par H. Rossier
2 - Chapitres 1 à 11 — SALOMON
2.1 - Chapitre 1 — Révolte d’Adonija
2.2 - Chapitre 2:1-12 — Dernières recommandations de David
2.3 - Chapitre 2:13-46 — La justice et le jugement sont la base de son trône
2.4 - Chapitre 3:1-3 — La fille du Pharaon
2.5 - Chapitre 3:4-15 — Gabaon
2.6 - Chapitre 3:13-28 — Le juste jugement
2.7 - Chapitre 4 — La gloire du royaume
2.8 - Chapitre 5 — Hiram. Préparatifs pour le temple
2.10 - Chapitre 7:1-12 — Les maisons de Salomon
2.11 - Chapitre 7:13-51 — Hiram et le parvis
2.12 - Les colonnes (v. 15-22)
2.13 - La mer d’airain (v. 23-26)
2.14 - Les cuves et leurs bases (v. 27-40)
2.15 - Les objets d’or (v. 48-51)
2.16 - Chapitre 8 — Dédicace du temple
2.17 - Chapitre 9:1-9 — L’Éternel parle
2.18 - Chapitre 9:10-23 — Hiram
2.19 - Chapitre 9:24-28 — La fille du Pharaon
2.20 - Chapitre 10:1-13 — La reine de Sheba
2.21 - Chapitre 10:14-29 — Le trône
2.22 - Chapitre 11:1-13 — Cause de la ruine du royaume
2.23 - Chapitre 11. 14-43 — Les ennemis
3 - Chapitres 12 à 16 — DIVISION DU ROYAUME
3.1 - Chapitre 12:1-24 — Roboam
3.2 - Chapitre 12:25-33 — Jéroboam et sa politique
3.3 - Chapitre 13 — L’homme de Dieu et le vieux prophète de Béthel
3.4 - Chapitre 14 — Jéroboam et le prophète Akhija
3.5 - Chapitre 15 — Nadab et Baësha, rois d’Israël — Abijam et Asa, rois de Juda
3.6 - Chapitre 16 — En pleine déchéance
4.1 - Chapitre 17:1-7 — Élie et le torrent du Kerith
4.2 - Chapitre 17:8-24 — Élie et la veuve de Sarepta
4.3 - Chapitre 18:1-16 — Élie et Abdias
4.4 - Chapitre 18:17-46 — Élie devant les prêtres de Baal
4.5 - Chapitre 19:1-9 — Élie devant Jézabel et devant lui-même
4.6 - Chapitre 19:9-21 — Élie devant Dieu
4.7 - Chapitre 20 — Achab et Ben-Hadad
4.8 - Chapitre 21 — Achab et Naboth
4.9 - Chapitre 22 — Achab et Josaphat
Le second livre de Samuel
présente l’établissement
, par David, du royaume d’Israël (*) ; le début du premier livre des Rois nous
montre ce royaume, définitivement établi par Salomon. Il est à remarquer que le
règne de Salomon forme un tout continu
avec celui de David. La mort du
vieux roi n’occasionne pas même une interruption momentanée, Salomon s’étant
assis, du vivant de David, sur le trône de son père. C’est qu’il s’agit, en
type, d’un règne continu, qui, tout en offrant des caractères très tranchés,
suivant l’une ou l’autre de ses périodes, les réunit toutes deux, dans une
unité indissoluble et absolue.
(*) Méditations sur le second livre de Samuel, par H. R.
À le considérer dans son unité, ce règne commence par la réjection du vrai roi d’Israël (1 Samuel), se consolide, après la victoire, au milieu des dissensions du peuple et des combats (2 Samuel), se trouve enfin établi en paix, en justice et en gloire, au commencement du livre qui nous occupe. Ce récit, comme du reste la Parole tout entière, porte nos regards sur Christ et nous présente son règne dans toutes ses phases diverses. Rejeté comme Messie, il entre de nouveau sur la scène au temps de la fin, rassemble graduellement Juda et les tribus d’Israël sous son sceptre, étend par des jugements, mais aussi en grâce, sa domination sur les peuples, jusqu’à l’établissement final de la royauté millénaire universelle. Il jouit alors, en paix et en justice, de son triomphe, et y associe son peuple terrestre.
Nous trouvons ainsi, dans ces
livres, l’exposé de l’ensemble des conseils de Dieu quant à l’héritage terrestre
du Messie, Oint de
l’Éternel, vrai David et vrai Salomon. À part la période des afflictions de
David, ces conseils n’ont pas encore trouvé leur plein accomplissement, mais se
réaliseront dans le millénium, quand le Seigneur sera établi sur son trône,
comme roi d’Israël et des nations, comme roi de justice et de paix, vrai
Melchisédec, sacrificateur à perpétuité.
Ces livres présentent encore
un autre caractère, très important à considérer, sans lequel on courrait
continuellement le danger d’appliquer faussement les types qu’on y rencontre.
Ce caractère, nous l’avons déjà fait ressortir au sujet du second livre de
Samuel : Le roi établi de Dieu est
un homme responsable.
Cette responsabilité, qui reposera sur le Christ avec
toutes ses conséquences glorieuses et bénies, mène nécessairement à la ruine
des hommes faillibles et pécheurs, lorsqu’elle est placée entre leurs mains.
Les deux livres des Rois nous présentent donc la ruine de la royauté entre les
mains de l’homme, et son jugement définitif.
En maintenant la certitude de ses conseils de grâce, Dieu maintient tout aussi fermement la certitude de ses jugements au cas où le roi ne répondrait pas aux exigences de sa sainteté. Ces deux courants, la grâce et la responsabilité, marchent parallèlement, sans jamais se confondre. Au chap. 7 du second livre de Samuel, v. 13-16, les paroles de l’Éternel à David au sujet de Salomon, font ressortir cette vérité d’une manière très remarquable. C’est d’un côté l’élection de grâce, de l’autre la responsabilité du roi et ses conséquences, puis, après ces deux principes, l’assurance que les conseils de Dieu n’en auraient pas moins leur accomplissement.
Tout ceci est d’autant plus
frappant que les deux livres des Chroniques nous présentent la royauté sous une
autre face. Ils racontent l’histoire de la maison de David ou point de vue de la grâce,
comme nous
aurons amplement l’occasion de le constater, si le Seigneur nous permet
d’arriver à l’étude de ces livres. Il suffit de mentionner ici que, selon ce
principe, les Chroniques nous présentent, non l’histoire des rois d’Israël,
mais celle des rois de Juda, demeurés plus longtemps fidèles que les premiers,
et auxquels le témoignage de Dieu était confié. L’Esprit de Dieu met en
évidence, chez eux, l’oeuvre de la grâce et tout ce que l’Éternel pouvait
approuver, passant souvent leurs fautes sous silence, afin de faire ressortir
son but, mais ne cherchant nullement à cacher
leurs faiblesses. Au contraire, les deux livres des Rois nous retracent
l’histoire des rois d’Israël et n’introduisent ceux de Juda que comme jalons du
récit, ou pour faire ressortir les relations mutuelles des deux dynasties.
Établissons encore un fait
important en rapport avec l’histoire qui va nous occuper. Dans ces livres, les
principes selon lesquels Dieu gouverne son peuple, restent les mêmes que dans
tout l’Ancien Testament. Israël, aussi bien que ses rois, est placé sous le
régime
de la loi.
Il ne s’agit
point ici de la loi, sous son premier caractère de justice absolue et sans
mélange, telle que Moïse la reçut au début. Les tables sur lesquelles cette loi
était écrite furent brisées par le législateur au pied de la montagne, et ne
parvinrent jamais au peuple qui, avant de les recevoir, avait déjà fait le veau
d’or. Dès sa promulgation, cette loi première aurait écrasé le peuple sous le
jugement. Mais il s’agit, dans tout le récit que nous considérons, de la loi, telle
que Dieu la donna une seconde fois à Moïse et que nous la trouvons au chap. 34
de l’Exode. C’était une loi mitigée,
offerte
à l’homme pour l’accomplir, si sa chair était capable, ne fût-ce que d’un bien
relatif. Elle proclamait, en tout premier lieu, ce que la loi pure ne pouvait
nullement manifester, la miséricorde et
la grâce
de l’Éternel. « L’Éternel, l’Éternel ! Dieu, miséricordieux et
faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité, gardant la
bonté envers des milliers de générations, pardonnant l’iniquité, la
transgression et le péché ». Elle proclamait, en second lieu, la justice
: « Qui ne tient nullement celui qui en est coupable pour
innocent ». Elle annonçait, en dernier lieu, la
rétribution
selon le gouvernement de Dieu ici-bas : « Qui visite l’iniquité des pères sur les
fils, et sur les fils des fils, sur la troisième et sur la quatrième
génération » (v. 6-8). Au cours de l’histoire qui va nous occuper, nous aurons
l’occasion de reconnaître l’application des principes dont nous venons de
parler, soit à l’égard des rois, soit à l’égard du peuple.
Enfin ces livres mettent en
lumière une dernière vérité générale. Depuis sa ruine, la sacrificature avait
cessé d’être le moyen de relation publique entre le peuple et Dieu. Le roi
, l’Oint de l’Éternel, avait été substitué au sacrificateur pour
remplir cet office (voyez le commencement du premier livre de Samuel). Toute la
bénédiction d’Israël, son jugement aussi, dépendaient désormais de la conduite
du roi. Le roi manquant à sa responsabilité, c’en était fait, à proprement
parler, des relations du peuple avec Dieu. Mais alors se produit un phénomène
qui persiste pendant toute la durée de la royauté, et au-delà : le prophète
entre en scène. Son apparition
prouve que la grâce et la miséricorde de Dieu ne peuvent être anéanties, quand
même tout est ruiné.
Sans doute, la prophétie
existait avant le temps dont nous parlons. La chute de l’homme a donné lieu à
la première parole prophétique. Abraham est prophète (Gen. 20:7) ; Jacob
prophétise, Moïse est prophète (Deut. 18:15 ; 34:10) ; mais Samuel
inaugure la série des prophètes que nous voyons à l’oeuvre dans les livres qui
nous occupent (Actes 3:24). En ces jours sombres, le prophète devient, à défaut
du roi, le lien entre le peuple et Dieu. Il est le porteur de la Parole
;
c’est à lui qu’est confiée la révélation des pensées de Dieu. Immense
grâce ! Sans doute, le prophète annonce
les terribles jugements
qui fondront sur le peuple et sur les nations, mais il présente en même temps à
la foi la grâce
comme le moyen d’y
échapper.
Il rend témoignage contre l’iniquité, délivre même le peuple,
comme Élie, par l’exercice de la puissance, pour le faire recommencer, si
possible, à marcher dans le chemin de Dieu, Il enseigne
; il donne
au peuple, pour me servir des paroles d’un autre, « la clef des voies de Dieu,
incompréhensibles sans lui ». Il console
aussi,
en dirigeant les regards vers un avenir de bénédiction, « temps du
rétablissement de toutes choses », « royaume qui ne sera pas ébranlé », et où la
responsabilité de la maison de David sera portée par le Christ, fils de David,
à la pleine satisfaction de Dieu lui-même. Attachant les yeux de la foi sur la
personne glorieuse de l’Oint de l’Éternel, il annonce les souffrances du Messie
et les gloires qui suivront. Il sent en même temps l’abîme qui sépare le temps
actuel de cette « régénération » future. Il s’humilie
pour le peuple quand ce dernier n’a pu, ni su le faire. Sans lui, dans les
jours sombres de la royauté, il ne restait pas un rayon de lumière à ce pauvre
peuple, coupable et châtié. Le prophète relève
et fait renaître l’espoir.
Mais, en vertu des principes proclamés sous le régime de la loi, la miséricorde de Dieu reconnaît immédiatement le monarque, quand il agit par la foi et qu’il est fidèle. Quelque incomplète que soit cette fidélité, Dieu l’apprécie, et quand même le lien est ostensiblement brisé, la bénédiction du peuple en est la conséquence. De là, sous le régime du prophète, des jours lumineux succédant aux jours ténébreux, et des répits accordés, malgré le jugement annoncé, parce que le roi a regardé à l’Éternel. Cette fidélité du roi se rencontre généralement en Juda, où Dieu maintient encore pour quelque temps « une lampe à son Oint », tandis qu’Israël et ses rois, ayant commencé par l’idolâtrie, continuent dans cette voie, et deviennent bientôt la proie des démons qu’ils n’avaient pas voulu écarter de leur chemin.
Au moment où commence notre
récit, le roi David était âgé d’environ soixante-dix ans. Il était loin d’avoir
atteint l’extrême vieillesse, mais une vie de souffrances, de combats et de
chagrins, use les forces de l’homme le plus robuste, en sorte que le roi « était
vieux, avancé en âge ». À trente-trois ans, le Seigneur lui-même en paraissait
cinquante (Jean 8:57), mais « sa force était en son entier ». Il n’était pas,
comme David, usé
par les chagrins,
mais, homme de douleurs, son visage était défait plus que celui d’aucun homme.
L’amour imprimait ce caractère à ses traits, car il portait en sympathie toutes
les langueurs que le péché avait amenées sur notre misérable race.
Les serviteurs du roi imaginent un moyen de le rappeler à la vie (v. 2-4) ; imitant en cela les souverains des nations environnantes. Il semble que David ait manqué de volonté pour s’opposer au plan de son entourage. La Sunamite (*) lui est amenée. Elle le soigne et le sert. Cette vierge d’Israël « extrêmement belle » sera considérée plus tard par Salomon comme un des plus précieux joyaux de sa couronne. Elle lui appartiendra, et quiconque osera lever les yeux sur elle pour la convoiter en portera le châtiment. Mais n’anticipons pas. Ce que la Parole nous apprend, c’est qu’elle ne devient pas l’épouse de David, roi de grâce. Il en est ainsi, actuellement, de Christ. Tout en ayant les yeux sur Israël, il a maintenant une autre épouse, prise d’entre les gentils. Il la conservera comme roi de gloire, mais, comme tel, il renouera aussi ses relations avec le résidu d’Israël, les excellents de son peuple.
(*) La Parole ne nous autorise pas à affirmer, comme on l’a prétendu, qu’elle est la Sulamithe célébrée au Cantique des Cantiques (6:13).
Avant l’entrée en scène de
Salomon, Adonija, fils de Hagguith, cherche à s’emparer du trône de David son
père (v. 5-8). Venu au monde immédiatement après Absalom (v. 6 ; 2 Sam.
3:3, 4), quoique d’une autre mère, il pensait, sans doute, avoir les mêmes
droits que ce dernier au royaume. « Il s’éleva, disant : Moi, je serai
roi ». L’orgueil, une volonté sans frein qui n’avait jamais été réprimée, et sa
haute opinion de lui-même, le dirigeaient. Il était « un très bel homme ». Ces
défauts avaient été nourris, chez lui, par la faiblesse paternelle dont le rôle
avait été si grand, dans les désastres de la vie de David. Ce dernier n’était
pas insensible à l’apparence
de ses
enfants, comme l’histoire d’Absalom le démontre, et peut-être avait-il, pour la
même raison, ménagé la verge à Adonija. « Son père ne l’avait jamais chagriné,
en disant : Pourquoi fais-tu ainsi ? » Les familles des croyants
voient bien souvent leur témoignage ruiné par la faiblesse des parents. En
épargnant la verge à leurs enfants, ils la préparent pour eux-mêmes, ainsi que
du déshonneur pour Christ. Jamais Dieu n’agit ainsi. La preuve de son amour
envers nous est fournie par sa discipline. La faiblesse des parents n’est pas
une preuve de leur amour, mais de leur égoïsme qui s’épargne en épargnant leurs
enfants (Prov. 13:24).
Adonija suit le même chemin qu’Absalom (2 Sam. 15:1), peut-être avec moins de fourberie, car il manifeste ouvertement ses prétentions et se procure, comme un souverain, des chars, des coureurs et des cavaliers. Joab et Abiathar le suivent. Joab, toujours le même, ne cherche que son propre intérêt, et sentant David près de sa fin, se tourne vers Adonija, comme jadis, à la toute première heure, vers Absalom. Comment aurait-il pu se déclarer pour le roi de justice ? Les méfaits de sa vie passée devaient lui faire craindre un contact trop intime avec Salomon. Et puis, il n’y a rien dans le vrai roi, qui soit un objet d’attraction pour la chair. L’homme naturel s’oriente et s’orientera sans hésitation vers l’usurpateur et le faux roi. C’est ainsi qu’on verra plus tard « la terre tout entière dans l’admiration de la Bête ».
Adonija est le type de l’homme qui cherche à s’élever jusqu’au trône de Dieu (Daniel 11:36) : Joab et Abiathar sont ceux qui en tirent du profit (Dan. 11:39) ; l’entourage d’Adonija, ceux qui sont subjugués par son ascendant (Apoc. 13:4).
En ce qui concerne Joab, il
faut tôt ou tard
que la chair,
quelque habile qu’elle soit, se produise à découvert et montre son vrai
caractère. Joab avait pu longtemps se maintenir en compagnie de David, l’oint
de l’Éternel, et donner le change sur les mobiles qui dirigeaient et dominaient
son coeur, mais il arrive toujours une occasion où le coeur naturel se montre
hostile et rebelle
et manifeste qu’il
ne se soumet, ni ne peut
se soumettre
à la loi de Dieu.
Abiathar, représentant de la
religion, déjà condamné d’avance, lors du jugement prononcé sur Éli (*), est aussi du parti d’Adonija. Entouré de si
belles apparences, il n’est pas étonnant que ce dernier devienne un centre de
rassemblement pour le grand nombre. Il ne l’est pas pour la foi
. Que
peut trouver la foi, dans la compagnie de l’usurpateur ? Tsadok, Benaïa,
Nathan et les hommes forts de David, ne sont pas avec Adonija. Le vrai
sacrificateur, le prophète, porteur de la parole de Dieu, le vrai serviteur,
Benaïa, qui marche sur les traces de son maître (**),
qu’avaient-ils à faire avec lui ? Le sacrificateur regarde à Dieu, le
prophète à l’Esprit de Dieu, le serviteur à David, à Christ. Ont-ils besoin
d’autre chose ? Les hommes forts, eux qui ont trouvé leur force en David,
iraient-ils après Adonija qui ne peut la leur communiquer ?
(*) Méditations sur 1 Samuel, par H. R., 2° note du livre (page 6).
(**) Méditations sur 2 Samuel, par H. R., 3° note du chapitre 23 (page 203).
Benaïa nous intéresse d’une
manière particulière. Au temps de David, il occupait déjà une place prééminente
de service (1 Chroniquies 27:5). N’était-il pas digne, lui qui avait suivi en
tout, et comme pas à pas, les traces de son maître, d’être établi plus tard
chef de toute l’armée ? Cependant cet homme n’a d’autre ambition que de
rester fidèle à son roi et de l’imiter. Il n’est pas comme Joab qui prend la
forteresse de Sion pour acquérir le premier
rang
; non, il est humble, parce que son seul but est de reproduire
David dans sa conduite.
Adonija (v. 9, 10) donne à la
réunion d’En-Roguel une fausse apparence de sacrifice de prospérités. Il marche
sur les traces de son frère Absalom qui disait vouloir offrir un voeu à
l’Éternel. Il invite ses frères, fils du roi, et même les serviteurs du roi.
Ces derniers vont à sa fête ; le
rebelle n’est pas inquiet qu’ils lui fassent défaut. On sait ce que vaut le
titre de serviteurs du roi, si le coeur n’est pas réellement attaché à
David ; ou de serviteurs de Dieu, si Christ n’est pas l’objet des
affections. Combien de ces « serviteurs du roi » ne voit-on pas courir de nos
jours à ceux qui cachent, sous des apparences de piété, la guerre qu’ils font à
Christ ? Mais Adonija est trop avisé pour inviter ceux que leur foi ou
leur témoignage gardent dans l’intimité de David. Il invite tous
ses frères, un seul excepté,
le seul qui ait droit au trône de par la volonté
de Dieu et de son père, Salomon, celui qui va devenir le roi de gloire. Il est
évident qu’il doit exclure de sa fête celui dont la présence le jugerait, le
condamnerait, réduirait à néant tous ses plans, toutes ses ambitions. Christ
est le dernier que le monde invite ; bien plus, il a horreur de l’inviter.
D’autre part, y avait-il rien à cette fête, à quoi Salomon pût
s’associer ? Non, s’il y était apparu, ç’aurait été pour faire tomber ces
rebelles sous un châtiment mérité.
Au jour où ce grand danger
menaçait Israël, aucune mesure n’avait été prise pour le conjurer (v. 11-31).
Le roi, affaibli par l’âge, retenu dans son palais, « ne savait pas » ce qui se
passait. Heureusement, Dieu veillait pour lui. Dieu qui a en vue la gloire de
son Fils et son royaume, ne permet pas la réussite des desseins de
l’usurpateur. Dans ce but, il envoie le prophète pour apporter à Bath-Shéba une
parole de sagesse. Soyons certains que nous trouverons toujours dans la parole
de Dieu le moyen par lequel Christ peut être glorifié et nous-mêmes préservés
des embûches de l’Ennemi. Quel contraste entre l’intervention de Nathan et
celle de Joab auprès de David, par la femme thékohite ! (2 Sam. 14). Là
tout était ruse et mensonge pour agir sur l’esprit du roi en flattant ses
secrets penchants, et pour substituer finalement à David, un homme fourbe et
violent, comme roi sur Israël. Ici la prudence enseigne ce qu’il y a à faire,
mais ne se sépare en aucune manière de la vérité. Il fallait que le roi eût
conscience d’un danger imminent ; il fallait le décider à agir résolument
pour Dieu. La pensée de l’Éternel, en ce qui concernait Salomon, avait été
révélée à David qui la connaissait fort bien. Ce n’était pas sans motif que le
Seigneur avait donné au fils de David le nom de Jedidia, Bien-aimé de l’Éternel
(2 Sam. 12:25). David connaissait si bien la pensée de Dieu à ce sujet qu’il
avait « juré
à Bath-Shéba, par l’Éternel, le Dieu d’Israël, disant :
Salomon, ton fils, régnera après moi, et lui s’assiéra sur mon trône, à ma
place » (v. 17 et 30). Il suffisait de rappeler son serment à cet homme de foi,
pour qu’il vît le chemin à suivre.
Adonija avait sans doute compté sur l’affaiblissement des facultés de son père pour s’emparer du royaume, mais il avait compté sans Dieu, sans le prophète, sans la vérité dans le coeur du roi. Bath-Shéba parle avec respect et hardiesse. Elle montre à David qu’il ignore le danger (v. 18), que son dessein arrêté était d’avoir pour successeur un roi selon le coeur de Dieu (v. 17) ; elle lui montre aussi sa responsabilité vis-à-vis d’elle, de son fils et du peuple, car « les yeux de tout Israël étaient sur David, pour qu’il déclarât qui devait s’asseoir après lui sur son trône ». La vérité est dans le coeur de cette femme, comme dans celui du prophète, bel exemple de l’esprit dans lequel nous devons agir les uns vis-à-vis des autres. Nathan paraît à son tour, et dans un entretien particulier avec le roi, fait ressortir que non seulement aucun des serviteurs fidèles de l’Éternel n’avait été invité, mais, par-dessus tout, que Salomon avait été mis volontairement de côté. Que faut-il attendre de celui qui n’accorde au Seigneur, au vrai roi, aucune place dans ses projets ou dans sa vie ?
Nathan fait encore ressortir que les vrais serviteurs du roi ignorent ses desseins (v. 27). Certes, il n’en est pas de même pour nous ! Dieu nous a fait « connaître le mystère de sa volonté » (Éph. 1) qui est de réunir toutes choses sous le Christ. Mais le vieux roi doit être exhorté à révéler son secret. Aussitôt sa décision est prise ; toute son énergie se réveille quand il s’agit du Bien-aimé. « Ainsi », dit-il, « je ferai ce jour-ci » (v. 30).
Nous avons vu que, dans ce
chapitre, l’intervention de Nathan était selon Dieu et selon le respect dû au
roi. Il ne s’agit pas ici d’un conseil humain,
comme lorsque ce même Nathan disait à David : « Va, fais tout ce qui
est dans ton coeur » (2 Sam. 7:3) ; mais d’une sagesse divine
qui a pour but de garder le roi-prophète de chute, et de
revendiquer l’honneur de Salomon, l’oint de l’Éternel, après son père. Il
s’agit avant tout de déployer la bannière de Dieu quand Satan a élevé la
sienne. Deux camps se forment ; dans le premier, les masses qui sont pour
l’usurpateur ; dans le second, et c’est le petit nombre, les adhérents de
David et de Salomon. Sans doute, l’énergie de David comme porteur et
représentant de l’autorité, s’était affaiblie. Il en a été de même de l’Église
de Christ, mais la fidélité de Dieu demeure et restera toujours ; la
Parole, dont Nathan est le représentant, demeure ; le Christ, dont Salomon
est le type, demeure ; de ce côté-là, pas de faiblesse. On raisonne
aujourd’hui comme si la parole de Dieu et le Christ de la Parole avaient fait
leur temps. On parle beaucoup d’un développement subséquent de la vérité, qui
n’est que relative, d’un christianisme qui a vieilli et tire à sa fin. En
effet, le christianisme a vieilli ; l’Église, représentante de Dieu
ici-bas, s’est affaiblie, mais la Parole qui est la vérité, est restée la même,
mais Christ n’a pas changé, et c’est ce que les chrétiens oublient. Au lieu de s’attacher
à Christ par le sentiment même de la ruine dont ils sont les auteurs, ils
rejettent un Salomon, pour écouter des Adonija et leur entourage. Le faux roi
attire leurs regards. Adonija était très
beau.
N’oublions pas que cette apparence sert de marque au séducteur qui
entraîne les hommes après lui. Ils préfèrent à Christ le règne de l’homme dans
la chair, et, pour la chrétienté, cette préférence finira par l’apostasie
ouverte. Adonija, Joab, Abiathar, se doutaient peu qu’ils trouveraient dans le
vieux roi un obstacle à l’accomplissement de leur complot si savamment ourdi.
Cet obstacle était, malgré l’âge du roi, une autorité que Dieu avait établie
entre ses mains et qu’il emploierait, malgré la faiblesse de David. Voilà ce
qui retenait à ce moment-là le débordement du mal, et c’est aussi ce qui
empêche aujourd’hui la manifestation prématurée de l’homme de péché (2 Thess.
2:6).
Après son entretien avec Nathan, le roi fait rappeler Bath-Shéba (v. 28-31). Il jure d’établir Salomon et en appelle au caractère de son Dieu qui « a racheté son âme de toute détresse ». La grâce l’avait accompagné tous les jours de sa vie, rachetant son âme, même des conséquences de ses fautes. Mais toute cette grâce devait avoir son couronnement. Elle aboutit en effet toujours à la gloire. « L’Éternel donne la grâce et la gloire », deux choses inséparables, l’une suivant nécessairement l’autre.
Salomon se rend à Guihon, monté sur la mule de son père, et en revient consacré, pour s’asseoir sur le trône du roi. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, son règne, identifié avec celui de David, le continue sans aucun interrègne : la même monture royale, la même onction, le même trône. Le trône de gloire de Salomon est, à ce moment, le même que le trône de grâce de David. Cela est encore bien plus vrai, si nous nous reportons du type à l’antitype, car on n’y trouve pas, comme ici, deux personnages successifs sur le même trône, mais un seul. Nos yeux verront, dans la personne du roi de gloire, Celui qui a traversé les souffrances, l’angoisse et la détresse, le Sauveur qui a souffert pour nous !
Tous ceux qui sont restés
fidèles au roi de grâce concourent à la proclamation du roi de gloire et
forment son cortège. Il en sera de même du résidu d’Israël au début du règne
millénaire de Christ, mais, à bien plus forte raison, des croyants actuels qui
ont suivi le Sauveur pendant sa réjection, Lui qui, chassé de ce monde par
l’homme, s’est assis dans le ciel sur un trône de gloire. Ce trône, nous
l’entourons déjà maintenant, mais il reste le trône de la grâce, aussi
longtemps que notre Seigneur est rejeté. Quand il sera reconnu, nous serons
assis avec Lui sur son
trône,
partageant avec Lui son règne et son gouvernement sur Israël et sur les
nations.
En attendant que Salomon établisse, comme nous le verrons plus tard, son propre trône, son père dit : « Qu’il s’asseye sur mon trône ; et lui régnera à ma place ». Benaïa, le fidèle serviteur, apprécie plus que tout autre ce changement (v. 36, 37) ; « Amen ! que l’Éternel, le Dieu du roi, mon seigneur, dise ainsi ! Comme l’Éternel a été avec le roi, mon seigneur, qu’il soit de même avec Salomon, et qu’il rende son trône plus grand que le trône du roi David, mon seigneur ! »
Salomon reçoit l’onction
royale (v. 38-40). La « corne d’huile » était « dans le tabernacle ». C’était une
onction privée et comme cachée, à laquelle n’assistait que la partie fidèle du
peuple. Il en est de même aujourd’hui. Avant de régner en gloire sur toute la
terre, le Seigneur a reçu l’onction du tabernacle. Il a la royauté céleste sur
le trône du Père, il est haut élevé, avec un nom au-dessus de tout nom. L’huile
de l’onction est une huile de joie qui l’élève au-dessus de ses compagnons.
Mais c’est en même temps une onction sacerdotale, car l’Éternel l’a juré et ne
s’en repentira pas : il est roi et sacrificateur selon l’ordre de
Melchisédec. Dès le début, le Seigneur était l’Oint de l’Éternel, comme David
l’avait été dès sa première jeunesse. Il était « né pour cela ». Au baptême de
Jean, il avait été oint du Saint Esprit pour son ministère (Luc 3:21 ;
4:18 ; Actes 10:38 ; 4:27). Ressuscité, il est oint de l’huile du
tabernacle, comme roi et sacrificateur, pour communiquer les dons spirituels à
ceux qui Lui sont unis. Israël jouira de ces bénédictions au temps de la fin.
En attendant, nous
sommes les
compagnons de Christ ; l’onction versée sur sa tête est aussi répandue sur
la nôtre et nous permet de partager sa joie en attendant sa gloire.
D’En-Roguel, le parti d’Adonija pouvait entendre la joie de Jérusalem, mais ce qui se passait à Guihon ne pouvait atteindre les oreilles de l’usurpateur et de sa bande. La ville tout entière séparait ces deux localités en apparence assez semblables (*). Il en est de même aujourd’hui. Le monde suit ses plans pour usurper la dignité de Christ ; l’homme est en voie de se déifier, inconscient de ce qui se passe tout près de lui.
(*) À Guihon sortaient les sources d’eau qui, sous Ézéchias, alimentèrent Jérusalem ; il y avait aussi des sources à En-Roguel, comme ce nom l’indique.
Mais il y a des fidèles qui honorent le Fils et, en le faisant, honorent le Père qui l’a envoyé. Ils voient, couronné de gloire et d’honneur, ce Jésus que le monde n’a pas invité à sa fête. Entièrement étrangers au festin d’Adonija, ils sont en route pour assister à l’établissement du roi de gloire sur son trône. De tout cela, le monde ne voit et n’entend rien. Guihon, aux eaux rafraîchissantes, semble ignoré d’Adonija.
Mais quel réveil ! Quel trouble envahit le monde à son festin ! Tout à coup, au milieu de la fête, le faux roi, Joab et tous les invités, entendent le son de la trompette et de tels cris de joie, que la terre se fendait au bruit du cortège de Salomon. « Pourquoi, dit Joab, ce bruit de la ville en tumulte ? » C’est ainsi que l’établissement public du règne de Christ surprendra le monde et le troublera profondément. Alors « Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur s’en moquera… Et moi, j’ai oint mon roi sur Sion » (Ps. 2:4-6). N’entend-on pas le bruit de cette scène dans notre chapitre ?
De nos jours, nous sommes encore à Guihon. Notre roi a été oint, mais n’a pas encore pris les rênes de son gouvernement. Notre joie n’est pas encore publique, et celle de son peuple Israël attend un jour à venir. Mais quand ils entendront le bruit des acclamations, quelle terreur saisira les adversaires ! Ce sera l’avant-coureur du jugement qui les atteindra sans dévier ni à droite, ni à gauche !
Jonathan, fils d’Abiathar,
paraît soudain au milieu des convives (v. 41-48). Jadis (2 Sam. 17:17), il
était parti d’En-Roguel en compagnie d’Akhimaats, fils de Tsadok, pour aller,
au péril de sa vie, avertir David de ce qui se tramait contre lui. Maintenant,
il y revient pour avertir Adonija de l’insuccès de sa tentative, bien qu’il ne
soit nullement associé aux révoltés. Il vient, plein de ce qui est pour lui
une bonne nouvelle, car on voit à son langage que son coeur est resté fidèle à
David. « Tu apportes de bonnes nouvelles ? » lui dit Adonija. « Oui »,
répond-il, mais elles ne l’étaient pas pour ses auditeurs. Elles sont un
désastre pour Adonija. Cela n’exclut nullement les sentiments filiaux de
Jonathan pour son père, engagé par sa propre faute dans ce chemin sans issue.
Ces sentiments font que Jonathan rapporte avec vérité à cette assemblée, tout
ce qui a eu lieu, ne leur cachant rien. Qu’ils prennent garde !… Quant à
lui, sa joie, on le sent, est avec le successeur de David. Son service n’a pas
changé de caractère depuis le temps des afflictions de son roi. Il est toujours
prompt à donner des nouvelles, comme son compagnon Akhimaats était prompt à
courir. Son caractère a une remarquable unité. Qu’il accomplisse son service
envers David pendant sa réjection, ou envers le monde au jour du triomphe du
fils de David, Jonathan reste le même messager fidèle. Le temps presse ;
il faut se soumettre promptement en « baisant le Fils ». Il en sera de même à la
fin des jours, quand ceux que le roi appellera ses frères, iront annoncer au
loin la nécessité de reconnaître le règne du vrai Salomon.
Comme autrefois Jacob, le
vieux roi, voyant les désirs de son coeur accomplis, s’était « prosterné sur son
lit » (v. 47). On trouve chez David la lenteur de l’âge à prendre une décision,
mais dès que la parole de Dieu lui est adressée par Nathan, tout change. Il
n’hésite pas, règle et ordonne tout, agit en tout point selon les pensées de
Dieu que la Parole lui rappelle. D’abord il ignorait le complot, maintenant il
sait tout ; il sait que l’heure du règne de son fils a sonné. Il n’a ni
amertume, ni déplaisir, ni jalousie, en confiant à d’autres mains les rênes du
gouvernement. Une seule pensée le remplit de bonheur et d’adoration :
« Béni soit l’Éternel, le Dieu d’Israël, qui a donné aujourd’hui quelqu’un qui
fût assis sur mon trône, et mes yeux le
voient
! »
David n’est plus ici le type
de Christ, mais la figure du croyant qui s’oublie et se fond en actions de
grâces, pour donner toute gloire au vrai roi, le type de ces saints qui, parés
de leurs couronnes glorieuses, s’en dépouillent pour en orner les marches du
trône du « lion de Juda, racine de David ». Mais ce lion
de Juda est l’Agneau
qui
a été immolé. La grâce de David et la gloire de Salomon se concentrent dans
cette personne unique. La joie d’un Siméon, tenant dans ses bras la grâce et le
salut de Dieu représentés par l’enfant Jésus, se confondra dans le ciel avec la
joie d’un David qui voit resplendir la gloire de Dieu dans la personne du roi.
Aux v. 49-53, tous les convives d’Adonija, saisis de peur, s’enfuient de côté et d’autre. Ils n’essaient pas plus de résister que ne le feront les hommes devant la proclamation de la royauté de Christ, car ils seraient immédiatement brisés. Adonija implore la bonté du roi et cherche à obtenir de lui la promesse solennelle d’épargner sa vie. Salomon consent à oublier, à faire grâce encore une fois, mais il place Adonija sous la responsabilité devant la gloire de son règne : « S’il est un homme fidèle, pas un de ses cheveux ne tombera en terre ; mais si du mal est trouvé en lui, il mourra » (v. 52).
Il en sera de même sous le
règne futur du Messie. Il épargnera beaucoup de rebelles qui s’approcheront de
lui avec des signes de repentir, mais dès que le mal sera trouvé en eux, il les
retranchera du pays (2 Sam. 22:45 ; Ps. 101:8). Quand la justice
règne, elle ne supporte plus le
méchant. Salomon, figure du roi millénaire, connaît Adonija et ne modifie pas
son jugement quand il le voit prosterné devant lui. Il sait ce qui se passe
dans ce coeur orgueilleux qui n’a que les dehors de la soumission et du
repentir. « Va dans ta maison », lui dit-il. Paroles brèves et sévères. Adonija
devait y prendre garde. Désormais son rôle était de se taire, comme un homme
trouvé coupable et qui reste sous surveillance. Il bénéficie de ce support,
aussi longtemps que le mal ne vient pas se manifester chez lui.
David mourant laisse un
commandement à Salomon, son fils, et insiste sur sa responsabilité. C’est, pour
ainsi dire, le testament
du vieux roi
et le fruit de sa longue expérience. Nous ne trouvons pas ici « les dernières
paroles de David », que 2 Sam. 23 nous fait connaître. Le discours contenu dans
notre passage précède historiquement ces « dernières paroles » qui pourraient
s’intercaler entre les v. 9 et 10. Il n’est pas ici question d’un David,
jugeant toute sa conduite en regard de celle du vrai roi, « juste dominateur des
hommes », et proclamant l’infaillibilité des conseils de la grâce de Dieu (2
Sam. 23:4, 5). Non ; il fallait, en premier lieu, prémunir Salomon, à
l’aurore de son règne, contre ce qui pourrait l’entraver ou en amener la ruine.
Il y a beaucoup d’analogie
entre les paroles de David à son fils et celles de l’Éternel à Josué (Josué 1).
Le roi doit avant tout « se fortifier et être un homme ». L’obéissance à
l’Éternel et la dépendance de Lui, sont les preuves de cette force qui sera
employée à « marcher dans ses voies ». La marche elle-même est dirigée par la
parole de Dieu, comme nous le voyons ici et au Ps. 119. Cette Parole a
différents caractères, et il est nécessaire d’être attentif à tous. Il est dit
ici : « En gardant ses statuts, et ses commandements, et ses ordonnances,
et ses témoignages » (v. 3). Tel est l’ensemble de la Parole. Ses statuts
sont les choses qu’il a établies et auxquelles son autorité est attachée ;
ses commandements
, l’expression de sa volonté à laquelle nous sommes
tenus de nous soumettre ; ses ordonnances
(ou jugements), les
principes qu’il exprime et selon lesquels il agit ; enfin ses témoignages
sont les pensées qu’il nous a communiquées et que la foi doit recevoir. Tout
cela constituait pour l’Israélite « la loi de Moïse », et devait être la règle
divine de la marche du fidèle. Une vie réglée de cette manière devait être
prospère, sous quelque face qu’on l’envisageât : « Afin que tu réussisses
dans tout ce que tu fais, et où que tu te tournes ». Tel devait être le secret
du règne de Salomon et de ses successeurs. Jamais avec ces principes il
« n’aurait manqué d’un homme sur le trône d’Israël ».
Il en est de même pour nous. Notre vie trouve son aliment et sa force dans la parole de Dieu, et ce n’est qu’en la gardant que nous pouvons traverser sans crainte un monde ennemi et voir prospérer tout ce que nous faisons (Ps. 1:2, 3). Elle nous enseigne à marcher dans le chemin de Dieu. Peut-il y avoir un bonheur plus grand que de trouver ici-bas un sentier parfait, le sentier de Christ sur lequel les yeux de Dieu reposent avec complaisance ? Voilà donc quelle était la tâche de Salomon et de ses successeurs. S’ils marchaient dans le chemin de Dieu et sous son regard, leur domination resterait établie à perpétuité (Ps. 132:11, 12).
La seconde recommandation de David (v. 5-9) à son fils, avait trait aux jugements que ce dernier devait exécuter. David, représentant de la grâce, a l’intelligence de ce qui convient au règne de justice. S’il n’y avait pas de justice, la grâce elle-même ne serait qu’une coupable faiblesse. Comme homme, David s’était montré bien peu capable pendant sa vie de donner à chacune de ces choses la place qui lui revenait. C’est ainsi que nous le trouvons à mainte reprise trop faible pour exercer la justice, comme dans le cas de Joab, ou faisant grâce avec injustice, comme dans le cas d’Absalom. Dieu seul fait régner la grâce par la justice. Lui seul a trouvé, en Christ, le moyen de concilier ces deux choses : sa haine parfaite pour le péché et son amour parfait pour le pécheur.
Mais cette absence de jugement n’était pas rien que faiblesse chez David. Il arrivera un temps où les actions des hommes seront appréciées selon la règle de la justice, longtemps suspendue, mais qui n’aura son cours qu’alors. Lorsque la justice régnera, pourra-t-elle paraître ignorer le péché ? On ne viole pas impunément les lois du royaume et lorsque celui-ci s’établit en puissance, il faut que ceux qui ont foulé aux pieds ces lois sous le règne de la grâce, subissent les amères conséquences de leur révolte. Il n’y a pas prescription pour la loi de Dieu comme pour celle des hommes. L’acte inique du pécheur se retrouvera, peut-être, « aux cheveux blancs », mais à coup sûr il sera rappelé en mémoire.
Joab vient en premier lieu
(v. 5, 6). Nous avons suffisamment apprécié sa carrière (*) pour n’y pas revenir ici. La faiblesse de David (2 Sam. 3:39)
avait empêché le roi de tirer une vengeance immédiate du meurtre d’Abner et,
plus tard, de celui d’Amasa, mais il ne les avait pas oubliés. Ce que Joab
avait fait à ces hommes, il l’avait fait à David. « Tu sais ce que m’a fait
Joab » (**).
Peut-être cet homme sanguinaire pensait-il servir son roi, tout en servant ses
propres intérêts. Impossible ! Ce que l’on fait pour soi-même, on le fait
contre Dieu. En temps de paix, « la ceinture et les sandales » de Joab, son
service et sa marche, avaient été tachés par le sang de la guerre. C’était une
souillure. La guerre devait l’atteindre aussi ; il lui faudrait apprendre
qu’il n’y avait pas de paix pour lui, car elle n’est que pour ceux qui
procurent la paix (Jacq. 3:18). Ni le règne de paix de Salomon, ni son règne de
justice ne pouvaient admettre de tels éléments. Joab devait être sacrifié sans sursis
et sans miséricorde. « Fais
selon ta sagesse », dit David (v. 6). Oui, il y a une rétribution
selon la sagesse
de
Christ (Apoc. 5:12). Sans elle, sa gloire ne serait pas complètement mise en
évidence.
(*) Méditations sur le second livre de Samuel, par H. R.
(**) Nous ne pensons pas que le roi fasse mention ici du meurtre d’Absalom par Joab.
Mais les pensées de David aiment à se reposer, par contraste, sur ce que Barzillaï a fait pour lui (2 Sam. 19:31-40). Il rend à ce dévoué vieillard bien au-delà de ses désirs, dans la personne de ses fils. À l’origine, il s’agissait de Kimham seul ; maintenant, tous les fils de Barzillaï ont droit à la table du roi en récompense de la fidélité de leur père. Ils jouissent de la gloire du royaume dans une position d’honneur et d’intimité particulière. Souvenons-nous-en, dans nos familles. Le dévouement des parents à Christ est récompensé dans leurs enfants. « Me rappelant, dit l’apôtre, la foi sincère qui est en toi, et qui a d’abord habité dans ta grand-mère Loïs et dans ta mère Eunice » (2 Tim. 1:5).
Un troisième personnage est
Shimhi, le Benjaminite, qui avait maudit David, puis, lors de son retour, avait
montré des signes de repentance en confessant son péché. Ce même Shimhi n’avait
pas suivi le parti d’Adonija (*) ; il
était resté en compagnie des hommes forts de David, et avait suivi Salomon. David
dit de lui : « Voici, il y a avec
toi,
Shimhi, fils de Guéra ». Il était donc, en apparence,
restauré, mais si David, en grâce, l’avait épargné,
il ne le tenait pas pour innocent. Tout allait dépendre de sa conduite sous le
roi de justice. Elle montrerait si sa repentance était réelle. Comme le cas de
Joab, celui de Shimhi est remis à la sagesse de Salomon (v. 9).
(*) Malgré plusieurs opinions contraires, nous ne voyons pas de raison à ce que le Shimhi du chapitre 7:8, soit un autre personnage que le fils de Guéra.
David meurt (v. 10-12), et la Parole note ici, non pas le premier début du règne de Salomon, mais ce qui le caractérise d’une manière générale et dans son ensemble : « Son royaume fut très affermi ». C’est le caractère du royaume de la justice, en contraste avec celui de la grâce, plein de troubles et de séditions.
À peine le trône est-il inauguré que les éléments hostiles ou étrangers au royaume se manifestent ; mais le caractère du règne de justice est de réprimer tout ce qui n’est pas d’accord avec lui. En présence de Salomon, la chair ne peut plus se faire valoir, ni suivre librement sa pente.
Adonija s’adresse à
Bath-Shéba pour qu’elle présente son désir au roi, son fils. « Est-ce en paix
que tu viens ? » dit cette femme pieuse qui se défie du fils de Hagguith.
Elle savait en effet que s’il avait réussi dans ses projets, « elle et son fils
Salomon auraient été trouvés coupables » (1:21). Cet homme, extérieurement
brisé, est toutefois bien loin de l’être dans son coeur. « Tu sais, dit-il, que
le royaume était à moi,
et que tout
Israël avait porté ses yeux sur moi pour que je fusse roi » (v. 15). Comment une
telle prétention ne soulèverait-elle pas l’indignation du vrai roi ? Lui,
Adonija, avoir tous les droits à la succession, à la couronne et au peuple de
David ! Ses paroles seules dénotent un coeur ulcéré, une amertume
longtemps comprimée se faisant jour, parce qu’il n’y a chez lui aucun jugement
de lui-même. Sans doute il dit aussi : « Le royaume a tourné et est passé à
mon frère, car il était à lui de par l’Éternel », mais est-ce une vraie
reconnaissance de la volonté de Dieu, une vraie soumission au trône de
justice ? Adonija l’accepte, parce
qu’il ne peut faire autrement.
Certes, il ne fait pas partie du « peuple de
franche volonté », au jour de la puissance du fils de David. À son sens, Salomon
est un intrus
et, dans ce cas,
qu’est-ce donc, pour le coeur d’Adonija, que l’Éternel qui a établi
Salomon ?
« Et maintenant, dit-il, je te fais une seule requête ; ne me repousse pas… Qu’il me donne la Sunamite, Abishag, pour femme » (v. 16, 17). Abishag ! cette jeune vierge, qui avait servi David et lui avait prodigué ses soins, qui avait vécu dans l’intimité du roi de grâce, à cet homme révolté que la patience seule de Salomon avait épargné jusqu’ici ! Comme il connaît peu David et Salomon (*) ! Lui donner Abishag, c’était lui reconnaître quelque droit à la succession de son père, quelque contact avec le royaume qu’il pourrait revendiquer en une occasion favorable ; c’était accepter la légitimité de ses prétentions et de la révolte conduite par Joab et Abiathar (v. 22). La femme qui avait servi David comme une vierge chaste, serait donnée à ce profane ?
(*) Rien ne nous autorise positivement
,
comme nous l’avons dit au chapitre 1, à voir dans Abishag, la Sunamite la Sulamithe
du Cantique des Cantiques, aimée de Salomon ; aussi est-il prudent, dans
l’application de ces types, de ne pas dépasser ce que la Parole nous enseigne
clairement.
Il en sera de même de l’Église. Le roi de gloire consentira-t-il jamais à céder à un autre, l’Épouse qu’il s’est choisie comme roi de grâce ? L’Antichrist, l’homme de péché, croira peut-être enlever l’Épouse à Christ, en s’emparant de la chrétienté apostate, devenue la grande Babylone de la fin, mais ses efforts pour se substituer à Christ, pour posséder son Épouse et s’emparer du royaume, aboutiront, pour la prostituée et pour lui-même, à l’étang de feu et de soufre. Ici, le jugement ne se fait pas attendre : le jour même Adonija est mis à mort.
Le chef de la conspiration,
le faux roi, ayant été livré à son sort, la justice de Salomon atteint le
sacrificateur (v. 26, 27), longtemps supporté par David, mais dont l’Éternel
avait déjà prononcé la sentence aux oreilles d’Éli (1 Sam. 2:35). On retrouve
ici le principe exprimé dans les paroles : « J’ai aimé Jacob et j’ai haï
Ésaü » (Mal. 1:2), prononcées treize
siècles
après qu’il avait été dit : « Le plus grand sera asservi au
plus petit » (Gen. 25:23). C’était le libre choix de l’Éternel, mais la sentence
n’est prononcée que lorsque
Ésaü s’est montré l’ennemi irréconciliable de Dieu et de son peuple. Il en est
ainsi d’Abiathar. Cent trente-cinq ans après le jugement annoncé, il est
retranché de la sacrificature, après avoir fourni un motif au jugement, par son
alliance avec le rebelle.
Le règne de justice
s’inaugure ainsi par le jugement de tous ceux qui, placés sous la grâce et la
longue patience de Dieu, n’en avaient pas profité pour mettre leur coeur et
leurs actes en accord avec ce règne. Abiathar était d’autant plus coupable
qu’il avait « porté l’arche du Seigneur Éternel devant David », qu’il avait aussi
partagé ses afflictions dès le commencement (1 Sam. 22:20). Il avait donc eu
part au témoignage de l’Oint de l’Éternel et avait souffert pour lui. Salomon
reconnaît cela, mais dans le seul cas où la fidélité d’Abiathar est mise à
l’épreuve et où il s’agit de la gloire du
fils de David
, il fait
naufrage et abandonne son maître. La parole de l’Éternel, longtemps suspendue,
s’accomplit ; Abiathar est rejeté.
Joab vient ensuite. Il est dit expressément de lui qu’il ne s’était pas détourné après Absalom (v. 28), quelque velléité qu’il en eût eue, comme nous l’avons vu au second livre de Samuel, mais il était bien plus grave de se détourner du règne de justice au début, car cela dénotait un manque absolu de crainte en présence de celui qui était destiné à s’asseoir comme roi glorieux sur son trône.
Joab s’enfuit dans le
tabernacle et saisit les cornes de l’autel. Cela ne peut le sauver. La parole
de Dieu est contre lui : « Si un homme s’élève de propos délibéré contre
son prochain, pour le tuer par ruse, tu l’arracheras de mon autel, pour qu’il
meure » (Ex. 21:14). Salomon s’en souvient. Quand le jugement de Joab est
décrété, il est trop tard
pour que
l’autel le mette à l’abri. Il faut que la vengeance soit exécutée sur lui, afin
que « la paix
soit de par l’Éternel
sur David et sur sa semence, et sur sa maison, et sur son trône, à toujours »
(v. 33), car sans cela, le sang serait resté sur la maison de David. Le
jugement était nécessaire à sa gloire.
En dernier lieu, vient Shimhi (v. 36-46). Il est placé par Salomon sur le pied de sa responsabilité et l’accepte. Il dénote par là une pure ignorance de son état de péché et, par suite, de son incapacité d’obéir. Israël n’avait-il pas dit les mêmes paroles, lorsque la loi lui fut proposée ? « Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons » (Ex. 19:8). Et Shimhi : « La parole est bonne ; selon que le roi, mon seigneur, a parlé, ainsi fera son serviteur » (v. 38). Il sait, le malheureux, que désobéir est pour lui la mort, et que son sang sera sur sa tête — et cependant il est incapable de ne pas désobéir. Il ne peut renoncer à deux esclaves fugitifs, et pour recouvrer ce bien d’un jour, sacrifie sa propre vie ! Quelle image du monde qui connaît la loi de Dieu et qui ne veut ni ne peut s’y soumettre, dès qu’un intérêt passager vient se placer entre la volonté de Dieu et lui. Il est jugé sur sa propre parole : « La parole que j’ai entendue est bonne » (v. 42). L’homme placé sous sa responsabilité, qui l’accepte et y manque, ne peut être supporté sous le règne de justice.
« Et Salomon s’allia par mariage avec le Pharaon, roi d’Égypte, et prit pour femme la fille du Pharaon ; et il l’amena dans la ville de David, jusqu’à ce qu’il eût achevé de bâtir sa maison, et la maison de l’Éternel, et la muraille de Jérusalem, tout à l’entour » (v. 1).
La mention de l’affermissement du royaume dans la main de Salomon (2:12), est suivie, au chap. 2, du jugement qui purifie le royaume de tout ce qui s’était élevé contre David. Le renouvellement de cette même mention (2:46) est suivi, au chap. 3, de l’alliance, par mariage, avec le roi d’Égypte. Salomon introduit dans son alliance la nation même qui avait autrefois asservi son peuple, union des plus intimes, car il prend son épouse en Égypte.
Cette union rappelle celle de
Joseph avec une Égyptienne, fille du sacrificateur d’On, mais leur
signification typique diffère. Joseph, rejeté de ses frères, avant de s’être fait reconnaître à eux,
trouve
en Égypte, parmi les nations, une épouse et des fils, selon ce qui est dit de
Christ, en Ésaïe 49:5, 6 : « Quoique Israël ne soit pas rassemblé… je te
donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu’au
bout de la terre ». Le mariage de Joseph serait plutôt le type des relations du
Christ rejeté avec l’Église, et de la postérité qu’il s’est acquise hors du
pays de la promesse, avant de reprendre ses relations avec son peuple.
Celui de Salomon avec la
fille du Pharaon, contracté en d’autres circonstances, n’a pas la même
signification. Le royaume est affermi en
la main du roi
; le temps
de la réjection de l’Oint de l’Éternel dans la personne de David est
passé ; Salomon est établi comme roi de justice (il vient de le prouver
par le jugement) sur Israël, son peuple. Alors, et seulement alors, il établit
une alliance avec le Pharaon, et prend sa fille pour femme, selon ce qui est
dit en És. 19:21-25 : « Et l’Éternel se fera connaître des Égyptiens, et
les Égyptiens connaîtront l’Éternel en ce jour-là ; et ils serviront avec
un sacrifice et une offrande, et ils voueront un voeu à l’Éternel et
l’accompliront… En ce jour-là, Israël sera le troisième, avec l’Égypte et
avec l’Assyrie, une bénédiction au milieu de la terre ; car l’Éternel des
armées le bénira, disant : Béni soit l’Égypte, mon peuple, et l’Assyrie,
l’ouvrage de mes mains, et Israël, mon héritage ».
Salomon amène sa femme
égyptienne dans la ville de David.
C’est
ainsi qu’au début du règne millénaire, les nations seront mises d’abord sous la
sauvegarde de l’alliance faite avec Israël et représentée par l’arche établie
en la montagne de Sion (2 Sam. 6:12). Elles auront ensuite leur place distincte
de bénédiction, comme plus tard Salomon édifia une maison à son épouse gentile
hors de la ville de David, « car il dit : Ma femme n’habitera pas dans la
maison de David, roi d’Israël, car les lieux où est entrée l’arche de l’Éternel
sont saints » (2 Chron. 8:11 ; 1 Rois 9:24).
Jusqu’à ce moment, la fille du Pharaon est établie dans les bénédictions — non pas dans la relation — dont l’arche de l’alliance est le type. Partout où cette arche se trouvait, que ce fût dans la maison d’Obed-Édom (2 Sam. 6:11, 18, 20), ou dans la cité de Sion, elle apportait la bénédiction avec elle. Pendant le millénium, les nations se rendront compte de ce privilège : « Beaucoup de peuples, et des nations puissantes, iront pour rechercher l’Éternel des armées à Jérusalem, et pour implorer l’Éternel… En ces jours-là, dix hommes de toutes les langues des nations saisiront, oui, saisiront le pan de la robe d’un homme juif, disant : Nous irons avec vous, car nous avons ouï dire que Dieu est avec vous » (Zach. 8:22, 23).
On voit clairement, aux v. 2
et 3, qu’au premier début du règne de Salomon, l’ordre de choses n’était pas
définitif. L’arche de l’Éternel demeurait sous des tapis ; il restait
encore au fils de David à bâtir la maison de l’Éternel. En ce temps-là le
tabernacle et l’autel se trouvaient sur le haut lieu de Gabaon et l’arche,
ramenée par David, était à Jérusalem. Cette arche de l’alliance, trône de
l’Éternel, signe de sa présence personnelle au milieu de son peuple, combien
David l’avait à coeur (Ps. 132). On ne voit pas, dans son histoire, que depuis
le moment où il la ramena à Sion il ait personnellement cherché un autre lieu
de culte, bien que Gabaon ne lui fût pas indifférent. Lors du transport de
l’arche à Jérusalem, il avait eu soin de relier le culte devant l’arche avec les
sacrifices sur l’autel de Gabaon (1 Chron. 16:37-43), en maintenant, de cette
manière, l’unité du culte
. Le service devant l’arche se faisait chaque
jour, et aussi le service devant l’autel de Gabaon, en sorte qu’au même moment,
et « continuellement », ces deux parties du culte, quoique localement séparées,
s’accomplissaient ensemble.
Plus tard David bâtit, sur l’ordre de l’Éternel, un autel dans l’aire d’Arauna, Jébusien, et c’est là qu’il offrit des holocaustes et des sacrifices de prospérités. Son Dieu ne le priva pas longtemps d’un autel en rapport avec l’arche. Gabaon perdait, par là même, sa valeur et sa signification.
La
pensée de cette unité ne semble pas être venue à Salomon au début de son règne.
Sans doute, Dieu lui rend un beau témoignage : « Salomon aimait
l’Éternel
, marchant dans les statuts de David son père » (v. 3), mais ce
témoignage n’est pas sans restriction : « Seulement
, est-il dit, il
offrait des sacrifices et faisait fumer de l’encens sur les hauts lieux ». Il
s’accommodait en cela aux pratiques religieuses de son peuple, dont il est dit
au v. 2 : « Seulement
le peuple sacrifiait sur les hauts lieux ».
Ce n’était pas un péché positif
contre l’Éternel, comme ce fut
le cas plus tard pour certains rois pieux de Juda, lorsque l’édification du temple
eut ôté tout prétexte à ces pratiques. Si elles continuèrent alors, ce fut au
grand déplaisir de l’Éternel, parce qu’elles conduisirent nécessairement à des
pratiques idolâtres (*). En ces jours de
bénédiction et de force sous le sceptre du jeune roi Salomon, il n’en était
point ainsi, mais « il offrait des sacrifices et faisait fumer de l’encens sur les hauts lieux
»,
et non pas seulement « à Gabaon qui était le principal haut lieu
» (v. 3, 4), où se trouvaient encore l’autel
d’airain, le tabernacle et tous ses ustensiles. Cette pratique était en tout
cas la dispersion du culte
en Israël.
Il perdait par là son unité, car l’autel était, entre autres attributs,
l’expression de cette unité, comme la table du Seigneur l’est aujourd’hui pour
les chrétiens.
(*) Voyez 1 Rois 14:23 ;
15:14 ; 22:44 ; 2 Rois 12:3 ; 2 Chron. 20:33 ; où le peuple
semble n’avoir pas fait autre chose que ce qui se faisait au début du règne de
Salomon. Mais que l’idolâtrie fût alliée aux hauts lieux, nous le voyons sous
Ézéchias (2 Rois 18:4 ; 2 Chron. 31:1). L’impie Manassé les rebâtit et
élève des autels à Baal (2 Rois 21:3). Quand il vient à repentance, « le peuple sacrifiait encore sur les hauts lieux, mais
seulement à l’Éternel leur Dieu (2 Chron. 33:17). Cela prouve ce que nous
avançons, c’est que les hauts lieux, à certaines périodes de l’histoire
d’Israël, ne sont pas nécessairement liés au culte des idoles, quoiqu’ils y
conduisent. Du moment que le culte n’a plus Christ pour centre
, comme
l’arche en Sion, et qu’il n’a plus lieu que pour des bénédictions reçues,
fût-ce même celles du salut, il dévie et devient un instrument entre les mains
de Satan, pour remplacer finalement Christ par les faux dieux. Josias abolit
entièrement les hauts lieux avec toute l’idolâtrie en Juda et en Israël (2 Rois
23:8).
Autrefois, sous Josué, au sujet de l’autel de Hed (Josué 22), Israël comprenant cela s’était élevé, avec une énergie pleine de zèle, contre les sacrifices offerts sur un autre autel que celui du tabernacle.
Dieu supporte cet état de choses, aussi longtemps que la pleine manifestation de sa volonté quant au culte, n’est pas donnée par la consécration du temple. Cependant c’était une faiblesse chez le grand roi. Combien le culte de David, même avant Morija, était plus intelligent que le sien ! Pour David l’arche était tout ; elle était pour lui l’Éternel, le Puissant de Jacob (Psaume 132:5), dont le culte était là où se trouvait l’arche. Salomon n’était pas à la hauteur de ces bénédictions et ne possédait pas l’intimité de ces relations avec Dieu. Il ne dépassait pas le niveau de la religion courante de son peuple.
Ne trouvons-nous pas de nos jours la même faiblesse, la même inintelligence, là où le désir de rendre culte n’est cependant point absent ? Chacun se choisit son haut lieu, sans se soucier autrement de la présence de l’arche — de Christ. Chacun érige son autel, sans songer que depuis la croix, comme jadis depuis Morija, il ne peut y avoir qu’un seul symbole d’unité pour le peuple de Dieu.
Salomon se rend à Gabaon,
mais il aimait l’Éternel, et l’Éternel tient toujours compte de l’affection que
nous avons pour Lui. C’est là qu’il lui apparaît dans un songe
(v. 5).
Ce fait, comme d’autres l’ont remarqué, a son importance. Dans un songe, on
n’est pas en mesure de déguiser l’état réel de son coeur ; on n’est pas
non plus sous le contrôle de la raison ou de la volonté, pour réprimer la
manifestation de ce qui s’y trouve. Dans un songe, l’âme est comme à nu devant
Dieu. Quelles étaient donc les pensées contenues dans le coeur de ce jeune roi
quand Dieu lui dit : « Demande ce que tu veux que je te donne ? » (v.
5). Ce que la parole divine rencontre en tout premier lieu dans ce coeur, c’est
la reconnaissance pour la grande bonté de l’Éternel envers David : « Tu as
usé d’une grande bonté envers ton serviteur, David, mon père », en même temps
que la haute estime qu’il a pour ce dernier (v. 6), à cause de sa marche de
vérité, de justice et de droiture, preuve que David craignait l’Éternel
(Proverbes 14:2). C’est ensuite la reconnaissance pour la bonté de Dieu envers
lui, le fils de David : « Tu lui as gardé cette grande bonté, et tu lui as
donné un fils qui est assis sur son trône, comme il en est aujourd’hui » (v. 6).
C’est enfin le sentiment de sa jeunesse, de son ignorance, de son incapacité.
« Et moi, je suis un jeune garçon ; je ne sais pas sortir et entrer ». Un
tel état d’âme présage d’abondantes bénédictions ; il se résume en
ceci : craindre l’Éternel, avoir le sentiment de sa grâce, estimer les
autres supérieurs à soi-même et se compter pour rien (*).
(*) Tout cela se reflète plus tard dans les Proverbes, conseils de la sagesse du roi. Voyez, par exemple, 3:7 ; 4:7, etc.
Salomon était devant Dieu,
avec un coeur non partagé, aussi ne désirait-il qu’une chose : servir le
Seigneur dans les circonstances où il l’avait placé comme conducteur du peuple.
Il demande à l’Éternel « un coeur qui écoute
», car écouter est la porte
du discernement et de l’intelligence. Pour être sage soi-même, il faut
commencer par écouter la sagesse : « Bienheureux l’homme qui m’écoute »
(Prov. 8:34). C’est par là que commence tout vrai service. Salomon ne savait
pas « sortir et entrer » ; il ne pouvait l’apprendre qu’en écoutant. Celui
qui ne commence pas par se mettre à l’école de la sagesse, ne sera jamais un
vrai serviteur. Tel fut le chemin de service du Christ lui-même comme homme.
« Il me réveille chaque matin, il réveille mon oreille, pour que j’écoute comme
ceux qu’on enseigne » (És. 50:4).
Remarquons que Salomon
demande à l’Éternel « un coeur
qui
écoute ». On n’apprend réellement à connaître les pensées de Dieu qu’avec le
coeur et non avec l’intelligence. La vraie intelligence est produite par
l’affection pour Christ. Le coeur écoute, et quand il a reçu les leçons dont il
a besoin, il est devenu sage, capable de discerner entre le bien et le mal et
de gouverner le peuple de Dieu. Ce qui rend si important le rôle du coeur
dans le service, c’est qu’aucun
jugement ne peut être selon Dieu, s’il n’a pas l’amour pour point de départ.
Nous faisons cette expérience dans les cas de discipline, de conduite des âmes,
de gouvernement des saints et des assemblées.
La parole de Salomon « fut
bonne aux yeux du Seigneur » (v. 10). Quelle grâce que d’avoir son approbation
dans tout ce que nous Lui demandons et de recevoir le témoignage que nous lui
avons été agréables ! Aussi l’Éternel accorde-t-il à Salomon ce qu’il
demande, et il Lui plaît d’y ajouter tout ce que Salomon ne demandait pas. Il
lui accorde le premier rang pour la sagesse : « En sorte qu’il n’y aura eu personne
comme toi
avant toi, et qu’après toi il ne se lèvera personne comme toi ».
Il lui donne aussi « tant les richesses que la gloire… Il n’y aura personne
comme toi » (v. 12, 13). L’humble dépendance de Salomon l’a mis au premier rang,
selon qu’il est écrit : « Quiconque voudra devenir grand parmi vous, sera
votre serviteur, et quiconque d’entre vous voudra être le premier, sera
l’esclave de tous ». Il en fut de même de Christ : « Le fils de l’homme
n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en
rançon pour plusieurs » (Marc 10:43-45). En toutes choses, il n’y a personne qui
l’égale. Aussi la sagesse, la puissance, les richesses, la couronne de gloire
et d’honneur, toutes choses seront à Lui « dans le jour que Dieu fera », et les
choses les plus grandes et les plus magnifiques ne formeront que le marchepied
de ses pieds !
Au v. 14, comme dans tous les
livres que nous étudions, se pose la question de la responsabilité du roi. « Si
tu marches dans mes voies, gardant mes statuts et mes commandements, comme
David, ton père, a marché, alors je prolongerai tes jours ». C’est le si
auquel Salomon lui-même n’a pu répondre et qui l’a conduit à la ruine et à la
division de son royaume.
Ayant reçu ces bénédictions, Salomon quitte Gabaon pour venir à Jérusalem « se tenir devant l’arche de l’alliance de l’Éternel » ; acte d’un coeur soumis qui a l’intelligence de la pensée de Dieu ; première manifestation de la sagesse qu’il vient de recevoir. Il quitte les formes pour saisir la réalité ; il laisse l’appareil extérieur de sa religion, pour venir chercher la présence de Dieu (Christ en figure) représentée par l’arche. L’autel de Gabaon ne lui suffit plus ; ce lieu est abandonné et ne joue plus de rôle dans la vie religieuse de Salomon. Plus tard, le Seigneur se révèle encore à lui (9:2), mais ce n’est plus à Gabaon.
Salomon offre devant l’arche « des holocaustes et des sacrifices de prospérités, et fait un festin à tous ses serviteurs » (v. 15).
Il y a plus de joie devant l’arche qu’à Gabaon, bien que le roi ait probablement offert beaucoup plus de sacrifices dans ce dernier lieu (2 Chron. 1:6) que dans le premier ; mais devant l’arche nous trouvons des sacrifices de prospérités, les vrais sacrifices de communion, et en même temps un festin pour tous les serviteurs du roi.
Après l’intelligence pour
rendre culte devant l’arche, première manifestation de la sagesse, nous
trouvons en Salomon « la sagesse de Dieu pour faire justice » (v. 28). Salomon
connaît le juste jugement.
Qu’il
s’agisse de prostituées, cela ne change rien à cette justice. Les hommes se
laissent continuellement influencer dans leurs jugements par le caractère de
ceux qui leur parlent ; il n’en est point ainsi de Dieu. Ce qui Lui
importe, c’est le coeur
et non le
caractère extérieur. Le jugement de Salomon est basé sur les affections que le
coeur manifeste. Affirmations ou dénégations étaient, dans ce cas, de même
valeur, et le jugement ne pouvait se baser sur elles (v. 22). Ce qui pouvait
l’établir, c’était la manifestation du coeur. La question n’était pas non plus,
laquelle de ces deux femmes était la plus méritante — toutes deux étaient des
prostituées — ni si l’action reprochée était probable ou avait eu lieu — elle
n’avait eu aucun témoin ; — ni si la vraie mère pouvait reconnaître son
enfant à certains signes extérieurs — il n’y en avait pas. Le seul témoignage
était qu’une de ces femmes disait
ne
pas reconnaître son fils dans l’enfant mort. Il s’agissait donc de juger de
l’état de son coeur,
et l’on ne peut
en juger que par les affections. L’une de ces femmes avait un objet qu’elle
aimait. Laquelle des deux avait cet objet ? Or là où des liens réels
existent, nous voudrons conserver à tout prix ce qui nous est cher, au risque
de le perdre pour nous-mêmes. C’est là l’amour.
L’amour n’est pas égoïste ; il se sacrifie pour l’objet aimé. L’amour
de Christ a fait cela pour nous et nous pouvons en retour le faire pour
Lui : « Pour l’amour de toi, nous sommes livrés à la mort tout le jour »
(Rom. 8:36).
Quand la vraie mère voit
l’épée levée sur son enfant, « ses entrailles sont tout émues pour son fils ».
L’objet aimé est plus pour nous que notre amour pour lui. C’est à cela qu’on
distingue la réalité, la vraie mère.
Dans
la profession chrétienne, celui qui n’a pas trouvé un objet pour son coeur et
ses entrailles, se trahit bien vite. « Coupez-le en deux », dit celle qui n’est
pas la mère, obéissant à son ressentiment. On a vite sacrifié Christ quand il
s’agit de satisfaire ses passions. La sagesse divine est seule capable de
discerner la réalité de la profession
au
moyen de l’état du coeur.
Combien est
fréquente cette profession sans réalité ! Où sont les entrailles pour
Christ, où le dévouement qui sacrifie pour Lui, même ses avantages les plus
légitimes, ses droits les plus réels ? Il n’est pas question dans ce
passage de bonté naturelle, ni de noblesse de coeur, car, nous le répétons,
nous avons affaire à des prostituées. Il s’agit de liens créés par Dieu, d’un
objet donné de Lui, et que l’âme apprécie. Jamais Dieu ne nous l’ôtera ;
au contraire, dans l’épreuve, nous le recevrons comme tout de nouveau de sa
propre main. « Donnez à celle-là l’enfant qui vit, et ne le tuez point ;
c’est elle qui est sa mère ! »
Ce chapitre nous parle de
l’ordre intérieur et de l’éclat du royaume de Salomon, mais aussi de sa gloire morale
caractérisée par la sagesse du roi.
Tout Israël était rassemblé
sous son sceptre (v. 1), formant ainsi une paisible unité, inconnue au règne de
son père. Les sept années d’Hébron, la révolte d’Absalom, celle de Shéba, fils
de Bicri, celle d’Adonija, en étaient la preuve. Maintenant tout est en ordre
et digne de ce règne glorieux, mais on ne trouve que onze princes (v. 2-6).
L’ordre parfait, en rapport avec le gouvernement de la terre, représenté par le
nombre douze
, n’était pas encore arrivé et ne devait l’être qu’à
l’apparition d’un plus grand que Salomon.
Azaria, fils de Tsadok, est
placé à la tête des princes. « C’est lui qui exerça la sacrificature dans la
maison que Salomon bâtit à Jérusalem » (*) (1
Chron. 6:10). La plus haute fonction lui est dévolue. Le temple va devenir le
centre de tout l’ordre du royaume salomonique, comme il le sera sur la terre,
lors de l’établissement du royaume millénaire de Christ (Ézéch. 40-48).
Abiathar lui-même (v. 4), qui avait été chassé de la sacrificature, est compté
parmi les princes aux côtés de Tsadok. Il avait porté l’arche et partagé toutes
les afflictions de David, et, quoique sa charge
lui soit enlevée, son seigneur ne
veut pas le priver de la dignité
qu’il confère à tous ceux qui ont
souffert avec le roi rejeté.
(*) Il est probable que cet Azaria était le fils d’Akhimaats et le petit-fils de Tsadok. Le terme fils pour un descendant quelconque se retrouve continuellement dans les généalogies juives. Un passage d’une certaine obscurité, en 1 Chron. 6:9, semblerait rapporter la sacrificature à Azaria, arrière-petit-fils d’Akhimaats.
Parmi les douze intendants de Salomon (v. 7-19), nous en trouvons deux qui avaient épousé des filles du roi, honneur singulier accordé au fils de cet Abinadab qui avait recueilli l’arche et l’avait gardée pendant vingt ans dans la maison du coteau. C’était un titre de noblesse aux yeux du roi, d’être de la famille qui avait religieusement veillé autour de l’arche de l’Éternel.
Un honneur égal est accordé à Akhimaats, fils de Tsadok (*), fidèle à David au péril de sa vie, et auquel le vieux roi rendait ce témoignage : « C’est un homme de bien, il vient avec de bonnes nouvelles ». Le premier, il avait annoncé à David la victoire qui lui rendait son trône et l’assurait à l’héritier selon Dieu.
(*) Les critiques, sans raison apparente, font de cet Akhimaats un autre personnage.
Les v. 20 à 28 nous décrivent
la condition du peuple sous le règne de Salomon et le caractère de ce règne.
« Juda et Israël étaient nombreux comme le sable qui est près de la mer, en
multitude » (v. 20). La promesse faite à Abraham après qu’il eut offert son fils
sur l’autel, se réalisait maintenant (Gen. 22:17), partiellement toutefois, car
sa semence devait être « comme les étoiles
des cieux
et comme le sable qui est sur le bord de la mer ». La promesse ne
sera pleinement réalisée que lors du règne millénaire de Christ, où, pour ce
qui concerne Israël, les deux parties du royaume, la céleste et la terrestre,
seront, dans un parfait accord, établies à perpétuité. Ici, le peuple est en
nombre comme le sable de la mer. Il contient en même temps et garde dans leurs
limites les peuples qui l’entourent. Les sujets de Salomon « mangent, boivent et
se réjouissent » (v. 20). Ils ont l’abondance
matérielle
; les
besoins non satisfaits n’existent plus. La joie
remplit les coeurs ; la sécurité règne partout (v. 25). Chacun a sa
possession et habite sous sa vigne et sous son figuier. Ce que les hommes
cherchent vainement dans ce monde d’iniquité dont Christ a été chassé, se
trouvera pleinement réalisé, quand le Seigneur, reconnu de tous, dominera
sur tous les royaumes de la
terre (v. 21, 24). Bien plus, ce règne puissant sera un règne de paix universelle
: « Il était en paix avec tous ses
alentours, de tous côtés » (v. 24). Toute la prospérité, toutes les ressources
du royaume, servaient à exalter le roi, concouraient à faire ressortir sa
gloire (v. 22, 23 ; 26-28).
Mais ce qui caractérisait
avant tout cette domination universelle, c’était son aspect moral, bien plus
glorieux encore que son côté matériel (v. 29-34). « Dieu donna à Salomon de la sagesse
et une très grande intelligence,
et un coeur large
comme le sable qui est sur le bord de la mer » (v. 29).
Dieu avait donné à Salomon la sagesse,
le
discernement moral qui s’applique à toutes choses, au bien, au mal, aux
circonstances diverses de l’homme, et la connaissance de la conduite à tenir à
l’égard de ces choses. Ce discernement moral ne se trouve que là où il y a la
crainte de l’Éternel qui, nous l’avons vu, caractérise Salomon au début de sa
carrière. La parole de Dieu est le moyen de nous communiquer cette
sagesse ; c’est pourquoi Salomon demandait à Dieu « un coeur qui écoute
».
Cette sagesse a trouvé son expression
dans les Proverbes de Salomon, devenus eux-mêmes la parole de Dieu.
« Et une très grande intelligence
». L’intelligence de Salomon était aussi grande que sa sagesse,
à laquelle elle était intimement liée. L’intelligence est la capacité de
comprendre et de s’approprier les pensées de Dieu, en sorte que l’on peut les
communiquer à d’autres. Outre cela, « un
coeur large
comme le sable qui est au bord de la mer », un coeur capable
d’embrasser tout son peuple (cf. v. 20), identifiant Israël avec lui-même,
pourvoyant selon son amour à tous leurs besoins, répondant à tous leurs
intérêts en les faisant siens. Cela ne nous parle-t-il pas de Christ, de ce
qu’il manifestera pleinement, quand il nous aura introduits dans le repos
glorieux de sa présence, quand son coeur, divinement large, nous embrassera
tous ; quand « il se reposera dans son amour » ? (Soph. 3:17).
La largeur de l’intelligence
de Salomon nous est décrite aux v. 33, 34. Il y avait dans son règne bien plus
qu’une domination matérielle. Son intelligence dominait tout. « Et il parla sur
les arbres, depuis le cèdre qui est sur le Liban, jusqu’à l’hysope qui sort du
mur ; et il parla sur les bêtes, et sur les oiseaux, et sur les reptiles,
et sur les poissons » (v. 33). Adam avait dominé matériellement « sur les
poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur le bétail, et sur
toute la terre, et sur tout animal rampant qui rampe sur la terre » (Gen. 1:26).
Dieu avait livré entre les mains de Noé « tout animal de la terre, et tout
oiseau des cieux, et tout ce qui se meut sur la terre, aussi bien que tous les
poissons de la mer » (Gen. 9:2). Plus tard, le Dieu des cieux avait mis « les
bêtes des champs et les oiseaux des cieux entre les mains » du roi des gentils,
et l’avait fait dominer sur eux et sur les hommes. Tout cela n’est pas dit de
Salomon, mais sa sagesse
dominait toutes ces choses, du cèdre à
l’hysope, des bêtes aux poissons. Il connaissait leur vie, leur raison d’être,
leurs rapports entre eux et avec l’ensemble de la création, les exemples que
Dieu fournissait par eux à la vie morale des hommes, et il parlait de tout
cela. La science moderne avec ses hautes prétentions n’est qu’un amas de
ténèbres vis-à-vis de ces certitudes. Mais Salomon ne possédait pas la
domination universelle sous ses deux aspects. Elle est réservée à un plus grand
que Salomon, au second Adam : « Tu l’as couronné de gloire et
d’honneur ; tu l’as fait dominer sur les oeuvres de tes mains ; tu as
mis toutes choses sous ses pieds : les brebis et les boeufs, tous
ensemble, et aussi les bêtes des champs, l’oiseau des cieux, et les poissons de
la mer, ce qui passe par les sentiers des mers ». C’est de Lui qu’il est dit
aussi : « Digne est l’Agneau qui a été immolé de recevoir la puissance, et
richesse, et sagesse,
et force, et
honneur, et gloire, et bénédiction » (Apoc. 5:12).
La domination de Salomon
n’était qu’un faible type de celle de Christ qui aura « pour sa possession les
bouts de la terre » (Ps. 2:8). Le roi d’Israël dominait « sur tout ce qui était
en deçà du fleuve », « jusqu’au pays des Philistins et jusqu’à la frontière
d’Égypte » (v. 24 et 21). C’étaient en somme les limites que l’Éternel assignait
à Israël, en Josué 1:4 ; mais quand il s’agissait de la sagesse de
Salomon, ces limites étaient bien dépassées : Tous
les peuples
venaient pour l’entendre ; tous
les rois de la terre venaient s’en
enquérir (v. 34), et l’on voyait se réaliser en type ce qui est dit de
Christ : « Voici, je t’ai donné pour être une lumière des nations et pour
être mon salut jusqu’au bout de la terre ».
« La sagesse de Salomon était
plus grande que la sagesse de tous les fils de l’Orient et toute la sagesse de
l’Égypte. Et il était plus sage qu’aucun homme, plus qu’Ethan, l’Ézrakhite, et
qu’Héman, et Calcol et Darda, les fils de Makhol » (v. 30, 31). Nous n’avons pas
d’autre mention des deux derniers de ces hommes, sinon en 1 Chron. 2:6, mais
nous avons dans la Parole une indication de la sagesse d’Ethan et d’Héman.
Héman, l’Ézrakhite, est l’auteur inspiré du Psaume 88, Ethan, l’Ézrakhite,
celui du Psaume 89. Or quelle est la sagesse contenue dans ces deux Psaumes ?
Le Psaume 88 a un caractère absolument spécial, qu’aucun autre Psaume ne
reproduit à ce degré. Il nous montre Israël, convaincu d’avoir violé la loi
et sous les conséquences de cette désobéissance. Rien de plus terrible !
La mort, le sépulcre, le retranchement et les ténèbres sont sa part. Bien plus,
la fureur de l’Éternel s’est appesantie sur lui et il l’a accablé de toutes ses
vagues. Il est abandonné des hommes et n’a aucune issue. Il crie, il crie en
vain (v. 1, 9, 13). Il est rejeté ; Dieu lui cache sa face. Les ardeurs de
la colère de l’Éternel ont passé sur lui ; il est anéanti par ses
frayeurs. Dieu a éloigné de lui tous ceux qui auraient pu sympathiser avec lui.
Et la conclusion de tout cela ? Aucune ! Pas un rayon d’espérance.
Une âme qui crie, et Dieu qui ne répond pas ! (*)
(*) Nous trouvons ces mêmes
sentiments exprimés dans la prière de Moïse, au Ps. 90 ; versets 1-6, au
sujet du péché, versets 7-12, au sujet de la violation de la loi, mais non
sans espoir
.
Or, remarquons-le, ce Psaume est le seul témoignage qui nous soit donné de la sagesse d’Héman. Grande, immense sagesse, en effet, que celle qui, considérant la responsabilité de l’hotnme vis-à-vis des exigences de la justice et de la sainteté divines, constate que la position est sans issue, et que la loi, mesure de cette responsabilité, doit jeter l’homme dans les ténèbres de la mort, à jamais loin de la face de Dieu.
Héman arrivait, par la
sagesse, au bout de ce que Dieu voulait enseigner à l’homme par la loi de
Moïse. L’expérience à laquelle devaient aboutir les longs siècles de l’histoire
de l’homme et qui devait former la base de l’Évangile, l’esprit de cet homme de
Dieu n’en était-il pas déjà convaincu ? En lisant ce Psaume, ne
croirait-on pas lire dans l’épître aux Romains la description de la loi qui tue
le pécheur ?
Au Psaume 89, c’est la
sagesse d’Ethan qui nous instruit. De quoi parle-t-il, cet autre sage ? De
la grâce
! Ce Psaume est celui
des immuables promesses de Dieu et des grâces assurées de David. Les relations
du peuple avec Dieu, sur le pied de la loi, ne peuvent aboutir qu’aux ténèbres
du jugement et de la mort ; ces relations, sur le pied de l’alliance de
grâce faite avec David, aboutissent à ceci : « La bonté sera édifiée pour
toujours ; dans les cieux mêmes tu établiras ta fidélité » (v. 2) — dans
les cieux, où jamais rien ne pourra l’atteindre. Ce magnifique Psaume est
l’hymne de la grâce et de toute la gloire de Dieu que cette grâce a établie et
mise en lumière. La justice, le jugement, la bonté, la vérité, la fidélité, la
puissance de Dieu sont célébrés, comme manifestés dans une personne, elle-même
centre et clef du Psaume, le vrai David, haut élevé comme un élu d’entre le
peuple, l’Oint de l’Elernel (v. 19, 20), celui qui sera fait le premier-né, le
plus élevé des rois de la terre (v. 27), celui dont il ne retirera pas sa
bonté, auquel il ne démentira pas sa fidélité (v. 33), celui dont la semence
sera à toujours, dont le trône sera comme le soleil devant l’Éternel ! (v.
36).
Sans doute, dans ce merveilleux tableau de la grâce, vue dans le vrai David et dans son trône glorieux, la question de la responsabilité des fils de David (v. 30-32) ne peut manquer, ni les conséquences qui en sont résultées pour le peuple qui a failli (v. 38-51), mais cette scène sombre elle-même se termine par la bénédiction : « Béni soit l’Éternel pour toujours ! Amen, oui, amen » (v. 52).
Tels sont les enseignements de la sagesse, par la bouche de ces deux hommes de Dieu, l’un montrant le régime de la loi qui aboutit à la malédiction et aux ténèbres de la mort, l’autre le régime de la grâce basée sur la personne du vrai David et aboutissant à la gloire éternelle. Le premier proclame la fin du vieil homme, le second le règne sans fin de l’homme nouveau.
Quelle devait donc être la sagesse de Salomon, pour surpasser celle de ces deux sages !
Après avoir décrit l’ordre
intérieur du royaume de Salomon et toute la sagesse qui y présidait, le Saint
Esprit nous amène à ce qui, par excellence, devait caractériser ce règne :
au temple de l’Éternel.
David n’avait
pu bâtir cette maison, car la paix devait être établie (v. 3) pour que
l’Éternel pût faire sa demeure définitive au milieu de son peuple. Tant que ce
dernier avait erré dans le désert, l’Éternel s’était associé par le tabernacle
à sa condition de pèlerin et de voyageur. Puis étaient venues les guerres de
Canaan sous Josué et les Juges ; elles n’avaient cessé qu’avec le règne de
David. Dieu ne peut habiter en repos là où est la guerre. La première condition
de sa demeure définitive
(*) avec son peuple en Canaan, c’est que
la paix soit faite. Il en est de même, spirituellement, pour l’Église. Lorsque
la « bonne nouvelle de la paix » est annoncée, la maison de Dieu, le temple saint
dans le Seigneur, s’édifie et cette oeuvre se continue jusqu’au plein repos de
la gloire.
(*) Nous disons « définitive »,
parce que la condition première pour l’habitation de Dieu avec son peuple est
la rédemption
, typifiée par la pâque et la mer Rouge.
Sous Salomon, cette paix était extérieure, matérielle, pour ainsi dire. L’Éternel lui avait donné de la tranquillité de tous les côtés (v. 4). Les bénédictions dont son règne était rempli avaient le même caractère matériel. Toutes les choses désirables de la terre lui étaient apportées, et il les faisait contribuer à la gloire de l’Éternel qui l’avait établi sur son trône.
Le roi de Tyr est mentionné le premier comme venant apporter ses services au royaume naissant. Tyr est, dans la Parole, une image du monde avec toutes ses richesses et ses choses désirables. On voit, en Ézéch. 27, ce qu’était, dans l’antiquité, Tyr, dont le commerce s’étendait sur toute la terre et vers laquelle affluaient de toutes parts les ressources du monde entier. Bois précieux que les Sidoniens excellaient à travailler, ivoire et ébène, fin lin, laine blanche, broderies, bleu et pourpre ; argent, fer, étain, plomb, airain ; escarboucles, corail, rubis et toute pierre précieuse, or en immense quantité ; aromates, huile et blé ; troupeaux innombrables ; sans compter les guerriers pour la défendre, les matelots pour conduire ses flottes, les sages pour diriger et utiliser ses ressources ; telle était, en quelques mots la richesse de Tyr. Tout ce que le coeur humain pouvait désirer sur la terre, il se le procurait là.
Au temps de Salomon, Tyr n’avait pas encore revêtu le caractère d’orgueil, jugé par Ésaïe et surtout par Ézéchiel, et qui allait jusqu’à déifier l’intelligence de l’homme. Hiram, ami de David, régnait encore sur ce peuple. Il était venu, de son plein gré, offrir ses services au père de Salomon et ses ouvriers lui avaient bâti une maison (2 Sam. 5:11). Cette même libre volonté lui fait envoyer ses serviteurs au fils de David, parce qu’il avait toujours aimé le père (v. 1). Comment ne pas être accueilli du roi de gloire, quand on a toujours aimé le roi de grâce ?
Salomon fait part à Hiram de
ses desseins qui n’étaient nullement le fruit de sa propre volonté. Il avait
résolu de bâtir la maison de l’Éternel, parce que Dieu l’avait ainsi décrété,
communiquant d’avance sa volonté à David (v. 5). Tel est le vrai caractère de
la décision
de la foi. La foi décide,
parce que Dieu a résolu. Ce point est important. Souvent nous connaissons
d’avance la volonté de Dieu, et au lieu de dire : « J’ai résolu
»
de la faire, nous cherchons des
prétextes et de bonnes raisons pour l’éviter, ou du moins pour ne pas y mettre
tout notre coeur. D’autres fois, nos résolutions n’ont pour motif que notre
propre volonté et nous conduisent à d’amères déceptions.
Le règne de Salomon est
caractérisé, comme nous l’avons dit, par une gloire terrestre à laquelle
viennent concourir toutes les ressources naturelles que le monde entier peut
fournir. Mais cette gloire devait être à la gloire
de Dieu
et lui donner, au milieu de son peuple, un temple
qui exaltât sa sainteté et sa
grandeur. Il en sera de même lors du règne glorieux du Messie.
Nous verrons plus loin que
Salomon, roi responsable, ne s’est pas contenté de ce qui lui avait été départi
par l’Éternel, mais a cherché plus tard à s’agrandir par et pour lui-même
et en a porté les conséquences.
Hiram se réjouit beaucoup quand il entendit les paroles de Salomon. Il se trouvait honoré de pouvoir contribuer par son service à la gloire du Dieu d’Israël. Ce roi des nations dit : « Béni soit aujourd’hui l’Éternel » (v. 7). Il tient l’Éternel, le Dieu de Salomon, pour son Dieu, et lui rend grâces de ce qu’il a donné à David un fils pour régner sur son peuple. L’affection pour David, le roi rejeté, conduit l’âme à l’appréciation du roi de gloire, à celle de Dieu lui-même, à l’affection pour le peuple de Dieu.
Le fruit d’un coeur heureux,
c’est un dévouement entier pour le service de Christ. « Je ferai tout ce que tu
désires » (v. 8). Et après tout, qu’est-ce que le service d’Hiram en comparaison
de ce que Salomon fait pour lui ? Parfois ce que nous faisons pour le
Seigneur a quelque apparence. Ce n’est pas peu de chose que les cèdres du Liban
et toute la peine de leur transport, seulement Salomon emploie de bien autres
éléments pour la construction du temple que les cèdres et les cyprès
d’Hiram ; les grandes pierres de prix, l’or qui recouvre tout, sont plus
importants pour la fondation et la gloire de l’édifice que les produits du
Liban. Néanmoins Salomon accomplit le
désir
d’Hiram, parce que ce dernier accomplit celui de Salomon (v. 9, 10),
et le désir d’Hiram c’est la nourriture de sa maison. Le Seigneur pourrait se
passer de nous, il ne le veut pas ; il sait que c’est réjouir nos coeurs
et leur apporter la bénédiction que de les employer à son service — mais nous
ne pouvons nous passer de Lui.
C’est Lui qui nous donne la vie, la nourriture, les forces et l’accroissement.
La nourriture du pays d’Hiram, le blé dont ses marchands trafiquaient, leur
venait de la Palestine (Ézéch. 27:17). C’est le pays de l’Éternel qui fournit
les éléments nécessaires à notre existence. Aussi Hiram dépend-il de Salomon
pour cela : « Tu donneras du pain à ma maison » (v. 9). Et quelle abondance
règne désormais parmi les serviteurs du roi de Tyr ! Quatre millions huit
cent mille litres de froment par année ! On pouvait posséder des cèdres et
des cyprès et mourir de faim. Certes, on ne mourait pas de faim quand on les
mettait au service de Salomon !
La paix caractérise toute
cette scène. Hiram et Salomon firent une alliance
de paix
(v. 12).
« Et l’Éternel donna de la
sagesse à Salomon, comme il le lui avait dit » (v. 12). Il l’avait reçue (2:6) pour la purification de son royaume
par le jugement : puis (3:12)
pour le discernement, en vue du gouvernement de son peuple ; puis
(4:29) en vue de la conduite et de l’instruction des nations, des peuples et
des rois de la terre ; il la reçoit enfin en vue de l’édification du temple,
du grand oeuvre qui devait
caractériser son règne glorieux.
Aux v. 13-18, nous assistons à l’organisation du travail préparatoire du temple. Chacun y est employé selon sa propre capacité. La sagesse de Salomon ordonne tout. Ses ouvriers viennent en aide à ceux d’Hiram pour le bois de construction, portent des fardeaux, taillent la pierre dans la montagne. Les Guibliens y ont leur part. Ils sont mentionnés par Ézéchiel (27:9), comme habiles à réparer les fissures de Tyr représentée sous forme d’un vaisseau magnifique naviguant sur les mers (*).
(*) Les Guibliens sont mentionnés dans Josué, en rapport avec le Liban et comme devant être conquis par Israël (Jos. 13:5). Le Guebal d’Ézéch. 27:9, port de mer au pied des pentes nord du Liban, était probablement leur ville. Dans ce règne glorieux de Salomon, ils devaient être tributaires, comme appartenant à la race conquise de Canaan.
Le premier acte de Salomon,
c’est de transporter « de grandes pierres, des pierres de prix, pour faire les fondements de la maison,
des
pierres de taille ». Il s’agit avant tout de poser un fondement de grand prix et
d’une solidité à toute épreuve comme base du temple de Dieu. C’est ce que Dieu
a fait aussi pour sa maison spirituelle. Le
fondement, c’est Christ, principale pierre de l’angle : les
fondements, ce sont toutes les vérités qui se rapportent à Christ et à son
oeuvre, telles qu’il les a présentées par ses apôtres et prophètes. Ce sont de
grandes pierres, des pierres de prix. On ne peut en ôter une seule sans
compromettre ou ébranler tout l’édifice. C’est ce que la sagesse de Salomon
avait bien compris en préparant les pierres de taille sur lesquelles la maison
de Dieu devait être édifiée.
Quatre cent quatre-vingts
années se sont écoulées depuis la sortie d’Égypte ; le but de l’Éternel en
délivrant son peuple est atteint. Ce qu’Israël avait chanté sur le rivage de la
mer Rouge se réalise enfin : « Tu les introduiras et tu les planteras sur
la montagne de ton héritage, le lieu que tu as préparé
pour ton habitation, ô Éternel !
le sanctuaire, ô Seigneur
!
que tes mains ont établi » (Ex. 15:17). Les deux choses dont il est parlé dans
ce passage ont été réalisées en type par David et par Salomon. Préparer est
autre chose que bâtir. C’était David qui avait tout préparé
pour la construction du temple (1 Chron. 22:14). Bien plus,
c’était à lui qu’avaient été communiqués par écrit les plans du bâtiment et de
tout son contenu (1 Chron. 28:11-19). Ces plans, David en fait part à Salomon.
Salomon bâtit.
Le Sauveur « prépare »,
le Seigneur « établit de ses mains ». Les matériaux préparés de Dieu pour son
habitation avec les hommes et l’accomplissement de tous ses conseils sont le
fruit des souffrances et de la réjection du vrai David ; Christ, le Fils
du Dieu vivant, édifie et dit : « Sur ce roc je bâtirai
mon assemblée ».
Avant d’aborder le sujet de la construction du temple, il est nécessaire de présenter en quelques mots la signification de cet édifice.
Le temple, comme aussi le
tabernacle, était l’habitation de Dieu au
milieu de son peuple,
le signe visible de sa présence. Là se trouvait son
trône, l’arche où il était assis entre les chérubins. L’arche renfermait les
tables de la loi, témoignage de l’alliance entre l’Éternel et son peuple. Cette
alliance, du côté de Dieu, était gardée avec une scrupuleuse et immuable
fidélité, mais elle était conditionnelle. Tant qu’Israël en remplissait les
conditions, Dieu demeurait au milieu de son peuple. S’il désobéissait,
l’Éternel était obligé de l’abandonner, de quitter son trône et sa maison en
Israël.
Le temple était le centre du culte.
On s’approchait de Dieu, dans son
temple, au moyen des sacrifices et de la sacrificature. Toutefois Dieu restait
inaccessible, parce que, de fait,
l’homme
dans la chair ne pouvait s’approcher de Lui. Le chemin des lieux saints,
quoique révélé en type, n’était pas manifesté.
L’oeuvre de Christ seule pouvait l’inaugurer.
Le temple, lieu du culte,
était aussi le centre du gouvernement
d’Israël.
C’était Dieu
qui gouvernait. Le roi n’était que le représentant
responsable du peuple devant Dieu, et l’exécuteur des volontés de l’Éternel en
gouvernement.
Dès que Dieu s’était acquis un peuple terrestre, un tabernacle ou un temple était indispensable et devenait le centre de toute leur vie politique ou religieuse. Quand le peuple est déclaré « Lo-Ammi », la gloire de Dieu abandonne le temple qui disparaît enfin, après avoir été maintes fois détruit, puis rebâti. Mais lorsque les relations immanquables de l’Éternel avec son peuple seront rétablies sous la nouvelle alliance de grâce, le temple réapparaîtra plus glorieux qu’il ne l’a jamais été.
Le temple (comme le
tabernacle) a aussi une signification typique.
Le temple représente le ciel, la
maison du Père,
et nous pouvons en appliquer les symboles aux relations
chrétiennes. Tout ce qui s’y trouve n’est que la figure des choses spirituelles
qui sont la part des chrétiens, comme nous aurons amplement l’occasion de le
voir (*).
(*) Plusieurs autres points de détail se présenteront à nous au cours de ce chapitre et du suivant.
Le temple étant la demeure de
Dieu est nécessairement aussi la demeure
de ceux qui Lui appartiennent
(Jean 14:2 ; 4:21-24). C’est pourquoi le
temple de Salomon nous montre les chambres des sacrificateurs comme faisant
corps avec la maison. Ceci nous amène à remarquer une différence notable dans
la manière dont le temple est présenté en 1 Rois 6 et 2 Chron. 3. Au premier
livre des Rois, les demeures des
sacrificateurs
font partie de la maison ; 2 Chron. 3:9, ne les
mentionne qu’en passant et sans indiquer leur liaison avec le temple. Au
premier livre des Rois, les deux parties les plus importantes du système juif, l’autel
et le voile,
manquent complètement, tandis que les Chroniques les
mentionnent. Sans elles on ne pouvait s’approcher
de Dieu. Enfin la hauteur
de
l’immense portique du temple, porte
d’accès
du lieu saint, est passée sous silence dans les Rois et donnée dans
les Chroniques (*). De ces faits, nous pouvons
conclure à priori que les Rois nous présentent le temple comme lieu de demeure,
et les Chroniques comme
lieu d’approche
. Nous aurons à tenir compte de ce
caractère en considérant ces chapitres.
(*) C’est pourquoi les pages qui suivront présenteront nécessairement un mélange continuel de l’élément juif et chrétien.
Le temple, pris dans son
ensemble, est aussi la figure de l’Assemblée
chrétienne,
de l’Église, maison spirituelle, temple saint, habitation de
Dieu par l’Esprit.
Enfin le temple, c’est Christ.
« Détruisez ce temple, dit-il, et
en trois jours je le relèverai ». Il était ici-bas le temple dans lequel le Père
demeurait (Jean 14:10). Mais si, d’une
manière générale,
le temple est Christ, toutes
ses parties
nous le présentent sous autant de caractères divers. L’arche
avec la loi dans ses entrailles, le propitiatoire sur l’arche, le voile, tous
les ustensiles du lieu saint et du parvis, jusqu’aux parois et aux fondements
de l’édifice, tout, absolument tout, comme dans le tabernacle au désert, nous
parle de Lui. Tout nous présente ses gloires, l’efficace de son oeuvre, la
lumière de son Esprit, le parfum de son nom, la valeur de son sang, la pureté,
la sainteté, la gloire de sa personne. Quelque part que nous nous tournions,
quelque objet que notre oeil contemple, dans ce merveilleux édifice, toujours
nous y retrouvons les perfections de Celui dans lequel le Père trouve tout son
plaisir et dans lequel il s’est manifesté à nous. Si nous entrons dans la
maison du Père, c’est pour y trouver la manifestation parfaite de tout ce qu’il
est, dans la personne de son Fils.
Ces choses dites, examinons en détail l’enseignement de notre chapitre.
« Et la maison que le roi Salomon bâtit à l’Éternel avait soixante coudées de longueur, et vingt coudées de largeur, et trente coudées de hauteur » (v. 2).
À première vue, les
proportions du temple pourraient étonner, car en somme elles sont très
restreintes, et ce fait a frappé même les incrédules. Il y a loin des
dimensions du temple de Salomon à celles des sanctuaires gigantesques de
l’Égypte. C’est que ce n’est pas la
grandeur,
mais la sainteté, l’ordre
parfait, la justice, la gloire,
c’est-à-dire l’équilibre et l’harmonie de
toutes les perfections de Dieu, qui caractérisent sa maison.
Les dimensions du temple
étaient exactement le double
de
celles du tabernacle, en longueur, en largeur et en hauteur, mais les proportions
des différentes parties
entre elles restaient les mêmes.
Le
tabernacle, pendant la traversée du désert, pouvait paraître relativement une
chose de peu d’importance, en regard de ce que la maison de Dieu devait être en
gloire, mais tout le plan
de Dieu,
tout l’ordre
de sa maison, se
trouvait dans cet édifice de transition et devait y être manifesté. Il en est
de même de l’Église ; c’est pourquoi il est dit à Timothée : « Je
t’écris ces choses, afin que tu saches comment il faut se conduire dans la
maison de Dieu, qui est l’assemblée du Dieu vivant, la colonne et le soutien de
la vérité » (1 Tim. 3:15). Dans la gloire, l’ordre du gouvernement de la maison
sera pleinement manifesté, comme nous le voyons dans la description de la
nouvelle Jérusalem en rapport avec le royaume (Apoc. 21).
De plus, si l’on considère
soigneusement la manière dont le temple fut bâti, outre l’analogie étonnante
entre ses dimensions et celles du tabernacle, on peut constater que le temple
n’a été bâti sur aucun autre modèle que celui-là. Nous insistons sur ce point,
parce que les hommes dont le coeur, souvent sans qu’ils s’en doutent, est
incrédule à la révélation de Dieu, se donnent beaucoup de peine pour découvrir
si les temples tyriens, assyriens, égyptiens ou babyloniens, ont plus ou moins
servi de modèles au temple de Salomon, tandis qu’il s’est servi de modèle à lui-même.
Cela n’était-il pas digne du vrai
architecte de ce temple, qui en avait révélé tous les détails à David (1 Chron.
28), comme jadis à Moïse ceux du tabernacle ? Or ce qui était impossible à
aucune oeuvre humaine, chacun de ces détails avait un sens divin qui attachait
les pensées de la foi à la personne et à l’oeuvre de Christ.
Le portique
du temple, son
entrée seule, différait quant à ses proportions de ce qu’offrait le tabernacle.
2 Chron. 3:4, nous apprend que sa hauteur était de cent vingt coudées (*). Il avait quatre fois la hauteur de la maison.
Il correspondait en figure à ce passage du Ps. 24 : « Qui est-ce qui
montera en la montagne de l’Éternel ? et qui se tiendra dans le lieu de sa
sainteté ?… Portes, élevez vos têtes ! et élevez-vous, portails
éternels, et le roi de gloire entrera ! » Ce véritable arc de triomphe
était digne du roi de gloire, de l’Éternel des armées, fort et puissant, dont
Salomon était le faible type.
(*) La critique rationaliste conteste ce chiffre, voyant, comme toujours, des erreurs dans ce qu’elle ne comprend pas.
Tout autour du temple, sauf
naturellement à son entrée, étaient situées les chambres latérales, demeures des sacrificateurs.
Rien de
semblable dans le tabernacle du désert, où Dieu pouvait sans doute condescendre
à demeurer au milieu d’un peuple selon la chair, à condition de se cacher dans
une profonde obscurité, mais ne pouvait permettre à l’homme de venir habiter avec Lui.
Cette seconde
condition se réalise ici sous le règne glorieux de Salomon, comme elle se
réalisera pour nous quand le Seigneur nous introduira dans la maison du Père.
Nous appartenons tous, nous enfants de Dieu, à cette famille de sacrificateurs
qui aura son domicile autour de son Chef, quoique cette maison du Père soit
déjà maintenant ouverte à notre foi et que nous puissions y demeurer, étant
encore dans ce monde.
Les demeures des
sacrificateurs étaient inséparables de la maison et faisaient corps avec elle,
sans en dégrader aucune partie. Les murailles du temple avaient des retraits
qui permettaient, sans les détériorer, d’y appliquer la poutraison. De cette
façon, l’on obtenait une adaptation parfaite des chambres sacerdotales à la
maison, sans compromettre, en aucune manière, l’intégrité de l’édifice. C’est
ainsi que nous demeurerons dans la gloire. Le fait que nous y serons, loin d’affaiblir
la perfection de la maison de Dieu, ne fera que la rehausser. « Voici, l’habitation de Dieu est avec les hommes,
et
il habitera avec eux ; et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux,
leur Dieu » (Apoc. 21:3).
« Et la maison, quand on la
bâtit, fut bâtie de pierre entièrement
préparée avant d’être transportée
; et on n’entendit ni marteau, ni
hache, aucun instrument de fer, dans la maison, quand on la bâtit » (v. 7). On
ne voyait, lors de la construction du temple, aucune trace d’instruments
humains. Il s’édifiait en silence ; on n’entendait ni hache, ni marteau.
C’était l’oeuvre de Dieu ; tout était préparé d’avance. Les pierres qui
composaient la maison avaient le même
caractère que les pierres de fondement,
précieuses aussi et préparées
d’avance (7:9-12). Il en est de même de l’assemblée (1 Pierre 2:4, 5), en tant
que son édification n’est pas confiée à la responsabilité de l’homme (1 Cor.
3:10-15).
Cependant cette même
responsabilité incombe à Salomon (v. 11-13), en rapport avec la construction de
la maison. Comme tant d’autres il y a manqué, amenant ainsi la ruine de son
royaume. « Si
tu marches dans mes statuts… je demeurerai au milieu des
fils d’Israël, et je n’abandonnerai pas mon peuple Israël ». La fidélité du roi
était la seule condition
que Dieu posât pour ne pas abandonner son peuple. Toute sa bénédiction
dépendait de cette condition.
L’oracle,
aussi bien que le lieu saint
(« le temple devant
l’oracle »), était revêtu de bois de cèdre. Le cèdre représente dans la Parole la majesté et la hauteur, la durée et la
fermeté.
Il n’y avait pas un seul
point des murailles qui n’en fût intérieurement recouvert. La pierre ne
paraissait nulle part. Mais le bois de cèdre lui-même et jusqu’au plancher en
bois de cyprès, tout était entièrement recouvert d’or. L’or représente
toujours, dans la Parole, la justice et
la gloire divines.
La maison était donc composée de pierres de prix, préparées, édifiées sur les grandes pierres de prix qui en étaient le fondement. Telle était la valeur du temple aux yeux de Dieu. Mais à l’intérieur tout était ferme, durable, par conséquent incorruptible, digne de la grandeur et de la majesté de l’Éternel. Enfin ceux qui entraient dans le temple pour demeurer avec Dieu, ne voyaient autour d’eux que justice divine. Jusqu’au plancher que le pied foulait en était revêtu. L’homme ne peut habiter avec Dieu que selon la justice divine. Tous les ustensiles du tabernacle étaient, en outre, soit en or, soit revêtus d’or pur, comme l’autel du parfum, les chérubins et les portes du lieu très saint.
Comme dans le tabernacle au
désert, le lieu très saint
formait à
l’intérieur un cube parfait. « L’intérieur de l’oracle était de vingt coudées en
longueur, et de vingt coudées en largeur, et de vingt coudées en hauteur » (*) (v. 20). Il en sera de même de la nouvelle
Jérusalem : « Sa longueur et sa largeur et sa hauteur étaient égales »
(Apoc. 21:16). Le résultat de l’oeuvre de Dieu est parfait sans rien à y
ajouter, ni rien à en retrancher. Tout est réglé selon la pensée du divin architecte.
La nouvelle Jérusalem est pour ainsi dire un immense lieu très saint
où
Dieu peut habiter, comme dans l’oracle du temple, parce que tout y répond à sa
sainteté et à sa justice. On ne trouve pas de temple en elle. « Dieu, le
Tout-puissant, et l’Agneau, en sont le temple », mais elle répond elle-même à tout
ce qu’il y a de plus saint
dans le temple de Dieu. Le sanctuaire de Dieu,
c’est l’Église dans la gloire !
(*) La maison elle-même avait
trente coudées de hauteur (v. 2). Un fait digne de remarque, c’est que le
temple millénaire décrit par Ézéchiel, malgré l’immense développement de ses
parvis extérieur et intérieur, et les dimensions du corps de bâtiment qui
atteignait cent coudées avec ses chambres, ne dépasse pas pour le lieu saint
et le lieu très saint les dimensions du temple de Salomon
. Ce sont des mesures
immuables
. Ce qui avait été dès le commencement dans le plan de Dieu, devra
se réaliser, sans changement, ni développement, au siècle de la gloire de
Christ. Les dimensions du tout pouvaient s’adapter à la grandeur future de ce
règne, mais le sanctuaire restait le même
.
Comme nous l’avons dit plus
haut, le voile
n’est pas mentionné ici. Il est remplacé par une porte en
bois d’olivier (v. 31) s’ouvrant à deux battants, recouverte d’or, un libre et
large accès, permettant à la vue de pénétrer dans le lieu très saint, bien que,
correspondant au régime de la loi, des chaînes d’or soient encore tendues
devant l’oracle (v 21).
Les chérubins
jouaient
un grand rôle dans le temple. Dans le tabernacle, ils étaient tirés du
propitiatoire et faisaient ombre sur lui. Ils regardaient vers ce qui était
caché dans l’arche, vers l’alliance de la loi qui y était déposée, écrite sur
les tables de pierre. Les chérubins, au nombre de deux, étaient les témoins
de ce que contenait l’arche (Matt. 18:16). Ils étaient en même temps les
attributs de la puissance judiciaire de Dieu. Ces attributs assuraient
l’alliance. De son côté, Dieu la gardait fidèlement, par tout ce qui le
caractérisait dans son gouvernement (*).
L’arche et les chérubins du tabernacle avaient été transportés dans le temple.
À condition que le roi, de son côté, fût fidèle, Dieu restait assis sur son
trône entre les chérubins, gardant fidèlement, pour sa part, l’alliance
contractée avec son peuple.
(*) Nous reparlerons de ces attributs à propos de l’ornementation du temple et du parvis.
Mais le temple contenait deux autres chérubins, hauts de dix coudées chacun, avec leurs ailes étendues se touchant d’un côté, touchant de l’autre la muraille du sanctuaire. Ils regardaient « vers la maison » (2 Chron. 3:13), c’est-à-dire hors du sanctuaire. Ils regardaient dehors, parce que, sous le règne de gloire, les attributs judiciaires de Dieu, terribles pour l’homme pécheur, pouvaient regarder vers lui en bénédiction. Dans notre chapitre, où il est question de demeurer avec Dieu, les chérubins ne nous sont pas présentés comme regardant au-dehors.
Plusieurs autres détails de l’ornementation du temple appellent encore notre attention.
Les murailles
étaient ornées à l’extérieur et à l’intérieur de
chérubins, de palmiers et de fleurs entrouvertes. Ces ornements se montraient
au-dehors. Au-dedans, ils étaient recouverts et cachés par la paroi de cèdre.
Les chérubins,
nous l’avons déjà vu,
sont les attributs du juste gouvernement de Dieu. Les « animaux » de l’Apocalypse
(4:6, 7) sont des chérubins, et représentent : le lion, la force ; le
boeuf (ou veau), la solidité et la patience ; l’homme,
l’intelligence ; l’aigle, la rapidité des jugements et du gouvernement de
Dieu. Les porteurs ou représentants de ces attributs peuvent être selon
l’occasion des anges ou des saints (Apoc. 4:5). Dans les chapitres qui nous
occupent, le chérubin a une place à part. Il n’est ni le boeuf, ni le lion. Il
est l’être intelligent. Il est « le
chérubin
»,
en contraste avec les
autres. L’aigle n’est pas mentionné dans l’ornementation du temple, ni des
vaisseaux du parvis, parce que l’aigle représente la rapidité des jugements et
ne s’applique pas à un gouvernement établi et paisible. Le chap. 7:29, fournit
la preuve de ce que nous avançons : « Sur les panneaux… il y avait des
lions, des boeufs, et des chérubins
».
Les chérubins sont donc ici le côté de
l’intelligence dans le gouvernement de Dieu. Cette intelligence orne la maison
de Dieu. Ceux qui s’en approchent peuvent la voir dans tous les détails de
l’édifice divin. Toutes les voies de Dieu, dans son gouvernement, la partie
extérieure, ce qui se lit sur la muraille, témoignent de cette intelligence, de
cette sagesse infiniment variée. Mais on trouve en outre toute une partie des
pensées de Dieu inconnue sous la loi, cachée et recouverte à l’intérieur du
temple, où nul oeil humain ne peut la voir. Ce sont les conseils de Dieu.
Maintenant l’intelligence divine les pénètre,
et ils nous sont familiers, parce que Dieu nous les a révélés par son Esprit (1
Cor. 2:9, 10).
Les palmiers ou palmes
ont aussi leur signification dans la Parole.
Quand le Seigneur entre à Jérusalem comme roi de paix, les disciples portent
des palmes devant Lui. C’est le signe du triomphe
paisible
d’un règne qui doit s’inaugurer. De même, l’immense multitude
d’Apoc. 7 porte des palmes dans ses mains, célébrant le triomphe de l’Agneau.
Les palmiers d’Élim sont le signe de la protection paisible au désert ; la
branche de palmier (És. 9:14), une protection sous laquelle on s’abrite. Les
palmes (Lév. 23) étaient employées à la fête des tabernacles, symbole de la
fête millénaire, où le peuple, habitant sous les palmes et d’autres branches
d’arbres verts, prendra part au repos universel du royaume, mais non pas sans
le souvenir des années d’épreuves du désert. Les palmes symbolisaient donc la
paix, la sécurité et le triomphe du règne de justice.
Les fleurs entrouvertes
sont l’emblème d’une saison nouvelle, du
printemps qui commence (Cant. 2:12). Au Psaume 92:13, 14, nous voyons que « le
juste poussera comme le palmier…
Ceux
qui sont plantés dans la maison de l’Éternel fleuriront
dans les parvis de notre Dieu ». Ainsi ces emblèmes ne
sont pas seulement ceux du règne, mais aussi
les emblèmes de ceux qui y appartiennent (*).
Il y aura concordance parfaite entre les gloires du règne et ceux qui y auront
part, entre la maison du Père et ceux qui y habitent. Et tout sera en accord
parfait avec Christ, le vrai Salomon. À Lui, l’intelligence, car sur Lui, comme
homme, repose l’Esprit de l’Éternel, l’esprit de sagesse et d’intelligence,
l’esprit de conseil et de force, l’esprit de connaissance et de crainte de
l’Éternel (És. 11:2). Lui est Merveilleux, Conseiller, Dieu fort, Père du
siècle, Prince de paix. Il est le vrai fils de David et sur Lui fleurit sa
couronne (Ps. 132:18).
L’intelligence divine, la
paix parfaite, la beauté, la fraîcheur et la joie, caractérisent donc toute
cette scène, et nous
y participerons aussi, semblables à
Christ, et avec Lui, le porteur de toutes ces gloires.
(*) Il en est de même des chérubins, comme nous l’avons vu plus haut. Le roi de Tyr était un chérubin en Eden.
Les chérubins se retrouvent
avec les palmes et les fleurs, sur les portes
de l’oracle
(v. 32). C’est
le seul endroit, à l’intérieur du lieu saint, où les chérubins pussent être
vus. Comme le voile qu’elles remplacent, les portes nous représentent Christ
qui, par le don de lui-même, nous ouvre l’accès jusqu’à Dieu. Dans le
sanctuaire, la sagesse de Dieu n’est contemplée que là. Christ sur la croix est
la sagesse de Dieu. Par sa croix, nous entrons dans le sanctuaire en pleine
paix, en pleine joie, et nous pouvons y louer d’une manière intelligente
l’Agneau qui a été immolé.
Les parois de cèdre
n’offraient pas la même décoration. Elles n’étaient ornées que de fleurs
entrouvertes et de coloquintes (v. 18) (ou de boutons, car telle est peut-être
la signification de ce mot). On y voyait la représentation d’une floraison
perpétuelle, d’un renouveau plein de fraîcheur et de beauté, en rapport avec le
repos de Dieu, d’une saison éternelle de joie, recouverte de la gloire divine
et protégée par elle, dans le temple de Dieu qui est pour nous
la maison du Père !
« Et Salomon mit treize ans à bâtir sa propre maison, et il acheva toute sa maison » (v. 1). Il avait fallu sept ans à Salomon pour bâtir la maison de l’Éternel. On voit par là l’empressement qu’il mit à cet ouvrage. Hérode mit quarante-six ans à bâtir son temple (Jean 2:20). Le service de l’Éternel primait toute autre chose dans le coeur du roi au commencement de sa carrière. Sa propre maison, certes moins importante que le temple, lui coûta treize années de travail.
Le passage qui nous occupe
nous parle de trois maisons différentes.
La première est celle qui est
appelée « la propre maison
» de
Salomon, « sa maison où il habitait », son domicile particulier. Il nous en est
peu dit, sauf qu’au lieu du « portique du trône » qui caractérisait la « maison de
la forêt du Liban » (v. 7), la maison du roi avait, au-dedans du portique
d’accès (conf. v. 6)
« une autre cour
»
dont l’ouvrage était du même genre (v. 8). Ce n’était pas dans
cette maison que Salomon jugeait. Il y habitait
.
Elle nous est présentée d’une manière quelque peu
mystérieuse ; c’est une maison d’intimité.
Mais elle est mentionnée immédiatement après le temple et en fait comme le
pendant. Dieu habitait dans le temple et y avait « plusieurs demeures » pour les
siens. Le temple était une image de la maison du Père. La maison que nous
trouvons ici était la maison du Fils (1 Chron. 17:13). Si nous en cherchons
l’analogue dans le Nouveau Testament, nos pensées se portent immédiatement vers
cette Église dont il a dit : « Sur ce roc je bâtirai mon
assemblée ».
L’Église, comme nous le savons, n’était pas révélée dans l’Ancien Testament. C’était un mystère qui ne pouvait être connu qu’après la résurrection du Seigneur. Cependant, rien dans l’Ancien Testament ne contredit cette révélation future. Bien au contraire, il semble parfois que sa place y soit marquée d’avance, pour l’introduire elle-même au moment voulu. Certains types dépassent les relations juives et en font pressentir de plus intimes. Rappelons seulement la relation d’Adam et d’Ève, de Rebecca et d’Isaac, d’Abigaïl et de David. Rappelons surtout l’assemblée du Psaume 22, mentionnée en Héb. 2:12. Arrêtons-nous enfin à cette maison de Salomon, dont le Nouveau Testament nous présente les glorieuses assises.
Le règne millénaire de Christ
ne sera pas seulement caractérisé par ses relations avec son peuple et avec les
nations, mais par l’intimité glorieuse de
l’Église avec Lui.
Elle sera l’Épouse, la femme de l’Agneau, mais, nous le
répétons, notre passage ne va nullement jusque-là, et traite ces choses d’une
manière à dessein obscure et mystérieuse.
Il n’en est pas ainsi de « la maison de la forêt du Liban
» (v. 2-7).
Ce nom qui lui est donné rappelle d’un côté sa construction et peut-être aussi
son apparence architecturale. Elle était bâtie en bois de cèdre
; elle présentait partout, extérieurement et intérieurement,
des colonnes de cèdre qui, disposées en longues rangées, pouvaient lui donner
l’apparence d’une forêt imposante.
D’autre part, on peut voir dans cette appellation une belle image de ce règne glorieux. Le Liban regardait Tyr et même lui appartenait. Il y avait donc un rapport entre cette maison et les nations soumises au grand roi. C’était là que Salomon siégeait comme souverain et juge des nations, aussi bien que de son peuple.
La maison de la forêt du
Liban avait cent coudées de longueur (quarante de plus que le temple),
cinquante coudées de largeur et trente de hauteur. Elle reposait sur quatre
rangs de colonnes. Sur chacune des deux faces latérales s’élevaient sur trois
rangs de colonnes disposées quinze par quinze, des enfilades de chambres superposées,
selon toute apparence, en trois étages comme celles du temple (*). Leurs fenêtres se faisaient vis-à-vis,
c’est-à-dire, nous avons lieu de le penser, que les unes regardaient au-dehors,
les autres au-dedans de l’édifice, ayant vue sur le portique. Par-dessus ces
chambres se trouvait une couverture de cèdre formant toit, et recouvrant aussi
le centre de l’édifice qui soutenait cette couverture par quatre rangées de
colonnes. Le centre lui-même était composé de deux portiques,
d’abord le portique
à colonnes
bien nommé ainsi par ses six rangées de colonnes latérales et
les quatre rangées de colonnes s’élevant au milieu du portique. Ensuite le portique du trône ou portique du jugement,
faisant
suite au premier et occupant le fond de l’édifice (**).
Au fond de ce portique s’élevait le trône merveilleux sur lequel nous aurons à
revenir plus tard.
(*) L’expression « un jour
répondant à un jour trois fois
» (v. 5), ne peut guère, nous semble-t-il,
être comprise autrement. Ces chambres contenaient les boucliers d’or que
Salomon avait fait confectionner pour sa garde, car la maison de la forêt
servait en même temps d’arsenal (10:16, 17 ; 14:26-28 ; És. 22:8).
(**) L’expression « portique à colonnes » ferait supposer que les chambres latérales ne s’étendaient pas au-delà de la moitié de la longueur de l’édifice et n’avaient pas vue sur le portique du trône.
Devant le portique à colonnes se trouvait un portique d’entrée, dont les dimensions ne nous sont point données. Il était aussi garni d’une colonnade et avait un entablement ou perron par lequel on accédait à la maison. On peut aisément se représenter la majesté de cette construction. L’oeil plongeant dans la partie centrale à travers une forêt de colonnes de cèdre jusqu’au second portique, au fond duquel s’élevait le trône d’or et d’ivoire merveilleusement ouvragé, pouvait contempler sur ce trône le roi glorieux, Salomon le pacifique, le Jedidia bien-aimé de l’Éternel, celui dont la sagesse ne fut jamais surpassée, le roi juste et rendant la justice.
Ce portique du trône était le
« portique du jugement
».
Là
était le siège du gouvernement des nations, le lieu où la justice était rendue.
La maison de la forêt du Liban reliait le gouvernement d’Israël proprement dit
avec celui des nations.
Cette maison où l’on
rencontrait partout des colonnes, faisait contraste avec le temple qui n’en
avait point, sinon Jakin et Boaz, à l’entrée de la maison, comme nous le
verrons plus tard ; du moins aucune colonne n’est mentionnée, ni dans le
lieu saint, ni dans l’oracle. La maison de Dieu se soutient par elle-même,
et n’a besoin d’aucun appui, dans sa
parfaite stabilité. La gloire de Dieu se suffit à elle-même, sauf que Dieu le
Père y associe ses enfants et leur y donne une demeure. Il n’en sera pas ainsi
du règne de Christ sur les nations. Les saints seront appelés à le partager, à
juger le monde avec Christ (1 Cor. 6:2 ; Ps. 2:9 ; Apoc. 2:26, 27).
Le Seigneur aura des compagnons de son gouvernement qui demeureront toujours
près du roi, comme jadis les compagnons de Salomon dans la maison de la forêt
du Liban, tandis que l’Éternel avait des sacrificateurs, demeurant avec Lui
dans son temple.
La troisième maison
est celle de l’épouse gentile, fille du Pharaon.
Il en est à peine dit davantage que de la maison habitée par le roi. Nous
savons seulement qu’elle était bâtie sur le plan du portique (*) de la maison du Liban. Nous avons dit plus haut
que l’union de Salomon avec la fille du Pharaon, ne préfigurait pas les
rapports du Seigneur avec l’Église, mais ceux des nations, autrefois oppresseurs
du peuple de Dieu, avec le Messie. Cette union, glorieuse sans doute, n’offre
pas la même intimité que celle du Messie avec Israël et, à bien plus forte
raison, de Jésus avec l’Église (**).
(*) Probablement du portique à colonnes.
(**) Cette relation est cependant beaucoup plus intime que celle avec les nations aux confins du royaume. Les nations forment diverses catégories. Sous le règne de Salomon, ce qui restait des Cananéens était employé à l’oeuvre servile (2 Chron. 2:17, 18 ; 8:7-9). Les nations, comme Tyr, coopéraient librement à cette oeuvre. L’Égypte et l’Assyrie, autrefois oppresseurs d’Israël, se tourneront vers l’Éternel, dans la période millénaire, et le serviront ensemble. « En ce jour-là, Israël sera le troisième, avec l’Égypte et avec l’Assyrie, une bénédiction au milieu de la terre ; car l’Éternel des armées le bénira, disant : Béni soit l’Égypte, mon peuple, et l’Assyrie, l’ouvrage de mes mains, et Israël, mon héritage (És. 19:24, 25).
Les v. 9-12 relient la gloire de ces maisons à celle du temple et de ses parvis intérieur et extérieur. Les mêmes pierres de prix étaient employées pour tous ces édifices. Leurs fondements étaient les mêmes. Aucun élément n’y entrait qui ne correspondît au caractère de l’Éternel et de Salomon.
Ces trois maisons et le temple nous donnent un aperçu de ce qui caractérisera le règne glorieux du Fils de Dieu, du Fils de l’homme et du Fils de David. On y trouvera une sphère céleste, la maison du Père, où un peuple de sacrificateurs demeurera avec Lui — une Assemblée glorieuse, la maison du Fils, sa demeure intime et son épouse. On y trouvera une sphère terrestre, une épouse gentile, participant aux bénédictions de l’alliance — un gouvernement de toutes les nations, soumises au sceptre du grand roi — sans parler d’Israël, si longtemps rejeté à cause de son infidélité, maintenant reçu en grâce, selon la nouvelle alliance, comme l’épouse juive bien-aimée, centre du gouvernement terrestre du Messie.
Salomon fit appeler de Tyr Hiram, afin de lui faire confectionner les objets d’airain destinés au parvis du temple. « Hiram était fils d’une femme veuve de la tribu de Nephthali, et son père était Tyrien, ouvrier en airain ».
Dans le désert, l’Éternel
avait choisi pour l’oeuvre du tabernacle, Betsaleël de Juda et Oholiab de Dan
(Ex. 35:30-35). Aux fils d’Israël seuls incombait alors l’ouvrage du
tabernacle. Le peuple, entièrement séparé des nations, ne pouvait avoir avec
elles aucune oeuvre commune. Sous Salomon, la scène change ; les nations réconciliées s’emploient au service
de Dieu avec son peuple
. L’oint de l’Éternel domine sur les unes et sur
l’autre. Hiram appartient aux deux par sa naissance ; l’alliance d’Israël
et des gentils forme sa parenté ; fait remarquable s’adaptant parfaitement
à la scène qui nous occupe.
Hiram « était rempli de sagesse et d’intelligence, et de connaissance pour faire tous les ouvrages en airain » (v. 14). Il est le représentant de l’Esprit de Dieu (És. 11:2) pour cette oeuvre.
Deux métaux, l’or et
l’airain, jouent un rôle prépondérant dans la construction du temple. L’or
est toujours le symbole de la
justice divine qui nous admet en la présence de Dieu. C’est par elle que nous
pouvons nous tenir devant Lui. Nous la possédons en Christ dans le ciel. L’airain
est le symbole de la justice de
Dieu, déployant sur la terre ce qu’il est pour l’homme pécheur. Les ustensiles
du temple étaient d’or, les ustensiles du parvis étaient d’airain et avaient
trait à la terre. Hiram n’est occupé que de l’airain.
Nous avons déjà fait
remarquer que le premier livre des Rois ne nous parle pas de l’autel d’airain,
dont cependant Hiram est l’artisan (conf. 2 Chron. 4:1). Cet autel représente
la justice de Dieu venant se manifester en faveur de l’homme pécheur, là où il
se trouve, et de manière à lui permettre de s’approcher
de Dieu,
en vertu du sacrifice offert sur l’autel. Le livre des Rois ne
développe pas ce point de vue. Il nous parle de demeurer avec Dieu
dans son temple, et quand il mentionne l’airain
ce n’est pas comme une figure de la justice divine par laquelle nous approchons
de Dieu, mais la manifestation aux yeux
du monde de cette justice qui caractérise le royaume et le gouvernement de
Salomon ou de Christ.
C’est en un mot la justice de Dieu, mais manifestée au-dehors en gouvernement.
Les
ustensiles du parvis, mentionnés dans notre chapitre, nous montrent ce qui est
nécessaire pour que cette manifestation ne soit pas entravée. L’Esprit de Dieu,
représenté par Hiram, s’emploie à cela. Nous trouvons donc, dans les chapitres
qui nous occupent, Dieu nous ouvrant sa maison pour que nous y habitions avec
Lui, Christ nous fournissant la justice divine (l’or) nécessaire à ce
but ; le Fils, comme roi de justice, manifestant la gloire de son royaume,
et l’Esprit agissant pour que cette justice soit manifestée aux yeux de tous
les hommes sur la terre, sans entrave.
Considérons maintenant les objets que Hiram fondit pour Salomon dans la plaine du Jourdain. Ils appartiennent tous, nous le répétons, au parvis du temple, c’est-à-dire à la manifestation extérieure du gouvernement glorieux de Christ.
Les colonnes d’airain,
placées devant le portique du temple, attiraient tout d’abord le regard. Elles
représentaient la manifestation extérieure des principes du royaume. Nous avons
déjà dit que, dans le temple, aucune autre colonne n’est mentionnée. Elles se
nommaient Jakin (il affermira)
et
Boaz (en lui est la force).
C’étaient
les deux grandes vérités, présentées en symbole à quiconque faisait partie du
règne béni de Salomon. Tout vient de Lui : la force est en Lui, en Lui
personnellement. Il se soutient par lui-même et n’a besoin d’aucune aide
extérieure, quelle qu’elle soit. Sa force est employée à affermir, au lieu
d’avoir besoin d’être affermie.
La bénédiction millénaire est basée sur ces deux principes ; notre bénédiction actuelle aussi.
Le trône de Salomon, son
gouvernement, les rapports de son peuple avec Dieu, son culte, tout était
fondé, en type, sur ce que Dieu avait fait ; Il avait établi
son règne. Mais, sous Salomon lui-même, la colonne
Jakin : Il établira,
non
pas : Il a établi, parlait d’un établissement futur,
dont le règne de Salomon n’était que la faible image. Quant
à la colonne Boaz : « En Lui est
la
force », c’est une chose passée, présente, future et éternelle. La force est en Lui.
Salomon, comme tout roi pieux en
Israël, devait comprendre cela. Du moment que le lien avec Dieu venait à se
rompre, ni le roi, ni le royaume, n’avaient plus aucune force.
Nous faisons aujourd’hui la même expérience. Philadelphie avait « peu de force », mais sa force était en Christ, car il avait la clef de David, et le Seigneur lui dit : Je t’établirai dans le temple de mon Dieu, et t’y ferai être une colonne. Tu seras un Jakin et un Boaz. Dans un temps futur, le pauvre résidu sans force sera reconnu publiquement. Christ, avec son incommensurable puissance, sera rendu admirable dans tous ceux qui auront cru.
Nous n’avons pas à attendre
une période future, pour en faire l’expérience,
car il est notre force aujourd’hui, comme il le sera toujours, mais le
temps viendra où les témoins de Christ seront établis et manifesteront d’une
manière glorieuse, tout ce qui leur appartiendra pendant l’éternité. « J’écrirai
sur lui le nom de mon Dieu et le nom de la cité de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem,
qui descend du ciel d’auprès de mon Dieu, et mon nouveau nom » (Apoc. 3:12).
Les colonnes se terminaient
en fleurs de lys, image, nous le pensons, de la gloire de ce règne à son début
(Matt. 6:28, 29). Détail caractéristique, elles portaient des centaines de grenades
à leur chapiteau. La grenade
nous semble être, dans la Parole, l’image du fruit porté pour Dieu. Le vêtement
du souverain sacrificateur était garni, sur son bord, de clochettes et de
grenades alternées (Ex. 28:31-35). Les clochettes représentent le témoignage,
les grenades, le fruit.
Ces dernières étaient « de bleu,
de pourpre et d’écarlate », le bleu, fruit céleste, la pourpre, fruit
correspondant à la dignité du Seigneur, et l’écarlate à sa dignité royale comme
Messie. Notre fruit doit porter le caractère de Christ, et être digne de
Lui ; il faut d’autre part qu’il corresponde à notre témoignage et lui
soit égal, comme les grenades égalaient en nombre les clochettes d’or. On
trouve souvent chez les chrétiens plus de clochettes que de grenades, plus de
paroles que de fruits.
Le fruit et le témoignage ne
peuvent être portés et rendus qu’en vertu de l’huile de l’onction, c’est-à-dire
du Saint Esprit,
qui « coule de la
tête d’Aaron jusqu’au bord de ses vêtements » (Ps. 133:2). Le bord du vêtement
de notre Souverain Sacrificateur, c’est nous-mêmes
qui ne pouvons prétendre au titre de chrétiens, si nous ne rendons pas
témoignage à Christ et ne portons pas du fruit pour Dieu, dans la puissance de
l’Esprit Saint.
Les grenades d’airain
ornaient le sommet des colonnes. Comment le
caractère divin peut-il être déclaré devant tous, sans porter un fruit abondant
de justice
? Le Seigneur veut
être couronné de fruit. Si la force est en Lui, c’est pour produire du fruit.
Il est le vrai cep ici-bas, et, comme tel, il n’a pas d’autre fonction. Tout le
soin qu’il prend des siens, toute sa discipline, ont pour but de les faire
porter du fruit. Il faut qu’il se montre à tous les yeux comme Celui qui le
produit.
L’Esprit de Dieu a dressé publiquement une colonne. Cette colonne est Christ. Il porte les siens, sans force si ce n’est en Lui. « Hors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Ce que Dieu établit, ce qui tire sa force de Christ, porte nécessairement du fruit en abondance. Notre passage s’applique proprement au fruit de justice manifesté sous le règne et le gouvernement du Seigneur.
S’agit-il du règne de
Salomon, les colonnes d’airain n’ont pu être conservées à cause de l’infidélité
du roi et de ses successeurs. Elles ont été brisées par les Chaldéens (Jér.
52:17-23). Son royaume n’a pu être établi, parce qu’il n’a pas cherché sa force
en Dieu, mais si les colonnes matérielles ont disparu, les colonnes morales
demeurent : le jour viendra, où l’Éternel en qui
est la force, montrera aux yeux de tous qu’il a établi
en justice un royaume qui ne sera jamais ébranlé. Alors il
sera dit : « L’Éternel règne, il s’est revêtu de majesté ; l’Éternel
s’est revêtu, il s’est
ceint de
force
: aussi le monde
est affermi, il ne sera pas ébranlé. Ton trône est établi
dès longtemps ; tu es dès l’éternité » (Ps. 93:1,
2).
Après les colonnes, le parvis du temple contenait la mer d’airain. Il nous est dit expressément (1 Chron. 18:8) que Salomon « fit la mer d’airain, les colonnes et les vases d’airain » avec l’airain pris par David des villes d’Hadarézer. L’airain, nous l’avons vu, représente ici la justice de Dieu, venant rencontrer l’homme où il se trouve pour le délivrer et se manifester au-dehors, telle qu’on la verra sous le règne glorieux de Christ. Cette justice se montre ici dans l’anéantissement de la puissance de l’ennemi que David avait vaincu. Nous savons que cela eut déjà lieu à la croix de Christ, mais, sous son règne de justice, la puissance de Satan, lié pour mille ans, sera annulée, afin qu’elle n’entrave plus la purification pratique des saints qui serviront le Seigneur.
La mer d’airain diffère de
l’autel d’airain. Ce dernier représente la justice divine venant rencontrer
l’homme pécheur pour expier
son péché
par le sang de la victime et le purifier
par
la mort, en sorte qu’il puisse s’approcher de Dieu. C’est du côté percé de
Christ que sont sortis le sang
qui
expie et l’eau
qui purifie. Sous la
loi, le lavage des sacrificateurs lors de leur consécration, correspond à la purification par la mort
. Ils étaient lavés tout entiers et une fois pour toutes
(Ex. 29:4 ;
Lév. 8:6). Cette cérémonie ne se faisait pas dans la cuve d’airain, ni dans la
mer d’airain. Elle n’était jamais répétée. Elle figurait le « lavage de la
régénération » (Tite 3:5), la mort du vieil homme et la purification qui place
le croyant dans une position entièrement nouvelle, celle de Christ devant Dieu
(conf. Jean 13:10).
La mer d’airain servait à la purification journalière des sacrificateurs
. Ils y lavaient leurs mains et leurs
pieds. Ils étaient ainsi qualifiés pour accomplir leur service et demeurer (car
il s’agit toujours dans ce livre de demeurer, non de s’approcher) où demeurait
l’Éternel. De même, les disciples ne pouvaient avoir aucune part avec Christ,
dans la maison du Père, s’il ne lavait leurs pieds (Jean 13:8). Ce lavage
s’opère par la parole de Dieu en vertu de l’intercession de Christ comme
avocat. Sous la loi, ce lavage s’appliquait aux mains et aux pieds,
c’est-à-dire aux oeuvres et à la marche. Sous la grâce, il ne s’applique qu’à
la marche, car nous avons été purifiés des oeuvres mortes pour servir le Dieu
vivant, et cela a eu lieu une fois pour toutes, ce que la loi ne pouvait faire.
La cuve d’airain
du tabernacle diffère en quelque mesure de la mer
d’airain du temple. Nous venons de voir que cette dernière était la
manifestation de la justice divine brisant la puissance de l’ennemi pour rendre
possible la purification journalière des sacrificateurs. Au désert, cette
victoire n’était pas remportée. La cuve ne fut pas fondue avec l’airain pris à
l’ennemi, mais avec « les miroirs des femmes qui s’attroupaient à l’entrée de la
tente d’assignation » (Ex. 38:8). Ce passage fait allusion à ce qui suivit le
péché du veau d’or. Moïse avait dressé une tente hors du camp et l’avait appelée
la « tente d’assignation ». Tout le peuple devait, en signe d’humiliation, se
dépouiller de ses ornements, et ceux qui cherchaient l’Éternel sortirent vers
la tente d’assignation, hors du camp (Ex. 33:4-7). Les miroirs des femmes
d’Israël repentantes servirent à confectionner la cuve d’airain. Elles venaient
reconnaître leur péché et s’en humilier ; elles se dépouillaient de ce
qui, jusqu’alors, avait servi à leur vanité. Comment se seraient-elles encore
complues à considérer leurs faces naturelles ? Elles ne voulaient, ne
pouvaient plus se voir. Elles se jugeaient réellement elles-mêmes, leur
égoïsme, leur légèreté, tout ce qui avait contribué à leur faire abandonner
Dieu pour une idole. Il fallait que ce
qui les représentait dans leur état de péché fût anéanti. La cuve d’airain
est
donc la justice de Dieu prononçant le jugement sur le vieil homme,
mais afin que le croyant puisse obtenir la
purification pratique et journalière par la Parole. Pour nous délivrer, cette
justice s’est exercée sur Christ. C’est en Lui que nous réalisons maintenant le
« connais-toi toi-même », impossible à l’homme pécheur.
L’obstacle que la chair et
Satan opposaient à notre purification journalière étant ôté, l’eau
de la mer d’airain nous apprend
que, sans cette purification, nous ne pouvons avoir communion avec Dieu, dans
notre service et notre marche, et que toute manifestation de la chair doit être
supprimée dans la pratique.
En Apoc. 4:6, nous retrouvons
la mer, comme dans le parvis de Salomon, mais une « mer de verre, semblable à du
cristal ». C’est le résultat définitif de la justice qui a remporté la victoire
sur Satan et l’a anéanti. Ceux qui se tiennent là devant Dieu, s’y trouvent
dans une condition permanente de sainteté et de pureté, ayant atteint leur
caractère immuable et, pour ainsi dire, cristallisés pour toujours. On ne peut
plus se laver dans la mer de cristal ; on est
ce qu’elle représente, devant Dieu, éternellement.
En Apoc. 15:2, nous trouvons
de nouveau une scène céleste. C’est une mer de verre, mêlée de feu,
sur laquelle se tiennent les vainqueurs de la Bête et
de son image. Ce sont les fidèles d’entre les nations qui, après avoir traversé
la tribulation et tenu ferme jusqu’au martyre, ont part à la première
résurrection. Ils ne possèdent la pureté absolue et définitive qu’après avoir
subi le baptême du feu.
Revenons à la mer d’airain. Elle était posée sur douze boeufs regardant, trois par trois, les quatre coins de l’horizon. Le boeuf est l’un des quatre animaux qui forment les attributs du trône (Apoc. 4), et représentent les qualités actives de Dieu, les principes de son gouvernement. Le boeuf, comme nous l’avons déjà vu, est la fermeté et la patience de Dieu dans ses voies. Les douze boeufs d’airain sont la manifestation complète et en tout sens de la patience de Dieu dans ses voies, par lesquelles il a réussi à amener Israël sous le sceptre du Messie, en le rendant capable de se tenir dans la sainteté devant Lui. Cela ne signifie pas que dans le règne millénaire, dont celui de Salomon est le type, la purification d’un peuple de sacrificateurs ne soit plus nécessaire. Le péché n’aura pas encore été ôté du monde. Sans doute, il sera restreint, et ses manifestations empêchées, car Satan sera lié, mais la chair ne sera pas changée (elle ne peut l’être), encore moins abolie (elle le sera), et l’eau de la mer d’airain, la Parole entre les mains du Christ Souverain Sacrificateur, aura toujours sa vertu purifiante.
Il est intéressant de
constater que la mer
n’est pas mentionnée dans le temple d’Ézéchiel, non
qu’elle ne s’y trouve pas, mais son importance est comme reléguée à
l’arrière-plan. Par contre, l’autel
y domine, et quoique le sacrifice
pour le péché y soit offert, le rôle principal y est donné à l’holocauste et au
sacrifice de prospérités.
Comme les colonnes, la mer
fut brisée par les Chaldéens (Jér. 52:20).
La mer d’airain servait à la
purification des sacrificateurs, les dix cuves, cinq à droite, cinq à gauche du
parvis, à « laver ce qu’on préparait pour l’holocauste
» (2 Chron. 4:6).
Nous voyons en Lév. 1:9, que le sacrificateur lavait avec de l’eau « l’intérieur
et les jambes » de la victime. Il fallait que ce type correspondît à la réalité
future, à l’offrande de Christ à Dieu dans une pureté parfaite. Celui qui s’est
offert en odeur de bonne senteur était la sainteté même et n’avait nul besoin
d’être lavé, mais le type
devait l’être, afin de pouvoir montrer la
perfection de l’offrande de Christ.
L’holocauste représente le
sacrifice de Christ s’offrant à Dieu, le glorifiant dans tout ce qu’il est, et
cela, à l’égard du péché. Selon la perfection de ce sacrifice, Dieu peut nous
recevoir. La victime ne devant présenter à Dieu aucune souillure, il fallait
démontrer qu’elle était parfaite, que cette pureté s’étendait non seulement à la
conduite, mais à tout « l’intérieur » de l’offrande. Cette vérité était présentée
par l’eau des cuves. La « mer unique » lavait les sacrificateurs. Tous avaient
recours à ce seul moyen pour être purifiés des souillures de leur marche ;
Christ, fait péché, est la source de la purification des siens ; sa Parole
en est le moyen. Il fallait dix cuves
pour laver les victimes qui
devaient représenter la pureté devant Dieu ; elles étaient, nous n’en
doutons pas, le symbole de la pureté absolue de Christ.
Les cuves n’appartenaient pas
au tabernacle du désert, quoique ce dernier offrît, sans doute, des vases
propres à laver l’holocauste (Ex. 27:19 ; 38:30). Elles
manifestaient dans le royaume la perfection de l’holocauste, fondement de
l’acceptation du peuple devant Dieu.
Cette pureté, cette sainteté du
sacrifice, satisfaisaient à toutes les exigences du gouvernement de Dieu. Aussi
voyons-nous les bases
et les chapiteaux des bases
sur lesquelles les
cuves étaient posées, proclamer par leurs ornements tous les attributs de ce
gouvernement (*).
(*) Sauf les aigles. Nous avons déjà dit plus haut que la promptitude des jugements n’avait pas de rapport avec un règne de justice et de paix.
Sur les bases mêmes étaient
sculptés « des lions, des boeufs et des chérubins » (*) ;
la force, la patience et l’intelligence divines. L’holocauste est présenté pur selon ces choses.
Il est manifesté
qu’elles ont été employées à établir une offrande selon laquelle le peuple
pouvait être agréé de Dieu, étant identifié avec la victime. On pouvait lire
sur les « bases », ce qu’était le Dieu qui avait fourni à son peuple un moyen de
demeurer avec Lui.
(*) Ces derniers portent
simplement ici la figure humaine, comme sur les murailles du temple. En Ézéch.
41:19, ils ont deux faces, celle d’un lion et celle d’un homme, la puissance et
l’intelligence qui caractérisent seules le règne de Christ définitivement
établi. En Ézéch. 1, les quatre animaux ont chacun quatre faces, car il était
question de caractériser le trône de Dieu en jugement
.
Ces cuves, continuellement
poussées sur leurs roues, venaient se placer à la portée de la plateforme de
l’autel, afin que les victimes fussent continuellement
présentées comme pures.
Le chapiteau, c’est-à-dire le couronnement de la « base », ne portait plus que des chérubins (hommes), et des lions avec des palmiers, comme sur les murailles du temple d’Ézéchiel (*) (Ézéch. 41:18, 19). La force et l’intelligence couronnent le fondement des voies de Dieu en gouvernement. Si Salomon était fidèle, il n’était plus besoin de patience ; elle était arrivée à ses fins. La force et l’intelligence divines auraient pu alors, comme dans le temple millénaire, regarder du côté des palmiers, symboles de triomphe et de protection paisible. Paix sur la terre ! Le règne de paix était établi en justice ; les cuves de l’holocauste le proclamaient, comme les murailles du temple.
(*) Dans notre livre, les murailles portaient en outre des fleurs entrouvertes, peut-être parce que ce n’était pas encore le plein épanouissement du règne. Ces fleurs entrouvertes manquent en 2 Chron. 3:5-7.
Dieu avait été glorifié par l’holocauste. Tout ce qu’il était avait été manifesté par l’offrande sainte, et cela était déclaré publiquement. Sous le règne glorieux de Salomon, le peuple d’Israël avait partout ces choses devant les yeux, mais ce règne, confié à la responsabilité de l’homme, allait-il pouvoir se maintenir ?
Il est à remarquer que les cuves, dont il est fait une simple mention en 2 Chron. 4:6, sont décrites ici dans le plus grand détail, parce qu’il s’agit de la manifestation extérieure de ce que Dieu est dans son gouvernement et dans son royaume. Cette manifestation de Dieu se montre en Christ qui règne à la vue du monde.
Ici se termine l’oeuvre
d’Hiram. Elle était, en type, le
développement, dans ce monde, par la puissance du Saint Esprit, de ce que
Christ est, et de ce qu’est Dieu lui-même dans son gouvernement.
Les objets d’or
sont présentés, ainsi qu’en 2 Chron. 4, comme étant
l’ouvrage, non de Hiram, mais de Salomon. Salomon s’occupe de tous les objets
par lesquels est montrée la justice divine dans son essence glorieuse. Christ
seul peut la manifester. L’intercession (autel d’or), la présentation en Christ
(table de proposition), la lumière de l’Esprit (chandelier), les moindres ustensiles
du sanctuaire, correspondent à cette justice établie par Lui. Les portes même
du sanctuaire tournent sur des gonds d’or : sans justice divine, comment
entrer dans le lieu très saint et y demeurer ?
Nous avons vu dans ce chapitre la manifestation extérieure du royaume, et, comme y appartenant, un temple glorieux qui correspond en figure à la partie céleste de ce même royaume, et dans lequel les sacrificateurs habitent avec Dieu.
Tout ce qui avait été préparé sous le règne de la grâce, vient orner la maison de l’Éternel sous le règne de la gloire. Le plan du tout provenait de David et non de Salomon, encore moins de Hiram, comme le prétendent les rationalistes (1 Chron. 28:11-13). Le premier règne avait préparé la gloire du second. Un Christ souffrant et rejeté inaugure un Christ glorieux. Ce que David avait fait était moindre en apparence que l’oeuvre de Salomon, les matériaux moindres que l’ouvrage définitif, mais en réalité le travail de David servait de base indispensable à ce qui représente toute la bénédiction millénaire.
Le temple ayant été édifié et tous ses ustensiles mis en place, il faut que Celui pour lequel Salomon a établi toutes ces choses, vienne lui-même habiter sa maison et que son trône y soit transporté. Le temple était bâti sur la montagne de Morija à la place où David avait érigé son autel dans l’aire d’Ornan, Jébusien. Jusqu’ici l’arche avait habité sous des tapis en Sion, la ville de David. Salomon, avec tous les hommes d’Israël, tous les anciens, tous les chefs de tribus et les sacrificateurs, s’emploie à la faire monter de là dans le temple. Ce n’est plus « l’élite d’Israël » (2 Sam. 6:1), comme au temps de David ; le peuple entier assiste à cette fête complète et définitive. Définitive en effet, puisque la dédicace du temple a lieu dans les grands jours de la fête des tabernacles qui clôt toute la série des fêtes juives (Lév. 23). C’était en effet « la fête » par excellence, « la fête au mois d’Ethanim, qui est le septième mois ». Cette fête comprenait proprement sept jours, suivis d’un huitième qui était « le grand jour de la fête » (Jean 7:37). Elle avait lieu après la moisson et la vendange, figures du jugement. Elle était le symbole anticipé de ce merveilleux règne de Christ où le peuple habitera en joie et en sécurité sous ses tentes, en souvenir des épreuves, à jamais passées, du désert. C’est la joie millénaire, après les quarante années de châtiment que la rébellion du peuple avait attirées sur lui.
Le huitième jour, le grand
jour, le nouveau jour, le jour de la résurrection et de la nouvelle création,
est ajouté à la fête parce que ceux qui seront ressuscités auront une part
spéciale à cette joie. C’est le jour céleste s’ajoutant aux jours terrestres.
Quand David ramena l’arche en la cité de David, c’était bien plutôt une « fête
des trompettes » (2 Sam. 6:15), préparation du jour solennel de Salomon. Ici, le
jour même s’est levé dans sa gloire. Les sacrificateurs en ont fini avec
l’état, misérable en somme, de Gabaon. Tous les ustensiles du lieu saint,
l’autel, et jusqu’à la tente (v. 4, 64), sont maintenant réunis au lieu où
l’arche se trouve. C’est la fin du tabernacle
; il n’en est dès lors plus parlé. En
cette grande fête, le souvenir
du
Dieu dont la tente s’était associée au pèlerinage d’Israël, demeure seul. Dieu
a enfin trouvé un lieu de repos définitif au milieu de son peuple (*).
(*) Remarquons seulement
qu’en tout ceci, nous sortons proprement de l’enseignement du premier livre des
Rois, pour entrer dans celui du second livre des Chroniques. De fait, notre
chapitre omet les paroles : « Lève-toi, pour entrer dans ton repos, toi et
l’arche de ta force » ; il omet le cantique millénaire : « Célébrez
l’Éternel, car il est bon, car sa bonté demeure à toujours » (conf. 2 Chron.
6:41 ; 7:3, 6). Il ne fait mention du huitième jour que pour nous dire
qu’en ce jour Salomon renvoya le peuple (1 Rois 8:66), tandis que le second
livre des Chroniques insiste sur la fête solennelle du huitième jour après la
première semaine de dédicace de l’autel, et la deuxième semaine de la fête (2
Chron. 7:8-10). Tout cela nous montre clairement que Dieu a un but différent
dans les deux récits. La fête du premier livre des Rois est nécessairement
incomplète, puisque le roi responsable
occupe le premier plan ;
celle du second livre des Chroniques est complète, puisque ce livre nous
présente le roi selon les conseils de Dieu, type, par conséquent, bien plus
complet de Christ. Le repos en 1 Rois est plutôt la fin d’une période de
l’histoire du roi responsable. Dieu montre que la période de la grâce, ayant
été complète sous David, Il peut se reposer définitivement sous Salomon, à une
seule condition, c’est que le roi soit fidèle.
En ce jour sont offerts des sacrifices innombrables, holocaustes, offrandes de gâteau et sacrifices de prospérités (v. 64). La joie de la communion domine surtout : Salomon offre, rien que pour le sacrifice de prospérités, vingt-deux mille boeufs et cent vingt mille moutons, et l’autel d’airain étant trop petit pour toutes ces offrandes, il sanctifie pour les sacrifices le milieu du parvis.
L’arche de l’alliance est introduite en son lieu, avec les chérubins tirés du propitiatoire, qui sont les témoins de cette alliance, avec les chérubins debout, rejoignant leurs ailes, qui en sont les gardiens. Du côté de l’Éternel, rien ne manquait ; tout était assuré ; Dieu veillait fidèlement à l’exécution de sa volonté ; mais à quoi cela servait-il sous l’ancienne alliance, si le peuple, pris à partie, y était infidèle ? Il n’en sera plus ainsi quand l’Éternel fera avec Israël une nouvelle alliance, toute de grâce, inconditionnelle, et où la responsabilité du peuple n’entrera nullement en ligne de compte.
Les chérubins couvraient non
seulement l’arche, mais ses barres.
Du
côté de Dieu, le repos que donnait l’alliance était tout aussi assuré que
l’alliance elle-même. Les barres de l’arche, témoins des pérégrinations de
cette dernière à travers le désert, sont désormais inutiles et ne serviront
plus ; elles restent, comme témoins du passé, dans le lieu même du repos.
En 1 Rois, nous avons déjà dit pourquoi on ne trouve pas de voile, comme en 2
Chroniques, mais, dans les deux cas, « les bouts des barres se voyaient depuis
le lieu saint, sur le devant de l’oracle, mais ils ne se voyaient pas du
dehors » (v. 8). C’était manifestement le repos de Dieu, et il avait d’autant
plus de prix qu’il était accompagné du souvenir permanent de ce qui l’avait
précédé. Seulement, pour être assuré de ce repos et en jouir, il fallait entrer
dans le lieu saint. Ceux de dehors ne pouvaient s’en rendre compte. Le repos
définitif avec Dieu est le partage de ceux qui demeurent avec Lui, des
sacrificateurs qui habitent dans sa maison.
D’autres choses encore
caractérisaient la traversée du désert, en rapport avec l’arche ; des
bénédictions y étaient précieusement conservées. La cruche d’or qui contenait
la manne et la verge d’Aaron qui avait fleuri, ne se trouvaient plus dans
l’arche, au moment où Salomon l’introduisit dans le temple de Dieu (v. 9 ;
cf. Héb. 9:4). Dans le désert, Dieu se faisait connaître comme un Dieu de
miséricorde malgré la sévérité de la loi, cachant sous le propitiatoire la loi
qui condamne, établissant la grâce à l’ombre des chérubins, attributs du
jugement divin ; gardant sous ses yeux, avec cette loi terrible, la gloire
d’un Christ descendu ici-bas comme le vrai pain du ciel, pour nourrir son
peuple, mais ressuscité et revêtant son humanité (la manne) d’un corps glorieux
(la cruche d’or), maintenant caché dans le lieu le plus secret du tabernacle,
gardant aussi la verge de la sacrificature, seule capable (à l’encontre de
Coré) de conduire le peuple sain et sauf à travers le désert. Ces deux objets,
la manne et la verge d’Aaron, ne seront plus nécessaires sous le régime
millénaire, comme nous le voyons ici en figure. L’alliance sera gardée,
Dieu étant la seule partie
contractante ; la sacrificature n’aura plus Aaron, mais Melchisédec pour
type, et ses fonctions seront de bénir ; la gloire de Christ homme, au
lieu d’être cachée dans le sanctuaire, sera manifestée aux yeux de tous en la
personne du vrai Salomon.
« Et il arriva que, comme les
sacrificateurs sortaient du lieu saint, la nuée remplit la maison de
l’Éternel ; et les sacrificateurs ne pouvaient pas s’y tenir pour faire le
service, à cause de la nuée, car la gloire de l’Éternel remplissait la maison
de l’Éternel » (v. 10, 11). Frappante image de ce qui ne pouvait être obtenu,
même sous le régime le plus glorieux de la loi. La présence de Dieu excluait
celle des sacrificateurs. Dans le sanctuaire céleste, les sacrificateurs
pourront se tenir en présence de la gloire, y habiter et y avoir part, mais
même ce que nous avons déjà maintenant
en Esprit, ne pourra être égalé
dans le temple millénaire.
C’est ce que Salomon commence par établir au v. 12 : « L’Éternel a dit qu’il habiterait dans l’obscurité profonde ». L’accès n’était pas ouvert. Le régime du temple de Jérusalem restait le même que celui du tabernacle. Le voile, s’il n’est pas mentionné ici, n’en subsiste pas moins (2 Chron. 3:14). Cependant Salomon savait que ce n’était pas le dernier mot des conseils de Dieu, et il lui avait bâti une maison, un lieu fixe, afin qu’il y demeurât à toujours (v. 13).
Après avoir tourné sa face vers Dieu, le roi la tourne vers la congrégation d’Israël. Il remplit le rôle de Melchisédec tandis que la sacrificature aaronique ne peut se tenir dans le sanctuaire. Il bénit toute la congrégation d’Israël, ensuite (v. 15) il bénit l’Éternel. Il rappelle que les grâces assurées de David sont le point de départ de la gloire de son royaume, alors même que cette gloire va dépendre de l’alliance légale. Dieu avait accompli envers le roi de gloire tout ce qu’il avait promis au roi rejeté et souffrant. On trouve ici en Salomon, comme en Christ, l’accomplissement de toutes les promesses, parce que David, le roi rejeté, objet de la faveur spéciale de Dieu, avait marché ici-bas, n’ayant qu’un but et qu’une pensée : trouver un lieu de repos pour le trône glorieux de l’Éternel. Christ, à travers toute son affliction, n’avait à coeur que de glorifier Dieu, là où le péché l’avait déshonoré. À cause de cela, le Père l’aimait et l’a prouvé en l’élevant dans la gloire.
Cette magnifique maison avait été bâtie pour y loger l’arche de l’alliance (v. 21). La responsabilité du peuple allait être mise à l’épreuve sous un nouveau régime, inconnu jusqu’alors, celui de la gloire, mais où les tables de la loi restaient la règle de cette responsabilité. Il en sera de même dans le millénium, seulement Satan sera lié pendant la durée de ce règne ; les hommes ne seront plus séduits par ses ruses, et le règne de justice les forcera à se plier à ses exigences.
(v. 22-30). Salomon remplit
réellement ici le rôle de sacrificateur. Il se tient devant l’autel
, en
face de toute la congrégation d’Israël. Là, il étend les mains vers les cieux
et prend le caractère d’intercesseur
. Il est bien, comme nous l’avons
dit, le type de Melchisédec, roi de justice et roi de paix. Comme Melchisédec,
il reconnaît et proclame en l’Éternel, Dieu d’Israël, le Très-haut, possesseur
des cieux et de la terre. Il reconnaît que Dieu garde son alliance (Israël ne
l’avait pas gardée) et sa bonté
(v. 23). Sans cette dernière, garder son
alliance, était la condamnation définitive du peuple. Toutefois cette bonté
même était selon l’alliance de la loi : Dieu la gardait envers ceux qui
« marchaient devant Lui de tout leur coeur ».
Et maintenant il supplie Dieu
de tenir à David ce qu’il lui a promis (v. 25). Toute la fidélité de Dieu
envers les siens dépend de ce qu’il a promis à Christ. On entrerait ici sur le
terrain de la grâce pure, s’il n’y avait pas un si
. « Tu ne manqueras
pas, devant ma face, d’un homme assis sur le trône d’Israël, si seulement
tes fils prennent garde à leur voie,
pour marcher devant moi comme tu as marché devant moi ». Comme ce « si seulement »
nous condamne tous ! Il a condamné absolument le sage Salomon, à bien plus
forte raison nous, chétifs. Sous le régime de la responsabilité pour acquérir
quoi que ce soit de l’Éternel, nous sommes condamnés d’avance. Il va sans dire
que la grâce aussi entraîne une responsabilité pour ceux qui appartiennent à
son régime, mais cette responsabilité est tout autre. Elle peut se traduire par
ces mots : « Soyons ce que nous sommes », tandis que la responsabilité
légale dit : « Devenons ce que nous devons être ».
Mais, ajoute Salomon (v. 27) :
« Dieu habitera-t-il vraiment sur la terre ? » Même dans le millénium, cela
ne sera pas. Dieu, comme tel, habitera au-dessus de la terre dans son
Assemblée, la nouvelle Jérusalem. Pour qu’il habite sur la terre avec les
hommes, il faut attendre les cieux et la terre éternels d’Apoc. 21:3. Salomon,
sachant ces choses, demande à Dieu que « son nom
soit là », ce nom qui représente pour la foi sa personne elle-même.
Il demande que, du lieu de son habitation dans les cieux, Dieu écoute le roi,
son serviteur, et son peuple Israël, quand ils se tourneront vers Sa maison. Il
exprime en même temps le sentiment que l’un et l’autre ont besoin de
pardon : « Écoute et pardonne !
»
Salomon entre ensuite dans l’énumération des cas divers où ces prières et cette intercession s’adresseraient à l’Éternel.
1° Le premier cas (v. 31, 32)
est individuel.
C’est la demande à
Dieu de condamner le méchant quand le serment lui est imposé devant l’autel, « dans cette maison
» —
et de justifier le juste. La présence de Dieu dans sa maison rend
l’iniquité impossible. Nous avons ici la vérité simple et générale de la
rétribution individuelle, comme elle est connue sous la loi, quand Dieu a
consenti à venir habiter au milieu d’un peuple dans la chair.
2° Il admet le cas (v. 33,
34) où le peuple
ayant péché contre
l’Éternel, celui-ci suscite contre lui des ennemis pour le battre. Si le peuple
se repent et recherche l’Éternel dans Sa
maison,
Dieu lui pardonne et le fait retourner dans son pays.
3° Il suppose que des plaies,
sécheresse, famine, sauterelles, assauts de l’ennemi, etc., s’abattent sur le
pays, à cause de l’infidélité de ses habitants. S’il y a repentance dans leur
coeur, qu’il suffise de la supplication d’un
seul.
quand ils étendront leurs mains vers
la maison
; que Dieu écoute alors des cieux et pardonne, mais en
donnant à chacun selon ses voies, afin que Lui soit craint. C’est toujours la
loi, avec le mélange de miséricorde qu’elle peut comporter, si Dieu trouve de
la réalité dans le coeur (v. 35-40).
4° Il y a aussi des
ressources pour l’étranger
(v.
41-43) : il vient de loin, entendant parler du grand nom et de la
puissance de l’Éternel, et lui adresse sa requête, tourné vers la maison.
Dieu l’écoute dans les cieux et l’exauce, car le
roi veut que tous les peuples de la terre, aussi bien qu’Israël, son peuple,
connaissent le nom de l’Éternel et le craignent. Ici, point de jugement, point
de bénédiction conditionnelle. L’étranger, en dehors du cercle de la loi,
s’approche de Dieu par la foi et reçoit une pleine bénédiction. C’est, en quelques
mots, un beau tableau de la bénédiction millénaire des nations, dont les
privilèges découlent du fait que Dieu a sa maison à Jérusalem, au milieu de son
peuple.
5° Ici (v. 44, 45), nous
trouvons, non pas les manquements du peuple, mais Israël agissant selon la
volonté de Dieu et guidé par cette volonté pour faire la guerre à ses ennemis.
Ce fait est remarquable. Quand les nations reconnaîtront le Dieu d’Israël, ce
peuple lui-même sera un peuple de franche volonté pour combattre les ennemis de
l’Éternel. La maison
sera désormais
le centre de bénédiction et de force du peuple.
6° Les versets 46-53
mentionnent la fin de leur histoire comme peuple responsable. Ils sont emmenés
en captivité
à cause de leur péché.
Salomon est ici prophète.
Il anticipe
ce qui arrivera nécessairement à ce peuple sous la loi, car
il n’y a point d’homme qui ne pèche. Cependant une ressource
subsiste encore. La maison
est là, et
Dieu ne peut renier ses promesses. Ce n’est pas à la loi que Salomon en réfère,
mais à la grâce. Par pure grâce, le Dieu des promesses avait sauvé son peuple
d’Égypte — pourrait-il renier cette grâce, même sous le régime de la loi ?
Ils sont son peuple ; Dieu les abandonnera-t-il ? Non, s’ils se
tournent repentants vers le pays, la ville et la maison, Dieu les écoutera.
Daniel en est l’exemple (Dan. 6:10). Il restait debout, au milieu du désastre,
seul juste qui priât pour le peuple et s’humiliât pour lui, et Dieu ne l’a-t-il
pas écouté ? Mais un plus grand que Daniel, Salomon, le roi de gloire
lui-même, était là. Il dit à Dieu : « Tes yeux étant ouverts à la
supplication de ton servi
teur et à la
supplication de ton peuple Israël ». Et ce Salomon lui-même n’est que la faible
image du vrai roi, du vrai serviteur de l’Éternel. L’intercession de Christ
fait que Dieu reçoit de nouveau ce peuple. Il le restaure pour sa gloire à Lui
qui a fait les promesses et pour la gloire de son Bien-aimé. Ainsi la
restauration future du peuple dépend du fait que le Serviteur juste de
l’Éternel est devant Lui, et du fait que Dieu ne peut renier son caractère de
grâce, manifesté bien avant la loi.
Un autre trait
caractéristique : Salomon remonte, dans sa supplication, au-delà de David,
jusqu’à Moïse. Plus le peuple de Dieu s’est éloigné de Lui, plus la foi
retourne à ce qui fut établi au commencement. Les voies de Dieu envers son
peuple peuvent se modifier suivant la fidélité ou l’infidélité de ce dernier,
en sorte qu’une manière d’agir de Dieu peut convenir à une période de son
histoire et ne pas convenir à l’autre, mais les conseils de Dieu ne changent
jamais ; ses desseins restent d’éternité. C’est ce qui fait dire à
l’apôtre, à la fin de sa carrière, quand déjà la ruine de l’Église était
manifeste : « Paul, esclave de Dieu, et apôtre de Jésus Christ, selon la
foi des élus de Dieu et la connaissance de la vérité qui est selon la piété,
dans l’espérance de la vie éternelle que Dieu, qui ne peut mentir, a promise avant les temps des siècles
»
(Tite 1:1, 2). C’est aussi ce qui fait dire à Salomon : « Tu les as mis à
part en les séparant de tous les peuples de la terre pour être ton héritage,
selon ce que tu as dit par ton serviteur Moïse, quand tu fis sortir d’Égypte
nos pères, ô Seigneur Éternel ! » (v. 53). Il en est toujours ainsi. La
foi, dans les temps les plus sombres, trouve son refuge assuré dans « ce qui
était dès le commencement » (1 Jean 1:1 ; 2:7, 13, 14, 24 ; 2 Jean 5,
6). « Pour vous
,
que ce que
vous avez entendu dès le commencement demeure en vous ! »
(v. 54-66). Salomon était à genoux devant l’Éternel pour intercéder en faveur du peuple ; il se relève maintenant pour bénir toute la congrégation d’Israël. Il loue Dieu avant tout, de ce qu’il a donné du repos à son peuple, repos qui dépend de celui dans lequel l’Éternel vient d’entrer, Lui et l’arche de sa force. Le roi reconnaît l’accomplissement absolu de toute la parole de Dieu ; « Pas un mot de toute sa bonne parole qu’il prononça par Moïse, son serviteur, n’est tombé à terre » (v. 56). Il présente ses propres paroles d’intercession, comme un motif pour que Dieu bénisse son peuple, et le résultat de cette bénédiction doit être « que tous les peuples de la terre sachent que l’Éternel, lui, est Dieu, qu’il n’y en a pas d’autre » (v. 60). La chose sera réalisée dans le règne millénaire de Christ vers lequel toute cette histoire, comme nous l’avons souvent remarqué, nous reporte constamment. Seulement, pour que cette bénédiction ait lieu, il faut que « le coeur d’Israël soit parfait avec l’Éternel, notre Dieu, pour marcher dans ses statuts et pour garder ses commandements ». Toujours la condition légale, à laquelle il était impossible au roi et au peuple faillibles de satisfaire, et qui a trouvé son accomplissement en Christ seul.
Ce passage termine la deuxième partie de l’histoire de Salomon.
La première, chap. 1:2, nous raconte la proclamation de la royauté et le principe sur lequel elle s’établit : le jugement exécuté sur ceux qui avaient déshonoré Dieu sous le règne de David.
Les chap. 3 à 9:9, nous
présentent l’histoire intérieure
de ce règne glorieux.
Aux chap. 3, 4, l’origine de cette histoire, Gabaon ; les principes et l’ordre du royaume ; le caractère de perfection morale du roi.
Aux chap. 5-8, la sagesse du roi est employée à donner à l’Éternel un lieu de repos digne de Lui, au milieu du peuple qui lui est assujetti. La construction du temple est l’événement central du règne de Salomon ; puis vient la construction des palais du roi, les nations associées au peuple de Dieu. Enfin, comme nous l’avons vu au chap. 8, la dédicace du temple avec la fête des tabernacles, préfigurant le repos du peuple autour de l’Éternel, pendant le règne du Messie, et Salomon lui-même se présentant dans son caractère de Melchisédec et d’intercesseur.
Cette histoire intérieure se
termine par une nouvelle apparition
de l’Éternel. Il apparaît à Salomon
dans un songe, comme il lui était apparu à Gabaon. Il lui donne selon sa
requête : « J’ai entendu ta prière et la supplication que tu as faite
devant moi ; j’ai sanctifié cette maison que tu as bâtie, pour y mettre mon
nom à jamais ; et mes yeux et mon coeur seront toujours là » (v. 3). C’est
une réponse inconditionnelle à ce que Salomon, comme type de Christ, a fait
pour l’Éternel. Ce dernier reçoit ce que Salomon a bâti, comme étant à jamais
établi sous ses yeux.
Mais immédiatement, comme dans tout ce livre, suit la question de la responsabilité qui est précisément l’opposé de la première. S’agit-il de Salomon type, tout est assuré ; s’agit-il de Salomon responsable, tout est mis en question. Son trône ne peut être affermi à toujours que s’il est droit et fidèle ; sa postérité ne peut être établie qu’à cette condition. Qu’Israël soit infidèle, ainsi que son roi, qu’ils se prosternent devant d’autres dieux, et rien ne subsistera de ce que le Seigneur avait établi par Salomon. Le peuple sera retranché, la maison elle-même rejetée et détruite (v. 6-9).
Ainsi, à deux versets d’intervalle, Dieu déclare inconditionnellement que ses yeux et son coeur seront toujours sur cette maison, et qu’il la rejettera de devant sa face ! Dieu se contredit-il ? Non certes, et comme la menace conditionnelle s’est accomplie à la lettre, la promesse inconditionnelle s’accomplira aussi à la lettre, quand le vrai roi selon le coeur de Dieu, lui aura bâti une maison, un temple sur la terre, bien autrement glorieux que celui de Salomon, et une habitation dans le ciel, où sera le trône de Dieu et de l’Agneau, alors que Dieu se reposera en Sion, en même temps que dans son Assemblée glorieuse.
Ainsi se termine cette partie
de l’histoire de Salomon. Le reste du chapitre 9 et le chapitre 10 nous parlent
de ses relations avec les nations
. C’est l’histoire extérieure de son
règne
. Non pas que, dans la période précédente il n’en soit pas parlé, mais
il n’est fait mention de ces relations que dans leur contact avec le royaume à
l’intérieur, comme par exemple le mariage avec la fille du Pharaon et les
rapports de Hiram avec le roi pour la construction du temple.
Les v. 10-14 nous parlent des
relations extérieures de Salomon avec Hiram. En récompense de sa collaboration
volontaire au temple et à la maison du roi, au bout des vingt années que dura
leur édification (6:38-7:1), Salomon donna à Hiram un territoire comprenant
vingt villes dans le pays de Galilée, noyau de ce qui fut appelé plus tard « la Galilée
des gentils » (Ésaïe 9:1 ; Matt. 4:15). Ce territoire comprenait à
l’origine une partie des confins de Nephthali et s’étendit plus tard, y compris
les confins de Zabulon, à toute la « Galilée supérieure », atteignant par
Capernaüm le lac de Tibériade. Le territoire primitif fut donc concédé à Hiram.
Salomon agissait-il selon Dieu en distrayant ainsi, au profit d’un chef des
nations, une partie, et fût-ce la moindre, de l’héritage d’Israël ? Nous
n’hésitons pas à répondre par la négative, car le pays ne pouvait être aliéné.
Le Seigneur avait dit : « Le pays ne se vendra pas à perpétuité, car le
pays est à moi
; car vous, vous êtes chez moi comme des étrangers et
comme des hôtes » (Lév. 25:23). Le pays appartenait donc à l’Éternel. Fait
remarquable, le livre des Chroniques qui, pour les raisons déjà données, ne
signale jamais le mal chez les rois, que lorsque la mention en est nécessaire à
l’intelligence de l’histoire, ne parle pas de cette donation. Bien au
contraire, il substitue à ce récit celui des villes que « Hiram avait données à
Salomon » et que ce dernier, après les avoir bâties et fortifiées, remit aux
fils d’Israël pour y habiter (2 Chron. 8:1-7). Ainsi, dans le premier livre des
Rois, Salomon amoindrit, au second livre des Chroniques, il augmente l’héritage
de Dieu. Ce fait nous semble très significatif. Ce qui l’est davantage encore,
c’est que ce territoire est livré à une nation, dont l’idolâtrie l’envahit de
proche en proche, jusqu’à ce que tout le pays fût appelé « Galilée des nations ».
C’est là, cependant, que la grâce de Dieu commença à se révéler par le
ministère du Seigneur. Ainsi, mille ans après Salomon, la grâce remédiait à sa
faute.
Cette faute a une conséquence immédiate : elle jette le discrédit et l’opprobre sur le pays de l’Éternel. Hiram ne peut apprécier ce qui, aux yeux de Salomon et d’un Israélite, avait une grande valeur. Il dit : « Qu’est-ce que ces villes-là, que tu m’as données, mon frère ? Et il les appela pays de Cabul (ne venant à rien), jusqu’à ce jour » (v. 13). Il leur donna ce nom, parce qu’elles « ne lui plurent pas ». De tout temps il en est ainsi… Quand le monde, même le mieux intentionné, comme Hiram, a, comme tel, c’est-à-dire sans la foi, la jouissance des biens du christianisme qui font notre joie, il ne leur trouve aucune saveur. Ces choses l’ennuient ; elles ne comptent pas dans sa vie. Il les conservera sans doute, pour se vanter, à l’occasion, de les posséder, mais il ne pourra les conserver dans leur caractère primitif. Sans les apprécier, il en usera comme d’un moyen de se faire valoir, et Satan se servira de ces apparences religieuses pour étendre sa domination sur un plus grand nombre d’âmes. Il les utilisera pour faire mépriser leur valeur ; il prouvera au roi de Tyr que les choses offertes par Salomon ne peuvent être comparées aux splendeurs d’un royaume octroyé par la munificence du prince des ténèbres. Le chrétien qui, dans un but de « largeur », abandonne au monde la moindre partie de son héritage, n’y gagne que de voir rabaisser son caractère, mépriser sa religion, et, en fin de compte, l’opprobre en rejaillit sur Dieu lui-même.
S’agit-il de donner
à Salomon (v. 14), Hiram se
montre très généreux. Cela convient à l’orgueil du chef de la plus grande
puissance maritime et commerciale d’alors, l’Angleterre de l’antiquité. Hiram
donne cent vingt talents d’or (18 millions de francs environ). Est-ce un bien,
un profit pour Salomon ? Tant que Hiram lui était tributaire pour la
construction du temple, tout avait l’approbation divine. Maintenant Hiram
appelle Salomon « son frère » et lui fait des cadeaux !
L’activité et la sagesse de Salomon se montrent (v. 15-23) dans l’établissement des villes à entrepôts, à chars, et des villes pour la cavalerie. C’est l’organisation extérieure du royaume, soit pour le commerce et l’échange, soit pour la guerre. Il reçoit Guézer du Pharaon qui en avait exterminé les habitants cananéens, et qui le donne à sa fille, épouse du roi. Ainsi se trouve réalisé, sans trouble pour ce règne de paix, l’ordre donné de détruire les Cananéens. Leur ville revenait de droit en héritage à Israël. Tous les Cananéens, épargnés jadis par la faiblesse du peuple, sont désormais assujettis, comme autrefois les Gabaonites. Salomon ne renouvelle pas la faute de Saül envers ces derniers (2 Sam. 21), mais il asservit ce qui subsiste encore de Cananéens parmi le peuple.
Comme Salomon, les chrétiens n’ont pas à tenir pour valables les droits du monde auquel l’Église infidèle a laissé prendre pied au milieu d’elle ; ils ne doivent pas non plus les en chasser. Ce qu’ils ont à faire, c’est de marcher eux-mêmes dans la liberté des enfants de Dieu, et de les laisser à leur joug de servitude, seule religion qui convienne à la chair et que la chair reconnaisse. Jamais avant Salomon une séparation aussi complète n’avait eu lieu en Israël, mais elle peut et doit être réalisée tout aussi bien aux plus mauvais jours de l’histoire d’Israël ou de l’Église.
« Que quiconque prononce le nom du Seigneur se retire de l’iniquité ». « Détourne-toi de telles gens ». Sous le règne glorieux de Christ, la séparation sera absolue ; on y lira, jusque « sur les clochettes des chevaux : Sainteté à l’Éternel » (Zach. 14:20).
Au v. 24, la fille du Pharaon monte, de la ville de David, dans sa maison que Salomon avait batie pour elle (cf. 7:8). En rapport avec cette maison, le roi bâtit Millo, la citadelle qui désormais fit partie de Jérusalem (2 Sam. 5:9 ; 1 Rois 11:27 ; 2 Rois 12:20 ; 1 Chron. 11:8 ; 2 Chron. 32:5).
Le second livre des Chroniques (8:11) nous renseigne sur le but de ce changement de domicile. Salomon dit : « Ma femme n’habitera pas dans la maison de David, roi d’Israël, car les lieux où est entrée l’arche de l’Éternel sont saints ». L’arche avait été placée d’abord dans la cité de David (2 Sam. 6:12) et, comme le passage de 2 Chron. nous le montre, dans la maison même du roi. De la ville de David, ou Sion, Salomon l’avait transportée dans le temple. Mais la femme gentile ne pouvait demeurer aux lieux sanctifiés par la présence de l’Éternel, du Dieu de l’alliance. Elle pouvait sans doute avoir sa large part aux bienfaits de l’alliance, être même associée avec celui qui en était le représentant sur la terre ; cependant la distance était maintenue. L’alliance faite avec Israël ne la concernait pas. Il y aura, dans le millénium, une différence entre Israël et les nations. Celles-ci ne recevront leur bénédiction que par l’intermédiaire du peuple de Dieu. L’alliance ne sera pas faite avec elles.
Trois fois l’an, Salomon sacrifiait sur l’autel d’airain (v. 25) construit pour le temple par le ministère de Hiram (2 Chron. 4:1), seule mention qui en soit faite au premier livre des Rois, et encore, d’une manière incidente. En outre, il faisait fumer l’encens sur l’autel d’or. Comme nous l’avons vu au chap. 8, il accomplissait en certaines occasions solennelles l’office de sacrificateur, de Melchisédec et d’intercesseur. Cela ne nous parle-t-il pas de Christ ? Toutes les dignités se concentrent dans Sa personne, et il les a toutes acquises en vertu de sa mort, sans laquelle il ne pouvait revêtir aucun de ses offices. Le prince de notre salut a été consacré par les souffrances.
Aux v. 26-28, nous trouvons de nouveau les rapports de Salomon avec Hiram, en vue de la gloire et des relations extérieures du royaume. L’or afflue à Jérusalem. Hiram est l’ami gentil, toujours prêt à servir la grandeur du roi qui est assis sur le trône de Jéhovah, et sa bonne volonté pour la maison de l’Éternel s’étend de même à la richesse et à la prospérité du royaume.
Le chapitre précédent nous a montré les rapports de Salomon avec les représentants des nations soumises à son règne. Tyr, le Liban, le Pharaon d’Égypte, sa fille, épouse de Salomon, et encore le pays d’Édom où il organise sa flotte, Ophir, le désert où il bâtit Tadmor, les rois d’Arabie (10:15), les Cananéens dont il assujettit les restes, tous ces divers éléments gravitent autour de lui, comme centre, et contribuent à la renommée de son royaume.
Voici, en dernier lieu, la
reine de Sheba, cette « reine du Midi qui vint des bouts de la terre pour
entendre la sagesse de Salomon » (Matt. 12:42). Ce qui la distingue en effet de
tous les autres, c’est qu’elle est attirée par la renommée de sagesse du roi.
Elle en avait entendu parler (v. 1), ce qui avait produit chez elle un désir
intense de voir ce monarque extraordinaire, désir qui lui fait vaincre la
distance immense qui séparait son pays de Jérusalem et les obstacles nombreux
d’un pareil voyage. Cet acte était un acte de foi
. Elle croyait à la
parole qui lui avait été dite ; elle croyait à l’excellence de Salomon,
n’ayant, pour en juger, que la parole qu’elle avait entendue. Il en est
toujours ainsi de la foi. Elle est attirée par la personne et les perfections
de Christ. Rebecca, persuadée de l’amour d’Isaac dont Éliézer lui a parlé, se
met en route, pour aller à sa rencontre. Le désert ne l’effraye pas, car elle
désire atteindre son époux. Abigaïl, quand le jugement est à la porte, se met
en marche pour rencontrer celui qu’elle aurait dû fuir. Pourquoi ? Parce
qu’elle connaît par ouï-dire la gloire morale de David. Elle devient plus tard
la compagne de sa gloire royale. Rebecca est attirée par l’amour, Abigaïl par
la perfection de la grâce, la reine de Sheba par la sagesse. C’est ce qui
arrive aux âmes qui font la connaissance de Christ. Il est impossible à un être
fini d’embrasser une perfection infinie ; tout au plus sommes-nous attirés
par une connaissance limitée d’un des côtés de ce caractère divin, n’importe
lequel ; tous nous amènent à faire la connaissance de sa personne,
et c’est de Lui
que la foi se nourrit.
« Elle vint pour entendre la sagesse de Salomon ». La reine pouvait être, était en effet une personne d’une intelligence remarquable, à laquelle rien n’échappait, et qui aimait à se rendre un compte exact de toutes choses ; mais du moment qu’elle a entendu parler de Salomon, elle n’a qu’une pensée : éprouver sa sagesse. Pour elle-même la sagesse consiste à n’en point avoir et à la chercher auprès d’un autre. Des questions obscures, voilà ce qu’elle lui apporte. Certes elles ne lui manquent pas : le monde est plein d’énigmes auxquelles jamais homme n’a trouvé une solution. Depuis les mystères de la création, aux plus simples desquels Job n’avait pas de réponse, jusqu’aux mystères de la vie corporelle ; depuis le mystère de l’âme jusqu’à celui du bien et du mal dans ce monde ; depuis l’au-delà voilé, jusqu’à la vie d’éternité, tout est mystère, énigme obscure. L’homme ne peut déchiffrer l’écriture inconnue de ce livre. Il faut que Dieu en révèle les secrets, et s’il n’y a pas de révélation divine, positive et directe, le pauvre esprit limité de l’homme se trouve, dès la première question, acculé au pied d’un mur infranchissable. Il peut se vanter, s’exalter lui-même, mais toute sa science ne le fait jamais pénétrer au-delà de la constatation des faits dont la cause première lui échappe complètement.
La reine de Sheba venait
apporter ses énigmes à Salomon, et par elles éprouver sa sagesse. Mais quelle
était la raison de sa confiance ? Elle avait entendu parler de la renommée
de Salomon en relation avec le nom de l’Éternel
. Si cette renommée était
basée sur la présence de l’Éternel à Jérusalem, la reine n’était-elle pas
assurée d’avance qu’elle ne se mettait pas inutilement en route pour ce long
voyage ? Si Salomon répond aux énigmes, c’est que sa sagesse n’est pas
autre que celle de l’Éternel qui se révèle à lui. La reine vient donc à
Salomon, et que remportera-t-elle de cette entrevue ? La connaissance de
Dieu par lui !
Elle vient avec un grand train, tout ce que son royaume peut produire de plus précieux, et une abondance d’aromates, comme il n’en vint plus à Jérusalem, car elle estime ce monarque auguste digne de tout hommage. Notons ici qu’il sied, non pas seulement à une reine, mais à la plus infime des pécheresses de l’aborder avec son parfum, car ce n’est pas un échange que l’âme vient solliciter en s’approchant de Lui ; elle ne peut que lui présenter l’hommage qui lui revient. C’est le genou qui se ploie devant Lui, le signe de l’obéissance de la foi, de l’adoration d’un coeur trouvant en Lui toutes les ressources qu’il désire et dont il a besoin.
Mais la reine apporte mieux
encore que ses offrandes ; elle vient « lui parler de tout ce qu’elle avait
sur son coeur. Et Salomon lui expliqua toutes les choses dont elle
parlait : il n’y eut pas une chose cachée pour le roi, pas une chose qu’il
ne lui expliquât » (v. 3). Elle ouvre son coeur à Salomon ; les « secrets de
son coeur sont rendus manifestes » (1 Cor. 14:25) ; mais ils trouvent une parfaite
réponse de la part de celui auquel pas une chose n’est cachée. En
rencontrant Salomon, elle a trouvé Dieu lui-même
.
Dieu est réellement là, s’occupant, avec une bonté pleine de
condescendance, à porter la pleine lumière dans cette âme, à ne pas y laisser
place pour un doute ou pour une énigme sans solution. Le roi a le secret de
toutes choses ; il ne le garde point pour lui ; il montre que son
secret est pour ceux qui le craignent (Ps. 25:14).
La reine voit
ensuite
toute la sagesse de Salomon dans la prospérité et l’ordre parfait
de sa maison (v. 4, 5). Tel sera aux yeux des
nations l’ordre merveilleux du royaume millénaire de Christ.
La reine de Sheba reconnaît
(v. 6) la vérité
de ce qu’elle avait
entendu dire de Salomon. De la personne elle a passé aux paroles de sa bouche,
de celles-ci à tout ce qui est sorti de ses mains, à tout ce qui l’entoure, et
elle n’a trouvé que perfections. C’est ainsi que toute âme fait la connaissance
de Christ. On entend parler de Lui : cela excite l’intérêt d’un coeur qui
a des besoins ; on va le trouver, car il est d’un accès facile ; on
entre en rapport avec Lui ; il répond aux besoins du coeur. On l’admire,
on l’adore avec chants de louanges. On dit comme la reine : « Mes yeux ont
vu » ; tu surpasses tout ce que j’avais entendu de toi. On estime heureux
ses gens et ses serviteurs qui se tiennent continuellement devant Lui et
entendent sa sagesse. Et, suivant ce chemin, l’âme se glorifie en Dieu qui a
pris plaisir en son Roi, et qui a trouvé ses délices en Christ pour le placer
sur le trône. Et c’est aussi la preuve de l’amour de Dieu envers son peuple
qu’il lui ait donné un tel roi pour faire droit et justice (v. 6-9).
Ce cantique est plutôt un
cantique du royaume.
L’Église
entonnera aussi le sien autour de l’Agneau immolé, et son coeur et sa bouche
seront remplis de son amour plus encore que de sa sagesse et de sa justice.
La reine de Sheba donne au roi toutes les richesses qu’elle a apportées. Les aromates dont on faisait l’encens étaient les plus prisées de toutes à la cour de Salomon. Jamais il ne s’en était vu une telle abondance à Jérusalem (v. 10). Le coeur de l’heureuse reine déborde ainsi dans ses dons.
Mais combien les dons de
Salomon dépassent ceux de la reine ! Il ne se contente pas de lui donner
en retour de ses dons (cf. 2 Chron. 9:12, note) ; il lui octroie « tout son
désir, tout ce qu’elle demande » (v. 13). Ah ! certes, nous avons à faire à
Celui qui ne nous demande pas, mais dont la gloire est d’être et de rester le
souverain donateur de tout bien. Demandez et vous recevrez. Demandez ;
vous ne les épuiserez jamais, toutes les richesses de son royaume, ces
« richesses insondables du Christ ». Son royaume n’est pas maintenant de ce
monde, en sorte que vous ne remporterez pas de sa présence les biens temporels
dont fut comblée la reine. Ces trésors inférieurs seront réservés pour le règne
millénaire du Messie. Nos biens, nos trésors sont spirituels ; le monde
les méprise ; le chrétien digne de ce nom les appelle les vraies
richesses (Luc 16:11).
La reine s’en retourne dans son pays avec un trésor dans son coeur, mille fois supérieur à ceux qu’emportent ses caravanes. Ses yeux ont vu ! Elle connaît maintenant le roi de gloire !
Les v. 14 à 22 décrivent les richesses et la splendeur du royaume. L’or, emblème de la justice divine, domine partout sous le règne de Salomon, depuis le temple jusqu’au trône. Le trône était merveilleux : « Il ne s’en était point fait de pareil dans aucun royaume ». C’était le trône de justice et de puissance, et il en portait les emblèmes.
Lorsqu’il fut élevé à la dignité royale, Salomon, selon l’ordre de David lui-même (1:35), s’assit sur le trône de son père. Nous le voyons maintenant sur son propre trône, dans cette merveilleuse « maison de la forêt », parée de ses cinq cents boucliers d’or, et où il juge avec justice.
Il en sera de même du Christ.
Actuellement il est assis sur le trône de son Père, à sa droite, selon cette
parole : « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je mette tes ennemis
pour le marchepied de tes pieds » (Ps. 110:1). Par ces mots : « Assieds-toi
à ma droite », Dieu le Père exprime sa complète satisfaction de l’oeuvre
accomplie par le Fils de l’homme. C’est comme s’il lui disait : Prends
cette place suprême et glorieuse, toi, mon Fils, jusqu’à ce que je t’aie préparé
un trône pour toi-même. Il faut qu’il dépasse tout autre trône. « Jamais il n’en
sera fait de pareil dans aucun royaume ». Pas un de ceux qui se sont élevés
contre toi ne sera épargné, ils seront écrasés. Ta victoire sur eux sera la
première marche sur laquelle tu monteras au trône. Le trône du Fils de l’homme
victorieux ne sera pareil à nul autre, après l’abaissement volontaire qui l’a
fait descendre au-dessous du dernier des pécheurs. Alors tout genou se ploiera,
toute bouche le proclamera hautement Seigneur, sur son trône de gloire. En
attendant, cet homme qui a bu du torrent par le chemin est assis sur le trône
du Dieu souverain, à la droite de la Majesté ; mais c’est le trône de son
Père ; il y prend place comme Fils
, témoignage de la parfaite
satisfaction du coeur paternel en Lui !
La reine de Sheba n’était pas seule à venir à Salomon : « Toute la terre recherchait sa face pour entendre sa sagesse » (v. 23-29). Temps heureux, où tous pourront venir puiser à cette source divine, certains d’y trouver la pensée de Dieu tout entière ! Ces versets contiennent encore l’énumération des richesses du roi. Ici, les incrédules branlent la tête. Pour eux, tout ce que dit l’homme paraît vraisemblable, et tout ce que Dieu dit ne peut être que mensonge. Telle est de fait leur manière de raisonner. En une année, Salomon recevait environ cent millions d’or ; la reine de Sheba lui en avait donné pour dix-huit millions ; c’était aussi la somme que le roi de Tyr lui avait offerte. Y a-t-il donc là quelque chose d’invraisemblable en comparaison des revenus actuels des royaumes du monde, et faut-il rappeler que, sous ce règne, tous les rois de la terre lui payaient le tribut ?
Aux v. 26-29, nous trouvons
la puissance
du roi, caractérisée par
ses chars et ses cavaliers. Tout s’unissait donc pour la gloire du règne de
Salomon.
Dans ce chapitre, nous
abordons l’histoire du roi responsable,
que
le second livre des Chroniques passe complètement sous silence.
Jusqu’ici, quoiqu’il s’agisse d’un homme, et par conséquent d’un être imparfait, nous avons pu voir dans la vie de Salomon une belle unité, jointe à la sagesse qui portait bien haut parmi les nations le nom du roi, associé au nom de l’Éternel. La grandeur, la majesté, la puissance, la richesse de ce règne, n’étaient qu’une faible image de ce que l’on verra dans le millénium sous le règne du vrai roi de gloire.
Maintenant, Dieu nous signale la tache de ce règne. Ce n’était pas l’alliance avec la fille du Pharaon, car elle était indispensable pour que Salomon pût être un type de Christ dans son gouvernement. Joseph, en son temps, avait contracté une union semblable ; les fils qui en étaient issus avaient donné leur nom à deux tribus d’Israël, après avoir reçu la bénédiction du patriarche, père du peuple. De plus, Salomon avait agi selon les pensées de Dieu envers cette épouse gentile, et les Chroniques ont soin, comme nous l’avons vu plus haut, de nous montrer que le roi ne lui donnait pas une place de proximité immédiate avec l’arche de l’alliance et la cité du fils de David. Ainsi, ce n’était pas du fait de cette union, que le blâme tombait sur Salomon, dont le type millénaire, « la lumière des nations », dépassait nécessairement les traits ordinaires d’un roi d’Israël. Aussi la Parole donne-t-elle parmi les femmes étrangères une place à part à la fille du Pharaon (v. 1).
« Mais le roi Salomon aima
beaucoup de femmes étrangères, outre la fille du Pharaon : des Moabites,
des Ammonites, des Édomites, des Sidoniennes, des Héthiennes, d’entre les
nations dont l’Éternel avait dit aux fils d’Israël : Vous n’entrerez pas
vers elles, et elles ne viendront pas vers vous ; certainement elles
détourneraient vos coeurs après leurs dieux… Et ses femmes détournèrent son
coeur » (v. 1-3). Le péché de Salomon est d’avoir « aimé beaucoup
de
femmes étrangères ». Ces dernières avaient joué un rôle relativement restreint
dans la vie de David et cependant, comme nous l’avons vu en 2 Samuel, il en
avait porté, dans ses enfants, de tristes et souvent terribles conséquences.
Par la discipline même qui avait été la suite de ces alliances prohibées, Dieu
avait jadis gardé son oint des pièges qu’elles auraient pu tendre à sa piété.
Mais si ses convoitises l’avaient entraîné dans l’affaire de Bath-Shéba, une
fille d’Israël, les convoitises de Salomon le portent du côté des femmes
étrangères. Et cependant Dieu avait dit : « Tu ne t’allieras point par
mariage avec elles, tu ne donneras pas ta fille à leur fils, et tu ne prendras
pas leur fille pour ton fils ; car ils détourneraient de moi ton fils, et
il servirait d’autres dieux, et la colère de l’Éternel s’embraserait contre
vous, et te détruirait aussitôt » (Deut. 7:3, 4), et encore : « De peur
que… tu ne prennes de leurs filles pour tes fils, et que leurs filles ne se
prostituent après leurs dieux et ne fassent que tes fils se prostituent après
leurs dieux » (Ex. 34:16).
En tête de cette liste
humiliante, nous trouvons les Moabites qui avaient entraîné Israël dans
l’idolâtrie de Baal-Péor, en s’emparant de lui par la convoitise de la chair
(Nomb. 25:1-5). Toutes ces nations, les Ammonites, les Édomites, les Sidoniens,
aux frontières de Canaan, haïssaient Dieu et son peuple. Les Héthiens, cités en
dernier lieu, auraient dû être exterminés et ne l’avaient jamais été. Salomon désobéit
ouvertement à Dieu qui avait dit à son peuple : « Vous n’entrerez pas vers
elles, et elles n’entreront pas vers vous ». Il y avait double défense. Nous
sommes en danger d’aller au monde ou de le laisser venir à nous. Peut-être la
seconde éventualité est-elle plus dangereuse encore que la première. Par
conscience envers Dieu, le chrétien s’abstiendrait peut-être d’un acte de
propre volonté ou de désobéissance qui le porterait à aller au monde, tandis
que ce dernier le séduit plus facilement en venant à lui. Il s’insinue peu à
peu dans nos maisons et dans notre vie et souvent, quand nos yeux s’ouvrent au
danger, il est déjà trop tard. « Certainement
, avait dit l’Éternel, elles
détourneraient vos coeurs après leurs dieux ». L’alliance avec le monde nous conduit nécessairement à la religion du
monde.
Parole sérieuse et bien digne d’être pesée aujourd’hui par toute âme
pieuse. Dans la proportion
où nous
évitons ou cultivons cette alliance, notre religion revêtira un caractère
céleste ou terrestre. « Salomon s’attacha à elles par amour ». Et c’était ce même
roi dont les lèvres, par l’inspiration divine, avaient distillé la sagesse pour
d’autres, et leur avaient montré le chemin qu’il faut suivre à l’égard de
l’étrangère, de peur de tomber « dans toute sorte de mal au milieu de la
congrégation et de l’assemblée ! » (Prov. 5:1-14). C’était lui, qui, au
chap. 7 du livre des Proverbes, avait insisté sur les terribles conséquences
d’une mauvaise conduite. Quel aveuglement ! Quel triste spectacle !
Il avait enseigné les autres et ne s’enseignait pas lui-même ; lui, chef
responsable du peuple, faisait les choses dont le peuple s’abstenait, mais qui,
le roi venant à faillir, attiraient le jugement, non seulement sur lui, mais
sur ceux qu’il aurait dû paître, conduire et protéger
« Ses femmes détournèrent son coeur
»
: parole répétée
au v. 4. Chose terrible, quand « ce qui est dans le monde » se loge dans le coeur
et s’en empare, détournant ainsi les affections de leur seul objet, pour les
porter sur des objets vils, honteux et coupables. Il est à remarquer que ces
choses ne se produisent pas spontanément dans la vie de l’homme de foi, ou du
moins que leurs conséquences ne se développent pas tout à coup. « Il arriva, au
temps
de la vieillesse de Salomon,
que
ses femmes détournèrent son coeur après d’autres dieux ». Il fallut du temps
pour que la semence charnelle portât du fruit. Qui aurait pu croire que le
Salomon du temple, jadis à genoux, étendant aux yeux du peuple ses mains vers
Dieu, deviendrait un idolâtre ? On l’appellerait peut-être aujourd’hui un
coeur large,
respectant la liberté de
conscience des autres ; on décorerait cette idolâtrie de quelque belle
étiquette humanitaire et sociale. Mais qu’importent les opinions des
hommes ; la question est ce que Dieu en pense : Dieu est déshonoré
. « Salomon fit ce qui est mauvais aux
yeux de l’Éternel ». Bâtir des hauts lieux pour les femmes étrangères et les
laisser sacrifier à leurs dieux était, non pas de l’indifférence, assez
haïssable en elle-même ; c’était s’associer à leurs cultes et s’en rendre solidaire.
Aussi est-il
dit : « Salomon alla après
Ashtoreth
(la Vénus Astarté), la divinité des Sidoniens, et après Milcom, l’abomination
des Ammonites ». Il est considéré lui-même comme un adorateur d’idoles :
« Il ne suivit pas pleinement l’Éternel, comme David, son père »,
c’est-à-dire : il ne le suivit pas jusqu’au bout. Et pourtant l’Éternel
« s’était révélé à lui deux fois », la première à Gabaon ; la seconde après
la consécration du temple. Dieu l’avait averti au sujet du culte des idoles (9:6-9),
lui en montrant les suites terribles pour le peuple ; et lui, n’avait pas
gardé son commandement ! David avait commis des fautes graves et
humiliantes, mais du moins, il avait toujours l’Éternel en vue. Même après sa
chute, son premier mot est : « J’ai péché contre l’Éternel
».
Toute
l’affliction de cet homme de foi n’avait pour but que la gloire de son Dieu, et
la fin de sa vie avait exalté la grâce unie au jugement complet de lui-même. Il
n’en fut pas ainsi de Salomon. On n’entend pas même chez lui le cri d’une
conscience atteinte, quand le mot terrible : « Parce que tu as fait cela »,
retentit à ses oreilles, comme jadis le mot : « Parce que tu m’as méprisé »,
aux oreilles de son père. Nous allons même apprendre quels sentiments très
différents la discipline de Dieu fait naître dans son coeur. Mais Dieu veut
qu’il sache tout ce qui arrivera. Le royaume, ce royaume de gloire, étendu par
la puissance divine jusqu’aux confins des nations, lui sera violemment
arraché ; son fils ne gardera qu’une tribu, Juda, car Benjamin compte à
peine. En un moment, puissance, majesté, richesse, gloire sans précédent,
soumission des peuples, tout va s’effondrer, et il ne restera au milieu de la
tempête qu’un pauvre résidu conservé par Dieu comme une faible barque qui a tout
perdu, rames, voiles, mâts et cordages, sauf toutefois sa boussole et son
gouvernail. Quant à l’homme, c’en est fait de ce royaume. Mais quelle
perspective future ! Après le jugement du royaume de Satan, de la Bête et
du faux prophète, le royaume du Salomon divin réapparaîtra comme le soleil qui
luit dans sa force, pour ne dépendre plus de l’obéissance faillible de l’homme,
mais de l’infaillible responsabilité du Roi, que Dieu oindra sur Sion, la
montagne de sa sainteté.
Dieu ne se borne pas à faire
connaître à Salomon le jugement qui, par égard pour David son père, au lieu de
tomber sur lui-même, atteindra Roboam, son fils ; mais l’infidélité du roi
attire aussi sur lui la discipline du Seigneur pendant les dernières années de
son règne. La paix
, fruit caractéristique de ce règne, est
détruite ; Salomon traverse une période qui abonde en troubles, en
séditions, en entreprises contre son trône ; des nations, comme l’Égypte,
qui s’honoraient autrefois de son alliance, nourrissent, élèvent en dignité,
soutiennent ses pires ennemis. Tous les liens se relâchent. Le joug du roi
s’appesantit fortement sur le peuple, pour éviter des séditions à l’intérieur.
De là un mécontentement mal réprimé qui se fera jour à l’occasion (12:4).
Dieu suscite à Salomon des ennemis d’entre les nations vers lesquelles ses convoitises l’avaient porté. Édom était rempli d’une haine mortelle contre Israël, parce que David, par la main de Joab, avait retranché tous les mâles de son pays (2 Sam. 8:13, 14 ; 1 Chron. 18:12 ; Ps. 60, suscription). Hadad avec quelques serviteurs s’était échappé. Mais sa haine était-elle moins vive, parce que Salomon avait pris des Édomites pour femmes ? Hadad s’enfuit en Égypte, est accueilli à la cour du Pharaon, devient son beau-frère, et son fils est reçu parmi les héritiers du trône. Où vont les sympathies et les faveurs du monde ? Non pas à David, mais à l’ennemi de David. Un sentiment parle plus haut dans le coeur de Hadad, que les honneurs et les délices de la cour d’Égypte : la haine — la haine contre Salomon. Il quitte tous ses avantages pour la satisfaire. La conduite des satellites de David en avait sans doute fourni le motif, mais Joab et David étant morts, la haine persiste. C’est qu’au fond la haine du monde se porte toujours sur l’oint de l’Éternel, et que la conduite plus ou moins blâmable des croyants ne lui sert que de prétexte.
Un second adversaire est
Rezon, serviteur d’Hadadézer, roi de Tsoba, que David avait mis en pièces (2
Sam. 8:3-8 ; 10:6). Rezon devient roi de Damas et règne sur la Syrie. « Il déteste
Israël » (v. 23-25).
Le monde est comme Hadad et Rezon. Tant que nous gardons vis-à-vis de lui la place que la croix de Christ nous autorise à prendre, la croix, « par laquelle le monde nous est crucifié, et nous au monde » (Gal. 6:14), tant que nous considérons le monde comme un ennemi vaincu (Jean 16:33), il ne remue pas. Faisons alliance avec lui, il ne peut oublier sa défaite et, tout en gardant peut-être des dehors d’indifférence, ne nous en hait pas moins.
Le dernier, le plus dangereux
ennemi de Salomon, est l’ennemi du dedans, Jéroboam (v. 26-40). Il était
« serviteur de Salomon », Éphratien ou Éphraïmite. Salomon l’avait préposé sur
Éphraïm pour le travail des fortifications de Millo, qui défendait Jérusalem des
ennemis venant du nord. C’était une mesure des plus dangereuses, mais que
pouvait prévoir Salomon ? Dieu seul savait.
Par ses fonctions, Jéroboam possédait tous les secrets de la forteresse et
s’acquérait en outre les sympathies de sa propre tribu. De même, quand
surgissent des difficultés au milieu du peuple de Dieu, le plus grand danger
provient de ceux qui, par leur activité, se sont approprié les principes de
leurs frères et ont réussi à se substituer à Christ en acquérant les sympathies
du grand nombre. De ces choses ils se font des armes pour battre en brèche le
peuple de Dieu. Leurs motifs sont en apparence désintéressés ; ils
voudraient, comme Jéroboam, délivrer le peuple d’un joug difficle à
porter ; en réalité, ce sont des instruments de Satan pour détruire le
témoignage de Dieu, comme nous ne tarderons pas à le voir. Et pourtant ils sont
serviteurs de Christ, comme Jéroboam l’était de Salomon !
Maintenant un prophète
apparaît. Comme Samuel au temps de la ruine de la sacrificature, la chute de la
royauté suscite le prophète. Il devient, comme le cours de ces livres le
démontre d’une manière si frappante, le lien
entre le peuple et Dieu, quand la royauté responsable a failli. Akhija, le
prophète, rencontre Jéroboam hors de Jérusalem. Il déchire le manteau neuf dont
il est revêtu (en effet le royaume était encore tout neuf) et en donne dix
parts à Jéroboam. En ce moment-là
, le
royaume est arraché des mains de Salomon, quoique le fait ne se réalise que
plus tard. Une tribu reste à la maison de David, en vertu du libre choix de la
grâce à l’égard de David et de Jérusalem. « Ils
m’ont abandonné, dit
l’Éternel, et ont adoré Ashtoreth, la divinité des Sidoniens, Kemosh, le dieu
de Moab, et Milcom, le dieu des fils d’Ammon, et n’ont pas marché dans mes voies
pour pratiquer ce qui est droit à mes yeux, et mes statuts et mes ordonnances,
comme David, son père » (v. 33). « Ils
», c’était Salomon, le roi !
Sans doute, tout le peuple a suivi plus tard le même chemin, mais dans ce
moment-là, un seul avait péché, le roi. Placé vis-à-vis de Dieu, dans une
position de responsabilité pour tout le peuple, son infidélité attirait le
jugement sur Israël
. Quelle grave punition Salomon avait encourue !
Au v. 34, Dieu, revenant toujours à la grâce qu’il a manifestée à David, ajoute : « Je donnerai une tribu à son fils, afin qu’il y ait toujours une lampe pour David, mon serviteur, devant moi, à Jérusalem, la ville que je me suis choisie pour y placer mon nom » (v. 36). La grâce est davantage aux yeux de Dieu, que toute la gloire, ou plutôt la grâce est la part la plus précieuse de la gloire, car elle est, pour ainsi dire, à la tête de toutes les perfections divines.
« Si tu écoutes, dit Akhija à
Jéroboam, tout ce que je te commanderai, et si tu marches dans mes voies et que
tu fasses ce qui est droit à mes yeux, en gardant mes statuts et mes
commandements, comme a fait David, mon serviteur, alors je serai avec toi, et
je te bâtirai une maison stable, comme je l’ai bâtie pour David, et je te
donnerai Israël » (v. 38). Une nouvelle responsabilité incombe maintenant à
Jéroboam. Dieu lui donne une position privilégiée. Sa maison devait être aussi stable
que celle de David, s’il
écoutait les commandements de l’Éternel. Mais Dieu y apporte une
restriction : « J’humilierai la semence de David, à cause de cela, seulement pas à toujours
» (v. 39). Au moment voulu, la grâce sur laquelle
était fondé le royaume de David, reprendra ses droits, car ce n’est pas sur
elle, mais sur la responsabilité qu’est établi le royaume de Jéroboam et même
de Salomon. Les promesses de Dieu sont sans repentance ; il trouve ses
délices dans la grâce. C’est ainsi que le royaume futur du vrai roi de gloire
sera fondé sur une nouvelle alliance, sur une alliance de grâce, où Dieu seul
est engagé, sur une nouvelle création — ce que n’était pas le royaume de
Salomon.
« Seulement pas à toujours » : on trouve, dans les voies de Dieu, des périodes où le jugement éclipse la grâce, pour ainsi dire. Ce n’est pas que la grâce n’existe plus : elle reste absolument la même, mais elle cesse de paraître pour que d’autres perfections de la gloire divine, comme la justice en jugement, puissent être manifestées. Ainsi le soleil qui a plus de cent fois le diamètre de la terre est éclipsé par l’ombre de cette dernière. L’éclipse passée, l’astre immense reprend son éclat, car l’ombre qui le couvrait ne lui ôtait rien de sa splendeur, sauf pour les yeux des hommes.
Salomon cherche à faire mourir Jéroboam (v. 40). Tels sont les sentiments produits dans son coeur par la discipline ! L’obstacle que Dieu lui suscite, au lieu de l’amener humilié en Sa présence, humblement soumis à son châtiment, ne fait que l’irriter et le pousser à s’en affranchir. Triste chose, qu’un coeur ayant perdu la communion avec Dieu et ne se jugeant pas lui-même. Qu’est devenu Salomon, le roi de justice ? Son coeur n’est plus droit devant Dieu. Comme il est éloigné de ses commencements !
Jéroboam s’enfuit en Égypte et y demeure jusqu’à la mort de Salomon.
Tous les faits relatés dans
ce chapitre 11, manquent au second livre des Chroniques, mais deux mots du
chapitre 9 nous font comprendre qu’ils sont omis à dessein. « Et le reste des
actes de Salomon, les premiers et les derniers, ne sont-ils pas écrits dans les
paroles de Nathan, le prophète, et dans
la prophétie d’Akhija, le Silonite,
et dans la vision de Jehdo, le voyant, touchant Jéroboam, fils de Nebath
? » (2 Chron. 9:29). Une omission de
la Parole a toujours un but, et ce but, nous l’avons assez souvent signalé pour
ne pas être obligé d’y revenir.
En terminant cette histoire, nous désirons placer devant nos lecteurs deux Psaumes, dont le premier a Salomon pour objet, et dont l’autre a été composé par lui. L’espace nous manquerait, s’il s’agissait d’exposer la sagesse de Salomon dans les divers écrits dont il est l’auteur inspiré. Nous nous bornerons donc à ce court appendice.
Le Psaume 72 est un Psaume « au sujet de Salomon » ; la raison humaine peut même douter à première vue que ce Psaume soit prophétique et s’applique au règne de Christ, tant les détails s’adaptent exactement à celui de Salomon. « Il dominera d’une mer à l’autre mer, et depuis le fleuve jusqu’aux bouts de la terre. Les habitants du désert se courberont devant lui, et ses ennemis lécheront la poussière. Les rois de Tarsis et des îles lui apporteront des présents, les rois de Sheba et de Seba lui présenteront des dons. Oui, tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront » (v. 8-11). « Il vivra, et on lui donnera de l’or de Sheba, et on priera pour lui continuellement ; et on le bénira tout le jour » (v. 15). Quant à son caractère : « Il jugera ton peuple en justice, et tes affligés avec droiture » (v. 2). Quant aux bénédictions de son règne : « En ses jours le juste fleurira, et il y aura abondance de paix » (v. 7). « Il y aura abondance de froment sur la terre, sur le sommet des montagnes ; son fruit bruira comme le Liban ; et les hommes de la ville fleuriront comme l’herbe de la terre » (v. 16). « Toutes les nations le diront bienheureux » (v. 17).
En vérité, il ne manque guère
ici un seul trait caractéristique du règne qui vient de nous occuper. Cependant
une chose s’y trouve, qui n’est pas mentionnée dans le règne de Salomon : la
grâce.
C’est aussi pourquoi ce règne
parle moins au coeur et à la conscience que celui de David. Salomon, dans toute
sa gloire, n’était pas vêtu comme un lis des champs. Sa gloire parlait moins à
l’âme que la tendre sollicitude d’un père pour ses enfants, et la grâce dont
son amour les entourait. Ce courant de la grâce, qui caractérise bien plus
David que Salomon, nous le retrouvons tout du long de notre Psaume.
Il nous faut donc regarder à
Celui qui réunira dans sa personne les caractères attribués à ces deux hommes
de Dieu, pour comprendre le règne millénaire du Messie. Son règne de justice ne
dépassera pas seulement par sa splendeur et sa durée le règne, si misérablement
interrompu, de Salomon, car on le craindra « de génération en génération, tant que dureront le soleil et la lune
»
(v. 5), et « il y aura abondance de
paix, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de
lune
» (v. 7), mais il débutera comme celui de Salomon n’a jamais
débuté : « Il descendra comme la pluie sur
un pré fauché
» (v. 6), apportant la bénédiction céleste là où le jugement a
fait son oeuvre et n’a rien laissé à récolter. Sous sa douce influence va naître
une nouvelle récolte. David avait prédit cela d’un plus grand que son
fils : « Par sa clarté l’herbe tendre germe de la terre après la pluie » (2
Sam. 23:4). Voyez dans notre Psaume ce caractère de grâce, apportant les
compassions, la délivrance, le salut, pour sortir les affligés de dessous le
joug de l’oppresseur : « Il jugera tes
affligés
avec droiture » (v. 2). « Il fera justice aux affligés
du peuple, il sauvera les fils du pauvre,
et il brisera l’oppresseur
»
(v. 4). « Il délivrera le pauvre
qui
crie à lui, et l’affligé
qui n’a pas
de secours » (v. 12). « Il aura compassion du misérable
et du pauvre,
et il sauvera les
âmes des pauvres
» (v. 13). « Il
rachètera leur âme de l’oppression et de la violence, et leur sang sera
précieux à ses yeux » (v. 14). C’est ce qui donne un cachet incomparable au
règne glorieux de Christ, comme il est dit encore : « Je rassasierai de
pain ses pauvres » (Ps. 132:15). Ainsi pensait le Messie rejeté sur la terre
quand il nourrissait les foules, et si le peuple avait voulu de Lui, il se
serait montré comme le Messie entrant dans son règne. Mais quand il prendra sa
puissance en main et luira sur le monde comme Soleil de justice, il se réjouira
dans l’oeuvre de sa grâce et apportera la santé dans ses ailes.
Le Psaume 127 est le seul
dont Salomon soit proprement l’auteur. Il parle de la maison, le grand objet de
son règne ; mais il annonce un temps futur où les hommes se mettront à la
bâtir et à travailler en vain, à veiller en vain pour garder la ville contre
l’ennemi. Telle chose n’avait pas lieu sous son sceptre. Ce que Salomon avait
établi n’était donc pas définitif ; ce que les hommes établiront le sera
encore moins. Mais les jours viendront où l’Éternel
lui-même
bâtira la maison et gardera la ville. Alors son Bien-aimé pourra
enfin trouver « le sommeil », le repos dont il est dit : « Il se reposera
dans son amour » (Soph. 3:17). Alors il aura des fils, comme héritage de
l’Éternel, un peuple nouveau, la rosée d’une jeunesse qui lui viendra du sein
de l’aurore (Ps. 110:3). Alors il sera appelé bienheureux.
Salomon, comme David, regarde à Christ. Chacun d’eux sait qu’il ne peut être le juste dominateur des hommes. Tous deux se réjouissent de voir leur dignité confiée à Celui qui n’en fera jamais usage que pour la gloire de Dieu.
La parole de Dieu s’accomplit, en se servant des sentiments qui se trouvent au fond du coeur de l’homme pour le pousser à sa ruine.
Tout Israël se rend à Sichem
pour proclamer la royauté de Roboam, fils de Salomon. Jéroboam s’y trouve,
appelé par le peuple à être son porte-parole devant le roi. Ces hommes se
plaignent à lui du joug que leur avait imposé son père : « Ton père a rendu
notre joug dur », parole qui montre
qu’il n’en avait pas toujours été de même. Jamais le joug de Christ sur son
peuple ne sera dur ; il restera toujours auprès des siens celui qu’ils ont
connu au jour de la souffrance et de la grâce : « Mon joug est aisé, et mon
fardeau léger ». Sans doute, il faudra que les nations se soumettent à Lui et il
les brisera avec une verge de fer, mais tous les prophètes témoignent de la
grâce avec laquelle il paîtra son peuple. « Comme un berger, il paîtra son
troupeau ; par son bras il rassemblera les agneaux et les portera dans son
sein ; il conduira doucement celles qui allaitent » (Ésaïe 40:11).
Roboam tient conseil avec les
vieillards qui s’étaient tenus devant Salomon pour boire à la source de la
sagesse. Leur conseil est celui de Jésus à ses disciples : « Que le plus
grand parmi vous soit comme le plus jeune, et celui qui conduit comme celui qui sert
» (Luc 22:26). « Si
aujourd’hui, disent les vieillards, tu deviens serviteur de ce peuple, et que
tu les serves, et leur répondes, et leur dises de bonnes paroles, ils seront
toujours tes serviteurs » (v. 7). Roboam abandonne le conseil de la sagesse pour
suivre celui des jeunes gens qui avaient grandi avec lui et se tenaient devant lui
(v.
8). Ils ne pouvaient donc être que le miroir et le reflet des
pensées de leur maître. Si lui-même s’était tenu devant son père, écoutant les
proverbes de la sagesse qui tombaient de ses lèvres, il en aurait communiqué
quelque chose à d’autres. Il aurait appris ce qui convient au roi, il aurait su
« qu’une réponse douce détourne la fureur, mais que la parole blessante excite
la colère » (Prov. 15:1) ; que « l’orgueil va devant la ruine, et l’esprit
hautain devant la chute » (16:18), et bien d’autres préceptes. Mais non, ceux
qui flattent son orgueil, sont ceux qu’il approuve. Le conseil des jeunes gens
n’est, en définitive, que celui de son propre coeur. L’orgueil marche avec le
mépris du prochain ; ce vil peuple ne compte pas aux yeux d’un roi qui
s’exalte lui-même. Le grand Salomon, son père, lui paraît même petit en regard
de sa propre grandeur. Cette parole que lui attribuent ses courtisans :
« Mon petit doigt est plus gros que les reins de mon père » (v. 10), ne rencontre
pas sa désapprobation. En tout cas, il se croit plus fort et plus énergique que
lui et méprise le peuple de Dieu. Il ne l’écoute pas ; cela était amené
par l’Éternel, afin d’accomplir sa parole prophétique (v. 15). Il faut que ce
que Dieu a décrété s’accomplisse.
Israël se révolte : « Quelle part avons-nous en David ? Et nous n’avons pas d’héritage dans le fils d’Isaï. À tes tentes, Israël ! Maintenant, David, regarde à ta maison ! » (v. 16). C’était le cri de ralliement de la révolte, le cri coutumier des mécontents aux jours de David (2 Sam. 20:1). Roboam s’enfuit ; il ne lui reste que Juda et Benjamin. Pour recouvrer ce qu’il a si follement perdu, il assemble une armée de 180 000 hommes contre Israël. Mais Shemahia, le prophète, les exhorte de la part de Dieu : « Ne montez pas, et ne faites pas la guerre à vos frères, les fils d’Israël ; retournez chacun à sa maison, car c’est de par moi que cette chose a eu lieu » (v. 24). Le roi et les deux tribus craignent l’Éternel et s’en retournent selon sa parole. Si seulement ils avaient continué dans ce chemin qui est le commencement de la sagesse !
Il est à remarquer combien le
rôle des prophètes s’accentue avec la ruine de la royauté. Dans toute cette
partie de l’histoire, nous sommes entourés de prophètes. Akhija paraît le
premier, quand Salomon tombe sous le jugement de Dieu. Il y avait encore en ce
temps-là un Nathan, un Jehdo, qui avait eu une vision touchant Jéroboam, fils
de Nebath (2 Chron. 9:29). Voici Shemahia qui détourne Roboam de ses desseins
guerriers. Le rôle du prophète était une grande grâce, permettant, malgré la
ruine, les rapports de Dieu avec son peuple. Le prophète était avant tout le
porteur de la parole de Dieu. Cette parole lui était adressée, et il pouvait
dire : « Ainsi dit l’Éternel ». Quiconque suivait cette parole pouvait être
certain d’être bien dirigé et de trouver la bénédiction. Il en est de même pour
nous qui traversons les tristes temps de la fin. Notre prophète, c’est la
parole de Dieu. Dieu ne nous fait plus, comme aux temps passés, des révélations
nouvelles, car il nous a tout
révélé ; mais quand sa Parole
s’adresse à nous, respectons-la et ne nous en détournons pas. Il y a de par le
monde beaucoup de faux prophètes qui prétendent en savoir bien davantage que la
vraie parole de Dieu. Ils la méprisent, l’accusent de fausseté, nous
disent : Ce n’est pas Dieu qui a parlé. Fermons nos oreilles à leur voix.
Dieu nous a parlé, notre prophète nous a communiqué Sa pensée ;
n’avons-nous pas éprouvé cent fois que dans sa Parole sont la vie et la
sécurité de nos âmes ? Éprouvons-le de nouveau ; et quand le prophète
nous dit : « Ainsi dit l’Éternel », faisons comme Roboam et Juda qui
n’eurent pas à s’en repentir. « Écoutons la parole de l’Éternel », et agissons
« selon la parole de l’Éternel » (v. 24).
La division du royaume étant
un fait accompli, nous abordons l’histoire
des rois d’Israël.
Celle des rois de Juda ne fait partie de notre récit que
pour en expliquer certains événements ou lui servir de cadre, sauf à la fin du
second livre des Rois où l’histoire indépendante des rois de Juda est
poursuivie jusqu’au bout. Le second livre des Chroniques nous donne, au
contraire, l’histoire des rois de Juda,
au
point de vue spécial qui caractérise ce livre.
Que va devenir maintenant ce
nouveau royaume ? Jéroboam avait reçu de l’Éternel une assurance
conditionnelle : « Si tu écoutes tout ce que je te commanderai, et si tu
marches dans mes voies et que tu fasses ce qui est droit à mes yeux, en gardant
mes statuts et mes commandements, comme a fait David, mon serviteur, alors je
serai avec toi, et te bâtirai une maison stable, comme je l’ai bâtie pour
David, et je te donnerai Israël » (11:38). Il n’avait donc qu’à laisser agir
Dieu en sa faveur, à lui obéir, et il était assuré de « régner sur tout ce que
son âme désirait ». Les événements se déroulent sans qu’il ait à
intervenir ; mais lui se méfie, il dit en son cœur : « Maintenant le
royaume retournera à la maison de David ». Comme il n’a pas confiance en Dieu,
il pèse les probabilités, et s’y arrête. La foi ne s’arrête jamais
aux probabilités ; je dirais
même qu’elle se nourrit d’impossibilités et s’en trouve bien. Une fois admise
la probabilité que le royaume retournerait à la maison de David, Jéroboam
pousse plus loin son raisonnement. Il faut, pense-t-il, empêcher le peuple de
monter à Jérusalem pour y offrir des sacrifices, de peur qu’il n’entre en
contact avec la royauté de Juda. Le roi conclut que c’est une question de vie
ou de mort : « Le coeur de ce peuple retournera à son seigneur, à Roboam,
roi de Juda, et ils me tueront
».
Sa
décision est prise ; il faut à Israël une religion nouvelle. De cette
incrédulité à la promesse de Dieu, de cette indifférence au culte de l’Éternel,
sort l’établissement par Jéroboam d’un culte
national,
distinct de celui que Dieu avait institué à Jérusalem. Du moment
que ce culte n’était pas celui de l’Éternel, que pouvait-il être ? Un
culte
d’idoles.
Abandonner le culte du vrai
Dieu, c’est tomber dans l’idolâtrie, quelque forme qu’elle puisse revêtir. En
religion il n’y a pas de terme moyen. Jéroboam croit sans doute l’avoir
trouvé : il n’adopte pas les faux dieux des nations environnantes, il veut
établir une religion populaire pour Israël. Ne connaissant pas de coeur le Dieu
qui lui avait parlé, il prend conseil avec lui-même et fait deux veaux d’or.
« Voici, dit-il, tes dieux, Israël ! qui t’ont fait monter du pays
d’Égypte ». Il remet en honneur l’idolâtrie juive,
pratiquée par le peuple au pied du Sinaï, et qui avait attiré sur lui le
jugement de Dieu. Seulement il va plus loin que l’Israël du désert ;
l’abandon de Dieu est plus complet : « Voici tes dieux
» tandis que le peuple avait dit : « C’est ici ton dieu
» (Ex. 32:4, 5). Il n’ajoute pas
comme Aaron : « Demain une fête à l’Éternel ! » L’Éternel est
entièrement laissé de côté.
Jéroboam est un politique habile. Il place un veau à Béthel, sur la limite de Juda, l’autre à Dan, frontière nord du territoire. Il organise son culte sur le modèle du culte prescrit par la loi de Moïse. « La maison des hauts lieux » remplace le temple : la sacrificature prise d’entre les fils de Lévi, est remplacée par « des sacrificateurs pris d’entre toutes les classes du peuple ». Comme Israël avait sa fête des tabernacles, Jéroboam établit aussi une fête, mais un mois plus tard. Correspondant à l’autel d’airain, il dresse un autel à Béthel, le place devant l’idole, et au lieu de l’holocauste y fait fumer l’encens (v. 31-33). Il avait « imaginé cela dans son propre coeur ! »
Ainsi, malgré ses formes extérieures trompeuses, cette religion était l’abandon complet du culte de l’Éternel ; un instrument politique entre les mains du gouvernement. Bercées de fausses apparences, les âmes étaient retenues loin du vrai Dieu, et le roi de la lignée de David devenait un étranger pour elles.
Ne pourrions-nous pas trouver
des principes
semblables dans les
religions de nos jours ? Sont-elles basées sur la foi
en la parole
de Dieu, ou sur des pratiques n’ayant qu’une vague ressemblance avec le culte
de Dieu, religion arbitraire, culte volontaire, abandon de la maison de Dieu,
de l’Assemblée du Dieu vivant, négation du culte rendu par l’Esprit, les
fonctions sacerdotales confiées à d’autres qu’aux vrais adorateurs, l’efficace
du sacrifice remplacée par le parfum, en sorte qu’on vient adorer et qu’on
prétend s’approcher de Dieu, sans avoir été racheté par le sang de
l’Agneau ! Sans doute, pas d’idolâtrie proprement dite, comme dans le faux
culte de Jéroboam, mais nous savons par la Parole qu’elle ne tardera pas à
faire partie de la religion sans vie qui caractérise aujourd’hui la chrétienté
professante, et que cette dernière, laissée à elle-même, sans liens avec
Christ, faisant de la religion affaire d’intelligence, non de conscience et de
foi, finira par retourner aux idoles et se prosternera devant l’oeuvre de ses
mains.
Un homme de Dieu, un nouveau prophète, vient de Juda où l’Éternel conservait encore une lampe à David. Il arrive à Béthel, pour prophétiser contre Israël, au moment même où le royaume des dix tribus venait de se constituer.
« Jéroboam se tenait près de
l’autel pour faire fumer l’encens » (v. 1). Lui qui avait fait
la
sacrificature et y consacrait
quiconque
le désirait
(v. 33), ne pouvait l’avoir, cela se comprend, en bien haute
estime. Subordonné à l’autorité royale, le sacerdoce était devenu un instrument
politique entre ses mains, et que le roi s’arrogeât le droit d’en accomplir les
rites selon son bon plaisir, n’avait rien d’étonnant.
L’homme de Dieu crie contre l’autel
(v. 2), non pas contre l’idole. Ce qui est plus haïssable aux
yeux de Dieu que toute autre chose, c’est que l’homme s’imagine pouvoir
remplacer son autel. Il est unique,
Dieu
l’a proclamé devant tous. Les croyants ont un
autel, Christ, l’Agneau de Dieu (Héb. 13:10). Dieu jugera les hommes impies
qui veulent placer un autre autel à côté du sien. Un culte établi par l’homme
ne peut subsister toujours ; le jugement divin tombera sur lui, comme sur
la prostituée de l’Apocalypse. Mais Dieu ne le détruira pas, sans immoler en
même temps sur leur autel les sacrificateurs de ce culte profane. L’homme de
Dieu annonce, en l’appelant par son nom 350 ans à l’avance, un roi de la
semence de David, Josias, qui renversera les hauts lieux d’Israël (v. 2) ;
il donne un signe immédiat de ce qui arrivera plus tard : l’autel se fend
et sa cendre est répandue.
La main de celui qui avait établi ce système odieux, cette main qui s’étendait contre l’homme de Dieu pour le saisir, devient sèche, au moment où le roi pensait supprimer le témoin de l’Éternel et sa parole. Cette main qu’il ne peut ramener à lui, reste étendue dans son geste menaçant contre le prophète et contre Dieu lui-même, comme un monument de son impuissance ; mais, sur la demande du roi, l’homme de Dieu intercède afin que le jugement soit momentanément écarté, et que même un Jéroboam ait encore du temps pour se repentir (v. 6).
Dieu montre ici qu’il est Dieu ; il préserve ses bien-aimés, ses témoins, et prend leur défense. Il est pour nous, comme il l’était pour son prophète, et qui sera contre nous ? Quelle sécurité pour le ténioignage ! Nous n’avons rien à craindre quand Dieu nous envoie. Personne, même celui qui possède ici-bas l’autorité suprême, ne peut nous saisir, et si ce pouvoir lui est laissé, ce n’est que dans la mesure où, par lui, seront accomplis les desseins de Dieu. Il en fut ainsi pour Élie, pour les apôtres Pierre, Jean, Paul et tous les serviteurs du Seigneur.
La valeur de l’homme, par
lequel Dieu rend témoignage, entre si peu en ligne de compte, que le prophète
n’est pas même nommé dans ce récit. Il est simplement un homme de Dieu,
mais quel titre ! L’homme de Dieu est un
serviteur qui le représente devant les hommes et sur lequel Dieu empreint son
caractère. Cet homme parle pour Dieu, comme ses oracles. Fonction auguste et
solennelle, mais qui réduit l’homme à néant et lui ôte toute confiance en la
chair. Moïse, David, sont appelés des hommes de Dieu ; ce nom est aussi
appliqué aux prophètes en un temps de ruine. Timothée était un homme de Dieu. 2
Tim. 3:17, nous montre qu’il était préparé pour son mandat par la Parole ;
1 Tim. 6:11, qu’il ne pouvait le remplir qu’en mettant d’accord sa vie et sa
conduite avec ce qu’il annonçait.
La violence du roi s’était retournée contre lui ; mais Satan ne se tient pas pour battu ; il entre en scène, et cherche à se servir de Jéroboam comme d’instrument. « Viens avec moi à la maison, dit le roi, et rafraîchis-toi, et je te donnerai un présent » (v. 7). Gardons-nous des offres, bien plus que des menaces du monde… Si l’homme de Dieu avait accepté le témoignage de reconnaissance du roi, c’eût été de sa part un acte de désobéissance qui aurait déshonoré l’Éternel. Jéroboam, sans doute, ignorait ce que Dieu avait interdit à son prophète, mais Satan le savait bien. Une chose dont le roi profane pouvait se rendre compte, c’est que l’homme de Dieu, acceptant son hospitalité et son présent, se liait en quelque mesure avec lui, qui avait déshonoré l’Éternel, et déclarait tacitement que les choses n’étaient pas aussi graves qu’il l’avait pensé d’abord. Par là, tout témoignage était annulé et Satan le savait bien. Mais le prophète reste fidèle ; il suit l’exemple d’Abraham avec le roi de Sodome et n’accepte rien ; il obéit à la parole de l’Etérnel et n’est pas tenté par les plus grands avantages temporels : « Quand tu me donnerais la moitié de ta maison, je n’irais pas avec toi ; et je ne mangerai pas de pain et je ne boirai pas d’eau dans ce lieu. Car il m’est ainsi commandé par la parole de l’Éternel, disant : Tu ne mangeras pas de pain, et tu ne boiras pas d’eau, et tu ne t’en retourneras point par le chemin par lequel tu es allé » (v. 8, 9).
Qu’il comprenne ou ne
comprenne pas ce dont l’Éternel l’a chargé, le chemin du prophète est
simple : Dieu lui a parlé ; il doit
obéir. Il ne doit pas
retourner par le même chemin : ce serait marcher en sens inverse de sa
mission. Revenir en arrière, c’eût été nier que les voies de Dieu sont sans
repentance. Et le prophète obéit (v. 10).
Il y avait à Béthel un vieux
prophète qui n’y demeurait pas par ordre de Dieu, car l’Éternel ne l’employait
pas à son service, mais il s’y était établi avec sa famille. Peut-être,
probablement même, n’avait-il rien à faire avec le faux culte de Jéroboam, mais
sa seule présence
à Béthel
était une sanction de ce qui s’y passait, chose qu’avait comprise pour lui-même
le prophète de Juda. Qu’il le voulût ou ne le voulût pas, le vieux prophète
était associé au mal, et cette association avait pour résultat que lui,
prophète, n’était pas dans le secret des pensées de Dieu. Il les apprend par
d’autres, par ses fils qui lui rapportent les paroles de l’Éternel. Dieu ne
manifeste ni Lui, ni ses pensées, à un serviteur qui se trouve en des
associations qui le déshonorent. Aucune révélation ne lui était faite ; un
autre était employé, tandis que lui restait stérile pour l’oeuvre de l’Éternel.
Comment prophétiser contre Béthel, quand on s’est accoutumé à y vivre ?
Chose plus sérieuse encore. Ce vieux prophète devient un instrument de ruine pour le témoin de Dieu (v. 11-19). Quel intérêt avait-il donc à agir ainsi envers lui ? celui-ci : si l’homme de Dieu l’écoutait, c’était comme une sanction divine sur sa position à Béthel.
Pareille chose arrive aussi de nos jours. Plus d’un serviteur qui devrait être séparé du mal, entre en association avec un autre serviteur qui ne l’est pas dans le lieu même où Dieu est déshonoré. Le vieux prophète ne pense pas aux conséquences qui résulteront pour son frère, de l’infidélité dans laquelle il l’engage. Une fausse position nous rend égoïstes et nous fait manquer de droiture.
Le vieux prophète rejoint
l’homme de Dieu sur le chemin qui l’éloignait de Béthel. À sa question :
« Viens avec moi à la maison, et mange du pain », ce dernier répond tout aussi
catégoriquement qu’à Jéroboam (v. 16, 17). « Moi aussi, répond le vieux
prophète, je suis prophète comme toi, et un ange m’a parlé par la parole de
l’Éternel, disant : Fais-le revenir avec toi à ta maison, et qu’il mange
du pain et boive de l’eau » (v. 18), et la Parole ajoute : « Il lui
mentait
».
Mais comment l’homme de Dieu pouvait-il prêter un instant
l’oreille à ce mensonge ? Comment pouvait-il supposer qu’il y eût des
contradictions dans la parole que Dieu lui adressait ?
Et cependant, c’est ce que
nous affirment les chrétiens infidèles pour justifier à leurs propres yeux leur
mauvaise marche. Chacun, nous disent-ils, comprend la Parole diversement. « Moi
aussi je suis prophète ! » Mais non, grâce à Dieu, sa volonté ne peut être
comprise que d’une manière,
et qui la
comprendra, si ce n’est celui qui se sépare du mal en obéissant à la
Parole ?
En faisant appel à l’affection fraternelle, le vieux prophète réussit, là où l’offre du roi avait été repoussée. « Il retourna avec lui, et mangea du pain dans sa maison, et but de l’eau » (v. 19). C’était un homme pieux et respectable que le vieux prophète. Pourquoi l’homme de Dieu ne croirait-il pas ce qu’il dit ? Mais, quelle que soit sa piété, la parole d’un homme aurait-elle plus de poids que la parole de Dieu ? Le prophète de Juda se trouve lié par l’âge, par l’autorité de son frère le prophète, par sa sympathie pour lui. Demandons-nous sérieusement quel rôle ces liens jouent dans notre vie religieuse, quand la question de l’obéissance à la Parole est placée devant nous.
Le vieux prophète est rudement châtié de son mensonge (v. 20-22), car il devient l’instrument de Dieu pour prononcer, contre son gré, la condamnation de son frère qui s’était fié à sa parole. Il est obligé de juger sur un autre le mal qu’il a fait lui-même. « Parce que tu as été rebelle à la parole de l’Éternel, et que tu n’as pas gardé le commandement que l’Éternel, ton Dieu, t’avait commandé, et que tu es retourné, et que tu as mangé du pain et que tu as bu de l’eau dans le lieu dont il t’avait dit : Tu n’y mangeras pas de pain et tu n’y boiras pas d’eau, ton cadavre n’entrera pas dans le sépulcre de tes pères (v. 21, 22). Si le mensonge du vieux prophète était châtié, combien plus la désobéissance de l’homme de Dieu que son office et la révélation de l’Éternel mettaient en relation plus intime avec Lui.
Qui donc se reconnaîtra dans
les traits de l’homme de Dieu ? « Tu as été rebelle
»,
lui dit l’Éternel. Qui se reconnaîtra
dans les traits du vieux prophète ? « Es-tu prophète, toi aussi ? » Eh
bien ! le moment viendra où tu prononceras la malédiction sur ta propre
oeuvre et le châtiment sur ceux que tu as entraînés ! Et que te
restera-t-il à toi ? Sera-ce une couronne ?
(v. 23-26). Le serpent,
déguisé en ange de lumière,
avait séduit l’homme de Dieu. Il trouve le lion
sur son chemin. Les circonstances extraordinaires de sa mort obligent
chacun à reconnaître l’intervention divine. Il n’est pas permis au lion de
faire autre chose que d’accomplir la parole de l’Éternel. Le vieux prophète,
instrument de la chute de son frère, est le témoin des conséquences de cette
chute. Comme cela devait atteindre sa conscience et remplir son âme de douleur
et de deuil ! (v. 29). Son oeuvre est réduite à néant et jugée, mais Dieu
s’en sert pour le ramener ; lui-même n’est pas perdu. « Quand je mourrai,
dit-il à ses fils, vous m’enterrerez dans le sépulcre où l’homme de Dieu est
enterré ; placez mes os à côté de ses os. Car la parole qu’il a criée, par
la parole de l’Éternel, contre l’autel qui est à Béthel et contre toutes les
maisons des hauts lieux qui sont dans les villes de Samarie, arrivera
certainement » (v. 31, 32). Il est restauré dans son âme avant de mourir et
scelle de son propre témoignage celui de son frère contre l’autel de Béthel,
étendant ce témoignage à tous les hauts lieux des villes de Samarie. Quoi qu’il
en soit de notre infidélité, Dieu ne veut pas rester sans témoignage. Le plus
faible, le plus coupable d’entre nous, s’il se repent, peut en devenir le
porteur. Dans sa mort, le vieux prophète témoigne de son association avec
l’homme de Dieu (v. 31).
Mais aucun témoignage n’arrête la carrière idolâtre de Jéroboam (v. 33, 34). La religion qu’il a inventée, lui tient plus au coeur que la parole de l’Éternel ; et cependant cette Parole infaillible lui avait tout déclaré d’avance par la bouche d’Akhija. Il avait pu la contrôler par les faits, en avait reçu les bénédictions sans résultat pour son âme ; il va faire connaissance avec ses jugements.
« Dans ce temps-là, Abija,
fils de Jéroboam, fut malade » (v. 1) ; c’était un coup des plus sensibles,
et une cause de grande angoisse, pour le roi. Si ce fils chéri, son successeur,
vient à mourir, quel sera le sort de cette monarchie dont il a cru s’assurer la
possession par tant d’habileté ? Car Jéroboam était ce que les hommes
appellent un grand politique. Il avait d’autres fils, sans doute, mais
celui-ci, l’héritier, jouissait de la faveur de Dieu et du peuple. C’est ainsi
qu’est manifestée la folie des combinaisons humaines qui se font en dehors de
Dieu. L’Éternel avait assuré le royaume à Jéroboam, mais ce dernier avait
préféré se l’assurer à lui-même en abandonnant l’Éternel. Il lui fallait
apprendre si son chemin était le chemin de la sagesse. Il n’avait pas compté
avec la mort ; ses plans n’admettaient pas la seule chose à laquelle les hommes
ne peuvent jamais échapper,
et ils étaient tout près d’être réduits à néant.
Que faire ? Il se souvient du prophète « qui a dit de lui qu’il serait roi sur ce peuple » (v. 2). Lui sait les choses : « il te dira ce qui arrivera à l’enfant ». Jéroboam reconnaît l’habileté de l’homme de Dieu, et pense que ce dernier peut lui venir en aide. Une chose lui fait défaut, qui manque toujours à l’âme inconvertie, le sentiment d’avoir à faire avec Dieu ; il ne lui vient pas à la pensée que c’est devant Lui qu’il va se trouver. S’il en était autrement, pourrait-il engager sa femme à se déguiser ? Non, même ce roi profane ne pourrait supposer qu’on se cache à Dieu au moyen d’un travestissement. Mais Dieu n’étant pas devant sa pensée, le lien entre le prophète et l’Éternel lui échappe. Ce que l’homme de Dieu avait dit s’était réalisé ; il valait donc la peine de le consulter ; Jéroboam en ferait à peu près autant avec un diseur de bonne aventure. « Déguise-toi, dit-il à sa femme, et qu’on ne sache pas que tu es la femme de Jéroboam ». Il avait, en effet, de bonnes raisons pour cela. Que dirait son peuple si lui, le chef qui avait créé de toutes pièces une nouvelle religion, retournait aux représentants de l’ancienne, aux prophètes de l’Éternel, pour chercher secours et lumière auprès d’eux ? Et puis, n’avait-il pas appris à ses dépens que ces prophètes n’étaient pas bien disposés pour lui ? Peut-être Akhija qui avait dit autrefois du bien de lui, serait-il plus favorable… À tout hasard, déguise-toi, dit-il, et porte-lui quelques présents, non pas en rapport avec la dignité d’une reine, ce qui nous trahirait, mais enfin un présent est toujours de saison quand on va consulter un prophète !…
Akhija était resté dans sa
ville, sur le territoire d’Éphraïm. Il est appelé Akhija le Silonite
(11:29 ; 12:15). Il convenait à Dieu d’avoir aussi son prophète en Israël,
mais d’autre part comme cet endroit convenait bien au prophète de
l’Éternel ! C’était à Silo que le tabernacle était resté pendant la longue
période des juges et sous la sacrificature d’Éli. On pouvait s’en souvenir en
Israël, maintenant qu’on ne montait plus au temple de Jérusalem. Il restait du
moins aux fidèles, obligés de demeurer parmi les dix tribus, le souvenir du
culte d’autrefois, des bénédictions initiales qui s’attachaient à la présence
du tabernacle à Silo. « Allez, dit l’Éternel, à mon lieu qui était à Silo, où j’ai fait demeurer mon nom au
commencement…
» (Jér. 7:12).
Un homme de foi ne devait pas oublier que le nom de l’Éternel avait demeuré là,
et pouvait par conséquent y demeurer aussi. Dans les circonstances fâcheuses
d’Israël, Akhija n’avait peut-être pas plus d’occupation à Silo que jadis le
vieux prophète à Béthel, mais il y était séparé de l’idolâtrie, et apte à
recevoir les communications du Dieu qui y avait fait demeurer son nom. Qu’il
est bon, en des jours de ruine, de se souvenir de ces choses premières !
On y retrouve toujours Dieu, car si ses voies changent suivant les époques,
jamais lui-même ne change. Aux lieux où il a fait demeurer son nom au
commencement, il peut encore se révéler à l’âme fidèle.
Akhija demeurait à Silo, dans l’attente. En apparence tout était contre lui ; comment pouvait-il être encore utile dans le service ? « Il ne pouvait voir, car ses yeux étaient fixes à cause de son âge », mais les yeux appesantis du prophète ne troublaient pas, comme chez Éli, sa vue spirituelle. C’est qu’il restait directement en rapport avec l’Éternel. Dieu lui parle, lui révèle qui va se présenter devant lui, pour quel but, et que ce sera sous un déguisement (v. 5). Tout cela, la vue charnelle d’Akhija ne pouvait le distinguer, mais, par grâce, l’Éternel lui avait donné sa propre vue. Lui avait tout vu, Lui voyait dans le présent et dans l’avenir. Akhija sait et voit, parce que l’Éternel sait et voit. Une pareille bénédiction ne se rencontre que dans la communion du coeur avec Dieu. Puisse-t-elle être toujours la nôtre ! Ce ne sont pas nos infirmités qui empêchent les communications divines d’arriver jusqu’à nous, c’est notre mondanité et notre désobéissance. Dieu se plaît aux vases infirmes quand le coeur lui est fidèle, et les plus faibles (Paul en était publiquement le témoin) reçoivent dans ce monde les révélations les plus précieuses.
« Je suis envoyé vers toi
»,
dit
Akhija à la femme de Jéroboam, « pour t’annoncer des choses dures » (v. 6). Comme
il ne peut aller à la femme du roi, Dieu la lui amène, Lui qui avait tout
ordonné, depuis la maladie de l’enfant, jusqu’aux pensées et aux décisions de
Jéroboam, pour mettre ce dernier en présence de la Parole que l’Éternel
envoyait contre lui par le prophète. « Tu n’a pas été comme mon serviteur David,
qui gardait mes commandements et marchait après moi de tout son coeur, pour ne
faire que ce qui est droit à mes yeux » (v. 8). David aurait-il pu parler ainsi
de lui-même ? Non — ni lui, ni aucun homme. Mais Dieu l’avait discipliné,
comme un fils qu’on avoue, et la discipline avait porté ses fruits. En vertu du
sacrifice, Dieu avait pu passer par-dessus le péché de son serviteur, ne plus
jamais s’en souvenir, et ne considérer que les fruits produits dans son coeur,
Sa propre oeuvre, en laquelle il pouvait trouver son plaisir. Mais à Jéroboam,
il dit : « Tu as fait ce qui est mauvais, plus que tous ceux qui ont été
avant toi, et tu es allé et t’es fait d’autres dieux et des images de fonte
pour me provoquer à colère, et tu m’as
jeté derrière ton dos
» (v. 9).
Jéroboam s’était passé de Dieu, l’avait méprisé comme un objet de nul usage. En
est-il autrement aujourd’hui ? L’homme se passe de Dieu comme d’une
« quantité négligeable » ; il le bannit de sa vie, le jette derrière son dos
de manière à ne plus le voir. Ce qu’il a devant
lui, c’est la poursuite de
ses plans, de son ambition et de son bien-être ; ce qu’il a derrière lui,
il n’y pense pas. Mais il arrive un moment où, comme Jéroboam, il lui faut se
retourner et rencontrer face à face le Dieu qu’il n’a « rien estimé ». Alors il
entend cette parole terrible : « J’ôterai la maison de Jéroboam comme on ôte le fumier,
jusqu’à ce qu’il
n’en reste plus rien
» (v. 10). Dieu
le jettera aux chiens et aux oiseaux
des cieux. Voilà pour l’avenir. Mais pour le présent, la mort est à la
porte : « Quand tes pieds entreront dans la ville, l’enfant mourra » (v.
12).
Il mourra
! Quel jugement sur
Jéroboam… Quelle grâce pour l’enfant ! Il était un élu de l’Éternel, « En
lui seul, dans la maison de Jéroboam, a été trouvé quelque chose d’agréable à
l’Éternel » (v. 13). Les yeux, le coeur de Dieu reposaient sur ce faible rejeton
d’une race vouée à la destruction. Là aussi, Dieu avait un résidu selon
l’élection de grâce. Le royaume des cieux appartenait à ce jeune enfant. Il ne
pouvait rester en Israël ; Dieu voulait le sortir de la scène du jugement
pour l’avoir avec Lui. C’était un juste. « Le juste périt, et personne ne le
prend à coeur ; et les hommes de bonté sont recueillis, sans que personne
comprenne que le juste est recueilli de devant le mal. Il est entré dans la
paix » (És. 57:1). Ainsi furent recueillis les justes, contemporains de Noé, à
la veille du déluge ; ainsi le seront les saints, au jour prochain de la
venue du Seigneur : « Je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va venir
sur la terre habitée tout entière, pour éprouver ceux qui habitent sur la
terre » (Apoc. 3:10). « Mais quoi ?… déjà maintenant ! » Oui, le
jugement est à la porte ; il n’y a plus de délai. Ah ! si les
consciences des hommes pouvaient être atteintes avant qu’il soit trop
tard !… Déjà maintenant ! Comme cela rappelle la parole de
l’Apocalypse : « Le temps est proche. Que celui qui est injuste commette
encore l’injustice ; et que celui qui est souillé se souille encore.. »
(Apoc. 22:11).
Mais le peuple aussi devait
être jugé (v. 15, 16), non pas seulement parce que son roi l’avait séduit, mais
parce qu’il avait péché lui-même, car « ils se sont fait des ashères, provoquant
l’Éternel à la colère ». Il devait être jugé selon le principe exprimé en Rom.
5:12 : « Comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le
péché la mort, et ainsi la mort a passé à tous
les hommes, en ce que tous
ont péché.. ».
Dès ce moment l’histoire de Jéroboam est close. Les chroniques des rois d’Israël ont pu l’enregistrer, mais Dieu la passe sous silence. S’il en mentionne quelque chose au second livre des Chroniques, c’est en vue du caractère d’Abija, successeur de Roboam (*). Nadab, fils de Jéroboam, succède à son père.
(*) C’est à dessein que nous ne rapprochons pas du nôtre le récit de 2 Chron. Il est préférable de laisser les faits parler à la place même où Dieu les enregistre. En agissant autrement, on serait en danger de confondre des principes qui doivent rester distincts, et de perdre une partie de la bénédiction que Dieu a attachée à chaque livre de sa Parole. Ainsi, sauf pour les détails, ce qui nous est déjà arrivé, nous nous abstiendrons de commenter ici ce que Dieu ne nous a pas donné dans les livres des Rois.
Nous avons en quelques mots (v. 21-31) l’histoire de Roboam, roi de Juda. Il ne semble pas que lui-même ait introduit l’idolâtrie dans son pays. C’était plutôt le fait du peuple (v. 22), mais Roboam, en laissant le mal s’établir dans le royaume, est tout aussi coupable que Juda, parce qu’il est responsable de la conduite de ce dernier (conf. 2 Chron. 12:1, 2, 14). Sa mère, est-il répété deux fois (v. 21, 31), était Naama, une Ammonite. Comment ce fait n’aurait-il pas influé sur le péché de Juda, puisque Salomon avait bâti des hauts lieux à Moloc, l’abomination des fils d’Ammon, à cause de cette femme et de ses compatriotes, s’il y en avait parmi les femmes du roi ? L’idolâtrie va de pair avec la corruption la plus horrible (v. 24. Rom. 1), et de telles choses avaient lieu au milieu du peuple de Dieu ! Dieu avait détruit les « villes de la plaine » et chassé, devant son peuple, ces nations dont l’iniquité était arrivée à son comble. Que devait-il faire à Juda ?
Shishak, roi d’Égypte, monte contre Jérusalem (v. 25-28). Toute la prospérité de Salomon, les trésors du temple, les richesses de la maison du roi, les boucliers d’or de sa garde, tout s’en est allé, et si vite ! En moins de dix-sept ans, le royaume du fils de David effondré, toute sa gloire jetée à terre, foulée aux pieds ! L’or a disparu, l’airain seul est encore laissé (v. 27).
Abijam, fils de Roboam, règne à sa place.
Abijam ou Abija (2 Chroniques 13), fils de Roboam, commence à régner sur Juda, la dix-huitième année de Jéroboam, roi d’Israël. Sa mère était Maaca, fille d’Absalom. La mère d’Absalom avait nom Maaca (2 Sam. 3:3) ; il est naturel que ce nom se soit perpétué dans la famille. Cette Maaca, mère d’Abija, devait être elle-même la petite-fille d’Absalom, ce dont ferait foi 2 Chron. 13:2. Au v. 10, Maaca est appelée la mère d’Asa, fils d’Abija, selon la coutume juive, quoiqu’elle fût sa grand-mère. Cette femme était un digne pendant de Naama, mère de Roboam, une Ammonite. Nous verrons au cours de ces livres combien le caractère des mères et leur origine ont d’influence sur leurs enfants. Une mère pieuse voit prospérer ses fils autour d’elle. L’apôtre Paul rappelle à Timothée son ascendance bénie, « la foi sincère… qui a d’abord habité dans ta grand-mère Loïs et dans ta mère Eunice, et, j’en suis persuadé, en toi aussi » (2 Tim. 1:5). Les enfants de la « dame élue » marchaient dans la vérité (2 Jean 4). Nous noterons d’autres faits semblables, en parcourant les Rois et les Chroniques.
Nous trouvons ici la contrepartie de ce que nous venons de dire. Une mère profane ou mondaine est d’autant plus dangereuse pour le développement moral de ses enfants que, selon l’ordre divin, dans la nature et les relations, la responsabilité de conduire leur jeunesse lui est naturellement confiée. C’est ainsi que, pendant ses trois ans de règne, Abijam marcha dans tous les péchés de son père. « Toutefois, est-il dit, à cause de David, l’Éternel, son Dieu, lui donna une lampe à Jérusalem, établissant son fils après lui, et faisant subsister Jérusalem » (v. 4). Dieu se souvient de David et de son obéissance, alors même qu’il s’était détourné de la droiture dans l’affaire d’Urie, mais, après l’amère discipline qu’elle avait rendue nécessaire, son âme restaurée avait retrouvé la communion avec son Dieu. L’Éternel n’oubliait pas ces choses, aussi voyons-nous, à cause de David, le successeur et fils d’Abijam, Asa, suscité comme un vrai témoin de Dieu en Juda. C’était la grâce de Dieu qui pouvait le faire, non les mérites de l’homme, et cela d’autant plus qu’Asa était placé sous la même influence féminine que son père. Sa grand-mère Maaca cherche sous son règne à favoriser la pratique de l’idolâtrie, mais la foi d’Asa combat cette influence, la réprouve et l’anéantit, afin que les droits de l’Éternel soient reconnus en Juda. Maaca occupait la position de reine, peut-être de mère régente, à la cour d’Asa. Ce dernier dépouille de sa dignité et de son prestige celle qui, en face du zèle de son petit-fils pour faire disparaître l’idolâtrie, avait osé et voulu la rétablir dans ce qu’elle avait de plus corrompu.
Le règne d’Asa fut long et particulièrement béni ; il dura quarante et un ans, dépassant ainsi ceux de David et de Salomon. Les Chroniques nous racontent en détail toute la fidélité dont il fit preuve. La Parole le considère plutôt ici au point de vue de sa responsabilité. La fin de son règne est marquée par un manque de foi bien répréhensible. Baësha, roi d’Israël, monte contre Juda, et commence à bâtir Rama dans le but d’enfermer Asa dans son royaume sans qu’il en pût sortir (v. 17). Pour s’opposer à ce dessein, Asa s’appuie sur Ben-Hadad, roi de Syrie, lui envoie des présents, recherche son alliance, et se sert de lui pour éloigner Baësha. Ce plan réussit en apparence : le roi d’Israël abandonne Rama dont les matériaux sont dispersés. Mais quelle infidélité chez ce roi pieux qui avait vaincu Zérak, l’Ethiopien, avec son armée d’un million d’hommes (2 Chron. 14:9), de ne pas remettre ses intérêts à l’Éternel. L’alliance avec le monde nous procure d’abord des avantages, mais ensuite nous en goûtons les fruits amers. Cette conduite d’Asa n’est pas condamnée sévèrement ici, comme dans les Chroniques, parce que les rois de Juda ne forment pas le sujet spécial dont l’Esprit de Dieu s’occupe. Mais qu’il est triste, ce mot dans la bouche d’un roi pieux : « Il y a alliance entre moi et toi, entre mon père et ton père ! » (v. 19). Abijam avait marché « dans tous les péchés de son père », et voici qu’Asa s’identifie avec lui. Son père s’était allié avec les ennemis du peuple de Dieu ; Asa reconnaît et recherche cette alliance !
« Asa s’endormit avec ses pères » (v. 24), parole dite aussi de Jéroboam, de Roboam et de tant d’autres. Cela peut être une faveur spéciale, car le contraire est dit de certains rois impies ou de leur descendance (cf. 14:11), mais cette faveur est bien loin de signifier que l’Éternel prît plaisir en eux, ou qu’ils aient trouvé au-delà de la tombe le bonheur que leurs coeurs avaient en vain désiré dans ce monde. Il en est ainsi partout ici-bas. Les fils sont ensevelis auprès de leurs pères ; ils meurent, si l’on ose s’exprimer ainsi, d’une mort normale, sans qu’on puisse en tirer une conclusion consolante pour leur avenir éternel.
« Au temps de sa vieillesse, il fut malade des pieds » (v. 23), et là encore Asa montra son manque de confiance en Dieu : « Dans sa maladie, il ne rechercha pas l’Éternel, mais les médecins » (2 Chron. 16:12). Un acte d’indépendance non jugé (cf. 2 Chron. 16:9, 10), en entraîne nécessairement un autre ; en même temps, le jugement de Dieu tombe sur ceux qui, au lieu de porter son témoignage, ont préféré chercher l’alliance, l’appui et les secours du monde.
Pour ne pas interrompre le récit des événements du règne d’Asa, l’attaque de Baësha, quoique de beaucoup postérieure, avait été mentionnée au v. 17. La Parole revient en arrière au v. 25, et nous parle de Nadab, fils de Jéroboam, qui commença à régner sur Israël la deuxième année d’Asa. Son règne dura deux ans ; ce court espace de temps suffit pour prouver son iniquité. La parole de l’Éternel contre Jéroboam s’accomplit à l’égard de son fils et de toute sa famille (conf. 14:l4). Baësha conspira contre lui, le frappa, le mit à mort à Guibbethon, et régna à sa place, la troisième année d’Asa, roi de Juda. « Et il arriva que, quand il fut roi, il frappa toute la maison de Jéroboam ; il ne laissa de Jéroboam personne qui respirât, jusqu’à ce qu’il eût détruit sa maison selon la parole de l’Éternel qu’il avait dite par son serviteur Akhija, le Silonite, à cause des péchés de Jéroboam, qu’il avait commis et par lesquels il avait fait pécher Israël, par sa provocation par laquelle il avait provoqué l’Éternel, le Dieu d’Israël » (v. 29, 30). Baësha régna vingt-quatre ans et fit ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel.
Tout ce récit, plein de guerres et de cruautés, succède au règne de paix de Salomon, clos si vite à cause de l’infidélité du roi et de son peuple. « Il y eut guerre entre Roboam et Jéroboam tous les jours de sa vie » (v. 6). « Il y eut guerre entre Asa et Baësha, roi d’Israël, tous leurs jours » (v. 16), et le v. 32 répète encore la chose. C’est un des principaux symptômes du déclin. La guerre est déclarée, une guerre acharnée entre gens issus d’une même race. Roboam avait été sur le point de l’entreprendre, mais, averti par l’Éternel, il s’était désisté. Les rois d’Israël sont ensuite les auteurs de la guerre, car ils sentent leur position compromise par le maintien du témoignage de Dieu en Juda. Une nation qui, ayant connu le vrai Dieu, est devenue idolâtre, ne peut le supporter si près d’elle. Elle le hait et lui fait une guerre acharnée.
Les prophètes de l’Éternel se multiplient sous ces règnes néfastes. Nous avons vu d’abord Akhija, le Silonite, prophétisant à Jéroboam qu’il serait roi sur les dix tribus (1 Rois 11:29), puis annonçant au même roi la mort de son fils et l’anéantissement de sa race (chapitre 14). Après lui, Shemahia, le prophète de Roboam, engageant le roi et son peuple à ne pas combattre leurs frères, les fils d’Israël (1 Rois 12:22 ; 2 Chron. 11:2) ; seule chose qui convînt à ceux qui gardaient encore la lampe de David. Eux, les témoins de l’Éternel, devaient accepter la division comme conséquence de leur péché, et s’en remettre à Dieu qui saurait y remédier quand son jugement, après avoir eu son cours, aurait porté des fruits. Et c’est pourquoi Akhija avait dit à Jéroboam : « J’humilierai la semence de David à cause de cela, seulement pas à toujours » (11:39). Avant ces prophètes, Jehdo, le voyant, avait prophétisé sous le règne de Salomon contre Jéroboam (2 Chron. 9:29), sans parler de Nathan, dont le rôle fut si marqué aux jours de David et au début du règne de son fils (*). Enfin Azaria, fils d’Oded, encourage Asa, roi de Juda, à restaurer le culte du vrai Dieu, après sa victoire sur Zérakh, l’Ethiopien (2 Chron. 15:1, 8).
(*) Voyez encore sur Jehdo 2 Chron. 12:15 ; 13:22.
Tous ces prophètes étaient proprement des prophètes de Juda, car même Akhija, le Silonite, prophétise d’abord à Jéroboam, près de Jérusalem, et ne se trouve sur le territoire des dix tribus que par le fait de la division du royaume. Il en est de même de « l’homme de Dieu de Juda » qui prophétise contre Jéroboam au chapitre 13. Nous ne parlons pas du « vieux prophète » de ce même chapitre 13, retenu à Béthel par son infidélité.
Hanani, prophète de Juda (2 Chroniques 16:7), prophétise contre Asa qui avait appelé à son secours Ben-Hadad, roi de Syrie, contre Baësha, roi d’Israël. Malgré la réussite apparente de cette ligue, Hanani annonce au roi qu’il aurait désormais des guerres et non le repos espéré dans l’alliance avec le monde. Le pieux Asa, irrité de la répréhension divine, s’oppose à l’Éternel en jetant son prophète en prison !
Après Hanani apparaît Jéhu, son fils. Il est prophète en Israël aussi bien qu’en Juda. Il prophétise contre Baësha, roi d’Israël, ennemi d’Asa, mais aussi contre Josaphat, roi de Juda, ami d’Achab (2 Chron. 19:2 ; 20:34), car deux choses sont également coupables aux yeux de l’Éternel, la haine du monde contre ses enfants, l’amitié de ses enfants pour le monde.
Jéhu prophétise contre Baësha
qui a frappé la maison de Jéroboam, annonçant qu’il lui arrivera ce qui est
arrivé à ce dernier : « Celui de la maison de Baësha qui mourra dans la
ville, les chiens le mangeront, et celui de sa maison qui mourra dans les
champs, les oiseaux des cieux le mangeront » (v. 4 ; conf. 14:11).
Cependant Baësha, comme Jéroboam, « s’endort avec ses pères » et « le reste de ses
actes, et ce qu’il fit, et sa puissance, cela n’est-il pas écrit dans le livre
des chroniques des rois d’Israël ? » (v. 5, 6). La mention des chroniques
des rois d’Israël, ou de celles des rois de Juda, revient très souvent dans ces
livres. Ces chroniques se rédigeaient au cours du règne de tous les souverains
d’alors, soit Juifs, soit gentils. Elles n’ont rien à faire avec la parole de
Dieu. Ce qu’il n’a pas plu à l’Éternel de consigner ou d’interpréter, se
trouvait consigné là. Ces chroniques se sont perdues ; peut-être en
retrouvera-t-on des fragments quelque jour. Le croyant n’en a nul besoin ;
la parole de Dieu lui reste ; c’est là, dans le récit de Dieu, qu’il
trouve tout ce qui lui est nécessaire, ainsi que l’appréciation divine des
hommes, des faits et des choses. Certains actes peuvent être relatés dans des
écrits non inspirés, et même avec une grande exactitude, mais ces actes ne sont
jamais accompagnés que d’une appréciation humaine. Bien plus, des hommes de
Dieu, des prophètes, des voyants, peuvent être employés à rédiger des
chroniques, à confectionner des registres généalogiques, à écrire des
commentaires (2 Chron. 12:15 ; 13:22) ; ces écrits ne sont pas la parole
inspirée de Dieu. Malgré leur intérêt humain, ils n’ont aucune
importance pour la manifestation de la vérité de Dieu. Aussi
ont-ils disparu, tandis que la parole de Dieu restait.
Quand ils existaient, ils rendaient témoignage à la divinité de cette Parole et à la réalité des faits qui y étaient consignés ; maintenant qu’ils ont disparu, ils n’ont d’autre témoignage que leur mention dans les écrits sacrés. Au milieu de la ruine et de la disparition des choses, la parole de Dieu reste, seul monument, seul document inébranlable !
L’histoire des rois d’Israël
devient de plus en plus sombre et tragique. La malédiction de Dieu repose sur
cette race apostate. Ela, fils de Baësha, règne deux ans (v. 8) ; Zimri,
qui avait une haute position dans l’armée, le tue à Thirtsa, pendant qu’il
buvait et s’enivrait. Ainsi commence à s’accomplir la parole de Jéhu, le
prophète, car « aussitôt
qu’il s’assit
sur son trône, Zimri frappa toute la maison de Baësha ; il ne lui laissa
pas un seul mâle, ni ses parents, ni un ami » (v. 11). Cet acte d’extermination
s’accomplit en quelques jours, car Zimri régna sept jours
à Thirtsa (v. 15). Et ces sept jours lui suffisent pour
faire « ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel, en marchant dans la voie de
Jéroboam et dans son péché qu’il fit pour faire pécher Israël » (v. 19). Quand
le coeur de l’homme est éloigné de Dieu, chacun de ses actes en porte
l’empreinte, et c’est ainsi qu’un monceau d’iniquités peut s’accumuler dans un
si court espace de temps.
Le peuple, campé devant Guibbethon, le jour de l’usurpation de Zimri, choisit Omri, chef de l’armée, pour roi. Ces faits-là se renouvellent toujours dans la décadence des empires. Quand le peuple est sans Dieu, la volonté de Celui-ci n’est tenue pour rien. Ce qu’il avait établi au commencement est abandonné ; le règne est à qui possède la force, et comme la force réside dans l’armée, l’empire est à la merci de la puissance militaire. Conspiration d’un côté, révolution soldatesque de l’autre.
Un autre fait caractérise la décadence du royaume. Israël est divisé contre lui-même, et comment subsistera-t-il ? Thibni est élu roi par la moitié du peuple, tandis que l’autre moitié suit Omri. Ce dernier prévaut : Thibni meurt, Omri règne. Il règne douze ans en tout, six ans à Thirtsa. Il bâtit Samarie et fait pis que tous ceux qui avaient été avant lui. Il s’endort avec ses pères et est enterré à Samarie.
Achab, fils d’Omri, commence à régner, du vivant encore d’Asa, roi de Juda, car toutes les catastrophes mentionnées dans les chap. 15 et 16 ont lieu sous le règne de ce dernier. Autant le règne des prédécesseurs d’Achab avait été court (Nadab, un an, Ela, deux ans, Zimri, sept jours), Omri excepté, autant celui d’Achab est prolongé (22 ans). Achab a du temps devant lui pour ne faire que le mal. Il suit le culte idolâtre de Jéroboam, mais il fait pis encore : il épouse Jézabel, fille d’Ethbaal, roi des Sidoniens, et se prosterne devant Baal, auquel il bâtit un autel et un temple à Samarie. Il dresse une image de l’Astarté phénicienne et provoque à colère l’Éternel, le Dieu d’Israël (v. 29-33).
Et c’est en des jours pareils que ce Dieu, provoqué à la colère, va manifester sa puissance en témoignage contre le mal, mais aussi pour délivrer ce misérable peuple qui s’était asservi volontairement aux démons. Quel Dieu que le nôtre ! Il choisit le moment où l’homme l’a entièrement rejeté pour « se montrer Dieu, lui seul », comme nous le verrons dans la suite. Mais nous, chrétiens, n’avons-nous pas contemplé ce que Dieu est à la croix de Christ ?
Avant d’aborder l’histoire d’Élie, un détail est ajouté : « Du temps d’ Achab, Hiel, le Béthélite, bâtit Jéricho ; il la fonda sur Abiram, son premier-né, et posa ses portes sur Segub, son plus jeune fils, selon la parole de l’Éternel, qu’il avait dite par Josué, fils de Nun » (v. 34). Cinq cent trente-deux ans s’étaient écoulés, et l’Éternel n’avait pas oublié sa parole (Jos. 6:26), détail d’autant plus remarquable qu’il est destiné à prouver aux yeux des hommes, l’autorité infaillible de toutes les paroles que Dieu a prononcées. Israël était idolâtre, le nom de l’Éternel était déshonoré, le mal le plus affreux s’étalait au grand jour, en ce temps d’apostasie. Pourquoi Dieu n’intervenait-il pas ? Pourquoi ne pas écraser l’impie ? C’est qu’il est un Dieu d’infinie patience et il le prouve. Il accomplit sa parole quand, après cinq siècles, l’homme aurait pu penser, et a pensé sans doute qu’il n’en tiendrait plus compte. Une désobéissance amène, à la lettre, le jugement annoncé. Ce fait se passe aux yeux de tous ; parlera-t-il à la conscience du peuple et de son roi ?
Et c’est un homme de Béthel
qui bâtit Jéricho ! Il n’y a plus de crainte de Dieu devant les yeux
d’Israël. Les menaces de Dieu sont aussi méprisées que ses promesses. Ce fait
nous est présenté à cette place comme étant moralement
le dernier trait
de l’état individuel aux temps de l’apostasie, car, historiquement, il a lieu
pendant les vingt-deux années du règne d’Achab.
La parole de Dieu introduit ici
le premier grand prophète d’Israël.
Comme
nous l’avons dit plus haut, tous les autres prophètes étaient venus de Juda ou
avaient commencé leur ministère avant la séparation des dix tribus. Élie était
« d’entre les habitants de Galaad ». Il entre en scène aux plus mauvais jours de
l’histoire d’Israël, quand la défection est générale et que le culte de Baal,
favorisé par Achab et Jézabel, est devenu le culte national. Sous ce régime,
les serviteurs de l’Éternel sont obligés de se cacher pour sauver leur vie, et
ceux qui restent encore en vue, se taisent. Élie est donc tout seul, en
apparence, devant cette formidable apostasie. Son nom
est caractéristique : Élie signifie : « Celui dont le
Dieu est l’Éternel », et chacun peut lire ce nom dans les paroles et toute la
conduite de cet homme. Son Dieu est celui qu’Israël avait abandonné. Son témoignage
est tout aussi
caractéristique : il est entièrement
séparé de l’apostasie générale
. Il
est le témoin de la vérité au milieu du mal, et la vérité nous sépare
toujours pour Dieu. « Sanctifie-les par la vérité », dit le Seigneur. Cette
vérité consiste avant tout ici dans les jugements de Dieu. D’une manière
générale, Élie est le prophète du jugement, comme d’autre part, Élisée est le
prophète de la grâce. Cependant, comme nous le verrons dans le courant même de
ce chapitre et du suivant, la mission d’Élie ne s’accomplit pas sans être
accompagnée de grâce et de délivrance, et cela dans le temps même où les
jugements de Dieu se préparent et ont leur cours.
Le caractère moral
d’Élie est tout aussi remarquable
que son caractère de témoin. Avant tout, il
se tient devant Dieu.
« L’Éternel, dit-il, le Dieu d’Israël devant qui je me
tiens » (v. 1 ; 18:15). Il est en rapport avec Dieu et demeure dans Sa
communion. Comme Élie, Abraham « se tenait devant l’Éternel » (Gen. 18:22),
Élisée de même (2 Rois 3:14), et tant d’autres prophètes et hommes de Dieu.
Quand on se tient devant l’Éternel, on reçoit la communication de ses pensées
. « Cacherai-je à Abraham, dit l’Éternel, ce que je vais
faire ? » Il en est de même pour Élie : se tenant devant l’Éternel, il
connaît sa pensée et peut la déclarer : « Il n’y aura, ces années-ci, ni
rosée, ni pluie, sinon à ma parole » (v. 1). Quand on se tient devant Dieu, l’on
a, comme Jérémie, faim de Sa parole ; on la mange (Jér. 15:16). Alors on peut la communiquer à
d’autres : « Tu seras comme ma bouche » (Jér. 15, 19). En Apoc. 10:10, Jean
ne peut prophétiser qu’après s’être approprié le petit livre, en le dévorant.
Ézéchiel parle avec les paroles de Dieu, quand il a mangé le rouleau (Ézéch.
3:3, 4). Il en est de même ici d’Élie ; quand il dit : « Sinon à ma
parole », c’est que sa parole était
celle de l’Éternel qui lui avait été révélée (v. 2, 8 ; 18:1).
Mais pour que la Parole
développe au-dehors sa puissance par notre moyen, il nous faut autre chose
encore que de nous en nourrir. La
dépendance
est nécessaire. Élie annonce la pensée, proclame la parole de
Dieu, mais il prie
(et c’est la
dépendance), afin que cette pensée se réalise. Cette même dépendance par la
prière est la source de la puissance
du
prophète. La sphère de cette puissance est très élevée : c’est le ciel.
Le ciel se ferme et s’ouvre à
la parole d’Élie ; il en fait descendre le feu qui consume l’holocauste en
présence des prêtres de Baal. Dans tous ces cas nous trouvons le prophète en
prière. « Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous, et il pria avec
instance qu’il ne plût pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre durant
trois ans et six mois ; et il pria de nouveau, et le ciel donna de la
pluie, et la terre produisit son fruit (Jacques 5:17, 18). Notre chapitre ne
nous dit pas qu’Élie ait prié dans le premier cas, mais beaucoup plus tard la
Parole, dans l’épître de Jacques, nous le révèle, car Dieu se souvient de ces
prières, les enregistre, et peut révéler ce fait au temps convenable. Aucune
des prières de ses bien-aimés ne tombe en terre. Quand le feu du ciel descend,
c’est non seulement à la parole, mais à la prière d’Élie. Lorsque la puissance
du prophète se montre dans la résurrection des morts, la source de cette
puissance est encore la prière (17:20-22).
Remarquons tout de suite que la dépendance (dont la prière est si fréquemment l’expression) caractérise, à une seule exception près (19:3), toute la vie de cet homme de Dieu. Elle se montre au torrent du Kérith, qu’il s’agisse de s’y rendre ou de le quitter ; elle se montre à Sarepta, dans toutes les circonstances de la pauvre veuve ; elle se montre devant Achab, et devant Baal, et sur le Carmel, et dans l’affaire de Naboth, et tout le long de l’histoire du prophète, jusqu’au moment où, sur les chariots d’Israël, il est enlevé dans le ciel.
Telle était donc la triple cause de la puissance extraordinaire d’Élie : il se tenait devant Dieu, recevait Sa parole et vivait dans sa dépendance. Dans la seule occasion où sa foi faiblit, il néglige ces trois choses ! Au lieu de se tenir devant Dieu, il s’enfuit dans le désert, il oublie de consulter l’Éternel, et s’en va comme son coeur lui dit, ce qui est l’indépendance.
À peine a-t-il rendu le témoignage solennel et public du v. 1, qu’Élie est mis de côté par l’Éternel, jusqu’au jour où il reparaîtra pour délivrer le peuple en jugeant les suppôts de l’Ennemi qui le tenaient asservi. Être mis de côté est une position infiniment pénible à la chair qui se trouve ainsi privée de tout ce qui l’alimente, mais facile à la foi, car la foi trouve son bonheur dans l’obéissance. Le grand prophète doit se cacher, l’homme énergique se croiser les bras, attendre dans la solitude le moment de l’Éternel ; celui qui a le pouvoir de fermer le ciel doit dépendre uniquement du Créateur qui dispose des oiseaux pour nourrir son serviteur et fait durer l’eau du torrent aussi longtemps qu’il veut garder son prophète au Kerith. Position pénible à la chair, avons-nous dit, mais heureuse école de dépendance ! Élie en goûte les fruits. Quand tout Israël mourait de soif et de faim, lui, pouvait dire : « Je ne manque de rien ! »
L’apôtre Paul passa moralement par les mêmes expériences qu’Élie. Il avait prêché à Damas que Jésus était le Fils de Dieu, puis avait été envoyé dans la solitude de l’Arabie, pour revenir à Damas, et monter ensuite à Jérusalem. Nous ne savons rien de ses expériences pendant son isolement, pas plus que nous ne connaissons celles d’Élie. Ce que nous savons, c’est qu’ils en sortent l’un et l’autre avec la puissance acquise dans la communion du Seigneur.
Il en fut ainsi de Jean-Baptiste. Même dans le sein de sa mère, il rend un premier témoignage à la présence de Celui qui devait venir, puis il est gardé dans le désert jusqu’au jour de sa manifestation à Israël.
N’en fut-il pas ainsi du
Seigneur lui-même ? Seulement Lui qui pouvait dire : « Je suis
humble de coeur », n’avait aucun
besoin d’être gardé dans l’humilité ; mais la Parole est silencieuse sur
les années de son âge mûr qui précèdent son ministère public. Il était là,
vivant devant Dieu, trouvant ses délices dans sa dépendance, attendant la
volonté de Dieu pour agir, puis sortant, le moment venu, dans la puissance du
Saint Esprit, pour vaincre Satan et délivrer ceux qui lui étaient asservis.
Bien autrement qu’Élie, Jésus est un homme de prière. La prière est toujours
chez lui à la source de la puissance et en précède la manifestation. Nous le
voyons au baptême de Jean (Luc 3:21, 22, conf. 4:1, 14) ; sur la montagne
(Luc 6:12 ; conf. v. 19) ; à la transfiguration (Luc 9:28 ;
conf. v. 29) ; et en tant d’autres occasions de sa carrière.
Mais revenons encore un
instant aux voies de Dieu envers son prophète. Elles ont lieu dans une certaine
suite qui l’amène graduellement au point culminant de sa mission. Dieu lui
parle ; il croit, obéit à la parole divine, puis va réaliser une entière
dépendance au Kerith et à Sarepta. Plus il dépend de l’Éternel, plus il apprend
à connaître sa fidélité et les richesses de son amour et de sa grâce. Tout cela
est dominé, comme nous l’avons vu au début, par une entière séparation du mal.
Dans toutes ces choses est le secret de
la puissance. Leur absence est la cause du manque de puissance réelle parmi les
chrétiens de nos jours. Ce n’est pas que les
prétentions
à la puissance leur manquent, mais où en est la réalité ?
On ne croit plus à la parole de Dieu, on vit dans l’indépendance et la
désobéissance à cette Parole, on est en communion avec le monde qui a crucifié
Christ, et l’on crie bien haut qu’on a trouvé le secret de la puissance !
Il existe, en effet, dans le monde un secret de puissance, mais d’une puissance
satanique, basée sur l’abandon de toutes ces choses. Prenons garde de ne pas
nous laisser ensorceler par cette puissance-là. Celle d’Élie avait un caractère
qui la distinguait de toute autre : c’était la puissance de l’Esprit de Dieu,
et tout vrai serviteur de
l’Éternel était obligé de la reconnaître (18:12 ; 2 Rois 2:16).
Lorsque le torrent eut séché,
Élie fut envoyé à Sarepta pour y être nourri
par une femme veuve (v. 9). En Luc 4:25, 26, il est envoyé vers la
veuve pour la nourrir
.
Ces
deux choses sont vraies et notre récit en est la preuve. Dieu avait deux
buts : nourrir son serviteur et apporter par lui à la veuve un message de
grâce. Le Seigneur, parlant dans la synagogue, assimile ce message à
l’Évangile, communiqué aux nations en dehors des limites d’Israël.
L’évangéliste trouve sa propre nourriture en apportant à d’autres la bonne
nouvelle de la grâce. Mais on trouve une troisième chose dans ce récit de Luc.
Si le message est apporté aux nations dans la personne d’une veuve sidonienne,
les veuves d’Israël sont laissées de côté. Le jugement de l’état d’Israël ouvre
la porte aux gentils pour recevoir la grâce, et cela, chose remarquable, sur le
territoire même d’où était sortie Jézabel, la grande corruptrice du peuple de
Dieu ! (16:31). En Matt. 15:21, le Seigneur se retire sur ce même
territoire, mais, quoiqu’il soit encore envoyé vers les brebis perdues de la
maison d’Israël, il ne peut être caché à la foi, et celle-ci trouve auprès de
Lui, bien plus que les miettes tombées de la table des enfants.
Voici donc Élie, envoyé en
grâce vers une veuve de Sarepta, mourante de faim, et, tout autant qu’Israël,
sous le poids et les conséquences du jugement que Dieu a prononcé. Cette femme
va mourir et le sait.
La parole
d’Élie met en activité la foi qui dormait encore dans son coeur. « Elle s’en
alla, et fit selon la parole d’Élie » (v. 15). Au lieu de douter d’un fait
incompréhensible à la raison humaine, elle accepte cette impossibilité et y
trouve le salut pour elle et pour son fils. Le roi d’Israël sentait, lui aussi,
cette mort imminente pesant sur lui et sur son peuple, mais, au lieu d’être
certain de son sort, il cherchait
les
moyens d’y échapper. C’est l’opposé de la foi, c’est l’incrédulité. Achab
croyait avoir, ou trouver, des ressources humaines contre la famine et la
mort ; cette femme n’en avait aucune : « Nous le mangerons et nous mourrons
» (v. 12).
La foi de cette veuve est de même nature et de même qualité que celle du prophète ; elle suit par conséquent le même chemin que lui. Il en est toujours ainsi : « Élie s’en alla et fit selon la parole de l’Éternel » (v. 5). « La femme s’en alla, et fit selon la parole d’Élie » (v. 15), mais la parole d’Élie était « la parole de l’Éternel, qu’il avait dite à Élie » (v. 16). C’est la même parole, qu’elle vienne directement au prophète ou qu’elle s’adresse aux hommes par lui. Il en est de même aujourd’hui de l’Évangile.
Cette pauvre veuve venait
d’apprendre à connaître les ressources divines pour une âme qui allait mourir.
Elle était appelée à faire des expériences bien plus profondes et plus bénies.
Son fils meurt ; elle a affaire maintenant avec la réalité de la mort.
Elle reconnaît en même temps ce qui est
juste, que la mort est le salaire de l’iniquité : « Es-tu venu chez moi
pour mettre en mémoire mon iniquité et faire mourir mon fils ? » (v. 18).
Ce n’est pas tout de savoir que la mort nous attend et nous atteindra ; il
nous faut encore réaliser la puissance actuelle de la mort sur nous, pécheurs.
La veuve avait besoin de cette expérience pour apprendre toute l’étendue et la
puissance de la grâce. Comment, si son fils n’était pas mort, aurait-elle pu
connaître la puissance de la résurrection qui délivre de la mort ? Il en
était de même pour Marthe au tombeau de Lazare.
Toute cette scène nous parle
de Christ. Élie en est l’image. Il entre en sympathie dans toutes les
conséquences du péché de l’homme. Comme Christ pleure au tombeau de Lazare,
Élie « crie à l’Éternel, et dit : Ô Éternel, mon Dieu, as-tu aussi fait
venir du mal sur la veuve chez laquelle je séjourne, en faisant mourir son
fils ? » (v. 20). Puis il ressuscite le mort en prenant sa place.
« Et il s’étendit sur l’enfant, trois fois, et il
cria à l’Éternel, et dit : Éternel, mon Dieu ! fais revenir, je te
prie, l’âme de cet enfant au-dedans de lui » (v. 21).
La farine et l’huile étaient
une grande bénédiction pour la pauvre veuve. Elles l’empêchaient de mourir.
L’âme, ignorant encore toutes les
richesses de Christ, peut posséder la Parole, et y trouver un aliment de vie.
Au début, la veuve était un peu comme l’homme laissé pour mort par les
brigands, et que le Samaritain vient aider en versant de l’huile et du vin sur
ses plaies. L’huile et le vin répondaient à ses besoins,
comme l’huile et le pot de farine répondaient aux besoins
de la femme de Sarepta. Mais la
résurrection répond à la mort
.
« Quand nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés, il nous a
ressuscités ensemble avec Christ ». Élie s’étend sur l’enfant trois fois ;
Christ a passé trois jours dans la mort ; mais Élie, pas plus que Christ,
ne dépend de lui-même pour ressusciter un mort. « Père, dit le Seigneur au tombeau
de Lazare, je te rends grâces de ce que tu
m’as entendu », et quant à sa propre résurrection : « Tu
n’abandonneras pas mon âme au shéol ; tu
ne permettras pas que ton saint voie la corruption ». De même, comme nous
l’avons déjà fait remarquer, Élie exprime ici sa dépendance par la prière.
Le prophète rend l’enfant à
sa mère. « Et la femme dit à Élie : Maintenant
, à cela je connais
que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l’Éternel dans ta bouche est la
vérité » (v. 24). Elle a appris à connaître deux choses par la résurrection de
son fils : la première, c’est que Dieu est venu se manifester ici-bas dans
un homme : « Tu es un homme de Dieu ». Ainsi Christ « a été déclaré » — bien
plus qu’un homme de Dieu — « Fils de Dieu en puissance par la résurrection des
morts ». Auparavant, Dieu s’était révélé à elle comme pourvoyant à ses besoins, maintenant,
comme donnant une vie nouvelle,
une vie de
résurrection, là où la mort était entrée par « l’iniquité » de l’homme. La
seconde chose est que, par la résurrection, elle acquiert la certitude que la
parole de l’Éternel, dans la bouche d’Élie, est la vérité.
La vérité de la parole de la grâce est prouvée par la
résurrection. Christ n’est pas seulement mort pour nos offenses, il est
ressuscité pour notre justification.
Ce chapitre 17 nous a entretenus d’un temps où Élie était caché aux yeux de son peuple et du monde. Pendant cette période, nous l’avons vu exercer un ministère de grâce. Dans le chapitre suivant il va se manifester aux yeux de tous, au moment d’exécuter le jugement. Avons-nous besoin de faire remarquer combien le prophète est, en cela, un type remarquable de Christ ? Nous sommes dans le jour où le Seigneur est caché, mais où la grâce qui apporte le salut est apparue à tous les hommes, où la puissance de la résurrection est annoncée aux nations. Les jours viennent où le Seigneur rejeté apparaîtra de nouveau, où tout oeil le verra, même ceux qui l’ont percé, où toutes les tribus du pays se frapperont la poitrine à cause de Lui. Oui, amen !
Pour la troisième fois, la parole de l’Éternel vient à Élie (v. 1 ; 17:2, 8) ; Élie obéit pour la troisième fois. La carrière de cet homme de Dieu est marquée par l’obéissance. Puisse-t-elle nous caractériser aussi ! Une seule fois, Élie s’en va où son coeur lui dit (19:3), et le fil de sa carrière est interrompu. Sans doute il se lève ensuite et se met en route à la parole de l’ange (19:8), mais c’est pour arriver en la présence de Dieu et y apprendre à se juger. Nous verrons plus tard que, malgré cela, Dieu n’a pas entièrement mis de côté son serviteur, car son expérience de lui-même a porté des fruits, et nous le retrouvons au chap. 21, devant Achab, et en 2 Rois 1, se présentant hardiment devant les messagers d’Achazia pour annoncer le jugement du roi d’Israël.
« Va, montre-toi à Achab » (v. 1). Auparavant c’était : « Cache-toi au torrent du Kérith » (17:3). Élie obéit sans raisonner. Son obéissance provient d’une confiance implicite en Dieu, son autorité, sa puissance et sa bonté. Chaque désobéissance chez les chrétiens, provient du manque d’appréciation de ce que Dieu est.
« Je donnerai de la pluie sur la face de la terre ». Cela n’empêche pas Élie de prier pour qu’il pleuve (v. 42). Il est en pleine communion avec l’Éternel, ayant reçu la révélation de ses pensées et de son dessein, mais, pour être son instrument dans l’accomplissement de ses voies de grâce, il faut dépendre de Lui. Dieu aurait pu donner la pluie sans Élie, ou par un autre que le prophète, mais il ne mettra jamais son sceau sur la désobéissance ou sur l’indépendance ; et c’est ce qui frappe si souvent de stérilité l’oeuvre des enfants de Dieu.
Tandis qu’Élie jouissait, au
Kerith et à Sarepta, de l’abondance divine en un temps de disette, Achab (v.
3-6) met en jeu toutes ses facultés pour chercher à remédier au jugement
de Dieu par les plans de la sagesse humaine.
Il s’associe Abdias, préposé sur sa maison, et occupant une place en vue à la
cour du roi. « Abdias craignait beaucoup l’Éternel » (v. 3). Cela pourrait
sembler suffire pour une marche fidèle, car « la crainte de l’Éternel est le
commencement de la sagesse » (Prov. 9:10). Mais il nous est dit aussi :
« Crains l’Éternel et éloigne-toi du mal » (Prov. 3:7). Et encore : « La
crainte de l’Éternel, c’est de haïr le mal » (Prov. 8:13). On peut craindre
beaucoup l’Éternel, et cependant le déshonorer en étant associé au monde qui ne
veut pas de Lui. Cette position peu franche se rencontre à chaque pas, au
milieu de la chrétienté professante. Et cependant la piété d’Abdias l’avait
poussé à secourir ceux qui étaient persécutés pour le nom de l’Éternel. « Il
était arrivé, quand Jézabel exterminait les prophètes de l’Éternel, qu’Abdias
avait pris cent prophètes et les avait cachés par cinquante hommes dans une
caverne, et les avait nourris de pain et d’eau » (v. 4). En un sens, son oeuvre
n’avait pas été insignifiante. Cacher cent prophètes dont la tête était mise à
prix et les nourrir, n’était pas une petite chose, surtout de la part d’un
homme en vue à la cour d’Achab.
Seulement — car il y a un « seulement » — Abdias dépendait d’Achab, et c’était le mal. S’il avait Achab pour seigneur, comment pouvait-il se dispenser de suivre les ordres de son maître, et de témoigner par sa marche le contraire de ce que lui enseignait sa foi ? Bien plus, l’alliance avec le monde fait nécessairement perdre peu à peu la vraie appréciation de ce qu’il est. Le monde ignore volontairement le jugement de Dieu. Il en souffre, sans doute, comme Achab et son peuple, mais il n’a pas recours à Dieu pour en être délivré. Tous ses actes disent : J’espère me tirer d’affaire sans toi.
Même s’il « craint beaucoup
l’Éternel » un croyant associé au monde ou dépendant de lui, agira
nécessairement d’après ses principes, d’après ce que la Parole appelle « les
éléments du monde ». Ce croyant ignorera d’abord que le jugement
de Dieu sur l’homme est absolu
et définitif,
et
que la colère de Dieu est déjà révélée du ciel sur lui. En second lieu, il
cherchera à améliorer
la condition de
l’homme placé sous ce jugement. Toutes les associations, toutes les unions de
nos jours dans la chrétienté — et elles sont innombrables, ce qui nous dispense
de les énumérer — n’ont pas d’autre caractère. Les chers enfants de Dieu qui,
comme Abdias, se « partagent le pays » avec Achab, pour y chercher de l’eau et du
fourrage, manifestent dans leur marche les principes du roi impie et en
encourent nécessairement la responsabilité.
Élie rencontre Abdias (v.
7-16). Cet homme pieux reconnaît le serviteur de l’Éternel et tombe sur sa face
devant lui. D’autres auraient passé peut-être de l’autre côté du chemin, gênés
par cette rencontre compromettante. « Va
, dis à ton seigneur : Voici
Élie », telle est la parole du prophète. Élie, comme nous l’avons vu, était
coutumier de ce mot, souvent entendu : « Va », et il allait. « Va », avait-il
dit lui-même à la pauvre veuve sidonienne, qui s’en était allée et avait fait
« selon la parole d’Élie ». Chez l’un comme chez l’autre, cela provenait de la
foi qui obéit toujours. Mais où est la foi d’Abdias ? Un croyant peut
« craindre beaucoup l’Éternel » et avoir un coeur
incrédule.
Abdias est consterné et épouvanté : « Et maintenant tu
dis : Va, dis à ton seigneur : Voici Élie ! » (v. 11, 14). Quand
il s’agit d’obéir à Achab, Abdias ne fait aucune opposition ; mais
s’agit-il d’obéir à Dieu, il trouve des objections à sa Parole, présentée par
le prophète. « Et il arrivera, dès que je m’en irai d’auprès de toi, que
l’Esprit de l’Éternel te portera, je ne sais où ; et je serai venu
informer Achab, et il ne te trouvera pas, et il me tuera » (v. 12). Lui qui
s’accommode aux plans d’Achab pour trouver sa subsistance et éviter la mort, il
ne sait pas se fier à l’Éternel et Lui remettre sa vie. Combien d’âmes sont
dans ce cas ! Quand la parole de Dieu réclame d’elles une simple
obéissance, vite elles lui trouvent des défauts. De là, soyez-en certains,
proviennent en grande partie les raisonnements des enfants de Dieu qui,
marchant dans un chemin de désobéissance, cherchent à esquiver l’obligation
positive d’obéir, en se persuadant que la Parole se contredit ou manque de
clarté : « Tu dis : Va, dis à ton seigneur : Voici Élie !…
Et il arrivera que l’Esprit de l’Éternel te portera je ne sais où ». De là vient
aussi le manque d’affranchissement des âmes liées à cet état de choses. Elles
ont peur, peur de l’opinion du monde, peur des difficultés, peur de la
mort : « Il me tuera ».
« Et maintenant tu dis…
Voici Élie ! » Cette venue d’Élie, comme nous le verrons dans la suite de
ce chapitre, était la délivrance du petit résidu d’Israël, par le jugement des
prêtres de Baal. Elle était aussi le signal de la fin du jugement de Dieu sur
son peuple ; elle annonçait les bénédictions qui en seraient la
suite : « Va, montre-toi à Achab, et je donnerai
de la pluie sur la face de la terre
»
(v.
1). Cette annonce de la venue d’Élie pouvait-elle contenir, pour un fidèle,
autre chose que de la joie ? Comme les sept mille hommes qui n’avaient pas
fléchi le genou devant Baal, devaient se réjouir à cette nouvelle : « Voici
Élie ! » C’était pour eux la fin de longues souffrances, l’espoir certain
de temps meilleurs. Mais il ne peut en être ainsi pour Abdias. Il est trop
engagé avec le monde pour se réjouir d’en voir briser le joug. N’en est-il pas
de même aujourd’hui, quand on présente aux chrétiens l’apparition
d’un
plus grand qu’Élie ? Nous ne parlons pas de sa venue pour enlever les
saints, mais de son apparition pour leur distribuer les récompenses et exercer
le jugement sur le monde. Ces âmes pourraient-elles dire qu’elles « ont aimé son
apparition » ? (2 Tim. 4:8). Peuvent-elles, comme les anciens de l’Apocalypse,
n’avoir, devant tout l’appareil du jugement, que l’adoration et l’hommage de
leurs couronnes jetées devant le trône ? Abdias ne connaissait pas cette
assurance. Il ne voyait que le sort qui l’attendait de la part du roi, sort
tenu par lui, grâce à son manque de foi, pour plus certain que la
délivrance : « Il me tuera ! »
On rencontre en Israël bien
des caractères divers, en ces jours déplorables pour la foi et le témoignage.
Ce n’est plus un temps de puissance spirituelle, où les bien-aimés du Seigneur,
groupés autour de Lui, entrent résolument dans le conflit. Ce sont des jours de
faiblesse où les fidèles sont persécutés et se cachent, ne pouvant plus, comme
témoignage collectif, tenir tête au mal. En somme, Élie seul est un témoin
.
Et Abdias ? Sans doute, il montre sa piété en pourvoyant secrètement aux
besoins des saints, et c’est un dévouement reconnu de Dieu, mais être le
messager d’Élie (de Christ) auprès du monde, cela dépasse son courage. Et
cependant Dieu lui disait : Va ! On se déchargerait volontiers sur
tout autre de la responsabilité que nous impose la parole de l’Éternel ;
car, comment faire ? Aller dire à Achab : « Voici Élie », ne serait-ce
pas blâmer ouvertement l’apostasie du roi ? Et comment parler ainsi, quand
on ne l’a jamais fait auparavant ?
Puis, voyez encore ! Dans cet état d’asservissement au monde, on sent le besoin de se disculper, en se rendant témoignage à soi-même : « N’a-t-on pas rapporté à mon seigneur ce que j’ai fait quand Jézabel tuait les prophètes de l’Éternel, comment j’ai caché cent hommes des prophètes, par cinquante hommes dans une caverne, et je les ai nourris de pain et d’eau ? » (v. 13). Combien de chrétiens font eux-mêmes rapport de leur oeuvre, de leur activité, de ses résultats, donnant ainsi le change à eux-mêmes et aux autres sur leur condition morale ! Abdias ajoute : « Ton serviteur craint l’Éternel dès sa jeunesse » (v. 12), et c’était vrai, mais il n’appartenait pas à Abdias de le constater. Dieu s’était servi de lui, même dans la fausse position qu’il occupait et, il pouvait en avoir la certitude, l’Éternel n’oublie pas un verre d’eau donné à l’un de ces petits, mais combien il aurait été plus agréable à Dieu de voir Abdias, plein de confiance et d’obéissance, aller sur Son ordre s’acquitter auprès du roi de la mission qui lui était confiée !
Nous nous sommes étendus sur le caractère d’Abdias, à cause de son application actuelle ; que Dieu nous donne à tous d’être attentifs à ce que cet exemple nous enseigne ! Élie rassure ce pauvre coeur craintif et tremblant (v. 15, 16). Aussi vrai qu’il se tient devant l’Éternel, il se montrera à Achab le jour même, car il n’a rien à craindre ; Dieu est avec son serviteur ; qu’est-ce que la puissance du roi devant celle de Dieu ?
Achab va à la rencontre d’Élie (v. 17-20) ; il accuse le serviteur de Dieu d’être « celui qui trouble Israël ». C’est ainsi que le monde considère l’action des témoins du Seigneur. Annoncer l’inévitable jugement, déclarer qu’il n’y a de ressource contre lui qu’en Dieu lui-même, tenir ferme pour l’Éternel en présence du mal, c’est en effet remuer le monde qui s’endort dans une fausse sécurité et ne veut pas être troublé dans son sommeil. « Celui qui le trouble, c’est toi et la maison de ton père », dit le prophète. « Abandonner les commandements de l’Éternel », voilà la vraie cause du trouble, car « il n’y a point de paix pour les méchants ».
« Envoie, dit Élie à Achab, rassemble vers moi tout Israël à la montagne du Carmel ». Et « Achab envoya à tous les fils d’Israël, et rassembla les prophètes à la montagne du Carmel » (v. 19, 20). Dieu le veut ; qu’Achab le veuille ou ne le veuille pas, il faut que la chose s’accomplisse. Mais, sans doute, il ne peut venir à la pensée de ce roi impie que sa religion avec ses huit cent cinquante prophètes ne soit rien, vis-à-vis d’un seul prophète de l’Éternel !
« Élie s’approcha de tout le peuple, et dit : Combien de temps hésiterez-vous entre les deux côtés ? Si l’Éternel est Dieu, suivez-le ; et si c’est Baal, suivez-le ! Et le peuple ne lui répondit mot » (v. 21). Israël, sous le joug d’une religion idolâtre, suivait Baal, sans renier positivement l’Éternel. Il hésitait entre les deux côtés. C’est un des caractères de la religion du monde. Sans doute, le nombre de ceux qui marchent dans l’incrédulité ouverte augmente journellement, mais d’autres ne renient ni la foi, ni l’impiété, trouvant de bonnes raisons pour les deux, palliant le mal, objectant au bien. Ce sont les indifférents qui s’abstiennent de choisir entre les deux partis, et qui, lorsqu’un Élie leur parle, ne répondent mot.
Le prophète commence par
prendre seul position pour l’Éternel (v. 22) en face des quatre cent cinquante
prophètes de Baal. Il propose au peuple (v. 23, 24) un signe que l’Éternel seul
pouvait produire et qui avait un sens profond : « Le dieu qui répondra par
le feu, lui, sera Dieu ». Il ne s’agit pas ici du feu du ciel, tombant en
jugement sur les hommes, comme cela arriva plus tard à l’appel du prophète (2
Rois 1:10), mais du feu tombant sur l’holocauste.
Baal ne répond pas (v. 25-29). Avec quelle ironie le prophète traite cet objet inerte, par lequel Satan exerçait son abominable influence sur le coeur des hommes ! Le sang des faux prophètes coule (v. 28), mais ni leur sang, ni celui de l’homme ne pouvait expier le péché d’Israël, ou ouvrir le ciel à ce pauvre peuple !
Deux religions sont en présence : celle d’Élie et celle de Baal, car la troisième, celle d’Israël, participait des deux. En public, ces deux religions semblaient avoir le même sacrifice. Comment les distinguer ? L’un des taureaux doit être consumé par le feu du ciel, l’autre pas. À cela l’on pouvait reconnaître le vrai Dieu ; à cela aussi le peuple pouvait apprendre à se connaître, pour se convertir à repentance.
Élie dit :
« Approchez-vous de moi » (v. 30). Il était alors, comme Christ le fut en
perfection, le représentant de Dieu sur la terre. En restant loin
,
Israël ne pouvait être témoin de ce que Dieu allait faire. Élie répare l’autel
renversé (v. 31, 32). Les douze pierres représentaient les douze tribus, le
peuple tout entier devant Dieu. Le prophète rend témoignage, en un temps de
ruine, à l’unité du peuple, comme les témoins d’aujourd’hui, à l’unité du corps
de Christ. Élie agit, non comme ferait un homme sectaire, mais par la foi en la
profonde réalité de cette unité que Dieu avait établie au commencement.
Extérieurement l’autel était renversé, c’est-à-dire qu’Israël comme un tout,
n’existait plus. Mais il suffisait d’un seul
homme pour témoigner, avec
son autel de douze pierres, que ce que Dieu avait établi au commencement
demeurait à toujours. Il en est de même aujourd’hui. Ne nous lassons pas de
rendre témoignage au fait qu’il y a pour nous un seul corps et un seul Esprit,
comme il y avait pour Élie un autel de douze pierres. Ceux qui proclament cette
vérité seront toujours en petit nombre ; peut-être resteront-ils seuls,
comme Élie, mais qu’importe le nombre, si ce témoignage de Dieu nous a été
confié, comme il le fut à Élie, au milieu de l’apostasie générale ?
L’holocauste était la victime présentée à Dieu pour le peuple. Le feu du ciel, le jugement divin, tombe et consume tout, le sacrifice, le bois, et l’autel lui-même, en ne laissant rien subsister (v. 38). L’Éternel marquait ainsi qu’il n’y avait qu’une seule offrande qui pût faire connaître le vrai Dieu, l’offrande sur laquelle son jugement était tombé. Chaque Israélite, assistant à ce spectacle, pouvait apprendre en même temps ce qui lui était dû et que le peuple, représenté par les douze pierres de l’autel, ne pouvait subsister devant le jugement de Dieu. Mais, merveille de la grâce ! si le peuple assistait à son propre jugement et se voyait consumé avec l’holocauste, il n’était pas atteint lui-même. Le sacrifice est consumé, le peuple est consumé avec le sacrifice, mais le jugement sans miséricorde sur ce qui le représente devant Dieu, le met en liberté pour jouir de sa délivrance. C’est ainsi que nous aussi nous pouvons dire : « Notre vieil homme a été crucifié avec Lui, afin que le corps du péché soit annulé, pour que nous ne servions plus le péché » (Rom. 6:6).
La sécheresse et la famine avaient été un jugement d’avertissement sur Israël égaré, Dieu se faisant ainsi connaître partiellement par ses voies, mais le peuple ne connaît réellement Dieu, dans la plénitude de son Être, que lorsque le feu du ciel consume l’holocauste et l’autel.
Élie avait deux désirs : que Dieu fût glorifié et que le peuple apprît à le connaître. « Éternel, Dieu d’Abraham, d’Isaac, et d’Israël, qu’il soit connu aujourd’hui que toi tu es Dieu en Israël, et que moi je suis ton serviteur, et que c’est par ta parole que j’ai fait toutes ces choses. Réponds-moi, Éternel, réponds-moi, et que ce peuple sache que toi, Éternel, tu es Dieu, et que tu as ramené leur coeur » (v. 36, 37). Ce double résultat se produit : le peuple, délivré par la puissance divine, reconnaît l’Éternel, tourne son coeur vers Lui, et Lui rend hommage ! » « Tout le peuple le vit ; et ils tombèrent sur leurs faces, et dirent : L’Éternel, c’est lui qui est Dieu ! L’Éternel, c’est lui qui est Dieu ! » (v. 39).
« Et Élie dit à Achab :
Monte, mange et bois, car il y a un bruit d’une abondance de pluie » (v. 41). Le
bruit de la pluie est là, mais l’oreille d’Élie, ou plutôt sa foi seule, le
perçoit. « Achab monta pour manger et pour boire ». Il est sans force contre
Dieu, un instrument dont l’Éternel dispose à son gré. Tout impie qu’il est, il
est obligé
d’obéir. Lui qui avait dit : « Tu troubles Israël », ne
peut rien contre la terrible humiliation qui lui est infligée, en voyant
égorger devant lui tous les prêtres de son faux dieu. Mais quelle importance
avait après tout ce roi profane ? Il ne s’agissait pas de son salut, dont
il ne se souciait nullement, mais du salut du peuple de Dieu tout entier.
Élie monte au sommet du
Carmel. Sa patience sort victorieuse de l’épreuve ; sa foi a une oeuvre
parfaite. La pluie de bénédiction arrive, après que le jugement de Dieu est
tombé sur l’holocauste et seulement après qu’Israël, en présence de ce fait, a
reconnu l’Éternel et tourné son coeur vers Lui. On cherche de nos jours
l’abondance de pluie sans que la conscience ait été atteinte. Ce désir ne peut
être couronné d’un résultat. La pluie n’était donnée à Israël qu’à la suite de
l’oeuvre de Dieu pour
eux et de son oeuvre en
eux.
La main de l’Éternel est sur Élie qui, les reins ceints, court devant Achab.
Résumons encore en quatre mots le beau caractère de cet homme de Dieu. Nous le ferons d’autant plus volontiers que nous allons assister à une scène qui ne témoigne plus de la puissance du Saint Esprit chez le prophète.
Avec une entière séparation
du mal qui l’entoure, Élie ne montre aucune préoccupation de lui-même, aucun
désir d’être personnellement reconnu. Il se tient devant l’Éternel, écoute sa
Parole, lui obéit, vit en toutes choses dans Sa dépendance. Il dépend de Dieu
pour sa subsistance, pour porter la grâce aux nations, pour tenir tête à
l’ennemi, pour rendre témoignage, pour exercer la puissance divine en retenant
ou en donnant la pluie, mais avant toutes choses, pour faire tomber le feu du
ciel sur l’holocauste et juger le monde. Il s’attend à l’Éternel, marche avec
Lui, et sera, comme Enoch, élevé dans la gloire. La parole de l’Éternel, l’Ange
de l’Éternel, l’Éternel lui-même, parlent à Élie ; lui, il parle à Dieu,
et Dieu l’écoute. Élie est un ami de Dieu
(17:22 ; 18:38, 44). Élie est
une lettre de Christ.
Mais, où le
Seigneur ne faillit jamais, cet homme de Dieu a failli, et c’est ce que nous
allons considérer.
Il est utile de remarquer, en commençant ce chapitre, que si les hommes de Dieu ou leurs actions nous servent de types dans la Parole, cela ne veut pas dire que ces hommes aient compris le sens caché de leurs vies ou de leurs actes. Sans sortir de l’histoire d’Élie, nous avons déjà fait remarquer que, dans l’évangile de Luc, le Seigneur donne à sa mission auprès de la veuve de Sarepta une autre portée que le récit de notre livre. Le feu du ciel tombant sur l’holocauste en est une autre preuve. Élie ne pouvait voir dans ce fait, ni la croix, ni la crucifixion avec Christ, choses devenues si claires pour nous à la lumière de l’Évangile. De fait, Élie était avant tout, comme homme de Dieu, un prophète du jugement, et, quant à ses expériences personnelles, ce n’est que dans notre chapitre qu’il porte ses yeux, sous l’enseignement divin, au-delà de la scène du jugement, vers la région élevée et sereine dans laquelle Dieu trouve ses délices, se fait connaître et se révèle dans la plénitude de son caractère. Cette remarque nous aide à comprendre la scène qui va se dérouler devant nous.
Après la destruction totale
des prophètes de Baal et le récit qu’Achab en fait à Jézabel, celle-ci jure par
ses faux dieux de se venger d’Élie dans les vingt-quatre heures, et le lui fait
savoir. « Et voyant cela, il se leva, et s’en alla pour sa vie » (v. 1-3). Il
fuit devant une femme, lui qui avait été à la rencontre d’Achab et avait tenu
tête aux quatre cent cinquante prophètes de Baal ! Cette attitude si
opposée à la précédente provenait de ce qu’en ce moment Élie avait oublié la
source de sa force. Il ne pouvait plus dire : « L’Éternel devant lequel je
me tiens ». Il se trouvait devant Jézabel
et
non devant l’Éternel. Et la chose est si vraie qu’il va être obligé de marcher
quarante jours et quarante nuits pour se retrouver
devant Dieu.
Du moment que le fidèle laisse un objet quelconque
s’interposer entre son âme et Dieu, l’éloignement prend aussitôt des
proportions incalculables. La conséquence nécessaire de cet éloignement est que
le prophète perd toute sa force, car on ne la trouve que devant Dieu : « Tu
as caché ta face, j’ai été épouvanté ». Élie, instrument tout à fait remarquable
de la puissance de l’Éternel, n’avait pas réalisé dans la même mesure, qu’en lui-même
il n’y avait ni bien, ni lumière, ni force. Il faut qu’il fasse cette
expérience, et Dieu l’y conduit en le laissant, avec ses propres
ressources, devant la puissance de l’adversaire. Lui qui faisait annoncer à
Achab : « Voici Élie », s’enfuit pour sauver sa vie devant une simple menace
de Jézabel. De Jizréel, il passe sur le territoire de Juda, où la reine ne
pouvait plus l’atteindre, continue sa course jusqu’à Beër-Sheba, extrême limite
de Juda vers le désert, y laisse son serviteur, et, non content de cette fuite,
s’en va dans le désert même, le chemin d’un jour. Là « il s’assit sous un
genêt ; et il demanda la mort pour son âme, et dit : C’est
assez ! maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur
que mes pères » (v. 4). C’est le découragement complet qui va jusqu’au désir
d’en finir avec la vie. Pourquoi donc ? « Car je ne
suis pas meilleur que mes pères
! »
Le prophète avait donc pensé, ne fût-ce qu’un moment, qu’il était meilleur que
ses pères, et que Dieu le soutenait dans le combat à cause
de cette excellence ! Pauvre prophète ! sans
force devant Jézabel, absolument découragé devant lui-même, lui qui avait cru
pouvoir édifier quelque chose sur ce fondement de sable.
Mais pour que cet homme de
Dieu soit entièrement délivré du moi
, l’Éternel va lui faire
entreprendre un long voyage, au bout duquel il rencontrera le Dieu de la loi en
Horeb.
Combien de leçons cette scène ne contient-elle pas pour nous ! Nous pouvons avoir été employés au service de Dieu, et cependant ne connaître Celui-ci que très imparfaitement. Puis, un temps de bénédictions spéciales précède souvent une période de grande faiblesse spirituelle, parce que Satan, toujours aux aguets, nous fait trouver, dans les bénédictions mêmes, une occasion de nous enorgueillir et d’exalter notre chair. Telle est, en partie, la cause de la discipline d’Élie ; telle était celle de l’apôtre, bien que seulement préventive, après qu’il fut monté au troisième ciel. Remarquons encore que Satan nous attaque du côté que nous gardons le moins, parce qu’il nous semble le moins vulnérable. Était-il probable de voir fuir devant une simple menace un homme dont le courage avait tenu tête à tout un peuple ?
« Il s’en alla, lui, dans le désert ». Quelle bénédiction quand le Seigneur nous y conduit pour y faire l’expérience des ressources infinies qui sont en Lui ; quelle chose humiliante, salutaire aussi, quand notre propre volonté nous y mène et que nous y sommes pour apprendre ce qu’il y a dans nos coeurs ! Tel est le cas d’Élie. — « Il se couche et dort sous le genêt ». Il abandonnait, pour ainsi dire, sa mission, au moment où des faits éclatants en avaient démontré la réalité, mais il lui fallait apprendre que sa vie intérieure n’était pas soutenue par la foi, comme l’avait été son témoignage extérieur.
« Et voici, un ange le toucha,
et lui dit : Lève-toi, mange » (v. 5). Au chap. 17, c’était lui, Élie, qui
dispensait la nourriture à d’autres, après avoir été nourri lui-même ;
ici, où son manque de foi l’a poussé, il est sans nourriture aucune. Mais Dieu
ne l’abandonne pas et pense à lui. La seule force qui puisse lui venir lui
vient de la nourriture que Dieu lui a préparée ; il trouve à son chevet un
gâteau cuit sur les pierres chaudes et une cruche d’eau. Il mange, mais ne
comprend pas ce que Dieu lui veut, et se rendort. Une seconde fois il trouve la
même nourriture, et l’ange lui dit : « Mange, car le chemin est trop long
pour toi » (v. 7). Dieu le nourrissait pour
le faire marcher.
Leçon importante pour nous ! L’Éternel l’avait
nourri au Kerith et à Sarepta, afin qu’il pût rendre un puissant témoignage,
mais si la nourriture divine
ne nous communique pas des forces pour
nous-mêmes,
le but de Dieu serait-il atteint ?
Cette nourriture trouvée par Élie à son chevet a une puissance miraculeuse. N’en est-il pas ainsi de la parole de Dieu ? Elle nous amène jusqu’à « la montagne de Dieu ». C’est ainsi qu’en jugeait l’apôtre, parlant aux anciens d’Éphèse : « Je vous recommande… à la parole de sa grâce, qui a la puissance… de vous donner un héritage avec tous les sanctifiés » (Actes 20:32).
Élie « alla, avec la force de
ces aliments, quarante jours et quarante nuits jusqu’à Horeb, la montagne de
Dieu » (v. 8). Avec elle on marche et on ne se lasse point. Moïse avait passé
quarante jours et quarante nuits en Horeb, s’entretenant avec Dieu. Sa parole
et sa présence avaient suffi pour soutenir les forces de son serviteur. Le
Seigneur, lui, passe quarante jours et quarante nuits dans le désert sans
aucune nourriture, en présence de bêtes sauvages et en butte aux assauts de
Satan. Il a faim
et ne trouve rien à
son chevet pour le faire résister aux tentations de l’ennemi. Mais il est
l’homme qui ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la
bouche de Dieu. La simple dépendance de cette parole le nourrit, est sa force,
et lui donne la victoire au milieu de circonstances inouïes que Lui seul
pouvait surmonter.
Élie arrive à Horeb, la
montagne de Dieu, et entre dans la
caverne, au même lieu, sans doute, où
l’Éternel avait caché Moïse (Ex. 33). Le prophète ne savait pas où Dieu voulait
l’amener ; il n’avait pas l’intention de se rendre à Horeb, en s’enfuyant,
le chemin d’un jour, dans le désert. Mais quand il arrive à la caverne, ce
n’est pas avec les sentiments du coeur de Moïse à l’égard du peuple coupable,
d’un coeur qui, malgré toute cette iniquité, battait pour le peuple de
Dieu : « Efface-moi de ton livre que tu as écrit » (Exode 32:32), disait le
législateur, prêt à subir l’anathème pour sauver Israël. « Considère que cette
nation est ton peuple » (Ex. 33:13), disait-il encore en intercédant pour elle.
Ce même Moïse qui proclamait le Dieu de la loi, faisait appel aux compassions
du Dieu de la grâce envers ceux qui l’avaient offensé.
Mais Élie n’avait pas encore appris la leçon que Dieu voulait lui enseigner. « La parole de l’Éternel vint à lui et lui dit : Que fais-tu ici, Élie ? Et il dit : J’ai été très jaloux pour l’Éternel, le Dieu des armées ; car les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels et ils ont tué tes prophètes par l’épée, et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter (v. 10). Alors Dieu lui enseigne ce que Moïse avait désiré connaître, quand il avait dit : « Fais-moi voir ta gloire ». Il fait d’abord passer devant le prophète les diverses manifestations de sa puissance et de ses jugements. Élie les connaissait bien : il avait assisté au vent d’orage qui avait précédé la pluie (18:45) ; à sa parole, le feu du ciel était tombé en présence de tout le peuple (18:38) ; et ces mêmes phénomènes s’étaient produits jadis sur cette même montagne d’où Dieu avait donné la loi ; la montagne avait aussi tremblé, il y avait eu des tonnerres et des éclairs et des flammes. Mais — quelle leçon pour Élie — l’Éternel n’était pas dans le vent, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu. Toute la vie du plus puissant des prophètes aurait pu s’écouler sans qu’il connût réellement Dieu !
Élie entend « une voix douce
et subtile » (v. 12, 13), il comprend alors que c’est une chose nouvelle qui
dépasse le cercle de ses expériences, et le visage enveloppé de son manteau de
prophète, il se tient à l’entrée de la caverne. Cette voix douce et subtile
était celle de la grâce. C’est par elle que Dieu s’est révélé dans la plénitude
de son Être à de pauvres pécheurs comme nous. Le Dieu qui se révèle ainsi
renouvelle sa question au prophète pour le sonder à fond : « Que fais-tu
ici, Élie ? « Élie fait la même réponse (v. 14 ; conf. v. 12). Il
avait eu le temps de réfléchir ; il montre à nu ce qu’il y a dans son
coeur. À qui donne-t-il le beau rôle ? À lui-même : « J’ai
été
très jaloux pour l’Éternel… je
suis resté moi seul… ils cherchent ma
vie ». Qui accuse-t-il ? Le peuple de Dieu : « Ils
ont abandonné
ton alliance, ils
ont démoli tes autels, ils
ont tué tes
prophètes… ils
cherchent ma vie ». C’est en un mot une accusation en
règle, un plaidoyer contre Israël et un panégyrique d’Élie.
« Ne savez-vous pas, dit l’apôtre, ce que l’Écriture dit dans l’histoire d’Élie, comment il fait requête à Dieu contre Israël : Seigneur, ils ont tué tes prophètes ; ils ont renversé tes autels ; et moi, je suis demeuré seul, et ils cherchent ma vie. Mais que lui dit la réponse divine ? Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal. Ainsi donc, au temps actuel aussi, il y a un résidu selon l’élection de la grâce ». « Dieu n’a point rejeté son peuple, lequel il a préconnu » (Rom. 11:3-5 et 2).
Élie était venu faire requête contre
Israël ! En
accusant le peuple et en se justifiant, il montrait son ignorance de la grâce
et de lui-même.
Comment donc ! Il paraissait devant le Dieu de grâce
pour jouer le rôle d’accusateur et plaider pour le jugement ! Mais que lui
dit la réponse divine ? D’abord que la vengeance sera exécutée. À Élie
échoit la triste mission d’en préparer les instruments : Hazaël et Jéhu.
En second lieu, l’administration prophétique est ôtée à Élie, et il doit oindre
Élisée comme prophète à sa place. Lui qui disait : « Je suis resté moi
seul », doit apprendre que Dieu choisit, forme, ou destitue ses instruments
comme il lui convient. Voici donc Élie jugé à fond. Il ne dira plus :
« Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères ». Il lui faudra
vivre, tout en étant le témoin d’un autre ministère qu’il devra reconnaître,
étant employé de Dieu pour le former.
En troisième lieu, et c’est le grand point de la « réponse divine » : « Je me suis réservé en Israël sept mille hommes, tous les genoux qui n’ont pas fléchi devant Baal, et toutes les bouches qui ne l’ont pas baisé » (v. 18). Il y avait donc un résidu selon l’élection de grâce, connu de Dieu, sans qu’Élie en sût rien ! La voix douce, subtile, était encore entendue dans ces jours d’apostasie, et c’était en ce faible résidu que Dieu trouvait son plaisir.
Élie accepte cette leçon
humiliante : il se soumet, lorsque pour la quatrième fois Dieu lui
dit : Va ! (conf. 17:3, 9 ; 18:1). Il retourne par le chemin
d’où il était venu (v. 15). Il trouve Élisée, fils de Shaphath, et jette sur
lui son manteau, signe d’identification prophétique. S’il s’était tenu à la
lettre de la parole de Dieu, il aurait dû commencer par oindre Hazaël et Jéhu
(conf. 15:16), mais il se hâte d’accomplir l’acte qui l’annihile, lui, le grand
prophète, en cédant son autorité à un autre. Il montre ainsi, lui qui avait
dit : « Je suis resté, moi seul », que désormais il n’est rien à ses propres yeux.
Quant à Hazaël
et à Jéhu, ce n’est pas Élie, c’est Élisée
qui les oindra. Il renonce à ce qui aurait pu le mettre en relief et laisse
l’oeuvre s’accomplir par un autre que lui.
Élisée abandonne ses boeufs et court après Élie. « Va, retourne », lui répond le prophète, se servant des mêmes paroles qu’il avait entendues (v. 15) de la bouche de l’Éternel. À ses propres yeux, il n’était rien désormais, et ce n’était pas le moment d’engager Élisée à le suivre. « Que t’ai-je fait ? » Élie ne lui jetait pas son manteau pour l’attirer après lui, mais pour qu’il fût prophète à sa place. Quel bel exemple d’humilité, de jugement de soi-même, de désintéressement, d’obéissance, de confiance en la Parole, cet homme de Dieu nous donne ici ! Comme la discipline a produit chez lui des fruits rapides ! Ne peut-on pas dire que l’humiliation d’Élie glorifie Dieu davantage que toute la puissance du prophète ? Sa carrière est brisée en apparence, mais une nouvelle carrière, ayant son point de départ dans la discipline, va s’ouvrir devant lui, et si la première n’a pas abouti, la seconde ne se terminera que dans la gloire ! Puissions-nous tous, dans le brisement de nous-mêmes, suivre l’exemple d’Élie pour glorifier le Seigneur !
Depuis que Ben-Hadad, roi de Syrie, avait prêté main-forte à Asa, roi de Juda, contre Baësha, roi d’Israël, il était resté l’ennemi de ce dernier, lui avait pris des villes et avait même acquis, par conquête, certains droits sur Samarie, capitale du royaume (conf. v. 34). Son fils, portant le même nom que lui (*), monte contre Achab et assiège Samarie. Revendiquant les droits de son père, il envoie au roi une sommation insolente : « Ton argent et ton or sont à moi, et tes femmes, et tes fils, les plus beaux, sont à moi » (v. 3).
(*) Le nom de Ben-Hadad est probablement le titre religieux des rois de Syrie : « fils de Hadad », ou « son adorateur. Le fils de Hazaël se nomme aussi Ben-Hadad (2 Rois 13:3, 25).
Que fait Achab ? Lui, devant les yeux duquel venaient de se dérouler les scènes du chap. 18, qui avait entendu son peuple tout entier crier à ses oreilles : « L’Éternel, c’est lui qui est Dieu ! » il n’a pas même une pensée pour ce Dieu qui venait de relever, par sa puissance, son culte, auquel Achab avait substitué celui de Baal ! (16:31, 32). Achab ne consulte pas l’Éternel, ne lui remet pas sa cause, et, du reste, s’était-il jamais humilié devant Lui ? Avait-il essayé d’arrêter le bras de Jézabel, cherchant à mettre Élie à mort ? Non, ce coeur mauvais et faible « s’était vendu pour faire le mal, et sa femme Jézabel le poussait » (21:25). Montrant que Dieu lui est étranger, agissant comme s’il n’existait pas, il accepte l’humiliation que lui inflige le monarque gentil : « Selon ta parole, ô roi, mon seigneur, je suis à toi, moi et tout ce que j’ai » (v. 4). Que pouvait-il faire, en effet, contre Ben-Hadad à la tête de toutes ses forces, et accompagné de trente-deux rois ? Ainsi raisonnent ceux qui ne connaissent pas Dieu. Mais que lui sert son humiliation devant l’ennemi d’Israël ? Ce dernier y prend occasion pour ajouter à la dureté l’outrage : « Tu me donneras ton argent et ton or, et tes femmes, et tes fils ; mais demain à cette heure, j’enverrai mes serviteurs vers toi, et ils fouilleront ta maison et les maisons de tes serviteurs, et ils mettront dans leurs mains tout ce qui est désirable à tes yeux, et l’emporteront » (v. 5, 6). Là encore, Achab ne revient pas à Dieu ; il est plus important pour lui de convoquer et de consulter les anciens du pays. Eux sont pour la résistance, lui, pour accepter les premières conditions et pour refuser les secondes. À cette réponse, la rage de Ben-Hadad ne connaît plus de bornes. Achab réplique fièrement : « Que celui qui se ceint ne se vante pas comme celui qui délie sa ceinture » (v. 11), mais Dieu n’y est toujours pour rien.
Une grande multitude est
rangée contre la ville. Dieu intervient par un prophète dont le nom ne nous est
pas révélé : « Vois-tu toute cette grande multitude ? Voici, je l’ai
livrée aujourd’hui en ta main, et tu sauras que moi, je suis l’Éternel » (v.
13). Quel motif avait l’Éternel pour parler ainsi ? L’état du coeur
d’Achab ? Nous venons de voir son endurcissement. Mais Israël, devant le
miracle d’Élie, avait reconnu le vrai Dieu. Pouvait-il ne pas montrer sa grâce
au moindre symptôme de retour du peuple vers Lui ? Quant à Achab, Dieu lui
dit : « Tu
sauras que moi, je suis l’Éternel ». S’il ne l’avait pas
appris auparavant sous le fardeau des jugements de Dieu, cette délivrance
miraculeuse allait peut-être toucher son coeur, pour le restaurer. Touchante
patience de Dieu, même envers les plus profanes, les plus indifférents, les
plus endurcis. Le Dieu que l’homme repousse, au lieu de se lasser, revient à
lui comme Dieu de grâce et de délivrance !
Dans ce moment critique, Achab semble disposé à laisser Dieu agir ; aussi bien n’a-t-il pas d’autre ressource. Le prophète répond catégoriquement à ses demandes. Les « serviteurs des chefs des provinces », par qui l’armée ennemie sera livrée en la main d’Achab, ne sont qu’une poignée vis-à-vis de cette multitude. Au lieu d’attendre l’assaut de l’ennemi, c’est Achab qui engagera le combat et son armée ne compte que sept mille hommes ! Achab suit la parole du prophète, et en ce jour-là les Syriens subissent une grande défaite.
Aucun mouvement de reconnaissance ne se produit dans le coeur du roi. Dieu l’avertit par le prophète qu’au retour de l’année, Ben-Hadad l’attaquera de nouveau. Il s’agit cette fois de prouver aux Syriens qu’Israël n’a pas obtenu la victoire par « ses dieux de montagne ». Ben-Hadad a beau changer l’organisation de son armée et le lieu du combat, les Israélites, en nombre comme deux petits troupeaux de chèvres, frappent, en un seul jour, cent mille hommes à l’ennemi ; la muraille d’Aphek tombe sur ceux qui restent. C’est ainsi que les Syriens ont dû apprendre ce qu’était l’Éternel et qu’Israël a pu le savoir.
Ben-Hadad s’enfuit dans la ville et se sauve de chambre en chambre. Les serviteurs s’offrent pour implorer la clémence du vainqueur ; car ils ont entendu dire que les rois de la maison d’Israël sont des rois doux et cléments. Humiliés et vaincus, ils viennent en suppliants parler pour leur roi : « Je te prie, laisse vivre mon âme » Achab répond : « Il est mon frère », quand Dieu l’avait livré entre ses mains pour le détruire. L’idôlâtre qui assimilait l’Éternel à « des dieux de montagnes », est le frère du roi d’Israël ! Quel outrage à la gloire et à la sainteté de Dieu, que ce mot : « Il est mon frère ! » Achab fait monter Ben-Hadad sur son char, conclut une alliance avec lui et le renvoie. Le roi de Syrie lui restitue les villes que son père lui avait prises. Le monde aime et reconnaît cette clémence et cette aménité. Que de fois, ceux qui devraient être les témoins de Dieu devant le monde, disent à ce dernier : « Mon frère, mes frères ! » Triste parole qui abuse le monde et renie le caractère chrétien. Non, les chrétiens sont d’une autre famille que le monde ; ils sont enfants de Dieu ; celui-là a le prince du monde pour père.
Mais, direz-vous, les hommes
ne sont-ils pas tous frères, étant tous des pécheurs ? Non pas, puisque
les chrétiens peuvent et doivent dire : Lorsque nous étions encore pécheurs,
Christ est mort pour nous » (Rom. 5:8).
Donc ils ne le sont plus et ne peuvent s’appeler frères de ceux qui le sont
encore. Il est vrai qu’il y a « un seul Dieu et Père de tous
», dans
le sens des rapports de Dieu avec ses créatures,
mais même dans cette acception, celles de ses créatures qui Lui
appartiennent par la foi peuvent seules ajouter : « Il est en nous
tous », ce qui exclut absolument le monde
d’aucune intimité avec Lui dans cette relation (Éph. 4:6).
Appeler Ben-Hadad son frère ! Le misérable Achab montrait à nu l’état de son coeur, lui, la veille encore, sectateur de Baal et qu’une double délivrance opérée en sa faveur n’avait pas amené à se repentir.
Voici venir un second
prophète (v. 35-43). Celui du v. 13 annonçait la délivrance ; celui-ci le
jugement d’Achab. Quelle patience de la part de Dieu ! Même au chapitre
suivant, il tarde encore à prononcer le dernier mot du jugement ! Mais auparavant
nous apprenons à connaître la discipline de Dieu envers les siens. « L’homme
d’entre les fils des prophètes dit à son compagnon, par la parole de
l’Éternel : Frappe-moi, je te prie. Et l’homme refusa de le frapper ». Si
cet homme n’était pas prophète lui-même, il était en tout cas « compagnon de
prophète ». La discipline de Dieu envers les siens est d’autant plus sévère,
qu’ils sont dans une position plus privilégiée. Nous avons ici un cas différent
de celui du prophète de Juda, au chap. 13. Ce dernier, ayant une parole
positive de l’Éternel pour agir, l’abandonne
pour suivre une autre parole qui s’affirmait comme parole de Dieu, et il
trouve le lion sur le chemin. Ici, un compagnon du prophète refuse
de
faire selon la parole de l’Éternel. Il ne veut pas frapper et blesser son
compagnon quand Dieu le lui ordonne. Il était bien intentionné,
direz-vous ; il aimait trop son compagnon pour lui faire du mal ;
sans doute, mais il y avait une parole impérative ! Dieu donnait l’ordre.
Vous objecterez encore que cet homme ne comprenait pas l’utilité de ce qui lui
était ordonné ; mais, devant la parole de l’Éternel, la question n’était
pas de comprendre
; il fallait obéir.
Et de fait, il lui était impossible de comprendre ; il
ne pouvait ni ne devait se rendre compte de ce que Dieu voulait faire. La seule
chose est qu’il y avait un ordre formel, et « par la parole de l’Éternel ». Cet
homme pouvait-il l’ignorer ? Non, il était le compagnon du prophète et
devait connaître la parole de Dieu. L’homme de Dieu de Juda devait savoir
que la parole du vieux prophète
ne pouvait pas
être la parole de
Dieu ; celui-ci devait savoir
que
la parole de son compagnon était
la
parole de l’Éternel. Plus notre position nous met en rapport direct avec Dieu,
moins nous avons d’excuse, quand nous traitons la parole de Dieu comme si elle
ne l’était pas.
Une désobéissance positive à
la Parole est une chose infiniment grave, et combien de vies de chrétiens ne se
composent que de pareilles désobéissances ! Les chrétiens se demandent
souvent pourquoi ils rencontrent le lion sur leur chemin, sans pouvoir répondre
à cette question. Ne devraient-ils pas s’enquérir en tout premier lieu s’ils
ont ou n’ont pas voulu se soumettre à la parole de Dieu, quand elle leur a
montré Sa volonté d’une manière positive ? D’habitude, on cherchera
partout ailleurs la raison des châtiments
de Dieu sur ses enfants ou sur ses serviteurs. Le jugement de cet homme
l’atteint, « parce qu’il n’a pas écouté la voix de l’Éternel » (v. 36).
« Un autre homme », qui ne semble pas avoir été avec le prophète, dans des relations aussi intimes que le premier, écoute et obéit. Il frappe fort et le blesse. Il ne cherche pas à comprendre, mais fait ce que Dieu lui dit.
Maintenant le prophète peut se présenter devant Achab avec les preuves certaines de ce qui lui arriverait. Dieu avait dit : frappe ! Il s’y était refusé. Maintenant un autre frapperait Achab et le blesserait. Son sort était fixé.
Achab, comme David lorsque Nathan vint à lui, est obligé de prononcer son propre jugement (v. 40). Il était aveuglé ; le bandeau qu’il voyait sur les yeux du prophète était le bandeau qu’il avait sur ses propres yeux, et il n’en savait rien ! Tout à coup la parole de Dieu, comme un vent impétueux de jugement, retentit à ses oreilles : Parce que tu as laissé aller d’entre tes mains l’homme que j’avais voué à la destruction, ta vie sera pour sa vie, et ton peuple pour son peuple » (v. 42).
La repentance, la contrition d’esprit, vont-elles enfin pénétrer dans ce coeur endurci ? « Et le roi d’Israël alla en sa maison, triste et irrité, et il vint à Samarie » (v. 43).
« Triste et irrité », ces deux
choses le dépeignent. « Triste
» :
oh ! comme cela caractérise le monde ! Il fait sa propre
volonté et il est triste. Il n’y a jamais de joie dans le chemin de la
désobéissance et de la révolte contre Dieu. Le chrétien seul peut réellement
connaître la joie, et une « joie accomplie ». La Parole, le Seigneur lui-même,
nous indiquent où elle se trouve. Dans l’obéissance
à ses commandements,
qui est elle-même son amour réalisé (Jean 15:9-14) ; dans la dépendance
,
fruit de la nouvelle nature que nous tenons de Lui (Jean 16:24) ; dans l’assurance
que nous donne la connaissance de notre union avec Lui (Jean 17:11-13) ;
enfin, dans la communion
avec le Père et avec le Fils (1 Jean 1:3, 4).
Combien toutes ces choses manquaient à cet homme misérable qui avait cru pouvoir suivre ses propres pensées en dépit de la parole de Dieu. Quelque impie que fût Achab, Dieu le jugeait selon la position favorisée dans laquelle il avait été placé. On a coutume, dans la chrétienté, de raisonner sur le sort réservé par la justice divine aux pauvres idolâtres. Il est certain qu’ils seront jugés selon les témoignages qu’ils ont reçus et par lesquels ils pouvaient connaître Dieu (Actes 14:15-17) ; mais on n’entend pas le monde chrétien raisonner sur ce qui l’attend lui-même. Le sort d’Achab est plus terrible que celui de Ben-Hadad.
La Parole dit aussi qu’Achab
fut « irrité
». La tristesse du roi n’était pas celle qui mène à la
repentance, mais à l’irritation. Contre qui ? Contre Dieu. Le roi
trouverait-il donc à tout moment Dieu sur son chemin ? Venez, dit le
monde, nous parler de l’amour de Dieu, quand il nous ôte la santé, ou des êtres
chers, ou notre fortune ! Vraiment ! ne vaudrait-il pas mieux faire
le mal comme les autres, au lieu de chercher à se bien conduire, puisque Dieu
nous traite si injustement ? C’est une des mille formes de cette
irritation qui remplit les coeurs des hommes contre Dieu. Mais quand il y a une
certaine connaissance de la Parole, comme chez Achab, on ne peut plus
s’étourdir en faisant le mal. C’était facile, aux temps passés, avant
l’apparition d’Élie qui venait « troubler Israël ». Maintenant la Parole est
là ; on ne peut la secouer ; elle ronge le coeur, ne lui laisse pas
de repos. Cette parole du prophète a soulevé le voile de l’avenir. Peut-être
n’en sortira-t-il rien… mais qui peut le savoir ? Il est un fait, c’est
que, dans la vie du monarque, cette Parole s’est constamment accomplie et si
souvent en bénédictions imméritées auxquelles il n’a pas pris garde. Les
menaces s’accompliront-elles ? Le prophète a dit : « Ta vie sera pour
sa vie ». Il n’a pas dit quand. Et si c’était aujourd’hui ? ou
demain ? Ne pouvait-il donc me laisser tranquille ? Il y a bien de quoi
être « triste et irrité ». Le ver rongeur est là ; il a commencé son oeuvre,
le ver qui ne meurt point !
De nouvelles circonstances nous montrent l’état moral du roi. Son coeur est envahi par la cupidité, par la convoitise pour une chose que Dieu ne lui a pas donnée. Or elle est aussi bien une idolâtrie que le culte de Baal (Col. 3:5). Achab, possédé par l’ennemi, a simplement passé d’une idolâtrie à l’autre.
La proposition d’Achab à
Naboth est d’une portée plus grande qu’elle ne le paraît au premier abord. Elle
tendait à aliéner pour toujours l’héritage de cet Israélite pieux. Faire un
échange, ou même donner en argent la valeur de
la terre
, c’était, pour
Achab, prendre définitivement possession de la vigne de son voisin. Or un
Israélite, craignant Dieu, ne pouvait accepter de telles conditions. Quand il
vendait sa terre, il n’en vendait que les récoltes, et sa possession devant lui
retourner au jubilé, le prix en était estimé selon le nombre d’années où
l’acheteur en récoltait le produit (Lév. 25:15). Le vendeur avait même le droit
de racheter sa terre à chaque instant, en restituant à l’acheteur le surplus
des années à passer encore depuis la vente. L’Israélite qui craignait Dieu
tenait à l’héritage de ses pères, parce qu’eux-mêmes le tenaient de l’Éternel ;
mais il avait une raison plus péremptoire encore. En réalité, le pays, le sol
lui-même, n’appartenait pas au peuple, mais à l’Éternel : « Le pays ne se
vendra pas à perpétuité, car le pays est
à moi
; car vous, vous
êtes chez moi, comme des étrangers et comme des hôtes. Et dans tout le pays de
votre possession, vous donnerez le droit de rachat pour la terre » (Lév. 25:23,
24).
Cela fait comprendre la réponse très catégorique de Naboth : « Que l’Éternel me garde de te donner l’héritage de mes pères » (v. 3).
Le v. 4 nous montre l’effet
produit par une convoitise irréalisable sur le coeur d’un homme sans
Dieu : « Et Achab s’en vint à la maison, triste et irrité
». Nous
retrouvons ici les mêmes mots qu’à la fin du chapitre 20. Pauvre coeur de
l’homme ! accablé de tristesse, gonflé d’irritation ! Et c’est tout
ce qu’il est capable de contenir, lorsque Satan, pour garder son empire sur
lui, ne vient pas lui souffler de nouvelles convoitises décevantes. Achab est
triste de voir l’objet de son désir mis hors de sa portée ; irrité contre
une volonté qui y met obstacle et qu’il ne peut fléchir, parce qu’en somme
c’est la volonté de Dieu.
Ainsi, de tous côtés, Achab a rencontré Dieu sur son chemin. Derrière la sécheresse et la soif, il avait trouvé Dieu ; il l’avait trouvé en face de sa religion, en face de son alliance avec Ben-Hadad, en face de ses convoitises. Dieu, toujours Dieu, ce Dieu qu’il avait cru pouvoir remplacer par ses idoles. Depuis l’égorgement des prêtres, la maison était, il est vrai, balayée et parée, mais déjà de pires démons y étaient entrés.
Qui attise ces mauvais esprits, qui entretient ces convoitises ? C’est Jézabel, vrai type de l’esprit satanique (v. 5-14). Jézabel fait le mal, le sachant et le voulant. Elle excite tous les mauvais instincts du coeur de son mari. Elle fait appel à son orgueil : « Est-ce toi qui exerces maintenant la royauté sur Israël ? » (v. 7). Elle ajoute : « Moi, je te donnerai la vigne de Naboth, le Jizreélite ». Quand un homme a, comme Achab, vendu son âme à Satan, ce dernier ne manque pas de lui faire toute sorte de promesses. Il est le Tentateur. Ce que Dieu ne veut pas te donner, moi, je te le donnerai. Laisse-moi faire ; je te donnerai la vigne. Achab laisse faire, parce qu’il y voit la réalisation de sa convoitise. Et maintenant, Achab, « lève-toi, mange du pain, et que ton coeur soit gai ». C’est là, en effet, le but constant de la chair : la santé, la gaieté, faire ce que l’on veut et se procurer ce qu’on désire. Mais comment atteindre ce but ? Naboth avait dit : « Je ne te donnerai pas l’héritage de mes pères ». Jézabel vient et dit : « Je te donnerai la vigne de Naboth ». Elle prend Achab par la main et le conduit dans son chemin à elle, chemin de mensonge et de meurtre, sous couleur d’être sa bienfaitrice. Elle « lui donnera », mais en attendant elle s’empare de son autorité, de sa prérogative royale ; elle « écrit des lettres en son nom, et les scelle de son sceau » (v. 8). Achab est devenu son esclave. Elle ne recule ni devant les faux témoignages, ni devant le meurtre d’un homme juste pour en donner le profit à sa créature. Cette adoratrice de Baal fait dire aux faux témoins : « Naboth a maudit Dieu et le roi » (v. 10, 13). Elle emploie le nom de Dieu, reconnu par le peuple, mais non par elle, pour détruire un serviteur du vrai Dieu. Jézabel n’a-t-elle pas toujours fait ainsi ? Nous la voyons renaître en Apoc. 2, non plus dans le judaïsme, mais dans l’Église, prenant le caractère de prophétesse et accusant les vrais témoins de Dieu de « connaître les profondeurs de Satan », tandis qu’elle-même enseigne à ses enfants à commettre la fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles.
Achab laisse faire le mal et
consommer l’iniquité pour en profiter ; les hommes de Jizreël, anciens et
nobles, le font en connaissance de cause, car les lettres leur disent de
choisir deux hommes méchants
, fils de Bélial, qui se parjurent afin de
perdre Naboth. Ils n’ont guère de scrupules, car il est dans leur intérêt de
plaire au roi et de se le concilier.
Naboth est lapidé ; le moment est enfin venu pour Achab de jouir du fruit de sa convoitise. « Lève-toi, dit Jézabel, prends possession de la vigne de Naboth, le Jizreélite, qu’il refusa de te donner pour de l’argent, car Naboth n’est pas vivant, mais il est mort » (v. 15).
Achab descend. Va-t-il donc être heureux ? C’est le moment pour lui, le but atteint, de montrer cette gaieté que Jézabel lui avait promise. À peine entre-t-il en possession que, sur la vigne même de Naboth, où il venait prendre la mesure de son nouveau domaine, Élie, averti de Dieu, le rencontre. Sa jouissance, son bonheur ont disparu. Satan nous leurre toujours et nous laisse, vis-à-vis de Dieu, après nous avoir trompés et plongés dans le bourbier.
Achab dit à Élie : « M’as-tu trouvé, mon ennemi ? » (v. 20). Oui, son ennemi ! Il avait pris Satan pour ami, il trouve Dieu comme ennemi. Sur le lieu même de la satisfaction promise, il ne trouve rien de ce qu’il espérait, mais Dieu se dresse devant lui, représenté par son prophète, et lui dit : « As-tu
tué, et aussi pris possession ? » (v. 19). D’autres avaient tué ; Dieu
en demande compte à Achab. La joie tant désirée est remplacée par l’affreuse
malédiction qui se répète le long de cette lamentable histoire d’Israël. C’est
avec les mêmes termes, le jugement de Jéroboam, le jugement de Baësha :
« Celui de la maison d’Achab qui mourra dans la ville, les chiens le mangeront,
et celui qui mourra dans les champs, les oiseaux des cieux le mangeront » (v.
24, conf. 14:11 ; 16:4). Et Jézabel n’est pas oubliée : « Les chiens
mangeront Jézabel à l’avant-mur de Jizreël » (v. 23). L’exécution du jugement
annoncé se fait attendre pour cette dernière (2 Rois 9), mais n’en est pas
moins certaine.
Cette fois Achab doit se dire : Le jugement de Dieu m’a atteint. Il se réveille devant le fait que la parole de Dieu contre ses prédécesseurs a été sans repentance. Pour lui qui a fait pis qu’eux tous, le jugement est à la porte.
Que fait Achab ? Il s’humilie ; il va dans l’affliction, le deuil et le jeûne (v. 27-29), il couche avec le sac qu’il met sur sa chair ; il « marche doucement », comme on le pratique dans la maison des morts. Où est son orgueil et son coeur gai, et même sa tristesse de mauvais aloi et son irritation ? Il ne reste qu’un deuil sans fond devant le sort inévitable. Est-ce une conversion ? Le chapitre suivant nous donnera la réponse. Mais, en attendant, quel Dieu, plein de miséricorde, que le nôtre ! S’il découvre le mal, il constate le moindre retour de l’âme au bien, il enregistre le moindre signe de repentance. Il dit à Élie : « Vois-tu comment Achab s’est humilié devant moi ? Parce qu’il s’est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le mal en ses jours ; mais dans les jours de son fils, je ferai venir le mal sur sa maison » (v. 29). Pas un iota de sa Parole ne tombera en terre, mais le jugement sera différé jusqu’aux jours de son héritier.
« Et on resta trois ans sans
qu’il y eût guerre entre la Syrie et Israël » (v. 1). Voilà donc à quoi avait
abouti l’alliance d’Achab avec Ben-Hadad, à part la question du jugement de Dieu :
à un court répit de trois années sans guerre ! Puis Ben-Hadad, à peine
libéré, n’avait pas tenu ses promesses (conf. 20:34) ; il n’avait pas
rendu Ramoth de Galaad. « Savez-vous, dit le roi d’Israël à ses serviteurs, que
Ramoth de Galaad est à nous ? Et nous nous taisons, sans la reprendre de
la main du roi de Syrie ! » Il serait lâche de se taire ; ainsi la
guerre est de nouveau déchaînée. Dieu n’entre pas en ligne de compte dans ces
revendications entre peuples. L’histoire en est toujours la même, et les
nations chrétiennes de nos jours ne valent pas mieux, sous ce rapport, que les
nations idolâtres. Le désir de s’étendre, d’un côté, celui de résister à ces
empiètements, de l’autre, constituent le fond de la politique. Dieu ne fait pas
de politique ; il est étranger à ces débats quoiqu’il ait la haute main
sur toutes choses et se serve de tout
, pour accomplir ses desseins.
Josaphat, fils du pieux Asa, fidèle comme lui, pour maintenir sans mélange le culte de l’Éternel en Juda, Josaphat était descendu vers le roi d’Israël. D’où provenaient ces relations ? Du fait que Josaphat s’était « allié par mariage avec Achab », non pas lui-même ; mais Joram, son fils, avait reçu pour femme une fille d’Achab (2 Chron. 18:1 ; 21:6). Cette alliance était un grand mal, et le roi de Juda dut en éprouver les graves conséquences. « Aides-tu au méchant, lui dit plus tard Jéhu, fils de Hanani, le voyant, et aimes-tu ceux qui haïssent l’Éternel ? » (2 Chron. 19:2). Cette alliance entraînait fatalement le fidèle à épouser les intérêts d’un roi qui n’eut pas son pareil en iniquité sur la terre d’Israël (21:25, 26).
« Viendras-tu avec moi à la
guerre ? » dit Achab à Josaphat. Ce dernier répond : « Moi, je suis
comme toi
, mon peuple comme ton peuple, mes chevaux comme tes chevaux » (v.
4). Cette alliance entraîne donc Josaphat à déclarer que lui, le pieux roi de
Juda, est comme l’impie Achab, et à renverser la barrière qui sépare l’homme de
Dieu du monde. Y a-t-il une grande différence entre cette parole et celle
d’Achab à Ben-Hadad : « Tu es mon frère » ? L’alliance avec le monde,
on ne saurait trop le répéter, nous rend solidaires de son iniquité. Dans les
livres historiques, nous rencontrons toujours de nouveau cette vérité
solennelle que, donner son concours, s’associer ou coopérer à un système où
le mal est toléré et reconnu, c’est se solidariser avec ce système
. On
pourrait se demander si la repentance momentanée d’Achab n’avait pas influé sur
les dispositions de Josaphat. Cela ne nous est pas dit, mais cela n’excusait le
roi en aucune manière. Le fidèle ne reste pas dans un système quelconque, parce
qu’il peut s’y trouver du bien, mais parce qu’il est approuvé de Dieu. Or
Israël et son roi n’avaient plus à attendre que le jugement définitif, et la
ville ne contenait plus de justes qui pussent la sauver.
Cependant (v. 5-12), dans cette fâcheuse alliance, Josaphat a trop de piété pour agir sans consulter l’Éternel et sa parole. Achab rassemble immédiatement quatre cents prophètes. C’était beaucoup. D’où venaient-ils, quand à peine quelques prophètes isolés se trouvaient encore sur le territoire d’Israël ? C’était peu, car un seul prophète de l’Éternel suffisait pour faire connaître sa pensée. Ces quatre cents prophètes d’Achab, qui sont-ils ? Seraient-ils peut-être, sous un déguisement, les quatre cents prophètes de l’ashère, divinité femelle, qui n’avaient pas été détruits au Kison ? C’est assez probable. Quoi qu’il en soit, si c’étaient les mêmes, ils avaient changé de robe avec les circonstances. Ils prétendaient maintenant parler par l’Esprit de Dieu, tandis qu’un esprit de mensonge qui servait leurs propres intérêts, s’était emparé d’eux. On peut porter la livrée de prophète de l’Éternel et mentir. Combien cela est fréquent en tout temps, et plus encore aujourd’hui qu’autrefois. « Monte, crient-ils tous ; et le Seigneur la livrera en la main du roi » (v. 6).
Cependant Josaphat est mal à
l’aise. Il y a un sens spirituel qui avertit un coeur vrai, sans que peut-être
il puisse s’en rendre compte, que certaines manifestations n’ont pas l’Esprit de
Dieu pour agent. Ce n’est pas le don de discerner les esprits (1 Cor. 12:10),
qui n’appartient pas à tous, mais un sens qui, quelque faible que soit l’enfant
de Dieu, ne devrait jamais lui manquer. Il se sent mal à l’aise dans un milieu
opposé à Dieu, mal à l’aise en présence de certains discours qui ont la
prétention de sortir de lèvres religieuses et manquent du caractère divin, mal
à l’aise vis-à-vis de vanteries comme il s’en produisait devant le roi
d’Israël. Tel était le cas de Josaphat, aussi, après avoir assisté au spectacle
provoqué par sa parole à Achab : « Enquiers-toi aujourd’hui, je te prie, de
la parole de l’Éternel » (v. 5), il se voit obligé d’ajouter : « N’y a-t-il
pas ici encore un
prophète de l’Éternel, pour que nous nous enquérions
auprès de lui ? » (v. 7). Il lui suffirait qu’il y en eût un, réellement
séparé pour Dieu, pour contrebalancer les quatre cents autres. Achab
répond : « Il y a encore un homme, pour consulter l’Éternel par lui ;
mais je le hais
, car il ne prophétise
pas du bien à mon égard, mais du mal ; c’est Michée, fils de Jimla » (v.
8). Il le haïssait, et il en faisait de même à l’égard de tous ceux qui
prononçaient sur lui le jugement de l’Éternel. Il voulait que le prophète
« prophétisât du bien à son égard ». Tel sera toujours le caractère du monde
religieux. Ceux qui le composent se choisissent des docteurs selon leurs
propres convoitises, des docteurs qui leur disent : mes frères, comme
Achab lui-même disait : mon frère, à Ben-Hadad, des docteurs qui les
louent en exaltant le monde qu’ils habitent, et leurs prédisent du succès et de
la prospérité. L’intègre Josaphat ne peut supporter ces paroles. Il a
l’habitude de respecter toute parole qui vient de l’Éternel. On ne voit pas,
plus tard, qu’il conteste devant la parole de Jéhu qui le condamne (2 Chron.
19:1). « Que le roi ne parle pas ainsi ! » dit-il (v. 8).
Achab n’a qu’une pensée : prouver la méchanceté de Michée à son égard (conf. v. 18). Il le fait promptement chercher. L’homme de Dieu se tenait naturellement à part des quatre cents prophètes ; bon exemple pour le roi de Juda qui s’alliait au roi profane. La conséquence bien triste, mais nécessaire de cette alliance, est qu’il suivra Achab au lieu de suivre Michée. Tel est l’effet des « mauvaises compagnies » sur le croyant, et jamais on ne voit se produire l’effet inverse, c’est-à-dire que le monde suive l’exemple des enfants de Dieu. Quelqu’un a dit : « Il n’y a pas égalité dans une alliance entre la vérité et l’erreur, car, par cette alliance même, la vérité cesse d’être la vérité, et l’erreur ne devient pas la vérité ».
Michée, pour rendre plus solennel ce qu’il va proclamer, parle d’abord comme les quatre cents prophètes : « Monte et prospère ; et l’Éternel la livrera en la main du roi » (v. 15). « Combien de fois, reprend Achab, t’adjurerai-je de ne me dire que la vérité au nom de l’Éternel ? » (v. 16). On voit ici ce qu’est la conscience, même endurcie. Elle parle au-dedans du coeur ; elle dit à Achab : Ce que Michée dit ne peut être l’expression de sa pensée. Et, quand même Achab recherche le mensonge, sa conscience le force à vouloir la vérité. Il ne la suivra, ni ne lui obéira, mais le malaise produit par sa conscience ne lui laisse pas de repos, jusqu’à ce qu’il entende, sache et voie, comme le meurtrier, ramené malgré lui sur le lieu de son crime. Alors ces paroles navrantes retentissent à ses oreilles : « J’ai vu tout Israël dispersé sur les montagnes, comme un troupeau qui n’a pas de berger ; et l’Éternel a dit : Ceux-ci n’ont pas de seigneur ; qu’ils s’en retournent en paix, chacun à sa maison » (v. 17).
Le prophète ne s’arrête pas là. Il montre l’esprit satanique de mensonge qui s’est emparé de tous les prophètes, afin de faire monter Achab à Ramoth. L’Éternel dit : « Qui persuadera Achab, afin qu’il monte et qu’il tombe à Ramoth de Galaad ? » (v. 20). C’était le jugement de Dieu, préparé d’avance contre Achab, jugement indirect, mais dont les esprits démoniaques qu’il avait adorés, devenaient les instruments pour la perte de leur victime.
Sédécias qui, dans cette scène, avait joué le rôle principal, en se faisant des cornes de fer et en disant au roi : « Avec celles-ci tu heurteras les Syriens, jusqu’à les exterminer » (v. 11), Sédécias frappe Michée sur la joue et dit : « Par où a passé l’Esprit de l’Éternel, d’avec moi, pour te parler ? » (v. 24). Il prétend à la direction du Saint Esprit et use de violence pour le prouver, mais il prouve ainsi quel esprit l’anime. Lui aussi tombera sous le jugement, « quand il ira de chambre en chambre pour se cacher » (v. 25).
Michée, comme tant de prophètes et de fidèles serviteurs de l’Éternel, est jeté en prison, persécuté cruellement pour la vérité qu’il a proclamée (v. 27, 28). Mais son témoignage s’étend, devient par là public, comme plus tard celui de Paul. Il a l’honneur d’adresser à tous la pensée de Dieu quant à l’avenir : « Peuples, entendez-le tous ! » (v. 28).
Le pauvre Josaphat assiste muet à cette scène. Étant sur le terrain de son allié, il n’a aucune autorité pour contrecarrer ses ordres. Ses faibles remarques ont-elles changé les plans, les décisions d’Achab ? Trouve-t-il le courage de rompre cette alliance malheureuse ? Rien de semblable. Et à quoi lui sert-elle, sinon à être infidèle à Dieu ? Il monte avec le roi d’Israël à Ramoth de Galaad.
Mais voici cette conscience importune qui vient de nouveau assiéger Achab. Si Michée avait dit vrai ? S’il avait réellement prédit sa mort dans cette expédition ? Il veut et croit trouver un moyen sûr d’échapper au jugement qui le cherche et le poursuit. Il se déguise et, sous l’empire de la crainte égoïste, n’a pas même assez de noblesse de coeur pour ne pas compromettre son allié, contre lequel, à cause de ses vêtements royaux, vont se diriger les coups dans la bataille. Les chefs des chars se détournent contre Josaphat, pensant avoir affaire à Achab. À ce moment, « Josaphat cria ». Nous voyons, en 2 Chron. 18:31, que dans cette extrémité, Josaphat recourut à l’Éternei : « Josaphat cria, et l’Éternel le secourut ». Il n’abandonne pas les siens dans la détresse.
Achab est atteint par une flèche tirée « à l’aventure », chose qu’il n’avait pas prévue. Il meurt en héros, comme dirait le monde, soutenu encore mourant, sur son char, vis-à-vis des Syriens. Il expire le soir et son sang remplit le fond du char. « Et on lava le char à l’étang de Samarie, et les chiens léchèrent le sang d’Achab, là où les prostituées se lavaient, selon la parole de l’Éternel qu’il avait prononcée » (v. 38). Ainsi s’accomplit le jugement contre lui, mais il ne trouvera sa pleine exécution que plus tard, par les mains de Jéhu.
Comme les hommes qui écriraient cette histoire l’écriraient autrement que Dieu ne l’a fait ! Le règne d’Achab fut long et relativement glorieux. Les victoires sur les Syriens sont, pour l’homme qui n’aurait pas la révélation divine, des faits de haute valeur et de courage intrépide ; son alliance avec Ben-Hadad est de la noble clémence et de la bonne politique, celle avec Josaphat est bien plus sage encore ; la guerre de Ramoth lui était imposée par l’honneur de son royaume. Les annales de son règne, perdues probablement pour toujours, énumèrent toutes les villes qu’il bâtit et fortifia, son palais d’ivoire, à l’instar probablement de celui de Salomon, et d’autres choses encore (v. 39). Mais de tout cela il n’est rien resté que le terrible exemple d’un homme responsable de servir Dieu et qui, le connaissant, lui a préféré les idoles et ses convoitises et a haï les témoins fidèles du Dieu d’Israël.
Quelques mots terminent ce livre (v. 41-51) et reposent un peu le coeur au milieu de tant de ruines. Josaphat fut fidèle, non pas sans reproche, car il ne mit pas assez de zèle à détruire les hauts lieux, restes de l’idolâtrie qui s’était implantée en Juda. Il extermina les êtres infâmes qui s’étaient établis dans le pays avec l’idolâtrie cananéenne. Mais on voit, avec regret, qu’il n’apprit pas tout de suite la leçon que Jéhu lui avait enseignée à son retour de Ramoth. Il se lia avec le fils d’Achab, Achazia, qui agissait méchamment (2 Chron. 20:35-37), et s’associa avec lui pour construire des navires et aller chercher en commun de l’or d’Ophir. Le besoin des richesses acquises par l’alliance avec Achazia est un motif moins relevé que le besoin d’influence acquise par l’alliance avec Achab. Mais le Seigneur le reprit Éliézer, fils de Dodava, de Marésha, prophétisa contre Josaphat, disant : Parce que tu t’es lié avec Achazia, l’Éternel a détruit tes oeuvres : et les navires furent brisés, et ne purent aller à Tarsis » (2 Chron. 20:37).
Grâce à Dieu, après les
paroles du prophète et la destruction de sa flotte, Josaphat avait compris ce
qu’avait été la grande faiblesse de sa vie, qu’une alliance avec le monde, pour
quelque but que ce soit, est une chose que Dieu désapprouve et qui amène un
jugement sur ses enfants. « Alors Achazia, fils d’Achab, dit à Josaphat :
Que mes serviteurs aillent avec tes serviteurs dans les navires ; et
Josaphat ne le voulut pas
» (v. 50).
Ce tableau, réjouissant après tout, est suivi de quelques mots (v. 52-54) résumant le règne d’Achazia, fils d’Achab, règne court, mais rempli de tout ce qui pouvait provoquer l’Éternel à la colère. Sous son règne, le culte de Baal renaît en Israël, et le roi lui-même se prosterne devant l’abomination des Sidoniens.