Briem Christian
Antworten auf Fragen p.424
2.1 - [Première constatation : Philos / hetairos]
2.2 - [Deuxième constatation : les deux autres passages de Matthieu 20 et 22]
Plus d’un lecteur des évangiles a pu s’étonner que le Seigneur Jésus ait appelé « ami » son traître, Judas Iscariote, alors qu’il s’apprêtait à Le livrer :
« Ami, pourquoi es-tu venu ?
» (Matt. 26:50).
Cet homme n’était-il pas un « diable », le « fils de perdition » (Jean 6:70 ; 17:12) ? C’est en ces termes que le Seigneur Lui-même avait parlé de lui. Pourquoi l’appelle-t-Il maintenant « ami » ? Pourquoi une telle appellation amicale, alors que cet homme était sur le point d’accomplir l’un des actes les plus abominables ?
La résolution de cette difficulté est facilitée par deux constatations.
La première est que le Seigneur Jésus utilise ici un autre mot
grec pour « ami » que celui de Jean 15, par exemple, où Il appelle
deux fois les Siens « philoi
» = « amis », et qu’Il
explique : « Vous êtes mes amis
, si vous faites tout ce que Moi je
vous commande. Je ne vous appelle plus esclaves, car l’esclave ne sait pas ce
que fait son maître ; mais vous, je vous ai appelés amis
, parce que
je vous ai fait connaître tout ce que j’ai entendu de mon Père » (Jean 15:14,
15).
Le mot « philos
» est proprement un adjectif
qualificatif qui signifie « aimé, précieux, cher, attaché, lié d’amitié ».
En tant que nom, il a alors la signification de « ami, bien-aimé ». Lorsque le
Seigneur parle de Lazare comme « notre ami » (Jean 11:11) + lorsqu’Abraham
est appelé « ami de Dieu » (Jacq. 2:23) + lorsque l’apôtre Jean, à la
fin de sa troisième épitre, transmet des salutations de la part d’« amis » et à
des « amis », c’est toujours le mot « philos
» qui est utilisé.
Il s’agit à chaque fois de personnes qui sont aimées
.
Par contre, le Seigneur Jésus ne s’adresse pas à Judas Iscariote
avec le mot « philos
», mais seulement avec le terme « hetairos
».
Ce mot signifie certes aussi « ami », mais dans le sens de « camarade,
copain, compagnon, partisan, accompagnateur ». Judas Iscariote avait effectivement
été un compagnon, un adepte extérieurement, un accompagnateur du Maître. Dans
cette mesure, ce mot était donc tout à fait approprié à son égard.
Une deuxième constatation jette encore plus de lumière sur la
question. Le mot « hetairos
» ne figure que deux autres fois
dans le Nouveau Testament, et les deux fois c’est dans l’évangile de Matthieu,
et les deux fois en tant qu’interpellation pour s’adresser à quelqu’un. Et dans
les deux passages, c’est Dieu qui utilise ce terme, dans une phrase imagée :
« Ami
, je ne te fais pas de tort
» (Matt. 20:13).
« Ami
, comment es-tu entré ici, sans avoir une
robe de noces
? » (Matt. 22:12).
Il n’est en fait pas facile de trouver, dans ces passages, un
bon équivalent français pour le grec « hetairos
». Si ce n’était
pas le Sauveur, si ce n’était pas Dieu qui le prononçait, « gars » ou
« compagnon » serait tout à fait approprié. Il me semble que le
mieux, ici, est de dire « homme » : « Homme, je ne te fais
pas de tort », etc. Il faut en tout cas nous défaire absolument de l’idée que,
dans ces divers cas, il s’agit de remontrances plus ou moins amicales. Bien au
contraire, ce sont des mots foudroyants. Chacune de ces trois courtes phrases, débutant
par l’interpellation « ami », ressemble plutôt à un coup de fouet qu’à
un appel amical. Dans la première parabole (Matt. 20), le maître de la vigne
rejette fermement et avec indignation le reproche d’avoir été injuste ; et
dans la deuxième parabole (Matt. 22), la question du roi annonce un malheur
imminent, raison pour laquelle l’homme eut la bouche fermée.
Manifestement, l’exclamation du Seigneur « Ami, pourquoi es-tu
venu ? » porte également ce caractère de fin solennelle. Le mot « ami »
n’est pas du tout le signe d’une relation amicale, comme notre façon de parler
pourrait le suggérer. Jamais le Seigneur Jésus ne s’est adressé à un autre de
ses disciples par ce mot hetairos
.
N’est-il pas significatif, et même bouleversant, que dans les
trois passages où il apparaît ce mot marque le rejet
d’une personne ?
Cela ne tient toutefois pas au mot lui-même, mais au contexte dans lequel il
est utilisé. La traduction par le mot français « ami » paraît de plus
justifiée par le fait que la prédiction du Psaume 55 v.13,14 était en train de s’accomplir :
« Ce n’est pas un ennemi qui m'a outragé … mais c’est toi, un homme comme moi,
mon conseiller et mon ami ».