par J. G Bellett
Tables des matières :
Note : Le livres « les Patriarches » de J.G.B. comprend un chapitre sur Job et 7 chapitres sur Hénoc, Noé, Abraham, Isaac, Jacob et Joseph. Bibliquest a présenté le chapitre sur Job sous forme de document séparé. Les autres patriarches sont regroupés dans un seul document figurant avec les études sur le livre de la Genèse.
« … Si quelquefois un nuage
Vient me dérober ta beauté,
Ami divin, après l’orage,
Comme avant, brille ta clarté ».
Cette pensée d’un poète chrétien renferme une grande vérité, et on peut l’appliquer avec assez d’à-propos aux afflictions de Job. On dirait même qu’elle a été suggérée par le récit de l’historien inspiré. Le nuage était particulièrement sombre et accablant, mais le regard divin qui l’accompagnait était rayonnant de grâce et de bonheur. Le voile était épais, mais la gloire qui s’en enveloppait brillait d’un grand éclat. Dieu, qui se tient au-dessus de tous les débordements, voulait se glorifier dans son serviteur. De même que l’humiliation va devant la gloire, la douceur succède à l’amertume (Ex. 15:25).
C’est justement, en somme, ce que nous trouvons ici dans cette histoire ; car, attendons seulement un peu, et le fruit qui doit résulter du travail sera doux et précieux au delà de toute attente. Pour que le bouton vienne en sa perfection et que la fleur devienne un raisin qui mûrit, il faut couper les pousses avec des serpes et retrancher les sarments (És. 18:5) ; mais tout ce procédé annonce, au bout du compte, L’adresse et la patience du céleste vigneron. Quoi qu’il en soit, je voudrais faire ressortir quelques-uns des principes de ce livre, plutôt que de m’étendre d’abord longuement sur les leçons qu’il nous fournit.
La résurrection, appelée par le Seigneur « la puissance de Dieu », ou, au moins, l’une des manifestations de cette puissance (Matt. 22:29), a été révélée dès le commencement par différents témoins et de diverses manières. Et comme elle se lie avec la rédemption, le grand principe des voies de Dieu et le secret de ses desseins, il fallait qu’il en fût ainsi.
Nous en trouvons les premiers indices dans la création de la scène imposante qui nous entoure, car le monde lui-même fut appelé à l’existence du sépulcre de l’abîme. La matière était sans forme et les ténèbres couvraient sa surface ; mais il fut ordonné à la lumière de resplendir du sein des ténèbres, et la beauté et l’ordre parurent (Héb. 11:3).
La résurrection s’annonça dans la formation d’Ève, puis encore dans la première promesse au sujet de la semence de la femme qui devait avoir le talon brisé ; elle fut rappelée en Seth, celui-ci ayant été donné à la place d’Abel, que Caïn tua. Le souvenir en fut perpétué de même dans la généalogie des pères qui vécurent avant le déluge ; mais elle fut publiée en Noé d’une manière encore plus auguste. « Tout ce qui est sur la terre expirera », lui dit l’Éternel, « et j’établis mon alliance avec toi ». Montrant par là que la terre devait être établie selon le dessein de Dieu, comme la stabilité et la beauté le sont par la résurrection.
C’est d’après le même principe que, plus tard, Abraham devait avoir une famille et un héritage. Il est instruit sur la résurrection, ainsi que les générations qui lui succèdent, par le mystère de la femme stérile devenant la mère des nations. La bénédiction garantie par l’alliance se rattachait a la famille ressuscitée. Ismaël peut avoir des possessions, des promesses aussi, mais l’alliance est avec Isaac.
Pour ne pas passer en revue tous ceux qui ont servi de témoins à la résurrection, nous venons à l’histoire bénie de « la Parole devenue chair » ; car en Lui elle est établie d’une manière encore plus merveilleuse. Certes, nous aurions pu penser qu’il en eût été autrement, attendu que la chair, en Christ, était sans tache. C’était « une sainte chose » ; néanmoins, nous pouvons maintenant dire de Lui : « Si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois, nous ne le connaissons plus ainsi ». C’est le Christ de la résurrection que nous connaissons maintenant. Or, ceci est suffisant pour nous faire comprendre que la résurrection est le principe de toute l’action divine et le secret de l’alliance (*).
(*) Ses créatures de tous les ordres et dans tous les lieux de
sa domination lui rendent témoignage comme au Dieu vivant
; mais, dans l’histoire des pécheurs rachetés, il est connu
comme le Dieu vivant en victoire
. En
sorte que la résurrection devrait être d’autant plus appréciée par nous,
qu’elle est le déploiement de sa gloire. Le sépulcre, ainsi que les linges et
le suaire qui avait été sur la tête de Jésus, le tout range avec ordre, sont
les trophées d’une telle victoire 1 Jean 20: 6-7. Hésiter au sujet de la
résurrection, c’est trahir l’ignorance qu’on a de Dieu et de sa puissance (voir
Matt. 22:29; 1 Cor. 15:34).
Mais la résurrection a été aussi, dès le commencement, un article de foi pour le peuple de Dieu ; et, de cette manière, c’était la leçon qu’il fallait apprendre et pratiquer comme le principe de la vie, parce que le principe d’une dispensation divine est toujours la règle et le caractère de la conduite des saints. L’achat et l’usage qu’on fit du champ de Macpéla montrent que les patriarches, dans la Genèse, avaient appris cette leçon. Moïse l’avait apprise et pratiquée, quand il choisit d’être dans l’affliction avec le peuple de Dieu, regardant à la rémunération. David en réalisait la puissance, quand il fit de l’alliance, ou de la promesse de la résurrection, tout son salut et tout son plaisir, quoique sa maison, sa maison actuelle, ne dût point germer (2 Sam. 23). Toute la nation d’Israël était enseignée dans ce principe par les prophètes, et elle en rendra témoignage un jour devant le monde entier, alors que les os secs seront vivifiés ; car, après avoir été longtemps battu par la tempête, Israël « fleurira de nouveau comme le lis » et « quelle sera sa réception, sinon la vie d’entre les morts ? » Le Seigneur Jésus, « le chef et le consommateur de la foi », est-il besoin de le dire, réalisait ce principe au plus haut degré de perfection. Nous aussi, ses élus et son peuple, nous avons à apprendre chaque jour à connaître le Christ Jésus « et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances ».
C’est en vivant par la foi que les anciens reçurent témoignage. Il en fut ainsi des saints de tous les âges ; car, sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu ; et cette foi, ayant égard aux choses invisibles et futures, compte sur Celui « qui est le rémunérateur de ceux qui le recherchent » ; eux, dont le monde n’était pas digne, pratiquèrent la vie de la foi, la vie d’un peuple mort et ressuscité (Héb. 11). La circonstance d’Étienne devant le conseil déclare la même chose. Les personnages, Abraham, Joseph et Moise, dont il fait mention dans son discours, furent de grands témoins de cette même vie ; et lui-même, dans ce moment solennel où il expose sa vie pour la cause de son Maître, en déploie toute la force et la vertu par la puissance du Saint Esprit, qui lui fait contempler les joies et les gloires de Jésus ressuscité (Actes 7).
Maintenant, je crois que le livre de Job a principalement pour but d’exposer cette vérité. C’est l’histoire d’un élu, d’un fils de la résurrection. Sa célèbre confession fait voir qu’il avait compris la résurrection comme doctrine, tandis qu’il avait encore à en connaître la puissance dans son âme. C’était un article de sa foi, mais non le principe de sa vie.
C’était une rude leçon pour lui, une leçon vraiment pénible à recevoir. Il n’aimait pas, comme aucun de nous n’aime, à prendre sur lui la sentence de mort, afin qu’il n’eût point de confiance en lui-même, dans ses circonstances extérieures ou dans sa condition naturelle, mais en Dieu qui ressuscite les morts. « J’expirerai dans mon nid » (29:18) : telle était sa pensée et son espérance. Mais il dut voir son nid dépouillé de tout ce dont la nature l’avait rempli, ce dont les circonstances l’avaient embelli. Ce saint homme de Dieu, qui était honoré et chéri, avait donc a réaliser la vocation à laquelle sont appelés tous les élus ; il avait à recevoir personnellement la leçon de la résurrection, ou la vie de la foi dans le sens pratique. En lisant ce qui est rapporté des croyants dans le âges passés, on voit qu’ils n’avaient pas tous la même aptitude d’apprendre à cette école, et ne possédaient pas une égale expérience des choses ; et non seulement ils n’étaient pas très avancés, mais ils manquaient tous plus ou moins. On peut retirer de cela une consolation pour nous, bien-aimés, qui nous sentons si petits devant eux.
Nous voyons, par exemple, Abraham, qui agit d’une manière indigne de sa vocation quand il renie sa femme devant l’Égyptien. Sa conduite, dans cette circonstance, ressemble peu à celle d’un homme mort et ressuscité, d’un homme de foi, et cependant, quel bel exemple de renoncement ne montra-t-il pas quand il abandonna le choix du pays à son plus jeune parent ? L’apôtre lui-même, le grand champion de la vérité, celui qui a rendu un puissant et constant témoignage devant les autres de cette vocation, soit par ses discours éloquents, soit par ses actions magnanimes, cet homme de Dieu, dis-je, dans un moment critique où il se tendait un piège par la crainte de l’homme, se sert de la doctrine même de la résurrection comme d’un prétexte pour déguiser sa pensée (Actes 23: 6).
Il peut résulter de tout ceci des encouragements et des consolations pour nos âmes. Il est heureux de savoir que nous avons un lot commun avec tous ceux qui nous ont précédés dans la foi, aussi bien qu’avec tous ceux qui vivent maintenant d’une existence de foi en leur Sauveur. Il est évident qu’ils ont, en plus d’une occasion, fait briller la lumière de la vie à la gloire de leur Maître, et qu’ils ont d’autres fois très mal répondu à leur appel. Chacun de nous sait, par sa propre expérience, ce qui en est. Il y a seulement à remarquer que nous, qui sommes rangés parmi les écoliers de Jésus, qui possédons le Nouveau Testament, nous avons à recevoir la même leçon sur une page plus étendue et d’après une méthode plus claire que celle qui fut donnée à Job.
Que je fasse observer ici qu’il y a quelque différence, et même une différence essentielle, entre un homme juste et un homme dévoué. Aucun n’est dévoué qui n’a pas pratiqué la leçon dont je viens de parler. On peut dire que la mesure de son dévouement est proportionnée au degré d’énergie spirituelle auquel il est parvenu, à l’action qu’il exerce comme homme mort et ressuscité avec Christ. Au commencement de son histoire, Job était un homme juste ; Dieu même pouvait se glorifier de lui dans le ciel à la face de son accusateur, mais il n’était pas un homme dévoué. La pensée dominante de son coeur, comme je l’ai déjà fait remarquer, consistait en ceci : « J’expirerai dans mon nid ». Comme pécheur, il était accepté et il connaissait son Rédempteur vivant et victorieux ; sa piété et sa droiture dépassaient celle de ses semblables, mais, quant a la puissance qui agissait dans son âme, il n’était pas un homme mort et ressuscité.
Tel était aussi le cas d’Agur, dans le livre des Proverbes. Il était pieux et d’un esprit débonnaire, se jugeant lui-même. Il fait une bonne confession de l’aveuglement et de la dépravation humaine ; il parle des gloires insondables de Dieu de la pureté et de la valeur de sa parole, et de la sécurité dont jouissent tous ceux qui se confient en lui (Prov. 30:1-9). Il était un homme de Dieu, et marchait dans un bon esprit, mais il n’était pas un homme dévoué. Il n’était pas enseigné « aussi bien à être dans l’abondance que dans les privations ». Il redoutait la pauvreté, de peur qu’étant appauvri il ne dérobât, et les richesses, de peur qu’étant rassasié il ne reniât Dieu. Il n’était pas plus que Job préparé pour les vicissitudes ; mais Paul l’était. Il s’était rendu à Christ à un point où eux ne l’étaient pas. Paul était un homme mort et ressuscité selon l’efficace de la puissance qui se déployait dans son âme. Il était disposé à être « versé de vase en vase ». Il était enseigné « aussi bien à être rassasié qu’à avoir faim ». Il pouvait toutes choses en Christ, qui le fortifiait. Voyez le dévouement de ce serviteur de Dieu vers la fin du livre des Actes, depuis le chap. 20 jusqu’au 28. À Milet, il est entouré d’une compagnie de frères qui fondaient en larmes, et, à Tyr, au sein d’une famille chrétienne qui le comble d’amitiés. Mais se laisse-t-il retenir dans ces oasis spirituelles qui s’élèvent pour lui au milieu du désert de la persécution, où l’on sent qu’est posé plutôt qu’ailleurs, le pied de l’échelle mystique, et où le coeur s’arrête volontiers, en disant : « Faisons ici des tentes » ? Non. Là même, le cher apôtre ne peut se fier un coeur qu’il a entièrement donné à Christ. « Que faites-vous, dit-il, en pleurant et en brisant mon coeur ? Car pour moi, je suis prêt, non seulement à être lié, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus ». Il ne voulut point se laisser persuader. Il prend donc congé de ses amis, et de là il longe la côte de Syrie jusqu’à Jérusalem. Ensuite, pendant de longues années, il se trouve séparé des frères, exposé à des périls sur mer et sur terre, aux insultes et aux outrages ; mais un coeur simple, plein de dévouement et d’une affection profonde, le soutient dans sa marche au travers de la sombre vallée.
Une bonne conscience à elle seule n’est pas suffisante pour tout ceci ; la simple justice ne peut entreprendre un tel voyage. Il faut qu’il y ait un attachement réel pour Christ, ce principe de dévouement qui fait son compte de la mort et de la résurrection avec Jésus. Job était juste, mais il n’était pas préparé à une telle série d’épreuves. Il aimait les lieux agréables et le nid qu’il appelait le sien. Des changements surviennent, et il ne peut les supporter. Mais Dieu, comme son Maître céleste et dans l’amour qu’il a pour lui, le met à l’école, afin qu’il apprenne la vérité d’un fils de la résurrection, et qu’il participe « à sa sainteté ». Il est question ici d’une sainteté qui ne répond pas seulement à la pureté ou à l’intégrité de l’esprit de l’homme, mais qui convient exactement à l’appel de Dieu, la sainteté enfin d’un homme qui réalise cette vie qui est cachée avec Christ en Dieu, d’un homme qui est étranger et forain dans ce monde (Hébreu 11:9-10).
Job fut donc châtié, afin d’être rendu participant de cette sainteté. Ce n’est pas que les épreuves et les tourments soient essentiels pour être instruit dans les voies du Seigneur, quoique généralement, dans sa sagesse, notre Père céleste juge nécessaire de s’en servir. Paul apprenait chaque jour des leçons, sans qu’il fût besoin pour lui d’être assujetti aux angoisses du corps ou aux pertes temporelles (Phil. 3). Il exerçait, avec vigilance, la discipline sur lui-même ; c’était, chez lui, un travail d’esprit continuel, et ainsi devrait-il en être de nous. Nous devrions redouter de tomber dans le même état que l’assemblée de Laodicée, et ne pas nous contenter de notre condition présente ou des progrès actuels que nous pouvons avoir faits. Le laodicéen n’était pas un pharisien ou ce qu’on appelle un homme à propre justice en matière de religion. C’était un croyant orthodoxe et il avait probablement des notions et un jugement assez justes ; mais il se reposait sur ce qu’il avait ou connaissait dans un esprit de propre satisfaction, et ne sentait pas l’urgent besoin de se ranimer et de se fortifier dans les voies du Seigneur.
« Levez-vous, car ce n’est pas ici un lieu de repos », dit le Saint Esprit par le prophète. Et pourquoi ? Pourquoi n’est-ce pas un lieu de repos ? Parce qu’il est souillé. Ce n’est pas parce qu’il y a de la douleur, des désagréments et des privations, mais parce qu’il est souillé. L’âme régénérée doit puiser, non dans les circonstances, mais dans le caractère moral de la scène de ce monde, des motifs pour rendre efficace au-dedans d’elle la puissance de la résurrection de Christ. La colombe hors de l’arche n’avait pas à craindre les pièges de l’oiseleur, mais elle ne trouvait, sur la terre encore souillée, aucun lieu où elle pût reposer la plante de ses pieds.
Il est humiliant de retracer les degrés d’expérience auxquels nous avons si faiblement atteint. Mais, comme quelqu’un qui voit au loin une lumière resplendissante, nous admirons et saluons les vertus de la vie de résurrection.
Un homme mort et ressuscité ne saurait trouver ici-bas le mobile de sa conduite, ni l’objet de ses affections. Ses principes d’action sont en Christ, et le royaume à venir fait le sujet de ses espérances. Il préfère la justice de Dieu aux avantages et aux ornements de la chair ; ayant, en esprit, laissé le monde derrière et au-dessous de lui, d’une manière vivante et pratique, il gravit la montagne ; il lutte contre l’illusion des circonstances, épuise les forces de la nature, et détache ses affections des choses de la terre pour les fixer sur celles qui sont en haut avec Christ. Il n’a plus rien en lui-même, mais il a gagné Christ. Il voit le monde se mouvoir et poursuivre son train en bas dans la plaine, tandis qu’il fait son ascension vers Jésus. Il démontre ainsi qu’il est étranger au milieu des royaumes, des plaisirs et des vanités de ce monde, et que son coeur ne peut s’y plaire. Toutes ces vertus et ces qualités du coeur, qui sont d’une excellence divine, il trouve le moyen de les réaliser. Comme son Maître, il peut cacher la gloire à laquelle Dieu le destine, et ne vouloir rien être sur la scène d’ici-bas. Abraham ne disait pas à chaque Cananéen qu’il lui arrivait de rencontrer qu’il était l’héritier du pays. « Je suis étranger, habitant parmi vous », dit-il aux fils de Heth. Il se contentait d’être étranger, sans patrie, sans feu, ni lieu, et (ce qui est encore plus pénible) d’être considéré comme tel par les autres. Il en fut de même de David, un autre membre de la sainte famille. Il était chassé et poursuivi par l’homme qui était au pouvoir, bien que l’huile de Samuel eût été répandue sur sa tête en signe de consécration au trône, de la part de Dieu. Mais il ne publia pas le dessein de Dieu à son égard, et c’est là qu’étaient le secret et la joie de sa foi. Il n’en faisait pas un trafic parmi les hommes ; il ne parlait pas de lui-même dans ce à quoi le monde aurait pu attacher de la valeur. Loin de se vanter, il s’estimait devant les hommes comme « un chien mort », ou « une puce ».
O foi précieuse ! foi sainte et triomphante ! Mais c’était une hauteur à laquelle Job n’avait pas encore atteint. Il n’était pas, suivant la puissance qui se déployait dans son âme, de cette génération. Je ne veux pas dire que la position avantageuse qu’il occupait dans ce monde le rendît orgueilleux, ou indolent, ou indifférent pour les autres. Mais il appréciait cette position, il s’y plaisait. Avec quelle éloquence ne la décrit-il pas au chap. 29? Il la passe minutieusement en revue dans toutes ses parties, ce qui prouve combien son coeur y était attaché. Il aimait la condition et les circonstances de sa vie, sa place, son caractère, son estime, ses dignités et sa louange parmi ses semblables. Il était véritablement et admirablement pieux. Il n’y avait sur la terre aucun homme comme lui. Toutefois, sa position avait beaucoup d’importance à ses yeux. Il était très libéral, s’il s’agissait de communiquer et de servir ; mais il communiquait et servait comme un patron ou un bienfaiteur. Son désir était de continuer à vivre dans cet état. « Mes jours seront nombreux comme le sable » ; tel était son calcul. De là le grand but de son épreuve, et l’intention de Dieu en la faisant enregistrer. Car ce livre nous offre l’histoire d’un saint, ou plutôt l’histoire de ses épreuves au temps des patriarches. Job vécut, je crois, avant Abraham ; mais la leçon qu’il eut à apprendre, comme nous l’avons vu, avait déjà été enseignée dès le commencement à Adam, à Abel et à ceux qui leur ont succédé dans la ligne de Seth, d’Hénoc et de Noé.
C’est ainsi que je juge généralement de cette histoire. Job était un homme craignant Dieu ; mais, comme solitaire, on ne le voit point lié avec des arrangements dispensationnels, c’est-à-dire qu’il n’était pas en relation avec un peuple particulier et choisi. Il parut avant que l’appel de Dieu fût manifesté en la personne d’Abraham, et c’est ce qui ajoute du prix à ce livre ; car on y trouve un témoignage de la religion de la famille de Dieu dans la condition la plus isolée et la plus indépendante. Job ne se trouve lié ni par les temps, ni par les lieux, à l’ordre ecclésiastique, ni au cours des choses. Toujours est-il que la foi des élus de Dieu était sa foi, leurs vérités ses vérités, leur appel son appel, leurs espérances ses espérances. Nous avons Adam, Seth, Noé, Sem, Job, Abraham, Moise, les prophètes, les apôtres et nous-mêmes, jusqu’à ce que le nombre des élus soit accompli, tous entrant dans la joie et apprenant le cantique de la rédemption.
Le style, aussi bien que la substance de ce Livre a de l’analogie avec tout le volume inspiré. Ce ne sont pas des doctrines formellement enseignées d’après une méthode scientifique elles y sont plutôt sous entendues et publiées incidemment : telle est la marche ordinaire qui est suivie même dans les épîtres. La grande révélation qui nous y est faite des doctrines se présente avec l’intention de déduire des conséquences, de répondre à des questions, ou de défendre la vérité contre les corrupteurs ou les contredisants. De même, ce Livre ne présente les doctrines qu’incidemment, parce qu’il a pour objet plus direct, comme je l’ai fait observer, d’exposer la situation d’une âme qui apprend à connaître, au travers des afflictions, la puissance de sa vocation, sa séparation du monde et de la terre, et sa communion avec Dieu dans les lieux célestes.
Comme tout récit de circonstances affligeantes et d’événements extraordinaires est de nature a faire impression, celui qui nous est fourni par ce Livre au sujet de Job est particulièrement frappant. Les événements eux-mêmes sont solennels et profondément touchants. Cependant il n’y avait, dans un sens, rien d’extraordinaire ; en d’autres termes, « aucune tentation ne lui est survenue qui n’ait été une tentation humaine ». Des voleurs se jettent sur ses boeufs et sur ses ânes et les lui ravissent ; le feu tombe du ciel et détruit ses troupeaux ; un grand vent se lève du désert, renverse sa maison et tue ses enfants ; enfin, il est frappé dans sa personne d’un ulcère malin, depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête.
Chacun de ces accidents aurait pu arriver à l’un de ses voisins infidèles aussi bien qu’à lui. Il n’y avait rien dans le simple fait de ces afflictions qui le distinguât d’un autre homme. Ce n’étaient pas des souffrances pour la justice de la part des hommes, des souffrances de martyr. Elles étaient telles qu’elles sont communes à tous. Toutefois, elles furent toutes sagement dispensées et exactement mesurées par la main du Père céleste, dans un but arrêté et par voie de discipline, et le tout procédant de l’amour divin et résultant aussi de grandes transactions dans le ciel, car Satan s’était présenté là pour accuser Job, et l’Éternel, pour parler à la manière des hommes, se vantait de son serviteur. Le Seigneur avait aussi autorisé Satan à s’élever contre Job et a diriger ses flèches contre lui, mais il lui avait assigné des bornes qu’il ne pouvait dépasser.
C’est ce qu’il est consolant de savoir, car plusieurs enfants de Dieu, au temps de la calamité, sont troublés par la pensée que leurs épreuves sont celles de tout le monde, et qu’il n’y a, après tout, rien qui les distingue du reste des hommes. Mais ils ont tort de se laisser troubler ainsi. Quant à la forme ou à l’espèce de l’affliction, le croyant peut, il est vrai, se trouver sur le même rang avec ses semblables. Le juste et le méchant peuvent perdre semblablement quelques membres de leur famille par la même tempête qui éclate sur la mer ou par la même maladie qui sévit à la maison, mais la foi tient compte des relations avec Dieu et de la sympathie qu’éveille dans le ciel tout ce qui concerne le fidèle.
Selon la sagesse de Dieu, dans cette belle histoire (comme je suis persuadé qu’elle est vraie dans chaque incident qu’elle rapporte), tous les grands acteurs sont introduits dans le mystère divin pour révéler d’importantes vérités qui forment la foi commune des élus.
Ceci mérite d’être bien apprécié, car on y voit la parfaite harmonie qui existe entre toutes les parties des oracles de Dieu, même les plus détachées et les plus indépendantes les unes des autres. Ceux donc qui sont employés dans l’action de ce Livre sont : les anges, qui exécutent le bon plaisir de Dieu ; Satan, le grand adversaire ; L’homme élu, dont la foi est mise au creuset, ses frères en la foi ; le ministre de Dieu, dans l’énergie du Saint Esprit, et l’Éternel Dieu lui-même.
Tels sont les acteurs qui jouent chacun son rôle dans cette scène merveilleuse. De sorte que, quoique l’action elle-même soit simplement l’épreuve du fidèle, elle est produite de manière à manifester les grands agents, et les énergies qui s’exercent de la manière et suivant les lieux qui leur sont assignés partout dans l’Écriture. C’est un sujet du plus haut intérêt pour nos âmes, et qui mérite par conséquent toute notre attention.
Ainsi les cieux s’ouvrent pour un instant, et les anges ou « fils de Dieu » sont vus ici précisément au lieu et dans l’action que toute l’Écriture s’accorde à leur attribuer. Ils sont les serviteurs du Seigneur dans le ciel, toujours prêts à exécuter son bon plaisir. Voici comment la Parole rend témoignage du service qu’ils accomplissent : « Ne sont-ils pas tous des esprits administrateurs, envoyés pour servir en faveur de ceux qui vont hériter du salut ? » Ils composent les armées de Dieu ; ils sont « ses serviteurs, accomplissant son bon plaisir ». L’Éternel lui-même est parmi eux. Gabriel se tient en sa présence. Les séraphins assistent devant le trône et ont des ailes dont ils se servent, soit pour couvrir leur face et leurs pieds devant la majesté divine, soit pour voler comme le vent, en obéissant au commandement de l’Éternel. Tout ceci est dit des anges d’un bout à l’autre des Écritures, et ici, nous le voyons et l’entendons dans les cieux qui nous sont ouverts un moment.
De même, quant à Satan. Ce Livre est en parfaite harmonie avec l’ensemble du volume sacré. « Les anges de Satan » viennent en la présence de Dieu, aussi bien que Gabriel et ses armées. « Les esprits de mensonge », aussi bien que les « esprits administrateurs », ont une campagne à faire et une mission à remplir. « Il rôde », dit un apôtre, « cherchant qui il pourra dévorer » ; et ici, Satan lui-même déclare qu’il vient de courir çà et là par la terre, et de s’y promener. Un autre apôtre nous parle des principautés, des autorités ou puissances spirituelles de méchanceté, comme ayant leur siège dans les lieux célestes ; ici, nous les trouvons parmi les fils de Dieu, en la présence de Dieu. Ailleurs, il est dit de Satan qu’il désirait cribler les apôtres comme on crible le blé, afin d’éprouver la réalité de leur foi ; il en agit de même envers Job. Il est appelé, dans un autre endroit, « L’accusateur des frères » ; ici, il accuse et tourmente le serviteur de Dieu. Mais, comme l’atteste encore l’Écriture, son action est restreinte ou limitée, car elle est sous le contrôle de la souveraineté de Dieu. Jésus, « Dieu manifesté en chair », en traversant le pays d’Israël, lui borna sa puissance (Marc 5) ; Élohim en agit de même ici du haut de son trône. L’oeil du voyant et la voix du prophète lui prescrivent pareillement des limites (voyez 1 Rois 22; Zac. 3) (*).
(*) Les enfants de lumière doivent s’attendre à ce que les puissances des ténèbres dirigent leurs attaques contre eux. Nous ne devons donc pas être surpris si le diable nous livre un combat soudain : car nous sommes placés pour être la scène ou le théâtre de la défaite de l’ennemi par Christ. C’est parce que nous sommes « illuminés » que nous sommes naturellement exposés à la tentation. On peut dire que plus nous sommes dans la lumière, plus nous sommes exposés. C’était la beauté naturelle d’Adam, le souvenir que Dieu avait de Job, et l’attachement de l’apôtre pour Christ, qui les exposaient à Satan.
Les divers cas que nous venons de citer ont un rapport entre eux aussi exact et aussi littéral que possible. De plus (car il est édifiant de poursuivre ce sujet), nous trouvons le patriarche à la même école que l’apôtre des gentils, quoique très éloignés l’un de l’autre par l’époque. En lisant les premiers chapitres de Job, on est transporté dans les derniers chapitres de 2 Corinthiens. Nous voyons « L’écharde dans la chair », « L’ange de Satan », dans un cas comme dans l’autre.
Ensuite, quant à Job et à ses amis il y a d’un côté l’élu, dont la foi est mise au creuset de l’épreuve, et de l’autre ses frères en la foi. La plus grande partie de ce récit se compose des controverses qui furent soulevées entre eux. Elles furent vives et amères, au delà de la mesure ordinaire. Mais de telles choses existent encore et ont été dans tous les âges.
Éliphaz, Bildad et Tsophar étaient vraiment des amis et des frères, bien qu’ils aient été après tout « des consolateurs fâcheux ». Ils vinrent vers Job alors que tous l’avaient déserté, et qu’il se trouvait dans une profonde détresse, car des enfants même faisaient de lui leur chanson, des jeunes gens le repoussaient du pied et déployaient leur malice contre lui, ses frères l’avaient abandonné, ses proches s’étaient éloignés de lui, ses plus intimes amis l’avaient oublié, ses serviteurs ne voulaient point lui répondre, et il était devenu odieux à sa femme. En sorte qu’ils étaient de véritables et tendres amis, ceux qui voulurent bien aller consoler leur frère affligé. Ils vinrent prendre part à sa douleur, et s’assirent avec lui dans le sac et la cendre pendant sept jours et sept nuits.
Seulement ils se querellèrent. C’est une chose triste à dire, mais il en fut ainsi. Ce n’est pourtant pas une chose étrange, car ce qui arriva jadis arrive encore de nos jours. Déjà, du temps d’Abraham, il y eut querelle entre ses pasteurs et ceux de Lot, son neveu. Joseph eut soin de dire à ses frères : « Ne vous querellez pas en chemin ». Moïse eut à supporter l’épreuve dans le camp, il en eut même une amertume plus profonde que de celle du chemin du désert, depuis l’Égypte jusqu’au Jourdain. Dans les jours de sa chair, Jésus eut à dire de ses propres disciples : « Jusqu’à quand serai-je avec vous et vous supporterai-je ? » Enfin, Paul estimait que « le souci de toutes les assemblées » était pour lui d’un poids plus accablant que tout le reste.
Il y a chez nous diversité de tempérament, différents degrés de connaissance, la qualité de la lumière et la forme du royaume, si je puis m’exprimer ainsi, qui sont quelquefois une occasion d’épreuve et de collision, là même où il n’y a rien de moralement défectueux. Mais, quelle qu’en soit la cause, le fait est que, si nous prenons part aux épreuves, nous sommes aussi en grande partie l’épreuve les uns des autres. Il en est maintenant comme il en était du temps de Job et de ses amis. Le Seigneur « s’assied » au-dessus de tout cela, il est vrai ; « affinant son argent et épurant son or » ; mais il n’est pas moins vrai que nous contribuons les uns et les autres à chauffer la fournaise par laquelle notre foi est éprouvée.
Il n’est rien, peut-être, qui soit une source de plus de malaise, ou qui soit plus propre à produire ces querelles entre amis, que l’attachement particulier à des opinions favorites, ou l’estimation indue, disproportionnée, de certaines doctrines religieuses. C’est précisément le cas ici. Job prisait certains points de la vérité, et ses amis avaient aussi leurs vues particulières. Mais chacun d’eux « ne connaissait qu’en partie, et obscurcissait les conseils de Dieu ». La conséquence en est qu’ils se querellent en chemin. Job était douloureusement affligé ; coup sur coup tombait sur lui. Or, il persistait à dire (ou ce qui revient au même) que Dieu agissait d’une manière arbitraire, ayant le droit de faire comme bon lui semble. Ses amis raisonnaient différemment. Ils voulaient que Dieu agît envers lui d’une manière rétributive, afin de le convaincre par là de quelque iniquité qu’il aurait négliger de confesser. Leurs doctrines n’avaient guère que la saveur de pensées humaines. Elles tenaient beaucoup aux traditions des anciens et à leurs propres expériences ou observations. Elles donnaient créance à cette maxime fausse, quoique favorite du monde : « Qui bien fait, bien trouve ». « Qui a péri étant innocent » ? et « où les hommes droits ont-ils été détruits ? » Tel est le fond de leur religion. « J’ai serré les paroles de sa bouche plus que le propos de mon propre coeur. Mais lui, il a une pensée, et qui l’en fera revenir ? » (23:12). Telle est la pensée intime du coeur de Job. Ils insinuent qu’il n’y a rien de si mauvais que Job ne fût capable de commettre lui, de son côté, leur fait des reproches et conçoit du mépris pour eux, comme un homme qui a l’esprit froissé et plein d’amertume, et au malheur duquel on insulte. « Vraiment, vous êtes les seuls hommes, et avec vous mourra la sagesse ! »
Tel est le débat incessant qui a lieu entre eux : triste exemple de contradiction, s’il en fut jamais parmi des frères.
Élihu, à qui était « donnée une manifestation de l’Esprit », entre en scène pour rendre manifestes, par la lumière de Dieu, ces diverses formes de ténèbres. Il avait écouté les discours de ses amis ; il les avait suivis dans leur controverse ; mais, dans la modestie et la réserve qui conviennent à son âge, en présence d’hommes anciens, il avait gardé jusqu’ici le silence. Il attendait que « les jours parlassent, et que le nombre d’années donnât à connaître la sagesse ». Maintenant, ses lèvres vont s’ouvrir pour prononcer la vérité. Il est mû par « le souffle du Tout-Puissant ». Aussi longtemps que la question demeure entre lui et eux, il ne veut pas répondre, il est muet ; mais, quand il s’agit des droits du Saint Esprit en lui, il n’ose point y renoncer. Alors il ne saurait faire acception de personne. L’Esprit dont je suis rempli, dit-il, « me presse » (32:18). Au temps de Job, comme au temps de l’apôtre, Dieu choisissait les choses faibles pour confondre les fortes. Élihu n’était qu’un jeune homme, de même que Timothée. Les hommes âgés ont manqué, ils ont échoué dans leur entreprise, mais il en est un qui, semblable au jeune garçon de Bethléhem, a le secret de la sagesse et de la puissance. Car il faut qu’on sache que le bien qui se fait sur la terre, du commencement à la fin, c’est Dieu lui-même qui l’accomplit. « Ni par force, ni par puissance, mais par mon Esprit », a dit l’Éternel (Zac. 4:6). Il n’arrivera donc pas à Éliphaz et à ses compagnons de dire : « Nous avons trouvé la sagesse », car « Dieu le fera céder, et non pas l’homme », dit Élihu de Job.
Job avait besoin d’être repris. Il avait accusé Dieu d’agir envers l’homme d’une manière arbitraire, et, en tant qu’il expliquait ainsi la cause de ses souffrances présentes, il était « juste à ses propres yeux ». Élihu prouve le contraire ; il montre que c’était la sainte discipline exercée par Celui qui, connaissant la fin depuis le commencement, décrète ce qui est le plus avantageux pour son peuple. Il n’a pas non plus recours, comme les autres, à ses propres ressources, ni à celles des anciens ou des pères. Il ne veut pas, sous les prétextes d’une religion humaine, fléchir devant aucun nom ou tradition, quelque vénérés qu’ils soient, mais, conduit par l’Esprit, il marche dans le sentier où Dieu fait luire sa lumière.
Élihu ne se joint pas aux autres pour accuser Job de ce à quoi la conscience de celui-ci s’oppose avec vérité. Mais il déclarera à Job que les pensées de la conscience ne doivent pas être la règle de son jugement, ou le ressort de ses discours ; qu’il devrait reconnaître la sagesse divine dans toute cette douloureuse dispensation, plutôt que de conclure qu’il y a de l’arbitraire de la part de Dieu, précisément parce que sa conscience est pure. Enfin, il dira à Job qu’il lui convenait beaucoup mieux de faire cette confession au Dieu fort : « Je porte ma peine, je ne ferai plus de mal ; ce que je ne vois pas, montre-le-moi ; si j’ai commis l’iniquité, je ne le referai pas ».
La philosophie humaine se trouve ici comme dans un labyrinthe d’où elle ne peut sortir ; mais ces choses mystérieuses qu’elle ne peut expliquer Dieu les a ordonnées dans des intentions sages et bienveillantes. Ainsi que l’a dit un poète chrétien : « Dieu veut être lui-même l’interprète De tout ce que sa sagesse décrète ». Mais voici ce que propose et enseigne le Saint Esprit : « Quoique tu dises que tu ne le vois pas, le jugement est devant lui ; attends-le donc » (35:14). Car nous ne devons pas ignorer que des desseins de sagesse et de bonté président tous le événements, quoiqu’un autre jour serve à le publier. « Le jugement » est toujours « devant lui », dit Élihu. Dieu veut être maintenant justifié dans toutes les pensées de ses enfants, comme il le sera bientôt a la face du ciel et de la terre (Matt. 11:19; Ps. 51:4; 1:4).
Il y a ici une circonstance pleine de sens et de beauté morale. On voit que Job ne répond pas à Élihu comme il avait fait aux autres. Élihu l’invite à parler, s’il le veut. Mais il avait le sentiment intérieur, la conviction, par le Saint Esprit, de l’autorité avec laquelle le ministre inspiré parlait. Ceci est à la fois précieux et instructif. N’est-ce pas là ce qui arrive fréquemment parmi les saints ? Même parmi les infidèles, cette autorité est sentie. Combien de fois la présence d’un saint homme n’a-t-elle pas exercé une influence salutaire sur les impies ?
Les multitudes, dans les villages d’Israël, reconnaissaient parfois le Seigneur de cette façon. « Ils s’étonnaient de sa doctrine ». Ils disaient : « Il enseigne avec autorité, et non pas comme les scribes ». C’est assez triste, quand l’effet n’en est pas senti. Combien de fois, bien-aimés, n’avons-nous pas été peinés de voir le coeur et l’esprit des autres demeurer indifférents à ce qui émouvait nos âmes par la force de la vérité, et les ravivait selon la fraîcheur de l’onction divine ? Mais Job ne fait pas sur nous cette triste impression. Certes, cet homme est cher aux enfants de Dieu, comme il l’était à Celui qui l’affligeait ainsi. Élihu lui avait parlé par l’Esprit, et son âme acceptait l’autorité de sa parole. Il ne pouvait traiter Élihu, comme il avait traité Éliphaz, Bildad et Tsophar. Il peut n’être pas encore humilié, mais il ne se fâche point ; il peut ne pas être encore préparé à faire sa confession, mais il ne réplique point. L’Esprit de Dieu, par le ministère de son serviteur, était entré en scène, et Job devait au moins garder le silence (*).
(*) La connaissance seule de la vérité ne rendra jamais un ministère heureux ou profitable. Si nous puisons seulement dans le trésor de nos connaissances, nous serons confondus. L’énergie de l’Esprit en nous, et l’exercice de nos âmes sous la direction de l’Esprit pendant le temps du ministère, sont aussi nécessaires.
Quoi qu’il en soit, le Seigneur est celui qui enseigne avec profit. « Il y a diversités d’opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous ». « Paul plante, Apollos arrose, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement ». L’action de ce beau livre est en harmonie avec ces vérités. La voix de Dieu, du milieu du tourbillon, rend le témoignage d’Élihu efficace pour atteindre la conscience et le coeur de Job. Cette voix divine, douce en même temps que puissante, s’adresse à lui par une série d’interpellations, au sujet des choses naturelles. Il a été affirmé, par ceux qui sont compétents pour s’occuper de telles questions, qu’il n’est aucun langage qui surpasse, ou même qui égale l’inimitable grandeur et la sublimité de ce discours. L’effet produit par ce moyen, il n’appartient qu’à la puissance divine de l’opérer : Job qui se plaignait est humilié. « Je sais que tu peux tout, et qu’aucun dessein n’est trop difficile pour toi ». Il fait sa confession à Celui dont la « puissante main » pouvait « l’élever dans le temps convenable », et, après qu’il aurait souffert un peu de temps, le rendre accompli, l’affermir, le fortifier et le rendre inébranlable (1 Pierre 5).
Ce n’est pas comme pécheur que Job eut à apprendre cette leçon. Il connaissait déjà la grâce de Dieu, il était initié dans le mystère de la rédemption. C’était un fidèle qui avait besoin d’apprendre quelque chose de plus pour être rendu accompli. C’est pourquoi l’Éternel lui parle du milieu du tourbillon. Si Job avait écouté comme pécheur, le Seigneur se fût adressé à lui d’une autre manière ; il lui eût fait entendre la « voix douce, subtile » qui convient à la grâce. Mais Job était déjà un pécheur sauvé. Il avait compris la grâce, mais il n’avait pas encore été instruit parfaitement sur les droits de Dieu.
Il résulte de là que la voix se fait entendre du tourbillon, car le croyant doit s’attendre à une sévérité apparente de la part de Dieu, inconnue à l’homme, comme pécheur. Plusieurs d’entre le peuple étaient soulagés de leurs maux et guéris de leurs maladies, tandis que Jean était laissé en prison. Le Seigneur, dans ses tournées de miséricorde envers tous ceux qui avaient besoin de lui, peut avoir souvent passé près des portes de cette prison ; mais il s’abstint de les ouvrir, comme il aurait pu le faire, tandis qu’il rendait la vue aux aveugles et l’ouïe aux sourds. Est-ce que Jean était moins aimé ? Non. Parmi ceux qui étaient nés de femme, il n’y en avait point qui fût semblable à lui. Est-ce que Job était moins aimé, parce que Dieu l’interrogeait du milieu du tourbillon ? Non. « Il n’y avait sur la terre aucun homme comme lui, parfait et droit, craignant Dieu et se retirant du mal ». Mais, connaissant déjà la grâce de Dieu, il devait maintenant apprendre à reconnaître Ses droits. Il les apprend donc et les confesse humblement, avant que la main puissante de Dieu ait cessé de s’appesantir sur lui. C’est une chose belle et remarquable, un témoignage en faveur de Job qui apprit la leçon spirituellement et qui fut enseigné d’une manière vraiment pratique, selon la grâce et l’énergie de l’Esprit. Il est aisé et assez ordinaire de reconnaître, après que le châtiment est passé, qu’il est bon d’avoir été éprouvé, et de dire ensuite qu’on ne voudrait pas ne pas l’avoir été. Ce langage ne dépasse pas les forces de la nature. Mais il y a plus, lorsque, encore sous le poids de l’épreuve, on peut justifier les voies de Dieu et baiser la main qui nous frappe. Alors qu’il est assis dans la cendre, et qu’il a le corps rongé d’ulcères, Job s’écrie : « Voici, je suis une créature de rien, que te répliquerai-je ? Je mettrai ma main sur ma bouche. J’ai parlé une fois, et je ne répondrai plus ; et deux fois, et je n’ajouterai rien » (39:37-38).
Tel est le caractère et l’issue de cette simple, mais importante épreuve. La sagesse humaine, ou la religion du monde, peut essayer d’expliquer ce mystère ; mais, en le faisant, elle ne peut que trahir sa propre faiblesse et exposer sa folie. Un représentant de l’Esprit, instruit du Seigneur, confond l’imagination de l’homme, et combat victorieusement le sage, le scribe et le disputeur de ce siècle, en appliquant le principe de la vérité de Dieu ; et Celui qui opère tout en tous scelle cette instruction de son autorité. Les capacités humaines et divines sont ainsi déployées selon les lieux et caractères qui leur sont attribués ; les unes sont anéanties, et les autres magnifiées.
Tels sont les acteurs qui paraissent sur la scène de ce Livre merveilleux : les anges, Satan, le fidèle dans l’épreuve et ses frères, le ministre de Dieu par la vertu de l’Esprit, et l’Éternel lui-même. Ce livre, comme je l’ai déjà fait observer, est indépendant des autres écrits inspirés. Il n’est aucune autre partie de la révélation divine que l’on puisse supposer avoir été écrite antérieurement, ni que l’on puisse juger nécessaire comme complément de celle-ci. L’histoire de Job n’est point liée avec celle du peuple de Dieu, et elle n’accélère en aucune façon la manifestation des desseins de Dieu. Suivant le caractère qui lui est propre, elle offre partout un langage uniforme. Le même Esprit souffle ici, la même lumière y brille ; et il en est ainsi, non seulement à l’égard de ceux qui sont introduits sur la scène comme acteurs, mais quant aux vérités et aux doctrines qui y sont proclamées. La corruption naturelle de la postérité d’Adam la valeur du sacrifice comme moyen de réconciliation avec Dieu le jour du jugement à venir la résurrection et la vie telles sont, entre autres pensées, celles que l’on y découvre. Mais ce qui est encore plus beau et plus frappant que tout le reste, c’est la connaissance qui y est donnée de la personne et du devoir du proche Parent, mystère bien connu dans l’Écriture, et auquel sont faites de fréquentes allusions, quoique souvent d’une manière indirecte. Ce mystère enveloppe toutes les grandes vérités qui caractérisent l’oeuvre de notre rédemption.
Mais le sujet est trop vaste pour être ici développé dans toute son étendue, eussé-je même la grâce et les lumières suffisantes pour le faire. Cependant, comme il est si plein d’intérêt, et qu’il forme ce que l’on peut appeler la profession de foi de notre patriarche, il ne sera pas hors de propos de faire ici quelques réflexions.
L’apôtre déclare « que personne n’a jamais haï ; sa propre chair, mais qu’il la nourrit et la chérit ». Il en appelle ici aux sentiments de la nature, et il le fait avec l’approbation et par l’Esprit de Dieu. Ces égards pour soi-même, que chacun de nous est assez disposé à s’accorder, reçoivent la sanction divine. De là, L’apôtre argumente d’après ce même principe, en parlant des soins du Seigneur envers l’Église. « Car personne n’a jamais haï ; sa propre chair, mais il la nourrit et la chérit, comme le Christ l’Assemblée ; car nous sommes membres de son corps, de sa chair et de ses os ». Christ est présenté comme agissant envers nous d’après cette loi instinctive de la nature, qu’un homme doit aimer son propre corps. Le Saint Esprit, en raisonnant ainsi au sujet du mystère de Christ et de l’Église, veut induire nos coeurs à comprendre que la force de ce premier principe de la nature est sentie par le Seigneur, et que le devoir qu’il impose est reconnu par lui. De sorte que, si je puis comprendre mon amour pour moi-même, je puis comprendre l’amour de Christ envers moi. L’obligation que je dois à moi-même est reconnue par le Seigneur comme m’étant due par lui. Il peut me nourrir et m’entretenir, comme je voudrais me nourrir et m’entretenir moi-même.
Est-il une pensée, je le demande, que nous devions plus chérir que celle-ci, touchant la position dans laquelle l’amour du Fils de Dieu l’a placé vis-à-vis de nous ? Est-ce que l’imagination peut se former l’idée d’une affection plus intense et plus dévouée ? Impossible. Si cela se pouvait, elle se trouverait incorporée à Christ, et son Esprit l’aurait révélée, car son amour « surpasse toute connaissance ».
Mais quoique ceci soit l’expression la plus merveilleuse de cet amour, cependant il en est une autre du même caractère. Il y a encore un devoir d’une autre espèce imposé par la même loi de la nature, qui a été semblablement adopté et reconnu par le Seigneur. C’est le devoir de parenté ou de relations naturelles.
Le Seigneur, le Fils de Dieu, devint notre « Lévir » ou proche Parent. « Puis donc que les enfants ont eu part au sang et à la chair, lui aussi semblablement y a participé ». Il s’est placé dans ces relations, afin qu’il pût accomplir envers nous les devoirs et les services d’un proche. La question de savoir en quoi consistent ces devoirs et comment le Seigneur y a répondu, trouve sa réponse dans l’Écriture.
Un devoir principal était de racheter un frère ou un héritage, quand l’un ou tous les deux avaient été vendus. Or, cette condition déchue est la nôtre par nature, nous trouvant impliqués dans la ruine d’Adam. Nous avons forfait la vie, et avec elle toutes choses, en violant les conditions dont dépendaient notre vie et notre jouissance de toutes choses. Nous avons encouru la peine de mort. « Au jour que tu en mangeras, tu mourras certainement ». Adam en mangea, et se trouva sous cette sentence de mort qui était prononcée par la loi. Nous étions nous-mêmes assujettis à cette peine, ayant été vendus à la mort. Mais notre Parent paya la rançon pour nous. Jésus mourut. Il a compté toute la somme qui était exigée jusqu’au dernier quadrant. Selon le langage de la loi, il a donné « oeil pour oeil, vie pour vie, sang pour sang ». Nous n’avons pas été rachetés par des choses corruptibles, de l’argent ou de l’or, mais par le sang précieux de Christ. La valeur de ce sang a été soigneusement pesée. Car le sang des taureaux et des boucs n’était pas assez riche ; il ne pouvait accomplir le rachat. Mais, « Voici, je viens pour faire ta volonté », nous montre que celui qui en faisait la demande fut satisfait, et qu’il ne pouvait pas moins demander que le prix d’une entière rédemption. En sorte que maintenant nous, nous sommes, ainsi que notre héritage, rachetés par notre Parent.
C’est le plus grand de tous les services que Christ a accomplis pour nous. On trouve sur ce point des détails symboliques fort étendus, dans la loi de Moïse (Lév. 25). Mais l’intelligence en avait été donnée dès le commencement. Car le sacrifice, ou offrande substitutionnelle, était basé sur ce principe, et l’homme en reçut la connaissance dès son acte de désobéissance ou sa chute. Les « vêtements de peau » dont Adam fut vêtu, étaient un signe qu’un autre avait payé sa rançon, et que la vertu de Celui qui avait satisfait à la justice de Dieu était maintenant sur lui. Qu’il est précieux de savoir que le grand mystère du Rédempteur fut rendu manifeste (publié par l’Éternel et cru par le pécheur), avant qu’il fût préfiguré par la loi ou proclamé par les prophètes ! (*)
(*) Le même mot, en hébreu, signifie : « Proche parent, Rédempteur et Vengeur ».
Un autre de ces devoirs consistait à délivrer un frère qui aurait été emmené captif.
Dans le cas précédent de la rançon ou du rachat, le Lévir avait affaire avec celui qui était de droit le réclamant. Il avait à racheter son frère ou l’héritage de son frère, suivant le prix qui était fixé par la loi des estimations. Mais ce droit de sauver ou de délivrer un frère est différent. Ici, le proche Parent a affaire avec un étranger ou un ennemi, et ce n’est que par une force d’opposition, par la puissance d’un bras supérieur, qu’il pouvait accomplir ce service. Nous voyons encore ici notre condition naturelle, notre état de ruine par la chute. L’oeuvre de notre Rédempteur, du Fils de Dieu, participant à la chair et au sang, se montre encore sous un nouveau caractère.
Je le répète, dans ce cas-ci, il a affaire avec notre ennemi. Il lui répond pour nous. S’il est vrai que, par la désobéissance, nous avons encouru la peine de mort, nous avons perdu la vie et toutes choses, il est également vrai que nous avons souffert du dommage de la part du Serpent, ayant été asservis à l’esclavage, ou rendus captifs de la puissance des ténèbres et de la corruption. Mais notre proche Parent ou Rédempteur nous en délivre.
Dans les jours de sa chair, le Seigneur allait par les villes et les villages d’Israël. C’est alors que, possédant des forces supérieures à celles de l’homme fort, il entrait dans sa maison, pillait ses biens et mettait ses prisonniers en liberté. Comme celui qui est vainqueur de la puissance de la mort et du hadès, et qui a le droit de rachat, il couronnera bientôt son oeuvre et rendra glorieux ses titres, en délivrant ses saints endormis. Alors aura lieu « la rédemption de la possession acquise » (Éph 1:14).
L’on peut encore dire, et il est heureux de le savoir, que le caractère de Christ et cette oeuvre de notre grand Libérateur étaient aussi connus au temps des patriarches. Lorsque Abraham eut appris que son frère avait été fait prisonnier, il arma trois cent dix-huit de ses serviteurs, et ramena Lot, ses biens, les femmes et le peuple Gen 14. Cinq rois peuvent combattre contre quatre dans la vallée de Siddim, les vases de terre peuvent contester entre eux, Abraham, L’étranger, semble ne pas en tenir compte, bien que sa tente se trouve dressée dans le voisinage. Mais les voies de Christ qui forment le principe de la conduite de son peuple, sont ce qu’Abraham observe strictement ; or, il faut que les voies ou les services du proche Parent qui avait droit de rachat, aient été une chose comprise parmi la famille de Dieu de ce temps-là, car Abraham, en apprenant la nouvelle au sujet de Lot, se met à l’instant en marche pour aller effectuer la délivrance de son frère captif.
Un devoir voisin de celui-ci était de venger le sang du frère ou du parent victime d’un meurtre.
La loi reconnaissait ce devoir et en perpétuait la mémoire en Israël. L’ordonnance, touchant les villes de refuge, avait pour but de prévenir l’abus qu’un individu aurait pu faire de ses droits, et la fameuse parabole de la femme de Thekoa confirme le fait que tout Israël en avait connaissance.
Mais le système date d’une époque plus ancienne que celle de la loi et des prophètes.
Les premières manifestations de la pensée de Dieu se rapportent évidemment à Christ, a ses voies et à ses actes pour nous. Il s’ensuit que le devoir de celui qui avait droit de rachat a été prescrit tout à fait au commencement. Il fut publié, quand Dieu confia l’épée à Noé : « De la main de chacun, de son frère, je redemanderai la vie de l’homme ». « Qui aura versé le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé ». Mais ce principe était accepté comme divin, même avant cette époque.
Caïn tremblait devant cette loi, que ses propres paroles font supposer avoir été universellement reconnue (Gen. 4:14). Elle avait été annoncée dans un sens par cette première de toutes les promesses : « La semence de la femme te brisera la tête ». Car la sentence prononcée contre le serpent exprime l’idée que le Rédempteur, la semence de la femme, aurait à se venger contre lui du mal qu’il a fait à la famille. Christ remplira ce devoir, quand il précipitera « le serpent ancien, celui qui est appelé diable et Satan » avec la mort et le hadès, dans l’étang de feu (*).
(*) Le proche Parent qui délivre
et qui venge
a affaire à un ennemi ou
un malfaiteur. Mais il y a cependant une différence entre ces deux actes. Dans
le premier cas, le Parent ne fait que délivrer son frère de la main de
l’ennemi ; dans le second, il visite ou venge le sang de son frère sur la tête
de l’ennemi. — Christ nous délivrera du pouvoir de la mort au commencement
du royaume (1 Cor. 15:54).
Il nous vengera sur le prince de la mort à la fin
du royaume (1 Cor. 15:26).
Tels sont, entre autres, les devoirs d’un homme ayant le droit de rachat, et tel en est le glorieux accomplissement par notre grand Rédempteur. Il est merveilleux que nous puissions ainsi parler de Lui ! merveilleux que le Saint Esprit juge nécessaire d’en appeler aux lois instinctives de la nature, pour établir, justifier, et caractériser l’amour de Christ envers les saints Je le demande encore, peut-on concevoir une pensée plus profonde des relations que l’amour du Fils de Dieu lui a fait prendre vis-à-vis de nous ?
Le Seigneur s’est fait notre proche Parent, afin d’accomplir tous ces services relatifs pour nous. Je crois que Héb. 2 nous le prouve. Ces devoirs et ces services renferment tous les grands éléments du mystère de la Rédemption. Comme nous venons de le voir, ils ont été révélés dès le commencement. Jésus n’attendit pas, pour se manifester à la foi des pauvres pécheurs, que la loi le présentât sous l’enveloppe des ombres. La loi vint ensuite, et de nouveaux arrangements furent introduits comme matériaux du tabernacle qui lui fut dressé, mais, dès le commencement, ces choses avaient été données à connaître. Le quatrième jour de la création vit paraître le soleil, qui devint la tente de la lumière (Ps. 19:4), mais la lumière avait déjà été répandue sur la scène, la lumière avait lui depuis le commencement du premier jour. Jésus fut connu dans le jardin d’Éden et manifesté par la première des promesses. On ne peut que se réjouir de ce qu’il en était ainsi, et l’esprit trouve de la douceur à retracer ces indices de la foi commune, ces pensées et ces vérités de Dieu et de son alliance, qui, au travers des âges, unissent les coeurs des élus les plus éloignés par la distance des époques, dans la communion de la même joie et dans le chant du même cantique éternel.
Job était de ceux qui, dans les temps anciens, connaissaient Christ dans son caractère de Rédempteur. Il peut magnifier celui qui le délivre de la puissance de la mort et de la captivité du sépulcre et de la corruption. Les saints connaissent très bien, et lisent avec un plaisir particulier la portion de l’Écriture qui marque le triomphe de la foi du serviteur de l’Éternel.
« Oh ! si seulement mes paroles étaient écrites ! si seulement elles étaient inscrites dans un livre, avec un style de fer et du plomb, et gravées dans le roc pour toujours ! Et moi, je sais que mon Rédempteur est vivant, et que, le dernier, il sera debout sur la terre ; et après ma peau, ceci sera détruit, et de ma chair je verrai Dieu, que je verrai, moi, pour moi-même ; et mes yeux le verront, et non un autre : — mes reins se consument dans mon sein » (Chap. 19).
Quelle intelligence de Christ dans sa personne et dans son oeuvre, nous trouvons dans ce langage admirable ! C’est la foi et l’espérance de notre Évangile ! Job savait qu’il avait un Rédempteur, un Rédempteur alors vivant, qui devait, dans l’avenir, être vu sur la terre manifesté en chair ; il savait de plus que ce Rédempteur devait consommer pour lui une glorieuse victoire sur la puissance de la mort et de la corruption. Cette magnifique expression de sa croyance indique une foi simple qui s’approprie Christ et son oeuvre. « Que je verrai, moi, pour moi-même », dit-il, « et mes yeux le verront, et non un autre ». C’était là aussi la confiance de Paul, et c’est la liberté qui est digne de la pleine révélation de la grâce de Dieu. Paul et Job étaient animés du même sentiment en ceci : ils avaient connaissance de la glorieuse rédemption, et la connaissaient pour eux-mêmes : « Qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi ».
De quelle ferveur le patriarche ne scelle-t-il pas cette précieuse confession de sa foi ! Job aurait voulu que tous les hommes et toutes leurs générations connussent, il aurait voulu publier en tous lieu, sans craindre d’avoir jamais à le regretter, il aurait voulu enfin graver dans le roc, avec du fer, du plomb, et pour l’éternité, qu’il connaissait son Rédempteur.
Quelle « lumière du Seigneur » était celle dans laquelle le patriarche marcha ! « Venez, maison de Jacob, et marchons dans la lumière de l’Éternel ». Job y marcha longtemps avant que la maison de Jacob, ou aucun des prophètes d’Israël, vissent cette lumière. Les élus de Dieu en furent éclairés par l’Esprit dès le commencement. Dans cette occasion, qui est rapportée au 50e chapitre, cette lumière pénétrait et brillait avec éclat dans l’âme de Job. Il n’avait pas, il est vrai, ainsi qu’on le voit dans le cas d’Étienne, la face rayonnante comme celle d’un ange en présence de ses accusateurs. Il n’avait pas, dans ce sens, revêtu les habits d’un fils de la résurrection, mais son esprit était, quant à l’intérieur, dans les régions, dans la liberté et dans le triomphe de la foi.
Cette visitation, quoique de courte durée, était comme l’arc-en-ciel qui adoucit les souffrances du patriarche, et qui, dans l’énergie du Saint Esprit, fit éclater les sentiments dont son coeur était rempli en ce moment. C’était une joie qui venait se mêler avec la tristesse, le chagrin dont l’esprit de Job était accablé. Enfin, cette clarté qui illumina momentanément son douloureux sentier, était pour lui ce que la vision de la nuit était pour le prophète désolé Jérémie, et ce que la Montagne de la transfiguration était pour le Sauveur adorable, appelé aussi « L’homme de douleurs » (Jér. 31:26; Matt. 17:2). La puissance du Saint Esprit se déployait de telle manière, que ce pauvre homme souffrant détournait les yeux de la verge qui était contre lui, pour regarder à ce que la main de Dieu accomplissait pour lui. Car il y a une différence entre ces deux choses. Dans le premier cas, l’âme est plus ou moins confuse, et lutte contre les eaux de l’affliction, sans pouvoir les surmonter. Ne sachant démêler les dispensations de Dieu, elle a besoin, le plus généralement, d’un interprète. Dans l’autre cas, l’âme se trouve dans une entière liberté. Les choses sont si claires qu’un enfant pourrait les comprendre. Les actes de Dieu n’ont pas besoin d’être interprétés. La providence de Dieu, ou ses dispensations envers nous, apparaissent quelquefois sous un aspect bien sombre, et nous affectent péniblement. La grâce de Dieu dans l’Évangile, ou ses actes pour nous, sont tels que nos pensées n’en sont pas troublées, ni nos coeurs affligés. Ces actes portent avec eux leur cachet, et témoignent d’un amour dévoué et éternel, tel qu’il est impossible de s’y méprendre.
Ce sont là les choses qui se présentent journellement dans le cours de la vie. Sommes-nous oppressés ou fatigués par les circonstances, quelque sombres, difficiles et accablantes qu’elles soient c’est notre privilège, et notre devoir aussi, de passer par-dessus, en esprit et en pensée, pour regarder avec calme à ce que Dieu a fait ou peut faire pour nous ; c’est le vrai moyen d’avoir l’âme comme enveloppée de la douce atmosphère de l’Évangile.
On peut voir tout ceci se vérifier en Job. Il se trouve généralement en lutte avec les dispensations de Dieu envers lui. La main du Tout-Puissant lui avait ravi tous ses biens et toutes ses jouissances. La perte de sa fortune, de ses enfants et de sa santé, vient tout à coup le surprendre péniblement, et il ne cesse de se représenter ses malheurs, il en a l’esprit rempli d’amertume. Mais dans le moment où la vertu de l’Esprit agit en lui, il lui est donné de détourner son attention de tout cela ; il se préoccupe de l’action de Dieu pour lui, plutôt que de la discipline de Dieu envers lui, et sa foi triomphe. Il a donc une perspective plus brillante que la vue des ulcères qui rongent son corps, ou des vers qui doivent le dévorer. Tout est lumière et triomphe. En esprit, il peut dire à la face de ses ennemis : Si Dieu est pour moi, qui sera contre moi ? (Rom. 8).
Cela est réellement profitable. Le tentateur voudrait nous induire à juger du caractère de Dieu par les ombres noires qui marquent souvent le cours de notre existence. Mais c’est le dessein de l’Esprit de nous faire connaître Dieu selon la beauté de la lumière évangélique, selon la gloire qui luit dans la face de Jésus Christ. Là est la véritable lumière, et il n’y a aucunes ténèbres ; il n’y a point de nuage à dissiper, rien qui ait besoin d’être interprété ou éclairci.
Nous avons retracé certaines analogies ou harmonies entre cette portion indépendante du Livre de Dieu et toutes les autres parties des Écritures, écrites à des époques plus ou moins distantes les unes des autres. Et, faut-il le dire en passant, c’est un procédé propre à affermir le coeur. Maintenant, on peut retrouver ces harmonies dans les scènes, aussi bien que dans ceux qui en sont les acteurs.
Il y a ici « le ciel » d’un côté, et « la terre » de l’autre, ayant chacun « un jour » ou une occasion spéciale (voir 1:4, 6, 13; 2:1). On y trouve aussi, comme partout dans l’Écriture, « ce présent siècle mauvais » et « le monde à venir ». Au commencement de l’action, la scène s’ouvre par le monde ou le présent siècle mauvais. Elle n’est que domestique, mais tous les traits de ce monde peuvent y être reconnus, car chaque cercle de famille, comme chaque coeur, contient un petit monde. L’amour de soi et des jouissances paraissent s’être manifestés chez les enfants de notre patriarche, de même que « l’inimitié contre Dieu » chez sa femme. Il y a ensuite les calamités naturelles, causées par le vent, le feu ou la maladie, et les calamités relatives, occasionnées par nos voisins ou nos semblables, comme ceux de Sheba et les Chaldéens (1:15, 17). Ce sont autant de vicissitudes humaines qui ont lieu jusqu’à cette heure. Au temps de Job, c’est la vie humaine d’alors, non celle de maintenant, mais la même vie dans ses pertes, dans ses douleurs et ses rudes contradictions. Il y a sans doute un peu de réalité, un peu d’amitié pour lui au moment du besoin, ce qui est la vraie amitié ; mais combien en est-il d’autres qui l’abandonnent et le méprisent, au temps de la calamité, comme cela arrive communément dans le monde ? Job avait trois amis qui s’assirent avec lui dans la cendre mais tous les autres se tinrent bien loin de lui. N’est-ce pas là un tableau au naturel du présent siècle mauvais ?
Mais l’action se termine par « le monde à venir », le monde de Dieu et non celui de l’homme ; le monde, enfin, que Dieu doit former par ses principes et remplir de ses vertus. C’est le temps de rafraîchissement et de régénération. Le 42e chapitre de notre livre nous transporte au millenium. Le Saint Esprit semble nous y introduire, et y fait évidemment allusion, quand il nous parle de « la patience de Job » et de « la fin du Seigneur ». « Usez donc de patience, frères, jusqu’à la venue du Seigneur ». « Le laboureur attend le précieux fruit de la terre, » il travaille péniblement jusqu’au temps de la moisson ou de la résurrection. Ainsi Job endura jusqu’à la fin. Le chap. 42 décrit la récolte du laboureur (Jacq. 5:7-11).
Ceci est un autre heureux témoignage, bien-aimés, de la valeur d’un esprit de confession et de repentance vis-à-vis de Dieu, selon qu’il est écrit : « Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé » ; et encore : « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés ». Je ne doute pas que Dieu n’ait directement en vue les quelques paroles qui composent la confession de Job, quand il reproche aux amis de celui-ci de n’avoir pas parlé de Lui comme il convient, comme son serviteur Job. Ils ne firent pas confession à la fin comme lui. Que ceci est rassurant pour l’âme ! Le langage de la repentance prévaut auprès de Dieu, et c’est ce qui console et fortifie. « J’ai très bien entendu Éphraïm se lamentant : Tu m’as corrigé, et j’ai été corrigé comme un veau indompté ». Vient ensuite la réponse de Jéhovah, l’expression la plus touchante des compassions divines : « Éphraïm m’est-il un fils précieux, un enfant de prédilection ? Car depuis que j’ai parlé contre lui, je me souviens de lui encore constamment » (Jér. 31). Le prophète Osée nous apprend comment Dieu est disposé à se laisser fléchir par un acte de contrition ou des paroles de repentance de la part d’Israël aux derniers jours. « Israël, reviens à l’Éternel, ton Dieu, car tu es tombé par ton iniquité. Prenez avec vous des paroles, et revenez à l’Éternel ; dites-lui : Pardonne toute iniquité, et accepte ce qui est bon ». Voici la réponse miséricordieuse de Dieu : « Je guérirai leur abandon de moi, je les aimerai librement » (Osée 14).
Tout le chapitre est plein de belles et riches promesses. Partout nous y trouvons, hautement proclamée, la grâce merveilleuse, patiente, infatigable. En conséquence, la condition de Job est de nouveau prospère. L’Éternel lui est comme la rosée. Il fleurit comme le lis, ses rejetons s’étendent, sa magnificence est comme l’olivier, et son parfum comme le Liban. « La fin du Seigneur » est telle que Job est vu « dans la régénération » ou au jour du royaume, et même d’autres viennent s’asseoir sous son ombre, faisant vivre le froment, et fleurissant comme une vigne (Osée 14) (*).
(*) Je ne regarde pas tant Job comme un type
que comme un exemple
.
Sa vocation était la vocation ordinaire, comme homme mort et ressuscité. Chaque
enfant de Dieu qui travaille maintenant en vue de la gloire céleste est
considéré comme tel. L’Israël des derniers jours revêtira le même caractère, et
ce renouvellement aura lieu dans tout le système de l’âge millénaire. Le
Seigneur Jésus soutient toutes choses et exerce ses fonctions comme celui qui
était mort et qui est vivant. Mais j’estime qu’il convient mieux de parler de
Job comme un exemple que comme un type. Je ne pourrais toutefois, objecter à
cette expression, fût-elle employée par d’autres.
Tel fut notre patriarche lorsque arriva « la fin du Seigneur ». Il est un monument de la bienveillance divine, comme le buisson ardent qui n’est point consumé à cause de la bonté de celui qui s’y trouve. Ce peut être Israël en Égypte ou à Babylone, les jeunes gens dans la fournaise, ou le prophète dans la fosse aux lions. Ce peut être un pauvre élu Gadaréniens, tourmenté par Légion, ou le patriarche en proie à la douleur, éprouvé par le vent, par le feu, par des infirmités corporelles, par ceux de Sheba et les Chaldéens, par les anges de Satan ; toujours est-il que le buisson ardent ne se consume point à cause de la bienveillance de Celui qui préside à toute cette scène. « Nous-mêmes nous avions en nous-mêmes la sentence de mort », disait l’apôtre, comme s’il eût parlé au nom de tous les autres, « afin que nous n’eussions pas confiance en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts » (2 Cor. 1:9).
Job avait assurément appris quelque chose de cette vocation à l’école de Dieu, et en avait fait l’expérience dans sa propre âme. C’est la grande leçon que le Seigneur veut enseigner à tous ses bien-aimés, quoique les moyens dont il se sert puissent varier. Il y a, j’en suis pleinement convaincu, une importante différence entre avoir Dieu au milieu de nos circonstances, et Dieu comme étant lui-même la première et grande circonstance. Job se trouvait dans le premier cas au commencement. Il n’aurait pas voulu être sans Dieu. Il était loin de le renier, et pouvait lui dresser un autel au sein de sa famille. Mais il ne lui avait pas dit : « Tu nous choisiras notre héritage ». Il n’était pas sorti des circonstances avec Dieu comme Abraham qui, dans la suite, se confiait entièrement en Dieu, se laissant entourer des soins et des circonstances de Dieu lui-même. Pour réaliser cela, il aurait fallu pouvoir s’écrier : « Qui ai-je dans les cieux ? Et je n’ai eu de plaisir sur la terre qu’en toi » (Ps. 73:25). Tel était le sentiment d’un saint personnage dont l’âme avait échappé à la tempête et à la tentation, s’étant vue moins favorisée que le méchant quant aux conditions et aux circonstances de sa vie ici-bas.
Puisse cette vérité avoir son effet sur nous Quelques-uns peuvent écouter la voix qui leur parle pour leur consolation ; d’autres, dont la foi est plus faible, la recevoir comme un avertissement. Le monde, L’orgueil, L’égoïsme, sont ce qui forme les circonstances dont l’appel de Dieu nous enjoint de sortir. La religion, dans un sens, fait descendre Dieu au milieu d’elles, mais la foi dans sa simplicité, nous place avec Dieu en dehors d’elles. Je tiens à répéter cette vérité, car elle est, à mon jugement, le grand secret de ce Livre. Job comprit à la fin la puissance de l’appel de Dieu ; et c’est ce qui ensuite influa puissamment sur toute sa conduite, et ce qui le revêtit à l’intérieur de la beauté et de la stabilité de la période millénaire.
Au commencement, Job était comme prophète, sacrificateur et roi, et c’est ce qu’il est encore à la fin, mais d’après un nouvel ordre de choses, car il exerce ses diverses fonctions d’une manière plus conforme à la pensée de Dieu. Comme prophète, il avait eu au commencement trop de confiance en lui-même pour prétendre être l’interprète de Dieu et de ses voies. Mais maintenant il dit : « Je t’interrogerai, et toi, instruis-moi ». Il veut être le disciple du Seigneur avant d’enseigner les autres ; il veut avoir l’oreille ouverte avant que sa langue soit déliée (Ésaïe 50:4). Telle est l’influence purifiante de son ministère prophétique. Il ne veut rien connaître, à moins qu’il ne l’apprenne de Dieu. Sa doctrine n’est plus la sienne maintenant. Comme sacrificateur, il avait au commencement interposé sa médiation entre Dieu et ses enfants, pour réparer des brèches probables ou pressenties (*). Mais il ne paraît pas avoir lavé ses propres vêtements, tandis qu’il aspergeait les autres avec l’eau de purification (Nomb. 19:21). Il avait besoin de se souvenir qu’il était aussi lui-même dans la chair, sujet à être tenté comme le plus faible (Gal. 6:1). Mais actuellement il est accepté lui-même, et il est accepté dans son service : Dieu exauce sa prière (Job 42:8-9). Comme roi, ses honneurs viennent après ses afflictions, ses gloires après ses souffrances. Remarquez encore que ce n’est qu’après avoir prié pour ses amis, que Job est tiré de sa captivité. Il exerce la grâce avant d’être investi de nouveau du pouvoir. Tout ceci est parfaitement conforme au grand modèle. « Vous, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations. Et moi, je vous confère un royaume, comme mon Père m’en a conféré un ».
(*) Voyez Job comme intercesseur, en Ézéchiel 14:14-20.
C’est sous différents aspects qu’on peut considérer Job comme prophète, comme sacrificateur et comme roi, suivant un ordre nouveau, et après qu’il a été affiné dans le creuset, ainsi que l’or est éprouvé par le feu.
Job devient de nouveau père d’une famille, et d’une famille où il n’y a rien à rectifier. Tout y respire le bonheur, la sainteté, la concorde ; le coeur du père est tourné vers les enfants, et le coeur des enfants vers le père. Au commencement, il avait à exercer une active surveillance sur leur conduite, et à faire propitiation pour le mal qu’ils avaient pu commettre. Mais à la fin, il n’est rien de cela, Le père, en les voyant, n’est pénétré que d’admiration et de joie. Les craintes qu’il avait autrefois à leur sujet ont fait place à un entier contentement.
De plus, dans la belle scène millénaire ou de la résurrection qui termine ce récit, le vent de tempête a cessé de souffler, et le feu de Dieu ne tombe plus. En ce jour d’un second Noé (Job étant devenu en quelque sorte le seigneur d’un nouveau monde), les eaux, qui s’étaient une fois renforcées extraordinairement, se sont maintenant retirées. Les Chaldéens et ceux de Sheba ne pillent plus et ne frappent plus de l’épée. Il n’y a ni adversaire, ni événement fâcheux, plus de « Cananéen dans la maison de l’Éternel » ; on ne fait plus de tort et on ne détruit plus dans toute la sainte montagne. Les troupeaux de Job peuvent reposer paisiblement dans « les lieux solitaires ». L’Éternel délivre son peuple de ceux qui le tenaient dans la servitude.
Tout ce tableau nous est présenté ici pour notre encouragement ; car « nous disons bienheureux ceux qui endurent la souffrance », et « nous avons vu la fin du Seigneur » à l’égard de Job. Ce qui est surtout d’une grande valeur pour nos âmes, c’est de voir que l’ennemi lui-même, ce prompt et audacieux agent de tous les malheurs et de toutes les souffrances, qui s’était d’abord introduit dans la scène, a également disparu. Au commencement, il agissait comme celui qui accuse dans le ciel et qui tourmente sur la terre. C’est même une consolation pour le saint dans ses afflictions de savoir que Dieu et Satan sont engagés en même temps dans ses épreuves ; l’ennemi (comme c’est le cas du patriarche) cherchant de son côté à lui enlever sa couronne et à jeter dans la poussière la bonne réputation qu’il avait devant Dieu ; le Seigneur voulant, de son côté (et c’est ce qu’il accomplit toujours), ajouter encore à l’éclat de sa couronne et bénir de plus en plus l’héritier de ces dignités et de ces joies. Il est consolant pour le chrétien, à l’heure de l’épreuve, de se rappeler cela. Quoi qu’il en soit, à la fin, Satan a disparu. Le but pour lequel Dieu, dans sa sagesse, avait jugé à propos de se servir de lui, se trouve maintenant atteint. La discipline de Job ne s’exerce plus du dehors pour sa destruction ; si elle s’exerce, c’est à l’intérieur et pour son édification.
Satan avait compris Job. Il connaissait les tendances de cette nature corrompue qu’il avait lui-même produite par son propre mensonge dans le jardin d’Éden. « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? » disait-il. « Ne l’as-tu pas entouré de toutes parts d’une haie de protection ? Mais étends ta main, et touche à tout ce qu’il a : tu verras s’il ne te maudit pas en face. Peau pour peau, et tout ce qu’un homme a, il le donnera pour sa vie ». C’est une chose sérieuse et terrible, bien-aimés, de penser qu’il connaît les ressorts de la pensée et de la volonté qui son au dedans de nous. Mais s’il pouvait ainsi comprendre Job, il ne pouvait pas comprendre Dieu. Les conseils de la grâce sont hors de sa portée. C’est pour cette raison que, dans l’histoire du monde, il a toujours été déjoué dans ses desseins, lorsqu’il croyait avoir le dessus ; car Satan ne peut éviter de rencontrer Dieu dans tout ce qu’il fait ou projette contre nous. Quand il vint vers Adam, dans le jardin, Dieu lui tint tête et le confondit par la promesse même faite à Adam, puisque cette promesse, tout en proclamant la venue du Rédempteur, annonçait la destruction de l’ennemi. Lorsqu’il incita David à faire le dénombrement du peuple, L’ange de l’Éternel fut vu auprès de l’aire d’Ornan, et le lieu où « la miséricorde s’élevait par-dessus le jugement » devint l’emplacement du temple. Lorsqu’il criblait les apôtres comme le blé, la prière de Jésus le désarma, et la foi des frères, au lieu de défaillir, fut fortifiée ; et, ce qui surpasse tout le reste, quand il fit mettre Jésus en croix, cette mort même qu’il lui infligeait fut sa propre ruine. Ainsi, dans toutes les peines qu’il nous cause, il sait, ou doit savoir, tôt ou tard, que c’est avec le Dieu tout-puissant, et non avec le faible mortel qu’il a affaire. Il pénétra dans l’asile de Job afin de le dépouiller et de le laisser ensuite vide et saccagé. C’était alors pour lui un nouveau jardin, mais aussi le théâtre de sa défaite ; car Dieu était là aussi bien que son serviteur Job, et confondit en définitive son adversaire.
Ainsi en est-il des élus et de Satan leur commun ennemi. Ils prendront un jour possession du royaume, et dans le royaume il n’y aura plus de place pour Satan. Ils sortiront des épreuves qu’il suscite de toutes parts contre eux, pour porter leurs couronnes et chanter leurs cantiques. Au lieu de venir encore se présenter « au milieu des fils de Dieu », Satan sera saisi par l’ange puissant, qui le jettera dans l’abîme (*).
(*) Quelqu’un a fait la remarque que Satan est toujours
vaincu. Cette pensée semble
être confirmée par l’Écriture de la manière la plus frappante, dans tant de cas
outre ceux mentionnés ci-dessus. Il est l’instrument volontaire pour la
destruction de la chair ; mais le résultat de cette destruction est que l’esprit est sauvé
à la fin (1 Cor. 5:5).
Il reçoit volontiers quelqu’un qui lui est livré d’une manière judiciaire ; mais
la fin de tout cela est qu’un tel individu « apprend à ne pas blasphémer » (1
Tim. 1:20). Il envoie ses messagers comme des échardes pour la chair, et il
prend d’autant plus de plaisir à le faire qu’il ne pense qu’à faire du mal,
ayant été « meurtrier dès le commencement » ; mais ceci encore tourne en bien, car
le serviteur de Christ se trouve empêché
par là de s’élever outre mesure
(2 Cor. 12:7).
Tels sont les changements ou alternatives qui ont eu lieu dans le cours de cette histoire sacrée. On ne peut parler de ces changements sans reconnaître en même temps que l’épreuve de la foi a été précieuse, comme le dit Pierre. L’ennemi est renvoyé ; ses ministres ou messagers, le vent, le feu, les Chaldéens, ceux de Sheba, n’ont plus leur mission de destruction. Job, de même, a changé de disposition, et a fait à Dieu sa confession. Ses amis ont changé d’opinion, et se sont humiliés devant lui ; mais il y en a un qui ne change point ; il n’a pas à revenir en arrière ; il n’a aucune parole à rétracter ; il n’a à réformer aucun conseil de son coeur, ni à se repentir d’aucune de ses actions. Dans quelque endroit de l’Écriture, il est dit de lui « qu’il est le même, hier, et aujourd’hui, et éternellement » ; et encore qu’en lui « il n’y a pas de variation ou d’ombre de changement ». On ne saurait mieux dépeindre son caractère que par ces paroles ou par les faits qui sont racontés à son sujet dans le Livre même auquel nous introduisons le lecteur.
Il ne peut y avoir dans l’esprit de l’homme un calme parfait ou l’absence de toute inquiétude et distraction, s’il n’a pas le sentiment que ses forces sont proportionnées à son travail, de quelque nature qu’il soit. Nous ne pouvons pas non plus posséder ce calme, si nous n’avons pas une égale conscience de notre intégrité ou droiture dans ce travail. Le sentiment de la force et de la droiture est nécessaire pour nous disposer à entreprendre une oeuvre ou à faire une démarche quelconque avec une entière liberté.
Or nous savons que cette liberté distingue toutes les voies et les opérations de Dieu. Il est toujours occupé (pour parler à la manière des hommes), et possède pleinement et constamment ce calme sublime dont nous parlons. Nous pourrions déjà en juger ainsi d’après sa nature même. Mais les voies de Jésus sur la terre ont toujours manifesté cette qualité excellente, et il était, comme on le sait, « Dieu manifesté en chair ». Cette aise, ce calme, avec lesquels Dieu procède, nous disent que, tout étranges et même arbitraires que puissent paraître ses opérations, il peut en démontrer à tous les raisons, de manière à ce qu’il soit « justifié dans ses paroles, et qu’il ait gain de cause quand il est jugé ». Il est heureux qu’il en soit ainsi. Dieu est son propre interprète, et c’est à lui à donner le pourquoi de l’énigme. Nous savons combien Job fut éprouvé ; ses afflictions étaient diverses et profondes, et semblaient lui être dispensées, comme quelques-uns pourraient le supposer, sans nécessité ; car il marchait dans la crainte de Dieu, et se dévouait au service de sa génération. Mais « la fin du Seigneur » est plus que la revendication des droits divins ; c’est le déploiement de la sagesse et de la grâce divines. L’épreuve doit tourner à louange, à honneur et à gloire. La lumière du jour à venir, quoi qu’elle condamne dans l’homme, ne servira qu’à mettre en saillie et à refléter l’excellence de Celui avec lequel nous avons affaire.
Ayant ainsi jeté un coup d’oeil rapide sur ces indices réjouissants des jours millénaires, jours d’allégresse et de triomphe que la fin de cette sérieuse et instructive histoire fait passer devant nous, il nous reste à toucher encore à un autre point.
Au commencement, Job ne jouissait de toutes ses bénédictions qu’avec réserve et une sorte d’appréhension. Il ne se sentait pas en sûreté, son coeur n’était point en repos ni dans le calme. « Car j’ai eu une crainte, et elle est venue sur moi, et ce que j’appréhendais m’est arrivé » (chap. 3:25). C’était tout naturel. L’instabilité de toutes choses ici-bas étant l’effet de la chute de l’homme, rend cet état d’âme nécessaire. Mais vers la fin, il n’a pas plus de « craintes au dedans » qu’il n’y a de Chaldéens ou de « combats au dehors ». Aucun nuage ne vient plus voiler la brillante clarté du soleil qui luit sur tout ce qui l’entoure, ni obscurcir les rayons de lumière qui le pénètrent et le remplissent de calme.
Au surplus, ses parents et ses connaissances reviennent vers lui. Ils n’auraient jamais dû, assurément, l’avoir abandonné ; car nous nous abusons si nous croyons avoir le droit d’attrister ceux que Dieu tient sous sa discipline. Nous sommes bien loin d’avoir raison de penser ainsi. Le Seigneur dit en Zacharie : « Je suis courroucé d’un grand courroux contre les nations qui sont à leur aise ; car j’étais un peu courroucé, et elles ont aidé au mal » (1:15; voir aussi Ésaïe 47:6, de même Abdias, 10-14, sur le même sujet). Nous sommes beaucoup plus en rapport avec la pensée de Dieu, et agissons comme des instruments de l’Esprit, lorsque nous cherchons à adoucir les maux de ceux qui souffrent. Il en était sûrement ainsi dans le cas de Job. Je suis sûr que ses anciens amis se seraient conduits bien différemment envers lui, eussent-ils connu les voies de Dieu. Ils ne l’auraient pas quitté. Le fait que « la main de Dieu » l’avait atteint, comme il le déclare lui-même d’une manière si touchante, aurait dû exciter chez ses amis cette « pitié » qu’il implorait d’eux (19:21).
Quoi qu’il en soit, comme surcroît du bonheur qui renaît avec sa dernière condition, ses amis et alliés s’empressent de venir à lui, et cela pour le féliciter, aussi bien que pour sympathiser avec lui. Si on lui parle de ses douleurs passées, ce n’est que pour rehausser la joie dont sa coupe est remplie, comme au jour de la fête triomphale des Tabernacles, où Israël, plus tard, pouvait faire des tabernacles de branchages et y habiter, pour se souvenir avec gratitude du voyage dans le désert (Néh. 8:15-18).
Ce sont là de précieux échanges, et la fin de notre patriarche est deux fois meilleure que son commencement. Mais parmi les réjouissantes anticipations qui brillent à la dernière page de cette histoire, il n’en est point qui captivent plus le coeur que celle de la réconciliation. Job, nous le savons tous et le récit le démontre abondamment, avait eu querelle avec ses frères, en suivant la route spacieuse de « ce présent siècle mauvais » ; mais dès qu’ils entrent dans « le monde à venir », on n’entend plus parler de disputes de langue, ni de bruits de guerre. Le coeur salue avec joie Ses temps de rafraîchissement ; car, quelle félicité ne sera-ce pas pour nous, d’être délivrés de la recherche de soi, de l’orgueil et de toutes les nombreuses influences d’une nature égoïste et corrompue ? Que de larrons n’y a-t-il pas qui détruisent continuellement les plaisirs du coeur ? Que de choses effrayantes ne révèle pas chaque page de notre histoire ? Ce n’est qu’un catalogue d’agitations causées par l’envie, l’ambition et la rancune. N’est-ce pas misérable de voir ainsi les hommes, « haïssables et se haïssant l’un l’autre », et de se souvenir ensuite que nous vivons encore et agissons au milieu de ces éléments dont le contact est si pernicieux ? Mais il est une autre chose que nous avons en perspective, et dont la Parole, selon les voies de la sagesse et de la grâce de Dieu, nous offre constamment un tableau mystique, comme ici, dans le 42e chapitre de Job. C’est qu’il n’y aura plus lieu pour l’homme d’être séduit ou trompé par Satan, et celui que Dieu aura oint aura le dessus. Alors on saura le bonheur qu’il y a de passer d’un tel état de ténèbres à la merveilleuse lumière, on jouira encore de la clarté céleste après avoir traversé les siècles d’une nuit profondément obscure.
Nous savons, par l’Écriture, qu’un grand renouvellement physique changera l’aspect de la nature dans le royaume à venir. Comme les prophètes l’annoncent, le désert sera dans l’allégresse et fleurira comme une rose ; le boiteux sautera comme un cerf ; la langue du muet sera déliée et chantera de joie ; la vache paîtra avec l’ourse le loup habitera avec l’agneau, et le léopard couchera avec le chevreau. Toute la nature sera dans un ordre digne de la présence du Seigneur. Les fleuves battront des mains ; tous les arbres de la forêt chanteront de joie devant lui. La création triomphera dans la liberté de la gloire, comme elle avait gémi et souffert sous la servitude de la corruption (Ésaïe 11:35; Ps. 96, 98; Rom. 8).
Ce sera comme une vie qui aurait été longtemps engourdie et qui est soudainement réveillée. Ce sera la même création, mais sous une nouvelle autorité, sous de nouvelles influences. Aussitôt que les fils de Dieu seront manifestés, tout l’univers renaîtra avec de nouvelles conditions et de nouvelles sensibilités. Il en sera de même de l’homme, quand il sera assujetti aux puissances de l’âge futur. Aussitôt que le présent siècle mauvais a fait place au siècle à venir, de nouveaux principes sont introduits, comme pour encadrer et embellir la scène et procurer des jouissances morales (qui sont les plus riches de toutes) à toute la vie personnelle et sociale.
L’effet en sera comme celui des sons harmonieux d’un instrument parfaitement délicat. Le système du règne végétal et du règne animal est susceptible de revêtir de telles formes de beauté et d’ordre que la bonté et la sagesse divines peuvent s’y réfléchir avec la plus grande expression de bonheur et de vie ; mais l’esprit renouvelé de l’homme possède des forces et des affections qui, quoique non apparentes, sont cependant d’une qualité exquise et d’une nature supérieure à tout le reste. Dans sa condition actuelle, il a à lutter avec le vieil homme et à souffrir des rudes oppositions de la chair. Il est oppressé et comme entouré d’une atmosphère grossière. Mais sa capacité d’agir, de juger et de sentir est d’un ordre des plus élevés. Or, si vous supposez cet être spirituel une fois dégagé de tous les obstacles qui l’entourent et soumis aux influences qui lui sont propres, toutes ces sensibilités et ces facultés se trouveront ranimées, et la beauté morale se manifestera sous ses formes diverses, dans toute la vie individuelle et sociale. Quelle espérance pour l’âme qui est maintenant éprouvée et contrariée par les efforts de la chair ! Ce sera bien toujours la même « nouvelle création », mais dans d’autres conditions. Elle ne sera plus opprimée, et les nuages ne la couvriront plus ; elle respirera pour ainsi dire l’air natal, et jouira d’une sérénité permanente.
L’Écriture nous donne bien des témoignages de cette vertu et de cette joie morales de l’économie future. C’est pour l’Esprit de Christ en nous une des plus délicieuses occupations que d’être attentif à ce que proclament de nombreux témoins dans leur langage symbolique.
En Genèse 21, on voit ensemble, pour un moment, le père d’Israël et celui des gentils. La communion d’Abraham dans cette circonstance avec Abimélec est un signe des saintes et heureuses relations qu’Israël soutiendra avec les gentils dans le siècle à venir. Les questions qui avaient occasionné des divisions et des troubles parmi eux sont résolues. Le puits d’eau, au sujet duquel ils avaient eu des débats, sert maintenant de témoignage au serment ou à l’alliance. Cette communion entre Abraham et Abimélec est marquée par une affection mutuelle et pure ; ils se séparent ensuite après s’être donné les gages d’une sincère amitié. Le tamarisc que plante Abraham est en principe ce qui fait fleurir le désert, et l’autel d’Abraham fait de la terre un sanctuaire ; mais sa conduite envers Abimélec, et celle d’Abimélec envers lui, donne à cette scène un caractère noble et touchant ; car il n’y a aucune jouissance comparable aux jouissances morales ; il n’est aucun plaisir comparable à ceux du coeur.
Il en est de même en Exode 18. Nous trouvons Jéthro et les tribus rachetées se rencontrant à la montagne de Dieu, comme type de cette association qui sera établie entre les familles du ciel et celles de la terre. Tout y est plein d’une beauté morale. Les éléments qui les rassemblent sont pourtant bien différents de ceux qui les avaient séparés autrefois. Moise et Séphora s’étaient quittés en colère lors de leur dernière entrevue, puis la congrégation se livra aux murmures à plusieurs reprises. Mais maintenant, la montagne de Dieu a d’autres effets sur eux, et, depuis le plus grand jusqu’au plus petit, depuis Jéthro, ou le siège judiciaire, jusqu’aux parties les plus reculées du camp, tout est soumis à l’empire de l’ordre, de la paix et de la fraternité selon Dieu.
La génération, vivant à l’époque qui termine la carrière de David et commence celle de Salomon, offre le même spectacle. Le peuple s’était divisé et battu (dans le bois d’Éphraïm) ; mais l’épée qui avait fait tant de ravages est convertie en soc. Les temps de Salomon étaient en figure les temps du millenium : tout le pays jouissait, sous ce roi illustre, d’une paix, d’une prospérité et d’une gloire éclatantes. Au lieu de se porter sur les champs de bataille, chacun habitait sous sa vigne et sous son figuier, et vivait en bonne intelligence avec ses voisins. « Juda et Israël étaient nombreux, comme le sable qui est près de la mer, en multitude, mangeant et buvant, et se réjouissant » (1 Rois 4:20).
Ne peut-on pas appeler ceci des transfigurations morales ? Et combien ne sont-elles pas bénies, dès que l’on passe à l’autre bord ! Sortez du jour de l’homme pour vous transporter dans le jour du Seigneur ; respirez l’air de la montagne de Dieu, et vous goûterez, dans toute sa fraîcheur et sa pureté, la félicité sociale que procure une telle rénovation universelle avec tous les avantages que l’on peut y désirer. D’ici là il n’y a, somme toute, qu’un court intervalle. Nous verrons bientôt la réalité d’une pareille transformation. Les mêmes frères qui sont maintenant des échardes les uns pour les autres, comme Job et ses amis, rehausseront alors et augmenteront mutuellement leurs joies. Dans la terre promise « Éphraïm ne sera pas rempli d’envie contre Juda, et Juda ne sera pas l’adversaire d’Éphraïm » (Ésaïe 11:13). L’orgueil et l’égoïsme, ainsi que leurs compagnes l’avarice et la méchanceté, cesseront de nous faire la guerre.
Le récit, sur lequel nous venons de méditer, plus ancien et aussi célèbre qu’aucun autre des livres inspirés, nous offre donc un exemple de cette période millénaire. Job et ses trois amis, Éliphaz le Thémanite, Bildad le Shukhite et Tsophar le Naamathite, ces mêmes personnes ne contestent plus ensemble : ce sont des frères unis. Ils sont finalement parvenus au sommet de la montagne, et c’est là toute la différence. Il faudrait que nos coeurs fussent vraiment incapables de toute affection selon la grâce, et morts à tout ce qui peut produire de douces et pures émotions, si nous n’étions pas disposés à saluer la perspective d’un tel avenir de gloire et de bonheur.
Celui qui, une fois, abattit par sa croix la paroi mitoyenne et qui nous donne maintenant à tous un même accès auprès de notre Père commun, rapprochera bientôt le bois d’Éphraïm du bois de Juda, et les deux n’en feront qu’un. Alors tout l’Israël de Dieu sur la terre sera un même coeur, car la nouvelle de la lumière et de la joie du salut de Sion sera portée, avec un saint empressement, des messagers sur les montagnes, aux sentinelles de la ville, de celles-ci au peuple, et du peuple aux nations (Ésaïe 52:7-9). De même, quant à la famille céleste, les fils de la résurrection ne connaîtront plus en partie, comme Job et ses amis au commencement ; mais ce qui est en partie aura sa fin, et ce qui est parfait sera venu.