RUTH

ME 1995 p. 97-100

 

Argaud Élie


Après Mara vient Élim (Ex. 15:22-27). Le livre de Ruth est comme une oasis que l’on rencontre après avoir parcouru le désert du livre des Juges. Nous ne prétendons pas en explorer toutes les richesses, mais simplement, comme la Sulamithe du Cantique des cantiques, prendre plaisir sous ses frais ombrages et goûter quelques-uns de ses fruits si doux à nos cœurs (Cant. 2:3).

Dans les jours où les juges jugeaient en Israël, « chacun faisait ce qui était bon à ses yeux » (Jug. 17:6 ; 21:25), mais huit fois il nous est dit dans ce même livre que cela était mauvais aux yeux de l’Éternel ! Retenons l’avertissement : faire sa propre volonté, c’est déplaire au Seigneur. Aussi Dieu appelle-t-il sur son peuple une sévère discipline : la famine (Ruth 1:1).

Élimélec, sa femme et ses deux fils, décidèrent de se soustraire au jugement de Dieu. Ils s’en allèrent au pays de Moab. Que trouvèrent-ils dans cette terre étrangère ? Peut-être un peu de bien-être, mais surtout… la mort. Élimélec mourut. Et ses fils, qui avaient pris des femmes moabites, moururent aussi. Trois veuves dans la même maison. Naomi aurait pu dire comme Juda : « Comment parlerons-nous, et comment nous justifierons-nous ? Dieu a trouvé l’iniquité de tes serviteurs » (Gen. 44:16). C’est un premier pas : reconnaître ses égarements. Il faut faire le deuxième : revenir vers Dieu. « Reviens, Israël l’infidèle, dit l’Éternel… Seulement, reconnais ton iniquité » (Jér. 3:12, 13).

Naomi revient alors dans le pays de Juda. Elle était partie, voilà une dizaine d’années, comblée, heureuse avec son mari et ses deux fils. Elle revient vieillie, ruinée, honteuse et meurtrie par trois deuils successifs.

Mais, elle revient ! Elle revient au bon moment, au moment choisi par le Dieu de la grâce, « au commencement de la moisson des orges » (Ruth 1:22).

Une de ses belles-filles, Ruth, veut l’accompagner. Sa décision est formelle. Elle dit à sa belle-mère : « Ne me prie pas de te laisser… car où tu iras, j’irai, et où tu demeureras, je demeurerai : ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu » (1:16). Son choix est clair : c’est le choix de la foi. Mais dans ce pays, ne sera-t-elle pas rejetée comme une étrangère ? Aura-t-elle du pain à manger ? Ne regrettera-t-elle pas son pays, le pays de Moab ? Elle ne raisonne pas, car la foi ne raisonne pas. Sa devise : Dieu, le Dieu de Naomi, le Dieu d’Israël sera mon Dieu. Dieu n’est jamais le débiteur de personne. Celui qui se confie en lui n’est jamais déçu.

Humblement, Ruth va glaner dans les champs. Elle a demandé aux moissonneurs la permission de ramasser, après eux, quelques épis. Boaz, le possesseur du champ, remarque la jeune femme. Va-t-il refouler cette étrangère ? Non. Dieu ne brise pas le roseau froissé et il n’éteint pas le lin qui brûle à peine (És. 42:3). Il la prend sous sa protection et veut pourvoir à ses besoins (Ruth 2:9, 10). Ruth est confuse : « Pourquoi ai-je trouvé grâce à tes yeux… je suis une étrangère » (2:10). La réponse de Boaz est très belle : Je te connais et je sais que tu es venue t’abriter sous les ailes du Dieu d’Israël. Et au temps du repas, Boaz l’invite à la table des moissonneurs. Voyez-vous cette femme, cette jeune veuve qui a beaucoup pleuré, cette étrangère qui n’avait pas le droit d’entrer dans la congrégation de l’Éternel, assise à la table de l’homme riche et puissant ! À la plus grande misère répond le plus grand amour, l’amour de Dieu.

Le soir, elle rentre à la maison où l’attend Naomi. Que va-t-elle lui dire ? Lui parler de la richesse du champ de Boaz, de la bonté des moissonneurs qui tiraient pour elle quelques épis, du repas qu’elle a pris avec eux ? Non. Elle parle du maître, du seigneur de la moisson et rien que de lui. Et Naomi lui dit : « Qu’on ne te rencontres pas dans un autre champ » (2:22). Peut-être y aurait-il aussi à glaner dans ces champs-là. Peut-être y rencontrerait-on d’autres moissonneurs aussi aimables et sympathiques. Mais la vraie question est : Y a-t-il Boaz ? C’est-à-dire pour nous, le Seigneur y est-il reconnu comme le Maître, celui dont la Parole seule fait autorité ?

Naomi, malgré ses défaillances, était une femme pieuse. Elle comprend que Ruth doit faire un pas de plus, et le lui indique. Jusque-là, Ruth était comme Marthe de Béthanie, qui servait ; elle va devenir comme Marie, qui, assise aux pieds de Jésus, écoutait, pleurait et adorait. Elle descend à l’aire où s’est couché Boaz. Elle découvre ses pieds, et lorsqu’il se réveille, elle lui dit : Je suis Ruth… tu as le droit de rachat. Quelle rencontre ! Une femme étrangère, veuve, sans ressources et un homme riche, puissant, le cœur plein d’amour. Et nous pensons aux rencontres de Jésus avec la Samaritaine (Jean 4), la femme adultère (Jean 8), le malfaiteur crucifié à côté de lui (Luc 23:40-43) … avec moi, avec vous peut-être.

Mais, dans le livre de Ruth nous sommes encore sous la loi. La loi pouvait-elle racheter l’homme pécheur ? Boaz, devant dix témoins, interroge celui qui avait le droit de rachat. Et celui-ci doit reconnaître : « Je ne puis racheter » (Ruth 4:6). L’apôtre Paul confirmera : « L’homme n’est pas justifié sur le principe des œuvres de loi, ni autrement que par la foi en Jésus Christ… parce que sur le principe des œuvres de loi nulle chair ne sera justifiée » (Gal. 2:16). Et Pierre rappellera que nous n’avons pas été rachetés par de l’argent ou de l’or, mais par le précieux sang de Christ (1 Pierre 1:19).

Ruth devient donc l’épouse de Boaz. Elle n’avait pas eu d’enfant avec le fils de Naomi, mais Dieu, dans sa grâce, lui donne un fils de Boaz, Obed, qui deviendra le grand-père du roi David. Oh ! la merveilleuse grâce de Dieu ! Ne nous confond-elle pas ? Voilà Ruth, l’étrangère, la Moabite, qui entre dans la lignée du Messie (Matt. 1:5).

Nous vivons en des jours qui ressemblent beaucoup à ceux des Juges. Chacun, dans la famille de la foi, fait ce qui est bon à ses yeux. Pour notre bien, Dieu nous fait passer par de sévères disciplines. Allons-nous, comme Élimélec, quitter « le pays de Juda » où Dieu nous a comblés de tant de bénédictions, pour aller chercher ailleurs ce que nous ne trouverons pas ? Oh ! sans doute, dans les « champs de Moab », on peut trouver aussi quelque nourriture, et puis, ils sont si proches (Moab n’était qu’à une ou deux journées de marche du pays de Juda). On entend dire parfois : « Il y a si peu de différences. Ils se réunissent comme nous et adorent le même Dieu ». Ne nous laissons pas abuser. La question qui se pose est celle-ci : Est-ce que je vais y trouver Celui que représente Boaz, Celui qui non seulement est le Sauveur de nos âmes, mais le Seigneur à qui nous voulons être soumis ?

Ne nous laissons pas aller au découragement. Si sombres que soient les nuages au-dessus de nos têtes, brisés et humiliés, regardons plus haut : la lumière brille. Dieu n’a pas changé et c’est le Dieu de la grâce. Si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle. Jusqu’à la fin il formera des témoins pour sa gloire, même s’il doit écarter les uns pour en appeler d’autres.

Comme quelqu’un l’a écrit : « Le petit ruisseau de la grâce que nous avons suivi dans l’histoire de Ruth aboutit dans l’océan sans borne de la gloire éternelle ».