par Henri Rossier (1916)
Table des matières :
1 - CHAPITRE 1 : Sainteté des voies de Dieu envers Israël et envers les nations.
1.1 - Verset 1 : Introduction.
1.3 - 1: 12, 13 : Le prophète justifie le caractère de son Dieu et ses voies envers Israël.
1.4 - 1: 13-17 : Dieu sera-t-il indifférent à l’iniquité de l’ennemi ?
2 - CHAPITRE 2 : Réponse de l’Éternel. à la question posée au chapitre 1: 13-17.
2.1 - 2: 1-5 : Le jugement atteindra certainement l’oppresseur, mais le juste doit vivre de foi.
2.2 - 2:6-20 : Le « Chant des Malheurs » prélude de la gloire future
3 - CHAPITRE 3 : La prière d’Habakuk
3.2.1 - 1° Division, vers. 3-6
3.2.2 - 2° Division, vers. 7-15
3.4 - [4° partie : v. 17 à 19]
« L’oracle qu’a vu Habakuk, le prophète. »
Tout nous sert d’enseignement dans les Écritures, soit qu’elles parlent, soit qu’elles gardent le silence. Elles se taisent sur la personne d’Habakuk et sur la date de sa prophétie. Les recherches minutieuses des critiques ont abouti aux conclusions les plus contradictoires quant au temps où le prophète écrivit. Lorsque les données de la Parole sont assez claires pour nous permettre de situer la prophétie dans le milieu où elle s’est produite, nous en recevons beaucoup de lumière et d’édification ; quand Dieu ne parle pas, les recherches des savants, tout intéressantes qu’elles soient, ont pour le chrétien une valeur très restreinte.
D’après certains indices il serait pourtant assez probable
que Habakuk prophétisa sous le règne de Josias. Deux
circonstances pourraient nous confirmer dans cette pensée. D’abord l’idolâtrie
d’Israël n’est pas mentionnée dans Habakuk, ensuite le Chaldéen (non pas l’Assyrien,
comme sous Manassé) y est signalé comme l’ennemi du peuple.
Quoi qu’il en soit, la portée morale de ce livre ressort
d’autant plus fortement que l’Esprit de Dieu omet les circonstances de sa
production. En effet, Habakuk ne révèle que fort peu les événements
prophétiques, mais décrit le caractère de
Dieu
dans ses voies à l’égard de l’état
moral
du peuple et des nations. Il nous fait connaître ensuite le résultat
produit par cette révélation sur le coeur du prophète. Ce dernier devient ainsi
comme un échantillon de l’état moral
du
Résidu au temps de la fin. Tout cela est d’un grand intérêt et d’une haute
portée pour nous. Le champ des circonstances historiques étant supprimé, nous
nous trouvons d’emblée avoir affaire à des principes
qui régissent aussi bien les hommes d’aujourd’hui que ceux d’alors. En
présence de ces principes, les voies parfaites de Dieu dans son gouvernement et
la sainteté de son caractère sont justifiées et, en contemplant ces choses, les
fidèles ne peuvent qu’en adorer la perfection divine.
L’état moral au milieu duquel vit Habakuk est le suivant : En
Israël tout un cortège de vices, sans qu’il soit fait mention de l’idolâtrie,
comme en Sophonie ; chez son ennemi, le Chaldéen, une idolâtrie grossière, mais
dominée par l’exaltation de l’homme
;
chez le prophète, un esprit indigné et un coeur affligé, mais éclairé par
l’enseignement divin. Il apprend à vivre de sa foi en attendant la gloire
future, mais déborde en louanges avant d’avoir reçu les choses promises.
Nous l’avons dit, l’analogie entre les jours d’Habakuk et les
nôtres est frappante et, par là, sa prophétie acquiert pour nous une immense
importance. Cette remarque est confirmée par le fait que, dans le Nouveau
Testament, les citations de ce prophète appuient et illustrent toute
la doctrine de l’apôtre Paul sur
la justice de Dieu, la foi, la vie, la résurrection de Christ, et sa venue, la
colère de Dieu révélée du ciel, et enfin la gloire ! Le mystère de l’Église,
caché dans l’Ancien Testament, est seul excepté de cette énumération.
Ainsi s’affirme l’accord constant entre les diverses parties de la parole de Dieu. Elles forment un tout, un ensemble sur lequel nous avons insisté autre part. L’étude constante de cet accord préservera les chrétiens d’ajouter foi aux savants critiques, adversaires de la Parole sans la comprendre, hommes dépourvus de sens, qui croient pouvoir interpréter l’Écriture avec leur intelligence, et dont Dieu lui-même déclare : « Je détruirai la sagesse des sages et j’annulerai l’intelligence des intelligents. »
« Jusques à quand, Éternel, crierai-je, et tu n’entendras pas ? Je crie à toi : Violence ! et tu ne sauves pas. Pourquoi me fais-tu voir l’iniquité, et contemples-tu l’oppression ? La dévastation et la violence sont devant moi, et il y a contestation, et la discorde s’élève. C’est pourquoi la loi reste impuissante, et le juste jugement ne vient jamais au jour ; car le méchant cerne le juste ; c’est pourquoi le jugement sort perverti » (v. 2-4).
Notons, dès ces premiers versets, un caractère spécial d’Habakuk
parmi les petits prophètes. Michée nous a fait assister à un entretien, par
demandes et réponses, entre l’Éternel, son prophète et divers autres interlocuteurs,
entretien qui se termine par un plaidoyer où l’accusé comparaît devant ses
juges. Dans Nahum, l’Éternel seul s’adresse, à tour de rôle, aux divers
personnages qui sont en cause. Ici, nous assistons à un entretien tout intime
entre le prophète et son
Dieu. Habakuk parle à l’Éternel et celui-ci lui répond. Il y a de l’analogie,
sous ce rapport, entre lui et Jérémie, mais tout le drame se passe dans le coeur
et la conscience
du prophète ; et aucun incident personnel ne vient
l’interrompre, comme dans le cours de la prophétie de Jérémie. L’angoisse
l’étreint à la vue de ce qui se passe, mais les circonstances elles-mêmes ne
semblent pas l’atteindre personnellement. Elles soulèvent chez lui des
questions si angoissantes, qu’il sent le besoin d’épancher son coeur dans le
sein de l’Éternel, pour être délivré du trouble profond qu’elles lui causent.
Habakuk est un homme de foi
et son
premier mot : « Jusques à quand », le prouve, mais sa foi a besoin d’être soutenue
et éclairée. Elle est mêlée d’infirmité
,
aussi trouve-t-elle une réponse miséricordieuse, car Dieu reprend
l’incrédulité, mais non l’infirmité de notre nature humaine. Notre infirmité
rencontre la sympathie de Celui qui a été tenté en toutes choses comme nous, à
part le péché (Héb. 4: 15), seulement chez nous, le péché y est toujours plus
ou moins mêlé. L’apôtre lui-même pouvait prendre plaisir dans ses infirmités et
s’en glorifier, dans la mesure où elles n’étaient pas mélangées avec la chair
(2 Cor. 12: 9, 10), car le Seigneur y trouvait, en les infligeant, un moyen
d’accomplir sa puissance dans son apôtre bien-aimé.
Le mot « Jusques à quand » est, comme nous le voyons si souvent
dans les prophètes et dans les Psaumes, le cri
de la foi
. Cette foi exprime la
certitude
que Dieu répondra en temps et lieu, mais, en attendant, elle
accepte la tribulation comme une épreuve nécessaire. Ce sera le cri du Résidu
d’Israël affligé, traversant la grande tribulation de la fin, avec la certitude
qu’elle est le dernier mot des jugements de Dieu et qu’elle prépare l’avènement
glorieux du Messie, un règne de liberté, de justice et de paix. Il en est
toutefois un peu autrement ici. Si le prophète est un témoin, séparé du peuple,
il ne souffre pas personnellement de la violence
comme le Résidu, mais y assiste et la constate. L’idolâtrie d’Israël n’est
pas ici en cause, mais plutôt ce qui a caractérisé, dès le début de son
histoire, l’homme dépravé par le péché (Gen. 6: 11), la violence,
avec son cortège d’iniquité, d’oppression, de
dévastation, de discorde et de contestations parmi le peuple (v. 2, 3). De nos
jours, comme aux jours du prophète, tout coeur, soucieux des intérêts du
Seigneur, est à même de constater ces choses. Elles sont « devant nous
» comme pour Habakuk. Ce qui en augmente l’angoisse,
c’est que nous les voyons se produire, comme jadis, au milieu de ceux qui ont
encore la prétention d’être le peuple de Dieu, en un temps où l’Éternel les a
déjà abandonnés. Alors, si notre âme, comme celle du prophète, n’a pas encore
appris pourquoi Dieu laisse subsister tout ce mal sans y mettre fin, nous
crions : « Pourquoi me fais-tu voir l’iniquité ? » et : « Comment peux-tu
contempler l’oppression ? » En parlant ainsi nous oublions deux choses,
constatées par le prophète Nahum (1: 3, 7) : « L’Éternel est lent à la colère » ;
« L’Éternel est bon ». Nous crions à lui : « Je crie à toi : Violence ! et tu ne
sauves pas ». Nous voudrions voir Dieu intervenir, en présence d’un état moral
que nous savons lui être en abomination. Au fond il y a toujours un certain
égoïsme dans cette infirmité, quoiqu’elle soit aussi l’expression de notre
amour pour les fidèles qui traversent ces temps désastreux !
« Tu ne sauves pas ! » Il s’agit ici, non pas d’un salut spirituel, mais d’une délivrance temporelle. L’âme angoissée voudrait voir la paix rétablie, les violents jugés et supprimés. La violence est là, sous nos yeux, et Dieu ne répond pas ! Je le répète, ce n’est pas manque de foi, mais c’est le cri d’angoisse d’une âme peu affermie, se trouvant en présence d’un problème, jusqu’ici insoluble pour elle. Pourquoi Dieu permet-il le mal ? Comment semble-t-il oublier les siens, sans défense au milieu de tout cet appareil de la méchanceté de l’homme ? Le prophète va recevoir la réponse, mais différente de celle qu’il aurait imaginée. Il lui faudra passer par un temps d’instruction douloureuse, mais très bénie pour son âme, avant d’avoir compris ce que Dieu veut produire dans le coeur des siens qui traversent ces jours d’épreuve.
« C’est pourquoi la loi reste impuissante », la loi, donnée
autrefois par l’Éternel lui-même, et qui était destinée à briser la volonté de
l’homme. « Le juste jugement » que l’homme aurait dû apprendre à pratiquer sous
l’égide de la loi, ne vient jamais au jour ; bien au contraire, « le méchant
cerne le juste ». Remarquez ce mot : « le
juste
». Nous allons le retrouver au chap. 2. Le prophète a conscience de
son intégrité, comme plus tard le Résidu d’Israël quand il traversera les
jugements de la fin, mais il n’a pas encore reçu la réponse et ne voit pas la
victoire du mal sur le bien. Il adresse à Dieu ses « Pourquoi », mais il ne les
poserait pas, s’il n’avait confiance que Dieu lui répondra. Comment se fait-il
que « le jugement ne vienne jamais au jour », et que, s’il sort enfin, c’est le
contraire de ce qu’une âme pieuse et droite pourrait attendre : il « sort perverti »,
et le fidèle, où qu’il
se tourne, ne rencontre qu’injustice et iniquité.
L’Éternel va répondre à cette question, mais, en attendant, le
juste ne fait que constater ce que Dieu a constaté de tout temps, dès
l’apparition du péché. En dehors de ceux qui sont justifiés par la foi, il n’y
a pas dans le monde un seul juste. S’il s’agit du caractère national
d’Israël, la Parole nous apprend que, sous le
règne de Roboam, il y avait encore « en Juda de bonnes choses » (2 Chron. 12: 12) ; que, sous le règne d’Ézéchias, Juda, tout coupable qu’il eût été, « marchait
encore avec Dieu et avec les vrais saints » (Osée 12: 1) ; mais il n’en fut plus
ainsi sous les règnes suivants. Sous celui de Josias nous apprenons par le
prophète Sophonie ce que Dieu pensait de la « nation sans honte », de la ville
« rebelle, corrompue et qui opprime », de ses princes, de ses juges, de ses
prophètes, de ses sacrificateurs (Soph. 2: 1; 3: 1-4). Il en est de même
ici : l’état moral d’Israël, à la
fin de son histoire, n’était pas meilleur que celui de l’homme, au commencement
de son histoire.
Cet état n’avait au fond jamais changé réellement. Les
critiques qui concluent de la description donnée ici, qu’elle ne peut
appartenir qu’à l’état du peuple sous un mauvais règne, comme celui de Manassé,
se trompent donc entièrement.
S’il s’agit des rois,
chefs
responsables d’Israël, Dieu faisait dépendre la bénédiction du peuple de leur
conduite. C’est ainsi que l’on voit, sous certains règnes des rois de Juda, le
mal refréné, la justice établie, la piété envers Dieu reconnue, le service du
temple restauré, sans que pour cela le coeur
de la nation soit changé. D’autre part, le gouvernement d’un mauvais roi
aggravait encore ce fâcheux état moral en introduisant ou favorisant une
idolâtrie éhontée à laquelle le coeur perverti du peuple s’adonnait
immédiatement. Le passage que nous venons de citer peut donc nous reporter à
quelque règne que ce soit, plus probablement peut-être
à celui de Josias, l’idolâtrie d’Israël n’étant pas même
mentionnée ici (*).
(*) Voir encore pour l’état du peuple : Michée 7: 2, 3 ; Jér. 5: 15-29 7: 5, 6 ; 20: 8.
« Voyez parmi les nations, et regardez, et soyez stupéfaits ; car je ferai en vos jours une oeuvre que vous ne croirez pas, si elle vous est racontée » (v. 5) .
Nous trouvons ici la réponse à la question du prophète, réponse
qui ne s’adresse pas à lui, mais aux méchants dont il s’est plaint. Ces
méchants sont invités à « voir parmi les nations » et à considérer avec stupeur
comment l’Éternel rétribuera leurs méfaits. À ce moment l’Assyrien n’est pas
encore détruit, mais l’Éternel va susciter les Chaldéens
. À cette puissance il asservira les autres peuples, mais,
avant tout, le peuple de Dieu. Ce dernier aurait pu croire que, délivré du joug
de l’Assyrien, il en aurait fini avec l’oppresseur ; mais, au contraire, il
allait tomber sous un joug bien autrement lourd et cruel, et, jugement plus
terrible encore, l’Éternel allait ôter le pouvoir à Israël et le confier pour
la première fois à Babylone, « tête d’or » de la monarchie des Gentils.
Tel était le sort qui attendait
ce peuple méchant, mais c’était en même temps la réponse au cri du prophète :
« Je crie à toi : Violence ! et tu ne sauves pas ». L’Éternel répond, en montrant
à son serviteur que s’il ne sauve pas le juste de la violence des méchants,
c’est que le châtiment est près de tomber sur eux. Israël succombera, lui et
son pays, sous les coups de Babylone, puis sera réduit en esclavage.
Mais le Saint Esprit donne à cette prophétie une portée beaucoup
plus étendue, comme nous le voyons au chapitre 13 des Actes. Arrivé avec
Barnabas à Antioche de Pisidie, Paul y fait un discours dans la synagogue, et
son contenu, si l’on y prend bien garde, a pour texte cette parole même de
notre prophète. Là où il n’y avait « pas de salut », et où le prophète disait : « Tu ne sauves pas
», Dieu avait suscité à
Israël comme Sauveur,
un Jésus mort
et ressuscité. La parole de ce salut
était
envoyée à ceux même qui avaient rejeté Christ. Eux tous entendaient cette
parole, et ceux d’entre eux qui craignaient Dieu, étaient appelés à la recevoir
(Actes 13: 23, 26). Le peuple n’avait pas connu Jésus, ni les voix des
prophètes qui l’annonçaient ; bien plus, il avait jugé
son Messie, accomplissant ainsi ce que Habakuk avait dit d’eux
: « Le jugement sort perverti
» (1: 4).
Alors l’apôtre leur applique la parole « des prophètes » et particulièrement de
notre prophète, mais il la cite et la commente en rapport avec l’état de ceux
auxquels il s’adresse : « Voyez, contempteurs, et étonnez-vous, et soyez
anéantis ; car moi, je fais une oeuvre en vos jours, une oeuvre que vous ne
croiriez point, si quelqu’un vous la racontait » (13 :41). Ils n’avaient
plus à « voir parmi les nations », car depuis longtemps les Chaldéens avaient été
remplacés par d’autres puissances, puis par Rome, la dernière de toutes. Depuis
les jours d’Habakuk, le joug des nations avait pesé sur le peuple ; lors de la
prédication de Paul, Israël était asservi à la quatrième monarchie gentile.
Aussi l’apôtre ne dit-il pas, comme notre prophète : « Je ferai
une oeuvre en vos jours ». L’oeuvre, Dieu la faisait,
et cette oeuvre n’était pas
le jugement. Le grand salut était
annoncé, d’abord aux Juifs et, s’ils le méprisaient, s’ils étaient des
« contempteurs », l’apôtre se tournerait vers les nations. Ce seraient alors celles-ci
qui regarderaient parmi les Juifs et verraient le jugement de ce peuple pour
avoir refusé la grâce en Jésus. C’est ce qui arriva dans cette même ville
d’Antioche, où les Juifs, ayant rejeté le salut de Dieu en Christ, se jugèrent
eux-mêmes indignes de la vie éternelle. Les apôtres « secouèrent contre eux la
poussière de leurs pieds et s’en vinrent à Iconium » (v. 46, 51).
Ainsi, selon Paul, l’Évangile était la réponse à la plainte du
prophète : « Tu ne sauves pas
».
C’était le salut
quand le peuple avait
mérité le jugement ; mais, s’il méprisait la grâce, un jugement bien plus
terrible que la captivité de Babylone, que même le joug des Romains, lui était
réservé : la destruction de Jérusalem et la dispersion définitive des Juifs
parmi les nations.
Nous avons ici un exemple de l’usage que Dieu fait de sa propre Parole, et nous en trouverons d’autres dans le courant de cette étude. Dieu tire, de ce fonds inépuisable, des vérités cachées aux yeux des hommes et les met en lumière, des vérités qui proclament la grâce quand le monde ne pouvait attendre que le jugement. Mais que devra être ce jugement si l’homme rejette résolument la grâce ?
Il est important de remarquer ici, comme du reste quand il s’agit de l’interprétation de toute la prophétie, que le jugement prochain par les Chaldéens préfigure un jugement futur dont il est comme le prélude et que la délivrance temporelle est devenue, dans l’enseignement de l’apôtre, l’image du salut éternel.
« Car voici, je suscite les Chaldéens, la nation cruelle et impétueuse, qui marche par la largeur de la terre pour prendre possession de domiciles qui ne lui appartiennent pas. Elle est formidable et terrible ; son jugement et sa dignité, procèdent d’elle-même » (v. 6, 7).
L’Éternel a soin de faire comprendre à son prophète qu’en
suscitant les Chaldéens, ce n’est pas qu’il ait découvert en eux des qualités
morales quelconques. Bien au contraire, c’est une nation cruelle
, et comment Dieu pourrait-il l’approuver ? Ils sont
impétueux, attaquent les premiers, marchent par la largeur de la terre,
envahissent le monde et prennent possession de domiciles qui ne leur appartiennent pas
. Cette soif de s’emparer du
territoire d’autrui et de se l’annexer, diffère-t-elle de ce que nous voyons
aujourd’hui ? Non, mais les Chaldéens sont la verge de Dieu et son châtiment sur
Israël aussi bien que sur les nations. « Voyez parmi les nations
», avait dit l’Éternel. Ce torrent débordant qui
s’avance à travers le monde, cette vague diluvienne des jugements de Dieu doit
atteindre Israël, mais, avant de l’engloutir,
formidable et terrible,
elle balayera
tout sur son passage. Il y a là de quoi remplir les coeurs d’effroi.
« Son jugement et sa dignité procèdent d’elle-même. » Sa propre volonté
constitue ce que le
Chaldéen appelle son droit
; il en est
de même de sa dignité.
Il ne tient
pas compte de celle des autres, mais estime avoir, par lui-même, une dignité
qui l’élève au-dessus d’eux. Son bon plaisir et son orgueil sans limite le
dirigent. N’avons-nous pas, sous les yeux, des exemples pareils ? Le croyant pourrait
désirer que cet orgueil fût abattu, mais Dieu lui dit : Ne vois-tu pas que ces
jugements proviennent de moi et que, tout en commençant par les nations qui
t’environnent, ils te sont destinés ?
Vient ensuite la description vivante et effrayante de la
puissance chaldéenne : « Ses chevaux sont plus rapides que les léopards, plus
agiles que les loups du soir ; et ses cavaliers s’élancent fièrement, et ses
cavaliers viennent de loin : ils volent comme l’aigle se hâte pour dévorer. Ils
viennent tous pour la violence ; leurs faces sont toutes ensemble tournées en
avant ; ils rassemblent les captifs comme le sable. Et il se moque des rois, et
les princes lui sont une risée ; il se rit de toutes les forteresses : il
entassera de la poussière et les prendra » (v. 8-10). Jérémie a des traits
semblables et souvent les mêmes expressions (voyez 4: 13; 5 : 6, etc.).
L’Assyrien et le Chaldéen ont des caractères communs, mais, chez le premier
nous trouvons, semble-t-il, une organisation
moindre pour l’envahissement et le carnage : leur rapidité, leur agilité est
comme celle d’une bande de loups affamés, s’avançant à pas pressés, sans bruit ;
leurs yeux allumés brillent dans les ténèbres, ils sont certains d’atteindre
leur proie. Au moment précis, voici l’élan des cavaliers, venant de loin,
rapides comme les aigles ; l’attaque furibonde, telle qu’elle nous est déjà
apparue dans le prophète Nahum (2: 3, 4; 3: 1-3). « Ils viennent tous pour la violence
». Le prophète, consterné de
l’état du peuple, criait à l’Éternel : « Violence ! » Dieu lui montre que cette
violence trouvera sa juste rétribution dans la violence de Babylone. « Il
rassemble les captifs comme le sable et se rit de toutes les forteresses ».
N’avons-nous pas assisté de nos jours à de pareils spectacles ? L’histoire se
répète, disent les hommes pour se consoler. Sans doute, répondons-nous, mais
parce que les caractères de l’homme pécheur se répétant à l’envi, bravent la
sainteté de Dieu et lui portent défi. A-t-on vu, dans le passé, plus clairement
qu’aujourd’hui, une puissance qui se rie de toutes les forteresses ? Mais, quand
la puissance de Babylone tombe à son tour, « ses rois et ses princes » sont une
risée pour d’autres, comme les rois des nations l’avaient été pour elle.
« Alors il changera de pensée, et passera outre et péchera : cette puissance qu’il a, est devenue son dieu » (v. 11).
Il arrive un moment où le chef de la nation chaldéenne, celui
qui est considéré par l’Éternel comme responsable de la mission judiciaire que
Dieu lui a confiée, changera de pensée. Au lieu de se considérer comme un
instrument, il dépassera sa mission et
péchera.
Ce n’est pas qu’il n’eût péché mille fois auparavant par sa
cruauté, son orgueil et son idolâtrie, mais, à un moment donné, ses propres
forces prendront pour lui la place de Dieu. La puissance que l’Éternel a mise
entre ses mains est devenue son dieu
.
Il a le culte de la force,
de sa
force. C’est en elle qu’il se confie,
à elle qu’il rend hommage. Ce chef de l’empire chaldéen ne reste pas isolé.
Dans l’histoire des derniers temps, le successeur direct de Babylone, la Bête
romaine « guérie de sa plaie mortelle » n’aura pas d’autre religion que celle-là.
C’est cette religion que la philosophie d’un Nietsche préconise et que les
chefs militaires du jour proclament. Il sera beaucoup moins question, dans
l’histoire finale de l’humanité, de l’idolâtrie grossière, que de l’adoration de l’homme
dont le monde
fera son idole. Les idolâtres d’autrefois adoraient, dans ses attributs de
puissance, d’amour, de justice, un Dieu inconnu, auquel leur imagination prêtait
une forme humaine ou animale ; l’idolâtrie future adorera l’homme
dans l’idole. Cette tendance se montra de bonne heure dans
l’histoire des empires (Dan. 3: 6, 7, 11) et atteignit, dans le passé, son
point culminant dans la déification des empereurs romains. Mais l’homme déifié
ne peut lui-même se passer d’un dieu. L’Antichrist qui se fait adorer comme
Dieu, sera l’adorateur des forces que Satan lui aura asservies (Dan. 11: 38).
« Toi, n’es-tu pas de toute ancienneté, Éternel, mon Dieu, mon Saint ? Nous ne mourrons pas ! Ô Éternel, tu l’as établi pour le jugement, et tu l’as fondé, ô Rocher, pour châtier. Tu as les yeux trop purs pour voir le mal, et tu ne peux contempler l’oppression » (v. 12, 13).
Bien que la parole de Dieu n’annonce que des jugements (v. 5-10)
le coeur du prophète déborde de reconnaissance envers l’Éternel. La
communication divine lui donne l’assurance que Dieu est son
Dieu, son
Saint, un
Dieu qui est en rapport avec lui, homme faible, infirme, ignorant, si peu
familier, tout prophète qu’il soit, avec Ses pensées secrètes. Ce Dieu est « le
Dieu de toute ancienneté », et par conséquent Celui des promesses faites à
Israël. Il prend Habakuk, représentant de Son peuple, sous sa protection ; Il s’est donné
à son prophète, et c’est à
Lui que le prophète appartient
. Quel
privilège, quand l’âme peut parler à Dieu avec une telle intimité ! Et combien
il est plus grand encore pour nous qui connaissons un Dieu pleinement révélé en
Christ et pouvons dire : Mon Père, mon Seigneur, mon Sauveur !
« Nous ne mourrons pas ! » Comment douter, quand on connaît
personnellement un tel Dieu, que la vie, une vie éternelle nous appartienne ?
Habakuk n’ayant pas, comme nous, la révélation complète de la « parole de vie »
ne peut aller aussi loin que nous, mais il sait que le peuple de Dieu « ne
mourra point », que le châtiment divin qui l’atteint ne se terminera pas par son
anéantissement. Il a reçu la réponse à son premier « pourquoi » et comprend
maintenant ce qui, pour lui, était un mystère : Si le Chaldéen est « établi » et
« fondé », c’est en vue du jugement et du châtiment, conséquence de la violence
et de l’iniquité du peuple. Il a été suscité pour cela, mais cela prouve que le
Rocher des siècles, la « pierre d’Israël » n’a pas abandonné son peuple pour
toujours. Quand un père châtie son enfant, ce n’est pas pour le tuer, mais afin
de le former d’après son propre caractère. Dieu agit de même envers nous, afin
que nous ayons part à sa sainteté. Pensée réconfortante entre toutes !
Dieu nous reconnaît quand il nous châtie, et nous châtie parce qu’il nous
reconnaît comme ses enfants. Mais il est impossible qu’il consente à envisager
le mal sans s’en occuper ; il doit
le
rejeter ; ses yeux sont trop purs pour le voir. « Pourquoi me fais-tu voir
l’iniquité et contemples-tu l’oppression ? » avait dit le prophète au v. 3.
Il a maintenant appris que si Dieu lui a « fait voir l’iniquité » (et comment
sans cela apprendrait-il à la juger ?) Dieu ne peut la souffrir en sa présence,
que ses yeux ne s’accommodent que de ce qui est parfaitement pur, ne peuvent
s’arrêter que sur le bien parfait. C’est sur ce dernier, en effet, que ses
regards se reposent avec un bon plaisir indicible : il a rencontré ici-bas, au
sein de circonstances qui n’étaient que ténèbres, péché et souillure, un homme
abaissé au dernier point, mais parfait dans cet abaissement, et c’est en lui
que son amour a trouvé ses délices. Le prophète apprend aussi, en réponse à sa
question : « Pourquoi contemples-tu l’oppression ? » (v. 3), que Dieu « ne peut
contempler l’oppression » (v. 13). Quel aveuglement s’était donc emparé, même
d’un prophète, pour que, ayant affaire au gouvernement de Dieu, il fût
incapable de comprendre cette énigme ? Ah ! c’est que, pour la comprendre, il
faut connaître Dieu
! Contempler le
mal ne nous fait jamais
connaître le
caractère de Dieu, contempler Dieu nous instruit sur le vrai caractère du mal.
Ce que le prophète venait d’apprendre avait réveillé ses chaudes
sympathies pour son peuple. Au commencement il n’était occupé que de l’affreux
état dans lequel ce dernier était plongé ; maintenant il comprend l’intérêt que
Dieu porte à Israël, en même temps qu’il a été enseigné quant aux principes du
gouvernement de Dieu à l’égard de ce peuple. Mais jouissant de la communion
avec son Dieu, comme nous l’avons vu au v. 12, il s’enhardit à faire une autre
question, à dire un second « Pourquoi ». « Pourquoi contemples-tu ceux qui agissent
perfidement, et gardes-tu le silence quand le méchant engloutit celui qui est
plus juste que lui ? » (v. 13). Si tu ne peux « contempler l’oppression », voici,
néanmoins, que tu contemples, sans t’en émouvoir, celui qui agit perfidement ;
voici que, loin d’intervenir, tu sembles être indifférent au mal qui atteint
ton peuple, lequel, tout coupable qu’il soit, est plus juste
que ses ennemis. En effet, il y avait en Israël, au
milieu de beaucoup de mal, certaines « choses bonnes », que n’avaient pas les nations
environnantes, et telles qu’on en voyait sous le règne de Josias, choses dont
Habakuk était un exemple vivant. Sous ce
rapport,
Israël était plus juste que ses adversaires. Le prophète désire
connaître aussi cette énigme. Si Dieu reconnaît quelque bien chez ceux que le
méchant opprime, pourquoi favorise-t-il le méchant dans ses entreprises ?
Toutefois, avant de recevoir la réponse divine, le prophète comprend une chose : « Tu rends aussi les hommes comme les poissons de la mer, comme la bête
rampante qui n’a personne qui la gouverne » (v. 14). Si Dieu a confié un
gouvernement aux hommes, il a le droit de les en priver entièrement — comme il
en prive les poissons de la mer et les bêtes innombrables qui rampent sur le
sol, et de les livrer en proie à celui dans les mains duquel il place le
pouvoir. Il allait en être ainsi des nations conquises par Babylone ; et le même
sort devait atteindre Israël, organisé jadis sous le gouvernement de Dieu et
qui, ayant abandonné l’Éternel, allait être laissé sans roi, sans prince et
sans ressource contre l’ennemi (Ésaïe 63: 19; Osée 3: 14).
« Il les fait tous monter avec l’hameçon ; il les tire dans son
filet, et les rassemble dans son rets ; c’est pourquoi il se réjouit et s’égaie : c’est pourquoi il sacrifie à son filet, et brûle de l’encens à son rets,
parce que, par leur moyen, sa portion est grasse et sa nourriture succulente »
(v. 15, 16). Le prophète continue à comprendre une partie
de ce qui va arriver. Il est en communion avec la pensée
de Dieu exprimée au v. 11 : « Cette puissance qu’il a, est devenue son Dieu ». Il
voit que l’adversaire s’est servi de la puissance qui lui a été confiée, pour
faire de son filet et de son rets une idole, et qu’il invoque pour les adorer,
les instruments de ses victoires. Nous pouvons bien nous demander si, sous une
autre forme, les choses sont différentes aujourd’hui ? Et, s’il en est ainsi,
« videra-t-il pour cela son filet, et égorgera-t-il toujours les nations, sans
épargner ? » Dieu supportera-t-il cet emploi profane et idolâtre de la force, et
l’oppression des nations
durera-t-elle
à toujours ?
Les deux grandes questions
posées par le prophète sont donc celles du gouvernement de Dieu envers son
peuple et de ce même gouvernement envers le monde. Dans le Nouveau Testament,
la première et la seconde épître de Pierre y répondent.
Ces questions du prophète dénotent beaucoup d’intimité avec
Dieu, en même temps qu’un aveu d’ignorance et un grand désir d’être enseigné
par Lui. Il pressent déjà, mais va bientôt réaliser pleinement, que, pour connaître les voies de Dieu, il suffit
de le connaître Lui-même.
Sans cette connaissance de sa personne, ce qui
arrive dans le monde restera toujours pour nous à l’état d’énigme
indéchiffrable.
Vers. 1. — Maintenant le prophète se place en observation « sur la tour » (Matsor) (*) , c’est-à-dire prophétiquement à l’endroit où l’ennemi fera le siège de son peuple. Au lieu de se tenir loin, il réalise en esprit le jugement prêt à paraître ; mais il ne se place pas là dans l’intention d’opposer une résistance à l’adversaire, car il sait que la parole de l’Éternel doit certainement s’accomplir. En se mettant en observation il a deux buts : Voir ce que l’Éternel lui dira devant l’imminence de l’attaque ennemie ; et ce que lui, le prophète, répliquera.
(*) « Matsor » est toujours un lieu établi en vue de résister à un siège.
En vue de cet événement prochain, Habakuk s’attend donc à une
révélation nouvelle de la pensée de Dieu. Il n’a pas encore appris tout ce
qu’il doit savoir. S’il sait que Dieu ne peut supporter l’iniquité d’Israël et
la jugera par les Chaldéens (1: 6) ; s’il sait, d’autre part, que Dieu ne peut
supporter l’iniquité des Chaldéens, il ne connaît pas encore ce que Dieu compte
faire à leur égard ; mais, avant tout, comment Il pourra, en jugeant les uns et
les autres, délivrer les justes qui se sont confiés en Lui. Il s’attend donc à
devoir donner la réplique, comme jadis Moïse, quand l’Éternel contestait avec
lui, au sujet d’Israël qui avait fait le veau d’or (Ex. 32: 7-14 ; 33: 12-16).
Mais sa résolution de « répliquer » va rencontrer une réponse si absolue et sans réplique,
que le prophète n’aura
plus lieu de présenter aucune remarque, comme il en avait l’intention. Le
second désir de son coeur en « se tenant sur la tour » ne pourra se réaliser,
parce qu’il n’aura pas rencontré un Dieu qui conteste avec lui. Dès lors, au
lieu de parler, il dira : « J’ai entendu » et rendra grâces au Dieu de son salut
(chap. 3).
« Et l’Éternel me répondit et dit : Ecris la vision et grave-la sur des tablettes, afin que celui qui la lit puisse courir » (v. 2).
Dieu veut que la vision recherchée par lé prophète soit écrite, gravée
de manière à durer, à
pouvoir être conservée et lue (Ésaïe 30: 8), car il s’agit de choses prochaines
et futures, d’une portée immense. En effet, Habakuk ne reçoit pas seulement
ici, comme au chap. 1, une instruction au sujet des voies du gouvernement de
Dieu envers son peuple, mais, apprenant à connaître le jugement final des
nations et les malheurs qui tomberont sur elles, il trouve que toutes ces
choses ont pour but la gloire de Dieu, la
gloire du règne éternel de Christ
. Il apprend enfin quelle doit être
l’attitude des justes en attendant ce règne et quelle est l’oeuvre immense de
la rédemption à leur égard. Il faut que cette vision puisse être non seulement
lue et distinctement comprise, mais aussi communiquée rapidement à d’autres,
car le temps est proche. C’est, pensons-nous, la signification de ce mot : « Que
celui qui la lit puisse courir
» (*). Pénétré de l’importance de la réponse divine,
il se sentira contraint à l’aller répandre dans le monde. Il ne s’agit plus
ici, comme en Daniel, d’un livre scellé jusqu’au temps de la fin (Dan. 12: 4),
mais d’une communication claire et
distincte
des pensées de Dieu, destinée à être répandue rapidement partout.
Cette vision, ayant un caractère évangélique,
ne devait certes pas être scellée. La vision de Daniel, scellée jadis, ne
l’est plus maintenant (Apoc. 22: 10), mais celle d’Habakuk ne l’a jamais
été.
(*) Et non pas, comme plusieurs traduisent : « Qu’on la lise couramment ».
« Car la vision est encore pour un temps déterminé, et elle parle
de la fin, et ne mentira pas » (v. 3). Cette vision annonce, sans doute, la
ruine prochaine de la puissance chaldéenne qui était près d’entrer en scène. Le
temps de son action est fixé d’avance, mais la vision va beaucoup plus
loin ; elle parle de la fin,
de
la gloire du royaume et alors même que ces derniers événements sont encore
éloignés, ils sont absolument certains, car la vision donnée par Dieu lui-même,
ne peut mentir. C’est aussi pour cela que Dieu a pris soin de la faire graver
sur des tables, comme il grava jadis sur les tables de pierre la loi dont le
contenu ne fut jamais scellé.
« Si elle tarde, attends-la, car elle viendra sûrement, elle ne
sera pas différée » (v. 3). L’Esprit de Dieu fait remarquer que la vision, quand
elle parle de la fin, peut tarder encore. Son accomplissement historique,
aujourd’hui vieux de vingt-cinq siècles, était alors pour un temps déterminé ;
quant à la fin
dont parle la vision,
elle tarde et le croyant l’attend encore aujourd’hui, comptant sur la promesse
de Dieu. Elle viendra sûrement
et le
signe qui l’annoncera ne sera pas un signe trompeur. Ce signe, nous le savons,
est l’apparition du Seigneur,
en
jugement. Aussi nous voyons l’apôtre Paul appliquer ce passage, en Héb. 10: 37,
à l’apparition de Christ au temps de la fin, quand il dit -« Encore très peu de
temps et Celui
qui vient viendra, et
il ne tardera pas », tandis que Habakuk l’applique au jugement du Chaldéen dans
un temps déterminé. Remarquez de nouveau la manière dont l’Esprit de Dieu
interprète lui-même sa Parole, comme nous l’avons déjà vu au chap. 1 et le
verrons encore dans la suite de cette étude. Nous qui sommes parvenus à « la fin
des siècles », car elle a été inaugurée par la croix de Christ, nous recevons
une interprétation beaucoup plus étendue de la prophétie que le prophète
lui-même, et quoique nous n’ayons pas encore atteint les temps prophétiques,
nous sommes cependant au temps de la fin. La venue du fils de Dieu
(sa Parousie) y mettra un terme pour nous et
donnera cours aux temps prophétiques ; l’apparition
du fils de l’homme
(son Épiphanie) mettra fin à ces derniers et introduira
sur la terre le règne glorieux de Christ (v. 14). Lui est toujours le but, la
fin, le dernier mot de la prophétie. Ce passage est en outre de toute
importance pour nous montrer que si la prophétie a un accomplissement
historique et partiel, jamais, comme nous l’avons vu si souvent au cours de ces
études, cet accomplissement n’en est le dernier
mot.
L’événement historique ne trouve sa pleine et définitive signification
qu’au temps de la fin, et son interprétation ne peut être réellement connue
qu’en ayant devant les yeux la personne de Christ et les gloires qui suivront
ses souffrances.
Comparé à Héb. 10: 37, ce passage détruit donc entièrement la
prétention de toute une école à l’interprétation purement historique
de la prophétie. Il démontre aussi que les
Écritures forment un tout dont on ne peut considérer une partie séparée, chaque
partie appartenant à cet ensemble et l’Esprit de Dieu l’interprétant
différemment selon qu’il est question d’événements prochains ou des temps de la
fin. Nous en avons déjà vu un exemple au chap. 1: 5, interprété par l’apôtre en
Actes 13. L’Esprit de Dieu seul peut nous donner l’interprétation de ce qu’il
nous a révélé. Jamais l’esprit de l’homme n’aurait pu supposer la portée de la
révélation qui nous occupe, si l’Esprit de Dieu ne s’en était constitué le
commentateur. La vision tarde encore et nous allons en voir la raison, mais
elle viendra sûrement et notre attitude est de l’attendre. Le Seigneur vient.
Il ne s’agit pas dans le passage de Héb. 10: 37 de sa venue, de sa Parousie,
pour enlever les saints, mais de son apparition, de son Épiphanie qui est
autant que sa venue, l’objet de notre attente, puisque c’est alors que le règne
glorieux de Christ sur la terre, sujet de toute la prophétie de l’Ancien
Testament, sera inauguré et que les fidèles recevront leurs couronnes.
« Voici, son
âme enflée
d’orgueil n’est pas droite en lui » (v. 4).
La promesse dont il vient d’être question est une vérité
entièrement étrangère aux orgueilleux qui manquent de droiture, allusion, sans
doute, au Chaldéen que ce passage vise directement, mais applicable à toute âme
qui se trouve dans les mêmes conditions que lui. L’orgueil de l’homme est
incapable de comprendre les pensées de Dieu ; elles ne sont révélées qu’aux
hommes de foi ; la foi seule rend présentes les choses qu’on espère et est la
conviction des choses qu’on ne voit point ; aussi l’Esprit de Dieu ajoute : « Mais le juste vivra par sa foi
» (v. 4).
Ce passage capital est comme la substance de tout le livre
d’Habakuk. Il s’adresse à ceux qui se trouvent dans les mêmes conditions que le
prophète, car la prophétie ne peut être comprise que par les justes,
et le monde l’ignore. Elle n’est claire que si l’on vit
« par sa foi », et les justes seuls sont capables de vivre ainsi. La délivrance
viendra sûrement ; le règne glorieux de Christ se lèvera comme le soleil, quand
l’obstacle que Satan y oppose en exaltant l’orgueil de l’homme contre Dieu,
aura été abattu. La foi, en observation sur la tour, voit cet obstacle détruit
et attend le Seigneur de gloire. Jusqu’à ce moment, le juste n’est ni abattu,
ni sans ressource. Sa foi le soutient et c’est d’elle que sa vie se nourrit.
Telle est ici la portée de cette parole.
Mais, dans le Nouveau Testament, l’Esprit de Dieu dépasse de
beaucoup cette portée, et l’enseignement de l’apôtre Paul est tout imprégné de
ce passage. Paul le cite trois fois et chaque fois en lui donnant une
interprétation nouvelle, comme cela a été souvent remarqué. En Rom. 1: 17, il insiste
sur la justice,
en Gal. 3: 11, sur la
foi,
en Héb. 10: 38, sur la vie.
Ces trois mots sont en rapport avec
l’enseignement contenu dans chacune des épîtres que nous venons de citer.
Considérons donc ces passages avec quelque détail.
1° Rom. 1: 16, 17 : « Car je n’ai pas honte de l’Évangile, car il
est la puissance de Dieu en salut à quiconque croit, et au Juif premièrement,
et au Grec. Car la justice de Dieu y est révélée sur le principe de la foi pour
la foi, selon qu’il est écrit : « Or le. juste vivra de foi ». L’apôtre commence
par établir, au v. 16 de cette épître, le caractère de l’Évangile : C’est Dieu
lui-même, intervenant en puissance, quand l’homme est entièrement perdu. Sous
l’Évangile, Dieu ne demande donc plus rien à l’homme et n’exige pas que ce
dernier agisse pour trouver un moyen de se mettre en règle avec Lui. C’est Dieu
qui agit ; c’est sa puissance
qui est
à l’oeuvre en faveur de l’homme, non pour lui venir en aide, mais pour le
sauver, car cette puissance est à salut.
La foi
est le moyen de s’approprier ce salut, qui concerne aussi bien le
Juif que le Grec. La loi, donnée au Juif, est donc mise de côté comme moyen de
salut, et la foi lui est substituée. La loi ne dépassait pas les limites
juives, la foi les dépasse infiniment, car l’Évangile est la puissance de Dieu
en salut à quiconque
croit. Mais
l’Évangile est (v. 17) cette puissance à salut, parce que la justice de Dieu
(le grand sujet de
l’épître aux Romains) y est révélée. La justice de Dieu,
chose nouvelle, parfaite et absolue, formant le contraste
le plus complet avec la justice de
l’homme,
y est révélée
et non pas
exigée,
comme l’est la justice de
l’homme. Il n’y a pas d’autre principe que la
foi
pour acquérir cette justice qui, du moment que la foi l’a reçue, est
devenue, pour ainsi dire, la propriété
de
la foi. Le croyant est désormais juste, d’une justice divine, non pas d’une
justice humaine, sur le principe des oeuvres, car l’homme n’est juste que par
la foi. Or si c’est par la foi, c’est par pure grâce, car l’homme ne croit et
ne reçoit la révélation de la justice que par grâce.
Ce passage de Rom. 1 ne parle pas encore de l’oeuvre de Christ
comme du seul moyen par lequel cette justice
peut nous appartenir, vérité capitale développée dans la suite de l’épître — il
établit seulement le grand fait, qu’une justice toute nouvelle et absolue,
celle de Dieu lui-même, est révélée maintenant et devient la part de la foi.
Alors l’apôtre cite Habakuk : « Le juste
vivra
de foi » (ou sur le principe de la foi), pour prouver la révélation d’une justice
nouvelle, appartenant à l’homme
en vertu d’un nouveau principe, la vie de la foi.
2° Gal. 3 :11 : « Or que, par la loi, personne ne soit justifié devant Dieu, cela est évident, parce que : « Le juste vivra de foi ». Mais la loi n’est pas sur le principe de la foi, mais : « Celui qui aura fait ces choses vivra par elles ».
Le sujet de la loi
qui
n’est touché que tout à fait accessoirement en Rom. 1 pour être mis en pleine
lumière au chap. 7 de cette même épître est développé dans toute son ampleur
par l’épître aux Galates. Le vers. 10 du chap. 3 a montré que tous ceux qui
sont sur le principe de loi sont sous la malédiction, selon la vérité émise en
Deut. 27: 26. Il n’y avait pour Israël, peuple sous la loi, qu’Ébal
, et il était privé de Garizim.
Ensuite l’apôtre cite Habakuk :
Il est évident, dit-il, que par la loi personne n’est justifié devant Dieu,
parce que « le juste vivra de foi
» (ou
sur le principe de la foi). C’est donc la foi qui est mise en avant dans ce
passage, et sur laquelle Paul insiste, tout en ne la séparant ni de la justice,
ni de la vie, mais en l’opposant à la loi
qui ne pouvait procurer ni l’une, ni l’autre. Il prouve ensuite que la loi
n’est pas sur le principe de la foi, puisque la loi indique le principe des oeuvres
comme moyen d’obtenir la vie
ou la justice (Lév. 18: 5 ; Rom. 10: 5). Il termine en montrant comment la
délivrance de la loi a été opérée par Christ : « Christ nous a rachetés de la
malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous, car il est écrit :
Maudit est quiconque est pendu au bois » (v. 13).
3° Héb. 10: 36-38 : « Car vous avez besoin de patience, afin que, ayant fait la volonté de Dieu, vous receviez les choses promises. Car encore très peu de temps, « et Celui qui vient viendra, et il ne tardera pas. Or le juste vivra de foi ; et : Si quelqu’un se retire, mon âme ne prend pas plaisir en lui ». Mais pour nous, nous ne sommes pas de ceux qui se retirent pour la perdition, mais de ceux qui croient pour la conservation de l’âme ».
L’apôtre Paul cite ici le passage tout entier de notre prophète.
D’abord, comme nous l’avons fait remarquer plus haut, les mots : « Elle viendra
sûrement et ne sera pas différée », attribués par Habakuk à la vision chaldéenne
pour un temps déterminé, le sont par l’apôtre à la vision de la fin,
c’est-à-dire à la venue de Christ en gloire, non pas à
un événement, mais à une personne,
à Celui
qui vient et ne tardera pas.
Ensuite nous lisons la citation : « Or le juste (ou « mon juste », le juste de
Dieu) vivra
de foi ». — Cela signifie
qu’il s’agit pour le juste de vivre de foi jusqu’à la venue de Christ. Cette vie
de foi appartient exclusivement au
juste. Elle est le grand sujet du chap. 11 de cette épître où nous voyons la vie de la foi décrite
sous tous ses
divers caractères, qu’il s’agisse, comme pour Abel, de s’approcher de Dieu avec
le sacrifice et par ce sacrifice d’être déclaré juste ou, comme Énoch, de
marcher avec Dieu ou, comme Noé, d’user de patience en prêchant cette justice
pendant les longues années d’attente où l’arche se construisait ou, enfin,
comme les patriarches, de vivre en pèlerins et en voyageurs, attendant une
meilleure patrie. Partout l’apôtre démontre que la vie du juste est une vie de
foi et qu’elle aboutit à la gloire.
Dans ces trois passages la justice, la vie et la foi sont donc inséparables, mais chaque passage insiste sur l’un de ces trois principes, sans négliger les autres qui ne peuvent en être détachés.
Ce même chapitre 10 des Hébreux complète la citation d’Habakuk
d’une manière remarquable. Le prophète avait dit : « Voici son âme enflée
d’orgueil, n’est pas droite en lui ; mais le juste vivra par sa foi ». Paul
transpose la phrase et la présente ainsi : « Or le juste vivra de foi, et si quelqu’un se retire, mon âme ne prend pas
plaisir en lui
». Cette seconde partie de la phrase, ainsi traduite dans la
version des Septante, correspond aux mots : « Son âme enflée d’orgueil n’est pas droite en lui
». Paul met ici en
contraste « celui qui se retire » et celui « qui vit de foi » ; le premier périt,
est perdu ; l’autre conserve sa vie. Habakuk représente le premier comme enflé
d’orgueil et applique ce caractère à l’ennemi chaldéen plus qu’à tout autre.
L’apôtre, usant de la version des Septante, l’applique parmi les Hébreux
auxquels il écrivait, à ceux d’entre eux qui étaient des professants
du christianisme et couraient le danger de se retirer.
Il transpose les deux phrases pour ne pas faire supposer qu’il s’agisse, comme
dans le prophète, des nations
orgueilleuses,
mais qu’il est question de ceux d’Israël qui, ayant connu, professé et pratiqué
le christianisme, ont manqué de droiture,
et dont l’orgueil judaïque
est retourné à la religion des oeuvres. Nous
avons ici un des nombreux exemples de l’usage que l’Esprit de Dieu sait faire
d’une traduction incomplète,
mais non
pas inexacte, car le texte hébreu laisse à dessein planer un certain vague sur
le mot « son
âme », tout en
l’appliquant évidemment au Chaldéen. Jamais l’âme de celui qui se retire pour
retourner à la loi n’est droite et c’est toujours l’orgueil qui le sépare de
Christ et de la grâce ; aussi Dieu « ne prend pas plaisir en lui », tandis qu’il
prend plaisir dans le juste qui vit humblement devant lui par la foi.
On ne peut assez répéter quel prix toutes ces citations
acquièrent pour nous par les applications diverses que le Saint Esprit leur
donne. « Le juste vivra par sa foi », tel est donc le centre du livre d’Habakuk.
Déjà la foi du prophète s’était montrée, au chap. 1: 12, dans ses relations
avec Dieu. Mais ce n’était pas tout ; il fallait en vivre jusqu’au bout,
et l’Éternel va développer cette vérité en
rapport avec le Chaldéen, ennemi d’Israël.
« Et bien plus, le vin est perfide ; cet homme est arrogant et ne se tient pas tranquille, lui qui élargit son désir comme le shéol, et est comme la mort, et ne peut être rassasié ; et il rassemble vers lui toutes les nations, et recueille vers lui tous les peuples » (v. 5).
Cet homme, le Chaldéen, s’enivre de sa propre importance et de ses ambitieuses convoitises. Il ne peut se contenter des succès obtenus, et n’est jamais rassasié (Prov. 30: 16 ; Ésaïe 5: 14). Il se fait le centre de tout, des nations et des peuples. N’est-ce pas, du commencement à la fin, jadis comme aujourd’hui, la pensée, le désir, la politique des conducteurs de nations ? L’égoïsme ambitieux de ces hommes peut se parer du nom de « grandeur de leur nation », et vouloir la faire dominer sur les autres peuples, mais ce n’est au fond que l’orgueil qui sacrifie tout à sa propre grandeur individuelle. Dieu avait donné la puissance à Babylone à la suite de l’infidélité de son peuple, mais il ne pouvait admettre que l’homme exerçât cette puissance en dehors de Lui et pour satisfaire son coeur ambitieux occupé de lui-même au lieu de se soumettre à Dieu.
Dieu le jugera, mais avant tout nous allons voir la malédiction
tomber sur lui de la bouche
de tous ceux qu’il a opprimés. Ils démêleront ses motifs, condamneront ses
tendances, maudiront son iniquité et son orgueil.
Ce verset 5 sert d’introduction au Chant
qui va suivre.
Le « Chant des Malheurs » est un véritable poème, composé de cinq
strophes. Chaque strophe a trois versets et, sauf la cinquième, qui s’écarte
légèrement de cette règle, commence par le mot « Malheur ». Le troisième verset
des quatre premières strophes commence par le mot « Car » et donne l’impression
des choeurs antiques, tirant la conclusion du « Malheur » annoncé dans les deux
premiers versets (cf. Ex. 15 : 20). « Tous ceux [qu’il a opprimés] ne
proféreront-ils pas sur lui un proverbe, et une allégorie et des énigmes contre
lui ? » (v. 6). Nous sommes avertis ici que ce qui va suivre n’a pas la simple
portée d’une exécration prononcée par les opprimés contre leurs oppresseurs. Ce
chant proféré contre le Chaldéen nous conduit jusqu’à la fin des temps. Pas une
fois le monarque en question n’est nommé, car les caractères dont il est
stigmatisé n’appartiennent pas à lui seul. C’est un proverbe,
une allégorie
qu’il
faut comprendre, une énigme
qu’il est
nécessaire de déchiffrer, et qui nous amènent jusqu’à l’établissement du règne glorieux
de Christ. Les « Malheurs » rappellent en certains points ceux qui sont prononcés
en Ésaïe 5 et en Michée 2: 1, 2, mais ceux-là s’adressaient au peuple d’Israël,
ceux-ci aux nations et à leur chef. Ce chant sur Babylone et son Roi est la
réponse finale de l’Éternel au second « Pourquoi » du prophète, ayant trait à
l’oppresseur de son peuple (1: 13). Dieu avait commencé par répondre à son
serviteur bien-aimé, veillant sur la tour pour voir ce que son Dieu lui dirait,
que la première condition pour le juste était sa foi. Celle-ci ne pouvait
espérer la répression immédiate du mal ; il fallait vivre de foi, de patience,
et ne pas compter sur la réalisation prochaine des choses qu’on espérait. Et de fait la foi est cette réalisation
jusqu’à
ce qu’elle soit convertie en vue.
« Malheur à qui accumule ce qui n’est pas à lui : … jusques à quand ?… et qui se charge d’un fardeau de gages ! — Ne se lèveront-ils pas subitement, ceux qui te mordront ? et ne s’éveilleront-ils pas, ceux qui te tourmenteront ? et tu seras leur proie. — Car tu as pillé beaucoup de nations, et tout le reste des peuples te pillera, à cause du sang des hommes et de la violence faite au pays, à la ville, et à tous ceux qui y habitent » (v. 6-8).
Le premier « Malheur » est prononcé sur celui qui accumule le bien des autres, un bien qui ne lui appartient pas. Il se charge d’un fardeau de gages contre ses prêts usuraires. Les mêmes choses s’étaient vues en Israël (Amos 2: 6-8). Le jeu de mots : « Gages » ou « boue épaisse », indique que ces odieuses déprédations du Chaldéen ne pouvaient avoir pour résultat que sa honte, qu’il n’en récolterait d’autre avantage que le mépris pour la saleté de son usure. Ces procédés sont une chose abominable aux yeux de Dieu. Combien de rétributions, s’ils se rendaient compte de l’abjection de tels actes, les chefs des nations pourraient-ils éviter pour eux-mêmes et pour les peuples qu’ils dirigent !
Le « Jusques à quand ? » mis dans la bouche des opprimés qui
chantent, me semble correspondre à celui du prophète au sujet d’Israël (1: 2).
C’est le « Jusques à quand ? » des nations. Par la foi Habakuk a appris à
patienter et il sait que la vision ne mentira pas, mais les nations qui seront
épargnées devront aussi attendre la réalisation de cette espérance. Subitement,
cet homme qui s’empare du bien des autres pour s’enrichir, sera attaqué par
ceux qu’il avait dépouillés. Comme un voleur assailli par les chiens, il sera
mordu par les nations et deviendra leur proie à son tour (v. 7). Le v. 8 est la
conclusion et la confirmation de ce qui précède. Cet homme avait pillé ; le
résidu des peuples qui sera épargné pour assister à l’avènement du Christ (car,
n’oublions pas que la chute de Babylone n’est qu’une allégorie
des temps de la fin) pillera à son tour l’usurpateur.
Cette vengeance n’aura pas seulement pour cause le sang des hommes versé par
cette nation cruelle, mais « la violence
faite
au pays, à la ville et à tous ceux qui y habitent ». Devant l’iniquité de son
peuple le prophète avait crié : « Violence ! » et « Jusques à quand ? » Dieu lui
avait répondu que cette violence serait punie par celle que le Chaldéen
exercerait sur Israël. Mais maintenant le moment est venu où la violence du
Chaldéen contre Israël sera punie par les nations. C’est ainsi qu’une
rétribution succède à l’autre dans le gouvernement de Dieu. Le pays, la ville
et ceux qui y habitent sont, sans aucun doute, malgré les affirmations des
critiques, la Palestine, Jérusalem et ses habitants ; il ne semble donc pas
nécessaire d’en fournir les innombrables preuves. Dieu ne perd jamais son
peuple de vue. Si l’iniquité commise par l’ennemi, si les pillages et les
meurtres dont il s’est rendu coupable à l’égard des nations, trouvent une juste
rétribution, à combien plus forte raison quand sa violence s’abat sur Israël, que
Dieu a sans doute momentanément abandonné, mais avec lequel il renouera ses
relations, lorsque les jugements seront passés. Jamais Dieu n’oublie ceux qui
lui appartiennent en propre, et, s’il lui plaît de les discipliner, malheur à
ceux qui y cherchent leur propre profit.
« Malheur à qui fait un gain inique pour sa maison, afin de placer haut son nid, pour échapper à la main du malheur. — Tu as pris conseil pour couvrir de honte ta maison, pour détruire beaucoup de peuples, et tu as péché contre ta propre âme. — Car de la muraille, la pierre crie, et de la charpente, le chevron répond ! » (v. 9-11.).
L’ennemi est accusé ici de faire un gain inique pour se bâtir
une maison stable qui n’ait pas à craindre l’adversité (voyez Jér. 22: 13). Il
voudrait, de cette manière, conjurer tout malheur,
et c’est alors que le malheur l’atteint. Bien que les particuliers puissent
se les appliquer, ces reproches s’adressent, tout du long, aux potentats. Une
lourde et terrible responsabilité pèse sur eux, et ce caractère de la plupart
des têtes couronnées, ne se reproduit-il pas sans cesse dans l’histoire ? Violer
le territoire des autres nations et s’en emparer pour s’agrandir, puis fonder la grandeur de sa propre maison
sur ce qu’on a extorqué aux autres, placer haut son nid ; établir la puissance
de sa famille, n’est-ce pas l’histoire des Napoléons et de tous les empereurs ?
Le même orgueil poussait Édom à faire son nid parmi les étoiles (Abd. 4). Tous
ces desseins, si laborieusement conçus, n’aboutissent, en fin de compte, qu’à
couvrir de honte la maison que les princes tenaient à élever si haut. Ils se
trouvent avoir péché contre leur propre vie. Chaque pierre, chaque chevron de
la charpente de cet édifice bâti sur la fraude par l’ambition et l’orgueil sera
un témoin vivant contre l’oppresseur. D’autre part, jamais l’homme de foi ne
songe à agrandir sa maison ; son bonheur et sa gloire sont d’accumuler, connue
David, les matériaux qui établissent la
maison de son Dieu.
C’est ce que firent aussi Salomon, Joas et Josias (1
Rois 5: 18; 2 Rois 12: 12; 22: 6) pour agrandir et consolider le temple de
l’Éternel.
« Malheur à celui qui bâtit une ville avec du sang et qui établit une cité sur l’iniquité ! — Voici, n’est-ce pas de par l’Éternel des armées que les peuples travaillent pour le feu, et que les peuplades se lassent pour néant ? — Car la terre sera pleine de la connaissance de la gloire de l’Éternel, comme les eaux couvrent le fond de la mer » (v. 12-14).
Le premier malheur parlait de la nation, le second de la
« maison » ; le troisième nous entretient de la capitale. Ce n’est pas « la
ville » (Jérusalem), comme au v. 8,
mais une
ville, une
cité. Dans son application immédiate
au Chaldéen, ce passage nous parle de Babylone qui s’était fondée sur le
carnage des nations et le sang des hommes. Il en était de même de Ninive (Nahum
3: 1). Tout ce travail des peuples aboutira au feu du jugement et leurs efforts
n’auront pour résultat que la ruine : rien n’en subsistera ; « ils se lassent
pour néant ». N’est-ce pas une chose solennelle de penser que toute la gloire,
les richesses, le renom de beauté dont sont parées les grandes capitales des
royaumes, devront disparaître et seront englouties dans le néant ? Mais la foi
voit et comprend cette « énigme » et la raison de tous ces bouleversements. Le
royaume éternel de Christ ne peut être établi que sur le jugement du mal ; il
faut, pour le fonder, que l’iniquité disparaisse et que tout ce qui s’élève
contre le Dominateur de la terre soit abaissé et humilié. Le chemin de l’Éternel
ne peut être aplani que par le nivellement des hautes montagnes (Ésaïe 40:
3-5). Alors la gloire de l’Éternel sera connue du monde entier et le remplira.
Le mal sera comme noyé dans les profondeurs de la mer. De tout temps le
Seigneur avait annoncé que ces choses arriveraient en dépit des jugements qu’il
était contraint de prononcer (Nombres 14: 21 ; Ésaïe 11: 9). Nous trouvons ici,
en un seul verset, le tableau du règne glorieux millénaire de Christ, décrit
d’une manière si détaillée par le prophète Ésaïe. Ce sera « le rétablissement de
toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout
temps » (Actes 3: 21).
« Malheur à celui qui donne à boire à son prochain, à toi qui
verses ton outre, et qui aussi enivres, afin que tu regardes leur nudité ! — Tu
t’es rassasié d’ignominie plus que de gloire ; bois, toi aussi, et découvre ton
incirconcision ! La coupe de la droite de l’Éternel s’est tournée vers toi, et
il y aura un honteux. vomissement sur ta gloire. — Car la violence
faite au Liban te couvrira, et la destruction qui effraya
les bêtes, à cause du sang des hommes, et de la violence
faite au pays, à la ville, et à tous ceux qui y habitent »
(v. 15-17).
Cette strophe décrit la débauche abjecte et ignominieuse qui caractérisait
cette orgueilleuse nation chaldéenne. Comment ! parler de sa gloire,
quand le choeur vient de
célébrer la gloire de l’Éternel ? « Tu es rassasié d’ignominie plus que de gloire
». « Il y aura un honteux
vomissement sur ta gloire », s’écrie-t-il avec une ironique amertume, et dans sa
colère vengeresse. Toute cette corruption s’accompagne de violence ;
car, depuis la chute, ces vices se sont toujours aidés et
complétés mutuellement parmi les hommes réunis en société (Gen. 6: 11-13). La
gloire de l’Éternel couvrira la terre, mais la violence de l’homme ne sera pas
oubliée, retombera sur lui et le couvrira. La violence (remarquez la répétition
de ce mot) répondra à la violence, comme nous l’avons déjà vu au chap. 1, et le
choeur ajoute en guise de refrain, ce que l’Éternel ressent quand son pays, sa
ville et ses habitants sont en butte à la violence de l’ennemi (voyez v. 8). Le
prophète Ésaïe met ce chant sur le roi de Babylone, non plus dans la bouche des
nations, mais dans celle d’Israël lui-même, qui exulte en voyant l’orgueil
du roi de Babylone descendre
dans le shéol, son sceptre brisé ! Les cèdres du Liban se réjouissent sur lui et
disent : « Depuis que tu es tombé, l’abatteur n’est plus monté contre nous ».
« Ton orgueil est descendu dans le shéol, le son de tes luths. Les vers sont
étendus sous toi, et les larves sont ta couverture » (Ésaïe 14: 8, 11).
« De quel profit est l’image taillée, que l’ouvrier l’ait taillée ? À quoi sert l’image de fonte, enseignant le mensonge, pour que l’ouvrier se confie en sa propre oeuvre pour faire des idoles muettes ? — Malheur à celui qui dit au bois : Réveille-toi ! à la pierre muette : Lève-toi ! Elle, elle enseignerait ? Voici, elle est plaquée d’or et d’argent, et il n’y a aucun souffle au dedans d’elle. — L’Éternel est dans le palais de sa sainteté ;…. que toute la terre fasse silence devant lui ! » (v. 18-20).
Comme nous l’avons dit, la cinquième strophe diffère des autres
par sa structure. Il me semble en voir la raison dans le fait que Dieu entre
directement en cause. Ce n’est plus contre les nations, ni même contre le
peuple de Dieu que s’est élevé l’incommensurable orgueil du roi de Babylone,
mais contre l’Éternel lui-même. Il a opposé au vrai Dieu ses mensongères images
de bois et de fer, d’or et d’argent. Telle est la cause capitale de sa
destruction définitive. Notez que tout du long de cette « allégorie » l’Esprit de
Dieu a soin de ne pas nommer
le roi
de Babylone. C’est une « énigme » qui, comme nous l’avons vu, dépasse de beaucoup
le jugement historique du Chaldéen et va jusqu’au règne glorieux de Christ.
L’Apocalypse nous apprend qu’une autre Babylone, dernier développement d’une
religion idolâtre, paraîtra sur la scène aux derniers jours. Sa coupe d’or sera
remplie d’abominations (ou d’idoles) et l’empire romain, dernière incarnation
des monarchies générales, aura les mêmes prétentions idolâtres que le chef du
premier empire avec sa statue d’or (Apoc. 17: 4 ; 13 :14, 15; Dan. 3:
1). Cette idolâtrie est stigmatisée par tous les prophètes (voir Ésaïe 44: 9-20;
Jér. 2: 27; 3: 9, etc.).
Il est très remarquable que ce soient « les nations et les
peuples » (v. 5 et 6) qui prononcent ici le malheur sur les sectateurs des
idoles et proclament la vanité des religions du paganisme. C’est que leur chant
est un chant de la fin où elles auront abandonné le paganisme d’autrefois pour
se tourner vers le vrai Dieu et reconnaître son empire. La Babylone de la fin
est sous-entendue dans cette
allégorie, et voici pourquoi le chant se termine en reconnaissant l’Éternel
seul comme celui que les peuples adorent. Ce n’est pas seulement, comme au v.
14 la connaissance de sa gloire qui recouvre entièrement la terre renouvelée,
mais la connaissance de Lui-même.
Lui,
sera « dans le palais de sa sainteté », dans son temple à Jérusalem, car ce terme
ne s’applique pas au ciel, mais à sa maison sur la terre (Michée 1: 2; Ps. 11:
4). Désormais la gloire de Dieu qui avait quitté le temple (Ézéch. 11: 22) y
est rentrée (Ézéch. 43: 4). Toute la terre fait silence devant Lui. C’est Lui
qui domine et désormais personne n’osera élever la voix en sa présence et
devant sa Majesté. Digne terminaison de ce Chant des peuples soumis désormais à
Sa puissance. Que cette fin est belle ! Combien le coeur angoissé du prophète
doit être rassuré par cette vision de l’avenir ! Il y voit d’avance la
conséquence de la foi qui a su attendre avec patience le résultat des voies de
Dieu : L’orgueil de l’homme abaissé, les nations délivrées et soumises, le
peuple d’Israël restauré, l’Éternel glorifié, faisant de Jérusalem et de son
temple le centre de sa gloire, toutes les créatures se taisant devant
Lui ! Le prophète lui-même a oublié de « répliquer » (2: 1), et comment le
ferait-il quand Dieu, au lieu de contester avec lui, a fait passer devant ses
yeux sa justice dans le jugement du mal, sa grâce envers son peuple, se
montrant aussi dans la restauration des nations, sa gloire enfin, couvrant
toute la terre, ce règne de justice et de paix devant lequel le monde entier ne
pourra que faire silence !
« Prière d’Habakuk, le prophète, sur Shiguionoth » (v. 1). La
conclusion de tout ce que le prophète a entendu de la bouche de l’Éternel, se
résume dans une prière
qui tient à la
fois de la supplication, de l’action de grâces et de la louange, produites par
une foi pleinement assurée en la fidélité de l’Éternel à ses promesses (*) . Cette prière se compose de quatre parties.
(*) Le mot « Shiguionoth », pluriel de « Shiggaion », « grand cri » (Ps. 7), semble indiquer, d’après un critique récent, une série de cris et de louanges exaltées, composant ce qui est appelé ici « une prière ». Cette interprétation nous semble très plausible en présence des divisions naturelles que nous rencontrons dans la prière d’Habakuk.
La première partie
comprend
le v. 2:
« Ô Éternel, j’ai entendu ce que tu as déclaré, et j’ai eu peur. Éternel, ravive ton oeuvre au milieu des années ; au milieu des années, fais-la connaître. Dans la colère, souviens-toi de la miséricorde ! »
Au chap. 1: 2, le prophète avait dit : « Jusques à quand
crierai-je et tu n’entendras pas ?
Je
crie à toi … » Comment avait-il pu prononcer une telle parole : « Tu
n’entendras pas » ? Dans tout ce qui suit, l’Éternel, dans ses enseignements,
lui montre qu’il a entendu et qu’il entend toujours. Il lui explique, avec une
condescendance quasi paternelle, la justice des jugements qu’il fait tomber sur
son peuple
et sur les ennemis de son peuple,
mais lui
montre en même temps que le juste
n’est
pas sans ressource pour traverser les jugements, car il vivra de sa foi. Il lui
déclare enfin que Dieu
sera glorifié
et personnellement exalté dans un temps à venir et que le monde entier sera
rempli de la connaissance de sa gloire.
Maintenant, le prophète peut dire : « J’ai entendu »,
non pas : tu as
entendu,
car ma première question n’était que le produit de l’infirmité de
ma foi, mais j’ai maintenant
la
connaissance de tes pensées ; tu me l’as donnée ; il ne me faudra pas attendre
ton règne pour les comprendre ; la foi me
les fait saisir !
Mais devant l’annonce de tes jugements, « j’ai eu peur ».
En effet, quels jugements terribles que les tiens,
et faits pour remplir le coeur d’une frayeur salutaire ! Mais maintenant j’ai à
te demander une chose, et combien je la désire : « Ravive ton oeuvre en grâce
envers ton peuple ! Au milieu des années », avant
le temps de la fin, dont tu as parlé (2 : 3), agis en grâce parmi
nous ! La délivrance d’Égypte formait le « commencement des années » où l’Éternel
avait manifesté son oeuvre en faveur de son peuple et le prophète désire que
Dieu la ravive maintenant, avant d’introduire, à la fin des années,
la délivrance millénaire. Il sait que c’est
maintenant le temps de la colère : raison de plus pour faire appel à la
miséricorde de Dieu, car c’est précisément quand ses jugements se déchaînent
sur le monde, que nous sommes appelés à compter, aujourd’hui comme alors, sur
l’oeuvre de sa grâce. La prière prophétique d’Habakuk sera exaucée lors de la
vivification d’Israël, celle-ci ayant pour résultat la formation d’un Résidu
croyant dont le prophète est le type devant nos yeux.
La seconde partie
comprend
les versets 3 à 15. Elle décrit les délivrances passées de l’Éternel, et son
intervention future en faveur de son peuple.
Cette division décrit la sortie d’Égypte.
« Dieu vint de Théman, et le Saint de la montagne de Paran. Sélah. Sa magnificence couvre les cieux, et sa louange remplit la terre ; et sa splendeur était comme la lumière : des rayons lui jaillissaient de la main ; et là se cachait sa force. La peste marchait devant lui, et une flamme ardente sortait sous ses pas » (v. 3-5).
Ces versets nous montrent l’Éternel sortant de l’Orient, de Théman et de la montagne de Paran qui domine le désert de ce nom ; en un mot, du territoire d’Édom, pour venir au secours de son peuple et le délivrer de la servitude d’Égypte en anéantissant les nations qui l’oppriment ou s’opposent à lui (*).
(*) En Deut. 33: 2, l’Éternel vient du Sinaï, de Séhir et de Paran pour délivrer son peuple et lui donner la loi.
En Juges 5: 4, le cantique de Débora célèbre, comme celui d’Habakuk, l’intervention de l’Éternel venant de Séhir pour anéantir les ennemis de son peuple. Le Ps. 18: 7-19 célèbre cette même intervention, mais il a surtout en vue les ennemis de la fin. Le Ps. 68 assimile la délivrance d’Égypte à celle du peuple à la fin des temps. Le Ps. 77 puise dans la délivrance d’Égypte l’assurance que l’Éternel délivrera son peuple de la grande tribulation de la fin. — Tous ces passages donc, comme la prière d’Habakuk, célèbrent l’intervention de Dieu dans le passé, pour racheter son peuple de l’Égypte, comme le gage d’une intervention future aux derniers jours.
« Il se tint là et mesura la terre, il regarda et mit en déroute les nations ; et les montagnes antiques furent brisées en éclats, les collines éternelles s’affaissèrent » (v. 6). Les nations qui essayèrent de s’opposer à Israël furent dispersées, la puissance antique de l’Égypte fut subitement brisée ; les collines éternelles, les autorités fermement établies par Dieu lui-même et qui, de ce fait, auraient dû avoir une durée illimitée, se sont affaissées jadis devant Celui qui venait de sa sainte montagne pour délivrer son peuple.
Le prophète ajoute : « Ses
voies sont éternelles ».
Quelle assurance cette pensée ne donne-t-elle pas à
la foi ! Ce qu’Il a fait dans le passé il le fera dans l’avenir ; il n’y a en Lui
ni variation, ni ombre de changement. Qu’il s’agisse de jugement ou de
délivrance, ses voies de sainteté et d’amour se répètent et se déroulent,
toujours les mêmes, jusqu’au bout des collines éternelles ! (Gen. 49: 36).
Nous trouvons dans cette division la similitude entre la délivrance prophétique future et celle d’Égypte qui n’en était qu’une faible image.
« Je vis
les tentes de
Cushan dans l’affliction ; les tentures du pays de Madian tremblèrent » (v.
7). Le prophète contemple maintenant des événements qui n’ont pas encore eu
lieu, mais qu’il considère en vision
comme
passés, et se rapportant à des choses futures que sa foi tient pour absolument
certaines. Les contrées de Cush à l’Occident et au Nord, l’Arabie à l’Orient et
au Midi, trembleront devant l’Éternel. La délivrance passée quand Israël sortit
d’Égypte, est loin d’avoir l’étendue de cette délivrance future. — « Est-ce
contre les rivières que s’irrita l’Éternel ? ou contre les rivières que fut ta
colère ? contre la mer, ta fureur, que tu fusses monté sur tes chevaux, sur tes
chars de salut ? » (v. 8). S’il abolit les limites des nations et frappe
lui-même l’ensemble confus des peuples, son but, en faisant ainsi, n’est pas
seulement le jugement, car ses chars de guerre sont des chars de
salut
. Il
faudra, sans doute, que les jugements suivent leur cours jusqu’au bout, que les
coups prédits par la parole de Dieu s’abattent sur les peuples et que les
limites des nations soient bouleversées (v. 9) ; que les puissances établies
qui gouvernent soient saisies d’effroi ; que le monde entier pousse des cris de
détresse, élevant inutilement ses mains suppliantes au milieu du déluge qui
fondra sur lui (v. 10) ; rien ne pourra arrêter le combat livré par l’Éternel
aux méchants jusqu’à leur extermination totale. Il en sera comme aux jours de
Josué, où « le soleil et la lune s’arrêtèrent jusqu’à ce que la nation se fût
vengée de ses ennemis » (v. 11 ; Jos. 10: 12). Mais, en outre, la colère divine
n’épargnera pas le pays
lui-même, la
terre d’Israël. Le peuple incrédule et apostat recevra comme les autres nations
les coups de l’indignation de l’Éternel (v. 12).
Le salut d’Israël,
tel
sera le résultat de tout cet immense débordement de calamités . « Tu sortis pour
le salut de ton peuple, pour le salut de
ton oint ;
tu brisas le faîte de la maison du méchant, mettant à nu les
fondements jusqu’au cou » (v. 13). N’est-ce pas une chose merveilleuse ? Ce
petit peuple, et encore ne sera-t-il représenté que par un Résidu insignifiant
en apparence, est à tel point l’objet de la sollicitude du Dieu tout puissant,
qu’il bouleversera le monde entier pour le sauver. C’est qu’Israël est son oint
: il l’a marqué du sceau de son
Esprit ; il l’a acquis au prix de sa propre vie ; il veut l’avoir pour compagnon
de sa gloire, tout près de lui, au centre d’un gouvernement où régnera sa
justice éternelle. Si le vrai Israël
est
peu de chose aux yeux des hommes, il sera le « trésor particulier » de Christ au
jour de sa puissance. Nous ne parlons pas ici de l’Église, épouse de l’Agneau
dont les bénédictions sont élevées au-dessus de celles d’Israël, comme le ciel
l’est au-dessus de la terre. Jamais l’Ancien Testament ne nous parle de cette
épouse-là, mais notre coeur s’intéresse à « la femme juive » parce que Christ,
l’Éternel, son Messie et son Roi, s’intéresse à elle, la contemple avec
complaisance comme son précieux joyau, et accomplira envers elle toutes ses
promesses d’ancienneté dont il ne s’est jamais repenti. Quelle qu’ait été,
l’infidélité de la nation, jamais le coeur de son Roi n’a varié à son égard.
S’il lui a fallu la répudier pour un temps comme une femme infidèle, il la
recevra de nouveau, dans un avenir prochain, après l’avoir purifiée au feu du
jugement, à travers cette tribulation qui, d’avance, faisait trembler de peur
l’âme de notre prophète. Nous retrouvons la pensée exprimée au v. 13, dans le
merveilleux passage d’Ésaïe où l’on voit le Seigneur venir d’Édom, de Bostra,
marchant dans la grandeur de sa force. Il a été seul à fouler au pressoir et à
écraser les peuples dans sa fureur, car, dit-il : « Le jour de la vengeance était
dans mon coeur et l’année de mes rachetés
était venue
» (Ésaïe 63: 1-6).
C’est alors que sera « brisé le faîte de la maison du méchant, mettant
à nu les fondements jusqu’au cou » (v. 13), passage faisant allusion, sans
doute, au Chaldéen qui avait élevé sa maison sur l’iniquité (2: 9), mais
portant nos pensées vers « le méchant » de la fin, dont la maison sera détruite,
du faîte jusqu’à la base. Il en est de même au v. 14 : le conflit final s’y
déroule. Toutes les nations « arrivent comme un tourbillon pour disperser » ce
pauvre Résidu affligé et sans force et « le dévorer en secret
», car nous avons fait remarquer plus d’une fois, dans nos
études prophétiques, que les nations de la fin n’étaleront pas ouvertement
leurs desseins, et nourriront l’intention secrète d’arracher la proie à leurs
alliés d’un jour. Mais, quand le Christ paraît, il suffit que les chevaux de ce
puissant guerrier se montrent, pour traverser et réduire à néant la formidable
puissance ameutée par Satan contre Lui et son peuple. Le chap. 19 de
l’Apocalypse (v. 11-16) nous présente le tableau sublime de cette scène
guerrière, en nous la faisant voir sous son aspect céleste,
ce que la prophétie de l’Ancien Testament ne fait jamais.
La troisième partie
comprend
le verset 16.
« J’entendis, et mes entrailles tremblèrent ; à la voix que j’ouïs mes lèvres frémirent, la pourriture entra dans mes os, et je tremblai sous moi-même, pour que j’eusse du repos au jour de la détresse, quand montera contre le peuple celui qui l’assaillira ».
Ce verset est la conclusion et comme le résumé de ce qui
précède. Comme le prophète l’avait exprimé au vers. 2, il avait entendu et
avait eu peur à la perspective de la colère divine, mais il avait intercédé
pour le peuple, afin que l’Éternel se souvînt de sa miséricorde envers lui.
Maintenant, toute la scène de la fin a passé devant ses yeux. Il s’est souvenu
des jugements exécutés jadis sur le pays d’Égypte et sur tous les ennemis
d’Israël, alors que Dieu voulait racheter son peuple. Ses regards prophétiques
se sont portés ensuite sur les jugements de la fin et il a compris qu’ils ne
pouvaient avoir en vue, comme ceux de jadis, que le salut
du peuple de Dieu. Il a vu et réalisé tout cela, mais cela
ne l’empêche pas, et bien plus qu’au commencement de son cantique, de trembler
jusque dans ses entrailles et de sentir la pourriture entrer dans ses os, comme
Daniel, devant « la grande vision », quand « son teint fut changé en corruption et
qu’il ne conserva aucune force » (Dan. 10: 8) ; préparation nécessaire pour
recevoir les communications prophétiques, et pour entrer dans les pensées de
Dieu. Aussi l’ange rassure-t-il Daniel : « Ne crains pas, homme bien-aimé ; paix
te soit ! Sois fort, oui, sois fort ! » (v. 19). Il en est de même ici dans
cette scène abrégée que la Parole nous présente. Le prophète tremble et passe
par un jugement complet de lui-même, mais « pour
avoir du repos au jour de la détresse
». Ce travail de conscience, ce
sentiment d’absolue incapacité, cette conviction de la corruption de notre
nature, sont indispensables pour trouver le
repos,
qu’il s’agisse de l’histoire passée, présente ou future de l’homme.
Ici, ce repos est futur. Le prophète le désire pour le jour de la détresse
qui est, comme nous l’avons vu si souvent au
cours de ces études, le jour de la grande
tribulation
pour Israël, jour où l’ennemi « montera contre le peuple et
l’assaillira ». Nous savons, par une quantité de passages des prophètes quel
sera cet ennemi, quelles seront les armées qui assailliront Jérusalem. Le
prophète est assuré de la délivrance finale et du repos définitif, mais la
Parole nous présente ici un repos
anticipé,
le repos de l’âme, au milieu même des plus cruelles épreuves, un
repos que le jugement complet de soi-même et la connaissance de l’amour et de
la miséricorde de Dieu, peuvent seuls donner.
La quatrième partie
comprend
les vers. 17 à 19.
« Car le figuier ne fleurira pas, et il n’y aura point de produit dans les vignes ; le travail de l’olivier mentira, et les campagnes ne produiront pas de nourriture ; les brebis manqueront dans le parc, et il n’y aura pas de boeufs dans les étables ; mais moi, je me réjouirai en l’Éternel, je m’égayerai dans le Dieu de mon salut. L’Éternel, le Seigneur, est ma force ; il rendra mes pieds pareils à ceux des biches, et il me fera marcher sur mes lieux élevés ».
Nous trouvons, dans cette quatrième partie du Cantique,
l’expression magnifique de la foi
du
prophète, de cette foi qui a été en grandissant depuis le commencement de ses
entretiens avec l’Éternel. Si, au v. 16, il attendait une délivrance future,
cela ne signifiait pas qu’elle ne pût pas tarder. Aussi sa foi répondait à la
parole : « Si elle tarde, attends-la » (2: 3). Il l’attendait donc, avec la
certitude qu’elle serait précédée de la
détresse,
mais qu’au milieu de cette tempête déchaînée il y aurait pour lui
un refuge assuré, un petit sanctuaire, où il pourrait trouver le repos de la
présence de Dieu.
Maintenant
cette
espérance lui suffit. Il sait que le repos viendra quand la détresse sera passée.
Mais que va-t-il faire aujourd’hui
? Le temps présent est un
temps de disette complète. Il correspond à la période actuelle que traverse le
peuple juif. Le figuier, la vigne, l’olivier, autant de symboles de ce peuple,
sont sans fruit, rien n’est produit pour Dieu. Le blé, les brebis, les boeufs,
tout manque ; il n’y a plus même de sacrifice qui mette Israël en relation avec
Dieu !
N’est-ce pas aussi ce que notre âme devrait ressentir dans le
jour actuel ? Disette et famine spirituelles ; faiblesse extrême du témoignage
chrétien ; profession sans vie et sans relation avec Dieu… « Mais moi !
» ajoute le prophète. — Ce
juste qui vit de sa foi a saisi le salut promis, comme une chose actuelle. Mais
ce n’est pas dans le repos, qu’il n’a pas encore atteint, ni même dans le salut
, qu’il se réjouit. Il a une
joie bien plus excellente que celle-là ; il possède l’Éternel lui-même,
le Dieu de son salut. Ce Dieu qui ne lui cache
rien, qui le traite en ami, qui lui révèle ses pensées les plus secrètes, sur
la miséricorde duquel il peut compter quand tout vient à manquer, ce Dieu dont
les bénédictions sont éternelles, son Seigneur, est Celui dans lequel il se
réjouit et se réjouira toujours : « Nous nous égayerons et nous nous réjouirons
en toi », dit la Sulamithe ; « nous nous souviendrons de tes amours plus que du
vin » (Cant. des cant. 1: 4). C’est ainsi que « Dieu donne des chants de joie
dans la nuit » (Job 35: 10). Le prophète est désormais en pleine communion
avec le Seigneur. Il a
compris, dès le début, que « l’Éternel, son Dieu et son Saint », est lumière
et que ses yeux sont « trop purs
pour voir le mal » (1: 12, 13), mais maintenant il se réjouit en Lui
, il goûte les perfections de sa
personne, et comprend son amour
,
l’amour du « Dieu de son salut ».
Mais l’Éternel n’est pas seulement sa joie
; il est aussi sa force
(v. 19), quand lui, le prophète n’a aucune force. « Bienheureux l’homme dont la
force est en toi ! » (Ps. 84: 5). Grâce à Lui, dans un temps d’extrême
faiblesse, dans un temps où aucune des choses promises n’est encore atteinte,
nos pieds sont rendus pareils à ceux des biches ; nous pouvons monter sur nos
lieux élevés, et les parcourir d’un pas léger, heureux, rapide et libre. Les
lieux célestes nous appartiennent, ils sont nôtres
,
le domaine qui nous est assigné. Qu’importe la disette à ceux qui possèdent le
Seigneur, et sa force, et sa joie, à ceux qui jouissent de toute bénédiction
spirituelle dans les lieux célestes ?
« Au chef de musique. Sur Neguinoth » (instruments à cordes).
Comment s’étonner ensuite que, dans ces temps calamiteux, Habakuk retrouve le culte comme aux beaux jours de David et de Salomon. Il remet son Cantique au chef de musique pour le chanter avec les violons et les harpes. Il réalise d’avance la louange future d’Israël dans son temple restauré.
Et nous, bien-aimés, n’avons-nous pas le même privilège ? La certitude du néant absolu des choses de la terre nous pousse vers le Seigneur, et, lorsque nous goûtons les richesses insondables de Christ, une seule pensée s’empare de tout notre être : nous jeter à ses pieds, et l’adorer ! Le culte des enfants de Dieu peut être retrouvé au milieu des ruines de la chrétienté.
Terminons cet exposé par les paroles d’un autre, au sujet de notre prophète : « Rien n’est plus beau que ce développement des pensées de l’Esprit de Dieu : Au milieu des tristesses et des anxiétés produites par l’Esprit, Dieu répond pour donner de la connaissance et fortifier la foi, afin que le coeur soit en communion avec Lui. »
Habakuk occupe une place entièrement à part parmi les prophètes, quoique Jérémie, tout en embrassant un horizon beaucoup plus vaste, lui ressemble en quelque manière quant à ses expériences personnelles. D’abord le prophète se révolte contre le règne de la violence au milieu de son peuple ; il crie : « Jusques à quand ? » Mais, dès que l’Éternel lui annonce le jugement d’Israël par les Chaldéens, l’âme de l’homme de Dieu est profondément affligée pour sa nation. Semblable à Moïse, il prend en mains, comme intercesseur, la cause d’Israël devant l’Éternel. Dieu lui répond qu’il jugera les Gentils dont il a fait sa verge ; mais Habakuk lui-même apprend une leçon personnelle valable en tout temps et pour toute circonstance : « Le juste vivra de sa foi ». Le principe de la foi est le seul sur lequel il doive s’appuyer jusque dans les jours les plus fâcheux. Ce verset forme le noeud central de toute la prophétie d’Habakuk. Dès lors sa foi sonde le pourquoi des jugements, considère les délivrances passées, réalise les délivrances à venir, traverse les misères présentes, avec une joie sans mélange qui s’attache à la personne du Sauveur, avec la force de Dieu lui-même et la libre et heureuse jouissance des bénédictions célestes et éternelles. Enrichi de telles bénédictions, l’homme de foi a trouvé l’accès du sanctuaire, et y pénètre pour rendre culte à Dieu.
Le chemin de la foi est merveilleux, parce qu’il nous élève
au-dessus de tous les obstacles, au-dessus
même de nos expériences,
et fixe nos regards sur les choses qui ne se
voient pas, car les choses qui se voient sont pour un temps, mais celles qui ne
se voient pas sont éternelles !