Pierre Koechlin
Oral 4.08.2023
J’aimerais revenir sur ce mot « ruine » qu’on applique,
à juste titre, à l’Église ou Assemblée Chrétienne. C’est un terme effectivement
un peu délicat à utiliser, et son usage nécessite d’être fait à bon escient. Il
faut bien avoir conscience que c’est une image
qui fait référence à des
récits de l’Ancien Testament
. Une ruine, c’est un édifice délabré, une
maison complètement dégradée. Dans l’Ancien Testament, il est question de la maison
de Dieu
, du temple, et ce temple a été détruit : il est devenu une ruine.
Non seulement il nous est parlé de la ruine du temple, mais aussi de la ruine de
la muraille
de Jérusalem. Or ces deux constructions nous montrent deux
caractères de l’assemblée de Dieu :
accompli, là où il y a le
culte. Du fait de la ruine, le
cultene pouvait plus avoir lieu selon ce que Dieu
voulait.
séparation, une
distinction.
Ces choses nous touchent aujourd’hui, elles touchent l’Église entière… Pourquoi dit-on que l’assemblée de Dieu est en ruine ?
culteselon Dieu, le culte en Esprit et en vérité ? Le culte est-il quelque chose qui est
organisé par l’homme? Est-ce répéter par tradition toujours les mêmes prières ? Est-ce assister simplement à ce qu’on appelle aujourd’hui un
concert de louanges? Certes le nom de Jésus Christ y est proclamé, et il y a de la reconnaissance envers Dieu dans les cœurs, mais ce qui est connu et vécu pratiquement dans l’Église en général, est-ce vraiment le
culteen Esprit et en vérité ?
Voilà la réalité
de ce qu’on appelle « la
ruine » dans notre jargon, dans notre langage : ça renvoie à ce temple
détruit et à cette muraille
détruite.
La ruine a aussi un autre caractère : quand on voit une
maison ruinée, une maison détruite, on voit les pierres dispersées. Les pierres
ne sont plus sur les murs, elles sont à côté
, sur le sol ; elles ont
roulé à deux, trois mètres, elles sont les unes à l’écart des autres. Cela
aussi, c’est la ruine de l’Église…
en image. Combien y a-t-il aujourd’hui
de croyants
qui, comme ces pierres, se retrouvent seuls, isolés…
peut-être parce qu’ils sont découragés
; ils ont essayé de se
rassembler à un endroit et ils n’ont peut-être pas trouvé la compassion
et les soins
qu’il devrait y avoir dans l’assemblée de Dieu. Cela aussi
c’est la ruine.
Quelle est la cause de cette ruine ? Dans l’Ancien
Testament, la dégradation du temple est due, entre autres, au manque
d’entretien, à la négligence
; on voit qu’il y a même eu des rois qui
ont dépouillé volontairement
la maison de Dieu. Mais la ruine est due
aussi au jugement de Dieu sur sa maison
et c’est aussi quelque chose
qu’il nous faut reconnaître
.
En résumé, l’état de l’Église aujourd’hui, les divisions qui
sont là
, c’est avant tout notre responsabilité. On ne peut pas y
échapper, même si on est plus jeune. Si on est plus jeune, on ne porte pas
forcément la même responsabilité que ceux qui sont plus âgés, mais on est tous
solidaires. Au départ cette dégradation de l’Église vient, comme il nous est
dit au sujet d’Éphèse, de ce que « tu as abandonné ton premier amour
»
(Apocalypse 2:4). Ne peut-on pas reconnaître
dans nos cœurs, même tout
jeune, qu’effectivement on n’a pas toujours eu une vie conséquente avec le
Seigneur ; c’est la chair en nous ; et ça il faut le reconnaître
.
En fait, mon comportement à moi
a un impact sur les
autres, et sur l’Église entière. C’est ça
la réalité. Je ne peux pas me
désolidariser et dire : « Ah ben non ! moi, je n’ai rien à me
reprocher ! ces problèmes dans l’Église viennent de mes aînés,
de ceux
qui étaient avant moi
; les divisions qui ont eu lieu dans le
passé
, ce n’est pas moi
… » Oui, c’est sûrement vrai, mais
quelle est ma responsabilité aujourd’hui dans l’Église ? Est-ce que mon
comportement n’a pas un impact
, à la fois négatif
peut-être, mais
positif
aussi ? Ne puis-je pas avoir à cœur d’apporter le Seigneur,
d’apporter un encouragement pour mon frère, ou ma sœur qui est à côté de moi, eh
bien ça, ça a un impact positif
!
Au sujet de la ruine, il ne faut pas se faire d’illusions
.
Tous ceux qui ont réparé des maisons le savent. Il ne suffit pas juste
de remettre un crépi quand il y a une fissure ; sinon la fissure va
réapparaître. S’il y a un tout petit ébranlement dans les murs, on revoit la
fissure ; on a juste « caché la misère
». Il faut réparer
plus en profondeur. C’est la raison qui nous oblige à parler de cette ruine
aujourd’hui. C’est parce qu’il ne faut pas
se faire d’illusion en ne
regardant qu’à la surface des choses. Il faut faire le diagnostic exact
.
Il faut voir
d’où cette ruine vient. Et elle vient de nos
propres
cœurs. On ne peut pas accuser
les autres. On ne peut pas dire : « Ah !
les divisions… ce sont les autres croyants qui ont fait ceci ou cela… c’est
parce qu’ils n’ont pas suivi le Seigneur… » Non ! ça vient de mon
propre cœur. Et tant que je ne l’ai pas reconnu
, eh bien je ne peux pas
avancer
. On ne peut pas juste le masquer, le cacher, passer à côté
et faire comme si de rien n’était. Non
, la Parole de Dieu parle de ce
sujet : il faut que je fasse ce constat
dans mon
propre
cœur. C’est fondamental. Évoquer ce sujet est un passage un peu douloureux
.
Il faut y passer, mais il ne faut pas
s’arrêter à ça.
Ce vocabulaire de la ruine
trouve un écho, une réponse extraordinaire
dans la Parole de Dieu
. C’est « la parole de sa grâce qui a la
puissance d’édifier
» (Actes 20:32). L’inverse de la ruine,
c’est l’édification
, c’est la construction
. Dieu ne nous demande
pas de rétablir
l’Église, comme elle était autrefois au temps des Actes
des apôtres. Pour Esdras il ne s’agissait pas de refaire le temple de Salomon.
Il ne s’agissait pas de recommencer
comme avant, comme si de rien
n’était. Par contre, Esdras et ses compagnons avaient à édifier quand même. Ils
avaient à construire. Ils avaient à rétablir le culte. Les fils d’Israël avaient
à rétablir la muraille, chacun devant sa maison. C’est ça que Dieu nous
demande, et non pas de dire : « eh bien, on va tout recommencer, on
va repartir comme avant, on va faire comme si de rien était, comme s’il n’y
avait pas de divisions, comme si l’Église était une » — Oui, certes !
elle est une aux yeux de Dieu, mais quant à son témoignage et à sa
responsabilité, elle est en ruine. Ne pas accepter
ce constat de ruine,
c’est en fait ne pas accepter le jugement de Dieu sur l’Église, c’est aller à
l’encontre
… de Son gouvernement
, à l’encontre de la manière dont Il
a condamné ce qui s’est passé
dans cette Église.
Au chapitre 20 des Actes, le discours de Paul nous montre aussi quelque
chose de très important
, parce que souvent on dit : « Si
on avait une organisation, il n’y aurait pas eu toutes ces divisions ». Je
l’ai entendu dire sous la forme : « eh bien, s’il y avait eu des
anciens clairement établis, il n’y aurait pas eu les divisions il y a quelques
années ». Ou encore : « Si aujourd’hui on organisait un peu
mieux les choses, si on établissait un pasteur, comme on le voit à côté
…
ça marche tellement mieux
… Est-ce que ce n’est pas ça
la
solution
, pour éviter qu’il y ait des problèmes
, pour éviter qu’il y
ait des conflits
entre frères ? » — Eh bien, non, justement
!
L’apôtre Paul nous dit : non seulement il y aura des attaques
extérieures
, mais ces anciens, les anciens qui sont là, et qui ont été
établis pourtant
par l’Esprit Saint, eh bien parmi eux
il se
lèvera des hommes qui annonceront des doctrines perverses
! Donc la
solution n’est pas une organisation !
La solution, elle est là, à notre portée, dans « la Parole
de Dieu qui a la puissance d’édifier
» (Actes 20:32). Chers amis,
on mesure peu
cette puissance
de la Parole : c’est
l’Évangile de Dieu qui a la puissance
de sauver. Il n’y a pas dans ce
monde de puissance comme celle-là : la puissance d’un verset de la Parole
de Dieu. Alors j’aimerais encourager mes frères … mes jeunes frères, qui
peut-être ne savent pas trop quoi dire dans des réunions. Eh bien, apportez la
Parole, juste la Parole
. Ce ne sont pas des discours
qui ont de
la valeur. C’est la Parole
de Dieu qui a la puissance, et elle est puissante
comme on ne peut pas
l’imaginer ; elle a la puissance d’édifier
,
de reconstruire
, de rétablir
, de réparer
les brèches.
C’est elle
qui a la puissance ; pas une organisation ! Ce n’est
pas en essayant d’organiser le fonctionnement de l’Église qu’on pourra rebâtir.
C’est « la Parole de Dieu qui a la puissance d’édifier ».