Bremicker Ernst August
Table des matières :
1 - Ce qu’est le « Notre Père » — Que faut-il en faire ?
3.1 - Ce n’est pas une prière publique
3.2 - Ce n’est pas une prière pour les non-croyants
3.3 - Ce n’est pas une prière pour le culte
3.4 - Ce n’est pas une prière formelle
3.5 - Application du « Notre Père » à nous
4 - Les demandes particulières du « Notre Père »
4.1 - Que ton nom soit sanctifié
4.3 - Que ta volonté soit faite, comme dans le ciel, aussi sur la terre
4.4 - Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien
4.5 - Remets-nous nos dettes comme aussi nous les remettons à nos débiteurs
4.6 - Ne nous induis pas en tentation
Nous trouvons deux fois dans les évangiles la prière qu’on appelle le « Notre Père », ou aussi « la prière du Seigneur ». En Matthieu 6:9-13 elle constitue une partie du « sermon sur la montagne ». En Luc 11:2-4 elle constitue la réponse du Seigneur à la demande de Ses disciples : « Seigneur, enseigne-nous à prier ». Matthieu donne le texte intégral avec sept requêtes, tandis qu’en Luc ne figurent que cinq requêtes.
Le seul fait que cette prière soit mentionnée en deux endroits différents souligne l’importance que lui attribue le Saint Esprit. La prière est l’expression de notre dépendance de Dieu. Le Seigneur Jésus Lui-même, comme homme sur la terre, a beaucoup prié et est en cela un modèle parfait pour nous. C’est pourquoi il est bon pour nous de faire attention à ce que Dieu dit dans Sa Parole sur la prière.
Il n’y a guère de prière qui, dans beaucoup de milieux chrétiens ou d’églises, soit aussi souvent prononcée que le « Notre Père ». Il n’y a guère d’occasion où l’on ne récite pas cette prière — qu’il s’agisse de cultes, de baptêmes, d’enterrements, de repas à table, ou autres circonstances. Était-ce l’intention du Seigneur quand Il donna cette prière à Ses disciples ? Ou bien avait-Il autre chose en vue ? ce sont ces questions sur lesquelles nous voulons réfléchir un peu. Nous prendrons le texte selon Matthieu puisque c’est le plus complet [le texte de Luc ne comprend pas la troisième et la septième demande] :
« Vous
donc, priez ainsi : Notre Père qui es dans les cieux, que ton nom soit
sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite, comme
dans le ciel, aussi sur la terre. Donne-nous aujourd’hui le pain qu’il nous
faut ; et remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous remettons à nos
débiteurs ; et ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du
mal »
(Matthieu 6:9-13).
Encore une courte remarque.
Dans ce qui suit, nous utiliserons l’appellation « Notre Père », car
elle me paraît convenable. L’appellation « Prière du Seigneur » me
parait inappropriée, car il s’agit d’une prière du Seigneur pour la donner
aux disciples
. Il ne nous est pas rapporté que le Seigneur ait Lui-même
prié de cette manière. S’il y avait vraiment une prière qu’on pourrait désigner
comme « LA prière du Seigneur » dans l’absolu, ce serait bien sûr
celle de Jean 17.
Quand nous voulons étudier de près un passage de la Parole de Dieu, il est indispensable de commencer par examiner le contexte. Un passage pris hors de son contexte amène souvent à de fausses conclusions, et c’est justement le cas du « Notre Père ». Nous ne pouvons saisir le sens de cette prière, et l’exposer, que comme faisant partie du sermon sur la montagne. C’est pourquoi il est d’abord convenable de donner quelques principes figurant dans ce discours du Seigneur de Matthieu 5 à 7.
Le sermon sur la montagne ne nous est donné en entier que dans l’évangile de Matthieu. Cela se comprend bien, car cet évangile est celui qui nous présente le Seigneur Jésus comme le Messie, le Roi, promis par Dieu. Il est venu sur la terre pour établir Son royaume, ayant le message suivant à communiquer au peuple : « Repentez-vous, car le royaume des cieux s’est approché » (Matt. 4:17).
En Matthieu 5 à 7, le
Seigneur Jésus présente les principes de ce royaume à Ses disciples (ceux qui
voulaient suivre Son exemple). Il s’agit d’un royaume sur la terre, mais dirigé
depuis le ciel (d’où l’appellation de « royaume des cieux »). Il en
est encore ainsi aujourd’hui. Cependant ces principes impliquent que le roi est
rejeté. C’est justement ce qui est arrivé. Le Seigneur Jésus est retourné au
ciel comme le Rejeté, ce qui a été le début d’une période transitoire pendant
laquelle Son royaume est maintenant sous forme cachée (voir les « mystères
du royaume des cieux » au ch. 13). Dans le sermon sur la montagne le
Seigneur Jésus montre à Ses disciples ce qui doit caractériser ceux qui sont
dans ce royaume, et qui veulent faire la volonté du Roi et reconnaître Ses
droits.
Le jour viendra où ce royaume sera établi en puissance et en gloire sur la terre, mais maintenant le royaume existe sous une forme cachée : il n’est pas visible aux yeux des hommes. Avec des yeux éclairés de Dieu, nous pouvons cependant voir ce royaume partout où des gens tiennent compte de l’autorité du Seigneur dans leur vie. De telles personnes sont disciples du royaume ou serviteurs du Seigneur. Les principes qui s’appliquent dans ce royaume sont le sujet du sermon sur la montagne.
Il se pose alors tout de suite la question : pour qui ces principes sont-ils valables ? Pour qui le « Notre Père » est-il valable ? Les points suivants devraient donner la réponse à ces questions :
1. Le sermon sur la montagne
(y compris le « Notre Père ») était adressé aux disciples du
Seigneur. Il est dit expressément au début du chapitre 5 que Ses disciples
s’approchèrent de Lui et qu’Il les
enseignait. En outre il est souvent
parlé de « votre Père qui est dans les cieux ». Le sermon sur la
montagne n’est donc pas destiné à des non-croyants, et il n’est pas non plus
une annonce de l’évangile ni un programme politique. En Matthieu 5 à 7, il ne
s’agit pas de savoir comment on peut entrer dans le royaume (Jean 3), ni
comment on peut devenir chrétien. Les sujets de la repentance, de la
conversion, de la rémission des péchés, de la justification, etc. n’y sont pas
traités. Il est supposé que ceux qui écoutent sont des disciples, c’est-à-dire
de ceux qui marchent à la suite du Seigneur Jésus en suivant Son exemple. Le
sermon sur la montagne est une instruction donnée à des disciples sur la
manière dont ils ont à se comporter. Quand aujourd’hui on interprète le sermon
sur la montagne surtout comme un programme d’amélioration de la vie collective
des gens, on passe complètement à côté du sens donné par Dieu à ce passage.
2. Dans le sermon sur la
montagne, il s’agit de principes du royaume
et non pas de principes de
l’assemblée
. Le mélange de ces deux domaines a fait beaucoup de mal. Il
s’agit du royaume en rapport avec un exemple à suivre sur cette terre
,
et non pas en rapport avec notre appel céleste. Nous allons voir que le sermon
sur la montagne a tout du long une signification pour le chrétien, mais il ne
faut pas la surévaluer.
Le sermon sur la montagne n’est pas la « constitution » du christianisme, comme on l’a quelquefois appelé. Il a exclusivement à faire avec le royaume. Il s’agit d’exemple à suivre. On n’y trouve pas les sujets tels que l’assemblée, le Saint Esprit, la vie éternelle, etc. L’assemblée n’est mentionnée que plus tard dans cet évangile, et l’enseignement à son sujet est développé dans les épîtres. On le chercherait en vain dans Matthieu 5 à 7. Si aujourd’hui nous pensions avoir dans le sermon sur la montagne la norme de notre vie, nous n’aurions alors rien compris à notre position.
3. Le caractère principal du sermon sur la montagne est juif. Le Seigneur adresse ces paroles à des croyants d’entre les Juifs. On le reconnaît à plusieurs particularités du texte. Cela ressort déjà tout spécialement de l’expression maintes fois répétées « Père qui est dans les cieux ». On chercherait en vain une telle expression dans les épîtres qui développent notre position chrétienne. Dans ces épîtres, il est parlé du « Dieu et Père », ou simplement du « Père », mais jamais du « Père dans les cieux ».
Même si c’était un grand privilège pour les disciples de connaître le « Père dans les cieux », il n’en reste pas moins que cette expression suppose une certaine distance, un certain éloignement. Le Père est dans le ciel, et les disciples sur la terre. Certes, littéralement il en est bien ainsi pour nous. Mais quant à notre position, nous sommes déjà placés « dans les lieux célestes », et nous avons libre accès auprès du Père (Éph. 2:18).
4. Toutefois, tirer de là la
conclusion que le sermon sur la montagne a un caractère exclusivement
juif serait une erreur. Certains chrétiens sont dédaigneux vis-à-vis du sermon
sur la montagne, et sont convaincus qu’il n’a rien à nous dire. Certes il
concerne en premier lieu des disciples du peuple d’Israël, mais nous ne pouvons
pas simplement évacuer la portée des instructions du Seigneur. Sans doute la
vérité de l’assemblée est infiniment précieuse et importante, mais cela ne veut
pas du tout dire qu’il n’y a rien d’autre qui soit important. Ne sommes-nous
pas des disciples ? Ne sommes-nous pas dans le royaume de Dieu ? Ne
voulons-nous pas, dans notre vie, nous soumettre à l’autorité du
Seigneur ? Le sermon sur la montagne a pour nous une portée pratique. Il
est important de connaître la vérité contenue dans les épîtres, mais
voulons-nous pour cette raison négliger les leçons pratiques que le Seigneur
Lui-même donne ?
En conclusion :
Matthieu 5 à 7 (ce qu’on appelle le sermon sur la montagne) traite des principes à respecter pour suivre l’exemple du Seigneur dans le royaume. Ces principes sont valables :
• pour les disciples aux jours où le Seigneur était sur cette terre, et était rejeté par son peuple (application directe),
• pour le résidu juif avant l’établissement du règne en puissance et en gloire, quand il entrera dans ce règne à travers la grande tribulation et de grandes souffrances (application prophétique),
• pour nous, comme marchant à la suite du Seigneur sur la terre. Notre position est certes céleste, mais nous avons quand même à faire avec le royaume. C’est pourquoi nous pouvons tirer des principes du royaume du profit et des applications pratiques pour nous (application pratique).
En premier lieu, il y a lieu de signaler deux grands dangers en rapport avec l’application du « Notre Père ». L’un d’eux consiste à grandir trop fortement son importance, et à considérer cette prière comme une prière formelle à répéter dans toutes les occasions possibles. Ce n’était pas du tout l’intention du Seigneur. L’autre danger est celui de tomber dans l’excès inverse consistant à récuser entièrement le « Notre Père » en tant que prière pour le chrétien. Une telle attitude serait également un désordre. Le « Notre Père » nous parle aussi à nous, si nous le comprenons de la bonne manière. Nous voulons essayer de discerner la pensée de Dieu.
Le point de départ des enseignements du Seigneur au sujet du « Notre Père » en Matt. 6, est une instruction générale en rapport avec la prière publique. Le Seigneur Jésus met en garde contre les gens qui prient publiquement ou dans les rues, et ne le font que pour être vus des autres. De tels gens sont qualifiés d’hypocrites ; leurs prières ne sont pas agréables à Dieu. Le Seigneur Jésus invite alors Ses disciples à mener une vie de prière personnelle, et leur dit : « Mais toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, et ayant fermé ta porte, prie ton Père qui [demeure] dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret, te récompensera » (Matt. 6:6). Les prières publiques comportent aussi aujourd’hui le danger de ne pas s’adresser en premier lieu à Dieu, mais devant les hommes. C’est pourquoi, quand nous prions en public, nous devons toujours être aussi courts que possible, et de ne pas transformer la prière en moyen de faire un exposé.
Nous
arrivons maintenant au premier point. Le « Notre Père » est largement
pratiqué comme prière publique en commun. Or le Seigneur introduit expréssément
son instruction par les paroles suivantes : « entre dans ta chambre,
et ayant fermé ta porte, prie ». Le « Notre Père » n’a jamais
été prévu pour un usage général et public. Cela ressort clairement du contexte.
Certes la prière est formulée à la première personne du pluriel
(« nous »), mais l’explication en est simple : celui qui prie se
voit rattaché en prière à d’autres qui nomment également Dieu comme « leur
Père qui est dans les cieux ». C’est pourquoi Il dit : « Notre
Père… ».
Retenons donc solidement que le « Notre Père » n’est nullement une prière publique et générale, mais une prière personnelle.
Le deuxième point est que le « Notre Père » n’est pas prévu pour les non-croyants. Le Seigneur Jésus s’adresse ici à des disciples. Comment un non-croyant pourrait-il dire : « Notre Père qui es dans les cieux » ? C’est impossible. Un non-croyant n’a rien à faire avec cette prière. S’il veut entrer en relation avec Dieu, il ne peut que se tourner vers Lui avec les paroles de repentance du publicain : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur ! » (Luc 18:13). C’est une prière que Dieu entend et entendra. Combien il est tragique que des hommes puissent penser être agréables à Dieu en répétant suffisamment souvent la prière du « Notre Père » ! Cela n’a jamais été le sens de cette prière.
Retenons donc solidement que le « Notre Père » est destiné à des croyants et n’est pas pour des non-croyants.
Un troisième point est souvent méconnu. Le « Notre Père » n’est nullement l’expression d’une adoration commune. Il n’est absolument pas question d’adoration dans cette prière, ni en commun, ni personnelle. Dans bien des traductions de la Bible (Texte Reçu, King James, Osterwald, etc.), on trouve en fin du « Notre Père » (Matt. 6:13) un ajout qui semble contredire cela. Il s’agit d’une doxologie (expression de louange) : « car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour l’éternité. Amen ». Cependant les recherches sur le texte biblique ont prouvé de manière incontestable qu’il s’agit d’un ajout tardif introduit par des copistes pour une raison quelconque. Les manuscrits les plus anciens n’ont pas cet ajout (bien des traductions ne retiennent pas ces paroles : Darby, TOB, Crampon, Carrez ; Segond, Semeur, Thompson, Français courant retiennent ces paroles, mais avec indication de texte douteux). Il ne convient pas non plus à cette prière du point de vue de la structure d’ensemble. Non, dans le « Notre Père », il ne s’agit pas d’adoration. Il s’agit de quelqu’un qui a à cœur les intérêts de Dieu et qui vient à son Père céleste avec ses difficultés.
Retenons donc solidement que le « Notre Père » n’est pas donné pour adorer Dieu, mais pour Lui demander quelque chose.
Un quatrième point est de savoir si c’était, ou non, l’intention du Seigneur Jésus de communiquer le « Notre Père » comme une prière formelle à répéter mot à mot en certaines occasions. Les arguments suivants vont à l’encontre de cette idée :
1. Immédiatement avant, le Seigneur Jésus met en garde contre les vaines redites, comme les païens en faisaient. Il dit : « Et quand vous priez, n’usez pas de vaines redites, comme ceux des nations, car ils s’imaginent qu’ils seront exaucés en parlant beaucoup. Ne leur ressemblez donc pas » (Matt. 6:7-8). C’était un usage païen de répéter toujours les mêmes mots, avec l’idée que les dieux finiraient par les entendre. Naturellement il est tout à fait convenable d’apporter dans la prière régulièrement les mêmes préoccupations. Mais il est crucial de le faire de manière consciente, et non pas simplement par habitude. Or n’arrive-t-il pas souvent, dans des occasions de prières en commun où l’on prononce le « Notre Père », qu’on a l’impression qu’on prie sans vraiment penser à ce qu’on demande ?
2. Cette prière est aussi mentionnée en Luc 11. Une comparaison précise des deux textes montre cependant quelques différences. En Matthieu il y a sept demandes, alors qu’il n’y en a que cinq en Luc (elles sont en accord avec le caractère particulier à cet évangile). Si l’intention de Dieu avait été de nous donner une prière formelle, les deux textes auraient évidemment dû être identiques. Comme ce n’est pas le cas, il devrait nécessairement se soulever la question de savoir laquelle de ces deux prières est à répéter.
3. Le saut du v. 13 au v. 14 est assez remarquable. De fait, la prière du « Notre Père » n’a pas de véritable fin, mais au v. 13 on trouve la sixième et la septième demande, à la suite de quoi le v. 14 vient donner une explication en rapport avec la cinquième demande (il est possible que ce soit là la raison ayant conduit à compléter par l’ajout mentionné ci-dessus). Un tel saut n’est évidemment pas approprié à une prière formelle.
4. Un lecteur du Nouveau Testament chercherait en vain une allusion au « Notre Père » dans les Actes ou dans les épîtres. Si le Seigneur avait voulu qu’encore aujourd’hui nous ayons à prier le « Notre Père » tel quel (sans modification), on se serait naturellement attendu à quelque allusion ou invitation à prier de cette manière. C’est ainsi que l’invitation à célébrer le repas du souvenir en mémoire de Sa mort est répétée dans les épîtres, et les Actes montrent comment les premiers chrétiens l’ont pratiqué. Dans le cas du « Notre Père », il n’y a aucune allusion ultérieure.
5. En outre, une prière formulée d’avance empêcherait l’activité du Saint Esprit en nous. Les disciples auxquels s’adresse le Seigneur Jésus ne possédaient pas encore le Saint Esprit. Mais nous, nous Le possédons, et Il est celui qui nous conduit dans nos prières (Rom. 8:26). Il n’est pas nécessaire aujourd’hui de nous instruire de la même manière que les disciples l’ont été alors (et que le résidu juif des jours à venir en aura besoin) parce que nous possédons le Saint Esprit qui habite en nous. Il est Celui qui nous conduit dans la prière.
Pour ces raisons, nous retenons solidement ce quatrième point, à savoir que le « Notre Père » n’a pas été conçu comme une prière formelle pour nous.
Après avoir établi en quatre
points ce que le « Notre Père » n’est pas
, il se pose la
question de savoir quel était le but du Seigneur en nous donnant cette prière.
Comment devons-nous nous servir du « Notre Père » en tant que
chrétien ? Qu’a-t-il à nous dire ?
Retenons d’abord bien que la prière d’un croyant doit toujours être en harmonie avec la connaissance qu’Il a de Dieu, et avec le champ de vérité qui lui a été révélée. C’était déjà le cas dans l’Ancien Testament. Les croyants de ce temps-là s’adressaient à Dieu selon qu’ils Le connaissaient. Ici en Matth. 6, les disciples pouvaient déjà s’adresser au Père, parce que le Seigneur Jésus Le leur avait révélé. Cependant, avant la résurrection du Seigneur Jésus, les disciples n’avaient pas encore une relation connue d’enfants vis-à-vis de Dieu. La vérité chrétienne ne leur était pas encore connue, ni non plus la position dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Les disciples ne possédaient pas encore le Saint Esprit habitant en eux, pour influencer leur vie de prière dans ce sens. L’influence du Saint Esprit sur notre vie de prière est-elle réellement si grande ? Le Seigneur Jésus Lui-même nous le montre clairement. Il en parle en Jean 16 avec Ses disciples. Il leur parle d’abord de la venue de l’Esprit de vérité, puis Il leur dit : « Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom ; demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit accomplie… En ce jour-là, vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis pas que moi je ferai des demandes au Père pour vous ; car le Père lui-même vous aime » (Jean 16:24, 26, 27). Auparavant les disciples n’avaient pas prié au nom du Seigneur Jésus (c’est-à-dire en plein accord avec la volonté du Seigneur). Mais maintenant, après la venue du Saint Esprit, ils pouvaient prier d’une manière entièrement nouvelle, parce que le Saint Esprit les conduisait à prier au nom du Seigneur.
Pour les disciples à ce moment-là, le « Notre Père » était une expression du cœur correspondant tout à fait à leur relation avec Dieu, car ils Le connaissaient comme leur « Père qui est dans les cieux ». Quant à nous, nous prions Dieu, notre Père, dans la conscience que nous pouvons dire « Abba, Père ». Or qui est celui qui nous conduit à faire cela ? c’est le Saint Esprit, comme nous le lisons en Rom. 8:15,16 : « Car vous n’avez pas reçu un esprit de servitude pour être de nouveau dans la crainte, mais vous avez reçu [l’]Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! L’Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu ». Notre relation avec Dieu est donc double : nous sommes d’abord fils, et deuxièmement enfants de Dieu. En conséquence nos prières devraient être à un niveau supérieur à celui exprimé dans le « Notre Père ». Mais cela implique que nous jouissions pratiquement de la position qui nous a été accordée.
En contraste avec les Juifs d’alors et des jours à venir, nous avons le privilège de prier au nom du Seigneur et par le Saint Esprit. C’est pourquoi Jude, dans son épître, invite ceux auxquels il s’adresse en disant : « vous, bien-aimés… priant par le Saint Esprit » (Jude 20). Paul écrit aux Éphésiens (6:18) : « priant par toutes sortes de prières et de supplications, en tout temps, par l’Esprit ». Le « Notre Père » n’est pas du tout une prière par le Saint Esprit, ni au nom du Seigneur.
Il serait cependant dangereux, à partir de ces faits, de tirer la conclusion que le « Notre Père » serait de peu de valeur ou imparfait. Au contraire, c’est une prière parfaite : comment pourrait-il en être autrement puisque c’est le Seigneur Jésus Lui-même qui l’a enseignée à Ses disciples ? Comment oserions-nous en avoir une piètre opinion ? Mais le « Notre Père » ne correspond pas à notre position, parce qu’il n’est pas encore fondé sur l’œuvre accomplie à la croix. Nos prières peuvent avoir un autre contenu, parce qu’en tant que pécheurs rachetés, nous savons maintenant que notre salut repose en assurance sur l’œuvre de Golgotha accomplie une fois pour toutes. Nous prions maintenant selon la position dans laquelle nous avons été placés.
Cela voudrait-il dire que, maintenant, nous ne pouvons pas du tout prier le « Notre Père » ? Cette conclusion serait aussi prématurée. Même si cette prière est valable pour les Juifs dans sa portée propre, elle ne comporte cependant pas de sujets de prière avec lesquels, comme chrétiens, nous ne pouvons pas nous identifier. Encore une fois : notre horizon est plus vaste, nos préoccupations faisant l’objet de prières englobent infiniment plus que ce qui est exprimé dans le « Notre Père » ; et pourtant cette prière contient bien des choses qui nous sont tout à fait applicables. Cette prière, comme tout le reste du sermon sur la montagne, nous donne des indications importantes pour notre vie de disciples, et elles sont à prendre à cœur.
Résumons
ces points : Dans sa portée propre, le « Notre Père » est
valable pour des Juifs croyants, qui ont reconnu le Seigneur Jésus comme leur
Messie, et qui veulent suivre Son exemple. Ils ne connaissent pas les conseils
de Dieu à l’égard de Son assemblée, ils ne possèdent pas le Saint Esprit, et ne
peuvent pas considérer l’œuvre de rédemption comme étant accomplie. Ce sont
pour de tels gens que vaut la Parole du Seigneur : « vous
donc
priez… ». Dans leur portée directe, cette parole vaut pour les disciples
d’alors, mais elle sera aussi pertinente pour le résidu Juif des jours à venir.
Nous chrétiens, nous avons des choses plus élevées, pour lesquelles nous
pouvons prier et faire monter des louanges. Mais d’un autre côté cette prière
contient beaucoup d’indications importantes que nous pouvons et voulons nous
appliquer en pratique. Nous n’avons pas à craindre de faire nôtres les demandes
du « Notre Père ». Pour cela nous devons néanmoins laisser le champ
libre au Saint Esprit qui habite en nous. Une répétition directe et littérale
du texte ne serait pas en accord avec la position qui est devenue la nôtre dans
le Seigneur Jésus.
Le « Notre Père » contient en tout sept demandes :
• que ton nom soit sanctifié,
• que ton règne vienne,
• que ta volonté soit faite, comme dans le ciel, aussi sur la terre,
• donne-nous notre pain quotidien,
• remets nous nos dettes [ou : pardonne-nous nos fautes],
• ne nous induis pas en tentation,
• délivre-nous du mal.
Ces sept demandes peuvent être réparties en deux groupes. Les trois premières ont à faire avec Dieu et Son honneur ; les quatre dernières concernent les besoins de celui qui prie. Cela suffit déjà à parler à nos cœurs. Il y a un principe valable d’une manière tout à fait générale pour nos vies de chrétiens : « Recherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice » (Matt. 6:33). Les intérêts et les droits de Dieu doivent prendre la première place dans notre vie. S’il en est ainsi, cela se reflétera dans notre vie de prière. Essayons donc un peu ! Par quoi commencer nos prières ? Ne mettons-nous pas souvent nos besoins et nos prières au premier plan ? Bien sûr, nous pouvons et devons dire à Dieu tout ce qui pèse sur nos cœurs ; c’est ce qu’Il attend. Mais nous ne devons jamais oublier que la première place appartient à notre Dieu et à Ses affaires — y compris dans nos prières.
En regardant maintenant d’un peu plus près les demandes particulières du « Notre Père », nous nous demanderons d’abord quelle est la portée de chacune des demandes pour le résidu croyant des jours à venir (a), puis nous verrons quel profit pratique en tirer pour nous (b).
a) En règle générale dans la Bible, le nom tient la place de la personne qui a ce nom. Ici, il s’agit donc que Dieu Lui-même soit sanctifié. Déjà dans l’Ancien Testament, Dieu adressait cette invitation à Son peuple par le moyen du prophète Ésaïe (8:13) : « L’Éternel des armées, lui, sanctifiez-le ». Cette exhortation était donnée tellement le nom de l’Éternel était déshonoré par le peuple. Dieu a dû s’en plaindre à plusieurs reprises par le moyen du prophète Ézéchiel (36:19-23). C’est pourquoi cette demande sera sur les cœurs du résidu avant l’établissement du règne sur cette terre, quand les Juifs fidèles reconnaîtront la culpabilité dont le peuple s’est chargé. La sanctification du nom de Dieu est la condition préalable à la bénédiction du Messie qui se rattache au règne qui vient.
b) La Parole de Dieu parle dans plusieurs passages de la sainteté des croyants. Paul écrit aux Thessaloniciens (4:3) : « car c’est ici la volonté de Dieu, votre sainteté ». Dieu ne veut pas que Son nom se rattache à l’impureté ou au péché ; c’est la raison pour laquelle Il nous invite à la sainteté. Nous avons cependant à faire attention au fait que cette sainteté a deux côtés, l’un de position, l’autre pratique.
La sainteté est d’abord une
position dans laquelle Dieu nous a placés, quand nous sommes venus au Seigneur
Jésus. Nous sommes
sanctifiés par la volonté de Dieu (Héb. 10:10).
Deuxièmement, la sainteté est un état pratique. Dieu voudrait que, dans notre
vie, nous correspondions à ce que nous sommes quant à notre position. C’est ce
dont parle Pierre : « Comme
celui qui vous a appelés est saint, vous aussi soyez saints dans toute [votre]
conduite ; parce qu’il est écrit : ‘Soyez saints, car moi je suis
saint’ » (1 Pierre 1:16).
C’est de la sainteté pratique qu’il s’agit ici dans le « Notre Père ». N’avons-nous pas tous ressentis combien cette requête nous convient : « que ton nom soit sanctifié » ? Combien il y a de choses dans nos vies qui ne sont pas en accord avec la sainteté de Dieu ! Une vie à l’honneur de Dieu ne peut qu’être une vie de séparation de tout mal. L’honneur de Dieu ne devrait-il pas avoir la première place dans nos vies ? C’est pourquoi il est bon de prier chaque jour pour que nous ayons cette sainteté pratique. Satan s’efforcera de nous tirer vers des relations qui ne sont pas saintes. C’est pourquoi la demande d’une sainteté pratique nous est tellement nécessaire.
a) Le royaume de Dieu établi en puissance et en gloire sur cette terre était la grande espérance des Juifs. Ce royaume était prédit dans l’Ancien Testament, et beaucoup de prophéties en parlent. Pour les Juifs, ce royaume signifiera la délivrance finale de leurs ennemis et de la domination étrangère. C’est pourquoi Pierre parle en Actes 3:19 des « temps de rafraîchissement » qui viendraient de devant la face du Seigneur. Pierre montre cependant clairement que ce royaume ne peut venir que par la repentance préalable de ceux qui veulent entrer dans le règne.
C’est justement là que résidait alors l’obstacle à l’établissement du règne. Le peuple dans son ensemble ne voulait pas se repentir ; au contraire ils ont rejeté le roi. Le désir d’un royaume de Dieu a cependant subsisté. Le résidu croyant des jours à venir, qui sera dans une grande détresse et dans la persécution, aura le désir ardent du royaume de Dieu, et sera alors également prêt à se repentir. Son grand désir sera bien « que ton règne vienne ».
b) Pouvons-nous, comme chrétiens, demander : « que ton règne vienne » ? Ce royaume n’est-il pas venu déjà depuis longtemps ? ne sommes-nous pas dans le royaume de Dieu ? bien sûr — mais nous sommes dans la phase du royaume où le roi est rejeté et où le royaume a pris une forme cachée. Le temps où le royaume sera public et visible en gloire, est encore futur pour nous. Nous pouvons attendre ce moment-là comme aussi notre Seigneur l’attend.
Maintenant Satan domine encore comme chef de ce monde. L’honneur de notre Seigneur est foulé aux pieds. Dans ce monde, on dit toujours plus : « nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». Cela nous laisse-t-il indifférent ? Pas du tout ; nous nous réjouissons du moment où Il ne sera plus le Rejeté, et où Ses droits seront reconnus sur la terre, et où Il régnera en justice.
Naturellement notre espérance chrétienne dépasse cette attente du royaume. Nous n’attendons pas en premier le Roi qui vient régner, mais nous attendons l’époux qui vient chercher son épouse. Nous nous réjouissons des noces de l’Agneau et de la maison du Père où nous serons unis avec Lui pendant toute l’éternité. C’est pourquoi notre prière n’est pas en premier lieu « que ton règne vienne », mais « viens, Seigneur Jésus ». C’est l’Esprit Lui-même qui réveille en nous ce désir et ce cri d’appel (Apoc. 22:18, 20). Mais cela ne veut pas dire que nous n’aurons aucune part au royaume futur, bien au contraire. Certes nous n’entrerons pas dans ce royaume comme des sujets ou des frères du roi, comme ce sera le cas pour les gens des nations ou les Juifs qui auront traversé la grande tribulation, mais nous aurons tout à fait une place dans ce royaume. Pierre en parle ainsi : « Car ainsi l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ vous sera richement donnée » (2 Pierre 1:11). Paul également en parle quand il dit : « Le Seigneur… me conservera pour son royaume céleste » (2 Tim. 4:18).
Le royaume futur aura un côté terrestre et un côté céleste. Notre part, comme celle des croyants de l’Ancien Testament, sera le côté céleste, que Pierre qualifie de « royaume éternel » et Paul de « royaume céleste » (à ne pas confondre avec la maison du Père). Le Seigneur Jésus en parle également sous l’appellation de « royaume du Père » (Matt. 13:43). Le « royaume du Fils de l’Homme » est la partie terrestre, tandis que le « royaume du Père » est la partie céleste. Nous avons à nous réjouir de cela, car depuis le ciel nous régnerons avec Christ. C’est pourquoi nous voulons être de ceux qui « aiment son apparition » (2 Tim. 4:8).
a) La grande différence entre le ciel et la terre consiste en ce que, dans le ciel, la volonté de Dieu est faite, tandis que sur la terre c’est loin d’être le cas. Tout Juif pieux devait reconnaître que le peuple, dans son ensemble, s’était largement éloigné de contribuer à ce que la volonté de Dieu devienne une réalité. Ce qui était au premier plan était la propre volonté et non pas la volonté de Dieu. Satan influence aujourd’hui la volonté des hommes, et son action a toujours pour but d’aller à l’encontre de la volonté de Dieu. Et que sera-ce, quand un jour Satan sera chassé du ciel sur la terre et manipulera encore plus directement la volonté des hommes ! (Apoc. 12:9).
Combien grande sera la souffrance du résidu placé dans ces conditions, de ce que la volonté de Dieu ne comptera pour rien sur cette terre. Alors ils prieront en disant : « que ta volonté soit faite, comme dans le ciel, aussi sur la terre ». Or cette demande sera entendue. Le jour vient où la terre sera pleine de la connaissance de l’Éternel (És. 11:9). Cependant la condition pour que cela ait lieu, est que Dieu conclue une nouvelle alliance avec Son peuple. Alors Il mettra Sa loi dans leurs cœurs et l’écrira sur leurs entendements (Héb. 10:16). C’est de cette manière seulement qu’il sera possible que le peuple finisse par demander la volonté de Dieu et la fasse.
b) Comme chrétiens, nous souffrons de ce que si peu de gens s’intéressent à la volonté de Dieu. Même les enfants de Dieu font et font faire ce qui leur semble bon, sans demander ce que Dieu en dit. Certes nous ne sommes pas appelés à améliorer le monde, mais quand il s’agit de nos propres vies ou de la vie d’autres enfants de Dieu, nous pouvons bien demander : « que ta volonté soit faite ». Une fois que le règne en puissance et en gloire sera fondé, la volonté de Dieu sur cette terre sera faite. Mais dans nos vies, il devrait déjà en être ainsi aujourd’hui.
Nous reconnaissons que nous vivons dans un temps comparable à celui des Juges. La caractéristique de ce temps-là était que « chacun faisait ce qui était bon à ses yeux ». Que faisons-nous ? Demandons-nous consciemment la volonté de Dieu pour notre vie ? Sommes-nous prêts à obéir à la volonté de Dieu ? Nous sommes pourtant appelés « à l’obéissance de Jésus Christ » (1 Pierre 1:2). Nous sommes capables de faire la volonté de Dieu et de Lui obéir, comme le Seigneur Jésus l’a fait comme homme sur la terre. Dieu nous montre Sa volonté dans Sa Parole : à nous d’apprendre à connaître cette volonté et de la faire par Sa grâce. Le Seigneur Jésus est notre modèle parfait, duquel nous avons à apprendre. Il a dit : « C’est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir, et ta loi est au dedans de mes entrailles » (Psaume 40:8).
a) Cette demande montera du cœur du résidu croyant vers Dieu quand il sera dans la grande tribulation. Selon Apoc. 13:16-17, le temps viendra où il ne sera plus possible d’acheter ni de vendre sans avoir la marque de la bête sur la main ou sur le front. Pour le résidu qui refusera l’antichrist, ce sera une grosse épreuve. Qui les nourrira ? Dieu ne les oubliera pas. En Apoc. 12 nous lisons par deux fois que Dieu Lui-même nourrira le résidu qui se sera enfui du pays (Apoc. 12:6,14). Comme Élie autrefois qui recevait chaque jour sa nourriture de la part de Dieu, ainsi le résidu s’attendra à Dieu jour après jour. Comprenons-nous maintenant la raison pour laquelle ils prieront en disant : « donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ».
b) Nous qui vivons plus ou moins dans l’aisance, pouvons-nous nous appliquer cette prière pour de bon ? En ce qui concerne le pain quotidien, très rares sont ceux d’entre nous qui sont dans le besoin. Et pourtant n’y a-t-il pas une multitude d’autres besoins pour lesquels nous avons à faire preuve de dépendance vis-à-vis de Dieu ? À l’égard de tout, y compris ce qu’on dit petit et ce qui va de soi dans la vie quotidienne, nous sommes entièrement à la merci de notre Dieu. Agur, l’homme de Dieu de l’Ancien Testament, l’avait déjà bien saisi, qui disait : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse ; nourris-moi du pain qui m’est nécessaire, de peur que je ne sois rassasié, et que je ne te renie et ne dise : Qui est l’Éternel ? et de peur que je ne sois appauvri, et que je ne dérobe, et que je ne parjure le nom de mon Dieu » (Prov. 30:8-9).
Nos besoins journaliers
peuvent être très différents, mais Dieu veut nous donner chaque jour de notre
vie ce dont nous avons besoin, et Sa promesse est encore valable aujourd’hui.
Nous nous emparons souvent des choses à l’avance, et nous voudrions avoir déjà
aujourd’hui ce dont nous aurons besoin demain. Or ce n’est pas la manière de
notre Dieu. Il voudrait que nous apprenions à nous confier en Lui
« aujourd’hui ». Nous n’avons pas à demander le pain de demain, mais
« donne-nous aujourd’hui
notre pain quotidien ».
Dieu sait ce dont nous avons besoin, et Il aime nous le donner. Nous avons à apprendre, non pas à construire sur nos propres forces, mais à regarder à Lui et à tout attendre de Lui. Le Seigneur Jésus Lui-même disait à Ses disciples : « Ne soyez pas en souci pour votre vie, de ce que vous mangerez et de ce que vous boirez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus : la vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?… Qui d’entre vous, par le souci qu’il se donne, peut ajouter une coudée à sa taille ?… Ne soyez donc pas en souci » (Matt. 6:25-31).
[ou : « pardonne-nous nos fautes, comme aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Pardon = rémission].
a) Pour un Juif, il était clair qu’Un seul, Dieu, pouvait pardonner les péchés (voir Marc 2:7). Par contre, à l’inverse de nous, ils ne savaient pas que le pardon (= rémission) des péchés ne peut avoir lieu que sur la base de l’œuvre du Fils de Dieu à la croix. Ici il ne s’agit pas de ce qu’un pécheur vient à Dieu avec sa culpabilité pour recevoir le pardon (= rémission), mais il s’agit de disciples qui demandent le pardon (= rémission). Les Juifs croyants étaient certes nés de nouveau, mais ils n’avaient aucune conscience d’un pardon (= rémission) complet des péchés comme nous le connaissons. C’est pourquoi ils demandaient le pardon pour eux-mêmes, mais ils devaient en même temps être prêts à pardonner aux autres. Ce principe ressort aussi d’autres passages : « Et quand vous ferez votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez-lui, afin que votre Père aussi, qui est dans les cieux, vous pardonne vos fautes. Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est dans les cieux ne pardonnera pas non plus vos fautes » (Marc 11:25-26).
Pensons un peu à ce que sera un jour la situation du résidu juif qui reconnaîtra sa grande culpabilité, et entendra alors la Parole de Dieu : « Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée » (Ésaïe 40:2). Alors les Israélites croyants, objets de la grâce de Dieu qui pardonne, auront appris eux-mêmes à exercer la grâce, aussi bien à l’égard des nations environnantes qu’envers leurs propres compatriotes.
b) Peut-être est-ce la demande que nous avons le plus de peine à nous appliquer. Nous connaissons l’œuvre du Seigneur Jésus à la croix, et nous avons le droit de nous reposer en sécurité sur cette œuvre. Nous savons que nos péchés sont pardonnés (= remis), et qu’en ce qui concerne notre position devant Dieu, nous n’avons « plus aucune conscience de péché » (Héb. 10:2). Nous connaissons que Dieu accepte de nous pardonner nos péchés et de nous purifier de toute iniquité, la condition pour cela étant que nous confessions nos péchés devant Lui (1 Jean 1:9).
Mais il ne s’agit pas ici de la situation du pécheur par rapport à Dieu, mais du péché dans la vie du croyant. Nous savons tous malheureusement que ceci recommence toujours à nouveau. Notre position comme enfants de Dieu n’est pas touchée par cela, car celui qui est né de Dieu ne peut pas cesser d’être enfant de Dieu. Mais ce que cela influence beaucoup, c’est la joie de notre communion avec Dieu.
La communion est quelque chose de tout à fait précieux, mais qui est très facile à perturber. Chaque péché dans notre vie de chrétien s’interpose entre Dieu et nous. C’est pourquoi il est toujours à nouveau nécessaire de confesser à Dieu ce qui s’est passé, afin que la jouissance de la communion puisse être rétablie. Nous ne prions pas directement pour avoir le pardon (= rémission), mais nous confessons nos péchés, afin qu’ils nous soient pardonnés (= remis). Mais comment pourrions-nous compter que Dieu nous pardonne nos péchés, si nous-mêmes n’avions aucun sentiment de pardon vis-à-vis de nos frères ?
Encore un point : il ne
s’agit pas de pardon (= rémission) en rapport avec l’éternité, mais de pardon
(= rémission) en rapport avec le gouvernement de Dieu. Si nous ne voulons
pas pardonner, alors Dieu, en ce qui concerne notre vie pratique, ne pardonnera
pas non plus. La conséquence en sera que nous ne pourrons plus jouir de la
communion avec le Père, et que nous irons notre chemin sans joie.
Le Seigneur nous montre clairement l’importance d’avoir ce sentiment de pardon vis-à-vis de nos frères dans les versets qui suivent le « Notre Père ». Il y est dit : « Car si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi à vous ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs fautes, votre Père ne pardonnera pas non plus vos fautes » (Matt. 6:14-15). En Matt. 18:21-35, cela est explicité dans un exemple. Le Seigneur parle d’un esclave à qui une grosse dette avait été remise, mais qui n’était lui-même pas prêt à remettre une petite dette à l’un de ceux qui était esclave avec lui. Que doit dire le roi ? « Méchant esclave, je t’ai remis toute cette dette, parce que tu m’en as supplié ; n’aurais-tu pas dû aussi avoir pitié de celui qui est esclave avec toi, comme moi aussi j’ai eu pitié de toi ? » (Matt. 18:32-33). Si nous pensons à la grande dette qui nous a été remise, ne devrions-nous pas aussi être prêts à pardonner à notre prochain ?
Pour nous chrétiens, il y a en outre un motif beaucoup plus profond de pardonner que pour un Juif. Paul écrit aux Éphésiens qu’ils doivent se pardonner l’un l’autre « comme aussi Dieu en Christ vous a pardonné » (Éph. 4:32). N’est-ce pas un motif suffisant pour nous pardonner l’un l’autre ?
a) Cette demande montera du cœur du résidu croyant vers Dieu quand il passera par la grande tribulation. Dans la lettre à Philadelphie, le Seigneur Jésus parle de « l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée tout entière » (Apoc. 3:10). Le résidu traversera cette épreuve et ce sera un temps de tribulation sans pareil justement pour les Juifs croyants, « une tribulation telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais » (Matt. 24:21). En outre, il arrivera qu’« il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes… de manière à séduire, si possible, même les élus » (Matt. 24:24). En ce temps de danger extrême, le résidu demandera : « Ne nous induis pas en tentation ».
b) Le Nouveau Testament nous enseigne qu’il y a deux sortes de tentations qui peuvent nous atteindre. Les unes viennent de la chair, en ce que Satan essaie de nous détourner vers le péché. Jacques écrit à ce sujet : « Que nul, quand il est tenté, ne dise : Je suis tenté par Dieu ; - car Dieu ne peut être tenté par le mal, et lui ne tente personne » (Jacq. 1:13). Ce n’est pas de cette sorte de tentation qu’il s’agit ici, car il est exclut que Dieu nous tente pour nous amener au péché ou au mal. Quand Dieu nous tente, la tentation a toujours le caractère de mise à l’épreuve ou de test. Dieu teste notre foi, comme Il l’a fait avec Abraham, quand il dut offrir son fils en sacrifice.
Dieu se sert de divers moyens pour nous tester. Le souci, la souffrance, la maladie, le besoin, la persécution, les difficultés à l’école ou dans la profession peuvent devenir, dans la main de Dieu, une mise à l’épreuve de notre foi. Comment faisons-nous face à de telles épreuves ? Pensons-nous pouvoir les surmonter par nos propres forces ? Non, il nous faut avoir une profonde conscience de notre faiblesse et de notre incapacité à tenir bon dans une mise à l’épreuve de la part de Dieu. C’est pourquoi il est tout à fait compréhensible qu’on prie en disant : « ne nous induis pas en tentation ». Certes Jacques écrit aussi : « Estimez-le comme une parfaite joie, mes frères, quand vous serez en butte à diverses tentations » (Jacq. 1:2), et Paul dit : « Nous nous glorifions aussi dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience » (Rom. 5:3). Mais même quand nous arrivons à un tel niveau de foi, nous ne devrions pas nous confier en nous-mêmes ou en notre expérience, mais bien plutôt ressentir notre faiblesse. Si nous avons un peu appris à nous connaître nous-mêmes, nous savons que les épreuves venant de Dieu sont nécessaires, et alors nous continuons à prier en disant : « ne nous induis pas en tentation », et nous demandons de l’aide et de la fermeté dans l’épreuve.
a) Le résidu croyant sera tout particulièrement l’objet des attaques du mal. L’antichrist persécutera les Juifs fidèles, et Satan lui-même se tournera directement contre eux. Quand il sera chassé du ciel pour exercer directement sa puissance sur la terre, il se mettra immédiatement à persécuter le résidu. C’est ainsi que nous lisons dans l’Apocalypse (12:13) : « Et quand le dragon (le diable) vit qu’il avait été précipité sur la terre, il persécuta la femme (le résidu) qui avait enfanté le [fils] mâle » (Apoc. 12:13).
On voit dès lors combien la dernière demande du « Notre Père » est appropriée pour le résidu croyant des jours à venir : « Délivre-nous du mal ». Ces croyants n’auront pas le Saint Esprit habitant en eux comme nous, les chrétiens. Cependant cette demande sera tout particulièrement nécessaire pour avoir de la force en face de Satan qui les attaquera.
b) Le texte grec laisse ouverte la question de savoir s’il faut lire « délivre-nous du mal » ou « délivre-nous du malin ». Les deux donnent un sens valable, car il est nécessaire d’être protégé contre tous les deux. Dieu seul peut nous protéger du mal aussi bien que de Satan qui s’efforce constamment de nous détourner par ses ruses du chemin où l’on suit le Seigneur.
Le mal remplit l’atmosphère qui nous entoure. C’est pourquoi comme enfants de Dieu, nous sommes en danger d’être contaminés, ce qui nous souille. Nous sommes tellement habitués à bien des choses, que notre conscience ne réagit même plus. Nous adoptons peut-être inconsciemment des manières de penser et de se conduire de nos concitoyens, ne nous rendant même plus compte combien elles vont à l’encontre des pensées de Dieu. C’est pourquoi la demande journalière « délivre-nous du mal » est tellement nécessaire.
Satan lui-même s’efforce toujours de causer du tort. Certes il n’a plus de pouvoir direct sur nous, mais nous sommes malgré tout l’objet de ses ruses. Dans un tout autre contexte, l’apôtre parle de ces ruses du diable, et il nous rappelle que nous ne pouvons lui résister que par la force du Seigneur (Éph 6:10-11). Le Seigneur Lui-même ne sous-estime pas l’activité de Satan contre nous. C’est pourquoi il priait Son Père en disant : « je te demande… que tu les garde du mal » (Jean 17:15). Satan nous attaque au niveau de l’esprit, de l’âme et du corps. Il connaît nos points faibles bien mieux que nous. Sa tactique est d’attaquer de plusieurs côtés à la fois. Seuls, nous ne pouvons pas nous protéger de lui. C’est pourquoi nous avons à nous tourner en toute confiance vers notre Père, et à Lui demander : « délivre-nous du mal ».
La prière que le Seigneur a enseignée à Ses disciples est divine, parfaite et bonne. Elle est un témoignage clair d’une relation vivante avec le Père dans le ciel, auquel nous pouvons nous confier en toutes choses. Il est vrai que cette prière n’est pas l’expression de notre position chrétienne d’enfants de Dieu. Cette position, telle que nous la trouvons dans les épîtres du Nouveau Testament, va bien au-delà de ce que nous trouvons dans le « Notre Père ». Dans les épîtres, nous trouvons des adorateurs qui ont accès auprès du Père en toute liberté, et dans la conscience qu’ils sont enfants de Dieu.
Comparons le « Notre Père » avec la prière de l’apôtre Paul en Col. 1, et nous verrons clairement la grande différence : « Rendant grâces au Père qui nous a rendus capables de participer au lot des saints dans la lumière ; qui nous a délivrés du pouvoir des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col. 1:12-14). — Cependant la prière que le Seigneur a enseignée à Ses disciples a aussi pour nous une force morale que nous ne devons pas méconnaître. En ce qui concerne notre vie pratique comme disciples du royaume de Dieu, nous avons beaucoup à apprendre de cette prière. Mais comme prière formelle, nous n’avons évidemment pas à utiliser le « Notre Père ». « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Cor. 3:17). Nous avons pleine liberté à l’égard de Dieu, et c’est la raison pour laquelle une prière préformulée n’a certainement pas sa place. Mais l’Esprit de Dieu qui habite en nous veut aussi nous conduire dans la prière.