Notre héritage nous est échu, à nous,

de ce côté du Jourdain — Nombres 32 et Josué 22

[Qu’est-ce qui attire nos coeurs ?]


Philippe Laügt


Table des matières

1 - Nombres 32

1.1 - Embarassés dans les affaires de la vie

1.2 - Découragement contagieux

1.3 - Effets des écarts sur les familles

1.4 - Riches expériences vécues par le peuple au travers de types variés

2 - Josué 22

2.1 - La perte de la communion collective autour du Seigneur

2.2 - Le chrétien ne vit pas de souvenirs, mais de communion pratique

2.3 - Les premiers fruits du faux pas — Désunion et indépendance

2.4 - Les fruits à long terme du faux pas — Difficulté pour que les affections demeurent


1 - Nombres 32

1.1 - Embarassés dans les affaires de la vie

Le moment est venu pour Israël, d’obéir à l’Éternel et d’entrer dans le pays de la promesse. Il leur faut d’abord pour cela traverser le Jourdain (Jos. 1:2). Les rachetés du Seigneur sont aussi appelés à jouir dès ici-bas de leur héritage céleste. Mais il leur faut d’abord saisir en pratique ce que représente cette traversée du Jourdain : notre mort et notre résurrection avec Christ. Sinon le racheté reste encombré par tout ce qui le lie à la terre. Il est peut être tout près de réaliser ce que Dieu, dans sa grâce, s’est proposé à son égard, mais il reste à distance !

L’histoire des fils de Ruben et de Gad est à cet égard un sérieux avertissement. Leurs troupeaux « étaient en grand nombre, en très-grande quantité » (Nomb. 32:1). Aussi veulent-ils obtenir de Moïse « une faveur ». Ils lui font cette triste demande : « Ne nous fais pas passer le Jourdain » (Nomb. 32:5).

Quels sont leurs motifs ? Comme Lot contemplant la plaine bien arrosée du Jourdain (Gen. 13:10), ils ont vu le pays de Jahzer et le pays de Galaad, que l’Éternel vient de frapper devant Israël, en chemin vers Canaan. Ils disent à Moïse : C’est « un pays propre pour des troupeaux, et tes serviteurs ont des troupeaux ! » Voilà ce qui tient beaucoup de place dans leurs pensées. La sauvegarde de ces biens terrestres pèse lourd dans la balance, au moment de prendre une décision qui engage toute leur vie. Auraient-ils eu un si grand nombre de bêtes, s’ils avaient offert à Dieu, chaque jour dans le désert, les sacrifices qu’Il attendait de leur part ? (Act. 7:42).

En écoutant cette requête, Moïse pense d’abord que l’incrédulité manifestée à Kadès-Barnéa (Nomb. 13:29-34) resurgit : la crainte des géants et de leurs villes fortifiées ! Il n’en est rien, mais leurs motifs ne sont pas moins affligeants.

Des considérations analogues, d’ordre matériel ou familial, ont parfois une emprise considérable sur nos pensées, et nous poussent à adopter une position équivoque. Si mon coeur est « embarrassé » dans les affaires de la vie » (2 Tim. 2:4), je ne peut pas dire, comme David, que l’Éternel est la portion de mon héritage et de ma coupe, et que c’est Lui qui maintient mon lot. Je ne puis m’écrier avec joie : « Les cordeaux sont tombés pour moi dans des lieux agréables ; oui, un bel héritage m’est échu » ? (Ps. 16:5-6).

1.2 - Découragement contagieux

Moïse, qui sait déjà qu’il ne passera pas le Jourdain et n’entrera pas dans ce bon pays, à cause de son péché aux eaux de Meriba (Nomb. 20:12 ; Deut. 4:21), plaide avec eux, et les avertit sévèrement. Il rappelle les fautes du peuple, le jugement divin qui s’en est suivi : quarante années se sont passées dans le désert, jusqu’à ce que toute cette génération incrédule ait périe (Nomb. 32:13). Il emploie des mots très durs à leur égard, les qualifiant de « progéniture d’hommes pécheurs ». Il déclare qu’ils vont ajouter, par leur attitude, à l’ardeur de la colère de l’Éternel contre Israël (Nomb. 32:14). Il y aura des conséquences à leur désobéissance à la volonté de Dieu, non seulement pour eux mais pour tout le peuple : « Pourquoi découragez-vous les fils d’Israël de passer dans le pays que l’Éternel leur a donné ? » Leurs pères, envoyés par Moïse dans la vallée d’Eschol, ont agit de la même manière : « ils découragèrent les fils d’Israël » (Nomb. 32:7-9).

Si notre comportement contribue à démoraliser le peuple de Dieu, c’est une grande responsabilité devant le Seigneur. Les désirs de notre coeur sont naturellement égoïstes, nous cherchons nos propres intérêts. Si au contraire nous poursuivons le bien de nos frères, l’ennemi sera fort mécontent, mais nous aurons l’approbation du Seigneur (Néh. 2:10 ; 1 Thes. 3:2-3).

Ces hommes sont malheureusement déjà décidés à suivre un chemin de propre volonté ! La convoitise, sous des formes variées, exerce une grande attraction sur le coeur naturel. Il faut veiller à cultiver une communion constante avec le Seigneur, pour ne pas être amorcé par nos propres désirs (1 Pier. 2:11 ; 2 Tim. 2:22 ; Jac. 1:14).

1.3 - Effets des écarts sur les familles

Le projet des fils de Ruben et de Gad est déjà élaboré. Ils l’exposent à Moïse : « Nous bâtirons ici », c’est à dire dans ces contrées de Galaad et de Jahzer, de l’autre côté du Jourdain [c’est-à-dire à l’Est du Jourdain]. Nous ferons des enclos pour nos troupeaux, et des villes pour nos petits enfants ». À ces villes, ils donneront de nouveaux noms, souvent leur propre nom (Nomb. 32:38, 41 ; Ps. 49:11). Tels sont les plans chéris de leur coeur (Job 17:11), leur ambition pour leurs familles se limite là.

Quels sont nos plans ? Cherchons-nous, peut-être secrètement, à encourager nos enfants à s’établir dans ce monde ? Sommes-nous prêts à les aider à s’y installer, pour y vivre de manière aussi avantageuse et confortable que possible ?

Pourtant, la Parole avertit clairement que la terre de maintenant et toutes les oeuvres qui sont en elle vont être brûlées (2 Pier. 3:7, 10). Notre vie personnelle est comparée à une vapeur, paraissant pour un peu de temps et puis disparaissant (Jac. 4:14). Dieu nous engage à compter nos jours, pour acquérir un coeur sage (Ps. 90:12). Il est très humiliant de constater à quel point en pratique nos biens terrestres ont souvent plus d’attrait que le « bel et céleste héritage, par le sang de Christ acheté » évoqué dans un cantique ?

Cette scène est donc le triste exemple de parents qui, contrairement à la volonté divine, amorcés par leur propre convoitise, n’entrent pas dans le pays et empêchent pratiquement leurs petits enfants d’y entrer. Ils auraient dû s’emparer des précieuses promesses de Dieu : « Vos petits enfants, dont vous avez dit qu’ils seraient une proie, je les ferai entrer et ils connaîtront le pays que vous avez méprisé », un pays ruisselant de lait et de miel (Nomb. 14:31 ; Deut. 31:19-20). Quelle perte ils font, et quels résultats désastreux pour leur descendance (Jér. 31:29). N’oublions jamais que notre conduite a une grande influence sur notre famille et sur notre entourage.

Pour obtenir l’assentiment du patriarche encore très réticent, les envoyés de Ruben et Gad proposent alors d’aider leurs frères à conquérir le pays (Nomb. 32:17). Ils ne manquent ni de zèle ni de courage, mais la conséquence de cet engagement est de laisser en arrière femmes et enfants, avec tous les troupeaux, en dehors des limites du pays (Nomb. 32:26).

Or que se passe t-il généralement dans une famille, si le père est souvent absent et parfois même longtemps ? Toutes sortes de désordres ! Les enfants ne reçoivent pas l’enseignement journalier de la Parole, qu’il appartient avant tout au père de leur donner (Deut. 6:6-7). Comment pourrait-il les élever dans la discipline et sous les avertissements du Seigneur ? (Éph. 6:4). De grands dangers menacent aussi le couple. Le mari et son épouse, séparés pour un autre motif que de vaquer pour un temps à la prière (1 Cor. 7:5), seront-ils en mesure de résister aux multiples tentations que l’Adversaire ne manquera pas de leur présenter ? Comme un lion rugissant, il rôde inlassablement autour de nous, cherchant qui il pourra dévorer (1 Pier. 5:8) !

Le mauvais exemple se révèle, une fois encore, contagieux (Ecc. 9:18). Une partie de la tribu de Manassé, un des fils de Joseph, se joint à Ruben et à Gad (Nomb. 32:33).

Moïse les avertit encore : s’ils ne tiennent pas leurs promesses, ils pécheront « contre l’Éternel ; et sachez que votre péché vous trouvera » (Nomb. 32:23).

Alors, au nombre de quarante mille, ils s’équipent promptement pour la guerre et se joignent à leurs frères. Ensemble, ils vont passer le Jourdain, et rester en Canaan le temps que la majeure partie du pays soit soumise. L’on peut connaître la vérité de l’Écriture, lutter même parfois pour la maintenir, mais c’est tout autre chose de la mettre en pratique toute sa vie, par amour pour le Seigneur.

1.4 - Riches expériences vécues par le peuple au travers de types variés

Pendant quelques années, en suivant l’Arche, les vaillants guerriers des deux tribus et demie seront témoins eux aussi de ces merveilles que Dieu va opérer en faveur d’Israël : Il leur fera d’abord traverser le Jourdain, ce fleuve de la mort, qui regorge par-dessus tous ses bords tout le temps de la moisson (Jos. 3:15). Le psalmiste s’écrie : « Là nous nous réjouîmes en Lui » ! (Ps. 66:6).

Dès que les sacrificateurs qui portent l’Arche trempent leurs pieds dans les eaux, elles sont coupées et tout Israël passe à sec. L’arche de l’alliance, figure de Christ, s’arrête au milieu du Jourdain, en figure dans la mort, jusqu’à ce que tout Israël soit passé. Là où s’est arrêtée l’arche, Josué dresse une stèle, de douze pierres, qui représentent toutes les tribus d’Israël. Les eaux ne tarderont pas à la recouvrir (Jos. 4:9).

Simultanément, toujours sur ordre de l’Éternel, douze hommes, un par tribu, prennent aussi chacun une pierre dans le Jourdain, là où l’Arche se trouvait. Un monument est édifié sur l’autre bord du Jourdain, en figure sur la rive de la résurrection. Ce monument, symbole de l’unité du peuple, est « en mémorial pour toujours » (Jos. 4:7-8).

Tout ceci est une image de l’oeuvre accomplie en faveur du croyant. Il est identifié dans la ressemblance de Christ dans sa mort, — au fond du fleuve, puis dans la ressemblance de sa résurrection, — sur l’autre côté du fleuve de la mort (Rom. 6:5-6). Pour entrer par la foi en possession de son héritage céleste, un chrétien doit réaliser en pratique qu’il est mort avec Christ. La chose a été accomplie une fois pour toutes à la Croix (Rom. 6:6). Mais Christ est aussi ressuscité pour notre justification et nous sommes ressuscités avec Lui (Rom. 4:25).

La circoncision du peuple devait suivre à Guilgal. C’est un type de la chair, déclarée morte, ensevelie avec Christ dans la mort. Elle doit être ensuite constamment mise de côté, en pratique. D’où l’exhortation adressée à chaque enfant de Dieu : « Tenez-vous vous mêmes pour morts au péché » (Rom. 6:11). Notre chair n’a plus aucun droit de se manifester, et nous n’avons aucun droit de la laisser agir !

Désormais le peuple de Dieu peut manger le vieux blé du pays, au lieu de la manne, nourriture du pèlerin dans le désert : La nourriture de notre âme est toujours Christ, mais si nous nourrissons de Christ dans son humanité et son abaissement (la manne), il faut aussi nous nourrir d’un Christ céleste et glorieux (vieux blé du pays).

La Pâque se célèbre ensuite sous les murs de Jéricho (Ps. 23:5). Cet obstacle terrifiant, cette forteresse de l’ennemi, qui paraît barrer le chemin des conquêtes, s’effondre. Le peuple apprend que « les armes de notre guerre ne sont pas charnelles, mais puissantes par Dieu, pour la destruction des forteresses (2 Cor. 10:4). Avons-nous retenue et mettons-nous en pratique cette importante leçon ?

Après Jéricho, une autre ville, Aï, d’apparence insignifiante, sera, au contraire, l’occasion d’une défaite inattendue pour Israël. Le Dieu saint rappelle à chacun qu’un péché caché empêche toujours de prendre part au bon combat de la foi et souille tout le peuple de Dieu. Il faut rester humbles, vigilants, conscients de notre faiblesse. Sans la force du Seigneur, nous ne pouvons rien faire (Jean 15:5). Il est impossible de résister au diable.

Gabaon, par ses ruses, prend aussi Israël en défaut. Josué a peut-être cru avoir assez de discernement ? Toujours est-il qu’il n’a pas consulté l’Éternel (Jos. 9:14). Dieu permet qu’une habile supercherie de l’ennemi ait des conséquences douloureuses et durables dans notre vie, et soit un constant rappel de nos fautes passées. Il faudra supporter la présence de ces Cananéens, ils resteront fâcheusement liés à l’histoire du peuple (2 Sam. 21).

Ces combattants venus des deux tribus et demie ont partagé toutes ces expériences. En résulte-t-il de bons fruits dans leur vie ? Ont-ils vraiment appris comme l’apôtre Paul pouvait l’affirmer (Phil. 4:11-12) ?

2 - Josué 22

2.1 - La perte de la communion collective autour du Seigneur

Un moment solennel arrive : Josué, après leur avoir décerné un « satisfecit » pour leur valeureuse conduite à la guerre, leur dit : « Maintenant, l’Éternel, votre Dieu, a donné du repos à vos frères comme il le leur avait dit. Et maintenant, retournez, et allez dans vos tentes, dans le pays de votre possession » (Jos. 22:4).

Ces hommes de Ruben, de Gad et de Manassé n’ont pas abandonné leurs frères « pendant ce « long temps », sept ans peut-être (Jos. 22:3). Ils ont écouté Josué et lui ont obéi. Mais, en s’éloignant maintenant délibérément de l’Arche, figure de Christ, ils vont faire une perte positive. De même, aujourd’hui, rien ne peut remplacer de réaliser la présence habituelle du Seigneur au milieu des siens. Elle nous est assurée, si nous restons soumis à Son autorité, obéissant de coeur à l’enseignement de la Parole.

Par deux fois, Josué les met paternellement en garde : « seulement, prenez garde à pratiquer le commandement et la loi donnée par Moïse, serviteur de l’Éternel, pour aimer l’Éternel votre Dieu et marcher dans toutes ses voies (Jos. 22:5). Ils devront veiller aussi à partager équitablement le très abondant butin avec leurs frères, ceux qui sont restés aux bagages (Jos. 22:8 ; 1 Sam. 30:24).

Il est encore temps pour ces hommes de rapatrier leurs familles de ce côté du Jourdain, dans ce pays ruisselant de lait et de miel, même si, dans le passé, ils ont déclaré : « Nous n’hériterons pas avec eux (c’est à dire avec leurs frères) au-delà du Jourdain ou plus loin » (Nomb. 32:19). Peu de temps après, Phinées, fils d’Éléazar leur propose encore plus ouvertement : « Passez dans le pays, qui est la possession de l’Éternel, où est le Tabernacle de l’Éternel et ayez votre possession au milieu de nous » (Jos. 22:19).

Combien de fois de jeunes chrétiens, après avoir débuté leur carrière comme de bons soldats de Jésus-Christ et goûté aux joies de la communion des rachetés autour de Christ, s’éloignent peu à peu. On cède à ses désirs, ses convoitises : « Elle plaît à mes yeux » disait le jeune Samson à ses parents attristés (Jug. 14:3). On ne tient pas toujours compte, en particulier dans ce choix capital du mariage, des droits du Seigneur. Un foyer se forme, et désormais « celui qui est marié, a le coeur occupé des choses du monde, comme il plaira à sa femme » — ou elle à son mari (1 Cor. 7:32-34). Nous sommes avertis : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur » (Matt. 6:21).

2.2 - Le chrétien ne vit pas de souvenirs, mais de communion pratique

En route vers « les contrées du Jourdain », les hommes de Ruben, de Gad et de Manassé, peut être mal à l’aise en comprenant qu’ils s’éloignent de leurs frères, décident de bâtir au bord du Jourdain, un autel de « grande apparence », visible de loin (Jos. 22:10). Dans leur pensée, ce sera un mémorial. Il n’a pas la même forme que l’Autel de l’Éternel. Il n’est pas destiné à l’adoration, il n’est pas dans leur intention d’y offrir des holocaustes, des offrandes de gâteaux ou des sacrifices de prospérités. Chacun tient pour acquit que l’Autel de l’Éternel se trouve devant son tabernacle, à Silo. Ils vont réaffirmer par trois fois leurs intentions, pour calmer les inquiétudes de leurs frères (Jos. 22:26, 28, 29).

Ils ont voulu rappeler, de façon visible leur appartenance au peuple de Dieu. Ils sont, eux aussi, des vétérans de la guerre ! Mais ils craignent qu’avec le temps, on oublie qu’ils font partie du peuple de Dieu.

Il est illusoire de prétendre vivre de souvenirs dans notre vie spirituelle. Avoir eu autrefois des moments de communion heureuse avec Dieu n’est pas la preuve que notre état actuel est bon. Demeurer constamment près du Seigneur est indispensable pour connaître une véritable prospérité spirituelle et porter du fruit pour Dieu.

Pour Israël, Canaan est le pays que Dieu a choisi en vue de leur bénédiction. C’est qu’il a mis la mémoire de son Nom. Maintenant, les rachetés sont aussi appelés à se réunir. Le lieu de ce rassemblement est avant tout spirituel : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Matt. 18:20).

Si un chrétien accepte de se conformer aux principes du monde, sa position devient boiteuse. Sa marche s’en ressent inévitablement ; Satan a réussit à l’éloigner, peut être simplement par la peur du lendemain, du sentier pur et simple de la foi, le seul qui honore Dieu.

2.3 - Les premiers fruits du faux pas — Désunion et indépendance

En apprenant que les anciens combattants des deux tribus et demi ont dressé cet autel de grande apparence, toute l’assemblée d’Israël se réunit à Silo, prête à monter en bataille contre eux (Jos. 22:12). Ils soupçonnent une rébellion, un « crime » commis contre le Dieu d’Israël, les prémices d’une véritable apostasie. Or en pareil cas, la Loi prescrivait de n’avoir aucune pitié, même à l’égard de ses plus proches parents (Deut. 13:12-18).

Heureusement avant de passer aux actes, ils vont faire une démarche prudente et fraternelle. Phinées, connu pour sa fidélité, est envoyé, accompagné par dix princes, un pour chaque tribu d’Israël (Jos. 22:14).

Ils reprochent à ces tribus implantées au-delà du Jourdain, « au nom de toute l’assemblée d’Israël » de s’être détournés de l’Éternel, et de se rebeller en bâtissant un autel. (Jos. 22:16). Mais ils rappellent aussitôt, avec humiliation, leurs égarements passés : L’iniquité de Péor, fruit d’une ruse satanique avait amené le peuple de Dieu à une alliance adultère avec le monde religieux idolâtre d’alors. De telles alliances sont devenues fréquentes chez les chrétiens aujourd’hui. En sentent-ils toute la gravité ? (2 Cor. 6:14-17)

Phinées reconnaît qu’ils n’en sont pas encore vraiment purifiés, malgré la plaie que Dieu a envoyée dans l’assemblée d’Israël et le jugement exercé contre Madian (Nomb. 31). Ce terrible éloignement de Dieu a laissé des traces dans les coeurs (Jos. 22:17). Cette triste chute a eu lieu pendant la dernière année de marche dans le désert, alors que le peuple touchait au but ! (Nomb. 25). Quel avertissement ! soyons sur nos gardes jusqu’à la fin de la course (2 Tim. 4:18).

L’autre péché mentionné, plus récent, rappelle la défaite devant Aï. À l’origine, le crime d’Acan. Il convoite un beau manteau de Shinar, de l’argent et de l’or et les introduits secrètement au milieu d’Israël, au mépris de la sainteté de Dieu, qui a commandé de tout détruire. Il attire ainsi le jugement de Dieu sur tout le peuple : « Ils ont transgressé mon alliance, ils ont pris de l’anathème, et même ils ont volé, ils ont menti et ils l’ont mis dans leur bagage ». Le péché consommé produit la mort. Pour que la vallée d’Acor devienne une « porte d’espérance », pour retrouver la communion avec Dieu, tout Israël a dû lapider Acan. Ils le brûlent au feu, lui, et ses fils et ses filles, et tout ce qu’il possède (Jos. 7:24-25). Les guerriers des deux tribus et demie étaient là, ils ont, eux aussi, participé à cette tragédie.

L’humilité manifestée par les envoyés du peuple, avant de s’occuper de leurs frères, est tout à fait convenable. Un croyant, s’il est en communion avec Dieu, mène deuil et se juge d’abord lui-même, avant d’examiner s’il le faut, avec tristesse, le mal chez son frère. Les neuf tribus réalisent qu’un péché chez leurs frères serait, aux yeux de Dieu, celui de tout Israël.

D’où cette conclusion : « Si vous vous rebellez aujourd’hui contre l’Éternel, demain, il sera courroucé contre toute l’assemblée d’Israël » (Jos. 22:18). Phinées qui, du fait de l’habitude, a les sens exercés à discerner le bien et le mal (Héb. 5:14), craint qu’un principe d’indépendance se développe. Tout le témoignage manifesté par l’unité du peuple s’en trouverait ruiné.

Cet autel de Hed, un mot qui signifie témoin (Jos. 22:34), donnait l’impression, heureusement fausse, que les deux tribus et demie cherchent à établir un autre centre de rassemblement. Attention ! On n’hésite pas à présenter aujourd’hui l’indépendance comme une qualité, voire comme un devoir !

Les tribus, qu’on peut désormais appeler « transjordaniennes » affirment avec énergie la pureté de leurs intentions. La façon dont ils emploient successivement plusieurs noms divins (Jos. 22:22-23) trahit leur émotion. Mais de leur côté elles soupçonnent, sans fondement, les autres tribus d’être disposées dans l’avenir à dire : « L’Éternel a mis une frontière entre vous et nous, vous n’avez point de part à l’Éternel » (Jos. 22:24-25) ! Comment rendre responsables ainsi à l’avance les fils des autres tribus, si plus tard leurs propres fils en arrivaient à cesser de craindre l’Éternel. Ce sont de mauvais soupçons, chose fréquente, hélas, même parmi les enfants de Dieu (1 Tim. 6:5).

Quand un croyant s’associe au monde, il cherche parfois à en rejeter la responsabilité sur ses frères. Il se plaint de leur froideur, de leur manque d’amour. Accuser ceux qui cherchent à marcher dans la piété ne peut mettre la conscience en règle avec Dieu. On cherche souvent à minimiser ses propres écarts en critiquant ses frères (Matt. 7:3-5).

Phinées et ses compagnons ont su écouter, patiemment, l’exposé des arguments de défense des fils de Ruben, de Gad et de Manassé. Ils acceptent les motifs allégués pour cette construction pour le moins inattendue.

Il n’y aura pas finalement de guerre fratricide ! Si les chrétiens, dans leurs divergences, avaient su agir avec la même patience, on aurait pu éviter bien des divisions douloureuses !

2.4 - Les fruits à long terme du faux pas — Difficulté pour que les affections demeurent

Ici, la paix en Israël a failli être gravement compromise. Dans sa grâce, Dieu va leur accorder des années prospères. Mais l’Ange de l’Éternel devra un jour monter de Guilgal à Bokim, le lieu des pleurs (Juges 2) : Israël, ayant oublié le jugement de lui-même et l’humble dépendance de l’Éternel, n’allait plus à Guilgal. Le déclin s’accentue de plus en plus, alors que Dieu, dans sa bonté, suscite des juges pour ramener son peuple de ses égarements.

Quel est alors l’état des deux tribus et demi, restées au-delà du Jourdain ? Au chapitre 4 des Juges, un combat sévère oppose Barak à Jabin, roi de Canaan, qui opprime Israël depuis vingt ans. Il n’y a plus d’unité au milieu du peuple, la confusion est grande. Ce combat met chacun à l’épreuve. Ce sera l’occasion de montrer la réalité de ses affections pour l’Éternel.

Dans le cantique de Debora, l’Esprit de Dieu porte son appréciation sur l’attitude de chacun. Aux divisions de Ruben, il y a de grandes considérations et de grandes délibérations de coeur (Jug. 5:15-16). Mais finalement au lieu de se joindre au combat, on décide de rester tranquillement à la maison. Peut être cherche-t-on à justifier une telle attitude ? Il est courant de se servir même de la Parole pour dissimuler autant que possible sa lâcheté. Il serait tellement préférable de la confesser devant Dieu ; Il nous aiderait à la surmonter. Ici, Il pose une question très sérieuse, qui est pour nous aussi : « Pourquoi es-tu resté entre les barres des étables, à écouter le bêlement des troupeaux ? » On semblait sur le point d’adopter une bonne attitude, à chercher à défendre les intérêts de Christ, mais finalement on reste en arrière. Ruben ne devait-il pas prendre soin de toutes ses bêtes ? (Phil. 2:21). Alors on préfère la flûte du berger aux trompettes « qui sonnent avec éclat » pour nous rappeler en mémoire devant Dieu, quand l’Ennemi nous presse (Nomb. 10:9). Galaad, un des fils de Makir, demeure aussi à son aise au-delà du Jourdain (Jug. 5:17). Par contre, de Makir, fils de Manassé, des gouverneurs sont descendus au combat (Jug. 5:14). Mais ils semblent bien faire partie de ceux qui ont choisi d’avoir leur héritage dans le pays.

Plus tard encore dans l’histoire du peuple d’Israël, on constate avec tristesse que ces deux tribus et demie sont les premières à partir en captivité. Du temps d’Achab et de Josaphat, Ramoth de Galaad est déjà entre les mains du roi de Syrie (1 Rois 22:3).

Avoir partagé les bénédictions du peuple de Dieu dans le passé, avoir foulé un temps le sol de l’héritage, n’est pas une garantie que notre marche restera digne du Seigneur. Dans ce temps de ruine, il faut demeurer tout près de Lui. En cultivant l’intimité avec Lui, la conscience reste délicate et le coeur heureux. C’est le seul moyen pour ne pas être gagné par le déclin spirituel ambiant.


Le Seigneur est ma part, mon salut, mon breuvage ;

Il a fixé mon lot dans un bel héritage.

Ma langue éveille-toi ! réjouis-toi mon coeur !

Entonne un chant d’amour : Jésus est ton Sauveur !