais il n’en était pas ainsi.

Comme nous allons le voir, le Seigneur, en Jean 10, parle aussi de brebis, mais non pas dans un sens national, seulement dans un sens moral. Sous ce point de vue, les pharisiens n’étaient pas de Ses brebis (Jean 10:26). Seuls ceux d’Israël qui croyaient en Lui et Le suivaient, étaient en vérité Ses brebis. Il leur donnait la vie éternelle. Il est important de se rendre compte de ces différences.

Or si une brebis du troupeau d’Israël s’égarait, si des gens attirés par le Seigneur étaient effectivement des pécheurs, quelle raison pouvait-on donner pour ne pas s’en occuper ? Car quand une brebis du troupeau s’égare, le berger ne met-il pas toute son énergie à la retrouver, ne concentre-t-il pas là-dessus toutes ses pensées ? C’est ce que le Seigneur présente dans cette parabole.

Naturellement l’image de la brebis perdue est applicable à n’importe quel pécheur. Nous le savons bien : si une brebis s’égare, c’est selon sa nature de ne pas être capable de retrouver le chemin. Il faut aller à sa recherche si on ne veut pas qu’elle périsse. Par nature il en est ainsi de tout homme, si on veut bien en convenir tant soit peu. Mais le Seigneur Jésus, le bon Berger, est prêt à chercher et sauver ce qui est perdu.

11.2.2.1 - L’amour cherche

Certaines particularités méritent qu’on y regarde de plus près. Dans cette parabole, il y a un pour cent de perdu, et la valeur en est vue proportionnellement. Dans la parabole suivante, il y a un sur dix de perdu, et la valeur croit proportionnellement. Et finalement le perdu représente un sur deux, et la valeur atteint son maximum. Mais même s’il n’y a qu’un pour cent des brebis qui s’égare, le berger part à sa recherche. Pour Lui, ça vaut toujours la peine.

Parce que le Seigneur répond à Ses contradicteurs religieux, et qu’Il compare Sa manière d’agir, avec ce qu’eux feraient, en définitive, en pareil cas, Il ne dit pas dans Sa sagesse : « Si J’avais cent brebis… ». Il évite même d’utiliser le mot de « berger ». C’est nous qui utilisons ce terme quand nous parlons de cette parabole, et nous avons raison de le faire ; mais Lui ne se nomme pas ainsi ici, bien qu’Il soit naturellement le bon Berger et qu’Il parle de Lui-même.

Le bon Berger va devant les brebis, et les brebis le suivent (Jean 10:4). Mais quand la brebis ne veut pas Le suivre, il faut qu’Il aille après elle. Quelle immense différence entre les brebis de Jean 10 et celles de Luc 15 ! En Jean 10 elles sont en sécurité, et en Luc 15 il y a un grand danger. En Jean 10, le bon Berger meurt pour les brebis, en Luc 15 Il cherche la brebis. Les deux tableaux se complètent de manière admirable.

Bien sûr, les brebis appartiennent au berger, comme les drachmes à la femme. Mais le Seigneur ne fait pas ressortir ce point dans ces paraboles. Il montre avant tout le caractère de la grâce et de l’amour insurpassables de Dieu. Quand une de Ses brebis se perd par sa propre folie, le Berger va après la brebis pour la chercher. Quel qu’en soit le coût pour Lui, — honte, mépris, moquerie, opprobre, travail, peine, renoncement à soi-même et abnégation, — Il a à cœur les objets de Son amour, et Il fait tout pour les chercher et les sauver. Que cela inclue aussi la mort du Bon Berger, nous l’avons déjà dit. Cependant, ce n’était pas les brebis des pharisiens, mais c’était Ses propres brebis. Nous devons d’abord penser, comme déjà vu, que cette expression se réfère aux brebis perdues de la maison d’Israël. Mais Il a aussi « d’autres brebis », celles des nations (Matt. 10:6 ; Jean 10:16).

Oui, l’amour de Dieu cherche. C’est son caractère dans cette parabole et dans la suivante. Il reçoit aussi : c’est la troisième parabole qui le présente.

11.2.2.2 - La joie du ciel

Tout parle ici de l’activité et de l’œuvre du Berger, notre Seigneur. C’est Lui qui laisse les 99 brebis au désert ; c’est Lui qui va après la perdue jusqu’à ce que Lui la trouve. Et quand Lui l’a trouvée, c’est Lui qui la met sur Ses épaules, tout joyeux, et la ramène à la maison. La brebis ne fait pas un seul pas en direction du Berger ; tout ce qui est fait n’est fait que par Lui.

Au sujet de la brebis, il nous est seulement dit qu’elle s’était égarée et s’était perdue. Il ne nous est pas dit un seul mot sur ce qu’elle a éprouvé quand elle a été trouvée. Ce n’est pas le sujet que le Seigneur veut nous présenter. L’attention est attirée seulement et uniquement sur la joie du Berger. C’est aussi une joie qui se communique et qui ne cesse jamais, du moins dans le cadre de la parabole. Car quand Il rentre à la maison, Il appelle Ses voisins et Ses amis et les invite à se réjouir avec Lui « car j’ai trouvé ma brebis perdue » (Luc 15:6).

N’est-ce pas une pensée impressionnante que le Seigneur Jésus se réjouisse du salut des perdus ? À chaque « brebis » qu’Il a pu arracher à la perdition, Il éprouve de la joie. Elle fait partie de la joie dont parle l’épître aux Hébreux (12:2) : « À cause de la joie qui était devant Lui, Il a enduré la croix, ayant méprisé la honte ». Les pharisiens murmuraient tandis que le Seigneur Jésus se réjouissait. « Il verra du fruit du travail de son âme, et sera satisfait » (Ésaïe 53:11) ; « Il se reposera dans son amour, il s’égayera en toi avec chant de triomphe » (Sophonie 3:17).

Comme on l’a déjà indiqué, le Seigneur fait participer d’autres à Sa joie, et Il la leur communique. Ce que représentent les « amis » et les « voisins » se voit clairement par les paroles finales de cette parabole et de la suivante : ce sont les saints anges qui demeurent dans la présence de Dieu. Ils respirent l’atmosphère de la présence de Dieu et entrent dans Sa joie. C’est ainsi que s’exprime ici le Seigneur : « Je vous dis, qu’ainsi il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance » (Luc 15:7).

Méditons cela : Si un pécheur se repent sur la terre, se juge devant Dieu, alors les anges dans le ciel s’en réjouissent ! Y avons-nous pensé ? Pourtant c’est là la manière de voir du ciel, l’état d’esprit du ciel. Le ciel prend part au fait que, sur la terre, un seul homme donne à Dieu la place qui Lui revient, et prend lui-même la place qu’il mérite. Voilà le sujet de joie du ciel. Il n’y a pas de murmures là. Nous apprenons plus loin dans le Nouveau Testament (Éph. 3:10) que l’assemblée de Dieu sur la terre est le « livre d’instruction » des anges, où ils peuvent apprendre la sagesse si diverse de Dieu. Les paroles du Seigneur ici nous préparent à l’avance pour cette grande vérité.

Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que, sous l’image des « amis » et des « voisins », nous les rachetés du Seigneur sommes aussi inclus. Il arrive souvent que dans Son explication, le Seigneur dépasse le cadre strict des termes de la parabole. Nous l’avons déjà vu à plusieurs reprises. Or Christ n’est-Il pas notre vie ? N’appartenons-nous pas déjà au ciel, même si nous sommes encore sur la terre ? La manière de voir du ciel n’est-elle pas la nôtre ? Ne nous réjouissons-nous pas quand un pécheur se repent ? Oui, nous sommes rendus dignes d’avoir communion déjà maintenant avec Sa joie. Et cette communion nous conduira nécessairement à l’adoration de Celui dont l’amour qui cherche nous est déjà connu par expérience.

Mais il y a alors un rajout particulier : « … plus que 99 justes qui n’ont pas besoin de repentance » (Luc 15:7). Eux, les pharisiens et les scribes, qui se tenaient pour justes, et estimaient donc ne pas avoir besoin de repentance, — ils n’avaient pas encore donné au ciel de sujet de se réjouir ! Si mon lecteur pensait encore qu’il peut se tenir devant Dieu avec sa propre justice, qu’il réfléchisse un moment à ceci : pas un seul ange, parmi les myriades d’anges saints qui demeurent dans le ciel, ne s’est jamais réjoui au sujet d’un pareil « juste ».

11.2.3 - La drachme perdue

La parabole de la ‘drachme perdue‘ est un complément à la parabole précédente de la ‘brebis perdue’, mais elle comporte des traits qui lui sont propres.

« Ou quelle est la femme, qui, ayant dix drachmes, si elle perd une drachme, n’allume la lampe et ne balaye la maison, et ne cherche diligemment jusqu’à ce qu’elle l’ait trouvée ? et l’ayant trouvée, elle assemble les amies et les voisines, disant : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé la drachme que j’avais perdue. Ainsi, je vous dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent » (Luc 15:8-10).

Cette parabole est tirée de la vie à la maison. Il ne s’agit pas ici d’un berger qui part à la recherche d’une brebis perdue, mais d’une femme qui a perdu une drachme sur les dix qu’elle avait, et qui se met alors à la chercher. Elle allume une lampe, balaye la maison et cherche diligemment jusqu’à ce qu’elle la trouve. Tout cela est tout à fait naturel.

Pourtant, quelle peine, quelle application pour trouver une pièce d’argent ! Si le berger se donne autant de peine pour la brebis perdue, si la femme se donne autant de peine pour une pièce de monnaie perdue, est-il étonnant que le Seigneur et Sauveur s’occupe de pécheurs, de créatures immortelles dont la valeur dépasse de beaucoup celle d’une brebis ou d’une drachme ?

Je pense que c’est là l’enseignement simple de ces deux paraboles, un enseignement que même les pharisiens et les scribes devaient comprendre. Par contre, il est certain que certaines subtilités que le Seigneur y a insérées devaient leur rester cachées (comparer Matt. 13:10-15). Elles ne peuvent être reconnues que dans la puissance du Saint Esprit et que par les Siens.

11.2.3.1 - Différences

Les deux paraboles ont le même sujet principal : les pécheurs comme objets de la grâce de Dieu qui les cherche. Mais quand on en vient aux détails, on voit des différences qui ne sont certes pas sans importance. On trouvera plutôt que nous avons besoin des deux paraboles pour avoir une vue complète de cet objet grandiose. On pourrait même interpréter les deux tableaux des dix premiers versets comme ne formant qu’une parabole. Le premier tableau est rattaché directement au second par le simple mot « ou » du verset 8 (« Ou quelle est la femme… »), et cela parlerait en faveur de ce point de vue de ne voir qu’une parabole dans les deux tableaux. Il manque ici de façon très nette une introduction formelle du genre de celle qu’on a avec la troisième parabole au verset 11 (« Et il dit… »). Mais comme nous pouvons le voir les deux premiers tableaux ou paraboles vont bien de pair, et même de façon particulièrement étroite. Voyons maintenant quelques différences.

11.2.3.2 - Ce qui est perdu

Dans le premier tableau, il s’agit d’une brebis vivante, qui est perdue. Maintenant dans le deuxième, ce qui est perdu est une pièce de monnaie morte. Le Seigneur ne montre-t-Il pas par là deux caractéristiques essentielles du pécheur ?

Comme la brebis s’en va de son propre mouvement loin du troupeau et de son berger, et se met dans une situation sans espoir, ainsi le pécheur s’est éloigné de Dieu par sa propre faute, et vit maintenant dans ses péchés « sans Dieu dans le monde » (Éph. 2:12). C’est la vision que nous en donne particulièrement l’épître aux Romains. Il a une certaine vie, la vie naturelle, mais cette vie est utilisée à pécher. Il ne s’enquiert pas de Dieu, ni de Sa volonté, il ne cherche pas Dieu, il ne L’honore pas, il n’a pas de crainte de Dieu. Aussi est-il tombé sous le jugement de Dieu et il n’atteint pas à la gloire de Dieu (Rom. 3). C’est en fait une situation sans espoir, pour autant que cela dépende de nous !

Mais la pièce de monnaie est morte, poussiéreuse, dans l’obscurité. C’est aussi une image de l’état du pécheur, selon la vision qu’en donne l’épître aux Éphésiens. Couvert de la poussière du péché, il est par nature mort dans ses fautes et dans ses péchés (Éph. 2:12). Non seulement il s’est égaré, mais bien que physiquement vivant, il est mort spirituellement, mort pour Dieu, et par conséquent absolument sans force pour venir à Dieu. Et comme la drachme perdue gisait cachée quelque part dans les ténèbres, ainsi le pécheur se trouve dans les ténèbres spirituelles, c’est-à-dire qu’il est dans l’ignorance de Dieu, « ayant leur entendement obscurci, étant étrangers à la vie de Dieu à cause de l’ignorance qui est en eux » (Éph. 4:18).

Ce sont aussi deux états que l’Écriture nous montre à propos des pécheurs : vivant dans le péché, et morts dans les péchés. Par le premier, l’homme se rend coupable devant Dieu, tandis que le second état est fondamentalement son état devant Dieu. Ces caractéristiques sont d’ailleurs le propre de tous les hommes selon la nature, non pas seulement de certains « spécimen » particulièrement mauvais, comme on l’admet souvent.

Dans la parabole du « fils perdu » [prodigue], les deux côtés seront joints. Le plus jeune fils vivait dans le péché (Luc 15:13) et était mort pour le père (Luc 15:24). — On ne peut pas s’empêcher de s’émerveiller devant la sagesse et la profondeur qui se trouvent dans ces paroles du Seigneur Jésus qui paraissent si simples.

11.2.3.3 - La personne qui cherche

Dans le premier tableau c’est l’activité de la grâce divine qui nous était présenté avec le berger. Nous avons reconnu facilement la Personne et l’œuvre de notre Seigneur, le Fils de Dieu. Maintenant c’est une femme qui déploie une vive activité pour trouver ce qui est perdu.

Or à plusieurs reprises dans l’Écriture Sainte, la femme est utilisée comme une image de l’assemblée de Dieu. Dans cette assemblée le Saint Esprit habite et agit, et Il agit par elle.

Elle est en même temps l’instrument, l’outil du Saint Esprit pour ce qu’Il veut opérer dans les hommes. Or quoi que ce soit qui soit opéré par elle, tout a proprement sa source en Dieu seul, le Saint Esprit. Et ainsi sous l’image de la « femme » dans cette parabole, le Seigneur Jésus semble ramener toute activité à cette Personne de la Déité, le Saint Esprit, et même ne s’en tenir qu’à Lui.

Si nous voyons les choses ainsi, quelle image impressionnante se déploie sous nos yeux ! L’Esprit de Dieu prend une grande peine à trouver le pécheur perdu. En premier lieu, par le moyen de la « lampe », par le moyen de la Parole de Dieu, Il apporte la lumière au milieu des ténèbres de ce monde, au milieu des ténèbres de l’âme. Il applique la Parole au cœur et à la conscience des hommes, pour faire naître une nouvelle vie. Personne ne peut être né de nouveau autrement que justement de cette manière : « d’eau et d’esprit » (Jean 3:5).

Le diable met beaucoup d’obstacles sur le chemin des hommes, pour les empêcher de saisir le salut. Sous la figure de ce « balayage de la maison », le Seigneur n’indique-t-Il pas que le Saint Esprit peut justement éliminer ces innombrables obstacles ? Ce deuxième côté de l’activité de l’Esprit de Dieu est plein de consolation.

La femme avait perdu la pièce de monnaie, et parce qu’elle lui était précieuse, elle allume la lumière, balaye la maison et cherche l’argent diligemment, aussi longtemps qu’il est nécessaire pour le trouver. Aujourd’hui aussi, l’amour de Dieu est actif par le Saint Esprit pour se donner la peine de chercher par la vérité ce qui est perdu. Quel travail cela représente, de ramener le cœur de l’homme à Dieu !

11.2.3.4 - La joie

Dans cette parabole le Seigneur montre aussi que les sentiments au ciel sont la joie, des sentiments auxquels participent les rachetés. Nous l’avons déjà vu. Mais tandis que dans la première parabole notre communion est avec le Fils, dans la deuxième parabole la communion est celle du Saint Esprit. C’est la troisième parabole qui montre que nous avons aussi communion avec le Père. Quel privilège d’être apte à la communion avec les trois Personnes de la Déité, de participer aux sentiments, à la joie de Dieu !

On est aussi frappé de ce que le Seigneur s’exprime un peu différemment de la première parabole au sujet de la joie. Dans la première il est dit : « Ainsi il y aura de la joie au ciel… » ; dans la deuxième : « Ainsi, je vous dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu… ». Dans la première parabole, nous avions compris que les anges de Dieu qui demeurent au ciel se réjouissent de ce qu’un seul pécheur vient à la repentance. Mais maintenant il est question de joie « devant les anges de Dieu » ; cela semble signifier que le Seigneur Jésus n’a pas seulement en vue en général la joie des anges, mais spécialement la joie de Dieu Lui-même, à laquelle les anges participent.

Quel contraste le Seigneur place par-là devant les pharisiens et les scribes : en présence des anges qui se tiennent devant Dieu, il y a de la joie pour chaque pécheur qui se repent ; par contre les gens religieux orgueilleux sont étrangers à de tels sentiments.

11.2.4 - Le fils perdu (*)

(*) Note Bibliquest : bien que l’appellation usuelle de cette parabole en français se réfère au « fils prodigue », nous gardons ici l’appellation de « fils perdu » utilisée par l’auteur.

11.2.4.1 - Vue d’ensemble

La troisième parabole de Luc 15 est la parabole du ‘fils perdu’, ou des ‘deux fils’ comme on pourrait aussi la nommer. Elle fait suite aux paraboles de la ‘brebis perdue’ et de la ‘drachme perdue’. Ces trois paraboles sont toutes une réponse du Seigneur au reproche des pharisiens propres-justes, selon lequel Il recevait les pécheurs et mangeait avec eux. Dans la parabole de la ‘brebis perdue’, le berger va après la brebis jusqu’à ce qu’il la trouve. Dans la parabole de la ‘drachme perdue’, la femme prend la lampe et cherche jusqu’à ce qu’elle la trouve — une image de l’activité du Saint Esprit. Et dans la parabole du ‘fils perdu’, le père attend le fils perdu jusqu’à ce qu’il revienne, et il l’accueille d’un cœur ému. Ainsi le Seigneur montre une vérité capitale dont nous ferons bien de nous rappeler encore une fois : Toute la Trinité divine — Dieu le Fils, Dieu le Saint Esprit et Dieu le Père — est occupée en grâce au salut des pécheurs. Dans les trois paraboles le résultat en est la joie : la joie au ciel au sujet d’un pécheur qui se repent.

Cette parabole part de la vie de la famille. Elle comprend deux parties comme on peut aisément s’en rendre compte en comparant les versets 24 et 32. Dans la première partie il est question du comportement du plus jeune fils (15:11-24), et dans la seconde partie il s’agit du comportement du fils aîné (15:25-32). Dans chacune de ces parties, on voit le père : dans la première partie, il reçoit le fils perdu, et dans la seconde, il supplie instamment le fils propre-juste.

11.2.4.2 - La responsabilité de l’homme

« Et il dit : Un homme avait deux fils » (Luc 15:11)

Cette phrase introductive de la parabole indique l’origine de l’homme en tant que créature : c’est une créature de Dieu, et il a son origine en Dieu. Je dis « indique » parce que nous n’avons pas ici d’enseignement, mais bien une allusion à ce sujet. La doctrine elle-même sur le sujet se trouve dans l’épître aux Éphésiens (4:6) : « un seul Dieu et père de tous, qui est au-dessus de tous et partout et en nous tous ». Ce que veut nous dire ce passage, c’est que, comme Créateur, Il est Dieu et Père de tous les hommes. C’est aussi dans ce sens que Paul disait à l’Aréopage d’Athènes : « et il a fait d’un seul sang toutes les races des hommes… car en lui nous vivons et nous nous mouvons et nous sommes, comme aussi quelques-uns de vos poètes ont dit : Car aussi nous sommes sa race. Étant donc la race de Dieu… » (Actes 17:26-29). En Luc 3:38, l’origine d’Adam est rattachée directement à Dieu : « d’Adam, de Dieu ».

Le fait que nous provenions de la main de Dieu en tant que créature de Dieu, qu’Il ait jadis soufflé dans les narines de l’homme une respiration de vie (Gen. 2:7), ce n’est pas du tout une question secondaire. Si elle était si secondaire, le diable ne l’aurait pas tant combattue par la théorie de l’évolution, par laquelle il cherche à mettre Dieu de côté en tant que Créateur, aux yeux des hommes. Effectivement, notre responsabilité vis-à-vis de notre Créateur réside dans le fait que nous avons été créés à l’image de Dieu et selon Sa ressemblance (Gen. 1:26), et que nous sommes ainsi des créatures de Dieu douées d’intelligence et de raison. Nous ne sommes pas seulement responsables directement et personnellement vis-à-vis de Dieu parce que, dans Sa bonté, Il nous a confié en tant que Ses créatures, des dons et des capacités, — mais parce que, ayant été formés à Son image, nous sommes responsables de manifester Dieu dans ce monde par le moyen de ces capacités ; car l’« image » signifie la « représentation ». C’est pourquoi tout homme Lui doit l’obéissance.

L’homme peut ne pas comprendre grand-chose de la Bible, et même ne rien avoir entendu au sujet de Christ ; mais le fait reste qu’Il a un Créateur qui lui a fait connaître Sa puissance éternelle et Sa divinité par le moyen de la création visible, et ce fait rend l’homme responsable devant Dieu, et le rend inexcusable (lire Romains 1:18-25).

Encore un point pour prévenir des pensées erronées : Ces deux fils du père ne représentent pas des enfants de Dieu déjà « nés de nouveau » par la grâce de Dieu, mais des hommes naturels dans leur position et leur responsabilité devant Dieu, à qui ils doivent leur existence. L’homme né dans ce monde n’est pas du tout « né de Dieu », bien qu’il ait Dieu pour Créateur. Ni le fait d’avoir des parents chrétiens, ni le fait d’avoir été baptisé chrétiennement, ne fait de lui un enfant de Dieu, c’est-à-dire quelqu’un né de Dieu. Il faut en plus la conversion, le fait de se tourner vers Dieu en croyant, comme nous le verrons au cours de notre parabole.

11.2.4.3 - Le caractère du péché

« et le plus jeune d’entre eux dit à son père : Père, donne-moi la part du bien qui me revient. Et il leur partagea son bien. Et peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout ramassé, s’en alla dehors en un pays éloigné ; et là il dissipa son bien en vivant dans la débauche » (Luc 15:12-13).

Le principe et le secret du péché sont mis ici très fortement en relief : Le plus jeune fils voulait s’en aller loin du père pour pouvoir faire entièrement sa propre volonté. Le principe du péché n’est pas proprement une vie de débauche ; elle en est plutôt le résultat. Mais s’éloigner de Dieu pour ne faire que sa propre volonté, c’est le principe du péché ; c’est l’iniquité (une marche sans loi, sans frein) selon le langage de 1 Jean 3:4. Le premier acte du jeune homme est la source de tout son malheur ; il tourne le dos au père pour disposer de sa vie sans lui, et être heureux sans lui.

En fait, c’est le chemin, l’histoire de tout homme. Depuis que le péché est entré dans le monde par le premier homme, l’homme va son chemin, comme Caïn, loin de la face de Dieu, pour faire ce qui lui plait (Gen. 4:16). N’est-ce pas extrêmement sérieux ? Où qu’on regarde dans le monde, on voit ce principe à tout bout de champ, c’est lui qui régit le monde. Combien de jeunes gens, aujourd’hui, répudient littéralement tout lien avec le foyer paternel, et le quittent dès que possible pour avoir leur indépendance, c’est-à-dire pour faire leur propre volonté. Ce principe d’indépendance de Dieu et de propre volonté imprègne le monde tout entier, à tous les niveaux et dans tous les domaines. C’est le péché au sens propre.

Nous sommes profondément meurtris si nos enfants nous traitent comme le plus jeune fils a traité son père. Mais, l’avons-nous mérité de leur part ? Avons-nous négligé de leur apporter beaucoup d’amour et de soins ? Et voilà maintenant qu’ils nous tournent froidement le dos ! Le père de notre parabole était-il un homme dur, sans amour, dont on cherchait à s’enfuir au plus vite ? Le reste de l’histoire montre tout le contraire. Cependant le jeune homme était très pressé de partir loin. « Peu de jours après » dit l’Écriture. Le père n’a-t-il pas dû souffrir de cette situation ? Nous sommes tous allés, chers amis, sans exception, par ce triste chemin ; nous avons tous péché contre Dieu, et nous Lui avons pour ainsi dire tourné le dos, pour nous en aller notre propre chemin. « Nous nous sommes tournés chacun vers notre propre chemin » (Ésaïe 53:6). Le psalmiste David nous éclaire, pour ainsi dire, sur ce « peu-de-jours-après », en disant que « les méchants se sont égarés dès la matrice » [= dès le ventre de leur mère], qu’« ils errent dès le ventre » (Ps. 58:3). Y avons-nous déjà pensé ? Avons-nous déjà eu sur ce sujet les sentiments convenables pour Dieu ?

Nous arrivons maintenant à un autre point. En tant qu’hommes, nous faisons des différences entre les pécheurs, et ces différences existent effectivement. Nous n’avons pas tous vécu dans la débauche, bien que quelques-uns d’entre nous, nous étions tels (1 Cor. 6:11). D’autres ont eu une conduite extérieurement tout à fait honorable. Mais si nous regardons la racine de notre péché, et si nous considérons le cœur de l’homme, ces différences disparaissent totalement. En ce qui concerne l’état de l’âme du plus jeune fils, il n’était pas un plus grand pécheur lorsqu’il désirait manger des gousses des pourceaux que quand il tournait le dos à son père. Le mal réside dans le cœur qui voulait être heureux sans son père.

Il en est ainsi pour tout homme par nature : son cœur, et par suite sa volonté, sont aliénés de Dieu. Répétons-le : chacun ne s’est pas livré pareillement à la débauche, mais nous sommes tous allés dans un pays éloigné pour vivre loin de Dieu. Et le Seigneur Jésus prend justement en exemple ce jeune fils dégradé pour montrer jusqu’où la grâce de Dieu peut aller.

11.2.4.4 - Dans le pays étranger [éloigné]

Le père n’avait pas défendu à son plus jeune fils de s’en aller. Au contraire nous lisons : « il leur partagea son bien » (15:12). C’est ainsi que Dieu n’empêche pas l’homme de choisir sa propre volonté. Toutefois, Il le met à l’épreuve en lui remettant son bien : on allait voir ce qu’il en ferait. L’homme est responsable de ses actes.

En un sens, Dieu permet à l’homme de faire ce qu’il veut de ce qu’Il lui a confié. Mais cela ne fera que manifester où se dirige son cœur. Combien cette pensée nous sonde ! Le sage prédicateur l’exprime de cette manière : « Seulement, voici, j’ai trouvé que Dieu a fait l’homme droit (n’est-ce pas un grand « bien » ?) ; mais eux, ils ont cherché beaucoup de raisonnements [« machinations » selon la traduction allemande] » (Ecclésiaste 7:29).

Le jeune homme se figurait être tout à fait bien dans le « pays éloigné » — éloigné de Dieu. Mais était-il heureux ? Il avait du bien, et il le dilapidait. Quand on vit au-dessus de ses moyens, on parait riche et heureux aux autres. Mais l’est-on réellement ? Cela ne tarde pas à mal tourner.

J’ai dit que les hommes ont emporté un « bien » provenant de leur Créateur, et qu’ils Lui en sont redevables et qu’ils en sont responsables vis-à-vis de Lui. Dieu les a dotés d’un esprit, d’une âme, d’un corps avec des capacités qui font clairement voir que tout cela provient de la main d’Un bien plus grand qu’eux. Et maintenant Dieu veut qu’ils utilisent ces capacités à Le glorifier « de peur que tu ne donnes ton honneur à d’autres, et tes années à l’homme cruel ; de peur que des étrangers ne se rassasient de ton bien… et que tu ne gémisses à ta fin, quand ta chair et ton corps se consumeront ; et que tu ne dises : Comment ai-je haï l’instruction, et mon cœur a-t-il méprisé la répréhension ? » (Prov. 5:9-12).

Or les hommes sans Dieu ne tiennent pas compte de ces avertissements et gaspillent leurs forces à des buts de propre volonté, à des projets vains, en bref pour le péché. Il leur arrive dans cette situation de dégager une certaine gaîté et une certaine insouciance, en sorte qu’on pourrait presque croire qu’ils sont vraiment heureux. Ils se hâtent de passer de joie en joie, d’aventure en aventure.

Mais c’est justement ce qui montre qu’ils sont dans le « pays éloigné ». Ils sont à la chasse au bonheur justement parce qu’ils ne l’ont pas encore trouvé. Pauvres gens ! Ils papillonnent de fleur en fleur. Ils ornent leurs fêtes et leurs maisons, mais quant à leur âme, ils vivent au-dessus de leurs moyens, et ils se minent eux-mêmes. Laissez-les donc seuls ne serait-ce qu’un jour, et vous verrez combien ils sont dans le creux et le vide. Il suffit que Dieu porte un peu atteinte à leur santé, et leur âme éprouve tout le néant et la vanité de leurs efforts.

Les hommes de ce monde sont très sensibles quand on leur parle de leur bonheur ; car leur bonheur n’est pas réel, leur gloire n’est pas authentique et leur joie est passagère. Tout est creux et ne supporte pas la réflexion. Les plus grands comiques et farceurs, qui font rire des milliers de gens, si l’occasion est donnée de voir derrière leur façade extérieure, ce sont les plus tristes et les plus solitaires des gens. Ils dilapident « leur bien » avec leurs fans, et quand vient la « famine » pour eux, ils se trouvent soudain seuls. C’est ce que décrivent les versets suivants :

« Et après qu’il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays-là ; et il commença d’être dans le besoin. Et il s’en alla et se joignit à l’un des citoyens de ce pays-là, et celui-ci l’envoya dans ses champs pour paître des pourceaux. Et il désirait de remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient ; et personne ne lui donnait rien » (Luc 15:14-16).

L’homme qui tourne le dos à Dieu, malgré toute sa prétendue sagesse, malgré tout son savoir et ses efforts, toute sa chasse aux plaisirs et au bonheur, le voilà qui se dégrade moralement toujours plus. Il s’appauvrit dans son âme. Tôt ou tard, comme le plus jeune fils, il commence à être dans le besoin, et il se retrouve finalement auprès des « troupeaux de pourceaux ». Le diable ne donne rien, il ne fait que prendre. C’est pourquoi il n’y a aucune satisfaction réelle dans le « pays éloigné ».

N’as-tu encore rien éprouvé de semblable ? Tu t’étais représenté une soirée très belle, et à vrai dire tout avait été gai et charmant. Mais ce qu’il en est resté, c’est l’insipide, un sentiment de vide, même si le péché ne s’y rajoutait pas pour charger la conscience. Non, ce monde n’a rien qui peut réellement satisfaire ton âme, ou la rassasier. Tout est vanité et poursuite du vent (Ecclés. 2:17).

Je suis convaincu que c’est Dieu qui a suscité la famine dans le pays éloigné pour que le plus jeune fils « revienne à lui-même ». Mais celui-ci ne repense pas encore à son père, quand le besoin ne se fait encore sentir de manière trop sensible. Non, il se tourne vers l’homme pour avoir de l’aide : il se joint à l’un des citoyens de ce pays-là. Ce citoyen le connaît bien, car il a beaucoup contribué à lui faire gaspiller son bien. Certainement celui-là l’aidera, car il est lui-même tombé dans le besoin. Ah ! le diable et le monde sont de mauvais rémunérateurs, et même extrêmement mauvais ! Ils font tout payer très cher, ils ne donnent rien, et ils ne rendent jamais. Ils exigent un prix élevé pour leurs demi-mesures, pour leurs solutions de remplacement, pour leurs semblants de bonheur : c’est le prix de l’âme, et ensuite ils abandonnent l’homme nu et affamé. « Il désirait remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient ; et personne ne lui donnait rien » (15:16). C’est une expérience cruelle : « personne ne lui donnait rien ». Ne l’as-tu pas faite, toi aussi ? Il n’y en a qu’UN qui peut réellement donner, qui veut donner : c’est Dieu. Mais on ne veut pas de Lui.

On se dit heureux tant que tout va comme on veut, tant qu’on est en bonne santé et qu’on a du succès. Mais que vienne la « famine », la maladie, la détresse, les revers, et le prétendu bonheur s’écroule comme un château de cartes. Ce qui est bouleversant, c’est que même la « famine » n’amène pas les hommes à Dieu. « Tu les as frappés, mais ils n’en ont point ressenti de douleur ; tu les as consumés, ils ont refusé de recevoir la correction ; ils ont rendu leurs faces plus dures qu’un roc, ils ont refusé de revenir » (Jérémie 5:3). L’homme cherche refuge auprès de l’homme, auprès de la chair, mais non pas auprès de Dieu. Le tout dernier auquel on pense, c’est Dieu. Y a-t-il quelque chose qui montre mieux à quel point l’homme est éloigné de Dieu ? Oh, il n’y a rien de plus de misérable, rien de plus pitoyable, hormis la damnation éternelle, que d’habiter dans le « pays éloigné » !

11.2.4.5 - La bonté de Dieu qui pousse à la repentance

« Et étant revenu à lui-même, il dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en abondance, et moi je péris ici de faim ! Je me lèverai et je m’en irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi ; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi comme l’un de tes mercenaires » (Luc 15:17-19).

Nous arrivons ici à un tournant significatif dans la vie du jeune homme : il revient à lui-même. C’est sans aucun doute l’œuvre de Dieu dans Sa bonté. C’est la bonté de Dieu qui pousse à la repentance, non pas la peur de Dieu (Rom. 2:4). C’est Dieu Lui-même qui fait naître chez lui la conscience de son véritable état. Maintenant il ne voit pas seulement qu’il est dans le besoin (cela ne suffit guère pour conduire à Dieu), mais qu’il périt. C’est là qu’il faut en arriver dans le pays éloigné : se rendre compte qu’on périt de faim.

Mais la bonté de Dieu fait encore autre chose, quelque chose de très précieux : elle réveille dans l’âme la conscience qu’heureusement il y a du pain, assez de pain, dans la maison du père à laquelle il a autrefois tourné le dos avec tant d’ingratitude, et même il y en a plus qu’assez pour les ouvriers [mercenaires]. La bonté de Dieu attire le cœur de celui qui sait qu’« il périt ici ». Et ainsi la grâce produit dans le cœur le désir d’aller à Dieu. « Je me lèverai et je m’en irai vers mon père ».

Le fils perdu ne prend pas la bonne résolution de s’améliorer avant de pouvoir se présenter devant son père. Nombreux, malheureusement, sont ceux qui font l’inverse. Ils ne commencent pas par reconnaître leur état misérable, et quand ils le reconnaissent, ils veulent d’abord se sauver eux-mêmes, pour pouvoir se présenter devant Dieu avec leurs propres forces. Ils devront tous apprendre un jour la vérité du proverbe selon lequel « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

Non, le fils perdu est venu à bout de lui-même, sa conscience est réveillée et son cœur attiré. La bonté de Dieu a éveillé la confiance en son père dans son for intérieur, et il est tout à fait prêt à s’en aller vers son père, comme il dit. Il exprime pour ainsi dire les mêmes paroles qu’Éphraïm : « Car, après que j’ai été converti, je me suis repenti ; et, après que je me suis connu, j’ai frappé sur ma cuisse ; j’ai été honteux, et j’ai aussi été confus, car je porte l’opprobre de ma jeunesse » (Jér. 31:19). C’est le point auquel il faut tous que nous en arrivions un jour, si nous ne voulons pas rester éternellement loin de Dieu ; et c’est ce que le Seigneur Jésus veut nous enseigner ici.

11.2.4.6 - Conversion, repentance et confession

Se lever et s’en aller vers son père, c’est ce que l’Écriture appelle en bien des passages, la conversion. « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés » (Actes 3:19) dit Pierre à ses compatriotes juifs. L’apôtre Paul annonce aussi aux hommes « de se repentir et de se tourner vers Dieu, en faisant des œuvres convenables à la repentance » (Actes 26:20). On se convertit de quelque chose vers ou à quelque chose :

« pour qu’ils se tournent des ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu ; pour qu’ils reçoivent la rémission des péchés » (Actes 26:18),

« comment vous vous êtes tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai » (1 Thes. 1:9).

Nous voyons ce principe présenté dans l’histoire du fils perdu d’une manière qui se grave facilement dans nos mémoires. Jusqu’à présent il avait tourné le dos à son père, et son visage s’était tourné de son père vers les choses du monde. Mais maintenant il se détourne du monde, et son visage se dirige vers son père. Il n’a pas encore le père, il ne sait pas encore comment il le recevra ; autrement dit, il n’a encore aucune paix, mais il veut aller à lui. « Et se levant, il vint vers son père » (15:20). C’est la conversion.

La conversion, si elle est authentique, est toujours accompagnée de la repentance. La repentance ne veut pas dire des exercices de repentance. La repentance est un changement de sentiments, et elle est toujours accompagnée d’une tristesse d’âme selon Dieu en rapport avec son propre état et ses propres voies. Aussi lisons-nous : « Car la tristesse selon Dieu opère une repentance à salut dont on n’a pas de regret » (2 Cor. 7:10). Il ne s’agit pas non plus d’un changement purement logique de ses sentiments, comme on change de chemise, mais on a honte de soi-même, on a honte d’avoir déshonoré Dieu si profondément.

Cette tristesse d’âme conduit tout à fait naturellement à une confession du péché devant Dieu : « et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi ; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi comme l’un de tes ouvriers [mercenaires] » (15:18-19). Qu’il est difficile pour l’homme de faire une confession pareille ! Combien il faut souvent de temps, combien d’expériences amères il faut d’abord traverser, avant d’en arriver finalement à se condamner soi-même et à avouer sa culpabilité !

Mais le chemin du salut passe par la confession de la culpabilité ; cette confession est le fruit qui convient à la repentance.

« Quand je me suis tu » a dû confesser David, « mes os ont dépéri, quand je rugissais tout le jour… Je t’ai fait connaître mon péché, et je n’ai pas couvert mon iniquité ; j’ai dit : Je confesserai mes transgressions à l’Éternel ; et toi, tu as pardonné l’iniquité de mon péché » (Ps. 32:3, 5). Le fils de David, le sage Salomon exprime cette vérité par le Saint Esprit de la manière suivante : « Celui qui cache ses transgressions ne prospérera point, mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde » (Prov. 28:13).

« De la bouche on fait confession à salut » (Rom. 10:10) dit l’Esprit de Dieu par le moyen d’un autre homme de Dieu, l’apôtre Paul. Et combien est précieuse et assurée la promesse de Dieu que nous trouvons dans la première épître de Jean : « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1:9) !

Même si nous n’avons pas encore épuisé toute la plénitude de ces versets, retenons-en déjà ceci : Ce qui suit la confession des péchés, c’est la rémission [le pardon] des péchés, de tous les péchés. Dieu est fidèle et juste quand Il nous pardonne les péchés.

Il y a un point que je dois souligner ici, même s’il dépasse le cadre de notre parabole : le chemin vers Dieu passe par Golgotha.

Le Père pardonne [remet] les péchés à cause du nom de Son Fils (« par son nom » — 1 Jean 2:12), qui a accompli l’œuvre d’expiation de notre culpabilité à la croix. Et Il ne pardonne qu’à celui qui croit en Son Fils, Jésus Christ : « crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta maison » - « Tous les prophètes lui rendent témoignage, que, par son nom, quiconque croit en lui reçoit la rémission des péchés » (Actes 16:31 ; 10:43). Christ est le chemin vers Dieu, et personne ne vient au Père que par Lui (Jean 14:6). La rédemption ne se trouve que dans le Christ Jésus (Col. 1:14). « Et il n’y a de salut en aucun autre ; car aussi il n’y a point d’autre nom sous le ciel, qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés » (Actes 4:12). « Ce n’est rien moins et rien d’autre que le sang de Jésus Christ qui nous purifie de tout péché » (1 Jean 1:7).

Revenons maintenant à la confession du plus jeune fils ; elle comprend plusieurs points auxquels il n’y a rien à redire ; c’était une confession authentique, une preuve de la foi et de la vie nouvelle, et le père la reçoit. Cela devrait encourager tous ceux qui sont repentants. Les sentiments du fils ne vont pas encore très en profondeur, car non seulement il n’était effectivement plus digne d’être appelé son fils, mais il avait mérité de rester éloigné pour toujours de la maison du père, et d’être jeté dans les ténèbres de dehors. Il n’était plus « digne » de rien d’autre.

Le plus jeune fils ajoute encore : « Traite-moi comme l’un de tes ouvriers [mercenaires] » ; ceci montre que dans une mesure il était encore rempli d’un esprit légal, car en vérité il ne se connaissait pas lui-même, ni ne connaissait son père et son amour. Il n’en avait pas entièrement fini avec lui-même, et il n’était pas encore arrivé à reconnaître que seule la grâce, et rien d’autre que la grâce ne devait et ne pouvait remédier à sa situation. Mais au fond de son cœur, il y avait une véritable conscience de son péché et de sa culpabilité, même si cette conscience était encore bien faible ; et comme il se confiait en la bonté du père, il se mit en route pour venir devant son père avec la confession de sa culpabilité.

Cher lecteur, dis-moi si tu as déjà parcouru ce chemin ? Le diable veut à tout prix te retenir de t’y engager. Il veut exciter ton orgueil ; il te dit qu’il n’est pas nécessaire de t’incliner : si seulement les gens étaient tous aussi bons que toi ! Ou bien il cherchera à insuffler le doute en toi pour que tu ne sois pas sûr si Dieu veut vraiment t’avoir et te recevoir. Pourtant, regarde combien le père rend facile au fils de venir à lui. Regardons cela d’un peu plus près.

11.2.4.7 - La grâce surabondante de Dieu

« Et se levant, il vint vers son père. Et comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et, courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers » (Luc 15:20).

Il n’est pas dit du fils qu’il « courut ». Son pas était peut-être plutôt hésitant maintenant qu’il était en chemin vers son père. L’incertitude et la honte devaient se mêler à l’espérance, et son pas se ralentir. Mais le père « courut », courut en avant vers son fils, qui venait à lui en haillons. Il l’avait déjà vu quand il était encore loin. Manifestement, il l’attendait depuis longtemps. L’état misérable de son fils dégradé n’était qu’une raison pour lui d’être ému à son sujet. Ni rancune, ni colère ni le moindre reproche !

« Il ne reproche rien » — à l’occasion de maintes défaillances plus tard sur son chemin, combien l’auteur de ces lignes a souvent expérimenté et goûté la grâce « que le Seigneur est bon » (1 Pierre 2:3). Non, le père ne fait pas le moindre reproche au fils, mais il se jette à son cou, alors qu’il est revêtu de haillons, et le couvre de baisers. Il l’accueille tel qu’il est, et l’aime malgré tout.

Merveilleuse grâce, amour merveilleux de Dieu dont nous avons ici l’esquisse ! « Dieu est riche en miséricorde à cause de son grand amour dont il nous a aimés » (Éph. 2:4). Cet amour de Dieu envers nous, a été démontré en ce que « Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rom. 5:8). Nous nous souvenons instinctivement des paroles précieuses du même chapitre (Rom. 5:20) : « Là où le péché abondait, la grâce a surabondé ». C’est une vérité infinie que nous ne pouvons jamais saisir en entier, mais que nous pouvons croire : DIEU EST POUR NOUS (Rom. 8:31). Que Dieu, dans toute Sa grâce, soit aussi juste, beaucoup de passages de l’Écriture en rendent témoignage (par exemple Rom. 3:21-26 ; 1 Jean 1:9).

Notons bien : avant que le fils ait pu tant soit peu commencer la confession qu’il avait prévue, son père se jette à son cou, et le couvre de baisers. C’est un amour vraiment immérité, la grâce ! Alors le fils dégage sa conscience : « père, j’ai péché contre le ciel et devant toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ». Ne sommes-nous pas frappés de ce qu’il ne dit pas « traite-moi comme l’un de tes mercenaires » ? L’aurait-il pu en face d’un tel amour ? Impossible ! Cela aurait été une sous-estimation de l’amour de son père.

Apprenons cependant ceci dans notre cœur : Dieu nous traite selon l’amour de Son cœur, parce qu’Il est amour, non pas parce que nous sommes aimables ! Nous pensons souvent que Dieu devrait agir selon ce que nous comprenons de Lui, selon ce que nous ressentons de Lui. Et si nous pensons à notre misère, nous disons volontiers : « traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Cela a bien une apparence d’humilité, mais cela restreint la grandeur de Dieu dans Son amour d’une manière insupportable.

Les gens, et même les vrais enfants de Dieu ont souvent de la difficulté à propos de la grâce de Dieu, parce qu’ils se mettent sur un terrain légal, et qu’ils jugent ainsi de Dieu et de Ses actes d’après eux-mêmes. Ainsi par exemple, beaucoup de vrais chrétiens se contenteraient tout à fait d’un « petit coin au ciel », de n’importe quelle petite place modeste, là. Or celui qui a de telles pensées méconnaît Dieu, et il ne sait pas encore ce qu’est réellement Son amour. Dieu agit d’après ce que Lui ressent et pense, oui, d’après ce que Lui est.

Un « petit coin au ciel » correspond-il à la merveilleuse grandeur de Sa grâce et de Son amour ? Une place modeste, pour ne pas dire médiocre, ne témoignerait-elle pas continuellement à l’encontre de Son amour, comme cela aurait été le cas si le père avait donné à son fils à son retour la place d’un ouvrier [mercenaire] ?

11.2.4.8 - La joie de Dieu

« Mais le père dit à ses esclaves : Apportez dehors (*) la plus belle robe, et l’en revêtez ; et mettez un anneau à sa main et des sandales à ses pieds ; et amenez le veau gras et tuez-le ; et mangeons et faisons bonne chère ; car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils se mirent à faire bonne chère » (Luc 15:22-24).

(*) Note Bibliquest : Il y a ici et ailleurs deux variantes de traduction entre l’allemand et la traduction JN Darby française : « vite » au lieu de « dehors » — et « être gai » au lieu de « faire bonne chère ».

C’est la joie de Dieu de ramener le pécheur et de le recevoir. C’est Sa joie de pardonner tous ses péchés. Certes le pécheur a besoin du pardon des péchés, il l’obtient par la foi en Christ et en Son œuvre, et il a toute raison de s’en réjouir. Or ici, comme dans les deux paraboles précédentes, il ne s’agit pas tant de la joie du pécheur, mais de la joie de Dieu Lui-même. « Il fallait faire bonne chère et se réjouir » lisons-nous un peu plus loin. C’est le père lui-même qui se réjouit, et il se réjouit avec ses serviteurs. Le retour du fils perdu ne produit pas seulement de la joie au ciel, mais aussi sur la terre, dans la maison du père. Car nous ne devons pas déplacer cette scène au ciel. Elle n’est pas une image de ce que nous vivrons au ciel ; mais c’est plutôt l’esprit du ciel, si l’on peut dire, que nous pouvons déjà respirer ici-bas sur la terre, et qui aboutit à l’adoration. C’est la joie de Dieu de nous avoir dans Sa présence.

Nous chrétiens, combien nous sommes peu souvent en état de nous élever à ces pensées ! Nous sommes beaucoup occupés de ce que nous étions, et de ce que nous sommes maintenant par grâce. C’est correct en soi ; la confession du fils, aussi, était correcte ; mais l’amour du père l’empêche de parler davantage, et c’est Lui, le père, qui parait au premier plan, c’est Lui qui parle et qui agit. Il ne parle pas au fils, mais aux serviteurs : « Apportez la plus belle robe, et l’en revêtez ». C’est la joie du père de donner, et de donner sans mesure. Maintenant rien n’est trop bon pour le fils de retour. La plus belle robe, l’anneau, les sandales, tout est apporté (nous allons le voir bientôt) à celui qui est encore dehors, à l’extérieur de la maison, là où son père l’a rencontré.

C’est incontestablement très significatif. Le père ne fait pas apporter la plus belle robe, pour ne se jeter à son cou et le couvrir de baisers qu’après l’en avoir revêtu. Non, il court à sa rencontre et l’embrasse alors qu’il est encore dans ses haillons. La grâce et le cœur de Dieu sont donc parfaitement ouverts au pécheur repentant, sans qu’il y ait à attendre aucune prestation préalable. Ah ! que tout lecteur de ces lignes puisse se réfugier dans les bras grand ouverts du « Père », sur Son cœur ! Et qu’il le fasse maintenant, immédiatement ! Lui aussi sera alors reçu sans condition, et il pourra vivre dorénavant ce qu’on va maintenant voir en image avec le fils perdu, mais retrouvé.

11.2.4.9 - Dans la maison du père

Cet amour qui a reçu le fils perdu dans son état de misère, l’amène maintenant dans la maison du père. Mais quelque chose d’autre doit se passer. « Apportez vite la plus belle robe, et l’en revêtez, et mettez un anneau à sa main, et des sandales à ses pieds ». Maintenant qu’il ne s’agit plus seulement de l’accueil et du pardon des péchés ; maintenant que le fils doit être amené dans la maison du père, c’est-à-dire dans la communion intime avec lui et avec son foyer, il faut le revêtir de la plus belle robe que le père a pour lui. Le plus jeune fils n’avait jamais porté auparavant cette plus belle robe ; comme l’anneau et les sandales, ce que seuls les enfants de la maison portaient, cette plus belle robe est un témoignage de la relation de grâce dans laquelle il est maintenant introduit. Il ne doit pas se trouver dans la maison du père comme un serviteur : ce serait un rappel continuel de son péché. Non, c’est comme fils qu’il doit y être. Il doit être, dans la maison du père, un témoignage continuel à ce que sont l’amour et la grâce du père, à ce que celui-ci pense de son fils retrouvé, et à la joie qu’il a de l’honorer ainsi.

Merveilleuse grâce de Dieu ! Elle nous revêt de Christ. Non seulement elle nous libère de nos haillons, mais elle nous revêt de Christ. La plus belle robe que Dieu a pour nous, c’est Son propre Fils (Gal. 3:27), c’est Christ qu’Il a livré à la mort pour les pécheurs. Dieu ne nous a pas seulement pardonné par le (à cause du) nom de Son Fils (1 Jean 2:12), mais nous sommes devenus « justice de Dieu » en Lui (2 Cor. 5:21). Ce sont en fait des vérités infinies, et, faisons-y attention, elles ont finalement pour but la glorification de Son Fils.

Mais ce n’est pas tout, et ce n’est pas suffisant. « Amenez le veau gras, et tuez-le, et mangeons et faisons bonne chère ». Le veau gras est aussi une image de Christ, comme nourriture de Son peuple. Dieu a Sa joie profonde dans la Personne et dans le sacrifice de Son Fils, notre Seigneur ; et nous sommes rendus dignes de participer déjà maintenant à cette joie. C’est ce dont nous avons une image ici dans ces paroles « mangeons et faisons bonne chère ».

Naturellement, la joie du Père en Son Fils Jésus Christ est parfaite. La nôtre, du point de vue de la jouissance pratique, est très déficiente. Mais quant au principe, c’est la même joie : la joie du Père au sujet de Son Fils. En fait, c’est la communion dont nous pouvons nous réjouir dans la maison du Père, ce domaine de bénédictions où la grâce de Dieu nous a introduits. « Or notre communion et avec le Père, et avec Son Fils Jésus Christ » dit l’apôtre Jean, à quoi il ajoute « nous vous écrivons ces choses afin que votre joie soit accomplie » (1 Jean 1:3, 4). Dans notre parabole aussi, la joie est le résultat de la communion avec le Père et avec Son Fils : « et ils se mirent à faire bonne chère ». C’est une joie commune, c’est la joie de la communion.

Il est parlé du commencement de cette joie, mais nous n’entendons pas dire qu’elle ait une fin. Nous apprenons la raison de cette joie et son point de départ, mais c’est tout ce qu’il en est dit. C’est comme si le Seigneur voulait laisser à notre foi et à notre intelligence spirituelle le soin de conclure qu’elle n’aura jamais de fin. Effectivement, elle ne finira jamais. Elle trouvera son plein accomplissement au ciel quand nous verrons et adorerons l’« Agneau comme immolé » (Apoc. 5).

« Car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils se mirent à faire bonne chère. » (Luc 15:24)

Notez l’expression du Seigneur : le fils était « mort ». J’insiste spécialement là-dessus parce que nous l’avons déjà vu avec la « drachme perdue ». Bien que vivant, le fils était mort — mort pour le père. Ainsi l’homme loin de Dieu est mort pour Dieu. Mais par la grâce de Dieu le fils est éveillé à une vie nouvelle, il est « passé de la mort à la vie » (Jean 5:24).

11.2.4.10 - Le propre-juste

La joie et la gaîté remplissaient la maison du père. Mais aux v. 25-32 de notre parabole, le Seigneur Jésus montre une autre scène où l’on voit au dehors des nuages noirs s’amonceler à l’horizon.

Le frère aîné revient des champs à la maison et entend la musique et les danses. Il s’informe de la raison, et on lui dit : « Ton frère est venu, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré sain et sauf » (15:27). « Ton frère », « ton père », ces expressions auraient dû éveiller des sentiments heureux, mais voilà le contraire qui arrive : colère et opposition surgissent chez lui. Il se fâche et ne veut pas entrer. Pourquoi donc ?

C’était un propre-juste. Le Seigneur Jésus s’en sert comme image de tous ceux qui n’ont pas de relation vivante avec Dieu, mais qui pensent qu’ils peuvent se présenter devant Dieu avec leur propre justice.

Ce fils aîné murmurait contre la grâce dont le père avait usé en faveur du plus jeune fils. Les pharisiens et les scribes étaient le même genre de gens. Eux aussi s’étaient scandalisés de ce que le Seigneur recevait les pécheurs et mangeait avec eux. Eux-mêmes n’entraient pas dans le royaume des cieux, et ils ne laissaient pas entrer ceux qui le voulaient (Matt. 23:13). « Et il se mit en colère et ne voulait pas entrer » (15:28) : cela a toujours été l’attitude des Juifs propres-justes. Quand plus tard, l’apôtre Paul annoncera la parole de la grâce de Dieu, ce seront les Juifs qui seront ses opposants continuels. En voici un exemple tiré des Actes (13:45) : « mais les Juifs, voyant les foules, furent remplis de jalousie et contredirent à ce que Paul disait, contredisant et blasphémant ».

Le propre-juste n’a aucun cœur pour la bonté de Dieu envers les perdus. Il a de la haine pour la grâce parce qu’il ne la veut pas et ne la connaît pas, et parce qu’il pense ne pas en avoir besoin. C’est pourquoi il n’a aucune part à la joie de la grâce ; elle lui est insupportable.

Par le fait que le fils aîné était « aux champs », le Seigneur Jésus indique que l’homme religieux, propre-juste, n’est pas seulement loin de la maison du Père, mais qu’il est aussi actif, et qu’il veut mériter le ciel quelle qu’en soit la manière. La parole du fils aîné le souligne encore plus : « Voici tant d’années que je te sers, et jamais je n’ai transgressé ton commandement » (15:29). Toutes les nombreuses personnes qui se vantent d’une profession chrétienne, et qui cherchent à satisfaire Dieu par toute la peine qu’elles se donnent, sont sur ce terrain de l’autosatisfaction et de la propre justice.

Les Juifs sous la loi se mettaient aussi sur ce terrain-là. Comme nation, ils avaient été mis au bénéfice d’une rédemption extérieure et d’une relation extérieure avec Dieu, et c’était la seule nation sur la terre à avoir une telle position. C’est aussi la raison pour laquelle le père dit au fils aîné qui personnifie cette nation : « Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi » (15:31). Ce fils aîné représente aussi tous ces gens qui, de manière déplorable, pensent ne pas avoir besoin de la grâce de Dieu, et pouvoir se tenir devant Dieu sur la base de leurs propres œuvres.

Malgré la bonté du Père et son insistance, il n’a pas été possible de le décider à changer d’attitude. Enflé de sa bonne opinion de lui-même, il est en colère et reproche au père de ne jamais lui avoir donné un chevreau pour faire bonne chère avec ses amis. « Avec ses amis », non pas avec son père ! Combien cela est caractéristique ! L’amitié du monde n’est-elle pas inimitié contre Dieu (Jacq. 4:4) ? Ainsi le propre-juste a l’audace de prendre la parole contre Dieu, de condamner ce qu’Il fait, et de L’accuser d’injustice. Il se considère lui-même comme quelqu’un qui L’a servi depuis déjà de nombreuses années, et qui n’a jamais transgressé aucun commandement de Dieu.

Un de mes lecteurs se trouverait-il encore sur ce terrain ? Serais-tu d’avis que Dieu peut se satisfaire de toi parce que tu fais tant de bonnes œuvres « sur le champ » de l’amour chrétien du prochain, parce que tu t’efforces tant d’être « noble, secourable et bon » ?

Oh ! alors tu n’as pas besoin d’un Sauveur. Pas TOI ! Car le Seigneur Jésus n’est pas venu appeler des justes, mais des pécheurs (Luc 5:32). Réfléchis bien à ce que le fils aîné, propre-juste, selon le tableau dressé par notre parabole, n’est jamais entré dans la maison du père. Préfères-tu rester dehors, dehors pour toujours ? « Dehors sont les chiens, et les magiciens, et les fornicateurs, et les meurtriers, et les idolâtres, et quiconque aime et fait le mensonge » (Apoc. 22:15).

Certes, le Seigneur Jésus ne parle pas ici de jugement, parce que dans cette parabole, Il décrit le jour de la grâce. Mais soyons assurés que quiconque refuse la grâce, sera condamné au jour du jugement. Il faut que tu en viennes à voir tes prétendues justices comme Dieu les voit, comme un « vêtement souillé » (Ésaïe 64:6) !

Nous préférons détourner les regards du fils aîné, et les porter encore une fois sur le plus jeune fils, autrefois perdu, et maintenant retrouvé. Revêtu de la plus belle robe, il est entré dans la maison du Père, pour ne plus la quitter jamais.

Un bonheur sans fin en partage : être amené du pays éloigné jusque dans la maison du Père où il y a une plénitude de joie, et cela pour l’éternité !

11.3 - L’économe [ou : administrateur] injuste — Luc 16:1-13

Après les trois paraboles de Luc 15 vient tout de suite la parabole de ‘l’économe [ou : administrateur] injuste’ au ch. 16. Ce que nous devons apprendre dans cette parabole est confirmé ensuite dans l’histoire de ‘l’homme riche et du pauvre Lazare’. Dans cette dernière, le Seigneur tire quelque peu le voile pour permettre un coup d’œil sur le monde invisible — le monde des esprits des trépassés.

Contrairement aux trois paraboles précédentes de Luc 15, le Seigneur dépeint en Luc 16 un tableau d’atmosphère typiquement mondaine. On ne cherche pas ici des perdus, que ce soit dans le domaine d’un berger, ou celui d’une maison ou d’une famille, mais il est montré à quoi doit ressembler dans ce monde la vie des trouvés — ou, dit plus précisément, comment les disciples du Seigneur doivent s’y prendre avec des possessions terrestres.

Selon 16:14 et 15:1-2, il est clair que toutes les paraboles de ces chapitres 15 et 16 ont été prononcées devant un auditoire bien mélangé. Outre un certain nombre de disciples, il y eut aussi des scribes et des pharisiens pour entendre les paroles du Seigneur Jésus, et aussi beaucoup de publicains et de pécheurs.

11.3.1 - Destitué de son administration

« Et il dit aussi à ses disciples : Il y avait un homme riche qui avait un économe ; et celui-ci fut accusé devant lui comme dissipant ses biens. Et l’ayant appelé, il lui dit : Qu’est-ce que ceci que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton administration ; car tu ne pourras plus administrer » (Luc 16:1-2).

Que le Créateur ait confié à l’homme des ‘biens’, la parabole du ‘fils prodigue’ l’a déjà montré. Outre l’esprit, l’âme et le corps, Dieu l’a pourvu de capacités qu’il doit utiliser pour glorifier son Créateur. Dans cette mesure il est un administrateur [ou : économe] de Dieu ; mais il n’a pas répondu à ce devoir. Le fils prodigue gaspilla (ou : dissipa) son bien, tout comme l’administrateur injuste le fit avec l’avoir de son maître. L’un l’a fait dans un pays éloigné, l’autre dans la maison de son Maître.

Cette dernière indication laisse penser qu’outre le point de vue général, l’administrateur injuste est aussi en particulier une image d’Israël. Dieu avait donné la loi à ce peuple dans un domaine établi par Lui, et avec elle les promesses et le service divin (Rom. 9:4-5). Mais ce peuple a, lui aussi, été infidèle vis-à-vis des biens extraordinaires qui lui avaient été confiés.

Au lieu de transmettre aux peuples de la terre la connaissance qu’ils avaient reçue du seul vrai Dieu, ils violèrent la loi de Dieu, tombèrent dans l’idolâtrie et tuèrent finalement leur propre Messie, alors qu’Il était venu à eux comme une lumière pour la révélation des nations et la gloire du peuple d’Israël (Luc 2:32).

À la suite de cela, ils furent destitués de leur administration. Dieu ne les a plus considérés comme Ses administrateurs. Déjà le prophète Osée avait dû crier au peuple : « vous n’êtes plus mon peuple, et moi, je ne suis plus à vous » (Osée 1:9). Mais ce n’est pas seulement Israël en particulier que Dieu ne considère plus comme Ses administrateurs, mais aussi l’homme en général. Il a perdu cette position par sa propre infidélité. Malgré tout, sa responsabilité subsiste vis-à-vis de son Créateur, car Dieu l’a encore laissé en possession des biens terrestres.

Même si dans notre parabole, la destitution de l’administrateur injuste de son poste d’administrateur est imminente pour lui, comment va-t-il agir entre temps avec les biens qui appartiennent à son maître, non pas à lui ? Comment va-t-il utiliser les possibilités et capacités qui lui restent ? C’est alors qu’intervient une application de la parabole à laquelle nous ne nous serions pas attendus de cette manière.

11.3.2 - La prudence de l’économe

« Et l’économe dit en lui-même : Que ferai-je, car mon maître m’ôte l’administration ? Je ne puis pas bêcher la terre ; j’ai honte de mendier : je sais ce que je ferai, afin que, quand je serai renvoyé de mon administration, je sois reçu dans leurs maisons. Et ayant appelé chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier : Combien dois-tu à mon maître ? » Et il dit : Cent baths d’huile. Et il lui dit : Prends ton écrit, et assieds-toi promptement et écris cinquante. Puis il dit à un autre : Et toi, combien dois-tu ? Et il dit : Cent cors de froment. Et il lui dit : Prends ton écrit, et écris quatre-vingts » (Luc 16:3-7).

Tandis que les paroles introductives de la parabole sont fort brèves, la prudence de l’administrateur est largement dépeinte. On entend ses réflexions, et on voit sa décision rapide et comment il l’a aussitôt traduite dans les faits. Il n’a pas non plus perdu beaucoup de temps pour échapper aux conséquences amères de sa destitution de fonction. Il est vrai qu’il exclut d’emblée deux possibilités. Il n’envisage pas de gagner sa vie en bêchant, car il n’a pas la force pour un travail aussi dur. Il a honte d’avoir tout juste de quoi vivre en mendiant. Finalement, il occupait jusqu’alors une position influente ; devrait-il maintenant avouer qu’il a sombré si bas ? Non, il ne se pose même pas la question !

N’avons-nous pas ici un tableau de l’homme naturel ? D’un côté il est entièrement sans force pour répondre aux exigences de Dieu — « alors que nous étions encore sans force » (Rom. 5:6). C’est une des constatations les plus humiliantes que l’homme, qu’il soit Juif ou païen, ne possède aucune force pour faire le bien et pour laisser le mal. D’un autre côté, il a honte d’admettre son véritable état. Sa fierté lui interdit d’adopter une attitude de demandeur. Ce sont là les deux raisons principales pour lesquelles les gens refusent l’évangile et haïssent la grâce de Dieu. Car la grâce met en relief que nous sommes sans force, et qu’on ne peut la recevoir qu’en tant que suppliant, sans la mériter.

Mais l’administrateur arrive alors à une décision qui n’est pas typique de tout le monde. C’est pourquoi on peut parler d’un virage inattendu. Pour la plupart, les gens ne s’engagent justement pas dans les réflexions sur lesquelles l’administrateur a médité dans sa prudence. Ils vivent beaucoup plutôt dans l’insouciance du jour, sans réfléchir à ce qui arrivera au moment où les richesses [le Mammon] viendront à manquer (16:9 (*)).

(*) Note du traducteur : Le v. 9 est traduit ainsi par l’auteur en allemand : « Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec le Mammon injuste, afin que, quand il viendra à manquer, vous soyez reçus dans les cabanes éternelles ». J.N. Darby traduit : « Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, afin que, quand vous viendrez à manquer, vous soyez reçus dans les tabernacles éternels » (16:9). — Le mot traduit par J.N. Darby par « tabernacle » signifie proprement « cabane » (voir note de la traduction J.N. Darby à Lév. 23:42).

Pourtant l’administrateur, aussi injuste fût-il, pensait à ce qui allait se passer « après ». Que fallait-il faire, réfléchissait-il, pour que les gens le « reçoivent dans leurs maisons » quand il serait destitué de son administration ? C’est cela qui constituait sa prudence : il ne s’occupait pas du présent, mais dirigeait ses pensées vers l’avenir. Sans aucun doute, il aurait pu s’enrichir sur les biens de son maître tant qu’il en avait encore le pouvoir, mais il ne l’a pas fait. Il a plutôt cherché à transformer les débiteurs de son maître (il devait y en avoir beaucoup), en ses propres débiteurs, pour assurer son propre avenir. Il fit donc un usage des biens de son maître qu’on ne peut bien sûr pas qualifier de juste, mais de prudent.

Il n’est cité que deux exemples de débiteurs. Il semble qu’il s’agissait dans la parabole, non pas d’un fermier responsable de terres, mais d’un marchand — une sorte de commerçant en gros — devant des sommes d’argent considérables à son maître pour des quantités correspondantes d’huile et de blé fournies par ce maître. Autrement on ne peut guère expliquer que l’un ne devait à son maître que de l’huile, et l’autre que du blé (ou : froment). En outre 100 baths d’huile correspondent à environ 4000 litres et 100 cors de blé à environ 40 mètres cubes. L’administrateur remit « libéralement » à ces deux débiteurs une partie considérable de leur dette. Il fit la même chose avec « chacun des débiteurs de son maître ».

11.3.3 - Fils de ce monde, fils de lumière

« Et le maître loua l’économe injuste parce qu’il avait agi prudemment. Car les fils de ce siècle (*) sont plus prudents, par rapport à leur propre génération, que les fils de la lumière » (Luc 16:8).

(*) Note du traducteur : l’auteur traduit « fils de ce monde ».

Que le comportement de l’administrateur ait été injuste, cela n’est nullement passé sous silence. Il est expressément appelé, selon la traduction littérale, ‘administrateur de l’injustice’, ce qui ne signifie naturellement rien d’autre ‘qu’administrateur injuste’ ; mais cette expression insiste spécialement sur l’injustice de cet homme et de ses agissements.

Mais pourquoi son maître le loue-t-il, et à quel sujet le loue-t-il quand il apprend la réalité de toute l’affaire ? En fait, il ne peut s’empêcher de reconnaître la prudence de son administrateur injuste. Celui-ci avait finalement sacrifié le présent à l’avenir, ce qui n’est pas banal du tout, et est pour cela digne de louange. On remarque bien que l’administrateur n’est pas loué pour son injustice, mais « parce qu’il avait agi prudemment ». Il avait su se faire des amis avec ce qui ne lui appartenait pas en vue du temps qui arriverait « après ».

Les gens n’agissent-ils pas en général de manière diamétralement opposée, et ne sacrifient-ils pas l’avenir au présent ? Leurs pensées ou leurs visées sont surtout tournées vers des événements et des évolutions présents, et si quand même ils se soucient de l’avenir, ce n’est alors qu’en vue d’un avenir dans ce monde. Leur prudence ne va pas plus loin. Ils vivent pour ce monde, et ce qui vient après ne les intéresse pas. C’est pourquoi ils sont appelés ‘fils de ce monde’. L’homme riche dans le dernier paragraphe du chapitre sera comme un ‘fils de ce monde’, tandis que le pauvre Lazare était un vrai ‘fils de la lumière’. Mais une fois morts, qu’arriva-t-il ? Nous le verrons en son temps.

D’habitude on tire de ceci que la parabole se termine par la louange du maître au sujet de l’administrateur injuste. Pourtant ce n’est qu’à partir du v. 9 que le Seigneur Jésus applique la parabole à Ses disciples. Entre deux, il y a cette remarque de 16:8b « car les fils de ce siècle [ou : monde] sont plus prudents, par rapport à leur propre génération, que les fils de la lumière » ; elle appartient encore à la parabole.

Certes cette phrase n’ajoute rien au récit, mais la parabole est ainsi replacée dans son ensemble dans une juste lumière pour les auditeurs. Elle parle de la prudence des fils de ce monde par rapport à leur « génération ». Ils s’entendent à obtenir des avantages pour eux-mêmes, et ils ne s’embarrassent pas de scrupules de conscience ou de questions morales. En cela ils sont sans aucun doute supérieurs aux fils de la lumière.

Le personnage principal de notre parabole, l’administrateur, est directement la personnification de l’injustice, du début à la fin. Ce n’est pas par hasard que son injustice a donné son titre à la parabole, la parabole de ‘l’économe injuste’. Et pourtant le Seigneur profite de la prudence de cet homme pour nous communiquer des enseignements importants.

11.3.4 - Quand les richesses injustes viennent à manquer

« Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, afin que, quand vous (*) viendrez à manquer, vous soyez reçus dans les tabernacles éternels. Celui qui est fidèle dans ce qui est très-petit, est fidèle aussi dans ce qui est grand ; et celui qui est injuste dans ce qui est très-petit, est injuste aussi dans ce qui est grand. Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les vraies ? Et si, dans ce qui est à autrui, vous n’avez pas été fidèles, qui vous donnera ce qui est vôtre ? » (16:9-12).

(*) Note du traducteur : l’auteur traduit « quand il [Mammon] viendra à manquer », comme la traduction anglaise de J.N. Darby et selon une variante signalée par J.N. Darby en français. La traduction française de J.N. Darby a retenu « quand vous viendrez à manquer ». — Quoi qu’il en soit, la pensée est la même, car il s’agit dans tous les cas du fait que les richesses se mettent à manquer.

Il n’y a guère de parabole qui ait donné lieu à plus de commentaires contradictoires que celle-ci : comme si on pouvait s’acheter le ciel avec des richesses injustes ! Les exposés fantaisistes et se contredisant souvent les uns les autres proviennent pour la plupart de ce qu’on oublie à qui le Seigneur s’adressait avec cette parabole. Le v. 1 dit expressément « et il dit aussi à ses disciples », ce qui veut dire que les paroles du Seigneur ne concernent pas la manière dont on devient disciple, mais elles s’adressent à des gens qui le sont déjà. Nous ne devons donc pas interpréter de travers les explications du Seigneur comme si elles traitaient de la manière dont on parvient à la vie éternelle, dont on accède au ciel.

Ensuite, on fait souvent l’erreur de prendre tel ou tel détail de la parabole comme base de son interprétation, au lieu de voir la parabole comme un tout. Considérons encore une fois la ligne de la parabole, et traçons à côté une deuxième ligne parallèle — la ligne de l’application à nous les enfants de Dieu ! La correspondance est manifeste.

En image, cette correspondance s’exprime sous forme de deux flèches parallèles dirigées dans le même sens.

L’homme est l’administrateur — nous le sommes aussi. Des biens lui sont confiés — à nous aussi. Il s’agit de richesses [ou : Mammon] injustes — c’est aussi notre cas. Il s’en fait des amis avec — c’est aussi ce que nous devons faire. Elles viennent à manquer — pour nous aussi. Mais alors un contraste apparaît : les fils de ce monde recherchent des maisons terrestres — les fils de la lumière recherchent des tabernacles éternels, des habitations célestes. Cela retourne la flèche en sens contraire. En fait, les uns sont motivés par l’injustice, les autres au contraire, par la justice. Dans ce cas, en image, cela fait symboliquement deux flèches parallèles dirigées en sens contraire.

Entrons maintenant d’encore plus près dans les paroles du Seigneur. Il parle de ‘Mammon injuste’ [richesses injustes], l’expression littérale étant ‘Mammon de l’injustice’, comme il avait parlé précédemment ‘d’administrateur de l’injustice’. Autrement dit, ‘Mammon’ comme désignation (dévalorisante) des richesses et des biens terrestres est caractérisé par l’injustice. L’explication de ce qualificatif ne réside pas seulement dans ce que la possession terrestre peut facilement conduire à l’injustice ; ce serait certainement un sens trop faible. L’argent et les richesses ne sont-ils pas marqués par la tache d’avoir circulé dans les mains d’hommes déchus et pécheurs, et d’avoir servi d’une manière pécheresse à des desseins de péché ? — sans parler de ce qu’ils ont souvent été acquis de manière injuste.

Ils ne perdent pas ce caractère d’injustice quand ils arrivent dans les mains d’enfants de Dieu. Pourtant ils peuvent et ils doivent nous servir précisément à nous faire des amis. Comment cela ? En se servant de ce qui ne nous appartient pas à nous-mêmes pour la bénédiction des autres, dans un esprit de grâce. Cela ne devrait-il pas nous être facile à faire quand nous pensons que nous ne sommes que des administrateurs de ce que Dieu nous a confié comme biens et capacités ? Quand, au lieu de nous y attacher et de les garder pour nous, nous les utilisons pour le bien des autres, alors nous nous faisons des ‘amis’, — mais non pas au sens « qu’une main lave l’autre », ou que nous nous rendons les gens du monde dociles et bien disposés. Non, les ‘amis’, pour nous, sont au ciel. Cela échappe souvent. Puis le Seigneur continue : « … afin que, quand vous viendrez à manquer, vous soyez reçus dans les tabernacles éternels ». Seul Dieu peut nous recevoir au ciel. Certes l’expression « afin que … vous soyez reçus » est très imprécise, même pour une parabole ; mais personne d’autre que Dieu Lui-même n’est envisagé pour recevoir.

Pour chacun de nous tous, il arrive un moment où les richesses [le Mammon] viennent à manquer. Ce peut être à l’heure de la mort ou à celle de l’enlèvement. En tous cas, on passe à l’heure de la vérité. Si nous avons parcouru notre chemin les regards fixés sur la patrie céleste ; si par la foi nous avons sacrifié le temporel à l’éternel ; si nous n’avons pas considéré nos biens comme notre propriété, mais que nous nous en sommes servis comme étant la propriété de Dieu, avec la libéralité qui Lui est propre — alors, oui alors, Il nous recevra dans les tabernacles éternels.

Exprimons-le encore autrement : il y en aura qui sont sur le chemin du ciel, et qu’Il recevra aussi là-haut, le moment venu. Certes on ne peut pas s’acheter ni se mériter le ciel. Ce n’est nulle part l’enseignement de l’Écriture. Mais l’Écriture sainte enseigne qu’un usage juste de nos biens tournera en bien pour nous dans le monde à venir. On peut amasser des trésors pour le ciel et amasser un bon fondement pour l’avenir (Matt. 6:20 ; 1 Tim. 6:19). Si nous ne pouvons certes pas être justifiés par des bonnes œuvres, — si elles sont accomplies par la foi, elles peuvent être une preuve de la grâce de Dieu opérant en nous. Et par cela nous sommes affermis dans le chemin de la foi.

Il y a aussi de sérieuses exhortations pour nous dans les paroles du Seigneur. Il sait combien les Siens pensent légèrement à leurs intérêts dans notre époque si superficielle, au lieu de penser aux tabernacles éternels. On est aussi frappé de ce que, dans l’application de la parabole que le Seigneur fait à nous, Il ne parle plus directement de la prudence de l’administrateur injuste, mais Il met l’accent sur l’injustice de son comportement. Dans les v. 9 à 12, le mot ‘injuste’ revient quatre fois, et deux fois l’expression ‘ne pas être fidèle’.

« Celui qui est fidèle dans ce qui est très-petit, est fidèle aussi dans ce qui est grand ; et celui qui est injuste dans ce qui est très-petit, est injuste aussi dans ce qui est grand » (16:10). Aux yeux du Seigneur, Mammon (= les richesses) n’est que ce qui est très petit, et nous devons apprendre à partager Son estimation. L’administrateur injuste était injuste dans ce qui est très petit, et par conséquent aussi dans tout ce qui s’ensuivait. À l’inverse, nous devons être fidèles dans ce qui est très petit, et nous devons gérer fidèlement pour Lui ce que nous possédons, nos capacités, notre temps, notre force et notre santé. C’est souvent justement la fidélité dans les petites choses qui nous met à l’épreuve. Si nous le réussissons, la porte nous sera ouverte pour ce qui est ‘grand’, dont parle le Seigneur. Dans cette expression « ce qui est grand », Il inclut tout ce dont, comme enfants de Dieu, nous pouvons nous réjouir dans le Seigneur, tout le domaine spirituel de notre vie. Nous ne nous attendions certainement pas à ce que les richesses (Mammon) temporelles et les bénédictions éternelles soient liées de cette manière.

Une deuxième comparaison suit. Les richesses (= le Mammon) injustes ne sont pas seulement ce qui est ‘très petit’, mais elles sont aussi fausses, superficielles, fugaces, trompeuses ; c’est pourquoi le Seigneur les met maintenant en contraste avec les ‘vraies’ : « Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les vraies ? » (16:11). Il arrive un moment où les richesses (le Mammon) viennent à manquer (16:9) : quelle folie, dès lors, d’y mettre son cœur ! Notre vraie richesse est spirituelle, elle est dans le ciel. Tout ce qui est en rapport avec Christ glorifié, c’est les ‘vraies [richesses]’.

Quand nous n’utilisons pas le privilège accordé par grâce de nous servir des biens terrestres pour la bénédiction des autres, il n’y a plus aucune raison pour que le Seigneur nous confie les vraies richesses. Non seulement nous nous enlevons la joie à nous-mêmes, mais nous ne sommes même pas en mesure d’en redonner à d’autres. C’est pourquoi le Seigneur attend en premier lieu de nous la fidélité dans ce qui est ‘très petit’, la fidélité dans les ‘richesses (Mammon) injustes’.

En troisième lieu se rajoute la fidélité dans ce qui est ‘à autrui’ : « Et si, dans ce qui est à autrui, vous n’avez pas été fidèles, qui vous donnera ce qui est vôtre ? » (16:12).

Nous sommes administrateurs, et ce que nous possédons sur la terre appartient à Un autre. Si nous l’utilisons au gré de notre Seigneur et Maître — et en outre des milliers d’occasions se présenteront — Il nous donnera ce qui est ‘nôtre’. Tout ce qui appartient à Christ est à nous (1 Cor. 3:21-23). Voilà ce qui est ‘nôtre’, et Il nous le donnera pour notre joie — ici-bas dans le temps présent, et là-haut dans la gloire éternelle.

Ce qui est ‘vôtre’ au v. 12 est naturellement identique à ce qui est ‘vrai’ au v. 11 et à ce qui est ‘grand’ au v. 10. Cette triple répétition donne un grand poids à ce qui est dit — au vrai caractère des richesses (Mammon) ; à la fidélité de les administrer justement ; à la vraie possession des croyants. Ce sont trois points que nous devons apprendre ici.

11.3.5 - Servir deux maîtres ?

Le Seigneur achève Ses enseignements avec les paroles suivantes :

« Nul serviteur ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre : vous ne pouvez servir Dieu et les richesses » (16:13).

Il nous arrive trop souvent de nous illusionner en croyant qu’on peut ménager la chèvre et le chou. C’est un grand danger de nos jours, de penser que d’un côté on pourrait servir le Seigneur, et de l’autre nos intérêts mondains. Le Seigneur dit que nous ne pouvons pas servir deux maîtres, que nous ne pouvons pas servir Dieu et les richesses (Mammon).

Croyons-nous vraiment que Dieu nous ait donné la vie éternelle pour gagner le plus d’argent possible ? N’oublions-nous pas parfois que nous avons été achetés à un prix très élevé, le prix de Son sang (1 Cor. 6:20) ? Nous ne nous appartenons plus à nous-mêmes. C’est pourquoi notre maître ne peut être qu’unique.

Si nous n’y prenons pas garde, les richesses (Mammon) vont croître facilement pour devenir l’élément dominant dans notre vie, sans que nous n’en ayons bien conscience. On comprend bien que nous devons répondre à nos obligations terrestres avec fidélité et soin, mais c’est toute autre chose que de diriger nos pensées sur la multiplication de notre avoir terrestre. Prenons au sérieux la parole de notre Seigneur et Rédempteur ! Si nous servons les richesses (Mammon) sous une forme ou sous une autre, nous ne pouvons pas servir Dieu.

‘Servir’ signifie ‘servir comme esclave’. Nous ne pouvons pas être esclave de Dieu et en même temps esclave des richesses (Mammon). Le Seigneur explicite cela du point de vue d’un esclave, car deux maîtres pourraient arriver à s’entendre sur l’usage partagé d’un même esclave. Mais il est impossible à un esclave ou un domestique, de servir deux maîtres. Ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Autrement dit, dans son cœur et ses pensées il n’y aura qu’un seul des deux maîtres qu’il considérera comme son maître réel, et c’est à lui qu’il consacrera son service de cœur. L’autre ne sera servi qu’extérieurement ; ce ne sera qu’un service apparent.

Effectivement, dans notre cas, il ne peut y avoir qu’un Seigneur et Maître dans notre cœur. Nous nous imaginons certes souvent en train d’accorder le service apparent à l’autre maître, Mammon, tandis que nous servirions Dieu en réalité. Cependant le danger se trouve exactement en sens inverse : que nous servions Mammon de cœur et que nous cherchions à cacher cela par un service apparent vis-à-vis de Dieu.

11.4 - L’homme riche et Lazare

L’histoire de ‘l’homme riche et du pauvre Lazare’ est une confirmation extrêmement sérieuse de ce que nous avons vu dans la parabole de ‘l’économe injuste’ au commencement de ce même chapitre. Je dis bien ‘histoire’ et non pas ‘parabole’, car le Seigneur ne parle pas directement de parabole. En outre, l’une des deux personnes porte un nom, ce qui, pour une parabole, est totalement inhabituel.

Si nous nous occupons de cette histoire malgré le cadre fixé [l’étude des paraboles], c’est avant tout parce qu’elle est une sorte de continuation de la parabole de ‘l’économe injuste’. En outre, elle comporte des aspects absolument typiques de paraboles, au moins dans la deuxième partie où le Seigneur soulève quelque peu le voile du monde invisible. Cependant, le Seigneur parle tout du long de faits, Il ne présente pas seulement des images. Il s’agit d’un épisode qui a réellement eu lieu.

Tandis que les paraboles de Luc 15 sont une réponse aux murmures des pharisiens, nous voyons au ch. 16 qu’ils vont un pas plus loin, et qu’ils se mettent à se moquer de Lui. Parce qu’ils aimaient l’argent, ils se sentaient condamnés par la parabole de ‘l’économe injuste’ ; c’est pourquoi ils se dressèrent contre Lui.

Mais Dieu connaissait leurs cœurs, et Il savait ce qui avait, en vérité, de la valeur pour eux. Aussi le Seigneur ajoute : « car ce qui est haut estimé parmi les hommes est une abomination devant Dieu » (16:15). Le tableau dressé ensuite par le Seigneur dépeint ces deux choses clairement, mais avec gravité.

11.4.1 - La vie présente

« Or il y avait un homme riche qui se vêtait de pourpre et de fin lin, et qui faisait joyeuse chère, chaque jour, splendidement. Et il y avait un pauvre, nommé Lazare, couché à sa porte, tout couvert d’ulcères, et qui désirait de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; mais les chiens aussi venaient lécher ses ulcères » (16:21).

Dans la parabole de Luc 12, nous avons déjà vu un ‘riche cultivateur de blé’. Être riche n’est pas en soi une honte. Abraham lui-même, dont le Seigneur parle juste après, avait été un homme riche, et même très riche ; mais il avait été un homme de foi, et pendant sa vie, il avait habité dans des tentes. Par contre l’homme riche de notre chapitre se donnait du bon temps dans ce monde, mais sans Dieu. Non seulement il se vêtait des meilleurs habits — la pourpre et le fin lin (byssus) se retrouvent nommés ensemble en Esther 1:6 et Apocalypse 18:12 — mais il faisait joyeuse chère chaque jour, splendidement. Il était certainement hautement considéré parmi les hommes, car « on te louera si tu te fais du bien » dit la Parole de Dieu (Ps. 49:18) ; mais devant Dieu, sa manière de vivre était une abomination.

Ne faisait-il pas précisément ce contre quoi la Seigneur mettait en garde dans la parabole de ‘l’économe injuste’ ? Il ne vivait que pour le temps présent, que pour le temps avant l’au-delà, que pour lui-même. Il ne se souciait pas le moins du monde du temps de l’au-delà, « quand les richesses (le Mammon) viendraient à manquer ».

Sa manière de penser était celle de beaucoup de gens aujourd’hui, à savoir que l’avenir prendra soin de lui-même. Quelle folie ! Sur ce plan, ‘l’économe injuste’ était plus prudent. Il se révéla donc que ce riche, malgré toute sa vie splendide et toute sa gaieté extérieure, n’était qu’un ‘fils de ce siècle’ [de ce monde]. Il ne faisait pas partie des ‘fils de la lumière’. Redisons-le encore une fois : devant Dieu, cette manière de vivre était une abomination.

Cela ressort encore plus clairement quand nous donnons un coup d’œil sur le pauvre dont le nom était Lazare. Plein d’ulcères, il était couché à la porte du riche. Cela situe la relation entre le pauvre Lazare et l’homme riche. On avait jeté le pauvre à la porte du riche, et maintenant il gisait là, incapable même de se déplacer sur des béquilles.

Cette porte qui rayonnait certainement d’une blancheur éblouissante, le riche devait la passer avec ses amis, et il devait voir la misère du pauvre, et entendre sa voix qui quémandait. Il lui était impossible d’échapper à cette main suppliante tendue vers lui, pour qu’il donne quand même quelque chose de ce qui tombait de sa table. N’était-ce pas là l’occasion de faire du bien ?

Or il n’est pas dit qu’il l’ait fait. Le riche se détournait avec dégoût. Aucun des commandements de l’Ancien Testament d’aider les pauvres ne lui venait à l’esprit. Les chiens errants avaient plus de miséricorde que lui. Ils léchaient les ulcères du pauvre. Ils étaient ses seuls « amis ». Ce que les gens ne faisaient pas, les chiens le faisaient.

Or malgré tout, ce pauvre portait un nom : Lazare (Dieu est le secours). C’est comme si le Seigneur Jésus lisait dans le livre de vie et y voyait le nom inscrit, alors que celui du riche manquait. Le Seigneur connaît ceux qui sont Siens. Lazare était manifestement quelqu’un sur qui l’œil de Dieu reposait en bonté, malgré toute sa pauvreté et sa misère — quelqu’un qu’Il connaissait par nom. La suite de l’histoire le confirme.

11.4.2 - Un changement significatif dans les voies de Dieu

Arrivés à ce point, il est nécessaire de souligner un changement significatif dans les voies de Dieu avec les hommes – un changement qui est à la base de tout ce qui est dit. Si nous ne le saisissons pas, l’enseignement du Seigneur dans ce récit nous restera largement incompréhensible. Car nous pouvons nous poser à juste titre la question suivante : la richesse n’était-elle pas un signe de la bénédiction de Dieu — justement pour les Juifs — et la pauvreté une punition ?

Oui, quand Israël était encore le peuple de Dieu, dans la dispensation de la loi, il en avait été ainsi. Mais l’homme en général s’est montré entièrement corrompu, et Israël en particulier n’a pas satisfait à sa responsabilité. Ils ont plutôt rejeté Dieu et Son Christ. Un des résultats en est qu’ils sont déchus de tout droit aux bénédictions terrestres.

Mais à cause de la miséricorde de Dieu et sur la base de l’œuvre rédemptrice de Christ, une nouvelle époque, le temps de la grâce, devait prendre la relève de l’époque de la loi. Le Seigneur Jésus avait parlé de ce changement devant les pharisiens, et Il avait dit : « La loi et les prophètes ont été jusqu’à Jean ; dès lors le royaume de Dieu est annoncé et chacun use de violence pour y entrer » (16:16). Le temps du gouvernement de Dieu sur la terre était par conséquent passé. Il reviendra un jour, mais entretemps, tout est une question de foi ; « nous marchons par la foi, non par la vue » (2 Cor. 5:7). Le royaume de Dieu n’existe pas sous forme visible aujourd’hui, mais sous une forme invisible, morale (Rom. 14:17 ; 1 Cor. 4:20).

En accord avec cela, le Seigneur donne maintenant, par ce récit, un enseignement révolutionnaire pour l’époque, selon lequel les circonstances extérieures de quelqu’un ici-bas et maintenant, ne sont pas le reflet de ses relations avec Dieu. Le bien-être et la richesse ne sont nullement la preuve que la personne concernée est juste ; elles ne sont absolument pas un signe de la faveur de Dieu. C’était une leçon nécessaire pour les Juifs d’alors, et l’est aussi pour nous aujourd’hui, justement parce que dans l’Ancien Testament les biens et la richesse étaient promis au juste. « La génération des hommes droits sera bénie. Les biens et la richesse seront dans sa maison » (Ps. 112:2, 3). Ailleurs, le psalmiste dit : « je n’ai jamais vu le juste abandonné, ni sa semence cherchant du pain » (Ps. 37:25).

Tout cela est maintenant changé fondamentalement, et l’exemple en est ce pauvre Lazare, souffrant et mendiant. Ni la richesse ni la santé ne lui ont été accordées dans cette vie, et pourtant son nom est inscrit dans le ciel. Aux jours de l’Ancien Testament, la pauvreté et la maladie était des signes du jugement de Dieu sur le péché. Mais le Nouveau Testament nous enseigne qu’il n’en est absolument plus de même. Au contraire, les enfants de Dieu de nos jours n’ont absolument aucune garantie de santé et de bien-être. « Vous avez de la tribulation dans le monde » (Jean 16:33), dit le Seigneur Jésus à Ses disciples au moment de les quitter.

C’est pourquoi il est tellement important de bien distinguer entre l’ancienne dispensation (époque) et la nouvelle. Sous l’ancienne dispensation, Dieu répondait à l’obéissance à Son égard par des bénédictions et des biens terrestres. Sous la nouvelle dispensation, ce sont des bénédictions célestes qui sont la part de l’enfant de Dieu (Éph. 1:3), tandis que Dieu utilise souvent les circonstances extérieures et toutes leurs afflictions pour éduquer Ses enfants et les purifier pour qu’ils portent plus de fruit pour Lui (Héb. 12:4-11 ; Jean 15:2).

11.4.3 - Le temps de l’au-delà

Pour les croyants, il est profondément réjouissant qu’après tout ce qu’offre la terre, il y ait un « au-delà », ou comme Jean l’exprime dans l’Apocalypse, un « après ces choses » (Apoc. 4:1). Pour l’incrédule cependant, c’est un sujet d’effroi au plus haut point. L’un comme l’autre arrivent à la fin de leur course terrestre, d’une manière ou d’une autre. Et là où l’arbre tombe, là il est (Ecclés. 11:3).

11.4.3.1 - Dans le sein d’Abraham

Le Seigneur dirige d’abord le regard sur le pauvre, et montre ce qui lui est arrivé. Il soulève par là le voile recouvrant le monde invisible. Il est seul à pouvoir le faire. N’attendons pas, comme certains disent en se moquant, que quelqu’un revienne de là pour nous dire ce qu’il y a. Jésus le Fils du Dieu vivant nous le dit.

« Et il arriva que le pauvre mourut, et qu’il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Et le riche aussi mourut, et fut enseveli » (16:22).

Oui, les enfants de Dieu meurent aussi, quand Dieu le veut et qu’ils ne sont pas appelés à vivre l’enlèvement. Ils ont vécu « au Seigneur » [ou : « ayant égard au Seigneur »], et de même, ils meurent « au Seigneur » [ou : « ayant égard au Seigneur »]. « Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes du Seigneur » (Rom. 14:8). Parole de triomphe ! Aussi avilissantes et humiliantes qu’aient pu être les circonstances dans la vie et dans la mort, nous sommes du Seigneur.

C’est ce qui arrive clairement dans le cas du pauvre Lazare d’une manière si grandiose. Pour lui aussi, « il arriva » qu’il mourut ; il n’est pas parlé une seule fois qu’il ait été enterré. Vraisemblablement son corps fut simplement jeté dans quelque trou sombre. Mais son âme fut transportée par les anges de Dieu dans le lieu de la félicité céleste ; c’est ce dont parle le ‘sein d’Abraham’. Il n’avait pas eu la possibilité de se faire des amis dans le ciel avec les richesses injustes, et pourtant c’est bien là qu’il arrive.

Réfléchissons à cela : les anges de Dieu, les habitants naturels du ciel s’intéressent vivement quand un des enfants de Dieu meurt ! Je suis profondément convaincu de ceci, que les critiques incroyants ont toujours cherché à éliminer par leurs explications : si un jour je meurs (bien que je n’attende pas cela, mais j’attends le Seigneur Lui-même), les anges de Dieu entourerons mon lit de mort et porteront mon âme au ciel.

Il me revient un souvenir qui m’a profondément impressionné, bien que je n’eusse alors qu’une dizaine d’années. Il y avait à Berlin une conférence de trois jours pour étudier la Parole de Dieu. Le sujet était alors le livre des Juges. Je vois encore clairement un très cher serviteur du Seigneur se lever et faire un développement qui touchait les cœurs sur la parabole de Jotham, le fils de Gédéon. Et voilà que soudain il s’arrête, se rassied rapidement et penche la tête en arrière. Il était mort. De jeunes hommes le portèrent sur un brancard à travers la foule des frères et sœurs jusqu’à l’hôpital le plus proche, où on ne put que constater que la mort avait fait son œuvre. Nous étions tous bouleversés, et remplis de tristesse quand nous reçûmes la nouvelle. Comment pouvait-on continuer la conférence ? Alors le frère Paul Schwefel se leva et dit d’une voix affectueuse et douce, que nous ne devions pas être effrayés. Nous avions vécu quelque chose de tout à fait extraordinaire : des anges étaient venus parmi nous et avaient porté l’âme de notre frère au ciel…

11.4.3.2 - En hadès

« Et il arriva que le pauvre mourut, et qu’il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Et le riche aussi mourut, et fut enseveli. Et, en hadès, levant ses yeux, comme il était dans les tourments, il voit de loin Abraham, et Lazare dans son sein » (16:22-23).

Quand le riche dut aussi quitter cette terre, il eut droit à un ensevelissement probablement splendide. Des centaines d’amis devaient se trouver là, on prononça de grands discours en son honneur. Mais il n’est pas question d’anges. Et alors le Seigneur Jésus mentionne une circonstance qui est vraie de quiconque meurt sans être réconcilié avec Dieu. À l’instant où il ferme les yeux ici-bas, il les ouvre en hadès, et Il ajoute : « comme il était dans les tourments ».

Le hadès n’est pas encore l’enfer. L’Écriture différencie clairement ces deux endroits et ces deux états. L’enfer est le lieu du séjour éternel de ceux qui meurent sans être réconciliés avec Dieu — l’étang de feu, embrasé de feu et de soufre. Ce n’est qu’après leur résurrection et leur jugement devant le grand trône blanc qu’ils seront « jetés dans l’étang de feu » (Matt. 5:22, 29, 30 ; 10:28 ; Marc 9:45 ; Apoc. 20:11-15 ; 21:8).

Le hadès, par contre, n’est qu’un état intermédiaire, le lieu invisible des esprits des trépassés. Dans plusieurs passages du Nouveau Testament, le ‘hadès’ est pris simplement comme l’équivalent grec du ‘Shéol’ hébreu (Matt. 11:23 ; 16:18 ; Luc 10:15 ; Apoc. 2:27, 31). Il traduit le séjour des morts, sans vouloir dire plus, et il correspond à peu près au terme ‘l’au-delà’ que nous utilisons souvent. Le ‘Sheol’ dans l’Ancien Testament s’applique aussi bien aux justes qu’aux injustes. L’Ancien Testament ne fait pas de distinction.

Ce n’est que dans notre passage que le Seigneur Jésus donne plus de lumière sur le hadès, et montre qu’y accèdent tous les gens qui meurent sans être réconciliés avec Dieu. C’est là que le riche ouvre les yeux alors qu’il était mort. De Lazare, par contre, il n’est pas dit qu’il ait été en hadès. Il est vu dans le sein d’Abraham. Cette distinction est encore plus claire en Luc 23, dans cette promesse merveilleuse que le Sauveur, crucifié et mourant, fait au brigand sauvé à Son côté : « En vérité, je te dis : Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (23:43). Être « avec Christ » est la part bienheureuse de tous ceux qui meurent dans le Seigneur (Phil. 1:23).

Le passage déjà mentionné d’Apoc. 20 fait une distinction supplémentaire remarquable entre la ‘mort’ et le ‘hadès’ : « Et la mort et le hadès rendirent les morts qui étaient en eux » (Apoc. 20:13). Cette expression ne décrit rien d’autre que la résurrection des morts pour le jugement, à savoir la réunion d’éléments de l’homme, jusque-là séparés, le corps et l’esprit. La mort s’est emparée du corps et le hadès de l’esprit ou de l’âme des gens. Cela confirme que le hadès n’est qu’un état intermédiaire, mais aussi un endroit où se trouvent les esprits des trépassés. Quand la dernière résurrection a lieu, la mort et le hadès sont dès lors tous les deux dépourvus de signification, et ils sont symboliquement jetés dans l’étang de feu (20:14).

Nous avons déjà abordé la question que le hadès est un lieu de tourment. Le riche ouvre les yeux en hadès « comme il était dans les tourments ». Il aperçoit immédiatement Lazare, de loin, dans le sein d’Abraham.

« Et s’écriant, il dit : Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare, afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt, et qu’il rafraîchisse ma langue, car je suis tourmenté dans cette flamme » (16:24).

Ce passage nous apprend d’abord ceci : Avant même de recevoir son jugement définitif devant le grand trône blanc et d’être jeté dans l’étang de feu, l’injuste, quand il meurt, vient dans un lieu de tourment et souffre d’une grande douleur. La résurrection des impies n’a certes lieu qu’après les mille ans de règne de paix de Christ, mais leur sort immédiat après la mort est le tourment et la douleur.

C’est le Seigneur Jésus qui nous fait cette description, et pas un seul des termes qu’Il utilise ne laisse entendre qu’il y ait une échappatoire à cet état. Bien au contraire ! Certains parlent d’un ‘purgatoire’, mais c’est une invention de Satan, et beaucoup de gens ont déjà été victime de cette tromperie. Si nous ne recevons pas les paroles du Fils de Dieu par la foi, nous Le faisons menteur, et la vérité n’est pas en nous.

Il n’est parlé pas moins de quatre fois au cours de cette description, de tourment ou de douleur :

« Et, en hadès, levant ses yeux, comme il était dans les tourments, … » (16:23),

« … car je suis tourmenté dans cette flamme » (16:24),

« maintenant lui est consolé ici, et toi tu es tourmenté » (16:25),

« … de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de tourment » (16:28).

Quand un homme meurt, son sort éternel est fixé une fois pour toutes. Que beaucoup de gens prennent à cœur ce fait sérieux avant qu’il ne soit éternellement trop tard pour eux ! Il est bien vrai que « il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela le jugement » (Héb. 9:27). Tout n’est pas fini après la mort. Le diable peut bien le susurrer aux hommes, mais le Seigneur Jésus témoigne du contraire ; et Son témoignage concorde entièrement avec tout le reste du témoignage de l’Écriture sainte. Ne vaut-il pas mieux écouter Christ, le Fils de Dieu, plutôt que le diable, le père du mensonge (Jean 8:44) ?

Dans ses paraboles, le Seigneur Jésus, le grand Maître qui enseigne, donne des exemples de différentes sortes de prières, ou de négligences quant à la prière. Voilà une série de ces passages :

C’est dans cette dernière catégorie que tombe la demande de l’homme riche en hadès. Sa supplication pour qu’on ait pitié de lui est venue absolument trop tard. S’il avait prié pour cela pendant sa vie, sa prière aurait certainement été entendue ; mais quand on quitte cette terre sans être réconcilié, il n’y a plus de miséricorde de Dieu. Il avait eu assez de temps pendant sa vie pour la rechercher, mais ses pensées n’étaient qu’à être rempli de « ses biens » (v. 25). Une prière qui vient trop tard n’est pas écoutée.

Remarquez bien comment cet homme est devenu sans prétentions ! « Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare, afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt, et qu’il rafraîchisse ma langue, car je suis tourmenté dans cette flamme » (16:24). Comme descendant d’Abraham, il s’adresse à lui en le qualifiant de « père Abraham ». Mais il n’avait jamais été un vrai fils d’Abraham, le père de tous les croyants (Rom. 4:11-18 ; Gal. 3:7). Et lui dont la langue pouvait goûter autrefois les vins fins et les mets savoureux, il ne désirait maintenant que le rafraîchissement apporté par quelque gouttes d’eau au bout du doigt de Lazare.

Il connaissait cet homme. Jour après jour, il était couché à sa porte en train de mendier. Lui avait-il montré de la miséricorde ? Non, et c’est lui-même maintenant qui demande cette miséricorde : « père Abraham, aie pitié de moi ».

Il y a encore un point remarquable : cet homme en hadès ne met pas en doute la justice de Dieu qui l’a mis dans ce lieu de tourment. Aussi ne demande-t-il pas d’en être délivré. Ce qu’il demande, ce n’est qu’un peu de soulagement à sa douleur. Mais même cette requête, comme nous allons le voir, n’est pas satisfaite.

Avant de se tourner vers la réponse significative d’Abraham, occupons-nous encore quelques instants de la manière dont le Seigneur Jésus parle ici. Il utilise maintenant partout des symboles, des expressions imagées, qui sont tirées du monde que nous connaissons : le sein d’Abraham, le rafraîchissement de la langue avec de l’eau, la souffrance dans la flamme, le grand gouffre que personne ne peut traverser. Mais Il décrit par là des choses qui se passent et des états dans ce monde qui nous est entièrement fermé et sur lequel nous ne savons rien. Il décrit donc l’insaisissable avec un vocabulaire qu’on peut saisir.

C’est effectivement la seule façon de susciter en nous quelques représentations de ce qui caractérise ce monde des trépassés. C’est une grande grâce que le Seigneur condescende à nous parler ainsi. Car s’Il avait parlé de manière absolue, nous ne comprendrions rien du tout. C’est comme quand des parents veulent parler à leur petit enfant sur des choses qui sont encore bien au-delà de ce qu’un enfant peut se représenter. Ou bien ils doivent prendre leurs distances, ou bien ils doivent se servir d’un langage infantile avec des mots simples monosyllabiques.

Cela rend aussi clair que nous ne puissions pas transposer un à un les éléments de ce que le Seigneur nous communique sur le monde des trépassés, dans le cadre du monde sensible où nous sommes. Nous pouvons recevoir tout, juste comme Il l’a dit, et alors nous sommes du bon côté, du côté sûr. Mais nous ne pouvons pas en tirer de conclusions allant plus loin, et qu’il ne nous appartient pas de tirer.

C’est ainsi que la question de savoir si, en principe, les incroyants en hadès peuvent voir les saints dans le paradis, ne peut pas être tranchée définitivement, à mon avis. Bien sûr, à cela s’oppose l’idée que les injustes aient alors une certaine représentation du bonheur des rachetés. Mais la conscience qu’ils auraient pu avoir eux-mêmes ce bonheur céleste et qu’ils ne l’ont pas voulu (comparer Apoc. 22:17) multipliera leur souffrance ; elle ne les lâchera pas pendant l’éternité. Cela me paraît être, ici, l’enseignement du Seigneur.

Encore un point que nous pouvons tirer des paroles du Seigneur. Les âmes des trépassés ont en fait quelque chose comme des « yeux », avec lesquels ils peuvent voir et reconnaître. Sur ce point, il est aussi juste de dire que nos chers endormis dans le Seigneur Jésus peuvent voir maintenant Celui en qui ils ont cru autrefois.

Et encore, nous apprenons que la personnalité des gens reste inchangée, même après la mort. L’homme riche pouvait reconnaître Abraham, bien qu’il ne l’ait jamais vu — tout comme Pierre, Jacques et Jean pouvaient reconnaître Moïse et Élie sur la montagne de la transfiguration. Dans l’autre monde, il n’est pas nécessaire de « se présenter » l’un à l’autre.

Nous entendons maintenant la réponse faite à l’appel et à la supplication de l’homme qui était riche autrefois :

« Mais Abraham dit : [Mon] enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement les maux ; et maintenant lui est consolé ici, et toi tu es tourmenté » (16:25)

Abraham reconnaît que l’homme riche fait partie de sa descendance naturelle, et c’est pourquoi il s’adresse à lui en utilisant ce terme ‘enfant’. Mais il confirme que les rapports de l’un et de l’autre ont évolué en sens opposés. Il peut arriver, et c’était le cas ici, que l’homme le plus pauvre de ce monde obtienne après la mort les bénédictions célestes les plus élevées, et que l’homme le plus riche de ce monde arrive dans les plus grands tourments, sans fin.

Mais cela ne dérive pas de ce que, dans sa vie, l’un a été si pauvre ici-bas et l’autre si riche. Abraham ne le dit pas, et ce n’aurait pas été la vérité. Non, le cas se situe autrement : si un homme en hadès demande de la pitié, ou si des personnes vivantes en arrivaient à penser que la souffrance en hadès, voire en enfer, pourrait être changée, ou adoucie, par quelque chose, alors qu’ils se rappellent ce qu’Abraham dit à l’homme riche en hadès : « tu as reçu tes biens pendant ta vie ». Sur Lazare, il ne dit d’ailleurs pas : « … ses maux ».

Oui, cet homme riche avait reçu dans sa vie ses biens. C’est ainsi qu’il les avait considérés, sans considérer Dieu. Il ne s’était pas soucié des trésors spirituels et célestes, les circonstances favorables de ce côté-ci de la vie lui avaient suffi. Vivre tous les jours joyeusement et splendidement, c’était le « bien » qu’il avait apprécié et aimé. Il avait richement savouré cela, comme étant « ses biens » — sans Dieu. Il n’est pas présenté directement comme quelqu’un de méchant, enivré du péché. Il est bien plutôt le type de ceux qui sont satisfaits de circonstances terrestres agréables et qui cherchent à en jouir à pleins traits, sans s’intéresser à la foi. L’un de mes lecteurs se reconnaîtrait-il peut-être dans cette description ?

En ce qui concerne Lazare, il avait reçu les maux pendant sa vie. Non pas « ses maux », comme déjà remarqué ; car ce n’étaient que des circonstances éprouvantes envoyées pour purifier sa foi, et diriger sa confiance entièrement sur Dieu. Il avait reçu les maux que Dieu lui avait envoyés, et les avait supportés avec patience. Cela avait peut-être même été l’occasion de sa conversion, de ce qu’il se tourne vers Dieu. Son espérance n’était en tout cas pas dirigée vers la terre, mais vers le ciel, et c’est là qu’il était maintenant, et qu’il était consolé avec les biens du ciel. Inversement, l’homme riche devait maintenant faire sans ses biens — et souffrir la douleur en hadès.

Répétons-le encore : ce n’était pas la pauvreté ni le besoin qui rendaient Lazare juste, pas plus que la richesse et la splendeur n’avaient fait du riche un injuste. Le Seigneur Jésus ne montre pas ici (pas plus que dans la parabole précédente de ‘l’économe injuste’) comment l’on devient juste devant Dieu, et comment on parvient au ciel. Pour l’apprendre, ce sont d’autres passages de la Parole de Dieu qu’il faut ouvrir. Ce qu’il nous faut apprendre ici, c’est beaucoup plutôt de reconnaître ce qui caractérise ce monde et le monde à venir. Les principes de l’un et de l’autre ne sont pas compatibles.

L’un des principes du monde invisible est formulé maintenant encore plus clairement par Abraham :

« Et outre tout cela, un grand gouffre est fermement établi entre nous et vous ; en sorte que ceux qui veulent passer d’ici vers vous ne le peuvent, et que ceux qui [veulent passer] de là ne traversent pas non plus vers nous » (16:26).

Il y a donc un grand gouffre entre les saints endormis (« nous ») et ceux qui sont morts dans leurs péchés (« vous »). Le verbe « est établi » est en réalité dans l’original au temps « parfait », ce qu’on peut exprimer ainsi : Le grand gouffre entre les deux domaines a été une fois établi, et maintenant il est établi et le reste.

L’expression ‘ceux qui veulent passer d’ici vers vous’ ne dit pas qu’il y aura vraiment des gens qui le voudront ; c’est plutôt l’inverse qu’on peut penser. Mais la signification réelle de cette affirmation est autre, et est extrêmement sérieuse : la mort décide pour toujours où on passera l’éternité, dans le ciel ou en enfer. Un passage de l’un de ces domaines à l’autre est et demeure impossible.

Si quelqu’un ne laisse pas ces déclarations comme elles sont, il rejette le témoignage du Fils de Dieu et il présume qu’Il n’a pas dit la vérité. Quand ce Fils de Dieu fait le constat qu’ils ne peuvent pas passer [d’un domaine à l’autre], voulait-Il dire qu’il y aurait un moment où on pourrait quand même passer ? On ne doit jamais manipuler ainsi les paroles de quelqu’un d’intègre : combien moins la Parole de Dieu ! Dieu dit toujours ce qu’Il veut dire, et Il veut dire ce qu’Il dit. La souffrance sera « éternelle », c’est-à-dire « non temporaire », « sans fin ». En rapport avec le jugement des vivants, le Seigneur Jésus confirme ceci : « Et ceux-ci s’en iront dans les tourments éternels, et les justes, dans la vie éternelle » (Matt. 25:46).

En face de déclarations aussi claires de l’Écriture sainte, comment ose-t-on encore prier pour les morts ? — cela reste incompréhensible, et c’est aussi inexcusable. Car cela suscite dans le cœur des gens des espérances qui ne s’appuient sur rien du tout dans l’Écriture sainte. La prière pour les morts est autant une invention de Satan que le purgatoire dont on sort purifié à un certain moment. Nous devons nous tenir absolument loin de telles pensées et de telles pratiques !

Quand Abraham ne peut pas donner suite à la demande d’adoucissement du tourment, l’homme riche exprime alors une autre demande qui concerne non pas son sort, mais celui de ses frères.

« Et il dit : Je te prie donc, père, de l’envoyer [Lazare] dans la maison de mon père, car j’ai cinq frères, en sorte qu’il les adjure ; de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de tourment » (16:27-28).

À première vue, cette requête semble présenter un caractère presque évangélique, car il voudrait que ses cinq frères n’aillent pas eux aussi dans ce lieu de tourment, mais dans le lieu de la félicité. Ils menaient manifestement une vie fort semblable à la sienne du temps où il était encore sur la terre. Bien qu’il soit maintenant en hadès, il revoit toujours que c’est son incrédulité qui l’a amené dans ce lieu de tourment.

En hadès, il n’y a en fait ni foi ni repentance ; c’est trop tard pour cela. Au lieu de reconnaître son incrédulité, l’homme riche invente un nouveau « moyen de grâce » pour ses frères. Si Dieu l’appliquait, ses frères se détourneraient de leurs voies. Oui, il résonne dans ses paroles quelque chose comme une accusation contre Dieu qui n’a pas agi dans son propre cas selon la méthode proposée, sinon il ne serait pas aujourd’hui dans ce lieu de tourment.

Indirectement, il fait le reproche à Dieu qu’il savait mieux que Lui comment ses frères sur la terre pourraient être sauvés — discours outrecuidant de quelqu’un qui est déjà lui-même sous le jugement de Dieu !

La réponse d’Abraham nous amène au point culminant de son entretien avec l’homme riche, et par là au point culminant de tout cet épisode :

« Mais Abraham lui dit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent » (16:29).

Avoir Moïse et les prophètes, signifie avoir toute la Parole de Dieu de l’Ancien Testament. Ce privilège avait été accordé au peuple d’Israël, spécialement à ses conducteurs, les pharisiens et les scribes. Mais bien qu’ils tinssent Moïse en grande estime, et que celui-ci avait écrit de Christ, ils ne croyaient pas son témoignage (Jean 5:46). Certes ils construisaient des tombeaux aux prophètes (Luc 11:47), mais ils ne croyaient pas leur témoignage.

L’homme riche, qui paraît être une personnalisation de l’incrédulité d’Israël, s’était ainsi comporté. Lui aussi s’était refusé à « écouter » Moïse et les prophètes, c’est-à-dire à recevoir dans son cœur ce qu’ils disaient. C’est la raison pour laquelle il était maintenant en hadès. Le même sort attendait aujourd’hui le peuple incrédule et ses conducteurs s’ils n’écoutaient pas ce que le Seigneur Jésus leur présentait.

Ces paroles-ci ne sont-elles pas aussi valables aujourd’hui : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent » ? À nous qui vivons au temps de la grâce, nous est confiée toute la Parole de Dieu, l’Ancien et le Nouveau Testament. Et cette Parole est le seul moyen dans la main de Dieu qui puisse amener au salut des hommes pécheurs. « La foi est de ce que l’on entend, et de ce que l’on entend par la Parole de Dieu » (Rom. 10:17).

Ce qu’on avait besoin en ce temps-là et ce qu’on a besoin aujourd’hui, c’est d’écouter cette Parole. Ce terme ne se limite pas à entendre les sons, mais il signifie écouter avec foi, une réception par la foi de ce qui est dit.

C’est justement ce qui avait manqué à l’homme riche. Son égoïsme sans cœur et toute sa vie en étaient la preuve. Et cet homme, déjà en hadès et dans les tourments, osait maintenant contredire Abraham avec un « non » déterminé (cela ressort du mot grec) :

« Mais il dit : Non, père Abraham ; mais (ou : c’est le contraire) si quelqu’un va des morts vers eux, ils se repentiront » (16:30).

En contredisant Abraham, il contredisait aussi Moïse et les prophètes. Mais par là il déclinait la Parole de Dieu comme moyen de salut. Peut-on encore aller plus loin dans cette dureté de cœur ? Il voit Abraham dans le ciel ; il sait que Moïse et les prophètes y sont ; et malgré tout, à toute leur raison d’être, il dit : « non ». Il a l’audace d’avoir une opinion personnelle et de l’exprimer, à savoir que la résurrection d’un mort exercerait un meilleur effet sur ses frères que la Parole de Dieu.

N’est-ce pas aussi la pensée de bien des chrétiens de notre temps ? Ils paraissent plus se confier en des signes et des miracles qu’en la Parole de Dieu. Mais Abraham corrige cette pensée erronée :

« Et il lui dit : s’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seront pas persuadés non plus si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts » (16:31).

Si quelqu’un n’écoute pas la Parole que Dieu a prononcée par Ses serviteurs et ne la prend pas à cœur, alors il ne sera pas non plus convaincu par un miracle aussi puissant que celui d’une résurrection de mort. Il ne sera jamais convaincu de ce que l’homme est réellement ressuscité des morts. Nous pouvons nous représenter de façon vivante ce que des gens d’aujourd’hui penseraient et répondraient en entendant la nouvelle qu’un tel ou un tel est ressuscité des morts. S’ils ne le tenaient pas simplement pour une blague, ils trouveraient mille raisons certaines pour affirmer qu’il n’avait pas été réellement mort, mais que ce n’était peut-être qu’une apparence d’être mort ; que tout cela n’est que symbolique, qu’il faut le comprendre spirituellement, etc…

Au temps où le Seigneur Jésus fit ce tableau du pauvre Lazare et de l’homme riche, il y eut peu après un homme effectivement ressuscité d’entre les morts, un autre Lazare. Quel en fut le résultat ? Bien que les conducteurs spirituels du peuple n’aient pu nier la résurrection, ils « tinrent conseil, afin de faire mourir aussi Lazare, car, à cause de lui, plusieurs des Juifs s’en allaient et croyaient en Jésus » (Jean 12:10-11). Et que se passa-t-il encore peu de jours après, quand Lui-même, le crucifié, ressuscita d’entre les morts ? Cette fois-là aussi, les souverains sacrificateurs possédaient un témoignage crédible, celui de la garde romaine qu’ils avaient eux-mêmes mise en place, et qui leur fit le récit de tout ce qui s’était passé. À nouveau ils tinrent conseil avec les anciens, soudoyèrent les soldats avec de l’argent, et leur commandèrent : « Dites : ses disciples sont venus de nuit, et l’ont dérobé pendant que nous dormions ; et cette parole s’est répandue parmi les Juifs jusqu’à aujourd’hui » (Matt. 28:11-15). — Pouvait-on confirmer de manière plus manifeste les paroles que le Seigneur Jésus mettait dans la bouche d’Abraham ?

11.4.3.3 - Le résultat de tout

Nous arrivons ainsi à la fin de cet épisode si remarquable de ‘l’homme riche et du pauvre Lazare’. Le Seigneur nous accorde un aperçu sur le temps de « l’au-delà ». Dans sa description du monde invisible, Il se sert d’un langage imagé, parabolique, pour que nous puissions bien comprendre ce qui nous est, en soi, inaccessible.

Combien Son enseignement est simple, mais extrêmement sérieux : c’est que l’homme, s’il ne veut pas aller dans le lieu de tourment, doit écouter la Parole de Dieu, pendant cette vie. Après, aucun changement n’est plus possible.

Cette parole, et la foi qui s’y rapporte, est le seul moyen du salut. Dieu Lui-même n’en a pas d’autre plus efficace, sinon Il l’aurait donné.

Si des gens offrent d’autres moyens qui ne font pas appel à la foi en la Parole de Dieu, mais la mettent de côté, ne serait-ce qu’en partie, ils ne sont pas de Dieu, et conduisent immanquablement dans l’égarement, dans l’éloignement éternel de Dieu.

Si quelqu’un, ici-bas, est pauvre ou riche — seule la foi en la Parole de Dieu et en Celui que Dieu a envoyé, lui ouvre le chemin de la vie éternelle.

Mais cela ne devrait-il pas aussi nous marquer d’une sainte gravité — si nous pensons au sort éternel des perdus — pour leur montrer le chemin du salut aussi longtemps qu’il est dit « aujourd’hui » ? (Héb. 3:13).

11.5 - L’esclave qui revient des champs — Luc 17:7-10

Nous trouvons là une courte parabole que le Seigneur a prononcée seulement devant ses disciples, juste avant son dernier voyage vers Jérusalem. Au premier abord, sa relation avec les versets précédents n’est pas évidente, mais elle existe pourtant.

11.5.1 - La foi comme un grain de moutarde

Comme le montrent les premiers versets du chapitre, les apôtres éprouvaient, pour marcher dans le chemin que le Seigneur venait de placer devant eux, qu’ils avaient besoin de plus de foi qu’ils n’en avaient alors — un sentiment que nous connaissons certainement tous. C’est ainsi qu’ils lui ont demandé : « Augmente-nous la foi ! » (v. 5). À cette prière certainement juste, le Seigneur a donné la réponse : « Si vous avez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à ce mûrier : Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait » (v. 6).

Ces paroles du Seigneur sont en effet mal comprises et mal interprétées de plusieurs manières.

C’est ainsi, par exemple, que certains commentateurs estiment que le Seigneur parle ici d’une « foi charismatique » — d’une foi donc par laquelle on peut opérer des guérisons, accomplir des miracles et transporter des montagnes (1 Cor. 12:9, 10, 28 ; 13:2). D’autres comprennent qu’il s’agit d’un sérieux blâme envers la petitesse de la foi des disciples.

Je ne crois pas cependant que ces explications soient satisfaisantes. Car pour les premiers, peut-on vraiment déduire de ce passage que les apôtres priaient à ce moment-là pour avoir plus de foi, afin de pouvoir opérer de plus grands miracles ? Était-ce là le genre de foi nécessaire pour ce dont le Seigneur Jésus avait parlé ? S’ils devaient ne donner lieu à aucun scandale, s’ils devaient prendre garde à eux-mêmes, s’ils devaient montrer de la grâce envers les autres et toujours pardonner à leurs frères, avaient-ils besoin, en plus, d’une « foi charismatique » ?

Quant aux autres, le Seigneur ne blâmait pas la petite foi, mais il fortifiait les disciples dans leur foi, si petite pouvait-elle être, et ainsi il l’augmentait. Ils devaient apprendre, comme nous aussi, à faire intervenir Dieu en toute circonstance — c’est là ce que fait la foi — et ils seraient en mesure d’accomplir des œuvres de foi qui, pour l’entendement humain, semblent impossibles. Dieu répond à la plus faible foi, pour autant qu’elle soit réelle, même si elle est petite « comme un grain de moutarde ». En tous cas, Dieu est souverain, et n’est pas limité dans sa grâce. Et si, dans sa grâce, il répond à une foi encore aussi petite, nous ne pouvons en déduire aucun droit d’aucune sorte pour nous. Nous avons là précisément la pensée à la base de la parabole qui suit, et qui la relie aux versets précédents.

11.5.2 - Un service qui va de soi

« Mais qui est celui d’entre vous, qui, ayant un esclave labourant ou paissant le bétail, quand il revient des champs, dise : Avance-toi de suite et mets-toi à table ? Ne lui dira-t-il pas au contraire : Apprête-moi à souper et ceins-toi, et me sers jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; et après cela, tu mangeras et tu boiras, toi ? Est-il obligé à l’esclave de ce qu’il a fait ce qui avait été commandé ? Je ne le pense pas » (v. 7-9).

Le Seigneur présente la parabole sous forme interrogative, ce qui la rend plus expressive. Il place ainsi les disciples dans une situation qui les oblige à répondre eux-mêmes aux questions posées.

Ils devaient se mettre à la place d’un homme qui a un esclave. Tout le temps et le travail de celui-ci appartiennent au maître. Ainsi, quand l’esclave revient des champs après avoir labouré ou avoir fait paître le bétail, le moment de se reposer n’est encore nullement venu pour lui. Auparavant, il doit encore apprêter le souper de son maître et le servir à table. Le dur travail aux champs et le service à la maison sont-ils considérés comme quelque chose de spécial ou formidable ? Non, ils font partie du travail d’un esclave. Il ne reçoit peut-être pas même de remerciement pour cela. Le maître « est-il obligé à l’esclave de ce qu’il a fait ce qui avait été commandé ? Je ne le pense pas », dit le Seigneur.

En faisant l’application de la parabole aux apôtres et à nous-mêmes, il faut faire attention aux activités de l’esclave dans les champs : labourer et paître. Le Seigneur ne les a certainement pas choisies sans intention. « Vous êtes le labourage de Dieu », écrira plus tard l’apôtre Paul aux Corinthiens, en prenant l’image de la mise en état d’un champ (1 Cor. 3:9). L’apôtre avait planté et Apollos avait arrosé (v. 6), ces deux activités étant précédées du labourage, du brisement et de la préparation de la terre des cœurs — un dur travail en effet ! Est-il aujourd’hui moins difficile et moins important qu’alors ? Accomplissons-le si le Seigneur nous y a appelés ! Et souvenons-nous à ce sujet que seul le soc de la charrue de la parole de Dieu peut opérer le résultat désiré dans les cœurs et les consciences. Toutes les ressources humaines sont sans effet à cet égard.

Le Seigneur parle aussi de paître. Cela nous rappelle le service confié à l’apôtre Pierre (Jean 21:15-17). Paître et veiller sur le troupeau de Christ est d’une valeur inestimable ; mais c’est aussi un service difficile qui ne peut être accompli qu’en regardant au Seigneur et dans la puissance du Saint Esprit.

Ainsi, par ces deux activités de l’esclave, le Seigneur fait allusion à deux services chrétiens fondamentaux : la préparation du cœur pour recevoir la parole de Dieu et les soins à ceux qui lui appartiennent.

11.5.3 - Esclaves inutiles

Le service d’un esclave est donc quelque chose qui va de soi et qui ne nécessite pas même un remerciement. Alors le Seigneur Jésus applique la parabole à ses disciples :

« Ainsi, vous aussi, quand vous aurez fait toutes les choses qui vous ont été commandées, dites : Nous sommes des esclaves inutiles ; ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait » (v. 10).

Considérons d’abord ce que le Seigneur dit à ses disciples, puis nous porterons notre attention sur ce qu’il ne leur dit pas. La clé de cette parabole réside précisément en ce que le Seigneur parle de notre attitude envers lui, et non pas de son attitude envers nous.

Même si notre foi a été beaucoup augmentée, et même si nous avons été par là rendus capables d’accomplir l’œuvre du Seigneur, cela ne nous autorise nullement à revendiquer quelque chose pour nous. Même si nous avons fait tout ce qui nous a été commandé, nous devons garder l’intime conviction que ‘nous sommes des esclaves inutiles’. ‘Inutile’ ne signifie pas ‘dont on peut se passer’. Car la parabole montre que le Seigneur veut utiliser ses esclaves, et non pas qu’il peut faire sans eux. Nous devons nous considérer comme des esclaves inutiles parce que nous n’avons fait que ce que nous étions obligés de faire, et par conséquent nous ne pouvons rien revendiquer auprès du Seigneur. Nous n’avons pas acquis de droit particulier auprès du Seigneur par notre service ; cela est vrai même pour le serviteur le plus estimé et le plus fidèle. La pensée souvent nourrie secrètement dans nos cœurs que le Seigneur nous est redevable en quelque chose à cause de notre service, est dépourvue de tout fondement. Et en outre, l’amour pour le Seigneur ne va-t-il pas dépasser la pure obligation, et ne va-t-il pas faire aussi ce qu’Il n’a pas commandé directement ?

Il est bien clair que le Seigneur ne parle pas ici d’un esclave paresseux — de quelqu’un de négligent et nonchalant dans l’œuvre du Seigneur ; s’il ne fait pas ce qui lui est demandé, il n’est pas alors un esclave inutile, mais un esclave paresseux.

Nous n’avons pas non plus à soulever la question de savoir s’il y a jamais eu un serviteur du Seigneur qui ait « fait toutes les choses » qui lui avaient été commandées, effectivement et sans exception. Il n’y en a pas. Même un serviteur aussi fidèle que l’apôtre Paul était convaincu qu’il n’était pas justifié par le fait qu’il n’avait rien sur la conscience (1 Cor. 4:4). Le Seigneur présente en tous cas un cas qui était parfait à cet égard. Et malgré cela, l’esclave ne reçoit aucun remerciement particulier.

Les raisons pour lesquelles nous avons été placés dans la position d’esclave du Seigneur, et avons par conséquent le devoir de faire tout ce qu’il nous commande, ne nous sont pas présentées dans cette parabole, mais on les trouve ailleurs dans le Nouveau Testament. Par exemple : « Car vous avez été achetés à prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps » (1 Cor. 6:20). « Il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui pour eux est mort et a été ressuscité » (2 Cor. 5:15).

11.5.4 - N’y a-t-il donc aucun salaire ?

Jusqu’ici, nous avons considéré notre côté — ce que nous devons dire : « Ainsi, vous aussi, quand vous aurez fait toutes les choses qui vous ont été commandées, dites : Nous sommes des esclaves inutiles ; ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait ». C’est la manière dont nous avons à parler. Il n’est pas dit que le Seigneur parle de cette manière.

C’est réjouissant de le constater. Car cela laisse place à la pensée que notre Seigneur et Maître est infiniment bon et que justement, il n’agira pas comme l’homme de cette parabole. C’est pourquoi aussi le Seigneur Jésus ne commence pas la parabole en disant : « Un homme avait un esclave… ». Par la question : « Qui est celui d’entre vous, qui, ayant un esclave… », il nous montre plutôt comment nous sommes portés à agir envers ceux qui travaillent pour nous. Cependant LUI agira différemment, chers amis.

D’autres passages de la parole de Dieu le montrent très clairement. Si nous n’avions que cette parabole, nous devrions en conclure que notre travail pour le Seigneur demeure non rémunéré. Nous trouvons ainsi une confirmation de ce que nous avons déjà dit au début de nos explications sur les paraboles : de façon générale, une parabole ne comprend qu’une seule pensée principale, une seule ligne d’enseignement. Nous avons vu quel est l’enseignement ici : notre service est quelque chose qui va de soi, et il nous faut en rester toujours conscients. Nous n’avons aucun droit à faire valoir auprès du Seigneur.

Mais il y a certainement aussi le côté du Seigneur. Et si nous nous en tenons simplement aux paraboles, nous y voyons clairement que le Seigneur récompensera la fidélité dans le service et le travail fait pour lui. C’est ce que nous trouvons dans la parabole des ‘ouvriers loués pour la vigne’, de même que dans les paraboles des ‘talents’ et des ‘mines’ (Matt. 20:1-16 ; 25:14-30 ; Luc 19:11-27). Toutefois, sa récompense sera pure grâce, nous n’avons rien à revendiquer. Il agira ainsi parce qu’il demeure fidèle à lui-même et que sa bonté est infinie. C’est pourquoi, de notre côté, l’amour pour notre Seigneur est le seul vrai mobile pour le service pour Lui — non pas le désir d’être rémunéré.

En comparant les trois paraboles que nous venons de mentionner avec celle qui nous occupe, on arrive à une constatation supplémentaire : il y aura un temps de repos de tout le travail que nous avons fait pour le Seigneur ici-bas sur la terre. Un jour, l’esclave « reviendra des champs ». Alors même qu’il aura encore à faire à la maison — car nous ne serons certainement pas inactifs au ciel, mais nous servirons éternellement le Seigneur (Apoc. 22:3) — le travail aux champs avec toute la peine qui s’y rattache aura cessé pour toujours. Bienheureuse certitude !

Comme si ce bonheur ne suffisait pas, nous pouvons faire encore une autre comparaison. Dans notre parabole, le Seigneur Jésus fait dire au maître de l’esclave : « Ceins-toi, et me sers jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ». Mais que dire, quand nous entendons le Sauveur parler de ces esclaves qui l’ont servi fidèlement et qui l’ont attendu : « Bienheureux sont ces esclaves, que le maître, quand il viendra, trouvera veillant. En vérité, je vous dis qu’il se ceindra et les fera mettre à table, et, s’avançant, il les servira » (Luc 12:37). Quand le travail aux champs sera terminé pour les esclaves et que le Maître sera de retour dans sa maison, alors il montrera son amour et sa condescendance incomparables en se ceignant et en servant ceux qui l’auront servi. Il nous fera jouir de la gloire de la maison de son Père. Quelle grâce qui dépasse ce que nous pouvons comprendre ! Combien cela est digne de Toi, Seigneur Jésus !

11.6 - Le juge inique — Luc 18:1-8

11.6.1 - Trois dernières paraboles

Après la parabole de ‘l’homme travaillant au champ’ de Luc 17, il ne nous reste plus que trois paraboles à considérer dans cet évangile. Ce sont la parabole du ‘juge inique’ (Luc 18:1-8), celle du ‘pharisien et du publicain’ (18:9-14) et celle des ‘mines’ (19:11-27). Immédiatement après la dernière de ces trois paraboles, le Sauveur monta à Jérusalem, et comme Il s’approchait de la ville et la vit, « Il pleura sur elle » selon ce que rapporte cet évangéliste. Nous avons déjà eu l’occasion de considérer les autres paraboles qu’Il a enseignées pendant Son séjour à Jérusalem.

Les trois paraboles mentionnées ci-dessus ont une pensée en commun : il est indiqué dans chacune d’elles le dessein ou la raison pour lesquels le Seigneur Jésus l’a prononcée. La parabole du ‘juge inique’ est introduite par ces mots : « Et il leur dit aussi une parabole, pour montrer qu’ils devaient toujours prier et ne pas se lasser » (18:1). La parabole du ‘pharisien et du publicain’ qui suit immédiatement, commence par : « Et il dit aussi cette parabole à quelques-uns qui se confiaient en eux-mêmes comme s’ils étaient justes, et qui tenaient le reste des hommes pour rien » (18:9). Dans la troisième parabole, un double but est donné : « Et comme ils entendaient ces choses, il ajouta et leur dit une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem, et qu’ils pensaient que le royaume de Dieu allait immédiatement paraître » (19:11). Bien sûr, le Seigneur n’a jamais rien dit sans raison, et dans chacune de Ses paraboles Il poursuivait toujours un but bien déterminé ; cependant la triple répétition de cette pensée dans ces paraboles lui confère un grand poids.

11.6.2 - Double signification de la parabole

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, les paraboles ont très souvent une double signification : l’une spirituelle ou pratique, et l’autre prophétique. Cela est particulièrement et clairement mis en relief dans la parabole du ‘juge inique’. Mais écoutons d’abord ce qu’elle dit :

« Et il leur dit aussi une parabole, pour [montrer] qu’ils devaient toujours prier et ne pas se lasser, disant : Il y avait dans une ville un certain juge qui ne craignait pas Dieu et qui ne respectait pas les hommes ; et dans cette ville-là il y avait une veuve, et elle alla vers lui, disant : Venge-moi de mon adversaire. Et il ne le voulut pas pour un temps. Mais après cela, il dit en lui-même : Quoique je ne craigne pas Dieu et que je ne respecte pas les hommes, néanmoins, parce que cette veuve m’ennuie, je lui ferai justice, de peur que, revenant sans cesse, elle ne me rompe la tête. Et le Seigneur dit : Écoutez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et il use de patience avant d’intervenir pour eux ? Je vous dis que bientôt il leur fera justice. Mais le fils de l’homme quand il viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » (Luc 18:1-8).

La première phrase souligne la signification spirituelle et pratique de la parabole. Le Seigneur la dit à Ses disciples pour qu’ils prient toujours et ne se lassent pas. Par contre, les paroles du Seigneur qui terminent cette parabole ne peuvent être comprises que de manière prophétique.

Comme beaucoup d’autres paraboles, celle-ci a donc à la fois un sens spirituel et un sens prophétique. C’est intentionnellement que le Seigneur relie ensemble ces deux significations, reliant par là le temps de Son absence avec celui de Son retour. Une telle parabole est déjà une preuve de ce que les paraboles du Seigneur contiennent plus qu’un niveau d’enseignement, et qu’elles ne doivent pas seulement être comprises de manière pratique, mais aussi prophétique.

Le côté pratique de la parabole nous a déjà occupé en relation avec la parabole des ‘trois amis’ de Luc 11. Elle ne nécessite guère plus d’explication. Ici, nous ne devons garder présent à l’esprit que ce que nous devons apprendre du contraste : Dieu agit sur la base de motivations entièrement différentes de celles du juge inique. Ce juge n’est pas une image de Dieu. La force de la parabole réside justement dans le contraste entre le juge inique et le Dieu juste. Même quand le juge a finalement cédé aux instances de la veuve, c’est sans crainte de Dieu qu’il agissait (18:4) ; il demeurait un « juge inique » (18:6). Mais par le fait qu’il a finalement quand même fait justice à la veuve, même sans dire ses vrais motifs, le Seigneur veut encourager les Siens à venir à Dieu en tout temps et avec persévérance pour présenter leurs demandes. Même si la réponse peut se faire attendre, et que le mal peut paraître prendre le dessus, Dieu fera justice en son temps à Ses élus, et Il l’exécutera rapidement.

Il y a plusieurs raisons pour se tourner maintenant vers le côté prophétique en détail. L’une est que cette parabole se trouve directement dans un contexte prophétique ; l’autre est que la plupart des détails de cette parabole n’ont de sens que prophétiquement ; enfin et troisièmement, il est extraordinairement important de s’approprier le point de vue prophétique de l’Écriture. Nous devons apprendre à distinguer entre les Juifs, les nations et l’assemblée de Dieu (comparer 1 Cor. 10:32). La Bible devient un livre tout nouveau pour nous quand nous apprenons à connaître les différentes voies de Dieu qu’Il adopte avec les uns ou avec les autres, aujourd’hui et dans le futur. D’un autre côté, il n’est guère de pire entrave à la compréhension des pensées et des voies de Dieu que de ne pas voir les différentes dispensations, ou de les mélanger.

11.6.3 - Le Résidu Juif dans l’avenir

Que notre parabole ait une forte empreinte prophétique, cela apparaît tout de suite clairement quand on la considère en rapport avec ce qui précède. Le Seigneur Jésus avait parlé de Lui comme le Fils de l’homme, et d’autre part des jours du Fils de l’homme. Il devait au préalable souffrir beaucoup et être rejeté du peuple Juif. Mais alors en ce jour-là, « Son jour », Il viendrait à eux de manière visible pour tous, — pour amener les uns en jugement, et pour introduire les autres dans le royaume. Les uns, les impies, seraient « pris » pour le jugement, tandis que les autres, les Juifs croyants, seraient « laissés » pour entrer dans le royaume terrestre de paix de Christ (17:22-35). Le Seigneur ne parle ici ni de la destruction de Jérusalem par les Romains (car il n’y avait pas le choix), ni de l’enlèvement de l’église de Dieu (c’est juste l’inverse qui aurait lieu), mais Il parle de « Son jour », qui serait précédé de la période courte, mais extrêmement dure de la détresse de Jacob. ‘L’aigle’ (les porteurs du jugement de Dieu) atteindrait le ‘corps mort’ (Israël dans l’état de mort) sûrement et rapidement (17:37).

On voit dès lors combien est appropriée l’exhortation adressée au Résidu d’Israël opprimé, mais craignant Dieu, de prier en tout temps et de ne pas se lasser (18:1) ! Le Seigneur souligne cette exhortation, mais aussi cet encouragement, par le moyen de la parabole du ‘juge inique’.

Il y a donc dans la ville une veuve qui a un adversaire. Selon toute apparence, il a porté atteinte à son bien. Or dans la même ville se trouve aussi un juge, auquel la veuve s’adresse pour demander qu’il lui soit fait justice contre son adversaire. Le juge ne se soucie pas des intérêts de la veuve, et ne fait rien pour elle : il est un juge inique. Ce n’est que parce que la veuve le tourmente par ses interventions et requêtes incessantes, que finalement il l’aide à obtenir justice.

11.6.3.1 - La veuve et son adversaire

La veuve est une image d’Israël souffrant sous l’emprise de son adversaire. Autrefois, le peuple était en relation avec l’Éternel en tant que fiancée, épouse (Jér. 2:2) ; l’Éternel avait été son mari (Ésaïe 54:5). Mais suite à son infidélité, elle était devenue vis-à-vis de Lui une veuve (Lam. 1:1). Et maintenant elle crie à Dieu — maintenant même que la nation est encore dans l’incrédulité. Ce fut exactement pareil autrefois quand les fils d’Israël crièrent à l’Éternel de la maison de servitude en Égypte, avant qu’Il se révèle à eux. Il dit donc Lui-même aujourd’hui d’Israël : « Je connais son affliction » (Exode 3:7). Et quand le temps prédéterminé par Dieu sera venu, Il se tournera de nouveau avec miséricorde vers Jérusalem — cette « ville » nommée deux fois dans la parabole. Il sera irrité contre les nations insouciantes et orgueilleuses, avec une grande colère parce qu’elles ont « aidé au mal » (Zach. 1:14-17).

Quand la veuve demande qu’il lui soit fait justice, cela vise au premier chef qu’on lui rende sa propriété. Deux histoires de l’Ancien Testament l’illustrent et le confirment.

Quand la Sunamite revint au pays de ses pères après avoir fui au pays des Philistins, « elle sortit pour crier au roi au sujet de sa maison et de ses champs » (2 Rois 8:3). Le roi lui rendit justice, et lui envoya un fonctionnaire de la cour auquel il dit : « Rends-lui tout ce qui lui appartient, et tout le revenu des champs, depuis le jour où elle a quitté le pays, jusqu’à maintenant » (2 Rois 8:6).

La deuxième histoire a à faire avec une autre veuve qui avait besoin d’aide pour récupérer la propriété et l’héritage de son mari — il s’agit de Ruth.

Cette veuve aussi est une figure du Résidu Juif croyant des jours futurs. Nous apprenons de son histoire comment elle vint finalement à Boaz, le libérateur / rédempteur (celui qui rachète) et comment cet homme puissant, et proche parent de sa belle-mère, entreprit, avec une grâce éclatante, tout ce qui était nécessaire pour relever le nom du défunt sur son héritage (Ruth 4:1-12).

Nous voyons donc comment les élus de Dieu qui crient à Lui nuit et jour, le font selon une triple relation : comme avec leur roi, comme avec leur rédempteur (celui qui rachète) et comme avec leur juge. Leurs cris seront entendus. Mais il y a encore plus à tirer de ces récits.

Disons d’abord que, dans le Nouveau Testament, l’assemblée de Dieu n’est jamais vue comme une ‘veuve’. C’est ‘Babylone’, la chrétienté apostate, qui se vante dans son cœur de ne pas être veuve et qu’elle ne verra pas le deuil (Apoc. 18:7). Mais l’assemblée est l’épouse (céleste), la femme de l’Agneau (Apoc. 19:7 ; 21:2, 9 ; 22:17). Même si elle subit la tribulation dans le monde, elle a quand même la paix dans le Seigneur Jésus (Jean 16:33). Il ne nous a pas laissé orphelins (Jean 14:18), mais il a envoyé l’autre consolateur (ou : agent d’affaires), l’Esprit de vérité qui nous conduit dans toute la vérité (Jean 14:16, 26 ; 15:26 ; 16:7, 13). Être déjà aujourd’hui enfants de Dieu et fils de Dieu, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ (Rom. 8:14-17), est-ce là la part d’une veuve ?

Qui faut-il comprendre sous le terme d’adversaire, — celui à cause duquel la veuve crie continuellement au juge : « venge-moi de mon adversaire » ? Apocalypse 12 nous donne une information sur ce sujet. Nous y apprenons là que « le grand dragon, le serpent ancien, qui a nom diable et Satan, celui qui séduit la terre habitée toute entière » sera précipité du ciel sur la terre. Nous entendons le ciel éclater de joie : « Maintenant est venu le salut et la puissance et le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ, car l’accusateur de nos frères, qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit, a été précipité » (Apoc. 12:10). L’expression ‘nos frères’ n’a pas trait en premier lieu à nous chrétiens, mais aux Juifs croyants du Résidu. Ce sont eux que le diable accuse continuellement devant Dieu. C’est lui, à proprement parler, l’adversaire, celui qui se tient derrière tous les autres ennemis d’Israël et qui les incite contre ce peuple.

11.6.3.2 - Une requête qui n’est pas chrétienne

Pour confirmer que nous n’avons pas l’assemblée dans cette parabole, mais que nous avons à faire avec les Juifs des jours à venir, je reviens encore une fois sur la requête de la veuve. Elle porte un caractère strictement juif. La veuve demande qu’il lui soit fait justice, qu’elle soit vengée de ses ennemis. Le mot grec signifie en effet à la fois « faire justice » et « se venger », « venger ».

Pour nous, rachetés du temps de la grâce, une telle demande serait absolument hors de place. Nous n’avons pas à rechercher nos droits ici-bas (1 Cor. 6:7), et au lieu d’appeler la vengeance sur nos ennemis, nous devons bien plutôt les aimer, prier pour ceux qui nous font du tort ou nous persécutent (Matt. 5:44). Étienne, le premier martyr chrétien, n’en est-il pas le grand exemple pour nous ? Fidèle à l’exemple de son Maître et Sauveur Jésus Christ (Luc 23:34), il priait pour ceux qui le lapidaient : « Seigneur, ne leur impute pas ce péché » (Actes 7:60).

Mais pour les Juifs croyants oppressés par leurs ennemis, l’appel à la rétorsion est tout à fait selon la volonté du Seigneur.

En Apoc. 6 nous entendons les âmes des martyrs Juifs crier à Dieu à haute voix : « Jusques à quand, ô Souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang sur ceux qui habitent sur la terre ? » (Apoc. 6:10). Une telle demande, venant de bouches juives, exprime la pensée de Dieu pour ce peuple. C’est pourquoi Il satisfera cette demande, et Il viendra en aide au Résidu. Car le peuple d’Israël ne trouvera salut et repos, et ne parviendra à la bénédiction terrestre du royaume, que par le jugement de ses ennemis. Ce n’est aussi que de cette manière que la gloire du Seigneur pourra être obtenue sur cette terre. En harmonie avec cela, nous trouvons à de multiples reprises dans les psaumes la parole prophétique du Résidu — le « jusques à quand ? » poignant d’un peuple souffrant (Ps. 90:13 ; 94:1-3 ; 119:84). Il désirera la venue du Seigneur comme juge de la terre.

Pour nous chrétiens, il en est tout autrement. Nos bénédictions se situent dans le ciel, et notre salut n’arrive pas par le Seigneur chassant nos ennemis, mais par le fait qu’Il nous éloignera complètement de cette scène terrestre, et qu’Il nous prendra auprès de Lui dans la gloire. Par quoi le Seigneur va-t-Il donc nous « garder de l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée toute entière, pour éprouver ceux qui habitent sur la terre » ? Par le fait qu’Il nous prendra et nous sortira absolument de cette ‘heure’ ou époque ! Bienheureuse certitude !

« Je viens bientôt » — C’est de cette manière, c’est-à-dire par Sa venue pour nous, par l’enlèvement, que nous ferons l’expérience du salut final et complet (Rom. 13:11 ; 1 Thes .4:15-18 ; Apoc. 3:10, 11). C’est aussi pour cela que nous ne demandons pas la vengeance de Dieu sur nos ennemis, mais que nous supplions « Amen, viens Seigneur Jésus ! »

11.6.4 - Quand le Fils de l’homme viendra

Rappelons-nous encore une fois les paroles dont le Seigneur se sert à la fin de la parabole, ainsi que Son explication et l’application qu’Il en fait aux élus.

« Et le Seigneur dit : Écoutez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et il use de patience [avant d’intervenir] pour eux ? Je vous dis que bientôt il leur fera justice. Mais le fils de l’homme quand il viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » (Luc 18:6-8)

À plusieurs reprises nous avons déjà vu ceci, que quand le Seigneur Jésus explique ou applique une parabole, Il ne parle pas nécessairement exactement des mêmes personnes que dans la parabole elle-même. La parabole et son explication ne coïncident pas toujours exactement. C’est le cas ici. Dans la parabole Il parle de la ‘veuve’ et dans l’explication de ‘Ses élus’. La veuve représente Israël, et ‘Ses élus’ représentent le Résidu d’Israël qui a la crainte de Dieu — ces ‘frères’ que le diable accuse continuellement devant Dieu. Dans la parabole, la veuve vient avec ses requêtes incessantes auprès du juge qui se révèle être un juge inique. Dans l’explication ce sont les élus de Dieu qui crient à Dieu nuit et jour.

Le prophète Ésaïe parlait déjà de façon si saisissante de ces cris des élus de Dieu : « Sur tes murailles, Jérusalem, j’ai établi des gardiens ; ils ne se tairont jamais, de tout le jour et de toute la nuit. Vous qui faites se ressouvenir l’Éternel, ne gardez pas le silence, et ne lui laissez pas de repos, jusqu’à ce qu’il établisse Jérusalem, et qu’il en fasse un sujet de louange sur la terre » (Ésaïe 62:7).

Oui, Dieu fera justice à Ses élus qui crient nuit et jour, même si le temps pour y arriver paraît bien long à ceux qui sont dans la détresse. Pour le Seigneur, mille ans ne sont que comme un jour (2 Pierre 3:8). Mais quand le moment d’intervenir sera venu pour Dieu, Il agira rapidement. Il nous a déjà été dit quelque chose de la rapidité et de la précision d’action de ‘l’aigle’.

À la fin, le Seigneur pose encore une question qui doit nous faire réfléchir : « Le fils de l’homme quand il viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? ». Il ne répond pas Lui-même à cette question, mais la laisse à Ses auditeurs. Or la forme de la question laisse attendre un « non » comme réponse.

J’ai déjà fait la remarque au commencement que cette phrase ne peut être comprise qu’au sens prophétique, c’est-à-dire que nous devons la prendre en rapport avec Israël. Quand le Seigneur Jésus reviendra pour enlever les croyants de la grâce, ce sera alors avec le caractère d’époux, car « l’Esprit et l’épouse disent : viens ! » (Apoc. 22:17). Mais sa venue future comme Fils de l’homme a à faire avec Israël et avec le jugement sur toutes les injustices. Comme nous l’avons vu, c’est selon cette dernière manière de venir que le Résidu croyant d’Israël L’attendra.

Il est pourtant étrange que, quand Il viendra, le Seigneur aura pour ainsi dire de la peine à trouver de la foi sur la terre. D’un côté cela peut signifier qu’en ces jours-là, la foi sera rare — aussi rare qu’aux jours de Noé et de Lot (Luc 17:26 et suiv.). Comme dans ce temps-là, on mangera et on boira, on se mariera et on sera donné en mariage, on achètera et on vendra, on plantera et on bâtira. Mais avec tout cela, le jugement de Dieu sur le point de s’abattre sur eux subitement, est suspendu sur eux comme par un fil de soie, et la masse des gens ne s’en rendra pas compte, pas plus qu’aujourd’hui. Peu nombreux sont toujours ceux qui en savent quelque chose — ce sont les élus — et qui conduisent leur vie en conséquence.

Mais d’un autre côté, même la foi des élus dans ces jours difficiles sera bien faible. N’avons-pas aussi vécu cela nous-mêmes, — nous avons crié à Dieu dans la détresse, et nous ne comptions même pas sur une intervention si opportune de Sa part ? On peut faire appel à Dieu dans l’amertume de l’âme, et pourtant manquer de la confiance vraie et calme qui résulte de la communion avec Lui. Cette question interpellante du Seigneur est donc aussi importante pour nous.

Finalement nous pouvons encore remarquer que la parabole du ‘juge inique’ remplit encore deux fonctions. D’un côté c’est une prolongation de ce que le Seigneur avait dit auparavant (Luc 17:22-36). D’un autre côté, cette parabole sert d’introduction et de transition pour la parabole suivante du ‘pharisien et du publicain’ (18:9-14). Dans les deux paraboles l’objet de la prière est le même. La prière persévérante sera la ressource du Résidu juif souffrant des jours qui viennent, et c’est aussi déjà la ressource des croyants aujourd’hui, — et de fait c’est la ressource des croyants de tous les temps.

11.7 - Le pharisien et le publicain — Luc 18:9-14

La parabole du pharisien et du publicain suit immédiatement celle du juge inique. Toutes deux touchent le sujet de la prière. La première (celle du juge inique) nous dit quand nous devons prier, la seconde, comment nous devons prier. La première met l’accent sur la persévérance dans la prière, la seconde sur l’humilité nécessaire.

Ces deux paraboles se différencient par une caractéristique : Tandis que la parabole du ‘juge inique’ met fortement le point de vue prophétique au premier plan, dans la parabole du ‘pharisien et du publicain’, le Seigneur n’offre pas une image des voies de Dieu envers les Juifs et envers les nations, mais Il dépeint des comportements moraux, et Il montre ce que Dieu apprécie chez ceux qui s’approchent de Lui ; autrement dit, nous apprenons les caractères moraux qui conviennent au royaume de Dieu, et ceux qui ne lui conviennent pas — qu’il s’agisse du royaume de Dieu dans le temps présent ou plus tard.

La propre justice déplaît à Dieu ; par contre Il trouve son plaisir dans un esprit brisé. Cette parabole n’enseigne pas la manière dont l’homme est justifié devant Dieu. La doctrine de la justification par la foi ou de l’expiation des péchés ne saurait se trouver dans de tels passages, au début du Nouveau Testament.

11.7.1 - La propre justice

Luc introduit la parabole du Seigneur de la manière suivante :

« Et il dit aussi cette parabole à quelques-uns qui se confiaient en eux-mêmes comme s’ils étaient justes, et qui tenaient le reste des hommes pour rien… » (Luc 18:9).

Le Seigneur parle comme Celui qui connaît toutes choses. Il lit dans les cœurs des hommes et sait ce qu’ils pensent d’eux-mêmes et des autres. Lui choisit Ses expressions en conséquence.

Il y avait et il y a des gens qui se confient en eux-mêmes et qui s’estiment justes. Un des résultats de la propre justice, c’est le mépris des autres. Selon leur estimation orgueilleuse d’eux-mêmes, ils ont atteint un certain niveau devant Dieu et devant les hommes, et cela les amène nécessairement à avoir les autres en petite estime.

Ces quelques mots d’introduction à la parabole visent-ils les pharisiens d’autrefois ? Certainement oui, mais non pas eux seulement. La description qui suit s’applique tout à fait à eux, même si Luc ne les nomme pas directement. Cela laisse place pour tous ceux qui sont animés du même esprit qu’eux. La parabole vise donc nettement ceux-là aussi. L’esprit pharisaïque manifeste en effet un sectarisme de la pire espèce. Il s’est maintenu jusqu’à nos jours, comme il est facile de le constater, si seulement nous nous connaissons nous-mêmes tant soit peu. J’ai souvent pensé : « ne se cache-t-il pas en chacun de nous un petit ‘pharisien’ ? » Il faut donc nous appliquer la parabole aussi à nous-mêmes.

« Deux hommes montèrent au temple pour prier, l’un pharisien, et l’autre publicain » (Luc 18:10).

La scène se passe au temple à Jérusalem. À l’heure habituelle de la prière, deux hommes y montent pour prier. Les deux sont Juifs et ont ainsi les mêmes privilèges. Mais il y a un contraste visible entre eux, et au point de vue juif, il n’en est guère de plus grand. L’un est pharisien, l’autre publicain. Les pharisiens sont décrits au chapitre 5 de Luc, à partir du verset 17, et les publicains au chapitre 3, versets 12 et 13. Les premiers sont au sommet de la dévotion ; les seconds en sont aussi éloignés que possible, ce sont des pécheurs bannis de la société juive.

Il est facile de saisir les contours du tableau dressé ici par le Seigneur Jésus. L’homme religieux et le pécheur avéré sont là devant nous. Tous deux reconnaissent le Dieu d’Israël, tous deux ont une requête à Lui présenter. Car pourquoi aller au temple sinon pour y prier ? Mais leurs cœurs sont dans des états aussi différents que possible, comme on va le voir. Celui qui lit dans les cœurs, celui qui voit ce qu’il y a derrière la façade extérieure — Celui-là sait ce qui se passe au-dedans de l’un et de l’autre. Il ne se laisse pas tromper par l’apparence extérieure. À l’inverse, combien nous sommes facilement éblouis par des gens du type ‘pharisien’, alors que nous n’attendons fondamentalement rien de bon de ceux du type ‘publicain’ ? Mais le classement à la fin de la parabole est exactement inversé.

« Le pharisien, se tenant à l’écart, priait en lui-même en ces termes : Ô Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes qui sont ravisseurs, injustes, adultères ; ou même comme ce publicain. Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède » (Luc 18:11, 12).

Le pharisien « se tient à l’écart », il adopte une position particulière correspondant à sa dignité. Cette expression est absente pour le publicain. Celui-ci ‘se tenait loin’ — ‘se tenait’ est un terme en contraste avec ‘être assis’. Le pharisien commence alors à prier. Le texte grec à l’imparfait signifie ici : il commence et continue à prier, ce qui donne à entendre qu’il a utilisé dans sa prière beaucoup plus de paroles que celles qui sont rapportées — paroles tirées peut-être des psaumes et des prophètes, ainsi que les pharisiens en avaient coutume ; car ils aimaient les longues prières. Ce qui est dit ici, c’est la substance de sa prière. Son état intérieur est manifesté par les quelques paroles que la parabole place dans sa bouche.

L’expression « priait en lui-même » ne désigne pas une prière silencieuse, inaudible. Le terme grec peut tout à fait signifier « pour lui-même », « en vue de lui-même ». Il me semble que c’est le sens ici. Il voulait que ceux qui pouvaient l’entendre soient émerveillés de sa dévotion ; C’est pourquoi il priait « pour lui-même ».

En quoi consistait cette prière, si tant est qu’on puisse l’appeler une prière ? Ce n’était pas la présentation d’un besoin, ni une demande, soit pour lui-même soit pour d’autres ; mais c’était une expression de remerciement. « Je te rends grâces », dit-il, mais ce n’est que pour la forme. Il n’y a pas un mot pour dire ce que Dieu a fait pour lui, pas un mot non plus sur la grâce de Dieu. Mais attention : Il ne met pas Dieu de côté puisqu’il Le remercie ; mais il ne remercie pas Dieu de ce que Dieu est, mais de ce qu’il est lui-même — à ses propres yeux. Il se compare au « reste des hommes » qu’il range en trois groupes : « ravisseurs, injustes, adultères », et auxquels il ajoute « ce publicain ». Ils étaient tous des pécheurs. Mais non pas lui.

Dieu n’avait-il pas de quoi être satisfait de lui, car il faisait même plus que ce que la loi demandait ? Il jeûnait deux fois par semaine, alors que la loi n’avait prescrit qu’un jour de jeûne dans l’année, le grand jour des propitiations, où l’on affligeait son âme (Lév. 16:29 et suiv. ; 23:27 et suiv.). Il donnait aussi la dîme de tout ce qu’il possédait. La force de l’expression est même ‘tout de quoi que ce soit’. Il ne faisait pas les exclusions habituelles, mais il incluait tout ce que le Seigneur avait mentionné à une précédente occasion : « la menthe et la rue et toute sorte d’herbe » (Luc 11:42). N’était-il pas un homme exemplaire ?

Le Seigneur Jésus n’en dit pas plus sur sa « prière ». Ce qui était dit suffisait pour montrer la vérité de ce qu’Il avait dû reprocher précédemment aux pharisiens : ils se justifiaient eux-mêmes — ils se présentaient eux-mêmes comme justes — devant les hommes (Luc 16:15). En vérité, cet homme, si religieux qu’il ait été, ne se tenait pas devant Dieu, mais devant les hommes. Pas un mot d’une vraie prière ne sort de sa bouche. Ses paroles ne sont que des félicitations adressées à lui-même. Il ne demande rien et ne reçoit rien. Extérieurement, il adresse bien la parole à Dieu, mais il ne Lui parle pas vraiment. De telles prières ne dépassent pas le plafond.

N’en va-t-il pas de même aujourd’hui pour beaucoup de prières ? Oui, et il y a tout lieu de craindre que bien des gens religieux de la chrétienté n’aient la même attitude de propre justice que celle du pharisien, et soient perdus pour l’éternité. Quand on ne justifie pas Dieu, mais qu’on se justifie soi-même et ses propres actions, quand on n’a rien à Lui dire sur ses propres péchés, où le chemin peut-il se terminer sinon dans l’éloignement éternel de Dieu ?

11.7.2 - « Loin »

« Et le publicain, se tenant loin, ne voulait même pas lever les yeux vers le ciel, mais se frappait la poitrine, disant : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur ! » (v. 13).

La prière du publicain fait le plus grand contraste avec celle du pharisien. Il se tient dans le temple, selon l’habitude, mais non pas ‘à l’écart’, ne prenant pas une position particulière. Le Seigneur ajoute qu’il se tenait « loin ». Il n’osait manifestement pas s’approcher, mais restait aussi éloigné que possible du sanctuaire.

Dans certains livres de l’Écriture Sainte, il est remarquable de voir la répétition de certains mots, comme si l’écrivain avait une préférence pour eux. Naturellement tout est donné par l’Esprit Saint, mais la circonstance est quand même remarquable. Pierre, par exemple, aime le mot ‘précieux’, tandis que l’écrivain de l’épître aux Hébreux aime le terme ‘meilleur’. Dans l’évangile de Luc, nous rencontrons souvent la pensée de l’éloignement, exprimée par les mots ‘loin’ ou ‘près’.

C’est au ch. 11 qu’on trouve une première mention de cela, avec la reine de Shéba, venue « des bouts de la terre » pour entendre la sagesse de Salomon (Luc 11:31). Dans l’Ancien Testament c’est le terme ‘pays lointain’ qui est utilisé (1 Rois 8:41 ; 10:1). Dans la parabole des ‘deux rois’, le roi en position d’infériorité envoie ‘pendant qu’il est encore loin’ une ambassade pour s’informer des conditions de paix (Luc 14:32). Tous les publicains et les pécheurs ‘s’approchaient de Lui’ (Luc 15:1). Le fils prodigue partit volontairement dans un ‘pays éloigné’ où il vécut dans la débauche (Luc 15:13) ; son père le vit ‘lorsqu’il était encore loin’ et courut à sa rencontre (Luc 15:20). Quand l’homme riche leva ses yeux en Hadès, il vit Abraham ‘de loin’, et Lazare dans son sein (Luc 16:23). Les dix hommes lépreux s’arrêtèrent ‘de loin’ à cause de leur lèpre (Luc 17:12). Ici le publicain se tenait ‘loin’ à cause de ses péchés (Luc 18:13). Dans la parabole des ‘dix mines’, l’homme noble s’en va dans un ‘pays éloigné’ pour recevoir un royaume et revenir (Luc 19:12). Dans la parabole des ‘vignerons’, le propriétaire alla pour longtemps ‘hors du pays’ (Luc 20:9). Pierre suivit son Maître prisonnier ‘de loin’ (Luc 22:54), et quand le Sauveur fut crucifié, tous les Siens se tenaient ‘loin’ (Luc 23:49 ; comp. Ps. 38:11 ; 88 :8, 18). À la fin de l’évangile, nous entendons encore ces belles paroles : « Et il arriva, comme ils s’entretenaient et raisonnaient ensemble, que Jésus lui-même, s’étant approché, se mit à marcher avec eux. » (Luc 24:15).

Tous les ‘loin’ et les ‘près’ de ces passages ont leur propre histoire, touchante, sur lesquelles il vaut la peine de méditer.

11.7.3 - Une prière qui parvient à Dieu

Le publicain ne se tenait pas seulement loin, mais il ne voulait même pas lever les yeux vers le ciel devant le temple, tant il avait honte devant Dieu. En signe de contrition et de tristesse, il se frappait la poitrine. Et il laissait s’exhaler sa prière, une prière concise : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur ! »

Si courte qu’elle soit, cette prière mentionne cependant l’essentiel — qu’on cherche en vain dans la prière du pharisien : le péché et la grâce de Dieu. Le publicain commence sa prière de la même manière que le pharisien, en s’adressant à Dieu : « Ô Dieu ! », mais ici c’est un cœur étreint qui s’adresse réellement au Dieu vivant.

Cet homme se considère comme «  le pécheur » (voir la note dans la version JND). Notons cet article « le » devant le mot ‘pécheur’. Il signifie quelque chose comme ‘le pécheur connu’, ‘le pécheur de notoriété publique’. Le pharisien tenait les autres pour des pécheurs. Le publicain ne considère que lui-même comme pécheur, il ne pense pas aux autres. C’est là un signe d’une réelle humiliation devant Dieu. On ne trouve aucune consolation dans le fait qu’il existe beaucoup d’autres gens pécheurs, parmi lesquels plusieurs ont peut-être fait pire. On ne voit que soi-même devant Dieu ; on se voit comme « le pécheur », dans l’incapacité de rendre compte devant Lui ne serait-ce que d’un seul de ses péchés. Une tristesse sincère quant à soi-même se traduira toujours par une confession loyale devant Dieu. C'est pourquoi il est parlé plus loin, dans le Nouveau Testament, de ‘repentance envers Dieu’ (Actes 20:21).

Le publicain sait qu’il n’a rien mérité d’autre que le jugement. C’est pourquoi il se réfugie dans la grâce de Dieu : « Sois apaisé envers moi ! ». Le terme grec pour ‘apaisé’ se retrouve en Héb. 2:17 où il est traduit par ‘faire propitiation’. Nous ne devons pas en déduire que le publicain faisait référence au propitiatoire du tabernacle ou au grand jour des propitiations, car un tel langage serait évidemment étranger à la bouche d’un publicain. Il ne pouvait encore rien savoir de l’œuvre expiatoire de Christ à la croix ni de Christ comme ‘propitiatoire’ (Rom. 3:25), car tout cela était encore à venir. Mais ce pour quoi il supplie et implore, c’est que Dieu soit apaisé envers lui et qu’il veuille lui pardonner. La grâce de Dieu était apparue dans le Seigneur Jésus, apportant le salut à tous les hommes (Tite 2:11). Pour nous qui vivons après l’œuvre de Christ à la croix, il est facile de saisir cela par la foi. Mais nous ne devons pas attendre des personnes qui vivaient avant la croix la connaissance de ce qui n’a été révélé que plus tard.

11.7.4 - La sentence du juge

« Je vous dis que celui-ci descendit en sa maison justifié plutôt que l’autre ; car quiconque s’élève, sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé » (v. 14).

Avec les mots « Je vous dis », nous percevons la voix de l’autorité, la voix du Juge qui prononce maintenant la sentence : le publicain est descendu en sa maison justifié plutôt que le pharisien [ou : de préférence au pharisien].

Il est ici évident que le Seigneur ne parle pas encore ici d’une justification judiciaire devant Dieu, comme l’apôtre Paul pourra le faire plus tard ; car l’évangile de la grâce de Dieu n’était pas encore connu. C’est seulement après la mort et la résurrection du Seigneur Jésus que la précieuse vérité nous a été annoncée qu’il « a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification » et que la justification est « sur le principe de la foi » (Rom. 4:24 à 5:1).

Cependant la question est soulevée ici de savoir lequel est juste, lequel a l’attitude correcte. Le pharisien pensait que c’était lui et il condamnait le publicain. Mais la sentence divine — la seule déterminante — est que le publicain a été « justifié plutôt que l’autre » ; c’est lui qui était juste dans ce qu’il disait et faisait.

Pour confirmer que c’est bien là la signification de ce passage, soulignons que la justification par la foi, telle que Paul l’enseigne, ne connaît pas des degrés différents. Sous ce rapport, personne n’est justifié plus qu’un autre. Ou bien on est justifié par la foi, ou bien on ne l’est pas. Comme j’ai déjà dit au début : nous ne devons pas chercher la doctrine de la justification par la foi ou de la propitiation en rapport avec notre culpabilité dans de tels passages, tout au commencement du Nouveau Testament.

Finalement, le Seigneur attire encore l’attention sur un principe général : « Quiconque s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé ». C’est l’art et la manière dont Dieu agit envers nous en fonction de notre comportement. Le pharisien s’était élevé mais le Seigneur le met à la dernière place. Le publicain s’était abaissé et le Seigneur le met à la première place.

Le Seigneur Jésus avait enseigné le même principe à ceux qui avaient été conviés dans la maison d’un des principaux des pharisiens (Luc 14:7-11). Il avait observé comment les invités choisissaient les premières places — selon l’importance qu’ils s’attribuaient. Il leur avait fait remarquer qu’il est plus honorable de s’asseoir à la dernière place et d’entendre de la part du maître de la maison l’invitation : « Ami, monte plus haut », que de devoir faire place à un plus honorable que soi et d’être contraint de reculer à la dernière place. Et il avait ajouté aussi : « Car quiconque s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé » (Luc 14:11).

Au sens absolu, un pécheur ne peut évidemment pas s’abaisser. Il occupe déjà la place la plus basse. Mais il peut prendre cette place consciemment, et c’est cela que le Seigneur met en évidence par l’exemple du publicain.

Les enfants de Dieu peuvent et doivent s’abaisser eux-mêmes. C’est là l’enseignement que nous devons retirer de la parabole. Nous en trouvons le parfait exemple dans l’abaissement du Seigneur Jésus, Lui qui, étant en forme de Dieu, s’est anéanti lui-même et s’est abaissé Lui-même. Quelle a été la réponse de Dieu à cette attitude ? Dieu L’a haut élevé et Lui a donné un nom au-dessus de tout nom (Phil. 2:6-9).

Nous sommes exhortés à agir selon Son exemple : « Qu’il y ait donc en vous cette pensée… » (Phil. 2:5). Il est de la plus grande importance, pour notre vie pratique, de tirer pour nous-mêmes les justes conclusions de la parabole du pharisien et du publicain. C’est ce qui me paraît être le plus important : Ne nous justifions jamais nous-mêmes. Laissons à Dieu le soin de nous « élever » — s’Il le juge bon — en nous abaissant nous-mêmes ! C’est de loin le meilleur chemin, celui que notre Sauveur a suivi.

12 - Les mines — Luc 19:11-27

La parabole des mines de Luc 19 est distincte de la parabole des talents de Matt. 25, comme on l’a déjà remarqué, même si elles se ressemblent beaucoup. Non seulement le Seigneur les a données à des moments différents et en des lieux différents (Jéricho, montagne des oliviers), mais elles diffèrent aussi quant à leur contenu.

Le Seigneur Jésus a prononcé cette parabole des « mines » avec l’intention précise de corriger l’espérance prématurée des disciples. Le fait d’être près de Jérusalem les renforçait dans l’idée que le royaume de Dieu allait bientôt paraître. Or si le Seigneur était près de Jérusalem, c’était qu’Il était près de la croix, et non pas près du règne de 1000 ans.

12.1 - L’absence du Seigneur

« Et comme ils entendaient ces choses, il ajouta et [leur] dit une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem, et qu’ils pensaient que le royaume de Dieu allait immédiatement paraître. Il dit donc : Un homme noble s’en alla dans un pays éloigné, pour recevoir un royaume et revenir » (Luc 19:11-12).

Au début de cette parabole, le Seigneur Jésus dépeint un tableau qui Le représente, comme Il le fait à plusieurs reprises. Il se décrit comme un homme noble, et effectivement Il était fils de David, de lignée royale par Joseph selon la loi (Matt. 1:16), sans même parler de ce qu’Il était Fils de Dieu par Son origine. La dignité de Sa Personne donne à la parabole son caractère spécial.

Il s’agit donc d’un homme noble parti dans un pays lointain pour y recevoir un royaume et revenir. Ce voyage dans un pays lointain est sans aucun doute une allusion à la résurrection et à l’ascension de Christ. Bien que ces deux grands événements ne soient jamais positivement nommés dans les paraboles, ils figurent néanmoins dans beaucoup d’entre elles, et en sont même à la base, sous des expressions variées, qui parlent de quitter sa maison, ou de s’en aller, ou comme ici, d’entreprendre un voyage dans un pays lointain. En Luc 10, il est dit du bon samaritain qu’il « allait son chemin » — une allusion à ce que Christ est devenu Homme. Ce « chemin » allant du ciel vers la terre s’accorde avec ce qu’Il exprime en Héb. 10:9 : « Voici je viens, pour faire ta volonté ». Mais dans notre parabole, le sens du voyage est inversé. Le Seigneur quitte la terre et va au ciel, ce qui s’accorde avec Sa parole de Jean 17:11 : « Je viens à toi ».

Beaucoup de paraboles, comme celle des mines, décrivent l’état de choses en l’absence du Seigneur — des événements qui auront lieu avant l’établissement du règne sur la terre. L’intervalle de temps entre le rejet du Roi et l’établissement final du règne de paix jusqu’alors différé, est de la plus grande importance pour nous. Sept paraboles parlent de ce temps intermédiaire, chaque fois sous un point de vue différent :

Il n’y a pas d’incertitude sur le fait que l’homme noble aura un royaume, mais seulement sur le moment de sa réapparition. Il est allé au ciel pour y recevoir en propre un royaume de la part de Dieu. Il ne le reçoit pas de la part des hommes ni dans ce monde. Ayant trouvé une croix ici-bas, il est dans les pensées de Dieu qu’Il soit premièrement honoré au ciel avant de recevoir aussi sur la terre l’honneur qui Lui revient. « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père » (Luc 1:32). Tout ceci est en accord avec la prophétie de Daniel 7 où nous voyons quelqu’un « comme un fils d’homme » venir vers l’Ancien des jours. « Et on lui donna la domination, et l’honneur, et la royauté » (Daniel 7:13-14).

Cette introduction établit ainsi clairement trois points :

Venons-en maintenant à ce qui se passe durant le temps intermédiaire entre Son départ au ciel et Son retour sur la terre.

12.2 - La mission confiée par l’homme noble à ses esclaves

Deux groupes de personnes sont identifiés, d’abord les esclaves du maître, ensuite les citoyens du pays. Le Seigneur ne consacre qu’une phrase à chacun de ces groupes, mais le peu qu’Il en dit est extrêmement important.


« Et ayant appelé dix de ses propres esclaves, il leur donna dix mines, et leur dit : Trafiquez jusqu’à ce que je vienne » (Luc 19:13).

« Dix esclaves », « dix mines ». Ce n’est pas seulement le contexte, mais aussi le nombre dix qui parle de responsabilité (« dix vierges », « dix commandements »). C’est ici la pensée principale : la responsabilité des esclaves vis-à-vis de leur maître. Chacun des esclaves reçoit une mine de la part du maître, avec la mission de « trafiquer jusqu’à ce qu’il vienne ». Dans la parabole des talents de Matt. 25 la pensée dominante est celle de la souveraineté de Dieu ; et le maître donne alors quelque chose de différent à chaque esclave, mais la même récompense. Ici le maître donne pareil à tous, mais récompense différemment. Le point de départ est le même pour tous les esclaves, et la récompense se détermine selon la mesure avec laquelle chacun a fait face à sa responsabilité.

Le Seigneur attache manifestement à la « mine » une pensée différente de celle du « talent ». Les « talents » sont les dons spirituels que le Seigneur a conférés à Ses serviteurs selon leur capacité. Mais ici chaque esclave reçoit la même chose : une mine. On a considéré la « mine » comme une image de la Parole de Dieu. Dans ce sens, chaque croyant a reçu tout autant, et il doit trafiquer avec cette Parole de Dieu comme instrument de Sa grâce. Cette pensée a quelque poids. Mais il me semble encore mieux de voir dans la « mine » la révélation ou la connaissance de Dieu en Christ — une connaissance qui, il est vrai, découle pour nous de la Parole de Dieu. Cette révélation de Dieu en Christ est en fait un « capital » inestimable confié au même degré à chaque disciple du Seigneur. Sommes-nous bien conscients de la valeur de ce « capital » aux yeux du Seigneur ? En tout cas Il nous a remis quelque chose entre les mains, ce qui n’avait encore jamais eu lieu dans ce monde dans des temps précédents. N’y a-t-il pas là pour nous un puissant stimulant à remplir la mission du Seigneur, en nous y consacrant pleinement ?

« Trafiquez jusqu’à ce que je vienne ». Il n’est pas question de dons de grâce spirituels. Non, Dieu s’est pleinement révélé en Jésus Christ, Son Fils, et Il veut que cette révélation de Sa grâce dans le monde gagne toujours plus en extension. Quand le Sauveur était ici-bas, Il a fait connaître Dieu, Lui le Fils unique (Jean 1:18). C’était une nouveauté absolue. Maintenant que le Fils séjourne au ciel, Dieu veut utiliser Ses esclaves dans le même but. Il s’est fait connaître à eux, et ils connaissent Ses pensées. Dès lors ils doivent trafiquer avec la « mine » dans le sens de la faire se multiplier.

C’est aussi le but propre, la grande tâche de notre vie. Nous ne devons pas seulement garder pour nous la révélation de la grâce de Dieu qui nous a été confiée, ni même simplement la garder correctement, si bon que cela soit. Que Dieu fasse que ce qui est de Lui se multiplie, chez nous et chez les autres. C’est une tâche merveilleuse que nous pouvons tous remplir de plusieurs manières. Une mère, par exemple, qui parle du Seigneur Jésus à son enfant, fait exactement ce dont il est question dans la parabole : elle trafique avec sa « mine ». À l’« école maternelle » ou à la « grande école », l’enfant n’a rien d’aussi précieux à apprendre. La mère a une « mine » ; tu en as une, j’en ai une. Qu’en faisons-nous ? N’est-ce pas quelque chose de grand que d’aider un autre à comprendre quelque chose de plus au sujet de Christ ?

« Jusqu’à ce que je vienne ». L’expression en grec est différente de celle de 1 Cor. 11:26, et elle signifie ici « pendant que je viens ». Tout le temps de l’absence de l’homme noble est considéré comme une seule époque pendant laquelle il vient, parce qu’il est attendu à chaque instant. Nous faisons notre travail dans la conscience heureuse qu’il puisse prendre fin à chaque instant par la venue de notre Seigneur.

12.3 - « Ses concitoyens »

La scène de la parabole s’élargit maintenant pour englober « ses concitoyens ».

« Or ses concitoyens le haïssaient ; et ils envoyèrent après lui une ambassade, disant : Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » (Luc 19:14).

« Ses esclaves », « ses concitoyens ». Cette juxtaposition peut étonner. Les uns doivent servir leur Maître, les autres le haïssent, et malgré tout, il est dit de chacun d’eux qu’ils sont siens. Le texte grec requiert ici une explication pour une petite difficulté. Avec l’expression « ses esclaves » du v. 13, il y a une construction réfléchie signifiant « ses propres esclaves » ; au v. 14 il n’y a pas cette construction : « ses concitoyens ». Le v. 13 décrit donc une attitude plus intérieure que le v. 14. En outre, nous ne devons pas oublier que l’homme noble était supposé avoir un royaume. « Ses concitoyens » sont donc les Juifs, qui sont nettement distingués des disciples du Seigneur.

Or ces « concitoyens » haïssaient l’homme noble, et même « continuaient à le haïr » comme l’exprime la forme à l’imparfait. C’est en crucifiant leur Messie que les Juifs ont montré clairement à quel point ils haïssaient le Seigneur Jésus. Aucune raison n’en est donnée, car il n’y en avait point : « Ils m’ont haï sans cause » (Jean 15:25). Bien que comme homme Il fût de leur peuple et de la lignée royale, ils haïssaient Jésus. Bien que selon Sa nature, Il fût Dieu, et qu’Il fût par là le plus noble et le plus élevé de tous ceux qui demeuraient parmi eux, ils Le haïssaient.

Mais ils firent plus. Ils envoyèrent une ambassade après Lui pour dire : « nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». Ceci s’est passé quand ils rejetèrent le témoignage qu’Étienne rendit au Seigneur glorifié, et qu’ils lapidèrent le fidèle témoin de Dieu (Actes 7). Ils envoyèrent pour ainsi dire Étienne après Jésus. Le message de refus ne pouvait être plus clair.

À ce moment-là, le Seigneur était prêt à revenir encore vers eux. Avant Étienne, Pierre avait justement encore appelé les Juifs à la repentance, et avait promis des temps de rafraîchissement pour le cas où ils auraient suivi son invitation et se seraient convertis ; Pierre avait ajouté que Dieu leur enverrait Jésus Christ qui leur avait été préordonné. « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la face du Seigneur, et qu’il envoie Jésus Christ, qui vous a été préordonné, lequel il faut que le ciel reçoive, jusqu’aux temps du rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps » (Actes 3:19-21).

Cependant les Juifs rejetèrent le témoignage de Pierre comme celui d’Étienne. Non, ce peuple ne voulait pas que Jésus règne sur eux, et il ne le veut toujours pas aujourd’hui. Ils continuent à le haïr. Que va-t-Il faire finalement avec ces « concitoyens » ?

« Mais ceux-là, mes ennemis, qui n’ont pas voulu que je régnasse sur eux, amenez-les ici et tuez-les devant moi » (Luc 19:27).

Le Seigneur les désigne ici comme étant « Ses ennemis ». Ils seront jugés devant Lui quand Il reviendra en gloire et en puissance.

12.4 - À Son retour

« Et il arriva, à son retour, après qu’il eut reçu le royaume, qu’il commanda d’appeler auprès de lui ces esclaves auxquels il avait donné l’argent, afin qu’il sût combien chacun aurait gagné par son trafic. Et le premier se présenta, disant : Maître, ta mine a produit dix mines. Et il lui dit : Bien, bon esclave, parce que tu as été fidèle en ce qui est très-peu de chose, aie autorité sur dix villes. Et le second vint, disant : Maître, ta mine a produit cinq mines. Et il dit aussi à celui-ci : Et toi, sois [établi] sur cinq villes » (Luc 19:15-19).

Oui, « l’homme noble » recevra le royaume et reviendra. À ce moment-là, il ne se bornera pas à juger Ses ennemis, mais Il récompensera aussi Ses esclaves. Ce sera un moment sérieux et sublime quand le Seigneur « fera les comptes » avec Ses esclaves. Comme nous nous sommes déjà occupés de cela en détail à l’occasion de la parabole des « talents », nous ne nous arrêterons ici que sur quelques particularités intéressantes.

« Maître, ta mine a produit dix mines » — on ne peut s’exprimer ainsi que si la mine se rapporte à la révélation de Dieu dans le Christ Jésus, et non pas à des dons de grâce conférés. La mine a, pour ainsi dire, produit quelque chose d’elle-même. L’esclave le reconnaît humblement. Il ne dit pas : « j’ai gagné ».

Dans Sa réponse, le Seigneur parle de ce qui est « très-peu de chose » : « parce que tu as été fidèle en ce qui est très-peu de chose… ». S’agissant de notre responsabilité, c’est le plus petit côté de ce qui est considéré. Cela ne signifie nullement que ce soit une chose sans importance. Notre parabole enseigne juste le contraire. Mais par comparaison au décret divin et à la position bénie où nous sommes placés grâce à ce décret, ce que nous, nous pouvons faire par fidélité est très petit. Ce qui est grand, c’est ce qui est dans le cœur de Dieu, et ce que Lui a fait et fait encore dans Son Fils. Cependant dans la mesure où la grâce infinie de Dieu remplit notre cœur, nous sommes stimulés à être fidèles dans notre petit domaine.

Les deux esclaves dont la fidélité différente s’est exprimée par le gain de dix et de cinq mines n’entendent pas la même parole d’approbation. Seul celui qui a les dix mines reçoit la parole de reconnaissance « Bien, bon esclave » ; et le Maître l’établit sur dix villes, — l’autre seulement sur cinq. Les deux conservent ce qu’ils ont acquis et en jouissent (il n’est pas parlé qu’ils aient à rendre les mines ; pensée consolante !). Mais la position des esclaves dans le royaume sera différente selon la fidélité avec laquelle ils auront travaillé. Ce côté n’est pourtant pas le plus élevé comme on l’a déjà remarqué. C’est pourquoi il n’y a pas ici l’invitation : « Entre dans la joie de ton Maître ». Partager Sa joie au ciel et en jouir sera quelque chose de plus grand que de régner avec Lui sur la terre.

12.5 - Le méchant esclave

Après les deux esclaves fidèles, nous voyons paraître un esclave d’une « autre » sorte.

« Et un autre vint, disant : Maître, voici ta mine, que j’ai gardée déposée dans un linge ; car je t’ai craint, parce que tu es un homme sévère : tu prends ce que tu n’as pas mis, et tu moissonnes ce que tu n’as pas semé » (Luc 19:20-21).

Quelle honte qu’auprès d’un homme si bon et si noble, il y ait aussi cet autre esclave ! Il utilise les mêmes expressions que les précédents : « Maître », « ta mine », — mais quelle différence de ton dans ses propos ! Qu’a-t-il fait de l’argent que le Maître lui a confié pour trafiquer avec ? Rien. « Voici ta mine ». Pendant tout le temps écoulé, il a enfermé sa mine dans un linge, et il s’est comporté ensuite comme s’il n’avait jamais reçu de « mine ». Quel mépris de son Maître cela exprime !

Si nous nous souvenons de ce dont la « mine » parle, nous voyons alors toute la portée de ce que le Seigneur Jésus présente ici. Il ne parle pas d’un esclave qui a été infidèle dans ce qu’on lui a confié, ou qui a volé, ni de quelqu’un qui rejette ouvertement la révélation de Dieu (ce serait un rebelle). Non, c’est quelqu’un qui professe L’avoir pour Maître, et qui accepte extérieurement la connaissance de Dieu qui lui a été accordée, mais qui n’en fait rien, ni pour lui ni pour les autres. Pourquoi n’en fait-il rien ? Parce qu’il n’y attribue aucune valeur. Le « linge » pour s’essuyer, qu’il aurait dû tremper de sa sueur au travail, reste sec pour envelopper la mine : c’est un capital mort !

L’esclave fait valoir qu’il craint le Maître, qu’il vivait dans une crainte perpétuelle (le verbe est à l’imparfait) de Lui. Ah ! si cela avait été vrai qu’il ait eu de la crainte ! Alors il aurait au moins été obéissant. Mais il ne craignait pas de refuser l’obéissance à son Maître, et il ne craignait pas de ne tenir aucun compte de la mission du Maître. La crainte qu’il prétend avoir, n’était qu’une crainte hypocrite, non pas la vraie crainte de Dieu.

En outre, il se plaint d’avoir un Maître si sévère, qu’Il prend ce qu’Il n’a pas mis, et qu’Il récolte ce qu’Il n’ pas semé. Ces paroles sont autant hypocrites que fausses. Le Maître ne lui avait-Il pas remis la « mine » en main propre ? Comment pouvait-il prétendre qu’Il n’avait rien « mis » ? La vérité était que cet esclave ne connaissait ni n’aimait son Maître. Il n’a éprouvé à aucun moment la noblesse que ce Maître montrait en voulant faire de lui un administrateur de ses biens, en sorte qu’il aurait pu agir avec comme s’il avait été le Maître Lui-même.

Avec cette fausseté et cet égoïsme, cet esclave est l’image de tous ceux de la chrétienté qui certes professent être à Christ, et prétendent le servir, mais qui ne Le connaissent ni ne L’aiment.

L’art et la manière dont on fait face à sa responsabilité manifeste si on L’aime ou pas. C’est le moyen de tester la véracité de ce qu’on professe. « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime » (Jean 14:21).

Avoir reçu la grâce de Dieu en Christ et n’y trouver aucun stimulant encourageant à travailler avec cette « mine » selon Sa pensée, cela montre clairement qu’on relève de cette catégorie d’« esclaves ». De tels gens (chrétiens) peuvent être fortement engagés dans les questions de droits de l’homme, de justice sociale et de ce qu’on appelle l’éthique chrétienne. Mais la « mine » ne représente rien pour eux, pas plus que le Seigneur Lui-même.

« Il lui dit : Je te jugerai par ta propre parole, méchant esclave : tu savais que moi je suis un homme sévère, prenant ce que je n’ai pas mis et moissonnant ce que je n’ai pas semé ; et pourquoi n’as-tu pas mis mon argent à la banque, et quand je serais venu je l’eusse retiré avec l’intérêt ? » (Luc 19:22-23).

Ce que dit cet esclave ne fait que révéler qu’il est un méchant esclave. En même temps il se condamne par ses propres paroles. Il en est toujours ainsi. Quand les hommes se trouvent des excuses devant Dieu, leurs motifs pour s’excuser fournissent généralement la base de leur condamnation. Leur prétendue logique n’est qu’une illusion grossière qu’ils se font à eux-mêmes, et par laquelle ils prononcent leur propre jugement. « Je te jugerai par ta propre parole, méchant esclave ».

Le Maître se place sur le terrain du méchant esclave et de son argumentation. Si les suppositions d’où prétend partir le méchant esclave avaient été vraies, il aurait agi tout autrement, il aurait au moins mis l’argent du Seigneur à la banque. Le Maître, à Son retour, aurait pu alors récupérer l’intérêt en plus de Son argent.

Mais dans ces paroles du Seigneur n’y a-t-il pas une leçon pour nous tous ? Peut-être nous sentons-nous incapables de travailler nous-mêmes avec les biens qui nous ont été confiés. Ne devrions-nous pas alors au moins penser que d’autres peuvent travailler avec ? Il y a beaucoup de manières de le faire et d’aider. Et se tenir en prière pour les autres serviteurs n’est-il pas justement le meilleur moyen de le faire ?

« Et il dit à ceux qui étaient présents : Ôtez-lui la mine et donnez-la à celui qui a les dix mines. — Et ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines. — Car je vous dis qu’à quiconque a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté (Luc 19:24-26).

Le Maître fait ôter sa mine au méchant esclave. Il n’en est pas dit plus ici. Cela s’accorde bien avec l’évangile de Luc, qui met la grâce de Dieu au premier plan. C’est pourquoi le sort et le jugement de cet esclave ne sont pas détaillés davantage. Il en était de même avec le fils aîné de la parabole du fils prodigue. Néanmoins, être dépouillé de sa mine ne signifie rien moins qu’être jeté pour toujours dans la mort et les ténèbres.

Le jugement de ceux qui sont ouvertement des ennemis est quand même indiqué ici (Luc 19:27).

12.6 - Note finale

On peut être surpris que la mine ôtée au méchant esclave doive être donnée à celui qui avait déjà dix mines. « Ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines ». Mais là-derrière se cache un principe divin général, qui est aussi à appliquer aux enfants de Dieu : « À quiconque a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté ».

Quand la grâce et la révélation de Dieu ont suscité en nous une réponse d’amour, alors ce que nous avons et dont nous avons joui, non seulement ne nous sera pas ôté, mais il y sera ajouté de la grâce supplémentaire. Cela est déjà vrai aujourd’hui, et ce sera aussi vrai quand nous entrerons dans la gloire du royaume. Ce que nous avons gagné ici-bas ne sera pas perdu pour nous dans l’autre monde.

D’un autre côté, il se peut qu’une vérité divine qui a été placée devant nos cœurs ne suscite aucun mouvement de notre foi. Peut-être que nous nous en occupons, mais ce n’est pas mêlé de foi. Alors nous n’avons pas réellement Christ devant nous ; ce n’est qu’une connaissance sans effet sur notre conscience. Tôt ou tard, le Seigneur ôte une telle connaissance. Ainsi non seulement nous ne devenons pas plus riche, mais nous perdons même ce que nous croyons avoir.

L’enseignement de la parabole des « mines » peut bien se résumer par la parole de 2 Cor. 6 : « Or, travaillant à cette même œuvre, nous aussi, nous exhortons à ce que vous n’ayez pas reçu la grâce de Dieu en vain » (2 Cor. 6:1).


13 - Je ne vous parlerai plus par similitudes — Jean 16:25

13.1 - La fin du parler en paraboles

Nous sommes arrivés à la fin de ce travail sur les paraboles du Seigneur. Si nous jetons un coup d’œil en arrière, nous serons probablement étonnés de tout ce qu’a enseigné le grand et divin Maître, aussi bien dans des paraboles importantes, de vaste portée, que dans de petites images d’apparence insignifiante.

Peut-être avons-nous été plus d’une fois surpris de la profondeur de paroles souvent toutes simples du Seigneur, et de la justesse des tableaux qu’Il brossait. Une multitude de vérités divines a été déployée à nos yeux, et nous avons appris à apprécier (du moins, c’est mon souhait) que ces leçons si variées aient été données justement sous forme de paraboles : cela les rend plus faciles à saisir. C’est aussi la raison principale pour laquelle le Seigneur leur enseignait beaucoup de choses par des paraboles (Marc 4:2). Jusqu’à aujourd’hui, c’est ce qu’Il fait. Et nous Lui en sommes reconnaissants de tout cœur.

Pourtant maintenant, comme un couronnement de cette étude, occupons-nous d’une déclaration du Seigneur que l’on trouve seulement dans l’évangile selon Jean, et qui indique une nouvelle manière d’enseigner, qui va beaucoup plus loin que l’enseignement donné jusqu’ici.

C’est dans Ses paroles d’adieu à Ses disciples, peu avant Sa mort, que le Seigneur exprime quelque chose qui marque réellement un nouveau commencement dans les voies de grâce de Dieu :

« Je vous ai dit ces choses par des similitudes : l’heure vient que je ne vous parlerai plus par similitudes, mais je vous parlerai ouvertement du Père » (Jean 16:25).

« Je ne vous parlerai plus par des similitudes », « Je parlerai ouvertement du Père » ! Quel contraste remarquable avec la manière de parler jusqu’alors. Mais que voulait dire le Seigneur Jésus par là ? Et de quelle « heure » parlait-Il ?

13.2 - Une heure significative

Commençons par la dernière question. Le terme « heure » désigne une époque encore à venir au moment où le Seigneur parlait. Nous retrouvons cette expression dans un passage semblable de Jean 17 :

« Père, l’heure est venue ; glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie » (Jean 17:1).

Cette « heure » est caractérisée par deux grands faits, d’une part la glorification du Seigneur Jésus dans le ciel, et d’autre part la venue sur la terre du Saint Esprit, l’Esprit de vérité, pour conduire les croyants dans toute la vérité (Jean 16:13 et suiv.). Le temps encore futur à ce moment-là, dont le Seigneur Jésus parlait comme « ce jour-là » (Jean 16:26), est maintenant arrivé ; c’est l’époque où nous vivons, l’époque chrétienne, le temps de la grâce, qui a commencé à la Pentecôte (Actes 2).


13.3 - L’activité du Fils

C’est une période unique, bénie par-dessus toutes. Durant cette « heure », le Seigneur Jésus allait précisément poursuivre une activité toute particulière (les deux citations tirées de Jean 16 et 17 le montrent clairement). Dans l’un des passages, nous apprenons qu’Il nous parlerait ouvertement du Père, et dans l’autre que le Fils glorifierait le Père. Évidemment, l’un inclut l’autre, même si la première des ces paroles s’adressait aux disciples sur la terre pour les consoler, et la seconde était adressée au Père, en levant les yeux vers Lui au ciel. Comme cela ressort, semble-t-il, de la première parole (Jean 16:25), le Seigneur pensait dans ces deux occasions, au moment où Il allait prendre sa nouvelle position comme Fils de l’Homme dans la gloire ; Il pensait aussi au nouvel ordre de bénédiction pour nous, dont le point de départ et la condition nécessaire étaient Son élévation.

L’activité du Seigneur, bénie entre toutes, consiste à être occupé d’un côté pour le Père, pour Le glorifier, et d’un autre côté pour nous, pour déployer ouvertement le Père devant nos yeux. Nous pouvons bien dire que, par le fait même d’apporter le Père ouvertement devant nos cœurs, Il Le glorifie aussi justement par là. Ce sont ainsi effectivement deux côtés d’une seule et même chose.

L’activité exercée par le Seigneur est d’une valeur inestimable, et nous pouvons bien nous demander si nous en avons déjà tiré le bon profit. Avons-nous appris pratiquement ce que c’est que d’avoir le Père placé devant le cœur ?

Nous « parler ouvertement du Père », cela signifie d’abord que le Seigneur Jésus éveille en nous la conscience de ce que Son Père est aussi notre Père, et Son Dieu est aussi notre Dieu (Jean 20:17). Être enfants de Dieu et être appelés de ce nom est aujourd’hui le privilège commun à tous les croyants (1 Jean 3:1, 2). Tous les enfants de Dieu ont aussi la part commune de posséder l’Esprit d’adoption par lequel ils peuvent s’adresser à Dieu en disant « Abba, Père » (Rom. 8:15).

Cependant, savoir qu’Il est notre Père n’est que le début de la bénédiction présentée ici. Il y a un bonheur encore plus grand à connaître personnellement le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Beaucoup d’enfants de Dieu possèdent la première de ces connaissances, et cela est bien. Mais il est à craindre que beaucoup d’entre nous ne soient pas vraiment en confiance avec le Père, et qu’ils ne Le connaissent pas vraiment ? Le Sauveur veut porter remède à cette carence. Il veut nous amener à une connaissance toujours plus profonde du Père.

13.4 - Le Fils « à l’étroit » et la joie du Fils

Cependant avant de poursuivre cette pensée, nous voulons nous occuper des sentiments qui remplissaient le Seigneur quand Il prononçait ces paroles. Ne voyait-Il pas à l’avance avec une joie et une satisfaction manifeste ce jour où la foi de Ses disciples serait libérée de bien des entraves ? Jusqu’à ce que ce temps soit venu, Il était « à l’étroit » dans plus d’un sens, Il était lié dans Son esprit.

Avons-nous réfléchi à ce qu’Il disait au sujet de Son baptême ? « J’ai à être baptisé d’un baptême », et Il ajoutait : « et combien suis-je à l’étroit jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » (Luc 12:50). Dans quelle mesure était-Il « à l’étroit » ? Avait-Il peur de la mort ? Non, quand le Seigneur Jésus disait qu’Il était « à l’étroit » jusqu’à ce que Son baptême fût accompli, Il avait en vue toute autre chose. Tant que l’œuvre de la rédemption n’était pas accomplie, Il ne pouvait pas laisser s’épancher librement Son amour envers les hommes. Son amour s’accumulait pour ainsi dire dans Son cœur, parce que la question du péché n’était pas encore réglée. Le péché se dressait encore entre les hommes et Dieu. C’est dans cette mesure qu’Il était « à l’étroit ». L’amour de Dieu envers les hommes n’a pu se déverser sans retenue qu’après que Dieu ait été justifié et satisfait dans Ses saintes exigences à l’égard du péché par l’offrande parfaite de Jésus Christ. « Mais là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rom. 5:20).

Certes, le Seigneur Jésus a aussi manifesté dans Sa vie l’amour et la grâce merveilleux de Dieu, de sorte qu’Il pouvait dire : « Maintenant ils ont et vu et haï et moi et mon Père » (Jean 15:24). Mais toute la dimension, toute l’étendue de l’amour de Dieu ne pouvaient être données à connaître avant la croix. Tout portait plutôt le caractère de promesses, d’indication d’une bénédiction à venir.

C’est ainsi que peu avant Sa mort, le Seigneur disait à Ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez les supporter maintenant. Mais quand celui-là, l’Esprit de vérité, sera venu, il vous conduira dans toute la vérité » (Jean 16:12-13). Cela éclaire sous un autre angle la raison pour laquelle Il était « à l’étroit », — un angle qui nous intéresse ici particulièrement : même les disciples durant la vie du Seigneur ici-bas n’étaient pas en état de saisir les communications de Son cœur dans toute leur vaste portée. Les disciples n’étaient simplement pas capables de saisir la révélation du Père qui Lui tenait tant à cœur.

Mais une fois le Saint Esprit venu (à la suite de la rédemption accomplie), Il allait les conduire dans toute la vérité. Lui-même alors, le Fils du Père, leur parlerait ouvertement du Père (Jean 16:25) et il ne serait plus nécessaire de leur parler par des similitudes.

Jusque-là, Il avait dû s’en tenir à des discours symboliques, paraboliques, pour leur transmettre quelques impressions au sujet de Son Père. Mais Son cœur ne pouvait pas se satisfaire de cela. C’était donc une partie de la joie qui était devant Lui, que le temps soit proche où les limitations seraient ôtées, et où Il leur parlerait ouvertement du Père. Alors serait accomplie la parole qu’Il leur avait dite : « En ce jour-là, vous connaîtrez que moi je suis en mon Père, et vous en moi et moi en vous » (Jean 14:20).

13.5 - Sorti d’auprès du Père (Jean 16:28)

 Jusque-là, ils n’avaient pas eu cette merveilleuse connaissance ; pire même, ils ne pouvaient pas l’avoir. Car il faut tenir compte de ce que cette précieuse révélation du Père par le Fils était entièrement inconnue au temps de l’Ancien Testament. Même la foi la plus hardie ne pouvait en trouver la trace. Elle n’existait tout simplement pas, et ne pouvait encore même pas exister. C’est le premier point : la révélation du Père était en ce temps-là un secret.

Mais ceci a changé fondamentalement avec la venue du Fils sur la terre, et cela amène le second point sur lequel je voudrais insister : Durant le service du Seigneur sur la terre, cette révélation a été l’objet tout particulier de Son cœur, celui dont Il aimait tant parler, même si ce n’était encore que sous forme de paraboles. C’était pourtant un progrès considérable : le Fils parlait au sujet du Père, même si ce n’était encore que sous forme de parabole, et pas encore ouvertement. Or depuis la Pentecôte — et c’est là le troisième point, le point culminant — nous avons la révélation claire et complète du mystère (ou secret), de ce qu’est le Père.

Ne pouvons-nous pas dire que faire connaître le Père, était la pensée la plus élevée dans le cœur du Seigneur Jésus pour nous, même quand Il séjournait encore sur la terre ? Très tôt, il avait dirigé les pensées sur ce sujet, et Il avait dit : « ne savez-vous pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père ? » (Luc 2:49). Paroles bien inhabituelles dans la bouche d’un garçon de 12 ans ! Et les paroles rapportées en Matt. 11 montrent combien ce service du Seigneur était et est nécessaire : « personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils voudra le révéler » (Matt. 11:27). C’est le Fils qui révèle le Père ! Or cela faisait partie des « affaires de Son Père », si importantes pour Lui, et qui revenaient, tout compte fait, à glorifier le Père. L’objectif direct dans le service du Seigneur, — objectif pour ainsi dire dirigé vers le bas — était de faire connaître le Père aux « enfants » afin qu’ils aient communion avec le Père et avec Son Fils Jésus Christ (1 Jean 1:3).

Tout cela n’a pu devenir une pleine réalité qu’après la venue du Saint Esprit sur la terre, après la Pentecôte. Par la puissance du Saint Esprit, nous pouvons comprendre maintenant la relation dans laquelle l’œuvre de Christ nous a introduits, et nous pouvons en jouir, alors que cette relation était encore fermée aux disciples durant la vie du Seigneur ici-bas.

Ce qui s’est passé dans les dernières heures a démontré combien les disciples comprenaient peu, jusque-là, ce qui en était du Père. Après leur avoir parlé de l’amour du Père, et avoir cherché de cette manière à s’attacher leurs cœurs, le Seigneur ajouta :

« Je suis sorti d’auprès du Père, et je suis venu dans le monde ; et de nouveau je laisse le monde, et je m’en vais au Père » (Jean 16:28).

Leur prompte réponse semblait indiquer qu’ils avaient enfin compris quelque chose au sujet du Père, mais leurs derniers mots « à cause de cela, nous croyons que tu es venu de Dieu » (Jean 16:30), cela montre trop nettement qu’ils n’avaient pas compris le Seigneur Jésus. Être sorti d’auprès du Père et être venu de Dieu, cela signifie-t-il réellement la même chose ? Pas du tout !

Arrêtons-nous un peu sur ces paroles précieuses du Seigneur. C’était une communication d’un prix inestimable. Le Fils du Père était devenu homme, et était venu dans le monde. C’est dans ce monde que le Père avait été parfaitement révélé par Lui — avec pour résultat que ceux qui recevaient le Fils, étaient mis dans la relation d’enfants, dans la position de fils et d’héritiers, et étaient rendus capable de connaître le Père. Si le Fils quittait le monde pour retourner au Père, cela indiquait la place qu’allaient avoir les enfants de Dieu : ils seraient dans la maison du Père, exactement comme le Fils Lui-même. Telle était en vérité la signification de la venue et du départ du Seigneur Jésus. Aujourd’hui, nous pouvons le comprendre et en jouir, par le Saint Esprit. Nous sommes remplis d’une joie et d’une adoration indicibles quand cela occupe nos cœurs.

13.6 - Connaître le Père

Ne désirons-nous pas en savoir plus sur notre Père ? Or le Seigneur Jésus répond volontiers à ce désir suscité par l’Esprit. C’est Son désir de nous parler ouvertement du Père. Voyons des exemples de la manière dont Il le fait aujourd’hui.

Mais il faut d’abord clarifier une différence essentielle que je n’ai fait qu’effleurer. C’est une chose de connaître une relation, c’en est une autre de connaître la personne avec laquelle on a cette relation. En recevant la vie nouvelle, nous sommes entrés dans une relation éternelle avec Dieu, notre Père. Par le fait que le Saint Esprit habite en nous, nous pouvons jouir consciemment de la relation dans laquelle nous sommes introduits, et c’est l’une des plus grandes bénédictions de la vie nouvelle. Or il est possible, en tant qu’enfant de Dieu, de connaître et comprendre la relation avec le Père, sans pour autant connaître effectivement le « Père de notre Seigneur Jésus Christ » et sans jouir de Lui ; mais ce n’est pas de la communion, ni une réelle intimité avec le Père et avec le Fils.

Avoir communion suppose qu’on connaît les buts, les intérêts, les joies, les sentiments, les intentions et les voies de l’autre partie. Sans cela, on ne peut pas parler de communion. C’est pourquoi l’exercice du service du Seigneur est si extraordinairement important. Il veut nous montrer « ouvertement » qui est le Père, — sans se servir d’image, et sans limitations. Qui enseigne comme Lui, le Fils du Père, qui est toujours dans le sein du Père ?

Le Fils éternel veut nous conduire par Sa Parole dans les secrets du cœur du Père éternel. Par Son enseignement, Il veut nous donner une mesure croissante de connaissance du Père, que Lui seul possède sans limite. Quelle onction et quelle force avons-nous dans l’Esprit éternel pour obtenir cette bénédiction !

Comme on l’a déjà vu, le Seigneur, dans le temps actuel, se sert des écrits du Nouveau Testament, spécialement des épîtres, pour nous parler « ouvertement » du Père. Plusieurs exemples peuvent nous le faire comprendre. Je ne connais rien de meilleur et de plus sublime que le Fils nous montrant le cœur de Son Père. Méditons sous cet angle les passages suivants. Ils nous sont donnés par l’inspiration du Saint Esprit.

13.7 - Quel amour

« Voyez de quel amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés enfants de Dieu ! et nous le sommes (*) » (1 Jean 3:1).

(*) Note Bibliquest : cette dernière petite phrase est absente dans la traduction J.N. Darby.

L’Esprit de Dieu nous invite par le moyen de Jean justement à bien regarder « Voyez ! ». Que devons-nous voir ? L’amour du Père ! Et que dit-Il de cet amour ? Que le Père nous l’a donné, à nous Ses enfants. L’amour est considéré ici, et ici seulement dans le Nouveau Testament, comme un don, quelque chose d’accordé, qui nous est déjà remis. Il n’y a pas à l’attendre. Ce sont les enfants de Dieu qui reçoivent ce don du Père, Son amour. Le saisissons-nous ?

Mais de quelle sorte d’amour s’agit-il ? Car c’est là la signification de l’expression en grec : non pas seulement « quel amour », mais « quelle sorte d’amour ». De quelle qualité est l’amour du Père ? Quel objectif s’est-il fixé ? En quoi sa qualité essentielle s’est-elle manifestée ? En ce que nous soyons appelés enfants de Dieu. Le bout de phrase suivant montre bien que nous pouvons être ainsi appelés parce que nous le sommes déjà. Nous ne pourrions pas être appelés Ses enfants, même par Lui, sans l’être effectivement. Quelle bénédiction infinie ! Quel amour sans mesure !

L’apôtre a parlé juste avant de ce que « quiconque pratique la justice est né de lui » (1 Jean 2:29). Il utilise plus loin l’expression « né de Dieu » (1 Jean 5:1, 4). Ces deux expressions décrivent les enfants de Dieu : ils sont nés de Dieu, ils ont reçu Sa vie. Jean ne parle jamais des croyants comme des « fils de Dieu », mais toujours comme des « enfants de Dieu ». Le titre de « fils » reste réservé, dans ses écrits, au Fils de Dieu. L’apôtre Paul voit les croyants dans les deux relations, et met spécialement l’accent sur leur adoption en tant que fils. Mais chez Jean, la pensée de la provenance, de la relation par naissance, a la priorité. Pour être enfants de Dieu, nous devons être nés « de Lui ».

Quelle grande vérité est contenue dans l’expression « né de Dieu » ! Nous nous y sommes peut-être habitués, mais combien elle est forte ! Par la Parole de Sa puissance, Dieu aurait pu créer encore plus d’étoiles, plus de mondes, plus d’anges et d’archanges. Mais c’était le bon plaisir de Sa volonté de se susciter des enfants en livrant Son Fils unique à la mort. De Sa mort a jailli la vie pour tous ceux qui croient. Nous ne comprenons guère ce que cela représente pour Dieu d’avoir engendré des enfants de pareille manière.

Je ne crois pas que les saints de l’Ancien Testament aient été Ses enfants au sens propre du terme. Ils sont bien ainsi nommés comme ensemble, comme peuple, mais non pas comme croyants individuels. Il fallait qu’au préalable le vrai grain de blé tombe en terre et meure, avant qu’il puisse porter beaucoup de fruit. N’est-il pas typique que Dieu ne compare jamais Son peuple à du blé dans l’Ancien Testament ?

Mais nous bien-aimés, Dieu nous appelle Ses enfants, et cela montre quel amour Il a pour nous. Voir correctement cet amour, ne peut rien signifier d’autre qu’adorer Celui qui nous l’a donné.

13.8 - Élus avant la fondation du monde

« Béni soit le Dieu et Père de notre seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ ; selon qu’il nous a élus en lui avant la fondation du monde, pour que nous fussions saints et irréprochables devant lui en amour » (Éph. 1:3, 4).

Ces versets nous donnent un aperçu direct dans le cœur de Dieu. L’apôtre Paul s’occupe dans l’épître aux Éphésiens du propos éternel de Dieu, et il éclate soudain en louange (Éph. 1:3-14). Ce cantique de louange a pour ainsi dire trois strophes.

Les versets 3 à 6 ramènent dans le passé le plus lointain, et ils ont pour objet Dieu, le Père. Ils se terminent par l’expression « à la louange de la gloire de sa grâce ».

Les versets 7 à 12 nous occupent du temps présent, et ont pour objet Dieu, le Fils. Ils se terminent par l’expression « à la louange de sa gloire ».

Les versets 13 et 14 montrent l’avenir, et leur objet est Dieu, le Saint Esprit. Ils se terminent également par l’expression à la louange de sa gloire.

Ces trois parties sont reliées ensemble par notre Seigneur Jésus Christ : « dans le Bien-aimé » 1:6), « dans le Christ » (1:10), « en qui (Christ) » (1:13). Si nous méditons vraiment ne serait-ce que ce qu’indique ce court aperçu, n’allons-nous pas nous aussi nous écrier en adorant : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ » ?

Il n’entre pas dans le cadre de ce travail de considérer tous les détails et les beautés de ce cantique de louange si élevé. Il n’y a lieu de s’occuper que des premiers versets, sans pour autant en épuiser le contenu. La désignation de Dieu est déjà là tout à fait remarquable : le « Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ » — un titre qui se rencontre aussi ailleurs dans le Nouveau Testament. Ce nom de Dieu ne signifie rien moins que ceci : Dieu a été parfaitement révélé par Son Fils, notre Seigneur Jésus Christ. En tant que « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », Dieu n’avait pu se donner à connaître que partiellement. Cela ne tenait pas à Lui, mais à l’imperfection des instruments dont Il se servait en grâce. Mais quand le Seigneur Jésus est venu sur la terre selon le conseil éternel de Dieu, Dieu a trouvé en Lui un Homme — et infiniment plus qu’un Homme — dans Lequel Il pouvait parfaitement se donner à connaître et se glorifier. Merveilleuse Personne de notre Seigneur Jésus Christ ! Décrets insondables de Dieu !

Ce qui est devant nous en Éphésiens 1, n’est pas la rédemption acquise par Christ à la croix (bien que, certes, tout soit fondé sur cette œuvre), mais ce sont les résultats de la rédemption, ainsi que ce qui était dans le cœur de Dieu pour nous avant qu’il y eut un monde. Or le décret de Dieu trouve son point central dans la Personne de Christ Lui-même. Parce que Dieu nous voit depuis toujours en Christ, nous Ses enfants, nous sommes aussi inclus dedans — ô grâce infinie.

Le premier point de ce qui nous est dit, c’est que Dieu nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ. Nous voyons de nouveau Dieu, le Père, comme le Donateur. Oui, C’est en Christ qu’Il nous a bénis ; Il ne le fera pas seulement quand nous arriverons au ciel. Puissions-nous mieux saisir cela !

Car il n’y a pas une seule bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ qui ne nous soit déjà accordée en Christ. Naturellement il nous faut encore plus apprendre à les connaître, et pour en prendre possession pratiquement, il nous faut pour ainsi dire « y poser la plante de notre pied ». Car ces bénédictions nous appartiennent déjà — elles appartiennent à tout vrai enfant de Dieu. Quant à leur caractère, ces bénédictions sont spirituelles (en contraste avec des bénédictions matérielles) ; la sphère où elles se déploient, ou leur siège, c’est le ciel (en contraste avec la terre) ; leur source, leur origine, c’est le cœur de Dieu Lui-même. Nous sommes là devant toute la hauteur de l’amour merveilleux de Dieu envers nous, et de Son décret insondable. C’est parce que l’appréciation qu’Il fait de Son Fils Jésus Christ est si grande, qu’Il nous a bénis de manière aussi parfaite.

Il est ensuite parlé d’élection ; « selon qu’il nous a élus en lui avant la fondation du monde, pour que nous fussions saints et irréprochables devant lui en amour ». L’élection est l’une des vérités qui sont tout à fait manifestement divines. Elle est étroitement liée au dessein que Dieu a eu avant la création du monde. C’est pourquoi l’homme n’y a aucune part. Tout provient de Dieu, le Tout-puissant, et Lui seul peut élire.

Nous rendons-nous compte que Dieu nous a choisi personnellement pour Lui ? C’est ce que signifie l’expression grecque : choisir pour soi. Il n’a pas élu l’Assemblée comme un tout, mais il a choisi individuellement les membres du corps de Christ, toi personnellement et moi personnellement. Et Il a fait cela avant qu’il soit question de péché, avant même que le monde existe. Il nous a vus, comme on l’a déjà remarqué, dès le commencement « en Christ », et c’est sur cette base qu’Il nous a élus.

Or si Dieu voulait nous avoir auprès de Lui et devant Lui, il fallait que notre être Lui corresponde. C’est pourquoi il est ajouté : « pour que nous fussions saints et irréprochables devant lui en amour ». C’est précisément ce qui caractérise Dieu et ce que Christ a parfaitement révélé : sainteté, irréprochabilité, amour. C’est la nature typique de Dieu. Mais pour nous, cette nature de Dieu nous est accordée dans la nouvelle naissance, produite par le Saint Esprit. Comme il est dit en 1 Jean 4:13 : « Par ceci nous savons que nous demeurons en lui et lui en nous, c’est qu’il nous a donné de son Esprit ». La communication de la nature divine rend possible de demeurer ou habiter en Dieu et que Dieu demeure ou habite en nous. C’est un privilège inestimable : avoir la communion avec Dieu sur la base de cette vie nouvelle et divine.

Je n’ai pas le moindre doute que nous ayons la même pensée en Éphésiens 1, même si le point de vue est un peu différent. C’est ici que l’apôtre Paul et l’apôtre Jean se rejoignent de manière remarquable dans leur ministère. L’œuvre de Christ a en particulier pour résultat que tout croyant est déjà aujourd’hui saint et irréprochable et dans l’amour de Dieu. Telle est la position que Dieu lui a conférée, intangible parce que fondée sur la croix. Mais c’est aussi une nature, comme nous l’avons vu — une nature qui nous rend capable d’être en communion avec Dieu.

Se tenir devant Lui dans une atmosphère d’amour, et s’y mouvoir, c’est la chose précieuse qu’on peut se représenter. Déjà dans le temps présent nous pouvons en jouir, dans une mesure, par le Saint Esprit, et en réaliser quelque chose. Certainement nous devrions le faire beaucoup plus. Mais ce que nous vivons ici-bas sur la terre, ce n’est pas tout. C’est beaucoup trop restreint par les « vases de terre », par la faiblesse, et surtout par chaque péché. Aussi nous regardons vers ce moment qui vient après, vers ce lieu de la perfection, où nous verrons les pleins résultats.

Le verset 4 d’Éphésiens 1 est donc un verset très complexe, très vaste. Il nous fait remonter dans le passé le plus lointain, et nous apprenons de quelle manière le cœur de Dieu s’est occupé de nous, avant même qu’Il appelât le monde à l’existence. Mais ce verset nous montre aussi notre position présente dont nous pouvons nous réjouir déjà maintenant. Dieu est déjà aujourd’hui la demeure habituelle de notre âme. Mais ensuite ce verset dirige vers l’éternité à venir où il n’y a plus de discordance entre la position et la pratique, où tout sera parfait — tant notre joie que la satisfaction de Dieu. En fait, ce verset nous donne une description du ciel.

13.9 - L’espérance de la vie éternelle

L’épître à Tite va nous donner un troisième et dernier exemple de ce que le Seigneur Jésus nous « parle » aujourd’hui « ouvertement du Père ». L’apôtre Paul commence par décrire son ministère apostolique, et par montrer sur quoi il est fondé. Les éléments particuliers qu’il nomme sont en même temps un excellent sommaire de ce qu’est le vrai christianisme. Il mentionne d’abord la foi des élus, puis la connaissance de la vérité qui est selon la piété (Tite 1:1). Il rajoute enfin un troisième élément : Il était apôtre de Jésus Christ « dans (ou : sur la base de) l’espérance de la vie éternelle que Dieu, qui ne peut mentir, nous a promis dès avant les temps éternels » [temps des siècles dans la traduction J.N. Darby].

L’expression « la foi des élus » est déjà, à elle seule, fort significative. Il y a ainsi des gens que la Parole de Dieu qualifie tout simplement d’« élus ». Ils sont caractérisés par une foi précise et personnelle, — la foi chrétienne. Et dans cette foi, il y a l’amour de Dieu qui a déjà fait d’eux les objets de Ses desseins avant la fondation du monde. Connaissant leur relation particulière avec Dieu et avec Son amour, ils peuvent regarder le futur, pleins de confiance.

C’est ce dont parle le verset 2. De même que le verset 4 d’Éph. 1, ce verset 2 regarde en arrière vers le passé le plus éloigné, et en même temps regarde en avant vers l’éternité future. Ici aussi nous avons accès — privilège infini — aux pensées de Dieu qui L’occupaient avant les temps éternels. Et qu’apprenons-nous ? Qu’Il avait promis la vie éternelle avant les temps éternels. Quelle déclaration puissante ! Or à qui Dieu donnait-Il cette promesse, et à qui s’appliquait-elle, puisqu’il n’y avait encore point d’homme sur la terre ?

Sans doute cette promesse fut-elle faite à l’intérieure de la Déité, et elle fut donnée au Fils. Et en même temps, Il la reçut pour nous, les élus. Ce sont les élus qui sont les objets de la promesse de la vie éternelle. Nous avons une pensée semblable en 2 Tim. 1, où il est parlé de la puissance de Dieu, et il est rajouté : « qui nous a sauvés et nous a appelés d’un saint appel, non selon nos œuvres, mais selon son propre dessein, et sa propre grâce qui nous a été donnée dans le christ Jésus avant les temps éternels » (2 Tim. 1:9 ; [temps des siècles dans la traduction J.N. Darby]). De même que la grâce nous a été donnée dans le Christ Jésus dès avant les temps éternels, ainsi nous avons reçu aussi en Lui et avant les temps éternels, la promesse de la vie éternelle. Le cœur humain ne peut pas saisir cette grâce et cet amour. Mais cela ne nous empêche pas de nous prosterner dans l’adoration devant Celui qui a pensé à nous avant la fondation du monde.

Mais pourquoi est-il parlé de « l’espérance de la vie éternelle » ? Quand Paul écrivait cette phrase, ce n’était aussi pour lui qu’une espérance, quelque chose de futur. Or il n’y a là aucune contradiction avec le fait que les croyants possèdent déjà aujourd’hui la vie éternelle. Montrer que nous avons la vie éternelle est certes plutôt le ministère de Jean : « Je vous ai écrit ces choses afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui croyez au nom du Fils de Dieu » (1 Jean 5:13).

Inversement, Paul voit souvent la vie éternelle à la fin de la course. C’est particulièrement net à la fin de Rom. 6 : « Mais maintenant, ayant été affranchis du péché et asservis à Dieu, vous avez votre fruit dans la sainteté et pour fin la vie éternelle. Car les gages du péché, c’est la mort ; mais le don de grâce de Dieu, c’est la vie éternelle dans le christ Jésus, notre Seigneur » (Rom. 6:23).

En présentant les choses de cette manière, le Saint Esprit attire nos regards sur la vie éternelle dans la gloire. Dans ce sens c’est une espérance. Néanmoins ce n’est point une espérance trompeuse, car elle est fondée sur la Parole de Celui « qui ne peut mentir ».

Cette espérance bienheureuse est là pour nous donner des ailes dans le chemin souvent ardu. Il ne faut effectivement pas oublier, bien-aimés, ce que signifie en vérité l’accomplissement de cette espérance : quand la vie éternelle pourra se déployer dans toute sa plénitude, quand nous pourrons jouir en perfection de ses fruits, et que dans la force de cette vie nous verrons Celui qui est Lui-même la vie éternelle — « ce ne sera que gloire ».