Jonadab et la famille des Récabites — Jérémie 35 & 2 Rois 10

W. H. Westcott [ajouts bibliquest entre crochets]


Extrait de Scripture Truth, vol. 7, 1915, p. 291

Table des matières :

1 - [Une tentation ou un test ?]

2 - [Ce qu’on sait de Jonadab]

3 - [Caractères de l’époque de Jonadab]

4 - [Jonadab avec Jéhu. L’espoir d’un réveil]

5 - [Jonadab animé du même esprit qu’Abraham]

5.1 - [L’esprit qui animait Abraham]

5.2 - [L’esprit qui animait Jonadab]

6 - [Application à notre temps]

6.1 - [État de notre époque]

6.2 - [Besoin de beaucoup plus de fidélité à la vocation céleste]

6.3 - [L’assurance donnée d’une succession de « fils de Jonadab »]


1 - [Une tentation ou un test ?]

Il y a des leçons à retirer de l’histoire des Récabites. Leur refus énergique de boire du vin a, bien sûr, été souligné par les promoteurs de la tempérance, et leur histoire a été déformée pour servir la cause de l’abstinence totale. Cela me semble manquer entièrement le sens du chapitre. Le test que Dieu a permis à Jérémie de leur appliquer n’était pas, comme certains le pensent, une tentation par la boisson. Dieu, qui connaissait leurs principes et leur fidélité à ceux-ci, voulait faire ressortir leur obéissance à la parole de leur père en contraste avec la désobéissance d’Israël à Ses lois à Lui.

Il ne s’agissait pas de tenter au mal, mais d’un test quant aux principes, et les Récabites furent manifestés inébranlables et fidèles. On entraîne un cheval à sauter, et quand il s’est exercé et qu’on a détecté son ardeur, on l’amène à un portail à cinq barreaux. Le but de l’épreuve n’est pas qu’il se casse une jambe ni qu’il soit éliminé, mais simplement de montrer que l’entraînement et la discipline ont fait leur œuvre.

Mais pourquoi Jonadab, fils de Récab, a-t-il donné des ordres aussi étranges à ses fils ? « Vous ne boirez pas de vin, ni vous, ni vos fils, à toujours ; vous ne bâtirez pas de maison, vous ne sèmerez pas de semence, vous ne planterez pas de vigne, et vous n’en aurez pas ; mais vous habiterez tous vos jours sous des tentes, afin que vous viviez beaucoup de jours sur la face de la terre où vous séjournez » (Jér. 35:6-7).

En premier lieu, il est évident qu’on ne peut pas faire de cette question une question d’abstinence. L’ensemble de ces règles forment un tout ; la proscription concernait aussi bien la construction de maisons, la culture de plantes semées, l’arboriculture que la viticulture. On ne peut pas faire comme Jéhoïakim au chapitre suivant, couper au ciseau ou au couteau ce qu’on ne veut pas entendre. Couper au couteau ou au ciseau et brûler au feu ont servi la volonté propre de ce roi comme de tout homme qui déteste les pensées de Dieu, mais ces moyens ne sont pas ceux de celui qui a l’esprit brisé et qui a le désir ardent de se conformer à la volonté de Dieu.


2 - [Ce qu’on sait de Jonadab]

Qui donc était Jonadab ? Qu’est-ce qui l’a conduit à la conclusion à laquelle il était arrivé, et qu’est-ce qui l’a incité à adopter une règle si stricte, et à imposer à sa postérité un mode de vie si étrange ?

La brève histoire de Jonadab est donnée dans le récit inspiré de 2 Rois 10:15-28. Tout ce qu’on a, c’est sa course en compagnie de Jéhu, et sa présence avec lui lors de la destruction du culte de Baal. Mais quand on y regarde de près, on commence à comprendre. Quelle était l’époque où vivait Jonadab ? Son nom signifie « L’Éternel (Jah) est libéral, généreux ». De toute évidence, son père Récab avait connu quelque chose du vrai Dieu, et avait désiré que son fils rende témoignage que Dieu est bon, et que son témoignage soit rendu à cela tout au long de sa vie naturelle. Sinon, pourquoi lui donner un tel nom ? Lorsque nous avons goûté que le Seigneur est plein de grâce, alors nous sommes soucieux de transmettre à notre descendance la connaissance et la conviction de Sa libéralité et de Sa grâce.


3 - [Caractères de l’époque de Jonadab]

Cependant pensons à l’époque à laquelle ce témoignage était à rendre. Le roi était Achab ; sa femme Jézabel, la femme la plus méchante de tous les temps, se tenait là en train, la plupart du temps, de l’inciter au mal (1 Rois 21:25). Sa mort ne mit pas fin au mal, car Achazia, son successeur, suivit la même voie (1 Rois 22:52-54). Finalement, Joram monta sur le trône (2 Rois 1:17). C’est contre lui que Dieu envoya Jéhu, par l’intermédiaire d’Élisée. Le peuple était enfoncé dans l’idolâtrie ; il avait tourné le dos à l’Éternel, et non la face ; les prophètes de Baal pullulaient dans le pays ; même l’élimination de 450 d’entre eux par Élie ne changea pas grand-chose ; et les péchés de Jéroboam par lesquels il avait fait pécher Israël faisaient rage parmi les Israélites. Cet éloignement de la sainteté et de la vérité était si commun et si terrible qu’il était devenu comme une formule de refrain pour décrire l’état des rois et du peuple : « Il ne se détourna pas des péchés de Jéroboam, fils de Nebath, par lesquels il avait fait pécher Israël ».

C’est en ce temps-là qu’il arriva à Élisée de dire à Guéhazi (2 Rois 5:25-27) : « Est-ce le temps de prendre de l’argent, et de prendre des vêtements, et des oliviers, et des vignes, et du menu et du gros bétail, et des serviteurs et des servantes ? » Élisée avait voulu enseigner à Naaman que « l’Éternel est libéral, généreux », mais Guéhazi, dans son désir de profiter des circonstances, avait gâché ce qu’Élisée se proposait de témoigner. « La lèpre de Naaman s’attachera à toi et à ta postérité pour toujours » fut la sentence du prophète.

Percevons-nous ces leçons ? Discernons-nous les temps ? Comprenons-nous l’état de choses autour de nous ?


4 - [Jonadab avec Jéhu. L’espoir d’un réveil]

Il est possible, sinon probable, que Jonadab connaissait Élisée ; en tout cas, leur estimation de l’environnement était la même. Tous deux apparaissent comme moralement à part de leur génération, Élisée dans son service, et Jonadab dans son témoignage. Les jours étaient mauvais, et Jonadab ne s’y trouvait pas à l’aise. Il était entouré, il est vrai, de la nation favorisée de Dieu ; mais comme Dieu l’avait annoncé, la nation avait sombré au niveau des nations parmi lesquelles ils habitaient (Ex. 34:11, etc. etc.).

Lorsque Jéhu apparut, comme un grand initiateur de réveil au milieu du mal, chargé par Dieu de punir Israël pour leur péché, Jonadab a pu penser : « Voici le changement que j’ai tant attendu ; maintenant le culte de l’Éternel va prospérer ; maintenant le peuple va apprendre les voies justes de Dieu ». Jéhu l’invita à monter dans son char (2 Rois 10:15), car Jonadab était manifestement connu comme quelqu’un qui se réjouirait de voir la gloire de Dieu manifestée. Jonadab donna à Jéhu à la fois son cœur et sa main (2 Rois 10:15), pour voir son zèle pour l’Éternel. Il dut certainement penser que la marée avait tourné lorsqu’il vit l’extermination de l’immense congrégation des adorateurs de Baal.

Hélas ! combien il dut vite déchanter ! Par deux fois, il est immédiatement indiqué que Jéhu ne se détourna pas des péchés de Jéroboam, fils de Nebath, par lesquels il avait fait pécher Israël (2 Rois 10:29,31). Il se fourvoya lui-même, et fourvoya les autres.


5 - [Jonadab animé du même esprit qu’Abraham]

Est-ce un sentiment de désespoir quant à l’évolution des événements extérieurs qui conduisit Jonadab à se comporter en étranger et pèlerin au milieu de son propre peuple ? N’était-ce pas plutôt le même sentiment qu’Abraham de se savoir sur un terrain divin, et également comme Abraham de se sentir à l’écart de tout ce qui l’entourait ? Ne réalisait-il pas que, si l’Éternel était rejeté et Sa parole méprisée, il n’y avait pas de place où il puisse s’établir ?


5.1 - [L’esprit qui animait Abraham]

Abraham a été et est le père de tous ceux qui croient (Rom. 4:11), et il est écrit de lui : « Par la foi il demeura dans la terre de la promesse comme dans une terre étrangère, demeurant sous des tentes avec Isaac et Jacob, cohéritiers de la même promesse ; car il attendait la cité qui a les fondements, de laquelle Dieu est l’architecte et le créateur » (Héb. 11:9-10). Sa part à lui et à ses enfants, était une vie d’étrangers ; pour lui, pas de construction de maisons, pas de plantation de vignes, — rien qui l’attache à cette terre, rien qui ne ferait même que ressembler à une portion ici-bas. Il attendait le temps où un ordre de choses entièrement de Dieu serait établi sur la terre.

En attendant, Abraham prit l’habit du pèlerin, marcha dans le chemin du pèlerin et, surtout, manifesta l’esprit du pèlerin. Dieu était sa part, et il ne voulut recevoir aucun cadeau du monde, ni du roi de Sodome (Gen. 14:17 et suiv.), ni des fils de Heth (Gen. 23:3 et suiv.). Il s’en tint à ce principe aussi bien au jour de sa prospérité qu’au jour de l’adversité. Seuls ceux qui ont un peu foulé ce chemin sauront ce que cela représente. Ne pas laisser s’exciter l’appétit du gain quand l’air retentit des cris du succès, ni aspirer à avoir tout pour rien quand l’atmosphère est pesante à cause de la pression de circonstances fâcheuses.

Telle fut la vie d’Abraham, une vie de proximité magnifique avec Dieu et de distanciation morale correspondante d’avec ceux qui l’entouraient. Son cœur était attiré par les choses divines, il vivait en elles et s’en nourrissait ; son estimation de ce qui l’environnait était formée dans la présence de Dieu ; rien de ce qui attirait Lot n’attirait son esprit, et certainement rien non plus ne l’attirait dans les voies des Cananéens et des Phéréziens, lesquels étaient alors dans le pays. Il allait donc de lieu en lieu, et formait son fils et son petit-fils à faire de même, à habiter dans des tentes.


5.2 - [L’esprit qui animait Jonadab]

L’esprit de Jonadab n’était-il pas le même ? Il ne s’agissait pas pour lui d’une question d’abstinence partielle ou totale. Son refus de prendre part aux plaisirs de son entourage, et même d’avoir une part quelconque du pays dans l’état qui le caractérisait alors, c’était sa façon de protester contre l’état du pays. Si l’Éternel était rejeté, et était comme un étranger dans Son propre pays et parmi Son peuple (selon ce qu’il professait être), Jonadab le serait aussi.


6 - [Application à notre temps]

6.1 - [État de notre époque]

Voilà pour Jonadab et ses fils. Mais qu’en est-il de nous et de l’époque où nous vivons ? En principe l’espérance du chrétien lui est réservée au ciel (Col. 1:5). Lorsque Christ, qui est notre vie, apparaîtra, nous paraîtrons avec Lui en gloire (Col. 3:4). L’ordre de choses voulu par Dieu s’accomplira à ce moment-là, et notre part sera une part céleste avec Christ dans la gloire. Or d’une manière ou d’une autre, la vérité a trébuché sur la place publique (És. 59:14), l’église professante « laisse faire la femme Jésabel » qui exerce son influence funeste (Apoc. 2:20), et la majorité des chrétiens professants cherchent une portion, de l’influence, du plaisir et une position ici-bas où Christ a été rejeté, et où peu de gens tiennent compte de Sa parole. Le vin qui représente ce qui est humain en matière de divertissement, de jouissance ou de laisser-faire, amuse jusqu’à l’hilarité même les chrétiens ; les mille-et-un passe-temps, loisirs et divertissements du monde séduisent la plupart d’entre eux en leur ôtant la loyauté à Christ, et ils les empêchent de se dépenser et de dépenser pour Lui.


6.2 - [Besoin de beaucoup plus de fidélité à la vocation céleste]

J’irai plus loin. Et je dirai que le témoignage le plus fort et le plus réussi pour Christ ne se trouve généralement pas chez ceux qui « achètent des maisons et plantent des vignes » ici-bas ; chez ceux qui accumulent des sociétés immobilières et ont leurs possessions sur cette terre. Le détachement dû à l’influence d’un dévouement sans réserve à Christ se voit clairement en Actes 4:34, où « tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient ». Il est facile de voir qu’il vaut mieux se défaire des charges embarrassantes. Et c’est encore plus nécessaire de nos jours si l’on veut un témoignage qui ait un vrai retentissement. Car nous sommes entourés d’Achabs et de Jézabels dans la profession chrétienne ; tous cherchent leurs propres intérêts et non pas ceux de Jésus Christ (Phil. 2:21). Ceux qui habitent sur la terre [au sens moral, Apoc. 3:10 et 11:10] sont au milieu de nous, et leurs pensées sont aux choses de la terre (Phil. 3:19). Je ne parle pas seulement des choses du monde, mais des choses terrestres. Nombreux sont ceux qui parlent d’une vocation céleste ; mais ceux qui sont fidèles à une telle vocation, sont-ils nombreux ? La mondanité de la profession chrétienne dans son ensemble, la révolte évidente contre l’autorité de la Parole de Dieu, la désobéissance aux moindres exigences de sainteté et de vérité, l’amour des plaisirs qui chasse l’amour de Dieu, l’installation dans les choses et les affaires d’ici-bas — tout cela appelle à grands cris une semence de Jonadab [= des descendants ayant son caractère].


6.3 - [L’assurance donnée d’une succession de « fils de Jonadab »]

C’est une joie d’apprendre ce que dit Jérémie 35:19: « Ainsi dit l’Éternel des armées, le Dieu d’Israël : Jonadab, fils de Récab, ne manquera jamais d’un homme qui se tienne devant Moi ». L’Éternel était si satisfait de leur obéissance à leur père, et de leur fidélité à leurs principes de pèlerins, qu’Il engagea Son propre nom à assurer une succession de « fils de Jonadab » jusqu’à la fin des temps. La question qui se pose à nous est la suivante : En faisons-nous partie ? Recherchons-nous les plaisirs enivrants de ce monde symbolisés par le vin ? Bâtissons-nous comme si nous étions inamovibles ici-bas ? Nos espérances sont-elles retenues ici-bas par des choses que nous mettrions volontiers de côté, si nous pensions que le Seigneur venait demain ? Oh, combien nous avons besoin d’une intense vie spirituelle, pour être contraint par l’amour du Christ ! J’avais l’habitude de penser qu’il était dit « l’amour du Christ nous contraint à vivre pour Lui » ? Mais ce n’est pas cela. L’amour du Christ nous étreint, nous étreint, NOUS ÉTREINT ! Il nous tient, il met en mouvement les forces de la vie chrétienne, il ne relâche jamais son emprise, il exerce toujours sa pression douce et heureuse. Voilà ce qui nous conduit à choisir le chemin d’Abraham et non celui de Lot. Voilà ce qui fait de nous des Jonadab, ce qui rend impossible toute association avec la condition maladive et méchante des choses qui nous entourent, voilà ce qui nous incite à mener une vie simple de pèlerin, dans laquelle le cœur cherche à se libérer des attaches d’ici-bas, afin d’être encore plus volontiers et plus pleinement sous l’étreinte, la contrainte de Son amour.