COURT EXPOSÉ de l’ÉPÎTRE DE JACQUES

par J.N.Darby


Tables des matières :

1 - INTRODUCTION

2 - CHAPITRE 1.

3 - CHAPITRE 2.

4 - CHAPITRE 3.

5 - CHAPITRE 4.

6 - CHAPITRE 5.


ME 1881, p. 3-228 = CW 28:108-151


1 - INTRODUCTION

L’épître de Jacques n’est pas une de celles où les doctrines de la grâce sont développées, bien que la grâce souveraine y soit clairement reconnue (Chap. 1:18). Ces doctrines nous y sont présentées sous la forme de l’œuvre de Dieu en nous, non sous celle de la rédemption par le précieux sang de Christ, ce qui est son œuvre pour nous. C’est une épître pratique, la sainte ceinture de nos reins, donnée afin que la vie pratique extérieure réponde à la vie intérieure du chrétien, et que la volonté de Dieu soit pour nous une loi de liberté. Dans cette épître il n’est pas parlé de la rédemption, ni de la foi comme moyen de participer au fruit de cette rédemption accomplie. Mais comme plusieurs avaient déjà fait profession du nom de Christ, l’écrivain veut que la réalité de cette profession soit démontrée par les œuvres, seul témoignage pour les autres que la vraie foi agit dans le cœur, car la foi est opérante par l’amour (Galates 5:6), dans la nouvelle création (Galates 6:15).

Jacques montre le vrai caractère de cette nouvelle création et la manière dont elle se manifeste dans la vie pratique, de telle sorte que les autres puissent la voir.

Jacques resta à Jérusalem pour paître le troupeau qui s’y trouvait, plus spécialement la partie juive de l’Église. Nous le rencontrons plus d’une fois dans l’histoire de l’évangile, et toujours comme gouvernant le troupeau juif, avant qu’il ne devînt distinct de la nation juive. Dans l’épître aux Hébreux, l’Esprit de Dieu les exhorte à sortir hors du camp, c’est-à-dire à se séparer des Juifs incrédules (Héb. 13). Jusqu’à ce moment, ils étaient restés ensemble, et des chrétiens offraient des sacrifices selon la loi ; même une grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi (Actes 6:7), chose incroyable pour nous, mais clairement constatée dans la Parole. De plus ils étaient encore tous zélés pour la loi (Actes 21:20).

Traçons l’histoire de Jacques comme la rapporte le livre des Actes, mais auparavant rappelons qu’il est spécialement mentionné comme ayant été vu de Paul qui, à cette époque, n’avait pas vu les autres apôtres, à l’exception de Pierre. Nous trouvons ensuite Jacques (Actes 15), présidant, si l’on peut dire ainsi, l’assemblée des apôtres et des anciens, pour décider si les gentils devaient ou non être soumis à la loi de Moïse. Son avis est décisif, bien que Pierre et Paul, ainsi que les autres apôtres, fussent présents, excepté Jacques, frère de Jean, qu’Hérode avait fait mourir.

Les ordonnances établies par les apôtres et les anciens étaient un témoignage qui venait de l’église juive. Dieu n’avait pas permis à Paul et Barnabas de décider la question à Antioche. Leur décision n’aurait pas mis fin à la controverse et aurait formé deux assemblées. Mais du moment que les chrétiens d’entre les Juifs et l’assemblée à Jérusalem laissaient les gentils libres, personne ne pouvait s’opposer à ce qu’ils fussent affranchis de la loi. Ce n’était pas un point résolu par les apôtres en vertu de leur autorité apostolique, bien que cette autorité ait confirmé le décret. On discuta beaucoup dans l’assemblée, puis la décision est envoyée au nom des apôtres, des anciens et de toute l’assemblée. Le judaïsme a laissé les gentils libres du joug juif.

Ici nous trouvons de nouveau Jacques. Il termine la discussion en disant : « C’est pourquoi moi, je suis d’avis de ne pas inquiéter ceux des nations qui se tournent vers Dieu ». Il n’est pas certain qu’il fût apôtre. Probablement il ne l’était pas. Il était à la tête de l’église juive à Jérusalem. C’est pour cette raison que Pierre, rendu à la liberté par l’ange du Seigneur, dit à ceux qui s’étaient réunis afin de prier pour lui : « Rapportez ces choses à Jacques et aux frères » (Actes 12:17). A Antioche aussi, « avant que quelques-uns fussent venus d’auprès de Jacques, Pierre mangeait avec ceux des nations, mais quand ceux-ci furent venus, il se retira et se sépara lui-même » (Gal. 2:12). Nous voyons combien Jacques, dans l’esprit des chrétiens et même de Pierre, bien qu’apôtre, est lié aux sentiments juifs qui subsistaient encore dans les cœurs des chrétiens d’entre les Juifs, surtout à Jérusalem.

Et encore, quand Paul monta pour la dernière fois à Jérusalem, « il entra, » est-il dit, « avec nous chez Jacques et tous les anciens y vinrent » (Actes 21:18). Jacques était évidemment à la tête de l’assemblée à Jérusalem, et présentait dans sa personne l’expression de la force de ce principe du judaïsme qui régnait encore dans l’église à Jérusalem, Dieu le supportant dans sa patience. Ils croyaient en Jésus, ils rompaient le pain à la maison, mais ils étaient zélés pour la loi. Ils offraient des sacrifices dans le temple et persuadèrent même Paul de le faire aussi (Actes 21). Sous aucun rapport, ils n’étaient séparés de la nation. Tout cela est défendu dans l’épître aux Hébreux, mais se pratiqua jusqu’aux derniers jours du judaïsme.

Ce principe se retrouve dans l’épître de Jacques, qui montre fidèlement l’état des chrétiens d’entre les Juifs, Jacques lui-même le représentant et le personnifiant. Aussi longtemps que Dieu supportait le système juif, l’Esprit de Dieu pouvait y agir. L’histoire profane nous apprend que Jacques fut tué par les Juifs, parmi lesquels il portait le nom de Juste. Josèphe, l’historien juif, dit que c’est pour ce crime que Jérusalem fut détruite. Après la ruine de Jérusalem, le système disparut. Nous pouvons bien croire que les vrais chrétiens agirent selon le témoignage donné dans l’épître aux Hébreux ; cependant il resta une, peut-être deux petites sectes hérétiques qui tenaient formellement au judaïsme, mais qui disparurent bientôt. C’étaient celles des Nazaréens et des Ébionites. Mais nous n’avons pas à nous occuper de ces choses.

La position de Jacques et l’état de l’assemblée à Jérusalem, c’est-à-dire celui des chrétiens unis extérieurement aux Juifs incrédules, bien qu’ils rompissent le pain et rendissent culte à part, rendent plus facile l’intelligence de cette épître. Il n’est pas question de son inspiration divine, mais de son caractère. Dieu, dans sa bonté, nous a donné toutes les formes que le christianisme a revêtues, et entre autres cette première forme juive, alors que les chrétiens ne s’étaient pas encore séparés de la nation.

Nous ne trouverons donc pas ici les mystères des conseils de Dieu, comme dans les épîtres de Paul ; ni la rédemption, telle qu’elle est exposée dans ses écrits et ceux de Pierre ; ni la vie divine du Fils de Dieu, en lui et ensuite en nous, ainsi que nous la trouvons décrite dans les écrits de Jean. Le sujet de l’épître de Jacques est la vie pratique des pauvres du troupeau, qui fréquentaient encore la synagogue, et des déclarations contre les riches incrédules qui opprimaient les pauvres et blasphémaient le nom du Seigneur.


2 - CHAPITRE 1

L’épître est adressée aux douze tribus. La nation est envisagée comme n’étant pas encore finalement rejetée de Dieu.

Jacques écrit à ceux qui sont dans la dispersion, c’est-à-dire aux Israélites dispersés partout au milieu des gentils. La foi reconnaissait la nation tout entière, comme le faisaient Élie et Paul (1 Rois 18:31; Actes 26:7), jusqu’à ce que le jugement de Dieu fût accompli. Pour comprendre les conseils de Dieu, ses desseins, son assemblée, la gloire de Christ, notre place actuelle en Christ et plus tard avec lui, il faut lire les écrits de Paul.

On voit ici la patience de Dieu envers son ancien peuple, bien que Jacques l’avertisse que le Juge est à la porte. Il distingue avec soin les croyants (chap. 2:1), quoiqu’ils ne soient pas encore séparés du peuple. Dans cette épître il n’est pas question de leurs privilèges ; ils ne pouvaient pas en jouir, associés aux Juifs incrédules, mais Jacques pouvait leur signaler, bien qu’au milieu de ceux-là, la différence de la vie chrétienne ; et c’est de cela qu’il parle.

Jacques ne se dit pas apôtre ; cependant il était d’une manière pratique, non comme ancien établi, mais par son influence personnelle, à la tête des chrétiens qui ne s’étaient pas séparés du judaïsme. Il pense toujours aux chrétiens et au sentier qu’ils avaient à suivre au milieu de la nation. Pierre, qui écrivait à une partie des Juifs dispersés, ne parle pas de la nation, mais il nomme les croyants la nation, et s’adresse à eux comme séjournant au milieu des gentils (1 Pierre 2:10-12), tandis que Jacques décrit la marche chrétienne en termes qui dépassent rarement ce qui aurait dû se trouver chez un homme de foi sous l’ancienne alliance.

On voit qu’il pense à des chrétiens, mais à des chrétiens qui sont au plus bas degré de l’échelle qui atteint jusqu’au ciel. Toutefois, puisque de fait nous sommes sur la terre, cette épître est très utile pour indiquer le chemin et l’esprit qui nous conviennent, quelque grands que soient nos privilèges célestes. Bien que la lumière de nos cœurs soit en haut, une lampe pour nos pieds n’est pas à dédaigner, et est d’autant plus précieuse que nous sommes au milieu de chrétiens de profession, de gens qui se disent croyants. L’épître de Jacques met à l’épreuve la réalité de cette profession.

Quelle que pût être la relation des croyants avec le peuple, l’écrivain de notre épître suppose la foi dans ceux auxquels il s’adresse. C’est une foi qui peut-être aurait pu se trouver pratiquement chez un Juif avant qu’il crût en Jésus, mais, en y ajoutant cela, c’est une vraie foi produite dans le cœur par la parole de Dieu. C’est ainsi que Paul lui-même, descendant de la hauteur des révélations que Dieu lui avait accordées, reconnaît la foi de Loïs et d’Eunice, et compare la foi de Timothée à celle de ces femmes.

Examinons maintenant l’épître elle-même. Dès le commencement, nous voyons que les « tentations, » la discipline de Dieu en faveur des croyants, sont l’épreuve de la foi (Chap. 1:2-12).

Quant à leur position, ils étaient associés avec le peuple ; l’état de choses que l’écrivain a devant sa pensée, c’est une profession de croire au Seigneur Jésus-Christ et de le connaître. Nous verrons qu’il s’adresse à d’autres personnes avec lesquelles ils se trouvaient liés, et il prémunit les croyants contre l’esprit dans lequel ceux-là marchaient.

Les Juifs chrétiens étaient éprouvés et persécutés. C’est ce dont Pierre parle aussi dans son épître en les encourageant à souffrir avec patience. Jacques les exhorte, ainsi que Paul l’avait fait en Romains 5, et pour la même raison, à estimer la persécution comme une parfaite joie. L’épreuve de la foi produit la patience ; la volonté de l’homme est brisée ; il doit attendre que Dieu agisse ; il sent qu’il dépend de Dieu et qu’il vit sur une scène où Dieu seul peut amener le résultat désiré, en surmontant et arrêtant la puissance de Satan. Souvent, en nous occupant du bien, nous voudrions voir l’œuvre marcher plus vite, les difficultés disparaître, et nous aimerions être délivrés de la persécution ; mais la volonté de Dieu — non la nôtre — est bonne et sage ; les œuvres qui se font sur la terre, il les fait lui-même ; la patience est le fruit parfait de l’obéissance.

Voyez ce qui est dit en Col. 1:11. « Étant fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire » — quelles œuvres magnifiques ne devrait pas produire une telle force ! — « mais c’est pour toute patience et constance, avec joie ». Toute force, selon la puissance de sa gloire, est nécessaire pour nous rendre capables de tout supporter sans murmures et même avec joie, puisque tout vient de la main de Dieu. C’est sa volonté, et non la nôtre, qui soutient le cœur. Quand Paul donne les signes qui caractérisent un apôtre, le premier est « toute patience ». Paul nous donne aussi la clef de cette apparente contradiction : « Nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu ; et non seulement cela, mais aussi nous nous glorifions dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, et la patience l’expérience, et l’expérience l’espérance ; et l’espérance ne rend point honteux, parce que l’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rom. 5:3-5).

Quand l’amour de Dieu est connu, et que la volonté est brisée, il y a confiance en Dieu. Nous savons que tout vient de lui, et qu’il fait tout concourir à notre plus grande bénédiction. Ainsi l’épreuve de notre foi produit la patience. Mais la patience doit avoir son œuvre parfaite, autrement la volonté reprend vie, ainsi que la confiance en soi-même au lieu de la confiance en Dieu. On agit sans Dieu et en dehors de sa volonté, on ne s’attend pas à Lui, ou en tout cas l’impatience et la chair se montrent en nous. Job, pendant longtemps, resta soumis, mais la patience n’eut pas son œuvre parfaite. Saül attendit longtemps Samuel, mais il ne sut pas attendre tranquillement jusqu’à ce que Samuel fût venu, et il perdit le royaume. Il ne s’attendit pas au Seigneur, dans la conscience qu’il ne pouvait rien faire de sa propre volonté et en dehors de Dieu : la patience n’eut pas son œuvre parfaite.

Or l’affliction, par laquelle Dieu agit pour nous extérieurement et aussi intérieurement, met la patience à l’épreuve ; et quand cette œuvre est accomplie et que nous sommes entièrement soumis à Dieu, ne désirant rien en dehors de sa volonté, nous sommes parfaits et accomplis, ne manquant de rien. Ce n’est pas que nous n’ayons rien à apprendre relativement à la connaissance de sa volonté : le v. 5 nous dit le contraire ; mais l’état de l’âme est parfait quant à la volonté, quant à nos relations avec Dieu, et il peut nous révéler sa volonté, seule chose que nous désirions (1 Pierre 1:6, 7).

La patience a eu son œuvre parfaite dans le Seigneur Jésus. Il sentait profondément l’affliction à travers laquelle il passait dans ce monde ; il la sentait plus que nous ne le faisons.

Il pouvait pleurer sur Jérusalem, et en voyant la puissance de la mort sur les cœurs des hommes. Voir son amour refusé était pour lui une source perpétuelle de douleur. Il faisait des reproches aux cités dans lesquelles la plupart de ses actes de puissance avaient été accomplis, mais il est parfait dans sa patience, et en cette heure il dit : « Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants » (Matt. 11). Il rendait grâces au moment même où il venait de faire des reproches. Nous voyons la même chose en Jean 12. Dans les deux cas, son âme étant parfaitement soumise à la volonté de son Père, s’épanouit avec joie à la vue de toute cette volonté, ce qui est le résultat de la soumission.

Christ ne pouvait jamais manquer de sagesse divine, mais pour nous, il est bien possible que nous en manquions, même quand notre volonté est soumise, et que nous désirons vraiment faire la volonté de Dieu. C’est pourquoi nous avons ensuite la promesse : « Si quelqu’un de vous manque de sagesse, qu’il demande à Dieu, qui donne à tous libéralement et qui ne fait pas de reproches ». L’absence de volonté, l’obéissance, et un esprit de dépendance confiante qui s’attend à Dieu, voilà ce qui caractérise la nouvelle vie. Nous passons dans ce monde à travers la tribulation, mais cette vie se développe elle-même dans ces qualités. Il est nécessaire que cette confiance soit en exercice, autrement nous ne pouvons rien recevoir. Se défier de Dieu, n’est pas l’honorer. Un tel homme est double de cœur, semblable au flot de la mer, agité par le vent. Il n’est pas stable, parce que son cœur n’est pas en communion avec Dieu ; il ne vit pas de manière à le connaître ; naturellement il est inconstant. Si un croyant se tient en la présence de Dieu, près de lui, il le connaît et comprendra sa volonté. Il n’aura pas de volonté propre, et ne désirera pas en avoir, non seulement par obéissance, mais parce qu’il a plus de confiance dans les pensées de Dieu à son égard que dans sa propre volonté.

La foi en la bonté de Dieu donne du courage pour chercher et faire sa volonté. Nous avons en Christ lui-même un parfait et bel exemple de ces principes de la vie divine. Tenté par Satan, il n’a pas de volonté propre ; il n’y en a en lui aucun mouvement ; mais il déclare que l’homme vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. C’est l’obéissance parfaite et absolue. La volonté de Dieu n’est pas seulement la règle, mais le seul motif d’action. Quand le tentateur le sollicite à se jeter en bas du temple, pour voir si Dieu sera fidèle à ses promesses, Jésus ne veut en aucune manière être tenté ; il ne peut mettre en question la fidélité de Dieu, il en est certain. Il attend tranquillement la puissance de Dieu, quand l’occasion se présentera de la manifester dans le sentier de sa volonté.

Cette foi et cette confiance sont bien un signe que l’âme est près de Dieu, vivant dans son intimité et dans sa communion. Un tel homme aura l’assurance que Dieu l’écoute. C’est là ce qui forme l’âme dans les difficultés et les épreuves de cette vie présente, de sorte que l’on peut dire : « Bienheureux est l’homme qui endure la tentation ».

Les v. 9 à 11 forment une parenthèse. L’homme nouveau appartient à la nouvelle création ; il en est les prémices, mais néanmoins il se trouve ici-bas dans un monde dont la gloire passe comme la fleur de l’herbe. Ainsi le frère de basse condition est élevé pour avoir communion avec Christ et pour partager sa gloire. Quelque humble que soit sa condition, il devient, même dans ce monde, le compagnon de tous les frères. « Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres quant au monde, riches en foi, et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment ? » Le riche les reconnaît comme frères, et ils se rencontrent à la table du Seigneur comme possesseurs des mêmes privilèges. D’un autre côté, l’homme riche, s’il est fidèle, ne peut pas marcher dans la grandeur mondaine, dans l’orgueil et la vanité d’un monde qui a rejeté le Seigneur. Il se fait lui-même — Dieu l’a fait — le frère du pauvre qui aime le Seigneur. Ils jouissent ensemble de la communion de l’Esprit et partagent ensemble les choses les plus précieuses et les plus intimes de la vie. Ils se réjouissent ensemble ; le pauvre dans son élévation — Christ n’a pas honte de l’appeler frère — et l’homme riche se glorifie dans ce titre, plus que dans tous ceux qui lui appartiennent dans ce monde. Ce titre est méprisé et compté pour rien dans le monde. Mais le riche sait que la gloire de ce monde passe comme la fleur de l’herbe, et il se réjouit d’être le compagnon de ceux que le Seigneur de gloire reconnaît comme siens. Le monde passera, et l’esprit du monde est maintenant déjà passé pour le cœur du chrétien spirituel. Celui qui prend la dernière place, sera grand dans le royaume de Dieu.

Tout cela est bien éloigné de l’esprit d’envie et de jalousie, qui voudrait tirer en bas tout ce qui est au-dessus de nous. Ce n’est pas de l’égoïsme ; c’est l’Esprit d’amour qui descend pour marcher avec les humbles, qui ne sont pas petits aux yeux de Dieu. Comme Christ, qui avait certainement le droit de régner et d’être le premier, mais qui est descendu pour être avec nous, et s’est fait serviteur au milieu de ses disciples. Pour nous, la gloire de ce monde n’est que vanité et mensonge. L’amour aime à servir ; l’égoïsme à être servi.

L’apôtre revient au caractère du nouvel homme pour lequel la vie ici-bas est une épreuve. Il est bienheureux lorsqu’il passe à travers les tentations et qu’il les supporte avec patience. C’est l’état normal du chrétien (1 Pierre 4:12). Le désert est son sentier ; la patience ici-bas, la gloire plus tard, tel est son appel. Éprouvé ici, par grâce il demeure fidèle et inébranlable dans la tentation et l’épreuve, ensuite il héritera la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui l’aiment. La vie sans épreuves n’est pas une vie, mais celui qui est éprouvé est bienheureux. La vie n’est pas ici-bas, quoiqu’en fait elle traverse le désert. Nous sommes en chemin, et non dans le repos ; ce n’est pas encore la vie dans le repos et la gloire de Christ.

Afin que cette vie se développe, il faut que les affections soient fixées sur la couronne et les bénédictions promises. Quand nous avons la vie de Christ, nous avons besoin d’être exercés, afin que le cœur se détache de toutes les choses qui nous entourent et qui sollicitent constamment l’attention de la chair, et afin que la volonté ne cède point. En résistant aux séductions de la vanité, le cœur se tient habituellement par la grâce dans le chemin de la sainteté et dans la jouissance des choses célestes en communion avec Dieu. Or les épreuves, supportées avec patience, aident grandement à cette fin. Avoir un cœur sevré de la vanité est un immense gain pour l’âme. Si le cœur trouve le monde sec et aride, il se tournera plus facilement vers la source des eaux vives.

Mais le mot « tentation » a un autre sens. Quoiqu’il désigne souvent l’épreuve provenant des circonstances extérieures, il est aussi employé pour une autre sorte d’épreuve, celle qui vient du dedans, la tentation par la convoitise, ce qui est entièrement différent. Dieu peut nous éprouver extérieurement pour nous bénir, et il le fait. Il éprouva Abraham, mais il ne peut en aucune manière tenter à la convoitise. Lorsqu’il est question de péché, et non de mettre à l’épreuve l’obéissance et la patience, il s’agit de l’état de l’âme, pour la corriger et la faire avancer. Mais quant à réveiller la convoitise, on ne peut pas dire que Dieu tente : « Dieu ne peut être tenté par le mal, et lui ne tente personne. Mais chacun est tenté, étant attiré et amorcé par sa propre convoitise ».

Christ lui-même a été éprouvé par Dieu durant toute sa vie, mais il n’est sorti qu’une suave odeur. Toujours parfait en obéissance, étant venu pour faire la volonté de son Père, il a cependant appris l’obéissance dans ce monde de péché et d’inimitié contre Dieu. Satan aurait voulu éveiller en Lui la propre volonté, mais ce fut en vain. Il avait en effet été conduit par l’Esprit pour être tenté par le diable, mais c’était afin de le vaincre pour nous qui, à cause du péché, sommes assujettis à sa puissance.

Il ne se trouvait aucune convoitise en lui, mais il pouvait avoir faim, et en effet il eut faim. Il avait été déclaré Fils de Dieu par la voix du Père, et Satan aurait voulu qu’il quittât la place de serviteur qu’il avait prise en devenant un homme, et qu’il fit sa propre volonté ; c’est pourquoi il lui suggère de changer les pierres en pain. Ici nous avons une tentation qui part de l’ennemi ; mais le Seigneur demeure dans sa perfection : il voulait vivre des paroles qui sortent de la bouche de Dieu. Dieu le mettait à l’épreuve par la souffrance, mais aucune convoitise ne se trouvait en lui, et quand Satan veut se servir de la faim, — qui est un besoin de l’homme en dehors du péché, et qui était en Christ homme, — Christ reste dans une parfaite obéissance. Il n’avait pour agir d’autre motif que la volonté de son Père.

Chez nous, il y a des tentations qui surgissent de l’homme intérieur, qui proviennent de la convoitise ; c’est tout autre chose que les épreuves qui viennent du dehors, qui sondent l’état du cœur et découvrent la volonté propre, si nous ne sommes pas parfaitement soumis à la volonté de Dieu, ou si, à côté de sa volonté, nous sommes influencés par d’autres motifs.

Or Jacques est toujours pratique. Il ne cherche pas la racine de toute chose dans le cœur, ainsi que le fait Paul ; il prend la convoitise comme la source qui produit le péché effectif. Paul fait voir que la nature pécheresse est la source de la convoitise, — distinction importante qui montre aussi la différence entre les deux écrivains, ou l’objet que le Saint-Esprit a en vue dans l’épître de Jacques, savoir la vie pratique extérieure, comme évidence du caractère de cette vie qui doit son origine à la parole de Dieu opérante par la foi. Jacques nous présente la convoitise — le premier mouvement de la nature pécheresse découvrant son vrai caractère — qui, ayant conçu, enfante le péché ; et le péché, étant consommé, produit la mort. C’est l’historique de l’action de la mauvaise nature. Jacques s’occupe de ses effets ; Paul va à la source, afin que nous puissions nous connaître nous-mêmes (Rom. 7:8).

Ensuite, en opposition avec la convoitise, et pour montrer l’action de Dieu qui n’est pas de tenter, mais au contraire, de produire le bien, Jacques nous dit que « tout ce qui nous est donné de bon et tout don parfait descendent d’en haut, du père des lumières, en qui il n’y a pas de variation ou d’ombre de changement. De sa propre volonté, il nous a engendrés par la parole de la vérité pour que nous soyons une sorte de prémices de ses créatures » (v. 17, 18). Comme je l’ai dit, il reconnaît la grâce comme l’unique et divine source du bien qui est en nous, et c’est comme nés de Dieu, et par la foi, puisque c’est par la parole de vérité. Par elle nous sommes régénérés ; c’est une nouvelle vie qui existe par la volonté de Dieu. Nous appartenons à la nouvelle création, nous en sommes les prémices. Bénédiction immense ! qui ne dépend pas seulement d’une nouvelle position, bien qu’il en soit ainsi, mais aussi d’une nouvelle nature qui nous rend capables de jouir de Dieu. Jacques ne parle pas de la justice par la grâce, mais d’une nature entièrement nouvelle, qui vient de Dieu.

Ainsi, la propre volonté étant brisée, et la confiance en soi-même détruite, il nous exhorte, comme recevant tout de la grâce, à être prompts à écouter, plutôt qu’à parler, et lents à la colère, qui n’est autre chose que l’impatience du vieil homme, « car la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu ». Celui qui est enseigné de Dieu lui est soumis. Il met de côté toute saleté et tout débordement de malice, et reçoit avec douceur la parole implantée. Passage important ! parce qu’il présente la condition de l’homme de Dieu et ce qui agit sur lui. La volonté de la chair n’opère pas en lui, ni non plus la propre volonté. Il écoute ce que Dieu dit ; il reçoit avec douceur la parole, et se soumet à elle. Alors Dieu implante la parole dans son cœur. Ce n’est pas simplement la connaissance, mais la vérité de Dieu, sa parole, qui peut sauver l’âme. C’est à la fois la semence de la vie divine, et ce qui forme cette vie.

La parole qui sanctifie est implantée ou greffée en lui ; c’est Dieu qui introduit la greffe, le nouvel homme qui produit le fruit désiré. Mais cette vie doit se montrer en pratique. Un homme doit pratiquer la parole et ne pas se contenter de l’écouter ; autrement ce n’est plus la réalité : il est semblable à un homme qui regarde sa face naturelle dans un miroir, puis il s’en va et tout disparaît, tout est oublié. « Mais celui qui aura regardé de près dans la loi parfaite, celle de la liberté, et qui aura persévéré, n’étant pas un auditeur oublieux, mais un faiseur d’œuvre, celui-là sera bienheureux dans son faire ».

Nous trouvons ici une expression importante : « la loi de la liberté ». Si je dis à mon enfant de rester à la maison quand il désire sortir, il pourra obéir, mais ce n’est pas une loi de liberté ; c’est un frein à sa volonté. Mais si, après cela, je lui dis : « Maintenant tu peux aller où tu veux » ; il obéit, c’est alors une loi de liberté, parce que sa volonté et le commandement sont une même chose ; ils vont ensemble.

La volonté de Dieu était pour Jésus une loi de liberté. Il était venu pour faire la volonté de son Père, il ne désirait rien d’autre. Bienheureux état ! C’était la perfection en lui, un exemple béni pour nous. La loi est une loi de liberté, quand la volonté, le cœur de l’homme, coïncide parfaitement dans ses désirs avec la loi qui lui est imposée ; dans notre cas, elle est imposée par Dieu ; c’est la loi écrite dans le cœur. Il en est ainsi avec le nouvel homme, comme avec le cœur de Christ. Il aime l’obéissance, et il aime la volonté de Dieu, parce que c’est sa volonté, et comme ayant une nature qui répond à ce que cette volonté exprime, puisque nous sommes participants de la nature divine. En fait, cette nature aime ce que Dieu veut.

v. 26, 27. Mais il y a une chose qui, plus que toute autre, trahit ce qui se trouve dans le cœur. C’est la langue. Celui qui sait la gouverner est un homme parfait, capable aussi de tenir tout son corps en bride. Être religieux extérieurement est une chose vaine, si la langue n’est pas tenue en bride ; on séduit ainsi son cœur.

La religion vraie se montre par l’amour dans le cœur et par la pureté : on se conserve pur du monde. Elle pense aux autres, à ceux qui sont dans la détresse, qui ont besoin de protection, de l’aide et du soutien de l’amour, comme les veuves et les orphelins. Le cœur vraiment religieux, plein de l’amour de Dieu et mû par lui, pense, comme Dieu le fait, à la douleur, à la faiblesse et au besoin. C’est le vrai caractère chrétien.

Le second trait de la vie chrétienne donné par Jacques, est de « se conserver pur du monde ». Le monde est corrompu et gît dans le péché ; il a rejeté le Sauveur, Dieu venu en grâce. Ce n’est pas seulement que l’homme a été chassé d’Éden, parce qu’il était pécheur ; — cela est vrai et suffirait pour sa condamnation. Mais il y a plus. Dieu a fait beaucoup pour le ramener. Il a donné les promesses à Abraham, il a appelé Israël à être son peuple, il a envoyé les prophètes, et finalement, il a envoyé son Fils unique. Dieu lui-même est venu en grâce, mais l’homme, pour autant qu’il le pouvait, a chassé le Dieu qui venait ainsi dans le monde. C’est pourquoi le Seigneur dit : « Maintenant est le jugement de ce monde ». La dernière chose que Dieu pouvait faire, c’était d’envoyer son Fils, et il l’a fait. « J’ai encore, » dit-il, « un Fils unique, mon bien-aimé ; ils auront du respect pour mon fils. Et l’ayant pris, ils le tuèrent et le jetèrent hors de la vigne ».

Le monde a déjà rejeté le Fils de Dieu, et où trouve-t-il sa joie ? En Dieu et en Christ ? Non ; mais dans les plaisirs de la chair, dans la grandeur, dans les richesses. Il cherche à se rendre heureux sans Dieu, afin de ne pas sentir le besoin qu’il a de Dieu. Il n’aurait pas besoin, s’il était heureux, de chercher le bonheur dans les plaisirs. Dieu a formé l’homme et lui a donné le souffle de la vie pour lui-même, et rien, sinon Dieu, ne peut satisfaire l’homme. Lisez l’histoire de Caïn. Il sortit de la présence de l’Éternel et habita au pays de Nod (*). Alors il bâtit une ville et l’appela Hénoc, du nom de son fils. Ensuite Jabal fut le père de ceux qui ont du bétail (les richesses de ce temps), et le nom de son frère fut Jubal, le père de ceux qui jouent de la harpe et de l’orgue. Et Tsilla enfanta Tubal-Caïn qui fut forgeur de toute sorte d’instruments d’airain et de fer.

(*) « Nod » est le même mot que « vagabond » (Genèse 4:14). Il bâtit une ville, là où Dieu l’a rendu vagabond ; c’est ce que l’homme a fait.

Voilà le monde et sa civilisation tout entière. N’ayant pas Dieu, les hommes font le monde beau et agréable. On dira : « Mais quel mal y a-t-il dans les harpes et les orgues ? » Aucun, assurément. Le mal est dans le cœur de l’homme, qui se sert de ces choses afin d’être heureux sans Dieu, pour l’oublier, fuyant loin de lui, cherchant à se satisfaire dans un monde de péché, et à oublier la misère de la condition où il se trouve par son éloignement de Dieu, en se cachant dans la corruption qui règne ici-bas. L’élégance que l’homme affecte, le fait glisser trop souvent dans cette corruption qu’il cherche à cacher sous la joie.

Mais le nouvel homme, né de Dieu, participant de la nature divine, ne peut trouver son plaisir dans le monde ; il fuit ce qui l’éloignerait de Dieu. Là où la chair trouve son bonheur et son plaisir, la vie spirituelle n’en trouve aucun. Jacques parle de la corruption même ; il ne parle pas comme si une partie du monde était corrompue et l’autre pure. Au contraire, le monde est souillé et corrompu dans ses principes et de toute manière. Celui qui s’y conforme, est corrompu dans sa marche. L’amitié du monde est inimitié contre Dieu. Quiconque veut être ami du monde se constitue ennemi de Dieu. Nous devons nous conserver purs du monde lui-même. Il est vrai que nous avons à le traverser, et en le traversant à être une épître de Christ, sans être souillés par le monde qui nous entoure ; de même que Christ est resté sans souillure au milieu d’un monde qui ne voulait pas le recevoir.

3 - CHAPITRE 2

Dans ce chapitre, les croyants sont clairement distingués des autres ; ils ne doivent pas avoir la foi du Seigneur de gloire en faisant acception de personnes. Mépriser les pauvres était contraire à la loi, qui regardait tous les Israélites comme étant les objets de la faveur de Dieu, et considérait le peuple comme un devant lui, chacun étant un membre de la même famille. C’est aussi entièrement contraire à l’esprit du christianisme, qui demande l’humilité et appelle heureux les pauvres, qui nous donne de chercher la grandeur dans la gloire céleste, en montrant que la croix ici-bas répond à la gloire en haut. La foi a vu le Seigneur de gloire dans l’humiliation, n’ayant pas même un lieu où reposer sa tête.

De plus, les riches, en général, étaient restés les adversaires du christianisme ; ils blasphémaient le beau nom dont les chrétiens étaient appelés ; ils les tiraient devant les tribunaux. Dieu a choisi les pauvres de ce monde, riches en foi et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment. Paul rend aussi le même témoignage : « Il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair ; pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles » (1 Cor. 1:26). Ces choses — les richesses, le rang et la puissance — sont des chaînes qui lient l’âme à ce monde. Il est vrai que la grâce peut briser ces chaînes, mais cela n’arrive pas souvent. « Il est plus aisé qu’un chameau entre par un trou d’aiguille, qu’un riche n’entre dans le royaume de Dieu ». Ces chaînes sont trop fortes, mais pour Dieu toutes choses sont possibles.

Jacques met en contraste la gloire du Seigneur avec la fausse gloire de l’homme dans ce monde ; car la figure de ce monde passe. De même que Pierre, il insiste beaucoup sur ce point. Si, dans l’assemblée, on fait une différence entre le pauvre et le riche, on devient des juges ayant de mauvaises pensées. Béni soit Dieu, nous pouvons vivre ensemble pour le ciel et dans les choses célestes, au moins dans l’Église, où la vraie différence n’est pas selon la vanité de ce monde, mais consiste dans le degré de spiritualité.

Remarquez ici que l’assemblée est appelée la synagogue ; cela montre combien l’esprit de Jacques est rempli des habitudes de penser juives.

Or en ce qu’ils faisaient une différence entre le riche et le pauvre, la loi les convainquait d’être transgresseurs ; cela conduit Jacques à parler de la loi. Il fait mention de trois lois : la loi de la liberté, dont nous avons déjà parlé ; la loi royale ; et la loi dans son sens usuel. La loi royale est : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Celui qui l’accomplit, fait bien. Ensuite Jacques ajoute un principe important, c’est que si l’on a gardé toute la loi, et que l’on vienne à manquer sur un seul point, on est coupable sur tous. La raison en est simple. Quand la convoitise nous a fait agir, nous avons transgressé la loi, et nous avons méprisé l’autorité de Celui qui l’a établie. Il n’est pas supposé qu’un homme a violé tous les commandements en détail, mais Celui qui en a donné un, les a donnés tous, et quand la chair et la volonté ont agi de concert, on a suivi sa propre volonté et méprisé celle de Dieu. Sa volonté a été transgressée.

Le christianisme demande que nous parlions et agissions comme ayant été délivrés de la puissance du péché, pour faire la volonté de Dieu en toutes choses, sa volonté étant la nôtre. Il nous a délivrés de l’esclavage ; nous sommes vraiment libres de marcher sur les traces de Jésus. Précieuse et sainte liberté ! C’est la liberté d’une nature qui trouve son plaisir et sa joie dans la volonté de Dieu et dans l’obéissance. Or le chrétien est toujours libre de faire la volonté de Dieu ; il peut, à la vérité, s’éloigner de Dieu, et par négligence et infidélité, perdre sa force et son zèle ; mais néanmoins, tout ce qu’il dit et fait sera jugé selon cette loi de liberté. Vérité importante ! Il croit dans la connaissance de la volonté de Dieu, et il est libre, sous la grâce, pour pratiquer ce qu’il connaît. La force nécessaire se trouve en Christ.

À cette pensée de jugement, Jacques ajoute la nécessité de marcher selon la grâce. Il sera jugé sans miséricorde, celui qui n’aura pas usé de miséricorde. Le Seigneur avait déjà établi ce principe, que les péchés seraient pardonnés à celui qui pardonne. Si l’esprit de grâce n’est pas dans le cœur, on ne peut pas avoir part à cette grâce que Dieu a manifestée envers l’homme. Selon le gouvernement de Dieu, celui qui, dans les détails de la vie, n’agit pas avec miséricorde, peut éprouver le sévère châtiment de Dieu ; car Dieu trouve son plaisir dans la bonté et l’amour.

Maintenant Jacques va insister sur les œuvres, — partie importante de l’épître, non qu’en elle-même elle soit plus importante que les autres parties, mais elle le devient à cause des divers raisonnements des hommes.

Le principe que l’amour doit se montrer, non par des paroles mais par des faits, introduit la question des œuvres. L’esprit de Jacques est pratique ; il est occupé du mal produit par une profession du christianisme qui n’est pas accompagnée d’une vie en harmonie avec cette profession, et les deux principes, — que l’amour doit être réel, et que la foi devrait se manifester par les œuvres qu’elle produit, — ces deux principes s’entremêlent dans ses observations. Si quelqu’un dit : « Allez en paix, chauffez-vous et vous rassasiez, — et que vous ne leur donniez pas les choses nécessaires pour le corps, quel profit y a-t-il ? » Certainement ce n’est pas la foi chrétienne. La foi est un principe puissant, le résultat de l’opération du Saint-Esprit dans le cœur, un ressort qui fait mouvoir tous les rouages du cœur, un principe qui l’élève au-dessus de l’égoïsme et de tous les vils motifs du monde, en rattachant les affections à Christ. Christ devient notre vrai motif ; vivant en nous, il est la source de laquelle nos actions découlent, de sorte que nous marchons comme il a marché. Nous restons, il est vrai, bien loin derrière lui, mais le principe de notre vie est le même ; c’est lui-même qui vit en nous.

Il est donc évident que la vraie foi opère par l’amour et produit de bonnes œuvres ; il ne peut en être autrement. Mais nous avons encore dans ce passage un autre principe, exprimé par ces paroles : « Montre-moi ». Il est clair que la foi est un principe caché dans le cœur ; on ne peut le voir. Comme la racine qui fait croître la plante et lui fait porter du fruit en tirant la nourriture du sol, ne se voit pas, de même la foi, invisible, tire de Christ la nourriture pour l’âme. Sans racine la plante ne peut produire de fruit, sans la foi non plus les bonnes œuvres ne peuvent être produites. Plusieurs choses extérieurement bonnes pourront être faites, mais elles n’ont aucune valeur. On peut donner beaucoup, agir beaucoup sans amour véritable, sans foi ; mais une vie d’amour dans laquelle on suit Christ et l’on fait sa volonté parce que c’est sa volonté, sans chercher rien d’autre, une telle vie ne peut pas exister sans la foi. Or celui qui prétend posséder la foi, reconnaît qu’elle seule est bonne ou peut produire ce qui est bon.

Jacques dit donc : « Montre-moi ta foi sans œuvres ; » mais cela est impossible. Il est clair que c’est un principe étouffé dans le cœur, une simple profession sans réalité. Nous ne devons cependant pas toujours la supposer unie à de l’hypocrisie, parce que l’éducation, les influences qui nous entourent, et l’évidence externe, peuvent produire en nous, comme habitude d’esprit, la croyance au christianisme et à ses doctrines fondamentales. Mais dans une telle foi il n’y a pas de lien avec Christ, ni une source de vie éternelle. Un homme peut n’être pas ouvertement incrédule ; il honore peut-être le nom de Christ ; mais une telle foi ne produit rien dans le cœur : Christ ne peut pas s’y fier (Voyez Jean 2:23-25).

Dès que la vraie foi, l’effet de la grâce par l’action du Saint-Esprit, est produite dans le cœur, on sent le besoin personnel de Christ, on veut le posséder pour soi-même, entendre sa voix. C’est ce que nous voyons dans le cas de Nicodème. Il va trouver Christ, et, remarquez-le bien, il sent tout de suite que le monde est contre lui, et c’est pourquoi il vient de nuit.

Maintenant, comme la vraie foi ne peut se voir, celui qui prétend la posséder n’a rien à répondre à celui qui dit : « Montre-moi ta foi ». Mais celui qui a les vraies œuvres de l’amour, ne peut les avoir sans la foi qui est le moteur divin de la vie chrétienne dans le cœur, opérant la patience, la pureté, l’amour, et la séparation du monde pendant qu’on le traverse. Nous ne pouvons pas agir sans un ressort qui nous met en mouvement. La foi qui vraiment regarde à Christ et trouve tout en lui, se manifeste dans cette vie qui est la vie de la foi.

Il s’agit de montrer la foi ; mais à qui ? Est-ce à Dieu ? Assurément non. Il est dit : « Montre-moi, » c’est-à-dire à l’homme qui ne peut pas voir le cœur comme Dieu le voit. Le raisonnement tout entier de Jacques, toute sa force et toute sa portée, est dans cette parole : « Montre-moi ». Il ne nous parle pas de la paix de la conscience, ou d’être justifiés par la foi, parce que le Seigneur, le bien-aimé et précieux Sauveur, a porté nos péchés et a été livré pour nos offenses. La foi saisit l’efficace de l’œuvre de Christ, elle sait que Dieu l’a reçue et acceptée comme une satisfaction parfaite pour les péchés des croyants ; que c’est une œuvre qui ne perdra jamais sa valeur aux yeux de Dieu, là où Christ est entré, non sans du sang, savoir le sien propre, là où il parait toujours pour nous en la présence de Dieu, où il est assis à sa droite, parce que toute l’œuvre concernant nos péchés a été achevée sur la croix, selon la gloire de Dieu.

Ici, au contraire, Jacques parle d’une foi vaine et vide, de la profession du nom de Christ, du fait de s’appeler chrétien, sans que Christ soit dans le cœur. La vraie foi se montre par des œuvres qui en sont le fruit. Le fruit montre que l’arbre vit, qu’il y a la racine qui tire la nourriture de Christ. La justification de la profession se fait devant les hommes, auxquels sa réalité doit être montrée par le moyen des fruits qui sont produits. Quand on examine de près les exemples qui sont donnés ici, on voit clairement qu’il s’agit des preuves de la foi, et non de bonnes œuvres dans le sens ordinaire du mot. Ici, la foi est démontrée par les actes des mêmes personnes que l’apôtre Paul prend pour exemples. C’est Abraham prêt à sacrifier son fils unique et bien-aimé quand Dieu le lui demande ; c’est Rahab, qui cacha les espions et les renvoya en paix, en témoignage de sa foi. Il n’y a rien de plus fort que ces exemples. Non seulement Isaac était un fils unique, mais toutes les promesses de Dieu reposaient sur lui, de sorte que l’obéissance d’Abraham demandait une confiance absolue en Dieu (Voyez Héb. 11:17-19). Humainement, ce n’est rien de bon que de tuer son fils. De même l’acte de Rahab, au point de vue naturel, était celui d’un traître à sa patrie. Mais elle se rangeait du côté du peuple de Dieu et s’unissait à lui, quand les ennemis de Dieu étaient dans la plénitude de leur puissance, et quand son peuple n’avait pas encore remporté une seule victoire, ni même passé le Jourdain.

Telle est la foi qui se confie en Dieu, à quel prix que ce soit, et se joint à son peuple quand tout est contre lui. La foi d’Abraham était simplement la foi en Dieu et en sa parole ; mais elle se manifesta d’une manière absolue et sans hésitation, lorsqu’il offrit son fils bien-aimé, sur lequel reposaient toutes les promesses. La foi de Rabab était aussi une foi simple en Dieu ; mais elle se montra quand Rahab se rattacha à la cause de Dieu, alors que toute la puissance était en apparence de l’autre côté ; car Dieu ne se rend pas lui-même visible. En fait, se dire croyant et ne rien produire, ce n’est pas en réalité de la foi. La foi réalise son objet, et cet objet, comme motif dans le cœur, produit son effet.

Celui qui reçoit la parole, est régénéré par une semence incorruptible ; il est participant de la nature divine, et l’obéissance, la pureté et l’amour sont produits. Il est vrai que nous avons encore à vaincre les tentations et les difficultés ; nous ne sommes pas ce que nous voudrions être, ni même ce que nous pourrions être, mais, plus ou moins, la vie produit ses fruits. Oui, quoique le cœur, par négligence, puisse être quelquefois infidèle dans le sentier, la foi, néanmoins, produit toujours son propre fruit. Le chrétien sait bien que la foi qui ne produit rien, n’est pas une vraie foi. La foi réalise la présence et l’amour de Dieu connu dans la nouvelle nature ; elle jouit des deux, et reflète, bien que faiblement, le caractère de Celui en qui elle prend intérieurement ses délices. Nous sommes fils de Dieu par la foi dans le Christ Jésus.

Tout ce qui ne trouve pas son motif dans les instincts purement animaux de notre nature, se fait par la foi, une foi humaine, il est vrai, et non celle qui provient de la vie divine intérieure. Pourquoi le laboureur répand-il la semence ? Parce qu’il croit qu’elle produira une moisson. Il en est de même de tout, sauf le manger et le boire. Pour avoir la foi divine, il faut que les choses de Dieu soient révélées à l’âme, or c’est l’œuvre de l’Esprit de Dieu. La foi en Dieu est ce qui est agréable à Dieu ; mais cette foi, en nous qui sommes vivifiés de Dieu par sa parole, produit les fruits de la vie divine.

Par le moyen de cette foi, nous avons communion avec Dieu, avec le Père et avec son Fils Jésus Christ, notre Seigneur, et il n’a pas honte de nous appeler ses amis (Jean 15:15), comme Abraham fut appelé l’ami de Dieu. Dans les affaires avec le monde, on dit le plus courtoisement possible ce qui est nécessaire pour la chose que l’on traite ; cela fait, tout est terminé. À un ami, nous découvrons nos pensées, nous parlons des choses qui ne se rapportent pas aux affaires, de tout ce que nous avons dans le cœur. Dieu ne parlait pas à Abraham des promesses qui lui avaient été faites, mais il lui dévoilait toutes ses intentions relativement au jugement de Sodome et Gomorrhe. « Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent ». Il est beau de voir l’intimité de la communion avec Dieu, quand on marche fidèlement devant lui (Voyez Gen. 18:17-20).

Le croyant qui vivait à Sodome fut sauvé en faisant la perte de toutes choses ; puis il vécut dans l’inquiétude et le trouble, craignant la montagne où se trouvait Abraham (parce que la position de la foi est toujours terrible pour l’incrédulité), craignant Tsoar après qu’il eut vu la ruine épouvantable des autres villes, et, finalement, fuyant dans la montagne qu’il avait d’abord redoutée, et vivant là dans la misère et la honte.

Nous voyons en Abraham un croyant qui vit par la foi ; en Lot, un croyant qui a pris pour sa demeure le monde et sa beauté extérieure. Il passe par le jugement bien qu’il soit sauvé, tandis qu’après le départ de Lot, Dieu dit à Abraham de lever les yeux et de regarder tout le pays de la promesse, pour en réaliser l’étendue et savoir que tout était à lui.

La foi donne la communion avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ, la participation et la réalisation de tout ce qui nous appartient. Il n’y a pas à s’étonner si cette foi produit du fruit selon Dieu.

Que Dieu nous accorde de vivre si près de lui, que les choses invisibles puissent agir sur nos cœurs, et que nous poursuivions la course dans la patience et avec joie jusqu’à ce que le Seigneur vienne, qui nous introduira là où la foi n’est plus nécessaire, mais où nous serons dans la pleine jouissance de ce que la foi aura cru quand les choses elles-mêmes n’étaient pas vues.

4 - CHAPITRE 3

Jacques veut que l’on soit humble dans les paroles et qu’il n’y ait pas beaucoup de docteurs. Lorsqu’on ne se connaît pas soi-même, il est beaucoup plus aisé d’enseigner les autres que de se gouverner soi-même. Or la langue est l’indice le plus immédiat de ce qu’il y a dans le cœur. Nous manquons tous en plusieurs choses, et si nous prétendons enseigner les autres, nos fautes sont d’autant plus graves et méritent davantage la condamnation. L’humilité dans le cœur rend un homme lent à parler ; il attend plutôt d’être enseigné et d’entendre les autres exprimer leurs pensées : il est plus disposé à apprendre qu’à instruire.

Jacques commence, par cette exhortation, une dissertation importante sur les dangers de la langue. Personne ne peut la dompter, elle est en fait, comme je l’ai dit, l’indice le plus immédiat du cœur. « De l’abondance du cœur la bouche parle ». Plus d’une personne fait plus de mal par de méchants discours qu’elle ne ferait avec la main. En outre, on prononce souvent des paroles légères et inutiles.

Jacques veut toujours que la volonté soit bridée, que l’on n’ait pas de confiance en soi-même, et que la légèreté de la chair soit tenue en échec par la crainte de Dieu. Et premièrement, il ne veut pas que le chrétien se mette légèrement en avant pour enseigner, ni qu’il y ait beaucoup de docteurs, sachant qu’ils en recevront une condamnation plus sévère. L’amour pousse à édifier les frères, et l’Esprit conduit les humbles dans l’exercice de leurs dons. Mais il se peut qu’un chrétien aime à se faire entendre, qu’il ne soit pas humble, qu’il parle parce qu’il a confiance en lui-même. Or cela n’est pas de l’amour fraternel, mais plutôt l’amour de soi-même.

De plus, nous manquons tous en plusieurs choses, et si nous enseignons les autres, ou au moins si nous avons la prétention de le faire, il est clair que nous sommes plus responsables et que nos fautes deviennent plus sérieuses. Comment enseigner d’autres, si nous ne savons pas marcher fidèlement nous-mêmes ? Cela n’est pas la crainte de Dieu. Si nous n’avons pas une bonne conscience devant Dieu, il n’est pas possible que nous annoncions sa grâce et sa vérité dans sa puissance, car nous ne sommes pas en sa présence, et il n’est pas avec nous. Le premier effet de sa présence serait de réveiller la conscience. Celui qui enseigne doit se maintenir dans une vraie et profonde humilité, et veiller à ne pas broncher dans son sentier.

Cet esprit d’humilité n’est pas un manque de confiance en Dieu ; au contraire, il s’unit étroitement avec elle. Celui qui est humble ne dira pas au Seigneur : « Je savais que tu es un homme dur ; » mais il n’a pas de confiance en lui-même, il parle seulement quand c’est la volonté de Dieu, et alors il parle dans la puissance de son Esprit. Il est lent à parler, il s’attend à Dieu, afin de pouvoir le faire avec Lui.

Plusieurs autres vérités importantes se rattachent à ces paroles. Et d’abord, nous manquons tous en plusieurs choses. Celui qui se dit parfait se trompe lui-même. Cela ne veut pas dire nécessairement que nous ne commettions aucune faute scandaleuse, mais que nous faisons et disons ce qui est mal aux yeux de Dieu. Notre parole n’est pas toujours dans un esprit de grâce, assaisonnée de sel ; il s’y trouve des manquements. Nous ne pouvons nous excuser quand cela arrive, car le Seigneur a dit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans l’infirmité ; » néanmoins nous manquons, si triste que cela soit, et nous sommes forcés de l’avouer ; mais en marchant avec Dieu, la grâce nous le fera sentir et reconnaître, et nous marcherons plus près de lui, avec plus de vigilance et d’humilité, et dans une plus grande et plus réelle dépendance de lui.

Il y a encore une autre vérité dans ces paroles. L’exhortation n’aurait pas été nécessaire, si la liberté de parler, quand Dieu le veut, n’appartenait pas à tous les frères selon leur don et selon la direction de la parole, puisque nous y trouvons de telles directions. Si une personne avait été établie pour parler, cette exhortation aurait été tout à fait inutile.

Ainsi il y a là une exhortation morale à l’humilité, au calme, à la défiance de soi-même, et à la crainte de Dieu, car il y est parlé du danger de faillir et de notre responsabilité. Le passage exclut aussi toute pensée du ministère d’une seule personne dans l’assemblée. Il n’est pas mis en question ici qu’un seul individu puisse exercer un ministère que Dieu lui a confié ; — au contraire, un tel ministère est permis à quiconque le Seigneur a départi le don nécessaire, — mais seulement sous la direction de la Parole. L’activité de la chair est réprimée, et la liberté du Saint Esprit manifestée. Le Seigneur se sert de chacun comme il lui semble bon, soit par les dons permanents de docteur, de pasteur et d’évangéliste, qui doivent continuer jusqu’à la fin, soit par le ministère de chaque membre dans la place que Dieu lui a assignée.

Ce que l’apôtre a dit des manquements, le conduit à parler encore de la langue, cet indice le plus direct du cœur, si aisément mis en mouvement et qui en suit toutes les impulsions. Tout a été dompté, même les bêtes sauvages et les reptiles ; mais personne ne peut dompter la langue : elle est pleine d’un venin mortel. Cela est bien fort, mais hélas ! très vrai. Toutefois, rappelons-nous que si la chair est pratiquement tenue pour morte, et si nous vivons par l’Esprit, la langue servira à exprimer les mouvements qu’il produira en nous, ou bien elle restera silencieuse, parce que la grâce n’aura rien à dire.

Plusieurs, selon la chair, ne voudraient pas donner un coup à leur prochain, qui ne peuvent retenir une parole dure ou qui montre l’irritation. Mais si personne ne peut mettre un frein à la langue, la grâce de Christ peut le faire, parce que l’homme intérieur est sous le joug du Seigneur, et qu’il est doux et humble de cœur. Christ remplit le cœur, et ainsi, précisément parce que la langue suit les impulsions du cœur, les paroles exprimeront cette douceur et cette humilité. Pour cela, il est nécessaire que Christ seul habite dans le cœur et que la chair soit tenue en échec, afin qu’elle ne se mette pas en mouvement quand la tentation survient. Il est difficile de ne pas faillir, mais il est très utile de voir que la langue montre ce qui agit intérieurement, précisément comme les aiguilles d’une horloge manifestent l’action cachée des rouages.

Il est bon de nous rappeler le vrai caractère de la langue, tel qu’il est défini ici. Par ces paroles : « Une fontaine fait-elle jaillir par une même ouverture le doux et l’amer ? » Jacques ne veut pas dire que tel n’est pas le cas pour la bouche de l’homme, puisque c’est précisément ce dont il se plaint ; un tel mal ne devrait pas être, il est contraire à la nature même. Puis il décrit le caractère de l’homme sage et intelligent : « Que, par une bonne conduite, il montre ses œuvres avec la douceur de la sagesse ». La sagesse, ou au moins la connaissance qui se montre dans un esprit d’envie et de contention, n’est pas la sagesse divine. Celle-ci ne peut se séparer de l’état du cœur, de la douceur que produit la grâce, de la présence de Dieu, d’une volonté brisée, ou de ce que l’on apprend avec Jésus qui était doux et humble de cœur.

La colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu. La sagesse qui se vante et qui conteste est terrestre, sensuelle et diabolique. Elle ne vient pas d’en haut, elle se manifeste par l’envie et les querelles, qui sont les sources du désordre et de toute espèce de mauvaises actions. La sagesse qui vient d’en haut se lie au sentiment de la présence de Dieu dans la communion avec lui, là où l’énergie naturelle n’a aucune valeur et où se montre l’esprit de dépendance de Dieu. Elle sait que rien ne peut se faire sans Christ. La réalisation de la présence de Dieu fait que cette sagesse est pure par-dessus toutes choses ; il ne peut en être autrement s’il y a communion avec Dieu, car cette communion est nécessairement dans la pureté. La nature divine en nous, réalisant la présence de Dieu et demeurant en lui, perçoit ce qui convient à Dieu et a les sens exercés à discerner le bien et le mal.

Ce n’est pas que le bien manque de mansuétude, mais il n’ose pas admettre le mal qui nous éloigne de Dieu. La sagesse qui est d’en haut est premièrement pure, puis paisible, marchant dans la paix devant Dieu, — l’esprit de paix règne dans le cœur, — elle est modérée, traitable, soumise quant à la propre volonté, ne cherchant pas à la satisfaire et ainsi disposée à faire la volonté des autres, lorsque cette volonté n’est pas opposée à celle de Dieu. Ensuite l’activité du bien se développe dans le cœur ; il est plein de miséricorde et délivré de l’égoïsme, parce qu’il est heureux en Dieu ; il sent les douleurs des autres et porte les bons fruits qui découlent de ce sentiment. Cette sagesse divine n’est pas disposée à contester, ni à rechercher les fautes, les défauts et les manquements dans les autres, ou dans leurs œuvres ; celui qui la possède ne les critique et ne les juge pas, comme leur étant supérieur et par conséquent capable de le faire. De plus, il chemine en simplicité et en intégrité de cœur, sans chercher l’approbation des hommes et sans essayer de paraître ce qu’il n’est pas en réalité. Il fait la volonté de Dieu en toute simplicité sans penser à lui-même, désirant par amour plaire aux autres et y trouvant son plaisir.

Tel est le portrait plein de beauté de la sagesse divine. Il est bon de remarquer comment Jacques veut que la volonté propre soit réduite au silence, afin que nous soyons capables de faire la volonté de Dieu, et, comme participants de la nature divine, de manifester son caractère, — le caractère de Christ, Dieu manifesté en chair. Il vint pour faire, non sa volonté, mais la volonté de Celui qui l’avait envoyé. Il se soumettait toujours, même aux torts et à l’injustice, faisant le bien et marchant dans le calme et l’amour. Faire le bien, souffrir et endurer avec patience, voilà, dit Pierre, ce qui est agréable à Dieu. L’amour est libre quand le moi est mort. On marche dans la paix, on procure la paix, et le fruit de la justice se sème pour ceux qui procurent la paix. C’est ainsi que je comprends ces quelques paroles : « Bienheureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». C’est une reproduction dans la marche d’un homme, de la paix et de l’amour de Dieu tels qu’ils étaient manifestés en Christ ici-bas.

5 - CHAPITRE 4

Après avoir recommandé aux chrétiens l’esprit de paix dans leurs voies, Jacques demande : « D’où viennent les guerres et d’où les batailles parmi vous ? » Mais ici, nous devons nous demander : Que signifient ces paroles : « parmi vous ? » Ce n’est pas nécessairement parmi les chrétiens. La mansuétude de la sagesse, une sagesse paisible, modérée et traitable, voilà ce qui leur convenait. Mais, comme nous l’avons vu, ils se trouvaient encore au milieu des douze tribus, qui sont, je n’en doute pas, comprises dans ce « parmi vous ». Toutefois les chrétiens pouvaient se trouver impliqués dans ces contestations, de sorte que l’exhortation s’adresse aussi à eux. Ces disputes provenaient de leurs voluptés ; la volonté n’était pas brisée, la convoitise tourmentait leurs cœurs, ils désiraient avoir ce qu’ils ne possédaient pas ; la conscience, accablée par la convoitise, était réduite au silence, et les désirs, n’étant pas réprimés par la volonté, lâchaient les rênes aux passions : « Vous tuez et vous avez d’ardents désirs, et vous ne pouvez obtenir ; vous contestez et vous faites la guerre, et cependant vous n’avez pas ».

On oubliait que l’on dépend de Dieu ; la volonté agissait pour elle-même ; on ne demandait pas à Dieu, ou s’ils le faisaient, c’était dans le désir de rendre Dieu lui-même serviteur de leurs propres voluptés. Dieu ne répond pas à de telles prières. Triste état de l’homme ! Dieu était oublié, et, chose pire encore, le cœur était l’esclave de la volupté, et, sous le joug des passions, loin du calme et de la paix. La guerre au dedans et le péché ouvert au dehors, éloignés de Dieu dans le monde, — cette scène passagère et changeante où ces désirs trouvent leur sphère, — ou, au moins, si Dieu était connu, leurs cœurs rebelles l’oubliaient. C’est pourquoi l’amitié du monde est inimitié contre Dieu, et un tel chrétien qui se conforme au monde, oublie qu’il a été purifié de ses péchés passés. Il marche dans l’oubli de Dieu, dans le sentier de l’infidèle, et la conscience, repoussée par la convoitise, se retire. Quand il demande à Dieu, il ne reçoit pas, parce qu’il demande comme le ferait un mondain, — pour l’employer à ses plaisirs.

Il n’est pas nécessaire de supposer que tous ceux que Jacques appelle « adultères, » fussent tels de fait. Plusieurs l’étaient réellement dans le monde, et d’autres, quoique chrétiens, marchaient dans le même esprit d’infidélité envers Dieu, et lâchaient les rênes à leurs convoitises, en marchant avec le monde. Il est bien certain que ce n’est point là le sentier du chrétien ; mais quand il abandonne les voies de Dieu et se trouve mêlé avec le monde, il arrive souvent qu’il a honte de son christianisme et qu’il n’ose pas confesser le nom du Sauveur ; alors sa conscience s’endurcit, et il devient semblable au monde ou même pire, ayant mis de côté toute barrière. Satan se réjouit alors de voir le nom de Christ déshonoré par ceux-là même qui le portent.

Le passage suivant présente un principe de grande importance : « L’amitié du monde est inimitié contre Dieu ; quiconque donc voudra être ami du monde, se constitue ennemi de Dieu ». Témoignage puissant, qui juge la marche et qui sonde le cœur. Le vrai caractère du monde a été manifesté en ce qu’il a rejeté et crucifié le Fils de Dieu. L’homme avait déjà été mis à l’épreuve sans loi et sous la loi. Après que, sans loi, il eût montré qu’il était entièrement méchant, et que, sous la loi, il eût violé cette loi qui lui avait été donnée, Dieu lui-même vint en grâce. Il devint homme, afin d’apporter l’amour de Dieu au cœur de l’homme dont il avait pris la nature. C’était la dernière épreuve du cœur humain. Dieu ne vint pas pour imputer aux hommes leurs péchés, mais pour réconcilier le monde avec Lui-même. Mais le monde n’a pas voulu le recevoir et a montré ainsi qu’il est sous la puissance de Satan et des ténèbres. Il a vu et haï et Jésus et son Père.

Le monde est toujours le même. Satan en est toujours le prince, et tout ce qui s’y trouve, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie, n’est pas du Père, mais du monde. Depuis la chute, le cœur de l’homme, la chair, a toujours été inimitié contre Dieu. On pense et l’on dit souvent que, depuis la mort de Christ, Satan n’est plus le prince de ce monde, mais c’est précisément alors qu’il s’en est déclaré lui-même le prince, conduisant tous les hommes, Juifs ou gentils, à crucifier le Sauveur. Et quoique les hommes portent maintenant le nom de Christ, l’opposition du monde à son autorité reste la même.

Observez seulement et voyez si le nom de Christ n’est pas déshonoré. On peut bien à la vérité avoir été enseigné à l’honorer, mais il n’en est pas moins vrai que là où l’homme trouve des jouissances, où sa volonté est libre, il exclut Christ, de peur que Christ ne vienne le troubler dans ses plaisirs. S’il est seul, il ne pense pas à Christ ; il n’aime pas qu’on lui parle du Sauveur, il ne voit en lui aucune beauté qui le lui fasse désirer. L’homme aime à faire sa propre volonté, et il ne veut pas que le Seigneur vienne s’y opposer : il préfère la vanité et les plaisirs.

Nous voyons en Caïn la vraie histoire du monde et ses principes pratiques. Ayant tué son frère, il fut banni de la présence de Dieu, désespérant de la grâce et refusant de s’humilier. Par le jugement de Dieu, il fut fait vagabond sur la terre ; mais une telle condition ne lui convenait pas. Il s’établit là où Dieu l’avait fait vagabond et bâtit une cité qu’il appela du nom de son fils pour perpétuer la grandeur de sa famille.

Que sa cité fût privée de toutes les délices de la vie, eût été insupportable ; en conséquence il multiplie les richesses pour son fils. Ensuite, un autre membre de la famille invente les instruments de musique, un second invente l’art de forger l’airain et le fer. Le monde, chassé loin de Dieu, cherche à rendre sa position agréable sans Dieu, et s’efforce d’être satisfait loin de lui. La venue de Christ a manifesté ce qu’est le cœur de l’homme : il ne cherche pas seulement les plaisirs de la chair, mais il est inimitié contre Dieu. Quelque grande que soit la bonté de Dieu, le cœur ne veut pas être troublé dans la jouissance des plaisirs du monde, ni se soumettre à l’autorité d’un autre. Il veut avoir le monde pour lui-même, luttant pour l’obtenir et l’arrachant des mains de ceux qui le possèdent. Maintenant, il est évident que l’amitié de ce monde est inimitié contre Dieu. Autant que cela lui est possible, l’homme bannit Dieu du monde, il le chasse loin. L’homme veut être grand dans ce monde ; nous savons que le monde a crucifié le Fils de Dieu, qu’il n’a vu aucune beauté dans Celui en qui Dieu trouve tout son délice.

L’Écriture ne dit pas en vain : l’esprit qui demeure en nous désire avec envie. Au contraire — et ici se trouve le moyen de le vaincre — « Dieu donne une plus grande grâce ; il résiste aux orgueilleux, mais il donne la grâce aux humbles ». Voilà le vrai secret de la force et de la victoire, et aussi de la paix du cœur, au milieu des difficultés et des contrariétés du monde.

Jacques insiste de nouveau sur l’humilité : la volonté de l’homme doit être brisée, et il faut qu’il se soumette à Dieu. La vraie humilité, en effet, consiste à obéir et à n’avoir aucune propre volonté, et c’est à cela que la bonté et la grâce de Dieu invitent l’homme. La confiance en Dieu conduit l’âme à se soumettre à lui. Cela est à la fois un devoir et une nécessité, mais on le fait volontiers quand la confiance existe. C’est la réalité de notre relation avec Dieu, et l’âme se trouve heureuse. Nous n’avons nul besoin d’avoir une volonté pour nous-mêmes, si Dieu qui nous aime a une volonté pour nous en toutes choses : nous n’avons qu’à nous abandonner à lui. Quelle grâce ! Le Dieu tout-puissant pense toujours à nous dans tous les détails de notre vie.

Le diable est un ennemi ; il s’efforce de nous tromper ; il tend des pièges, il cherche à agir sur nous par le moyen de nos convoitises. Il peut bien aussi susciter des persécutions pour nous arrêter dans le sentier de la foi, mais, dans la vie ordinaire, il nous séduit par les choses qui conviennent à la chair.

Si nous sommes persécutés, c’est notre gloire. « À vous, » dit l’apôtre, « il a été gratuitement donné par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui ». Mais le danger qui provient des ruses de Satan est constant ; elles nous entourent continuellement : la chose importante est que, vivant selon le nouvel homme et dans la communion avec Dieu, nous soyons capables de discerner la fourberie de Satan qui n’a jamais pour résultat l’obéissance à la volonté de Dieu. Il est très possible que le mal ne soit pas apparent. Quand Satan voulait suggérer au Seigneur de faire des pierres du pain, et d’en manger, il n’y avait en cela aucun mal apparent. Manger quand on a faim, ne semble pas une chose mauvaise, mais ce n’aurait pas été de l’obéissance. Satan ne pouvait rien faire. Manger simplement parce que l’on a faim est une action animale, qui ne se rapporte pas à Dieu. Nous devons faire toutes choses, même manger et boire, au nom de Christ, en rendant grâces à Dieu. Tout est sanctifié pour nous, si nous réalisons la présence de Dieu.

Satan ne peut donc se cacher, si dans l’obéissance nous lui résistons ; il fuit, sachant bien qu’il a rencontré Celui qui l’a vaincu — Christ en nous. La parole de Dieu suffit pour nous faire marcher dans un sentier où Satan n’a point de pouvoir, où il est forcé de nous laisser, dans lequel aussi nous découvrons ses ruses et discernons qu’il est l’ennemi. Le Sauveur marchait ainsi : il citait la parole de Dieu et le diable était réduit au silence, et cherchait à le séduire par d’autres moyens. Il ne se montrait pas d’abord ouvertement, mais la parfaite obéissance de Jésus rendait ses pièges impuissants. Et quand Satan se montre tel qu’il est, lui offrant la gloire du monde, Jésus lui commande de s’en aller, et il s’en va. Le sentier du Seigneur est le nôtre, sa force est la nôtre, et si nous marchons avec lui dans l’obéissance, sa sagesse sera la nôtre ; il a déjà vaincu le tentateur ; la difficulté est de marcher de telle sorte en communion avec lui, que nous puissions discerner la ruse de l’ennemi ; il nous faut l’armure complète de Dieu.

En somme, si la présence de Dieu est réalisée dans le cœur, si l’Esprit de Dieu le gouverne, et que le sentiment de la dépendance soit actif dans l’âme, nous sentirons que ce que l’ennemi nous présente n’est pas de Dieu, et la volonté du nouvel homme ne le désirera pas. Satan, une fois découvert, le nouvel homme lui résiste, et il n’a aucune force. Jésus l’a vaincu pour nous. Nous apprenons ici que, si nous lui résistons, il s’enfuira : il voit qu’il a rencontré l’Esprit de Christ en nous, et il s’enfuit. Le mal est que nous ne lui résistons pas toujours ; nous cédons à ses séductions, parce que la volonté de Dieu n’est pas tout pour nous ; en plusieurs choses nous aimons nous plaire à nous-mêmes. Si nous connaissons la grâce, l’obéissance et la dépendance nous gardent contre les pièges du diable. Il n’a aucune puissance contre la résistance que lui oppose la foi ; il est manifesté comme Satan, l’adversaire, ainsi qu’il le fut quand Jésus lui-même subit la tentation pour nous et que Satan s’enfuit devant sa résistance. Il sait que c’est le même Jésus qu’il rencontre en nous.

Ce n’est pas ici le lieu de parler de l’armure de Dieu, cependant quelques mots sur ce sujet peuvent être utiles.

Dans ce que nous en lisons dans l’épître aux Éphésiens, tout, à l’exception de l’épée, se rapporte à l’état de l’âme. L’effet de la vérité est de garder l’âme en bon ordre, avec des affections bien réglées, et la conscience ayant la puissance qui lui convient selon la volonté de Dieu ; ensuite la cuirasse de la justice pratique maintient une bonne conscience ; dans le sentier, les pieds doivent être chaussés de la préparation de l’évangile de paix, c’est-à-dire que la conduite doit porter l’empreinte de cette paix dont nous jouissons en Christ. Puis vient la confiance en Dieu, que ces choses produisent, et qui empêche les suggestions du malin de nous atteindre. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » Nous ne serons pas blessés par les dards enflammés de l’ennemi ; les doutes et les mauvaises pensées à l’égard de Dieu, ne trouveront point d’entrée dans le cœur. Ensuite la certitude du salut nous rend capables de lever la tête dans la lutte contre l’ennemi. Alors nous pouvons prendre l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu, et nous en servir dans le combat ; protégés par l’armure de Dieu contre les assauts de l’ennemi, nous pouvons être actifs en employant la Parole pour le service du Seigneur, bien que toujours dépendants de son secours. Cette dépendance s’exprime par des prières et des supplications. Résistons donc au diable et il s’enfuira de nous.

v. 8. « Approchez-vous de Dieu et il s’approchera de vous ». En cela se montre la dépendance active du cœur. Grâces à Dieu, nous pouvons nous approcher de lui ! Son trône est pour nous un trône de grâce ; nous pouvons venir en sa présence sans crainte, à cause de son amour, et entrer dans le lieu très saint par le précieux sang de Christ. Quand nous sommes près de Lui, nous apprenons la sainteté, nous discernons sa volonté, l’œil voit clair dans cette pure atmosphère ; le cœur est soumis ; le secret du Seigneur est avec ceux qui le craignent. On marche avec Dieu, mais comme enseigné de Dieu, et le corps tout entier est rempli de lumière. Alors il est avec nous, il s’approche de nous, il nous inspire la confiance. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous, » disait l’apôtre. Ce n’est pas seulement que sa force est avec nous, mais sa présence produit la liberté et la confiance dans nos cœurs, car nous sentons que nous avons la connaissance de sa volonté puisqu’il est avec nous. Le sentiment de sa présence donne la joie, le calme et le courage en présence de l’ennemi, et, dans les difficultés du chemin, nous nous reposons sur lui. « Tu les caches dans le lieu secret où tu habites, loin de l’orgueil des hommes ; tu les préserves en une loge, à couvert des disputes des langues ». La présence de Dieu, chose vraie et réelle pour le cœur, garde la conscience en éveil, et le cœur rempli d’une paisible confiance. « Approchez-vous de Lui ».

Mais, pour cela, il faut que les mains soient nettoyées et que le cœur soit purifié, afin qu’en rien l’on ne soit double de cœur. Dieu est lumière : il voit la pureté et l’intégrité dans l’homme intérieur. Plein de bonté et de condescendance, il est prompt à aider les faibles, mais il ferme son oreille à tous ceux qui sont doubles de cœur. Il demande de ceux qui cherchent à s’approcher de lui, une marche pure et un cœur sincère. Il n’en peut être autrement : il se tient éloigné de ceux dont les cœurs ne sont pas ouverts en sa présence ; il voit tout, mais pour qu’il écoute, le cœur doit être sincère.

Jacques parle aussi en passant de la folle joie de ce monde, qui conduit à la ruine éternelle, et il invite ceux qui ont des oreilles pour entendre, à être affligés, à mener deuil et à pleurer, à changer leur rire en lamentation. Le cœur qui a de l’intelligence, qui pense aux autres, et qui est ému par l’amour, — le chrétien qui est participant de l’Esprit et, par conséquent, de la pensée de Christ, — aura la conscience de la misère morale et actuelle qui l’entoure. Il aura la joie en Christ, mais il éprouvera de la douleur à cause de la condition où se trouvent les hommes du monde.

Le péché a rendu le monde malheureux et misérable ; il est lui-même la plus grande de toutes les misères, et l’on voit de tous côtés les maux qu’il a introduits. Néanmoins, au milieu de tout, le cœur peut sentir l’amour de Dieu, il se réjouit dans l’éternel salut, et dans la bonté qui l’a procuré. Il peut aussi se réjouir dans les faveurs journalières que Dieu lui accorde, mais ce ne sera point la folle joie du monde, qui cherche à cacher le vide qu’il éprouve, et à étouffer dans le rire le sentiment de sa misère. Dans la solitude, on sent le vide et souvent la douleur que, dans la compagnie des autres, on oublie dans le rire. Les hommes n’aiment pas à être un fardeau pour les autres ; il faut leur faire croire que l’on est heureux. Le monde ne peut être vrai avec lui-même, et cependant la douleur et l’affliction ne sont que trop réelles. Le Seigneur pouvait pleurer mais non pas rire ; l’amour et le sentiment chrétien suivent son exemple : ils le suivent de cœur et avec un même sentiment. Jacques veut que la joie mondaine fasse place à des sentiments chrétiens, à des sentiments d’amour et à la sagesse. Nous voyons de plus au chap. 5, que le jugement doit bientôt mettre fin à la fausse joie du monde. Ici, l’exhortation est morale, là, elle se rapporte à la fin de cette joie, par la main du Seigneur.

Ensuite Jacques les exhorte à s’humilier devant le Seigneur, et, dit-il, « il vous élèvera ». C’est ce que Christ a fait (Phil. 2), et il a dit : « Celui qui s’abaisse, sera élevé ». « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne la grâce aux humbles ». L’humilité convient à l’homme ; elle convient à sa petitesse devant Dieu, dans le sentiment de la grandeur de sa grâce et de tout ce que l’homme est en lui-même. La grande gloire que le croyant attend est aussi pour lui une occasion d’humilité quand il considère son indignité. Il sait que sans Dieu, il ne peut rien comprendre, ni rien faire dans les choses divines.

Mais Jacques, ayant dans sa pensée l’orgueil et la hauteur de l’esprit du monde, qui est aussi dans le chrétien, ne veut pas seulement l’humilité, mais l’humiliation du « moi ». Si quelqu’un est humble, il n’a pas besoin de s’humilier ; mais, en réalité, l’esprit de l’homme s’élève si facilement, que nous avons besoin de nous humilier et de réaliser la présence de Dieu. En sa présence, nous sommes toujours humbles ; nous avons le sentiment de notre propre petitesse ; nous pensons à lui et non à nous-mêmes. Exalter l’orgueilleux ne ferait qu’encourager cet orgueil qui ne convient ni à l’homme pécheur, ni à l’homme pieux ; de plus, la piété et l’orgueil ne sauraient exister ensemble. Mais Dieu se plaît à élever les humbles, et cette élévation venant de Dieu, est une source de gratitude et de joie, et non d’orgueil. Le cœur est avec Dieu dans le sentiment de sa bonté.

Remarquez qu’il est dit de s’humilier « devant le Seigneur, » non devant les hommes. C’est une œuvre intérieure réelle qui détruit l’estime de soi-même, qui, en réalisant la présence et la grandeur de Dieu, lui donne sa vraie place dans le cœur, et nous donne aussi la nôtre. Alors tout est réel, et alors nous pouvons agir pour Dieu selon la vérité. Les v. 9 et 10 nous montrent l’effet de la présence de Dieu, réalisée, dans un monde de péché et de misère, par un cœur qui est dans ce monde et qui sent l’un et l’autre.

« Ne parlez pas l’un contre l’autre, » dit notre épître ; précepte formel qui devrait retenir bien des langues si l’on était obéissant, et qui mettrait fin à beaucoup de maux. L’amour ne le fait pas ; mais, comme nous l’avons vu, la langue est un mal fatal, plein d’un venin mortel, et capable d’allumer un grand feu.

Mais il y a plus. Celui qui parle de son frère et qui le juge, parle mal de la loi et juge la loi. En effet la loi, de la part de Dieu, nous présente notre frère comme un objet d’amour et d’affection, non pour être persécuté, maltraité et dénigré aux yeux des autres. En agissant ainsi, nous oublions la place que la loi a donnée à notre frère ; nous oublions notre devoir selon la loi et notre position comme frères. Si nous nous plaçons comme juges et législateurs au-dessus de la loi, nous transgressons la loi ; nous ne lui obéissons pas et ne suivons pas ses préceptes ; mais nous nous élevons au-dessus d’elle. Il y a un seul législateur et juge qui peut sauver et détruire, mais toi, qui es-tu qui juges ton prochain ?

La Parole condamne aussi la fausse confiance dans les intentions de notre propre cœur. Le cœur de l’homme éloigné de Dieu, pense qu’il peut par lui-même diriger ses pas et décide ce qu’il fera, sans penser à la volonté de Dieu, sans penser même du tout à Dieu. Il est possible que la chose projetée ne soit pas mauvaise ; elle peut ne pas blesser la conscience, ni la mettre mal à l’aise ; mais Dieu est entièrement oublié : l’homme agit sans Dieu, comme si la terre lui avait été laissée et que Dieu se fût retiré ; comme si sa volonté n’était comptée pour rien. Un tel homme, pour ce qui regarde la religion, et dans les choses pratiques de la vie de chaque jour, vit dans l’athéisme. Dieu n’est pas dans ses pensées ; l’argent et l’ambition du monde gouvernent son cœur, bien qu’il ne se livre peut-être pas à des plaisirs coupables. Il n’a pas le sentiment qu’il appartient à Dieu, — racheté, s’il est chrétien, par le précieux sang de Christ. Il forme ses plans selon sa propre volonté, sa propre sagesse, et ses intérêts dans ce monde. Dieu n’y a aucune place ; il est sans Dieu dans le monde ; il cherche les choses de la terre, et certes ce n’est pas en elles que Dieu se trouve. Travailler afin d’avoir les choses nécessaires, est selon la volonté de Dieu, et on peut lui demander sa bénédiction parce que c’est sa volonté. Mais telle n’est pas ici la question. Jacques parle de l’homme qui prétend disposer de son temps, et veut aller chercher le gain pour soi-même, sans penser à Dieu, ou sans regarder vers lui pour être conduit et avoir la manifestation de sa volonté. Il ne sait pas ce que le lendemain apportera ; il ignore si sa vie sera prolongée jusqu’au jour suivant : elle n’est qu’une vapeur qui paraît pour un peu de temps et qui s’évanouit. Telle est la vie ici-bas. Il nous convient donc de dire : « Si le Seigneur le veut, et si nous vivons, nous ferons aussi ceci ou cela ».

Partout et toujours, Jacques s’oppose aux prétentions de la volonté de l’homme. Il veut qu’elle soit brisée, que l’homme prenne sa vraie place, et soit dans sa vraie condition d’obéissance et de sujétion. Il faut que Dieu ait sa place et que l’homme soit dépendant et obéissant. Toute l’activité et toutes les prétentions de la volonté de l’homme sont mauvaises.

On trouve à la fin de ce chapitre un autre principe important. La volonté propre de l’homme est toujours mauvaise. Là où se trouve la connaissance du bien, le cœur ou tout au moins l’état de l’homme est mauvais s’il ne fait pas le bien. La grâce et l’amour manquent. Chercher son propre intérêt, faire sa propre volonté, satisfaire ses propres désirs, voilà ce qui caractérise l’homme naturel. Faire le bien, chercher à procurer le bien des autres et les servir, est le fruit de l’amour. Or si, ayant la connaissance de ce qui est bon et l’opportunité de le faire, on ne le fait pas, c’est un signe que le cœur est mauvais ; l’amour pour les autres et le désir de faire le bien sont absents. Ne pas faire le bien, c’est pécher ; cela montre l’absence de la grâce et l’activité de la volonté naturelle.

6 - CHAPITRE 5

La portion des fidèles n’est pas dans ce monde. Christ les a acquis pour lui-même, afin qu’ils soient à sa ressemblance dans la gloire, cohéritiers avec lui, car son amour veut les faire jouir de tout ce dont il jouit lui-même. Son amour est parfait. Mais s’il en est ainsi, ils doivent souffrir avec lui. S’il nous est donné de souffrir pour lui, c’est un grand privilège, mais ce n’est pas le partage de tous. Néanmoins tous ceux qui voudront vivre pieusement dans le Christ Jésus souffriront la persécution (2 Tim. 3:12).

Mais il est impossible d’éviter de souffrir avec lui : si nous avons l’Esprit de Christ, nous sentirons comme Christ a senti. La sainteté souffre à la vue du péché qui l’entoure, et aussi en voyant la condition de l’Église de Dieu et de son peuple ; outre cela, il y a de la douleur de tous côtés, et l’aveuglement des âmes qui ne veulent ni Christ ni le salut. Chacun doit charger sa croix, mais avec cela, Dieu permet que nous souffrions, parce que, de cette manière, nous apprenons la patience, et qu’il nous est ainsi rappelé que notre héritage n’est pas ici-bas. L’expérience, qui est la réalisation de la vérité pratique, est confirmée dans le cœur, et l’espérance devient beaucoup plus claire et plus forte. À la vérité, cela suppose que l’amour de Dieu est versé dans le cœur par le Saint-Esprit, et si ce n’est pas le cas, Dieu permet la souffrance, et l’envoie aussi pour renouveler le cœur. Il châtie celui qu’il aime.

Jacques s’adresse ici aux riches qui ont des biens dans ce monde, et qui n’ont pas d’égard pour les pauvres, tandis qu’il est écrit : « Bienheureux est celui qui s’intéresse au pauvre » (Ps. 41:1). Celui qui méprise le pauvre à cause de sa pauvreté, méprise le Seigneur lui-même. « Or je suis affligé et misérable, » dit le Seigneur, dans le Psaume qui précède celui d’où j’ai tiré la citation précédente (Ps. 40:17). Le Seigneur avait prononcé sa bénédiction sur les pauvres ; c’est à de tels que l’évangile était annoncé : c’était un signe du Messie (Luc 6:20; 4:18; Matt. 11:5). Nous savons tous qu’un homme pauvre peut être aussi méchant qu’un autre ; mais les richesses sont un danger positif pour nous, parce qu’elles nourrissent l’orgueil, et tendent à disposer le cœur de se tenir éloigné des pauvres, avec lesquels le Seigneur s’est associé lui-même dans ce monde. « Étant riche, il a vécu dans la pauvreté pour vous, afin que, par sa pauvreté, vous fussiez enrichis ».

Mais ici les riches étaient allés plus avant dans le mal. Ils opprimaient les pauvres, ils leur retenaient le salaire de leur travail. Jacques nous place en présence des derniers jours. Le cri du pauvre était arrivé jusqu’aux oreilles de l’Éternel des armées. Il exhorte les riches à pleurer et à se lamenter à cause des misères qui allaient fondre sur eux. Ils avaient vécu, sur la terre, dans les délices et dans les voluptés. Mais non seulement cela : quand on vit dans les délices, on n’aime pas que quelqu’un vienne troubler nos jouissances, — ils avaient condamné et mis à mort le Juste, qui n’avait pas résisté. Ils voulaient s’assurer la jouissance de ce monde, dans une fausse tranquillité, qui ne pense ni à Dieu, ni au jugement, ni à la mort.

Si la conscience se réveillait, ils étaient troublés, et ils s’endurcissaient autant que possible, afin qu’elle ne s’éveillât pas.

Pour le présent, Dieu ne change pas le cours de ce monde. S’il le faisait, il lui faudrait exécuter le jugement, au lieu de travailler en amour, en faveur des impies et des pécheurs. Il ne désire pas les frapper, néanmoins il ne retarde pas l’accomplissement de sa promesse, mais il est patient envers nous, ne voulant pas qu’aucun périsse. Le chrétien donc doit prendre courage, être patient et se résigner au mal extérieur, jusqu’à ce que vienne le Seigneur. Comme Christ lui-même, qui, en faisant le bien, a souffert et attendu patiemment, ainsi le chrétien doit marcher sur ses traces. Notre portion n’est pas dans ce monde. Si nous souffrons pour avoir bien fait, cela est agréable à Dieu, et encore plus si c’est pour Christ lui-même que nous souffrons.

La vie du Sauveur n’a été que souffrance et patience, mais maintenant il est glorifié auprès de Dieu le Père. Bientôt il viendra une seconde fois dans le monde, dans la gloire du Père, et dans sa propre gloire, et dans la gloire des anges ; il sera glorifié dans ses saints, et admiré dans tous ceux qui auront cru.

Dans ce jour glorieux, quand les plus pauvres des siens — les chrétiens, opprimés par les ennemis de la vérité — seront semblables au Seigneur lui-même en gloire, nous nous glorifierons de ce qu’il nous a été donné de souffrir pour lui et d’avoir gardé la patience et le silence, à travers toutes les peines infligées injustement à ceux qui mènent une vie chrétienne. Alors « bienheureux ceux que le maître trouvera veillant ; il se ceindra et les fera mettre à table, et s’avançant, il les servira ». Quelle joie ! quelle grâce ! Ce sera la gloire du Sauveur que de nous faire jouir des bénédictions du ciel dans la maison du Père ; lui-même nous présentant tout de sa propre main. Il vaut bien la peine de souffrir un peu pour lui et pendant un temps si court, et de posséder ensuite la bénédiction céleste, dispensée par la propre main et par le cœur même de Jésus. Nous régnerons avec lui et nous jouirons du fruit de l’œuvre qui nous aura été donné d’accomplir pour lui, quand ce n’aurait été qu’un verre d’eau froide donné au nom de Jésus, il ne perdra pas sa récompense. Mais il sera encore beaucoup meilleur d’être assis en paix, jouissant dans la maison du Père de ces bénédictions éternelles que Christ nous dispensera en abondance, — précieux témoignage de son approbation et de son amour (Voyez Luc 12:35-44).

Remarquez ici combien la venue du Seigneur était une espérance présente. L’opprimé devait avoir patience jusqu’à cette venue. « Usez donc de patience, » dit Jacques, « jusqu’à la venue du Seigneur ». Quelques-uns diront peut-être : Ils ont donc été déçus ? En aucune manière. Il peut bien arriver que nous mourions avant que le Seigneur vienne, et de fait nous savons que ces saints sont morts. Mais quand le Seigneur viendra, ils recueilleront tous les fruits de leur patience. Et, jusqu’à ce moment, ils sont avec le Seigneur, — absents du corps, présents avec le Seigneur, — et ils viendront avec lui et jouiront alors de tout le fruit de ces souffrances, qu’ils auront endurées avec patience pour l’amour de son nom, cherchant à le glorifier ici-bas.

Mais cette exhortation montre clairement combien cette espérance était une chose présente qui entrait dans tout le tissu de la vie chrétienne. Ce n’était pas une théorie dans la tête, un point de connaissance acquise, ni simplement un article de foi. Ils attendaient le Seigneur en personne. Quelle consolation pour les pauvres et les opprimés, quel frein pour les riches, que cette attente constante du Seigneur, et de savoir qu’il viendra bientôt, que les troubles cesseront, et que nous serons avec Celui qui nous a aimés ! Rien ne produit la séparation d’avec le monde comme d’attendre le Seigneur ; je ne dis pas la doctrine de sa venue, mais la vraie attente du Seigneur. Sa venue nous séparera du monde pour toujours ; le cœur attend jusqu’à ce qu’il vienne.

La cène du Seigneur est l’expression de l’état chrétien, — la mort du Seigneur à sa première venue, mort que nous célébrons avec actions de grâces, nous souvenant de Celui qui nous a aimés, et nous nourrissant de son amour jusqu’à ce qu’il vienne nous prendre pour être avec lui. C’est l’expression formelle de l’état pratique du chrétien, comme chrétien, — du christianisme lui-même. Il faut ajouter que c’est uniquement par le Saint-Esprit que nous sommes capables de l’exprimer en réalité.

Mais remarquez une autre chose dans cette exhortation. « Usez donc de patience, frères ». Si nous comprenons vraiment notre position, nous attendons toujours le Seigneur ; mais, quels que soient nos désirs, nous ne pouvons pas commander au Seigneur de venir, ni savoir quand il viendra. Et, béni soit son nom, le Seigneur est patient : aussi longtemps qu’il y aura encore une âme à appeler par l’évangile, il ne viendra pas. Il faut d’abord que tout son corps, son épouse, soit formé, que chaque membre soit présent, converti et scellé par le Saint-Esprit. Alors il viendra nous prendre. Christ lui-même est assis sur le trône du Père, et non sur son propre trône. Il attend aussi ce moment, et certainement avec un plus grand désir que nous ; c’est pourquoi il est parlé de « la patience de Jésus-Christ ». C’est le vrai sens de ces mots dans Apoc. 1:9. Au chap. 3:10, nous lisons aussi : « Parce que tu as gardé la parole de ma patience », et en 2 Thes. 3:5: « La patience de Christ ».

Il nous est dit, encore dans l’épître aux Hébreux que Christ est assis à la droite de Dieu, « attendant jusqu’à ce que ses ennemis soient mis pour le marchepied de ses pieds » (Chap. 10:12, 13). Si Christ attend, nous pouvons bien attendre, mais nous attendons dans la souffrance et le combat. Il attend le moment de régner ; alors il fera couler la pleine bénédiction sur les siens, soit dans le ciel, soit sur la terre, et il bannira le mal de l’un et l’autre lieu.

Ainsi nous avons besoin de patience, afin que ni la propre volonté, ni la fatigue, à cause du combat, ne s’emparent de nos âmes ; mais, dans la confiance que le temps voulu de Dieu est le meilleur, puisque c’est celui que sa sagesse et son amour pour nous a ordonné, que nos affections soient fixées sur le Seigneur et sur les choses d’en haut, et attendons-le avec un cœur qui le désire, avec une volonté soumise et une foi inébranlable, laissant à la décision de Dieu le moment de son retour. Non seulement, en fait, nous ne pouvons le retarder, mais le cœur a une entière confiance dans l’amour du Seigneur, étant assuré qu’il nous attend avec plus d’amour que nous, nous ne l’attendons ; soyons donc calmes dans cette confiance, patients dans notre voyage à travers le désert. Qu’il est doux d’attendre Christ, et la plénitude de la joie avec lui. Béni soit Dieu, il dit : « La venue du Seigneur est proche ». De plus, Jacques tire deux conséquences pratiques de cette attente du Seigneur. Premièrement, nous ne devons pas résister au mal ; le Juste n’y a pas résisté. Il nous faut attendre avec patience, comme le laboureur attend les précieux fruits de la terre, jusqu’à ce qu’il ait reçu les pluies de la première et de la dernière saison, moyens que Dieu emploie pour amener à la perfection le fruit de la moisson. Le chrétien devrait affermir son cœur par cette attente, en traversant les troubles de cette vie et les persécutions de la part du monde, qui reste toujours l’adversaire du Seigneur.

Ensuite Jacques exhorte les disciples à ne pas marcher dans un esprit de murmures et de plaintes les uns contre les autres. Si nous attendons le Seigneur, l’esprit est calme et content : il ne s’irrite pas contre ses persécuteurs ; de plus, nous supportons avec patience les maux du désert, nous endurons comme Christ a enduré, en souffrant et supportant les torts et en se remettant à Dieu. Ainsi nous sommes satisfaits et paisibles, avec un esprit heureux et bienveillant, car la bienveillance découle aisément d’un cœur heureux. La venue du Seigneur mettra tout en ordre, et notre bonheur a son fondement autre part qu’ici-bas. C’est ce que Paul écrivait aux Philippiens : « Que votre douceur soit connue de tous les hommes ; le Seigneur est proche ». Nous le répétons : Combien réelle, et puissante, et pratique, était cette attente du Seigneur ! Quelle action elle avait sur le cœur ! « Le juge se tient devant la porte ».

Ensuite Jacques donne des exemples. Les prophètes étaient des exemples d’affliction endurée et de patience, et on les disait bienheureux dans leurs souffrances. Et ils n’étaient pas les seuls ; d’autres aussi ont souffert et ont été estimés heureux. Si, par exemple, nous voyons quelqu’un qui souffre injustement pour le nom de Jésus, et qui est patient et doux, ayant son cœur incliné vers ses persécuteurs, au lieu d’être irrité contre eux, alors nous voyons la puissance de la foi et de la confiance dans l’amour et la fidélité du Seigneur. Un tel homme est calme et plein de joie, et nous disons : Voyez comme la grâce le rend heureux. Et nous sommes aussi heureux quand nous souffrons, au moins nous devrions l’être. Mais c’est une chose d’admirer ceux qui sont soutenus par l’Esprit de Christ, et c’en est une autre de se glorifier dans les tribulations, quand on y est engagé soi-même. Pour être capables de nous glorifier dans les souffrances, il nous faut la confiance en Dieu et la communion avec Celui qui a souffert pour nous.

Job est un autre exemple ; mais il est introduit ici pour montrer la fin du Seigneur, savoir, que le Seigneur est plein de compassion et miséricordieux. L’exemple cependant est des plus instructifs. Job était un homme droit et intègre, qui craignait Dieu et se détournait du mal. Mais il avait commencé à prendre plaisir en lui-même ; il faisait le bien, mais il était occupé de sa bonté. C’était de la propre justice cachée, qui gâtait sa piété. Dieu ne retire pas ses yeux de dessus le juste. Il vit le danger de Job, et attira sur lui l’attention de Satan. Ce fut Dieu qui commença tout. Satan, l’accusateur des saints, insiste pour que Job soit criblé, et Dieu lui permet de tenter Job, de lui faire ce qu’il voudrait, mais en posant une limite à sa malice. Satan fit tout ce qui lui était permis, et Job resta soumis et ne pécha point de ses lèvres. Satan persiste dans ses accusations, insinuant que si l’épreuve devenait plus forte, Job maudirait Dieu. Dieu livre tout en sa main, excepté la vie de Job, qui reste fidèle et ne pèche point. Il avait reçu de Dieu les biens, et n’en recevrait-il pas les maux ? Sa femme aussi le tente en vain.

Par la grâce, la patience de Job avait triomphé de Satan qui ne put l’ébranler. Par la grâce de Dieu, les efforts de l’ennemi avaient été surmontés : « Vous avez appris quelle a été la patience de Job ». Mais l’œuvre de Dieu pour la bénédiction de Job n’était pas encore accomplie. Par sa grâce, il avait soutenu le cœur de Job contre l’ennemi, et Job avait montré sa fidélité. Satan, comme instrument pour accomplir les voies de Dieu, avait fait beaucoup par les maux qu’il avait infligés à Job ; mais le cœur de Job n’avait pas encore été atteint : il ne se connaissait pas lui-même ; au contraire, bien que, par le moyen de Satan, il y eût été préparé, Job, par la grâce de Dieu, avait été pratiquement justifié des accusations de Satan, mais si la chose en fût restée là, son état aurait été pire qu’auparavant, au moins se serait-il trouvé dans un plus grand danger que jamais. Il aurait pu dire : « J’ai été doux et intègre dans la prospérité, et, maintenant, je suis patient dans l’adversité ». Il faut que Dieu fasse son œuvre, afin que Job puisse connaître son propre cœur.

Les amis de Job viennent le voir. Ils restent assis à terre avec lui, durant sept jours et sept nuits, stupéfaits de la condition dans laquelle ils le trouvent. Hélas ! l’orgueil se soulève souvent en la présence de l’homme, et l’orgueil blessé irrite le cœur ; la fermeté cède devant la sympathie. De quelque manière que ce fût, la présence de ses amis met à nu le fond du cœur de Job. Il maudit le jour de sa naissance. Voici le cœur de Job mis à découvert, non seulement pour Dieu devant qui on l’est toujours, mais pour lui-même, ce qui est si profondément douloureux. Où est maintenant sa patiente douceur ? Il conteste avec Dieu, il se dit plus juste que lui. Néanmoins il est beau de voir qu’au fond de son cœur, il a des pensées justes à l’égard de Dieu. Si je savais comment le trouver, disait-il à ses amis, il ne serait pas comme vous, il proposerait contre moi ses raisons (Job 23). Ses amis alléguaient que ce monde présente un déploiement parfait du gouvernement de Dieu, et que, par conséquent, Job devait être un hypocrite, car il avait fait profession de piété. Job repousse ce jugement injuste, il insiste sur ce fait, que si la main de Dieu se montre occasionnellement, le mal cependant a souvent son cours dans le monde, sans que Dieu le réprime, puisque les méchants prospèrent fréquemment. Mais Job laissait sortir l’amertume de son cœur. Élihu le réprimande de ce qu’il se faisait plus juste que Dieu, lui montrant qu’il y a en réalité un gouvernement de Dieu sur les siens. Il ne retire pas ses yeux de dessus les justes ; il les châtie parce qu’il les aime. Ensuite Dieu se manifeste lui-même, et fait voir à Job sa folie de vouloir contester avec lui, sur quoi Job reconnaît sa bassesse et son néant, et au lieu de dire, comme il l’avait fait : « L’œil qui me voyait déposait en ma faveur, » il dit : « Maintenant mon œil t’a vu, c’est pourquoi j’ai horreur de moi-même, et je me repens sur la poudre et sur la cendre ». Il se connaît lui-même devant Dieu. Après cela, Dieu pouvait le bénir et il le fit beaucoup plus que lorsque Job était dans son premier état. Ce fut « la fin du Seigneur ». Job avait été patient dans les afflictions et les épreuves les plus grandes ; Dieu avait sondé son cœur ; ensuite il le bénit abondamment.

Au v. 12, Jacques continue le sujet qui revient sans cesse dans son enseignement. Il ne veut pas que la volonté agisse, ni que la chair se montre ; il veut que l’activité de la nature soit tenue en bride, et que le cœur apprenne à ne pas s’abandonner à ces mouvements d’impatience, auxquels il est si enclin.

Quand un homme fait des serments pour appuyer ce qu’il dit, il laisse agir cette impatience du cœur ; il oublie la gloire et la majesté de Dieu, introduisant son nom d’une manière irrévérencieuse avec la licence de la chair, pour confirmer une assertion, ou donner force à un vœu, ou bien, à la place de Dieu, il met quelque créature qu’il investit de l’autorité et du pouvoir qui n’appartiennent qu’à Dieu. La racine de tout cela, c’est la volonté insoumise et les passions sans frein du cœur de l’homme. Seulement, ayant le sentiment intuitif de son impuissance pour assurer l’accomplissement de ses désirs, il introduit Dieu avec irrévérence, ou bien, comme autrefois les païens avaient l’habitude de le faire, il fait intervenir quelque créature, que, pratiquement, il déifie pour la circonstance. Ce n’est pas la convoitise, mais l’impétuosité sans frein de la chair (voyez Col. 3:8), l’irrévérence, la présomption, et l’indépendance de l’esprit de l’homme, poussées au plus haut point.

C’est pourquoi Jacques dit : « Avant toutes choses ». Il voudrait qu’avec calme et tranquillité d’esprit, dans la crainte de Dieu, nous affirmions par un « oui, » ou par un « non, » ce que nous avons à dire. Tenir en bride les mouvements de notre nature, est de toute importance. Nous le ferions si nous voyions Dieu devant nous, comme cela serait le cas en présence de quelqu’un à qui nous désirons plaire. Or Dieu est toujours présent ; ainsi manquer à demeurer dans ce calme et cette modération, est une preuve que nous avons oublié la présence de Dieu.

vers. 13. Jacques délivre l’esprit des habitudes du monde. Les hommes cherchent à se tromper eux-mêmes en évitant de penser ; ils voudraient follement oublier les soucis et les troubles, auxquels on ne peut échapper, et au milieu desquels, cependant, Dieu donne, grâces lui en soient rendues, un refuge pour le cœur, dans son amour et dans le sentiment des soins qu’il prend de nous. Il ne veut pas que nous soyons insensibles aux troubles de cette vie. Dieu, qui ne retire jamais ses yeux de dessus le juste, les envoie pour notre bien. Un passereau même ne tombe pas en terre sans notre Père, — non seulement sans la volonté de Dieu, mais sans ce Dieu qui nous aime comme un tendre Père, qui, à la vérité, nous châtie, mais qui pense à nous en nous châtiant, pour nous sanctifier et attirer nos cœurs plus près de lui.

En s’approchant de Dieu dans l’affliction, la volonté est subjuguée et le cœur consolé et encouragé. Dieu lui-même se révèle à l’âme, et opère par sa grâce ; et, dans le sentiment de sa présence, nous disons : « Il m’est bon d’avoir été affligé ». Et non seulement nous sommes près de Dieu, mais nous lui ouvrons nos cœurs. Il aime que nous le fassions, car il est plein de grâce. Il veut notre confiance ; non seulement que nous soyons soumis à sa volonté, mais que nous lui présentions nos sujets d’inquiétude.

« Ne vous inquiétez de rien, mais, en toutes choses, exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâce ; et la paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus ». Paul parle ici de soucis, mais dans ce qu’il dit se trouve aussi la consolation et le repos au temps de l’affliction. « Qui nous console », dit l’apôtre, « dans toute notre affliction, » et il appelle Dieu « le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation ». A Philippes, les saints étaient remplis de paix, par la consolation qui était versée dans leurs cœurs. Cela peut aussi avoir lieu par le moyen des circonstances ; car Paul dit : « Celui qui console ceux qui sont abaissés, Dieu, nous a consolés par l’arrivée de Tite » (2 Cor. 7:6). Il avait été extrêmement abattu, parce qu’il n’avait pas rencontré Tite, qui avait été envoyé aux Corinthiens, lorsqu’ils marchaient très mal. Il avait abandonné la porte qui lui était ouverte pour l’évangile en Troade, et son cœur en était même arrivé au point de regretter d’avoir écrit sa première lettre inspirée. Sa foi était descendue au-dessous du niveau de la puissance de Dieu qui l’avait poussé à l’écrire. Arrivé en Macédoine, en chemin pour rencontrer Tite, quoique rendant témoignage à Christ, partout où il allait, sa chair n’avait point de repos ; il dit : « Nous fûmes affligés en toute manière : au dehors des combats ; au-dedans des craintes ». Dieu permet que l’apôtre sente sa faiblesse, mais il vaut la peine d’être affligé, si Dieu devient notre Consolateur. Tite arrive, apportant de bonnes nouvelles de l’effet produit par sa première épître, et l’apôtre est plein de joie. Souvent il arrive que Dieu ôte l’affliction elle-même, et remplit l’âme d’allégresse, en versant ses consolations dans le cœur, qui devient ainsi plus mûr pour la communion avec Dieu et pour le ciel. Dans chaque cas d’affliction, la prière est notre ressource, nous reconnaissons notre dépendance et nous nous confions dans sa bonté. Le cœur se retire près de lui, il lui exprime ses besoins et ses souffrances, les plaçant devant le trône et sur le cœur de Dieu qui répond, soit par des circonstances qui nous rendent heureux, soit en versant en nous sa consolation, — réponse plus précieuse encore que la félicité extérieure, — mais toujours par ce qui est le meilleur pour nous, agissant selon la perfection de son amour.

Le cœur pieux, sous l’influence de la grâce, s’adresse aussi à Dieu dans sa joie. Si c’est seulement à cause de sa joie, cela devient un danger pour lui. Mais, de même que Dieu est un refuge dans la détresse, il est aussi la portion de l’âme dans la joie. Quand j’ai un sujet de bonheur, je le dis à mon intime ami, afin qu’il puisse se réjouir avec moi, et cela double ma propre joie. Mais dans ce passage, il y a quelque chose de plus, car le cœur sent que Dieu est la source de la bénédiction et la cause de la joie. Même lorsqu’il n’y a pas de raison spéciale de se réjouir, le cœur est heureux, et l’âme pieuse, vivant dans la communion avec Dieu, désire avoir Dieu avec elle dans sa joie. En outre, si l’âme s’abandonne elle-même à la joie, elle devient vide et légère, le cœur s’éloigne de Dieu et la folie s’en empare. Dans les afflictions, on réalise la dépendance de Dieu, mais dans la joie, il y a danger de l’oublier, et la joie aboutit souvent à une chute ; tout au moins, la chair est alors en activité et l’on oublie Dieu. Cette exhortation de Jacques, de mêler la joie à la piété, est donc très importante pour le chrétien.

Si la pensée de Dieu s’y trouve, la joie s’exprime par des cantiques et des actions de grâces envers Dieu. Il nous est présent dans notre joie, et la foi, la communion et la puissance spirituelle s’accroissent par le sentiment de sa bonté. Ainsi nous nous appliquons aux labeurs de la vie, encouragés et fortifiés à travers les afflictions du désert, par une conviction plus profonde que Dieu est pour nous.

vers. 14. La pensée de l’affliction et de la joie conduit Jacques à considérer une autre condition dans laquelle peut se trouver le chrétien, savoir, la maladie, qui est souvent, non pas toujours, l’effet d’un châtiment infligé par le Seigneur. La maladie, comme la mort, a été introduite par le péché, et nous la trouvons maintenant dans tout le cours de l’histoire de l’homme. Mais, ainsi que le dit le Seigneur, un passereau ne tombe pas en terre, sans Dieu notre Père ; et quoique les maladies appartiennent maintenant à la condition naturelle de l’homme, Dieu les emploie pour corriger ses enfants. « Il ne retire pas ses yeux de dessus le juste » (Job 36). Dans l’un et l’autre cas, soit comme maux inhérents à l’humanité, soit comme châtiment direct de la part de Dieu, Dieu se sert maintenant de la maladie pour le bien des siens, quand le cœur, au lieu de considérer avec indifférence ce qui lui arrive, se retire vers Dieu, qui pense aux souffrances des siens, et qui a égard à la soumission et au cri de ceux qu’il châtie.

La prière de la foi guérit le malade, et, si la maladie est la conséquence d’un péché, le péché qui en a été la cause sera pardonné. Le patient a reconnu la main de Dieu dans sa maladie, et Dieu répond à la foi de celui qui prie. Dans les voies de Dieu, on trouve deux sortes de pardon. La justification éternelle, selon Romains 4 et Hébreux 10, est la portion bénie de ceux qui croient à l’efficacité du sang de Christ ; c’est-à-dire que leurs péchés ne leur sont plus imputés. « Ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés, et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés ». Dieu a réglé à la croix la question de leurs péchés et il y a mis fin pour toujours : Il ne s’en souviendra plus jamais.

Mais il y a aussi le gouvernement de Dieu — le gouvernement d’un Père, d’un Père saint qui aime trop ses enfants pour leur permettre de marcher mal.

Quand, dans le livre de Job, Élihu a dit que Dieu ne retire pas son œil de dessus le juste, et montre la bénédiction qui découle naturellement de sa faveur, effet de sa bonté, aussitôt après il parle du châtiment, et ainsi explique clairement le cas de Job.

L’Esprit de Dieu encore ici suppose la possibilité d’un tel cas, en parlant de mes fautes. Mais il n’en est pas toujours ainsi. Au chapitre 33 de Job, il est dit que Dieu parle aux hommes et scelle la leçon qu’il leur donne, afin de retirer l’homme de son train, et de le mettre à l’abri de l’orgueil (v. 14-17). Il prévient le mal, comme dans le cas de Paul (2 Cor. 12). Il humilie l’homme pour le préparer à la bénédiction. Dans chaque cas, il fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment (Rom. 8:28).

Or, si la volonté n’est pas brisée, on se plaint, on murmure et on s’élève contre Dieu ; mais si le cœur s’en rapporte à lui, reconnaissant sa main, soit dans les souffrances, qui sont l’apanage naturel de l’homme pécheur (bien que ce ne soit jamais sans la main et la volonté de Dieu), soit dans un châtiment positif, ou encore sans peut-être savoir pourquoi la souffrance est envoyée, il se tourne vers Dieu, reconnaît que sa condition est le résultat de Sa volonté et cherche le remède dans sa grâce, comme dépendant de son pouvoir et de sa volonté, et y étant soumis. Or il n’y a que la foi des vrais chrétiens, qui puisse appeler d’en haut la réponse et la bénédiction.

Jacques maintenant ne parle plus de la synagogue, mais de l’assemblée. Pour qu’il y ait bénédiction, il faut la vraie foi : or Dieu a placé la bénédiction dans l’assemblée des vrais croyants ; dans son gouvernement et pour la discipline, c’est là qu’elle se trouve pour la foi. Quand le péché est ouvertement manifesté, et de telle manière que l’on puisse dire de quelqu’un qui se nomme frère, qu’il est un méchant, il est du devoir de l’assemblée de l’ôter du milieu d’elle. Les péchés sont liés sur celui qui est ainsi mis dehors ; mais s’il s’humilie et que, du fond de son cœur, il reconnaisse son péché, alors l’assemblée doit le recevoir (2 Cor. 2). Dans ce sens administratif, le péché est pardonné, les liens sont déliés.

Et cela est valide, n’y eût-il que deux ou trois qui soient rassemblés au nom de Christ, dans l’unité et la puissance du Saint-Esprit (Matt. 18), car c’est par l’Esprit seul que cela peut se faire en réalité. Il faut aussi que cela se fasse par l’assemblée comme telle, non seulement parce que la promesse lui appartient, mais aussi afin qu’elle se purifie elle-même. C’est à l’assemblée que l’exhortation de 2 Cor. 2:7, 8, est adressée. La sanction de cet acte solennel se trouve dans la présence de Jésus, selon sa promesse.

Dans ce passage de notre épître, il n’est pas question de péchés qui attirent sur un individu l’action judiciaire de l’assemblée ; il s’agit des voies de Dieu lui-même dans les circonstances ordinaires de la vie, et plus spécialement sous le rapport du châtiment que Dieu inflige. Or l’individu, en ne regardant pas ce qui lui est arrivé comme un accident, mais en y reconnaissant la main de Dieu, cherche l’intervention de Dieu selon sa grâce. L’assemblée (l’Église) est le lieu où il a mis son nom, sa bénédiction et l’administration générale de sa grâce. Christ est là, et quand l’Église était en ordre, les anciens, ceux qui veillaient sur elle, étaient appelés par le malade, afin qu’il pût jouir de la grâce et de la bénédiction de Dieu.

Néanmoins, c’était la foi personnelle qui, par la prière, faisait descendre du ciel la bénédiction spéciale : « la prière de la foi, » est-il dit. Les anciens n’étaient que le signe de l’intervention spéciale de Dieu, comme nous le voyons en Marc 6:43. Là c’étaient des miracles accomplis par ceux qui étaient spécialement envoyés par Christ dans ce but, la puissance nécessaire leur ayant été donnée. Ici, c’est la bénédiction de Dieu dans le sein de l’assemblée, bénédiction administrée par le moyen des anciens, si la foi y était. L’ordre original n’existe plus maintenant, mais Christ n’oublie pas son Église. La promesse faite à deux ou trois rassemblés en son nom, selon l’unité de son Esprit, demeure toujours sûre, et s’il y a de la foi en ceux qui veillent sur elle, la réponse de Dieu se trouvera de la même manière. Bien que nous ne puissions pas nous attendre à ce que la bénédiction coule selon son courant naturel quand les canaux sont brisés et gâtés, le cas, cependant, reste le même, et la puissance du Seigneur ne saurait changer. Il est précieux de la connaître ! Quand le Seigneur réprimande ses disciples à cause de leur incrédulité, il dit au même moment : « Amenez-le moi, » et l’enfant fut guéri (Marc 9:19).

C’est pourquoi Jacques rappelle le cas d’Élie, qui était un homme ayant les mêmes passions que nous, et cependant, en réponse à sa prière, il ne plut point durant trois ans et six mois. L’ordre extérieur de l’assemblée est perdu, mais la puissance, l’amour et la fidélité du Seigneur restent toujours les mêmes. Il peut nous laisser sentir qu’à cause du péché de l’Église, nous ne sommes pas comme nous étions au commencement ; toutefois, là où Dieu donne la foi, la réponse ne manquera jamais de sa part. Ce n’est pas de la piété que de ne pas sentir la ruine qui est survenue depuis le temps des apôtres, à cause de l’infidélité de l’Église ; ce n’est pas non plus de la piété que de douter de la puissance de Christ, si Dieu donne la foi pour s’en servir.

Quand il est dit : « s’il a commis des péchés, il lui sera pardonné, » cela signifie que lorsqu’un tel frère est revenu à lui-même, reconnaissant la main de Dieu, si ce sont les péchés qui ont attiré sur lui le châtiment de Dieu, et ont empêché sa guérison, ils lui seront pardonnés quant à la discipline de Dieu dans son gouvernement. Cette discipline s’était manifestée dans le châtiment c’est-à-dire dans la maladie ; si celle-ci est ôtée, la discipline a pris fin, les péchés sont pardonnés.

Mais ici nous trouvons une autre instruction plus générale, qui dépend cependant aussi de l’état de l’Église. Nous avons vu que lorsque tout était en ordre, le malade devait faire chercher les anciens ; or cela peut encore se faire en appelant ceux qui, pratiquement, sont des anciens. Seulement il est nécessaire qu’il y ait la foi produite par Dieu et agissant ainsi de sa part. Mais quel que puisse être l’état de ruine dans laquelle se trouve l’assemblée de Dieu, nous pouvons toujours confesser nos fautes l’un à l’autre, et prier l’un pour l’autre, en sorte que nous soyons guéris. Cela ne demande pas l’existence d’un ordre officiel, mais cela suppose l’humilité, la confiance fraternelle et l’amour.

Nous ne pouvons pas en réalité confesser nos fautes, sans avoir confiance dans l’amour d’un frère. Nous pouvons choisir un frère sage et discret (au lieu d’ouvrir nos cœurs à des personnes indiscrètes), mais ce choix ne change rien quant à l’état d’âme de la personne coupable. En ne cachant pas le mal, mais en ouvrant son cœur, il soulage sa conscience malade et peut-être aussi son corps.

La vérité agit dans le cœur ; le coupable ne cherche pas une bonne réputation, — qui après tout ne pourrait être que fausse, — mais il cherche une bonne conscience devant Dieu. Dieu prend plaisir à mettre la conscience à l’aise ; il délivre aussi le corps de la maladie, si cela est nécessaire, et alors le cœur se sent heureux dans le sentiment de sa faveur. Une conscience pure et droite est une source de joie dans la présence de Dieu.

Il est très important de se souvenir qu’il y a un gouvernement de Dieu à l’égard de ses enfants. La question n’est pas s’ils sont justifiés et pardonnés ; car ce gouvernement suppose qu’ils sont justes à ses yeux, quant au salut (Job 36). Mais alors le Seigneur a toujours les yeux arrêtés sur eux, les bénit et leur donne la conscience de sa faveur, quand ils marchent droitement dans la jouissance de Dieu. Mais si nous ne marchons pas bien, il nous avertit, et si nous ne faisons pas attention à la voix de Dieu, il châtie pour réveiller l’âme qui s’endort et qui a commencé à oublier Dieu. Et sa bonté, sa patience merveilleuse, son amour pour nous, ne se lassent jamais.

vers. 19. En dernier lieu, Jacques ajoute une exhortation pour encourager nos cœurs à chercher la bénédiction des autres. Celui qui ramène une âme de l’erreur de ses voies, est non seulement le moyen de sauver cette âme, que ce soit un pécheur marchant dans ses péchés, ou un chrétien qui marche mal, mais il couvrira aussi une multitude de péchés. Quand il s’agit de l’âme d’un homme inconverti qui est sauvée, c’est simple ; dans le cas d’un chrétien qui poursuit un mauvais chemin, il est au moins arrêté dans la voie qui conduit à la perdition.

Mais ce second point demande quelque explication ; il n’est pas sans importance. Le péché est odieux aux yeux de Dieu ; il voit toutes choses. Quand nous pensons à l’état du monde, nous comprenons combien sa patience est merveilleuse. Or la conversion d’un pécheur ôte tous ses péchés de devant les yeux de Dieu. Ainsi qu’il est écrit, c’est comme s’ils étaient jetés au fond de la mer, il ne les voit plus. Ils sont immédiatement effacés. C’est dans ce sens que « l’amour couvre une multitude de péchés ». Ils ne sont plus là comme un objet odieux à Dieu. Si nous ne pardonnons pas à un frère ses péchés, l’inimitié reste devant Dieu comme une plaie dans le corps des croyants, comme quelque chose qui n’a pas été guéri. Quand les péchés sont pardonnés, l’amour est l’objet qui se présente à lui, et c’est une chose agréable à son cœur. Ainsi quand le pécheur est converti, — ramené —, l’amour de Dieu trouve son plaisir en cela, et l’objet qui l’offensait est ôté de devant ses yeux.

Dans l’épître de Jacques, la doctrine tient peu de place : nous y avons plutôt la ceinture de la justice, la manifestation de la foi dans les œuvres, dans le caractère chrétien. La soumission sous la main de Dieu et la patience sous son gouvernement, y sont développées de la manière la plus utile pour le chrétien.