LETTRES de J.N. DARBY

Numéros des lettres :

174457 - 461


174 - — Voir Dieu – L’image de Dieu

J. N. Darby


1847 — Lettre n° 174 — ME 1898 p. 232-241

À Mr Paul Schlumberger

Bien cher frère.

Il reste encore deux questions que vous m’avez adressées dans votre lettre, et auxquelles je n’ai pas répondu.

« Verrons-nous le Père face à face ? » et : Que veut dire « l’image de Dieu ? » Il faut se souvenir que face ici est une figure renfermant une importante et précieuse vérité, mais une figure. Aussi, « face à face » est-il employé pour montrer une manière de connaître et non pas un fait matériel. Voici qui est très clair : au lieu de connaître Dieu par la foi, il y aura une révélation de lui, pleine et immédiate ; et quand je dis de lui, je parle de lui-même, non pas à son sujet. Je dis immédiate, subjectivement, à l’égard de la manière de connaître ; ce n’est pas par des communications intermédiaires. C’est lui, en plein, sans l’intervention d’un moyen, quelle que soit la manière de sa révélation de lui-même. Le coeur enseigné du Saint-Esprit et participant à la nature divine, a besoin de cela. « Mon âme a soif de Dieu, pour voir ta puissance et ta gloire, ainsi que je les ai contemplées dans le sanctuaire » (Ps. 63:1-2). La connaissance qu’on a de Dieu imprime au coeur le besoin impérieux de le connaître immédiatement, d’être consciemment avec lui. Voyez Christ lui-même comme homme. « Celui qui est de Dieu, celui-là a vu le Père ». « Le Fils de l’homme qui est dans le ciel ». Appliquez-lui maintenant ce Psaume 63. Il devait comme présent dans ce monde désirer avec une ardeur absorbante voir Dieu, qu’il connaissait parfaitement, qu’il avait vu même dans son sanctuaire. Appliquez ce même Psaume à nous : on sent, de la manière la plus profonde et la plus intime, qu’on a vu Dieu en Christ. Le coeur est satisfait. Il n’y a pas à chercher autre chose. C’est Dieu qu’on cherche, qu’on désire, qu’on veut par la grâce, et parce qu’il s’est révélé ; mais on l’a trouvé. C’est lui qu’on connaît ; rien de plus profond que cette conviction. Elle domine la conscience de notre propre existence, chose merveilleuse, inintelligible pour celui qui ne le connaît pas, mais vraie, car la présence de Dieu nous saisit plus que la conscience de nous-mêmes ; elle efface le moi en nous faisant l’oublier, quoiqu’on la connaisse pour soi, mais c’est une révélation réelle, et l’éclat et le bonheur de la connaissance de Dieu efface l’homme à ses propres yeux. On s’oublie en s’occupant de lui, et lui est révélé parfaitement, s’étant manifesté en Christ.

Il faut aussi distinguer ici le Père. Quand le Fils s’est fait homme et prend place comme Fils avec nous, c’est toujours le Père qu’il présente comme vrai Dieu, tout en disant aux incrédules ; « Avant qu’Abraham fût, je suis, » et à l’incrédulité de ses disciples : « Celui qui m’a vu a vu le Père ». À l’homme, il présente Dieu ; avec l’homme, il reconnaît Dieu et le Père comme tel. Il s’est anéanti lui-même, lui qui avait la gloire et était un avec le Père, comme nous avons le privilège de le faire nous qui avons la misère en partage. « Mon Père et votre Père, » dit-il, « mon Dieu et votre Dieu ». Souvenons-nous encore que quoique le Père, dans ce sens, tienne proprement et essentiellement la place de Dieu pour nos âmes, ce nom est un nom de relation, comme « Dieu » est un nom de nature. Quand on parle de le voir, il faut tenir compte de cela.

Examinons maintenant l’instruction que la Parole nous fournit sur le point qui nous occupe.

1° Dans un certain sens, Dieu est invisible dans son essence : « l’image du Dieu invisible » (2 Col. 1:15). « Il a été manifesté en chair, vu des anges » (1 Tim. 3:16). « Il demeure dans la lumière inaccessible » (1 Tim. 6:16). Donc, quant à son essence, on ne le voit pas. Quelques phrases dont on pourrait se servir pour contredire ce fait, me semblent ne pas parler d’une vue pour ainsi dire matérielle. Il est dit que Moïse a parlé avec Dieu « face à face, » ou « bouche à bouche, » mais c’était en contraste avec des songes et des visions. Dans son cas, ce n’était que la nuée qui était descendue, et Dieu parlait avec lui directement par des paroles, comme aussi dans le buisson il lui parlait dans une flamme de feu. Quand il est dit : « Ses serviteurs le serviront et ils verront sa face, » je ne doute nullement que cela ne présente l’idée d’être devant Dieu, mais je crois en même temps que c’est une image empruntée de la cour d’un roi (Comp. 2 Chron. 9:7, et 1 Rois 10:8 ; avec Esther 1:14). De plus, personne ne peut aller en face de Dieu pour le connaître, indépendamment des choses dans lesquelles il se révèle. Il nous couvre de sa main et nous cache pendant qu’il passe, puis nous voyons ce qu’il est quand il a passé, mais nous ne voyons pas sa face (Ex. 33:21-23). Prenons la rédemption et l’amour de Dieu, la chose est évidente.

Ces quelques données de la Parole corrigent négativement l’idée que l’on voit Dieu. Mais, quand Dieu s’est fait voir aux hommes, cela a été, je n’en doute pas, par le Fils (Comp. És. 6 avec Jean 12:40, 41 ; Sinaï avec Hébr. 12:25, 26 ; Ésaie 2 et d’autres passages ne laissent aucun doute dans mon esprit). En sorte que nous verrons Dieu, Jéhovah, en Christ ; c’est là que les anges le voient. C’est ainsi que, dans l’Apocalypse, le Il, Lui, au singulier, se rapporte à Dieu et à l’Agneau. Lorsqu’ils sont distingués (Apoc. 21:22,23), on trouve « la gloire de Dieu, » et « l’Agneau qui est sa lampe » est le porte-gloire, l’objet que l’on reconnaît dans la gloire, et en qui cette gloire se manifeste. Dans ce passage, c’est Dieu : « Le Seigneur, Dieu, le Tout-puissant, et l’Agneau, en sont le temple, » mais ici même le caractère immédiat de cette manifestation est évident. Un temple entoure Dieu de gloire, de solennité, d’un appareil de gloire où il demeure, mais le cache lui. Or ici c’est Dieu lui-même, sa présence qui est le temple ; il se manifeste, il se déploie lui-même pour être avec nous ; c’est cette manifestation qui est le lieu de notre adoration, et qui la caractérise, au lieu qu’il se revête de ce qui est fait de main, pour attirer l’attention de l’homme, en se soustrayant lui-même à ses yeux. Dieu s’entourera de sa propre gloire comme temple, et sera l’objet propre de notre adoration en se révélant à nous — (voyez Jude 24, 25 ; Actes 7:55) — comment matériellement, pour ainsi dire, je ne le sais pas. Je ne sais pas ce que sera un corps glorieux ; je ne crois pas que ce soit seulement le Christ glorifié que nous verrons, quoique ce soit sûrement lui, parce que nous verrons aussi avec lui, premier-né entre plusieurs frères. Outre la gloire de Dieu, il y a la relation avec le Père, dont nous jouirons immédiatement. C’est Christ qui nous l’a révélé, de même qu’il a manifesté Dieu ; mais nous allons vers notre Père comme vers notre Dieu. Le Père lui-même nous aime, nous serons dans sa maison. Christ viendra dans la gloire du Père (Luc 9:26), comme dans la sienne propre, de même que le Père s’est manifesté moralement et en puissance en lui dans son humiliation. Mais cette gloire du Père est plutôt une relation que la gloire publique ; nous serons dans la maison, dans le royaume du Père ; nous y avons la place de fils. Le Père lui-même nous aime ; nous le connaissons immédiatement comme tel ; nous le connaissons déjà (Jean 17:26) ; mais tout en étant comme ses enfants devant lui, la Parole nous parle davantage de son amour, de la communication de ses paroles, de sa maison, que de le voir, autant que, pour ma part j’ai saisi, par grâce, les Écritures sur ce sujet. Il est dit dans un endroit : « Non pas que quelqu’un ait vu le Père, sinon celui qui est de Dieu ; celui-là a vu le Père » (Jean 6:46). Celui qui est Père, nous voyons au moins sa gloire comme Dieu. Il nous communique une relation qui ne se voit pas, seulement nous sommes devant lui pour en jouir dans sa maison, comme fils. Nous ne nous asseyons pas sur son trône, Christ s’y assied (Apoc. 3:21), et nous, nous serons assis sur le trône de Christ.

Dans sa distinction personnelle, si l’on peut parler ainsi, je ne sache pas qu’il soit dit dans la Parole, que nous voyions le Père. Je ne le crois pas, mais je crois que nous serons immédiatement devant Dieu comme Père, le connaissant, parce que nous connaissons sa relation avec le Fils, et que nous sommes avec le Fils et par grâce dans cette relation. Dieu est connu par la révélation du Père dans le Fils. La prière fondée (Éph. 3) sur le titre de Père, confirme ce que je viens de dire. Connaissance de la relation la plus intime et la plus immédiate avec le Père et avec Christ, mais l’idée de le voir n’est pas présentée dans la Parole, sauf quant à Christ : « Celui qui m’a vu a vu le Père », et je ne crois pas que cette prérogative soit communiquée ailleurs aux enfants. Je vois en Jean 14, 15, 16, 17, les relations les plus intimes, la connaissance la plus profonde du coeur, car il nous aime comme il aime Jésus, et lui demeure en nous pour que nous en jouissions, mais l’Esprit nous conduit, me semble-t-il, sur un autre terrain que celui de « voir » ; tandis que, quel que soit le moyen de répondre en haut à la vision physique d’en bas, il est bien dit que nous verrons la face de Dieu. C’est avec Jésus que nous le verrons, et il est notre Père, et nous serons dans sa maison. Cette idée d’être dans sa présence est vérifiée par l’expression : Je le confesserai devant mon Père. Je crois que Matth. 18:10 est aussi une figure d’une cour royale.

2° Quant à « l’image de Dieu » [Gen. 1:27 : 9:6], je ne sais si mes idées sont aussi claires que sur ce dont je viens de m’occuper, ou vous ne les trouverez peut-être guère telles. C’est que la Parole en dit très peu de chose : « Être renouvelés dans l’esprit de votre entendement, et avoir revêtu le nouvel homme créé selon Dieu, en justice et sainteté de la vérité » (Éph. 4:23, 24), auquel répond le passage en Col. 3:10 : « Ayant revêtu le nouvel homme qui est renouvelé en connaissance, selon l’image de Celui qui l’a créé ». Mais ceci me semble une autre chose que l’homme créature, parce qu’ici la connaissance entre, et c’est moralement, en justice et en sainteté. C’est-à-dire, le bien selon la puissance de Dieu, lorsque la connaissance du bien et du mal est entrée. L’homme, avant sa chute, n’était pas juste et saint, il était innocent ; il était saint dans le sens de l’absence du mal, ce qui est vrai de la nature de Dieu, mais n’ayant pas la connaissance du bien et du mal, il n’était pas séparé de cœur de ce mal, ainsi que l’est Dieu. Il n’y avait pas d’injustice non plus, mais le mal n’existait pas. Mais il me semble qu’il y avait un autre point capital dans sa ressemblance à Dieu ; il était centre d’un immense système, créé tel, système qui dépendait de lui ; les anges ne l’ont jamais été ; il devait avoir les sentiments, la responsabilité, les affections qui découlent, qui sont pour ainsi dire le devoir, d’une telle position. Il y était au commencement seul ; je ne parle pas ici de la domination sur ce que ce système renfermait, ce qui est ajouté à l’idée d’image, mais de ce que la position elle-même renfermait de moral pour l’homme quant à ses sentiments intérieurs. Éloigné de Dieu, il y a un effort continuel de la part de l’homme de se faire centre. Que de misères en découlent ! c’est le désordre du principe de sa position sans Dieu. Il est l’image de Celui qui doit venir (Rom. 5:14)) ; sous ce rapport, Christ occupera cette place. Maintenant, ce sera le résultat de l’accomplissement de tout ce qui était nécessaire pour la gloire de Dieu, lorsque la connaissance du bien et du mal est entrée, et de la justice relative et de la sainteté qui s’y rapportent, et non seulement l’image en tant que le mal était intrinsèquement absent de la nature d’une manière positive. Je ne saurais dire en quoi d’autre l’homme a été créé à l’image de Dieu. C’était beaucoup de former la nature intrinsèque et la position nécessaire et centrale de Dieu lui-même. Le reste est contraste quand l’imperfection, le départ du bien est entré. L’homme ne devait pas être créé à cela, ce n’aurait pas été simplement bon. On peut ajouter peut-être l’idée de bonté positive envers tout ce avec quoi il était en relation comme centre et supérieur, mais ce que je dis renferme cette pensée : un ange, tout en étant bon comme serviteur quand il devait rendre service, n’était pas bon dans ce sens : il n’était pas placé comme centre et supérieur de ce qui l’entourait, à l’égard de quoi il devait se montrer bon. Vous trouverez mes explications, je le crois, un peu vagues, mais que voulez-vous ; n’ayant rien de meilleur dans mon esprit, je vous le donne tel quel. Heureux sommes-nous d’avoir tout ce qui regarde ce que Dieu est pour nous, et notre nouvel état clairement révélé et défini.

Votre tout affectionné frère.


n° 457

La connaissance du salut ne délivre pas de ce présent siècle. Le plus grand nombre des chrétiens est malheureusement mêlé avec le monde, comme Israël à Babylone, où nous ne voyons dans une sainte séparation, que Daniel, et les trois jeunes hommes avec lui, l’un dans la fosse aux lions, les autres dans la fournaise.

Cette séparation me paraît au point de vue pratique, toujours plus difficile. Le monde est si réel dans son influence sur nous, — et si séducteur ; nous nous en apercevons à peine, et nous nous trouvons enveloppés, pour ainsi dire, sans que nous nous en doutions. Je comprends pourquoi, dans les siècles passés, des coeurs troublés cherchaient leur refuge dans des monastères et des cloîtres ; effrayés dans leur faiblesse des difficultés qu’ils rencontraient autour d’eux. Mais Christ est un Rocher dans une terre faite pour nous accabler, et il est une ombre et un abri pour ceux qui apprennent le secret des degrés qui nous font monter dans ce refuge.

Je trouve souvent en moi le désir d’être délivré de toute cette scène, d’en être absent, — avec le Seigneur, — mais ce n’est pas là un bon sentiment : il faut attendre, et travailler, et rendre témoignage jusqu’à ce que Jésus vienne.

ME 1921 p.192

n° 461

… Il y a un point qui mérite une très sérieuse attention ; le voici : Si nous péchons et que nous jugions le péché au moment où il a été commis, notre chute, sans doute, est un empêchement pour l’âme ; elle nuit à notre progrès et à notre service ; mais la chose n’est pas accumulée sur la conscience, en sorte que Satan puisse s’en servir, car elle a été vidée devant Dieu. Dans le cas contraire, on l’oublie peut-être ; mais plus tard la chose n’étant pas vidée devant Dieu, cette accumulation devient une arme formidable entre les mains de l’adversaire et nous ne pouvons pas sentir que Dieu est pour nous dans l’affaire, parce qu’elle n’a pas été vidée devant Lui. Un homme souillé par un mort ne pouvait s’approcher du tabernacle jusqu’à ce que l’eau de séparation eût été versée sur lui. Ce n’est pas qu’il ne fût pas Israélite, au contraire, c’est parce qu’il l’était. Il ne s’agit pas de justification, ni de conversion, bien qu’on ne puisse pas s’approcher de Dieu et que dans l’âme la chose prenne presque nécessairement, peut-on dire, ce caractère, — mais il s’agit du gouvernement de Dieu à l’égard des siens. Or, dans ce cas, tant que tout n’a pas été vidé, il est impossible qu’on aie la paix. Un autre aura péché tout autant, mais se sera jugé sur-le-champ, et ne sera pas dans le même cas ; mais Dieu est toujours fidèle, et toujours amour, quoique nous soyons infidèles.

ME 1922 p. 324