Monard Jacques-André
ME 1998 p. 45-48
Ces versets placent devant nous les grands principes du service chrétien : dévouement entier au Maître (v. 1), non-conformité au monde, discernement spirituel, reconnaissance de la volonté de Dieu et soumission à cette volonté (v. 2), humilité (v. 3), tout cela conduisant à un fonctionnement harmonieux des membres du corps dont les croyants font partie, chacun à sa place (v. 4-8).
Le
ressort
du service est mis en
évidence par une expression deux fois répétée (en termes presque
identiques) : « selon la mesure
de foi
que Dieu a départie à chacun » et « selon la proportion de la foi
» (v. 3 et 6).
Au
verset 3, il s’agit d’avoir « de saines pensées » quant à
soi-même : de ne pas surestimer
le service ou le don que Dieu nous a confié, mais de ne pas le sous-estimer
non plus. La tendance la
plus naturelle de notre cœur, c’est d’avoir « une haute pensée » de
nous-mêmes, et de nous estimer bien capables d’accomplir la tâche placée devant
nous. Mais il peut arriver aussi que, par manque de foi, nous ayons une pensée au-dessous
« de celle qu’il
convient d’avoir », et que dans « un esprit de crainte » qui ne
vient pas de Dieu (cf. 2 Tim. 1:7), nous reculions devant les tâches qu’il nous
donne. La pensée « qu’il convient d’avoir » est « selon la mesure de foi
que Dieu a
départie à chacun ». Il ne s’agit pas ici de la foi qui sauve, mais d’une
foi pratique dans la vie journalière. La foi introduit Dieu dans nos vies, et
par conséquent c’est la mesure de notre foi qui détermine notre degré
spirituel. Ne nous engageons donc pas dans une œuvre qui nécessite une foi
dépassant la nôtre ! Et inversement, ne nous effrayons pas devant des
tâches que nous n’avons qu’à accomplir sur un principe d’obéissance et de foi.
Au
verset 6, l’expression est en rapport avec la prophétie, ce qui correspond
aujourd’hui au ministère de la Parole (cf. 1 Cor. 14:3 ; 1 Pierre 4:11).
« Or ayant des dons de grâce différents, selon la grâce qui nous a été
donnée, soit la prophétie, prophétisons selon
la proportion de la foi
, soit le service, soyons occupés du
service… » (v. 6). Mais le principe est général. Toute œuvre, toute
action, tout service chrétien doit être « sur un principe de foi »
(Rom. 14:23). La conviction que Dieu a placé telle bonne œuvre
sur notre chemin (selon Éph. 2:10), la certitude que
nous pouvons l’accomplir pour
lui et avec
lui, voilà ce qui nous donne de la
force. Et c’est ce qui fait que cette œuvre devient une œuvre de foi
.
« Maudit
l’homme qui se confie en l’homme, et qui fait de la chair son bras… ! » (Jér. 17:5). Nous sommes exposés au danger de « faire de la chair
notre bras », c’est-à-dire de nous appuyer sur la force de l’homme
, que ce soit la nôtre ou celle de nos
compagnons. On s’appuie volontiers sur ses frères et sœurs. Lorsqu’on agit
ainsi, on ne tarde pas à remarquer que ce qu’on n’aurait pas osé faire tout
seul, on peut le faire en groupe, parce qu’on se donne mutuellement du courage.
Cet « effet de groupe » est bien connu, même dans le monde, mais il
n’a pas sa place dans le service chrétien. Si Dieu confie à deux ou trois des
siens un service en commun — et il y a des tâches dont l’étendue réclame
l’activité de plusieurs — il faut que chacun agisse « sur un principe de
foi », « par la foi » et « selon la mesure de foi »
que Dieu lui a départie. Accomplir un service en proportion de notre foi, c’est
compter entièrement sur Dieu pour recevoir de lui seul forces et directions.
« Béni l’homme qui se confie en l’Éternel, et de qui l’Éternel est la
confiance ! » — ajoute le passage de Jérémie cité plus haut.
Il n’en demeure pas moins que Dieu a égard à notre faiblesse. « Il sait de quoi nous sommes formés, il se souvient que nous sommes poussière » (Ps. 103:14). À la veille de l’assaut de l’ennemi avec des trompettes et des torches, Gédéon reçoit l’ordre de descendre à la faveur de la nuit jusque dans le camp de Madian. Et Dieu ajoute : « Si tu crains d’y descendre, descends vers le camp, toi et Pura, ton jeune homme » (Juges 7:10). Quelle condescendance ! Mais ne fallait-il pas aussi une bonne mesure de foi à ce jeune homme, pour accompagner son aîné dans une visite si périlleuse ?
Appelé par Debora à rassembler une armée sur le mont Thabor pour combattre les troupes de Sisera, Barak hésite. Sa foi est mince. Il répond à la prophétesse : « Si tu vas avec moi, j’irai ; mais si tu ne vas pas avec moi, je n’irai pas » (Juges 4:8). Debora ira, non sans souligner le manque de foi de Barak ; celui-ci combattra, encouragé par la foi de Debora ; et l’Éternel donnera une éclatante victoire. Malgré la faiblesse des instruments dont Dieu s’est servi, le Nouveau Testament met Barak, comme Gédéon, dans la lignée des hommes de foi (Héb. 11:32).
« Si
quelqu’un sert, qu’il serve comme par la force que Dieu fournit, afin qu’en toutes choses Dieu soit glorifié
! »
(1 Pierre 4:11).