La Grâce de Dieu

Arend Remmers


Table des matières :

1 - Qu’est-ce que la grâce ?

2 - Pourquoi la grâce ?

3 - La manifestation de la grâce

4 - L’œuvre de la grâce

5 - La grâce qui apporte le salut

6 - Nous sommes dans la grâce

7 - Les richesses de la grâce de Dieu

8 - Les dons de grâce

9 - La grâce journalière

10 - Dangers

11 - La grâce qui enseigne

12 - Résultats de l’enseignement de la grâce

13 - Conclusion


1 - Qu’est-ce que la grâce ?

La grâce est la manifestation imméritée de l’amour de Dieu envers des hommes pécheurs. Nous ne pouvons en sonder la nature et l’étendue, ni, par conséquent, la décrire d’une manière complète. Mais il est possible de rechercher ce que la parole de Dieu en dit ; nous en retirerons toujours un grand profit. Dans l’Ancien Testament déjà, la grâce brille continuellement, surtout en relation avec le peuple d’Israël, mais c’est dans le Nouveau Testament qu’elle est pleinement révélée en Christ.

Le mot grec charis, traduit par « grâce », signifie aussi « faveur » (par ex. Luc 2:52 ; Actes 2:47), « libéralité » (par ex. 1 Cor. 16:3), « gré » (par ex. Luc 6:32-34) ou « être obligé » (Luc 17:9) et « digne de louange » (1 Pierre 2:19, 20). Le terme grec pour « joie » est très proche du mot charis.

Apparemment, la grâce est en contraste avec la justice ; pour nous humains, en tout cas, elles sont inconciliables. Ou la justice est exercée et la grâce n’a pas de place, ou la grâce rend la justice sans effet. Quand un chef d’État gracie un criminel justement condamné, il fait passer « la grâce avant le droit ». La grâce humaine met donc la justice de côté.

Si Dieu agissait ainsi, il serait infidèle à sa propre nature, qui est amour et lumière ; et c’est impossible. Jamais sa grâce ne se manifeste au détriment de sa justice ; elles sont toujours en parfait accord. Sa justice exige la condamnation d’hommes tels que nous à cause de nos péchés, mais dans son amour et sa grâce, Dieu a envoyé son propre Fils « pour être la propitiation pour nos péchés » (1 Jean 4:10). À la croix de Golgotha, ses exigences saintes et justes ont été pleinement satisfaites par le Seigneur Jésus, et là, en même temps, sa grâce admirable a brillé, dans l’accomplissement de la prophétie du psaume 85:10 :

« La bonté (ou : la grâce) et la vérité se sont rencontrées, la justice et la paix se sont entre-baisées ».

Si donc une harmonie parfaite se dégage de la manière d’agir de Dieu en grâce et en justice, il reste pourtant une chose qui est totalement inconciliable avec sa grâce : l’accomplissement de la loi et la pensée de pouvoir subsister devant Dieu par des « bonnes œuvres ». La loi exige ; la grâce donne. La loi dit : Fais cela, et ce sera ta justice et tu vivras (comp. Lév. 18:5 ; Deut. 6:25). Il devait donc y avoir une récompense de la part de Dieu pour celui qui observait la loi. Mais il s’est révélé qu’aucun Israélite n’a été capable de la garder. De même tous les autres efforts humains sont vains. Les « bonnes œuvres » ne permettent pas davantage à l’homme de subsister devant Dieu. Une telle découverte est humiliante pour l’homme « religieux ». Mais considérons ce que la parole de Dieu dit à ce sujet : « Or à celui qui fait des œuvres, le salaire n’est pas compté à titre de grâce, mais à titre de chose due ». — « Or, si c’est par la grâce, ce n’est plus sur le principe des œuvres, puisque autrement la grâce n’est plus la grâce ». — « Vous n’êtes pas sous la loi, mais sous la grâce » (Rom. 4:4 ; 11:6 ; 6:14).


2 - Pourquoi la grâce ?

En tant que créature de Dieu, tout homme est responsable de vivre selon la volonté de son Créateur. Tous ont manqué à cet égard. Nous le constatons chez le premier couple déjà et d’une manière encore plus claire parmi les fils d’Israël, le peuple terrestre de Dieu. Ils avaient les uns et les autres reçu de sa part une place spécialement privilégiée. De plus, l’Ancien comme le Nouveau Testament montrent que, depuis la chute, aucun homme ne peut subsister tel qu’il est devant Dieu, même en y consacrant toutes ses capacités et ses forces. « Il n’y en a aucun qui exerce la bonté, il n’y en a pas même un seul » (Ps. 14:1 ; Rom. 3:12). En raison de ses actes, l’homme est coupable devant Dieu, et, en raison de sa nature pécheresse, il est perdu. Le jugement éternel, tel est le juste châtiment de Dieu sur le péché.

Mais Dieu n’est pas seulement lumière, il est aussi amour (1 Jean 1:5 ; 4:8, 16). Dans son amour, il s’est penché sur ses créatures perdues et a envoyé son Fils bien-aimé sur la terre, afin de les sauver. Telle est la grâce.

Nous pouvons donc distinguer deux motifs à la manifestation de la grâce de Dieu :

1. Par la grâce, la nature de Dieu est parfaitement révélée.

2. Pour des pécheurs perdus, la grâce est la seule possibilité d’entrer en relation avec le Dieu saint.


3 - La manifestation de la grâce

À deux reprises dans le Nouveau Testament, il est parlé de la grâce de Dieu, apparaissant ou se manifestant dans le Fils. En 2 Timothée 1:9, 10, nous lisons : « … qui nous a sauvés et nous a appelés d’un saint appel, non selon nos œuvres, mais selon son propre dessein, et sa propre grâce qui nous a été donnée dans le Christ Jésus avant les temps des siècles, mais qui a été manifestée maintenant par l’apparition de notre Sauveur Jésus Christ », et en Tite 2:11 : « Car la grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes ». Les deux passages se rapportent au Seigneur Jésus. Dans l’incarnation du Fils éternel, la grâce de Dieu prend une forme visible, en s’abaissant, d’une manière incompréhensible pour nous, jusqu’à des créatures perdues. Maintenant, la nature et la plénitude de cette grâce sont perceptibles.

La grâce de Dieu est éternelle. Il est le Dieu de toute grâce (1 Pierre 5:10) ; il savait, dès avant la création, que ses créatures se rebelleraient contre lui et deviendraient des pécheurs, mais il avait également dans son cœur, dès avant les temps des siècles, sa grâce envers nous (2 Tim. 1:9) ; de même aussi, il avait préconnu son Fils bien-aimé comme l’Agneau et nous avait élus en lui avant la fondation du monde.

Au temps de l’Ancien Testament, les prophètes avaient déjà annoncé cette grâce, même si elle concernait principalement le peuple d’Israël (1 Pierre 1:10). Pensons seulement à Ésaïe, l’« évangéliste » parmi les prophètes, qui dit à Israël : « Inclinez votre oreille et venez à moi ; écoutez, et votre âme vivra : et je ferai avec vous une alliance éternelle, les grâces assurées de David » (És. 55:3 ; comp. Actes 13:24). Israël avait rompu la première alliance sous la loi. Il allait rejeter son Messie et, malgré cela, Dieu promet à son peuple dans une nouvelle alliance « les grâces assurées de David », la miséricorde ou la grâce sûre et immuable, qui devait être manifestée par la venue et l’œuvre rédemptrice de Christ (comp. 2 Chron. 6:42 ; Ps. 89:49).

La grâce de Dieu est universelle. Dans la personne du Fils de Dieu, elle est apparue, apportant le salut pour tous les hommes (Tite 2:11, voir note e), donc non seulement pour le peuple juif, mais pour toute l’humanité. Une grande partie de l’Ancien Testament traite de l’amour de Dieu pour le peuple d’Israël, qu’il s’était choisi pour lui d’entre toutes les nations et qui a manqué malgré tous ses privilèges. Lors de sa venue sur la terre, le Seigneur Jésus était certes premièrement le Messie promis qu’attendait son peuple terrestre, mais en outre, il venait pour tous les hommes. La valeur globale, universelle de l’évangile de la grâce — « au Juif premièrement, et au Grec » — est constamment mise en évidence par Paul surtout (Rom. 1:16 ; comp. Éph. 2:11-17). Pierre aussi dit une fois : « Nous [c’est-à-dire les Juifs] croyons être sauvés par la grâce du Seigneur Jésus, de la même manière qu’eux [les nations] aussi » (Actes 15:11).

La grâce de Dieu est sans pareille. Dans sa grâce, le Fils éternellement riche de Dieu a vécu dans la pauvreté pour nous, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis (2 Cor. 8:9). Pouvons-nous imaginer l’existence éternelle, la toute-puissance, l’omniscience, l’omniprésence et la gloire de la Trinité ? C’est absolument impossible. Le roi David constatait déjà avec adoration : « À toi, Éternel, est la grandeur, et la force, et la gloire, et la splendeur, et la majesté ; car tout, dans les cieux et sur la terre, est à toi. À toi, Éternel, est le royaume et l’élévation, comme Chef sur toutes choses ;… et tu domines sur toutes choses » (1 Chron. 29:11, 12). Quelles étaient les richesses de gloire et d’amour dont jouissait le Fils dans le sein du Père dans la maison éternelle du Père ! Des choses qu’aucun œil n’a vues, qu’aucune oreille n’a entendues et qui ne sont montées au cœur d’aucun homme. Il a quitté ces richesses divines insondables pour descendre dans la pauvreté la plus extrême, il a pris dans l’humiliation la place de ses créatures et a été obéissant jusqu’à la mort de la croix ! Peut-on imaginer une distance plus grande que celle qui existe entre la gloire de la maison du Père et la place de mépris et de rejet à la croix de Golgotha ?

La grâce de Dieu est parfaite. Considérant rétrospectivement la vie du Seigneur Jésus sur la terre, l’évangéliste Jean écrit : « Et la Parole devint chair, et habita au milieu de nous… pleine de grâce et de vérité » (Jean 1:14). Le Fils est venu non seulement « avec » ou « dans » la grâce et la vérité, mais « plein de grâce et de vérité ». La grâce est le rayonnement de l’amour de Dieu envers les hommes perdus, et la vérité, un caractère de la lumière de Dieu. La loi donnée par Moïse contenait elle aussi la vérité, puisqu’elle venait de Dieu. Mais elle ne faisait que montrer aux hommes leur incapacité à satisfaire aux saintes exigences divines. Toutefois, lorsque le Fils devint homme, la grâce de Dieu fut aussi manifestée, et non plus seulement sa vérité : « La grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ » (Jean 1:17). Nous voyons ici à la fois la perfection de la manifestation et l’indissolubilité des caractères divins essentiels : amour et lumière.


4 - L’œuvre de la grâce

Mais la grâce de Dieu ne s’est pas limitée à la venue du Fils sur cette terre pour apporter l’amour et la miséricorde à ceux qui méritaient le jugement. Pour que la grâce puisse « apporter le salut » et « enrichir », le Seigneur devait encore, par la grâce de Dieu, goûter la mort (Héb. 2:9). Aussi a-t-il suivi le chemin difficile conduisant à Jérusalem et à Golgotha. Là, à la croix, la grâce de Dieu, que nous adorerons éternellement, s’est manifestée d’une manière parfaite envers nous, des êtres sans force et impies, des pécheurs et des ennemis de Dieu.

Pouvons-nous comprendre ce que la mort a signifié pour le Seigneur — Lui, l’origine de toute vie devant mourir ! Est-il possible de sonder ce que l’homme pur et sans péché a éprouvé, quand il a dû porter nos péchés en son corps sur le bois ? Il a suivi ce chemin difficile jusqu’à sa dernière extrémité, la mort, afin que la grâce de Dieu puisse nous être donnée. Lorsque, entrevoyant la mort, il s’est écrié à la fin des trois heures de ténèbres : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », il se trouvait au plus profond de la pauvreté que lui le riche avait prise dans sa grâce sur lui afin d’enrichir les pauvres que nous étions, pour l’éternité et à l’infini.

À la croix déjà nous voyons les premiers rayons de la grâce qui apporte le salut atteindre les hommes perdus. Alors que les Juifs venaient de faire tout ce qu’ils pouvaient afin que leur Messie soit crucifié, le Seigneur prie son Père en ces termes : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Luc 23:34). Il fait cette demande afin que le peuple coupable puisse, selon la loi, être traité non pas en tant que « meurtrier » mais comme « homicide par mégarde » et recevoir de Dieu, le « vengeur du sang », la grâce du salut (comp. Nomb. 35:9-34).

Un autre rayon de cette grâce, à la croix déjà, amène un pécheur à la foi vivante en Jésus. L’un des deux brigands qui, à sa droite et à sa gauche, subissaient leur juste condamnation, est mis dans la lumière de Dieu, reconnaît la grandeur du Seigneur et implore la grâce, une grâce dont il ne peut toutefois pas encore mesurer l’étendue. « En vérité, je te dis : Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23:43) : telle est la réponse du Sauveur souffrant qui allait mourir pour cet homme aussi. Ne voyons-nous pas également un caractère particulier de la grâce divine dans le fait que le tout premier homme qui a mis sa confiance dans le Crucifié n’a été sauvé que dans les derniers moments de sa vie, peu avant sa mort ?


5 - La grâce qui apporte le salut

Cela nous amène à considérer un autre aspect, la grâce qui apporte le salut. Certes, selon Tite 2:11 et 2 Timothée 1:9, 10, la grâce de Dieu est apparue lors de la venue du Fils de Dieu comme homme dans ce monde ; toutefois, avant qu’elle puisse effectivement « apporter le salut pour tous les hommes », il fallait, selon les conseils éternels de Dieu, que l’œuvre de l’expiation à la croix de Golgotha soit accomplie. Car ce n’est pas la vie parfaite et sans péché du Seigneur Jésus qui constitue le fondement de notre salut, mais son œuvre expiatoire et sa mort à la croix de Golgotha. La grâce illimitée de Dieu pour tous les hommes ne pouvait pas être proclamée avant que sortent de la bouche du Seigneur ces paroles de triomphe : « C’est accompli ».

Maintenant « l’évangile de la grâce de Dieu » peut être annoncé dans le monde entier (Actes 20:24). C’est donc à juste titre que nous pouvons appeler « temps de la grâce » la période allant de Golgotha jusqu’à la venue du Seigneur pour enlever les croyants ; relevons pourtant que l’expression ne se trouve pas dans la Bible. La grâce de Dieu qui apporte le salut en Christ est valable maintenant pour chacun sans distinction, car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité. Si aujourd’hui le Seigneur Jésus n’est pas encore revenu pour prendre les siens auprès de lui dans la maison du Père, c’est parce qu’il est patient envers nous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance. Tel est le temps de la grâce !

En tant que pécheurs perdus, nous avions besoin de salut, et comme coupables, de la justification. Nous avons reçu l’un et l’autre par la grâce de Dieu. En Éphésiens 2:8, nous lisons : « Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi » et en Romains 3:24 : « … justifiés gratuitement par sa grâce ». La grâce qui apporte le salut se manifeste ici de deux manières et il vaut la peine de s’y arrêter un peu.

Quelqu’un qui, au cours d’une tempête en pleine mer, tombe par-dessus bord est perdu s’il ne peut bénéficier du secours d’un canot ou d’une bouée de sauvetage. Dans une telle situation, nul homme ne penserait pouvoir se sauver lui-même. Mais combien de personnes s’imaginent pouvoir se sauver de leur état de perdition éternelle par elles-mêmes, par de bonnes œuvres ! Selon le jugement divin, nous étions spirituellement morts pour Dieu à cause de notre état de péché (Éph. 2:1). Un mort ne peut plus rien faire pour lui ou pour autrui, et encore moins se redonner la vie. Tous les efforts que nous déployons en vue de notre salut sont par conséquent non seulement inutiles et insensés, mais impossibles. Seule la grâce de Dieu peut sauver des êtres perdus (Éph. 2:8). Cette grâce incompréhensible est la preuve tangible de l’amour de Dieu.

Accusé devant un tribunal, reconnu coupable et justement condamné, un prévenu ne peut plus rien avancer pour sa justification. De même, chacun devra comparaître une fois devant Dieu, le juge de tous, et, face à mille accusations, nul ne pourra avancer une excuse. Aucun pécheur ne peut se justifier devant Dieu, car tout parle contre lui. En revanche, celui qui trouve maintenant, par la foi, son refuge dans le Seigneur Jésus est parfaitement justifié par la grâce de Dieu (Rom. 3:24), parce que Christ a porté tous nos péchés en son corps sur la croix et que le châtiment de notre paix a été sur lui. Dieu ne punit pas deux fois les mêmes actes. Ainsi, il n’y a que deux possibilités : ou, en raison de ses actes, le pécheur doit porter pendant l’éternité le juste châtiment de Dieu, ou il est justifié par Celui qui a subi à la croix ce châtiment pour tous ceux qui croient en lui. Un homme est justifié quand Dieu le considère juste, parce qu’il croit en Celui qui a porté le châtiment que nous méritions, Celui qui est de ce fait le seul chemin conduisant à Dieu. La grâce est donc aussi la preuve de la justice de Dieu.

Lorsque nous réfléchissons à tout cela et nous souvenons que notre terrible état est le résultat de nos péchés, la grandeur de la grâce de Dieu nous apparaît avec toujours plus de clarté. Nous comprenons pourquoi le Saint Esprit parle constamment de l’abondance, de la surabondance, des immenses richesses de la grâce de Dieu en bonté (Rom. 5:15, 17, 20 ; 6:1 ; Éph. 1:7 ; 2:7). En considérant cette grâce insondable, nous pouvons bien nous écrier avec l’apôtre Paul dans la reconnaissance et l’adoration : « Grâces à Dieu pour son don inexprimable ! » (2 Cor. 9:15).

Mais ce n’est pas tout. La merveilleuse grâce de Dieu en Christ va bien au-delà de tous nos besoins et de toutes nos attentes. Nous n’avons pas seulement expérimenté la délivrance de notre état de péché et la justification de nos péchés, mais bien plus ! En Éphésiens 1, lorsque le propos éternel de Dieu le Père est placé devant nous, il nous est accordé, pourrait-on dire, d’entrevoir le contenu de son cœur. Il nous a bénis en Christ de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes, il nous a élus en lui avant la fondation du monde et nous a prédestinés pour nous adopter pour lui, selon le bon plaisir de sa volonté divine, éternelle — et tout cela, à la louange de la « gloire de sa grâce » (Éph. 1:6) ! Celle-ci se manifeste dans la plénitude infinie des bénédictions, dans la grandeur, l’élévation et la beauté de ses voies divines envers nous, des créatures plongées dans la misère du péché ! La gloire de sa grâce brillera durant l’éternité et sera le motif de notre adoration.


6 - Nous sommes dans la grâce

Notre relation avec Dieu est fondée uniquement sur sa grâce, et ce que nous sommes, nous ne le sommes que par elle (1 Cor. 15:10). Là où autrefois le péché a régné par la mort, règne maintenant la grâce par la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur (Rom. 5:21). Nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce (Rom. 6:14).

Étant justifiés, nous sommes maintenant dans la grâce ou la faveur de Dieu, ayant libre accès à lui par la foi (Rom. 5:2). Nous sommes pour ainsi dire entourés d’une mer de grâce divine, ayant reçu de sa plénitude « et grâce sur grâce » (Jean 1:16), c’est-à-dire une manifestation de grâce après l’autre. L’expression « grâce sur grâce » ne se limite pas à notre salut mais comprend aussi les richesses insondables des bénédictions qui nous ont été données par Dieu.

Nous ne pouvons pas ici-bas faire le compte exact de nos richesses en bénédictions spirituelles. Hélas, nous constatons toujours à nouveau combien peu nous sommes capables de nous occuper de toutes les facettes de la grâce divine et d’en jouir. La chair en nous et les influences exercées par le monde environnant nous en empêchent trop souvent. Mais dans la gloire inaltérable de la maison du Père nous jouirons d’une félicité éternelle auprès de notre Seigneur. Tel est l’objet de notre attente et de notre joie, car Dieu nous a donné « une bonne espérance » par grâce (2 Thess. 2:16). La source de cette bonne espérance est la grâce de Dieu et son but, la venue du Seigneur afin d’enlever les croyants, sujet qui occupe une place si importante dans les épîtres de l’apôtre Paul aux Thessaloniciens.

En revanche, quand Pierre place devant nous l’espérance, l’objet en est la grâce qui nous sera apportée à la révélation de Jésus Christ (1 Pierre 1:13). L’apôtre ne considère pas l’enlèvement des croyants, mais pense à l’apparition du Seigneur en gloire, lorsqu’il sera glorifié et admiré au milieu de ses saints. Nous serons alors manifestés en gloire avec lui sur cette terre. Cela fait également partie des richesses de la grâce que Dieu réserve à des êtres tels que nous qui sommes maintenant des étrangers et sans droit de cité sur la terre.

Le sujet de la grâce de Dieu dans laquelle nous sommes est vaste. En regardant en arrière, nous voyons la grâce qui nous a apporté le salut et à laquelle nous sommes redevables de tout ce que nous avons et ce que nous sommes. Pour le présent, nous recevons grâce sur grâce. Et quant à l’avenir, nous possédons par grâce l’espérance vivante et bienheureuse en notre bien-aimé Seigneur. Nous sommes héritiers de la grâce de la vie (1 Pierre 3:7), que nous possédons, que nous connaissons et dont nous jouissons maintenant déjà dans la faiblesse, il est vrai, mais bientôt en perfection.


7 - Les richesses de la grâce de Dieu

Si, au début, nous avons défini la grâce comme étant la manifestation imméritée de l’amour de Dieu envers des hommes pécheurs, nous constatons maintenant que cette « définition » est incomplète. Elle convient pour la grâce de Dieu qui apporte le salut aux pécheurs, mais ne suffit pas quand nous pensons à la grâce offerte par le Père à ceux qui sont devenus ses enfants par la foi. Nous avons déjà rappelé que le chapitre 1 de l’épître aux Éphésiens nous permet d’entrevoir quelque peu le cœur du Père, « qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ ». En poursuivant la lecture de cette épître, nous trouvons plusieurs de ces bénédictions auxquelles nous pouvons penser maintenant avec une profonde reconnaissance et adoration :

1. Des créatures plongées dans le péché et les ténèbres sont devenues de bien-aimés enfants de Dieu, « saints et irréprochables devant lui en amour », c’est-à-dire conformes moralement à sa nature (Éph. 1:4 ; 5:1).

2. Le vieil homme est remplacé par le nouvel homme, « créé selon Dieu, en justice et sainteté de la vérité » (Éph. 4:24).

3. Nous sommes prédestinés pour être adoptés par Jésus Christ (Éph. 1:5).

4. Nous avons été scellés du Saint Esprit, qui est à la fois les arrhes de notre héritage et la source de notre force (Éph. 1:13, 14 ; 3:16).

5. Par le Seigneur Jésus, nous avons « accès auprès du Père par un seul Esprit » (Éph. 2:18 ; 3:12).

6. Nous ne nous trouvons pas ici-bas comme des enfants de Dieu dispersés, mais sommes « bien ajustés ensemble » pour être la maison de Dieu et le corps de Christ (Éph. 2:21, 22 ; 4:4, 16) et nous formons ensemble l’épouse de Christ (Éph. 5:25-33).

7. Par la foi, nous pouvons déjà être « assis ensemble dans les lieux célestes dans le Christ Jésus » ; sa place dans la gloire est aussi la nôtre (Éph. 2:6) !

Ces bénédictions, provenant des richesses de la grâce divine, manifestent la libéralité de Dieu envers les siens qu’il comble de biens spirituels infinis. La grâce est donc aussi la bénédiction surabondante des enfants de Dieu sans qu’ils y aient le moindre droit. Ne voyons-nous pas également en cela qu’il est le Dieu de toute grâce (1 Pierre 5:10) ?

Dans un monde qui poursuit les « bienfaits » passagers et douteux de la civilisation et cherche sa satisfaction dans les plaisirs du péché, nous vivons comme des hommes rachetés, bénis de toutes les manifestations de la grâce de Dieu, qui sont éternelles et satisfont entièrement le cœur ! En étant occupés de ces richesses, nous serons conduits à l’adoration, comme l’apôtre Paul au début de son épître aux Éphésiens. Même si, pendant le temps de notre vie sur cette terre, nous ne possédons la lumière « de la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ » que comme « un trésor dans des vases de terre », la grâce surabondante qui nous est manifestée devrait maintenant déjà « multiplier les actions de grâces à la gloire de Dieu » (2 Cor. 4:6, 7, 15). Puissions-nous le réaliser davantage !


8 - Les dons de grâce

Jusqu’ici, nous avons considéré la grâce de Dieu réservée à tous les croyants de la même manière. Comme nous l’avons déjà vu, nous sommes tous également sauvés et bénis par sa grâce. Mais il y a aussi des manifestations de grâce divine différentes pour chacun, à savoir les dons de grâce que Dieu a donnés aux siens pour le service des uns envers les autres. La grâce variée de Dieu à l’égard de ses enfants s’exprime également dans ces dons, comme ils sont appelés en général.

Le mot grec charisma, signifiant don de grâce, est dérivé du mot charis (grâce). Il s’agit en conséquence d’un « don accordé avec bienveillance, cadeau de grâce ». Relevons qu’en Romains 6:23, la vie éternelle est aussi appelée un « don de grâce de Dieu », et que ce mot est employé à plusieurs reprises dans un sens général pour une manifestation de grâce. Toutefois, dans la plupart des passages du Nouveau Testament où le mot « don de grâce » apparaît, il s’agit de la capacité donnée de Dieu en vue d’un service pour lui. Autant les croyants, pris individuellement, comme membres du corps de Christ, diffèrent les uns des autres, autant leurs besoins et, par conséquent, les dons de grâce sont aussi divers. Dans sa sagesse et sa grâce, Dieu a pensé à tout et a pourvu à tout richement. Grâces lui en soient rendues !

Ces dons de grâce sont largement ignorés par de nombreux chrétiens ; en effet, dans la plupart des églises et congrégations, le service est effectué par des titulaires officiels. Même là où tout n’est pas organisé, le champ de vision est souvent si rétréci, que les mots « don de grâce » évoquent seulement le service des évangélistes et des docteurs.

Mais si nous considérons Romains 12 et 1 Corinthiens 12, la diversité des dons de grâce donnés par Dieu apparaît clairement. Dans ces deux passages, l’assemblée est vue comme le corps, composé de plusieurs membres. De même que dans notre corps, chaque membre a sa propre place et sa fonction particulière, ainsi en est-il du corps de Christ. En Romains 12:3 à 8, sept dons de grâce sont énumérés :


prophétie

service

enseignement

exhortation

distribution

conduite

exercice de la miséricorde.


En 1 Corinthiens 12:4 à 31, nous trouvons deux énumérations qui divergent en partie l’une de l’autre et aussi de Romains 12 ; au total quinze services ou charges différents sont mentionnés. Pour la première catégorie, on voit que la diversité des dons de grâce, des services et des opérations remonte à une seule source de puissance, une autorité et une origine ; concernant le second groupe, il ressort que cette diversité est voulue de Dieu et que tous ne possèdent pas les mêmes dons de grâce.


1 Corinthiens 12:8 à 10

1 Corinthiens 12:28


apôtres


prophètes


docteurs


miracles

la parole de sagesse


la parole de connaissance


la foi


des dons de grâce

des dons de grâce

de guérison

de guérison

des opérations de miracles


la prophétie

des discernements d’esprits



des aides


des gouvernements

diverses sortes de langues

diverses sortes de langues

l’interprétation des langues

l’interprétation










Ces passages laissent clairement apparaître que la parole de Dieu ne contient aucune « liste » complète de tous les dons de grâce. Remarquons aussi que plusieurs de ces dons, par exemple ceux de la conduite, des gouvernements ou des aides, sont mal connus et peu appréciés parmi nous.

Enfin, en Éphésiens 4:11, les apôtres, les prophètes, les évangélistes, les pasteurs et les docteurs font l’objet d’une autre courte énumération, non pas ici toutefois comme dons de grâce, mais comme dons (en français comme en grec, la seconde expression est différente de la première). Dans ce passage, ce sont les personnes elles-mêmes que le Seigneur, monté en haut, a données « en vue du perfectionnement des saints, pour l’œuvre du service, pour l’édification du corps de Christ », et cela « jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ ». À la différence de certains des dons de grâce mentionnés en 1 Corinthiens 12 (les guérisons, les langues, les miracles), qui confirmaient l’opération de Dieu durant la période du commencement (comp. Héb. 2:4), ces dons sont accordés exclusivement en vue de la croissance spirituelle de l’assemblée et, mis à part les apôtres et prophètes qui ont posé le fondement (Éph. 2:20 ; 3:5), ils demeureront jusqu’au retour du Seigneur Jésus. Quelle grande consolation pour nous, spécialement dans notre temps de déclin, prélude de l’apostasie !

Les dons de grâce ne doivent pas être confondus avec les capacités humaines. Une personne capable de s’exprimer d’une manière claire et compréhensible ne possède pas pour autant un don de grâce qui lui permet d’annoncer la Parole. Et de même, une formation théologique ne peut pas remplacer un don de grâce. Comme le montrent les passages mentionnés plus haut, les dons de grâce viennent uniquement de Dieu et du Seigneur glorifié. Ce sont des cadeaux pour ses rachetés, des capacités spirituelles qu’il leur confère, liées à une mission et à l’autorité pour exercer le service. Sous la direction du Saint Esprit, ils doivent servir pour la gloire du Seigneur et la bénédiction des siens.

Cela nous est montré très clairement dans la parabole des talents (Matt. 25:14-30). Dans ce passage, un homme s’en allant hors du pays confie ses biens à ses esclaves, afin qu’ils les administrent. À l’un il donne cinq talents (un talent pesait entre 30 et 59 kg, ici probablement de l’or ou de l’argent), à un autre, deux et à un troisième, un ; et il est précisé : « à chacun selon sa propre capacité » (v. 15). À la remise des talents aux serviteurs se rattachait la mission de les employer pour les intérêts de leur maître. Les talents qui sont distribués selon les capacités correspondent aux dons de grâce. En revanche, les facultés naturelles ne sont que le récipient pour les dons de grâce, mais elles ne leur sont pas identiques. Ainsi, celui que le Seigneur appelle comme évangéliste doit avoir une voix intelligible et une manière claire de s’exprimer, et un docteur a besoin d’une bonne mémoire et de capacités intellectuelles. Dans le sens spirituel, de telles facultés (souvent désignées, sur la base de ce passage biblique, comme des « talents ») ne sont cependant pas des dons de grâce. Celui d’un évangéliste consiste dans la mission et la capacité particulière de présenter aux hommes d’aujourd’hui le message de la grâce de Dieu pour des pécheurs perdus, et de se mettre à la place de ceux qui, jusque-là, n’ont guère eu de contact avec la parole de Dieu ; quant au docteur, son don de grâce lui permet de discerner les profondeurs de la doctrine de la Parole et de les faire comprendre à d’autres croyants.

En Romains 12:6, nous lisons que nous avons « des dons de grâce différents, selon la grâce qui nous a été donnée », et de même, en Éphésiens 4:7 : « Mais à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ ». Lui, notre Tête, connaît non seulement les besoins des membres du corps, mais aussi les capacités particulières des uns et des autres, et il doue chacun des siens de manière à ce qu’ils puissent accomplir le service qui leur est départi.

Ainsi, par grâce, chaque croyant a une place qui lui est assignée par Dieu comme membre du corps de Christ. Il nous appartient, à nous, de la reconnaître comme une grâce et de vivre et agir dans la dépendance de la Tête qui est dans le ciel. Nous devons confesser ici notre part de culpabilité, en ce que nous avons été incapables de réaliser, par sa grâce, pour la bénédiction de l’ensemble, la diversité donnée de Dieu dans l’unité. Toutefois, à cet égard les pensées de Dieu restent inchangées : « Suivant que chacun de vous a reçu quelque don de grâce, employez-le les uns pour les autres, comme bons dispensateurs de la grâce variée de Dieu. Si quelqu’un parle, qu’il le fasse comme oracle de Dieu ; si quelqu’un sert, qu’il serve comme par la force que Dieu fournit, afin qu’en toutes choses Dieu soit glorifié par Jésus Christ, à qui est la gloire et la puissance, aux siècles des siècles ! Amen » (1 Pierre 4:10, 11). Pour réaliser cela, toute la force vient de lui seul.

L’apôtre Paul avait reçu une grâce particulière. Non seulement il s’intitule lui-même le premier (c’est-à-dire le plus grand) des pécheurs auquel Dieu a fait miséricorde, comme exemple de ceux qui viendront à croire en lui pour la vie éternelle (1 Tim. 1:12-17), mais il était aussi un vase d’élection auquel le Seigneur glorifié communiqua le mystère concernant son Assemblée (Éph. 3:2, 7). À lui qui se nomme « le moindre de tous les saints » la grâce fut également donnée d’annoncer parmi les nations les richesses insondables du Christ (Éph. 3:8). Ainsi il devint l’apôtre des nations, chargé d’annoncer aux peuplades païennes l’évangile, et aux croyants, tout le conseil de Dieu. Il le fit avec consécration et dans le sacrifice de lui-même, toujours conscient de la grâce dont il avait lui-même été l’objet, et nourrissant toujours le désir d’amener autant d’âmes que possible à la jouissance de la grâce merveilleuse de Dieu.


9 - La grâce journalière

« Mais Dieu est puissant pour faire abonder toute grâce envers vous » (2 Cor. 9:8). Ces paroles de l’apôtre Paul attirent notre attention sur un autre aspect que nous n’avons pas encore considéré. À la grâce qui apporte le salut aux pécheurs, à la surabondante grâce envers tous ses enfants et aux dons de grâce attribués à chacun individuellement, s’ajoute la grâce qui nous est chaque jour renouvelée dans notre vie de foi.

La grâce de notre Père ne brille-t-elle pas chaque matin pour nous ? Que nous soyons couché sur un lit de maladie ou plongé dans une détresse quelconque, nous pouvons toujours nous rappeler les paroles du Seigneur : « Ma grâce te suffit » (2 Cor. 12:9). Et c’est encore sa grâce, sans aucun mérite de notre part, qui nous accorde de pouvoir nous lever en bonne santé, accomplir notre travail journalier ou nous rassembler en toute liberté avec les frères et sœurs au nom du Seigneur. Dans la vie d’un enfant de Dieu, rien n’est naturel et mérité, car tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons, vient de sa grâce ! En être conscient maintient dans sa dépendance, mais procure aussi personnellement la paix du cœur. Dans la reconnaissance et la joie, nos regards sont alors toujours ramenés sur le Seigneur.

C’est sa grâce qui nous apporte de l’aide dans les difficultés et nous protège des dangers. C’est une grâce que notre Seigneur intercède maintenant pour nous dans le ciel comme souverain sacrificateur auprès de Dieu, afin de nous préserver de tout écart. D’un autre côté, nous sommes encouragés à nous approcher « avec confiance du trône de la grâce, afin que nous recevions miséricorde et que nous trouvions grâce pour avoir du secours au moment opportun » (Héb. 4:16). Et si nous avons péché, le Seigneur intercède pour nous en grâce comme notre avocat auprès du Père, et parle à notre conscience par son Esprit et sa Parole, afin de nous rendre conscients de notre péché, de nous amener à le confesser et de nous donner à nouveau la pleine jouissance de la communion avec lui et le Père (1 Jean 2:1) !

Tout ce que nous faisons pour notre Seigneur et envers les siens n’est rendu possible que par sa grâce. À cet égard, imitons le modèle laissé par l’apôtre Paul. Il écrit : « Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis ; et sa grâce envers moi n’a pas été vaine, mais j’ai travaillé beaucoup plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi » (1 Cor. 15:10). Il avait conscience que tout ce qu’il était et avait provenait de la grâce de Dieu, et sa vie était un écho exceptionnel de cette grâce. Et pourtant, il confesse que la grâce de Dieu était la source de tout, et non pas lui-même !

Étant justifiés par la foi, nous sommes dans la faveur (ou la grâce) de Dieu (Rom. 5:2). Vivons-nous aussi pratiquement, comme Paul, dans la conscience de cette grâce ? Quand Pierre rappelle aux destinataires de sa première épître qu’il leur a présenté la vraie grâce de Dieu « dans laquelle vous êtes » (1 Pierre 5:12), il leur adresse en fait un encouragement, voire une exhortation. N’acceptons pas comme normales les manifestations de grâce de notre Père, mais reconnaissons-les aussi comme telles. Alors seulement nous serons pratiquement dans la vraie grâce de Dieu.


10 - Dangers

L’exhortation à « persévérer dans la grâce de Dieu », adressée par Paul et Barnabas aux jeunes croyants à Antioche (Actes 13:43), laisse entrevoir qu’une telle persévérance n’est pas facile à réaliser. Dans d’autres passages du Nouveau Testament nous sommes mis en garde, précisément à cet égard, contre divers dangers. Appliquons-nous donc à considérer ces exhortations et à les prendre à cœur.

Les Hébreux devaient veiller à ce que personne ne manque de la grâce de Dieu (Héb. 12:15). La grâce est aussi indispensable à notre prospérité spirituelle que la pluie pour un champ labouré. Elle produit en nous à la fois le jugement continuel de nous-mêmes et la joie de la communion avec Dieu. Mais si la grâce fait défaut, à la place des fruits spirituels bourgeonneront des racines d’amertume, par lesquelles non seulement nous-mêmes, mais aussi plusieurs autres seront souillés.

Aux Galates, Paul dut dire que tous ceux qui voulaient être justifiés par la loi étaient déchus de la grâce (Gal. 5:4). Ces paroles ne signifient pas qu’une personne sauvée par la foi peut être à nouveau perdue. Pour des chrétiens nés de nouveau, une telle « déchéance » n’est enseignée nulle part dans les Saintes Écritures (comp. Jean 10:28, 29). Toutefois les Galates étaient en danger de quitter pratiquement la sphère de la grâce de Dieu pour rejoindre le terrain de la loi. Le croyant justifié par la grâce qui fait de la loi le principe directeur de sa vie, abandonne la grâce comme fondement de sa relation pratique par la foi avec Dieu et se prive de toutes les bénédictions de la grâce. Paul avertit très sérieusement les Galates de ce danger.

Jude met les destinataires de son épître en garde contre les hommes impies qui s’étaient glissés parmi les chrétiens, changeant la grâce de Dieu en dissolution (Jude 4). Déjà Paul, en Romains 6, a dû lutter contre le développement de telles pensées. Le cœur de l’homme est si corrompu qu’il fait un mauvais usage de la grâce, dans laquelle Dieu a envoyé son Fils comme propitiation pour nos péchés et s’en sert pour accorder encore plus de liberté à ses propres convoitises et pécher toujours davantage contre Dieu !

Jude parle d’impies, il est vrai, mais quant au principe, ceci s’applique aussi à la chair en tout croyant. Si nous nous occupons de la grâce sans être profondément conscients de la sainteté de Dieu, nous pouvons aussi en arriver à la changer en dissolution. Le danger est particulièrement grand pour ceux qui, dès leur enfance, sont familiers avec la justification par grâce, mais n’ont pas éprouvé une aversion profonde pour l’horreur du péché. On peut ainsi facilement — en secret ou ouvertement — faire de la grâce un prétexte pour la chair et suivre ses convoitises.

Résumons encore une fois brièvement les dangers spirituels qui nous sont présentés dans ces différents versets. En Hébreux 12, nous sommes mis en garde contre le manque de grâce, qui survient lorsque nos cœurs refroidis s’éloignent du Dieu de toute grâce. Les Galates étaient en danger de mettre la loi à la place de la grâce, et dans l’épître de Jude, la grâce servait de prétexte pour la licence et le péché.

Après cette énumération de divers dangers, nous comprenons peut-être mieux pourquoi l’apôtre Paul exhortait les Corinthiens à n’avoir pas reçu la grâce de Dieu en vain (2 Cor. 6:1). Il ne mettait nullement en doute la sécurité éternelle des rachetés, comme nous l’avons déjà vu en Galates 5. Mais par ces paroles, il avertissait les Corinthiens quant à tout ce qui n’était pas en accord avec la grâce dans leur marche pratique. Car bien qu’ils n’aient manqué d’aucun don de grâce, dans la pratique, la grâce leur faisait défaut à un point tel qu’ils paraissaient finalement ne l’avoir pas reçue ! Pourtant, la grâce infinie de Dieu se manifeste aussi en ce qu’elle ne se lasse jamais de nous enseigner.


11 - La grâce qui enseigne

La grâce de Dieu n’est pas seulement apparue afin d’apporter le salut pour tous les hommes, mais elle veut aussi enseigner tous ceux qui ont reçu le salut par la foi (Tite 2:11-13). Tant que nous vivons sur la terre, nous avons besoin de cet enseignement de la grâce, parce que notre vie nouvelle a bien le désir de faire ce qui plaît à Dieu, mais elle ne possède pas en elle-même la connaissance des pensées et des voies de Dieu, et parce que nous avons encore la chair, la « vieille nature », qui ne peut que pécher et ne veut rien d’autre.

L’enseignement se fait par la parole de Dieu, et son but est que nous vivions sobrement, justement et pieusement. Nous ne pouvons pas nous passer de cette instruction douce mais ferme. Que nous soyons encore au début de notre vie de foi ou déjà à la fin, nous avons besoin de la grâce et de son enseignement pour servir Dieu d’une manière qui lui soit agréable (Héb. 12:28), et tout pas entrepris sans elle est dangereux.

Ce n’est pas la loi qui nous enseigne, mais la grâce. Nous avons déjà parlé du danger de se tourner vers la loi. Bien que sainte, juste et bonne, la loi donnée par Dieu ne fait qu’exiger sans conférer la puissance pour l’accomplir. Au contraire, la grâce nous donne d’abord la nouvelle nature, qui est capable et désireuse de faire la volonté de Dieu, et ensuite aussi l’enseignement nécessaire.

Considérons d’un peu plus près le court passage compris entre les versets 11 et 13 de Tite 2. Nous nous sommes déjà occupés de la première partie, parlant de l’apparition de la grâce qui apporte le salut pour tous les hommes. Abordons maintenant la seconde partie, l’enseignement. Le verbe « enseigner », employé comme participe, se trouve au même niveau que l’expression rendue par « qui apporte le salut » (en fait un adjectif) ; littéralement, on pourrait traduire : « Car la grâce de Dieu est apparue, apportant le salut pour tous les hommes, nous enseignant… » De même que la grâce est apparue dans la personne du Seigneur Jésus comme homme, il est maintenant aussi Celui qui nous enseigne. Pensons seulement à ses propres paroles : « Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi, car je suis débonnaire et humble de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est aisé et mon fardeau est léger » (Matt. 11:29, 30) !

Dans la suite de la phrase, nous avons la description non pas de la manière dont la grâce nous enseigne, mais de la raison pour laquelle elle le fait. Le but principal est que « nous vivions dans le présent siècle sobrement, et justement, et pieusement ». Toutefois, cette indication du but se trouve encadrée par deux subordonnées, dont la première se rapporte au passé, la seconde à l’avenir. L’enseignement de la grâce comprend notre passé, notre présent et notre avenir.


1. Autrefois, nous étions caractérisés par l’impiété et les convoitises mondaines. Pour nous en délivrer, le Seigneur Jésus est mort à la croix pour nous. Notre vieil homme est crucifié avec lui, afin que nous ne soyons plus contraints de servir le péché. Nous avons revêtu le nouvel homme, qui est renouvelé selon l’image de celui qui l’a créé. De même qu’après l’entrée en Canaan, l’opprobre de l’Égypte a été roulé de dessus les Israélites (Josué 5:9) par la circoncision, nous devons considérer aujourd’hui l’impiété et les convoitises mondaines comme des éléments avec lesquels nous n’avons plus rien à faire.


2. En tant que rachetés, nous devons vivre dans le présent siècle sobrement, et justement, et pieusement. Ces trois adverbes englobent de nouveau toute la sphère de notre vie actuelle comme enfants de Dieu : La sobriété doit caractériser notre vie personnelle et ce qui est placé sous notre responsabilité directe (comp. Rom. 12:3 ; 1 Pierre 4:7) ; la justice s’exprime spécialement dans nos relations envers nos frères et sœurs et nos semblables en général (Col. 4:1 ; 1 Thess. 2:10) ; et enfin, l’élément le plus élevé, la piété, c’est-à-dire notre consécration et notre relation pratique avec Dieu (2 Tim. 3:12). Cette définition condensée d’une vie de foi plaisant à Dieu n’est dépassée en brièveté que par les paroles de 1 Thessaloniciens 1:9 : « pour servir le Dieu vivant et vrai », qui d’ailleurs se trouvent aussi encadrées par le passé et par notre espérance future. Ici, cette dernière constitue maintenant un troisième point.


3. Notre espérance future aussi est en relation avec l’enseignement de la grâce. Il s’agit d’abord de la « bienheureuse espérance » de la résurrection des morts en Christ et du changement des croyants vivants à sa venue pour l’enlèvement des saints ; mais ensuite également de « l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ », qui viendra pour être « glorifié dans ses saints et admiré dans tous ceux qui auront cru » (2 Thess. 1:10). Par la présence, dans l’original, d’un seul article devant « l’espérance » et « l’apparition » (« la bienheureuse espérance et apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ »), ces deux événements différents sont placés devant nos regards comme un but commun de l’attente chrétienne.


En considérant rétrospectivement notre vie de foi, pouvons-nous dire que nous avons compris les enseignements de la grâce de Dieu et que nous en avons tenu compte ? Combien de peine ne donnons-nous pas à notre Seigneur bien-aimé par notre manque de disposition à apprendre ! Et pourtant, dans sa grâce, il ne se fatigue pas de nous enseigner. Quelle reconnaissance ne devrions-nous pas éprouver, mais combien cela devrait aussi renforcer notre conscience de la grandeur infinie de la grâce !


12 - Résultats de l’enseignement de la grâce

Chaque jour, à toute heure, pour chacun de nos pas, nous avons besoin de la grâce de Dieu. Mais aussi en tout temps, avec une pleine liberté, nous pouvons nous approcher du trône de la grâce afin de recevoir miséricorde et de trouver grâce pour avoir du secours au moment opportun (Héb. 4:16). Si nous vivons en communion avec le Seigneur Jésus, si nous « demeurons en lui » comme il nous y exhorte en Jean 15:4, nous apprenons la signification des paroles qu’il a adressées à Paul : « Ma grâce te suffit » (2 Cor. 12:9). L’apôtre a reçu cette réponse après avoir supplié le Seigneur par trois fois au sujet de son écharde pour la chair ! Et il a compris que la grâce du Seigneur peut nous fortifier précisément lorsque nous sommes faibles. Tel fut le résultat de l’enseignement de la grâce.

Pratiquement, nous ne pouvons expérimenter la grâce dans laquelle nous sommes que dans la communion avec Dieu. Dès que nous délaissons cette communion, nous perdons la conscience que c’est le Dieu saint, dont « les yeux sont trop purs pour voir le mal », qui a fait de nous par grâce ses enfants bien-aimés et bénis, alors que nous ne méritions pourtant que son châtiment. Aussitôt que nous nous éloignons intérieurement de lui, les pensées de la chair s’activent pour diriger notre attention sur nous-mêmes et sur le monde.

La conscience de la grâce nous préserve de penser que nous aurions droit à quoi que ce soit. L’esprit de revendication si répandu aujourd’hui chez beaucoup de personnes est en opposition avec la grâce. La grâce n’exige pas, mais elle donne ; elle ne fait pas valoir de droits, mais est prête à s’effacer. Abraham agit ainsi lorsqu’il laissa Lot choisir les meilleurs endroits du pays de Canaan. Il en fut richement récompensé par Dieu (Gen. 13).

Un autre résultat de l’enseignement de la grâce se manifestera en ce que, même « assaisonnés de sel », nos propos seront caractérisés par la grâce (Col. 4:6). Nos paroles doivent communiquer la grâce à ceux qui les écoutent, c’est-à-dire renforcer en eux la conscience de la grâce (Éph. 4:29). À cet effet, nous avons besoin d’être constamment enseignés par la parole de Dieu, la « parole de sa grâce » (Actes 14:3 ; 20:32). Nous serons alors préservés de nous écarter de la vérité pour avoir mal compris la grâce. En fait, il ne faut pas confondre la grâce et la tolérance. Cette dernière laisse subsister ensemble toutes les opinions et toutes les manières d’agir, tandis que le chrétien qui est dans la grâce et qui connaît la volonté de Dieu est, par grâce, patient envers ceux qui n’ont pas encore discerné cette volonté. Paul recourait à des paroles de grâce lorsqu’il écrivait aux Philippiens : « Nous tous donc qui sommes parfaits, ayons ce sentiment ; et si en quelque chose vous avez un autre sentiment, cela aussi Dieu vous le révélera » (Phil. 3:15).

Les paroles de grâce comprennent aussi le témoignage à l’évangile de la grâce de Dieu (Actes 20:24). Il occupe la place centrale dans l’énumération des cinq points présentés par Paul à Éphèse. La repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus Christ devaient d’abord être prêchées. Suit l’évangile de la grâce et enfin — pour les croyants — la prédication du royaume de Dieu et l’annonce de tout le conseil de Dieu (Actes 20:21-27).

Enfin, nous sommes encouragés à chanter de nos cœurs à Dieu dans un esprit de grâce (Col. 3:16). La grâce qui enseigne nous conduit à la reconnaissance, à la louange et à l’adoration, ainsi qu’à la joie dans le Seigneur.

Sur la terre, un seul homme n’a jamais eu besoin de l’enseignement de la grâce : notre Seigneur. Il est Celui qui a révélé la grâce de Dieu, il parlait et agissait en grâce et il a donné des enseignements de grâce déjà pendant sa vie ici-bas. La grâce a amené le Fils de Dieu à s’appauvrir. Lorsqu’il vivait sur la terre, il ne connut pas de lieu où reposer sa tête jusqu’au moment où il la baissa sur la croix. Il prononçait des paroles de grâce, comme les hommes n’en avaient encore jamais entendues (Luc 4:22). Il manifesta à la femme adultère (Jean 8) une grâce que les Juifs ne comprenaient pas. Dès son enfance, toutes ses paroles et tous ses actes montraient que la grâce (ou la faveur) de Dieu était sur lui (Luc 2:40). Lui seul est notre modèle et notre exemple parfaits de la grâce de Dieu qui enseigne.


13 - Conclusion

Que la considération de la grâce infinie de Dieu nous encourage à la connaître toujours plus (Col. 1:6) !

Cherchons aussi à croître dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur Jésus Christ (2 Pierre 3:18), car il est bon que le cœur soit affermi par la grâce (Héb. 13:9), afin que nous nous fortifiions dans la grâce (2 Tim. 2:1). Pour servir Dieu d’une manière qui lui soit agréable, nous avons besoin de la grâce (Héb. 12:28). L’apôtre Paul se conduisait non pas avec une sagesse charnelle, mais avec simplicité et sincérité de cœur, ou plus précisément : par la grâce de Dieu (2 Cor. 1:12). À propos des premiers chrétiens à Jérusalem également, le témoignage est rendu qu’« une grande grâce était sur eux tous » (Actes 4:33).

Pour terminer, en considérant encore une fois les épîtres du Nouveau Testament, dans lesquelles il est si souvent parlé de la grâce, nous comprenons maintenant peut-être mieux pourquoi la plupart de ces lettres commencent et finissent par le souhait ou l’invocation de la grâce. Il n’était plus nécessaire de placer devant leurs destinataires la grâce qui sauve, car ils avaient déjà appris à la connaître. Mais, pour tous les enfants de Dieu, la conscience qu’ils sont dans la grâce de Dieu et vivent d’elle doit sans cesse être ravivée et entretenue. Nous avons besoin tous les jours de cette grâce, nous vivons d’elle et avec elle : cela aussi fait partie des enseignements de la grâce de Dieu.