LA LOI

André Gibert

Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest ; ME 1950 p. 113-125


Table des matières :

1 - Manières de se méprendre sur la loi

2 - La loi condamne, mais Christ a subi la condamnation à notre place

3 - La loi nous enseigne

4 - Morts avec Christ et vivre comme Christ

4.1 - L’exemple de Christ

4.2 - La loi, conducteur jusqu’à Christ — Gal. 3:24

4.3 - Aimer la loi

5 - La loi cérémonielle est-elle à part ?

6 - La lettre et l’esprit de la loi

7 - Trop préoccupé de la loi, ou pas assez

7.1 - Réaliser Romains 7 — La connaissance du péché en nous

7.2 - Tourner la grâce en dissolution

7.3 - Légalisme


1 - Manières de se méprendre sur la loi

Il existe parmi les chrétiens deux sortes de méprises au sujet de la loi que l’Éternel a donnée autrefois à Israël par Moïse.

La première est propre à ceux qui n’ont pas saisi la valeur de l’oeuvre de Christ pour nous délivrer, et qui cherchent la sanctification dans l’accomplissement d’obligations morales. Pour eux, du moment que la loi est l’expression de la sainte volonté de Dieu, nous ne serons agréés par Lui que dans la mesure où nous serons parvenus à accomplir cette loi.

Par une méprise tout opposée à celle-là, d’autres ne prennent pas garde que, « ayant été affranchis du péché », nous avons été « asservis à Dieu », « asservis à la justice ». Ils pensent volontiers que la loi ne nous concerne plus en aucune manière et que nous n’avons pas à nous préoccuper de ce qu’elle enseigne.

La première de ces façons de voir empêche de se réjouir pleinement en Christ ; elle continue à demander quelque chose à la vieille nature, et elle imprime à la conduite un légalisme desséchant. La seconde prive l’âme de guides sûrs quant à la pensée de Dieu. Toutes les deux en réalité nous détournent de Christ, l’une sous le couvert de la sainteté divine, l’autre sous celui de la liberté chrétienne. « Car Christ est la fin de la loi pour justice à tout croyant » (Romains 10:4) : pour le croyant la loi a son terme en Christ, mais en Christ seul.


2 - La loi condamne, mais Christ a subi la condamnation à notre place

La loi, en tant que loi, implique des sanctions judiciaires. Elle condamne toujours l’homme qui n’est pas « dans le Christ Jésus ». Christ a subi à notre place la condamnation qu’elle prononce, et Il nous délivre de sa juste sentence. Jamais ce point fondamental ne sera trop fortement retenu. La mort de Christ proclame bien haut ce que la loi divine exigeait à notre sujet, sans rémission possible. Mais elle dit en même temps que, par cette mort même, la loi est satisfaite, et la résurrection de Christ vient l’attester, selon la justice de Dieu. Aussi l’Évangile annonçait-il, à ce peuple d’Israël qui avait reçu la loi : Vous n’êtes plus sous la loi. Et à ceux des nations, qui n’avaient aucune part à la loi comme système religieux ou civil, il disait : Ne vous placez pas sous cette loi. Pourquoi ? Parce que, pour les uns comme pour les autres, il n’y avait pas à reprendre une chose faite, ni à recommencer ce que Christ a achevé. La loi est arrivée à sa fin. Dieu ne dit plus : Faites. Il dit : « Croyez au nom du Fils de Dieu ». « Le Christ Jésus nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption » (1 Corinthiens 1:30).

Ah ! si quelqu’un qui ne possède pas la vie nouvelle prétend, sans avoir Christ, ne rien craindre de la loi, celle-ci peut être justement brandie contre lui (1 Timothée 1:9). Elle lui dira ce qu’il mérite. C’est seulement à la mort de Christ que cette arme terrible a été non pas brisée, mais remise au fourreau, parce que tout ce qu’elle avait à opérer l’a été alors. Christ n’est plus sous la loi ; Il ne saurait y replacer les siens ; ils sont à Lui, non point à elle. « Dieu a envoyé son Fils, né de femme, né sous la loi, afin qu’il rachetât ceux qui étaient sous la loi, afin que nous reçussions l’adoption. Et parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos coeurs, criant : Abba, Père » (Galates 4:5, 6). La loi ne pouvait nous faire vivre ; Christ le peut, nous ayant, dans sa mort, fait « mourir à la loi » par la loi elle-même : « Car moi, disait Paul, par la loi, je suis mort à la loi, afin que je vive à Dieu » (Gal. 2:19).


C’est à la nouvelle vie ainsi reçue par la foi en Christ qu’il appartient désormais de marcher ici-bas à la gloire de Dieu. Elle reçoit sa puissance non de la loi, ni d’un esprit légal quelconque, mais de l’Esprit de Christ. « Si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes pas sous la loi » (Gal. 5:18).


3 - La loi nous enseigne

Mais est-ce à dire que, l’autorité judiciaire de la loi étant ainsi annulée pour nous par la mort de Christ, et nos relations avec Dieu étant celles, non point d’esclaves mais d’enfants libres, nous n’avons plus rien à faire avec la signification morale de la loi ?

Ce serait dénier à l’Ancien Testament toute utilité pour nous, et dire que Dieu n’avait pas de raisons de nous conserver même le souvenir des ombres, du moment que la lumière luit. Or Il nous a conservé cet Ancien Testament ; mieux, le Nouveau nous y ramène sans cesse, et nous donne la clef pour interpréter l’enseignement inépuisablement riche de ses figures. Non pour que nous y « retournions », mais pour que nous apprenions d’elles le déploiement varié des pensées et des voies de Dieu.

Ce serait dire aussi, et peut-être est-ce plus grave encore, que nous n’avons rien à apprendre de Jésus tel qu’Il a été sur la terre accomplissant la loi.

Ce serait, enfin, méconnaître que les commandements de la loi sont saints, justes et bons, et que le sommaire de la loi reste, comme un autre l’a dit, « le principe et le fruit de la vie en nous ».


4 - Morts avec Christ et vivre comme Christ

4.1 - L’exemple de Christ

La grâce nous prend et nous place par delà la mort, unis à Christ ressuscité. Mais Il est Celui qui a glorifié Dieu sur la terre, et dans les entrailles duquel était la loi de Dieu (Ps. 40:8). Il ne nous fait pas, certes, revenir en arrière pour nous dire : Vous ne serez tels que je suis, et vous n’atteindrez la résurrection que quand vous vous serez montrés aussi parfaits que moi. Cela n’est pas possible. Il ne nous sauve pas par son exemple, car nous ne pourrions le reproduire ; Il nous sauve par sa mort, telle que seul Il l’a connue, sous le jugement de Dieu à notre place. Mais Il nous assure la puissance de sa mort et de sa résurrection. Il nous laisse son exemple, mais après nous avoir donné une vie capable de s’y conformer, et Il nous demande de « marcher en nouveauté de vie ». « Celui qui dit demeurer en Lui doit marcher comme Lui a marché » (1 Jean 2:6).

Ce n’est plus là l’injonction implacable de la loi. Et d’autre part cela va plus loin que l’observation de la loi littérale. Celle-ci, donnée aux hommes comme la règle de leur devoir, ne pouvait embrasser les manifestations de la vie divine en grâce comme en vérité, ce qui a eu lieu en Christ, et qui doit être vu maintenant dans les siens. La loi ne prévoit pas un dévouement jusqu’à la mort tel qu’a été celui de Christ, et que nous avons à imiter ; elle ne prescrit pas d’aimer ses ennemis, etc. Tout cela est vrai. Mais ces choses seraient-elles donc opposées à la loi ? Ne seraient-elles pas plutôt, en réalité, l’accomplissement de la loi dans son Esprit par delà même sa lettre, puisque cette loi se résume dans l’amour ? L’apôtre répond à ces questions lorsque, après avoir énuméré les perfections du « fruit de l’Esprit », il dit : « Contre de telles choses il n’y a pas de loi » ; et encore : « Toute la loi est accomplie dans une seule parole, dans celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Galates 5:23, 14). Mais avant Paul, quand Jésus monté sur la montagne avait prêché cette « charité » dont Il était le vivant exemple, Il n’annulait certes pas la loi, ni ne la contredisait ; Il ne se plaçait pas dans un autre courant de pensée que celui de la loi donnée de Dieu, sainte et bonne ; bien au contraire, Il la dépassait. Ce qui signifie qu’Il l’accomplissait premièrement. « Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir ». La loi de Sinaï était le maximum de ce qui pouvait être demandé à un enfant d’Adam, mais non point la limite de l’obéissance à Dieu. Prétendre ne pas être intéressé par elle sous prétexte que Christ est notre vie, c’est, dès le départ, refuser ce qui est demandé en premier lieu.


4.2 - La loi, conducteur jusqu’à Christ — Gal. 3:24

Il est d’une grande importance de saisir cela. Notre délivrance de la loi n’en est point atteinte, au contraire. La loi n’est plus notre maître, elle est passée à notre service, de même que pour les croyants de l’ancien temps (qu’elle n’a pas plus fait vivre que nous) elle était un « conducteur jusqu’à Christ ». Cette loi qui nous condamnait à mort n’a plus à nous mettre à nouveau à mort ; c’est fait une fois pour toutes, sa puissance est éteinte, parce que Christ a subi la mort pour nous, Lui qui seul était sous cette loi sans qu’elle le condamnât. Mais elle n’a pas davantage la puissance de nous faire vivre. Vouloir nous justifier par la loi nous fait « déchoir de la grâce » (Gal. 5:4). Le motif de la vie chrétienne n’est pas d’échapper à une condamnation ou d’acquérir un mérite, il est Christ lui-même. Si nous prenons la loi comme règle de vie en disant : Je ne suis pas à Christ si je n’obéis pas à cette loi, — nous l’employons mal, nous ne voyons pas Christ derrière la loi. Mais si nous regardons Christ nous voyons la loi briller en Lui, et si nous le suivons nous accomplirons la loi sans effort, heureux de la reconnaître et de dire : Je suis chrétien par grâce, et je marche après Christ qui m’a sauvé ; voilà où passe le chemin de mon Maître et où je passe avec Lui ; il n’y a pas d’autre part pour moi ; or ses délices étaient de faire la volonté de Dieu et la loi de Dieu était « au dedans de ses entrailles ».


4.3 - Aimer la loi

Être sous la loi et aimer la loi sont deux choses bien différentes. L’homme irrégénéré ne peut pas aimer la loi. Et celui qui, même croyant, n’a pas saisi l’étendue de la grâce de Dieu en Christ, prend bien plaisir à la loi de Dieu selon l’homme intérieur, mais se désespère de ne pouvoir l’accomplir malgré ses efforts (Rom. 7). Même sous l’ancienne dispensation, le psaume 119 est là pour nous le dire, celui qui aime la loi est quelqu’un qui s’abandonne entièrement à la grâce de Dieu, et non point quelqu’un qui prétend être capable de garder par lui-même cette loi sainte. Pour ceux qui maintenant, ayant l’Esprit de Dieu, conduits par Lui, sont fils de Dieu, la nature divine qu’ils ont reçue par grâce aime ce que Dieu commande. Leur vieille nature ne l’aimera jamais, mais « ses commandements ne sont pas pénibles » à ce qui est « né de Dieu » (1 Jean 5:3). Si je commande à mon enfant ce que précisément il désire le plus, il n’a pas le sentiment d’une contrainte mais d’une heureuse faveur. C’est là ce que l’apôtre Jacques appelle la loi parfaite, la loi de la liberté (1:25).


5 - La loi cérémonielle est-elle à part ?

On dira : Ces considérations valent en principe, mais la loi de Moïse comporte toute une partie cérémonielle dont nous n’avons que faire aujourd’hui, et quantité de prescriptions relatives à la vie quotidienne dont le détail n’est plus de notre temps. Sans doute. Mais si ces choses nous ont été transmises comme se rapportant au peuple que l’Éternel avait choisi sur la terre et dont Lui-même était le législateur, n’est-ce pas pour que nous profitions des précieuses données morales qu’elles seules sont propres à mettre en relief ? Au temps où elles n’étaient que des ombres, c’est grâce à elles que les croyants d’avant la croix ont été guidés ; elles gardent une puissante valeur d’enseignement, pour nous qui sommes capables de les mieux comprendre, maintenant qu’elles sont placées en pleine lumière. Toutes ont été données pour notre instruction. « Dieu s’occupe-t-il des boeufs, ou parle-t-il entièrement pour nous ? » dit l’apôtre tirant d’une recommandation qui semble d’infime portée, une direction nécessaire pour l’Église. C’est ainsi que nous devons considérer toute la loi. Elle ne nous enchaîne point, mais elle ne nous en instruit que mieux.

Les dix commandements sont le sommaire moral de la loi, dégagé de toutes ses prescriptions rituelles et autres. Mais ne vouloir retenir que ce sommaire nous priverait d’une foule d’illustrations expressives. Dans ces dix commandements eux-mêmes, nous pourrions dire que l’observation du sabbat n’est plus imposée maintenant aux chrétiens, puisque Christ est sorti du tombeau le premier jour de la semaine, et que le sabbat est l’emblème d’un repos terrestre qui n’a pu s’établir et d’une alliance que le peuple n’a pas gardée ; mais nous perdrions beaucoup à ne pas nous occuper de la signification du sabbat, de la bonté de Dieu soucieux de donner du repos à l’homme, et du fait que le repos qui reste pour le peuple de Dieu est un repos sabbatique. Le tort des Juifs était précisément de mettre le signe au-dessus de la signification ; c’est pourquoi, à propos du sabbat, le Seigneur revendique cette signification (Marc 2:23-28 ; Jean 7:19-24). Le sabbat était le jour de l’Éternel ; le jour du Seigneur aurait-il moins de prix pour nous ? Que dire, d’autre part, des « commandements avec promesse » ? Honorer son père et sa mère ne nous serait-il plus demandé parce que nous ne sommes plus sous la loi ? La joie du chrétien est de le faire « dans le Seigneur », « car cela est agréable au Seigneur » (Éph. 5:10 ; 6:1-3).


6 - La lettre et l’esprit de la loi

« Nous savons que la loi est spirituelle » (Romains 7:14). C’est dans son esprit que la chair est incapable de l’accomplir. Les formes plaisent au contraire à cette chair, mais alors c’est la contrefaçon de la loi. Dans leur lettre, les ordonnances, et même les dix commandements, sauf le dernier, visent l’extérieur ; ils demandent de faire certaines choses et de s’abstenir d’autres, sans mentionner en général leur mobile, de sorte que l’homme religieux observe les formes et s’en prévaut. En réalité, elles ne sauraient être agréables à Dieu sans le coeur nouveau. « Il regarde au coeur ». Jésus met le jeune homme riche à l’épreuve là-dessus ; celui-ci avait gardé les commandements dès sa jeunesse, mais quels étaient ses motifs intérieurs ? Nous voyons Jésus se dresser sans cesse contre le formalisme, et dénoncer les « enseignements des anciens » qui, renchérissant sur les pratiques extérieures de la loi de Moïse, violaient l’esprit de celle-ci. « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux », dit-Il (Matthieu 5:20). Or, quand Paul veut dire qu’il observait rigoureusement les prescriptions de la loi avant sa conversion, il dit : « quant à la loi, pharisien… ». Ce légalisme était, et reste contraire à la loi même. Le Seigneur met Lui-même en lumière la vraie signification de la loi de Moïse, quand Il énonce les deux grands commandements (Marc 12:29-31), ou qu’Il approuve ceux qui les citent : « Tu as bien répondu », dit-il au docteur de la loi, lorsque celui-ci a rappelé : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, et de toute ton âme, et de toute ta force, et de toute ta pensée », « et ton prochain comme toi-même » (Luc 10:27).

N’aurions-nous donc plus à aimer Dieu, ni notre prochain ? La force nous en est donnée, ce que la loi ne donnait pas. Aimer ainsi est la joie du nouvel homme ; et si la lutte est continuelle avec la chair, c’est parce que celle-ci « ne se soumet pas à la loi de Dieu, car aussi elle ne le peut pas » (Rom. 8:7), — pas plus après notre conversion qu’avant, ne l’oublions pas. Exerçons-nous à discerner, dans les détails extérieurs de la loi écrite, l’âme de cette loi, l’amour de Dieu, l’amour du prochain, tout ce qui constitue la « loi royale » (Jacques 2:8).

Par exemple, quand nous trouvons telle prescription concernant le costume, ou encore, la conduite à tenir envers un esclave, nous sommes tentés de dire : Oh ! cela ne nous concerne pas, les moeurs sont maintenant différentes ! Et il est clair que l’aspect matériel des choses a changé. Mais ce qui n’a pas changé, et ne saurait changer, c’est le sens profond de ces commandements, la pensée de Dieu que leur pratique avait pour but de manifester. Prenons la question du vêtement, puisqu’aussi bien c’est une de celles que l’on discute volontiers. Nous lisons en Deutéronome 22:5 : « La femme ne portera pas un habit d’homme, et l’homme ne se vêtira pas d’un vêtement de femme ; car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel ton Dieu ». Nous comprenons que la pensée de Dieu, dans tous les temps, est que l’habit marque, entre l’homme et la femme, la distinction voulue par Lui, conforme à un ordre que la créature trouble à son propre détriment. Les deux forment un tout qui est défiguré si l’un des composants renie le caractère que Dieu lui a attribué : « Dieu créa l’homme à son image… Il les créa mâle et femelle » (Genèse 1:27, rappelé par le Seigneur en Matthieu 19:4) ; de sorte que l’homme n’est complet qu’avec la femme et que la femme n’est complète qu’avec l’homme. Mais lorsqu’il ne tient pas sa place, et qu’elle sort de la sienne, la volonté de Dieu est laissée de côté, au mépris de Sa gloire comme du bien des créatures. Si la femme a été placée par Lui dans une position de subordination (non point d’infériorité), la gloire de la femme est de le reconnaître expressément, par sa chevelure, comme l’enseigne le Nouveau Testament (1 Cor. 11:6-16), et par son vêtement, comme l’enseigne l’Ancien. Recevoir cela, c’est honorer Dieu, et le chrétien y trouve une joie que ne saurait lui procurer une simple obéissance formelle. Ne pas le recevoir entraîne, si peu qu’il y ait de spiritualité, une mauvaise conscience. Il en va ainsi pour toutes les prescriptions de la loi. Ce ne sont pas les articles d’un code impassible, mais le langage du Dieu que nous invoquons comme Père. Le chrétien n’est point appelé à y obéir passivement, mécaniquement. « Je parle comme à des personnes intelligentes » (1 Cor. 10:15), disait l’apôtre. Mais l’intelligence spirituelle va de pair avec les affections, elle oriente pour ainsi dire l’élan du coeur. Elle discerne, dans toutes les ordonnances inspirées, la pensée de Dieu à laquelle le coeur est heureux de répondre. La forme en elle-même n’est rien.

Être sans loi est le fait de l’iniquité (anomia). Notre loi, c’est Christ. Mais Christ, répétons-le, bien loin d’annuler la loi antérieurement prescrite, l’a accomplie et a dépassé sa lettre, mettant en évidence l’amour comme « le grand commandement » de la loi (Matthieu 5:17-19 ; 22:38). Quand Paul polémiquait violemment contre les docteurs judaïsants, c’est qu’ils ramenaient aux formes ceux qui avaient été amenés à l’Esprit ; mais constamment on le voit donner aux enseignements de la loi leur place légitime, telle qu’il convient aux chrétiens de la donner. Ses écrits sont pleins de rappels des ordonnances, il montre la signification typique de ces formes, et la lumière nouvelle qu’il projette sur elles fait ressortir leur valeur morale permanente. C’est que l’amour de Christ étreignait Paul. Oui ou non, aimons-nous Christ ? Telle est la seule question. Notre objectif n’est pas de garder la loi pour être capables de suivre Christ, mais de refléter Christ qui magnifia ici-bas la loi de Dieu.


7 - Trop préoccupé de la loi, ou pas assez

Il fut un temps où la question de la loi et de ses exigences préoccupait beaucoup plus les âmes qu’aujourd’hui, et on a beaucoup écrit alors sur la délivrance de la loi. C’est que les âmes en question sortaient de milieux où l’on faisait dépendre la vie chrétienne de l’observation de la loi. Il en existe encore beaucoup de tels, partout en somme où il y a un clergé, et où les âmes ne sont pas mises directement en rapport avec Christ. Il est nécessaire d’insister dans ce cas sur le fait que, crucifiés avec Christ nous sommes « morts à la loi afin que nous vivions à Dieu », et que notre acceptation ne dépend pas de notre conduite, mais de Christ en qui, par grâce, nous croyons.


7.1 - Réaliser Romains 7 — La connaissance du péché en nous

Mais aujourd’hui nombreux sont ceux qui, ayant été élevés sous l’enseignement de la grâce et habitués à des formules doctrinales correctes quant au salut par la foi, risquent de méconnaître la vraie portée de la loi, et par là même la vraie portée de la grâce. Cela provient, au fond, de ce qu’ils n’ont pas connu véritablement Romains 7, où nous trouvons une âme régénérée amenée aux confins du désespoir, parce qu’elle voudrait observer la loi et trouve que sa chair ne le peut pas. Elle ne voit dans la loi que l’instrument de condamnation tourné contre elle ; et il en est ainsi jusqu’à ce qu’elle ait trouvé son repos en Christ le libérateur, et cru qu’« il n’y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le christ Jésus ». La loi n’a pas perdu pour autant son caractère de sainteté et de justice, mais cette âme a compris que la vieille nature ne parviendra pas plus à l’accomplir demain qu’aujourd’hui ni hier, et que Dieu ne voit plus le croyant dans la chair, mais en Christ. Ceux qui n’ont pas connu ce nécessaire mais douloureux stage, n’ont pas éprouvé en réalité ce qu’est le péché. « Par la loi est la connaissance du péché » (Romains 3:20), — non point la délivrance du péché. Ils rabaissent le commandement saint, juste et bon. Ils n’ont pas compris que, si excellente que puisse être une loi divine, et précisément parce qu’elle est telle, elle est « faible », non en elle-même, mais « par la chair » incapable de lui obéir (8:3). Ils n’ont pas saisi que « Dieu a condamné le péché dans la chair, afin que la juste exigence de la loi fût accomplie en nous, qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l’Esprit » (8:3-4). Nous ne nous arrêterons jamais trop sur ces passages qui embrassent à la fois l’étendue de notre délivrance, la perfection de la position du croyant en Christ, et le niveau de la marche qui est demandée à ceux qui ont été « affranchis de la loi du péché et de la mort ».


7.2 - Tourner la grâce en dissolution

Ainsi, le premier malentendu dont il est question au début de ces pages n’est vraisemblablement pas le danger qui menace la plupart de ceux auxquels elles s’adressent. Mais le second risque de ruiner leur vie chrétienne en changeant, sans qu’ils s’en doutent, la grâce en dissolution. L’attention des jeunes croyants est appelée sur ce point avec insistance, en toute affection.


7.3 - Légalisme

Il serait tout aussi funeste de vouloir réagir contre cette tendance par un légalisme formaliste, tout en injonctions et en défenses : « Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas » (Col. 2:21). Ce serait chercher à « achever par la chair », et se placer sous « un joug de servitude » (Gal. 3:3 ; 5:1). Pour un tel état d’esprit, ce n’est plus seulement la loi de Moïse, ce sont toutes les précieuses invitations et instructions du Seigneur dans le Nouveau Testament qui prennent ce caractère d’obligation contraignante, directement opposé à la vie chrétienne. L’âme n’est alors jamais vraiment heureuse, jamais en repos, à moins qu’elle ne s’enveloppe, comme le pharisien, dans l’orgueilleuse prétention de faire ce que les autres ne font pas. « Je suis resté, moi seul », dira-t-elle volontiers. Car cet esprit légal se reconnaît souvent, d’autre part, à la tendance fâcheuse à tout juger chez les autres. Nous sommes vite portés à manier la loi pour relever, sans charité ni grâce, ce qui nous paraît manquer chez nos frères, — à en user comme d’une jauge pour la vie d’autrui. La Parole doit s’imposer à mon coeur ; il ne m’appartient pas d’exiger des autres, que je puis mal juger (1 Cor. 4:5), ce qui m’est demandé à moi. Le lavage des pieds représente une attitude toute différente, celle du serviteur qui s’abaisse à l’exemple de son Seigneur. Méditons beaucoup Galates 5:13 et 6:5, après Matthieu 7:1-5.

Le meilleur moyen d’éviter le légalisme et ses dangers est de « regarder de près dans la loi parfaite, celle de la liberté » (Jacques 1:25). « Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant ». Et ensuite : « Accomplissez la loi du Christ » (Galates 5:1 ; 6:2). La liberté du Christ, la loi du Christ : tel est, circonscrit par l’Esprit de Dieu, le domaine où le chrétien est appelé à se mouvoir. N’est-ce pas ce que Jésus lui-même disait dans les paroles incomparables : « Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi je vous donnerai du repos… Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi… » ?

Que sa voix ne perde jamais, pour aucun de nous, ni sa douceur, ni son autorité.