par André GIBERT
Table des matières :
1.1 - Besoin d’activité chrétienne
1.2 - Activité dans la famille
1.3 - Activité dans l’assemblée (église)
1.4 - Activité vis-à-vis du monde
1.4.1 - activité professionnelle
1.4.2 - activité pendant les temps libres
1.5 - Caractères de l’activité
1.5.1 - grande ou petite aux yeux du monde ?
1.5.3 - activité humble et paisible
1.6 - En bref : « tout au nom du Seigneur, rendant grâces par Lui à Dieu le Père »
ME 1962 p. 253
Note Bibliquest : les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest
Lorsque quelqu’un parle du « peu de force » comme d’un caractère des témoins du Seigneur en un temps de ruine, il s’expose à s’entendre objecter : Vous conseillez donc aux gens de se croiser les bras et de rester insensibles à tant de besoins autour d’eux ? D’autre part les chrétiens à la vie amorphe et sans vigueur seraient prêts à trouver là une excuse : À quoi bon, puisque tout fait naufrage ? demeurons cachés et ne faisons rien !
Il ne peut y avoir de méprises plus singulières. « Le jour des petites choses » n’est pas, à coup sûr, celui de la paresse et de l’engourdissement : c’est celui où, au retour de la captivité les mains d’un Zorobabel « ont fondé et achèveront » la maison de l’Éternel, laquelle est « comme rien » aux yeux de l’homme mais à laquelle un faible résidu est appelé à travailler, encouragé par l’Éternel qui ne cessera de se souvenir de lui, même quand sa fidélité et son activité apparaîtront méprisables au grand nombre (Zach. 4:9 ; Aggée 2:1-4 ; Mal. 3:16). C’est parce que la nuit est fort avancée et que le jour s’est approché qu’il faut nous réveiller du sommeil. Le seul fait de veiller quand le sommeil gagne demande un gros effort, mais alors que « la fin de toutes choses s’est approchée » il faut « veiller pour prier » et pour être trouvé par le Maître « faisant » ce qu’Il a donné à faire (1 Pierre 4:7 ; Luc 12:43).
Non, l’attitude du chrétien dont la « pure intelligence » est « réveillée » (2 Pierre 3:1) à l’égard du temps où nous sommes ne saurait être l’inertie. Luttant contre l’impulsion générale vers les « grandes choses « dans lesquelles l’homme naturel cherche sa gloire, il tend vers les choses que de tout temps le Seigneur demande aux siens, et cela dans une dépendance d’autant plus étroite et plus humble, avec une sobriété d’autant plus grande, que l’insubordination se propage de toutes parts.
« Quant à l’activité, pas paresseux ; fervents en esprit ; servant le Seigneur » (Romains 12:11).
Il est bien vrai qu’il ne nous appartient pas de travailler à remodeler un monde qui est jugé sans appel, ni à rebâtir l’Église du commencement, devenue la grande maison en attendant Babylone ; il est au contraire plus que jamais nécessaire que quiconque confesse le nom du Seigneur se sépare de toute iniquité et sorte « vers Jésus hors du camp, portant son opprobre ». Mais n’y aurait-il rien à faire hors du camp ? Christ dans son opprobre n’a-t-il pas constamment donné le modèle d’une activité qui commençait par la prière avant le jour ? N’est-ce pas lui qui disait : « Il me faut faire les oeuvres de Celui qui m’a envoyé, tandis qu’il est jour ; la nuit vient, en laquelle personne ne peut travailler » (Jean 9:4) ?
« Quant à l’activité, pas paresseux… » (*). Il doit en être ainsi dans tous les domaines.
(*) Le mot traduit dans ce passage par activité est rendu par diligence en 2 Cor. 8:7, Hébr. 6:11 et Jude 3 ; — par empressement en Marc 6:25 et 2 Pierre 1:5 ; — par zèle en 2 Cor. 7:11, 12 ; — et par hâte en Luc 1:39.
Dans celui de la famille, d’abord. Les sujets d’être actif s’y renouvellent constamment, tant pour la femme chrétienne pour qui les soins de la maison et l’éducation des enfants constituent l’occupation la plus normale et la plus fructueuse dans le Seigneur, que pour le chef de famille dont l’action doit être incessante s’il veut que son foyer porte la marque de la Parole de Dieu et de la prière. Que voit-on dans le monde actuel ? La vie de famille déconsidérée, le discrédit jeté sur le lien conjugal, de nombreux parents inconscients de leur responsabilité et dont la démission encourage le désordre chez eux, d’autres brandissant en vain une autorité que les contradictions de leur conduite rendent sans force, des enfants subissant quantité d’influences extérieures qui les éloignent du centre familial et les poussent à affirmer prématurément une personnalité douteuse. Les traits des derniers jours se reconnaissent aisément (2 Tim. 3:2). Que ceux donc qui ont à coeur le nom du Seigneur le montrent, avant toute autre activité, dans ce domaine de la maison si dangereusement menacé.
Que dire de celui de l’assemblée ? Prenons garde, chacun, au service que nous avons reçu du Seigneur, afin que nous l’accomplissions. Il n’est personne qui n’en ait reçu un. Nous avons par-dessus tout à remplir tous ensemble, d’un même coeur, le précieux service de l’adoration, et à « prendre garde l’un à l’autre pour nous exciter à l’amour et aux bonnes oeuvres… et cela d’autant plus que vous voyez le jour approcher… » (Hébr. 10:25). Quelle sainte activité le Seigneur attend de nous dans ce domaine ! « Maintenant, mes fils, ne soyez pas négligents, car c’est vous que l’Éternel a choisis pour le servir », disait Ézéchias aux sacrificateurs et aux Lévites pour qu’ils s’associent à l’oeuvre de purification du temple, qu’il entreprenait parce que leurs pères avaient été infidèles et que la colère de l’Éternel était sur son peuple (2 Chr. 29:1-11).
Nous n’avons pas plus d’excuses pour rester inactifs vis-à-vis du monde parmi lequel nous sommes placés pour reluire « comme des luminaires, présentant la parole de vie » (Phil. 2:16).
Dans sa tâche professionnelle le chrétien se fait connaître comme tel en l’accomplissant avec exactitude, diligence, probité ; non par amour du lucre ou par ambition égoïste mais pour le Seigneur ; non par l’effet d’une contrainte impatiemment subie dans l’esprit de revendication jamais satisfait qui est celui du jour, mais « comme asservi au Seigneur et non pas aux hommes » (Éph. 6:7). C’est là probablement le premier et le plus constant témoignage à rendre au dehors. L’activité s’y déploie pour Christ, au lieu de laisser le Seigneur à la porte du lieu de travail. Évidemment cela suppose que le métier que l’on exerce et la façon dont on l’exerce ont son approbation. En l’exerçant le fidèle « orne l’enseignement qui est de notre Dieu sauveur » (Tite 2:10) : cela est dit des esclaves, mais à plus forte raison cela est-il demandé à quelqu’un de placé dans une condition plus favorable.
Le chrétien se fait connaître tout autant par la façon dont il utilise son temps libre. Le rythme accéléré de la vie présente exige détente et repos, mais combien de personnes en arrivent à être plus occupées de leurs loisirs — soirées, week-ends, jours fériés, vacances payées — que de leur travail habituel, et s’y montrent plus actives ! Qu’en est-il de chacun de nous ? (Nous ne parlons pas ici du dimanche, car l’emploi du jour du Seigneur ne devrait soulever aucune question, et pourtant il sera bien à propos de relire Ésaïe 58:13, 14, qui s’applique au sabbat mais considéré comme le « saint jour de l’Éternel », — « mon saint jour »). Tout compte fait, Dieu met à la disposition de la plupart d’entre nous, pour lire la Parole et l’étudier avec tant de précieux moyens, pour nous édifier mutuellement, et pour évangéliser, plus de temps et de facilités qu’on n’en avait autrefois. Cette affirmation étonnera certains, qui déplorent leur vie tourmentée ; c’est oublier que le temps n’est pas si éloigné où les semaines ouvrières comptaient 72 heures de travail et plus, sans congés, sans retraites, et où les journées du labeur paysan étaient partout écrasantes. Il est trop vrai, hélas, que les progrès matériels réduisant la peine physique des hommes ont pour contre-partie une tension mentale et nerveuse inconnue naguère, mais nous n’avons pas à chercher longtemps pour nous apercevoir que nous introduisons dans cette agitation bien des soucis et bien des besoins inutiles, et en tout cas indignes d’être comparés à ces besoins primordiaux : nourrir notre âme, et servir le Seigneur. Que faisons-nous de nos loisirs ? À chacun de s’examiner devant le Seigneur. Les gens du présent siècle, fortunés ou non, passent ou rêvent de passer leurs vacances en voyages d’agrément, ou dans la pratique des sports à la mode, ou dans le désoeuvrement démoralisant des plages et des stations touristiques qu’on leur prône. Suivrions-nous leur comportement, dans une passive et affligeante conformité ?
Nous ne parlons pas en censeur ni en moraliste, Dieu le sait, ni sans savoir ce que l’existence actuelle comporte de luttes et de difficultés, différentes d’une condition à l’autre, d’un âge à l’autre, de la campagne à la ville. Mais justement la « vertu » que nous sommes exhortés à joindre à la foi prend ces difficultés de front ; elle lutte contre cette aspiration devenue générale à satisfaire par des moyens nouveaux la convoitise des yeux, la convoitise de la chair et l’orgueil de la vie sans y parvenir jamais mais en empêchant l’activité selon Dieu. Après tout, ce sont toujours les épines des soucis, des richesses et des voluptés de la vie qui étouffent la semence, de sorte qu’il n’y a pas « de fruit à maturité » (Luc 8:14). La soif des jouissances offertes par la civilisation moderne, en surenchère perpétuelle, fait plus de mal au témoignage que des persécutions. Sacrifierons-nous aux décevantes « délices du péché » la jouissance de nos bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ », et comme Ésaü vendrions-nous pour un mets notre droit de premier-né ?
Tout cela est affaire de coeur. Nous avons besoin d’être « étreints par l’amour du Christ », comme Paul, afin de regarder comme lui toutes choses comme une perte à cause de Christ, et de juger que « si un est mort pour tous, tous donc sont morts, et qu’il est mort pour tous afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui pour eux a été mort et est ressuscité » (2 Cor. 5:14, 15). Que d’occasions nous laissons échapper de montrer les caractères du « service religeux pur et sans tache devant Dieu le Père », savoir l’activité de l’amour pour « visiter les orphelins et les veuves dans leur affliction », et l’application à se conserver « pur du monde » (Jacques 1:27) ! Quel manque de zèle, enfin, à « chausser nos pieds de la préparation de l’évangile de paix », pour parler du Seigneur aux pécheurs ! Il n’est pas besoin pour le faire d’avoir reçu un don d’évangéliste, mais il faut aimer le Seigneur, et aimer les âmes.
Le champ des activités est proprement immense. Nous n’avons pas à nous demander si elles sont grandes ou petites, ni quel effet elles font aux yeux du monde. Il se trompe souvent sur elles, encore qu’il sache plus que nous ne le pensons, discerner les « bonnes oeuvres » dans lesquelles nous avons à « être les premiers » (Tite 3:8), et cela même si, les observant, ils « médisent de vous comme de gens qui font le mal » (1 Pierre 2:12). Ce qui compte pour le fidèle de Philadelphie, c’est que le Saint et le Véritable « connaît ses oeuvres » même s’Il n’exprime pas l’appréciation qu’Il en fait.
Cette activité chrétienne, il faut y insister, est celle de toutes les époques, mais elle prend tout spécialement son caractère de « service intelligent » dans un temps de relâchement général, précurseur de l’apostasie. Elle demande une vigilance et un effort accrus à mesure que les témoins sont moins nombreux et sentent davantage leur faiblesse. « Fortifie-toi », dit Paul à Timothée en vue de ces temps fâcheux des derniers jours. « Tiens ferme », dit le Seigneur au Philadelphien de peu de force.
Elle tire sa valeur permanente de la « ferveur »
qui l’anime, en
« servant le Seigneur » : de même que le coeur des fils de Coré « bouillonne
d’une bonne parole » pour célébrer le Roi, l’esprit du vrai serviteur bouillonne
d’une sainte ardeur à s’acquitter de son service. Il lui faut en même temps une
entière dépendance
: il ne s’agit pas en effet de choses
que nous estimons bonnes, que nous entreprenons et sur lesquelles nous
demandons l’approbation de Dieu, il s’agit des choses que Dieu nous demande de
faire et pour lesquelles Lui nous envoie, et non les hommes. Nous avons besoin
de « discerner la volonté du Seigneur », à laquelle trop souvent nous substituons
la nôtre. Dans la construction d’une machine ou l’édification d’une maison
l’ouvrier risque de tout gâter s’il prétend faire sa part d’ouvrage à sa guise,
sans tenir compte du plan d’ensemble et des instructions de détail émanant du
chef d’entreprise.
Nous avons d’autre part à comprendre que le Seigneur n’aurait pas besoin de nous, et qu’ayant fait tout ce qui nous est commandé nous resterions des serviteurs inutiles (Luc 17:10, 11). Il sait quand des pauses sont nécessaires (« Venez à l’écart… »), et des suspensions d’activité mettent à l’épreuve la véritable obéissance (Jésus, quand il apprit la maladie de Lazare, demeura trois jours au lieu où il était). C’est l’Esprit, non l’impulsion de nos coeurs, qui dirige une activité selon Dieu, et cet Esprit nous fait connaître Christ, nous attache à Lui qui dit : « Séparés de moi, vous ne pouvez rien faire ».
Aussi cette activité est-elle humble.
Elle ne se fait pas
valoir. Elle est paisible,
comme toute la sagesse qui vient d’en haut.
« Travaillez paisiblement », dit l’apôtre aux Thessaloniciens. L’agitation est un
trait des plus fâcheux pour le serviteur du Seigneur. Marthe s’affairait tant
pour recevoir dignement Jésus qu’elle méconnaissait la ferveur d’esprit de sa
soeur et reprenait à ce sujet l’hôte qu’elle voulait honorer ; le temps
devait venir où il serait démontré que ce recueillement en apparence inactif de
Marie portait le germe de la plus haute action qu’il ait été donné à quelqu’un
d’accomplir ici-bas : répandre sur le corps de Jésus, de son vivant, le
parfum gardé pour sa sépulture.
Nous sentons bien que, dans cette sphère de la véritable activité chrétienne, il n’est guère de place pour les oeuvres de grande apparence dont se sait gré la profession religieuse, et où, quelque dévouement qu’il se trouve (et il s’y en trouve beaucoup), l’influence des hommes pèse de tout le poids de leurs capacités intellectuelles, de leur crédit dans la société ou de leurs possibilités financières. Non point que ce ne soit une responsabilité et une bénédiction pour ceux qui ont reçu des moyens temporels de les employer pour le bien, dans cette dépendance et cette humilité de « l’esprit fervent, servant le Seigneur » ; toutefois il y aurait danger pour eux et pour l’assemblée à confondre ces moyens avec les « dons de grâce » que nous avons à faire valoir.
« Et quelque chose que vous fassiez, en parole ou en oeuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, rendant grâces par Lui à Dieu le Père » (Col. 3:17).
On en revient toujours à cette règle d’or.