prises
à des conférences de
J. N. Darby
Table des matières abrégée :
19 - Chapitre 18:35 à Chapitre 19
Table des matières détaillée :
19 - Chapitre 18:35 à Chapitre 19
Luc nous présente le Sauveur
dans son caractère de Fils de l’homme, manifestant la puissance de l’Éternel en
grâce au milieu des hommes. Les premiers chapitres nous présentent, sans doute,
Jésus en relation avec Israël, auquel il avait été promis ; mais, plus
loin, des principes moraux s’appliquant à l’homme comme tel, dans quelque
position qu’il se trouve, sont mis en évidence. Ce qui caractérise avant tout
le récit de Luc et lui donne un charme et un intérêt particuliers, c’est qu’il
nous présente, non pas la gloire officielle du Christ comme Matthieu, ou sa
mission et son service comme Marc, ou la révélation particulière de sa gloire
divine comme Jean, mais Christ lui-même,
Jésus
lui-même,
tel qu’il était, un homme
sur la terre marchant au milieu des hommes journellement.
Plusieurs avaient entrepris de raconter ce qui était historiquement reçu au milieu des chrétiens, comme le leur avaient transmis ceux qui en avaient été les témoins oculaires ; mais quelque bonne qu’eût été l’intention des auteurs de ces récits, leur oeuvre était une oeuvre entreprise et exécutée par des hommes. Luc avait une exacte et intime connaissance de tout dès le commencement, et il trouve bon d’en écrire « par ordre » à Théophile, afin que celui-ci connût la certitude des choses dont il avait été instruit ; ainsi Dieu a pourvu aux besoins de l’Église par l’enseignement renfermé dans la peinture vivante de Jésus dont nous sommes redevables à cet homme de Dieu ; car Luc, quoiqu’il ait pu être personnellement déterminé par des motifs chrétiens, n’en était pas moins, je n’ai pas besoin de le dire, inspiré du Saint Esprit pour écrire.
Le récit de Luc nous place au
milieu d’institutions, de pensées et d’espérances juives. C’est d’abord un
sacrificateur de la classe d’Abia, l’une des vingt-quatre
classes établies par David (voyez 1 Chron. 24), et sa femme qui était des
filles d’Aaron. « Et ils étaient tous deux justes devant Dieu, marchant
dans tous les commandements et dans toutes les ordonnances du Seigneur, sans
reproche. » Tout en eux était selon la loi de Dieu au point de vue
judaïque ; mais ils ne jouissaient pas de la bénédiction si ardemment
désirée par tout Juif : ils n’avaient pas d’enfant. Il est dans l’ordre
des voies de Dieu de bénir, tout en manifestant la faiblesse de l’instrument
dont il se sert. Le temps était venu où Dieu ne devait plus retenir la
bénédiction si longuement désirée et demandée : quand Zacharie entre dans
le temple pour offrir le parfum, l’ange de l’Éternel lui apparaît. Zacharie est
troublé à sa vue ; mais l’ange lui dit : « Ne crains pas…
parce que tes supplications ont été exaucées, et ta femme Elisabeth t’enfantera
un fils, et tu appelleras son nom Jean
»,
c’est-à-dire « la faveur de l’Éternel » ; et plusieurs se
réjouiront de sa naissance, et il sera grand devant le Seigneur et sera rempli
du Saint Esprit dès le ventre de sa mère. « Et il fera retourner plusieurs
des fils d’Israël au Seigneur leur Dieu. Et il ira devant lui dans l’esprit et
la puissance d’Élie… pour préparer au Seigneur un peuple bien disposé. »
— « L’Esprit d’Élie », c’est un zèle ferme et ardent pour la gloire
de l’Éternel et pour le rétablissement, par la repentance, des relations
d’Israël avec Lui. Le coeur de Jean s’attachait à ce lien du peuple avec Dieu,
et c’est dans la force morale de son appel à la repentance que le Précurseur
est comparé ici à Élie.
Mais la foi de Zacharie, comme il arrive, hélas ! souvent, n’était pas à la hauteur de sa requête. Il ne sait pas marcher sur les traces d’Abraham et il demande encore comment ces choses arriveront (v. 18). La bonté de Dieu répond à l’incrédulité de son serviteur par un châtiment profitable pour lui et qui servait en même temps de preuve, pour le peuple, qu’il avait été visité d’en haut. Zacharie reste muet jusqu’à ce que la parole de l’Éternel soit accomplie.
Elisabeth, avec le sentiment qui convenait si bien à une sainte femme, se souvenant de ce qui, ayant été un opprobre pour elle en Israël, n’était rendu que plus sensible par la bénédiction surnaturelle qui lui était accordée, se cache en reconnaissant en même temps la bonté du Seigneur envers elle. Mais ce qui peut nous dérober à la vue des hommes a un grand prix devant Dieu.
Luc nous transporte maintenant ailleurs, afin d’introduire le Seigneur lui-même sur la scène merveilleuse qui se déploie devant nos yeux. À Nazareth, ville méprisée, vivait une jeune vierge, inconnue du monde : son nom était Marie. Elle était fiancée à un homme nommé Joseph qui était de la maison de David ; tout était dans un tel désordre en Israël que ce descendant d’un roi était charpentier. Mais qu’est-ce que cela pour Dieu ? Marie était un vase d’élection ; elle avait trouvé grâce devant Dieu.
Il faut remarquer qu’il s’agit ici de la naissance de l’enfant Jésus comme né de Marie. Il n’est pas autant question de la nature divine du Sauveur, la Parole qui était auprès de Dieu et qui fut faite chair (bien qu’assurément ce soit toujours la même précieuse Personne), que de Jésus réellement et véritablement homme, né d’une vierge. Son nom devait être appelé Jésus, c’est-à-dire l’Éternel le Sauveur ; « Il sera appelé le Fils du Très-haut ; et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ». L’Esprit parle ici en le considérant toujours comme homme né dans le monde. Mais il était Dieu aussi bien qu’homme. Saint par sa naissance, conçu par la puissance de Dieu, ce Sauveur précieux qui, même en tant que né de Marie, est appelé cette « sainte chose », devait être appelé le « Fils de Dieu ».
L’ange annonce ensuite à
Marie la bénédiction qui a été accordée à Elisabeth. La merveilleuse
intervention de Dieu avait rendu Marie humble au lieu de l’élever ; elle
avait vu Dieu et non pas elle-même dans ce qui était arrivé. Le moi
lui était caché, parce que Dieu
avait été amené si près d’elle, et elle se soumet à sa sainte volonté : « Voici
l’esclave du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole ».
Marie s’en va visiter Elisabeth, car son coeur aime à voir et à reconnaître la bonté du Seigneur. Elisabeth, parlant par l’Esprit, reconnaît Marie comme la mère de son Seigneur et annonce l’accomplissement de la promesse de Dieu son Sauveur dans la grâce qui la remplit d’une telle joie, en même temps qu’elle reconnaît son propre néant ; car quelle que puisse être la sainteté de l’instrument que Dieu emploie, et c’était le cas de Marie, — celle-ci n’était grande qu’aussi longtemps qu’elle se cachait, car alors Dieu était tout. En s’estimant quelque chose, Marie eût perdu sa place ; mais elle ne le fit pas : elle fut gardée, afin que la grâce de Dieu fût pleinement manifestée.
Le caractère des pensées qui remplissent le coeur de Marie est juif. Son cantique nous rappelle celui d’Anne (1 Sam. 1) qui parle prophétiquement de cette même intervention de Dieu. Mais Marie remonte aux promesses faites aux pères et embrasse tout Israël.
Après être demeurée trois mois avec Elisabeth, Marie s’en retourne dans sa maison attendant humblement que les voies de Dieu s’accomplissent. Rien n’est plus beau à sa place que le tableau des rapports de ces saintes femmes, inconnues du monde, mais qui étaient des instruments de la grâce de Dieu pour l’accomplissement de ses glorieux desseins. Elles se mouvaient dans une sphère où rien n’entrait que la piété et la grâce ; mais Dieu était là lui-même, aussi inconnu du monde que l’étaient ces pauvres femmes, mais préparant et accomplissant ce que les anges désirent regarder de près.
Ce qui n’est connu que de la foi dans le secret, est finalement accompli devant tous les hommes. Le fils de Zacharie et d’Elisabeth naît et Zacharie, à qui la parole est rendue, prononce la précieuse prophétie rapportée dans les versets 68-80. La visitation d’Israël par l’Éternel dont cette prophétie parle, embrasse toute la bénédiction millénaire liée à la présence de Jésus sur la terre. Toutes les promesses sont oui et amen en Lui. Toutes les prophéties l’entourent d’un cercle de gloire qui sera réalisé alors. Nous savons que, depuis sa réjection et en son absence, l’accomplissement de ces choses est nécessairement renvoyé à son retour.
Lorsqu’il plaît à Dieu de
s’occuper de ce monde et de prendre une part à ce qui s’y passe, il est
merveilleux de voir comment il agit et quelle instruction il donne. Il n’y a
aucun accord, mais une complète opposition entre ses voies et les voies des
hommes : l’empereur et son décret ne sont que d’insignifiants instruments
entre ses mains. César Auguste agit en vue de ses sujets ; mais, sans le
savoir, il est le moyen dont Dieu se sert pour accomplir la prophétie qui
annonçait que Jésus devait naître à Bethléhem. Le
courant tout entier de ce monde est en dehors du courant des pensées de Dieu.
Le point capital pour Dieu et pour son royaume ici-bas, c’est la naissance de
l’enfant de Bethléhem : mais l’empereur ne s’en
doute nullement. Son décret met le monde en mouvement, et Dieu accomplit ses
pensées ici-bas. Qu’elles sont admirables les voies de Dieu ! Tout le
monde doit se faire enregistrer, afin qu’il arrive, comme cela était nécessaire
pour l’accomplissement de la prophétie, que le pauvre charpentier avec Marie,
la femme qui lui avait été fiancée, se trouve dans la cité de David et que
l’héritier de David y naisse à ce moment-là. Ce fait est d’autant plus
remarquable que le recensement lui-même n’eut lieu que quelques années plus tard,
lorsque Cyrénius était gouverneur de la Syrie. Dieu
accomplit ses
desseins d’amour ;
mais l’homme n’a pas d’yeux pour les voir ! Qui prenait garde au pauvre
Juif, bien qu’il fût de la maison et de la lignée de David ? Les choses
qui sont absolument indifférentes à l’homme remplissent le coeur et le regard
de Dieu.
L’atmosphère est toute juive
ici : des promesses s’accomplissent, l’enfant doit naître à Bethléhem, dans la ville de David (verset 4 ; comp. Matt. 2:1 et suiv.). « La ville de David »
n’est rien pour le chrétien, sauf comme témoignage de l’accomplissement de la
prophétie : pour nous,
le Fils
vient du ciel.
Sur la terre, l’enfant
Jésus est l’objet des conseils de Dieu : les anges et le ciel sont occupés
de sa naissance ; mais, dans le monde, il n’y a point de place pour Lui !
Allez où le vaste monde enregistre chacun, entrez dans le petit monde d’une
hôtellerie où l’oeil exercé du maître d’hôtel estime chacun et lui assigne sa
place, de la mansarde au premier étage… : il n’y a point de place pour Jésus !
Et la crèche, quand le
temps est venu, aboutit à la croix !
Quelle leçon pour nous
relativement à ce monde ! Quelle différence aussi entre laisser le monde
ou être laissé par lui ! Nous disons adieu au monde avec une certaine
facilité peut-être ; mais quand il nous méprise comme il a méprisé Christ,
nous découvrons, à moins que Lui ne remplisse et ne satisfasse notre coeur, que
nous tenions à son estime sans nous en douter. Si l’obéissance est pour nous,
dans notre mesure, aussi importante qu’elle l’était pour Christ, nous
poursuivrons notre course, quelque obstacle que nous ayons à rencontrer sur
notre route, sans nous inquiéter du monde : non que nous soyons insensibles,
mais quand on a Christ
devant soi comme objet, on n’est occupé que de Lui.
Toute intelligence des choses
de Dieu vient de sa révélation et non pas des raisonnements des hommes. C’est
pourquoi les pauvres en esprit avancent davantage dans l’intelligence
spirituelle que les sages et les prudents de la terre. Dieu agit ici de manière
à mettre de côté toute apparence de sagesse humaine. Heureux celui qui a assez
saisi l’intention de Dieu pour être identifié avec elle, et n’avoir besoin de
personne si ce n’est de Lui ! Tels étaient les bergers : ils
connaissaient peu la pensée qui avait présidé à l’enregistrement ; mais ce
fut à eux, et non aux sages, que Dieu se révéla. Notre vraie science est
produite par ce que Dieu révèle ; mais nous n’arrivons jamais à la
possession des pleines bénédictions de Dieu sans que notre chair soit abaissée
et annulée ; je parle ici de la marche
.
Nous
ne pouvons entrer dans la joie
simple et la puissance de Dieu sans avoir pris une place d’abaissement et
d’humiliation, sans que notre coeur soit dépouillé de ce qui est contraire à
l’abaissement de Christ. Les bergers qui reçoivent le message de Dieu étaient
paisiblement occupés de l’accomplissement de leur humble devoir : c’est là
qu’est la place de la bénédiction. Celui qui transige avec le monde ne marche
pas avec Dieu ; car Dieu n’est pas là avec lui. De la crèche à la croix,
tout en Christ était simple obéissance. Combien autre était Theudas,
qui se disait « être quelque chose ! » Christ faisait tout selon
que Dieu l’enseignait ; il faut que nous en venions là, nous aussi.
La gloire du Seigneur
resplendit autour des bergers ; l’ange leur parle ; il leur indique
le signe auquel ils reconnaîtront l’enfant ; et quel signe ! « Vous
trouverez un petit enfant emmailloté et couché dans une crèche » (v. 12). « Et
soudain il y eut avec l’ange une multitude de l’armée céleste, louant Dieu »,
— et pourquoi ? À cause du mystère de la piété : « Dieu a été
manifesté en chair »… (1 Tim. 3:16).
L’espérance d’Israël est révélée aux bergers, — la bonne nouvelle d’une grande
joie pour tout le peuple (v. 10), car Jésus est le pivot de tous les conseils
de Dieu en grâce. Adam lui-même n’était qu’une figure de Celui qui devait venir
(Rom. 5:14). Christ était toujours dans la pensée de Dieu. Il n’est pas donné
tous les jours à des yeux mortels de contempler de pareilles manifestations de
gloire, mais Dieu les place devant nous dans sa Parole ; et chaque jour il
nous faut considérer le signe donné de Dieu, Jésus, l’enfant dans la crèche. Si
Lui
remplissait l’oeil, l’oreille et
le coeur, quels n’en seraient pas les effets sur notre personne, notre esprit,
notre conversation, nos vêtements, nos maisons, nos richesses ! …
Le signe que Dieu donne de
l’accomplissement de sa promesse et de sa présence dans le monde, c’est un « enfant
emmailloté et couché dans une crèche », — ce qu’il y a de plus petit et de
plus humble ! Mais c’est là qu’on trouve Dieu,
quoique ces choses dépassent l’homme, qui ne peut ni marcher
avec Dieu ni comprendre sa gloire morale : mais le signe de Dieu est à
portée de la foi, signe de faiblesse parfaite, un petit enfant qui ne peut que
pleurer. Tel est, né dans ce monde, Christ le Seigneur ; telle est la
place que Dieu
choisit : la
dernière place ! L’intervention de Dieu est manifestée et reconnue par un
signe comme celui-là. Jamais l’homme n’eût eu cette
pensée. Les armées du ciel louent Dieu, et disent : « Gloire
à Dieu dans les lieux très hauts ; et sur la terre, paix ; et bon
plaisir dans les hommes » (v. 13, 14) ; car rien n’est plus
merveilleux, sauf la croix, pour ceux qui ont la pensée du ciel. Le choeur
céleste voit Dieu, Dieu manifesté en chair, et loue Dieu dans les lieux très
hauts. Les anges se réjouissent de ce que ses délices sont avec les fils des
hommes (comp. Prov. 8:30, 31). Aux jours d’autrefois
Dieu s’était révélé à Moïse dans une flamme de feu qui ne consumait pas le
buisson (Ex. 3) ; mais ici, d’une manière bien plus merveilleuse, il se
révèle dans l’objet le plus faible sur la terre : pensée moralement
infinie, quoique le monde puisse la mépriser ! Qu’il est difficile
d’accepter que l’oeuvre de Dieu et de son Christ s’accomplît toujours dans la
faiblesse ! Les chefs du peuple voyaient en Pierre et Jean des hommes
ignorants et illettrés. La faiblesse de Paul à Corinthe était l’épreuve de ses
amis, la joie de ses ennemis, mais ce dont lui se glorifiait (2 Cor.
12:7-10 ; 1 Cor. 2:3-5). La puissance du Seigneur s’accomplit dans la
faiblesse. L’écharde dans sa chair jetait du mépris sur Paul, et il pensait
qu’il vaudrait mieux que l’écharde fût ôtée. Il avait besoin de cette
leçon : « Ma grâce te suffit ». Il fallait qu’il apprît que Dieu
choisit les choses faibles pour confondre les fortes. Il faut que tout repose
sur la puissance divine, sinon l’oeuvre de Dieu ne peut se faire selon la
pensée de Dieu. On se persuade difficilement qu’il faille être faible pour
faire l’oeuvre de Dieu, mais Christ a été crucifié en faiblesse, et la
faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes (1 Cor. 1:17-29). Pour faire
l’oeuvre de Dieu, il faut que nous soyons faibles, afin que la puissance soit
de Dieu (2 Cor. 4:7 et suiv.), et cette oeuvre demeurera quand la terre aura
passé.
À côté du témoignage additionnel que la mère de Jésus rend par son offrande aux circonstances dans lesquelles le Seigneur de gloire naquit ici-bas, nous pouvons voir que Dieu qui, à travers tout l’Évangile, place l’homme dans une nouvelle position devant Lui, n’oubliait pas son ancien peuple. Oui, Dieu, on le voit ici, était là pour répondre à toute pensée de tout coeur d’homme touché par la grâce, en Israël ; son coeur était spécialement tourné vers ceux qui menaient deuil sur les péchés et la désolation de son peuple, et qui attendaient la délivrance, criant à Lui du milieu des ténèbres : « Jusques à quand, Seigneur ? » — Dieu accomplira en puissance ce en quoi l’homme a failli au point de vue de sa responsabilité. Serait-ce une raison de nous tenir pour satisfaits lorsque le peuple de Dieu ne le glorifie pas ? — Non, assurément : la foi n’est pas insensible, elle mènera deuil, mais se confiera en Dieu et attendra que le temps de Dieu soit venu ; car Celui qui a promis est « fidèle, qui aussi le fera » : il saura accomplir ses propres desseins.
Siméon « attendait la consolation d’Israël » ; Anne ne quittait pas le temple, mais servait Dieu en jeûnes et en prières, nuit et jour (v. 36, 37) ; ainsi faisaient tous ceux qui attendaient la délivrance, à Jérusalem. Il y avait « ceux qui attendaient » ; et Anne les connaissait et leur parlait. Les autres sans doute étaient occupés de l’oppression romaine ; mais ces quelques-uns attendaient le Christ, courbés sous la main de Dieu qui juge le mal, mais attendant sa délivrance.
Je pense qu’il y avait dans
l’âme de Siméon quelque chose de plus que la joie de tenir dans ses bras le
petit enfant, le Messie désiré : Siméon sentait qu’il avait Dieu ;
et il était satisfait. C’est
pourquoi, sans même porter ses regards en avant jusqu’à la gloire, il
dit : « Maintenant, Seigneur, tu laisses aller ton esclave en paix
selon ta parole ». Au chapitre 5, verset 11, de l’épître aux Romains,
l’apôtre, après avoir dit que nous nous réjouissons dans l’espérance de la
gloire de Dieu, ajoute : « Et non seulement cela » (car . il y a
même plus que cette espérance), « mais aussi nous nous glorifions en Dieu ».
Les yeux de Siméon ont
vu le salut de Dieu, et il demande au souverain Maître de le laisser maintenant
aller en paix.
Nous voyons souvent quelque
chose de semblable au lit de mort des chrétiens qui jouissent profondément de
l’amour du Seigneur pour les siens, et de la proximité de sa venue pour eux.
Quelqu’un dira peut-être : Quelle consolation peut apporter la proximité
de la venue de Christ à ceux qui meurent et qui s’en vont auprès de Lui ?
— La voici : Plus nous sommes près de Dieu, plus nous attachons de prix à
toute sa vérité et à tout ce à quoi Lui attache du prix. Ainsi, aux versets
30-32, Siméon se réjouit en contemplant l’étendue de la délivrance de
Dieu : elle était pour la révélation des nations, qui avaient été
jusqu’alors cachées dans les ténèbres de l’idolâtrie et de l’impiété, aussi
bien que pour la gloire d’Israël. Mais l’âme de Siméon est satisfaite, parce
qu’elle possède Christ et qu’elle anticipe l’effet de sa présence dans le monde
entier : Siméon a tout
EN LUI,
et désire s’en aller en paix. Si un homme marche avec Dieu et qu’il ait achevé
sa course, il sait que son oeuvre est accomplie, et il a le sentiment que le
temps du Seigneur est venu ; il est associé et en communion avec le
Seigneur, avec lequel il a marché. Si, au contraire, il est simplement placé
sur un lit de maladie, il ne sera pas, à ce moment-là, prêt
à s’en aller, non pas qu’il craigne, mais Dieu lui apprend
autre chose. Mais lorsque le temps de Dieu est venu, tout est joie et l’âme est
prête ; elle sent et dit comme Siméon : « Maintenant tu laisses
aller ton esclave en paix ».
Lorsque Siméon bénit Joseph et Marie, l’Esprit lui donne d’annoncer les résultats immédiats de la présence de « l’Enfant » en Israël : Jésus devait être une pierre de touche pour plusieurs coeurs, un sujet de chute, aussi bien que de relèvement pour plusieurs en Israël ; un signe auquel on contredirait, et l’âme de Marie devait être transpercée, quelle que fût d’ailleurs la joie présente ou la gloire à venir.
Israël, en effet, était tombé
bien bas, mais Israël ne le savait pas et il fallait que Dieu le lui fît
connaître. Nous aussi, nous avons besoin que Dieu nous enseigne à cet égard,
car Christ a dû descendre dans le sépulcre et ressusciter d’entre les morts. Il
faut que les pensées du coeur soient révélées, quelle
que soit l’apparence extérieure de l’homme ; mais Christ est celui qui
manifeste aussi les pensées de Dieu
.
S’il
est le Christ, la gloire du
peuple de Dieu, il est aussi Celui qui abaissera la chair et qui rencontrera et
humiliera l’homme dans son orgueil ; il est Celui qui nous fera connaître si dans sa réjection
il est plus
précieux que toute autre chose.
Quand ils eurent tout accompli selon la loi, les parents de Jésus s’en retournèrent en Galilée, à Nazareth. Jésus ne serait pas le Christ dont nous avons besoin, s’il avait reçu quelque gloire de Jérusalem : partout en Israël sa place est au milieu des pauvres du troupeau.
« Et l’enfant croissait
et se fortifiait, étant rempli de sagesse ; et la faveur de Dieu était sur
lui. » Luc nous fournit plus de détails que les autres évangiles sur la
réalité de l’enfance du Sauveur. Il n’en a pas été de Jésus comme d’Adam qui a
été créé homme fait.
Si quelqu’un lit seulement, sans commentaire, ces pages que Dieu nous a données, combien il en sent l’indicible prix ! Quand nous voyons qui est Celui dont elles nous parlent, nous voyons la nature humaine en Lui remplie de Dieu, pour ainsi dire. Il ne s’agit pas d’une distinction officielle ; mais le coeur sent que Dieu s’est approché de lui, et le charme et la beauté intrinsèque de l’enfant le remplissent.
L’incident lié à la Pâque,
alors que Jésus avait douze ans, n’est pas moins profondément instructif que ce
qui précède. Le vrai caractère du Seigneur y apparaît, quoique Jésus ne fût pas
encore appelé à agir selon ce caractère. Il vint pour être un Nazaréen, pour
être aux affaires de son Père,
Luc
nous le dit positivement avant que Jésus entre dans son ministère public, afin
qu’il soit bien évident que ce caractère se lie à sa personne et ne dépend pas
seulement de son office. Jésus était le Pasteur du troupeau, en esprit et en
caractère. Le troupeau était à Lui. Il était le Fils du Père, quoiqu’il
attendît pour le manifester le temps déterminé de Dieu.
« Et il descendit avec eux, et vint à Nazareth, et leur était soumis. » Quelle majesté dans toute la vie du Sauveur ! Le fait qu’il était Dieu assurait sa perfection comme enfant et comme homme ici-bas. Il avait toujours conscience de sa relation avec son Père ; il était un enfant obéissant, mais ayant conscience d’une gloire qui était indépendante de tout assujettissement à une parenté humaine. Il était à Marie et même à Joseph ; mais, dans un autre sens, il n’était pas à eux. Il avait pleine conscience de sa relation comme Fils de Dieu, quand d’autre part son obéissance à ses parents était absolument juste et parfaite.
« Et Jésus avançait en sagesse et en stature, et en faveur auprès de Dieu et des hommes » : son intelligence humaine se développant, il devenait ainsi — quoique toujours parfait — parfait dans un sens plus complet : l’enfant parfait devenait l’homme parfait. La plante pleine de beauté et de grâce croissait et s’épanouissait devant Dieu et devant les hommes.
Les deux chapitres précédents
nous ont donné le caractère général de l’évangile de Luc ; ils nous ont
montré comment les pensées de Dieu descendent vers l’homme. Si
nous considérons son évangile dans son ensemble, Luc
est spécialement occupé de ce qui n’est pas juif ; toutefois la partie
qu’on peut appeler juive nous est donnée d’abord avec beaucoup de détails,
parce qu’Israël, vu son incrédulité et sa dépravation morale, sera mis de côté
pour ouvrir la voie à de nouvelles relations, fondées sur la révélation de ce
que Dieu est pour l’homme en Jésus, vrai et seul Médiateur. Mais si le chapitre
1 nous a montré la fidélité de Dieu aux promesses faites à Abraham, à son
alliance et à son serment, le chapitre 2 nous met en présence du gouvernement
actuel du monde, du pays et du peuple du Seigneur, sous la quatrième « bête »,
qui est l’empire romain. Quelle confusion le péché ne crée-t-il pas ? Les
Juifs sont assujettis aux nations : Joseph et Marie, de la maison royale
de David, vont se faire enregistrer et taxer ! Mais les voies de Dieu
brillent d’un éclat d’autant plus grand qu’elles s’accomplissent au milieu des
ténèbres. « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même »
(2 Cor. 5:19). Cependant Israël allait être mis à une nouvelle épreuve
morale par le fait que Dieu se présentait ainsi aux regards des hommes. Hélas !
on devait voir bientôt que si les Juifs n’avaient pas
gardé la loi, ils haïssaient la grâce. « Voici, celui-ci est mis pour la
chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et pour un signe que l’on
contredira. »
Au chapitre 3, Dieu
intervient par un prophète, comme jadis il était intervenu par le ministère de
Samuel : « La parole de Dieu vint à Jean, le fils de Zacharie, au
désert ». — Ce n’est pas sans motif que l’Esprit mentionne ici la
quinzième année de Tibère César : toute la terre jouissait en apparence du
repos sous son maître païen ; la parole de Dieu trouvait dans le désert
la sphère qui lui convenait. La
loi et les prophètes étaient jusqu’à
Jean ;
au milieu d’un tel état de choses, quel lieu pouvait convenir à celui-ci, sinon
le désert ? Pouvait-il reconnaître moralement l’état d’Israël ? Dieu
ne veut pas que son messager soit à Jérusalem.
La « prophétie » est l’intervention souveraine par laquelle Dieu peut communiquer avec son peuple, quand il est déchu et s’est détourné de Lui. Jean le comprend et prêche le baptême de repentance pour la rémission des péchés. Ésaie le prophète, bien des siècles auparavant, lui avait assigné cette place. Il ne servait de rien à Israël de mettre en avant ses droits et ses privilèges : son état tout entier était mauvais, et le Juge était à la porte. Jean ne rappelait pas le peuple à la loi ; il préparait le chemin du Seigneur. En cela il différait des prophètes aussi bien que de la loi, ou plutôt il allait plus loin ; car le temps de Dieu était venu pour faire un pas en avant. Les prophètes ramenaient le peuple en Horeb ; Jean parle autrement, quoique son père fût un sacrificateur, et lui-même un descendant d’Aaron. Il ne cherche pas à rétablir ce qui était terminé ; il annonce le royaume. Il n’introduit pas l’Église, ni même les bonnes nouvelles de la grâce de Dieu, car toutes deux attendaient l’accomplissement de l’oeuvre de la rédemption ; mais il laisse la loi et montre que le dessein de Dieu, c’est « le royaume ».
La citation d’Ésaïe met de côté Israël, non pas les gentils seulement,
mais Israël, comme de l’herbe séchée dans laquelle il n’y a plus un seul brin
vert. Cependant la parole de Dieu demeure à jamais ; et elle demeure quand
tout espoir du côté de l’homme s’est évanoui. Israël peut avoir failli, mais la
parole de Dieu demeurera. De plus, puisque c’est le Seigneur qui vient, « toute
vallée sera comblée, et toute
montagne et toute
colline sera abaissée… » ; et
non seulement les Juifs, mais « toute
chair
verra le salut de Dieu ». Si le péché plonge tout le monde dans
une commune ruine et sous un même jugement, Dieu peut satisfaire aux besoins de
l’homme ainsi déchu ; mais sa gloire ne sera pas renfermée dans les
limites étroites d’Israël.
Mais, pour être béni, il faut
que l’homme se repente.
Dieu veut de
la réalité et non pas seulement un peuple nominal ; il veut des faits qui
conviennent à des coeurs sentant et jugeant leur condition morale et qui par
conséquent se tournent d’eux-mêmes vers Lui. Des ordonnances, des droits
formels, qui auraient dû être des moyens de bénédiction, n’étaient nullement un
abri contre la colère qui vient, et Dieu ne permettrait pas à ceux qui se
prévalaient de ces droits, d’empêcher qu’il créât de vrais enfants de la
promesse, si la génération présente devait reprendre le caractère d’Ismaël. Le
jugement doit commencer par la maison de Dieu (voyez 1 Pierre 4:17).
De fait,
nous le savons, Jean
fut décapité, le Seigneur crucifié, et le royaume présenté en Lui et par Lui,
rejeté par Israël ; mais bientôt, le royaume sera établi visiblement et en
puissance (*). En attendant l’Église est
formée, parce que le royaume n’est pas encore établi sous cette forme visible ;
et ceux qui maintenant prennent leur place avec le Seigneur partagent sa
réjection. Ils sont membres de son corps, l’Église ; ils partageront sa
gloire ; mais ce sera une gloire céleste et non pas terrestre. En un autre
sens, nous sommes dans le royaume maintenant. Pour la foi,
les cieux règnent à présent, et nous le reconnaissons
et nous le savons ; mais Satan est actuellement prince et dieu de ce monde ;
et ainsi, ceux qui sont faits rois pour Dieu (car c’est là notre vraie place en
tant que chrétiens) sont appelés à souffrir.
C’est pourquoi Paul allait partout, prêchant le royaume de Dieu, aussi bien
que Christ et l’Église. Nous avons ce en vertu de quoi nous régnerons avec
Christ ; mais nous avons une part bien plus glorieuse encore qui est
d’être avec Christ, son corps et son épouse. Pour peu que notre pensée s’arrête
sur la personne de Christ, nous comprendrons facilement que, lorsque Lui
est retranché, tout est fini pour ce
qui concerne la terre. Il est le centre de tout ; et lorsqu’il est rejeté,
c’en est fait de ce que la prophétie annonçait et de ce qui semblait sur le
point de s’accomplir. Mais Christ rejeté ressuscite et monte au ciel, entrant
dans une gloire qui est au-dessus des cieux ; et là, dans les cieux, les
saints trouvent leur place avec Lui (comp. Ps. 2 et
8).
(*) Remarquez que Matthieu seul se sert de l’expression de : « royaume des cieux ». Cette expression peut souvent, dans un sens général, être confondue avec celle de « royaume de Dieu », comme nous le voyons par la comparaison avec Luc ; cependant les deux termes ne peuvent pas toujours se remplacer mutuellement, et Matthieu dit : « royaume de Dieu », dans quelques passages où il ne pouvait pas dire : « royaume des cieux » (voyez Matthieu 6:33 ; 12:28 et 21:43).
Ainsi le « royaume de
Dieu » était présent
lorsque
Christ, le roi, était présent ici-bas ; le « royaume des cieux »
commença lorsque Christ monta dans les
cieux
. Le jour vient où Satan cessant de gouverner, le « royaume des
cieux » (et « de Dieu » aussi, sans doute) prendra une autre
forme, non plus en mystère, mais en manifestation. Le « royaume de Dieu »
a aussi un sens moral que le terme de « royaume des cieux » n’a pas ;
et dans ce sens, l’expression est fréquemment employée par Paul dans ses écrits
et elle convenait particulièrement au dessein de l’Esprit dans Luc (voyez Actes
20:25 ; Rom. 14:17 ; 1 Cor. 6:9, 10 ; 15:50 ; 2 Thess. 1:5 ; Luc 6:20 ; 8:1 ; 9:62 ; 13:18,
20, etc.).
Jean s’adresse aux Juifs,
demandant la repentance et la justice qui en est le fruit. Il leur montre que
si, extérieurement, ils sont plus rapprochés de Dieu que les nations, ils
doivent d’autant plus tôt attendre le jugement : il insiste sur le fait
que, si le Seigneur venait, il devait trouver ce qui convient au
Seigneur.
Même alors la cognée était mise à la racine des arbres ; chaque arbre,
s’il ne portait pas de bon fruit, devait être abattu et brûlé. Repentance ou
colère : choisissez !
Le
Seigneur n’admettra pas vos prétentions comme descendants d’Abraham, si vos
voies renient Abraham : le Seigneur veut de la justice. C’est le Seigneur
qui vient ! Et il faut qu’il ait un peuple préparé pour Lui ; sinon
des pierres mêmes il se formera un peuple selon ses pensées.
Évidemment, la parole de Jean n’est pas une voix de miséricorde pour le pauvre pécheur ; Jean présente Dieu comme juge, et non pas comme agissant dans la souveraineté de sa grâce ; il ne dit pas et ne pouvait pas dire : « Venez à moi », parce que Jean n’était pas Christ. Christ seul a pu dire : « Venez à moi ». Jean venait dans les voies de la justice.
Les versets 10-14 renferment un témoignage moral. Jean entre dans les détails et s’occupe de l’iniquité pratique de chacune des classes dont se composait la foule qui l’entourait. Même lorsque la question du Christ est soulevée, dans les versets 15-18, Jean dit : Il en vient un « plus puissant que moi » ; il pense particulièrement à la puissance de Celui qui vient, — à sa puissance morale aussi bien qu’extérieure. Celui-là « vous baptisera de l’Esprit Saint et de feu. » Il s’agit ici de la puissance du Saint Esprit et de son jugement consumant. Jean ne pouvait parler de la grâce de l’Évangile tel que nous le connaissons maintenant ; il annonçait un glorieux personnage qui venait après lui, non pas un salut actuel. Tout ce qui ne pouvait pas endurer le feu devait être brûlé ; car « il a son van dans sa main, et il nettoiera entièrement son aire et assemblera le froment dans son grenier » (comp. És. 21:10 et suivants). « L’aire de Dieu », — c’était Israël : là Dieu trouvait son froment, s’il y en avait ; mais il avait son van dans sa main et il allait faire une oeuvre abrégée. Titus finalement a mis de côté l’aire de Dieu sur la terre ; le péché d’Israël avait fait perdre moralement sa place au peuple, lorsqu’il rejeta Christ ; mais à la destruction de Jérusalem, Israël perdit entièrement cette place pour le présent.
Le mode d’enseignement de Luc mérite d’être remarqué ici en passant : Luc montre que Jean avait prêché et exhorté au point de vue moral ; — et puis il dispose de Jean, l’éliminant pour ainsi dire de la scène, afin d’y introduire Christ. Ce n’est pas que, historiquement, Jean ait été emprisonné à ce moment-là par Hérode le tétrarque, car cet événement n’eut lieu que beaucoup plus tard ; mais nous avons ici un exemple de la manière de Luc ; il revient au Seigneur prenant sa place au milieu du résidu d’Israël, car le Seigneur ne s’identifie pas avec la nation ; mais dès qu’il y a un pauvre résidu, il s’identifie avec lui.
Nous trouvons le récit de ce
fait dans les versets 21 et suivants. Qu’elle est merveilleuse et pleine de
grâce cette entrée de Jésus au milieu de ceux que la voix de Jean-Baptiste
avait rassemblés ! « Et il arriva que, comme tout le peuple était
baptisé, Jésus aussi étant baptisé et priant, le ciel s’ouvrit ; et
l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe ;
et il y eut une voix qui venait du ciel : Tu es mon Fils bien-aimé ;
en toi j’ai trouvé mon plaisir. » — Quelqu’un eût pu contempler et écouter
avec tristesse ce que nous lisons au sujet de Jean-Baptiste et de son
témoignage ; nous eussions pu, en entendant le glas funèbre de l’humanité,
nous écrier : Qu’est-ce que l’homme ?
Mais maintenant notre oeil se repose sur Jésus : nous trouvons le Seigneur
venu du ciel, un homme !
Tout
est à recommencer. Si je demande encore : Qu’est-ce que l’homme ? —
aussitôt Christ apparaît. Si je regarde à moi-même, à tout ce qui m’entoure,
que vois-je ? — assez pour briser le coeur, s’il y a un coeur qui puisse
être brisé. La seule chose qui empêche qu’on ne soit entièrement accablé par la
vue de l’état des choses ici-bas, c’est qu’on n’a pas de coeur pour sentir les
choses comme elles sont. Mais ici
il
y a du repos ! J’ai trouvé maintenant un homme qui a satisfait Dieu, un
homme sur la terre dans la présence de Dieu, regardant vers Dieu, et étant un
objet pour Dieu ! — non pas le Messie purifiant son aire, mais Celui en
qui toutes les pensées et tous les conseils de Dieu sont renfermés ; — non
pas l’homme et sa beauté détruits par la teigne, mais Jésus, le Fils de
l’homme, non seulement le descendant d’Abraham et de David, mais Celui dont la
lignée remonte jusqu’à Adam et jusqu’à Dieu, — « fils d’Adam, fils de Dieu »,
le second homme, le dernier Adam, l’Esprit vivifiant ! Quelle consolation !
— car qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce que le « moi », quand le
péché du coeur est connu ? — ce « moi » qui, depuis le
commencement jusqu’à maintenant abandonne Dieu pour le fruit d’un arbre ?
Mais ici un homme apparaît, un homme béni « et
priant
». Nous
ne trouvons pas ce détail ailleurs. Et
pourquoi nous est-il donné ici ? — Parce que Luc présente l’homme
dans sa perfection, l’homme dépendant ; car
la dépendance est
l’essence d’un homme parfait. Sans doute, nous voyons Dieu
briller en Jésus, mais en Jésus, l’homme dépendant, à la place
et dans la condition de perfection comme homme. La racine du péché en nous
c’est la volonté propre, l’indépendance ; ici, en Jésus, mon coeur trouve
du repos ! — un homme dépendant au milieu de la misère et de la ruine,
mais parfaitement avec Dieu en tout ! (comparez
aussi le récit que Luc nous donne de la transfiguration). Dans l’humiliation ou
dans la gloire, il n’y a point de différence quant à ce point : l’homme
parfait est toujours l’homme dépendant.
Et lorsque ce coeur exprimait
ainsi sa dépendance, ne reçut-il aucune réponse ? « Le ciel s’ouvrit. »
Est-ce que le ciel s’ouvre ainsi sur moi ? Il est
ouvert pour moi, en vérité, sans doute ; mais moi
, je prie parce qu’il est ouvert ;
— il s’ouvrit, parce que Lui
priait.
Mais, je viens et je regarde en haut, parce que les cieux furent ouverts sur Lui.
Quel attrayant tableau de la
grâce, un tableau dont nous pouvons dire avec hardiesse, que le Père aimait à
le contempler. Oui, le Père aimait à regarder d’en haut sur la terre, au milieu
de tout ce péché, sur son Fils. Rien que de divin ne pouvait ainsi attirer le
coeur de Dieu ; et cependant l’homme humble et parfait, Jésus, ne prend
pas la place de sa gloire éternelle comme Créateur, Fils de Dieu : il
s’abaisse et il est baptisé ; il dit à Dieu : En toi « je me
confie ». Il dit à l’Éternel : « Tu es le Seigneur, ma bonté ne
s’élève pas jusqu’à toi » ; et il dit au résidu fidèle en Israël,
c’est-à-dire aux saints qui sont sur la terre et aux excellents : « En
eux sont toutes mes délices » (Ps. 16). Jésus n’avait pas besoin de
repentance, et cependant il est baptisé avec eux, précisément comme plus tard
il met dehors ses brebis et va devant elles. Il s’identifie en grâce avec
Israël, c’est-à-dire avec ceux qui avaient le coeur pur ; et le Saint
Esprit descend sur Lui comme une colombe, — vrai emblème de cet homme sans
tache, — vrai lieu de repos pour l’Esprit dans le déluge de ce monde ! (comp. Gen.
8:9). Combien aussi il est précieux pour nous que Jésus nous
soit désigné comme l’objet de Dieu
. Nous savons quels sont les sentiments du Père à son égard ;
nous sommes initiés aux pensées du Père et admis à l’entendre exprimer son affection
pour son Fils, à voir les liens se reformer entre Dieu et l’homme. Le ciel est
ouvert, non pas sur quelque chose qui soit en haut, mais sur un homme qui est
sur la terre. Ainsi je trouve du repos ; et mon coeur entre en communion
avec Dieu au sujet de son Fils bien-aimé. Il n’y a que le croyant qui en
jouisse ; mais le lien est là ; et si j’ai en moi et autour de moi ce
qui trouble mon âme, j’ai en Lui ce qui est une joie et une consolation qui ne
pourront défaillir.
La généalogie dans Luc s’accorde avec la pensée que Dieu agit en grâce dans l’homme et envers l’homme. Jésus, le Fils bien-aimé de Dieu, a une généalogie qui remonte jusqu’à Adam et jusqu’à Dieu. Jésus est Fils de l’homme ; il est héritier dans ce sens et vient revendiquer l’héritage que Dieu donna à l’homme. Quelle vérité ! De quel côté le coeur se tournerait-il pour trouver du repos, s’il n’avait pas Jésus pour se reposer en Lui ? Avec Lui, que le ciel et la terre soient renversés, j’ai cependant un repos ! Quel bonheur pour le coeur d’avoir l’objet dont Dieu lui‑même est occupé ! Que nos coeurs aussi soient de plus en plus tournés vers Lui et occupés de Lui.
Le Seigneur ayant pris la
place de serviteur au milieu des « excellents » d’Israël, le ciel
s’était ouvert sur Lui, et il avait été reconnu par le Père comme son Fils
bien-aimé. Ses plaisirs étaient avec les fils
des hommes
; aussi sa généalogie n’est-elle pas retracée seulement
jusqu’à Abraham, la racine et le dépositaire des promesses juives, mais jusqu’à
Adam et à Dieu lui-même. Indépendamment de sa propre gloire divine comme Fils
du Père, Jésus devait être appelé le « Fils du Très-Haut », le « Fils
de Dieu ». Comme homme sur la terre, il fut scellé du Saint Esprit. Il
prit la forme d’un serviteur et fut fait à la ressemblance des hommes. La
plénitude de sa perfection était maintenant d’accomplir comme serviteur la
volonté de Celui qui l’avait envoyé ; car un serviteur qui fait sa propre
volonté est un mauvais serviteur. La dépendance, la patience et l’obéissance
étaient les traits caractéristiques de la place qu’il prenait, et se trouvent
en Lui au plus haut degré. C’est pourquoi le Psaume 40, qui nous le présente
prophétiquement, dit : « J’ai attendu patiemment l’Éternel ». Il
ne demande
pas la puissance, mais il
s’attend à Dieu : « Penses-tu que je ne puisse pas maintenant prier
mon Père, et il me fournira plus de douze légions d’anges ? » (Matt.
26:53). Mis absolument et foncièrement à l’épreuve, il n’a jamais rien voulu si
ce n’est faire la volonté de son Père. Il fallait qu’il apprît l’obéissance (comp. Héb. 5:8). Ayant pris la
place de serviteur, il garde cette place jusqu’au bout, non pas dans un
acte, mais en faisant l’expérience de
la force de cette expression : apprenant « l’obéissance »
, sans qu’il ait eu aucune consolation
ici-bas, avec des ennemis tout autour de Lui, des chiens l’entourant, de
puissants taureaux de Basan qui l’environnaient. Il
dut apprendre l’obéissance, là où l’obéissance était toujours la souffrance,
même jusqu’à l’abandon de sa vie. Chacun de ses pas était un pas dans
l’humiliation, jusqu’à ce qu’il vînt au terme de sa course, à la croix, où il
porta la colère de Dieu en amour pour nous. Sans doute il trouva dans sa
réjection des champs blancs « pour la moisson », et nous aussi, dans
notre mesure, nous en trouverons, si nous marchons dans le même chemin ;
mais la croix (tout ce qui pouvait arrêter un homme) était toujours devant Lui ;
cependant il poursuivit sa route, attendant patiemment et ne demandant pas de
délivrance. Il présente ainsi le Dieu parfait à l’homme, et l’homme parfait à
Dieu.
Dans ce chapitre, Jésus entre
publiquement dans le chemin de patiente obéissance. La première chose que nous
ayons à remarquer ici, c’est que, plein du Saint Esprit, le Seigneur est
conduit par l’Esprit
au désert, où il
est tenté par le diable. L’ennemi est puissant de deux manières : il
tente, ou il effraie. Dans le premier cas, il agit par nos convoitises,
présentant ce qui, est calculé pour attirer et ainsi il domine sur nous
naturellement ; — dans le second cas, il a la puissance de la mort. Ainsi
Judas, étant un homme avare et qui n’avait pas la foi qui purifie le coeur,
Satan fait naître l’occasion et s’empare de lui, non pas que Satan ait aucun
droit de dominer sur les hommes, mais il acquiert la domination sur eux par les
convoitises de la chair ; — d’un autre côté, il effraie par les terreurs
de la mort. Il assaillit le Seigneur de ces deux manières, mais ne trouva rien
en Lui (comp. verset 13 et Jean 14:30).
Ici donc le diable se
rencontre avec l’homme,
l’homme dans
la puissance de l’Esprit de Dieu ; tenté non dans le paradis, mais dans le
désert. Jésus ne dit pas « Je suis Dieu, et toi, tu es Satan ; va
arrière de moi » — Dieu n’aurait pas été glorifié ainsi et nous n’en
aurions tiré aucun profit. Mais comme le Seigneur avait été conduit dans le
désert, non par la convoitise (penser cela serait un blasphème !) mais par
le Saint Esprit, ainsi dans sa grâce il se place lui-même là où l’homme se
trouvait. Il ne reçoit de secours de personne, pas même de Jean-Baptiste ;
bien au contraire, il est entouré de tout ce qui l’aurait fait broncher, si
cela avait été possible : il passe au travers de tout comme homme. Il faut
qu’il soit tenté, et qu’il soit vainqueur là où l’homme, non seulement avait failli,
mais où il gisait sous la puissance du mal.
Il n’y avait pas de mal à avoir faim : ce n’était pas un péché. Jésus eût pu commander que les pierres devinssent du pain : mais faire ainsi, sauf à la parole de son Père, c’eût été faire sa propre volonté, et Jésus n’aurait pas été l’homme parfait. Satan cherche à introduire dans le coeur de Jésus un désir qui ne fût pas dans la parole de Dieu : il avait réussi à insinuer une convoitise dans le coeur d’Adam ; mais ses traits sont impuissants contre Jésus, quoique ce dernier soit quarante jours exposé à sa présence et à sa puissance. Jésus dut apprendre par l’expérience ce que c’est que d’être sans secours d’aucune part, sans amis, dans une affreuse solitude, n’ayant autour de Lui que les bêtes sauvages, exposé aux attaques du diable ! Il mesura ainsi la puissance de Satan. L’homme fort était là devant Lui, usant de toutes ses armes ; mais Celui qui était plus fort que lui le vainquit. Jésus lie l’homme fort. Il fut en dehors de la condition humaine quarante jours, — non pas comme Moïse, pour être seulement avec Dieu, mais comme Celui qui était toujours avec Dieu pour être exposé aux attaques de Satan. Aucun autre homme n’a besoin de sortir de sa condition pour être tenté, il n’a qu’à poursuivre sa route avec les hommes ; mais en Jésus cette séparation extraordinaire avait lieu pour qu’il fût avec le diable. Pour être avec Dieu, Jésus n’avait besoin de rien en dehors de son chemin de tous les jours, car sa place naturelle était d’être avec Dieu ; mais pour être avec Satan, il avait besoin de cette séparation extraordinaire dans laquelle nous le voyons ici. D’autres sont étrangers à Dieu et familiers avec Satan ; Lui, dans les choses les plus adverses, est un étranger pour Satan, et demeure dans le sein du Père. Mais il s’anéantit lui-même comme Dieu, pour devenir un serviteur comme homme ; et étant en figure comme un homme, un homme dépendant, il s’attend à la parole de Celui qu’il servait. Le Père qui est vivant l’avait envoyé, et Lui vivait à cause du Père (voyez Jean 6:57) : il était comme homme sous l’autorité de Celui qui l’avait envoyé, et sa viande, c’était de faire sa volonté. « Par la parole de tes lèvres je me suis gardé des voies de l’homme violent » (Ps. 17:4).
Jésus se sert toujours de la Parole
écrite, et Satan est sans puissance. Quelle importance extraordinaire il donne
aux Écritures ! Dieu agit maintenant par la Parole, et on résiste
moralement à Satan par ce moyen. Satan ne peut toucher un homme qui garde
simplement la Parole : « Celui qui est né de Dieu se conserve
lui-même, et le méchant ne le touche pas » (1 Jean 5:18). Ce n’est
pas par un acte de son autorité divine que Jésus renvoya Satan, mais l’ennemi
est démontré impuissant devant l’obéissance à la parole de Dieu. Si le diable ne
peut pas faire sortir du chemin de l’obéissance, il n’a point de puissance.
Qu’est-ce qu’il peut y avoir de plus simple ? Tout enfant de Dieu a le
Saint Esprit agissant par la Parole
pour
le garder.
Jésus ne raisonne pas avec
Satan. Un simple texte le réduit au silence, quand on s’en sert dans la
puissance de l’Esprit. Tout le secret de la force dans la lutte consiste en un
juste emploi de la parole de Dieu. Quelqu’un dira peut-être : Je ne suis
pas comme cet homme parfait. Il pouvait en être ainsi pour Christ, mais comment
moi puis-je espérer le même résultat ? En effet, nous sommes ignorants et
la chair est en nous ; mais Dieu est toujours le souverain Seigneur, et il
est fidèle et ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de ce que nous
pouvons supporter. La tentation peut être simplement une épreuve de notre
obéissance comme elle le fut pour Abraham, non pas un piège pour nous détourner
du droit chemin. Satan présente ce qui n’a aucune
apparence de mal. Le mal serait, pour quelqu’un, de faire sa propre volonté. Or
ce qui résout toute difficulté, c’est de se demander non pas :
quel mal y a-t-il à faire ceci ou cela ? mais
: pourquoi
est-ce que je fais ceci ou
cela ? Est-ce pour Dieu ou pour moi-même ? Quoi, direz-vous
peut-être, je devrais avoir toujours ce pénible frein ? Le secret de notre
nature est ainsi mis en évidence : nous n’aimons pas être dans
l’obligation de faire ce que Dieu
approuvera.
C’est un frein
pour nous que de faire
la volonté de Dieu ! Nous voulons faire notre propre volonté. Agir
seulement parce qu’il le faut,
c’est
la loi, et non pas la direction de l’Esprit. La parole de Dieu était le motif
de Christ, et c’est de la même
manière que Christ dirige les siens. Notre sauvegarde contre Satan ne consiste
pas à mettre au vieil homme une barrière mais elle est dans le nouvel homme,
vivant de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
La première tentation est un
appel fait aux besoins du corps ; la seconde (dans Luc, non pas dans
Matthieu) est la tentation de la gloire du monde ; la troisième (dans cet
évangile) est la tentation religieuse par la parole de Dieu, et par conséquent
au point de vue moral, la plus subtile de toutes pour quelqu’un qui apprécie
cette Parole. C’est pour cette raison que Luc s’écarte ici de l’ordre historique
des événements, pour grouper ceux-ci moralement, selon son habitude. Le
tentateur s’attaque d’abord au Seigneur Jésus en rapport avec la vie
de l’homme ; ensuite, en
rapport avec la puissance
donnée à
l’homme, et troisièmement, en rapport avec les promesses
faites à Christ lui-même.
Le Seigneur eût pu raisonner
avec le diable ; il ne lui dit pas même que de toute manière le règne du
monde Lui appartiendrait un jour. Il se tient sur un terrain qui met tout à sa
vraie place, et où il est un exemple parfait pour nous : il s’en tient à
la parole et au culte de Dieu. Il s’attend à la parole de Dieu,
rend hommage à
Dieu,
le sert Lui seul.
Que tout cela est simple et beau ! C’était le lien
direct avec Dieu d’un coeur obéissant, une question de relation avec Dieu.
Ainsi jadis, Éliézer fut béni ; mais avant de
commencer à jouir de la bénédiction, il rend grâces (Gen.
24:26, 27, 52) : il eut d’abord la parole, ensuite la bénédiction. Que
vient-il après ? Il courbe la tête pour adorer. Dieu est la première pensée
de son coeur. Il en est de même ici du Seigneur, mais d’une manière bien plus
complète. La dernière et la plus subtile des tentations était
fondée sur les promesses faites au Messie (v. 9-11). Si tu es le Fils de Dieu,
pourquoi ne pas essayer ? Mais pourquoi Jésus aurait-il mis Dieu à
l’épreuve, Lui qui savait que Dieu était pour Lui ? Pourquoi aurait-il été
présomptueux comme Israël autrefois lorsque, désobéissant à Dieu, il voulut
monter sur la montagne afin d’éprouver si Dieu était au milieu de son peuple ?
Même lorsque Lazare est malade, Jésus ne fait pas un pas jusqu’à ce que la
volonté de son Père soit manifestée, quoique tout ce qui est « nature »
se fût ému, et qu’il connût bien l’affliction de cette maison qui était son
refuge ; car « Jésus aimait Marthe, et sa soeur, et Lazare ».
Le Seigneur n’écouta pas
Satan. Qui l’eût écouté, direz-vous peut-être ? Mais vous écoutez Satan à
chaque jour de votre vie où vous cherchez même la plus insignifiante chose de
ce monde. N’y avait-il donc pas une promesse pour Jésus ? Assurément ;
mais pourquoi
se serait-il jeté du
haut du temple en bas pour s’assurer si Dieu vaudrait sa parole ? Ne
savait-il pas que Dieu était avec Lui ? Il en est de même pour nous :
appliquons-nous seulement à avoir la Parole derrière
nous, sans nous inquiéter de ce que nous pouvons avoir devant nous. Nous ne
devrions jamais soulever la question de savoir si Dieu est avec nous. S’il ne
nous envoie pas, tenons-nous tranquilles, mais ne mettons jamais en doute sa
présence. Si nous sommes dans le simple chemin de sa volonté, le Saint Esprit
agira en
nous pour nous guider, et
non seulement sur
nous pour nous
redresser.
Ainsi donc, dans l’ordre non pas historique, mais moral, suivi par Luc, nous trouvons les exercices d’âme progressifs d’un homme : d’abord, ce qui est relatif aux convoitises naturelles, ensuite, aux convoitises mondaines (*), et enfin, les tentations spirituelles. Le Seigneur Jésus a été tenté ici-bas, dans le monde dans lequel nous nous trouvons, non pas en Eden. Il se plaça, par la volonté et la sagesse de Dieu, là où l’homme se trouve dans ce monde, lieu de nos difficultés. Il a traversé toutes celles qui entourent un fidèle. Qui a besoin de son secours ? Non pas un pécheur, car un pécheur a besoin de salut, mais un saint, car un saint a besoin d’aide et de sympathie dans sa course. Nous avons à maintenir pratiquement notre premier état, en tant qu’hommes renouvelés. Satan ne peut toucher le nouvel homme ; mais il essaie de nous entraîner hors du chemin de la piété. Nous avons besoin de secours pour marcher comme des enfants d’obéissance là où Christ a marché.
(*) La parole de Satan (Luc
4:6) : « Je te donnerai toute cette autorité… ; car elle m’a
été donnée, et je la donne à qui je veux »… était fausse en droit
, mais vraie en fait
par les convoitises des hommes.
Aussi loin que vont celles-ci, Satan donne cette autorité ; mais Dieu,
après tout, est au-dessus de lui et gouverne en providence.
« Et Jésus s’en retourna en Galilée, dans la puissance de l’Esprit ; et sa renommée se répandit par tout le pays d’alentour. Et lui-même enseignait dans leurs synagogues, étant glorifié par tous. » En toutes choses son obéissance est manifestée. Invulnérable à Satan, il s’avance avec une puissance que rien n’arrête, et, dans notre mesure, nous le ferons aussi, si comme Lui nous passons par la tentation, de manière à ne pas être touchés par l’Ennemi.
« Et il vint à Nazareth où il avait été élevé », — à Nazareth, ville humble et méprisée, mais lieu de la puissance spirituelle. N’en a-t-il pas toujours été de même ? Quand est-ce que la puissance spirituelle se trouve alliée aux choses grandes de ce monde ?
« Et on lui donna le
livre du prophète Ésaïe ; et… il trouva le
passage où il était écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il
m’a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres… » C’était le
trait caractéristique de la grâce : elle venait pour les pauvres, les
malades, etc. La grande affaire de Christ était de prêcher, c’est-à-dire de
présenter Dieu. Le Saint Esprit fournit la parole convenable au temps
convenable et de la manière convenable. Le Seigneur ne raisonne pas ; il
dit : « Aujourd’hui cette écriture est accomplie, vous l’entendant »
(v. 21). Dieu a pour manière de faire de présenter ce dont nous avons besoin
. Vous avez besoin de salut :
le voici ; de miséricorde : la voici. Dieu seul peut descendre ainsi
par grâce jusqu’où le pécheur se trouve. Tous s’étonnaient, car les paroles de
Jésus étaient précieuses. Mais bientôt ils demandent : « Celui-ci
n’est-il pas le fils de Joseph ? » Avait-il honte d’être le
charpentier ? La grâce descend jusqu’à la misère la plus profonde et elle
prend la dernière place. Mais l’homme en prend occasion pour la mépriser, parce
qu’elle se revêt d’humiliation : il ne peut pas ne pas voir Dieu,
mais il s’en détourne pour
regarder à l’humiliation, montrant ainsi la haine de son coeur. L’homme méprise
la grâce de Dieu, et hait sa souveraineté. Dieu
ne méprisait pas Nazareth ; mais l’homme méprise Jésus, parce qu’il
vient de Nazareth. Nathanaël même, l’Israélite sans
fraude, demande : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? »
(Jean 1:47). Combien peu même l’homme pieux sait discerner les voies de la
grâce ! Christ s’abaisse jusqu’à la misère de l’homme et le trouve où il
est. Un ange eût-il pu faire cela ? Non ; il se tient où Dieu l’a
placé, faisant les commandements du Seigneur et écoutant la voix de sa parole
(Ps. 103:20). Un ange ne devait
pas
descendre jusqu’à moi dans mes péchés ; Dieu seul, dans sa grâce, pouvait
le faire. Et l’homme — le
malheureux ! — méprise l’abaissement dans lequel la grâce a amené Dieu !
Israël résista toujours à la
grâce, et cependant la grâce fut toujours la voie du bon plaisir de Dieu,
témoins la veuve de Sarepta et Naaman
le Syrien. La grâce dépassait les limites d’Israël (v. 25-27). Les Juifs
pouvaient s’en irriter, mais cela n’empêchait pas la grâce de déborder
par-dessus leurs limites. Ils
se levèrent, et ayant chassé hors de la ville et mené sur le bord escarpé de la
montagne celui qui avait nié leurs privilèges, ils voulaient l’en précipiter ;
mais Lui passant au milieu d’eux, s’en va renouveler ailleurs l’oeuvre de la
grâce (v. 28-32). Cette contradiction des Juifs n’émeut pas Jésus ; elle
l’éprouve et brise son coeur, mais ne l’émeut pas. Le mépris de l’homme le
tourne vers Dieu ; la volonté de son Père est sa consolation, dans sa
réjection : « Oui, Père, car c’est ce que tu as trouvé bon devant toi ».
C’est la perfection sur la scène de la grâce, comme précédemment, sur la scène
de la tentation.
Mais il y avait aussi la
manifestation de la puissance ; c’était plus qu’une simple promesse,
c’était l’accomplissement de la promesse pour la délivrance de l’homme en
puissance, aussi bien que la grâce ; et ceci demeure vrai pour nous qui
connaissons le Seigneur comme homme ressuscité et élevé à la droite de Dieu. La
simple promesse ne fournit pas un centre
pour les affections
: Christ lui-même est ce centre, Christ, l’objet
de la promesse. Il éveille en nous des pensées et des sentiments divins qui ne
trouvent aucune réponse ou satisfaction quelconque dans ce monde. Tel est
Christ : lorsqu’il se présente Lui-même
,
il apporte avec Lui la paix et la grâce ; et, en communion avec Lui, l’âme
peut se réjouir avec actions de grâces en ce
qu’il est.
Cette grâce s’adapte à toutes
les difficultés, de manière à amener l’homme à la paix avec Dieu. Les démons
mêmes savaient qui était Jésus ; l’homme seul était sourd et aveugle. Le
diable le tenait captif, mais une simple parole de Jésus met en liberté le
captif. Jésus
était là, — non pas
seulement une promesse, mais une puissance opérante, la puissance vivante du
Seigneur au milieu des hommes, la puissance de Dieu dans l’homme, remportant la
victoire sur Satan. Tel était Jésus dans la synagogue de Capernaüm
devant l’homme qui avait un esprit immonde.
Jésus est le même quand il sort de la synagogue et qu’il entre chez Simon : la maladie disparaît ; la malade faible est rendue forte. Il se penche sur la belle-mère de Simon qui était prise d’une grosse fièvre, « et à l’instant s’étant levée, elle les servit ».
Qu’est-ce qui peut résister à cette puissance libératrice présente dans la personne du Seigneur Jésus ? « Et comme le soleil se couchait, tous ceux qui avaient des infirmes atteints de diverses maladies, les lui amenèrent ; et ayant imposé les mains à chacun d’eux, il les guérit. Et les démons aussi sortaient de plusieurs » (v. 40 et suiv.). Il allait de lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance (comp. Actes 10:38). C’est pourquoi quand les foules le retiennent pour qu’il ne s’en aille point, il leur répond que sa mission est de prêcher aussi ailleurs : il est toujours l’homme obéissant.
Il est intéressant de connaître
la puissance progressive de la parole de Dieu. Le Seigneur prêchait
, comme nous l’avons vu à la fin du chapitre 4, et en
faisant ainsi, aussi bien que dans les miracles qu’il accomplissait, il
manifestait la puissance de la bonté. Ces miracles qu’il opérait avaient un
double but ; savoir : la confirmation du témoignage rendu, et la
délivrance actuelle de la puissance de Satan. Mais la grande oeuvre du Seigneur
était de prêcher le royaume de Dieu. Il établira bientôt le royaume en
puissance ; mais son grand objet était alors comme aujourd’hui de mettre
les coeurs en rapport avec Dieu ; or la Parole est plus efficace pour cela
que les miracles.
En une certaine mesure, même les hommes inconvertis sont sensibles à la présence de Dieu. Adam ouït la voix de l’Éternel Dieu et chercha à se cacher parmi les arbres du jardin. Quand l’Évangile est prêché avec puissance, il rassemble des foules, touchées peut-être par une chose nouvelle, mais sans qu’il y ait de fruit. Il en était ainsi de la prédication et des miracles du Seigneur : les foules se pressaient autour de Lui, attirées souvent, nous le savons, par des motifs égoïstes ; mais Lui poursuivait son chemin en dépit de tout. Descendu ici-bas pour la bénédiction de l’homme, il voulait associer d’autres hommes avec Lui dans cette oeuvre de grâce ; mais il les appelle d’une manière qui ne laisse aucune gloire à l’homme : « Il vit deux nacelles qui étaient au bord du lac. Or les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. — Et montant dans l’une des nacelles qui était à Simon, il le pria de s’éloigner un peu de terre ; et, s’étant assis, il enseignait les foules de dessus la nacelle. Et quand il eut cessé de parler, il dit à Simon : Mène en pleine eau, et lâchez vos filets pour la pêche » (v. 2-4). La parole avait de l’autorité sur la conscience. Pierre et André avaient déjà vu Jésus avant ce moment-là ; mais ils n’étaient pas demeurés avec Lui ; leur foi n’avait pas eu assez de puissance pour les attacher à Christ. Beaucoup de personnes, maintenant comme toujours, reconnaissent l’autorité de la parole divine sans être attachées par sa puissance à la personne du Sauveur ; un grand nombre d’entre elles sont absorbées par leurs préoccupations de tous les jours, la Parole n’ayant pas pris possession de leurs âmes de manière à les faire marcher entièrement avec Christ. Entendre simplement la parole de Christ quand elle nous est adressée, est une chose tout à fait autre que d’avoir le coeur atteint par cette parole, en sorte qu’elle devienne la source et le mobile de toutes nos voies. C’est ce que nous voyons dans le cas de Pierre et d’André : ils avaient passé quelques heures avec Jésus ; ils l’avaient entendu parler, et l’avaient reconnu pour le Messie ; ici encore, nous les voyons obéir à la parole de Jésus : à sa parole ils prennent le large, et à sa parole ils lâchent leur filet.
Le miracle accompli par le
Seigneur était propre de toute manière à agir sur ceux auxquels il s’adressait.
Simon et ses compagnons répondent : « Maître, nous avons travaillé
toute la nuit, et nous n’avons rien pris ». L’homme était impuissant dans
une circonstance comme celle où ils se trouvaient. Si Jésus pouvait y apporter
remède, c’était parce que tout était à sa disposition : « Mais sur ta parole »,
dit Simon, « je
lâcherai le filet » (v. 5).
« Et ayant fait cela, ils enfermèrent une grande quantité de poissons, et leur filet se rompait. Et ils firent signe à leurs compagnons… ; et ils vinrent et remplirent les deux nacelles, de sorte qu’elles enfonçaient. » Ils n’avaient pas même la force de recevoir par eux-mêmes. « Et Simon Pierre, ayant vu cela, se jeta aux genoux de Jésus, disant : Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » Si la parole de Jésus n’avait pas atteint le coeur de Pierre, il eût simplement obéi en usant de cette parole pour un secours temporel ; mais Pierre reconnaît Jésus comme le Seigneur, entendant bien plus que les paroles ne paraissaient dire. Sa conscience est atteinte ; le Seigneur lui-même lui est révélé, et il est ainsi placé dans la lumière pour se voir tel qu’il est. Quand l’oeil de Dieu repose sur nous et que nous en avons conscience, nous voyons en nous-mêmes ce que Lui voit : c’est ce qui arriva à Pierre ; amené en présence de Dieu, il découvrit qu’il s’était séduit lui-même.
C’est là que la grâce
commence ; mais nous ne sommes pas encore au bout. Ainsi Paul fut aveuglé
trois jours, et son âme fut si profondément travaillée qu’il ne put ni manger,
ni boire. Ici, Pierre tombe aux pieds de Jésus. — Il en est de même pour
nous : quand nous sommes réellement amenés en présence de Dieu, nous
faisons la découverte de notre état de péché. Les moyens dont Dieu se sert pour
nous amener là peuvent être divers, les circonstances de la vie, des événements
providentiels, un orage, par exemple, comme dans le cas de Luther, mais quand
nous sommes convaincus de péché, Christ
lui-même
est révélé à l’âme, et, partout où il est, il prend dans l’âme la
place qui Lui appartient. Ce n’est pas seulement alors qu’un homme soit
sauvé : mais cet homme n’est plus heureux si Dieu n’a en lui la place qui
Lui appartient.
Pierre ne fuit pas le Seigneur comme Adam qui s’était caché de Lui ; il est attiré vers Lui. En même temps il est là, un homme pécheur, jugé et convaincu dans sa propre conscience, et prenant le parti de Christ contre lui-même : « Retire-toi de moi », dit-il ; mais il dit ces paroles prosterné devant Jésus. Il peut sembler qu’il y ait là une contradiction. L’acte de Pierre était réellement le témoignage d’un amour vrai et d’un souci réel pour la gloire de Christ, parce que la parole qu’il avait entendue avait révélé Christ à son âme. Son coeur n’était pas parfaitement en paix ; mais Christ en avait pris possession. La grâce attire vers Christ ; mais l’homme reste encore sous le sentiment de sa propre indignité jusqu’à ce que l’oeuvre de Christ soit connue dans toute sa portée pour la paix de l’âme. Dieu voit les pensées et les intentions du coeur, et nous sommes amenés à les voir comme Lui les voit : la justice est implantée dans la conscience : Dieu et l’homme se rencontrent. Ce n’est pas que Pierre pût être heureux ailleurs qu’aux pieds de Jésus, mais Pierre sentait pendant tout ce temps, combien il était impropre à se trouver en pareille société.
Mais le Seigneur agit en
grâce ; il ne laisse pas Simon Pierre. Il connaissait tout son péché avant
qu’il entrât dans la nacelle, et il lui dit : « Ne crains pas ;
dorénavant tu prendras des hommes » (v. 10). Jésus était entré dans la
nacelle pour montrer à Pierre qu’il n’avait rien à craindre. En vérité, « l’amour
parfait chasse la crainte » (1 Jean 4:18). La crainte porte avec elle
du tourment, jusqu’à ce que la grâce soit pleinement révélée ; elle
l’était maintenant avec autant d’autorité que la parole qui opérait des
miracles : « Lâchez vos filets pour la pêche », « Ne crains
pas », telle était la parole de Christ pour le coeur de Simon. Si Pierre
se confiait à cette parole pour le poisson, pourquoi pas pour sa frayeur ?
Il avait dit : « Retire-toi de moi » ; mais au lieu de se
retirer, Christ était déjà venu, sachant tout ce que Pierre était mieux que
Pierre lui-même. Il était venu comme un Sauveur ; il fait plus encore, en
annonçant à Pierre qu’il allait faire de lui un instrument pour rassembler
d’autres objets de sa grâce. Chacun de ceux dans le coeur desquels l’amour de
Dieu est versé par le Saint Esprit, devient lui-même un vase de grâce
vivante : il n’est pas la source,
mais
l’eau qui . vient de la source
se répand par lui, en sorte que
d’autres puissent venir et boire. Vases de la grâce, nous sommes associés à
Christ dans l’activité de l’amour. Il n’est pas question ici de don extérieur,
mais de ce grand fait qu’il y a communion vivante entre les membres du corps de
Christ et le Chef dans le témoignage de sa grâce et de sa puissance.
Les effets de tout cela
apparaissent dans les disciples. Les voilà maintenant absorbés par Christ. Ils
ne regardent plus à Lui seulement pour le salut, mais ne pensent plus qu’à Lui
seul pour la vie, pour parler ici d’une manière générale, à part tout
manquement particulier : « Ils quittèrent tout et le suivirent » ;
Christ devient leur vie.
C’est un
courant tout nouveau, et non plus l’obéissance à un commandement exprès, avec
la réserve, peut-être, qu’il n’y a pas de
mal à ceci ou à cela.
Christ n’a pas cherché sa propre satisfaction (Rom.
15:3) : son motif pour agir était la volonté de son Père, non pas
l’absence d’une défense ; et nous,
nous
sommes sanctifiés pour l’obéissance de Jésus Christ et l’aspersion de son sang
(1 Pierre 1:2). « Ils quittèrent tout » ; et là où Christ
allait, ils allèrent. Ils sont associés à leur Seigneur dans son amour pour les
âmes et dans la conduite de la vie ; c’est la liberté. Puissions-nous,
ayant Christ pour vie, l’avoir aussi pour seul mobile de toute activité,
détachés de tout pour être liés à Lui, et devenus des canaux pour toute la
bénédiction et la grâce que nous avons nous-mêmes goûtées en Lui ! Il y a
en Christ une puissance qui attire, qui délivre de toute la corruption
environnante et place l’âme dans le courant des pensées et des voies de Dieu
par la révélation de Christ lui-même.
Christ était la manifestation
sur la terre de la puissance et du caractère de Dieu — de la grâce. L’histoire
du lépreux en est un témoignage frappant ; car la lèpre était un mal que nul
ne pouvait guérir, si ce n’est Dieu seul. Mais Dieu était là
, présent en grâce en Christ. La lèpre est la figure
du péché dans son caractère de souillure. Un homme plein de lèpre, voyant
Jésus, se jeta sur sa face et le supplia, disant : « Seigneur, si tu
veux, tu peux me rendre net ». Le lépreux reconnaît la puissance divine en
Jésus ; mais il n’a pas pleine confiance en sa grâce ; il semble
découragé par la misère, et presque désespéré, il dit : « Si tu veux
… » Mais Celui qui seul
sur la terre avait le droit de parler ainsi, dit : « Je veux
».
Dieu seul pouvait dire cette parole, et il le faisait, non dans le
ciel, mais descendu sur la terre, dans l’homme et au milieu des hommes. Christ
était là, qui seul, pouvait toucher le lépreux et la lèpre sans en être
souillé. Il fallait la puissance divine assurément, et les sacrificateurs même
ne pouvaient que reconnaître les résultats de son intervention ; mais
c’était l’amour divin et parfait qui touchait le lépreux, en même temps que
c’était la main d’un homme, d’un homme qui né sous la loi reconnaissait les
ordonnances de Dieu (comp. Gal. 4:4). Ainsi la
guérison du lépreux « leur fut un témoignage » ; car le lépreux
devait se montrer au sacrificateur. Et qu’est-ce que celui-ci devait penser ?
Qui est-ce qui avait visité Israël ? Il fallait que l’Éternel
fût venu, car Lui seul pouvait guérir le lépreux.
Que voyons-nous maintenant ?
Jésus se retira dans le désert ; et il « priait
».
Quelque
grande et manifestement divine que soit la puissance exercée par Lui, Jésus est
l’homme dépendant, et c’est en ce point précisément que nous, nous manquons.
Une autre scène se présente
(v. 18 et suiv.). Il ne s’agit plus de la puissance de Satan, comme au chapitre
4: ni de la souillure du péché telle qu’elle est figurée par la lèpre, mais de
la coulpe
du péché. Les hommes
introduisent le paralytique devant Jésus, parce qu’ils avaient le sentiment de
sa misère ; et il y avait chez eux la persévérance de la foi qui ne
voulait pas être renvoyée à un autre jour : et Jésus apporte le pardon des
péchés, aussi bien que la purification de la souillure. C’est là ce qui nous
est présenté dans le cas du paralytique. Le premier, le grand point, c’est que
Jésus déclare les péchés de cet homme. pardonnés.
L’autorité de pardonner était venue dans la personne du Fils de l’homme sur la
terre, quoique les scribes et les pharisiens pussent en penser. Dieu était là,
le Seigneur l’Éternel ; mais, en même temps, le Fils de l’homme
ayant sur la terre le pouvoir de
pardonner les péchés, et usant de ce pouvoir. C’est de cette manière que, le
moment venu, Israël trouvera le pardon de ses péchés (comp.
Ps. 103:3). C’est pourquoi aussi le Seigneur donne ici la preuve de cette
autorité qu’il a de pardonner, en guérissant la maladie du paralytique : « Or,
afin que vous sachiez, etc. » (v. 24). L’homme devait avoir conscience,
dans sa relation vis-à-vis de Dieu, que la coulpe de son péché était ôtée. Dans
sa grâce infinie, Dieu nous a donné plus même que cela, car nous avons la
justice de l’homme accepté devant Dieu, étant faits la justice de Dieu en Lui
(voyez 2 Cor. 5:21). Le paralytique guéri par Jésus est un exemple de ce qui,
dans l’avenir, sera la portion d’Israël. Jésus pardonnait les iniquités et
guérissait les infirmités. Il avait montré son pouvoir de faire la première de
ces choses ; il allait montrer qu’il pouvait faire aussi la seconde. La
joie de Dieu est de faire l’une et l’autre. Vous pouvez ne pas croire qu’un tel
don soit votre partage ; mais il est vôtre en Christ. L’homme parfait est
venu avec une autorité parfaite dans sa personne. Dieu opérait dans la scène
que nous avons ici ; mais il opérait aussi comme homme rempli du Saint
Esprit. Le croyant aussi, dans sa marche, est une preuve, non pas tant pour
lui-même que pour les autres, que Dieu a été là. Il ne devrait pas mettre en
question s’il pourra marcher ? S’il a de la foi, il se lèvera et marchera.
Nous trouvons ici deux
choses : d’abord, immense et glorieuse grâce ! que
le Seigneur est venu,
la puissance de
Dieu dans la sphère de la misère humaine, qui, tout extrême qu’elle soit, ne
fait que rendre évidente cette puissance. Si je regarde autour de moi comme
homme, je ne puis résoudre l’énigme de l’histoire du monde. Je vois des
abominations commises au nom de Christ, — Christ lui-même rejeté par son peuple
d’Israël, crucifié par ces gentils auxquels Dieu avait confié le gouvernement
du monde ; je vois le mahométisme, le paganisme… ! Quelle espèce de
Dieu avez-vous, dit le coeur raisonneur de l’homme, si le monde est ainsi fait ?
Mais ici, je trouve le Seigneur descendu sur la terre au milieu de la misère,
de la maladie et du péché ; mon coeur se détourne des plaisirs et des
peines pour se tourner vers Lui. Qu’il est beau de voir un coeur après l’autre
attiré à Lui, le seul vrai centre, à Lui, qui bientôt allait être le Chef
ressuscité de la nouvelle création, à Lui, l’objet qui éveillait dans les
coeurs des sentiments et des affections dont seul il était digne, qui par son
excellence communiquait l’excellence et qui, par ses pensées de grâce envers
nous, produit et met en activité des pensées de grâce en nous.
En second lieu, nos coeurs
pour être fixés ont besoin d’un objet ; — ils ne sont fixés selon Dieu que
lorsque nous avons Christ lui-même devant nous. Comment puis-je aimer, si je n’ai
rien à aimer ? Un homme est
ce
qu’il sent et aime et pense. Si mon âme vit et se nourrit de ce qui est
vraiment excellent, de Christ le pain de Dieu, alors, dans un sens pratique,
Christ est formé dans mon coeur. En Lui, l’homme Christ Jésus, Dieu a trouvé
tout son plaisir, et aussi la manifestation de ce qui le satisfait
parfaitement.
Dans ce que nous avons vu
jusqu’ici, la puissance divine dans la personne de Jésus, le Fils de l’homme,
s’exerce au milieu d’Israël
. Au
chapitre 4 : versets 31-41, Luc nous a montré le triomphe de cette
puissance sur celle de l’ennemi dans les maladies et les possessions
démoniaques, puis le témoignage du royaume, dans lequel tous les effets
semblables de l’oeuvre de Satan disparaîtront. Ce dernier point ouvre la voie à
la plus positive et plus profonde bénédiction des âmes, celles-ci étant mises
en rapport avec Dieu. C’est pourquoi, depuis les versets 1-26 du chapitre 5,
comprenant l’appel de Pierre, la purification du lépreux et le pardon du
paralytique, il s’agit de l’état de l’âme, quelles que soient les circonstances
accessoires, de l’autorité de la Parole sur le coeur, de la foi, et de la
gloire personnelle de Christ. Cependant c’était toujours la grâce agissant
envers Israël, la grâce en rapport avec le gouvernement de Dieu. Dieu avait dit
à Israël qu’il ne ferait pas venir sur lui les plaies d’Égypte, sinon pour le
châtier de ses péchés. Israël était un peuple extérieurement élu et racheté,
mais sous le gouvernement de Dieu. C’est pourquoi le châtiment, dont la lèpre
et la paralysie étaient des cas particuliers, tomba sur lui. Jésus montre qu’il
est « l’Éternel qui te guérit » (Ex. 15:26). Au milieu d’Israël,
quoique le laissant maintenant, il passe à une manifestation plus étendue de
puissance et de bonté. Il aurait pu guérir tous les Israélites, lépreux ou
paralytiques ; il aurait pu les délivrer de toutes les maladies qui
étaient, hélas ! tombées sur eux, mais dans les
cas qui nous sont présentés ici, ceux qui sont les objets de la grâce qui
visitait Israël, viennent à Jésus, en Lui demandant qu’il les guérisse, et
c’est en réponse à leur foi que Jésus agit ; Jésus était là présent
, manifestant la puissance et
la grâce divine en guérissant.
Mais cette grâce étant de
Dieu et souveraine ne pouvait pas être bornée par les circonstances humaines.
Partout où un besoin se montrait devant Lui, Jésus pouvait-il renier sa
puissance ou son amour ? — Remarquez maintenant comment ce fait se lie
avec ce qui suit. Dieu en Christ apportait une pleine délivrance pour tous ceux
qui en Israël, se confiaient en Lui ; mais il ne pouvait ni ne voulait limiter
sa grâce. La loi
limitait ; mais quand Lui-même
vint, le Dieu qui avait donné la loi, quiconque avait
besoin de Lui était le bienvenu : sa maison était une maison de prière
pour toutes les nations (comp. Marc 11:17). C’est
pourquoi il appelle un publicain, — un Juif sans doute, mais détesté par les
Israélites, et en un sens avec raison, le service des publicains étant une
marque de la servitude nationale du peuple de Dieu. Un publicain était un homme
tirant profit de l’oppression des gentils qui extorquaient des tributs à Israël ;
il était donc naturellement haï, mais Jésus appelle un de ces hommes nommé Lévi
assis au bureau de recettes ; il l’appelle à être un apôtre ! Il faut
que la grâce agisse selon ses droits. Si Dieu a été bon envers vous et envers
moi, cela empêche-t-il sa miséricorde et son amour de s’étendre à d’autres ?
La grâce crée l’instrument dont elle a besoin, et se répandra bien au-delà du
publicain, pour atteindre même le plus éloigné des gentils. Sans doute Israël
avait des promesses et le gentil, à proprement parler, n’en avait point ;
mais par cela même, la grâce s’étendant aux gentils, était plus purement la
grâce ; elle voulait se répandre sur les gentils. Le Seigneur lui-même, Dieu,
était présent sur la terre ;
et Israël ne pouvait être ni le centre, ni le temple, Lui
étant là, le Seigneur méprisé et par Israël et par les gentils.
Il est la porte,
le nouveau centre et
le nouveau point de départ de la bénédiction : non pas un simple sarment
du vieux cep, mais lui-même « le vrai cep ». Comme Juif, il était
soumis aux ordonnances ; comme le Seigneur
,
il
est au-dessus d’elles, et passe
par-dessus toutes les anciennes restrictions.
« Et Lévi lui fit un grand festin dans sa maison et il y avait une grande foule de publicains et d’autres gens qui étaient avec eux à table. Et leurs scribes et les pharisiens murmuraient… » Voir le Seigneur Jésus en pareille compagnie était, en effet, un terrible coup pour ces hommes. Mais Jésus répondant, leur dit : « Ceux qui sont en santé n’ont pas besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs à la repentance ». Ils se méprenaient complètement sur le compte du Seigneur : il était venu montrer comment la grâce pouvait se déployer envers ceux qui n’avaient point de justice.
Le Seigneur franchit pour
ainsi dire les limites de l’ancien ordre de choses : il est fidèle envers
Israël ; mais il met fin à
cet ordre de choses-là. Comment auraient-ils pu jeûner, ceux qui
reconnaissaient la présence du Messie, du divin époux d’Israël ? Le temps
approchait où il faudrait prendre la croix : mais l’Époux présent, jeûner
n’était pas de saison.
De plus, le vieux vêtement ne pouvait être rapiécé avec du drap neuf ; Jésus ne voulait en aucune manière accorder le christianisme avec le judaïsme. La chair et la loi vont ensemble ; mais la grâce et la loi, la justice de Dieu et la justice de l’homme ne se mêleront jamais. On ne peut pas davantage, sans perte des deux côtés, mettre le vin nouveau, la puissance de l’Esprit, dans le vieux vaisseau des ordonnances légales. Un homme accoutumé aux formes, aux arrangements humains, à la religion des pères et autres choses semblables, n’aime jamais le nouveau principe de la puissance du royaume ; il dit : « Le vieux est meilleur ». La nature est ainsi faite : la grâce l’offense. L’homme non plus ne se perfectionne pas dans les choses divines : il peut se dégrader et abandonner ce que son coeur ne savoura jamais, et nous voyons cela s’accomplir rapidement de nos jours.
Ce chapitre s’ouvre par un
sujet des plus importants, le sabbat, — sujet qui agite souvent les esprits des
hommes et qui avait alors une signification particulière, parce que les
relations juives allaient prendre fin. On se rappelle que c’est précisément là
que le Seigneur en était moralement arrivé à la fin du chapitre
précédent : les droits de sa personne et sa grâce, toujours plus rejetés
par les zélateurs de la religion des pères en Israël, franchissaient les
limites étroites de ce peuple orgueilleux ; et là-dessus Dieu annonçait
par degrés les desseins futurs de sa miséricorde. Son salut, le moment venu,
sera envoyé aux gentils ; eux entendront, si le Juif se juge lui-même
indigne de la vie éternelle. Dieu veut
se satisfaire lui-même en sauvant des âmes quelque part.
Il est évident que l’incident
des épis que les disciples arrachèrent le jour de « sabbat second-premier » (v. 1-5) rentre tout à fait dans le
sujet dont l’Esprit est occupé ici. « Le fils de l’homme est seigneur
aussi du sabbat. » La gloire de sa personne lui donne droit à la
suprématie sur ce qui était le signe de l’alliance de la loi ; et dans la
guérison de l’homme qui avait la main sèche (v. 6-10), il affirme son droit de
faire du bien les jours de sabbat, alors que ses adversaires montrent le même
jour leur envie de détruire. En quelque sens que ce soit, l’homme avait
absolument perdu le sabbat, et n’était même jamais entré dans les pensées de
Dieu au sujet du repos. Le sabbat était le repos de Dieu ;
et si le péché n’eût pas tout gâté, l’homme aurait
joui de ce qui était le résultat, non pas de son propre travail, mais du
travail de Dieu. Tel est le vrai caractère distinctif de ce repos qui
appartient à l’homme ; mais le péché était entré dans le monde, il est
devenu nécessaire que Dieu travaille de nouveau, si l’homme doit jamais avoir
part au repos de Dieu (voyez Héb. 4). En attendant
Christ est apparu et a achevé l’oeuvre que Dieu Lui a donnée à faire ; et
ainsi, nous qui croyons, nous trouvons le repos en Christ, comme Dieu lui-même
le trouve. En vertu de l’oeuvre accomplie et agréée de la rédemption, nous
avons en Lui notre sabbat spirituel.
Le jour du sabbat fut mis à part et sanctifié dès le commencement (Gen. 2). Plus tard il fut d’abord donné en grâce à Israël, reconnu par la cessation de la manne, et par l’ordonnance d’en recueillir une double portion pour ce saint jour (Ex. 16). Ensuite, il fit partie de la loi de Sinaï et de chaque nouvelle et spéciale intervention de l’Éternel (Ex. 20 ; voyez aussi 31:13, 14 ; 33:14 ; 34:21 ; et 35:2). Le sabbat fut dès lors un mémorial de la délivrance d’Égypte (Deut. 5:15). Les prophètes, par conséquent, traitent le sabbat comme un signe de la séparation d’Israël pour Dieu d’entre toutes les nations, et de l’alliance de l’Éternel avec Israël (Ézéch. 20:12-20 ; 22:8 ; 23:38 ; 44:24 ; És. 56 ; 58 ; Jér. 17:24). Israël, pécheur dans le passé, avait donc reçu le sabbat comme une ordonnance légale, qui le condamnait comme tout le reste.
Où est maintenant cette
alliance avec Israël ? Elle est abolie à cause de l’iniquité du peuple,
qui, par suite, a été livré entre les mains des gentils et est devenu
esclave : « Voici, nous sommes aujourd’hui serviteurs ; et quant
au pays que tu donnas à nos pères pour qu’ils en mangeassent le fruit et les
bons produits, voici, nous y sommes serviteurs ; et il rapporte beaucoup
aux rois que tu as établis sur nous à cause de nos péchés ; et ils
dominent à leur gré sur nos corps et sur notre bétail, et nous sommes dans une
grande détresse » (Néh. 9:36, 37). S’ils eurent
un temple après la captivité, ce fut uniquement par la bienveillance des Perses
qui dominaient sur eux. Comme emblème extérieur il demeura sans doute, mais
devint l’occasion de déshonorer Dieu qui l’avait donné comme signe de son
oeuvre ; mais qu’était devenue sa réalité quand Jésus était sur la terre ?
Hélas ! Jésus était couché dans le tombeau durant le jour que ses
meurtriers gardaient comme un jour consacré à l’Éternel, — « car ce
sabbat-là était grand », — effrayant témoignage de la position où les
Juifs se trouvaient. Leur Messie mis à mort par eux, son propre peuple :
elle était la vérité que le jour du sabbat proclamait à celui qui avait des
oreilles pour entendre. Israël n’entra jamais dans le repos de Dieu ; car
si Josué lui avait donné le repos, Dieu n’eût pas parlé après ses choses d’un
autre jour : « il reste
donc
un repos sabbatique pour le peuple de Dieu » (Héb.
4:9), mais il faut auparavant qu’il reconnaisse Jésus.
Or Jésus rejeté était le fils de l’homme ; et le fils de l’homme était seigneur même du sabbat, vérité de la plus haute gravité et qui doit être proclamée avec toute puissance : ceux qui confondent le jour du Seigneur avec le sabbat sont en danger de l’oublier. C’était là précisément le sujet de la controverse entre Jésus et les Juifs, qui voulaient que le sabbat fût supérieur au Seigneur. Mais Jésus montre qu’un principe nouveau était entré en scène, principe qui dépassait complètement l’ancien, et que rester dans l’ancien, c’était renoncer à toute délivrance, car il est impossible qu’une créature qui a des convoitises demeure, sans être condamnée, sous un commandement qui condamne la convoitise. Mais la grâce étant venue par un Christ rejeté, il y a maintenant un repos pour nous qui croyons, non pas pour ceux qui sont sur le principe de la loi.
C’est pour cela que les
chrétiens gardent le premier jour de la semaine et non pas le septième qui est
le sabbat. Le repos fut acquis par la puissance de la rédemption accomplie par
Christ ; et « le premier jour » dans lequel il ressuscita
d’entre les morts, proclama ce repos pour la foi, en dépit de la culpabilité et
de la ruine de l’homme. Le septième jour sera le repos de l’homme sur la terre ;
le premier jour célèbre notre élévation par Christ et en Lui dans le ciel.
Christ étant ressuscité, la vie d’entre les morts était la vie en abondance —
la liberté dans l’affranchissement du joug de la loi et de toutes les
conséquences du péché — en un mot, la victoire de la grâce. C’est pourquoi le premier
jour de la semaine est le
privilège spécial du chrétien, car il dépend et témoigne de l’oeuvre achevée de
Christ, et introduit en conséquence le repos céleste. Le premier jour de la
semaine est en contraste avec le dernier, qui appartient à la sphère du travail
du premier homme et du Juif sous la loi, sphère dans laquelle Adam et Israël
succombèrent. Le premier jour est emphatiquement le jour du Seigneur
; il rend ainsi témoignage du triomphe de
la parole de Christ et de la gloire de sa personne : il n’est pas le jour
dont une coupable incrédulité aurait voulu faire une preuve de l’infériorité du
Seigneur et un moyen de l’entraver dans son oeuvre. Il est une bénédiction
directe et positive pour celui qui le reconnaît et l’honore, non comme étant le
terme du travail légal, mais parce qu’il est le commencement de l’espérance
chrétienne, le jour de la résurrection où nous commençons notre vie spirituelle
et où nous regardons en avant vers ce qui en sera le couronnement.
Ici, dans Luc, ce dont il s’agit principalement, c’est du maintien des droits et de l’autorité du Fils de l’homme. Il est impossible, selon Dieu, de revendiquer jamais les droits du sabbat vis-à-vis du « Seigneur du sabbat ».
Que fit David, l’oint du Seigneur, lorsque Saül le persécutait et en voulait à sa vie ? Eût-il été selon Dieu de maintenir l’ordonnance en faisant périr l’homme selon le coeur de Dieu ? Non, assurément, les fondements étaient renversés et tout devenait « commun » en Israël, quand le roi élu était méchamment rejeté. Mais un personnage plus glorieux que David et un péché plus grave étaient maintenant au milieu du peuple. Oui, « le Fils », mais aussi « la Racine » de David, Dieu lui-même était là. Celui qui institua le sabbat, le Seigneur du sabbat, était là présent dans la personne du Fils de l’homme.
Mais si Dieu est au milieu de son peuple, reniera-t-il sa bonté, ou retiendra-t-il son pouvoir en présence de la misère humaine, parce que « les scribes et les pharisiens l’observent pour voir s’il guérira un jour de sabbat » ? Non, il faut que l’amour divin agisse et guérisse la main sèche, même si l’homme dans sa misère cherche à y trouver un motif d’accusation. « Et ils en furent hors d’eux-mêmes, et s’entretenaient ensemble de ce qu’ils pourraient faire à Jésus » (v. 11). Mais Jésus, « en ces jours-là… s’en alla sur une montagne pour prier » (v. 12) : il s’approche de Dieu afin de s’entretenir avec Lui de ce qu’il devait faire pour eux. À Lui appartenait l’activité de la grâce, de l’amour qui se manifestait saintement et puissamment au milieu du mal.
« Et quand le jour fut venu, il appela ses disciples » et il en choisit douze. Dans cet appel des douze, le Seigneur montrait que lui seul pouvait communiquer à d’autres la puissance de rendre aussi ce témoignage ; en même temps, ici comme dans tout ce que nous avons vu jusqu’à présent, Jésus est l’homme humble et dépendant, l’homme parfait, aussi bien qu’il est Dieu. Il était dans une parfaite et ininterrompue communion avec son Dieu et Père, quoiqu’il fût lui-même Dieu manifesté en chair. Combien tout cela le rapproche de nous, quoique toujours si infiniment au-dessus de nous ! Nous devrions aspirer à ce qu’il faisait, quelles que soient d’ailleurs notre mesure et notre petite sphère d’activité. En Lui nous voyons l’homme parfait dans cette position de puissance dans laquelle il vint.
Il savait qui étaient ceux
qu’il avait choisis ; Il savait que l’un d’entre eux avait un démon ;
néanmoins il les envoie. Il en choisit douze spécialement, qu’il nomma aussi
apôtres, ou « envoyés ». Ce terme était important et significatif,
bien distinct et de la loi et des promesses. La loi n’envoya jamais personne ;
mais Dieu est actif ; il envoie son Fils, et le Fils envoie des apôtres.
L’amour de Dieu est actif pour rassembler des âmes. Ce premier « Envoyé »
est un homme, réellement et véritablement un homme. L’oeuvre de la grâce de
Dieu doit être accomplie par le Fils de Dieu, non par des anges, mais par son
propre Fils, l’homme Christ Jésus ; Lui
envoie des hommes d’auprès de lui. Le point de rassemblement c’est l’Homme, —
Lui-même assurément. Dieu a tout remis entre les mains de l’Homme. Il faut que
ce soit Dieu qui montre de la grâce ; mais c’est le Fils de l’homme qui
apporte la mission de l’amour et qui envoie des hommes à des hommes.
Quel que soit le trait par lequel il attire, Jésus rassemble autour de Lui en éveillant l’adoration dans les coeurs ; il s’entoure de ses disciples, puis il descend et s’arrête dans un lieu uni. Les grandes multitudes sont attirées par ses miracles et par leurs besoins ; elles viennent pour entendre et pour être guéries. La foule des disciples forme le cercle intérieur. « Toute la foule cherchait à le toucher », non pas que ceux qui le pressaient ainsi aient été convertis, mais il sortait de Lui une puissance vivante qui guérissait leurs misères corporelles et les délivrait du pouvoir de Satan.
Maintenant il élève ses yeux
vers ses disciples et leur parle, non pas comme dans Matthieu (chap. 5 et
suiv.), où il leur expose les principes du royaume, mais en distinguant de la
masse et en reconnaissant comme le résidu ceux qui l’entouraient. C’est
pourquoi il dit ici : « Bienheureux, vous
… ». Il met son sceau sur ceux qui sont actuellement
rassemblés autour de Lui. Il faut qu’ils lui ressemblent. Il est à la fois leur
centre et leur modèle. Il était Dieu ; mais la plénitude du Saint Esprit
habitait aussi en Lui comme homme, et ainsi il pouvait dire : « Je
fais toujours les choses qui lui plaisent » (Jean 8:29). Il devait en être
de même de ceux qui l’entouraient.
« Bienheureux, vous pauvres, car à vous est le royaume de Dieu ; bienheureux, vous qui maintenant avez faim, car vous serez rassasiés ; bienheureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Vous êtes bienheureux quand les hommes vous haïront… » Ces paroles du Sauveur nous montrent le contraste qui existe entre ceux qu’il déclare bienheureux et tous ceux qui sont à leur aise dans le monde. Ceux qui, s’ils n’avaient leur espérance en Lui que pour cette vie seulement, seraient de tous les hommes les plus misérables, forment le petit nombre des bienheureux : ils sont distingués de tous les autres et sont mis en relation avec Lui, source de la bénédiction, pour être bénis. Si vous pouvez trouver le bonheur et être à votre aise dans ce monde qui a rejeté Jésus, ne comptez pas sur sa bénédiction.
Ce sont les pauvres, ceux qui
sont méprisés avec Jésus qui posséderont le royaume. Jésus dit, si j’ose
m’exprimer ainsi : « Je vous distingue, vous (*).
Je suis venu comme le centre de la puissance et de l’amour vivant et agissant.
Il n’y a qu’un seul lieu de béatitude sur la terre. Avec moi vous êtes
bienheureux ». D’autres peuvent trouver leur plaisir et se réjouir où
Christ n’a point de place ; mais c’est un temps où une âme vraiment
spirituelle ne peut rien trouver de bon sinon avec Lui. Christ, je le répète,
distingue positivement de la grande multitude du peuple les disciples qui se
sont attachés à Lui et s’adresse à eux. Le verset 22 nous le montre clairement,
en omettant la persécution pour la justice que Matthieu rapporte soigneusement.
Ici, dans Luc, il s’agit seulement d’une question de souffrance « à cause
du Fils de l’homme ».
(*) On ne trouve pas ici, comme dans Matt. 5, l’énumération de principes abstraits ; mais le Seigneur parle aux coeurs de ceux qui sont rassemblés autour de Lui.
Jésus vint au milieu d’un monde de misère et d’égoïsme et il y manifesta, non la loi ni le jugement, mais la grâce. Mais « la lumière luit dans les ténèbres ; et les ténèbres ne l’ont pas comprise ».
Semblable à l’aspic qui
n’entend rien (Ps. 58:4), le monde va son train, aussi sourd qu’aveugle. Non,
pour vous qui êtes rassasiés maintenant, Jésus n’a pas de charme ; mais vous
les disciples, qui pleurez maintenant parce que la misère et le péché de
l’homme pèsent sur votre âme, vous vous réjouirez. Quand le bon plaisir de Dieu
s’accomplira, vous qui ne pouvez être satisfaits par les gousses des pourceaux,
vous serez rassasiés. « Réjouissez-vous en ce jour-là et tressaillez de
joie, car voici, votre récompense est grande dans le ciel, car leurs pères en
ont fait de même aux prophètes. » Vous avez votre part avec Christ
ici-bas, vous l’aurez avec Christ dans le ciel. Vous souffrez avec le Saint,
vous partagerez la gloire du Glorifié. Et les autres ?… — Ils auront ce
qu’ils auront cherché. Pour ceux qui sont rassasiés, il y aura famine, car ils
ont perdu Dieu. Si vous pouvez rire dans un monde comme celui-ci, vous
pleurerez quand le temps de Dieu pour bénir sera venu : « Ils sont du
monde » et « le monde aime ce qui est sien » (1 Jean 4:5 ;
Jean 15:19). « Leurs pères en ont fait de même aux prophètes. » Les
temps sont-ils changés ? Le caractère de Christ est-il changé 9 Non, il n’est
en aucune façon plus agréable à la chair ; et si vous pouvez trouver votre
joie, vos aises, votre plaisir dans le monde, Christ ne l’a pas eu et vous
n’avez pas son Esprit. Celui qui se fait ami du monde, se fait ennemi de Dieu (Jacq. 4:4). Le disciple de Christ peut-il se réjouir dans
un monde plein de péché ? Sans doute il peut jouir de la communion de
Jésus, il peut se réjouir dans l’Esprit, tout en étant patient dans la
tribulation, mais cette joie qu’il porte ainsi avec lui a un autre
caractère : c’est une joie sérieuse quoique très réelle et précieuse.
Depuis le verset 27, le
Seigneur montre quelle doit être la conduite de ses disciples : ils
doivent manifester Dieu,
ils doivent
être les témoins vivants de ce qui était manifesté en Christ. La grâce qui
habitait en Lui dans sa plénitude et sa perfection doit être reproduite en eux,
quelque infidèles que nous soyons tous à cet égard ; elle doit être le
principe de leur marche : « Aimez vos ennemis ; faites du bien à
ceux qui vous haïssent… ». Dieu nous aima, nous
, quand nous étions ses ennemis, et nous devons manifester dans
notre conduite ce que Dieu est. Le verset 29 nous introduit dans des
circonstances humaines, où nous apprenons avec patience, faisant le bien, comme
dit Pierre, souffrant pour cela et endurant tout avec patience (1 Pierre 2:19
et suiv.). Il semble qu’il y ait là peu de consolation ; mais Jésus
fit ainsi, et l’amour doit
se manifester ainsi dans un monde
mauvais. Le temps vient où Dieu jugera au lieu d’user de patience comme il le fait
maintenant ; mais aujourd’hui, à quelque prix que ce soit, manifestez
l’amour comme Christ le fit. La chair peut aimer pour recevoir de l’amour (v.
32, 33) ; mais les disciples de Christ sont appelés à imiter Dieu et à
marcher dans l’amour (comp. Éph.
5:1, 2). « Aimez vos ennemis, et faites du bien, et prêtez sans en rien
espérer ; et votre récompense sera grande, et vous serez les fils du
Très-Haut ; car il est bon envers les ingrats et les méchants » (v.
35).
Quel caractère que celui sous
lequel Dieu apparaît ici ! Ce n’est pas sa justice qui se manifeste, bien
qu’assurément il fût
juste ;
mais dans un monde où il avait affaire avec les ingrats et les méchants, Dieu
fait luire la grâce
. Pour les anges
Dieu n’a pas de grâce, mais de l’amour ; mais Christ, dans ce monde de
péché, est grâce, c’est-à-dire amour pour ceux qui ne méritent pas d’être
aimés. « Soyez donc miséricordieux, comme aussi votre Père est
miséricordieux. » Le Seigneur ne dit pas avec
votre Père, mais : comme
votre Père. Comme Lui
aime ses
ennemis, ainsi faites, vous aussi ; il est miséricordieux, soyez
miséricordieux. Le caractère de Dieu, l’amour parfait, est ainsi manifesté dans
un monde de pécheurs. Il faut qu’il nous en coûte quelque chose ; à Christ
il en coûta la vie. L’amour de Christ était un fleuve qui, s’il rencontrait des
obstacles sur son passage, poursuivait son cours, les surmontant et les
laissant derrière lui, jusqu’à ce qu’il atteignît la croix.
Il ne s’agit pas ici de certaines choses requises pour avoir la vie, mais du résultat d’une certaine conduite. « Ne jugez pas, et vous ne serez point jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez point condamnés ; acquittez, et vous serez acquittés… » Le Seigneur voulait dire par là que chacun trouverait les conséquences de sa conduite, comme cela lui est arrivé à Lui-même. Il a pris la place la plus basse, mais maintenant il a obtenu la plus élevée… Il s’abaissa lui-même, « c’est pourquoi… Dieu l’a haut élevé… » (Phil. 2:9-11). Il ne vint pas pour juger, et maintenant tout jugement est donné au Fils (Jean 5:22, 27). Ainsi, nous n’avons pas seulement la manifestation de la grâce, mais le caractère divin avec ses conséquences. Il s’agit de gouvernement, — de marche avec le Seigneur. Il faut qu’il en coûte beaucoup le long du chemin ; mais, au bout, on vous donnera « bonne mesure, pressée et secouée, et qui débordera ». Il y aura aussi la bénédiction de Dieu dans le chemin, quoique le « moi » soit mortifié. La grâce abondera, selon les voies de Dieu.
Remarquez le contraste qui
existe entre ceux qui sont tout aveuglement, et les aveugles qui conduisent des
aveugles. Laissez-les ; laissez-les
poursuivre leur propre chemin ; mais vous
,
vous devez prendre votre place avec Moi
;
le disciple n’est pas au-dessus de son Maître, mais vous serez comme votre
Maître. Si votre Maître souffre, vous souffrirez ; s’il en a coûté cher à
votre Maître, il faut qu’il vous en coûte cher à vous. Si Christ vous enseigne,
il le fait pour que vous possédiez la science divine qu’il a lui-même. Et voyez
quelle place il nous donne ! Quand il donne, que donne-t-il ? La
chose même que Lui possède. « Comme il est, Lui, nous sommes, nous aussi,
dans ce monde » (1 Jean 4:17). « Je ne vous donne pas, moi, comme le
monde donne » (Jean 14:27), car le monde, s’il donne un peu, réserve le
principal pour lui-même ; mais, quant à Lui, si j’ose faire parler le
Seigneur, c’est comme s’il disait : Je vous place dans la même
connaissance, qui est dans ma nature : la grâce que moi j’ai, vous
l’aurez. Mais on n’aime
pas faire les
choses que Jésus a faites. Pourquoi tant raisonner sur ce seul passage : « Ne
résistez pas au mal » (Matt. 5:39). Parce que l’homme aime à résister au
mal : sa volonté est touchée, sa conscience est atteinte, car elle lui est
donnée comme une exhortation naturelle ; mais il ne l’aime pas, et s’il le
peut, il s’en débarrasse. Ces choses sont données comme une pierre de touche
pour la conscience ; elles jugent l’oeil, non pas seulement la marche. « Lorsque
ton oeil est simple, ton corps tout entier aussi est plein de lumière »
(Luc 11:34). Votre objet est mauvais, si vous n’avez pas la lumière pour le pas
que vous avez à faire. Vous pouvez rencontrer des difficultés en faisant
l’ascension d’une colline escarpée, mais si vous voyez clairement le but auquel
vous tendez, vous passerez par-dessus les difficultés aussi rapidement que vous
pourrez : c’est là le sens de l’expression : « Je fais une
chose… » (Phil. 3:13, 14). L’âme a un
objet, et elle le poursuit, absorbée par lui. S’il en est ainsi pour vous,
vous pouvez être assuré que la lumière éclairera votre sentier, la lumière non
pas pour dix ans de chemin, mais pour le pas que vous avez à faire, et puis
pour un autre pas. Dieu dit à Moïse : « Parle aux fils d’Israël, et
qu’ils marchent » (Ex. 14:15) ; et quand il fit entrer le peuple dans
le désert, il lui donna la nuée pour le guider tout le long du chemin. Il en
est de même pour nous : nous sommes appelés à suivre Christ sur le
principe de l’obéissance, et ainsi nous sommes mis en relation avec Lui et la
révélation de sa volonté qui ne nous donne pas de voir à l’avance tout le
chemin que nous avons à parcourir. Un homme peut voir un mur se dresser devant
lui, et dire : « Je ne puis avancer dans ce chemin-là », alors
que s’il faisait un seul pas en avant il apercevrait qu’il y a un sentier
courant tout le long du mur.
« Chaque arbre se
connaît à son propre fruit. » Nous ne devrions pas seulement porter du
fruit, mais le fruit que Christ produit. Il est tel fruit qui est produit par
une nature honnête et droite, — un fruit semblable à celui du jeune homme qui
vint à Jésus (Matt. 19:16 et suiv. ; Marc 10:17
et suiv.) ; mais ce fruit n’est pas un fruit divin, « son propre fruit
» : or là où
Christ est à la fois la racine et le tronc, le fruit est du fruit chrétien, du
fruit qui demeurera (Jean 15:16). Deux hommes peuvent marcher de front jusqu’à
un certain point ; puis une épreuve pour Christ se présente, et l’un
poursuit sa route avec Christ, tandis que l’autre se détourne. Le fruit que
l’Écriture appelle « son propre fruit »
se
montre lui-même et se produit spontanément. On ne demandera pas :
Quel mal y a-t-il à ceci ou à cela ? Quel mal y a-t-il à être riche ?
comme me disait un jour quelqu’un. Si votre richesse
ou telle autre chose vous exclut du ciel, cela est-il indifférent ? Vous
n’aviez pas cette pensée peut-être ? Mais le secret de votre état, c’est
que vous aimez les choses en question. Le mal n’est pas dans les choses
elles-mêmes, tirées de la terre, mais dans l’amour
pour elles qui est dans le coeur. « De l’abondance du coeur sa bouche
parle » (v. 45) : une parole d’impatience trahit le coeur. Je retiens
mon bras peut-être, mais je laisse échapper la parole.
Devant toute la multitude, le
Seigneur parle maintenant de la maison bâtie sur le roc. Il ne s’agit pas ici
de bâtir sur Christ, le Rocher, du salut pour le pécheur ; c’est le chemin
du fidèle qui fait le sujet du passage. Mais là où la parole de Christ ne met
pas en rapport avec Lui, voyez quel est le résultat ! La chose même à
laquelle nous sommes appelés, c’est de le suivre ; et si je le suis, c’est
que les paroles du Maître ont tellement pris possession de mon âme qu’elles ont
la puissance de me faire surmonter les difficultés. « Mon âme s’attache à
toi pour te suivre. » Christ prend possession de mes affections, de mon
coeur, de ma volonté, qui sont désormais liés à Lui, au lieu d’être liés à moi.
— Est-ce que Christ a pour moi assez de prix pour que j’abandonne tout et que
je le suive, afin de faire les choses qui Lui plaisent ? « Si
quelqu’un marche de jour, il ne bronche pas, car il voit la lumière de ce monde ».
« Comme quand la lampe t’éclaire de son éclat » (Jean 11:9 ; Luc
11:36). Si nous nous tenons près de Christ, la lumière luit sur nous. Si nous
avons à entrer
dans la lumière, la
lumière peut-être nous éblouira. Ainsi Christ a rassemblé autour de Lui dans la
lumière et dans l’amour ceux qu’il appelle à jouir de Lui et dont il veut être
comme le Maître, afin que, le moment venu, ils soient rendus conformes à son
image en gloire.
Nous avons vu le Seigneur, rejeté par Israël, dépasser graduellement les anciennes limites, en vertu de sa personne et de ses droits, et rassembler le résidu autour de Lui, car il était le nouvel et seul juste objet de Dieu, la source d’une mission de grâce, la manifestation vivante et le plein développement de l’amour saint dans un monde mauvais. Quels que soient les principes établis dans le chapitre 6, ils ne sont que l’expression du caractère de Dieu en grâce, tel qu’il a été manifesté en Christ ici-bas sur la terre.
La guérison si frappante de l’esclave du centurion est bien à sa place ici. Elle n’est pas seulement un acte de grâce, mais un acte de grâce envers un gentil. Ce n’est pas tout : le principe même sur lequel l’apôtre fait reposer cette grande question de la grâce s’étendant aux gentils, est mis en lumière : « C’est sur le principe de la foi, afin que ce soit selon la grâce, pour que la promesse soit assurée à toute la semence » (Rom. 4:16). La foi est introduite comme grand principe et pivot de la bénédiction. Ce n’était pas seulement de la théorie qu’on trouvait chez le centurion, mais une foi vivante, et une foi telle qu’on n’en avait pas vu de pareille en Israël. Ce n’était pas non plus de la présomption chez cet homme, mais une humilité remarquable. Il reconnaissait l’honneur que Dieu avait conféré à Israël, le voyait, en tenait compte et s’appuyait sur lui, en dépit de la vile et misérable condition du peuple de Dieu. Quelque tombés et méprisés que fussent les Juifs, le centurion les aimait pour l’amour de Dieu, parce qu’il voyait en eux le peuple de Dieu ; il leur avait bâti une synagogue. Il était vraiment humble, bien que sa loi fût de beaucoup supérieure à ceux qu’il honorait, ou plutôt parce que sa foi les dépassait. Aussi avait-il une très haute idée de la puissance et de la gloire du Christ comme personne divine, comprenant que cette gloire s’étendait bien au-delà de toutes les pensées juives. Le centurion ne parle pas du Seigneur comme Messie, mais il reconnaît en Lui la puissance de Dieu en amour. Il avait cette bienheureuse foi qui s’oublie dans l’exaltation de son objet. Il n’avait pas vu Jésus, semble-t-il ; mais d’après ce qu’ » il avait entendu » à son sujet, il avait certainement compris que pour le Seigneur les maladies n’étaient que les occasions de manifester son autorité absolue et sa grâce souveraine. Lui était un étranger, et les Juifs étaient le peuple de Dieu : les Juifs et leurs anciens n’étaient-ils donc pas mieux qualifiés que personne pour amener sur la scène ce glorieux personnage, Jésus ? — Car le centurion avait foi en la miséricorde aussi bien qu’en la puissance de Christ ; son serviteur, qui lui était « fort cher », était malade et s’en allait mourir. Il lui fallait Jésus.
« Et Jésus alla avec
eux. Et déjà comme il n’était plus guère loin de la maison, le centurion envoya
des amis vers lui, lui disant : Seigneur, ne te donne pas de fatigue, car
je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ; c’est pourquoi je ne me
suis pas cru digne moi-même non plus d’aller vers toi ; mais dis une
parole et mon serviteur sera guéri. » Il y avait là assurément le plus
profond respect et la plus vraie affection personnelle pour le Seigneur.
Quelque ignorant qu’il fût peut-être à d’autres égards, le centurion avait un
sentiment profond de l’excellence de la personne de Christ, et ici encore son
humilité correspondait à la mesure de gloire qu’il discernait. Le message des
amis du centurion dépeint admirablement le caractère et les sentiments de celui-ci.
Lui
ne disait rien à Jésus des
services qu’il avait rendus aux Juifs ; il ne parlait de rien qui lui fût
personnel, si ce n’est de son indignité, et il était si conséquent dans toute
sa manière d’agir qu’il demandait à Jésus de ne pas venir sous son toit, tant
il se sentait indigne de le recevoir. Il y avait dans l’âme de cet homme tout
juste l’opposé de l’idée de faire à Christ un honneur en croyant en Lui, et il
ne pensait pas à le recevoir pour se donner du crédit : deux choses qui,
hélas ! se retrouvent souvent. La simplicité de
coeur de cet homme est aussi apparente que sa grande foi : il n’y en avait
pas de pareille en Israël ; et cependant on la trouvait chez un homme qui
aimait Israël. C’était, à tous égards, une leçon de grâce pour la foule qui suivait
Jésus ; pour nous également, je n’ai pas besoin de le dire.
En même temps que la grâce envers les gentils apparaît la puissance de ressusciter les morts, puissance se manifestant ici dans des sympathies humaines, en témoignage que Dieu avait visité son peuple (v. 11-17). Cette puissance de résurrection devait être manifestée encore plus glorieusement en Christ, et devenir la source de toutes les choses nouvelles pour l’homme, selon Dieu qui ressuscite les morts. Cette résurrection est une nouvelle et merveilleuse démonstration que le Seigneur, dans le caractère de son oeuvre, dépasse ici la sphère de la loi et de ses ordonnances : Car « la loi a autorité sur l’homme aussi longtemps qu’il vit » (Rom. 7:1). De quel profit peut-elle être pour un mort ? Mais « ce qui était impossible à la loi, en ce qu’elle était faible par la chair, Dieu, ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et pour le péché… » (Rom. 8:3). La grâce et l’énergie divine se déployaient dans un homme touché par le sentiment de nos infirmités : chacun des détails que nous lisons ici, en est la démonstration. Le mort était le « fils unique de sa mère, et elle était veuve ». « Et le Seigneur, la voyant, fut ému de compassion envers elle, et lui dit : Ne pleure pas. Et s’approchant, il toucha la bière… Et le mort se leva sur son séant, et commença à parler ; et il le donna à sa mère. » Comme tout ici est à la fois admirablement humain et en même temps manifestement divin !
La guérison de l’esclave du
centurion et la résurrection du fils de la veuve montrent le changement qui a
lieu dans cette partie de Luc. Il en est de même de la scène qui suit ;
elle met en évidence le changement de dispensation qui s’accomplit ; le
Seigneur rend ici témoignage à Jean-Baptiste, non pas lui au Seigneur. Jean
envoie deux de ses disciples auprès de Jésus, dont on lui avait rapporté les
miracles, afin d’apprendre de sa propre bouche qui il était. En sommes-nous
surpris ? — Jean avait prêché et baptisé sur la confession des péchés et
la foi au Messie qui allait paraître. Tout était changé maintenant. Jean était
en prison et n’avait pas été délivré ; il n’était plus question d’un
peuple se préparant pour le Seigneur. Cela n’était-il pas étrange ? En
tous cas, Jean cherchait une réponse catégorique et comptait sur la parole de
Celui qui opérait de si grandes et saintes oeuvres ! Mais quel commentaire
au merveilleux changement qui s’opérait, que ce message de Jean ! Jean
remettait pour ainsi dire ses disciples au Seigneur ! En cette heure-là, « Jésus
guérit plusieurs personnes de maladies et de fléaux et de mauvais esprits, et
il donna la vue à plusieurs aveugles. » Et répondant aux messagers de
Jean, il leur dit : « Allez, et rapportez à Jean les choses que vous
avez vues et entendues : que les aveugles recouvrent la vue… » (v. 21-23). En même temps le Seigneur, s’il ne reçoit plus
témoignage de Jean, rend témoignage à Jean ; il le reconnaît ainsi que son
oeuvre, mais comme d’un terrain plus élevé sur lequel il s’était placé en grâce
et en puissance de résurrection, à la suite de sa rejection dans le monde et
par le monde, en sorte que, quoiqu’il fît du bien à tous, il dit : « Bienheureux
est quiconque n’aura
pas été scandalisé
en moi ».
C’est pourquoi, dans le verset même dans lequel le Seigneur reconnaît
Jean-Baptiste de la manière la plus explicite, il fait ressortir le changement
qui allait s’opérer, disant : « Mais le moindre dans le royaume de
Dieu est plus grand que lui » (v. 28). Bienheureux ceux qui justifiaient
Dieu en étant baptisés par Jean ; malheureux les hommes à propre justice
qui rejetaient le conseil de Dieu contre eux-mêmes ! « La sagesse a
été justifiée par tous ses enfants » ; ils comprennent les voies de
Dieu dans le serviteur aussi bien que dans le Seigneur. Ces voies sont très
différentes, mais les enfants de la sagesse les comprennent en grâce. « Cette
génération », hélas ! ne comprend ni les
unes ni les autres, et blâme les unes comme les autres. Jean est trop juste
pour eux, Jésus trop plein de grâce. Les complaintes de l’un et les douces
mélodies de l’autre leur inspirent la même aversion. Telle est la sagesse de
l’homme devant les voies de Dieu. Mais au moins les enfants de la sagesse
justifient la sagesse.
En dépit de la perversité des hommes, le Seigneur ne cesse pas de se manifester au monde. En conséquence, Luc introduit ici (v. 36-50) un fait qui montre comment la sagesse de Dieu est justifiée par ceux qui la reconnaissent en Jésus. C’est une scène de grâce, de pure et pleine grâce qui pardonne et qui ne s’arrête pas jusqu’à ce qu’elle ait renvoyé en parfaite paix la pécheresse qui en est l’objet. Jésus est dans la maison du pharisien, qui avec toute sa sagesse était en défaut sur le point essentiel : Simon n’avait pas su reconnaître la gloire de Christ. Le Seigneur, répondant à la pensée qu’il lisait dans son coeur, lui montre, en contraste avec la femme « qui était une pécheresse », que le point sur lequel il portait un jugement, était précisément celui où il était en défaut. Les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, ni ses voies nos voies. Ouoi ? Si ce Jésus méprisé était non seulement un prophète, mais un Sauveur de pauvres pécheurs perdus ? Dieu n’était pas connu ; là était le secret ! L’âme convertie voit la gloire du Seigneur comme grâce envers elle ; celui qui n’est pas convaincu, quoique humainement intéressé, juge selon ses propres pensées et ne sait pas voir la gloire qui n’est pas selon ces pensées. Le jugement de l’homme à l’égard de l’Évangile doit donc être faux ; recevoir l’Évangile comme une grâce est la seule chose juste et le seul chemin pour arriver à le connaître.
L’histoire de la femme pécheresse nous fournit donc un exemple clair et direct des voies de Dieu : Dieu pardonnait les péchés en grâce, souverainement, librement, à tout pécheur quel qu’il fût ; il manifestait et produisait l’amour dans l’âme pardonnée qui aime Dieu, parce que Dieu est amour, et cela à l’égard de ses péchés, en Jésus le Seigneur. C’était réellement la grâce, le principe sur lequel un homme quelconque, gentil ou non, pouvait être reçu, et Dieu manifesté, non en exigeant quelque chose de l’homme, donnant ainsi de l’importance à l’homme dans la chair, mais en donnant toute la place à Dieu, le caractère de Dieu en grâce souveraine introduisant ainsi la bénédiction et ses bienheureux effets dans le coeur ramené à la confiance en Dieu par le sentiment de sa bonté.
Quel tableau ! La bonté connue non seulement dans l’acte, mais dans la personne de Celui qui l’accomplit. Le discernement du péché dans sa forme grossière par l’homme était une chose ; la grâce de Dieu qui pouvait tout effacer et pardonner était une chose bien différente. Christ n’était pas là pour juger et pour sanctionner les pharisiens ; mais l’amour pour un pécheur manifestait Dieu sous ce nouveau caractère de grâce, produisant un amour saint et plein de gratitude pour Dieu et une relation bénie, souveraine et hors de la portée de l’homme. Mais il faut que Dieu démontre toujours de nouveau la justice et la perfection de ses voies de bonté envers l’homme, tant est dur le coeur de l’homme ! Le Seigneur s’identifie lui-même avec le croyant ; il le soutient et le défend contre le monde orgueilleux : et la foi puise là son assurance. Sans aucun égard pour les commentaires. Jésus s’adresse non à l’incrédulité, ce qui aurait été sans profit, mais à ceux qui ont la foi ; ayant communiqué le pardon, il montre à l’âme sa « droiture », c’est-à-dire les justes pensées sur Dieu et sur le « moi » qui sont la part de la foi. La dernière parole du Seigneur règle tout. L’amour de la femme était non pas certainement la cause du pardon, mais une base de son évidence. « Ta foi t’a sauvée, va-t’en en paix. » La conscience est déchargée de tout le poids qui l’oppressait, et le coeur se trouve infiniment et éternellement le débiteur de la fontaine toujours jaillissante de toute grâce.
Nous avons vu, dans ce qui
précède, le Seigneur se présentant par ses paroles et par son oeuvre comme un
centre nouveau, vers lequel et autour duquel les siens étaient rassemblés.
Avant ce moment, lorsque Israël était le point de rassemblement, l’Éternel
avait été le centre, car l’Éternel
était au milieu des Juifs, et le temple, le lieu où il se rencontrait avec le
peuple. Maintenant le Fils
est là, « Dieu…
manifesté en chair », et il faut que Lui soit le centre de tout. Mais
Israël ne voulait pas être rassemblé, comme le Seigneur lui-même le dit au
chapitre 23 de l’évangile de Matthieu : « Jérusalem, Jérusalem, la
ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés, que de
fois j’ai voulu rassembler tes enfants… et vous ne l’avez pas voulu
» (v. 37). Ésaïe
tient le même langage, chapitre 65:2 : « J’ai étendu ma main tout le
jour vers un peuple rebelle ». Israël ne pouvait jouir de la bénédiction,
parce que la chair était incapable de la retenir. La chair envisagée simplement
comme telle est « comme l’herbe » (És. 40).
Nous trouvons deux grands
principes dans les derniers chapitres d’Ésaïe :
d’abord, la chair comme chair ne pouvait retenir la bénédiction et être
dépositaire des promesses, car lorsque la grâce parfaite vint dans la personne
du Seigneur, il trouva le peuple auquel il était envoyé, flétri comme l’herbe. « L’herbe
est desséchée, la fleur est fanée, mais la parole de notre Dieu demeure à
toujours. » Ensuite Dieu n’abandonnait pas ses desseins : c’est
pourquoi, au chapitre 49, nous trouvons l’Éternel disant au Christ : « Tu
es mon serviteur, Israël, en qui je me glorifierai », et le Christ
répondant : Si Dieu doit être glorifié en
Israël,
« j’ai travaillé en vain, j’ai consumé ma force pour le néant
et en vain ; toutefois mon jugement est par devers l’Éternel, et mon
oeuvre par devers mon Dieu ». Alors l’Éternel dit : « Quoique
Israël ne soit pas rassemblé, je serai glorifié aux yeux de l’Éternel… Je te
donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu’au
bout de la terre ». Voilà ce que Christ devient dans l’évangile de
Luc : « une lumière » pour éclairer les gentils, etc. Plus tard,
Paul, avec la parfaite justesse de l’Esprit, cite ce même passage, si bien fait
pour eux, aux Juifs d’Antioche : « C’était à vous premièrement qu’il
fallait annoncer la parole de Dieu ; mais puisque vous la rejetez, et que
vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les nations,
car
le Seigneur nous a commandé ainsi : Je t’ai établi pour être la lumière
des nations… » (Actes 13:46, 47 ; et encore Actes 28:28). Israël
sera rassemblé plus tard, car Christ rétablira les tribus de Jacob et délivrera
les captifs d’Israël ; mais auparavant, il se tourne vers les nations. Le
Seigneur nous présente dans Luc un tableau de tout cela. Au chapitre 7, nous
voyons Israël rejeter à la fois Jean-Baptiste et Christ, mais « la sagesse
a été justifiée par tous ses enfants ». Les pharisiens et les docteurs de
la loi ne justifiaient pas Dieu du tout, car ils ne voyaient aucune beauté en
Jésus, tandis que les publicains le faisaient ; et ainsi la pauvre
pécheresse, dont le coeur était touché par la grâce de Dieu, est une vraie « enfant
de sagesse » et est introduite ici comme démonstration du grand fait que
Christ est le nouveau centre de bénédiction, « quoique Israël ne soit pas
rassemblé ».
Le Seigneur poursuit ensuite son témoignage, rassemblant d’abord par la parole, au chapitre 8, puis, au chapitre 9, envoyant ses disciples prêcher avec l’ordre de secouer la poussière de leurs pieds, s’ils n’étaient pas reçus, en signe que le dernier témoignage était donné s’ils étaient rejetés.
Deux classes de personnes sont rassemblées ici autour de Christ. D’abord, les douze apôtres, témoins publics donnés par la grâce de Dieu pour être les vases du témoignage, manifestant le pouvoir électif de Dieu dans leur appel et dans le fait que Christ les envoyait avec toute l’énergie du ministère ; apôtres de Christ, envoyés par Lui-même, selon sa parole : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jean 20:21) ; ses « élus », comme il dit ailleurs : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis, etc. » (Jean 15:16). En second lieu, d’autres personnes que l’affection rassemblait autour de Christ, qui n’avaient aucun office dans l’Église, mais dont les coeurs avaient été touchés et attirés vers Lui ; qui n’étaient pas envoyées comme ceux dont nous venons de parler plus haut, mais qui n’étaient pas moins dévouées de coeur que les apôtres, car elles suivaient le Seigneur et l’assistaient de leurs biens.
Les versets 4-8 nous donnent
la parabole du semeur,
avec ceci de
particulier qu’il ne s’agit pas ici du royaume comme dans Matthieu, mais du
témoignage relatif à ce que Christ rassemblait et à ceux qu’il rassemblait, non
pas à la forme que prendrait plus tard le royaume. Le fait même que Jésus
venait comme Semeur démontrait qu’Israël
était mis de côté, car si le Christ avait été là pour Israël sa vigne, il eût
dû chercher du fruit de sa vigne qu’il avait plantée, si longtemps
auparavant : Il était venu précédemment ainsi à Israël, cherchant du
fruit, et n’en trouvant point. Maintenant il vient avec le nouveau caractère
d’un Semeur
, chose bien différente.
Il vient dans un vaste monde où il n’y a rien, et y commence une oeuvre
nouvelle. Dieu ne cherche pas maintenant du fruit chez l’homme, parce que
l’homme a été démontré être un arbre mauvais et que plus on laboure et fume le
sol autour d’un mauvais arbre, plus l’arbre porte de mauvais fruits : « chaque
arbre se connaît à son propre fruit » (Luc 6:44). Christ vient pour
chercher et sauver ce qui était perdu. Dieu va produire maintenant le fruit
qu’il désire : il ne pense plus désormais à demander à l’homme de produire
quelque fruit que ce soit, car Jean-Baptiste dit que « tout arbre, qui ne
produit pas de bon fruit, est jeté au feu ». C’est pourquoi le Seigneur
vient maintenant comme un Sauveur, ne cherchant pas de fruit, mais faisant ce
qui le produira.
Le Seigneur décrit ensuite le caractère et l’effet de son oeuvre de semeur, et les disciples (v. 9-15) lui demandent de leur expliquer le sens de la parabole. Israël comme tel avait perdu sa place et était devenu un peuple sans intelligence (És. 27:11). Dieu avait usé de longue patience envers lui ; sept cents ans s’étaient écoulés depuis qu’il avait dit à Ésaïe : « Va, et dis à ce peuple : En entendant vous entendrez et vous ne comprendrez pas » (És. 6:9). Individuellement, un Juif pouvait être attiré vers Jésus ; mais, comme nation, Israël était endurci. Le Seigneur donne aux disciples l’explication de la parabole ; mais au peuple comme tel il parle en paraboles (voyez v. 10), accomplissant ainsi les paroles du prophète prononcées si longtemps auparavant. Le témoignage est clos maintenant quant à Israël, mais non pas quant au propos final de Dieu à son égard.
La semence est semée sans
distinction ; quoique l’homme la rejette, car sa volonté
s’y oppose, elle est néanmoins semée dans le coeur. La
parabole du semeur montre comment la parole de Dieu est parfaitement adaptée
aux besoins de l’homme, parlant à sa conscience et à son coeur. « Jamais
homme ne parla comme cet homme » (Jean 7:46). Christ parlait avec une
puissance qui atteignait le coeur et les affections ; mais la volonté
est corrompue et résiste ainsi à
la Parole. Il ne s’agit pas ici de grâce abstraite, mais de la condition
de l’homme ; c’est
pourquoi nous trouvons la Parole si parfaitement appropriée aux besoins de
l’homme, non pas réclamant de lui la justice, mais intervenant avec puissance
pour lui montrer qu’il est un pécheur et mettant à découvert les pensées et les
intentions du coeur (comp. Héb.
4:12, 13). Le coeur étant ainsi mis à nu, la Parole vient avec toute la douceur
et les consolations de la grâce ; car il y a en Dieu de quoi satisfaire
une âme dans quelque état qu’elle puisse se trouver. La Parole s’adresse au
coeur, c’est pourquoi l’Évangile laisse l’homme sans excuse.
Quelques-uns reçoivent la
Parole avec joie (v. 13) : c’est la preuve que la conscience
n’est pas touchée, car lorsqu’elle est touchée, l’âme
est tout autre chose que joyeuse, jusqu’à ce qu’elle connaisse le pardon. Les
sentiments peuvent être atteints pour un temps, la Parole être écoutée avec joie,
mais cette joie sera suivie de douleur. La Parole, quand elle est reçue ainsi,
n’a pas de racine ; elle est reçue avec joie
et abandonnée dans la tribulation.
Ceux qui ont la Parole semée
au milieu des épines forment une autre classe. L’intelligence peut être
convaincue et recevoir la vérité ; mais les soucis, les plaisirs et les
richesses de ce monde viennent et étouffent la Parole. Ces soucis
sont d’autant plus subtils qu’ils se présentent comme des devoirs
nécessaires ; et ce n’est
pas un mal de faire son devoir, bien au contraire, car il est bon et juste que
chacun vaque à son devoir dans sa vocation journalière. Mais si ces devoirs
étouffent la Parole et qu’un homme perde ainsi son âme, n’avons-nous pas
fréquemment besoin, à cause de la tendance naturelle du coeur, d’être rappelés
à cette parole : « Voyez, et gardez-vous de toute avarice » (Luc
12:15), c’est-à-dire de l’amour des choses d’ici-bas ? Un homme était venu
au Seigneur, disant : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi
l’héritage ». Le coeur de cet homme désirait jouir de ce qui lui revenait.
Si l’amour du monde ou l’avarice s’introduisent au milieu des saints, le mal
est d’autant plus difficile à guérir qu’il a un caractère insidieux, que
souvent la discipline ne peut pas atteindre. Si l’avarice se glisse dans le
coeur, elle entrave la puissance de Christ sur l’âme et sur la conscience ;
elle engloutit pour ainsi dire la vie pratique du chrétien, et l’âme est
flétrie ! La puissance de Dieu peut lui mettre un obstacle mais les soucis
de l’avarice pour les choses de la terre sont si subtils que, même s’il n’y a
rien de positif sur quoi mettre la main, la puissance pratique de la vie
chrétienne dans l’âme est perdue, quoique, je n’ai pas besoin de le dire, la
vie éternelle
ne puisse jamais se
perdre en ceux qui l’ont une fois reçue.
« Mais ce qui est dans
la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, la retiennent dans
un coeur honnête et bon, et portent du fruit avec patience. » Le monde
peut estimer qu’il y a des fruits beaux et excellents ; mais là où le
coeur n’a pas saisi Christ, on devient las
.
Il n’y a pas de persévérance lorsque Christ ne possède pas l’âme ; quand
il la possède, il y a un motif qui demeurera ; l’âme persévérera et
portera « du fruit avec patience ». Ceux qui entendent et qui gardent
persévèrent ; car ils ont dans le Seigneur leur motif d’action. La
tribulation peut surgir dans l’Église ; on peut être désappointé même en
des frères ; mais ceux qui ont Christ devant eux persévèrent la Parole
qu’ils ont entendue et qu’ils gardent les met en rapport avec Lui, et Christ
est plus que tout le reste.
Il s’agit ici (v. 16-18), non
du salut éternel, mais de l’effet pratique de la Parole semée dans le monde, de
la croissance de la Parole dans l’âme ; cet effet ne restera pas caché
sous un boisseau. « Vous êtes la lumière du monde » et « le sel
de la terre » (Matt. 5:13-16). Ceux qui paraissent
seulement être chrétiens se montreront bientôt ce qu’ils
sont : « À quiconque n’a pas, cela même qu’il paraît
avoir sera ôté ». Mais ceux en qui la Parole opère
efficacement sont appelés à être comme une « lampe » placée sur un
pied de lampe. Israël étant rejeté pour un temps, Dieu place dans le monde une
nouvelle lumière qu’il a allumée à cause des ténèbres du monde. Christ sur la
terre était la lumière du monde, à cause des ténèbres de celui-ci ; et
maintenant nous
devrions être une
lumière dans le monde, car nous sommes « lumière dans le Seigneur » (Éph. 5:8). La lumière est allumée par la parole de Christ,
et les hommes sont responsables de la Parole qu’ils ont reçue. Supposez que
vous ayez entendu la Parole et que vous ne portiez pas de fruit : il sera
bientôt manifesté que vous avez entendu la Parole et que vous l’avez perdue
ainsi que la puissance
spirituelle qui l’accompagne ; lors même que vous seriez des saints, il
n’en est pas moins vrai que tout ce que vous avez entendu sans fruit ou
puissance qui en découle apparaîtra au grand jour, « car il n’y a… rien
de caché qui ne se connaîtra et ne vienne en évidence ». « Prenez
donc garde comment vous entendez. » Christ attend les résultats
de son travail de semeur : il faut non seulement
écouter, mais posséder ; à cela se lie la responsabilité, car si vous
gardez la Parole que vous avez entendue, il vous sera donné davantage. Si, en
écoutant, je possède ce que j’entends, n’en ayant pas seulement de la joie,
mais le possédant comme mon bien, alors ce que j’entends devient une partie de
la substance de mon âme et j’en recevrai davantage : car lorsque la vérité
est devenue une réalité dans mon âme, j’ai une capacité pour recevoir
davantage. Vous avez entendu parler, par exemple, de la seconde venue du
Seigneur et vous avez compris la part de l’Église comme Épouse de Christ ;
si vous ne saisissez pas ces choses pratiquement pour les posséder, ayant
communion avec Dieu à leur sujet, ce en quoi consiste la possession, il
arrivera que vous perdrez l’attente présente de cette venue de Christ et que
vous oublierez votre place de séparation d’avec le monde ; peu à peu la
vérité vous échappera, parce que vous ne l’avez pas gardée dans votre âme
devant Dieu. Puis votre âme s’émoussera et tombera dans un sommeil de mort où
vous perdrez la vérité même que vous aviez reçue. Par contre, si vous vivez
dans l’attente journalière du Seigneur venant du ciel, vous ne ferez pas de
plans d’avenir, vous n’amasserez pas des biens pour le lendemain, mais vous
apprendrez toujours davantage, parce que d’autres vérités viendront se grouper
autour de cette grande vérité centrale ; vous serez gardés dans la vérité.
Si, au contraire, comme je l’ai dit plus haut, vous laissez échapper cette
vérité centrale en disant que Jésus ne peut pas venir encore, parce qu’il faut
que tant de choses s’accomplissent avant qu’il vienne, le progrès de votre
communion avec Dieu sera entravé, tout progrès d’une âme étant selon la mesure
de ce que cette âme a entendu et gardé devant Dieu. Quel profit peut-il y avoir
à m’apprendre que le Seigneur peut venir demain, si je continue à vivre comme
s’il ne devait pas venir avant un siècle ? Quelle consolation et quelle
bénédiction cette vérité apportera-t-elle à mon âme, si je dis dans mon
coeur : « Mon Maître tarde à venir » ? (voyez
Luc 12:45). Quoique je ne puisse pas perdre la vie éternelle, je perds la
vérité et la lumière que j’avais ; je flotte dans le courant de la vie,
moitié monde, moitié Christ, et toute la puissance de la vie chrétienne est
obscurcie dans mon âme. La vérité, tenue ferme en communion avec Dieu, sépare
pour Dieu. La vérité
doit produire du
fruit ; et vous n’avez
aucune
vérité qui n’en porte pas. La vérité est là pour édifier l’âme : « Sanctifie-les
par la vérité ; ta parole est la vérité » (Jean 17:17). Christ me
devient précieux dans la vérité que j’attends, et par cette vérité ; et si
elle n’a pas cette puissance, elle se perd, n’aboutit à rien et est ôtée. Si
Christ a du prix pour moi, je l’attends avec affection
, et s’il n’en est pas ainsi, la simple vérité sera
bientôt abandonnée.
Ici, le Seigneur clôt sa
relation avec Israël selon la chair, car les relations de « mère » et
de « frères » le mettent en rapport avec Israël selon la chair.
Remarquez que Jésus distingue ici le résidu par l’expression de : « Ceux-ci
», comme il avait fait au
chapitre 6, en disant : « Vous
».
Sa mère et ses frères venaient seulement auprès de Lui à cause de leur relation
naturelle avec Lui ; et il y avait
dans le Seigneur toutes les affections naturelles, car à la croix nous le
voyons se souvenir de sa mère et la recommander aux soins de Jean. Ici, dans sa
réponse, c’est comme s’il disait : Je suis sur un terrain nouveau ; « ma
mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent
en pratique ». Israël, quant à sa relation selon la chair avec le
Seigneur, était rejeté, Jésus n’avouant et ne reconnaissant pour siens que ceux
dans les coeurs et dans les consciences desquels la parole de Dieu avait eu de
l’effet. Il ne s’agissait pas de ce qu’on trouvait dans la nature, mais de ce
qui était le fruit de la grâce, produit par la puissance divine, par la Parole ;
ce principe étant ainsi établi, afin qu’il s’étende aussi bien aux nations
qu’aux Juifs, quoiqu’il n’ait été pleinement manifesté qu’après la résurrection
du Seigneur. Ces trois versets 19-21 sont une sentence judiciaire sur Israël,
qui prend fin au verset 21.
Dans les versets 22-26, nous
trouvons un exemple de ce que nous avons à attendre si nous suivons le
Seigneur, et de ce que le Seigneur sera pour ceux qui seront éprouvés par des
circonstances comme celles qui nous sont présentées ici. Le fait qu’ils étaient
les disciples et les compagnons de Jésus a pour effet de placer à toute heure
ceux qui suivent le Seigneur dans toutes sortes de dangers : ils ne sont
pas sur terre ferme,
mais ballottés
sur une mer orageuse, et Christ est absent — « il dormait ». Un vent
impétueux fond sur le lac, la nacelle se remplit d’eau, les disciples pleins
d’effroi sont en péril. Mais Jésus était dans la même nacelle qu’eux. Celui qui
a fait les mondes, le Fils de Dieu, était avec eux, et cependant ils sont
effrayés et s’écrient : « Maître, maître, nous périssons ! »
comme si Lui eût pu être englouti par les eaux. Ils montrent ainsi qu’ils ne
connaissaient pas quel
était Celui
qui était avec eux dans la nacelle. Pour nous qui lisons paisiblement les
détails de cette scène, nous trouvons bien absurde l’incrédulité des disciples ;
mais n’en est-il pas exactement de même de nous spirituellement ?
N’avons-nous aucune crainte, quand nous sommes poussés çà et là par la tempête
et que les flots s’agitent dans l’Église ? Assurément oui, car plus d’un
coeur a dit : « Qui nous fera voir du bien ? » Oubliant ce
que Dieu
fait et opère, quand l’homme
lutte visiblement contre les desseins de Dieu. Mais on ne se moque pas de Dieu,
et Dieu poursuit l’accomplissement de ses desseins à travers tous les orages
que les hommes ou le diable peuvent susciter. Au chapitre 16 de l’évangile de
Jean, nous voyons les disciples dans la tristesse, parce que Jésus s’en allait.
Le Seigneur leur avait dit (chap. 14:28) : « Si vous m’aviez aimé,
vous vous seriez réjouis de ce que je m’en vais au Père, car mon Père est plus
grand que moi ». Au chapitre 16, il leur dit : « Maintenant je
m’en vais à Celui qui m’a envoyé, et aucun d’entre vous ne me demande : Où
vas-tu ? Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli
votre coeur ». Dieu accomplissait ses conseils de grâce en rédemption par
le départ de Christ. Les disciples perdaient de vue que Dieu était à l’oeuvre
dans tout ce qui se passait et que rien ne peut l’empêcher d’accomplir ce qu’il
s’est proposé. Ils pensaient, lorsque Jésus fut crucifié, que toutes leurs
espérances étaient réduites à néant. Ils disaient : « Nous espérions
qu’il était celui qui doit délivrer Israël » (Luc 24:21), au moment même
où, par sa résurrection, tout allait s’accomplir pour eux. Ils auraient dû
demander : « Où vas-tu ? » (voyez
Jean 16:5). Ce n’est pas qu’il ne paraisse pas maintenant y avoir des périls,
de la confusion, des afflictions ; mais la foi regarde à Dieu, voit Dieu à
travers tout, et demande : Que fait le Seigneur ? Où va le Seigneur ?
En tout et à travers tout, le Seigneur ne s’est pas détourné de son chemin de
l’épaisseur d’un cheveu. Nous pouvons être dans la détresse ; mais la foi
ne dit pas que le Seigneur se tient loin ; elle le sait près.
Jésus permet que ses disciples
soient en péril, que la nacelle s’emplisse d’eau, et Lui dort ; afin
de mettre à l’épreuve la foi des
disciples pour voir s’ils se confiaient réellement en Lui, et si d’aussi folles
pensées que celles qu’ils expriment surgiraient dans leurs coeurs en présence
du danger. « Maître, maître, nous périssons ! » s’écrient-ils ;
mais ils étaient dans la nacelle avec Christ, et les flots étaient impuissants
contre eux. Il leur dit : « Où est votre foi ? » Et il
pouvait justement leur parler ainsi ; car, si l’eau remplissait la
nacelle, Lui aussi était là et pouvait dormir au milieu de l’orage. Mais les
disciples ne pensaient pas tant à Lui qu’à eux-mêmes, et ils disent : « Nous
périssons ». Il en est exactement de même aujourd’hui : on peut être
en danger avec Christ dans la nacelle en tout temps, aujourd’hui
comme alors,
et
Christ est réellement bien plus avec nous maintenant qu’il ne l’était alors
avec les disciples, car il nous est bien plus parfaitement révélé, et nous sommes
unis à Lui, un avec Lui, en sorte qu’il est avec nous à chaque instant dans la
puissance de l’Esprit. Quelle que soit l’élévation des vagues, la mer
n’engloutira pas son amour et ses pensées envers nous. Dieu éprouve notre foi.
Il pose la question si nous avons cette foi qui réalise la présence de Christ
de telle manière qu’elle nous tient calmes et en paix au milieu de l’orage
comme dans les jours sereins. Ce n’était pas réellement à l’état de la mer, à
son calme ou à son agitation, que tenait le danger de Pierre (Matt. 14), car sans Christ
il aurait enfoncé dans une
mer calme aussi bien que dans une mer agitée. Pierre enfonçait, parce que ses
yeux s’étaient détournés de Christ et regardaient les flots. Si nous marchons
avec Christ, nous rencontrerons toutes sortes de difficultés, plus d’une mer
orageuse ; mais étant un
avec
Lui, sa
sûreté est la nôtre. Notre
oeil devrait se détourner
des
événements, quelque solennels qu’ils soient — et ils le sont de nos jours, j’en
ai le sentiment profond — pour demeurer fixé sur Christ. Oui, les temps sont
graves, le mal augmente ; mais tout est sûr et arrêté comme si le monde
nous était favorable. J’ai vraiment peur de la manière dont beaucoup de
bien-aimés frères s’occupent des événements, au lieu de regarder à Christ et de
l’attendre. Le Seigneur lui-même est la sûreté des siens ; or que le monde
suive son train comme il l’entend, aucun événement ne peut atteindre Christ.
Nous sommes sains et saufs sur la mer, si seulement nos yeux ne regardent pas
aux vagues et que nos coeurs soient concentrés sur Christ et sur les intérêts
de Christ ; alors le diable lui-même ne peut nous toucher.
Quel tableau solennel des
conséquences de la réjection de Christ par le monde ! Christ vient et
trouve l’homme entièrement sous la puissance du diable. Un homme d’entre les Gadaréniens était possédé ; mais Christ le délivre,
montrant ainsi qu’il avait toute puissance sur l’ennemi. Une parole de Christ
chasse les démons. « Le Fils de Dieu a été manifesté, afin qu’il détruisît
les oeuvres du diable » (1 Jean 3:8). Quel fut l’effet de cette délivrance
opérée par le Seigneur ? « Toute la multitude du pays environnant des
Gadaréniens, pria Jésus
de s’en aller de chez eux
». Ces Gadaréniens
qui avaient supporté les démons, parce qu’ils ne pouvaient pas s’en
débarrasser, ne veulent pas supporter Christ, et le prient de s’en aller de
chez eux ! L’homme voudrait bien enchaîner « Légion », s’il
pouvait, car il n’aime pas les effets de la puissance de Satan mais la volonté
de l’homme est opposée à Christ
l’homme a une haine délibérée contre Christ. Le
Seigneur vint dans le monde, plein d’amour et de puissance, pour délivrer
l’homme des conséquences du péché ; mais l’homme rejeta Christ, et Dieu ne
demeure pas là où la volonté
est
résolue et déterminée contre Lui. Quand les Gadaréniens
demandèrent à Christ de se retirer de chez eux, il monta immédiatement dans la
nacelle et s’en retourna. Le monde dans lequel nous vivons est comme ces
gens : il a tranquillement rejeté Christ. Mais Dieu les abandonna-t-il,
quoique Christ s’en soit allé pour un temps ? Non, bien au contraire ;
il envoya au milieu d’eux l’homme qu’il avait guéri, afin qu’il leur racontât
quelles grandes choses Dieu lui avait faites : et c’est là ce que les
disciples de Christ ont fait dans le monde ; le résidu délivré dira, lui
aussi, au monde quelles grandes choses Dieu aura faites pour lui.
Les « pourceaux » me semblent représenter l’état des Juifs après qu’ils ont rejeté Christ. Le Seigneur, sans doute, permet aux démons d’entrer dans les pourceaux, car les pourceaux, n’ayant pas de passions à eux, étaient poussés par les démons à se précipiter dans la mer, montrant que c’était leur possession par les mauvais esprits qui les poussait à la destruction. Nous savons par Joseph et d’autres sources historiques qu’il est difficile de se figurer l’infatuation avec laquelle les Juifs se précipitèrent vers leur propre ruine, lorsque ces puissances gentiles vinrent et foulèrent la sainte ville. Leur ruine fut la conséquence de la réjection du Seigneur dont ils se rendirent coupables.
Le Seigneur nous fournit par
le moyen de faits réels deux autres tableaux de ses voies en délivrance. Aux
versets 40 et suivants, nous trouvons le récit de la résurrection de la fille
de Jaïrus qui nous présente en figure l’histoire
d’Israël le Seigneur s’en allait guérir Israël qui se mourait mais pendant
qu’il était en chemin, le peuple le serrait. Ce qu’il était venu faire, il le
fit ; car le monde le serrait, tandis qu’il était en chemin pour guérir « la
fille de son peuple » qui était malade. Quiconque pouvait le toucher par
la foi trouvait la guérison, une puissance sortant de Lui. La fille de Jaïrus « se mourait » ; l’homme n’a pas été
déclaré mort avant que Christ ait été crucifié. Avant la venue de Christ, il
n’y avait pas de guérison pour l’homme. Abraham a désiré voir le jour de Christ
(Jean 8:56). Il y a eu des prophètes qui ont parlé de Christ comme de Celui qui
guérirait ; la bénédiction était promise, mais il n’y avait pas de médecin.
« N’y a-t-il point de baume en Galaad ? » N’y a-t-il pas
quelqu’un pour guérir ? Il n’y avait personne ; aucun médecin ne
pouvait guérir l’homme jusqu’à ce que Christ vînt ; et quand il vint, on
le crucifia. En Lui il y avait une puissance vivante, car lorsque la foule le
pressait, une femme touche seulement le bord de son vêtement, et il sort de Lui
de la puissance qui la guérit. La guérison ne dépendait pas de l’état de ceux
qui étaient guéris, mais de la puissance de Celui qui guérissait. Des médecins pouvaient
appliquer remède après remède, tout était inutile jusqu’à ce qu’il vînt, Lui
qui pouvait communiquer la vie : alors tout change. Quand les foules le
serrent, Jésus reconnaît le toucher de la foi, et dit : « Quelqu’un
m’a touché, car je sais qu’il est sorti de moi de la puissance ». Avant
qu’il intervienne dans la puissance et la gloire de la résurrection pour
apporter la vie d’entre les morts en Israël, il guérit parfaitement là où il y
a de la foi, car le Seigneur est toujours vivant pour répondre à la foi
. La femme se cachait, car elle avait
honte de se montrer à cause du sentiment qu’elle avait du mal dont elle avait
eu besoin d’être guérie. Mais elle ne pouvait être cachée. Le coeur craint
toujours de s’ouvrir, tant qu’il est replié sur lui-même ; mais lorsqu’il
regarde à Christ, il s’ouvre à Lui, car c’est là toujours l’effet de sa
présence sur l’âme. La honte, la réputation, le caractère qu’on peut avoir aux
yeux des hommes, tout s’efface devant le sentiment de ce que Lui est.
Quand la grâce atteint le fond du coeur, tout le
reste est facilement abandonné. Un lien s’était formé entre l’âme de cette
femme et Christ : « Ta foi t’a guérie ; va-t’en en paix ».
Le Seigneur apporte la paix et une consolation parfaites à l’âme de cette femme ;
car il ne guérit pas seulement, mais il se fait aussi connaître. La femme ne
doit pas seulement être guérie ; elle doit recevoir de sa bouche
l’assurance de la paix.
À ce moment, quelqu’un vient
de chez Jaïrus, disant « Ta fille est morte, ne
tourmente pas le maître » ces gens pensaient que Jésus pourrait bien
guérir la jeune fille aussi longtemps qu’elle était encore vivante ;
maintenant qu’elle était morte
, ils
supposaient qu’il ne pouvait plus rien. Dans cet état, la jeune fille est une
image d’Israël qui est mort
devant
Dieu, comme les nations. Mais Jésus répond : « Ne crains pas, crois
seulement, et elle sera sauvée ». Quand il arrive dans la maison, il ne
laisse entrer personne que Pierre, et Jacques, et Jean (les colonnes de la
gloire future, au temps où il viendra comme la résurrection et la vie pour la
nation morte), et le père de la jeune fille, et la mère.
Nous trouvons donc, dans ce chapitre, un tableau de ce qui s’accomplissait alors et de ce qui arrivera dans l’avenir. La semence, « la Parole », est semée ; nous apprenons l’effet qu’elle produit, l’usage que l’homme en fait. Dieu nous fournit l’explication de tout ce qui arrive et qui était parfaitement connu et arrêté dans sa pensée ; mais si un orage s’élève, et si Christ paraît dormir et semble insensible au danger, quoique « Celui qui garde Israël » ne sommeille ni ne s’endorme (Ps. 121), comme disciples nous sommes dans la nacelle avec Lui. Qu’il nous donne de nous reposer sur cette assurance en toute simplicité et sans laisser nos coeurs se tourner ailleurs, car, aussi bien que l’eau, Christ est dans la nacelle. Il faut seulement que le regard de la foi soit arrêté sur Lui ; alors, advienne que voudra, nous dirons : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ?… Au contraire, dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés » (Rom. 8). Alors plus il y aura de difficultés, plus aussi il y aura de bénédiction, en vertu de l’exercice de la foi.
Après nous avoir fourni, au
chapitre 8, un tableau de tout ce qui s’accomplissait, si je puis parler ainsi,
le Seigneur, au chapitre 9, soulève la grande question touchant sa propre
personne : Qui était-il ? Puis il annonce à ses disciples que
quelques-uns d’entre eux verraient sa gloire, car la montagne de la transfiguration
montre ce que sera la gloire du royaume. Pierre parle de cette scène comme « la
puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ », « lorsqu’une
telle voix lui fut adressée par la gloire magnifique… étant avec lui sur la
sainte montagne » (2 Pierre 1:16 et suiv.). Mais c’était d’abord un
témoignage final que les disciples étaient appelés à rendre (v. 1-6), quoique
la gloire dût venir ; et, comme preuve de ce caractère de leur témoignage,
ils devaient secouer la poussière de leurs pieds lorsqu’ils n’étaient pas
reçus. Il est intéressant de remarquer toutes les circonstances qui mettent en
évidence le fait que c’était le Seigneur lui-même qui était là, et dont la
présence mettait Israël à l’épreuve. Jésus opérait des miracles et pouvait,
nous l’avons vu, conférer à d’autres le pouvoir d’en accomplir ; mais ici
il ne confère pas seulement la puissance individuellement à qui il veut, il
fait quelque chose de plus : il la confère à un certain nombre d’hommes réunis,
leur donnant puissance et autorité
sur les démons.
Nous avons signalé trois choses en rapport avec le témoignage du Fils de l’homme : 1° le témoignage de Dieu à son sujet ; 2° la misère de l’homme ôtée par lui ; et 3° les démons chassés ; triple preuve que c’était réellement le Seigneur qui visitait le monde en grâce et en puissance. La manifestation de la puissance aura lieu quand le moment sera venu ; mais le Seigneur, dans sa personne, introduisait la manifestation de ce qui plus tard sera plein et parfait, mais était alors une anticipation des « miracles (litt. : puissances) du siècle à venir », dont parle l’épître aux Hébreux (6:5). Ce n’est pas ici la rédemption, mais l’exercice de la puissance en présence de l’inimitié de l’homme contre le Seigneur ; et les hommes n’ont pas voulu de Lui quand il s’est ainsi présenté.
Le Seigneur envoie ses disciples en réglant toutes les circonstances du chemin qu’il auront à parcourir : tandis qu’il était avec eux, il pourvoyait à tout ce qu’il leur fallait et ils ne manquaient de rien (comp. 22:35). La puissance du Seigneur était là pour prendre soin d’eux partout où ils allaient. Plus tard, lorsqu’il fut sur le point de les quitter, il leur dit de prendre une épée, leur montrant qu’ils auraient à se garantir eux-mêmes, pour ainsi dire ; mais tandis qu’il était avec eux, il les gardait et prenait soin d’eux. Ainsi, à propos de l’ânon sur lequel il devait entrer à Jérusalem, il montre son autorité royale et divine à la fois, disant : « Le Seigneur en a besoin » (Luc 19:29-34). — Les disciples s’en vont, prêchant l’Évangile et guérissant partout. Alors surgit la question de sa personne : « Hérode… était en perplexité, parce que quelques-uns disaient que Jean était ressuscité d’entre les morts… ». Jésus voulait que les consciences fussent exercées à son sujet. Deux choses, on le voit, sont mises en évidence dans l’homme par cette question : d’un côté, la curiosité est excitée ; d’un autre côté, la perplexité et la crainte.
Jésus poursuit son chemin, et
partout où il y a une oreille pour entendre, il est pour l’homme le ministre de
la grâce du royaume.
Les disciples lui demandent
de renvoyer la foule, « afin qu’ils aillent dans les villages et dans les
campagnes d’alentour, et s’y logent et trouvent des vivres ». Non, dit le
Seigneur ; « vous, donnez-leur à manger ». Il ne dit pas qu’il
les nourrirait, mais communique à d’autres la puissance
qu’il avait lui-même, et veut exercer leur foi dans ce qu’il pouvait faire par
eux. Ceci s’applique à l’Église, maintenant : la foi use de la puissance
qui est dans le Chef (la Tête). « Vous, donnez-leur à manger. » Jésus
attendait que la foi usât de sa puissance divine, de ce que les disciples
voyaient en Lui. Nous devrions ainsi compter sur la puissance qui est dans le
Chef. Le Seigneur mettait la foi des disciples à l’épreuve : « Vous,
donnez-leur à manger ». Hélas non ! ils
n’avaient pas de foi ; ils comptaient leurs ressources : « Nous
n’avons pas plus de cinq pains et de deux poissons ! » Il en est
ainsi de nous ; nous n’avons point de foi ! Avoir de la mémoire n’est
pas avoir de la foi. Il frappa le rocher et les eaux jaillirent et les
ruisseaux débordèrent. Mais pourrait-il bien donner aussi du pain ? Il
nous donne de l’eau, mais peut-il nous donner de la nourriture ? Nous
savons qu’il a fait cette chose ; mais pourrait-il bien aujourd’hui faire
cette autre chose ? Il faut que nous sachions compter sur l’énergie de
l’amour du Seigneur et nous attendre à ses soins pour nous. Quand il dit à ses
disciples : « Vous, donnez-leur à manger », ils auraient dû
s’attendre à ce qu’il leur donnerait la puissance pour faire ce qu’il leur
disait. L’Éternel était au milieu d’eux, exerçant sa puissance ; mais leur
réponse trahit leur affreuse incrédulité. L’incrédulité exclut Dieu et se
réduit à ce qu’elle voit : « À moins que nous n’allions et que nous
n’achetions de quoi manger … ». Mais lui les fit asseoir par rangs de
cinquante chacun… « et ils mangèrent tous et
furent rassasiés ». Le Ps. 132 avait dit : « Je rassasierai de
pain ses pauvres » ; ici, en Jésus, cette parole s’accomplissait. Le
psalmiste parlait de leur Roi. L’Éternel avait choisi Sion ; il l’avait
désirée pour sa demeure ; il montrait ici par un miracle qu’il était
présent pour accomplir sa promesse, car il rassasiait de pain leurs pauvres. Il
ne transmettait pas seulement la puissance par ses disciples, mais il était lui-même
au milieu d’eux, non pas
seulement un homme, un messager ; mais, selon l’expression de Héb. 2, la parole commença d’être annoncée par le Seigneur.
Il était, Lui, l’Apôtre.
D’autres
furent envoyés après Lui ; mais Lui vint le premier, comme l’Apôtre
d’Israël. C’est une chose bien solennelle de penser que le Seigneur a
réellement visité ce monde ! Il est venu et s’est présenté d’abord à son
peuple d’Israël ; mais Israël ne voulut pas de Lui ! Nous apprenons
ainsi dans quel monde nous sommes. Dieu agit maintenant en grâce envers les
hommes, quoique son Fils ait été rejeté.
« Et de ce qui leur
était resté… on ramassa douze paniers. » Remarquez, en passant, que le
nombre douze
est l’expression du
pouvoir exercé en rapport avec le gouvernement ; il y a douze apôtres,
douze portes de la ville dans l’Apocalypse, etc.
Jusqu’ici, nous avons vu Christ se présentant au milieu d’Israël comme le Messie : le voici maintenant homme dépendant, — priant. Il était Emmanuel, Dieu avec nous ; il était Fils de David ; il était Fils de l’homme : il résume en Lui toutes ces gloires. Alors il adresse aux disciples la question : « Qui disent les foules que je suis ? » (v. 18 et suiv.). « Et répondant, ils dirent : Jean le baptiseur ; et d’autres : Élie, etc. » ; les uns une chose, les autres une autre. Mais Pierre dit : « Le Christ de Dieu ! » — sur quoi Jésus leur défend de le dire à personne. C’était la foi, quelque faible qu’elle fût, qui avait dicté la réponse de Pierre ; c’est pourquoi il n’a pas besoin de réflexion. Avec une parfaite assurance, il dit : « Le Christ de Dieu ! » La foi fait toujours ainsi. Quand l’Esprit de Dieu applique la vérité avec puissance, il n’y a pas dans l’âme d’incertitude à son égard. Un homme peut croire ou ne pas croire que Christ est le Fils de Dieu ; mais si son esprit travaille, il l’amènera peut-être à penser : Je ne l’aime pas assez pour être sauvé, et ainsi l’incertitude entre dans l’âme. Mais lorsque l’Esprit montre avec puissance que quiconque confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, alors je le crois, et je vois que Dieu « ne se souviendra plus » de mes péchés. L’Esprit peut ainsi me conduire à penser aux conséquences d’une vérité.
Le Seigneur laisse maintenant
ce qui a été mis en évidence, et se présente à ses disciples comme le Fils de
l’homme ; comme tel il va souffrir et sera crucifié. Il faut par
conséquent que ses disciples sachent prendre leur croix et le suivre. Jésus
leur annonce quelque chose de tout nouveau : il allait être rejeté et
crucifié ; puis il ressusciterait le troisième jour. Il ne reste pas sur
le terrain messianique,
mais il place
l’espérance des siens dans une sphère qui est entièrement au-delà de celle qui
se rattache au Messie. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se
renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive. » « Chaque
jour » —
là est l’épreuve. Un
homme, par un mouvement héroïque, pourrait prendre sa croix une fois pour
toutes, et il deviendrait un objet d’admiration pour plusieurs on écrirait sur
lui beaucoup de livres, peut-être mais il est bien difficile de poursuivre son
chemin chaque jour en se renonçant soi-même et sans que personne en sache quoi
que ce soit. Ce que le Seigneur disait revient à ceci, que si vous épargnez la
chair dans cette vie, vous perdrez votre vie dans celle qui est à venir : « Car
que profitera-t-il à un homme de gagner le monde entier, s’il se détruit
lui-même ou se perd lui-même ? » ou : « Que donnera un
homme en échange de son âme ? » Il ne s’agit pas d’abaisser la vie au
niveau de la chair ; mais si vous faites la perte de votre vie ici-bas,
vous la trouverez ailleurs, au-dessus et au-delà de ce monde ; « car
quiconque voudra sauver sa vie la perdra ; et quiconque perdra sa vie pour
l’amour de moi, celui-là la sauvera ». Faire abandon de ce monde pour la vie éternelle
ou pour la misère
éternelle, voilà ce dont il s’agit réellement ! « Que profitera-t-il
à un homme ? » — Il faut de toute
manière
que vous fassiez la perte de ce monde : vous ne pouvez pas le
conserver.
Il y a la gloire du royaume ;
il y a la manifestation de la gloire à venir. Ces affections et ces
dispositions qui attirent l’âme vers Jésus ne peuvent trouver leur satisfaction
ici-bas. Ils montrent clairement qu’ils recherchent une patrie ; c’est
pourquoi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu… (Héb.
11:13-16). « Quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de
l’homme aura honte de lui quand il viendra dans sa gloire
». « Voici… comme un fils d’homme… et il
avança jusqu’à l’Ancien des jours… Et on lui donna la domination, et
l’honneur, et la royauté » (Dan. 7:13). Mais il vient aussi dans la gloire
du Fils de Dieu, la gloire de son Père et dans la gloire des anges. Les anges
le servent Lui qui les créa, car ils ont été créés pour Lui aussi bien que par
Lui, et ainsi ils le glorifient, Lui le Fils de l’homme, lui rendant la gloire
qui lui appartient, car il n’a pas perdu un atome de sa gloire : « Tu…
l’as établi sur les oeuvres de tes mains… » « Que tous les anges de
Dieu lui rendent hommage. » Au Sinaï, il était entouré de cette même
gloire : La loi a « été ordonnée par des anges… » (Gal. 3:19).
« Les chars de Dieu sont par vingt mille, par milliers redoublés… »
(Ps. 68).
Nous trouvons maintenant la gloire manifestée sous le triple caractère dont nous venons de parler (v. 26). Il apparaîtra dans cette gloire, quand il sera manifesté ; et il aura honte de ceux qui auront eu honte de Lui, parce qu’ils n’auront pas su renoncer à des avantages présents. Je ne parle pas ici de la maison du Père qui a, cela va sans dire, un autre caractère. Il s’agit ici du royaume manifesté à la terre, dans sa gloire.
« Et il arriva… qu’il
monta sur une montagne pour prier. » Ce détail ne se trouve pas dans les
autres évangiles. Le Seigneur allait montrer sa gloire à ses disciples, afin de
faire connaître sa puissance et sa venue (voyez 2 Pierre 1:16) ; et
d’après les autres évangiles, nous savons qu’une semaine
après cet événement, il monta à Jérusalem où il devait
être crucifié. — « L’apparence de son visage devint tout autre » (v.
29). Un changement complet a lieu ici. Jésus parle de son « départ »
qu’il devait accomplir à Jérusalem, où il aurait dû être couronné
, mais où il va pour être crucifié. À Jérusalem, où cette
corne de David devait germer, la racine de David sera prise, crucifiée, mise à
mort par des mains iniques. C’est ici qu’il faut chercher le centre même de
tout le changement qui s’accomplit. « Et voici, deux hommes, qui étaient
Moïse et Élie, parlaient avec Lui. » On peut considérer ce fait sous deux
aspects différents. Nous pouvons l’envisager à un point de vue dispensationnel, Moïse et Élie représentant la loi et les
prophètes. À ce point de vue, Moïse avait une place très particulière, car
c’est par lui que la loi fut donnée ; mais la place d’Élie était presque
aussi importante, car bien que les Juifs fussent dans une position bonne et
vraie, ils y avaient failli et en étaient déchus, — aussi l’on voit Élie s’en
retourner à Horeb. Les autres prophètes ne furent jamais appelés à opérer des
miracles ; à part le fait du cadran d’Achaz (És.
38:8), nous n’entendons parler d’aucun miracle dans Ésaïe,
Jérémie, Osée, Habakuk, etc. Ces prophètes, envoyés
de Dieu, montraient que Dieu prenait soin d’Israël ; mais dans tout ce que
nous apprenons d’eux, aucun événement ne ressemble à l’appel qu’Élie adresse à
Israël pour le ramener à Dieu. Élie nous apparaît comme celui qui maintient la
loi lorsque le peuple s’en est grossièrement détourné, quoique tous les
prophètes, même jusqu’à Malachie (voyez Mal. 4:4),
rappelassent à l’observation de la loi.
Moïse et Élie disparaissent,
et Jésus est laissé seul.
La loi
avait disparu, la prophétie avait pris fin : Christ reste seul —
et il allait être crucifié. Tout
l’édifice bâti par la loi et les prophètes (non pas le témoignage rendu par
eux, mais la loi, en tant que donnée à l’homme, dans la chair) est renversé,
parce que l’homme a fini par tuer le Seigneur venu en chair : tout est
fini désormais. Pierre aurait voulu placer ensemble et comme sur la même ligne
le Seigneur et ses deux compagnons : « Maître, il est bon que nous
soyons ici ; et faisons trois tentes : une pour toi, et une pour
Moïse, etc. » Mais à ce moment Moïse et Élie disparaissent, et une voix se
fait entendre de la nuée, disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
écoutez-le » (v. 35). C’est maintenant la justice de Dieu sans loi, en
Jésus. La loi
n’envoya pas Christ.
Quelle loi eût-on pu imposer à Dieu pour qu’il l’envoyât ? L’amour divin
seul pouvait avoir une telle pensée. La grâce
règne « par la justice » (Rom. 5:21). La loi était bonne et
parfaite ; mais Christ dépassait de beaucoup la loi. Moïse et Élie ne
devaient donc avoir aucune place avec Lui. Dieu le Père les fait disparaître
quand Pierre désire les associer à Jésus. Ils disparaissent : ce fait est
la chose importante pour nous. Chaque parole de la loi et des prophètes est la
vérité de Dieu ; mais « la loi et les prophètes ont été jusqu’à Jean ».
Maintenant le Fils de Dieu est le messager de l’amour du Père et celui qui
accomplit la justice divine. Lorsqu’il est là, la voix dit : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » et Jésus est laissé seul.
Remarquez aussi que Moïse et
Élie, parlant avec Lui, sont occupés de sa mort.
Une chose occupe le ciel et la terre : Jésus allait subir la croix là
même où il aurait dû être Roi. En pareille circonstance, le ciel et la terre ne
pouvaient s’entretenir d’autre chose que de sa mort. Il en est de même pour. nous : le grand sujet qui doit nous occuper
relativement au Messie, c’est qu’il mourut. Quoiqu’il eût pu détruire tout le
mal qui était entré dans le monde, il faut qu’il meure ; en grâce, cela va
sans dire. Tout doit prendre fin dans la mort, parce que la pensée de la chair
n’est pas seulement sous la puissance de Satan, mais inimitié contre
Dieu : c’est pourquoi il faut que le ciel parle.
Sion, le lieu même qu’Il avait choisi, où il avait été et où il sera, le lieu spécial de la faveur de Dieu, doit être la scène de sa mort. C’est là qu’il est rejeté hors du monde qu’il venait sauver ; c’est là que Celui en qui toute justice, toute perfection humaine et divine sont concentrées, doit mourir ; c’est là que toute la nature de l’homme, dans les circonstances les plus favorables, toute sa méchanceté, en dépit de la publicité, de la patience et de la variété des voies gouvernementales de Dieu, sont manifestées.
Moïse avait pu s’occuper de
l’homme comme tel, et faire jaillir de l’eau du rocher pour le peuple, en
réponse à ses murmures. Le prophète pareillement avait pu dire : « Plaidons ensemble ».
« Fais-moi
souvenir, plaidons ensemble. » Mais maintenant c’en est fait de tout cela.
Dieu avait cultivé sa vigne et fait pour elle tout ce qui pouvait être fait. Il
restait encore une chose, — la meilleure, — son Fils. Il l’envoya ; et eux
le jetèrent dehors et le tuèrent. Désormais il ne reste qu’un témoignage au
sujet de l’homme : il a « mis à mort le Prince de la vie », ; il a « renié le Saint et le Juste » (Actes
3:14). Nous n’avons jamais de paix jusqu’à ce que nous ayons trouvé le pardon
par le Christ, à la croix. — Ici apparaît un vrai tableau du ciel ; mais à
toutes les voies intermédiaires de témoignage manque complètement ce que nous
trouvons en Christ sur la croix, parce que la vérité quant à ce que l’homme est
réellement leur fait défaut, vérité
qui ne fut mise pleinement en évidence que lorsque l’homme mit « à mort le
Prince de la vie ».
Jésus abandonnant sa position
de Messie, prend celle de Fils de l’homme qui doit souffrir, puis être élevé
dans le ciel. Il n’est plus ici le Chef d’Israël sur la terre, mais le Christ
céleste, car il prend sa place dans le ciel quand il est rejeté par l’homme
ici-bas ; ce grand fait doit donner son caractère au chemin de ceux qui le
suivent. Ce caractère est double : la réjection sur la terre, et une place
céleste. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même,
et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive » (v. 23). Le Seigneur
montre à ses disciples que l’appel céleste implique la croix
ici-bas : il en fut ainsi pour Lui-même. La place
glorieuse qui Lui est donnée dans le ciel dépendait, dans les conseils de Dieu,
de la croix qu’il porta comme Homme. « Il s’est abaissé lui-même, étant
devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi
aussi Dieu J’a haut élevé
et lui a donné un nom au-dessus de tout nom … » (Phil. 2:6-11). La croix
fut pour Lui le chemin du ciel ; si nous devons avoir une place dans le
ciel, il faut que nous passions par le même chemin. La croix était pour la
destruction du péché et pour la destruction du « moi » dans lequel
habite le péché. Il en est de même pour nous ; c’est pourquoi Jésus
dit : « Vous, gardez bien ces paroles que vous avez entendues, car le
Fils de l’homme va être livré entre les mains des hommes » (v. 44). Nous
avons besoin de l’appel céleste afin de recevoir la puissance nécessaire pour
prendre et porter la croix ; c’est en même temps dans la mesure selon
laquelle nous mourons aux choses d’ici-bas, que nous réalisons les choses
célestes. Lorsque le sang du sacrifice était porté au-dedans du voile, la
victime était menée hors de la porte : nous avons à sortir ainsi « hors
du camp, portant son opprobre » (Héb. 13:11-14) ;
si nous saisissons la valeur du sang et que nous entrions au-dedans du voile,
nous prenons place hors du camp
où la
victime était brûlée ; tandis que nous sommes en Esprit au-dedans du
voile, où
le sang a été porté ;
nos corps sont là où le corps de la Victime a été brûlé, c’est-à-dire hors du
camp. Le judaïsme plaçait l’homme dans une position intermédiaire : le
Juif n’entrait pas au-dedans du voile, et il ne sortait pas hors du camp (Héb. 8:10 ; 13:10, 11). Christ allait prendre une
autre place où ses disciples devaient le suivre ; et, pour les fortifier à
cet effet, il leur montre la gloire de la position céleste. « Il prit avec
lui Pierre et Jean et Jacques, et… monta sur une montagne pour prier, etc. »
(v. 28). La partie céleste du royaume est représentée ici par Christ, Moïse et
Élie ; — la partie terrestre par les disciples (partie même qui fait
allusion à l’Église ici-bas, à sa position sur la terre). Pierre parle de toute
cette scène comme de « la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus
Christ » (2 Pierre 1:16). Christ lui-même dans la position d’homme
dépendant, c’est-à-dire priant, prend ses trois disciples avec lui sur une
montagne. « Pierre et ceux qui étaient avec lui étaient accablés de
sommeil » ; endormis en présence de la gloire, comme ils l’ont été à Gethsémané, ils montrent ce que c’est que la nature
humaine. Elle est sans force, dans la souffrance ou dans la gloire, pour fixer
son attention sur Christ et sur ses intérêts.
Moïse et Élie apparaissent dans la même gloire que le Seigneur ; nous sommes les compagnons de Christ dans la même gloire ; c’est la gloire du royaume dans son caractère général, non pas, il n’est pas besoin de le dire, la gloire essentielle de Christ. « Comme nous avons porté l’image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l’image du céleste » (1 Cor. 15:49), c’est-à-dire du Fils de Dieu dans la gloire. « Nous savons que, quand il sera manifesté, nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est » (1 Jean 3:2). « Quand le Christ qui est notre vie, sera manifesté, alors vous aussi, vous serez manifestés avec lui en gloire » (Col. 3:4). Notre part n’est pas d’être bénis sous le sceptre de Christ, mais d’être avec Christ. « Nous apparaîtrons avec lui en gloire », avec lui dans la même gloire. Nous attendons le Seigneur Jésus Christ des cieux « comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire… » (Phil. 3:20, 21). Nous serons avec Lui et semblables à Lui ; nous le serons tous, les uns comme les autres, quoiqu’il doive y avoir différents degrés de gloire pour l’un et pour l’autre, car la mesure de Paul ne sera pas celle de chacun. Nous parlons ici de la gloire commune, et nous sommes « prédestinés à être conformes à l’image de son Fils » (Rom. 8:29). « La gloire que tu m’as donnée, moi, je la leur ai donnée » (Jean 17:22).
Moïse et Élie sont
parfaitement à leur aise dans la gloire ; ils s’entretiennent
familièrement avec Jésus ; ils ne Lui présentent pas une requête, ils ne
sont pas à ses pieds, quoique cette place précieuse nous appartienne aussi.
Cette partie céleste de la scène est l’image de la communion
de la liberté familière de relation, la même que celle
des disciples sur la terre, quoique plus excellente. Sur la sainte montagne,
dans la gloire, les compagnons de Christ avaient une intelligence plus profonde
de ce qui les occupait que les disciples, mais le même sujet les occupait. Nous
apprenons ainsi quel est le genre de relation que nous avons avec Jésus
maintenant, car nous appartenons à la partie céleste du royaume.
Le sujet de l’entretien du
Seigneur avec Moïse et Élie n’est pas moins digne de remarque. C’est une chose
toute nouvelle, car Christ aurait dû être Roi. Mais l’homme était pécheur, et
il fallait que le conseil déterminé de Dieu s’accomplît, savoir la rédemption :
Jérusalem était la
cité royale, et c’est là où il aurait dû être reconnu comme Roi, que son « départ »
devait s’accomplir. Il y avait complète intimité entre Lui et ceux qui
parlaient avec Lui du sujet qui occupait son coeur ; car ils parlaient de
sa mort. Plus tard, il dit à ses disciples quelles seraient pour eux les
conséquences de cette mort : il fallait qu’ils se renonçassent eux-mêmes. « Vous,
gardez bien ces paroles que vous avez entendues … » Le grand sujet qui
occupait le coeur de Dieu devait être le même pour nous. Remarquez que c’est la
gloire qui nous rend capables de parler de ce sujet. Nous ne pouvons en parler
avant d’avoir la paix avec Dieu par la connaissance du pardon des péchés. Aussi
longtemps qu’un homme ne le connaît pas, il faut qu’il vienne à Dieu dans sa
misère et qu’il le trouve ; mais quand il l’a trouvé, il peut le
contempler et en jouir. En outre, Dieu voyait tout ce qui se passait dans l’âme
de Christ quant à son obéissance jusqu’à la mort. Nous ne cesserons jamais de
nous intéresser à ce sujet glorieux ; quand nous serons auprès du Père
dans la gloire, ce sera pour les saints le thème absorbant. Christ dit
lui-même : « À cause de ceci le Père m’aime, c’est que moi je laisse
ma vie, afin … » (Jean 10:17) : combien plus nous,
ne l’aimerions-nous pas pour ce même motif ? Pensez à ce
que c’était que d’être occupé avec Christ de sa « mort » !
Pensez à sa connaissance de ce qu’il allait faire ! Il savait ce qu’était
l’homme, ce qu’était le conseil de Dieu. Il vint pour « réconcilier toutes
choses avec elle-même » (Col. 1:20) ; et il accomplit si
effectivement cette oeuvre de la réconciliation que l’oeil de Dieu ne pouvait
plus voir que l’effet de ce sang dans ceux qui étaient lavés par Lui. Le Christ
rejeté, un Sauveur ! Ce sujet le fond de la communion avec Christ lui-même !
Ils « parlaient de sa mort. »
Pierre dit : « Maître, il est bon que nous soyons ici ; et faisons trois tentes » immédiatement il y eut une voix de la nuée, disant « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » L’effet de ce que Pierre voit, est de le porter à placer Moïse et Élie sur le même niveau que Christ. Nous avons parlé de ce sujet plus haut, envisagé à un point de vue dispensationnel, la loi et les prophètes étant associés avec Christ ; mais, comme nous l’avons dit, on peut considérer la scène à un autre point de vue, remarquant que ce qui caractérisait le Fils lui était particulier. Rien ne pouvait être placé sur le même niveau que Lui. C’est pourquoi nous trouvons ici le témoignage rendu au Fils par le Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé… ! » Quand un homme connaît le Sauveur, quoiqu’il sache qu’il Lui sera semblable quand il sera manifesté et que tous les saints Lui seront semblables également, Christ a néanmoins la suprématie dans son coeur. Il est seul béni, en même temps qu’il est l’objet de la foi. Je prends plaisir dans les saints, mais Christ est le seul objet de ma foi. J’entre dans cette communion avec le Père ; j’ai les pensées du Père au sujet du Fils et les pensées du Fils au sujet de l’oeuvre ; j’ai communion avec le Père et avec le Fils. Nous ne pouvons pas avoir communion avec le Père au sujet de l’oeuvre de la rédemption, parce que le Père n’a pas été fait homme. Remarquez que le Père ne dit pas : Celui-ci est mon Fils que vous devez adorer et admirer, mais il parle de ses propres pensées quant au Fils, disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ». Pourquoi « bien-aimé » ? Le voici : « À cause de ceci, le Père m’aime, c’est que moi je laisse ma vie ». Ainsi je sais que j’ai une même pensée avec le Père, quand je trouve ma joie dans le Fils et dans Sa mort. Le Père, je le répète, communique ses propres pensées au sujet du Fils, et par la puissance du Saint Esprit ces pensées sont versées dans mon âme ; comme conséquence, je sais que celui qui a la vie éternelle ne viendra jamais en jugement (voyez Jean 5:24).
Remarquez aussi comment ils
entrent dans la gloire excellente. Une nuée vint, qui les couvrit de son ombre.
La nuée est le « Shechinah », le lieu de la
demeure de Dieu, qui avait été donné au peuple, pour le conduire à travers le
désert ; Israël devait marcher ou s’arrêter, selon que la nuée se levait
ou s’arrêtait (voyez Nomb.
9:15-23). La nuée était la présence divine. « Et ils eurent peur comme ils
entraient dans la nuée. » Ils ne sont pas protégés par la nuée comme
Israël l’avait été et comme il le sera plus tard, « car sur toute la
gloire il y aura une couverture » (És. 4:5),
mais ils entrent
dans la nuée ;
et y entrer, c’était entrer dans la présence du Père, maintenant un lieu
d’habitation pour nous. C’est de là que la voix du Père se fait entendre :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé… » ; de
là qu’ils apprennent qui était ce Fils. Il avait été avec eux comme l’un d’eux.
Il était le Fils bien-aimé du Père, dans une position digne d’adoration, mais
le compagnon de leurs coeurs. Lui
les
amenait « au Père », seule place dans laquelle la rédemption nous
introduit, pour ce qui est de notre relation avec Dieu. Avant qu’un homme
connaisse la rédemption et soit amené dans la présence du Père,
il ne peut savoir ce qu’est l’amour du Père ; mais une
fois qu’il y est arrivé, il ne peut plus jamais connaître la fin de cet amour.
C’est un genre d’amour que le fils prodigue ne connut pas avant d’être dans les
bras de son père. Il avait des doutes et des craintes en se rendant chez lui ;
il avait des pensées quant aux mercenaires, mais tout cela disparut quand il
fut dans la maison de son père. Cet amour n’est connu que dans la nuée, par
l’enseignement du Saint Esprit en nous, de Dieu en nous. C’est en présence de
la gloire, réalisée maintenant par la foi, que nous connaissons la puissance de
la rédemption ; par sa gloire et sa vérité elle efface toutes les autres
relations.
Remarquez quels
sont ceux à qui cette gloire est
révélée. Ce sont des saints vivants sur la terre, Pierre, Jacques et Jean ;
il en est de même pour nous. Les vérités écrites dans ce livre ne nous sont pas
données pour les connaître dans le ciel. Est-ce que l’amour du Père ne sera
connu que lorsque nous serons dans le ciel ? La rédemption serait-elle
connue là seulement ? La relation de Dieu avec ceux qui étaient sur la
terre était-elle moins intime que sa relation avec ceux qui étaient dans le
ciel ? Nullement. La communication de Dieu est adressée à Pierre, à Jacques
et à Jean, non pas à Moïse et à Élie. La voix du Père était pour des hommes sur
la terre. Nous apprenons ici la réjection de l’homme et la grâce qui nous a
amenés à avoir une part dans la gloire.
Dans ce qui suit (v. 37 et suiv.), nous voyons le Seigneur descendant au milieu de la foule de ce monde ; il ne reste pas sur la montagne. Là nous pouvons écouter et jouir ; mais il faut que nous descendions de la montagne et que nous passions à travers ce monde. Le Seigneur descend pour rencontrer trois choses ; une grande foule, la puissance de Satan et l’incrédulité des disciples. Il ne se tient pas à l’écart, mais il s’approche de la foule. Quelle détresse nous y trouvons ! Le fils d’un homme qui avait un démon, et le coeur du père plus torturé que le corps du fils ! Le monde pleurera jusqu’à ce qu’il soit las de pleurer, puis il recommencera son train.
Nous avons vu plus haut
comment le Seigneur était venu dans la manifestation de sa puissance et avait
lié l’homme fort. Les disciples n’ont « pas pu
» le faire. Le pouvoir de Satan reste le même jusqu’à ce
jour. Satan n’est pas littéralement jeté dehors ; il reste « le chef
du monde » (Jean 14:30), caractère qu’il a acquis et qu’il n’a pas perdu
par le christianisme. Il sera lié ; son pouvoir sera renversé de fait, et
non pas seulement pour la foi (voyez Apoc. 20:1-3,
7-10). La question du droit de Satan devait être vidée. Qu’est-ce que le
Seigneur dit de lui ? « Maintenant est le jugement de ce monde ;
maintenant le chef de ce monde sera jeté dehors » (Jean 12:31). Son droit,
c’est : Il sera « jeté dehors » ; mais Christ n’a pas
encore exercé ce pouvoir. C’est pourquoi, dans les épîtres, l’Écriture parle de
Satan comme régnant encore dans ce monde. L’épître aux Éphésiens l’appelle « le
chef de l’autorité de l’air… l’esprit qui opère maintenant dans les fils de
la désobéissance ». Plus loin elle parle des « dominateurs de ces
ténèbres … » (Éph. 2:2 ; 6:12). Quand « les
puissances du siècle à venir » seront pleinement manifestées, Satan sera
jeté dehors entièrement ; mais la scène que nous avons ici devant nous, et
d’autres, montrent qu’il était alors présent et actif,
comme il l’est encore. Le Seigneur dit : « Jusques
à quand serai-je avec vous, etc. ? » Non pas parce que Satan était
présent, mais parce que les disciples ne savaient pas user de la puissance
qu’Il avait apportée ici-bas ; c’est là ce qui mettait fin à la
dispensation. Il en sera de même de celle dans laquelle nous nous trouvons. La
puissance et la bonté de Dieu amenèrent Christ dans le monde ; mais
l’incapacité de l’homme à croire, pour user de cette puissance, mettra fin à la
dispensation actuelle. Ainsi nous lisons dans l’épître aux Romains, chap.
11:22 : « La bonté de Dieu envers toi, si tu persévères dans cette
bonté ; puisque autrement, toi aussi, tu seras coupé ». Mais tant que
la grâce n’a pas cessé, la porte est ouverte pour que nous trouvions notre
refuge auprès de Christ. Pendant son séjour ici-bas, dès que le père de
l’enfant eut recours à Lui, il chassa le démon. Aussi longtemps que la grâce de
Christ est à l’oeuvre, lors même qu’il ne resterait qu’un seul croyant sur la
terre et que tout le reste serait en ruine autour de lui, le fidèle trouvera la
puissance de Christ prête à s’exercer en sa faveur. Il est impossible que le
besoin d’une âme ne soit pas satisfait, car, comme Christ est là, à qui l’on
peut aller, on trouve du secours en Lui. Quelque sombre que soit la
dispensation, il y a toujours exactement de la part de Dieu pour le fidèle la
grâce nécessaire pour la position où il se trouve ; non pas que Dieu
veuille que nous fermions nos yeux aux ténèbres qui nous entourent, car si nous
ne prenons pas garde à l’état de ruine au milieu duquel nous sommes, notre
conscience est en mauvais état. Si je demande : « Pourquoi Christ ne
resterait-il pas ? » lorsqu’il dit : « Jusques à quand
serai-je avec vous ? », je suis insensible à l’état de choses qui
m’entoure mon âme n’est pas en état de répondre à ce que demande l’amour de
Christ pour l’Église ; mais d’autre part, si je ne sais pas regarder en
haut et compter sur la grâce de Christ pour satisfaire à tous les besoins qui
se rattachent à un pareil état de choses, quelque mauvais qu’il soit, je suis
sans force.
« Et tous furent étonnés
de la grandeur de Dieu. » Il est humiliant de voir combien ils étaient étonnés
. Ils ne témoignaient pas
d’étonnement quant à la puissance du mal, et ils auraient dû compter assez sur
la puissance de Christ pour être étonnés si cette grande puissance ne s’était
pas exercée. Christ les ramène à la croix : « Vous, gardez bien ces
paroles que vous avez entendues, car le Fils de l’homme va être livré entre les
mains des hommes ». Vous auriez dû être capables de recevoir cette
puissance, mais il faut maintenant que vous connaissiez, non seulement la puissance
de Christ, mais la croix
d’un Christ
rejeté. « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont
assujettis, mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux. »
Nous
avons plus à nous réjouir
d’avoir nos noms écrits dans les cieux, que si un miracle devait être opéré
demain : il y a plus de bénédiction à connaître la croix qu’à jouir de la
puissance qui chassait les démons. Christ eût voulu que les disciples
comprissent qu’il valait bien mieux le reconnaître comme rejeté
des hommes que recevoir de Lui la puissance dont ils venaient de voir les
effets. Chers amis, vous ne pensez pas à ce que Dieu
fait dans ce moment, si vous ne voyez qu’il ne s’agit pas
maintenant de puissance sur la terre, mais de réjection.
« Et il s’éleva au milieu d’eux une question, à savoir lequel d’entre eux serait le plus grand. » Quelle révélation dans ce fait et comme l’égoïsme pénètre tout ! Quand Jésus mange la dernière pâque avec eux et institue la cène avant de souffrir, les disciples font de même : ce détail nous est fourni par Luc, dont l’évangile met en évidence tant de choses relativement à ce qu’est l’homme.
Nous voyons donc, dans ce qui précède, qu’il nous faut descendre de la montagne, — non pour être sans Jésus, mais pour apprendre ce qu’est l’homme.
Il n’est pas nécessaire, comme disent quelques-uns, de descendre de la montagne, de peur de s’y enorgueillir, car, sur la montagne, nous ne nous enorgueillirons jamais. Comme Pierre, nous pouvons y être effrayés mais on ne s’enorgueillit pas en présence de Dieu. C’est quand nous sortons de cette présence que nous sommes en danger. Paul ne s’élevait pas outre mesure quand il se trouvait dans le troisième ciel ; mais après en être descendu, il eut besoin d’une écharde en la chair, afin qu’il ne s’élevât pas (2 Cor. 12).
Il y a en outre, pour nous,
une nécessité historique à passer par ce monde ; mais Jésus était tout
autant avec ses disciples quand ils descendirent de la montagne, que lorsqu’ils
y étaient ; c’est là notre consolation et notre encouragement. Ne pensons
pas un instant que nous ayons perdu Christ. Nous avons à le servir, à marcher
avec Lui, à apprendre de Lui, à discerner sa patiente grâce envers nous dans
toutes les circonstances et tout le long de notre chemin. Que le Seigneur, pendant
que nous traversons ce monde, nous donne de connaître quel Christ nous avons,
et de garder nos coeurs purs du monde qui nous entoure, en sorte que, soit que
nous ayons un avant-goût de la gloire ou que nous traversions la foule, il soit
notre tout, comme il est tout de la part de Dieu pour
nous.
Le Seigneur (v. 47 et suiv.)
enseigne maintenant à ses disciples la place qu’il leur convient de prendre sur
la terre. Ils ne sont pas appelés à Lui être associés comme Messie dans une
gloire terrestre ; la gloire du ciel, ils ne la posséderont qu’à la fin ;
en attendant, ils ont à prendre place avec Lui dans sa réjection. Ils étaient
ainsi mis à l’épreuve, car dans ce chemin ils avaient à abandonner des choses
très bonnes en elles-mêmes : ils devaient haïr père, mère, femme, etc., ne
tenant pas compte de toutes ces relations terrestres qui avaient des droits sur
eux comme Juifs : « Honore ton père et ta mère ». Toutes ces
relations, quelque bonnes qu’elles fussent, ne
pouvaient pas subsister à côté de la croix. Il fallait que tout fût sacrifié,
que tout ce qui liait l’homme avec la terre fût entièrement rompu pour la foi,
lorsque Christ était rejeté. Le caractère du monde a été pleinement manifesté
en ce qu’il a rejeté Christ ; ses oeuvres étaient mauvaises, et il a
rejeté la lumière. L’incarnation qui aurait dû être le point de départ de la
bénédiction de l’homme est rejetée ; Christ accomplit la rédemption par sa
réjection sur la terre, et il a une place dans le ciel. Ce fait change le
caractère de toutes choses ; il introduit le jugement de la chair, ce qui
n’aurait jamais eu lieu si Christ avait été couronné sur la terre. Mais il a
été « livré entre les mains des hommes… » Celui dont le nom même
apportait la puissance et l’autorité a dû être livré. Si Christ avait eu sur la
terre la place qui lui appartenait, le coeur de l’homme n’eût jamais été mis à
l’épreuve, et cela parce que, si les hommes avaient vu manifestées ici-bas
toute la dignité et la gloire qui Lui appartenaient, la grandeur de cette
gloire eût flatté leur chair. Mais la chair ne peut hériter du ciel ; et
quelle place a-t-elle à la croix ? La croix et le ciel sont
merveilleusement associés ; et pour la chair, il n’y a de place ni à l’une
ni dans l’autre. Il y avait une séparation complète entre l’homme et Dieu, et
les hommes ont crucifié Celui qui y aurait porté remède. Aucune pensée
charnelle ne pouvait s’accorder avec un pareil acte. Les disciples disputaient
entre eux lequel serait le plus grand, — non pas le
plus grand dans le monde, mais le plus grand dans la gloire. C’était le « moi »
après tout. Ils n’ont pas besoin d’en dire beaucoup ; mais leurs pensées
sont jugées. Dans la lumière,
tout est jugé. Jacob, dès que Dieu lui dit d’aller à Béthel, se tourne
immédiatement vers sa famille et vers tous ceux qui étaient avec lui,
disant : « Ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous »
(Gen. 35:1-3). Pourquoi ? Parce que tout est mis
à découvert dans la présence de Dieu. Jacob a pu recevoir la bénédiction avant
d’aller à Béthel ; mais quand il se trouve devant Dieu, les idoles sont
jugées. Délivré des idoles, il appelle Dieu « El-Béthel »,
le Dieu de Béthel. Les disciples raisonnaient entre eux lequel serait le plus
grand ; Christ, voyant leur pensée, « prit un petit enfant, et le
plaça auprès de lui, etc. ». Nous apprenons ainsi quelle est notre
place : nous devrions rechercher la dernière place, bien qu’elle ne puisse
jamais être notre part, parce que Christ l’a prise. Il s’abaissa sous le péché,. sous la colère, sous la mort, en
prenant la place la plus basse, parce qu’il était le Serviteur de tous. C’est
la place vraiment bénie pour nous ; mais comme elle juge le « moi » !
La croix juge non seulement les idoles, mais le « moi ».
C’est une grande bénédiction
d’en avoir fini avec le « moi ». Quand il n’y a place que pour Dieu,
nous pouvons être pleins de joie
et de bonheur. Nous ne sommes pas humbles en étant occupés de notre néant ou de
notre méchanceté, mais nous sommes humbles
quand nous ne pensons pas du tout à nous-mêmes. Lorsque nous apprenons
notre néant et notre iniquité, nous sommes humiliés ;
si
nous nous égarons loin du Seigneur, il nous faut être ramenés, et c’est
là une opération humiliante. Nous devons juger la chair en nous-mêmes.
La juger dans un autre n’est pas difficile ; ce
qui nous manque, c’est de la juger en nous.
Tout se dessine ; le
moment est venu : « Celui qui n’est pas contre vous est pour vous ».
Le Seigneur a parfaitement conscience de son entière réjection par l’homme ;
si parfaitement qu’il dit que celui qui n’était pas contre
eux était pour
eux. Christ était parfait ; c’est pourquoi il était une pierre de touche
parfaite pour les consciences des hommes ; et nous le serons aussi dans la
mesure où Lui
sera manifesté en nous.
Paul pouvait dire : Si notre évangile « est voilé, il est voilé en
ceux qui périssent… » (2 Cor. 4:3). Comment se fait-il que Paul
puisse parler ainsi ? Parce que l’Évangile se répandait par lui aussi pur
qu’il l’avait reçu. Jean dit : « Nous le lui avons défendu, parce
qu’il ne te suit pas avec nous ». C’est le résumé de tout : les
disciples pensaient à eux-mêmes, non à Christ. Ils étaient occupés de leur
propre importance, non de la gloire de Christ
.
S’ils avaient pensé à sa
grandeur,
ils se seraient réjouis de voir l’effet de son nom — car cet homme chassait les
démons en son nom ‑et comment son pouvoir était exercé par l’homme. Mais
non ; ils sont occupés d’eux autant que du Messie. Même Jean
faisait servir ainsi le nom de
Christ à rehausser sa propre importance. N’y a-t-il pas chez nous quelque chose
de semblable, une satisfaction dans ce qui élève le moi
aussi bien que Christ, au lieu que nous cherchions la gloire de
Christ seul ?
Le Seigneur répond
à Jean comme étant déjà absolument rejeté, anticipant ainsi l’heure qui
approchait : « Celui qui n’est pas contre vous est pour vous ».
L’égoïsme même de Jean met en évidence la grâce de Christ : Si vous
trouvez quelqu’un qui sache user de la puissance de mon nom, réjouissez
-vous-en !
« Il ne se peut qu’un prophète périsse hors de Jérusalem » (Luc 13:33). Je vais recevoir une part dans le ciel, et vous aurez la même part ; mais, pour l’obtenir, il faut passer par la réjection ici-bas. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive. »
« Or il arriva, comme
les jours de son assomption s’accomplissaient, qu’il dressa sa face résolument
pour aller à Jérusalem. » « J’ai dressé ma face comme un caillou »,
dit Ésaïe (chap. 50:7). Jésus accomplissait ici la
volonté de son Père, comme dans toute sa carrière. La rédemption dut être
accomplie par la croix
. Il a « appris
l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Héb.
5:8). Cette obéissance est la même qu’au commencement lorsqu’il venait au milieu
d’Israël, disant : « Bienheureux, vous pauvres, etc. » ;
elle est plus douloureuse
, et sans
doute Christ sentait la différence ; néanmoins il poursuit son chemin dans
le même esprit et avec la même ferme résolution. « N’y a-t-il pas douze
heures au jour ? Si quelqu’un marche de jour, il ne bronche pas… »
(Jean 11:9). Il avait trouvé « sa viande » à faire la volonté de
Celui qui l’avait envoyé (Jean 4:34), et Il y avait de la joie ; mais dans
la coupe de la colère qu’il allait boire maintenant, il n’avait point de joie.
Il avait rencontré tantôt le mépris, tantôt il avait été frappé ; il avait
été rejeté du commencement à la fin ; mais il n’avait rien rencontré qui
fût pareil à cette coupe ; c’est pourquoi il s’écria : « S’il
est possible, que cette coupe passe loin de moi ». Christ démontrait là sa
perfection, car il sentait ce que c’était que d’être « fait péché ».
Sa nature sainte reculait devant cette coupe ; toutefois il persévéra dans
la même obéissance paisible, ferme et patiente, car « il dressa sa face
résolument pour aller à Jérusalem ». Il connaît la volonté de son Père et
la fait ; il tourne sa face vers le lieu où la volonté de son Père devait
s’accomplir, ne regardant ni d’un côté ni de l’autre, mais là, vers Jérusalem.
Nous aussi, selon la mesure
dans laquelle notre oeil sera simple, nous suivrons le même sentier, marchant
résolument vers la croix avec un seul but ; et dans la même proportion
nous rencontrerons l’opposition de ceux qui ne dressent pas ainsi leur face.
Mais le Seigneur dit : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive »
(Jean 12:26). Paul s’appliquait à servir chaque jour, mais nous trouvons que le
Saint Esprit lui avait défendu d’aller en Bithynie ou en Troade ; et
cependant, nous lisons que deux ans après, « tous ceux qui demeuraient en
Asie ouïrent la parole du Seigneur » (Actes 19:10). Il fallait que
l’oeuvre de Dieu fût accomplie, mais au temps de Dieu
et selon son co mandement. Son
serviteur n’avait qu’à suivre dans l’obéissance le chemin qu’il lui
traçait : il en avait été de même de Moïse. On aurait pu dire :
Pourquoi ne pas rester à la cour du Pharaon au lieu de l’abandonner, afin que
ceux qui y étaient fussent convertis ? La chair ne peut comprendre ce à
quoi la foi conduit. Ensuite, il sort plein de zèle, mais l’énergie naturelle
intervenant, il n’y a pas de délivrance ;
il faut que Moïse aille comme berger quarante ans au désert pour être brisé et
réduit à néant. Quelle était la part d’Israël pendant tout ce temps ? Sa
part était d’attendre
. Quand Moïse
revient pour les servir, la chair reparaît encore ici d’une autre manière. « Ah,
Seigneur ! je ne suis pas un homme éloquent, — ni
d’hier, ni d’avant-hier… » (Ex. 4:10). Alors Dieu envoie Aaron avec lui,
et l’oeuvre est faite dans la puissance de Dieu.
« Et il envoya devant sa
face des messagers. Et s’en étant allés, ils entrèrent dans un village de
Samaritains … ; et ils ne le reçurent point, parce que sa face était
tournée vers Jérusalem ». Son obéissance même, la simplicité de son oeil,
qui le conduisent à faire la volonté de Dieu, sans rien qui la rende attrayante
ou qui lui procure de l’honneur et de la réputation, sont la raison pour
laquelle les Samaritains ne veulent pas avoir à faire avec Jésus. Remarquez
l’opposition religieuse des disciples qui s’élèvent contre les Samaritains.
Ceux-ci ne voulaient pas se soumettre aux voies de Dieu. Christ s’y soumet
: c’est là la différence entre eux et Lui ;
et les disciples demandaient que le feu descendît du ciel, comme avait fait
Élie, et au lieu même où Élie fit le miracle. Dans leurs raisonnements charnels
ils pensent que Christ est aussi digne qu’Élie de faire descendre le feu du
ciel. C’est un autre genre du « moi » plus subtil que l’autre,
revêtant l’apparence du zèle pour Christ ; mais les disciples ne comprenaient
pas le zèle de Christ ; il n’était pas venu pour juger, ni pour détruire
la vie des hommes, mais pour souffrir lui-même
pour eux
. S’ils avaient compris les pensées de Dieu, ils se fussent soumis
paisiblement. Pierre non plus ne comprenait pas la pensée du Seigneur quand il
tira son épée et qu’il en frappa le serviteur du souverain sacrificateur. Tous
les miracles d’Élie sont caractérisés par l’esprit de jugement, à l’opposé du
service d’Élisée, qui avait reçu sa mission du ciel. Le témoignage d’Élie était
un témoignage de jugement et de justice semblable à celui de Jean-Baptiste qui
vint dans l’esprit et la puissance d’Élie, disant : Tout arbre qui ne
produit pas de bon fruit est coupé et jeté au feu, et déjà même la cognée est
mise à la racine des arbres. Élisée
,
au contraire, avait la puissance qui communique la vie ; il était un type
de la grâce. Élie passa à travers
le
Jourdain (type de la mort) ; tandis qu’Élisée vient de l’autre côté du
Jourdain, en résurrection.
« Et ils s’en allèrent à
un autre village. » Ce n’est pas une chose agréable que d’être foulé aux
pieds ; Christ le fut. Notre part est de faire le bien, de souffrir en le
faisant, et de l’endurer patiemment. Est-ce là tout ? Oui, et cela est
agréable et digne de louange devant Dieu. Christ vint pour souffrir, pour
endurer toutes choses pour l’amour de Dieu et des siens ; et il n’aurait
pas fait cela s’il avait fait descendre le feu du ciel sur les Samaritains. Nous
sommes appelés à suivre Christ en
portant le témoignage de l’amour de Dieu dans toute notre marche au travers de
ce monde. Le monde en a besoin. Nous ne devons rien rechercher pour nous-mêmes,
mais avoir Christ pour objet.
Dans la dernière partie du chapitre, le Seigneur continue à montrer comment les liens avec le monde doivent être rompus.
« Un certain homme lui dit : Seigneur, je te suivrai où que tu ailles. » Christ met cet homme à l’épreuve : Tu ne peux pas me suivre si tu n’as pas fait ton compte d’être associé à Celui qui n’a pas où reposer sa tête ; mieux vaudrait aller aux oiseaux de l’air pour trouver un nid, ou aux renards pour trouver une tanière, qu’au Fils de l’homme pour avoir un chez-soi dans ce monde. Il ne fallait pas venir à Lui maintenant comme à Celui qui avait les promesses, mais comme à Celui dont le sort était d’être entièrement et absolument rejeté. Le suivre ne pouvait s’allier avec les aises et le confort icibas : il devait être livré entre les mains des hommes. Il en est de même à sa naissance : l’hôtellerie était pleine, mais pour Lui il n’y avait point de place ; et si quelqu’un avait besoin de Lui et le recherchait, Lui, que célèbrent les anges, il lui fallait aller à la crèche.
« Et il dit à un
autre : Suis-moi. » L’homme dont il est question plus haut avait
besoin de quelque chose en outre de Christ ; ici, quand Jésus dit : « Suis-moi »,
une difficulté s’élève immédiatement. C’est lorsque le Seigneur appelle
quelqu’un que les difficultés se
font sentir. Celui qui disait, sans l’appel de Christ : « Seigneur,
je te suivrai où que tu ailles », n’avait pas le sentiment de ces
difficultés ; mais celui qui était appelé dit : « Permets-moi
d’aller premièrement ensevelir mon père ». Il veut le suivre, mais un lien
qu’il sent le retient. Jésus dit : « Laisse les morts ensevelir leurs
morts » ; laisse-les, il faut que tu les abandonnes pour me suivre.
Vous pouvez penser que les choses de la terre n’ont pas de puissance sur vous ;
mais essayez ce que c’est que de les avoir, et vous apprendrez l’étendue de
leur pouvoir. Un homme retenu par une corde s’en va aussi loin que va la corde,
mais arrivé au bout il est arrêté. Un père avait les premiers droits selon la
nature, particulièrement pour un Juif, mais Christ dit : Je t’appelle
dehors dans la puissance de la vie ;
je fais valoir mes droits sur la vie que je t’ai donnée ; ils rompent
toute chaîne ici-bas. Il s’agit d’une vie au milieu de la mort. Ce mot « premièrement
»,
dans la réponse de celui qui est appelé, manifeste quelque chose
qui va avant Christ : Il y a quelque chose que moi
je place avant ton
appel.
La mort était entrée, et le motif même que l’homme mettait en avant disait à
Christ que les hommes étaient tous sous la mort. Il était parfaitement bon et
juste que l’homme ensevelît son père ; mais quand la vie est venue et
qu’il s’agit de rédemption, d’être perdu ou sauvé, il faut se rendre à ce fait.
À la lumière divine de la croix, Christ voyait tous les hommes morts ;
c’est pourquoi il dit : « Laisse les morts ensevelir leurs morts ».
L’unique et seule chose à faire maintenant, c’est de suivre Christ : il
s’agit de mort dans le monde ou de vie en Christ. Où se trouvent nos affections ?
Un autre aussi lui dit :
« Je te suivrai, Seigneur ; mais permets-moi de prendre premièrement
congé de ceux qui sont dans ma maison ». Dans le cas précédent, l’homme
avait dit : Lorsque mes premières affections seront satisfaites, je
viendrai et te suivrai. Il n’y a rien de bon là ; et le Seigneur
répond : « Laisse les morts ensevelir leurs morts ». Mais ici
l’homme n’avait pas rompu de coeur avec ceux qu’il avait laissés dans sa maison ;
il sentait qu’il fallait les quitter et cependant son coeur restait en arrière.
Jésus lui dit : « Nul qui a mis la main à la charrue et qui regarde
en arrière n’est propre pour le royaume de Dieu ». « Souvenez-vous de
la femme de Lot ». L’homme « incertain dans ses pensées » est « inconstant
dans toutes ses voies ». Si Christ n’est pas le premier
et le dernier, il
sera
toujours le dernier,
car, dans ce
cas, la foi n’est pas en activité. La question est si nous marchons comme des
gens qui comprennent ce que la croix nous dit. La croix soulève le voile et
montre le squelette de ce monde ; et quand je vois cette sentence écrite
sur tout ce qui est dans le monde, sur le « moi » aussi bien que sur
les choses extérieures et sur mes liens d’affection avec elles, j’apprends
qu’il faut renoncer à tout, mais Christ lui-même
et l’amour qui est en Lui sont là pour faire face à la difficulté. La croix
juge et doit juger le « moi » ; elle manifeste aussi la volonté,
car il y a beaucoup de volonté dans cette crainte de la croix. On parle des
droits des affections, mais ce ne sont pas en réalité seulement les affections
de famille ; c’est la volonté qui lie au « moi » qui se fait
sentir. Les affections naturelles sont très bonnes ; l’absence de ces
affections sera même un signe des derniers jours fâcheux (2 Tim. 3:3) ; mais si vous avez le pouvoir de vous juger
vous-mêmes, vous découvrirez que le secret de plus d’une de vos excuses est, en
fin de compte, dans votre volonté : ainsi pour l’affliction, les
séparations, etc. Ce n’est pas l’affection qui est touchée, mais la volonté. Il
y a de la douceur dans la douleur aussi longtemps que nous y réalisons Christ,
et l’affection seule souffre. Mais si la volonté est en question, il y a
rébellion, résistance, lutte, et il faut que le Seigneur juge tout cela, car
tout ce qui est la chair et le moi ne peut jamais
suivre Christ. Quels merveilleux détails dans ce que nous lisons ici !
Dieu passe dans nos coeurs et en considère les coins et les recoins. Pourquoi ?
À cause de l’invariable et constante fermeté de son amour. Comme un père aime
son enfant quand il n’est pas sage comme lorsqu’il se conduit bien, notre Dieu
prend de la peine avec nous tous, alors même que nous sommes si méchants.
L’effet de tout cela n’est pas seulement de nous rendre pratiquement justes, mais heureux, « imitateurs de Dieu comme de bien-aimés enfants » (Éph. 5:1). Il faut que nous sachions, d’une part, nous juger, découvrir ce qui est en nous, d’autre part, voir la plénitude de la grâce divine en Christ.
Que le Seigneur nous donne de
sentir toujours plus que l’amitié du monde est inimitié contre Dieu (Jacq. 4:4), et que l’énergie de la chair ne peut pas faire
l’oeuvre de Dieu, en sorte que nous apprenions à travailler comme de la part
de Dieu, pour Dieu,
et avec
Lui !
Le sujet qui nous a occupé
dans le chapitre précédent se retrouve ici, lié au changement qui a eu lieu
dans la position du Seigneur lui-même au milieu d’Israël et des hommes. Il ne
fallait plus désormais regarder au Messie sur la terre, mais au Christ céleste.
L’importance extraordinaire attachée à ce moment met en évidence un autre
trait : le dernier témoignage étant adressé à Israël, ceux qui l’avaient
entendu et rejeté seraient dans une condition plus terrible au jour du jugement
que Tyr et que Sidon. Ces villes-là se seraient repenties si elles avaient eu
la vérité que vous
avez ; mais
vous ne vous êtes pas repentis ! La bénédiction maintenant était la
présence du Seigneur ici-bas ; Lui était si glorieux et excellent, que
l’entendre était la source première de la bénédiction. Tout dépendait pour
chacun d’une seule chose : le recevoir ou le rejeter, Lui
. La mission des soixante-dix avait sa source dans la même
patiente grâce qui avait envoyé précédemment les douze : s’ils n’étaient
pas reçus, ils devaient secouer la poussière de leurs pieds… Dieu ne s’arrête
jamais, quelle que soit l’iniquité de l’homme, avant d’avoir achevé son oeuvre.
Sa grâce ne faillit jamais. Christ regarde à la puissance de la grâce en Dieu
plus qu’à l’iniquité des hommes ; et il poursuit patiemment sa course,
disant : « La moisson est grande », quoiqu’il sût bien tout ce
qui l’environnait. Il n’avait pas besoin comme Élie qu’on lui rappelât les 7000
connus de Dieu, qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal. Il était entré
par la porte, et avait passé à travers tout avec Dieu. Rien ne l’arrête, ni ne
l’empêche de rechercher ses brebis dispersées sur les obscures montagnes. Il
met sa vie pour les sauver ; aucune d’elles ne sera perdue.
Pour les rassembler, il poursuivait sa route dans la puissance de la grâce. Paul était rempli de cet esprit quand il disait : « J’endure tout pour l’amour des élus » (2 Tim. 2:10).
Christ ne souffrit-il pas dans ce chemin ? Voyez-le, fatigué de la route, assis sur la fontaine, ayant une pauvre pécheresse devant lui, à laquelle il donne l’eau de la vie (Jean 4). Il y trouve de la viande à manger que ses disciples ne connaissaient pas ; et il dit : Les champs sont blancs « pour la moisson ». Il y avait en Lui autant de fraîcheur, il était aussi heureux dans son témoignage, assis sur la fontaine, conversant avec cette pauvre femme, que si tout Jérusalem l’avait reçu, car la fontaine était au-dedans de Lui, « une fontaine d’eau jaillissante » ; et il en est de même pour nous. Si nous marchons avec Lui, nous serons affligés de toutes manières, mais non pas réduits à l’étroit ; nous serons dans la perplexité, mais non pas sans ressource ; nous serons persécutés, mais non pas abandonnés ; abattus, mais ne périssant pas (2 Cor. 4:8, 9). Le témoignage est dans des vases de terre, il est vrai ; mais la source est dans ces vases ; — les disciples devaient être parfaitement dépendants de Dieu et indépendants de tout le reste. Ils devaient s’attendre à rencontrer des ennemis : « Allez ; voici, moi je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ». Vous ne pouvez pas faire d’un agneau un loup qui se défend lui-même. Pierre prit son épée pour en frapper l’esclave du souverain sacrificateur ; mais le Seigneur l’arrêta, disant : « Tous ceux qui auront pris l’épée périront par l’épée » (Matt. 26:52). C’est une chose difficile de tout souffrir sans rien faire, d’être des agneaux au milieu des loups, des Shadrac, Méshac et Abed-Négo menacés de la fournaise, disant : « Nebucadnetsar, il n’est pas nécessaire que nous te répondions sur ce sujet… Notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent » (Dan. 3).
« Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales ; et ne saluez personne en chemin » — non pas par manque de politesse, mais pour ne pas perdre votre temps en cérémonies inutiles, etc.
Quand on est au service de
Dieu et au milieu des ennemis de Dieu, il faut que Dieu soit tout
. Il faut que notre coeur soit
concentré sur Lui, sachant que le monde a rejeté notre Maître et nous rejettera
si nous Lui sommes fidèles. La foi sait cela, et va en avant, non pas avec une
prudence charnelle et avec une sagesse mondaine, mais sachant que faire et
persévérant à le faire. La foi apporte toujours la paix
avec elle (v. 5) ; mais
elle produit l’inimitié, — deux contre trois, et trois contre deux, — parce que
quelques-uns veulent recevoir cette paix et que d’autres n’en veulent
pas : cependant la chose qui est apportée est toujours la paix
.
« Le royaume de Dieu s’est approché de vous » (v. 9). Il ne s’agit pas seulement de déclarer que telle ou telle chose est la volonté de Dieu, mais d’annoncer que, quoi que vous fassiez — que vous le receviez ou le rejetiez — « le royaume de Dieu s’est approché de vous ». Le monde actuel est caractérisé par le fait qu’il a rejeté le royaume. Le Fils de Dieu, le Roi, venu dans le monde l’a mis à l’épreuve ; et le monde a dit : Je ne veux pas de Lui. Ce fait n’a pas perdu maintenant sa solennité, car nous traversons le monde qui a rejeté Christ ; nous lui apportons un message de paix — d’une paix faite, car le sacrifice a été offert (voyez Éph. 2:11-17 ; 2 Cor. 5:19-21). Il est tout aussi vrai qu’aujourd’hui le témoignage a été rejeté : « Mais sachez ceci, que le royaume de Dieu s’est approché » (v. 11). La foi amène tout dans sa propre sphère, n’ayant besoin que de la parole de Dieu. La vue des yeux tend toujours à obscurcir le jugement de la foi ; et si la foi n’est pas nourrie de la Parole, elle baisse et s’évanouit, car elle ne peut être nourrie par la vue des choses qui nous entourent. Quand le Seigneur disait aux Juifs : Votre maison vous est laissée abandonnée, les Juifs ne pouvaient, dans ce moment-là, en voir tomber les pierres ; mais ils étaient appelés à croire cette parole de Christ qu’ils entendaient. Le raisonnement naturel est nourri par ce que nous voyons ; mais la foi est nourrie par ce que Dieu a révélé à l’âme.
« Toi, Capernaüm… tu seras abaissée jusque dans le hadès » (v. 15), aux yeux de Dieu,
non pas aux yeux de l’homme. Aux yeux de l’homme, Capernaüm peut être élevée jusqu’au ciel ; et ainsi de
ce monde ! Qu’est-ce que cela prouve ? Que le monde durera aussi
longtemps que Dieu le permettra, mais que sa parole s’accomplira : « La
terre et les oeuvres qui sont en elle seront brûlées entièrement »
(2 Pierre 3:10). Il n’y a rien de stable ici-bas. Quand Dieu entrera sur
la scène, où seront toutes ces choses ? — quoiqu’il y ait des moqueurs qui
disent : « Où est la promesse de sa venue ? »
(2 Pierre 3:3, 4).
« Celui qui vous écoute, m’écoute. » C’est ici qu’est la ressource de la foi. En écoutant la parole du disciple, j’entends Christ lui-même. C’est la foi. Je sais que ce que j’entends doit être vrai, parce que Christ l’a dit. Tout peut aller de travers, le monde, les Juifs, l’Église, mais la parole de Dieu, jamais ; elle a été donnée. Elle ne change pas ; car elle a été donnée par l’inspiration de Dieu, et elle est « utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire… » (2 Tim. 3:16, 17). L’Église, comme fondement de notre confiance en fait de témoignage, a failli (quoique nous sachions qu’elle est fondée sur le roc, et que, quant à sa sûreté, elle ne peut jamais être détruite), mais la parole de Dieu ne faillira pas. Tout ce que nous voyons tend à affaiblir et à altérer la foi et met à l’épreuve ce que sont les affections de l’âme, parce que le chemin de la foi ne sera pas ce que j’aime, mais ce que Dieu dit.
« Mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux. » Cette parole montre que tout est changé désormais. Les démons peuvent vous être assujettis, mais le Seigneur dit : Ce n’est pas là la portion dont vous devez vous réjouir ; je manifeste ma puissance d’une autre manière maintenant.
Cette parole : « Je voyais Satan tombant du ciel comme un éclair », fait allusion au temps où Satan, « l’accusateur des frères » (Apoc. 12:10), sera précipité sur la terre. Maintenant il est dans le ciel, non pas en la présence de Dieu, dans la lumière inaccessible, mais devant le trône du jugement, ce qui est fort différent. La parole de l’Éternel : « As-tu considéré mon serviteur Job ? » démontre que lorsque d’autres se présentaient devant le trône, Satan aussi s’en approchait. Les versets 19 et 20 sont en contraste l’un avec l’autre : l’un parle de ce qu’on peut voir ; l’autre, de ce qui peut être connu seulement de la foi. Les pensées invisibles de votre coeur sont infiniment plus importantes que ce qui peut être vu : ce qui est invisible est toujours plus important que ce qui se voit.
L’état de ce monde n’est pas seulement caractérisé par le fait que l’homme est pécheur, mais par cet autre fait que la puissance du mal y est entrée, Satan s’est emparé de ce monde par le péché de l’homme. Quand l’Église sera enlevée dans le ciel, Satan sera précipité : « Et il y eut un combat dans le ciel, etc. » (Apoc. 12:7) ; mais quand Satan sera sur la terre, pendant trois ans et demi, il poussera l’homme de la terre contre le Seigneur du ciel ; puis le Seigneur viendra, et le pouvoir de Satan sera ôté ; seulement Satan ne sera pas jeté dans « l’étang de feu » avant la fin des mille ans, mais il sera jeté dans « l’abîme » (Apoc. 12 ; 20:1-3, 7-10). C’est là que les démons demandaient au Seigneur de ne point les envoyer, quand ils furent chassés de l’homme qui avait nom « Légion » (Luc 8:31). Nous retrouvons dans les deux passages la même expression « l’abîme ». Le Seigneur ne les y envoya pas, parce que le temps n’était pas encore venu.
C’était une grande chose que cette capacité de chasser les démons. La communication du pouvoir par le Seigneur était plus grande que l’accomplissement des miracles eux-mêmes ; elle exigeait la puissance divine qui seule pouvait communiquer ce pouvoir à d’autres. Dans le millénium la puissance du bien et celle du mal ne coexisteront point ; la puissance du mal sera ôtée : « Le trône d’iniquité… serat-il uni à toi ? » (Ps. 94:20). La fosse sera préparée pour le méchant. Il faudra que Satan soit jeté dehors ; quand Christ était sur la terre, il se présentait lui-même, dans la puissance de Dieu, pour lier l’homme fort et piller ses biens. C’était une chose merveilleuse de rencontrer un homme sous la puissance de Satan, et de jeter Satan dehors ; une anticipation des « miracles du siècle à venir ». Le « siècle à venir » ne se rapporte nullement au ciel, mais au temps du renouvellement de cette terre. Jésus déployait alors la même puissance qu’il exercera pleinement dans le royaume qui vient.
« Voici, je vous donne
l’autorité de marcher sur les serpents et sur les scorpions, et sur toute la
puissance de l’ennemi. » Le Seigneur disait ces choses au moment où il
était rejeté. Il savait ce qui se passait ; et quoiqu’il dît : « paix ! »
on ne lui disait pas « paix », à Lui. « Je vous donne
l’autorité… sur toute la puissance de l’ennemi ; — toutefois ne vous
réjouissez pas de ce que les esprits vous sont assujettis, mais réjouissez-vous
parce que vos noms sont écrits dans les cieux » ; c’est la place de
l’Église. Lorsque Christ vint et fut manifesté sur la terre, c’était une
immense bénédiction ; mais c’en est une plus grande encore d’être ses
compagnons dans le ciel, et nous le serons quand il viendra nous prendre auprès
de Lui ; — oui, quelle bénédiction d’être avec Lui, et comme Lui, dans la
maison du Père ! Nous n’avons rien à faire avec la terre ; nos noms
ne sont pas écrits ici-bas, quoique nous y soyons des rois ; mais notre
lot n’est pas sur la terre : Dieu « nous a bénis de toute bénédiction
spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Éph.
1:3). Nous posséderons l’héritage avec Lui ; mais l’héritage est
au-dessous de nous ; notre espérance est d’être avec Lui au-dessus de
l’héritage. La possession de celui-ci est la conséquence de la place que nous
avons avec Lui (Éph. 1). Nous sommes enfants du Père,
pour être « saints et irréprochables devant Lui en amour ».
Maintenant, nous avons notre portion selon les richesses de sa grâce, comme de
pauvres pécheurs qu’il a sauvés, et nous serons « à la gloire de sa grâce »
quand nous serons manifestés dans la position que cette grâce nous a faite.
L’héritage vient après. « Mais réjouissez-vous parce que vos noms sont
écrits dans les cieux. » Le Seigneur ne veut pas que les âmes des siens
soient remplies des choses d’ici-bas, mais qu’ils pensent à ce qu’ils ont en
Lui et avec Lui. Deux grands sujets nous sont présentés dans les voies de Dieu,
savoir le gouvernement de ce monde, ce qui est encore prophétique et lié au
royaume, puis l’Église en haut dans le ciel. Quand il est question de
l’héritage, il est toujours présenté comme une chose future ; mais quand
il s’agit de la place qui nous a été faite en Christ, elle est toujours
présentée comme étant dans le ciel. Le Seigneur prévoyait que l’établissement
présent du royaume faillirait, et il apportait ce qui est meilleur que quelque
royaume que ce soit : et il s’en réjouissait, car quand il donne de la
joie à d’autres, il ne peut pas l’avoir aussi Lui-même. Quand le brigand sur la
croix lui demande de se souvenir de lui dans son royaume, il lui dit : « Aujourd’hui
tu seras avec moi
dans le paradis ».
Il satisfaisait le brigand et il se satisfaisait aussi lui-même. il voulait pour ses disciples aussi, qu’ils ne se
réjouissent pas dans les bonnes choses d’ici-bas : elles ne sont pas assez
bonnes. Ne vous laissez pas troubler par les mauvaises choses, mais ne vous
réjouissez pas dans ce que le monde a de meilleur. « En cette même heure,
Jésus se réjouit en esprit et dit : Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel
et de la terre,… car c’est ce que tu as trouvé bon. » Jésus sentait
profondément quelles étaient les circonstances au milieu desquelles il se
trouvait, mais son âme puisait à la source, et il voulait dire qu’il était
parfaitement juste que ces orgueilleux vissent qu’ils n’étaient rien, et que
ces pauvres agneaux méprisés obtinssent la gloire. « Oui, Père, car c’est
ce que tu as trouvé bon. » Il faut qu’il supporte le mal, parce que le
temps pour le juger n’est pas encore venu. Le mal suit toujours son cours, et
les hommes disent : Où est le Dieu de la terre ? Il faut que nous
supportions cela ; le Seigneur l’a supporté. Il faut que nous apprenions à
renoncer à l’espoir de voir l’état des choses s’améliorer ici-bas. L’âme qui
entre dans les pensées et les desseins de Dieu s’incline devant sa
volonté : « Oui, Père ! … »
Maintenant Jésus se retire,
si l’on peut dire ainsi, dans la gloire de sa personne. Le Fils
est là pour révéler le Père
.
Le monde le rejette, et Lui se soumet à voir le royaume rejeté, et met en
évidence, à sa place, la bénédiction céleste ; il parle maintenant de
lui-même comme du Fils, et se réjouit en cela. Le résultat actuel de sa venue,
c’est le Fils révélant le Père, cela vaut mieux que le royaume. Le témoignage
brille plus glorieusement, quant à ce qui occupe Dieu, si je reçois toutes
choses avec patience et que je me soumette, au lieu d’être un loup parmi les
loups. Il est extrêmement difficile de se soumettre et de dire : Je ne
veux rien être qu’un agneau. Mais c’est là notre place, car le Seigneur
dit : Ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère. À moi la
vengeance ; moi, je rendrai… (Rom. 12:19) ; et « Ne donnez pas
occasion au diable » (Éph. 4:27). Si vous ne
laissez pas agir la colère, vous donnerez occasion au diable. Perdrons-nous
quelque chose en demeurant tranquilles et en prenant toutes choses patiemment ?
Non, car il dit : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur
la terre » (Matt. 28:18). Il faut que nous nous soumettions à l’état de
choses extérieur et que nous soyons satisfaits de ce qui est écrit ;
sinon, nous ne ferons que nous fatiguer et nous travailler sans résultat.
Puissions-nous nous réjouir et être satisfaits d’avoir nos noms « écrits
dans les cieux » !
« Et se tournant vers
les disciples, il leur dit en particulier… » On ne pouvait jouir de ces
choses que par la foi
et le Seigneur
voulait que ses disciples fussent heureux, dans la conscience d’une bénédiction
présente.
Maintenant que le Seigneur a
montré le changement dispensationnel qui s’opérait,
il s’occupe aussi du changement moral. Un docteur de la loi vient et demande
comment il peut acquérir la vie éternelle. Jésus le place devant la loi et lui
dit : « Fais cela, et tu vivras ». Mais le docteur est aussitôt
arrêté par la simplicité de ces paroles : « Tu aimeras… ton prochain
comme toi-même ». Il n’aime pas son prochain comme lui-même ! Il
demande : « Et qui est mon prochain ? » — « Fais cela,
et tu vivras ! » Mais qui aime son prochain comme lui-même ? Le
bon Samaritain ne demande pas qui est son prochain, mais il agit en grâce,
sans demander quel titre le
prochain a à son amour. Christ
a le
droit de faire du bien à celui qui est dans la misère et le besoin. La grâce
consiste à donner, sans que celui à qui l’on donne y ait aucun titre.
Cette grâce et cet amour
pensent à tout. Le Samaritain, ému de compassion, s’approcha de l’homme ;
il n’envoya pas quelqu’un d’autre, mais il vint lui-même, banda les plaies du
blessé, y versa de l’huile et du vin, et l’ayant placé sur sa propre bête,
le mena dans l’hôtellerie et eut soin de lui. Il le
confie à l’hôte et dit : « Prends soin de lui ; et ce que tu
dépenseras de plus, moi, à mon retour, je te le rendrai ». Quelle beauté
dans tous les détails de l’activité de cet amour qui, découlant du dedans, agit
selon ce qui y opère, et non selon des titres qui donneraient droit à cet amour !
Dans la dernière partie du
chapitre 10 (v. 38-42), nous voyons que la grande, la seule chose nécessaire,
était d’écouter la parole de Jésus. C’est pourquoi le Seigneur approuve Marie
plus que Marthe qui, en un certain sens, faisait une très bonne oeuvre. Marthe
recevait Jésus dans sa maison et le servait. Mais il y a quelque chose de
meilleur que cela : « Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera
pas ôtée ». Jésus voulait que ses paroles entrassent dans le coeur et y
eussent de la puissance. La seule chose qui demeure à jamais, c’est la « parole
du Seigneur » (1 Pierre 1:25). La sagesse de ce monde, le raisonnement de
l’homme vont contre elle ; mais elle est la seule chose qui soit digne
qu’on y prête une sérieuse et diligente attention ; si les chrétiens se
mettent à raisonner sur les choses au lieu d’en appeler à la Parole, ils sont
sûrs de déchoir. Ce dont nous avons besoin, c’est que la Parole demeure dans
nos coeurs, c’est d’être assis aux pieds de Christ, pour la comprendre, la
garder soigneusement. Écouter Jésus est la « seule chose » nécessaire ;
aucun service, même s’il était rendu à sa personne dans la chair, même venant
de quelqu’un qui l’aimerait et serait aimé de Lui, ne peut remplacer cela. Les « nombreuses
choses » qui occupaient Marthe aboutissent au désappointement et à la
mort, au lieu de conduire à la vie éternelle, comme font les paroles de Jésus,
sortant d’un coeur brisé pour que le fleuve de la vie en découlât librement.
Jésus prenait plaisir à trouver une oreille attentive à sa parole. Il apportait
la vérité
aux âmes : « La
grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ ». « De sa propre
volonté, il nous a engendrés par la parole de la vérité. » « Vous,
vous êtes déjà nets, à cause de la parole que je vous ai dite » (Jean 1:17 ;
Jacq. 1:18 ; Jean 15:3). La vérité met tout en
ordre ; elle donne à Dieu et à l’homme leur vraie place, autrement elle ne
serait pas la vérité. Le péché, la justice, l’amour ne furent jamais pleinement
manifestés par la loi, mais « la grâce et la vérité vinrent par Jésus
Christ ». Par Lui, tout était placé moralement dans la lumière parfaite,
mais les hommes n’ont pas vu la lumière, parce qu’ils ne l’ont pas connu, Lui.
La Parole
est maintenant l’instrument
par lequel la vérité est révélée. La loi était parfaite, parce qu lelle était de Dieu ; mais la loi ne disait pas ce que
l’homme était,
bien moins ce que Dieu était ;
elle disait ce que
l’homme aurait dû être.
Christ, la
lumière (Jean 12:35, 46 ; 1:9), vient et dit : Vous êtes tous morts ;
mais je puis vous donner la vie. Sa venue dans le monde manifesta chaque chose
exactement telle qu’elle était. Il vint, la Parole vivante, et révéla Dieu à
ceux qui pouvaient voir, — Dieu, non pas d’abord en rédemption, mais en témoignage.
Que valait pour Lui tout le souci que Marthe se donnait pour le servir, en
comparaison d’une âme qui écoutait sa parole 1 Il en est de même du chrétien
maintenant. Quand la parole de Dieu vient seule, sans rien d’autre, elle a le
droit d’avoir de la puissance sur l’âme. Elle fait son chemin par sa propre
autorité et par l’attrait de sa grâce pour le coeur ; et quand elle est
reçue, elle donne la vie en Christ. Il n’y a point de puissance dans un miracle
pour vivifier une ame, mais il y a une puissance
vivante dans la Parole. C’est par la Parole qu’une âme peut entrer dans le ciel ;
il n’y a pas d’autre voie. Nous sommes engendrés par la Parole. Sans la Parole,
cette oeuvre ne se fera jamais.
Trois choses sont constamment mises en avant, en rapport avec la puissance de la Parole : d’abord, les paroles qui ont été dites viendront témoigner contre ceux qui, les ayant entendues, ne les auront pas reçues (Jean 12:47 et suiv.) ; ensuite, malgré les temps fâcheux (2 Tim. 3), la Parole peut rendre sage à salut par la foi en Jésus Christ ; enfin, quand une âme est vivifiée par la Parole, l’effet moral de celle-ci est de la rendre dépendante et obéissante, de la sanctifier… « pour l’obéissance » (1 Pierre 1:2), car tel est le caractère du nouvel homme, tandis que celui du vieil homme est toujours l’indépendance.
Au commencement de ce
chapitre, nous voyons encore une fois le Seigneur priant
: la prière est l’expression de la dépendance vis-à-vis
de Dieu. Alors les disciples lui demandent de leur enseigner à prier. Ils
n’avaient pas appris à se confier dans le Père comme des enfants qui
s’adressent naturellement à Lui et lui disent tout. On peut n’avoir pas toute
la sagesse nécessaire dans ce qu’on demande, mais on devrait toujours avoir la confiance
que donne la communion par le Saint Esprit. Même Paul n’avait pas toujours
l’intelligence de la pensée de Dieu ; autrement il n’aurait pas demandé
que l’écharde dans la chair lui fût ôtée ; mais il n’a pas craint de faire
sa requête. Les disciples qui n’avaient pas la simplicité de coeur pour se
confier au Père ne comprenaient pas leur place d’enfants. Dans cet état, Jésus
condescend à les enseigner, et leur donne la prière que nous trouvons ici. Il
leur apprend à prier au sujet des choses dont son propre coeur était occupé. « Père,
glorifie ton nom », telle était l’expression du grand désir de son coeur ;
et il enseigne ses disciples à demander : « Père, que ton nom soit
sanctifié ». Il leur parle en premier lieu de Celui avec lequel ils sont
mis en relation, non pas qu’ils eussent alors la puissance du Saint Esprit leur
donnant conscience de leur relation avec Lui ; ce
privilège, ils ne l’ont possédé que depuis le jour de la
Pentecôte ; mais il leur apprend à dire : « Père, que ton nom
soit sanctifié ». C’est la perfection, le désir que Dieu soit glorifié,
quoique celui qui prie ne se rende pas compte de ce qui en résultera pour lui.
Avec cela, il y aura dans le coeur le désir de ne pas pécher, et d’autres
encore. Cette première demande était l’expression du désir parfait qui était en
Christ lui-même : « Que ton nom soit sanctifié ! »
« Que ton règne vienne. »
Le changement des choses muables, faites de main, viendra, afin que celles qui
sont immuables demeurent (voyez Héb. 12:26 et suiv.).
Êtes-vous bien sûr que vous voudriez voir le Seigneur
venant dans ce royaume qui implique l’ébranlement de tout ce qui ne demeurera pas
? Assurément ce désir
détacherait votre coeur d’une foule de choses qui vous lient à ce qui
n’appartient pas au royaume à venir. Je peux aimer les choses du royaume, tout
en ayant la conscience que quelque chose me les voile et les tient à distance,
en sorte que je n’en jouis pas librement, bien que je sache qu’Il est « un
porte-bannière entre dix mille » et que « toute sa personne est
désirable » (Cant. 5:9-16). Il y a des prières qui sont comme une plainte
de l’âme, et qui tiennent à ce que celle-ci n’a pas la jouissance présente de
la vue du Seigneur dans le sanctuaire, bien qu’elle en ait le souvenir. Nous
pouvons avoir l’espérance de la venue du Seigneur, nous réjouissant d’arriver
au bout du désert, parce que c’est un désert, ou bien nous pouvons soupirer en
nous-mêmes, désirant sortir du désert, parce que Canaan vient après. Si nous ne
sommes pas dans ce dernier cas, nous courons le danger de nous lasser dans
notre course, ce qui est toujours mauvais. Nous devrions avoir le caractère de
pèlerins dans l’attente, non pas de pèlerins las
; et nous ne devons pas être las : je ne dis pas que
nous ne le soyons
pas, mais nous
devrions toujours désirer la venue du Seigneur, parce qu’Il est précieux. Au
chapitre 22, verset 17 de l’Apocalypse, l’Épouse dit : « Viens
»,
en réponse à ce qu’Il est, car il dit : « Je suis…
l’Étoile brillante du matin ». Dieu ne rejette pas le cri qui monte jusqu’à
Lui « des lieux profonds » ; mais il y a une différence entre le
cri de détresse
et le cri du désir.
« Que ta volonté soit faite… » En Christ sur la terre, il y avait une réponse à toute la volonté de Dieu, car il faisait toujours les choses qui plaisaient à son Père. Il faisait cette volonté comme jamais ange n’a pu la faire.
Ensuite, le Seigneur descend jusqu’aux détails de nos besoins journaliers, et en prend connaissance, car à cet égard aussi nous sommes dépendants : « Donne-nous chaque jour le pain qu’il nous faut ».
« Remets-nous nos
péchés, car nous-mêmes aussi nous remettons… » Il n’est pas question ici
des privilèges proprement dits de l’Église : les désirs
exprimés sont parfaits, mais cette position
n’est pas connue. Le Seigneur touche ici à toutes les
circonstances d’ici-bas. L’homme est considéré comme regardant de la terre en
haut, comme marchant ici-bas et ayant besoin que ses pieds soient lavés. Il y a
des fautes à pardonner, et on a besoin de l’esprit de grâce. Aucun péché ne nous
est imputé maintenant, car ils ont été entièrement ôtés ; mais cela me
rendra-t-il dur quand d’autres pèchent ? Non ; en considérant la
croix où Christ a souffert pour moi, j’ai la conscience de ma liberté, mais non
de l’indifférence pour le péché. Au lieu de m’endurcir, elle me donne un esprit
débonnaire et plein de tendresse.
« Ne nous induis pas en tentation… » On peut se demander pourquoi Dieu nous induirait jamais en tentation ? — Il faut parfois qu’il nous fasse passer sous une certaine discipline pour nous apprendre à connaître notre faiblesse. Pierre avait besoin d’être criblé, sinon Jésus eût pu prier pour lui afin qu’il fût préservé de cette chute ; mais Jésus ne le demande pas. L’âme désirerait toujours ne pas passer par ce crible. Christ lui-même, quoique la tentation fût tout autre chose pour Lui, désirait en être délivré lorsqu’il dut porter le péché. Paul pria que l’écharde fût ôtée ; il ne fut pas élevé dans un quatrième ciel, ce qui n’eût fait qu’aggraver son état, mais il lui fut donné une « écharde pour la chair », quelque chose qui le rendait méprisable quand il prêchait, afin qu’il ne s’élevât pas et qu’il fût gardé d’orgueil ; autrement on eût pu venir lui dire : Il faut que tu sois meilleur que tous les autres, puisque tu as été dans le troisième ciel. La grâce prenait ainsi soin de lui. Toutefois l’âme désire une chose bonne quand elle demande à ne pas être induite en tentation, mais à être délivrée du mal.
« Qui sera celui d’entre
vous qui, ayant un ami, etc. » Nous avons ici un autre caractère de la
prière qui est de s’attendre patiemment à Dieu. Il y a de la majesté dans la
bonté de Dieu, et cependant il prend connaissance de tous nos besoins, et nous
devons attendre sa volonté et son bon plaisir. Supposez qu’un père dise à son
enfant, qui lui demande quelque chose, d’attendre cinq minutes — l’enfant
dira-t-il : Non, je ne puis attendre ; il faut que tu me donnes
immédiatement ce que je t’ai demandé ? Or, tandis que nous attendons, la foi
est exercée et la volonté brisée
dans le sentiment du besoin dans lequel nous nous trouvons. Voyez Daniel. Dieu
lui donna un profond sentiment de son identification avec Lui dans ce qu’il
faisait ; c’est pourquoi il le tint en prière trois semaines avant de lui
accorder l’objet de sa requête : c’est là un grand privilège, car c’est
avoir communion avec Dieu. Dans le cas qui nous est présenté ici, l’on trouve
un intérêt profond pour l’objet du désir, et l’importunité que ce désir produit
fait obtenir à l’homme ce qu’il cherchait. Il y a une certitude
d’exaucement et de bénédiction de la part de Dieu pour
celui qui demande, quoique Dieu puisse tarder.
Il s’agit ici de la prière
pour le Saint Esprit, que les disciples, bien que croyants,
n’avaient pas encore reçu. En un sens, quelqu’un qui,
comme les disciples dans ce temps-là, n’a pas l’Esprit d’adoption, peut faire
cette demande à Dieu. Mais maintenant
le
Saint Esprit a été donné, en conséquence de l’ascension de Christ à la droite
du Père (Actes 2:33). Il ne pouvait y avoir d’union avec l’homme Christ sur la
terre. C’est comme peuple céleste que nous sommes unis avec Lui. Christ est
resté seul jusqu’à ce que son oeuvre fût accomplie : « À moins que le
grain de blé tombant en terre ne meure, il demeure seul… » (Jean 12:24).
Le Saint Esprit était le sceau de l’oeuvre de Christ, non pas de la prédication
de Jean, prêchant la justice. Christ reçut le Saint Esprit une seconde fois
pour l’Église, après l’avoir reçu pour lui-même à son baptême (Matt. 3:16),
mais pour nous quand il monta au ciel après avoir accompli l’oeuvre de notre
salut (Actes 2:33). Les fruits de l’Esprit en nous sont les conséquences de la
grâce et de la justice en Lui, le seul homme juste. Les premiers fruits de
l’Esprit en nous sont l’amour, la joie, la paix ; — ensuite viennent les
fruits pratiques vis-à-vis de l’homme : les premiers sont relatifs à Dieu,
— ensuite la patience, la tempérance vis-à-vis des hommes. Le Saint Esprit ne
peut pas être maintenant
le sujet de
la requête de l’Église comme telle, parce qu’il a été donné, comme nous le
voyons en Actes 2. Nous prions maintenant par
l’Esprit Saint (Éph. 6:18), non pas pour le
recevoir. Nous devrions prier pour qu’il agisse davantage en nous et désirer
davantage d’en être remplis, pauvres et étroits de coeur que nous sommes, mais
nous pouvons en être remplis
(Éph. 5:18 ; Actes 6:3 ; 7:55). Il ne résulte
nullement du fait que nous sommes « scellés du Saint Esprit », que
nous soyons aussi « remplis de l’Esprit ». Si nous l’étions, nous
serions gardés de mauvaises pensées. La présence du Saint Esprit en nous n’ôte
pas la mauvaise nature qui demeurera aussi longtemps que nous serons ici-bas ;
mais elle tiendra cette nature dans l’assujettissement (Rom. 8:12-14 ;
Gal. 5:13-25).
Voyez l’affreuse opposition
du coeur de l’homme contre le Seigneur ; son état est mis à une solennelle
épreuve : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; et
celui qui n’assemble pas avec moi, disperse ». Lorsque Christ est
manifesté, c’est pour ou contre Lui que chacun prend position. Nous avons à
lutter contre des ennemis spirituels ; Josué, qui conduisait le peuple,
était la figure de l’Esprit conduisant l’âme à la lutte contre ces ennemis. Ce
ne sont pas les chrétiens, c’est Christ qui est devenu le centre divin. On peut
rassembler des chrétiens, mais si, dans l’esprit de chacun, ce n’est pas Christ
qui rassemble, on disperse. Dieu ne connaît pas d’autre centre d’union que le
Seigneur Jésus ; il est lui-même l’objet, et lui seul peut être le centre.
Tout ce qui ne rassemble pas autour de ce centre, pour Lui et de sa part,
disperse. On peut rassembler, mais ne pas assembler « avec moi »,
c’est disperser. Nous sommes par notre nature si
essentiellement sectaires que nous avons besoin de veiller pour ne pas tomber
dans ce piège. Je ne puis faire de Christ le centre de mes efforts, s’il n’est
pas le centre de mes pensées. C’est beaucoup de dire : Je n’ai pas d’autre
objet que Christ, aucune activité dans mon coeur si ce n’est pour Lui. Il ne
faut pas seulement que Christ soit au fond le principal objet, car il en est
ainsi pour tout chrétien, mais encore que toutes les choses qui tiennent le
milieu dans nos coeurs entre le dedans et le dehors soient jugées. À côté de
l’amour pour Christ, notre coeur peut avoir l’amour de la société et d’autres
choses ; or, il faut que nous jugions tout ce qui est entre la racine et
ses rejetons.
« Bienheureux est le ventre qui t’a porté, etc. » La femme parle de l’honneur qu’il y avait à être la mère du Seigneur ; mais la relation la plus étroite avec le Fils de l’homme n’est rien en comparaison de la fidélité à garder la parole de Dieu. Le monde religieux fait grand cas des affections naturelles ; mais, quelque justes et bonnes qu’elles soient à leur place, elles ne peuvent être comparées à la vie de Dieu dans nos âmes. Assurément, c’était une bénédiction d’être la mère du Seigneur, mais ce n’était qu’une relation naturelle quoique ce fût un miracle ; la mère du Seigneur ne pouvait la tenir pour peu de chose dans son coeur ; cependant cette relation restait bien au-dessous de la bénédiction apportée à l’âme que la Parole amenait à Dieu. Chers amis, si vous avez soin de garder dans vos coeurs la pure parole de Dieu, vous trouverez qu’elle balaiera toutes les immondices de la chair.
Les foules recherchent un
signe ; c’est une autre chose naturelle
;
mais le Seigneur dit : « Il ne lui sera pas donné de signe ».
Jonas est un signe ; il prêcha, et les Ninivites se repentirent.
Maintenant ma parole est venue à vous et elle vous
met à l’épreuve. « Une reine du midi se lèvera au
jugement, etc. » La parole de Dieu est si parfaitement adaptée aux besoins
du coeur de l’homme, que même les sentiments naturels sont touchés par elle. La
Parole est semée dans le coeur,
quoiqu’elle
puisse ne point y porter de fruit.
La lumière
est là ; mais quel est l’état de l’oeil de l’homme ?
Si un homme a les yeux malades, la lumière le fait
souffrir ; telle est la Parole pour celui qui a mauvaise vue, ou dont
l’oeil n’est pas simple. C’est une parole solennelle, que nous lisons ici ;
elle pourrait être vraie d’une personne convertie d’hier seulement : cette
personne pourrait être remplie de lumière. Qu’on soit petit enfant en Christ ou
homme fait, il en est de même. Quand Dieu demeure dans l’âme, elle voit la
lumière : « Si quelqu’un marche de jour, il ne bronche pas ». « Lorsque
ton oeil est simple, ton corps tout entier… est plein de lumière, n’ayant
aucune partie ténébreuse, etc. » Une lampe nous fait tout voir autour
d’elle ; elle se montre elle-même,
et
par conséquent ce qui l’entoure. L’oeil reçoit la lumière, qu’il soit simple
ou mauvais
; l’oeil n’est pas simple ou double,
mais simple ou mauvais.
Si
l’oeil n’a pas Christ pour objet, il a devant lui quelque objet mauvais.
S’il est simple, tout est simple, malgré les difficultés du chemin ; il en
fut ainsi pour Paul. La lampe est placée sur un pied de lampe, afin que tous
ceux qui s’approchent « voient la lumière ».
Il faut que chacun se pose la
question s’il voit ou ne voit pas. Christ a fait luire la lumière dans le
monde : Dieu s’est manifesté en Lui ; l’effet en est de nous montrer
notre état. Vous dites peut-être : « Permets-moi d’aller premièrement
ensevelir mon père » ; — vous avez donc quelque chose qui vient avant
Christ. Si mon corps n’est pas
rempli de lumière, c’est que quelque chose n’est pas simple dans mon oeil, et
n’a pas cédé devant la puissance de Christ, — une chose à laquelle je n’ai pas
renoncé. Vous dites : Je ne vois pas
Sans doute ; et vous ne
pouvez pas voir, car vous avez quelque autre lumière. De plus, ce que vous
voyez maintenant, vous le perdrez bientôt, si vous ne marchez pas dans la
puissance de ce que vous avez reçu. « Prends donc garde que la lumière qui
est en toi ne soit ténèbres. » Notre façon de juger peut être fausse,
parce que notre mesure n’est pas Christ ;
et alors la lumière devient ténèbres ; nous nous égarons et nous errons à
l’aventure. Si, au contraire, notre oeil est rempli de Christ et si nous
jugeons toutes choses à cette lumière, en voyant quoi que ce soit qui ne
glorifie pas Christ, nous sentons que cette chose ne peut nous convenir. Nous
sommes peut-être de petits vaisseaux, mais il faut que nous soyons entièrement
pour Christ. Que Dieu nous
donne de marcher dans la puissance du Saint Esprit et selon le divin
enseignement du Seigneur Jésus, heureux de le suivre, ne cherchant pas d’autre
sentier que celui dans lequel Lui nous conduit, nos yeux fixés sur Lui seul, en
sorte que lorsque d’autres objets se placent devant nous, nous puissions dire :
« Je fais une
chose »
(Phil. 3:14). Oui, puissions-nous traverser ce monde étant occupés de Christ,
non pas en étudiant le mal pour le juger, mais « simples quant au mal »
(Rom. 16:19).
Depuis le verset 37, le
Seigneur juge les différentes formes que revêtait la religion sans vie des
conducteurs d’Israël. Ce jugement s’exprime de diverses manières ; mais
c’est son
jugement, un jugement sans
mélange. Le premier motif de condamnation, c’est que l’homme substitue des
lavages et des services extérieurs que la chair peut accomplir, à la pureté de
coeur et à l’esprit d’amour. Quand ces derniers existent, les choses
extérieures sont pures. Ainsi le coeur aime l’argent quand il n’a qu’une forme
religieuse, car le « Mammon » représente le monde ; l’amour des
premières places est une autre expression du même fait. Ensuite (v. 45 et
suiv.), les docteurs de la loi reçoivent leur sentence, car ils imposent aux
hommes des fardeaux difficiles à porter, et ne touchent pas eux-mêmes à ces
fardeaux d’un seul de leurs doigts. Peut-être ne voit-on pas d’abord pourquoi
ceux qui « bâtissaient les sépulcres des prophètes » démontraient par
là qu’ils approuvaient ceux qui avaient tué les prophètes ; mais il était
de fait que les docteurs de la loi cherchaient en cela leur propre honneur, au
lieu de recevoir le témoignage des prophètes qui les aurait humiliés à cause de
la ruine complète de la nation ; ils ornaient les tombeaux des justes,
comme si tout avait été en ordre. L’esprit du monde animait ces hommes, un
esprit qui veut se donner du crédit par la piété envers les morts et non par la
crainte éveillée par la censure du prophète. Mais Dieu, dans sa sagesse, devait
donner une preuve plus grande encore que ces docteurs de la loi ne prenaient
pas plaisir à la parole des prophètes, mais aux oeuvres de leurs pères : « Je
leur enverrai des prophètes et des apôtres », et de nouveau « ils en
tueront et en chasseront par des persécutions ». Les pharisiens étaient
des hypocrites, jugés comme tels ; les docteurs de la loi se servaient de
leur familiarité avec les Écritures pour haïr tout vrai témoignage rendu à leur
propre conscience ; moins que tous, ils pouvaient supporter ce qui
découvrait leurs péchés ; c’est pourquoi, dans leur orgueil mêlé de
frayeur, ils accaparaient toutes les sources de la connaissance, sans entrer
eux-mêmes, car ce sont les pauvres en esprit, les misérables et ceux qui sont
perdus qui entrent ; mais les docteurs de la loi n’entraient pas, ni ne
permettaient d’entrer à ceux qui l’auraient voulu, de peur de se condamner
eux-mêmes et de perdre avec leur honneur, le caractère qu’ils voulaient se
donner.
Les derniers versets du chapitre nous montrent l’invariable conduite de la fausse religion : n’ayant aucune réponse de vérité morale à l’évidence de tromperie et d’iniquité manifestée dans leurs voies, ils cherchaient à embarrasser et à faire tomber dans le piège. Convaincus de péché et incapables de vérité, ils auraient voulu rendre vaine la bonté de Dieu en accusant même Christ d’erreur. C’était de la miséricorde de la part du Seigneur envers d’autres de s’exprimer nettement quant à ces faux conducteurs : c’est pourquoi il les dénonce sans ménagement.
La partie de cet évangile que
nous venons de parcourir (chap. 10 : v. 38 et suiv.,
et chap. 11) nous a présenté les deux grands moyens de bénédiction pour l’âme,
savoir la Parole, précieux don de Dieu, et la prière, vrai besoin de l’homme en
présence d’un Messie rejeté ; elle nous a montré en outre le jugement du
peuple qui refusait tous les témoignages de Dieu. Dans le chapitre 12, nous
voyons les disciples poursuivre leur témoignage au milieu de l’hypocrisie et de
l’opposition, mais dans la puissance du Saint Esprit. Le Seigneur s’adresse
tout premièrement à eux ; il le fait sans détour et sans crainte devant
une grande foule, comme quelqu’un qui agit dans l’esprit de ce qu’il enseigne.
Il les met en garde contre le formalisme religieux qui consiste dans ce qui
pouvait être présenté à l’homme,
et
il insiste fortement et explicitement, sur ce qu’il n’y a rien de caché qui ne
doive être révélé, ni rien de secret qui ne doive être connu (v. 1-3).
Mais comme l’écroulement des
formes légales et la révélation de la pleine lumière de Dieu ont eu leur plus
complète expression dans la mort de Christ, ainsi les disciples doivent
s’attendre à l’opposition du monde, et être préparés eux-mêmes à souffrir
peut-être jusqu’à la mort. Si le Messie était rejeté et mis à mort, qu’est-ce
que ses disciples peuvent attendre sur la même scène, alors que le pouvoir de
Satan n’est pas encore aboli ? De là vient aussi que dans les chapitres
qui nous occupent, c’est la relation de l’âme
avec Dieu qui est en question. Il ne s’agit pas encore ici de l’Église et
de ses privilèges ; mais le royaume, dans son application juive, est mis
de côté ; il en résulte que les disciples doivent attendre le retour du
Seigneur, et jusque-là, l’épreuve et la tribulation. La venue du Seigneur a
deux aspects : l’un, pour ceux qui sont en relation avec Lui, et l’autre,
pour le monde ; ils sont tous deux relevés ici. Les disciples devaient se
tenir en garde contre l’hypocrisie et se souvenir que Dieu amènerait
nécessairement toutes choses à la lumière : « Mais il n’y a rien de
couvert qui ne sera révélé, ni rien de secret qui ne sera connu. C’est pourquoi
toutes les choses que vous avez dites dans les ténèbres seront entendues dans
la lumière, et ce dont vous avez parlé à l’oreille dans les chambres sera
publié sur les toits ».
Relativement aux dangers
qu’ils courraient en marchant dans la lumière, les disciples ne devaient pas
craindre ceux qui tuent le corps, mais Dieu, qui peut jeter dans la géhenne.
Jésus craignait Dieu parfaitement, et il appelait ses amis à ne craindre
personne que Lui seul : « Oui, vous dis-je, craignez celui-là. »
Mais de plus (v. 6-8) : pas un seul passereau n’est oublié devant Dieu, et
les cheveux mêmes de votre tête sont tous comptés ; c’est pourquoi ils ne
devaient pas
craindre. Notre Dieu a
voulu que la foi trouvât son repos dans la certitude qu’il prend soin de nous
dans tous les détails de notre existence.
D’autre part, les disciples
ne devaient pas se confier en eux-mêmes, en leur propre courage ou en leur
propre sagesse, mais ils devaient confesser
Christ. Tel était le résultat en rapport avec le Fils de l’homme, humilié
maintenant, mais bientôt glorifié ; il rendrait en amour, ou en honte,
devant les anges de Dieu, selon qu’il serait confessé ou renié devant les
hommes. Il avait caché sa gloire pour donner cours à la grâce ; il était
venu au milieu des hommes et au milieu du mal, afin que Dieu fût pleinement
glorifié dans son humiliation. C’était la patience de Dieu, car Christ ne
réclamait rien. Mais le Saint Esprit devait venir proclamer la gloire de Dieu,
et réclamer la soumission à cette gloire, rendant témoignage de la grâce et
démontrant la gloire dans la puissance qu’il apportait : c’est pourquoi
une parole injurieuse contre le Saint Esprit ne serait pas pardonnée. Il est
bien digne de remarque que ce que le Seigneur dit ici, au verset 10, il le dit
à ses disciples pour les consoler et les fortifier dans leur faiblesse. On
parlerait peut-être contre le Fils de l’homme, et l’on serait pourtant pardonné ;
mais si le Saint Esprit, par lequel les disciples parleraient, était blasphémé,
il n’y aura point de pardon. Il parlerait par eux, quel que fût d’ailleurs le
pouvoir, ecclésiastique ou civil, qui les ferait comparaître devant lui.
Tels sont les principes, les avertissements, les motifs et les encouragements que le Seigneur attachait à une mission qui, rejetée par le judaïsme et en dehors du judaïsme, apportait par la grâce la lumière dans un monde de péché et de ténèbres.
Le Seigneur, dans les versets
13 et 14, refuse expressément d’agir comme juge en Israël et montre que la
bénédiction juive avait perdu sa place. Il ne s’agissait plus de partager
l’héritage, mais il était question de l’âme dans sa position devant Dieu.
Seulement le Seigneur met en garde contre la folie d’aimer les choses qui
deviennent l’occasion de telles contestations. Il ne s’agit pas maintenant de
justice sur la terre : Jésus refuse d’en être l’administrateur, et met en
évidence le principe intérieur du royaume en contraste avec le monde. C’est
pourquoi il avertit les foules de se tenir en garde contre l’avarice, car la
vie d’un homme n’est pas dans ses biens (v. 15) ; et il ajoute à son
avertissement une parabole qui montre le malheureux sort de l’homme riche qui
n’était pas riche en Dieu. Quoi qu’il pût dire à son âme,
Dieu lui redemanderait son âme cette nuit même. « Il en
est ainsi de celui qui amasse des trésors pour
lui-même
» (v. 16-21).
S’il en est ainsi pour le monde, vous qui avez un père — « le Père » — ne soyez pas en souci pour votre âme ou pour votre corps. La nourriture et le vêtement ne doivent pas être les objets de votre poursuite ; mais si vous êtes les disciples de Christ, vous devez plutôt vous décharger sur Lui de votre souci pour ce qui concerne ces choses. Vos pensées devraient suivre un autre cours, s’élevant au-dessus de la simple idée naturelle de la vie et du corps. Mais le Seigneur présente maintenant des principes positifs qui devaient agir sur les âmes des disciples comme croyants. Les choses dont ils avaient besoin étaient des choses accessoires que Dieu fournissait ; car elles étaient entre ses mains et il en disposait. Dieu prenait soin de choses bien moindres ; les oiseaux de l’air et les lis des champs leur disaient une leçon qui, interprétée par Christ, ne manquait pas d’instruction. Si, d’un côté, Dieu prenait soin des plus petites et des plus faibles de ses créatures, il fallait aussi que les disciples se souvinssent de la complète inutilité de leurs soucis. Il y avait des choses naturelles à ceux qui ne connaissaient pas Dieu ; — mais eux ne devaient pas rechercher le manger ou le boire : leur Père savait qu’ils avaient besoin de ces choses : Recherchez le royaume de Dieu, et « ces choses vous seront données par-dessus ».
Le Seigneur se place maintenant pour eux sur un terrain plus élevé : « Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le royaume ». C’est pourquoi faites plutôt abandon de ce que vous avez comme hommes, et pourvoyez-vous de ce que le Père donne aux héritiers du royaume. Les disciples devaient se conduire comme des rois appelés à un plus glorieux héritage et le possédant. Le coeur suit le trésor (v. 34) : faites-vous donc un trésor dans les cieux, et votre coeur sera là aussi. Ce qui était le grand point, ce n’était pas la valeur ou le mérite de ce que les disciples donnaient, mais l’effet intérieur qui convenait à leur position et à leur appel : Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu (Héb. 11). De plus (v. 35 et suiv.), ils devaient attendre le Seigneur, et cette attente devait former leur caractère et s’exprimer continuellement à l’extérieur, comme l’attente habituelle du Seigneur. « Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées », comme si le Seigneur était déjà actuellement en chemin. « Et Celui qui vient viendra » ; et « bienheureux sont ces esclaves que le maître, quand il viendra, trouvera veillant. En vérité, je vous dis qu’il se ceindra et les fera mettre à table, et, s’avançant, il les servira ».
Les disciples étaient
maintenant associés au caractère céleste du royaume. Ce monde n’était
rien : ce qu’ils en avaient, ils pouvaient, au lieu de le faire servir à
leur égoïsme, en user pour faire le bien, et avoir leur trésor en haut où rien
ne peut se perdre ; ainsi leurs coeurs seraient gardés dans le ciel et
leur caractère serait céleste. En même temps, ils devaient être comme des serviteurs
qui attendent leur seigneur à son retour des noces. La portée générale de
l’effet céleste de l’appel est ici en question : les disciples devaient
veiller. Il ne s’agit pas ici de prophétie, mais de caractère et de position.
Il n’y a ni signes, ni circonstances historiques, comme dans les chapitres 17
et 21, pour des hommes sur la terre ; mais les disciples sont séparés de
la terre pour le ciel. Pour ceux qui attendent ainsi, Jésus est toujours un
serviteur : « Il les fera mettre à table et, s’avançant, il les
servira ». Ceint pour le service comme homme, son oreille étant percée
dans la mort, il s’avance, prenant plaisir dans les disciples qui marchent
ainsi ; avec joie il les exempte désormais de leurs épreuves, de leur
attente patiente et de leur service ; il les fait asseoir au festin, et
honore ainsi leur fidélité. C’est pourquoi ils sont laissés dans l’incertitude
quant au moment de sa venue, comme aussi l’Église lorsqu’elle fut formée.
L’Église doit toujours
être dans
l’attente de Christ, ne sachant pas quand il viendra ; chaque moment est
son temps à elle par le désir et le devoir, comme hélas ! il est le temps du monde pour la négligence. Les Juifs ont
un temps ; les jours, les mois, les années, les computations terrestres
sont pour eux, et par conséquent les signes. Pour nous, ce peut être à la
seconde ou à la troisième veille ; bienheureux si seulement nous sommes
trouvés « veillant » !
Pierre soulève la question de l’application de ce qui précède, et la réponse qu’il reçoit du Seigneur met en évidence quelle sera la part de ceux qui le servent fidèlement : ils seront établis sur tous ses biens, quand il reviendra pour prendre possession de tout son héritage. Pensée fort encourageante, bien qu’elle ne soit pas la plus élevée
D’un autre côté, la
chrétienté apostasie en mettant à l’arrière-plan dans son coeur la venue du
Seigneur. Le grand ressort de l’esprit céleste est ainsi perdu, et avec lui
notre vocation et notre espérance particulières. L’attente du Seigneur détache
du monde ; remettre cette attente à plus tard laisse le serviteur à sa
propre volonté. Le Seigneur ne parle pas d’un reniement doctrinal de cette
vérité, mais de quelqu’un qui dit en son
coeur
: Mon maître tarde à venir ; et de ce qui en est la
conséquence, savoir : la violence envers les compagnons de service et
l’association avec le monde. Mais, quelle que soit l’indépendance avec laquelle
il agit, cet esclave a un seigneur, et ce seigneur viendra quand on ne
l’attendra pas, et assignera à ce serviteur sa part avec les infidèles, quels
qu’aient pu être les droits et les privilèges dont il se vantait. De plus, il y
aura dans les détails (v. 47, 48) une juste rétribution ; car il s’agit
ici des principes du service, comme plus haut des principes de la position.
L’ignorance du paganisme ne sera point épargnée ; mais le sort de la
chrétienté sera bien plus terrible. Cela est parfaitement juste, mais combien
solennel !
Il y a une autre chose à
remarquer ici, savoir le résultat de la venue du Seigneur dans le monde, quand
il parlait. Si l’homme avait été ce qu’il aurait dû être, la paix en serait
résultée ; mais l’homme n’a vu aucune beauté en Christ pour qu’il le
désirât, et ainsi l’effet de la venue du Christ dans le monde fut la haine, non
pas la paix, mais l’épée. Plus la relation est intime, plus les torts sont
sensibles. La volonté
de l’homme est
mise au jour, et elle est entièrement opposée à Dieu. L’homme ne supporte pas
qu’on lui annonce qu’il est sous le jugement de Dieu. Mais il y a ceci de
particulier dans le caractère de la division que produit l’entrée de la grâce
dans une maison, que celui qui est converti dans une famille devient
généralement et tout d’un coup l’esclave des autres. Le cours même de la nature
est renversé en pareil cas. Combien de fois un mari ou un parent perd ainsi son
autorité ! Un feu est allumé avant que Christ revienne l’allumer en
jugement. Il n’était pas venu alors pour juger ; mais les hommes en le
rejetant allumaient le feu du jugement.
Voyez maintenant la part du Seigneur : « J’ai à être baptisé d’un baptême ; et combien suis-je à l’étroit jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » Qu’est-ce qui pouvait mettre à l’étroit le coeur du Seigneur ? L’amour infini de Dieu en Lui était pour ainsi dire retenu. S’il parlait à ses disciples de sa mort : « Seigneur, Dieu t’en préserve ! » était la réponse qu’il recevait, même de Pierre. Son coeur se renfermait ainsi douloureusement en lui-même. Mais il poursuivait, en traversant le monde, son service d’amour vivant, portant ses regards en avant sur le baptême de sa mort ; et le fait que son coeur était à l’étroit, manifestait la plénitude et la puissance même de son amour. Jusqu’à ce que ce baptême fût accompli, son coeur ne pouvait pas s’épanouir, car qui pouvait le comprendre ? Les Juifs disaient : « Voici un mangeur et un buveur, un ami des publicains et des pécheurs ». Ils étaient enserrés par les murailles du judaïsme, de manière à ne pas recevoir Celui qui était au milieu d’eux une fontaine jaillissante de bénédictions. L’amour divin était pour ainsi dire retenu et refoulé dans le coeur de Dieu. Mais Lui fait face à tout. « Combien suis-je à l’étroit jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » Il n’est plus à l’étroit maintenant, la barrière ayant été brisée dans sa mort.
Comment ceux qui l’entouraient
auraient-ils pu, comme pécheurs, avoir communion avec Christ ? La chose
était impossible. Lorsqu’il vint pour répondre aux besoins de l’homme, ils le
haïrent et le rejetèrent. Mais à la croix il a ôté le péché, et maintenant la
grâce peut se répandre sans obstacle et sans mesure. « Là où le péché
abondait, la grâce a surabondé » (Rom. 5:20). L’homme n’est pas changé ;
mais Dieu peut agir comme il lui plaît, par la rédemption. L’amour et la gloire
de Christ furent
manifestés en une
mesure avant la rédemption, car « il ne pouvait être caché » mais, à
la croix, toutes les perfections débordèrent ; et si de Golgotha nous
jetons un regard en arrière sur la vie du Sauveur, nous voyons quel amour,
quelle douleur et quelles souffrances l’ont remplie !
Dans les versets 54-59, Jésus s’adresse aux foules sur le principe de la responsabilité individuelle, en présence d’abord des signes manifestes des voies de Dieu envers le monde, ensuite en rapport avec leur jugement moral au sujet de ce qui était juste et bon. Le Seigneur conclut en montrant que Dieu était en chemin avec le peuple juif et que si les Juifs ne s’accordaient pas avec Lui alors, ils feraient de Lui un juge et porteraient toute la peine de leurs iniquités. Dans les affaires humaines, en pareil cas, l’homme est assez prudent pour se mettre d’accord avec sa partie adverse, se sachant en faute et anticipant le jugement. Si les Juifs ne se soumettaient pas et n’étaient pas réconciliés avec le Seigneur, maintenant qu’il était en chemin avec eux, ils auraient bientôt affaire avec Lui comme Juge, et ne seraient pas délivrés de sa main avant d’avoir reçu de Lui le double pour tous leurs péchés.
Deux grands sujets ou principes se rapportent à l’homme sur la terre, l’Église de Dieu comme telle et le gouvernement de Dieu dans le monde : ces deux sujets sont très distincts l’un de l’autre. Dans l’Église, les richesses de la grâce divine sont manifestées ; les voies gouvernementales de Dieu nous montrent le déploiement de la justice, de la miséricorde et de la bonté de Dieu. Nous trouvons un exemple de la puissance gouvernementale de Dieu quant à Israël au chapitre 34 de l’Exode, versets 5-7. C’est autre chose ici que la souveraine grâce amenant une âme à la vie éternelle ; il s’agit de « gouvernement », de ces voies que nous pouvons voir s’accomplir tous les jours autour de nous. Si un homme dissipe sa fortune ou qu’il ruine sa santé par des excès de manière ou d’autre, les enfants de cet homme en porteront les conséquences : « Ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6:7, 8). Les voies de Dieu envers David à l’occasion d’Urie en rendent témoignage : « L’épée ne s’éloignera pas de ta maison… Tu l’as fait en secret ; et moi, je ferai cette chose-là devant tout Israël et devant le soleil… Toutefois, comme par cette chose tu as donné occasion aux ennemis de l’Éternel de blasphémer, le fils qui t’est né mourra certainement » (2 Sam. 11 et 12). Nous savons que ce jugement que Dieu prononça sur le péché de David fut accompli plus tard historiquement, car ce n’est pas de grâce qu’il s’agit ici, mais de gouvernement. Dieu s’occupe des siens de la même manière maintenant, savoir en grâce et en gouvernement.
Au chapitre 12 de notre
évangile, nous avons pu voir que les Juifs avaient dans l’esprit cette pensée
du « gouvernement » ; et en un sens ils n’avaient pas tort. Ils
pensaient que Dieu ne pouvait pas laisser vivre un grand coupable comme Pilate
qui avait mêlé le sang des Galiléens avec leurs sacrifices. Mais Christ les
amène à un nouveau principe, d’après lequel ils doivent juger, et leur dit que
le jugement va tomber sur eux-mêmes
s’ils ne se repentent : « Croyez-vous que ces Galiléens fussent plus
pécheurs… Non, vous dis-je ; mais si vous ne vous repentez, vous périrez
tous de la même manière ». Le Seigneur parlait du jugement en rapport avec
le gouvernement de ce monde, jugement qui tomberait sur tous ceux qui ne se
repentiraient pas. Le Fils de Dieu était là présent devant eux, et ils le
rejetaient pratiquement. Et de combien de Juifs Titus n’a-t-il pas « mêlé
le sang ? » Jésus avait dit aux Juifs, à la fin du chapitre 12 :
« Quand tu vas avec ta partie adverse devant le magistrat, efforce-toi en
chemin d’en être délivré, de peur qu’elle ne te tire devant le juge »,
parlant ainsi des Juifs qui étaient en chemin avec Dieu et qui n’échapperaient
pas avant que les châtiments du Seigneur sur eux fussent accomplis. Il s’agit
donc ici simplement du gouvernement de Dieu quant à son peuple. La conscience
naturelle eût dû dire à ces Juifs de ne pas rejeter le Messie, car Dieu était
tout le long du chemin en route avec eux vers le juge, usant de grâce et de
patience envers eux ; il eût voulu leur faire comprendre que s’ils ne se
repentaient pas et n’étaient pas réconciliés, le jugement tomberait sur eux, et
qu’ils subiraient le sort de ceux qu’ils estimaient de si grands pécheurs.
Le Seigneur poursuit ici le
même courant de pensées. Le figuier, c’est Israël ; Dieu vient, cherchant
du fruit en Israël, et n’en
trouvant pas. Dans l’Évangile, au contraire, Dieu, au lieu de chercher du
fruit, sème, afin d’en produire. Il n’a pas trouvé de fruit en Israël ;
c’est pourquoi il prononce la sentence : « Coupe-le ». Non
seulement le figuier était inutile, mais il encombrait la vigne : « Le
nom de Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les nations » (Rom. 2:24).
Alors vient la mission de Christ : « Enfin, il envoya auprès d’eux
son Fils » (Matt. 21:37). Dieu avait planté une vigne et l’avait émondée,
mais elle n’avait pas porté de fruit. Alors un nouveau cultivateur vient et
dit : « Maître, laisse la cette année aussi, jusqu’à ce que je l’aie
déchaussée et que j’y aie mis du fumier ». Il faut qu’elle porte du fruit,
ou qu’elle soit arrachée. Le cultivateur a fait comme il a dit ; et il n’y
a toujours pas de fruit.
La femme qui avait un esprit d’infirmité et que Jésus guérit un jour de sabbat met en lumière une autre chose qui agissait dans les coeurs des Juifs, à la place de la loi, et qui donnait entrée à l’hypocrisie. Les Juifs détachaient bien un boeuf ou un âne de la crèche un jour de sabbat, mais ils ne voulaient pas supporter qu’une fille d’Abraham que Satan avait liée depuis dix-huit ans fût déliée ce jour-là. L’une des infirmités de l’esprit de l’homme, c’est qu’il use de la vérité qu’il possède pour résister à la vérité révélée. Paul en est un exemple : sans reproche quant à la justice de la loi, il pensait cependant en lui-même « qu’il fallait faire beaucoup contre le nom de Jésus le Nazaréen ». Les Juifs dont le Seigneur parle, Jean 16, en sont un autre exemple : « Ils vous feront ces choses, etc. », usant du nom du seul vrai Dieu qui leur avait été donné : « L’Éternel, notre Dieu, est un seul Éternel » (Deut. 6:4), pour rejeter le « Fils » ; car lorsque. Christ vint dans l’humiliation, ils ne voulurent pas le recevoir. On prétexte l’orthodoxie pour mettre une barrière à la réception de la vérité. Quand une vérité est le fondement de la position d’un homme, elle lui donne du crédit ; mais quand une vérité nouvelle se présente, elle met l’âme à l’épreuve. La vérité qui demande de la foi pour être pratiquée trouve de la résistance dans le coeur naturel ; et cela vient d’une racine qui est l’hypocrisie. Le chef de synagogue dit : « Il y a six jours où il faut travailler ; venez donc ces jours-là, et soyez guéris, et non pas le jour du sabbat ». Mais il aurait dû savoir que le Seigneur du sabbat était là, car cette seule parole : « fille d’Abraham », aurait dû lui ouvrir les yeux et lui montrer devant qui il se trouvait. Le Seigneur lui répondit : « Hypocrites ! » C’est là une parole solennelle !
Le Seigneur montre maintenant à quoi ressemblera le royaume, lorsque le roi sera rejeté et s’en sera allé. Un royaume sans roi !… celui-ci étant assis sur le trône de son Père jusqu’à ce qu’il vienne pour occuper son propre trône. Le royaume est semblable à une petite graine jetée dans le sol ; elle lève et devient un grand arbre. C’est précisément ce que nous appelons « la chrétienté », ce qui remplit l’espace entre la réjection du Roi et son retour. Il n’y a pas d’exercice du pouvoir tandis que le roi est absent. Marc nous dit : « La semence germa et crût, sans que l’homme sût comment » (Marc 4:27). Quand la moisson sera mûre, Christ reviendra. Il sema à sa première venue ; mais il usera de la faucille à sa seconde venue. Il veut et attend maintenant du fruit céleste ; mais quand il viendra, il trouvera le grand arbre de la chrétienté et les oiseaux de l’air logeant dans ses branches. Pharaon était un grand arbre (Ézéch. 31) ; Nébucadnetsar, un plus grand arbre encore (Daniel 4) ; ils étaient l’un et l’autre les grands et les puissants de la terre, les représentants de la puissance du monde. Israël même qui avait été planté comme un « cep exquis », et une semence tout à fait bonne, ne portait pas de fruit c’est pourquoi, comme dit le prophète (Ézéch. 15) « Le bois de la vigne, que vaut-il plus que tout autre bois », s’il ne porte pas de fruit ? Il n’est bon qu’à être brûlé. Inutile pour tout autre usage, s’il ne porte pas de fruit, il ne sert que de bois bon pour le feu.
Ici, le royaume est semblable à du levain qu’une femme prit, etc ; le levain est ce qui pénètre toute la pâte et donne en outre un caractère à la chose dans laquelle il opère. Il s’agit de la profession extérieure du christianisme qui devient un vaste système. Il n’est en aucune manière question ici du Saint Esprit, mais de l’effet produit dans le monde par cette doctrine. Au chapitre 13 de Matthieu, dans la première parabole, le Seigneur parle du résultat individuel produit par la semence, non pas du royaume ; les trois premières des six paraboles qui suivent décrivent la forme extérieure et publique de celui-ci, les trois dernières son caractère intérieur.
« Ceux qui doivent être
sauvés sont-ils en petit nombre ? » L’expression est la même par
laquelle la version des Septante désigne le résidu juif ou « ceux qui
doivent être sauvés ». La question portait au fond sur ce point : le
résidu qui devait être épargné quand le jugement viendrait, serait-il peu ou
très nombreux ; or la question étant tout à fait oiseuse, le Seigneur n’y
répond pas ; mais il dit : « Luttez pour entrer par la porte
étroite… » (v. 24.). La porte étroite, c’était
recevoir Christ dans ce temps-là — la vraie, mais étroite entrée de la foi en
Lui et de la conversion envers Dieu. Il y aura des gens qui viendront et qui se
mettront à heurter lorsque la porte aura été fermée, et auxquels il dira :
« Je ne vous connais pas ni ne sais d’où vous êtes » ; — vous
n’êtes pas changés. Luttez pour entrer par la porte étroite par laquelle Christ
marche devant vous, c’est-à-dire la réjection. « Beaucoup… chercheront à
entrer (non pas
par la porte étroite)
et ne pourront pas. »
Tout cela est fort simple quand nous voyons la réjection de Christ. Ceux qui le rejettent au jour de son humiliation seront eux-mêmes rejetés au jour de sa gloire ; au lieu d’être ses compagnons dans le royaume, ils seront jetés dehors. Les Juifs incrédules verront les gentils entrer dans la gloire du royaume, alors que, persistant dans leur incrédulité, ils seront eux-mêmes rejetés.
Les pharisiens disent au
Seigneur : « Retire-toi et va-t’en d’ici ; car Hérode veut te
tuer ». Or Hérode était un Iduméen ; et quel droit un étranger comme
lui avait-il à être le roi des Juifs ? Qu’avait-il affaire, lui
, avec les promesses d’Israël ?
Absolument rien. Hérode nous présente, en figure, le roi qui fait sa volonté.
Il cherche à tuer Christ ; c’est pourquoi il a le caractère de roi-adversaire. Il n’avait pas de foi dans les desseins de
Dieu ou dans la gloire de Christ ; et le Seigneur dit : « Allez,
dites à ce renard… » ; — je ferai la volonté de mon Père jusqu’à ce
que le moment soit venu pour moi d’être glorifié ; je suis ici aussi
longtemps que mon Père voudra et ensuite je serai consommé. Il faut que la
puissance de Dieu soit pleinement connue
.
Quel divin dédain pour le roi apostat ; mais en même temps quelle parfaite
obéissance humaine ! « Mais il faut que je marche aujourd’hui et
demain et le jour suivant, car il ne se peut qu’un prophète périsse hors de
Jérusalem. Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes ! … »
Après tout, c’est Jérusalem qui est la ville coupable. Que le roi édomite fasse
et dise ce qui lui plaît, c’est la « sainte ville » qui est coupable,
car elle était la plus rapprochée de Lui
.
Plus je suis près de Dieu, plus, si je le rejette, mon péché est grand et le
jugement terrible. Voyez les Psaumes 132 et 78, versets 65-68, qui nous parlent
de l’élection de Sion : « L’Éternel a choisi Sion… » Christ ne
charge pas les Juifs de leurs péchés avant qu’ils aient rejeté et Lui et son
Père (Jean 15:22-25).
Dans les derniers versets,
Christ révèle un dessein de grâce, le vieil homme — Israël, et nous tous — est
condamné et inutile : « L’Éthiopien peut-il changer sa peau, et le
léopard ses taches ? » (Jér. 13:23).
L’Évangile commence par chercher et sauver ce qui était perdu
. Ici,
nous voyons
que si les Juifs ont rejeté le Christ an jour de leur responsabilité, Lui ne
les a pas rejetés au jour de sa grâce. La grâce brille en ceci, qu’il choisit
encore Juda (Ps. 78:68).
Remarquez comment la personne
divine du Seigneur apparaît ici. « Jérusalem, Jérusalem… que de fois
j’ai voulu rassembler tes enfants… ! » Un prophète ne pouvait pas
parler ainsi Christ était un prophète, mais plus qu’un prophète il était l’Éternel,
et l’Éternel seul pouvait rassembler Israël : « Celui qui a dispersé
Israël le rassemblera » (Jér. 31:10). Israël,
placé sous sa responsabilité, avait rejeté l’Éternel ; mais l’Éternel le
reconnaîtra quand il viendra en grâce souveraine. Qu’elles sont merveilleuses
les voies de sa grâce ! Les circonstances par lesquelles il passa, dans sa
course ici-bas, manifestaient d’une manière bien plus glorieuse qui il était,
qu’un texte quelconque le
déclarant expressément, quelque important que soit ce texte en son lieu.
Supposons, en effet, que vous croyiez qu’il y a un Dieu : si ce Dieu
descendait et venait se placer à côté de vous, disant : « Je suis »,
ne serait-ce pas autre chose ? Christ était l’homme humilié tout le long
de sa vie ici-bas, car il était toujours le serviteur de tous ; cependant,
son service étant accompli et rejeté comme inutile, sa gloire resplendit. « Avant
qu’Abraham fût, je suis
» (Jean
8:58). Voyez dans notre chapitre, la liaison entre les versets 33, 34 et 35,
comme exemple de ce que je viens de dire. Combien de fois « j’ai voulu
rassembler tes enfants… Voici, votre maison vous est abandonnée… ; et
vous ne me verrez point jusqu’à
ce…
que vous disiez : Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ». Le
psalmiste se plaint de ce qu’il n’y ait personne pour dire : « Jusques
à quand ? » c’est-à-dire pour compter sur la fidélité de Dieu envers
son peuple (voyez Ps. 74:9). Cette expression : « Jusques à quand ? »
se retrouve souvent dans les Psaumes ; on la rencontre aussi dans Ésaïe, chapitre 6 ; elle a trait au châtiment, non pas
à la rétribution. Jusques à quand Israël bronchera-t-il et sera-t-il en chute ?
(Rom. 11). Au chapitre 6 d’Ésaïe, le prophète ayant
prononcé ces paroles : « Engraisse le coeur de ce peuple… », rappelées au chapitre 12 de l’évangile de Jean,
s’écrie : « Jusques à quand ? » Il attend par la foi, et
compte sur Dieu ; ayant la pensée de Dieu, il ne peut croire que Dieu
veuille abandonner son peuple ; c’est pourquoi il demande : « Jusques
à quand » le châtiment doit-il durer ?
À cette question le Seigneur
répond : « Jusqu’à ce que… et que le sol soit réduit en entière
désolation… Mais il y aura encore là un dixième… la semence sainte en sera
le tronc ». La sève est encore là, quoiqu’il n’y ait point de feuilles.
Ainsi, dans le Psaume 118:18 : « Jah m’a
sévèrement châtié, mais il ne m’a pas livré à la mort ». De la même
manière encore le Seigneur ne dit pas : Votre maison vous est abandonnée,
c’est pourquoi vous ne me verrez plus ; mais il dit : « Vous ne
me verrez point jusqu’à
ce
qu’il arrive que vous disiez :
Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ». Il peut, étant l’Éternel,
répondre en grâce à la question posée ; et quand il donnera la repentance
à Israël, alors il enverra Jésus que jusqu’à ce jour-là le ciel a reçu (comp. Actes 3:19-21). En attendant, notre association avec
Jésus est introduite. Le prophète ne parlait que de choses terrestres, quoique
divines ; mais quant à l’Église il est dit : « Frères saints,
participants à l’appel céleste » (Héb. 3:1),
et : Il « nous a vivifiés… et nous a ressuscités ensemble… et
nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes dans le Christ Jésus »
(Éph. 2:5, 6). Cela
donne de la sécurité. Comment avons-nous été amenés là ? Par Christ. C’est
Lui qui nous en donne le droit. Mon désir est de bien connaître ces choses,
savoir que je suis un avec Christ dans le ciel, ayant cette part éternelle
scellée sur mon âme par le Saint Esprit qui veut m’en faire jouir toujours
davantage.
Quand Israël sera amené à la repentance, « la pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée » sera le sommet de l’angle ; et en la reconnaissant, le peuple dira : « Célébrez l’Éternel ! car il est bon, car sa bonté demeure à toujours » (Ps. 118:22-29). Hélas ! ils en recevront d’abord un autre ; mais quand leurs coeurs étant changés, la grâce opérera, ils useront des paroles du Psaume 119, et trouveront l’expression de la loi au-dedans de leurs coeurs ; leur foi sera exercée et leurs coeurs brisés seront ouverts pour le recevoir ; alors il viendra Lui-même à eux. S’il n’y a pas de prophète pour dire : « Jusques à quand » ? L’Éternel lui-même donnera la réponse. Il ne change jamais, et quoiqu’il exécute le jugement et la justice, la grâce se trouve toujours en Lui. Quand le Fils de l’homme viendra, « trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » S’il n’y a ni foi, ni prophète pour dire : « Jusques à quand ? » il y en a Un, qui, dans la souveraineté de sa propre grâce, mettra en réserve dans ses trésors quelque chose que la foi pourra saisir.
Ainsi, nous trouvons l’Éternel dans le Christ humilié, et nous voyons comment il peut s’élever au-dessus de toute iniquité. Combien tout cela nous rend Jésus précieux ! Et nous sommes un avec Lui ! Puissions-nous apprendre de Lui, et ainsi le suivre, nous souvenant que tout ce qui est en dehors du chemin étroit n’est que la chair et le mal !
Ce chapitre nous présente la
justice distributive de Dieu ; il nous la montre d’abord en rapport avec
les saints, comme conséquence de leur conduite envers Dieu, et de la place que
chacun prendra en vue de ce qui lui sera dispensé. Ensuite, nous trouvons la
responsabilité en relation avec la grâce, avec la position morale de l’âme,
parce que la grâce lui a été présentée : mépriser la grâce de Dieu comble
la mesure du péché de l’homme. Mais c’est de la présentation
de la grâce qu’il est question ici, chose différente
de la possession.
Les conséquences du
mépris de la grâce sont mises en évidence chez ceux qui refusent de venir au
souper.
Le Seigneur en mettant fin à
la dispensation de la loi ramène toujours le sujet du sabbat.
La question était celle-ci : l’homme, comme homme,
pouvait-il trouver du repos auprès de Dieu ? L’homme pouvait-il jamais
entrer dans le repos de Dieu ? Nous savons, quoique la date exacte de la
chute nous reste cachée sans doute, que l’homme rompit le repos de Dieu
immédiatement (Gen. 3), et que, peut-être, le jour
même où il aurait dû se reposer, il mangea du fruit défendu : l’homme n’entra
jamais dans le repos de Dieu. Maintenant il s’agissait de savoir comment
on y entrait, par sa propre
oeuvre ou par l’oeuvre de Christ ? C’était un caractère essentiel du repos
après la création, qu’il se trouvait placé après les six jours de travail,
comme Dieu s’était reposé au septième jour ; et ainsi plus tard, lorsque
les ordonnances légales furent données, le sabbat devint un signe de l’alliance
(Ex. 31:17 ; comp. 20:8-11). Quand Christ vint,
il rompit constamment le sabbat, pour montrer que le péché n’étant pas ôté, il
fallait qu’il travaillât. Il
ne
pouvait pas se reposer,
le sabbat
étant le signe que le repos de l’homme se trouvait après le travail, et la loi
ayant témoigné que toujours l’homme rompait cette alliance. Le Seigneur fait
peser sur la conscience des docteurs et des pharisiens le poids de leur péché,
en leur montrant qu’il fallait qu’il travaillât, si eux devaient avoir du
repos. « Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille »
(Jean 5:17). Si l’homme avait gardé la loi, il aurait eu droit au repos ;
mais il ne l’accomplit pas, ni ne pouvait l’accomplir (Rom. 8:7). Tout ce qui
était le signe du repos de Dieu pour l’homme, après le travail, a manqué ;
mais il reste un repos pour le peuple de Dieu (Héb.
4). Le sabbat continue comme signe ; et tous les prophètes ont rappelé
Israël à son observation (voyez És. 56:2-6 ;
58:13 ; Jér. 17:21 et suiv. ;
Ézéch. 20:11 et suiv.) ; mais le peuple n’entra
pas dans le repos. Paul, dans l’épître aux Hébreux (ch. 4), raisonnant sur ce point,
dit : « Nous qui avons cru, nous entrons dans le repos ». Mais
dans Canaan, le repos nominal, les ancêtres n’entrèrent pas, sauf le très petit
nombre des fidèles ; et ceux-ci même ne trouvèrent pas le repos, car s’ils
y étaient entrés, Dieu n’eût pas parlé d’un autre jour, comme il le fait par la
bouche du psalmiste, disant : « S’ils entrent dans mon repos ! »
— « Si », veut dire : « ils n’entreront pas ».
Les choses étant ainsi, le
sabbat n’était pas le repos : il était bien toujours le signe du repos,
mais non pas un repos réel. Tout espoir était perdu pour l’homme d’entrer dans
le repos de Dieu : il faut qu’il y entre maintenant sur un tout nouveau
principe, par la foi, et non par les oeuvres. Quand le Messie vint, il aurait
apporté le repos au peuple ; mais l’homme ne voulut pas de Lui, comme nous
le voyons ici. L’homme ne pouvait
pas
entrer dans le repos de Dieu par la loi, et il n’a pas voulu
y entrer par la grâce ;
et ce fait démontre que l’homme a absolument rompu avec Dieu. Si j’ai été amené
à Dieu, j’ai trouvé le repos, et je n’ai pas besoin d’aller plus loin pour le
chercher. J’ai mon repos en Dieu lui-même, car la grâce, non pas la loi, m’a
donné une capacité de jouir de ce que Dieu
est.
Mais quand la créature eut rompu le repos de son Créateur, toute
relation entre elle et Lui était désormais impossible. Le péché est venu et a
placé Dieu vis-à-vis de moi dans la position de Juge, et il ne peut pas y avoir
de lien de coeur entre un juge et un criminel. Si Dieu me juge comme pécheur,
la seule parole que j’aie à attendre de Lui est : « Allez-vous-en
loin de moi, maudits » (Matt. 25:41). C’est pourquoi tout ce que l’homme
peut dire, c’est : Seigneur, « n’entre pas en jugement avec ton
serviteur, car devant toi nul homme vivant ne sera justifié » (Ps. 143:2).
Il y a, entre un père et un enfant, un lien qui les met en relation l’un avec
l’autre ; mais ce lien est une chose nouvelle. Il faut, s’il doit y avoir
du repos, que tout soit placé sur un terrain nouveau, car il n’y a pas de repos
dans l’ancienne création.
Au chapitre 15, nous voyons
la grâce à l’oeuvre pour donner du repos : le Berger apporte la brebis
dans sa maison ; dans le chapitre qui nous occupe, nous avons devant nous
un cas de misère humaine, un homme hydropique. Christ dit : « Est-il permis
de guérir, un jour de sabbat ? » Et ils se turent. Alors il en
appelle à eux-mêmes : « Qui sera celui de vous, qui, ayant un âne ou
un boeuf, lequel vienne à tomber dans un puits, ne l’en retire aussitôt le jour
du sabbat ? Et ils ne pouvaient répliquer à ces choses ». Il n’y
avait ni repos présent, ni espérance de repos, aucune possibilité de repos pour
l’homme comme pécheur, et il ne pouvait pas y avoir de repos pour Dieu,
parce que Dieu ne pouvait pas se
reposer tant que le péché n’était pas ôté. Il n’y avait pas de sabbat pour la
justice, car l’homme n’avait pas de justice ; il n’y avait pas de sabbat
pour l’amour, car l’amour ne pouvait pas se reposer là où il fallait que le
jugement fût exécuté. L’amour pouvait venir et travailler ; mais le travail
n’est pas le repos.
L’homme a perdu sa communion avec
Dieu par son péché, et c’est là une chose bien solennelle : l’homme, par
son péché, a fait de Dieu un Juge.
L’idée
même du jugement liée à l’idée de Dieu démontre que l’homme est un pécheur ;
car il n’y avait aucune nécessité d’association entre le jugement et
Dieu : mais une fois le péché entré dans le monde, il faut que le jugement
suive, car Dieu est saint. Si nous avons été amenés à comprendre qu’il n’y a
point de relation entre nous, comme pécheurs, et Dieu, nous apprenons quelle
place nous convient, une fois que nous avons foi en la grâce de Dieu.
« Or il dit une parabole aux conviés, observant comment ils choisissaient les premières places. » La nature recherche « les premières places ». Le monde qui n’a pas de rapports avec Dieu trouve son plaisir à glorifier le « moi » et à exclure Dieu. Le « moi » trouve pour le « moi » ce qu’il aime, et oublie Dieu. L’homme s’élève toujours contre Dieu, se recherchant lui-même et tout ce qui peut satisfaire son « moi ». Il ne pense pas agir ainsi, car il prétend ne faire qu’user de ses facultés. Mais c’est ce qu’Adam fit pour se cacher de devant Dieu. Et nous, n’usons-nous pas de nos facultés pour nous complaire à nous-mêmes, plutôt que d’en user pour Dieu ? Pendant que le Maître est absent, les serviteurs s’en vont chacun son propre chemin et font leur propre volonté. Un homme est naturellement froissé quand on l’humilie et qu’on le méprise ; la chair n’aime pas à être mise de côté ; mais cette recherche d’une place est au fond en rechercher une là où Christ n’en eut point. C’est pourquoi : « Quand tu seras convié, va et assieds-toi à la dernière place ».
Les versets 8-11 nous disent
le secret de cette parabole ; ils dirigent le coeur
vers le Maître,
vers
« celui qui t’a convié ». Si j’ai le sentiment que je suis un
pécheur, et que par conséquent je ne mérite aucune place, je n’en prendrai
point, mais j’attendrai que Dieu m’en donne une. J’aurai de la gloire en
vérité, quand Dieu me donnera une place. La question est de savoir ce qu’il me
donne. Tournez vos yeux vers Dieu, et, vous en remettant à Lui, recherchez la
dernière place comme Christ le fit. Il ne vous servira de rien de dire que vous
ne recherchez pas une place dans le monde : la grande affaire, c’est que
votre coeur reste attaché à la place de Dieu dans le monde. Le regard étant
ainsi fixé sur Dieu, le moi est oublié ; autrement, on pense au manque
d’égards dont on est l’objet ; et ainsi ni la foi, ni la grâce ne sont en
exercice. Si je savais me tenir pour rien, je serais parfait.
L’homme qui invitait les conviés, apprécie. justement chacun et l’honneur qui leur est dû : les
places de l’évangéliste, du pasteur, de l’apôtre, seront toutes ordonnées par
Dieu. Quand Dieu donne une place, c’est une place de puissance et de proximité
de Lui ; mais quand un homme prend une place pour lui-même, c’est une
place de faiblesse et d’éloignement de Dieu, parce que le moi
est l’objet de sa recherche.
Il faut aussi nous tenir en
garde contre le simple refus de prendre une position dans le monde, parce que
nous savons que ce serait mal pour des serviteurs de Celui qui a été rejeté.
Une estimation légale de ce qui est bien ou mal ne peut jamais tenir bon.
Une chose peut être très
juste et bonne ; mais il n’y a pas de stabilité dans sa poursuite, parce
qu’il n’y a pas de puissance pour soumettre la chair,
quand on fait seulement ce qu’on sait être bien. Il y avait
avec la loi le sentiment de l’obligation ; mais la loi ne plaçait pas un
objet devant le coeur pour l’attirer ; elle n’amenait pas Dieu à moi, ni
ne m’amenait à Dieu. Mais il y a de la stabilité quand nous savons que nous ne
sommes rien devant Dieu, et que Dieu est tout. Plusieurs ont commencé avec
beaucoup d’énergie et ont pris une certaine place, bonne en elle-même ;
mais là où le légalisme était la source de l’activité, il n’y a pas eu de
persévérance, car ce qu’on entreprend sous la loi, on le perdra certainement
dans la chair. Quand Dieu est l’objet du coeur, la dernière place ici-bas
suffit. Lui-même nous conduit en avant ; qu’il s’agisse de n’importe quoi,
si les pensées et les affections sont tournées vers Lui, ce qui était pénible
d’abord n’est plus un effort à mesure que j’avance. L’amour divin qui m’attira
et me donna de la puissance au commencement pour prendre cette position, brille
d’un plus vif éclat à mesure qu’il est mieux et plus longuement connu ; et
ce que j’accomplissais d’abord en tremblant, devient facile à mesure que le
courage s’accroît.
La seule chose qui puisse me rendre capable de marcher ainsi, c’est d’avoir Christ pour objet ; et je serai heureux dans la mesure où je l’aurai devant moi. Il y aura toujours mille et une choses pour me vexer, si le « moi » a de l’importance ; mais ces choses ne me vexeront nullement, si le « moi » n’est pas là pour être vexé. Les convoitises de la chair ne me tourmenteront pas, si je marche avec Dieu. Que de contrariétés et d’embarras nous rencontrons quand nous ne marchons pas avec Lui et que nous ne pensons qu’à nous-mêmes ! Il n’y a pas de plus grande délivrance que d’en avoir fini avec soi et de n’avoir pas d’importance à ses propres yeux. Alors on peut être vraiment heureux devant Dieu.
Si nous regardons à Christ, nous apprenons deux choses : d’abord, qu’il s’humilia lui-même à cause du péché du monde qui l’entourait ; ensuite, que le monde fit tout ce qu’il put pour l’humilier, car plus Christ s’abaissait, plus les hommes cherchaient à l’accabler.
Personne ne se met en souci
des autres ; en sorte que si quelqu’un ne prend pas soin de lui-même, il
peut être assuré d’être placé très bas. Nos coeurs aussi sont assez rusés pour
que nous soyons disposés à nous humilier si par là nous pouvions gagner quelque
chose, ne fût-ce que l’approbation des hommes. D’un autre côté, si, dans le
sens ordinaire du mot parmi les hommes, nous cherchons simplement à imiter
Christ s’humiliant, ce ne sera
qu’un effort légal, sans puissance et sans durée. « Qu’il y ait donc en
vous cette pensée
qui a été aussi
dans le Christ Jésus » (Phil. 2). Il s’anéantit lui-même, il se dépouilla
de sa gloire pour devenir homme ; en le faisant, il laissa la gloire du
Père pour devenir un homme : c’était un grand abaissement, mais ce n’était
pas tout : étant en figure comme un homme, il s’abaissa jusqu’à la mort,
la mort même de la croix.
Le même principe est placé
devant nous dans le chapitre de Luc qui nous occupe. « Celui qui s’abaisse
sera élevé. » La vraie humilité consiste en ceci, qu’on soit prêt à servir
chacun et qui que ce soit ; quoique ce service puisse paraître infime aux
hommes, il est au fond très élevé, étant le fruit de l’amour divin
opérant dans nos coeurs. Dieu,
par ce moyen, nous dépouille de
notre égoïsme. La seule chose qui soit digne d’être recherchée dans le monde,
c’est ce service, — à moins que ce ne soit la jouissance de la communion de
Dieu. Nous devrions être prêts à servir nos ennemis : « Celui qui
s’abaisse sera élevé ». Être humilié n’est pas la même chose que
s’humilier soi-même et ne pas le faire devant ceux qui nous honoreront d’autant
plus que nous serons humbles. Paul pouvait dire de lui et d’autres : « Nous-mêmes…
vos esclaves pour l’amour de Jésus » (2 Cor. 4). Il sentait qu’ils
avaient, lui et ses compagnons, le droit de servir en grâce ; et selon la
proportion dans laquelle il prit la place d’humilité, il sera élevé dans le
jour qui vient.
Le Seigneur parle maintenant
de celui qui convie, après avoir parlé plus haut des conviés ; mais il
s’agit du principe d’après lequel on fait des fêtes. « Convie les pauvres,
les estropiés, les boiteux… ; et tu seras bienheureux, car ils n’ont pas
de quoi te rendre la pareille ; car la pareille te sera rendue en la
résurrection des justes. » Le Seigneur les transporte tous de nouveau hors
du monde au moment où ils rencontreront Dieu, et il veut qu’ils y trouvent un
principe dirigeant pour leur activité ; les disciples ne doivent pas agir
en vue d’obtenir une récompense ici-bas, mais ils doivent attendre le moment où
ils rencontreront le Seigneur, car ce n’est pas avant le retour du Maître que
les esclaves reçoivent leur salaire. Il ne s’agit pas ici de salut, mais de
rémunération du service. « La pareille te sera rendue en la résurrection
des justes
. »
Remarquez ici que le Seigneur présente les justes comme une classe particulière de personnes. La résurrection n’est pas une résurrection commune à tous : l’Écriture n’en connaît pas de pareille ; elle ne confond pas, dans un autre monde, ce que Dieu a séparé dans ce monde-ci. La grâce a séparé le croyant, en sorte qu’il est maintenant ressuscité dans son âme ; mais le fidèle ne reçoit pas sa récompense de serviteur avant « la résurrection des justes ». Un pécheur est vivifié ici-bas, quoique non manifesté judiciairement, parce que nous sommes dans une dispensation de foi et que notre part est dans la gloire.
Il n’y a pas, je le répète,
de résurrection générale
pour les
justes et les méchants indistinctement ; mais il y a « la première
résurrection » dans laquelle Dieu sépare en puissance
ceux qu’en grâce
il a fait siens. C’est « la résurrection d’entre les morts » qui
excitait tant d’étonnement au milieu des Juifs. Les pharisiens pouvaient
enseigner la résurrection, quoique les sadducéens la niassent ; on croyait
généralement à une résurrection ; Marthe nous le dit : « Je sais
qu’il ressuscitera en la résurrection, au dernier jour ». Mais les Juifs
ne pouvaient pas comprendre la puissance divine entrant dans la maison de Satan
et retirant les justes morts
d’entre
tous les autres morts. Jésus répond à Marthe : « Moi, je suis la
résurrection et la vie », — parlant de la puissance vivante qui visite un
homme quand il est dans un état de mort et qu’elle l’en fait sortir. Les Juifs
ignoraient entièrement la séparation qu’opérait la résurrection des uns pour la
vie et la résurrection des autres pour le jugement (Jean 5:28, 29 ; comp. Apoc. 20).
Le maître de la maison
manifestera son approbation du fidèle serviteur. Il y aura des degrés de gloire
donnés selon le service accompli par chacun : non pas que personne soit
jamais sauvé
pour ce qu’il a fait,
mais le service de chacun sera rémunéré, quel que soit le fruit que le Saint
Esprit, opérant en moi, aura produit en réponse au désir de Christ, car c’est
un service dont je ne pourrais accomplir un seul atome sans sa puissance. Dans
ce grand fait se trouve également la réponse de Dieu selon ses conseils, comme
nous l’apprennent les paroles du Seigneur à la mère des fils de Zébédée : « Vous boirez bien ma coupe ; mais
de s’asseoir à ma droite et à ma gauche, n’est pas à moi pour le donner, sinon
à ceux pour lesquels cela est préparé par mon Père » (Matt. 20:23). Le
service de l’amour n’est jamais influencé par la récompense. Elle n’est pas
placée devant l’âme comme motif
pour
faire quoi que ce soit : mais quand nous rencontrons des difficultés dans
le chemin du service, la couronne est placée devant nous pour nous encourager à
persévérer. Il en a été ainsi pour Christ lui-même qui, à cause de la joie qui
lui était proposée, « a enduré la croix, ayant méprisé la honte » (Héb. 12:2). De même pour Moïse : il estima l’opprobre
de Christ un plus grand trésor que les richesses de l’Égypte, car il avait
égard à la rémunération (Héb. 11:26). Si la
récompense, non l’amour, était la source de notre service, cela ne nous
attirerait-il pas avec raison cette réponse : Prends ton argent et t’en va ?
Mais quand on a rompu avec le monde, on ne peut attendre aucune récompense de
ce côté-là, et c’est une aussi grande délivrance que celle qui affranchit du « moi ».
Voyez maintenant comment la grâce, quand elle est introduite, est rejetée. Le souper était prêt ; les conviés étaient invités, mais ils ne veulent pas venir. Le Seigneur avait parlé auparavant du royaume, et il montre ici ce que coûterait la réception du royaume. Tout est prêt maintenant ; — mais les hommes s’excusent. Ils ne se soucient pas assez du souper pour laisser leurs boeufs, leur champ, etc. Le souper était dans les pensées de Dieu depuis le commencement, et il devait avoir lieu quand l’Éternel vint chez les Juifs comme leur Messie, à la fin de leur histoire ; mais ils le rejetèrent, parce qu’ils ne se souciaient pas de Lui. Ce n’étaient pas leurs péchés qui les excluaient du souper, car Dieu était en Christ réconciliant le monde avec Lui-même, ne leur imputant pas leurs péchés. Ce n’était pas non plus que le champ, les boeufs, la femme fussent en eux-mêmes un mal ; mais ils le devenaient pour ceux qui étaient attachés à ces choses de manière à leur faire mépriser le souper. N’en est-il pas exactement de même maintenant ? Quel mal y a-t-il à ces choses, direz-vous ? Si elles ont occupé votre coeur et vous ont fait mépriser Dieu, — voilà le mal ! Il n’y avait pas un seul lien de coeur entre Christ et le peuple qu’il était venu visiter, et c’est pourquoi ils rejetèrent le souper. C’est là aussi une pierre de touche constante pour nos ames. Il ne s’agit pas seulement de savoir si une chose est bonne ou mauvaise, mais quelle saveur les choses de Christ ont pour nos coeurs quand nous jouissons de tel ou tel objet. Il s’agit peut-être de quelque chose de très petit. Si nous trouvons que la lecture d’un livre rend la manifestation de Christ moins précieuse pour nous, nous nous sommes écartés de Dieu et nous ne pouvons pas dire où le pas suivant nous conduira. Satan nous séduit souvent de cette manière. L’âme est mise à l’épreuve chaque jour, afin qu’il soit manifesté si les choses qui sont révélées par Dieu en Christ ont assez de pouvoir sur nous pour engager nos coeurs ; mais si d’autres objets se sont placés entre nous et les choses de Christ, quand nous aurons besoin de la jouissance de celles-ci, nous ne l’aurons pas, et il deviendra ainsi évident combien nous nous sommes écartés de Dieu. Quand un objet, quel qu’il soit, vient prendre place dans votre âme et vous ôte la fraîcheur de Christ, prenez garde ! Car si boeufs ou champs, ou femme, préoccupent vos coeurs, lorsque vous auriez l’occasion de jouir des choses de Christ, vous ne pourrez goûter celles-ci.
Au verset 21, le Seigneur s’adresse aux « pauvres du troupeau », à ceux qui n’ont pas de couple de boeufs et qui se réjouissent de la fête. Les sacrificateurs et les chefs des Juifs ont reçu la première invitation, mais ils l’ont rejetée ; alors le Maître de la maison envoie dans les rues et dans les ruelles pour amener les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles du peuple ; mais la maison n’est pas encore remplie. Le Maître envoie donc hors de la ville, dans les chemins, le long des haies, et il contraint les gens d’entrer, afin que la maison soit remplie : c’est des gentils qu’il est question ici. Luc, dans son évangile, distingue « les pauvres du troupeau » d’avec les gentils, tandis que Matthieu, dont le point de vue est juif, ne fait pas mention des deux classes comme étant distinctes. La salle des noces « remplie de gens qui étaient à table » (Matt. 22:10), comprend les gentils, introduits après que les Juifs ont été amenés à la bénédiction.
Remarquez aussi l’humilité du
serviteur et la patiente grâce du Maître qui va jusqu’au bout ; il ne peut
se reposer avant que la maison soit remplie. Quelle persévérance de la part de
Dieu ! Nous sommes appelés à poursuivre notre course dans le même esprit.
Il en coûte beaucoup de persévérer toujours en dépit de tous et de tout ;
faire ainsi atteste la présence de la puissance divine en nous, car la grâce de
Dieu est infatigable. À côté de cela, sans doute, nous trouvons le jugement,
car il est dit : « Aucun de ces hommes qui ont été conviés ne goûtera
de mon souper » ; mais le fait que Dieu agit ainsi nous montre quelle
humilité nous devrions avoir, pour ce qui nous concerne, et quelle grâce envers
les autres, quels qu’ils soient, et combien tout
doit reposer sur ce grand et unique fait que toutes les relations de l’homme
avec Dieu sont momentanément brisées, et que si vous entreprenez réellement de
suivre Christ dans un chemin comme celui-là, vous devez calculer la dépense.
C’est très bien de voir cette grâce et de l’admirer, mais il n’y a aucune
puissance pour y persévérer si le coeur n’est rempli de l’amour que donne
l’établissement d’une nouvelle relation avec Dieu. Il faut qu’il y ait un lien
de coeur avec la chose nouvelle, et que Christ ait assez de puissance dans nos
coeurs pour nous donner le pouvoir de rompre avec les choses anciennes.
De grandes foules sont
attirées à l’ouïe d’une pareille grâce, et Jésus leur dit ce qu’implique la
position de disciple. Peut-être y a-t-il ici une allusion à Michée 7:5, 6 ?
Il faut pour Christ faire le sacrifice de ses amis, de tout, peut-être ;
car la question est : Abandonnerai-je Dieu ? Mais comment ? Vous
dites qu’il faut tout abandonner, la vie même ? — Oui, tout ; car
dans cette vie vous êtes associés avec le monde, et il faut que vous renonciez
au monde aussi, si « Moi
»
je suis en question. Vous ne pouvez avoir deux coeurs, un coeur pour le monde,
et un coeur pour moi, dit le Seigneur
Je tremble quand je vois des
personnes qui n’ont pas calculé la dépense, se mettre en route, professant de
suivre Christ. Il est selon les voies de Dieu de placer la barrière là où l’on
entre dans le chemin. Si vous pouvez franchir la barrière, vous pourrez le
suivre. L’obéissance légale ne tiendra pas ; ce qu’il faut, c’est de suivre
Christ. Si Lui est là, le chemin
est heureux et facile, mais il est enserré de haies. Si Christ n’y est pas avec
vous, vous n’aurez que trouble et difficulté.
Le « sel », c’est
la grâce en énergie spirituelle, les saints étant les témoins, dans le monde,
de la puissance de l’amour sanctifié au lieu qu’ils le soient de l’égoïsme. Le
sel est le principe consacrant de la grâce ; quand le sel a perdu sa
saveur, avec quoi salera-t-on ? Le sel est la grâce envisagée comme la
sainte séparation pour Dieu plutôt que sous les traits de la bonté et de la
débonnaireté, quoique assurément ces traits soient aussi inséparables de la
grâce. « Si le sel… a perdu sa saveur, avec quoi l’assaisonnera-t-on ? »
Si j’ai de la viande sans sel, je peux la saler ; mais si le sel n’a pas
de saveur, que ferai-je ? Quelle image nous avons ici d’une église non
spirituelle et d’un saint non spirituel ! Ils sont semblables à la vigne
qui représentait Israël et qui n’a été bonne que pour déshonorer le Seigneur,
son possesseur, et pour être détruite. La miséricorde, il est vrai, peut nous
relever, mais comme saints nous devrions avoir la saveur de Christ. Tout ce qui
affaiblit l’attachement du coeur à Christ détruit la puissance. Ce n’est pas le
péché grossier attirant sur lui la discipline et le jugement qui a cet effet ;
mais ce sont les petites choses de la vie de chaque jour que nous sommes portés
à placer avant
Christ. Quand le monde
se glisse dans le coeur, le sel a perdu sa saveur, et nous montrons qu’un
Christ rejeté a peu de puissance à nos yeux.
Que le Seigneur nous garde avec Christ dans un chemin où tout est lumière et bénédiction. Si nous avons laissé le voile trompeur de ce monde se placer devant notre vue spirituelle et cacher Christ à nos yeux, Christ seul peut lever le voile et nous rendre la vue.
Nous avons vu le Seigneur
mettre en évidence sa propre réjection, suivie, en grâce, d’un ordre de choses
absolument nouveau. L’Église introduite plus tard n’est pas un « siècle »
proprement dit, mais un épisode céleste entre deux « siècles ».
L’Écriture nous parle de trois « siècles » : le siècle qui a
précédé la loi, celui de la loi, et celui du millenium. Christ naquit sous la
loi ; et ce siècle n’a pas encore pris fin. Les disciples
demandaient : « Quel sera le signe de ta venue et de la consommation
du siècle ? » (Matt. 24:3). Le siècle dont ils parlaient était celui
où Christ était présent sur la terre ; mais Christ fut rejeté et le siècle
fut interrompu ; c’est pourquoi, s’adressant avec force à ses disciples,
il leur commanda de ne dire à personne qu’il fût le Christ,
disant : « Il faut que le Fils de l’homme
souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté » (Luc
9:21, 22). Et plus tard, il dit : « Vous ne me verrez point jusqu’à
ce qu’il arrive que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du
Seigneur » (Luc 13:35). Nous chrétiens, qui faisons partie de l’Église de
Dieu, et qui n’avons proprement rien à faire avec la terre, nous ne sommes en
aucun sens un « siècle », mais nous sommes un peuple céleste uni à
Christ glorifié pendant l’interruption du siècle, et nous remplissons l’espace
de temps qui sépare le moment où le Seigneur a abandonné les Juifs de celui où
il reviendra à eux. L’olivier de Romains 11 a quelques-unes de ses branches
coupées, et d’autres ont été greffées sur lui : c’est un arbre qui a sa
racine dans la terre,
et qui, par
conséquent, ne peut rien avoir à faire directement avec l’Église dans le ciel.
Quelques-unes de ses branches ont été coupées, et quelques-unes ont été
laissées ; mais, on ne pourrait jamais parler ainsi de l’Église, le corps
uni à la Tête qui est Christ à la droite de Dieu. L’Église, sans doute, occupe
une certaine position et remplit un certain espace de temps, mais elle les
occupe pendant la suspension du siècle auquel Christ vint. Notre caractère est
d’appartenir à ce qui est au-dessus et au-delà de tout ce qui appartient à ce
monde : la grâce nous a placés là, et la grâce n’est pas d’ici-bas, mais
du ciel.
Au chapitre 15, le Seigneur
s’élève complètement au-dessus de la dispensation juive, pour manifester
pleinement la nature de Dieu (qui est amour) dans l’Évangile. À la fin du
chapitre 14, il s’était occupé du système professant et de sa
responsabilité : « Le sel… est bon » ; mais si le sel est
devenu insipide, il n’est plus bon à rien, montrant ainsi ce que l’homme
est. Au chapitre 15, les
publicains et les pécheurs viennent, et nous trouvons la manifestation de ce que
Dieu
est : Dieu s’occupe de
l’homme perdu, en grâce. C’étaient des pécheurs, qui confessaient leurs péchés,
venaient à la repentance, et justifiaient Dieu : « La sagesse a été
justifiée par tous ses enfants ». Dieu est justifié dans ses voies, soit
par la condamnation, soit par le salut d’un pécheur. Les publicains et les
pécheurs justifiaient Dieu, étant baptisés par Jean, tandis que les pharisiens
rejetaient contre eux-mêmes le conseil de Dieu. Tout ce qu’il fallait pour que
Dieu fût justifié, c’est qu’il se montrât Lui-même ; et c’est là ce que le
Seigneur fait maintenant : il manifeste ce que Dieu est en grâce, donnant
ainsi à ce chapitre une fraîcheur et une plénitude toujours nouvelles pour nos
âmes, car le coeur qui a été réveillé y est toujours ramené.
Au chapitre 16, Christ montre
la responsabilité de ceux dont Dieu s’occupe ainsi. La terre a été donnée aux
enfants des hommes, et Dieu en attendait du fruit : il s’est occupé de
l’homme d’abord au point de vue de ce qu’il aurait dû être sur la terre ;
mais l’homme a failli entièrement.
Alors
Dieu fait autre chose : il manifeste la
grâce parfaite,
une grâce entièrement indépendante de ce qu’est l’homme, et
revêtant un caractère absolument céleste. L’amour divin en est la source :
révélant le ciel, elle met l’homme en rapport avec le ciel ; et ceux
qu’elle visite doivent être un peuple céleste. Pourquoi ? — Parce que ce
monde s’est entièrement détourné et éloigné de Dieu et qu’il est devenu le « pays
éloigné ». Ses richesses n’ont donc aucune valeur ; elles sont au
contraire un grand empêchement, à moins qu’on n’en use d’une manière céleste,
telle que le chapitre 16 nous l’enseigne. Le chapitre 15 nous montre le pécheur
appelé par la grâce ; le 16° nous apprend ce que celui qui est appelé doit
être comme homme céleste. Ce monde est une scène de péché ; ce qui s’y
rattache est la misère, et non la bénédiction (voyez l’histoire de l’homme
riche et de Lazare). Adam avait une place dans ce monde, Israël de même ;
mais tout cela a pris fin, et la grâce est venue, introduisant ceux qui en sont
les objets dans un état de choses entièrement nouveau. Christ justifie Dieu.
Dieu étant amour, c’est sa joie de manifester la grâce aux pécheurs. Il ne
s’agit pas ici de la joie de ceux que Dieu ramène, mais de la joie de Dieu en
ramenant le pécheur à Lui. Cette joie de la grâce donne au ciel son
caractère : c’est là que « il y a de la joie » au sujet du
pauvre pécheur ramené.
Je ne doute pas que le
Seigneur ne nous donne dans les trois paraboles du chapitre 15 le développement
des voies de la Trinité.
Dans la
première, le Fils nous est présenté comme le bon Berger s’en allant après la
brebis perdue. Dans la seconde, sous la figure de la femme qui allume sa lampe
et qui cherche diligemment sa drachme, Dieu nous présente l’activité du Saint
Esprit et la peine qu’il prend pour faire briller un témoignage au milieu de ce
monde de ténèbres. La troisième nous apprend comment le Père reçoit le pécheur
repentant quand celui-ci est ramené. Dans cette dernière, nous pouvons voir l’oeuvre
de Dieu dans le pécheur ;
dans
les deux précédentes, il s’agit de la souveraineté et de l’activité de la grâce
qui va, dans l’amour, chercher ce qui était perdu, et ramène le pécheur sans
que celui-ci ait aucune part à cette oeuvre. L’énergie persévérante de l’amour
se trouve dans le Berger lui-même ; le bon Berger est en souci de sa
brebis et ne lui laisse rien à faire pour trouver le chemin de la maison, car
il la prend sur ses propres épaules. La parfaite grâce du Seigneur Jésus
apparaît en ceci, cette grâce dans laquelle il s’est ainsi chargé du fardeau de
chacun de nous, de nos tentations et de nos difficultés, tout le long du
chemin : Christ est le berger et le surveillant de nos âmes (1 Pierre 2).
— Remarquez, au verset 6, le caractère particulier de cette joie du Berger qui
a trouvé sa brebis perdue : « Et, étant de retour à la maison, il
appelle les amis et les voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi,
car j’ai trouvé ma
brebis perdue ».
Où trouver un tableau plus vrai, et une expression plus débordante de la joie
d’une personne heureuse ? La joie déborde toujours.
Dans la seconde parabole,
nous retrouvons le même principe général. La peine que prend le Saint Esprit en
cherchant les pécheurs dans le monde, nous est représentée par les soins que
prend la femme qui est à la recherche de sa drachme : celle-ci ne pouvait
avoir elle-même ni trouble ni joie. La différence entre cette seconde parabole
et la première est celle-ci, que dans la première, le Berger porte tout le
fardeau, tandis que dans la seconde, la peine que prend la femme pour trouver
la drachme perdue montre tout
l’intérêt qu’elle portait à sa drachme. C’est ainsi que l’amour de Dieu agit
envers nous, dans le but de nous tirer de ce monde de ténèbres et de nous
amener à Lui. Quelle oeuvre que celle de ramener le coeur de l’homme à Dieu !
Si tirer le monde du néant par une parole a été quelque chose de grand, le
racheter a été quelque chose de bien plus grand !
L’homme tel qu’il est ne
pouvait jamais revenir à Dieu. Mais voyez ce que Dieu est en Lui-même
; y a-t-il quelqu’un ou quoi que ce soit
qui puisse résister à sa grâce ? — Quoi qu’il en soit, il s’agit de la
joie de celui qui trouve, et non pas de la joie de celui qui est trouvé : « Réjouissez-vous
avec moi
», car j’ai trouvé « ma
brebis » — ma drachme — qui était perdue. — Et quant au fils prodigue qui
retourne vers son père, qui donc fit le festin ? Etait-ce
le jeune homme ? — ou bien était-ce le
père
qui dit à ses esclaves : « Mangeons et faisons bonne chère ;
car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était
perdu, et il est retrouvé » ? Tous les gens de la maison partagent la
joie du coeur du Père, tous excepté le malheureux frère aîné, l’homme à propre
justice (le pharisien, le Juif), auquel le Père répond : « Il fallait
faire bonne chère et se réjouir ; car celui-ci, ton frère, était mort, et
il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ». C’est
donc la joie que Dieu éprouve à recevoir à Lui un pécheur qui se retourne vers
Lui.
L’histoire du fils prodigue à
elle seule ne manifeste pas toute la gloire de la grâce, comme elle apparaît
dans la réunion des trois parties de ce merveilleux chapitre. Dans la première
parabole, je le répète, le Berger se charge de tout le fardeau de la brebis ;
la femme cherchant sa
drachme nous représente la patiente et diligente activité du Saint Esprit.
Avant que le prodigue quittât effectivement la maison paternelle, il s’était
déjà moralement éloigné, et son départ ne fut que la manifestation du péché qui
était dans son coeur. Il était tout aussi coupable quand il demandait la part
de bien qui lui revenait et franchissait le seuil de la maison de son père, que
lorsqu’il mangeait des gousses avec les pourceaux dans le pays éloigné :
il y était sans doute plus misérable,
mais
son coeur s’était déjà éloigné auparavant. Un homme peut aller plus avant qu’un
autre dans la voie du péché ; mais si nous avons tourné le dos à Dieu,
nous sommes entièrement mauvais et corrompus. Dans ce sens, « il n’y a pas
de différence ».
Ève nous présente le même mal
moral : elle abandonne Dieu pour le fruit d’un arbre ; elle pense en
réalité que le diable est un bien meilleur ami pour elle que Dieu, et elle
croit sa parole au lieu de tenir ferme celle de Dieu. Satan est menteur dès le
commencement ; le Seigneur Jésus le démontre à la croix. Il en coûta au
Seigneur sa vie pour établir que Dieu était bon. Christ vint pour contredire le
mensonge du diable cru par l’homme, et sous lequel gît le monde entier. La
grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ ; au prix même de sa vie,
elles furent établies à la croix par Lui. L’homme ne peut se passer de Dieu ;
depuis le commencement, le monde entier a été un mensonge public contre Dieu.
Qui pouvait le démasquer ? Voyez la créature, comme elle est en travail et
soupire sous la servitude de la corruption. Voyez la providence ; si Dieu
est bon, dites-moi comment il se fait qu’un enfant se tord dans la douleur ?
Comment concilier ces deux choses : le méchant prospère, l’homme juste
souffre ? Mais quand je vois Christ sur la croix, j’apprends ce que Dieu
est ! La mort devient le partage de l’homme à cause du péché mais Christ
sans péché prend mon péché sur Lui il s’abaisse jusqu’à la mort de la croix, et
détruit ainsi le mensonge de Satan qui avait dit : « Vous ne mourrez
point certainement » (Gen. 3). Ainsi, la vérité
de Dieu fut rétablie ici-bas dans l’oeuvre et la personne du Seigneur Jésus, et
nulle autre part. En Lui, nous voyons la
sainteté, la vérité et l’amour
, — quoi qu’il dût lui en coûter.
L’homme naturel est
exactement comme le fils prodigue : il dissipe son bien dans le pays
éloigné et s’y ruine. Un homme qui a 5000 fr. de
rente et qui en dépense 20000, peut paraître pour un temps fort riche, mais
quelle est sa fin ? C’est un homme ruiné. — Du moment que l’homme
s’éloigna de Dieu, il se vendit à Satan ; il dépense maintenant son âme et
son coeur loin de Dieu ; il dépense même ce que Dieu lui a donné contre
Dieu ; quand il a tout dissipé
et n’a plus rien pour vivre, il
commence à être dans le besoin.
« Et…
une grande famine survint dans ce pays-là » : tout le monde est
sensible à un pareil état de choses. Tous les pécheurs ne s’enfoncent pas au
même degré dans cette misère qui désirait se nourrir des gousses que les
pourceaux mangeaient ; mais ils sont tous dans le même état de ruine. Tout
homme a tourné le dos à Dieu, quoique tous n’aient pas poussé leurs excès au
même point et qu’ils ne soient pas tombés dans la même dégradation.
La famine ne fait jamais
retourner à la maison du Père. Le prodigue se joignit à l’un des habitants de
ce pays-là, non pas à un habitant du pays de son père. « Il désirait de
remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient ; et personne
ne lui donnait rien. » Satan ne donne
jamais ; on ne donne que là où se trouve l’amour de Dieu, qui
n’épargna pas son propre Fils.
Quand le fils prodigue pense
à la maison de son père, toute l’oeuvre est déjà moralement faite, quoiqu’il
n’y soit pas encore retourné. Il revient à lui-même : son coeur est changé ;
et ainsi tout le désir de son âme est de rentrer dans la maison de son père
qu’il avait abandonnée. Il n’est pas encore arrivé à la pleine liberté de la
grâce, de manière à être en paix et heureux ; il se dit à lui-même : « Je
me lèverai et je m’en irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai
péché… traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Il est amené au
sentiment de son péché, et qu’était-ce que son péché ? De manger les
gousses des pourceaux ? Non, cette misère était le fruit de son péché ;
ce dont il était coupable, c’était d’avoir abandonné la maison de son père, de
s’être détourné de Dieu. Revenu à lui-même, il désira retourner chez son père,
et c’était assurément un désir juste et bon ; mais la forme que ce désir
prenait dans son esprit, par le fait qu’il ne connaissait pas encore la grâce,
était légale : « Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils
; traite-moi comme l’un de
tes mercenaires ». Mais le père ne le laisse pas achever ; quand il
paraît, il n’est plus question de mercenaires ; car « comme il était
encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et, courant à lui, se
jeta à son cou et le couvrit de baisers ». Il n’eût pas pu être un
mercenaire avec les bras de son père autour de son cou : les sentiments du
père,
sinon ceux du fils,
en eussent été dénaturés. C’était
la joie du Père de recevoir ainsi le pécheur, et seule la connaissance de cela
apporte la paix dans l’âme. Si quelqu’un ne connaît pas l’amour, il ne connaît
pas Dieu, car Dieu est amour (1 Jean 4:7 et suiv.). La pleine révélation
de Dieu nous est donnée en Christ : « Je suis depuis si longtemps
avec vous, et tu ne m’as pas connu ? » Dieu agit selon la joie et la
satisfaction qu’il éprouve en lui-même, à recevoir le pécheur ; c’est
pourquoi il ne pense pas aux haillons,
mais
au fils
qu’il a retrouvé. Quel droit
le pécheur a-t-il de douter de Dieu quand Dieu satisfait son propre coeur en
laissant déborder son amour envers lui ?
Vous ne trouverez jamais la
paix par le simple fait de retourner en arrière ; mais en apprenant à
connaître la pensée du Père à votre égard. Le fils prodigue aurait-il pu
trouver la paix quand il montait vers son père, si celui-ci n’était pas venu à
sa rencontre ? Non. Tout le long du chemin il se serait demandé :
Comment me recevra-t-il ? Sera-t-il irrité contre moi ? Me
repoussera-t-il ? Et s’il le fait, que deviendrai-je ? « Et
comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et,
courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers. » S’il n’en eût
pas été ainsi, le fils prodigue eût tremblé même en heurtant à la porte. Quand
les bras du père entouraient le fils, le père était-il souillé par ses haillons ?
Non, seulement il ne veut pas que le fils apporte des haillons dans
la maison, mais il en fait apporter
la plus belle robe. Dieu envoie son propre Fils du ciel et revêt le pécheur ;
et ainsi vêtu, le jeune homme pouvait faire honneur à la maison de son père. Si
nous sommes ainsi revêtus de Christ
,
nous ferons honneur à Dieu, et dans les siècles à venir il montrera les
immenses richesses de sa grâce dans sa bonté envers nous en Jésus Christ (Éph. 2:7).
« Et mangeons et faisons bonne chère. » Le père ne dit pas : Qu’il mange et qu’il se réjouisse ! — Et il redit encore une fois : « Il fallait faire bonne chère et se réjouir… »
Il n’y avait qu’une exception à la joie de la maison. Le frère aîné, l’homme à propre justice, était irrité, et ne voulait pas entrer. Dieu avait montré ce qu’Il était en lui-même, par son Fils, en recevant ainsi le prodigue ; maintenant il montre ce que les hommes à propre justice étaient en eux-mêmes. Les pharisiens, nous le savons, murmuraient depuis le commencement ; le frère aîné n’avait aucune communion de pensées avec le père ; car si le père était heureux, pourquoi n’était-il pas heureux, lui ? Il était en colère et ne voulait pas entrer. Si un être aussi vil que ce publicain peut entrer, toute ma justice, pensait-il, est anéantie. Cela est vrai ; car là où est la joie de Dieu, la propre justice ne peut entrer. Si Dieu est bon envers le pécheur, de quel profit est ma justice ? Le frère aîné n’avait point de sympathie avec son père. Il n’aurait pas dû dire : Mon père est joyeux, je dois être joyeux ; il aurait dû être en communion avec sa joie. « Ton frère est venu » : voilà ce qui aurait dû faire vibrer son coeur, mais non, il est étranger à un tel sentiment.
La parfaite patience de la
grâce de Dieu apparaît ici : le père sort et le prie. N’est-ce pas ce que
nous voyons tout le long du livre des Actes ; Dieu suppliant les Juifs
d’être réconciliés, bien qu’ils eussent crucifié son Fils ? De même Paul
(1 Thess. 2:15, 16) dit que les Juifs ont comblé
la mesure de leurs péchés en défendant aux apôtres de parler aux nations, afin
qu’elles fussent sauvées. Tout est égoïsme
dans le fils aîné : « Tu ne m’as jamais donné un chevreau pour faire
bonne chère avec mes amis ». À quoi le père répond : « Mon
enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ». Les
oracles de Dieu, les alliances, les promesses, ont été données aux Juifs ;
mais Dieu ne veut pas, à cause de l’égoïsme et de la propre justice des Juifs
ou de qui que ce soit, renoncer à son droit de montrer sa grâce à des pécheurs.
« Il y avait un homme
riche qui avait un économe ; et celui-ci fut accusé devant lui comme
dissipant ses biens. » L’homme, d’une manière générale, est l’économe de
Dieu ; et, en un autre sens et d’une autre manière, Israël était cet
économe, placé dans la vigne de Dieu, avec la loi, les promesses, les
alliances, le service divin, etc. En toutes choses, Israël a dissipé les biens
de Dieu, et l’homme, envisagé comme économe, a été trouvé entièrement infidèle.
Que faire donc ? Dieu paraît, et dans la souveraineté de sa grâce, il
convertit ce dont l’homme a abusé sur la terre en un moyen de produire du fruit
céleste. Les choses de ce monde étant entre les mains de l’homme, il ne doit
pas en user pour jouir actuellement d’un monde entièrement étranger à Dieu,
mais en vue de l’avenir. Nous n’avons pas à rechercher ces choses maintenant,
mais à en user comme provision
pour d’autres temps : « Faites-vous des amis avec les richesses
injustes… » Il vaut mieux se faire à tout prix un ami pour d’autres
jours, que d’avoir des richesses maintenant. Le crédit de l’ » homme
est détruit ; c’est pourquoi l’homme est maintenant un économe qui a perdu
sa place : « Rends compte de ton administration ; car tu ne
pourras plus administrer ». Il est renvoyé de son administration ; il
a perdu sa place, mais non pas les choses dont il avait l’administration. Il y
a ici quelque chose de meilleur que l’alchimie qui voudrait tout changer en or ;
nous voyons la grâce tournant l’or
lui-même,
cette chose vile qui asservit les coeurs des hommes, en un moyen de manifester
l’amour et d’acquérir des richesses pour le ciel.
À Israël, Dieu dit : Tu
as failli dans ta charge d’économe, c’est pourquoi je vais te mettre dehors. Au
chapitre 15, le frère aîné — le Juif — ne voulait pas entrer ; au chapitre
16, Dieu lui ôte son administration et le met dehors. Pour Adam tout est perdu ;
mais nous avons en grâce un droit d’user d’une manière céleste de ce à quoi
nous n’avons, comme hommes, aucun droit quelconque. « Si donc vous n’avez
pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les vraies ? »
Nos
vrais biens
sont les choses célestes ; les choses d’ici-bas
sont à
un autre ;
et si vous n’usez pas de votre droit en grâce pour
employer en amour ces choses terrestres et temporelles qui ne sont pas vôtres,
comment Dieu vous
confierait-il les choses spirituelles qui sont vôtres ?
Ce qui est nôtre, ce sont toutes les gloires de
Christ ; tout ce qui est à Christ est à nous, car nous n’avons pas été
rachetés par des choses corruptibles, argent
ou or…
Nous avons été rachetés à prix, non
avec de l’argent,
mais
« par le sang précieux de Christ ». Dieu ne nous a pas donné la vie
éternelle pour que nous acquérions des richesses. « Nul serviteur ne peut
servir deux maîtres », et si vous voulez devenir riches, vous ne pouvez
chercher à servir Dieu. Nous avons à faire notre devoir ici-bas, mais ce n’est
jamais notre devoir de servir Mammon et de désirer la richesse.
Maintenant le Seigneur,
poursuivant son discours, montre qu’il y a ces « tabernacles éternels »,
où les grands résultats de ce qui a été fait ici-bas apparaîtront. La chose
vieille s’évanouit, la nouvelle apparaît : le Juif qui refuse de venir à
la fête, perd la loi, en rejetant la
grâce
(voyez chap. 15:18, 19).
« Il y avait un homme
riche qui se vêtait de pourpre… » La pensée est juive ici, et le grand
principe dont il s’agit, c’est que toutes les voies de Dieu, quant à la justice
distributive sur la terre, étaient interrompues, et que Dieu n’agissait
maintenant qu’en grâce.
Le Seigneur
soulève le voile pour montrer le résultat dans un autre monde. L’homme riche
avait ses biens ici-bas ; il appartenait à la terre ; la corbeille et
le grenier étaient à lui ; son trésor était sur la terre et son coeur y
était aussi. Mais jetez un regard dans l’autre monde et voyez le résultat les « tourments ! »
Les biens ont changé de mains « Le riche… mourut, et fut enseveli. Et,
en hadès, levant ses yeux, comme il était dans les
tourments … » « Et il y avait un pauvre, nommé Lazare, couché à sa
porte, tout couvert d’ulcères… Et il arriva que le pauvre mourut… »
Fut-il enseveli ? La Parole n’en dit rien, car il n’appartenait pas à la
terre : « Il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham ».
Celui qui avait « ses maux » ici-bas, fut
porté à la meilleure place dans le ciel. Remarquez bien que ce n’étaient pas
les afflictions, les ulcères de Lazare qui le rendaient juste, pas plus que les
richesses de l’homme riche ne le rendaient injuste. Dieu en ayant fini avec les
choses terrestres, aucune circonstance terrestre n’est un signe de la faveur
présente de Dieu ou de la défaveur, quoique certainement les voies de Dieu à
l’égard de Lazare, aient été le moyen d’abaisser son orgueil, de briser sa
volonté, et de le préparer ainsi pour la place qu’il allait occuper.
« S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seront pas persuadés non plus… » Le Seigneur met ici en évidence cette solennelle vérité que même la résurrection de Christ ne convaincrait pas le coeur incrédule d’Israël, car s’ils refusent d’écouter la parole de Dieu qu’ils possèdent, ils n’écouteront pas le témoignage de Dieu, même si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts. Nous savons en effet qu’ils n’écoutèrent pas.
Ce chapitre 16 jette la
lumière d’un autre monde sur les voies de Dieu dans celui-ci. Le monde tout
entier a fait banqueroute devant Dieu, en sorte que l’homme trafique maintenant
avec « ce qui est à autrui ». Ouand l’homme
rejeta Christ, Dieu lui ôta son administration. L’homme en est là. Nous
devrions, par conséquent, user maintenant de tout en vue du monde à venir,
puisque la grâce nous permet, comme nous le voyons dans ce chapitre, de nous
servir des choses dont nous avons l’administration. Si nous Servons « Mammon »,
nous ne jouirons pas de la bénédiction accordée au service de Dieu, dans le
sens mentionné ici, car il s’agit de justice rétributive,
en un sens. Si vous n’êtes pas fidèle dans ce qui est à autrui, qui vous
donnera ce qui est vôtre ? Si vous n’avez pas été fidèle dans les
richesses injustes, qui vous confiera les vraies richesses ? Si vous aimez
l’argent, vous ne pouvez avoir votre coeur rempli de Christ. Nous ne devons pas
être « paresseux, quant à l’activité », mais « fervents en
esprit ; servant le Seigneur » ; et en vue de cela, Dieu nous
ouvre le ciel, non pas en nous disant comme à Abraham : « Dans le
pays que je te montrerai » (Gen. 12:1) ;
car il nous a montré
le ciel et nous
l’a ouvert en grâce. C’est la révélation de la grâce qui donne de la puissance
sur les choses terrestres.
Que le Seigneur tienne devant nous un Christ vivant, en qui nous nous confions, comme notre lumière pour la marche et le salut.
Nous avons vu le grand
principe de la grâce divine en contraste avec la propre justice, et l’économie
juive, qui refusait son Messie, le Fils de Dieu, mise de côté pour ouvrir le
chemin à la manifestation de la vie et de l’incorruptibilité par l’Évangile
(2 Tim. 1). Or Jésus dit à ses disciples : « Il
est impossible qu’il n’arrive pas des scandales ; mais malheur à celui par
qui ils arrivent » (v. 1). Nous abordons ici le sujet de l’esprit du
service, et de la manière de servir, maintenant que le monde à venir jette sa
lumière sur la conduite et la foi des disciples dans ce monde, car on ne peut
servir deux maîtres. Dieu accomplit une oeuvre, dans un petit enfant peut-être,
mais une oeuvre qui est la sienne propre ; et puis il faut la foi
individuelle pour marcher dans la voie d’un Christ rejeté. Au milieu de ceux
qui professaient de le suivre, il y avait, hélas ! bien des scandales. Ce
n’était pas alors, ni encore, le moment de l’exercice du pouvoir judiciaire du
Fils de l’homme venant cueillir de son royaume tous les scandales et ceux qui
pratiquent l’iniquité. La puissance de Satan est tolérée ; l’exercice de
la foi est nécessaire. C’est un temps pour éprouver, par la prédominance du
mal, ce qui demeure, parce que Dieu en est l’Auteur. Il faut prendre la croix
et se renoncer soi-même : c’est une dure leçon, mais une leçon salutaire
quand elle est apprise. La croix et la gloire sont toujours associées. La croix
doit être la part de l’homme naturel
,
et non pas du péché seulement, de manière
à briser la volonté. Christ n’avait point de volonté ; il était parfait ;
mais nous avons besoin de la croix pratiquement comme moyen de communion, afin
de briser ce qui est un obstacle en nous.
De plus, tout le système du monde est une occasion de chute : il n’y a pas une seule chose dans le monde qui ne soit pas calculée pour détourner de Dieu les coeurs. La moindre bagatelle, l’habillement, les étalages des magasins, la flatterie des hommes, celle des frères peut-être, tout tend à élever la chair. Quelle différence entre cela et le ciel s’ouvrant sur un Sauveur rejeté ! Et c’est cette lumière qui trace notre chemin à travers ce monde ; car maintenant les cieux sont ouverts à la foi, tandis que nous traversons cette terre pour aller à Celui que nous voyons dans la gloire. Il y a un courant actif et puissant de l’amour de Dieu qui pousse nos âmes en avant. Votre marche est-elle un témoignage ? Prenez garde que vous ne soyez une occasion de chute. Vous direz peut-être qu’il faut qu’une personne soit bien faible pour s’arrêter à telle ou telle chose, mais c’est précisément parce qu’elle est faible qu’elle a besoin de soins. Que le Seigneur nous donne de ne jamais être des obstacles, mais des aides aux faibles. Toutes ces choses sont la pierre d’achoppement de l’ennemi, et l’homme par qui elles arrivent est dans sa mesure un instrument de Satan. Le Seigneur aime les petits qui sont à Lui. Mieux vaudrait pour un homme qu’on lui mît une meule d’âne au cou et qu’il fût jeté dans la mer que de scandaliser un de ces petits.
Mais supposez que quelqu’un cherche à vous faire broncher, alors : « Prenez garde à vous-mêmes ». Votre part est de pardonner. Prenez garde à vous-mêmes, en vous jugeant vous-mêmes. Si ton frère pèche contre toi, reprends-le ; et s’il se repent, « pardonne-lui ». Comment ? S’il pèche « sept fois le jour » ? Oui, « si sept fois le jour… il retourne à toi, disant : Je me repens, tu lui pardonneras ». Veillez incessamment sur vous-mêmes et ayez soin que l’esprit d’amour (puissance de l’unité et lien de la perfection, comme Dieu le dit ailleurs) ne soit pas froissé, non plus que l’esprit de sainteté, pour que la paix ne soit pas une fausse paix. Bienheureux sentier ! Quelle condescendance pour notre faiblesse et pour le danger auquel nous sommes exposés, nous avons dans l’introduction de la grâce et dans le jugement moral des choses présentes qui sont l’aliment de la chair et le domaine du monde ! Puissions-nous veiller soigneusement sur nous-mêmes et être pleins de grâce envers les autres pour passer ainsi à travers tout, passant comme un bateau de sauvetage pardessus tous les brisants.
Dans une position comme
celle-là, il faut de la foi et de l’énergie propre à la foi. Les apôtres,
dirigés par Dieu, bien que ne voyant peut-être qu’une petite partie de la
difficulté et avec un sens bien confus encore de cette nouvelle position,
demandent au Seigneur de leur augmenter la foi. Jésus répond en leur présentant
toute la plénitude de son énergie, car la foi réalise une puissance qui n’est pas
dans la personne, et agit ainsi sans limites ; il en fait aussi
l’application, bien qu’en termes généraux, au renversement des obstacles d’un
système qui pouvait présenter la forme de ce qui était bon et grand, mais qui
était sans fruit. Quelle que soit notre difficulté, nous pouvons recourir à
Dieu. Il s’agit seulement de regarder simplement à Lui. « Toutes choses
sont possibles à celui qui croit » ; car Dieu intervient pour
accomplir sa volonté, et il a voulu l’accomplir par l’homme et pour se glorifier
dans l’homme, après avoir été déshonoré par Satan dans et par l’homme ;
mais Dieu le fait dans la foi, selon sa volonté, jusqu’à ce que le Seigneur
Jésus revienne en puissance et en gloire. Dieu est à l’oeuvre, et si vous êtes
ouvriers avec Lui, vous pouvez le croire et dire : Fais que ceci ou cela
arrive. N’est-ce rien que d’avoir en main la puissance de Dieu ? Si vous
savez ce que c’est que d’avoir Satan pour adversaire, vous sentirez le prix de
l’intervention de la puissance de Dieu. Votre position et votre oeuvre peuvent
être très humbles extérieurement, n’importe : vous avez besoin de la
puissance de Dieu pour être petit. Ce que le Seigneur dit dans les versets 7-10
n’est pas applicable à un serviteur insouciant. Si le serviteur a négligé son travail,
il est un esclave paresseux ; mais
je
suis un esclave inutile,
quand j’ai
fait tout ce que j’étais obligé de faire. Suis-je délaissé ? Non, Dieu
m’éprouve ; il y a quelque chose en moi qui fait
que j’ai besoin d’être éprouvé. Peut-être ai-je à apprendre ce que Dieu peut
faire sans moi ? S’il se sert de moi, c’est un grand honneur ; s’il
me met de côté parce que le « moi » s’enflait, c’est une grande
miséricorde. Le Seigneur dit, si je puis m’exprimer ainsi : Sois satisfait
de Moi ; sois content de savoir que Moi
je t’aime.
Etes-vous content de son amour ?
Vous faut-il la gloire des hommes, ou la vôtre ? Souvenez-vous que quand
vous aurez fait tout,
c’est le moment
de dire : « Je suis un serviteur inutile ! »
Le récit qui suit montre que lorsque Dieu introduit une nouvelle puissance, ceux qui possèdent les anciens privilèges sont les derniers à s’élever au-dessus d’eux pour entrer en possession de choses meilleures. Mais il y a une foi que Dieu produit dans le coeur, qui affranchit des formes établies autour de la volonté de Dieu pour la confirmer dans l’économie passée. Cette foi, reconnaissant Dieu en Jésus, conduit l’âme au-delà de la loi d’un commandement charnel et l’associe à Lui, qui est la puissance d’une vie impérissable. Elle nous occupe d’une personne qui est au-dessus de tout, nous établissant, non au déshonneur de la loi (« au contraire, nous établissons la loi », par la foi ; Rom. 3:31), mais dans la liberté, dans laquelle le Fils nous a placés en nous affranchissant. Les neuf lépreux s’en allèrent se montrer aux sacrificateurs, agissant d’après la parole de Jésus, et, dans une mesure, par la foi ; mais le Samaritain discernant la gloire de Dieu dans ce qui était arrivé, revint sur ses pas vers Jésus, et, glorifia Dieu à haute voix. Les autres reconnurent la puissance qui était intervenue, mais ils restèrent dans leurs habitudes et leurs associations religieuses.
Le Samaritain, moins
préoccupé d’institutions extérieures, revint à la source de la puissance, non
pas à ce qui en était l’ombre et le témoignage, à ce dont la nature use
toujours pour tenir Dieu caché. Il avait expérimenté la puissance divine en
Jésus, et au lieu de jouir simplement du don, il revint au Donateur,
humblement, mais dans la liberté de la foi et comme il convenait à la
foi : « Il se jeta sur sa face aux pieds de Jésus, lui rendant grâces ».
Il n’avait pas besoin de sacrificateurs. Ceux-ci ne rendaient pas, ni ne
pouvaient rendre net, mais avaient seulement à reconnaître et à déclarer
l’homme net. Le péché avait placé les Juifs et le Samaritain au même
niveau : l’un et l’autre étaient rejetés hors de la communion divine par
la lèpre qui les affligeait. Mais Celui qui guérissait des lépreux sous la loi,
était Celui qui avait donné la loi ; or la parole de Jésus reconnaissait
la loi tout en manifestant l’Éternel qui l’avait donnée. La gratitude de la foi
était un meilleur raisonneur que l’instruction de la loi, car la bénédiction
apportée par l’oeuvre et la présence de Jésus était, pour les neuf lépreux, le
moyen de maintenir la distinction juive ; pour le dixième, elle était
l’évidence de la bonté divine, et par conséquent pour lui la complète
délivrance. Il était par la foi arrivé en
grâce
à la source de laquelle la loi elle-même procédait, et le Seigneur le
renvoyait en paix, guéri par la foi qui lui apportait la liberté de la part de
Dieu et avec Dieu, faisant monter des actions de grâces à la gloire de Son nom,
avec la conscience que ces actions de grâces Lui étaient agréables.
Combien de raisons l’on aurait pu avancer pour faire poursuivre à cet homme son chemin et l’empêcher de retourner à Jésus ? Les neuf auraient pu dire : Il t’a commandé de t’en aller et de te montrer au sacrificateur. Mais la foi va droit au coeur de Dieu, et y trouve toute grâce et une parole qui la renvoie dans la liberté de la grâce. Celui qui retourna vers Jésus net et le coeur plein de gratitude, abandonnait les sacrificateurs : en esprit et en figure, le Samaritain guéri avait passé, par la foi, dans un autre système, dans la grâce et la liberté de l’Évangile. Quelle bénédiction de se trouver ainsi à la source de la puissance et de la bonté ; c’est là seulement et nulle autre part que Dieu amène maintenant ceux qui croient. Si nous avons été auparavant sous la loi, nous sommes désormais morts à la loi par le corps du Christ, afin que nous appartenions à un autre, à Celui qui est ressuscité d’entre les morts. C’est de cette manière seulement que Dieu est glorifié, quoi que les hommes puissent avancer d’ailleurs en faveur de la loi. C’est ainsi seulement que nous pouvons nous réjouir en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, par lequel nous avons maintenant obtenu, non la loi, mais la réconciliation (Rom. 5:11). En Lui, que nous connaissons et dont nous jouissons ainsi, nous possédons tout, et plus que tous les prêtres ou sacrificateurs n’ont jamais imaginé ; nous avons communion avec le Père et avec le Fils, par la foi en Dieu pleinement révélé. Nous avons maintenant affaire avec Lui dans le ciel, non avec un temple et des sacrificateurs sur la terre. « Lève-toi, et t’en va » ; tu as trouvé la personne et la gloire du Seigneur ; tu es en delà des prêtres et du temple, ta foi a pénétré au-dedans du voile et a trouvé Celui qui est plus grand qu’eux. Les autres s’en allèrent leur chemin rendus nets pour être sous la loi : aveuglés par le judaïsme, ils ne revinrent pas sur leurs pas pour glorifier Dieu. Tout ceci, au point de notre évangile où nous sommes arrivés, est plein de signification. C’est un nouveau jour jeté sur le grand fait qui s’accomplissait : la loi passait avec la dispensation qui s’y rattachait.
Aux versets 20 et suivants, la question de la venue du royaume de Dieu est posée. Les pharisiens demandent quand viendrait le royaume, et le Seigneur les place sous leur responsabilité. « Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à attirer l’attention ». « On ne dira pas : Voici, il est ici ; ou, voilà, il est là. Car voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous. » Le roi leur parlait. N’eussent-ils pas dû l’avoir connu, puisqu’il était venu en grâce ? S’il s’était humilié pour connaître leurs afflictions et mourir pour leurs péchés, était-ce une raison pour qu’ils ne discernassent pas sa grandeur et sa perfection morale manifestées de tant de manières ? Son saint amour pour les pauvres, coupables pécheurs ne démontrait-il pas assez qui il était ? Si le coeur de l’homme n’eût pas été opposé à tout ce qui était la joie de Dieu dans le royaume, si ses yeux n’eussent pas été aveuglés pour tout ce qui était aimable et de bonne réputation, il eût senti que plus le Christ s’abaissait, plus ses oeuvres étaient merveilleuses,
À ses disciples, le Seigneur avait d’autres choses à dire. Il était rejeté et il allait les quitter. La souffrance les attendait. Quelque pénible que pût être maintenant leur position comme compagnons de sa réjection, le temps viendrait où ils désireraient en vain un de ces jours où ils avaient joui de la douce et précieuse société du Fils de l’homme. Comme Juifs dans le pays, ils sentiraient la différence ; Satan, dans le but de tenter et de tromper en ce jour-là, ferait annoncer aux hommes : « Voici, il est ici ; ou, voilà, il est là » ; mais les disciples sauraient que tout cela était mensonge. Il n’y avait point d’espoir pour la nation qui rejetait Christ. Le Roi était venu, mais on l’avait rejeté ; il n’était plus « ici » ou « là » ; car, en ce jour-là, le Fils de l’homme serait comme un éclair qui brille d’un des côtés jusqu’à l’autre côté du ciel. Mais, auparavant, il fallait qu’il souffrît beaucoup et qu’il fût rejeté par cette génération, c’est-à-dire par les Juifs incrédules.
Il est évident que, tandis
que le Seigneur prend devant ses disciples ce nom de Fils de l’homme, qui
révèle une relation plus élevée et plus étendue que celle du Messie, relation
dont le lien était brisé et perdu par le crime de la nation qui l’avait rejeté,
l’ensemble de l’instruction que nous trouvons ici est juif et aura son
accomplissement proprement dit dans un résidu pieux aux derniers jours. La part
chrétienne n’est pas mentionnée ici, car elle consiste en une association d’un
genre céleste avec Christ ; on la trouve décrite, dans ses grands traits
moraux tout au moins, au chapitre 12 de notre évangile. Ici, nous sommes sur le
terrain de la responsabilité, non pas de la grâce céleste. Il faut distinguer
la part de l’Église avec
Christ
d’avec le gouvernement du monde par
Christ.
Le caractère même de la séduction prédite aux disciples confirme la différence
dont nous parlons ; car si les hommes disaient au chrétien : « Voici,
Christ est ici », le chrétien saurait immédiatement que c’est une
suggestion de Satan, parce que nous
chrétiens,
nous ne devons pas rencontrer Christ sur la terre, mais dans l’air
(1 Thess. 4). Il en est
autrement quand il s’agit du gouvernement du monde : l’espérance repose
alors sur un terrain juif, et les témoins pour Dieu devront passer par une
tribulation comme il n’y en eut jamais. Or, dans ce cas, à moins d’avoir été
expressément avertis à cet égard, les fidèles regarderaient naturellement ici
et là, cherchant le Libérateur, car dans ce caractère il posera ses pieds sur
la montagne des Oliviers et viendra à Sion et sortira de Sion. « L’Éternel
enverra de Sion la verge de ta force : Domine au milieu de tes ennemis ! »
(Ps. 110:2).
Tout cela est bien différent de l’espérance du chrétien et du désir qui le remplit en attendant, car nous ne désirons pas voir nos ennemis détruits, mais convertis, et nous attendons d’être enlevés du milieu d’eux au-devant du Seigneur en l’air, pour être toujours avec le Seigneur, au lieu de l’attendre pour qu’il vienne à nous et nous bénisse sous son règne millénaire.
Remarquez aussi que Jésus ne parle pas ici du siège de Jérusalem, ni du jugement à venir des morts. La prise de Jérusalem par Titus n’a pas été comme l’éclair, mais une lutte longue, terrible et opiniâtre ; les Juifs alors, jusqu’au moment du coup final, n’étaient pas dans un état de bien-être et de sécurité charnelle, comptant sur la continuation des choses comme elles étaient, ainsi qu’il arriva aux jours de Noé et de Lot. Le premier trait mentionné ici, c’est la soudaineté du jugement ; — le suivant, c’est la certitude du jugement : ni l’un ni l’autre n’a caractérisé la prise de Jérusalem par les Romains. Au-dedans ou au-dehors, au repos ou au travail, hommes ou femmes, n’importe ; Dieu brûlera la balle et préservera le froment : l’un sera pris, l’autre laissé.
D’autre part, tout a ici un
caractère local, terrestre, qui distingue cette scène de celle du grand Trône
blanc du jugement (Apoc. 20:11-15), car il n’y a
aucune ressemblance entre le jugement des morts et le déluge ou la destruction
de Sodome. Il s’agit de la fin du siècle,
non pas de la fin du monde ; puis d’un jugement sur le peuple
terrestre et plus spécialement sur sa ville, car celui qui serait sur le toit
ne devait pas rentrer dans la maison, ni celui qui était aux champs revenir en
arrière. On ne peut appliquer aucun de ces avertissements aux morts, pas plus
que le lit ou le moulin dont le Seigneur parle n’ont
affaire avec eux. Le temps dont il est question ne sera pas un temps pour des
motifs humains, des artifices ou des concessions (v. 33) ; la fidélité
envers le Seigneur et son témoignage sera la vraie sagesse à salut. Le jour de
la révélation du Fils de l’homme était en question, quand il jugerait les
vivants, et spécialement la génération qui l’avait rejeté et avait fait de Lui
un homme de douleurs. Si l’on demandait « Où sera-ce ? », la
solennelle réponse pour la conscience était : Là où sera le corps mort, là
tomberont les soudains et inévitables jugements de Dieu.
Nous avons vu, à partir du verset 20 du chapitre précédent, que le royaume de Dieu fut présenté, d’abord, dans la personne de Jésus comme question de foi et non de manifestation extérieure, ni de manière qu’on dit : « Voici, il est ici », ou : « Voici, il est là » ; et présenté ensuite, sous la forme du jugement qui délivrerait le résidu pieux par l’exécution de la vengeance divine contre ses ennemis.
Les huit premiers versets de
notre chapitre complètent l’avertissement prophétique et montrent que la
ressource des justes aux derniers jours sera la prière. Néanmoins, bien que la
parabole ait son application spéciale à la future oppression des témoins de
Dieu qui se trouveront alors dans Jérusalem, l’instruction, comme d’habitude
dans cet évangile, a un caractère général, qui s’adapte à toutes les
difficultés quelles qu’elles soient, par lesquelles les hommes peuvent être
éprouvés. « Il leur dit aussi une parabole, pour montrer qu’ils devaient
toujours prier et ne pas se lasser. » La foi serait mise à l’épreuve. Si,
dans l’épreuve, l’âme était tournée vers Dieu,
et non pas seulement vers la bénédiction, elle ne se découragerait pas,
même s’il n’y avait pas de réponse de la part de Dieu. Elle persévérerait,
regardant toujours en haut, alors même que tout paraîtrait tourné contre elle.
La veuve représente ceux qui n’ont pas de ressources humaines : leur
ressource est dans la persévérance de la prière. Ainsi sera la semence sainte
en Israël, car c’est du résidu fidèle de ce peuple, non pas de l’Église, que
l’Écriture nous parle ici. Ils feront appel au Juge pour qu’il les venge
de leurs adversaires. Leur
patience et leur confiance seront profondément mises à l’épreuve, mais ils ne
crieront pas en vain. « Et le Seigneur dit : Écoutez ce que dit le
juge inique. Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui
jour et nuit ? » Il est possible qu’il soit lent à intervenir pour
eux, mais quand une fois il se lèvera, il fera une oeuvre abrégée sur la terre.
En attendant, il faut que la patience ait son oeuvre parfaite (Jacques 1:4). En
Jésus, elle a eu toute sa perfection. Il rencontra la haine et le mépris des
hommes, l’abandon de ses disciples, la puissance de Satan, la coupe de la
colère de Dieu ; — mais il traversa tout pour entrer dans la gloire de
Dieu. En détail, nous aussi avons besoin d’être criblés et de trouver, toutes
les circonstances étant contre nous, Dieu
pour nous,
même plus que si nous avions l’aide extérieure, la puissance des
miracles, l’ordre établi dans l’Église. Même la joie peut entraver notre
entière dépendance de Dieu, en nous faisant oublier pratiquement que la chair
ne profite de rien. Lorsqu’il n’y a aucune
circonstance qui vous donne de l’espérance, votre espérance est-elle en
Dieu ? La chair peut s’avancer assez loin, comme nous le voyons en Saül,
mais la foi seule sait attendre quand elle a tout contre elle ; c’est
alors la vie divine dépendante de la puissance divine. Telle elle fut en
Christ, parfaitement. « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé »
(2 Cor. 4:13). Il descend dans la poussière de la mort, et introduit un
ordre de choses entièrement nouveau ; et nous, ayant un même esprit de
foi, nous aussi nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons. « En sorte
que nous, désormais, nous ne connaissons personne selon la chair ; et, si
même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois maintenant nous ne le
connaissons plus ainsi. En sorte que si quelqu’un est en Christ, c’est une
nouvelle création » (2 Cor. 5:16, 17). Christ est mort, ressuscité,
et maintenant assis à la droite de Dieu. Ayant cette vie, nous sommes mis à
l’épreuve pratiquement pour apprendre la leçon de la mort et de la
résurrection, où Dieu seul peut soutenir.
Il y a deux choses à
remarquer dans la parabole qui nous occupe ici. Si le juge inique
entre et agit en faveur de ceux qui sont humainement sans
ressource, quel qu’en soit le motif, Dieu
ne le fera-t-il pas ? Mais ce n’est pas tout, loin de là. Dieu a ses
affections, non pas seulement son caractère ; il a des objets de son bon
plaisir. « Et Dieu
ne ferait-il
point justice à ses élus ?
… »
Il ne convient jamais au Dieu juste et vengeur de passer légèrement sur le mal
ou de laisser le méchant échapper sans punition. Car alors comment jugera-t-il
le monde ? (Rom. 3:6). Il prend garde au cri des opprimés jour et nuit ;
et ce cri, c’est le cri de ses élus. « Je vous dis que bientôt il leur
fera justice. » Mais y aura-t-il la foi qui attend son intervention ?
Ils crieront dans leur détresse, et Dieu entendra. Néanmoins la question sera
soulevée : Y aura-t-il sur la terre, quand le Fils de l’homme viendra,
cette foi qui est fondée sur Dieu connu dans une paisible communion ? N’y
aura-t-il pas plutôt le cri des justes dans l’amertume de l’esprit, un cri que
les circonstances leur arracheront, plutôt que le cri du désir ?
Les traits moraux du royaume
suivent maintenant, avec les caractères qui, convenant au royaume, sont en
harmonie ou en désaccord avec l’état des choses introduit par la grâce. Le
pharisien et le publicain nous présentent, non pas la doctrine de l’expiation,
ou de la justification par la foi, mais la certitude que la propre justice
déplaît à Dieu, et que l’humilité à cause de notre péché est très agréable
devant Lui. Le pharisien ne met pas Dieu de côté : « Il se tenait à
l’écart et priait en ces termes : Ô Dieu ! je
te rends grâces, » etc. Mais il remercie Dieu pour ce qu’il est lui
, le pharisien, — non pas pour ce que
Dieu est. Le seul espoir du publicain était en Dieu lui-même. Il était très
ignorant, sans doute, mais il avait le sentiment qui convenait pour s’approcher
de Dieu. La lumière s’était fait jour dans son âme et lui avait montré qu’il
était un pécheur ; et il se soumettait à cette douloureuse conviction et
confessait la vérité de sa condition devant Dieu. Il n’avait pour ressource que
la miséricorde de Dieu envers son âme. Il n’osait pas en appeler à la justice,
il ne demandait pas que Dieu fût indifférent à son péché, mais il faisait appel
à cette miséricorde qui censure le péché et le pardonne. La révélation de la grâce
n’était pas venue encore, l’oeuvre de la réconciliation n’était pas encore
accomplie, en sorte que le publicain « se tenait loin » ; mais
son coeur était touché, et il lui fallait Dieu.
Si aujourd’hui une âme est amenée au sentiment de son péché, elle n’a pas
besoin de se tenir loin, et ne doit pas le faire, car la grâce de Dieu qui
apporte le salut est apparue. Mais quoiqu’il ne connût, ni ne pût connaître la
grâce ainsi, le publicain donne à Dieu son vrai caractère et prend lui-même le
sien. Il n’avait pas une pleine connaissance ; mais la connaissance qu’il
avait, était vraie. « Je vous dis que celui-ci descendit en sa maison
justifié plutôt que l’autre ; car quiconque s’élève, sera abaissé ;
et celui qui s’abaisse sera élevé ». — C’est là une vérité universelle ;
mais où fut-elle jamais manifestée comme en Jésus ? Car si le premier
homme, s’élevant lui-même, a été abaissé en enfer, Celui qui était Dieu
s’anéantit lui-même et s’abaissa, se rendant obéissant jusqu’à la mort même de
la croix ; c’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, etc. (Phil.
2).
En un sens, les hommes ne peuvent s’humilier eux-mêmes, parce qu’ils sont déjà des pécheurs, et ne peuvent pas descendre plus bas ; — mais un saint peut s’humilier. La vraie humilité, c’est l’oubli de soi-même.
Cette grande vérité est encore davantage mise en relief par l’incident des versets 15-17, où l’on apporte de petits enfants à Jésus, afin qu’il les touche. Ici, nous sommes devant l’humilité de ce qui est vraiment insignifiant, comme dans le cas du péager devant l’humilité qui tient à un état de péché. Oui s’inquiéterait de ces petits êtres de si peu d’importance qu’on apportait à Jésus ? — Non pas les disciples, — mais Lui. Lui, le Seigneur, trouvait son plaisir en eux, car c’est là l’esprit du royaume de Dieu. Une grande maxime morale apparaît ici. Si quelqu’un doit entrer dans le royaume, il faut que toute sa confiance en lui-même soit brisée, et qu’il reçoive la vérité simplement comme un petit enfant reçoit les paroles de sa mère. S’il en est autrement, Dieu et l’homme n’ont pas la place qui leur appartient. Quand Dieu parle, tout ce que nous avons à faire, c’est d’écouter. C’est l’humilité de celui qui sent son néant, comme le publicain nous présente l’humilité qui tient au sentiment du péché.
Aux versets 18 et suivants,
vient la question de faire
pour avoir
la vie éternelle, non pas la question du salut pour être un être perdu, mais
quelque chose qui sonde le coeur jusqu’au fond. Le jeune homme avait comme
créature un caractère aimable, car si nous voyons partout autour de nous les
ravages du péché, nous y voyons aussi les traces de Dieu. Ce chef du peuple ne
voyait pas Dieu en Christ. Attiré moralement vers Jésus, il venait pour
apprendre à faire le bien, sans qu’il eût en lui-même le moindre doute sur sa
propre capacité. Il ne voyait en Jésus qu’un homme parfait et bon, et par
conséquent éminemment propre pour l’enseigner et le diriger dans la voie dans
laquelle il marchait. Le péché comme la grâce, lui étaient tous deux inconnus.
Il ne se connaissait pas davantage qu’il ne connaissait Dieu. Nul homme n’est
bon ; ils se sont tous égarés ; ils sont des pécheurs et ont besoin
que Dieu soit bon envers eux : ils sont incapables de faire le bien qui
satisfait Dieu.
Le Seigneur prend le jeune
chef du peuple sur le terrain où il s’est placé — lui qui pensait pouvoir faire
ce qui était bon — afin de mettre en évidence ce qu’il était. Le bon Maître
auquel il s’était adressé met son coeur à l’épreuve : « Une chose te
manque encore : vends tout ce que tu as… et viens, suis-moi ». Le
jeune homme renoncerait-il à sa propre importance ? Après tout, il aimait
trop réellement ses richesses. Il devint « fort triste ; car il était
extrêmement riche. » Ces choses n’avaient-elles pas été promises aux
Juifs, direz-vous peut-être ? Christ montre qu’elles sont un piège. —
Mais, dit-on, elles servent à faire beaucoup de bien ? — Je vous
demande : Sont-elles bonnes pour votre coeur ? Ce n’est pas qu’on
n’en puisse user en grâce ; mais le jeune homme ne connaissait pas son
propre coeur. Là, il n’y a ni bien, ni force pour produire le bien. Tous les
motifs qui gouvernent le coeur de l’homme sont déracinés par la croix. Mais
tout ce qui est au-dedans est mauvais, et on ne peut jamais avec de mauvais matériaux
produire quelque chose qui plaise à Dieu. Il faut donc que je trouve Dieu,
qui peut me donner une nouvelle et
sainte nature, Dieu qui peut être miséricordieux envers moi, parce qu’il est
élevé au-dessus de tout péché. La source de tout ce qui est bon est en Dieu, et
ce qui est bon, c’est ce qui vient de Lui et non pas de l’homme.
Il est impossible, s’il s’agit de l’homme, que personne soit sauvé. Le péché a perdu l’homme et a détruit toutes ses espérances. Si quelqu’un regarde aux moyens dont il pourrait se servir, ces moyens sont tous vains pour le sauver ! Mais « les choses qui sont impossibles aux hommes », dit le Sauveur, « sont possibles à Dieu ». Là est le seul terrain sûr pour le pécheur.
D’un autre côté, versets 28-30, si Pierre est prompt à parler du dévouement des disciples qui ont tout quitté et qui ont suivi Jésus, le Seigneur montre que toute perte faite pour l’amour du royaume de Dieu tournera en gain, et maintenant, et dans le siècle qui vient.
Mais le Seigneur lie tout,
versets 31-33, avec ce qui allait lui arriver. Ils montaient à Jérusalem ;
pourquoi ? — Lui, le Messie, « sera livré aux nations ; on se
moquera de lui… et on crachera contre lui ; et après qu’ils l’auront
fouetté, ils le mettront à mort ». Toutes les espérances doivent finir là ;
oui, « et, si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois
maintenant nous ne le connaissons plus ainsi » (2 Cor. 5:16).
Lui-même, s’il doit délivrer ceux qui sont perdus, il lui faut descendre dans
la poussière de la mort. Christ n’a aucun lien avec l’homme pécheur. Comment
donc délivrera-t-il ? Il faut qu’il meure pour nous. Il ne peut pas unir
la corruption avec Lui-même. Un Christ vivant
,
nous pouvons le dire avec révérence, ne pouvait pas nous délivrer en maintenant
la nature et le caractère de Dieu : la rédemption était une nécessité. « À
moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure, il demeure seul mais
s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »
Mais si la rédemption était le seul moyen de salut, la profonde iniquité de l’homme fut manifestée dans la réjection et dans la mort de Christ. L’homme a haï ce qui est en Dieu et Celui qui est Dieu — il a haï et le Fils et le Père. Toute question de justice humaine est vidée et résolue négativement pour toujours.
Hélas ! les disciples ne comprenaient aucune de ces choses, ni sa honte et sa mort, ni sa résurrection. C’était l’accomplissement de ce que les prophètes avaient écrit touchant le Fils de l’homme ; mais ils ne comprenaient ni ce que Lui disait, ni ce que les prophètes avaient écrit. La mort de Christ devait manifester ce que l’homme était et ce que Dieu était ; sa résurrection mettre en évidence la puissance de vie qui peut délivrer les morts. Mais Jésus n’était pas compris.
Le verset 34 du chapitre 18 termine cette partie de notre évangile, qui montre l’introduction de la dispensation nouvelle et céleste. Au verset 35, nous abordons les détails historiques des relations finales du Seigneur avec les Juifs.
Dans le cours de son récit, Luc nous a présenté le Seigneur sous le caractère général de « Fils de l’homme » ; mais maintenant, au milieu d’Israël, Jésus prend le caractère de « Fils de David ». Jéricho était la première ville qu’Israël rencontra lorsqu’il passa le Jourdain, et une malédiction particulière avait été prononcée contre elle. Mais Israël n’avait pas été obéissant, et le Messie n’entre pas comme Roi avec une pompe extérieure, mais comme le Jésus rejeté de Nazareth, apportant la bénédiction pour le résidu qui le reçoit par la foi.
« Et il arriva,
lorsqu’il fut venu dans le voisinage de Jéricho, etc. » La Parole ne dit
pas : lorsqu’il fut « proche »,
comme s’il s’agissait nécessairement de sa première venue auprès de la
ville ; mais elle se sert d’une expression générale, aussi applicable à la
proximité du Seigneur lors de son départ de la ville, qu’à sa proximité lors de
sa venue à Jéricho (comp. Matthieu et Marc). « Et
il arriva, lorsqu’il fut venu dans le voisinage de Jéricho, qu’un aveugle était
assis sur le bord du chemin et mendiait. Et entendant la foule… il cria,
disant : Jésus, Fils de David, aie pitié de moi. » Plusieurs le
reprennent, mais il persévère
dans la
foi et crie d’autant plus fort : « Fils de David ! aie pitié de moi ». Il est un exemple du rassemblement
à ce nom du Messie qu’Israël rejetait. Les yeux de l’aveugle furent ouverts
alors, comme le seront ceux du résidu quand le moment sera venu.
Au chapitre 19, versets 1-10, nous trouvons le récit de ce qui touche Zachée, car l’Esprit de Dieu n’a pas lié Luc au simple ordre chronologique ; au point de vue moral, l’histoire de Zachée vient à propos après celle de la guérison de l’aveugle. Cet épisode, qui ne se trouve que dans Luc, est une illustration de la grâce qui reçoit un homme de quelque bas étage qu’il soit, et cela en face des préjugés juifs ; car un publicain, un riche chef de publicains, était justement abhorré par ceux qui regardaient de tels hommes comme l’expression de l’oppression des gentils. Tout était gâté par le péché, et Israël n’était pas humilié. Cependant, c’était pour un Israélite une triste position que celle qu’occupait Zachée, quelque honnête et consciencieux qu’il pût être. Mais c’était le jour de la grâce, et il « cherchait à voir Jésus ». Il y avait des difficultés, des obstacles en lui et autour de lui ; mais la foi persévère en dépit de l’opposition. Comme l’aveugle s’était attaché à son objet, ainsi Zachée le publicain voulait voir Jésus : c’est là un trait distinctif de l’opération de l’Esprit de Dieu ; l’âme saisit la valeur de l’objet que Dieu lui présente. Nous en avons besoin, et il nous en faut davantage ; nous en connaissons assez pour qu’il nous en faille plus. C’est une soif produite par le Saint Esprit. Combien il est triste que des chrétiens n’aient pas cette faim et cette soif d’une jouissance plus profonde de Dieu ; là où ce désir n’existe pas, l’âme est desséchée et plongée dans l’apathie.
« Et quand il fut venu à
cet endroit, Jésus, regardant, le vit, et lui dit : Zachée, descends vite ;
car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison. Et il descendit à la
hâte, et le reçut avec joie ». Zachée n’avait pas encore la pleine
connaissance de Jésus, mais son désir avait été satisfait et il était joyeux.
Ce n’était ni la loi, ni la gloire, mais un Messie caché, venu ici-bas plein de
grâce. Jésus était entouré de témoignages qui disaient qui il était, mais il
était descendu en grâce là où l’homme se trouvait. Qu’importe ce que le monde
en pensait. Trouver Jésus
, c’est
tout. Zachée a la réponse au besoin que la grâce divine avait créé dans son
âme. La grâce ne donne pas, au début, la connaissance de l’oeuvre de
Christ : il peut y avoir dans ceux qui en sont les objets, peu ou point de
connaissance quant au fait que nous sommes faits la justice de Dieu en Lui. C’est
pourquoi la première joie s’évanouit souvent, parce que, quand je me suis
accusé dans ma conscience, j’ai besoin de cette justice. La première joie
consiste souvent en ce que l’âme se rend compte du besoin qu’elle a de Christ ;
mais le fond de la question de la justice peut être non vidé encore dans la
conscience, quoique tout croyant, en possédant Christ, possède la justice
divine : pourtant, bien qu’il y ait beaucoup à apprendre, l’âme est
joyeuse ; de nouveaux intérêts sont suscités, de nouveaux désirs s’élèvent
dans le coeur ; on a une vue nouvelle du bien et du mal. Quand on a le
sentiment profond de ce qu’est un être perdu et sauvé, le monde (l’homme)
compte pour peu de chose ; mais lorsque le poids qui pesait sur la
conscience est ôté, trop souvent la nature reprend quelque place, et alors
Christ n’est pas absolument tout
pour
le fidèle.
Le coeur de Zachée est ouvert ;
il est plein d’une confiance qui s’exprime. Il peut y avoir toute l’honnêteté
possible dans les efforts que fait un homme pour satisfaire sa conscience dans
une fausse position : mais après tout, quelle position que celle-là !
Les hommes murmurent. Le Seigneur passe pardessus tout. Se justifier soi-même
était inutile. Jésus n’accusait pas, et il ne parle de rien que du salut qui
était venu aujourd’hui à cette maison. Zachée était fils d’Abraham, et le Fils
de l’homme était venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. Qu’est-ce
qu’un pharisien pouvait objecter ? Il y avait eu un travail dans l’âme du
publicain, mais le Fils de l’homme était venu, et ce qu’Il apportait c’était le
salut. Il apporte
le salut. Il
donnait ce dont Zachée n’avait aucune idée. Il était venu pour satisfaire le
besoin qu’il avait lui-même créé ; il était venu pour chercher,
c’est-à-dire pour produire le désir — et pour sauver
, c’est-à-dire pour
satisfaire ce désir.
Le Seigneur était maintenant
près de Jérusalem, et ainsi (v. 11 et suiv.) il ajoute une parabole, pour
détruire la pensée que le royaume de Dieu allait paraître immédiatement, car
Jérusalem est la ville du grand Roi et la question de sa réjection devait se
clore là. Jésus montre que, tout au contraire de ce que les hommes pensaient,
il s’en allait dans un pays éloigné, le ciel, pour y recevoir un royaume et
pour revenir ensuite. Le temps n’était pas venu pour établir le royaume sur la
terre. En attendant, ses propres esclaves devaient trafiquer avec les richesses
qu’il leur confiait. Quand il reviendrait, après avoir reçu le royaume, il
assignerait à chacun sa place, selon la fidélité qu’il aurait montrée ; car
dans Luc il s’agit de la responsabilité de l’homme, tandis que dans la parabole
correspondante, en Matthieu (chap. 25), c’est la souveraineté de Dieu qui est
en question. Il y a des différences de dons,
dans Matthieu ; dans Luc, des différences de rémunérations.
Dans Luc, chaque esclave reçoit une mine du Seigneur ;
dans Matthieu, tous ceux qui « ont gagné » en trafiquant, entrent
également dans la joie du Seigneur. Ici, toute la force du passage est dans
le : « Trafiquez ». « Trafiquez jusqu’à ce que je vienne. »
Notre position comme disciples, c’est de servir un Sauveur rejeté jusqu’à ce
qu’il revienne. Nous ne sommes pas appelés à participer maintenant à la gloire
du royaume. Quand Jésus reviendra, il disposera de tout sans partialité, et il
y aura ce qui répond à l’autorité « sur dix villes » et « sur
cinq villes ». La justice de Dieu est la même pour nous que pour Paul ;
mais comme il y a une grande différence de service et différentes mesures de
fidélité, il y aura aussi une rémunération spéciale pour chacun. Sans doute,
c’est la grâce qui travaille, cependant, ici, il y a une rémunération pour le
service fidèle. Le secret de tout service est la juste application de la grâce
du Maître. Si quelqu’un craint le Maître comme un « homme sévère »,
il y aura de l’infidélité chez lui selon la mesure de ses propres principes.
Le verset 26 est un principe
général. Quand, par la grâce, nos âmes réalisent la vérité qui nous est
présentée, nous sommes de ceux « qui ont ».
Mais si la vérité est placée devant un homme et que celui-ci en parle sans
qu’elle soit mêlée avec la foi dans le coeur, cela même qu’il a lui sera ôté.
La vérité, si elle révèle Christ, m’humilie et s’occupe du mal qui est en moi.
Alors elle n’est pas seulement Christ comme objet en dehors de moi, mais un
Christ vivant en
moi. Une
connaissance qui n’a pas de pouvoir sur la conscience ne fait qu’ »enfler »
(voyez 1 Cor. 8:1). Si on ne pratique pas la vérité qu’on connaît, elle
trouble la conscience. Mais combien ne voit-on pas souvent une conscience qui a
perdu la lumière, se réjouir d’être délivrée de son tourment, quoique la
lumière de la vérité se soit évanouie avec lui ! L’âme est tombée plus bas
que ce qui avait exercé la conscience, et ainsi toute la mesure, et le
principe, et la vie sont rabaissés et les occasions de gagner Christ sont
perdues pour toujours. Si je tiens ferme la vérité — Christ — je le possède
comme une partie de moi-même et j’apprends à haïr le mal et à aimer le bien, en
sorte que j’obtiens « davantage », jusqu’à ce que je croisse jusqu’à
Christ — jusqu’à la mesure de la stature de sa plénitude (voyez Éph. 4:13-15). Les devoirs ordinaires de la vie ne nous
privent pas de Lui : le coeur revient de ceux-ci avec une nouvelle joie
vers son propre centre. Mais c’est l’attachement du coeur à la vanité, qui
corrompt notre joie ; c’est tout ce qui élève le moi et rabaisse Christ —
ne fût-ce qu’une pensée légère, si le coeur la tolère.
Quant aux « citoyens » — les Juifs sur lesquels Christ avait des droits comme Roi — ils ne voulaient pas de lui, ne le haïssant pas seulement pendant qu’il était parmi eux, mais, par-dessus tout, envoyant un message après lui pour lui faire savoir : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». La vengeance les trouvera et les frappera devant Lui.
Jésus entre à Jérusalem comme Messie. Il fallait que ses droits de Seigneur de tout fussent proclamés et qu’il s’en prévalût (v. 29-36). Il se présente pour la dernière fois à Israël, dans l’humilité de la grâce, qui était d’une importance infiniment plus grande que le royaume. Il en résulte le plus frappant contraste entre les disciples et les pharisiens. « Toute la multitude des disciples, se réjouissant, se mit à louer Dieu à haute voix… disant : Béni soit le roi qui vient au nom du Seigneur ! Paix au ciel, et gloire dans les lieux très hauts ! » Quelques-uns des pharisiens lui demandent de reprendre ses disciples, mais ils apprennent de sa bouche, que si ceux-ci se taisaient, les pierres mêmes crieraient. Il faut qu’un témoignage soit rendu à sa gloire (v. 37-40).
Quand Jésus naquit, des anges
l’annoncèrent aux pauvres du troupeau, et les armées du ciel donnèrent gloire à
Dieu, disant : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; et
sur la terre, paix ; et bon plaisir dans les hommes ! » Tel sera
le résultat ; et les anges l’anticipent, sans se préoccuper des obstacles
ou des moyens. Mais Christ était rejeté, et les disciples disent « Paix au ciel
, et gloire dans les lieux très
hauts » Quand la question de la puissance s’élèvera, pour l’établissement
du royaume, alors il y aura un combat (Apoc. 12). Et
il ne peut pas, de fait, y avoir de paix dans le ciel, jusqu’à ce que Satan et
ses anges en soient précipités : alors le Roi sera établi en puissance,
quand les obstacles seront ôtés. Le Psaume 118 célèbre ce glorieux moment, sa
miséricorde demeurant à toujours, en dépit de tous les péchés du peuple :
c’est le cantique des derniers jours. Si Dieu envoie la paix à la terre dans la
personne de son Fils, c’est en vain, non pas quant à l’accomplissement, mais
quant à l’effet présent. Mais pour la foi il y a paix dans le ciel, et quand
cette paix y sera proclamée en puissance vis-à-vis des mauvais esprits dans les
lieux célestes, ce sera certainement un jour de bénédiction. Quel jour que
celui-là ! Quel soulagement pour le travail de la grâce ! Car maintenant,
son oeuvre est toujours
veille et travail. Comment, toujours ?
Oui, toujours, et ce n’est pas là le repos. Mais alors
ce sera le repos, aussi sûrement que Dieu prendra sa grande
puissance et régnera. L’Éternel exaucera les cieux… (Osée 2:21). Il y aura
une suite ininterrompue de bénédictions, et sur la terre également. Ce ne sera
plus bâtir une maison pour qu’un autre y habite (És.
65:21, 22), mais la bénédiction se répandra partout. Jusque-là, comme
aujourd’hui, il s’agit de souffrir en grâce, non pas de puissance triomphante.
Ne craignez jamais la persécution ; elle fera briller votre visage comme
le visage d’un ange (voyez Actes 7). Mais D ;eu ne pouvait pas se taire si son Fils était rejeté. Il
pouvait le laisser souffrir, mais non pas sans un témoignage. S’il n’en
trouvait point d’autres, les pierres mêmes crieraient : et ainsi pour
nous, si nous sommes fidèles et que nous nous tenions près de Christ, cela nous
tournera en témoignage.
Nous ne trouvons pas ici la malédiction du figuier, mais l’Esprit de grâce, — Jésus pleurant sur la ville. Les conseils de Dieu s’accompliront certainement, mais Dieu veut aussi que nous connaissions la réalité de sa tendresse en Jésus. Ces larmes du Sauveur n’étaient pas vaines, quelles que pussent être les apparences. C’était pour Jérusalem la journée de sa visitation : mais elle ne la connaissait pas. Nous devrions, puisque nous avons la pensée de Christ (1 Cor. 2:16), savoir comment intervenir spirituellement. Nous sommes la lettre de Christ (2 Cor. 3:3), par laquelle le monde devrait savoir lire ce que Dieu est. Christ l’a manifesté parfaitement. Mais que trouva-t-il en Israël ? Voyez les versets 45-46. Dieu déclare que sa maison est une maison de prière ; les hommes, les Juifs, en avaient fait une caverne de voleurs : — quel terrible jugement moral ! Mais c’est là la vraie manière de juger : avoir la parole de Dieu pour voir les choses comme elles sont. Nous sommes ignorants et moralement incapables de juger sans la parole de Dieu. Que nos yeux soient donc arrêtés sur Christ, et que notre jugement sur toutes les choses qui nous entourent soit formé par la parole de Dieu !
Les principaux sacrificateurs
et les scribes sont les premiers à interroger Jésus ; ils demandent par
quelle autorité il fait ces choses, et quelle est la source de cette autorité.
Mais Jésus les interroge lui-même : « Le baptême de Jean était-il du
ciel, ou des hommes ? » Les scribes étaient sans connaissance dans
leurs raisonnements. Ils reconnaissent leur incompétence plutôt que de
reconnaître Jésus comme le Messie. Le simple enfant de Dieu reçoit la Parole
avec la même certitude avec laquelle Christ la donne : la confiance en la
parole de Dieu est le seul terrain sûr et ferme. Mais comment pouvez-vous avoir
cette certitude dont vous parlez ? — Dieu
l’a dit :
« Il
est écrit ! » Si ce que Dieu
dit a besoin de preuve, il faut qu’il y ait quelque chose de plus sûr et de
plus vrai que Dieu. Serait-ce l’Église peut-être ? — Hélas ! nous savons à quoi nous en tenir sur ce point. Si Dieu ne
peut pas parler de manière à revendiquer l’autorité pour ce qu’il dit, sans
qu’il y ait besoin de quelqu’un pour l’accréditer, c’en est fait de la foi,
elle n’est plus.
La parabole du cultivateur (v. 9 et suiv.) nous présente les voies de Dieu à l’égard d’Israël auquel la vigne avait été d’abord louée, et, après que l’Héritier a été rejeté, le don que Dieu en fait à d’autres. Mais il y a plus. La pierre rejetée devient la maîtresse pierre du coin. Quiconque tombera sur cette pierre, sera brisé ; mais elle broiera celui sur qui elle tombera. Les péchés passés de Jérusalem nous présentent le premier de ces cas ; pour le second, il faut attendre l’exécution du jugement lors de l’apparition du Seigneur.
La question concernant le tribut à payer à César était très subtile. Ceux qui tendaient ce piège au Seigneur usaient pour cela de l’effet de leur propre iniquité. En effet, les Juifs, abstraitement, n’auraient pas dû être asservis aux nations ; de plus le Messie, le Libérateur d’Israël, était venu. Si Lui disait qu’il fallait obéir aux nations, où était sa puissance libératrice ? S’il poussait à la rébellion, ils auraient eu un prétexte pour le livrer à Pilate. À cause du péché d’Israël, Dieu a jeté par terre la clef de voûte des nations, et a donné la puissance aux gentils. Le Juif a été rebelle ‑sous la sentence et a toujours soupiré après la délivrance du joug qui avait été mis sur lui. Mais le Seigneur répond avec une sagesse divine ; il place les Juifs exactement là où leur péché les avait placés ; les choses de César, il faut les rendre à César, et les choses de Dieu à Dieu.
Après avoir vidé la question
touchant ce monde, entre Dieu et le peuple, le Seigneur rencontre l’incrédulité
sadducéenne touchant le monde à venir (v. 27-38). Il montre la place des saints
ressuscités en contraste avec le monde. Il met de côté l’idée d’une
résurrection générale. Si tous ressuscitent ensemble, il y a incertitude, un
jugement commun, etc. ; mais si les saints sont ressuscités à part, parce
qu’ils sont « fils de Dieu », laissant le reste des morts derrière
eux pour une autre résurrection spéciale, une « résurrection de jugement »
(comp. Jean 5:29), tout est changé. La résurrection distingue
plus que toute autre chose, et
pour toujours. Elle est le grand témoignage rendu à la différence qu’il y a
entre les bons et les méchants. Les saints seront ressuscités à cause de
l’Esprit de Christ qui habite en eux (Rom. 8) ; leur résurrection sera
l’application à leurs corps de cette puissance de vie en Christ qui a déjà
vivifié leurs âmes : c’est une « résurrection d’entre
les morts », comme l’a été celle de Christ. Ils seront
« estimés dignes d’avoir part à ce siècle-là », car il est tel, « et
à la résurrection d’entre les morts ». « Ils sont semblables aux
anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. » Luc
ajoute un caractère que nous ne trouvons pas ailleurs : « car pour
lui tous vivent ». Témoignage important qui s’applique à tous les morts,
aux méchants comme aux justes, tous morts quant à leurs relations avec les
hommes dans le corps ; mais, quant à leurs âmes, vivant encore pour Dieu.
L’âme restait toujours en vie devant Lui.
Dans les versets 41-44, Jésus
soulève la question : Comment le Fils
de David est-il Seigneur
de David ?
Les Juifs n’y comprenaient rien. C’était le point auquel se rattachait et
tenait le changement dans le système moral tout entier. Jésus avait pris la
place d’homme saint, obéissant, dépendant, pèlerin comme d’autres et il avait
bu du torrent par le chemin (Ps. 110:7) il s’en allait dans la débonnaireté et
la paix, mais vivant par les eaux rafraîchissantes qui venaient de Dieu son
Père. Ainsi s’étant anéanti lui-même, il est maintenant souverainement élevé
par Dieu. Le grand principe universel que celui qui s’abaisse sera élevé et que
celui qui s’élève sera abaissé, est illustré dans les deux Adam. Le premier
Adam, la nature
de l’homme, a voulu s’élever
pour être « comme Dieu »,
jusqu’à ce que, dans sa pleine maturité, l’antichrist
« s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de
vénération » (2 Thess. 2:3, 4). Satan tenta
l’homme au commencement, l’excitant à devenir comme Dieu ; et à la fin,
Dieu enverra aux hommes une énergie d’erreur pour croire au mensonge (2 Thess. 2:11). Satan ne pouvant pas s’élever dans le ciel,
cherchera à le faire par la semence de l’homme ; mais la fin sera
l’abaissement (És. 14:12-15). Dans le second Adam,
nous voyons Celui qui était Dieu s’humiliant lui-même, s’abaissant, devenant
obéissant jusqu’à la mort, même la plus ignominieuse, et puis nous le voyons,
Lui qui s’humilia, reprenant la place de puissance à la droite de Dieu, mais
comme homme
aussi bien que comme
Dieu. Dieu l’élève souverainement, afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou
(Phil. 2:5-11). Ayant été obéissant d’un bout à l’autre de son sentier dans
l’humiliation, il est exalté pour être le Seigneur de David. Il sort ainsi des
limites des promesses juives, quoique comme Fils de David il les possédât
assurément. Les Juifs ne comprenaient pas les Écritures et les accomplissaient
en ne les comprenant pas. Les voies de Dieu ont suivi leur cours en dépit de
tout, manifestant sa
grâce et sa
patience envers l’homme. Dieu avait
placé l’homme sur la terre ; il avait ensuite envoyé la loi, des
prophètes, etc., jusqu’à ce que l’homme arrive à la fin en rejetant tout. Dieu
met l’homme à l’épreuve, et ensuite il introduit le nouvel homme qui est
l’accomplissement de tous ses glorieux conseils, — le second Adam ; et
puis, il élève le second Adam comme homme céleste à une place céleste, et tout
dépend maintenant non de la responsabilité de l’homme, mais de la stabilité de
Dieu. La vie, la justice et la gloire descendent du ciel. Est-ce la vie qu’il
faut ? Dieu donne la vie de Christ en résurrection. Est-ce la justice ?
Dieu donne la justice divine. Est-ce un royaume ? C’est le royaume des
cieux. Tout descend, non pas simplement de Dieu en grâce, mais de la place que
l’homme occupe en gloire, des conseils de Dieu au sujet de l’homme céleste dans
la gloire. Dieu l’a d’abord élevé ; et d’où il l’a placé, la bénédiction
descend. L’homme Christ Jésus a pleinement satisfait à toutes les
responsabilités de l’homme. C’est la raison de la plénitude de la bénédiction
de l’Évangile, et aussi de la bénédiction du royaume qui vient. L’Évangile est
la puissance de Dieu,
et le royaume
doit être établi dans les cieux.
Le
roi s’en est allé dans un pays éloigné, et quand il reviendra, ce sera afin
d’introduire le royaume des cieux
.
Tous les conseils de Dieu ont maintenant leur centre et leur siège dans les
cieux. Ainsi, dans le sens le plus étendu, le centre de tous les plans et de
tous les conseils de Dieu, c’est l’élévation de Jésus
à la droite de Dieu. Le caractère tout entier, et toute la
stabilité et la perfection de notre bénédiction tirent leur source de Jésus
glorifié. Le caractère de cette bénédiction est céleste ;
elle tire sa stabilité de ce que Dieu
a fait ; et la justice, qui me
rend capable d’y avoir part, est la justice
de Dieu.
L’Esprit de Dieu, le Saint
Esprit est venu pour rendre témoignage de Christ, sur qui la paix de l’âme
repose ; elle repose sur la justice accomplie de Celui qui a été élevé
dans la gloire. L’office du Saint Esprit est d’agir au-dedans de nous, et de
nous manifester ce que Dieu est,
ici-bas.
Et nous jouissons de tout cela comme résultat de ce que Christ a fait en
introduisant les promesses comme le Seigneur
de David,
au lieu de les accomplir comme le Fils de David.
Remarquez la beauté et la bénédiction morale de ce principe général : « Celui qui s’abaisse sera élevé ». Christ s’abaissa lui-même ; il ne fut pas humilié, il s’humilia lui-même, ce qui est tout autre chose. « Celui qui s’abaisse sera élevé. » Voilà ce que nous avons à faire : prendre la dernière place. Nous ne pouvons pas faire ainsi avant que nous soyons chrétiens, mais c’est notre gloire de prendre la place la plus basse, et d’entendre Christ nous dire : « Monte plus haut ». Il nous a laissé un modèle, afin que nous suivions ses traces (1 Pierre 2:21). Le Seigneur Jésus a été rejeté comme Fils de David ; il reviendra comme Seigneur de David.
Or dans l’intervalle, pendant qu’il est ainsi caché, nous voyons la place de l’Église. Nous sommes cachés « avec le Christ en Dieu », et notre part est d’être unis à Lui pendant qu’il est caché à nos yeux. Le Saint Esprit étant descendu nous donne une place et une part avec Lui dans toute la béatitude de la maison du Père, et dans toute la gloire qui doit être révélée bientôt.
La place d’Ève était d’être
unie à Adam dans la domination que Dieu lui avait donnée sur toutes choses (Gen. 1:26-28 ; 5:2). L’Église aussi, dans la
manifestation de la gloire de Christ, n’apparaît que comme l’Épouse et la
compagne de Christ par grâce, jamais comme une partie de l’héritage. Envisagés
même individuellement, nous sommes « cohéritiers de Christ » (Rom.
8:17 ; comp. Gal. 4:7). Il est de la plus haute
importance pour les saints, dans ces derniers jours, de saisir la place
particulière qui nous appartient comme étant un
avec Christ, l’homme céleste.
La fin du chapitre 20 et le commencement du chapitre 21 présentent un contraste instructif, quoique affligeant, entre l’hypocrisie égoïste des scribes, que le Seigneur condamne devant le peuple, et l’amour vrai et dévoué de la veuve qu’il distingue pour « l’honorer ». On voit aussi à ce propos que le Seigneur sait comment séparer l’intention d’une âme sincère du système qui l’entoure, en jugeant l’état de choses tout entier auquel la personne est associée. De plus, remarquez la différence qu’il y a entre donner ce qu’on a pour vivre et donner de son superflu. Il est facile de s’approcher respectueusement de Dieu avec des présents, tout en se gratifiant réellement soimême ; mais la femme qui donne ce qu’elle a pour vivre, se donne elle-même à Dieu et montre qu’elle dépend de Lui. Ses deux pites, car elle n’avait pas davantage, exprimaient tout cela parfaitement, car ses besoins, et toutes les circonstances dans lesquelles elle se trouvait, auraient pu l’arrêter ; en même temps, la louange des hommes et la vanité de la donatrice n’avaient pas de place ici. Pour la jactance juive, l’acte de cette femme avait peu de valeur ; mais le Seigneur la voyait et lui rendait témoignage ; elle était bienheureuse dans ce qu’elle faisait.
La description que le Seigneur nous donne dans cet évangile des souffrances de Jérusalem est aussi, comme ce qui précède, liée bien davantage au simple fait du jugement de la nation et au changement de la dispensation. Les détails que nous lisons ici diffèrent beaucoup de ceux que nous trouvons au chapitre 24 de Matthieu, qui se rapporte entièrement à ce qui doit arriver à la fin, tandis que Luc envisage, plus que les deux premiers évangiles, le temps présent et le jugement de Jérusalem. C’est pourquoi Luc parle très clairement du siège et de la destruction de cette ville par Titus, ainsi que du temps des gentils. Remarquez également que la question des disciples, au verset 7, ne va pas plus loin que la destruction prédite. C’est pourquoi, dans ce qui suit, nous trouvons le jugement de la nation envisagé comme un tout depuis la destruction de Jérusalem par Titus jusqu’à l’accomplissement des temps des nations, de « l’économie » desquelles Luc est si occupé. Nation s’élèverait contre nation, il y aurait des signes du ciel, et des douleurs sur la terre ensuite ; et avant tout cela les disciples seraient les objets de l’hostilité des hommes ; mais tout leur tournerait en témoignage au lieu de détruire leur témoignage. Ils devaient persévérer et poursuivre leur chemin, tandis que la malheureuse Jérusalem où ils se trouvaient comblait la mesure de ses péchés. Le Seigneur permettait qu’ils fussent éprouvés, mais pas un cheveu de leur tête ne périrait. Cependant il y aurait un terme à ces choses : Jérusalem serait environnée d’armées, car c’est de ce fait historique et non de l’abomination de la désolation qu’il est question ici. La désolation de Jérusalem approchait. Les disciples auraient à s’en retirer, non pas à y retourner. Ce seraient les jours de la « vengeance », non de la tribulation sans pareille (comme au chap. 24 de Matthieu) qui aura lieu seulement aux derniers jours, — afin que toutes les choses qui sont écrites fussent accomplies. Il y aurait une grande détresse sur le pays et de la colère contre ce peuple. Ils tomberaient sous le tranchant de l’épée, et seraient menés en captivité, et Jérusalem, jusqu’à ce que son heure fût passée, serait la proie de maîtres gentils.
Dans les premiers versets (v. 8-19), le Seigneur s’étend sur les dangers, les devoirs et les tribulations des disciples avant le sac de la ville par Titus. Les disciples auraient à se tenir en garde contre un prétendu libérateur et contre le cri que le temps (celui de la délivrance) était venu. Ils ne devraient pas non plus se laisser épouvanter par les guerres et les bruits de guerre, pas plus qu’ils ne devraient se laisser séduire par de belles promesses. « Il faut que ces choses arrivent premièrement ; mais la fin ne sera pas tout aussitôt. » Il n’y aurait pas seulement des bouleversements, des pestes et de grands signes d’un changement et d’un mal à venir dans le monde ; mais avant toutes ces choses les disciples eux-mêmes passeraient par la tribulation et la persécution pour le nom de Christ. Alors, aux versets 20-24, vient le jugement de la ville et du peuple, déjà virtuellement jugés par la réjection du Seigneur ; et cette partie s’étend en principe jusqu’à nos jours. Mais tout n’est pas encore accompli, car, au verset 25, le Seigneur commence à décrire la scène finale — le jugement non pas seulement des Juifs, mais aussi des nations, car les puissances des cieux, la source d’autorité, seront ébranlées, comme nous lisons en Aggée 2 et Hébreux 12. Jésus ne dit pas que ces choses dussent arriver immédiatement après le siège de la ville par Titus, mais il laisse, au contraire, de la marge pour la longue période où Jérusalem est foulée par les gentils, jusqu’à ce que leurs temps soient accomplis. C’est dans Matthieu qu’il faut lire les détails sur la grande tribulation des derniers jours, parce que Matthieu est occupé des conséquences de la réjection du Christ, et spécialement en ce qui concerne Israël. C’est pourquoi Matthieu dit : « Et aussitôt après la tribulation de ces jours-là », c’est-à-dire des jours abrégés de la « tribulation de Jacob », qui est encore à venir. Ici, cependant, après la mention des temps des gentils, nous lisons qu’il y aura des signes dans le soleil, et dans la lune, et dans les étoiles, et sur la terre une angoisse des nations en perplexité, la mer et les flots faisant un grand bruit, les hommes rendant l’âme de peur, etc. Les hommes seront épouvantés, parce qu’ils ne verront pas la fin, et ils trembleront, parce qu’ils se sentiront entraînés vers une fin terrible et inconnue, par des principes qui agiront sans qu’ils sachent comment, et qui les envelopperont bon gré, mal gré, dans la ruine générale. La venue du Fils de l’homme place toute la scène dans son vrai jour devant les disciples. Mais il est évident par les circonstances et particulièrement par le caractère de la rédemption dont il est question (v. 28), qu’il s’agit non de chrétiens, mais de disciples terrestres et d’une délivrance terrestre par un jugement exécuté ici-bas. Le Seigneur, dans sa miséricorde, fait de la terreur de l’homme un signe de délivrance pour le résidu de ce jour-là.
Les versets 31 et 32 sont
intéressants à ce point de vue, et fournissent une preuve évidente, d’abord que
« le royaume de Dieu » ne signifie pas « l’Évangile de sa grâce »,
et ensuite que l’expression de « cette génération » ne peut pas
se rapporter à la période
qui sépare la prophétie de la destruction de Jérusalem.
Je dis que le royaume de Dieu n’est pas l’Évangile de sa grâce, car quand les disciples verront arriver ces choses (et le Seigneur avait parlé de la tribulation finale et universelle qui viendrait sur tout le monde habitable, et non pas seulement des calamités qui sont tombées sur les Juifs), ils doivent en conclure que le royaume de Dieu est proche. Or, si même il ne s’agissait que de la prise de Jérusalem par les Romains et de la dispersion du peuple qui en fut la suite, et à plus forte raison, si le discours du Seigneur embrasse la tribulation des derniers jours, on ne peut nier que l’Évangile s’était répandu bien loin en tous sens avant le premier de ces événements. En fait, la manifestation de son influence déclinait plutôt déjà avant cette époque, comme nous l’apprennent les dernières épîtres. Mais les signes, dont le Seigneur parle ici, étaient comme les bourgeons des arbres, quand ils commencent à pousser, et le royaume de Dieu viendra à l’arrivée du Roi, quand le Seigneur Dieu Tout-puissant prendra en main sa grande puissance et régnera. Qu’il y ait eu un jugement analogue partiel, lors de la chute de Jérusalem, cela ne fait pas l’objet d’un doute ; mais les versets 25-28 montrent clairement qu’il y a encore un jugement postérieur plus étendu, accompagné de signes qui introduisent, non pas les afflictions des Juifs, mais le Fils de l’homme venant dans son royaume.
Pour une raison analogue, l’expression de « cette génération » ne s’applique pas à la durée de la vie d’un homme seulement, mais elle est employée dans un sens moral, comme au chapitre 32 du Deutéronome, au Psaume 12, et dans une foule d’autres passages de l’Écriture. Elle s’étend ici expressément à la fin, non seulement au temps qui a suivi la chute de Jérusalem, mais à la scène tout à fait distincte de la venue de Christ en puissance et en gloire.
L’expression du verset 33 est très solennelle : il s’agissait de quelque chose de plus que d’un simple changement momentané quant à Jérusalem. Le temps précis était enveloppé dans une obscurité intentionnelle, mais rien n’était plus sûr que les deux faits annoncés.
Le Seigneur a préparé pour ses disciples d’alors ce qui était nécessaire, mais il a aussi donné sa Parole écrite, pour des temps analogues à venir. Cependant, quoique le principe soit toujours vrai, le verset 34 s’applique clairement à un jour à venir sur la terre. Le privilège dont le Seigneur parle consiste à échapper aux jugements et à se tenir devant le Fils de l’homme ; et quant à ceci encore, il s’agit de la terre, et non pas de l’enlèvement des saints dans le ciel. Les grands principes moraux, sans doute, restent vrais pour tous et, d’une façon particulière, pour ceux qui, en vertu d’un appel plus glorieux, peuvent en jouir d’une manière plus excellente.
Le Seigneur cependant poursuivait son témoignage, marchant et travaillant pendant le jour ; mais le lieu de sa retraite était « dans la montagne des Oliviers », là où il quitta ce monde, et où ses pieds se tiendront de nouveau dans ce jour-là. Patient dans son service, il enseignait dès le matin, dans le temple ; de nuit, il se tenait éloigné de la cité jugée ; son temps était maintenant venu.
La pensée de la chair s’est
montrée ce qu’elle est — inimitié contre Dieu, par la réjection de Christ !
L’iniquité a été résumée, mise en évidence chez tous — peuples, prêtres,
conducteurs. L’ami ? — il est un traître. Les disciples ? — ils
fuient quand le danger approche. Celui d’entre eux qui s’est le plus avancé ?
— quand il se voit exposé, il renie son maître. Les chefs religieux, ceux qui
auraient dû reconnaître le Messie ? — ils le livrent au pouvoir idolâtre
du monde. Celui qui est assis au tribunal ? — il lave ses mains en
reconnaissant l’innocence de Celui qui est amené devant lui ; mais il le
livre à la volonté, à la rage des hommes. Ainsi le péché de l’homme a été mis
en complet et flagrant contraste avec ce qui était parfait, et cela par la mort
de Jésus. Il est inutile de chercher du bien dans l’homme, non pas qu’on ne
rencontre d’aimables traits du caractère naturel, mais Dieu
n’a absolument aucune place dans le coeur de l’homme, quand
celui-ci est mis à l’épreuve.
En même temps, nous trouvons ici le tableau de la patience parfaite du Seigneur au travers de tout. Ce n’était pas seulement l’homme, mais Satan aussi, qui était là pour tenter. C’était la puissance des ténèbres, aussi bien que l’heure de l’homme. Jésus traverse cette scène de la méchanceté de l’homme et de la puissance de Satan ; son coeur se fondait comme de la cire, mais le résultat était toujours la manifestation de sa perfection. Un ange vient le fortifier ; car Jésus était réellement homme, mais un homme parfait, endurant tout ce qui pouvait l’éprouver, et ne manifestant rien que la grâce et l’obéissance parfaites. Partout où il y a de la douleur, son amour surmonte sa propre souffrance pour consoler les autres et leur venir en aide.
Qu’il est solennel de penser que, plus on est près du Seigneur, si la vie spirituelle fait défaut, plus on résiste à Dieu, plus aussi l’on devient un sûr et triste instrument de l’ennemi. Satan n’a nulle part plus d’empire que lorsque la vérité a été présentée et n’a pas été reçue dans le coeur. La convoitise fut le moyen employé par Satan à l’égard de Judas ; mais les principaux sacrificateurs et les scribes peuvent comploter avec lui pour livrer Jésus en secret, Dieu ne le permettra pas : ils sont forcés d’accomplir leur crime selon les desseins de Dieu. Alors, de derrière la scène (v. 8-13), la lumière jaillit : c’est le Seigneur ; quelles que soient ses souffrances, et quoi qu’il rencontre sur son chemin, nous trouvons toujours chez lui la connaissance et la puissance divines. Quelle paisible et calme dignité ! Point d’effort — rien pour faire montre de son caractère. Tout fléchit devant l’autorité de ce Sauveur rejeté, tout, excepté le coeur non renouvelé de l’homme auquel il avait été le plus manifesté. Pour le maître de la maison, inconnu d’eux tous à ce qu’il parait, sauf d’un seul, il suffisait d’entendre : « Le Maître te dit ».
Qu’il est précieux de voir des affections humaines parfaites mêlées avec une connaissance divine de toutes choses. « J’ai fort désiré de manger cette pâque avec vous, avant que je souffre. » Le Seigneur parle comme quelqu’un qui, avant de quitter sa famille, désire avoir encore avec elle une réunion d’adieu. Quand nous voyons la gloire divine dans la personne du Sauveur, nous voyons briller en lui les affections humaines (comp. Matt. 17:27). C’est là ce qui donne à Jésus une puissance et un charme qu’aucun autre objet ne possède, en sorte que Dieu peut trouver son plaisir en l’homme et l’homme son plaisir en Dieu. — Le Seigneur rompt tout lien avec l’ancien ordre de choses (v. 16) : il n’établit pas le royaume ici-bas, mais il met l’homme en relation avec Dieu, quand les anciens rapports étaient devenus impossibles. Il prenait une place nouvelle où la chair et le sang ne peuvent entrer ; sa mort et sa résurrection introduisent une nouvelle relation avec Dieu.
Le Seigneur fait ici une distinction entre l’agneau pascal et le vin, et les distingue tous deux d’avec la cène. Il entre de la manière la plus complète dans tous les sentiments d’Israël, de l’Israël de Dieu, dans les intérêts du peuple comme tel, jusqu’à ce que sa réjection les place sur un autre terrain et que la faveur divine soit transportée dans une autre scène par la résurrection, lui-même devenant le substitut, le vrai Agneau pascal. Les disciples étaient au premier rang dans cette communion avec Lui, comme nous voyons ailleurs Hushaï, l’ami du roi. C’est à eux qu’il veut donner ce dernier témoignage de son amour, avant de se séparer d’eux. Mais tout en exprimant ainsi son affection pour eux, il prend d’une manière manifeste (v. 18) le caractère de Nazaréen, qui était moralement toujours le sien, mais qui désormais le devient extérieurement et douloureusement : « Car je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu ». Il renvoie le moment de sa joie avec eux dans la commune jouissance du royaume, jusqu’à ce temps-là.
Ensuite, dans les versets 19
et 20, il institue le mémorial de la meilleure rédemption, de son amour qui va
jusqu’à la mort et au sacrifice de lui-même ; s’il se séparait maintenant
pour Dieu, dans sa joie, ce n’était pas un manque d’amour pour ses disciples,
mais au contraire le plein déploiement de cet amour. « Faites ceci en
mémoire de moi. » Nous nous souvenons
de Lui souffrant, mort, absent ; nous le connaissons
comme un Sauveur présent et
vivant. La nouvelle alliance est établie par son sang. Dans toute la joie de la
communion avec Christ dans le ciel, nous ne pouvons pas oublier ce qui nous a
amenés là. D’un côté, c’est un corps rompu, et un sang répandu ; de
l’autre, c’est Lui-même
et toute la
perfection de l’amour dans sa mort pour nous. Nous sommes unis à Lui, un Christ
ressuscité ; mais il nous appelle à nous souvenir de lui comme d’un Christ
mort. La bénédiction de cette mort est dans l’oeuvre qu’il a accomplie tout
seul : par sa vertu, je suis uni à Lui, et vivant pour toujours. Quant à
la part de l’homme dans cette oeuvre (v. 21, 23), c’était la trahison et
l’iniquité.
Le Seigneur montre ensuite, de la manière la plus évidente, la nécessité pour les siens de marcher dans la même humiliation que Lui, et non pas comme le monde. La grandeur humaine était reconnue parmi les Juifs, mais cette grandeur, désormais, était jugée et condamnée, ainsi que tout le système judaïque, comme des rudiments du monde. Toute autre grandeur, même si elle se présentait sous forme de bienfaiteurs, était du monde. Christ était venu pour être serviteur. Sa grâce redresse les siens, sans qu’il leur fasse aucun reproche. Il leur fait connaître que quelque élevée que fût la place qu’ils pourraient chercher, Lui prenait la plus basse. Il aurait pu dire : Rien ne brisera donc votre affreux égoïsme ! — mais il dit : « Vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations ». Il est le même maintenant. Ce que nous devrions rechercher, c’est de porter autant du fardeau de l’Église que nous pouvons en porter. Si nous souffrons ainsi avec Lui, son coeur est avec nous.
Pierre avait assez de confiance en la chair, pour aller au-devant de la tentation. Mais il est impossible à l’homme de tenir ferme quand il s’agit d’une question de bien ou de mal : il est pécheur et ne peut traverser cette épreuve. Si Dieu juge, c’en est fait de la chair : elle est comme l’herbe. Il y a la faiblesse de la nature humaine et en outre les droits et le pouvoir de Satan sur l’homme qui avait mis à découvert sa propre condition en la présence de Dieu et était assujetti à la mort par le jugement de Dieu. Je puis avoir appris par la grâce, que la chair ne profite de rien, mais il me faut l’apprendre par des relations avec l’ennemi, si je ne l’apprends pas avec Dieu. Le Seigneur a prié pour que la foi de Simon ne défaillît pas ; mais toute la confiance de Pierre en lui-même devait périr ; l’effet de l’intercession du Seigneur, c’est que Pierre ne perdit pas sa confiance en Christ, comme Judas, qui n’avait pas de foi. — Qu’est-ce qui le rendit plus tard capable de fortifier ses frères ? Il découvrit qu’il n’y avait que du péché en lui, quand il avait les meilleures intentions, et qu’il y avait une parfaite grâce en Christ, quand lui, Simon, agissait au plus mal.
Les versets 35-38 nous présentent un changement complet de circonstances. Jusque-là le Seigneur avait protégé les siens et avait pourvu à tout pour eux, comme le Messie qui disposait de tout ici-bas. Ce temps était passé, et le Juste allait être de plus en plus rejeté. Il était venu avec la capacité de détruire le pouvoir de Satan ; mais c’était le Seigneur qui était venu et l’homme ne voulait pas le recevoir : telle est la condition dans laquelle le monde se trouve. Il faut que lui, le Juste, il soit compté parmi les transgresseurs ! Quel lien pouvait-il y avoir entre Dieu et l’homme ? — L’humanité est condamnée, parce qu’elle a rejeté Christ. Nous pouvons trouver chez elle une conscience scrupuleuse quand il est question de mettre l’argent dans le trésor du temple, mais aucune conscience quand elle trahit le saint Fils de Dieu et le crucifie. Mais c’est en un Jésus rejeté et mort que la foi trouve ses délices. Il faut la foi et la grâce pour confesser un Christ méprisé des hommes. Les disciples qui se reposaient encore sur la force de l’homme, non sur le Messie crucifié en faiblesse, disent : « Voici ici deux épées ». Le Seigneur, en disant : « C’est assez », fait allusion à leurs paroles, et montre qu’ils n’entraient pas dans sa pensée. Il n’avait pas besoin d’en dire davantage.
Il faut que nous passions par
le crible pour être exercés et pour que nous jugions la chair. Christ, il est
superflu de le dire, n’avait pas besoin de cela, il faisait toutes choses en
communion avec son Père. — Son sentier était un sentier d’obéissance, et la
tentation, pour lui, était une occasion de faire la volonté de Dieu ; pour
Pierre, c’était la puissance de Satan. Christ ne parle pas de la méchanceté des
sacrificateurs, de la volonté du peuple, de l’injustice de Pilate, mais de la
coupe que son Père lui donnait à boire. Il avait eu des rapports positifs avec
Dieu au sujet de la tentation, avant que le moment fût arrivé ; et il faut
toujours qu’il en soit ainsi. Il est bien tard pour revêtir l’armure, quand
nous devrions être au combat. Un homme qui vit avec Dieu traverse l’épreuve,
dans sa mesure, comme Christ l’a fait. Il tient ferme au mauvais jour, parce
qu’il a été avec Dieu quand il n’y avait pas de mauvais jour. Sur la croix, il
ne s’agit pas de communion ;
mais dans le jardin, Christ est en communion avec le Père, quant à la puissance
de Satan, qui allait fondre sur Lui. Il sentait tout, mais ne succombait sous
aucune chose. Ainsi au lieu d’entrer en tentation, il était dans le plus haut
exercice de la spiritualité, accomplissant la volonté de Dieu dans les
circonstances les plus difficiles, et la soumission la plus parfaite, même
alors qu’elle lui coûtait toutes choses. Notre Père ne peut jamais nous induire
à pécher, mais il peut nous induire en tentation, c’est-à-dire il peut
permettre que nous soyons criblés, la chair étant abandonnée à elle-même, quand
cela est nécessaire, à cause de la dureté ou de la légèreté de nos coeurs, ou
de notre manque d’attention à ses patients avertissements. C’est le dernier
moyen dont Dieu use, mais souvent un moyen nécessaire pour nous apprendre à
nous connaître nous-mêmes, et nous discipliner. Quoique ce soit une grande grâce
de la part de Dieu, qu’il s’occupe ainsi de nous, cependant, si nous
connaissons notre faiblesse et ce qu’il y a de terrible dans le combat avec
l’ennemi, il nous convient bien de prier, et le Seigneur nous y invite, pour
que nous ne soyons pas placés dans la fournaise. Dans de pareils moments, une
mauvaise conscience pousse au désespoir. La chair, dans sa coupable légèreté,
va au-devant de l’épreuve sans assurance ou dans une opposition charnelle, et
elle succombe. D’un autre côté, si l’épreuve arrive, nous apprenons à nous
tenir dans notre vraie position devant Dieu — veillant, priant, suppliant,
plaçant tout devant Dieu dans une confiance d’enfant, mais avec un humble désir
que sa volonté soit faite.
Le Seigneur était absolument homme
, ici : un ange apparaît et
l’assiste, car le combat de son âme était grand ; mais l’épreuve dont il
ressent les ardeurs le pousse à prier plus instamment. La puissance du mal et
la douleur sont ainsi mises plus clairement en
évidence, et de manière à agir même sur le corps. Jésus était en angoisse, mais
il dit toujours : « Père ». Il est le Fils, et parle à son Père
comme Fils ; il n’est pas encore la victime devant Dieu, mais il souffre
en esprit, sentant toute la profondeur des eaux qu’il traverse, mais de cette
profondeur, criant à son Père. — Satan a cherché à arrêter Christ par la
difficulté, quand il n’a pas pu le détourner par les choses agréables de la
vie. Mais Christ a passé à travers tout avec son Père. À la croix il y avait
autre chose — la puissance de Dieu contre le péché.
C’est un bonheur que de voir ces deux choses réunies ensemble, la patience envers les hommes et en même temps la puissance qui dispose de tout et peut tout arrêter. Christ a été dans l’angoisse du combat, avec Dieu, — il est calme devant les hommes. Si Pierre coupe l’oreille de Malchus, Lui, il étend la main et guérit. Quel tableau et de l’homme et de Dieu, si nous regardons ici à Christ !
Quand nous tremblons devant les hommes, nous n’avons pas été avec Dieu. Pierre tombe, témoin de la faiblesse et du caractère trompeur de la chair. En Christ — quoiqu’il souffrit — il n’y avait rien qui rendît vaine la simple et parfaite action de la grâce, à quelque moment que ce fût. Lorsque le coq chante, il se tourne et regarde Pierre, qui se ressouvient de la parole que Jésus lui avait dite, et sort, pleurant amèrement.
Le Seigneur ne passa pas la nuit avec ses juges, qui prirent leur temps jusqu’au matin avant de faire comparaître devant eux le Seigneur de gloire, mais il fut laissé au milieu de ceux qu’ils employaient, objet de leur mépris et de leurs insultes. Puis, quand cela leur convint, on l’amena devant un conseil des chefs du peuple ; mais Lui savait que ce n’était pas le temps pour rendre témoignage, et il les laissa à leur propre faiblesse. La présentation du Messie aux Juifs était close : désormais le Fils de l’homme serait assis à la droite de Dieu. Tout était vidé et réglé avec Dieu ; ils pouvaient poursuivre leur chemin. Ils tirent eux-mêmes la vraie conclusion : « Tu es donc le Fils de Dieu ». Ils seront donc coupables, non pas d’une erreur, mais d’avoir condamné Jésus, parce qu’il était le Fils de Dieu et le confessait devant eux.
L’iniquité religieuse n’avait
plus maintenant qu’à achever son oeuvre et à conduire le monde dans la voie
dans laquelle elle l’avait elle-même dirigé. Il faut que le pouvoir civil cède
à l’iniquité volontaire d’un peuple apostat. C’est là l’histoire du monde ;
et si, du pouvoir civil ou du pouvoir religieux, il en est un qui soit plus
près de Satan que l’autre, c’est toujours le dernier. Les principaux
sacrificateurs manifestent leur inimitié, par l’accusation qu’ils portent
contre le Seigneur et qui était calculée de manière à exciter la jalousie du
gouverneur ; ils accusent le Christ de ce qui était absolument faux quant
à César, mais en comptant perfidement sur la confession qu’il ferait de la
vérité à laquelle ils savaient bien qu’il ne pouvait pas ne pas rendre
témoignage. La culpabilité des Juifs est complète, comme aussi celle des
gentils, car Ponce Pilate lui-même déclare Jésus innocent, et il eût désiré le
relâcher. Cruel lui-même, le gouverneur romain n’aimait pas la cruauté chez les
autres ; mais il ne voulait pas aller jusqu’à sauver Christ de la fureur
de ses ennemis ; il lui en aurait coûté
quelque chose de le faire, ses intérêts eussent été compromis, et il cède. Ce
qui seul a de la puissance dans le monde, c’est l’inimitié contre Christ.
Mais il y a une autre forme du mal ; il y a Hérode roi apostat d’Israël apostat ; et Hérode et Pilate, quoique jaloux l’un de l’autre et divisés entre eux, sont amis pour rejeter Christ : union terrible entre la quatrième bête et ceux qui professent être le peuple de Dieu. Mais si les gentils se rendent honteusement coupables, en ne protégeant pas le Juste et en prononçant contre lui un jugement inique, c’est chez les Juifs que se trouve l’activité d’une volonté méchante. Trois fois l’occasion leur est donnée de revenir à d’autres sentiments ; mais, tandis que l’indifférence du gouverneur est aussi évidente que l’insolence désappointée d’Hérode, chaque fois la voix du peuple ne fait que s’élever plus haut pour demander la mort du Messie ; et pour les apaiser, Pilate relâche le coupable Barabbas qu’ils lui demandent, et livre Jésus à leur volonté.
C’est une heure terrible, une heure de violence. Peu leur importe l’homme qu’ils rencontrent, pourvu qu’ils puissent le forcer à leur venir en aide dans leur iniquité. Leur heure avait sonné ; ils s’accordent tous pour rejeter et outrager Christ, avec cette seule différence que les Juifs agissent avec plus de connaissance de cause. Les privilèges extérieurs se tournent en affliction et en messagers de terreur, il faut qu’ils soient rabaissés, car tout est faux maintenant quelle que soit d’ailleurs, chez les filles de Jérusalem, l’expression des sentiments naturels suscités par les circonstances. Elles ne comprenaient ni la croix de Christ, ni le sort terrible qui les attendait. On peut être touché de compassion, comme si on était supérieur à Christ, et tomber sous le jugement qui est la conséquence de sa réjection et de sa mort. Aucune humiliation n’enlève jamais à Jésus la parfaite capacité de s’occuper des autres de la part de Dieu. Hélas ! ce n’était pas seulement sur Pilate et Hérode, ou sur les principaux sacrificateurs, que le jugement allait tomber, mais sur les femmes qui se lamentaient et pleuraient sur Jésus, dans l’ignorance de leur propre condition et de la condamnation qui pesait sur elles. Conscience naturelle, religion naturelle, sentiments naturels, tout est insuffisant, tout, sauf la gloire de Dieu en Christ. Et si Lui, le vivant et vrai Cep, qui portait réellement du fruit pour Dieu, était traité ainsi, quelle serait la part des branches stériles, ou du bois sec ? Où paraîtra l’impie et le pécheur ? L’homme rejette le bois vert, et Dieu rejette le bois sec. La vie était là, dans la personne de Jésus ; ils n’en ont pas voulu et sont par conséquent rejetés ; et maintenant, on ne peut avoir part à cette vie que par un Christ mort et ressuscité.
Toutes les espérances de
délivrance présente sur la terre sont mises de côté : il faut que Christ
meure. Mais si Dieu nous montre jusqu’à quel point l’homme peut s’abaisser
moralement, il nous montre en même temps que Christ, dans sa grâce, peut
descendre plus bas encore : « À moins que le grain de blé, tombant en
terre, ne meure
, il demeure seul »
(Jean 12:24)., C’est pourquoi toutes les fois qu’on tentera (et c’est l’effort
de la religion de l’homme) d’associer un Christ vivant, avant la mort et la
résurrection, avec des pécheurs vivants, vous pouvez compter qu’on est dans
l’erreur, car c’est unir le péché avec le Seigneur du ciel, et c’est nier que
les gages du péché c’est la mort. Si Christ était descendu de la croix, comme
les gouverneurs et le peuple l’y invitaient, en se moquant de Lui, il ne nous
aurait pas délivrés. Il faut que Jésus passe par la mort et qu’il prenne une
place plus élevée en résurrection ; et là
il nous prend à Lui. L’incarnation par elle-même ne peut pas donner la vie et
la rédemption à ceux qui sont morts dans leurs fautes et dans leurs péchés ;
il faut que Dieu nous donne une place bien au-delà, dans la vie de résurrection
en Christ.
Ainsi donc, en dépit de la
grâce de Jésus qui intercède, les Juifs et les gentils s’associent pour
l’outrager et le crucifier. Mais Dieu avait préparé, même ici, dans un pauvre
pécheur, la consolation de sa grâce pour son Bien-aimé. Or aucune douleur,
aucune honte, aucune souffrance n’accablent assez le coeur, pour qu’il
n’insulte pas Jésus : un malfaiteur crucifié l’outrage ! Il y a dans
tout coeur non renouvelé, une opposition instinctive contre Christ, que
n’apaise même pas la puissance de l’amour qui faisait descendre le Fils de Dieu
jusque dans la plus profonde humiliation, pour souffrir la colère due au péché.
Ne pensez pas que vous soyez en aucune manière meilleurs que ce misérable « Il
n’y a point de juste, non pas même un seul ; il n’y a personne qui ait de
l’intelligence, il n’y a personne qui recherche Dieu… ils se sont tous
ensemble rendus inutiles » ; — en un mot, « il n’y a pas de différence !
» Vous êtes aussi
mauvais devant Dieu que le brigand impénitent et moqueur. Mais voyez maintenant
le fruit de la grâce dans l’autre brigand. La grâce opère dans un homme, dont
la condition est tout aussi dégradée que celle de son compagnon qui, en dépit
de sa propre agonie et de son sort ignominieux, trouvait son plaisir à outrager
le Seigneur de gloire : tous les deux, en effet, ils avaient insulté
Christ (Marc 15:32). Mais quoi de plus glorieux et de plus certain que le salut
de ce malfaiteur, lorsqu’il s’incline devant le nom de Jésus ? Il s’en va
au paradis avec le Seigneur, qu’il reconnaît comme tel.
On a dit quelquefois sans
réflexion, que l’un des deux hommes fut sauvé ainsi, afin que personne ne
désespérât, et qu’il n’y en eût qu’un seul afin que personne ne présumât de
lui-même. Ce qu’il y a de vrai, c’est que c’est ici le seul moyen par lequel un
pauvre pécheur, quel qu’il soit, peut être sauvé ; il n’y a qu’un seul et
même salut pour tous. Le temps eut manqué évidemment s’il se fût agi pour le
brigand de faire
quoi que ce soit,
mais tout est fait pour le pécheur qui croit. Ce même jour, ses jambes devaient
être brisées, comment pouvait-il entrer dans le paradis ? Christ opérait
sa délivrance par sa propre mort, et l’oeil de cet homme était ouvert par la
foi à ce que Christ accomplissait.
Ce n’est pas seulement que
l’oeuvre de Christ, accomplie pour
lui, fût la base sur laquelle son âme se reposait pour le salut ; il y
avait aussi une grande oeuvre morale opérée en
lui par la révélation de Christ à son âme, par le Saint Esprit qui le
convainquait de sa complète iniquité :
« Et tu ne crains pas Dieu, toi »,
dit-il, en censurant son
compagnon, « car tu es sous le même jugement ? Et pour nous, nous y sommes justement ».
Tout
n’était pas joie. La conscience était réveillée ; il y avait un vrai
sentiment du bien et du mal, car, en esprit, le brigand avait trouvé la
présence de Dieu ; et ainsi, oubliant ses propres circonstances, il
devenait prédicateur de justice. Il reconnaît la justice de sa propre
condamnation dans la sincère et
loyale confession de son péché ; mais quel témoignage merveilleux il rend
en même temps à Christ : « Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire ! »
Il parle comme s’il avait connu Christ toute sa vie il a une perception divine
du caractère du Sauveur et il en est de même pour le chrétien, maintenant. Etes-vous si jaloux de la pureté et de la gloire de Christ,
que vous ne puissiez faire autrement que de vous récrier, quand on parle de Lui
sans révérence ? Le brigand croyait que Jésus était le Seigneur, le Fils
de Dieu, et il pouvait répondre ainsi avec assurance de ce qu’il avait été
comme homme. Christ était parfaitement homme, aussi vraiment et parfaitement
homme que tout autre, mais son obéissance était aussi divine : « Celui-ci
n’a rien fait qui ne se dût faire ». Quelle réponse du coeur renouvelé à
la joie qu’il trouve dans la pureté et l’absence de péché ! Son oeil
embrasse, pour ainsi dire, toute la vie de Christ ; il peut répondre pour
Christ partout et toujours, parce qu’il a appris à le connaître Lui-même.
Puis, se tournant vers Jésus, il dit : « Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume ». Aussitôt qu’il peut se débarrasser de cette triste obligation — quand il en a fini avec l’autre brigand, et a rendu témoignage — son coeur se tourne instinctivement vers Christ. Rien ne le distrait de Lui ! Pense-t-il à ses souffrances ? S’occupe-t-il du peuple qui entoure la croix ? Non, comme il arrive toujours quand la présence de Dieu domine, il est absorbé. Dans l’extrémité de l’impuissance, pour ce qui est de l’apparence extérieure, il entend la voix du Berger, et il le reconnaît comme le Sauveur et le Roi. Il lui demande de se souvenir de lui. Le jugement des hommes était que Christ était un malfaiteur ; les femmes qui pleuraient sur lui ne discernaient pas sa personne ; mais les circonstances les plus avilissantes ne pouvaient cacher au brigand la gloire de Celui qui était crucifié à son côté. Il reconnaît Jésus comme le Seigneur, il sait que son royaume viendra certainement. L’autre brigand, s’il pensait à quelque chose, ne désirait que la délivrance présente ; mais celui-ci voyait les souffrances de Christ et les gloires qui suivraient. Son âme ne recherchait pas la délivrance des souffrances corporelles, mais se portait tout entière sur la personne de Christ dans la gloire. Ses yeux n’étaient pas tournés vers la terre, ni vers la nature, mais vers un autre royaume où la mort ne peut entrer. Il n’y avait aucun nuage, aucun doute, rien qui obscurcît chez lui la paisible et ferme assurance que le Seigneur viendrait dans son royaume.
Le Seigneur lui donne plus
que sa foi ne demande. Il lui donne la paix actuelle
.
Il ne lui parle pas même du royaume qui allait venir, mais il lui dit : « En
vérité, je te dis : Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ».
C’est comme s’il eût dit : Tu auras le royaume, quand il viendra ;
mais je donne maintenant un salut d’âme ; tu vas être immédiatement
associé à moi, d’une manière infiniment plus excellente et plus glorieuse que
tout ce que le royaume apportera, quelque béni qu’il soit. En effet, l’oeuvre
qui pouvait transporter une âme dans le paradis fut accomplie à la croix. Si le
Sauveur a pris la place du pécheur, le pécheur est, par grâce, en droit de
prendre la place du Sauveur. Sans doute, le pauvre brigand n’avait que peu de
connaissance de l’oeuvre de Christ et de ses effets, mais le Saint Esprit avait
fixé son coeur sur la personne de Christ. La parole du Seigneur (v. 43)
implique l’expiation, en vertu de laquelle nous sommes rendus propres à être
ses compagnons en présence de Dieu. L’oeuvre de Christ est aussi parfaite pour
nous, maintenant, qu’elle l’était alors pour le pauvre brigand ; elle est
tout aussi bien accomplie pour nous que si nous étions déjà réellement ravis
dans le paradis. Combien cela est différent de tout ce qui ressemble à un
progrès de l’âme, qui la rendrait propre pour le ciel ! Quelle chose
merveilleuse qu’une telle âme devienne une consolation pour le Sauveur !
Jésus était descendu jusque sous la condamnation et tous les flots de la colère
ont passé sur Lui ; et maintenant le brigand converti était le glorieux
témoin de la grâce parfaite et du salut éternel par le sang de Jésus.
La scène où resplendit la lumière d’un autre monde par un coeur purifié par la foi fait place maintenant aux ténèbres qui convenaient à cette heure, et qui s’étendaient, parait-il, spécialement sur Israël : « Et le soleil fut obscurci, et le voile du temple se déchira par le milieu ». Ainsi le chemin des lieux saints est rendu manifeste par l’acte qui s’accomplissait dans ces ténèbres ; et Dieu, dans la grâce du sacrifice de Christ, luisait sur ce monde. À travers les ténèbres du jugement la lumière jaillit, et le chemin était ouvert pour entrer au-dedans du voile. Tout était accompli, et le Seigneur, d’une voix forte, non affaiblie, s’écrie : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit ». C’est ici quelque chose de bien plus glorieux que la bénédiction juive, car, quant à Israël, « le vivant, le vivant est celui qui te louera » (És. 38:19) ; c’est l’adoption, la mort vaincue et devenue l’occasion seulement pour remettre l’esprit sain et sauf, heureux, confiant, en dépit de la mort, aux soins et dans la présence du Père. Principe d’une immense importance et que rien, si ce n’est la résurrection, ne peut dépasser. La mort dans les mains de Jésus, — quel fait ! — Le centurion, présent dans l’accomplissement de son devoir, atteint tout au moins dans sa conscience naturelle, glorifie Dieu et reconnaît que « en vérité, cet homme était juste ». Les foules assemblées, voyant les choses qui étaient arrivées, s’en retournent se frappant la poitrine, n’augurant rien de bon. Ceux de sa connaissance et les femmes qui l’avaient accompagné de la Galilée, plus intéressés que les autres, se tiennent loin toutefois, regardant ces choses.
Mais la providence et l’opération de Dieu, le juste Juge, prennent soin du corps du Juste. Si les premiers témoins sont disparus, d’autres, faibles en foi, sont rendus actifs et fidèles au poste du danger, dans la confession et l’attachement au Seigneur. Combien souvent les difficultés qui effraient les uns poussent en avant les autres ! Il en fut ainsi pour Joseph d’Arimathée, car il fallait que Jésus fût « avec le riche dans sa mort ». Les femmes aussi, dans une vraie mais ignorante affection, font d’inutiles préparatifs, attendant l’heure juive pour un Seigneur qui s’en était allé bien au-delà de leur foi. La résurrection allait briller à l’aurore d’un glorieux matin, car les honneurs du tombeau, semblables aux intentions des femmes de Galilée, avaient un caractère juif, et tout cela prenait fin maintenant dans la mort.
Luc nous montre maintenant l’Homme ressuscité,
présent de nouveau
au milieu de ses disciples, et s’occupe du témoignage adressé au monde sur le
fondement de la résurrection, nouvelle vérité et puissance qui est supérieure à
tous les principes naturels. La croix a fermé la porte à tout ce qu’est « l’homme
dans la chair
», et une chose
nouvelle est introduite dans le Christ ressuscité. La résurrection est une
toute nouvelle condition ; sans elle, le Juif même ne pouvait pas jouir
des grâces assurées de David. L’homme, sans loi et sous la loi, se trouvait
placé sous une sentence de mort. Il peut se glorifier de ses facultés
naturelles, mais il est sans
Dieu. Il
a rejeté celui qui vint à lui, comme homme, en parfaite et divine grâce ;
et en le faisant, il a montré pleinement ce qu’il était. C’est pourquoi, le
Seigneur dit : « Maintenant est le jugement de ce monde ». Un
terrain et une scène entièrement nouveaux apparaissent ici et sont mis en
évidence en Christ lui-même. Nos corps restent les mêmes ; mais la vie, le
caractère, les mobiles du coeur, les moyens, le but, sont entièrement nouveaux
dans le chrétien : « Les choses vieilles sont passées et toutes
choses sont faites nouvelles ».
Les femmes préoccupées de leurs propres pensées et de leurs affections, viennent avec des aromates, pour embaumer le corps mort de Jésus, alors qu’il était déjà vivant devant Dieu dans le parfum de son oeuvre et de son sacrifice, ayant accompli tout ce qui plaçait l’homme, le dernier Adam vivant, en justice et en faveur devant Dieu le Père. Les femmes rencontrent d’abord une difficulté inattendue, car elles ne trouvent pas le corps du Seigneur, ne sachant pas encore qu’il était ressuscité. Elles ne comprenaient pas qu’il ne restait plus ni jugement, ni péché. Il peut y avoir une vraie et grande affection pour Jésus, là où l’on ignore ces choses. Mais bientôt la question qui impliquait la réponse à tout, leur est posée : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? » Ces femmes ignorantes mais fidèles n’étaient pas oubliées du Seigneur ; Lui, dont les voies sont amour, a conservé leur mémoire et le souvenir de leur sortie matinale à sa recherche, d’où elles devaient rapporter à ses apôtres eux-mêmes, le précieux message. « Et leurs paroles semblèrent à leurs yeux comme des contes, et ils ne les crurent pas ». Mais Pierre, dont le coeur brisé et repentant était plus que les autres affecté par ce qu’il venait d’entendre, court au sépulcre ; et se baissant pour regarder, il voit les linges là, tout seuls, et s’en retourne, s’étonnant en lui-même de ce qui était arrivé. Assurément c’était un merveilleux secret, qui confondait toutes les pensées des hommes et s’élevait au-dessus d’elles.
Le récit des circonstances
fourni par Luc est toujours général
;
Jean nous donne plus de détails et développe plus particulièrement l’affection
dévouée de Marie-Madeleine pour la personne de Jésus, montrant aussi combien
peu, jusqu’alors, elle connaissait la puissance de Dieu en résurrection.
Nous n’avons pas besoin
d’entrer dans le détail de la touchante entrevue du Seigneur avec les
disciples, sur le chemin d’Emmaüs. Comme il éveille leurs affections !
Mais il apparaît ici, entièrement comme homme, et les disciples parlent de la
vérité au point de vue juif. Leurs coeurs restent toujours enfermés dans le
même cercle. Combien cela est naturel ! Jésus était un prophète, et ils
espéraient que c’était lui qui délivrerait Israël. Le fait de la résurrection
occupait bien leurs pensées, mais il était sans lien avec les conseils de Dieu.
Les disciples étaient étonnés, mais, comme d’autres avant eux, ils en restaient
là. Christ se place sur un terrain absolument différent, quoiqu’il ne s’agisse
encore ici que d’intelligence et non de la puissance du Saint Esprit : « Ô
gens sans intelligence et lents de coeur à croire toutes les choses que les
prophètes ont dites ! » Et commençant par Moïse et par tous les
prophètes, il leur explique, dans toutes les Écritures, les choses qui le
regardent, et ouvre leur intelligence pour les entendre ; car, quoique
présenté ici entièrement comme homme, il opère divinement et spirituellement
dans leurs âmes. « Ne fallait-il pas ?
»
dit-il ; n’était-ce pas le conseil de Dieu, clairement révélé dans sa
Parole ? Ce sur quoi il insiste, c’est sur la pensée de Dieu dans les Écritures,
relativement au Christ. C’était là un pas immense qui faisait sortir les
disciples de leur préoccupation d’eux-mêmes et de leur égoïsme juif. Ils
pensaient que Jésus délivrerait Israël par puissance ; ils n’avaient
aucune idée d’une vie nouvelle et céleste, quoique, sans doute, ils la
possédassent. Même pour ce qui regarde le Christ, il faut que la mort
intervienne pour que Dieu soit glorifié et l’homme réellement béni ; ainsi
l’avaient enseigné Moïse et tous les prophètes. « Ne fallait-il pas que le
Christ souffrît ces choses, et qu’il entrât dans sa gloire ? » Non
pas qu’il « établît son royaume ici-bas », mais « entrât dans sa
gloire ».
Les versets 28 à 35 nous
fournissent un tableau vivant de la scène d’Emmaüs. « Il fit comme s’il
allait plus loin. » Pourquoi lui, qui à leurs yeux était « un
étranger », serait-il entré avec eux ? Mais ils le forcèrent,
disant : « Demeure avec nous, car le soir approche et le jour a
baissé… Et il arriva que, comme il était à table avec eux, il prit le pain et
il bénit ; et l’ayant rompu, il le leur distribua. Et leurs yeux furent
ouverts, et ils le reconnurent ; mais lui devint invisible et disparut de
devant eux ». Ce n’était pas ici manger la cène du Seigneur avec eux,
c’était cependant en relever une partie, la fraction du pain qui était le signe
de sa mort. Il n’était pas là seulement comme le pain vivant descendu du ciel,
mais comme ayant dit : « C’est ma chair, laquelle moi je donnerai
pour la vie du monde », — non pas la chair que je prendrai,
mais que je donnerai
.
Il prit part à la chair, sans doute, afin de la donner ; mais c’est sa
mort qui devint la vie du monde. Pour le Juif, aussi bien que pour le gentil,
il n’y avait pas d’autre moyen de salut. La condition de l’homme était telle
qu’il ne pouvait être vivifié qu’en rapport avec la croix. Tout ce qui était
dans l’homme, comme enfant d’Adam, était sous une sentence de mort et de
jugement. Christ, en grâce, entra là où l’homme se trouvait, où j’étais, afin
que je fusse dans la même position que Lui, quant à l’acceptation devant
Dieu : son corps rompu me montre que j’ai part à ce qui m’amène à Dieu. Un
pécheur mort ne peut trouver la vie et la faveur de Dieu que dans un Christ
mort : c’est ce que le Seigneur avait enseigné au chapitre 6 de Jean ;
il fallait manger sa chair et boire son sang pour avoir la vie. Il ne
s’agissait plus simplement de sa présence corporelle dans l’incarnation ;
il fallait nécessairement la rédemption et la foi en elle. Il fallait qu’on se
nourrît de Christ, non pas seulement comme Messie vivant, ou comme ayant revécu
pour toujours dans la résurrection, mais comme de Celui qui était mort, dont le
corps avait été rompu et le sang versé pour l’expiation.
C’est ainsi que le Seigneur
se fait connaître aux disciples à Emmaüs, quoique ce ne fût pas la cène du
Seigneur. Leurs coeurs avaient été ouverts par ce qui les encourageait, en
liant la vérité de Dieu avec le fait de la réjection de Christ et en changeant
leur désespoir en joie et en paix, quand les conseils de Dieu dans ces choses
leur avaient été montrés. Mais la révélation présente du Seigneur avait lieu
par la circonstance touchante de son association personnelle avec eux dans la
fraction du pain. C’était lui-même
qui
avait rompu le pain ; il ne pouvait y avoir à cet égard aucun doute. Un
instant après, il avait disparu de devant leurs yeux ; mais il avait
atteint son but. Ils avaient la vie par sa mort, et Lui était ressuscité ;
son corps était un corps spirituel, mais avait de la chair et des os qu’un
esprit n’a pas. Il avait montré aux siens, non seulement le fait, mais la
nécessité du fait de la résurrection. Pourquoi ne dit-il pas qu’il « était »
ressuscité, mais qu’il « fallait… qu’il ressuscitât d’entre les morts ? »
— Parce qu’il faut que la sentence tout entière tombe sur le premier Adam et en
finisse avec lui. Tout ce que j’ai maintenant, je le possède dans le dernier
Adam ; je ne suis pas seulement vivifié, mais vivifié ensemble avec
Christ, ayant le pardon de tous mes péchés. Christ, par sa mort, les a tous
ôtés pour tous ceux qui croient ; et pour eux, tout ce qui se rattachait
au premier Adam est désormais passé. C’est la puissance contre le principe du
péché, qui de fait est encore en nous ; c’est pourquoi l’apôtre appelle
les croyants à se tenir eux-mêmes pour morts au péché (Rom. 6). Dans la
puissance du Saint Esprit, qui me donne la conscience de la vie nouvelle que je
possède en Christ, j’ai à mortifier mes membres qui sont sur la terre, car j’ai
à faire l’application de la, mort de Christ à ma vieille nature. Le principe
monacal s’efforce de tuer le péché afin de trouver la vie ; mais l’apôtre
montre qu’il faut que nous ayons la vie, par la foi en Christ, pour traiter le
péché comme une chose morte (Rom. 6 et 7 et 8).
C’est une chose importante que les yeux des disciples aient été retenus. Dans la condition où ils se trouvaient, reconnaître Jésus eût satisfait leurs pensées. D’un autre côté, le Seigneur engageait leurs coeurs par toutes les choses que Dieu avait dites de Lui, et ouvrait leur intelligence spirituelle, et ensuite, dans l’intimité de la communion, par la fraction du pain, qui rappelait la grande vérité de sa mort, découvrait à leurs yeux sa grande délivrance. « Nous marchons par la foi, non par la vue. » Pleins du grand événement qui commença un monde nouveau, les deux disciples retournent en hâte à Jérusalem où les onze étaient assemblés ainsi que ceux qui étaient avec eux, disant : « Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon » ; ils font le récit de leur merveilleuse rencontre et de la manière plus merveilleuse encore dont Jésus s’était fait reconnaître en rompant le pain. Le Seigneur prouvait ainsi qu’il voulait des témoins indépendants.
Leurs coeurs étaient préparés mais à cette chose nouvelle, « le commencement, le premier-né d’entre les morts », des coeurs terrestres s’associaient difficilement. Le Seigneur se présente à eux comme toujours et de toute manière le même homme. Dans son entretien avec les deux disciples, il en avait été exactement de même ; tout était humain, quoique ce qu’aucun homme ne fut jamais et ce que nul, sauf Dieu, ne pouvait être, fût ainsi mis en évidence. Ici aussi, le Seigneur montre à ses disciples ses mains, ses pieds, les blessures qui lui avaient été faites ; il mange devant eux quelque peu d’un morceau de poisson cuit et d’un rayon de miel. Deux sentiments dominent dans le coeur des disciples, la joie de le revoir de nouveau et l’étonnement. Le Seigneur présente la vérité de la résurrection, non pas comme doctrine, mais comme une vivante réalité, pour restaurer les âmes des disciples et leur faire connaître la sienne de la manière la plus familière, ressuscité désormais, et cependant toujours réellement et véritablement homme. « Et il leur dit : Ce sont ici les paroles que je vous disais quand j’étais encore avec vous, qu’il fallait que toutes les choses qui sont écrites de moi dans la loi de Moïse, et dans les prophètes, et dans les psaumes, fussent accomplies. Alors il leur ouvrit l’intelligence pour entendre les Écritures. »
Le Seigneur met ainsi en
évidence la vraie position devant Dieu en justification de vie et en liberté ;
mais il fallait une autre chose devant les hommes, savoir la puissance.
Ce n’est pas ce dont il
s’agit devant Dieu, devant qui le chrétien est placé comme Christ lui-même, « agréable
dans le bien-aimé » ; mais pour le témoignage qu’il est appelé à
rendre ici-bas, soit par la parole de la prédication ou de quelque autre
manière que ce soit, l’homme a besoin de puissance. Cette puissance était
promise aux disciples ; mais ils devaient attendre encore pour la
recevoir. Il faut nous garder de confondre le service, quel qu’il soit, avec la
position chrétienne. La puissance de l’Esprit est nécessaire pour vivre devant
les hommes, — la puissance outre la régénération, qui est une chose distincte
de l’intelligence spirituelle. Nous avons besoin de cette dernière pour saisir
notre position en Christ ; et quand il ouvre nos intelligences pour
comprendre les Écritures, cette intelligence ne nous élève pas ; c’est une
révélation de
lui-même qui met en
communion avec
Lui : le besoin
de puissance subsiste néanmoins. Même la connaissance n’est pas nécessairement
la puissance. Le témoignage et le propos de Dieu dans la Parole doivent être
accomplis. La grande vérité d’un Christ qui a souffert et est ressuscité,
atteint jusqu’aux gentils. Dans Matthieu, l’association de Christ avec le
résidu juif est mise en évidence ; c’est pourquoi le Seigneur rencontre
les siens en Galilée après et avant sa résurrection ; et c’est le point de
départ de leur mission d’aller et de faire disciples les nations. Tout cela
manque en Luc, où Jérusalem, Emmaüs, et Béthanie avant tout, occupent la
première place, car c’est de là que le Seigneur monte au ciel ; le
témoignage vient de plus haut que du terrain où le formalisme légal du Juif et
le péché plus grossier du gentil pouvaient être distingués ; le Juif,
enfant de colère comme le gentil, est placé sur le même pied que celui-ci.
Le témoignage devait
toutefois commencer expressément par Jérusalem : il faut que les richesses
de la grâce soient d’abord manifestées là où le péché est le plus grand. La
croix brisait le lien de Christ comme Messie juif avec les Juifs, mais elle
ouvrait la porte de la repentance et de la rémission des péchés au Juif
premièrement, puis au gentil. « Et vous, vous êtes témoins. » Le
Saint Esprit vient répondre au besoin de puissance : « Et voici, moi,
j’envoie sur vous la promesse de mon Père. Mais vous, demeurez dans la ville,
jusqu’à ce que vous soyez revêtus de puissance d’en haut. »
Ce glorieux témoin de l’exaltation de Christ, le
Saint Esprit, ne pouvait devenir la part de l’homme que par la réception de
Christ dans le ciel, une fois la rédemption accomplie. Le Saint Esprit avait
toujours été actif, en création, en révélation, en providence, en régénération,
et dans tout ce qui est bon, mais il n’avait jamais été donné
auparavant. Le don dépendait de la gloire de Jésus : le
Saint Esprit pouvait devenir serviteur de cette gloire dans l’homme, car
c’était le conseil de Dieu et la perfection de l’amour.
En attendant, et jusqu’à ce qu’ils fussent revêtus de cette puissance, les disciples s’en retournent avec une grande joie à la ville que leur Seigneur avait quittée. Leurs coeurs étaient remplis de l’influence de ce grand fait que leur Maître était glorifié, quoiqu’ils l’associassent encore à des pensées juives. Ces deux éléments se retrouvent dans les Actes, particulièrement dans la première partie du livre.