par Henri Rossier
Table des matières :
2 - CHAPITRES 1 à 3:4 : INTRODUCTION
2.1 - Condition d’Israël à la mort de Josué (1: 1-16)
2.2 - Ce qui caractérise le déclin (1: 17-36)
2.3 - L’origine du déclin et sa conséquence (2: 1-5)
2.4 - La ruine dans les rapports d’Israël avec Dieu (2:6 à 3:4)
3 - CHAPITRES 3 à 12 : LES RÉVEILS
3.4 - Debora et Barak (Chapitre 4)
3.5 - Le cantique de Debora (Chapitre 5)
3.6.1 - La parole de Dieu frappant la conscience (6: 1-10)
3.6.2 - Gédéon formé pour le service (6: 11-40)
3.6.3 - Caractères des témoins de Dieu en un temps de ruine (7: 1-14)
3.6.4 - En quoi consiste le témoignage (7: 15-25)
3.6.5 - Difficultés et pièges dans le service (8: 1-23)
3.6.6 - L’éphod de Gédéon (8: 24-35)
3.7 - Abimélec, ou l’usurpation de l’autorité (Chapitre 9)
3.9 - Nouveau réveil d’Israël (10: 6-18)
3.10 - Jephthé et sa fille (Chapitre 11)
3.11 - Lutte entre frères (12: 1-6)
3.12 - Ibtsan, Élon et Abdon (12: 7-15)
4 - CHAPITRES 13 à 16 : Le Nazaréat
4.2 - Le serpent et le lion. Le festin (Chapitre 14)
4.3 - Les victoires (Chapitre 15)
4.4 - La défaite et la restauration (Chapitre 16)
5 - CHAPITRES 17 à 21 : Manifestation de la ruine et restauration finale
5.1 - Corruption religieuse et morale d’Israël (Chapitre 17-19)
5.1.1 - Le Lévite de Juda (Chapitre 17)
5.1.2 - Dan et le Lévite de Juda (Chapitre 18)
5.1.3 - Le lévite d’Éphraïm (Chapitre 19)
5.2 - Brèche et relèvement (Chapitre 20)
5.3 - Fruits du relèvement (Chapitre 21)
Car toutes les choses qui ont été écrites auparavant ont été écrites pour notre instruction afin que, par la patience et par la consolation des Écritures, nous ayons espérance (Rom. 15: 4).
Du livre de Josué à celui des Juges, le contraste est immense. Josué, type frappant de l’Esprit de Christ en puissance (*), conduit Israël à la conquête du pays de la promesse et l’y fait demeurer en paix. Le livre des Juges nous présente un ordre de choses tout différent. Prenant pour point de départ les bénédictions conférées par l’Éternel en Canaan et confiées à la responsabilité du peuple, il nous montre ce qu’Israël en a fait. A-t-il justifié la confiance que Dieu mettait en lui ? A-t-il vécu à la hauteur de ses privilèges ? Ce livre va nous donner la réponse.
(*) Voir :
Méditations sur le livre de
Josué, par H.
R.
L’histoire d’Israël a sa contrepartie dans celle de l’Église. L’épître
aux Éphésiens est comme le livre de Josué du Nouveau Testament, car elle nous
présente l’Assemblée introduite dans le ciel, pour y jouir de toutes
bénédictions spirituelles en Christ, et livrer le combat, non plus comme Israël
« contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les
autorités, contre les dominateurs de ces ténèbres, contre la puissance
spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes » (Éph. 6: 12). Au
livre des Juges correspond la seconde épître à Timothée. L’Église n’étant pas
restée à sa hauteur primitive, a, comme Israël, des documents divins qui
constatent son infidélité, et montrent le peuple de Dieu, ayant abandonné le
premier amour, et descendant le chemin du déclin jusqu’à l’abîme d’une ruine
complète et irrémédiable. Cette histoire d’Israël et de l’Église, l’homme, quel
qu’il soit, la refait toujours. Oui, tel est le chemin de l’homme béni de Dieu,
mais responsable.
Depuis Adam jusqu’à
Noé, de Noé jusqu’à Israël, d’Israël aux nations, des nations à l’Église, une
même lamentable histoire se renouvelle. Ah ! comme nous voyons, dans cette
Parole divine, le tableau de ce que nous sommes… mais, béni soit-il, comme
nous apprenons aussi à connaître Dieu ! Il nous exhorte, nous conjure sans
cesse : Prends garde, dit-il, de laisser échapper de tes mains les
bénédictions dont je les ai remplies ! Reviens à moi quand tu t’es
écarté ! Mais il ne se borne pas aux avertissements ; déployant
devant nous les richesses de sa grâce, il nous montre que Lui a des ressources
quand nous avons tout perdu, que sa voix est puissante pour réveiller l’homme
endormi parmi les morts, son bras pour délivrer ceux que leur infidélité avait
replacés sous l’esclavage ; qu’il y a un combat de la foi préparé pour les
temps fâcheux ; qu’il existe, parmi les décombres amoncelés par l’homme,
un chemin inconnu à l’oeil de l’aigle, familier à la foi, praticable au plus
simple d’entre les simples ; il nous montre, en un mot, qu’en un temps de
ruine Dieu peut être aussi pleinement glorifié qu’aux temps les plus prospères
de l’Église.
Les v. 1 à 16 du chap. 1° servent de préface au livre des Juges. « Et il arriva, après la mort de Josué… » Ces paroles sont le point de départ du livre tout entier. Il n’est pas encore proprement question du déclin, mais de ce qui le précède. Le récit qui va suivre est dominé par le fait que Josué, type de l’Esprit de Christ en puissance, n’était plus au milieu d’Israël. De même aussi, le temps d’activité sans mélange de l’Esprit de Dieu dura peu dans l’histoire de l’Église. Sans doute, comme au temps des « anciens dont les jours se prolongèrent après Josué » (2: 7), la présence des apôtres mit une digue à l’invasion du mal, mais, dans l’un et l’autre cas, la présence et l’activité de certains principes délétères faisaient pressentir l’invasion prochaine du déclin, une fois l’obstacle enlevé.
En apparence, tout allait bien au milieu d’Israël. Les tribus prennent leurs positions en face d’un monde ennemi. Elles interrogent l’Éternel, pour savoir qui montera le premier contre le Cananéen. Dieu répond : « Juda montera ; voici, j’ai livré le pays en sa main » (v. 1-2). Cette parole était très claire ; Juda pouvait compter implicitement sur la fidélité de Dieu à sa promesse ; mais déjà nous voyons la simplicité de foi lui manquer, et sa dépendance de l’Éternel avoir plus d’apparence que de réalité. « Et Juda dit à Siméon, son frère : Monte avec moi dans mon lot, et faisons la guerre contre le Cananéen ; et moi aussi j’irai avec toi dans ton lot. Et Siméon alla avec lui » (v. 3). Juda semble se défier de ses forces, mais, au lieu de regarder au Dieu d’Israël pour trouver en lui sa ressource, il la cherche en Siméon, et manque en réalité de confiance en l’Éternel. Il est vrai qu’il ne s’allie pas aux ennemis de Dieu ; s’il manque de foi, il recourt à son frère Siméon, rien qu’à son frère ; et cependant, sous prétexte « d’avancer l’oeuvre de Dieu », nous voyons déjà poindre le principe des alliances ou associations humaines volontaires qui est devenu le principe dominant actuel de toute activité dans la chrétienté. Dieu avait-il besoin de Siméon pour donner à Juda la part de son héritage ?
Le résultat de cette action commune fut magnifique en
apparence ; Josué 19: 9, nous apprend que « la part des fils de Juda était
trop grande pour eux ». Mais le lot des fils de Siméon ne fut pas le meilleur,
car il fut pris de ce que Juda ne pouvait conserver ; ils reçurent ainsi
leur héritage du superflu d’un autre, à la dernière limite méridionale du pays
d’Israël, aux confins qui regardent le désert. Ce n’est pas que Dieu désavoue
l’une ni l’autre tribu, car il est dit (v. 4) : « L’Éternel livra le
Cananéen et le Phérésien en leur main » ; mais le combat entrepris sur le
pied d’une alliance humaine,
se
ressent plus ou moins de son origine et en porte le caractère. Les alliés
saisissent Adoni-Bézek, et lui coupent « les pouces des mains et des pieds » (v.
6). Était-ce donc ce que Dieu commanda jadis et ce que Josué fit aux rois de Jéricho,
d’Aï, de Jérusalem, de Makkéda, et à tous les rois de la montagne et de la
plaine ? Non certes ; cette mutilation de l’ennemi est simplement
dans l’ordre des représailles humaines. C’était aussi la coutume d’Adoni-Bézek
(v. 7), d’humilier ainsi son ennemi tout en le gardant à sa cour, car sa
présence rehaussait la gloire du vainqueur. De pareils faits se reproduisent
dans l’histoire de l’Église. Que de fois elle a fait montre de ses victoires
passées pour s’exalter à ses propres yeux et se faire valoir aux yeux des
autres ! L’ennemi humilié a souvent une conscience plus accessible que le
peuple de Dieu prospère. Frappé par Juda, Adoni-Bézek reconnaît avoir mal agi
envers les rois vaincus, et se courbe sous le jugement de Dieu.
« Et Juda s’en alla contre le Cananéen qui habitait à Hébron (or le nom de Hébron était auparavant Kiriath-Arba), et ils frappèrent Shéshaï, et Akhiman, et Thalmaï. Et de là, il s’en alla contre les habitants de Debir ; or le nom de Debir était auparavant Kiriath-Sépher » (v. 10-11). Josué 15: 14-15, rapporte à Caleb ce que notre chapitre attribue à Juda. C’est que, dans cette occasion, Caleb, par son énergie, sa persévérance et sa foi, imprima son cachet à toute sa tribu. Tel n’était pas le caractère des premiers jours de l’Église, où tous n’étaient qu’un coeur et qu’une âme et marchaient avec une même foi vers le but. La prépondérance de la foi individuelle ressortira d’une manière bien plus évidente au cours de l’histoire des juges, suscités pour délivrer Israël ; nous la retrouvons dans les réveils que Dieu produit de nos jours. Humiliante pour l’ensemble, elle est encourageante pour l’individu. Quel honneur pour Caleb, que Juda ait remporté la victoire ! N’oublions pas d’autre part, que chacun de nous peut aussi contribuer à donner un cachet de faiblesse à l’ensemble du peuple de Dieu. Ah ! qu’il y ait aujourd’hui beaucoup de Caleb au milieu de l’Église infidèle !
L’histoire de cet homme de Dieu nous offre un autre
encouragement. La fidélité individuelle fait souche et éperonne toujours, même
aux plus mauvais temps de l’Église, l’énergie spirituelle chez d’autres.
Othniel, témoin de la foi de Caleb, est poussé à agir de même. Il fait sous lui
ses premières armes, et s’acquiert un bon degré, car il devient le premier juge
d’Israël. Mais il ne lui suffit pas d’être de la famille de Caleb ; il
combat pour la jouissance d’une relation
nouvelle,
celle de l’époux avec son épouse, et reçoit Acsa pour femme. Le chap. 15 de
Josué nous raconte ce fait dans les mêmes termes, car aux temps du déclin,
comme aux jours les plus prospères de l’Église, la foi individuelle jouit des
mêmes privilèges, aussi complets, aussi étendus dans un cas que dans l’autre.
L’Église a été infidèle et a perdu le sentiment de sa relation avec Celui qui,
par sa victoire, l’avait acquise pour lui-même, mais cette relation peut être
connue et goûtée aujourd’hui dans sa plénitude par chaque fidèle.
Cette union apporte à Othniel une possession personnelle
dans l’héritage de celui dont il est devenu
le fils. Othniel a désormais un domaine à lui. Notre part ressemble à la
sienne ; nous réalisons notre position céleste, lorsque nous avons pris
position vis-à-vis du monde et que nos coeurs sont attachés à la personne de
Christ. Toutefois ce précieux domaine ne suffit pas à Acsa. Le champ du midi
serait pour elle un champ stérile, si son père ne lui donnait les fontaines qui
le fructifient. Acsa obtient les sources d’en haut et celles d’en bas, comme en
d’autres circonstances le fidèle, traversant la vallée de Baca, d’une part la réduit
en fontaines et voit de l’autre les sources du ciel la combler de bénédictions.
Acsa est une femme avide, mais avide des bénédictions de Canaan. C’est une
condition affreuse que celle d’un chrétien avide du monde, mais Dieu approuve
et scelle de tout son plaisir un chrétien avide du ciel. Il répond à cette
avidité par des sources abondantes, par des bénédictions spirituelles qui
découlent sur nous et qui coulent de nous ; il répond à l’avidité du monde
par des châtiments, comme celui qui tomba sur Hacan quand il convoita
l’interdit.
Le v. 16, qui clôt cette première division du livre, nous parle des « fils du Kénien, beau-père de Moïse ». L’histoire de cette famille sortie de Madian et alliée de Moise, est pleine d’intérêt. Lorsque Jéthro, après avoir visité Israël au désert, s’en fut retourné dans son pays (Ex. 18: 27), Moïse demanda à son fils Hobab de « servir d’yeux » au peuple d’Israël, pour le conduire dans les campements du désert (Nomb. 10: 29-32), et, malgré son refus, ses fils firent comme Caleb, et suivirent fidèlement les marches du peuple de Dieu (Jug, 4: 11 ; 1 Sam. 15: 6). Semblables à Rahab, ces enfants d’un étranger d’entre les nations, montèrent de Jéricho, la ville des palmiers (1: 16 ; cf. Deut. 34: 3), pour être associés au sort d’Israël. Ils firent comme Ruth, en s’attachant à Juda pour ne plus le quitter. Comme Othniel, ils s’allièrent à la famille de Caleb, et dans cette famille ils eurent plus spécialement pour chef le fidèle Jahbets, le fils de douleur, qui fit des demandes intelligentes au Dieu d’Israël, et à qui l’Éternel accorda ce qu’il avait demandé. (1 Chron. 2: 50-55 ; 4: 9-10). C’est des Kéniens que descendirent les Récabites (1 Chr. 3: 55 ; 2 Rois 10: 15 ; Jér. 35), et quand la Parole clôt leur histoire, elle les loue comme de vrais Nazaréens au milieu de la ruine d’Israël. Mais, hélas ! ce résidu fidèle, sorti d’entre les nations, joue aussi son rôle dans le livre du déclin. Nous le constaterons au chap. 4, par l’exemple d’Héber, le Kénien. Je ne puis me défendre d’appliquer cette histoire des Kéniens à l’Église sortie d’entre les nations. Elle aussi a perdu son témoignage, mais, comme les fils de Récab parmi les Israélites, un résidu fidèle au milieu de la ruine peut marcher jusqu’au bout dans une sainte séparation du mal, en obéissant à la parole que son Chef lui a transmise.
Les versets que nous avons passés en revue signalent quelques rares symptômes de décadence au milieu d’un état encore florissant du peuple ; ici nous voyons en quoi le déclin proprement dit consiste. Le déclin diffère de la ruine ; cette dernière est la pleine maturité du déclin, telle que le chap. 2 nous la présente. L’une et l’autre reparaissent dans l’histoire de l’Église ; il suffit, pour s’en convaincre, de lire les sept épîtres de l’Apocalypse. Éphèse abandonnant son premier amour, c’est le déclin ; la ruine, c’est Laodicée, obligeant le Seigneur à la vomir de sa bouche.
En quoi donc consiste le déclin ? Un mot, un seul mot le
caractérise : la mondanité.
Ce mot
signifie la communauté de coeur, de principes ou de marche avec le monde. Pour
découvrir l’origine de la décadence, il faut toujours remonter là. Certes ce
« garde à vous » est intelligible. Qu’il serait facile à éviter, ce piège, si le
coeur des enfants de Dieu était intègre devant Lui ! Mais Israël, au lieu
de déposséder les Cananéens, les craint, les supporte, s’établit avec
eux ; l’Église, vue dans son ensemble, s’allie avec le monde. Nous verrons
plus tard les résultats désastreux de cette alliance ; pour le moment, la
parole de Dieu se borne à établir cette vérité, qu’Israël ne se sépara pas des
nations en Canaan.
Un second principe ressort de notre passage. Le déclin est un
fait graduel.
D’une étape à l’autre,
Israël en descend la pente jusqu’au moment solennel où l’ange du Seigneur
quitte sans retour Guilgal pour Bokim. Ce qui est vrai d’Israël l’est aussi de
l’Église (Apoc. 2-3), l’est encore des individus. Un chrétien, après avoir
marché dans la puissance du Saint Esprit, s’il donne au monde une petite place
dans son coeur, sera peu à peu envahi, subjugué par cet ennemi qu’il a cessé de
combattre, et finira peut-être sa carrière dans l’humiliation cuisante de la
défaite.
Les chap. 19-21 de notre livre, sont la narration d’événements
qui précèdent historiquement le premier chapitre. Nous reviendrons à l’occasion
sur ce détail, mais je le mentionne ici pour faire ressortir un troisième
principe, en apparence contradictoire du second, c’est que l’état moral du
peuple était dès l’origine entièrement
perdu,
avant que Dieu l’eût livré à ses ennemis. De même, dans l’histoire
de l’Église, à peine le dernier apôtre eut-il quitté la scène, qu’un abîme
effrayant se creusa entre les principes de l’Assemblée primitive et ceux des
temps immédiats qui suivirent. Les chrétiens perdirent subitement jusqu’aux
notions élémentaires du salut par grâce, de l’oeuvre de la croix, de la
justification par la foi (*).
(*) Voyez à ce sujet l’important traité : Christianisme et non Chrétienté, par J. N. D.
Ces deux principes, le déclin graduel et la déchéance subite, ont pour nous une grande portée pratique. Le premier nous met en garde contre la moindre tendance mondaine : le second nous montre que, ne pouvant rien fonder sur nous-mêmes et sur le vieil homme perdu, nous n’avons qu’à le tenir pour mort sur la croix, où le jugement de Dieu l’a placé en Christ, afin que nous dépendions entièrement de Dieu et de sa grâce.
Entrons maintenant dans le détail de notre passage.
« Juda s’en alla avec Siméon, son frère, et ils frappèrent le Cananéen
qui habitait à Tsephath, et détruisirent entièrement la ville ; et on
appela la ville du nom de Horma », qui signifie : « entière destruction ». Ce
fait est remarquable et rappelle le livre
de Josué. Juda rejette toute alliance, toute communion avec le Cananéen. Les
villes fortes des Philistins sont conquises. « Et l’Éternel fut avec Juda ». Mais
pourquoi ce dernier ne prit-il possession que de la montagne ? Pourquoi ne
pas déposséder les habitants de la vallée ? Hélas ! il craint leurs
« chars de fer ». En apparence, défiant de ses forces, Juda s’était allié avec
Siméon, et c’était, nous l’avons vu, se défier de Dieu en une mesure. La
crainte de la puissance du monde suit le manque de confiance en la puissance de
Dieu. N’avaient-ils pas jadis, en un jour de victoire, brûlé au feu les chars
de Jabin ? (Jos. 11 :4, 6, 9). Dieu n’avait-il pas promis à la maison
de Joseph, qu’elle déposséderait le Cananéen, quoiqu’il eût des chars de fer et
qu’il fût fort ? (Jos. 17 :18). Qu’était-ce donc pour l’Éternel que
des chars de fer ? Lorsque notre confiance en Lui et en ses promesses est
ébranlée, nous disons comme les espions envoyés par Moïse pour reconnaître le
pays : « Nous y avons vu les géants, fils d’Anak … ; et nous étions
à nos yeux comme des sauterelles, et nous étions de même à leurs yeux » (Nomb.
13: 34).
Quel contraste chez Caleb ! (v. 20). Ce dernier dépossède l’ennemi, et même les trois fils d’Anak, de tout son héritage. En un temps de déclin, la foi individuelle peut réaliser ce dont l’action collective est incapable.
Au v. 21, les fils de Benjamin ne dépossèdent pas le Jébusien, habitant de Jérusalem. Juda, en des jours prospères (v. 8), avait frappé cette ville au tranchant de l’épée et l’avait livrée au feu. Mais les troupes de l’ennemi vaincu sont habiles à se reformer et ne se tiennent jamais pour battues. Le relâchement d’Israël leur offre une occasion favorable, et c’est ainsi que « le Jébusien a habité avec les fils de Benjamin à Jérusalem jusqu’à ce jour ».
L’histoire de la maison de Joseph (v. 22-26), rappelle celle de
Rahab, au chap. 2 de Josué, mais avec une différence capitale : l’oeuvre de foi
est absente. L’acte de
l’homme de Luz, livrant sa ville aux fils d’Israël, est d’un traître, non d’un
croyant. Joseph l’amorce en lui promettant la vie sauve. Aussi retourne-t-il au
monde, après sa délivrance, au lieu de s’associer, comme Rahab, au peuple de
Dieu, et rebâtit-il, dans le pays des Héthiens, ce Luz que l’Éternel venait de
détruire.
Nombreuses, hélas ! sont les villes que Manassé ne
dépossède pas. Remarquons ce mot : « Le Cananéen voulut
habiter dans ce pays-là ». Pour le croyant affaibli, la
volonté du monde a plus de force que la parole et les promesses de Dieu.
Lorsque Israël « fut devenu fort », il rendit, à la vérité, le Cananéen
tributaire, mais c’était le dominer, non pas le déposséder. La chrétienté,
devenue puissante et riche, fit de même envers le paganisme. Il pouvait
convenir aux voies providentielles de Dieu envers le monde qu’il en fût ainsi,
mais la foi n’y était pour rien.
Éphraïm et Zabulon laissent le Cananéen s’établir au milieu d’eux
(v. 29, 30). Désormais,
le monde fait partie du peuple de Dieu. Aser et Nephthali (v. 31-33), font un
pas de plus ; ils habitent au milieu
des Cananéens.
Israël est submergé par eux.
Un trait encore, et le tableau sera complet : « Les Amoréens
repoussèrent dans la montagne les fils de Dan, car ils ne leur permirent pas
de descendre dans la vallée » (v. 34). Le
monde obtient enfin ce qu’il cherchait ; il dépouille les enfants de Dieu
de leur héritage. Satan a toujours pour but de nous priver des biens qui font
notre joie et notre force, et n’y réussit que trop.
Souvenons-nous de cette gradation dans le déclin. Pauvre Israël ! nous le verrons bientôt abandonnant le Dieu qui l’avait tiré du pays d’Égypte, se prosterner devant les faux dieux, et, comme conséquence de son idolâtrie, opprimé et mis au pillage par ses ennemis.
Mes frères ! nous appartenons tous
à la période du déclin. Il est trop tard pour le retour
collectif de l’Église ; remontons, du moins, individuellement ce chemin
glissant. Prenons garde au monde ; défions-nous de ses appâts les plus
inoffensifs. Soyons, en ces temps de la fin, des fidèles à qui le Seigneur peut
dire : « J’entrerai chez lui
et
je souperai avec lui
, et lui
avec moi » (Apoc. 3: 20). Distinguons-nous
par une sainte séparation du monde et une communion grandissante avec le
Seigneur jusqu’au bout de notre carrière.
Un fait caractérisait le déclin : Israël n’était pas resté
séparé du monde. Or ce fait même dénotait qu’il n’avait plus de force
pour se débarrasser de l’ennemi.
Pourquoi donc une telle absence de force ? Les versets que nous venons de
lire, répondent à cette question. « Et l’Ange de l’Éternel monta de Guilgal à
Bokim » (v. 1). Le livre de Josué, ce registre des victoires d’Israël, est
caractérisé par Guilgal, endroit merveilleusement béni, où le peuple trouvait
le secret de sa force. C’était le lieu de la circoncision, c’est-à-dire, en
type, du dépouillement de la chair. Il nous est dit : « En qui aussi vous
avez été circoncis d’une circoncision qui n’a pas été faite de main, dans le
dépouillement du corps de la chair, par la
circoncision du Christ ». À
la croix de Christ, dans sa mort, le croyant a
trouvé la condamnation absolue et la fin de la chair. À Guilgal, l’Éternel
avait roulé l’opprobre d’Égypte de dessus son peuple. Délivré (en figure) de la
domination de la chair qui le rattachait au monde, à l’Égypte, il pouvait enfin
appartenir à Dieu seul. Ce grand fait de la circoncision est un privilège du
chrétien. Mais il fallait constamment revenir
à Guilgal ; la mortification de la chair, opérée en Christ, doit être réalisée
par le croyant. Il nous faut
appliquer cette mort de Christ à nos membres dans notre marche journalière, et
n’épargner aucun des fruits qui croissent sur l’arbre de la chair. (Col. 3: 5).
Le secret de notre force spirituelle se trouve dans le jugement ininterrompu de
ce que nous sommes et de ce que nous produisons par nature. C’est ce qui
explique les victoires du livre de Josué ; les Israélites retournent
toujours à Guilgal, sauf en un seul cas (Jos. 7: 2), où ils subissent une
défaite.
Or Guilgal avait été négligé, oublié même depuis les jours de
Josué. C’est ainsi que, par le manque de jugement journalier d’eux-mêmes, les
coeurs se mondanisent. L’ange de l’Éternel, représentant la puissance divine au
milieu du peuple, y était resté seul et, pour ainsi dire, sans emploi,
attendant qu’Israël revînt à lui ; il avait attendu longtemps ;
Israël n’était point revenu. Il ne restait à l’ange qu’à quitter ce lieu béni
pour monter à Bokim, le lieu des pleurs.
Qu’étaient-ils
devenus ces jours de force et de joie, où Jéricho tombait au son des trompettes
de Dieu ? Et les jours de Gabaon et ceux de Hatsor ? Évanouis à
jamais ! Les bénédictions fondées sur Guilgal, ne pouvaient renaître pour
Israël ; la puissance de l’Éternel n’était plus à la disposition du
peuple, envisagé comme un tout. Ils étaient loin, ces temps heureux où Israël
montait volontairement à Guilgal, en type jugeant la chair, afin de ne pas
pécher et de vaincre ; loin même, le jour humiliant, mais béni, d’Hacor,
où le peuple jugea son péché pour y mettre fin, et fut restauré. À Bokim,
Israël pleure, obligé de porter le châtiment et son irrémédiable conséquence ;
la restauration actuelle n’est plus possible ; Dieu ne rétablit pas ce que l’homme a ruiné.
L’Église a suivi le
même chemin. Sa ruine durera jusqu’au bout de son histoire, comme corps
responsable, comme Église visible ici-bas. Elle aussi, devenue infidèle, a fini
par s’établir au milieu du monde et n’est plus qu’un mélange corrompu de toute
sorte d’iniquités qui durera jusqu’à la fin. Dieu la compare à une grande
maison contenant des vases à honneur et d’autres à déshonneur. Et toutefois le
moment viendra où, l’histoire de la responsabilité de l’homme étant close, le
Seigneur se présentera son Église, glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, parée
d’une éternelle jeunesse. En ce temps, il sera dit d’elle comme de Jacob, non
pas : Qu’est-ce que l’homme a fait, mais : « Qu’est-ce que Dieu a
fait ? » (Nomb. 23: 23).
Ce n’est pas un sentiment d’humiliation qui remplit, à Bokim, le coeur de ce pauvre peuple ; il est là, versant des larmes à l’annonce du jugement et ne trouvant pas d’issue, car il n’y en a pas. Nous rencontrons dans le courant du livre des temps de délivrances partielles et même un commencement d’humiliation véritable (10: 15-16). Mais la restauration d’Israël est réservée à un jour futur. On en a comme un avant-goût sous Samuel juge et prophète, type du Christ, vrai prophète et vrai juge. C’est comme l’aurore d’un temps nouveau, image d’une aurore future où Israël retrouvera par l’humiliation sa place de bénédiction comme peuple de Dieu. Samuel convoque le peuple à Mitspa (1 Sam. 7). Mitspa est le lieu de l’humiliation et non pas seulement le lieu des pleurs. Là, « ils puisèrent de l’eau et la répandirent devant l’Éternel, et jeûnèrent ce jour-là, et dirent : Nous avons péché contre l’Éternel ». Là, ils abandonnèrent leurs faux dieux, et ce fut le premier début d’une ère de bénédictions qui brilla de tout son éclat sous les règnes de David et de Salomon.
Bokim caractérise le livre des Juges, comme Guilgal le livre de Josué. Le lieu des pleurs caractérise aussi la période actuelle de l’histoire de l’Église. Il n’est plus question pour elle de retourner en arrière ; l’édifice est ruiné ; le recrépir ne fait qu’orner sa ruine, chose plus fatale que la ruine elle-même.
Il n’est plus question de retrouver la force perdue ; l’ange de l’Éternel est monté de Guilgal à Bokim. Le Seigneur hait les prétentions à la force en un jour tel que le nôtre ; l’activité de l’homme et de la chair que l’on voit s’étaler de tous côtés, n’a rien à faire avec la puissance de l’Esprit. Ceux qui crient bien haut : La puissance de Dieu avec nous, me font penser aux foules qui entouraient Simon, le magicien, disant . « Celui-ci est la puissance de Dieu, appelée la grande » (Actes 8: 10), et à Laodicée qui dit : « Je suis riche », et qui ne connaît pas qu’elle est malheureuse, et misérable, et pauvre, et aveugle, et nue. Cependant, ne l’oublions pas, si l’Église, comme témoin collectif, a manqué, le Seigneur conserve un témoignage à Christ au milieu de la ruine. Ce témoignage reconnaît la déchéance et pleure sur elle en la présence de Dieu. Nous trouvons quelque chose de semblable en Ézéch. 9: 4. Les hommes de Jérusalem qui gémissent et soupirent, sont marqués au front par l’ange de l’Éternel ; ils sont un peuple humilié, comme en Malachie 3 (v. 13-18). On trouve deux partis dans ce chapitre de Malachie : ceux qui disent (v. 14) : « Quel profit y a-t-il à ce… que nous marchions dans le deuil devant l’Éternel des armées ? » et les fidèles, un résidu faible et abaissé, qui vont se parlant l’un à l’autre, reconnaissant la ruine, mais attendant le Messie qui seul peut leur apporter la délivrance. Ceux-là ne disent pas : « Quel profit y a-t-il ? » Leur abaissement est profitable, car il les fait regarder vers Celui qui « de la poussière fait lever le misérable, de dessus le fumier élève le pauvre, pour les faire asseoir avec les nobles ». (1 Sam. 2: 8). Croyants, prenons cette place, nous aussi ; ne soyons point indifférents à l’état de l’Église de Dieu dans ce monde ; pleurons, car nous y avons tous contribué. Contentons-nous, comme Philadelphie, d’avoir peu de force, et nous entendrons le Seigneur nous dire de sa voix consolante : Moi, j’ai la clef de David, la puissance est à moi, ne crains pas ; je la mets tout entière à ton service !
Aux v. 1-3, l’ange de l’Éternel parle au peuple. Dieu avait-il
manqué à son alliance ? N’avait-il pas accompli tout ce dont sa bouche
avait parlé ? C’était Israël qui avait rompu l’alliance. « Pourquoi
avez-vous fait cela ? » Comme cette question cherche la conscience et la
sonde ! Pourquoi ? Parce que j’ai préféré le monde et ses convoitises
à la puissance de l’Esprit de Dieu, les idoles, au regard ineffable de la face
de l’Éternel ! Qu’était-ce donc que le coeur naturel de ce peuple,
qu’est-ce que le nôtre ? Israël pleure, et il sacrifie (v. 5). Combien
touchante est la grâce qui pourvoit au culte au milieu de la ruine ! Le lieu des pleurs est un endroit de
sacrifice,
et Dieu accepte les oblations faites à Bokim.
Les v. 6 à 9 du chap. 2 sont la répétition de Josué 24: 26-31, et rattachent immédiatement l’histoire du déclin à celle du peuple avant sa chute. Il y eut encore des anciens après Josué pour aider et encourager le peuple, comme il y eut des apôtres pour l’Église. Mais, du temps des apôtres comme aux jours des anciens, les principes destructeurs de l’assemblée étaient déjà à l’oeuvre. Le judaïsme, la mondanité, la corruption, autant de choses auxquelles Paul s’opposait par la puissance de l’Esprit de Dieu, mais avec la certitude qu’après son départ entreraient des loups dévorants qui n’épargneraient pas le troupeau. La fin du chap. 1° nous a montré le déclin d’Israël dans ses rapports avec le monde, les versets que nous venons de lire nous présentent sa ruine dans ses rapports avec Dieu. Ce passage nous donne un résumé de tout le livre des Juges. La mondanité et l’idolâtrie se suivent. Dans la mesure où nos coeurs se portent vers le monde, ils se détournent de Dieu ; de là, à abandonner l’Éternel et à le remplacer par des idoles, il n’y a qu’un pas. Cela se rencontre aussi dans la vie individuelle des chrétiens. Ce n’est pas sans dessein que l’Esprit nous adresse l’exhortation solennelle : « Enfants, gardez-vous des idoles » (1 Jean 5: 21). Quand nous nous associons au monde, les objets qu’il adore viennent s’établir en maîtres dans nos coeurs et y prendre la place de Christ.
Deux choses dénotent l’abaissement de la génération qui suivit
Josué. Elle « ne connaissait pas l’Éternel, ni l’oeuvre qu’il avait faite pour
Israël » (v. 10). La connaissance personnelle de Christ, et celle de la valeur
de son oeuvre faisant défaut, l’écluse est ouverte au débordement du mal. C’est
ce qui arriva à Israël : « Ils abandonnèrent l’Éternel, et servirent Baal
et Ashtaroth » (v. 13). Alors la colère de l’Éternel s’embrasa contre le peuple ;
il les livra aux ennemis du dehors
qui
les pillèrent (2: 14), et laissa l’ennemi du
dedans
à leurs côtés (3: 3). L’ennemi
dans la maison de Dieu,
c’est le symptôme caractéristique des derniers
temps. Les nations, dont le chap. 1er de l’épître aux Romains décrit
le terrible état moral, sont de nos jours établies avec tous leurs principes de
corruption (2 Tim. 3: 1-5), au milieu de cet édifice, si beau jadis, quand il
sortait des mains du divin architecte, mais confié par lui aux mains humaines,
et qui contint dès lors au milieu de matériaux propres à être brûlés, le triste
mélange des vases à honneur et à déshonneur.
En cela consiste le jugement de Dieu sur sa maison, qu’il y
laisse subsister ces choses. Combien les chrétiens s’en rendent peu
compte ! Mais le Dieu qui juge est aussi le Dieu qui a pitié (v. 18).
Israël gémit sous l’oppresseur ; alors l’Éternel arrête ses yeux sur ce
peuple, en faveur duquel il avait fait de si grandes choses, et lui suscite des
libérateurs. Telle est l’histoire que nous allons voir se dérouler dans le
livre des Juges. Le résumé nous en est ici donné d’avance. Il y a des réveils
, puis un moment de repos et de
bénédiction. Les chaînes rompues pour un temps, l’ennemi réduit au silence,
Dieu laisse le peuple à lui-même ; alors il retombe dans l’idolâtrie comme
auparavant. « Ils n’abandonnaient rien de leurs actions et de leur voie
obstinée » (v. 19).
Que restait-il à faire encore ? Une chose digne de Dieu ! Dans sa grâce, il se sert de l’infidélité et de ses conséquences pour bénir son peuple. En laissant subsister les nations, Dieu n’a pas seulement en vue le châtiment ; il veut aussi « éprouver par elles Israël, s’ils garderont la voie de l’Éternel pour y marcher, comme leurs pères l’ont gardée » (2: 22) ; en un mot, s’ils se sépareront du mal. De même, dans la 2° épître à Timothée, Dieu se sert du mélange des vases à honneur et à déshonneur pour éprouver les coeurs des fidèles et les bénir. « Si donc quelqu’un se purifie de ceux-ci, il sera un vase à honneur, sanctifié, utile au maître, préparé pour toute bonne oeuvre ». (2 Tim. 2: 21). Quelle heureuse description des caractères d’un fidèle en des temps fâcheux ! C’est que, même au plus fort de la ruine, Dieu nous montre un chemin qui le glorifie autant qu’aux plus beaux jours de l’Église.
En laissant subsister ces nations pour éprouver Israël,
l’Éternel avait encore un autre but (3: 4) : « Pour savoir », dit-il, « s’ils
écouteraient les commandements de l’Éternel, qu’il avait commandés à leurs
pères par Moïse ». La bénédiction que Dieu avait en vue était de ramener le
coeur d’Israël à cette Parole
qu’il
avait donnée au commencement et qui était leur seule sauvegarde. Il en est de
même aujourd’hui. « Mais toi », dit l’apôtre à Timothée, dans l’épître du déclin,
« demeure dans les choses que tu as apprises et dont tu as été pleinement
convaincu, sachant de qui tu les as apprises, et que, dès l’enfance, tu connais
les saintes lettres, qui peuvent te rendre sage à salut par la foi qui est dans
le Christ Jésus » (2 Tim. 3: 14-15). L’état de la chrétienté nous a-t-il poussés
à prendre ici-bas une position de séparation pour Dieu et à nous tenir collés à
sa Parole ? À moins que nous ne possédions ces caractères, nous ne pouvons
être le témoignage de Dieu pour un temps de ruine. Les fidèles de Philadelphie
étaient marqués de ce sceau, car Celui qui leur parle est lui-même le saint
et le véritable,
et eux, marchant dans sa communion, avaient gardé sa Parole
et n’avaient pas renié son nom.
Ce sont aussi les
caractères des futurs enfants du royaume. Au Ps. 1er, ils se
séparent des voies des méchants et ont leur plaisir en la loi de l’Éternel,
méditant dans sa loi jour et nuit.
Il était un troisième but, que la grâce avait en vue en laissant
subsister les ennemis au milieu d’Israël : « Afin que les générations des
fils d’Israël connussent, en l’apprenant,
ce que c’est que la guerre
» (v. 2). Quand on se laisse abattre par l’état
de l’Église et le mal qui y domine, il semble parfois que le combat n’ait plus
de raison d’être, et que notre rôle soit exclusivement celui des 7000 hommes
cachés, qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal. C’est une grave erreur.
En un temps de ruine, il y a des Élie ; la lutte est plus que jamais
nécessaire. Le combat chrétien n’est pas, il est vrai, contre le sang et la
chair, comme celui d’Israël, mais contre la puissance spirituelle de méchanceté
qui est dans les lieux célestes. Ce pouvoir satanique est toujours à l’oeuvre
pour nous empêcher de prendre possession des choses célestes, et pour réduire
le peuple de Dieu en esclavage. Notre lutte sera donc soit une guerre de
conquête, soit une guerre de délivrance. Le livre de Josué, comme l’épître aux
Éphésiens, nous présente le combat qui doit nous mettre en possession de nos
privilèges ; le livre des Juges, comme la 2° épître à Timothée, a plus
spécialement en vue le combat pour la délivrance du peuple de Dieu. « Prends ta
part des souffrances comme un bon soldat de Jésus Christ », dit l’apôtre à son
fidèle disciple (2 Tim. 2: 3). « Endure les souffrances, fais l’oeuvre d’un
évangéliste », dit-il plus loin, et il ajoute : « J’ai combattu le bon
combat » (2 Tim. 4: 5, 7).
Quelle bonté de Dieu, dans ce temps d’affaissement général, d’avoir laissé subsister l’ennemi, afin que nous apprenions ce que c’est que la guerre. Le combat chrétien ne cessera jamais ici-bas, mais le Seigneur dit : Aie confiance en moi, j’ai mis devant toi une porte ouverte et j’ai des récompenses pour celui qui vaincra. Que Dieu nous donne d’avoir à coeur la délivrance de son peuple, soit pour atteindre des âmes par l’Évangile, soit pour les affranchir en les délivrant de leurs liens au moyen de l’épée à deux tranchants de l’Éternel.
Nous l’avons vu, il est très important de comprendre que, l’Église ayant été infidèle à l’appel de Dieu, la possibilité d’une restauration d’ensemble n’existe pas pour elle ici-bas. Les réveils mêmes que Dieu produit, faussent parfois, à cet égard, les pensées des chrétiens, surtout quand ils appartiennent à l’une de ces restaurations partielles créées par l’Esprit de Dieu. Des regards bornés, un coeur souvent étroit, habitués à n’embrasser et à n’aimer de l’Église que ce qui nous concerne immédiatement — un esprit sectaire qui nous fait appeler Église les misérables systèmes que les hommes ont substitués à l’édifice de Dieu, sont autant de raisons qui nous empêchent de nous rendre compte de l’état réel de l’Assemblée dans ce monde. Or pour tout chrétien habitué à dépendre de la parole de Dieu, c’est un fait indiscutable que nos jours sont des jours mauvais, dans lesquels le mystère d’iniquité agit déjà, car il y a déjà plusieurs antichrists, et l’apostasie finale se prépare. Mais un autre fait tout aussi absolu, c’est que Dieu est fidèle et qu’il ne se laissera jamais sans témoignage. Il se sert même du mal, comme nous l’avons vu au chap. 2, pour apporter aux siens des bénédictions nouvelles. N’est-il pas toujours le Dieu qui employa Satan comme un instrument, pour amener Job dans la lumière de sa présence ?
De même, dans ce livre des Juges, Dieu emploie l’oppression
méritée de l’ennemi pour produire des réveils en Israël. Un mot les introduit
tous : « Ils crièrent à l’Éternel ». La chrétienté de nos jours discute sur
les « moyens à employer pour produire des réveils ». Il n’en existe qu’un seul
: — le sentiment de la misère du monde,
du pécheur ou de l’Église, qui porte l’âme travaillée à s’adresser à Dieu. « Et
ils crièrent à l’Éternel ». Alors l’Éternel leur envoie des libérateurs. Du
chap. 3° au 16°, le livre des Juges va nous présenter ces réveils et leurs divers
caractères.
Commençons par une remarque générale. En des temps d’abaissement moral, Dieu agit par des instruments qui, tous, ont quelque chose d’incomplet et portent le cachet de la faiblesse : Othniel descend d’un cadet de famille ; il est « fils de Kenaz, frère puîné de Caleb » ; Éhud est faible par son infirmité, Shamgar par l’instrument qu’il emploie, Debora par son sexe, Barak par son caractère naturel, Gédéon par ses relations, Jephthé par sa naissance. D’autres juges, cités en passant, sont riches, influents ou prospères (10: 1-4 ; 12: 8-15). Ceux-là, Dieu les emploie, sans doute, mais moins en délivrance que pour maintenir les résultats obtenus. — Nous ne sommes plus au temps de Josué ni des apôtres, au temps d’une force développée dans l’homme, qui empêchait l’infirmité de la chair de se produire, et cependant l’infirmité même des témoins actuels, marque de la période que nous traversons, glorifie encore la puissance de Celui qui les emploie.
Nous avons déjà parlé d’Othniel ; le chap. 1er contenait l’histoire de sa vie privée et domestique. C’était ainsi que Dieu l’avait formé pour devenir le premier juge d’Israël. Après avoir combattu en vue d’acquérir une épouse, il était entré en possession d’un héritage individuel et des sources qui le fructifient. Ici, Dieu l’emploie à combattre pour les autres. Il en est toujours ainsi. Le chrétien, pour devenir un instrument public, doit avoir fait des progrès individuels dans la connaissance du Seigneur et dans la puissance de ses privilèges. Au peu d’ampleur et d’étendue de notre service, il n’y a généralement pas d’autre raison ; nos coeurs ne sont pas assez occupés des choses célestes. Les richesses morales qu’Othniel a acquises en son particulier, se manifestent bientôt dans sa marche. Ce court verset (v. 10) mentionne de lui six choses : l° L’Esprit de l’Éternel, la puissance de Dieu pour délivrer Israël, fut sur lui. 2° Il jugea Israël : le gouvernement lui fut confié. 3° Il sortit pour la guerre : voilà le combat. 4° L’Éternel livra en sa main Cushan-Rishhathaïm, roi d’Aram : c’est la victoire. 5° Sa main fut forte contre Cushan-Rishhathaïm : l’ennemi est définitivement subjugué. 6° Le pays fut en repos quarante ans : Israël jouit en paix des fruits de la victoire d’Othniel. — Le but de Dieu est atteint ; cet homme qui n’était que de la liguée indirecte du noble Caleb, fut un instrument complet, préparé d’avance pour ce service et qui, mis à l’essai, se montra d’un métal éprouvé dans la main du divin ouvrier.
Demandons à Dieu des Othniel pour le temps où nous vivons, mais
plutôt soyons nous-mêmes des Othniel, par une consécration véritable au
Seigneur dans notre vie privée, par un désir croissant de nous approprier les
choses célestes, par la réalisation de ces choses, et nous serons des
instruments bien utiles au Maître et préparés
pour toute bonne oeuvre.
Othniel meurt ; Israël retourne au mal et oublie l’Éternel.
Le Dieu qui avait fortifié Othniel contre l’ennemi, fortifie maintenant Églon,
roi de Moab, en jugement contre Israël. Églon et ses alliés s’emparent de la
ville des palmiers (cf. 1: 16 ; Deut. 34: 3), de Jéricho, non pas sous les
traits de la ville maudite, mais dans son caractère de bénédiction pour Israël.
De son côté, Israël déchu se sert de l’instrument libérateur que Dieu allait
employer, pour envoyer par lui
un
présent à Églon, scellant ainsi son asservissement au monde, qu’il cherche à se
rendre propice. Combien de dons
qui,
de nos jours, sont des instruments dociles pour garder les enfants de Dieu sous
la domination du monde ! Mais Éhud est fidèle ; il se fait faire une
épée à deux tranchants. C’est son premier acte et sa seule ressource. Il en est
de même du chrétien en un temps de ruine ; son épée à deux tranchants, sa
première, sa seule arme offensive, est la parole de Dieu (Hébr. 4: 12 ;
Apoc. 1: 16 ; 19: 15 ; Éph. 6: 17). Cette épée était longue d’une
petite coudée ; oui, l’arme d’Éhud était courte, mais proportionnée à son
office. C’était une épée éprouvée pour pénétrer dans les entrailles de l’ennemi
de Dieu et lui donner la mort.
Avant d’employer son arme, Éhud la ceint « par-dessous ses
vêtements sur la hanche droite ». Il la porte sur lui jusqu’au moment de s’en
servir, et, tout en la sentant avec lui, ne la met pas en vue. On porte souvent
la Parole au-dehors et on la cite beaucoup, sans s’en servir. Or la Parole a un but
. Éhud infirme commence par
adapter son épée à son infirmité : il la porte du côté droit. S’il la
portait comme tout le monde, elle ne lui servirait de rien. Son arme doit
répondre tout d’abord à son état personnel. On ne peut s’en servir en imitant
les autres, pas plus que David ne pouvait se servir de l’épée de Saül. Ce qu’il
fallait à David, c’était la fronde et le caillou, instruments familiers au
berger.
Après avoir offert le présent à Églon, Éhud s’en revient des images taillées près de Guilgal. Il avait, comme il le dit, « une parole secrète » pour le roi. Il ne remporte pas une victoire publique, comme tant d’autres ; ici, c’est un combat secret entre le libérateur et l’ennemi, un combat solitaire, mais dont les effets publics ne tardent pas à paraître. Ce fut le cas de celui de Christ avec Satan dans le désert. Ici, tout se passe dans le silence, sans lutte apparente et sans cri ; l’ennemi est trouvé mort par ses serviteurs qui le croyaient en repos. La puissance qui asservissait Israël est anéantie par une victoire sans bruit et sans gloire due à la courte épée d’un homme gaucher. C’était une parole secrète, mais c’était « une parole de Dieu » pour Églon (v. 20). Notre arme est divine, et voilà ce qui fait toute sa force. Comme pour Gédéon, l’épée d’Éhud était l’épée de l’Éternel. Le roi est mort, mais l’arme n’est pas retirée de son ventre. Éhud parti, les serviteurs ont sous les yeux l’instrument de la victoire ; Dieu prouve, à leur confusion, que c’était cette courte épée qui avait abattu par terre l’homme orgueilleux, dont les yeux sortaient à force de graisse.
Il s’agit ensuite pour Éhud de récolter les fruits de la victoire. Il sonne de la trompette dans la montagne d’Éphraïm et rassemble le peuple de Dieu. Ils enlèvent à Moab les gués du Jourdain et ne laissent passer personne. Le peuple revendique son territoire usurpé. Toute communication de l’ennemi avec lui est résolument interrompue, grâce à la vigilance des fils d’Israël. L’usurpateur est chassé et détruit, Moab ne peut plus se rejoindre des deux côtés du Jourdain. Tel doit être le résultat du combat pour le temps actuel. S’il n’a pas pour effet de nous faire rompre ouvertement avec le monde, il reste stérile et ne répond pas à l’intention de Dieu. Plus la séparation est complète, plus la paix est durable. Le pays, nous est-il dit, fut en repos quatre-vingts ans.
Après Éhud, il y eut Shamgar, fils d’Anath, qui remporta une victoire signalée sur les Philistins. Et lui aussi sauva Israël. L’épée d’Éhud était puissante, mais courte ; Shamgar délivre au moyen d’une arme qui ne semble nullement appropriée à cet office, instrument méprisable qui ne peut servir, en apparence, qu’à aiguillonner des êtres sans intelligence ! Sans prétendre découvrir ici des types ou des allégories, tendance qui offre plus d’un danger dans l’enseignement, j’aime à rapprocher l’aiguillon de Shamgar de l’épée d’Éhud. Nous avons une arme, la Parole ; elle est la seule, sous des aspects divers, dont l’homme de foi se serve pour le combat. Pour le monde intelligent et incrédule elle est comme un aiguillon à boeufs, bonne, tout au plus, pour les femmes et les enfants, et les gens sans éducation, car elle est remplie de contes et de contradictions. Eh bien ! sous cette forme qu’on méprise, Dieu l’emploie à gagner la bataille. Quand la foi s’en sert, elle trouve une arme où le monde ne voit que folie, car la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes. Oui, sans doute, elle est faite pour les inintelligents et s’applique à leurs besoins et à leur marche, mais ce même aiguillon peut tuer six cents Philistins.
Usons donc de la Parole telle que Dieu nous la confie, mais souvenons-nous qu’elle n’a d’effet qu’entre les mains de la foi, et quand l’âme y a trouvé pour elle-même la communion avec Dieu, la connaissance de Christ, et, avec elle, la bénédiction, la joie et la force.
Jusqu’ici le jugement de Dieu avait livré les Israélites infidèles entre les mains des ennemis du dehors (*) ; une nouvelle infidélité porte pour le peuple des conséquences plus graves encore. Un terrible adversaire, Jabin, roi de Canaan, qui régnait à Hatsor (v. 2), asservit Israël et l’opprime avec neuf cents chars de fer. Au chap. 11 de Josué, nous trouvons un ancêtre de ce Jabin avec des chars de guerre et la même capitale. En ce temps-là, Israël, sous l’action puissante de l’Esprit de Dieu, comprit qu’il ne pouvait y avoir aucun rapport quelconque entre lui et Jabin. Il l’anéantit, après avoir brûlé ses chars au feu et détruit sa capitale. En effet, quelle relation le peuple de Dieu pouvait-il avoir avec le monde politique et militaire, dont le domaine devait être rayé de la carte de Canaan ? Hélas ! tout est changé maintenant ; Israël infidèle est tombé sous le gouvernement du monde. On voit l’ennemi d’autrefois ressuscité de ses cendres, Hatsor réédifié dans les limites de Canaan, l’héritage du peuple devenu le royaume de Jabin ! L’histoire de l’Église nous offre un fait semblable : d’abord, une position d’entière séparation du monde et, par conséquent, nulle pensée de souffrir que ce dernier prît une part dans le gouvernement de l’Assemblée. Un jour, l’état charnel de l’assemblée de Corinthe l’avait conduite sur cette pente. Quelqu’un d’entre eux, lorsqu’il avait une affaire avec un autre, était entré en procès devant les incrédules et non devant les saints (1 Cor. 6). « Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? » dit l’apôtre ; et, les reprenant, il ajoute : « Je parle pour vous faire honte ! » Mais quel chemin l’Église a-t-elle suivi dès lors ? Actuellement, c’est le monde qui la gouverne. « Je sais », dit le Seigneur à Pergame, « où tu habites, là où est le trône de Satan » (Apoc. 2: 13). Même aux jours du grand réveil de la Réformation, on vit les saints recourir aux gouvernements du monde et s’appuyer sur eux. Aujourd’hui, les chrétiens persécutés, au lieu de se réjouir dans les souffrances pour Christ, revendiquent la protection des chefs et des puissants d’ici-bas. Le jugement sur le Hatsor de Josué, n’est plus qu’un souvenir. Israël a servi les dieux des Cananéens, après avoir pris leurs filles pour femmes, et donné ses filles à leurs fils (3: 5-6). Cette alliance a porté ses fruits : Jabin opprime le peuple, forcé, bon gré mal gré, de souffrir son gouvernement.
(*) J’en excepte les Philistins sous Shamgar, le court récit de la fin du chap. 3 n’étant qu’un épisode, comme le prouve le verset 1 de notre chapitre, où l’histoire générale est reprise, non pas à la mort de Shamgar, mais à celle d’Éhud.
Or ce n’est pas le seul caractère du pauvre état d’Israël en ces
jours néfastes. Si le gouvernement extérieur du peuple était tombé entre les
mains de son ennemi, qu’était devenu le gouvernement intérieur ? Confié
aux mains d’une femme ! La parole de Dieu nous enseigne qu’au début, le gouvernement
de l’Église fut remis à des
anciens établis à cet effet par les apôtres ou leurs délégués, sous la conduite
du Saint Esprit. L’ordre de l’assemblée et tout ce qui s’y rapportait tombait à
leur charge et à celle des serviteurs. Aujourd’hui, sans parler de la pauvre
imitation que les hommes ont faite de cette institution divine, quand
l’infidélité de l’Église l’en avait privée, y aurait-il de l’exagération à dire
qu’une tendance à placer tout ou partie du gouvernement entre les mains des
femmes, semble s’accentuer de plus en plus parmi les sectes de la
chrétienté ? Et l’on s’en vante ! Et des chrétiens osent écrire et
chercher à prouver qu’il en doit être ainsi, que la chose est selon Dieu et
prouve un état florissant de l’Église ! Ils citent Debora à l’appui de
leur dire. Voyons ce qu’était Debora.
Debora était une femme remarquable, une femme de foi, ayant le
sentiment profond de l’état humiliant du peuple de Dieu. Elle voit une honte
pour les conducteurs d’Israël,
dans le fait que Dieu confie une position d’activité publique à une femme au
milieu du peuple. Elle dit à Barak : J’irai bien avec toi ; seulement
ce ne sera pas à ton honneur
dans le
chemin où tu vas, car
l’Éternel
vendra Sisera en la main d’une femme
»
(v. 9).
Mais tout en ayant et en exerçant une autorité de la part de
Dieu, à la confusion de ce peuple efféminé par le péché, Debora conserve dans
ces circonstances, qui pourraient devenir pour elle un grand piège, la position
divinement assignée par la Parole à la femme. Elle ne serait pas une femme de
foi sans cela. Ce chapitre nous relate l’histoire de deux femmes de foi, Debora
et Jaël. Or chacune garde le caractère donné de Dieu à la femme. Où est-ce que
Debora exerce ses fonctions ? La voit-on, comme d’autres juges, parcourir
le territoire d’Israël ou se mettre à la tête des armées ? Rien de
semblable et ce n’est pas sans raison, me paraît-il, que la Parole nous
dit : « Elle habitait
sous le
palmier de Debora… » « et les fils d’Israël montaient
vers elle
pour être jugés » (v. 5). Toute prophétesse et juge qu’elle était
en Israël, elle ne quitte pas le domaine que Dieu lui assigne. C’est là où elle
habite qu’elle fait appeler Barak, au lieu d’aller à lui.
Barak est un homme de Dieu et compté par la Parole parmi les juges d’Israël. « Le temps me manquera si je discours de Gédéon, de Barak et de Samson et de Jephté » (Hébr. 11: 32). Mais Barak est un homme sans caractère, sans énergie morale, sans confiance en Dieu. Ne vous attendez pas à voir, en un temps de ruine, les instruments que Dieu emploie posséder en leurs mains l’ensemble des ressources divines. Ce n’est pas seulement que le nombre des ouvriers est petit, mais combien les dons de l’Esprit sont peu accentués aujourd’hui, comme leur absence même est cruellement ressentie parmi les chrétiens ! Son manque de caractère fait désirer à Barak d’être l’aide de la femme, alors que la femme, selon Gen. 2: 18, était l’aide de l’homme. Il rabaisse le ministère que Dieu lui a confié, et ce qui est pire, il cherche à faire sortir Debora de sa position de dépendance comme femme. « Si tu vas avec moi, j’irai ; mais si tu ne vas pas avec moi, je n’irai pas » (v. 8). « J’irai bien avec toi », répond-elle. Elle peut le faire, sans sortir de sa position scripturaire. En d’autres temps, les saintes femmes allaient avec le Seigneur Jésus, cheminaient avec lui, se faisant ses servantes pour pourvoir à ses besoins. L’acte de Debora était bon, mais le motif de Barak était mauvais, et Debora le reprend sévèrement (v. 9). Quel était au fond le motif de Barak ? Il voulait bien dépendre de Dieu, mais non pas sans appui humain et visible. Le monde chrétien est rempli de telles âmes. La réalisation de la présence de Dieu est si misérable, la connaissance de sa volonté si faible, la marche si peu assurée, que, pour marcher dans le chemin de Dieu, on préfère se confier en cet intermédiaire plutôt que de dépendre uniquement et directement de Dieu. On a des « directeurs de conscience », dont on suit les avis, au lieu d’avoir le Seigneur, son Esprit et sa Parole pour guides. Que devient-on si le conducteur se trompe ? tandis que Dieu, le Seigneur, son Esprit, sa Parole, sont infaillibles ! La fidèle Debora n’engage pas Barak dans ce faux chemin ; Barak porte les conséquences de son manque de foi.
Il monte avec son armée, et Debora avec lui. Héber, un de ces Kéniens dont nous avons parlé au chap. 1, avait trouvé bon de se séparer de sa tribu en ces temps troublés et était allé dresser sa tente ailleurs (v. 11). Or « il y avait paix entre Jabin, roi de Hatsor et la maison de Héber, le Kénien » (v. 17).
L’acte de Héber pouvait-il être un acte de foi ? Je ne le
pense pas. Il se séparait du peuple humilié, agissait comme s’il secouait de
ses épaules la responsabilité du triste état d’Israël (*).
Bien plus, il était en paix avec l’ennemi avoué de son peuple, et il avait fait
en sorte de ne pas être inquiété par Jabin. Mais une faible femme demeurait
sous la tente de Héber. Celle-là ne voulait pas d’une sécurité achetée à ce
prix et ne reconnaissait pas l’alliance avec l’ennemi de sa nation. Son coeur
était sans partage avec Israël. Barak remporte la victoire, et Debora, la femme
de foi, cette mère en Israël, n’y joue aucun rôle. L’armée de Sisera est
défaite ; le chef lui-même, obligé de s’enfuir à pied, arrive à la tente
de Jaël, croyant y trouver une demeure hospitalière. Jaël le cache ; il
demande à boire de l’eau, elle lui donne du lait, une meilleure boisson. Elle
ne le traite pas, dès le début, comme un ennemi et use de grâce envers lui,
mais en présence de l’ennemi de son peuple, elle est impitoyable. Son
instrument pour délivrer Israël ne vaut pas même celui de Shamgar, car elle n’a
d’autres armes que les outils d’une femme qui garde la tente. C’est avec eux
qu’elle porte le coup fatal à la tête de l’ennemi. Comme Debora, comme toute
femme de foi, Jaël ne s’écarte en rien des limites de son domaine. Elle exerce
son ministère vengeur dans l’intérieur de sa demeure avec les armes que la
tente peut lui fournir et remporte la victoire dans cette étroite enceinte ;
car la femme aussi doit combattre l’ennemi, mais à la place et avec les armes
spéciales que Dieu lui désigne. La foi brille ici chez les femmes. Jaël ne
cherche pas un aide comme le fit Barak, elle ne dépend que de l’Éternel. Le
secret de son action est entre elle et Dieu. Elle se sert de ses propres armes
aussi bien qu’un homme saurait s’en servir ; un seul tremblement de sa
main aurait pu tout compromettre. Seule, car son mari, son protecteur naturel,
est absent ; seule, mais avec l’Éternel, elle combat sous sa tente, unie
de coeur aux troupes rangées d’Israël. Aussi Debora, dans son cantique, dira
d’elle : « Bénie soit, au-dessus des
femmes,
Jaël, femme de Héber, le Kénien ! Qu’elle soit bénie au-dessus
des femmes qui se tiennent dans les
tentes !
» (v. 24). Barak arrive, entre et voit la victoire de Jaël.
Quel sentiment d’humiliation n’a pas dû éprouver ce capitaine, en voyant
l’honneur rendu par Dieu à une femme dans un chemin où lui, chef et juge,
n’avait pas voulu marcher !
(*) C’est plus ou moins l’histoire de toutes les sectes de la chrétienté
Oui, honneur à ces femmes ! Dieu se servit d’elles pour réveiller
les fils de son peuple au
sentiment de leur responsabilité, car une fois réveillés, « ils retranchèrent
Jabin, roi de Canaan ». (v. 24).
L’Éternel vient d’opérer une délivrance merveilleuse par la main de deux faibles femmes et d’un homme sans caractère, exaltant sa grâce et sa puissance par l’infirmité de ses instruments. Cette victoire, nous l’avons dit, est le signal du réveil du peuple. L’Esprit de Dieu donne une expression à ce réveil par la bouche de la prophétesse. Debora et Barak décrivent et célèbrent les bénédictions retrouvées par la délivrance d’Israël.
(v. 1). « Et Debora chanta, en ce jour-là, avec Barak, fils d’Abinoam, en disant : »
La première chose qui suit la délivrance, c’est la louange, bien différente, sans doute, en un temps de ruine, de ce qu’elle était au commencement. Jadis, quand ils sortirent d’Égypte, « Moïse et les enfants d’Israël, chantèrent un cantique à l’Éternel » (Ex. 15: 1) ; le peuple tout entier entonna avec son conducteur le chant de la délivrance. Pas une voix n’y manquait. Représentons-nous l’harmonie de ces 600000 voix, fondues en une, pour célébrer sur le rivage de la mer, la victoire remportée par l’Éternel : « Je chanterai à l’Éternel, car il s’est hautement élevé ». Toutes les femmes, Marie à leur tête, s’associant à ces louanges, répétaient les mêmes paroles . « Chantez à l’Éternel, car il s’est hautement élevé ». Au chap. 5 des Juges, quel contraste ! « Debora chante avec Barak ». Une femme et un homme, deux êtres seuls, deux témoins d’un temps de ruine ; mais le Seigneur est présent, l’Esprit de Dieu s’y trouve, et si ces deux sont les témoins de la ruine, ils ont cependant de quoi se réjouir et célébrer la grandeur de l’oeuvre de l’Éternel. La louange retrouvée est la marque d’un vrai réveil, le premier besoin des enfants de Dieu qui se reconnaissent. Debora et Barak ne font pas bande à part, alors même que tout le peuple ne s’est pas joint à eux, ils reconnaissent l’unité du peuple et leur louange est l’expression de ce qu’Israël tout entier aurait dû dire.
(v. 2). « Parce que des chefs se sont mis en avant en Israël, parce que le peuple a été porté de bonne volonté, bénissez l’Éternel ! »
Le motif de la louange, c’est ce que la grâce de Dieu a produit dans les conducteurs et chez le peuple. Dieu reconnaît cela et encourage ainsi les siens si chancelants et si faibles.
(v. 3). « Rois, écoutez ! princes, prêtez l’oreille ! Moi, moi, je chanterai à l’Éternel ; je chanterai un hymne à l’Éternel, le Dieu d’Israël ».
La louange appartient exclusivement aux fidèles. « Moi, moi », disent-ils. Les rois et les princes des nations sont invités à écouter ; mais ils n’ont aucune part à ce cantique, car la délivrance d’Israël est leur ruine.
(v. 4-5). « Éternel ! quand tu sortis de Séhir, quand tu t’avanças des champs d’Édom, la terre trembla, et les cieux distillèrent, et les nuées distillèrent des eaux. Les montagnes se fondirent devant l’Éternel, ce Sinaï, devant l’Éternel, le Dieu d’Israël ».
Ces paroles rappellent le début du cantique de Moïse, en Deut. 33, auquel le Ps. 68: 7-8, fait aussi allusion. Nous y trouvons un autre principe important du réveil. Les âmes sont poussées à remonter aux bénédictions premières, recherchant ce que Dieu fit au début, ne se dirigeant pas d’après ce qu’elles ont sous les yeux, mais se demandant : « Qu’est-ce que Dieu a fait ? » C’est notre sauvegarde en un temps de ruine. Ne disons pas, comme les chrétiens infidèles : Accommodons-nous aux jours où nous vivons. En un temps dont l’apôtre Jean disait : « C’est la dernière heure », les saints avaient pour ressource « ce qui était dès le commencement » (1 Jean 1: 1).
(v. 6-8). « Aux jours de Shamgar, fils d’Anath, aux jours de Jaël, les chemins étaient délaissés, etc ».
Un nouveau principe apparaît ici. Les fidèles reconnaissent la ruine d’Israël. Ils ne cherchent ni à pallier, ni à excuser le mal, mais en jugent selon Dieu. Quatre faits caractérisent cette ruine : l° « Les chemins étaient délaissés, et ceux qui allaient par les grands chemins allaient par des sentiers détournés ». Voilà ce que le joug de l’ennemi avait produit. Il n’y avait plus aucune sécurité pour le peuple sur les grands chemins, sur les chemins où tous avaient marché ensemble, car c’était là qu’on rencontrait l’ennemi, et la foule choisissait des chemins détournés, chacun selon ce que son coeur lui disait. N’est-ce pas ce qui caractérise aussi de nos jours l’Église de Dieu ? — 2° « Les villes ouvertes étaient délaissées en Israël ». Les lieux où le peuple habitait en famille et en paix, étaient abandonnés. Cette union visible du peuple avait disparu jusqu’au jour où Debora fût suscitée pour la restauration partielle d’Israël. Aperçoit-on davantage aujourd’hui l’unité de la famille de Dieu ? Hélas ! si un certain nombre de fidèles la manifestent, elle n’existe plus, comme ensemble, que pour la foi et dans les conseils de Dieu. — 3° « On choisissait de nouveaux dieux ; alors la guerre était aux portes ». Oui, l’idolâtrie était devenue la religion du peuple, qui avait abandonné Dieu, le Dieu d’éternité. Israël ayant offensé l’Éternel, était châtié par la guerre et par un ennemi qui le pressait sans relâche. — 4° « On ne voyait ni bouclier ni pique chez quarante milliers d’Israël ». Il n’y avait plus d’armes contre le mal. Où sont-elles maintenant les armes ? Qu’a-t-on fait de l’épée de l’Esprit ? Où est la puissance de la Parole, pour résister aux fausses doctrines pullulant au milieu de la chrétienté, rongeant comme une gangrène, jetant dans la poussière le nom merveilleux de Christ ? Pourquoi, dit le psalmiste, jetez-vous ma gloire dans l’opprobre ? Même le bouclier de la foi a été jeté par terre, le mal domine, et le peuple de Dieu ne peut s’en garder.
Au milieu du désordre, la part du fidèle est d’apprécier la grandeur du mal en baissant la tête avec humiliation. Ce n’est pas tout de connaître nos bénédictions célestes, Dieu veut que nous reconnaissions pleinement, pour nous en séparer, l’état de choses par lequel nous avons déshonoré Dieu, nous son peuple. Si nous appartenons au témoignage de Dieu, retirons-nous du mal. Le caractère le plus affreux des temps de la fin, ce n’est pas l’immoralité ouverte, quoique les moeurs soient aujourd’hui profondément corrompues, ce sont spécialement les fausses doctrines. La 2° épître à Timothée nous exhorte, surtout au sujet de ces dernières, à nous retirer de l’iniquité, à nous séparer des vases à déshonneur. Mais cela ne suffit pas. La prophétesse ajoute :
(v 9). « Mon coeur est aux gouverneurs d’Israël qui ont été portés de bonne volonté parmi le peuple ». C’est un autre principe. L’âme voit le bien là où l’Esprit de Dieu le produit, et s’y associe. Le coeur de Debora est avec les fidèles en Israël. Elle prend ouvertement position avec ceux qui étaient portés de bonne volonté, et reconnaissant ce que Dieu a fait au milieu de la ruine, elle dit : « Bénissez l’Éternel ! » heureuse de voir ici-bas ce petit témoignage parmi les gouverneurs. Que tous nos coeurs l’apprécient et puissions-nous répéter avec elle : « Bénissez l’Éternel ! »
(v. 10,11). Ensuite la prophétesse, se tournant vers ceux qui jouissent en paix des bénédictions reconquises, leur dit : « Vous qui montez sur des ânesses blanches » un signe de richesse et de prospérité : les fils des familles nobles et des juges possédaient ce privilège (Conf. 10: 4 ; 12: 14). C’est comme un appel à ceux qui jouissent sans combat du fruit de la victoire. « Vous qui êtes assis sur des tapis » ; ceux qui profitent d’un repos rempli de bien-être. « Vous qui allez par les chemins » ; ceux qui jouissent de la sécurité acquise. Debora, dis-je, s’adresse à eux et les engage à « méditer ». Ils ne sont pour rien dans cette victoire, sinon pour en goûter les fruits, car quelques-uns seulement avaient combattu, dont ils pouvaient entendre les voix au partage du butin, au milieu des lieux où l’on puise l’eau. Ce temps, il ne fallait pas l’oublier, quelque béni qu’il fût, n’était pas plus la restauration d’Israël, que les réveils de nos jours ne sont un rétablissement de l’Église. Si les vainqueurs pouvaient raconter les justes actes de l’Éternel envers ses villes ouvertes d’Israël, si le peuple s’était levé pour descendre aux portes et faire face à l’ennemi, ce n’en était pas moins un temps de ruine et une restauration partielle. Ah ! qu’il sied bien au peuple de Dieu de nos jours, de ne pas oublier ces choses !
Mais il est pour nous des bénédictions plus grandes encore. Le ton du cantique s’exalte, les paroles s’envolent pressées de la bouche de Debora.
(v. 12). « Réveille-toi, réveille-toi, Debora !
Réveille-toi, réveille-toi, dis un cantique ! Lève-toi, Barak, et emmène
captifs tes captifs, fils d’Abinoam ! » Le Ps. 68, cet hymne magnifique
dont tant de passages rappellent le cantique de Debora (conf. v. 8, 9, 13, 18),
célèbre la pleine restauration milléniale d’Israël, à la suite de l’exaltation
du Seigneur. L’Éternel, y est-il dit, demeurera au milieu de son peuple :
« L’Éternel y demeurera pour toujours… le Seigneur est au milieu d’eux ». D’où
peut venir cette bénédiction ? Le prophète répond : « Tu es monté en
haut, tu as emmené captive la captivité ; tu as reçu des dons dans
l’homme, et même pour les rebelles, afin que l’Éternel, Dieu, ait une demeure ».
Or les mots de ce cantique qui célèbre la plénitude des bénédictions futures,
nous les entendons sortir ici de la bouche d’une faible femme en un temps de
ruine, où l’Éternel a marqué le front d’Israël du signe des bénédictions
perdues ! « Lève-toi, Barak, et emmène captive ta captivité, fils
d’Abinoam ! » Quel encouragement pour nous ! Il est des vérités
élevées entre toutes qui sont le partage spécial de la foi aux temps abaissés
des juges, comme aux temps fâcheux que nous traversons. Le cantique de Moïse
débordant de la joie du peuple racheté, après la traversée de la Mer Rouge,
célébrait la délivrance par la mort,
pour
amener le peuple à la demeure de Dieu et plus tard au sanctuaire que ses mains
avaient établi. Merveilleux cantique, hymne de l’âme à son début, contemplant
la victoire dont l’antitype est à la croix, hymne où le coeur exhale, comme un
parfum répandu, les louanges de la délivrance, cantique toutefois qui ne
l’exprime pas tout entière.
C’est une femme qui, dans un temps d’obscurité et de ruine,
entonne un cantique s’élevant au-delà de la mort, l’hymne de la délivrance par la résurrection.
En
effet, de qui s’agit-il ici ? « Lève-toi, Barak ! » Est-il question
seulement du fils d’Abinoam ? Nous n’hésitons pas, pour notre part, à voir
en Barak un type encore mystérieux du Christ monté à la droite de Dieu,
emmenant captive la captivité (cf. Éph. 4: 8).
Les temps s’étaient bien assombris depuis le cantique de l’Exode, et voici que l’intelligence prophétique d’une femme nous fait monter en haut avec le type d’un Christ ressuscité. Elle se réveille ; ses yeux sont ouverts pour contempler une scène glorieuse, Barak se levant pour emmener la captivité vaincue, faible image de cette liberté dans laquelle Christ vainqueur nous introduit pour en jouir éternellement avec lui. Si les choses énumérées au commencement de ce chapitre caractérisent le réveil d’aujourd’hui, il en est une qui doit le caractériser entre toutes, la connaissance d’un homme glorieux monté à la droite de Dieu, d’un homme que nos yeux et nos coeurs vont chercher dans cette scène céleste où lui, le vainqueur, est entré, après nous avoir délivrés par sa mort et par sa résurrection. — Encore une fois, bien-aimés, loin de nous décourager, n’avons-nous pas lieu de répéter avec Debora : « Bénissez l’Éternel ! »
(v. 13). « Alors descends, toi, le résidu des nobles, comme son peuple ; Éternel descends avec moi au milieu des hommes forts »
Maintenant Israël est appelé à descendre de ce qui est devenu son lieu d’origine, pour combattre et rendre témoignage au milieu de la scène où Dieu le laisse encore. Nous ne pouvons nous attendre, même en un temps de réveil, à voir descendre le peuple tout entier. Ce ne sera jamais que « le résidu des nobles », mais, privilège immense, Dieu le compte « comme son peuple », car il en est à ses yeux le représentant béni. Quelle joie le coeur des fidèles ne devrait-il pas éprouver de voir, ne fût-ce qu’un témoin, se détacher pour Dieu du troupeau qui, comme Ruben, est « resté entre les barres des étables ! » Nous pouvons désirer, mais non pas attendre davantage ; s’il en était autrement, nous ne serions pas en un temps de ruine. Et pourtant, quelle part est la nôtre ! « Éternel ! descends avec moi au milieu des hommes forts ». Mes frères, cela ne nous suffit-il pas ? Celui qui est monté en haut est le même qui descend avec nous pour nous donner la victoire dans de nouveaux combats.
(v. 14-18). Dieu enregistre ceux qui ont été pour lui et ceux qui, pour un motif ou l’autre, sont restés en arrière. Éphraïm, Benjamin, Zabulon, Issacar, sont descendus avec des coeurs non partagés, dans le chemin de l’Éternel. Mais voici que Ruben s’arrête à ses frontières et délibère indécis. Pourquoi donc ? « Pourquoi es-tu resté entre les barres des étables, à écouter le bêlement des troupeaux ? » La trompette de rassemblement n’avait pas de voix pour le coeur de Ruben. Ruben, trop prospère, voulait jouir tranquillement des richesses qu’il s’était acquises ; son repos à lui était entre les barres des étables. Alors il s’arrête aux ruisseaux qui forment ses frontières. Chrétiens d’aujourd’hui, est-ce là notre position ? Avons-nous suivi les nobles qui nous ont montré le chemin ? En sommes-nous restés aux « grandes délibérations de coeur ? » Manquons-nous de décision dans le témoignage pour Christ ?
« Galaad est demeuré au-delà du Jourdain ». Ils n’étaient plus, ces jours où Galaad en armes accompagnait ses frères dans les victoires de Canaan. Maintenant, satisfait de sa position terrestre, — dirai-je, de sa religion terrestre ? — en dehors des limites proprement dites du pays, au-delà du Jourdain, il n’éprouve pas d’autre besoin et demeure où il est. « Aser est resté au bord de la mer, et il est demeuré dans ses ports ». Quand il s’agissait de combattre, où trouver Aser ? À ses affaires, à son commerce. Il n’en avait pas sacrifié la moindre part pour livrer la bataille de l’Éternel. Toutefois, Debora ne s’attarde pas à la constatation du mal. Pleine de joie, elle se plaît à relater chaque trait de dévouement pour l’Éternel (v. 18). « Zabulon est un peuple qui a exposé son âme à la mort, Nephthali aussi, sur les hauteurs des champs ».
Puis vient (v, 19-22) un autre caractère des fidèles. Ils ne se glorifient pas, ne pensent pas à eux-mêmes et, n’attribuant la victoire qu’à Dieu seul, en proclament le caractère céleste.
« On a combattu des
cieux
; du chemin qu’elles parcourent, les étoiles ont combattu contre
Sisera ». Cette partie du cantique se termine par une malédiction sans réserve
sur Méroz : « Maudissez Méroz, dit l’Ange de l’Éternel ; maudissez,
maudissez ses habitants ! car ils ne sont pas venus au secours de
l’Éternel, au secours de l’Éternel, avec les hommes forts ». Ceux qui, dans ces
temps troublés, ne prennent pas parti pour Christ, ceux qui, tout en se
réclamant de son nom et de celui du peuple de Dieu, n’ont que des coeurs
indifférents pour lui, qu’ils soient maudits ! « Si quelqu’un n’aime pas le
Seigneur Jésus Christ, qu’il soit anathème, Maran-atha ! » (1 Cor. 16: 22).
Maintenant (v. 24-27) Jaël est honorée, celle qui a peu de force est bénie. « Il a demandé de l’eau, elle lui a donné du lait ; dans la coupe des nobles elle lui a présenté du caillé ». Quand l’ennemi du peuple de Dieu vient à elle, cette femme use de grâce. Allant chercher ce qu’il y a de meilleur dans sa tente et honorant la dignité de Sisera, elle lui présente le lait dans la coupe des nobles. N’est-ce pas le contraire du mépris ? N’est-ce pas ainsi que nous avons à traiter les ennemis de Dieu, leur donnant pour les désaltérer et les nourrir, bien plus même qu’ils ne désirent ? Les témoins de Dieu s’avancent avec la grâce au-devant des pires ennemis de Christ. Jaël est célébrée, parce qu’elle a fait cela ; mais lisons la suite : « Elle a étendu sa main vers le pieu, et sa droite vers le marteau des ouvriers ; elle a frappé Sisera, elle lui a brisé la tête, elle lui a fracassé et transpercé la tempe ». Ah ! le coeur de Jaël était néanmoins sans réserve avec le Dieu d’Israël, avec l’Israël de Dieu : quand il s’agissait de la vérité, qu’il fallait traiter l’ennemi comme tel, elle use de la plus grande énergie. Cette femme est à ce moment, dans l’enceinte étroite de la maison, le vrai conducteur des armées de l’Éternel. Elle est au premier rang, honorée de Dieu pour remporter la victoire, car elle a un coeur non partagé pour son peuple. Maudissez Méroz, mais que Jaël soit bénie !
(v. 28-30). Une autre scène se passe dans le palais de la mère de Sisera, dont l’orgueil est abaissé jusqu’en terre (*).
(*) Remarquez en passant que, malgré la position éminente que Dieu lui a donnée, Debora garde son caractère de femme en Israël, et montre une intelligence spéciale de ce qui touche le domaine de son sexe, célébrant ce qui honore Jaël, la femme croyante, et proclamant ce qui attire le jugement sur la femme hautaine. Plus tard, une autre femme, la reine de Séba, accueillie par Salomon, ne passait pas en revue les armées de ce roi, mais considérait « la maison qu’il avait bâtie, et les mets de sa table, et la tenue de ses serviteurs, et l’ordre de service de ses officiers, et leurs vêtements, et ses échansons, et la rampe par laquelle il montait dans la maison de l’Éternel » (1. Rois 10: 4-5), avec une intelligence capable d’apprécier ce qui appartenait à ce domaine.
Le cantique de Debora se termine par ces mots « Qu’ainsi périssent tous tes ennemis, ô Éternel ! mais que ceux qui t’aiment soient comme le soleil quand il sort dans sa force ! » (v. 31). Encore une bénédiction retrouvée qui caractérise le réveil. Debora proclame son espérance. Elle regarde en avant vers le jour glorieux où, le Seigneur ayant exécuté le jugement, les saints d’Israël resplendiront comme le soleil lui-même, semblables à Celui dont le visage était, aux yeux du prophète, « comme le soleil quand il luit dans sa force » (Apoc. 1: 16 ; cf. Matth. 13: 43).
Au milieu de la nuit de ce monde, nous avons aussi, frères, mais bien mieux que Debora, cette espérance tout près de nous. Déjà l’étoile du matin s’est levée dans nos coeurs, déjà les yeux de la foi, perçant le voile, se réjouissent de la scène merveilleuse qu’il cache encore et qui se résume en une parole ineffable : Être toujours avec le Seigneur !
Et l’Épouse qui veille aux heures ténébreuses
Et qui pressent déjà ton lever matinal,
Tressaille, et saluant tes clartés glorieuses,
Jette au-devant de Toi son appel virginal.
Et voici qu’un vent frais, précurseur de l’aurore,
Soufflant des mots sacrés, annonce Ton retour.
Écoutez ! des sommets descend un cri sonore…
Il éclate soudain. — Hosanna ! C’est le jour !
Hosanna ! l’Époux vient ! l’Église est transmuée !
Pour les saints endormis, c’est le jour du réveil !
Nous montons, emportés vers Toi sur la nuée,
Comme une goutte d’eau qui retourne au soleil !
En dépit de toutes les bénédictions énumérées au chap. 5, Israël ne tarde pas à retomber dans le mal et à abandonner l’Éternel. Comme châtiment de cette infidélité, Dieu le livre entre les mains des Madianites. Le peuple passe à travers toutes les phases des misères matérielles (morales pour l’Église) qui suivent la recherche du monde et l’abandon de Dieu. Sous Jabin, Israël manquait d’armes (5: 8), sous le joug de Madian, il est affamé ; deux conséquences de notre infidélité que nous subissons toujours, quand nous cherchons notre part avec le monde. Il s’empare de nous et nous enlève nos armes ; notre force nous abandonne et nous perdons tout moyen de combattre ; mais les vivres aussi nous manquent, car le monde n’a jamais nourri personne, et nous le sentons à la sécheresse qui envahit nos âmes quand, dans notre folie, nous avons abandonné la moelle et la graisse de la maison de Dieu pour des moissons qui sont un pur mirage du désert. Ce fut l’expérience d’Israël ; Madian ne lui « laissait point de vivres ».
Alors, dans sa misère, il crie à l’Éternel. Celui-ci répond et
produit un nouveau réveil, dans lequel il cherche à atteindre, plus
profondément que par le passé, la conscience de ce pauvre peuple. Il est
intéressant de voir comment le Seigneur s’y prend pour amener ce résultat.
« L’Éternel envoya aux fils d’Israël un prophète ». Son nom n’est pas mentionné
et n’importe point, car cet homme est simplement le porteur de la parole de
Dieu pour placer le peuple en Sa présence. Dieu a un
moyen de nous bénir : sa Parole qui répond à tout et doit nous
suffire parfaitement. Le Ps. 119 nous présente le rôle merveilleux que la
Parole joue dans la vie du fidèle. Ce Psaume dépasse en longueur tous les
autres. La parole de Dieu devrait occuper la même place dans notre vie.
Avons-nous le sentiment de sa valeur ? Remplit-elle nos jours et nos
nuits, nos pensées tout au moins, quand le temps nous manque pour nous asseoir
et la méditer ?
Dieu applique d’une manière pleine de grâce (v. 8-10) cette
Parole à la conscience des Israélites, leur disant tout ce qu’il a fait pour
eux, comment il leur donna la sortie, la délivrance, la victoire et l’entrée,
et après avoir déployé devant eux toute sa bonté, il ajoute une seule
parole : « Et vous n’avez
pas écouté ma voix ». Pas un mot du « comment » ils peuvent être délivrés ;
il ne leur ouvre pas encore le chemin pour revenir à lui. Le prophète
disparaît, les laissant sous le poids de leur responsabilité en présence de la
grâce. Dieu les avait portés dans ses bras et sur son coeur ; il avait été
leur nuée de feu et d’obscurité ; il avait combattu pour eux. Ai-je
manqué, dit-il, à votre égard ? Qu’avez-vous fait ? Bien plus que
tous les reproches, ce silence est calculé pour atteindre la conscience !
Elle est frappée, sinon atteinte
;
mais la parole de grâce ne donne pas encore au peuple infidèle ce dont il a
besoin. Israël reste sans force en présence de l’ennemi.
Tout le reste de ce chapitre nous montre comment Dieu opère pour susciter un serviteur en ces temps de ruine, et façonner un instrument puissant qui accomplisse son oeuvre de délivrance.
Avant d’aborder ce sujet, insistons sur une vérité générale. Lorsque le peuple de Dieu, comme tel, a perdu toute force, l’âme peut trouver individuellement une force aussi grande, aussi merveilleuse, qu’aux temps les plus prospères d’Israël. Si cela est vrai, combien nos coeurs devraient désirer ardemment de posséder cette force ! Sommes-nous de ceux qui s’établissent dans leur faiblesse, se mettant au niveau de ce qui les entoure, acceptant la mondanité de la famille de Dieu comme une chose inévitable ou nécessaire ? Ou bien, avons-nous les oreilles de Gédéon, lorsque Dieu nous dit : J’ai à la disposition une force sans limites ?
Passons à l’histoire de cet homme de Dieu. Il était personnellement plus faible encore que son peuple : sans assurance devant l’ennemi, car il se cachait pour battre son blé dans le pressoir (v. 11) ; sans ressources dans ses relations, car son millier était le plus pauvre en Manassé ; sans force en lui-même, car il était le plus petit dans la maison de son père (v. 15) ; c’est un tel homme que Dieu visite et se choisit pour serviteur, un homme ayant la conscience de son manque absolu de force et qui dit : Je n’ai rien, Seigneur Éternel ! « Avec quoi sauverai-je Israël ? » Quand il s’agit de l’oeuvre de Dieu dans ce monde, nous trouvons donc un premier grand principe, c’est que Dieu ne demande pas ce que l’homme pourrait lui offrir et n’en fait aucun cas. Il prend pour se glorifier des instruments faibles, ayant conscience de leur infirmité.
Mais il est un autre principe de la dernière importance :
cette oeuvre exige que tout soit de Dieu. Avant que l’ange de l’Éternel s’assît
sous le térébinthe, Gédéon avait déjà la foi. Quelque vérité qu’il eût encore à
apprendre, il croyait à la parole de Dieu qui lui avait été transmise par ses
pères (v. 13) ; de plus, il prenait parti avec le peuple de Dieu :
« Si l’Éternel est avec nous
» ;
« l’Éternel nous
a abandonnés »,
dit-il. Il ne suivait pas le chemin de Héber, et portait avec les Israélites
les conséquences de leur culpabilité. Le respect pour Sa parole et l’affection
pour Son peuple sont deux marques de la vie de Dieu en tout temps et chez tous
les fidèles. Cependant Gédéon a beaucoup à apprendre. Sa foi est très faible,
car il ignore la bonté de Dieu. Humble, sans doute, mais regardant à lui-même,
il conclut de ce qu’il est à ce que Dieu doit être pour lui. « Maintenant »,
dit-il, « l’Éternel nous a abandonnés ». La conséquence de notre infidélité,
c’est qu’il n’y a plus d’espoir. Ainsi raisonne Gédéon, mais Dieu raisonne-t-il
ainsi ? « L’Éternel est avec toi, fort et vaillant homme ! » Ah !
qu’il connaît encore peu ce qu’il y a dans le coeur de Dieu, et combien d’âmes
raisonnent comme lui ! De plus, malgré son humilité, Gédéon n’a pas encore
passé condamnation sur lui-même. Il désire offrir quelque chose, « apporter son
présent » à l’Éternel (v. 18). Ce n’est sans doute pas avec la pensée de faire
quelque grande chose pour Dieu, mais tout ira bien, pense-t-il, si Dieu accepte
mon présent. Nous verrons la réponse de l’Éternel, mais revenons d’abord au
principe énoncé plus haut, que Dieu seul entre en scène dans l’oeuvre de
délivrance de son peuple. En premier lieu, « l’Ange de l’Éternel lui apparut ».
Comme à Saul sur le chemin de Damas, c’est Dieu qui commence par se révéler
lui-même à l’âme de tous ses serviteurs dans la personne de Jésus. En second lieu,
l’Éternel se révèle à Gédéon, comme s’associant à lui : « L’Éternel est
avec toi » ; en troisième lieu, c’est Lui qui donne un caractère à Gédéon,
— « fort et vaillant homme », — caractère que Gédéon lui-même, faible et se
cachant dans son pressoir, n’eût jamais rêvé d’obtenir. Quatrièmement,
l’Éternel le regarde « en grâce » pour se révéler, non plus à lui
, mais en lui,
comme
le Dieu de puissance. Si Gédéon n’a pas de force, l’Éternel en a pour
lui ; c’est le secret qu’il lui fait connaître, car il lui dit : « Cette
force que tu as
». Cinquièmement,
c’est Lui qui l’envoie : « Va
avec cette force », comme Paul, serviteur de Dieu, fut envoyé « non de la part
des hommes, ni par l’homme ».
Enfin, Dieu lui donne la preuve de l’intérêt qu’il lui porte.
Gédéon, nous l’avons vu, voudrait offrir quelque chose à l’Éternel, mais
celui-ci ne peut rien accepter de l’homme comme
tel.
« Prends », dit-il, « la chair et les pains sans levain, et pose-les sur ce rocher-là,
et verse le bouillon »
(v. 20). La seule offrande que Dieu puisse accepter, c’est Christ. S’il ne
reçoit pas telle quelle l’offrande de Gédéon, il accepte ce qui représente
Christ dans cette offrande. Cet homme de Dieu a une intelligence bien
incomplète de la valeur des sacrifices que l’Éternel avait ordonnés aux fils d’Israël ;
« la chair bouillie », « le bouillon dans le pot », étaient des témoins de son
ignorance, mais Dieu distingue la réalité que cette faible foi recouvre et
accepte l’offrande, quand Gédéon la pose « sur le rocher ». Le feu du jugement
monte du rocher, consumant la chair et les pains sans levain. La preuve de
l’intérêt que Dieu lui porte, est en figure le jugement tombé sur Christ !
Il faut encore que le serviteur apprenne à connaître la valeur
de cette oeuvre pour lui-même. D’abord il est rempli de frayeur :
« Ah ! Seigneur Éternel, si c’est pour cela que j’ai vu l’Ange de l’Éternel
face à face », mais « l’Éternel lui dit : Paix te soit ; ne crains
point, tu ne mourras pas ! ». La conséquence du jugement de l’offrande
consumée, c’est la paix
pour Gédéon.
Pour être un serviteur de Dieu, il faut avoir reçu pour soi-même la
connaissance de l’oeuvre de Christ et la paix qui en résulte, l’assurance d’une
paix accomplie en vertu de ce qui s’est passé entre Dieu et Christ, la
certitude de ce que Dieu, et non pas Gédéon, pense du sacrifice. Telle est la
base de tout service chrétien, (hélas ! comme les hommes l’ont
oublié !) car, ne possédant pas la paix pour nous-mêmes, comment
pourrions-nous aller la proclamer à d’autres ?
Le premier résultat de ce que Gédéon vient d’apprendre, n’est pas de le pousser dans le service (encore un fait complètement oublié des chrétiens de nos jours), mais d’en faire un adorateur. « Et Gédéon bâtit là un autel à l’Éternel, et l’appela Jéhovah-shalom (l’Éternel de paix) ». Il faut, avant de servir, que le croyant soit entré comme adorateur en la présence de Dieu. La Parole illustre ce fait dans une multitude de cas, celui d’Abraham et de l’aveugle-né, entre autres. Gédéon loue le Dieu de paix et peut désormais offrir sur l’autel de l’adorateur un sacrifice que l’Éternel accepte.
C’est seulement après
l’autel du culte
que Dieu appelle Gédéon comme serviteur à rendre un
témoignage public. Ce dernier commence par la maison paternelle. Il consiste à
détruire « l’autel de Baal et l’idole qui est auprès », et à leur substituer l’autel du témoignage,
l’autel du Dieu
connu de Gédéon. Le devoir positif du témoin de Dieu est avant tout de jeter
bas ses idoles. Pourquoi trouve-t-on parmi les chrétiens si peu de serviteurs
véritables, marchant dans la puissance du témoignage pour Christ ? C’est
qu’ils n’ont pas les deux
autels. Et
pourquoi n’ont-ils pas le second ? C’est qu’ils ne se sont pas munis de
bois pour le sacrifice. Ce bois, ce sont
les idoles
(v. 26).
Renversons-les,
n’en laissons rien subsister ; commençons dans le cercle étroit de la
famille. Si nous ne le faisons pas, où sera notre témoignage ? Le
renversement des idoles est le secret de la puissance ; l’Esprit de
l’Éternel ne revêt Gédéon que lorsqu’il a accompli cet acte. Nous n’avons plus
comme lui des Baals de pierre et des ashères de bois, mais nous avons bien
d’autres idoles et, peu semblables à lui, nous les préférons souvent à la
puissance d’une marche fidèle avec Dieu. Gédéon obéit sans hésiter, sans
compromis ni restriction. Pour lui, les idoles ne sont rien, comparées à ce
Dieu qu’il connaît. Ce « fort et vaillant homme » n’avait aucun courage naturel.
La peur de l’ennemi (v. 11), la frayeur de Dieu (v. 23), la crainte de la
maison de son père (v. 27), le caractérisent. Il fait son oeuvre de nuit,
craignant de la faire le jour ; il la fait, néanmoins, car Dieu le lui a
commandé. Ce n’est qu’au matin que les gens de la ville s’en aperçoivent. Mais
celui qui connaissait le caractère de Gédéon, ne lui avait pas dit : Fais
cette oeuvre de jour. Nous aussi, faibles que nous sommes, ah ! détruisons
nos idoles en silence, quand nul oeil ne nous observe. Ne proclamons pas la
chose très haut ; accomplissons ce travail difficile avec crainte et
tremblement, regardant à Dieu seul dans le silence de la nuit. Le monde
s’apercevra bientôt que nous avons un nouvel autel qu’il ne connaît pas, et que
l’ashère n’a de valeur pour nous que comme bois à brûler. Alors le monde qui
nous avait supportés jusque-là, nous haïra. C’est l’autel du témoignage qui
attire sur Gédéon l’animosité de tous. Haï, mais qu’importe ? car il
reçoit le nom de Jerubbaal (que Baal plaide), et devient, en présence de tous,
le représentant personnel de l’inanité des choses qu’il adorait autrefois.
Le témoignage de Gédéon a pour effet de convaincre son père du néant de Baal. La foi du père est moindre que celle du fils. Gédéon détruit Baal, parce qu’il a connu Dieu ; Joas reçoit Dieu, parce qu’il ne reconnaît plus Baal. C’est bien peu, mais c’est quelque chose.
Mes frères, sommes-nous, devant le monde, les témoins de la folie de tout ce qui l’intéresse ? Si nous n’avons pas gardé l’autel de Baal, peut-être avons-nous négligé de détruire « l’ashère qui est à côté ? » Le chemin de la puissance est celui d’une obéissance sans restriction à la parole de Dieu. À certains moments de nos vies, la puissance a caractérisé notre service, à d’autres elle nous a manqué. Demandons-nous alors si nous n’avons pas réédifié quelque idole détruite. Il n’est pas d’action publique qui ne commence, pour le chrétien, par la fidélité dans le petit cercle où il est appelé à vivre.
Gédéon éprouve d’abord l’inimitié de ceux qui portent le nom de peuple de Dieu, contenue toutefois pour le moment par la sincérité de son témoignage. Madian et Amalek (v. 33) ne l’entendent pas ainsi. Si, dans leur folie, les gens de la ville cherchent à faire obstacle à leur propre délivrance, le monde s’efforce d’étouffer ce réveil qui sortirait Israël de l’esclavage.
Jusqu’ici, Gédéon ne faisait qu’acte d’obéissance ;
maintenant, l’Esprit de l’Éternel le revêt. Son premier acte de puissance est
de sonner de la trompette pour réunir les tribus à sa suite. La force d’Israël est dans son
rassemblement
; c’est ce que Satan et le monde craignent le plus.
Toutefois, Gédéon, malgré sa force, ne montre pas beaucoup de confiance en Dieu. Il demande des signes pour connaître si l’Éternel veut sauver le peuple de sa main. Tous les ordres de Dieu à Gédéon sont simples et clairs, mais lorsque Gédéon demande des signes à Dieu, tout devient obscur et compliqué. Nous avons de la peine à comprendre sa pensée. Je suppose que la toison représente Israël béni de Dieu, quand la sécheresse reste sur les nations, et vice versa, car, ayant éprouvé Dieu, Gédéon le soumet à une contre-épreuve. Pauvre foi, faible confiance en Lui ! Mais le Dieu de grâce, sans se rebuter, fait ce que son serviteur demande. Il veut délivrer son peuple, il veut, par tous les moyens, soutenir le faible coeur de son témoin, afin de l’engager dans son service et d’en faire un instrument à sa gloire.
Nous avons vu, au chap. 6, le serviteur préparé pour l’oeuvre à laquelle Dieu le destine ; les versets que nous venons de lire nous montrent les caractères des témoins de Dieu en ces temps de ruine.
Aux jours de sa prospérité morale sous Josué, quand il
s’agissait de combattre, tout Israël montait à la bataille et l’unité du peuple
se manifestait ainsi d’une manière frappante. Le premier combat d’Aï (Jos. 7:
1-5), seule exception à cette règle, eut pour résultat la défaite de ceux qui y
prirent part. Au temps du déclin, il en est autrement. Quand tout le peuple
monte avec Gédéon, l’Éternel dit à ce dernier : « Le peuple qui est avec
toi est trop nombreux,
pour que je
livre Madian en leur main », car le danger était qu’Israël se glorifiât
contre l’Éternel, disant : « Ma main m’a sauvé ».
Dans la période du déclin, Dieu réprime tout particulièrement l’orgueil qui
voudrait faire jouer à l’homme un rôle dans l’oeuvre qui n’appartient qu’à Lui.
La chrétienté actuelle se vante du nombre de ses adhérents, et croit y voir un
facteur dans l’oeuvre de Dieu. Si Dieu produit quelque bien, elle se l’attribue
et, comme Laodicée, se glorifie de ses moyens : « Je suis riche, et je me
suis enrichie, et je n’ai besoin de rien ».
Voici donc le premier caractère du témoignage de Dieu au milieu de la ruine : il est peu nombreux et sans apparence.
Second caractère : « Quiconque est peureux et tremble, qu’il
s’en retourne et s’éloigne de la montagne de Galaad ». Moïse avait déjà fait ce
commandement aux fils d’Israël : « Qui est l’homme qui a peur et dont le
coeur faiblit ? qu’il s’en aille et retourne en sa maison, de peur que le coeur de ses frères ne se
fonde comme le sien ».
(Deut. 20: 8). Les peureux et les craintifs, ce même
passage nous l’enseigne (v. 5-7), sont ceux qui ont quelque chose à perdre.
Un serviteur de Dieu n’ayant rien à perdre
dans ce monde, parce que l’excellence de Christ lui en fait mépriser les biens,
est plein de courage pour son oeuvre. Hélas ! le nombre des peureux est
fort grand de nos jours, comme jadis où « 22000 hommes du peuple s’en
retournèrent, et il en resta 10000». Pour accomplir son oeuvre, Dieu veut des
coeurs non partagés, n’ayant rien à perdre, ne s’effrayant de rien, et qui ne
puissent exercer une influence délétère sur ceux qui se sont mis en marche sans
s’embarrasser des affaires de cette vie. Les 22000 se trouvent au butin, mais
sont incapables de l’effort. Les peureux profiteront du témoignage, mais n’ont
pas qualité pour le porter.
Les témoins ont un troisième caractère. Dieu les met à l’épreuve
pour manifester s’ils comprennent que tout
est perte
pour ceux qui ont à gagner la bataille. « Il fit descendre le
peuple vers l’eau ». Se mettront-ils à genoux pour boire, ou laperont-ils avec
la langue, comme lape le chien ? Les uns cherchent leur aise pour jouir
abondamment des bénédictions que la Providence a placées sur leur chemin, les
autres, n’ayant d’autre but que de remporter la victoire, ne s’en laissent pas
détourner, mais, goûtant l’eau en passant, n’y trouvent qu’un encouragement
pour leur service. Il est dit du Seigneur : « Il boira du torrent dans le
chemin » (Ps. 110). Quand il buvait ainsi, sa face était résolument tournée vers
Jérusalem, lieu de son agonie et de sa mort (Luc 9: 51). Rien n’entrave
l’action du chrétien dans le témoignage comme de jouir de ses aises, en
s’arrêtant sur les bénédictions terrestres que la providence de Dieu lui
accorde, au lieu d’y goûter en passant. Notre christianisme actuel se courbe
sur ses genoux pour boire ; il rend peut-être grâces à Dieu, mais voit
dans les bénédictions terrestres l’objet et le but de sa piété, alors que les
témoins de Dieu en prennent la quantité suffisante pour continuer leur chemin.
Ces trois cents qui lapaient l’eau comme le chien et buvaient dans leur main en
la portant à leur bouche, étaient non seulement les dévoués, mais les humbles.
Ils avaient quelque similitude avec cette pauvre Syrophénicienne, comparée à un
chien, et répondant : « Oui, Seigneur », heureuse de ne dépendre que de la
grâce (Marc 7: 28). Dieu veut des témoins dévoués, mais humbles.
Ces hommes prennent en mains les trompettes du peuple, symboles du témoignage, mais ils prennent aussi les vivres (v. 8). Nous ne pouvons vaincre sans être nourris. Le peuple en était la preuve, sous le joug terrible de Madian qui ne laissait point de vivres en Israël.
Avant le combat, Gédéon lui-même est appelé à faire deux expériences personnelles qui le fortifient pour la victoire (v. 9-14). La première, c’est qu’en lui-même il ne vaut pas mieux que les 22000 craintifs. « Si tu crains d’y descendre », lui dit l’Éternel. Va-t-il répondre : Je suis courageux, j’ai déjà sonné la trompette aux quatre vents, pour rassembler Israël à la bataille ? Non, il accepte cette humiliante vérité. Alors Dieu le place en présence des ennemis, nombreux comme des sauterelles dans la vallée, et lui trace son portrait par la bouche de l’un deux. Ce fort et vaillant homme est comparé à un pain d’orge, nourriture pauvre et grossière, et c’est « l’épée de Gédéon ! » Belle épée, pour frapper cette multitude ! En effet, mais l’épée de Gédéon est « l’épée de l’Éternel » (v. 20), et c’est en cela que réside sa puissance.
Gédéon apprend à se connaître, mais Dieu lui révèle aussi l’état
moral de l’ennemi qu’il est appelé à combattre. C’est un ennemi vaincu
. « Dieu », dit le Madianite à son compagnon, « a
livré Madian et tout le camp en sa main » (v. 14). Puissions-nous la comprendre
davantage, cette vérité, en rapport avec nos trois ennemis, la chair, le monde
et Satan. La chair est crucifiée, le monde est vaincu, Satan est jugé. Cela
nous remplit de courage en leur présence. Gédéon réalise toutes ces choses et
se prosterne.
Le passage que nous venons de lire répond à cette question : En quoi consiste le témoignage de Dieu et que fait-il en un temps de ruine ? Plein de joie et de confiance, Gédéon retourne au camp d’Israël. « Levez-vous », dit-il, « car l’Éternel a livré le camp de Madian en votre main ». Alors, divisant les 300 hommes en trois corps, il leur met à la main « des trompettes, des cruches vides et des torches dans les cruches ». Ces trois objets sont les éléments du témoignage de Dieu dans la lutte avec Satan et le monde.
Nous trouvons en détail le rôle des trompettes,
au chap. 10 des Nombres (v. 1-10). Elles étaient la
voix de Dieu pour communiquer au peuple sa pensée en quatre occasions
importantes : elles donnaient le signal du rassemblement, le signal du
départ pendant les marches, le signal du combat, celui des fêtes solennelles ou
du culte. Ce que représentait autrefois pour Israël le son des trompettes, nous
le trouvons aujourd’hui d’une manière bien autrement précieuse dans la parole
de Dieu. C’est par elle que Dieu nous parle ; c’est elle qui règle et
dirige le rassemblement, la marche, le combat, le culte des enfants de Dieu.
Combien ces choses sont oubliées aujourd’hui ! Il semble à la majorité des
enfants de Dieu, que tout le christianisme consiste à porter l’évangile aux
inconvertis. Gédéon entendait autrement le témoignage de la foi. Il commence où
Dieu commence. (Nomb. 10). Il sonne de la trompette, et les Abiézérites sont
assemblés à sa suite (6: 34). Il est le porteur de la voix divine pour rassembler
Israël dispersé par sa faute.
Mes frères, avons-nous à coeur aujourd’hui le rassemblement des enfants de
Dieu ? Prenons alors la parole de Dieu, faisons entendre sa voix aux
oreilles des saints déshabitués de l’ouïr. Montrons aux chrétiens que leur
rassemblement est le but de Dieu, le but de la croix de Christ, celui de
l’activité de l’Esprit dans ce monde. Montrons-leur que c’est l’ennemi qui nous
a dispersés et que le grand obstacle à sa puissance, c’est le rassemblement des
enfants de Dieu hors du monde, et nous aurons la joie d’avoir travaillé à ce
que la Parole appelle « une chose bonne et une chose agréable ! » (Ps. 133:
1).
La trompette sonnait aussi pour la marche.
Celle-ci ne peut avoir d’autre règle que la parole de Dieu.
Les divergences dans la marche des enfants de Dieu ont pour cause unique
l’abandon de cette règle. Comment ne marcherions-nous pas « dans le même
sentier », si nos coeurs à tous étaient également dépendants de cette Parole,
règle infaillible de chacun de nos pas ?
La trompette appelait au combat
.
Ici, nous arrivons à la scène de notre chapitre. Le témoignage de Dieu est
inséparable du combat, car il ne consiste pas seulement dans le rassemblement
et la marche, mais dans une position ouvertement prise vis-à-vis du monde
ennemi de Dieu. Nous avons à proclamer hautement que nous sommes, sans compromis
possible, en lutte avec le monde. Le combat a deux buts : nous mettre en
possession de nos privilèges — c’est le sujet du livre de Josué — et délivrer
le peuple de Dieu asservi à l’ennemi par son infidélité ; c’est ainsi
qu’il est envisagé dans le livre des Juges. En Josué, tout Israël doit monter à
la conquête de Canaan ; ici, la lutte est réservée à un certain nombre de
témoins, champions de l’Éternel pour la délivrance du peuple captif.
La trompette sonnait pour les fêtes solennelles.
La parole de Dieu seule définit et règle le
culte. Nous ne faisons que mentionner ce sujet, qu’il n’est pas opportun de
traiter ici.
Les cruches vides
sont
un second élément du témoignage. Elles faisaient, sans doute, partie des vases
qui avaient contenu les vivres du peuple. (v. 8). Vides maintenant, elles
n’avaient aucune valeur, mais Gédéon, enseigné de Dieu, sut en faire usage à Sa
gloire. Un passage de la Parole (2 Cor. 4: 1-10) fait directement allusion à
cette scène. L’apôtre Paul y parle de la position qu’il prend comme témoin
vis-à-vis du monde. Il a à « manifester la vérité », à porter « la lumière de
l’évangile de la gloire du Christ » devant les hommes, puis il ajoute (v.
7) : « Mais nous avons ce trésor dans des vases de terre, afin que
l’excellence de la puissance soit de Dieu et non pas de nous ». Un vase de
terre, telle est la « chair mortelle » du grand apôtre des gentils. Des cruches
vides représentaient ce que Gédéon et ses guerriers étaient eux-mêmes.
La leçon que leur chef venait
d’apprendre au camp de Madian, les 300 devaient aussi la réaliser
individuellement. Comme le vase de terre de Paul, ces cruches vides n’étaient
propres qu’à être brisées. Quand Dieu suscite un témoignage, il ne se glorifie
que par des instruments qu’il brise. Il porte son évangile aux nations par un
Saul préalablement renversé dans la poussière sur le chemin de Damas, et
glorifie l’excellence de sa puissance en un Paul qu’il continue à discipliner
jusqu’au bout : « Étant dans la tribulation de toute manière », dit
l’apôtre, « mais non pas réduits à l’étroit ; dans la perplexité, mais non
pas sans ressource ; persécutés, mais non pas abandonnés ; abattus,
mais ne périssant pas ; portant toujours partout dans le corps la mort de
Jésus… »
À quoi servaient donc ces cruches vides ? À contenir les torches,
troisième et suprême élément du
témoignage de Dieu ; à porter dans leur sein ce trésor, la lumière divine,
afin que, comme dit l’apôtre, « la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre
corps » (2 Cor. 4: 10). Si les trompettes représentent la parole de Dieu en
témoignage, et les cruches nous-mêmes, qu’est-ce que les torches sinon la vie
de Jésus, la lumière de Christ ? Les deux premiers éléments ne servent
qu’à produire le troisième au milieu des ténèbres. Les hommes de Gédéon
sonnèrent des trompettes et brisèrent les cruches (7: 19), et la lumière
resplendit tout autour d’eux. Il en est ainsi des témoins actuels : « Car
nous qui vivons, nous sommes toujours livrés à la mort pour l’amour de
Jésus » ; c’est Dieu lui-même qui prend soin de briser les vases, « afin que
la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle » (2 Cor. 4:
11). Il n’est pas dit : la vie de Christ,
mais celle de Jésus
, la vie de
cet homme qui a traversé le monde en sainteté. Nous sommes appelés à
représenter ici-bas l’homme Jésus, tel
qu’il y a vécu
, et c’est en cela que consiste notre témoignage.
Il n’y a pas un seul chrétien dans ce monde qui ne puisse être porteur de ces trois éléments du témoignage de Dieu. Pourquoi donc s’en trouve-t-il si peu ? C’est qu’ils ne font pas de ces éléments ce que Dieu veut qu’ils en fassent. Il faut sonner de la trompette, il faut que les cruches soient brisées, la lampe ne doit pas être mise sous le boisseau. Sommes-nous à l’aise ici-bas, avons-nous dans ce monde ce qu’il nous faut, sommes-nous aimés, respectés des hommes, n’avons-nous jamais fait quelqu’une des expériences de l’apôtre, tribulations, perplexités, persécution, abattement ? Ah ! dans ce cas, nous sommes malheureux, car nous n’avons rien. Dieu ne nous a pas jugés dignes de porter quelques rayons de la lumière de Christ devant le monde. Bienheureux ceux qui sont brisés ! « Bienheureux… bienheureux », disait le Seigneur ; et il ajoutait : « Réjouissez-vous et tressaillez de joie, car votre récompense est grande dans les cieux ».
Les trois cents, se tenant chacun à la place assignée autour du camp, criaient : « L’épée de l’Éternel et de Gédéon ! » Le monde est mis en déroute par ce simple cri ! Rendez témoignage à Christ, représentez-le d’une manière vivante, ne tenant aucun compte de vous-mêmes ; que l’épée à deux tranchants de l’Éternel soit votre arme : toute la puissance de Satan et du monde ne pourra vous résister. Occupés de leur tâche glorieuse, Gédéon, ni ses compagnons, n’étaient en danger d’aller s’asseoir sous les tentes de Madian que le jugement de Dieu allait renverser, car ils trouvaient leur sécurité et leur force, malgré leurs cruches brisées, dans les trompettes éclatantes d’Israël et les torches éclatantes de Dieu.
Un fait encourageant, c’est que le témoignage engendre le témoignage. Les 300 sont employés pour réunir le peuple. Les hommes d’Israël se rassemblèrent et poursuivirent Madian (v. 23), et tous les hommes d’Éphraïm se réunirent (v. 24) et eurent part à la poursuite et au butin de l’ennemi. Nous verrons ce résultat, si nous sommes fidèles. Soyons des témoins de Christ, et nous réveillerons le zèle de ceux qui lui appartiennent. Puisse-t-elle se lever bientôt l’heure où Jésus, quand il viendra, trouvera non pas quelques centaines, mais un peuple entier de témoins qui ont combattu, tenu ferme et vaincu pour lui !
Du moment que nous marchons avec Dieu et portons son témoignage,
nous pouvons être assurés de trouver toute sorte de difficultés sur notre
chemin. Au chapitre précédent, Gédéon et ses 300 compagnons en avaient
rencontré quelques-unes. Leur combat n’allait pas sans souffrances. Il leur
fallait renoncer aux joies, aux aises, ne goûter des rafraîchissements de la
route que tout juste ce qu’il fallait pour atteindre le but. Le chap. 8 nous
présente d’autres échantillons de leurs souffrances. Les hommes d’Éphraïm
contestent contre Gédéon. Au temps de Debora, ils avaient été au poste
d’honneur (v. 14), mais ils avaient décliné dès lors et Gédéon, dirigé de Dieu,
ne les avait pas appelés ; ils étaient tombés au second rang. Cette
distinction les rend jaloux de ce que l’Éternel avait confié à leurs
compagnons, jaloux de l’énergie de la foi et de ses résultats chez les autres.
« Que nous
as-tu fait ? » (v. 1).
Éphraïm, préoccupé de son importance, pense à lui-même au lieu de penser à
Dieu. Telle est la source de bien des contestations entre frères, luttes mille
fois plus pénibles et délicates que nos combats avec le monde. Il est précieux
de voir l’homme de Dieu traverser cette difficulté dans la puissance de
l’Esprit. Le livre des Juges nous offre trois exemples de contestations
pareilles, le cas de Gédéon, celui de Jephthé et celui des onze tribus contre
Benjamin. Ici, le mal fut conjuré et la brèche évitée. Plus tard, il n’en fut
pas ainsi. Lorsque des altercations surgissent entre chrétiens, quelle est la
ressource ? Rester dans une parfaite humilité. Gédéon l’avait appris à
l’école de Dieu, dans les chapitres précédents, aussi ne lui est-il pas
difficile de le réaliser ici. Dieu lui avait fait comprendre que sa vaillance
et sa force ne lui appartenaient pas en propre, et qu’en elle-même l’épée de
Gédéon n’avait pas plus de valeur qu’un pain d’orge. Aussi, en présence
d’Éphraïm, le serviteur de l’Éternel employé pour cette grande délivrance, se
garde-t-il bien de parler de lui. Il s’occupe de ce que Dieu a fait par la main
de ses frères. « Qu’ai-je fait », dit-il, « en comparaison de vous ? Les
grappillages d’Éphraïm ne sont-ils pas meilleurs que la vendange d’Abiézer ? »
Il s’attribue la dernière place et reconnaît l’activité pour Dieu dont ils
avaient été honorés malgré tout. Une grande difficulté est apaisée par
l’humilité du serviteur de Dieu. Agissons de même. Quand nous parlons de nos
frères, énumérons, non point leurs défauts, mais les choses que Dieu a
produites en eux. Ne puis-je admirer Christ dans mon frère, quand je vois Dieu
aux prises avec lui pour le briser et faire ressortir coûte que coûte le
caractère du Seigneur ? Rien n’apaise les contestations comme de voir
Christ chez les autres ; c’est le produit d’un état normal des enfants de
Dieu.
Gédéon et ses compagnons rencontrent une seconde difficulté, plus cuisante encore que ces contestations. Ils allaient « fatigués, mais poursuivant toujours », éprouvant dans leurs corps cette destruction journalière qui est la part des croyants dans leur témoignage, mais poursuivant à tout prix pour atteindre le but (2 Cor. 4: 16 ; Phil. 3: 12). Ils arrivent devant Succoth, ville d’Israël qui appartenait à la tribu de Gad. Succoth les rejette, refuse même de leur donner du pain. Il y avait donc, au milieu du peuple de Dieu, une ville entière qui, portant le nom d’Israël, avait rompu toute solidarité avec les témoins de l’Éternel ! « La paume de Zébakh et celle de Tsalmunna », répondent-ils, « sont-elles déjà en ta main, que nous donnions du pain à ton armée ? » Ils avaient confiance en l’ennemi et ne voulaient pas se compromettre en prenant parti pour Israël. Le nombre est grand aujourd’hui, de ceux qui portent le nom de Christ tout en cherchant l’alliance et l’amitié du monde, qui, par crainte de se compromettre, font cause commune avec nos ennemis, et mettraient plutôt des obstacles sur le chemin des croyants pour les empêcher de vaincre. Ne nous en étonnons pas ; qu’une juste indignation ne nous arrête pas en chemin pour châtier cet esprit. Il faut que nos coeurs, comme celui de Gédéon, soient tout entiers au combat. L’homme de Dieu poursuit sa marche ; l’infamie de Penuel ne l’arrête pas plus que l’infamie de Succoth. Chaque chose a son temps pour le témoin de Dieu. Satan cherche à les mêler pour nous créer des obstacles. Il ne faut pas que Zébakh et Tsalmunna nous échappent ; le jugement des villes rebelles s’exécutera plus tard. Au retour, l’homme de Dieu exerce la discipline dans l’assemblée d’Israël et « retranche le méchant », car il serait déshonorant pour Dieu de tolérer le mal dans l’Assemblée.
Ai-je assez fait remarquer, dans toute cette histoire, l’alliance en Gédéon de ces deux caractères, l’humilité et l’énergie de la foi ? l’énergie pour rassembler et purifier le peuple, pour combattre et poursuivre l’ennemi, l’humilité qui nous ôte toute confiance en nous-mêmes et nous fait chercher toute notre force en l’Éternel. Et cependant, c’est du côté où il semblait avoir le moins besoin de vigilance, que l’ennemi va lui dresser un piège et amener finalement la ruine morale de l’homme éminent qui conduisait Israël !
Les rois vaincus n’épargnent pas à Gédéon les paroles de louange
(v. 18-21), d’autant plus dangereuses qu’elles semblent n’avoir aucun motif
intéressé. Il leur demande : « Comment étaient les hommes que vous avez
tués à Thabor ? » Et ils disent : « Comme toi, tels ils étaient ;
chacun d’eux comme la figure d’un fils de
roi ».
Défions-nous des flatteries du monde. Le simple bon sens
chrétien devrait nous dire que le monde nous flatte pour nous affaiblir et nous
ôter les armes avec lesquelles nous le combattons. On ne voit pas que cette
parole ait détourné Gédéon du chemin de Dieu, mais il me semble perdre la
notion réelle de la puissance de l’adversaire, et la mépriser au lieu de la
craindre. Il n’en fut pas ainsi de Josué, lorsqu’il fit prisonnier les cinq
rois (Jos. 10: 22-27). Loin de diminuer aux yeux des hommes d’Israël la force
de l’ennemi, il leur dit : « Approchez-vous, mettez vos pieds sur les cous
de ces rois », puis il ajoute : « Ne craignez point et ne soyez pas
effrayés ; fortifiez-vous et soyez fermes », tant il a conscience à la fois
de la puissance du monde et de la force de l’Éternel. Deux choses nous conviennent,
quand nous sommes aux prises avec l’ennemi : la crainte et le tremblement
quant à nous-mêmes ; une parfaite assurance quant à Dieu, excluant toute
frayeur, car nous savons que Satan et le monde sont des ennemis vaincus. Gédéon
réalise imparfaitement ces choses. Il confie à son fils Jéther le soin de tuer
ces deux rois. « Mais le jeune garçon ne tirait pas son épée, parce qu’il avait peur
». Au chap. 7, l’Éternel avait
éliminé ceux qui avaient peur et les avait retirés du combat ; ici,
Gédéon, confiant à un enfant la destruction d’un ennemi qu’il méprise, n’est
pas en communion avec les voies divines. Dieu n’appelle pas des enfants dans la
foi à faire publiquement des actions d’éclat ; un enfant va à l’école et
non pas à la guerre.
Alors ces rois lui disent : « Lève-toi, et jette-toi sur
nous ; car tel qu’est l’homme, telle
est sa force ».
Nouvelle flatterie contre laquelle Gédéon aurait dû
protester, car il avait appris une toute autre leçon à l’école de Dieu. Sa
force, en effet, était exactement l’opposé de ce qu’était l’homme. Ne le
savait-il pas, quand l’ange de l’Éternel lui disait : « Va avec cette force
que tu as », à lui, le plus petit dans la maison de son père ? Ne
l’avait-il pas réalisé dans la nuit solennelle où Dieu lui avait révélé qu’un
pain d’orge allait renverser toutes les tentes de Madian ? Gédéon, en de
meilleurs jours, n’aurait pas accepté cette flatterie, ni laissé l’adversaire
planter dans son coeur un germe de confiance en lui-même.
Mais le voici aux prises avec une nouvelle embûche (v. 22-23). Ce
n’est plus la flatterie du monde, mais la flatterie du peuple de Dieu. « Les
hommes d’Israël dirent à Gédéon : Domine sur nous, et toi et ton fils, et
le fils de ton fils ; car tu
nous
as sauvés de la main de Madian ». Ils mettent leur conducteur à la place de
l’Éternel et lui offrent le sceptre : « Domine sur nous ». Nul n’est plus
prompt à établir des clergés que le peuple de Dieu. Ce n’est pas seulement la
plaie de la chrétienté, c’est aussi la tendance innée au coeur naturel des
croyants. L’heureux effet d’un ministère nous induit à faire du « serviteur » un
« ministre » au sens humain, perdant ainsi Dieu de vue. Grâce à Dieu, la foi de
Gédéon échappe à ce danger. Il dit résolument : « Je ne dominerai point sur
vous, et mon fils ne dominera point sur vous ; l’Éternel dominera sur vous
». Le but de son ministère, c’est que
Dieu ait la prééminence et ne perde rien de son autorité sur son peuple.
Jusqu’ici Gédéon avait été merveilleusement gardé au milieu des dangers et des pièges. Son coeur est encore plein de bonnes intentions, mais un venin très subtil y a fait de secrets dégâts, et nous assistons à la ruine de la carrière du juge, comme jadis à la ruine du peuple.
« Et Gédéon leur dit : Je vous ferai une demande :
Donnez-moi chacun de vous les anneaux de son butin », requête que le peuple
accorde volontiers. Gédéon ne convoite pas ces choses comme Hacan, lorsqu’il
attira le jugement sur Israël. Son coeur est noble et désintéressé. Il désire
faire de cet or un bon usage. Autrefois, Aaron avait réclamé leurs parures pour
en faire le veau d’or. Jerubbaal, qui avait renversé les idoles, ne cherche
nullement à les rétablir mais, gagné par le sentiment de son importance, il
désire ériger à Ophra, dans sa ville natale, un mémorial de sa victoire. Ce
mémorial sera un éphod,
un objet
d’ordonnance divine. L’éphod faisait partie des vêtements portés par le
sacrificateur, quand il représentait le peuple devant Dieu. Objet magnifique en
vérité, mais n’ayant aucune valeur aux yeux de l’Éternel sans le souverain
sacrificateur qui le portait. Hélas ! tout
Israël
considère l’éphod comme un moyen de s’approcher de Dieu et vient se
prosterner devant lui. Gédéon lui-même et sa maison tombent dans le piège.
La chrétienté n’est pas étrangère aux éphods. Nombreuses sont
les choses d’ordonnance divine qu’elle sépare de Christ, et par lesquelles elle
estime s’approcher de Dieu. L’Église, le ministère, le baptême, la cène, et
même la prière, séparés de leur source, deviennent des éphods devant lesquels
le peuple se prosterne. La forme prend la place de Dieu et les âmes retombent
par elle dans l’idolâtrie. Eh ! ne fait-on pas une idole même d’un Christ
en croix ! Le serpent d’airain avait été conservé et le peuple en avait
fait un faux dieu. Comme le fidèle Ézéchias, le vrai témoin d’aujourd’hui ne
peut supporter cela. Le roi brisa cette idole et l’appela Néhushtan,
c’est-à-dire morceau d’airain
(2 Rois
18: 4).
Quel fait humiliant, que des conducteurs du peuple soient les instruments pour le ramener à l’idolâtrie ! Souvent, après un heureux début, le cœur, se laissant gagner par les flatteries du monde, éprouve le désir d’y jouer un rôle et d’en être reconnu. On s’érige un monument qui ne fait qu’ajouter des matériaux à la ruine. On fait d’Ophra le centre du peuple, parce qu’on s’y trouve, et de l’éphod le centre d’Ophra, et l’on déplace ainsi le sanctuaire divin de Silo, le vrai centre de rassemblement d’Israël. Gédéon n’était point un homme orgueilleux, mais son coeur abusé n’était plus intègre devant Dieu. Il habite sa maison (v. 29), et se repose de ses glorieux travaux. Une famille nombreuse l’entoure, mais il élève un serpent qui consommera la ruine finale de sa race. À peine a-t-il fermé les yeux, qu’Israël retourne à la vraie idolâtrie et s’établit Baal-Berith pour dieu (v. 33), faisant du démon lui-même, le chef et « Seigneur de l’alliance ».
Mais il est une chose consolante au milieu de la ruine, et le chap. 9, va nous le prouver : Dieu ne reste jamais sans témoignage ici-bas. Soyons donc ses témoins, en retenant cette parole de Gédéon au peuple : « L’Éternel dominera sur vous ».
Ce chapitre nous fait entrer dans une phase si attristante du déclin qu’elle semble, au premier abord, ne plus contenir même un lieu de refuge pour la foi. Nous avons vu, au chap. 8, l’assemblée d’Israël, désirant conférer l’autorité à son conducteur ; ici, un loup usurpe la place du Berger et s’empare du troupeau pour le dévorer.
C’est l’autorité arbitraire du méchant esclave qui se met à
battre, en l’absence du maître, ceux qui sont esclaves avec lui, et qui mange
et boit avec les ivrognes (Matth. 24: 48-49). Cela rappelle, en un mot, le
principe du clergé dans la maison de Dieu et ses funestes envahissements. Le
misérable Abimélec n’est point un juge ; il cherche une position plus
élevée encore : il se fait proclamer roi (v. 6) et prend, au milieu du
peuple, le titre des gouverneurs des nations. Se posant ouvertement en
dominateur (v. 2), il agit à l’opposé d’un juge suscité de Dieu (cf. 8: 23).
Pour usurper cette place, il met en jeu des ressorts purement humains. Par les
frères de sa mère, concubine de Gédéon, il séduit les hommes de Sichem au nom
de la fraternité. Ceux-ci prennent confiance en ce traître ; leur état
moral est si bas, qu’ils oublient jusqu’au lien qui les unit à tout Israël et
disent d’Abimélec : « Il est notre
frère ». La fraternité a perdu pour eux son vrai sens et n’est plus qu’un nom
destiné à caractériser un parti.
L’influence de cet homme s’étaye du trésor tiré de la maison des faux dieux. L’usurpateur fait appel à la bourse du peuple et ne méprise pas l’origine impure de ses biens. Cet argent sert à accomplir l’oeuvre du diable. Le trésor de Baal a remplacé la force de l’Éternel et fournit à l’usurpateur le moyen de persécuter et de retrancher la postérité de la foi, la famille de Dieu (v. 5). Un seul, Jotham, le plus jeune de tous les fils de Gédéon, pauvre être sans conséquence, s’échappe et réussit à se cacher.
Abimélec a gain de cause ; le mauvais esprit triomphe, mais
ne sera jamais un esprit de paix entre les hommes. Déchirures intestines,
perfidies, luttes d’influence, vendanges qui produisent la joie de l’ivresse,
ivresse qui profère des malédictions, ambition de Gaal, conseils d’Ébed, astuce
de Zebul, violence d’Abimélec, voilà ce qui s’agite dans le camp d’Israël,
quand le témoignage de Dieu l’a quitté. C’est une scène de deuil, de carnage et
de haine. Mais l’Éternel, dans sa grâce, jette un rayon de lumière au milieu de
ces ténèbres. Il ne se laisse pas sans témoignage ;
nous pouvons le répéter avec confiance en traversant des temps difficiles.
Et quand il ne resterait plus, comme ici, qu’un seul témoin de Dieu dans ce
monde, soyons ce seul témoin, ce Jotham méprisé, le dernier de tous, mais qui
tient ferme pour Dieu. Préservé par la bonté providentielle de l’Éternel, il
« se tient sur le sommet de la montagne de Garizim » (v. 7). Moïse avait ordonné
jadis que six tribus se tinssent sur le mont Ébal pour maudire, et six, pour
bénir, sur Garizim. Josué, lorsque le peuple fut entré en Canaan, s’était
souvenu de cette ordonnance, mais dès lors Israël avait moralement choisi Ébal,
l’endroit de la malédiction. Jotham a choisi Garizim, l’endroit de la
bénédiction, et s’y tient seul.
Témoin
de Dieu vis-à-vis d’un peuple tout entier, il élève sa voix, prononce son
apologue à leurs oreilles, et proclame la bénédiction de la foi et les suites
de l’infidélité du peuple. Jotham est, dans sa personne, le représentant des
bénédictions du vrai Israël de Dieu, lui, faible et persécuté, mais qui pouvait
jouir de la faveur de Dieu et lui rendre témoignage, en portant du fruit à sa
gloire.
Dans son récit, trois arbres refusent d’aller s’agiter pour les
autres arbres. Ils représentent, selon la Parole, les divers caractères
d’Israël sous la bénédiction de l’Éternel. L’olivier
dit : « Laisserais-je ma graisse, par laquelle on
honore par moi Dieu et les hommes, et irais-je m’agiter pour les arbres ? »
(v. 9). L’huile correspond à l’onction et à la puissance de l’Esprit Saint par
laquelle Dieu et les hommes sont honorés. L’Israël de Dieu ne pouvait réaliser
cette puissance spirituelle qu’en se séparant entièrement des nations et de
leurs principes. Ces dernières établissaient des rois sur elles (1 Sam. 8: 5),
tandis que l’Éternel était le seul dominateur du peuple fidèle. Le figuier
dit : « Laisserais-je ma
douceur et mon bon fruit, et irais-je m’agiter pour les arbres ? » (v. 11)
car Israël ne pouvait porter du fruit que dans la séparation des nations. La vigne
dit : « Laisserais-je mon
moût, qui réjouit Dieu et les hommes, et irais-je m’agiter pour les
arbres ? » (v. 13). Le moût, c’est la joie qui se trouve dans la communion
mutuelle des hommes avec Dieu.
Cette jouissance, la plus haute qui se pût désirer, était perdue pour Israël, quand il s’accommodait à l’esprit et aux moeurs des nations.
Quelle leçon pour nous, chrétiens ! Le monde, pour l’Église, correspond aux nations d’autrefois. Si nous obéissons à ses appels, nous abandonnons notre huile, notre fruit, notre moût, c‘est-à-dire notre puissance spirituelle, les oeuvres que Dieu nous a préparées, et la joie de la communion. Oh ! puissions-nous répondre à toutes les invitations du monde : Laisserais-je ce qui fait mon bonheur et ma force, pour des agitations stériles, ou pour satisfaire les convoitises et les ambitions du coeur des hommes ? Jotham apprécie, comme son père Gédéon (8: 23), ces trésors de l’Israël de Dieu, et il se met à part sur Garizim. Il garde sa position bénie ; en présence de tout ce peuple apostat, il est le vrai, le dernier rejeton de la foi, le seul témoin de Dieu. Quel honneur pour le jeune et faible fils de Jerubbaal ! Repoussé de tous, son sort est le seul digne d’envie, car seul il glorifie Dieu dans ce triste monde. Soyons comme lui, séparés du mal. Nous y goûterons tous les produits des arbres de Dieu. Celui qui a joui de ces choses s’écrie : Les laisserais-je ?
Le moment arrive où Jotham, ayant montré au peuple sa folie et prédit son jugement, s’échappe et s’enfuit (v. 21). Il quitte l’assemblée d’Israël et l’abandonne au châtiment qui déjà se tient à la porte. Jotham alla à Beër et y habita. « C’est là le puits au sujet duquel l’Éternel dit à Moïse : Assemble le peuple, et je leur donnerai de l’eau », et que célébra le cantique d’Israël (Nomb. 21: 16-18). C’est ainsi qu’au milieu de la chrétienté déjà mûre pour le jugement, les témoins fidèles se retirent à Beër, lieu du vrai rassemblement et des sources d’eau vive, lieu des cantiques et des louanges.
Le commencement de ce chapitre nous présente brièvement l’histoire de deux juges d’Israël, Thola et Jaïr. Tous deux étaient des hommes éminents. Le premier par sa race, car la Genèse fait mention de ses ancêtres parmi les fils d’Israël qui descendirent en Égypte, et nomme Thola et Pua entre les fils d’Issacar (cf. 1 Chron. 7: 1). Le second brillait par ses richesses, le nombre de ses fils, sa prospérité (cf. 5: 10), ses villes. Mais, chose remarquable, rien d’autre n’est ajouté. Leur règne a une durée peu commune ; Dieu les emploie, qualifiant même Thola de sauveur d’Israël, mais il ne se glorifie pas par eux d’une manière spéciale. Cela nous rappelle un passage en 1 Cor. 1 : « Pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles… Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour couvrir de honte les hommes sages ; et Dieu a choisi les choses faibles du monde pour couvrir de honte les choses fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde, et celles qui sont méprisées, et celles qui ne sont pas, pour annuler celles qui sont ; en sorte que nulle chair ne se glorifie devant Dieu ». Dieu emploie de préférence des vases faibles, et c’est pourquoi tant de juges portent, d’une manière ou de l’autre, un cachet de faiblesse. D’autre part, toute la valeur des instruments de Dieu consiste à présenter le caractère de Christ. Un homme puissant, noble ou riche, reproduit difficilement les traits de Celui qui fut ici-bas faible, humilié et pauvre, pour nous apporter la grâce de Dieu. Ils n’étaient ni des Thola, ni des Jaïr, ces juges qui les précédèrent, exemples d’humilité et d’oubli de soi, estimant les autres supérieurs à eux-mêmes, eux qui, n’ayant rien à perdre, firent preuve d’une énergie spirituelle que rien ne put arrêter, et dont la faiblesse remporta la victoire.
Les temps paisibles de Thola et de Jaïr n’empêchent pas le
peuple de tomber de plus en plus bas. Le déclin grandit, le mal s’accentue.
« Les fils d’Israël firent de nouveau ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel,
et ils servirent les Baals, et les Ashtoreths, et les dieux de Syrie, et les
dieux de Sidon, et les dieux de Moab, et les dieux des fils d’Ammon, et les
dieux des Philistins ; et ils abandonnèrent l’Éternel et ne le servirent
pas » (v. 6). Jamais on ne vit autant de faux dieux réunis en Israël. L’idolâtrie
la plus complète caractérise le peuple. Ammon est suscité comme verge de
l’Éternel et écrase Galaad pendant dix-huit ans. L’ennemi passe le Jourdain
pour en faire autant à Juda et à Benjamin. Alors, sous la pression des
circonstances, la grâce opère une oeuvre dans la conscience
du peuple. Fait remarquable, à mesure que l’apostasie
s’élève à son développement final, les réveils vont s’approfondissant, dans les
consciences. Je ne dis pas s’élargissant. Rappelons-nous seulement le cantique
de Debora, qui remet en pleine lumière tous les privilèges
du peuple de Dieu. Mais alors Israël sentait peu sa responsabilité,
la conscience du peuple
était moins atteinte, le jugement de soi-même moins marqué. Nous trouvons ici,
pour la première fois, la lumière divine pénétrant dans la conscience du
peuple, pour l’amener à se juger
profondément
(cf. 6: 7-10). « Nous avons péché contre toi », disent-ils, « car
nous avons abandonné notre Dieu, et nous avons servi les Baals ». (v. 10). Alors
Dieu leur rappelle ses grâces et ses délivrances d’autrefois, et de la main de
combien de nations il les avait sauvés, puis il ajoute : « Mais vous, vous
m’avez abandonné, et vous avez servi d’autres dieux ». Enfonçant comme une
flèche dans leur conscience la parole que leur détresse leur avait fait
prononcer, il termine par ces mots : « C’est pourquoi, je ne vous sauverai
plus ». (v. 13). Israël ne peut être restauré comme ensemble. C’est aussi
l’histoire de l’Église.
À l’ouïe de ces paroles, les fils d’Israël font un nouveau pas dans le chemin salutaire où l’Esprit de Dieu les conduit. « Nous avons péché ; fais-nous selon tout ce qui sera bon à tes yeux ». Confessant leur péché, passant condamnation sur eux-mêmes, et reconnaissant la justice du jugement de Dieu, ils ajoutent : « Seulement, nous te prions, délivre-nous ce jour-ci » (v. 16). Ils font appel à la grâce. Restera-t-elle sourde à leur cri ? Impossible ! La repentance les conduit à connaître l’Éternel mieux qu’ils ne l’avaient jamais connu.
Cette restauration ne serait pas réelle, si elle ne portait des fruits. « Et ils ôtèrent du milieu d’eux les dieux étrangers et servirent l’Éternel » (v. 16) ; se tournant des idoles vers Dieu, ils servent le Dieu vivant et vrai. Alors l’Éternel leur ouvre les trésors de pitié de son coeur.
Dieu veuille que, dans nos tristes jours, ce soit le caractère du réveil. Il est bon que les âmes connaissent leurs privilèges et leur position céleste, mais il est nécessaire qu’un travail profond de conscience accompagne le réveil, pour que les chrétiens portent des fruits de sainteté réelle, d’humble dévouement, de consécration complète et sans bruit, qui ne se mette pas en avant pour parler d’elle-même, mais abandonne ses idoles pour servir le Seigneur.
Quelque béni que soit ce jour de réveil, une chose lui manque
cruellement, la connaissance des vérités fondamentales que Dieu avait confiées
à son peuple. « Et le peuple, les princes de Galaad, se dirent l’un à
l’autre : Quel est l’homme
qui
commencera à faire la guerre contre les fils d’Ammon ? Il sera chef de tous les habitants de Galaad
»
(v. 18). La conscience de l’unité du peuple est absente ; Galaad fait
bande à part. L’autorité et la direction de l’Esprit de Dieu sont peu connus,
car ils disent : « Quel est l’homme ? » Ils n’ont qu’un pas à faire
pour le choisir eux-mêmes ; ce pas, ils le font aux v. 4-11 du chapitre
suivant. Ce n’est pas que Jephthé n’ait été suscité de Dieu, mais Galaad joue
un rôle dans ce choix. Qu’il y a loin de là à l’appel de Gédéon, et combien
cette immixtion de l’homme est tristement caractéristique des derniers temps du
déclin !
Les v. 1-11 introduisent le libérateur. Il porte la marque de cette infirmité constatée si souvent au cours de ce livre. Jephthé, le Galaadite, était « un fort et vaillant homme », mais d’origine impure, un fils de prostituée, qui avait lieu de rougir en pensant à sa mère. Cependant Dieu se sert de lui, bien plus, nous présente par son moyen quelques-uns des caractères de Christ. Rappelons-nous que l’histoire des croyants n’a de valeur que si elle reproduit un trait ou l’autre de l’image du Sauveur. L’histoire de Jephthé nous embarrasse et nous offre peu d’édification, si nous n’y cherchons pas ce qui manifeste le caractère de Dieu. La Parole qui nous montre, d’une part, l’homme naturel, entièrement éloigné de Dieu, nous décrit aussi toutes les faiblesses et les misères d’hommes de foi tels que Jephthé ; mais Dieu nous donne plus que cela dans leur histoire, il nous présente Christ. Voilà ce qui les rend si intéressants pour nous. Nous découvrons aisément les défauts de nos frères ; mais nous devrions nous intéresser davantage à la manière dont Dieu les pétrit et les façonne, pour susciter, malgré tout, des témoins à Christ. Jephthé, dont l’origine a quelque analogie avec celle d’Abimélec, est en contraste absolu avec cet homme impie. Abimélec cherche dès le début à s’élever et usurpe la place de la famille légitime de Gédéon. Jephthé, abstraction faite de son origine, l’aîné de la famille, est repoussé par ses frères : « Tu n’auras point d’héritage dans la maison de notre père ; car toi, tu es fils d’une autre femme » (v. 2). Cela ne rappelle-t-il pas la parole : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » (Luc 19: 14). « Et Jephthé s’enfuit de devant ses frères, et habita dans le pays de Tob » (v. 3). Jephthé se laisse dépouiller, s’abaisse au lieu de tenir tête aux méchants, abandonne tous ses droits, et s’en va dans un pays étranger. Mais Dieu sait le retrouver et le ramener sur la scène. Le moment arrive où ceux qui avaient chassé leur libérateur sont obligés de se jeter en suppliants à ses pieds. « N’est-ce pas vous », dit Jephthé aux anciens de Galaad, « qui m’avez haï et qui m’avez chassé de la maison de mon père ? » (v. 7). Ce même sauveur qu’ils ont bafoué, ils sont obligés, comme jadis les frères de Joseph, de le reconnaître dans le pays éloigné et, faisant appel à lui dans leur détresse, lui demandent de devenir leur chef. Jephthé ne consent pas à prendre ce titre avant la victoire (v. 9). Il en sera de même de Christ, reronnu publiquement chef d’Israël par son triomphe sur leurs ennemis. Il est beau de voir dans cet homme, méprisé du monde, mais supportant son mépris, ce faible tableau du Messie, car on peut dire que c’est en représentant Christ qu’il fut estimé digne de conduire le peuple de Dieu.
Les fils d’Ammon étaient, en ce temps-là, ennemis jurés d’Israël. Les pires adversaires du peuple de Dieu descendent toujours des croyants selon la chair. Madian, que combat Gédéon, provient d’Ismaël, semence d’Abraham selon la chair ; Moab et les fils d’Ammon sont sortis de Lot, Édom est le fils charnel d’Isaac. Il y en a d’autres, sans doute, tels que Jabin sous Barak, et les Philistins sous Samson, mais nous disons que nos ennemis les plus acharnés sont issus de nos manquements ou de notre chair. Ce qui s’oppose le plus au témoignage et à la vie spirituelle de l’Église, c’est l’amer produit de son infidélité, se réclamant du nom de Christ, mais dont l’existence idolâtre, étrangère à la vie divine, dont l’inimitié et les ruses, resteront jusqu’au bout l’humiliation, le châtiment et le piège du peuple de Dieu.
Les fils d’Ammon, profitant de l’état d’abaissement d’Israël pour s’élever contre lui, cherchent à le dépouiller du territoire qui lui appartient, de ses privilèges, et à se les approprier. Qu’avait donc profité au peuple son agenouillement devant les idoles d’Ammon ? Il était tombé sous le jugement de Dieu et entre les mains des ennemis de l’Éternel. Si nous prenons place avec le monde, il nous dépouille, nous fait perdre la réalité de nos privilèges et s’en empare. Une terrible confusion en résulte. Le monde nous dit alors : J’ai autant de droits, je suis aussi bon chrétien que vous, car vous montrez la même activité que moi pour les choses de cette terre. « Israël a pris mon pays… Maintenant, rends-moi ces contrées en paix » (v. 13). Telle est la conséquence de notre propre infidélité.
Dans ces circonstances, un réveil produit des effets remarquables. Jephthé ne nie pas l’état d’abaissement du peuple, mais, parlant aux fils d’Ammon, remonte à l’origine des bénédictions d’Israël (v. 15-27). Loin de s’accommoder à cet état de choses, en acceptant le joug d’Ammon qui avait pesé pendant dix-huit ans sur le peuple, il se fonde sur les bénédictions premières d’Israël, au jour où ils sortirent d’Égypte pour entrer en Canaan. Il maintient les bénédictions sur lesquelles le peuple était établi. Nous marcherons, dit-il, selon les principes que Dieu nous a donnés au début et qui restent nôtres à toujours. Il voit le peuple, la famille de Dieu, tel que Dieu l’a reconnue au commencement, et dit : Notre combat n’est pas avec les fils d’Ammon, mais avec les Amoréens. Il en est de même pour l’Église. Sa lutte est avec les puissances spirituelles dans les lieux célestes (Éph. 6), comme celle d’Israël avec les Cananéens. Nous ne sommes pas aux prises avec les mélanges religieux sortis de la chair, sinon pour ne les reconnaître ni comme amis, ni comme ennemis, et pour ne les combattre que s’ils nous y obligent. Notre parole doit être celle de Jephthé : Nous garderons le pays que l’Éternel nous a donné (v. 24).
Jephthé ayant parlé de la sorte, une bénédiction nouvelle lui fut octroyée : « L’Esprit de l’Éternel fut sur lui » (v. 28). La puissance de Dieu se trouvait dans le chemin qu’il suivait. Ne pas nous conformer à la ruine, comme si Dieu pouvait l’accepter, et agir sur les principes que Dieu nous a confiés au commencement, tel est le chemin de la puissance, alors même que nous serions réduits au nombre de deux ou trois rassemblés à son nom.
« L’Esprit de l’Éternel fut sur Jephthé ». Hélas ! comme cela nous arrive souvent, la chair se montre aussi chez lui. Il ne se contente pas de la grâce et de la puissance divines. Ignorant le vrai caractère de Dieu, « il voue un voeu à l’Éternel » (v. 30), fait un arrangement avec Dieu, sur le pied d’une convention réciproque, et se liant devant lui sur un principe de loi, retombe dans la faute d’Israël au désert de Sinaï : « Si tu livres en ma main les fils d’Ammon, il arrivera que ce qui sortira des portes de ma maison à ma rencontre, lorsque je reviendrai en paix des fils d’Ammon, sera à l’Éternel, et je l’offrirai en holocauste » (V. 3 1).
Dieu, laissant Jephthé à la responsabilité et aux conséquences de son voeu, ne proteste pas, ni n’entre dans cet accord. Le ciel semble fermé à la voix du conducteur d’Israël. Cependant, l’Esprit de l’Éternel lui fait remporter la victoire.
Jephthé rentre à Mitspa dans sa maison, et voici, sa fille sort
à sa rencontre avec des tambourins et des danses. « Elle était seule, unique ».
(v. 34). Ces mots nous rappellent plus d’un passage de l’Écriture. Dieu dit à
Abraham : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ». (Gen.
22: 2). Mais Abraham sacrifie son fils « par la foi », sur l’ordre de Dieu,
Jephthé offre sa fille par un acte volontaire, qui n’est qu’un manque de foi.
Ces mots « seul, unique », nous rappellent encore un plus grand qu’Isaac. Comme
Jephthé à ses débuts, sa fille reproduit ici d’une manière touchante quelques
traits du caractère de Christ. Lorsque la foi manque chez le père, elle brille
chez sa pauvre enfant. On la voit, cette fille seule, unique, vouée d’avance au
sacrifice par un voeu téméraire (Christ le fut, au contraire, par le conseil
défini et par la préconnaissance de Dieu), on la voit se soumettre, au lieu de
se rebeller et de blâmer son père. « Mon père », dit-elle, « si tu as ouvert ta
bouche à l’Éternel, fais-moi selon ce qui est sorti de ta bouche, après que
l’Éternel t’a vengé de tes ennemis, les fils d’Ammon » (v. 36). Elle se soumet à
cause de l’Éternel, pâle reflet, sans doute, de Celui qui dit : « Je viens
pour faire, ô Dieu, ta volonté ». Elle ne compte sa vie pour rien, en vue de la
victoire : « après que l’Éternel t’a vengé de tes ennemis », et consent à
être sacrifiée pour elle. Aucune pensée d’elle-même ne l’arrête. Belle
abnégation de la foi qui ne regarde qu’à Dieu ! Elle souffre encore d’une
chose, bien cruelle pour toutes les femmes de foi en Israël. Leur désir était
d’être mères d’une postérité qui pût entrer dans la lignée du Messie. Mais
cette fille unique consent à être retranchée de la scène, comme une femme
stérile. « Je descendrai sur les montagnes, et je pleurerai ma virginité, moi et
mes compagnes » (v. 37). Quelque beau que soit ce dévouement, combien celui du
Seigneur Jésus le dépasse ! En vue du salut, lui, à qui tout appartenait,
consentit à être retranché, « n’ayant rien ». Abandonnant toutes ses prérogatives
de Messie, tous ses droits comme Fils de Dieu et Fils de l’homme, il a renoncé
à sa postérité, afin d’obtenir une meilleure victoire que lui seul pouvait
remporter. Il a laissé sa vie, mais « il
se verra de la postérité »
et « l’Éternel fera subsister sa semence à
perpétuité » (Ps. 89: 29).
En vérité, cette fille d’Israël reproduit, bien faiblement sans doute, quelque perfection de la personne de Christ. Sa foi simple brille et se soumet à la volonté de Dieu. Elle consent à être offerte en holocauste, comme Celui qui fut sacrifié plus tard, non pas comme elle, pour confirmer la victoire, mais pour obtenir une meilleure délivrance. Prenons exemple sur la fille de Jephthé ; apprenons à nous oublier, en nous offrant à Celui qui fut sacrifié pour nous, à mourir « dans la foi, n’ayant pas reçu les choses promises », sans obtenir un résultat apparent de notre travail, mais satisfaits d’avoir été la lettre de Christ au milieu des hommes, et ses représentants, à sa gloire et à l’honneur de Dieu !
Le chap. 12 est le tableau de l’un des plus graves symptômes de la ruine : la lutte et la guerre ouverte entre frères. Autrefois, lorsque le peuple n’avait pas abandonné le premier amour ou que son conducteur montrait plus de puissance spirituelle, cette calamité avait pu être évitée. Le dessein constant de Satan est de désunir les enfants de Dieu. Il sait que notre force consiste dans le rassemblement autour d’un centre commun, et ne pouvant détruire cette unité essentielle que Dieu a établie, il cherche à en anéantir la manifestation, confiée à notre responsabilité. Or, nous le savons, il a parfaitement réussi dans son dessein. Le loup ravit et disperse les brebis.
Dans le livre de Josué, caractérisé par la puissance du Saint Esprit avec Israël, cet effort fut déjoué, lors du conflit suscité par l’autel de Hed. (Chap. 22). Grâce à l’énergie des tribus et au zèle de Phinées, l’introduction de principes sectaires fut évitée. Même au risque d’une guerre entre frères, nous ne pouvons assez nous mettre à la brèche, quand il s’agit des principes divins. Le maintien de l’unité d’Israël, telle que Dieu l’avait établie, avait plus de valeur pour les saints d’alors, que les rapports courtois entre frères.
Plus tard, dans le livre des Juges (8: 1), le conflit fut apaisé, lorsque Éphraïm se mit à contester contre Gédéon, grâce à l’humilité de ce dernier qui estimait les grappillages d’Éphraïm meilleurs que la vendange d’Abiézer. Au chap. 8, mais bien plus encore, dans le chapitre qui nous occupe, il ne s’agit plus de principes à défendre. Le mécontentement d’Éphraïm a pour cause le sentiment de sa propre importance. Calmé jadis par l’humilité de Gédéon, non pas atteint et jugé dans sa conscience, Éphraïm renouvelle vis-à-vis de Jephthé les mêmes accusations. Une faute non jugée de notre carrière chrétienne s’y reproduit tôt ou tard dans les mêmes circonstances. Ici, l’état d’Éphraïm s’est aggravé, car il avait grappillé jadis, mais aujourd’hui n’avait rien fait, attendant pour agir l’impulsion du dehors. Cela ne le rend pas moins jaloux des résultats que l’énergie de la foi a produits chez ses frères. Il en est de même aujourd’hui, et nous sommes tous en danger de tomber dans ce piège. L’Église, au lieu d’être le témoin de Christ, est retournée au monde ; c’est un temps où Dieu prend pour témoins les plus faibles, les plus pauvres, les moins qualifiés parmi le peuple de Dieu. En agissant par eux, Dieu veut couvrir de honte les « puissants » ou les « nobles ». Mais il n’y a d’important aux yeux de ces derniers, que ce qui vient d’eux-mêmes ; ils ne peuvent ni s’humilier, ni se réjouir de ce que Dieu fait par d’autres, et méprisent tout ce qui n’entre pas dans le cercle que leur mondanité a tracé autour d’eux ; l’oeuvre continue-t-elle, ils expriment leur jalousie ; s’agrandit-elle encore, ils deviennent ennemis et passent à la haine et aux menaces : « Nous brûlerons au feu ta maison sur toi » (v. 1).
Au temps de Debora, Éphraïm était le premier ; sous
Jephthé, Dieu l’avait compté pour rien. Il ne tirait plus de ses bénédictions
antérieures que le souvenir de son importance, et le besoin de la faire valoir.
Hélas ! d’autre part, nous ne trouvons plus chez Jephthé le désintéressement
et l’humilité d’un Gédéon. Il répond par la chair à la chair, par le « moi »
blessé au « moi » égoïste d’Éphraïm. Il se défend en se produisant lui-même.
« Nous avons eu de grands débats, moi
et MON PEUPLE, avec les fils d’Ammon ; et je
vous ai appelés, et vous ne m
’avez
pas sauvé de leur main. Et quand j’ai
vu
que vous ne me
sauviez pas, j’ai
mis ma
vie dans ma
main et j’ai
passé vers les fils d’Ammon ;
et l’Éternel les a livrés en ma
main.
Et pourquoi êtes-vous montés contre moi
en
ce jour-ci, pour me
faire la
guerre ? » (v. 2-3). Jephthé parle de lui, songe à sa valeur contestée,
tombe dans le piège que Satan lui tendait et fait un parti, lui qui, la veille,
s’identifiant avec le peuple, avait proclamé son unité à la face des fils
d’Ammon (11: 12, 23, 27). Aujourd’hui « mon peuple », c’est Galaad en opposition
avec Éphraïm !
La querelle s’envenime par des paroles. « Les hommes de Galaad
frappèrent Éphraïm, parce qu’ils avaient
dit :
Vous, Galaad, vous êtes des fugitifs d’Éphraïm, au milieu
d’Éphraïm, au milieu de Manassé » (v. 4). Il n’y a pas un seul principe en jeu
dans cette lutte ; de tous côtés ce n’est que jalousie, importance
personnelle, paroles enflammées échangées par des coeurs irrités, et la guerre
fratricide éclate au sein d’Israël, par la main d’Israël. Aux gués du Jourdain
on se distingue, pour s’entr’égorger, par un Shibboleth, par une formule
qui remplace le nom de l’Éternel
et n’a rien à faire avec la vérité de Dieu. « Et il tomba en ce temps-là 42000
hommes d’Éphraïm ».
Tenons-nous en garde contre de tels pièges, car s’il est une
chose qui appartienne spécialement au temps de la ruine, c’est la guerre dans
la famille de Dieu. Ayons des coeurs larges quant à l’oeuvre de Dieu dans ce
monde. Confiée à d’autres mains que les nôtres, elle doit avoir pour nous la
même importance et la même valeur que notre oeuvre. Paul, dans les chaînes à
Rome, écrivant aux Philippiens, se réjouissait de voir le nom de Christ
proclamé, même par ceux qui ajoutaient de l’affliction à ses liens. Ne donnons
pas à notre
oeuvre une importance
quelconque ; faisons comme Gédéon, et ne mesurons pas la vendange
d’Abiézer. Aucun temps, du reste, n’est à l’abri de ces dangers. Au
commencement de l’Église (Act. 6: 1-6), des murmures et des jalousies s’élèvent
entre les Hellénistes et les Hébreux. Pour les apaiser, il fallut plus que
l’humilité des Gédéons, il fallut encore la grande sagesse des apôtres. Ceux-ci
cèdent à d’autres le soin de servir aux tables ; ils abandonnent une
autorité qui les aurait mis en vue dans l’administration de l’assemblée, pour
persévérer dans la prière et s’adonner entièrement au service de la Parole. De
tels actes atteignent les consciences et coupent court aux ruses de Satan
contre le témoignage.
Après Jephthé, sous le règne de trois juges, Israël jouit de la paix acquise. L’un de ces juges est issu de Juda, l’autre de Zabulon, le troisième d’Éphraïm. Ils ne sont pas appelés au combat, mais à maintenir le peuple dans l’état où la victoire l’a placé. Peut-être n’ont-ils pas la même énergie qu’un Jaïr (10: 1-5), qui « se leva », nous dit la Parole, mais comme lui, deux de ces juges jouissaient d’un grand bien-être. Les temps de prospérité extérieure ne sont pas les plus bénis pour le peuple de Dieu. On y constate l’importance personnelle des juges, mais non l’état d’Israël. On sait ce que sont et font tels hommes en vue, mais on ignore ce qui se passe dans le coeur et la conscience du peuple. Aussi, à peine le dernier de ces juges est-il mort, qu’Israël retombe dans l’état antérieur (13: 1). En certains temps, il s’agit de « surmonter » ; en d’autres, de « tenir ferme » (Éph. 6: 13). À quoi employons-nous les jours de paix relative que le Seigneur nous accorde ? À nous fortifier dans les vérités que Dieu nous a données, ou à nous endormir dans le bien-être, pour nous réveiller inopinément, quand Satan revient à la charge, et nous trouver sans force en présence de l’ennemi ? Des gens qui ne sont pas nourris, ne sont pas capables de combattre. Employons les temps prospères à faire la connaissance personnelle du Seigneur et à vivre dans son intimité ; nous trouverons ainsi la force pour résister à de nouvelles attaques, et nous éviterons de tomber sous de nouveaux jougs plus cruels que l’esclavage d’autrefois.
Ces chapitres constituent une nouvelle division du livre des
Juges. Nous avons vu, du chap. 3 au 12°, une série de délivrances opérées par
des instruments suscités de Dieu. C’est la période des réveils.
La division qui va nous occuper a un caractère spécial.
Israël retombe encore : « Et les fils d’Israël firent de nouveau ce qui est mauvais aux yeux de 1’Éternel , et l’Éternel les livra en la main des Philistins pendant 40 ans » (13: 1). Dieu ne nous donne aucun détail sur cette nouvelle décadence, mais nous reconnaissons ce qu’il en pense à la pesanteur de sa verge sur son peuple. Ce châtiment, ce sont les Philistins ; rien ne dépeint mieux l’état d’Israël que ce fait. Jusqu’ici l’asservissement était venu soit des ennemis du dehors, soit de Jabin, chef des anciens possesseurs du pays, soit enfin des nations sorties d’Israël selon la chair et qui l’attaquaient sur ses confins. Ici, nous trouvons l’ennemi lui-même établi dans les limites d’Israël et le ravageant. Le Philistin domine sur le peuple et l’asservit. Nos jours ne diffèrent guère moralement de ce temps-là. L’infidélité de l’Église a produit depuis longtemps cette dernière manifestation du mal. Ce qui était autrefois hors de la maison de Dieu y domine ; les hommes décrits au chap. 1° des Romains en sont devenus les habitants et impriment leur caractère au peuple de Dieu (cf. Rom. 1 ; 2 Tim. 3: 1-5). Ce mélange est ce que l’on appelle la chrétienté.
Or, en un temps pareil, quelle est la ressource du peuple de
l’Éternel ? Un mot répond à cette question : le Nazaréat.
Ce qui doit nous caractériser aujourd’hui, c’est une
séparation entière et complète, une consécration réelle et générale pour Dieu.
Avant d’aborder l’histoire de Samson, touchons ce point
important. Sous la loi, tout étant extérieurement en ordre, le nazaréat était temporaire
(Nomb. 6) ; en un temps
de ruine, il devient perpétuel,
à
commencer par l’exemple que nous avons sous les yeux. Samson est un Nazaréen
dès le ventre de sa mère. Ce caractère de perpétuité du nazaréat se retrouve en
Samuel juge et prophète (1 Sam. 1: 11), puis cesse avec David, type de la grâce
royale, et Salomon, type de la gloire royale de Christ. Alors vient la ruine du
peuple sous la royauté responsable de l’homme, comme on l’avait eue dans les
Juges sous le gouvernement plus direct de Dieu. Cette ruine du peuple et de la
royauté consommée, Israël est livré entre les mains des gentils ; un
résidu de Juda est restauré pour attendre le Messie.
La maison est nettoyée, sans doute, mais le peuple est sans vie.
Jean Baptiste est suscité avec un nazaréat permanent (Luc 1: 15), quand la
ruine est pleinement manifestée, non encore consommée par le rejet de Christ,
et que le jugement, mais aussi le Sauveur, est à la porte. Annoncé par Jean
Baptiste, Jésus paraît, lui, vrai Joseph, Nazaréen entre ses frères, mais sans
les signes
du nazaréat terrestre,
parce qu’il est lui-même la réalité de ce type. Cette qualité seule proclame
hautement la ruine du peuple. À la fin de sa carrière, le Seigneur entre dans
une seconde phase céleste
de son
nazaréat. Il se sanctifie lui-même pour ses disciples, dans le ciel, vrai
Nazaréen, séparé des pécheurs et assis à la droite de Dieu, laissant les siens
ici-bas pour y représenter son nazaréat. Le monde étant, par la croix,
convaincu de péché, ruiné et jugé, les disciples, puis l’Église, deviennent des
Nazaréens célestes à perpétuité au milieu du monde. Nous verrons, en parcourant
l’histoire de Samson, comment l’Église elle-même a répondu à cette vocation.
Il est une autre remarque importante. Ce qui, sous la loi, était l’apanage du petit nombre, est la portion de tous sous la grâce. La sacrificature qui ne comprenait qu’une seule famille en opposition avec la tribu des Lévites, est devenue le privilège universel de tous les enfants de Dieu. (1 Pierre 2: 5, 9). Une classe moins nombreuse encore au milieu d’Israël, celle des Nazaréens, composée de quelques hommes ou femmes isolés (sans parler des Récabites (Jér. 35) aux jours des prophètes), caractérise maintenant tous les fidèles. Nous en avons donné la raison, c’est que la séparation pour Dieu est nécessairement la marque des témoins en contact avec l’homme ruiné, avec le monde à la veille du jugement. Cette vérité du nazaréat universel et permanent remplit le Nouveau Testament, et resplendit à chaque page du saint livre pour qui a des yeux pour voir. Elle est d’une immense importance pratique.
Sous la loi, un Nazaréen, homme ou femme, se séparait pendant un
temps déterminé pour le service de Dieu. Cette séparation consistait en trois
choses (Nomb. 6: 1-9) qui touchaient, en figure, aux éléments les plus
nécessaires et les plus importants de la vie humaine. La sociabilité
tient à la nature et à l’existence même de l’homme. Or
le Nazaréen devait s’abstenir de vin et de boisson forte. Il est dit du vin (Juges
9: 13), qu’il « réjouit Dieu et les
hommes ».
Cette joie des hommes sociables, ils auraient pu la partager en
commun avec Dieu, mais le péché était entré par l’homme, et Dieu ne pouvait
plus se réjouir avec lui. Celui qui se consacrait au service de Dieu ne pouvait
plus trouver sa joie dans la société de ses semblables, car Dieu n’a rien de
commun avec la joie des pécheurs. Le serviteur du Seigneur ne peut chercher ses
amis dans le monde, s’asseoir à leurs banquets, partager leurs plaisirs, parce
que Dieu n’y est pas. Plus la ruine éclate et plus ce fait s’accentue. Les
chrétiens manquent beaucoup en cela. Ils ont des « amis mondains
», cultivent leur société, non pour leur apporter
l’évangile, mais pour jouir de l’agrément qu’elle leur procure. Hélas !
nous ne ressemblons guère à Paul, quand il disait : « Je ne connais
personne selon la chair ». Sous ce rapport, comme sous tous les autres, le
Seigneur était un Nazaréen parfait, étranger à toutes les joies de l’homme
sociable. Il dit même à ses disciples, en cette rencontre qu’il avait ardemment
désirée, lorsque, en face de la mort, il aurait pu goûter un instant de joie
terrestre avec eux : « En vérité, je vous dis que je ne boirai plus du
fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je le boirai nouveau dans le royaume de
Dieu » (Marc 14: 25). Le jour viendra où le vin qui réjouit Dieu et les hommes
sera bu nouveau dans une scène purifiée du péché, à laquelle le vrai serviteur
pourra s’associer sans restriction. La parole de Dieu insiste sur l’importance
de cette séparation : « Il ne boira ni vinaigre de vin, ni vinaigre de
boisson forte, et il ne boira d’aucune liqueur de raisins, et ne mangera point
de raisins frais ou secs ; … il ne mangera rien de ce qui est fait de la
vigne, depuis les pépins jusqu’à la peau » (Nomb. 6: 3, 4). Observons-nous cela,
mes frères ? Tout ce qui touche, de près ou de loin, à la joie du coeur de
l’homme naturel nous est-il étranger ? Comment réalisons-nous notre
nazaréat ? Mais, direz-vous, où est la possibilité de le réaliser d’une
manière aussi absolue ? Cette possibilité, nous la trouvons dans notre caractère céleste.
Nous avons un
nazaréat céleste. La séparation sous le judaïsme était une séparation
matérielle ; sous le christianisme, elle devient spirituelle et céleste.
Le Seigneur auquel nous appartenons est séparé des pécheurs et élevé plus haut
que les cieux. Il a deux moyens pour nous séparer avec lui et comme lui ;
le premier, la parole de Dieu, nous mettant en rapport avec le Père dans le
ciel, le second, sa propre personne à lui, un Christ sanctifié pour nous dans
le ciel, afin de marquer et d’établir que nos relations, nos liens, nos
affections sont désormais célestes, au milieu d’un monde jugé qui a rejeté
Christ.
Une seconde chose caractérisait le Nazaréen : « Pendant tous
les jours du voeu de son nazaréat, le rasoir ne passera pas sur sa tête ;
jusqu’à l’accomplissement des jours pour lesquels il s’est séparé pour être à
l’Éternel, il sera saint ; il laissera croître les boucles des cheveux de
sa tête ». (Nomb. 6: 5). À côté de la sociabilité, il est un second trait qui
touche à l’essence même de l’être humain. L’homme est un être personnel, à
volonté indépendante, et pour lequel rien ne saurait être plus important que le
moi, sa dignité et tout ce qui s’y rattache. Or les cheveux longs séparent en
figure le Nazaréen de tout cela. Ils sont à la fois le symbole de la dépendance
et du déshonneur.
(1 Cor. 11). La longue chevelure du Nazaréen annonçait
ouvertement qu’il abandonnait sa dignité et ses droits personnels comme homme
pour se vouer au service de Dieu. Ce qui, pour la femme, était une gloire,
était une honte pour lui. Il abdiquait sa personnalité sous ce voile. Lui, né
pour cette dignité, la négligeait ; lui, établi pour dominer, se
soumettait à l’Éternel, comme la femme à son mari. Sans cette dépendance, ni
service pour Dieu, ni puissance dans le service. Ce qui était pour le Nazaréen
signe de faiblesse, devenait la source de sa force. En outre, son dévouement
pour le Seigneur se traduisait par l’oubli de soi-même qui le portait à se
négliger pour accomplir pleinement son service.
Une troisième chose le caractérisait encore : « Pendant tous
les jours de sa consécration à l’Éternel, il ne s’approchera d’aucune personne
morte. Il ne se rendra pas impur pour son père, ni pour sa mère, ni pour son
frère, ni pour sa soeur, quand ils mourront ; car le nazaréat de son Dieu
est sur sa tête » (Nomb. 6: 6, 7). Le troisième caractère attaché à l’homme
depuis la chute, et inhérent à son être, c’est le péché, prouvé par sa
conséquence, la mort. Voilà ce que le Nazaréen devait éviter à tout prix. Les
liens les plus forts, ceux de la famille, ne devaient pas entrer en ligne de
compte, quand il s’agissait de se sanctifier pour le service de Dieu. Combien
nous comprenons peu cela ! Ils sont nombreux, les chrétiens qui
disent : « Permets-moi de m’en aller premièrement et d’ensevelir mon père ».
D’autres disent : Je ne puis, mes parents me le défendraient. Ceux-là ne
sont pas des Nazaréens. Mais ce n’étaient pas seulement les liens de famille,
dont le Nazaréen ne devait tenir aucun compte quand il s’agissait du service,
et qu’il devait répudier selon
l’exemple du Nazaréen parfait : « Qu’y a-t-il entre moi et toi,
femme ? Mon heure n’est pas encore venue ». « Qui est ma mère, et qui sont
mes frères ? » (Jean 2: 4 ; Matth. 12: 48). Le Nazaréen devait
s’abstenir de tout péché, de toute souillure. Nous avons remarqué ailleurs (*) que la loi n’avait aucune ressource pour le
péché volontaire, tandis que c’est à lui tout particulièrement que la grâce
s’adresse. Un seul péché volontaire, l’abandon du christianisme, est hors des
ressources de la grâce. (Hébr. 10: 26). Hormis le péché volontaire, la loi
avait des ressources. 1° Dans la vie
journalière
de l’Israélite, pour le péché par erreur et le délit. (Lév. 4:
5). 2° Dans sa marche,
pour le péché
par manque de vigilance ou inadvertance (Nomb. 19). 3° Dans son service,
pour le péché par négligence et
pour le péché imprévu qu’il semblait impossible à l’homme d’éviter. « Et si
quelqu’un vient à mourir subitement auprès de lui, d’une manière imprévue et
qu’il ait rendu impure la tête de son nazaréat… » (Nomb. 6: 9). C’était un cas
involontaire et impossible à prévoir, et cependant c’était péché, d’autant plus
qu’il s’agissait d’un service particulièrement important et honoré. Ce fait
parle à nos consciences. Notre nazaréat implique la séparation la plus absolue
des souillures de ce monde. Nulle part, dans ce chapitre, Dieu ne suppose que
le Nazaréen puisse, de propos délibéré, boire du vin, tailler ses cheveux, ou
toucher un mort. Il en est de même pour nous. Dieu ne suppose pas que nous devions
pécher, et il agit envers nous
sur ce principe.
(*) La Génisse rousse [ouvrage de H.R.]
Les trois marques du nazaréat, dont nous venons de parler,
n’étaient, malgré leur importance (on pourrait facilement l’oublier), que les
caractères extérieurs de cette vocation. Ces marques étaient la conséquence
d’un voeu
, d’une consécration au
service de l’Éternel, d’une séparation intérieure de l’âme pour lui. « Si un
homme ou une femme se consacre
en
faisant voeu
de nazaréat, pour se séparer
afin d’être à l’Éternel… »
(Nomb. 6: 2). J’insiste sur ce point important. Un voeu était une décision
de servir Dieu d’une certaine
manière ; elle était sans restriction. On se dévouait ainsi au service de
l’Éternel. Ce même dévouement à Dieu et à Christ est à la base du nazaréat
chrétien. S’il n’y est pas, nous nous exposons à quelque chute grave. On peut
être Nazaréen d’une manière presque extérieure, posséder même, comme Samson, la
grande puissance qui accompagne le nazaréat, et n’être pas séparé dans son
coeur. Sans doute, ce côté, purement extérieur sous la loi, ne l’est plus sous
le christianisme. On peut être aujourd’hui membre d’une société de tempérance
sans être un Nazaréen. Ce qui correspond à ces signes extérieurs, c’est, pour
le chrétien, un témoignage
rendu
devant le monde, nous séparant de ses souillures aussi bien que de ses joies,
et nous faisant marcher ouvertement dans un chemin de dépendance qui prend la
parole de Dieu pour règle. Or nous pourrions professer ces choses, marcher
extérieurement dans le chemin du nazaréat, et cependant avoir des coeurs
partagés et non sanctifiés. Ce chemin aboutit à une défaite comme celle de
Samson, et, s’il n’y aboutit pas, nous y perdons en tout cas beaucoup des
bénédictions qui découlent de l’entière consécration au service du Seigneur. Au
chap. 7 du Lévitique, la fête du sacrifice de prospérités durait deux jours
pour celui qui avait fait un voeu, un jour seulement quand il s’agissait d’une
action de grâces pour des bénédictions reçues. L’influence du renoncement à
tout ce que le monde pouvait offrir, se montre aussi dans le culte d’Abraham,
aux chap. 12 et 13 de la Genèse. Abraham y dresse trois autels ; celui de
Sichem, l’autel de l’obéissance
à
l’Éternel qui lui était apparu ; celui de Béthel, l’autel du voyageur
, au nom de l’Éternel ;
celui d’Hébron, l’autel du renoncement
,
à l’Éternel lui-même, et c’est là que le patriarche réalise les bénédictions
divines dans toute leur étendue.
Revenons au Nazaréen. Il est intéressant de voir ce qu’il devait faire, lorsqu’il avait « rendu impure la tête de son nazaréat » (Nomb. 6: 9-11). Un de ces actes correspondait à la perte de son nazaréat extérieur, l’autre à la perte de son voeu, de sa consécration intérieure. Il devait se raser la tête. C’était la reconnaissance publique qu’il avait manqué, mais aussi l’aveu que la puissance de son nazaréat l’avait quitté. Le Nazaréen repentant n’était pas comme Samson qui « ne savait pas que l’Éternel s’était retiré de lui ». Il le reconnaissait, proclamant, pour ainsi dire, qu’il n’était plus qualifié pour le service. Ensuite, il devait offrir « deux tourterelles ou deux pigeonneaux », sacrifice de celui « qui ne pouvait atteindre à un agneau ». C’était reconnaître son incapacité, son néant comme serviteur, en même temps que la valeur du sang offert pour sa purification. Nous devons prendre note de ces choses ; ne pas prendre extérieurement une attitude de force spirituelle, quand nous avons perdu la communion avec le Seigneur, et confesser avec humiliation devant Dieu notre péché, quand nous avons manqué au devoir de notre service.
Continuons ce service sans lassitude et ne le laissons
interrompre par rien. Il venait un jour où le nazaréat cessait. Alors le
Nazaréen offrait tous les sacrifices
.
Ce jour luira pour nous aussi, quand le Seigneur viendra et que son sacrifice
aura porté ses suprêmes conséquences, le péché aboli, la mort anéantie, et
Satan brisé pour toujours sous nos pieds. Alors nous raserons la tête de notre
nazaréat (Nomb. 6: 18) ; alors la puissance du Saint Esprit ne sera plus
employée pour nous communiquer la force qui nous sépare de tout mal dans notre
service ; alors nous mettrons « les cheveux de la tête de notre nazaréat
sur le feu qui est sous le sacrifice de prospérités », car notre force tout
entière sera employée à la joie d’une communion sans mélange, et la scène du
monde nouveau sera, comme nous-mêmes, parfaitement conforme aux pensées et au
coeur de Dieu !
Le peuple retombé dans l’infidélité est asservi à l’ennemi du dedans, aux Philistins établis dans le territoire d’Israël. C’est la dernière période de l’histoire du déclin. Les fils d’Israël ne crient plus à l’Éternel ; souffrant cette domination, ils ne désirent pas même en être délivrés (chap. 15: 11), et, pour vivre tranquilles sous cet esclavage, ils cherchent à se défaire de leur libérateur. Nous touchons au temps de leur complète apostasie.
Au milieu de cet état de choses irrémédiable, Dieu sépare un résidu
pieux et lui adresse ses communications.
Manoah et sa femme craignent l’Éternel, écoutent sa voix et se parlent l’un à
l’autre (conf. Malach. 3: 16), type frappant du résidu des Marie et des
Élisabeth, des Anne, des Zacharie et des Siméon, attendant le vrai Messie, le
Sauveur d’Israël ; type aussi de ce résidu futur qui, traversant la
tribulation, suivra les sentiers de justice, attendant la venue de son roi.
Samson, le libérateur d’Israël, trouve à sa naissance non pas un peuple qui l’acclame, mais ce couple pieux qui croit en sa mission. Le Seigneur, rejeté du peuple dès son arrivée sur la scène, ne trouve que quelques âmes fidèles auxquelles il se puisse associer, ces excellents de la terre, mentionnés au Ps. 16, dans lesquels il trouve ses délices. Le temps de la ruine irrémédiable est donc le temps des résidus. Il en est de même pour la période actuelle de l’Église. Le souverain prophète annonce cette période à ses disciples, quand il leur parle d’une assemblée réduite à deux ou trois, réunis autour du vrai centre, autour du nom de Christ, pendant son absence. Cette période est mentionnée par l’Apocalypse lorsque, en présence de l’idolâtrie de Thyatire, de la mort de Sardes et de la tiédeur écoeurante de Laodicée, l’approbation du Saint et du Véritable est prononcée sur le faible résidu sanctifié de Philadelphie.
Ce qui caractérise le résidu en tout temps, c’est le Nazaréat,
l’entière « séparation afin
d’être à l’Éternel ». L’Ange de l’Éternel, apparaissant à la femme de Manoah,
lui dit : « Voici, tu es stérile et tu n’enfantes pas ; mais tu
concevras, et tu enfanteras un fils. Et maintenant, prends garde, je te prie,
et ne bois ni vin ni boisson forte, et ne mange rien d’impur » (v. 3-4). Cette
femme avait à se revêtir du nazaréat, parce qu’elle était le vase choisi de
Dieu pour présenter au peuple le sauveur promis. « Car voici, tu concevras, et
tu enfanteras un fils ; et le rasoir ne passera pas sur sa tête, car le
jeune garçon sera nazaréen de Dieu dès le ventre de sa mère ; et ce sera
lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins » (v. 5). Le
nazaréat de Samson impliquait celui de sa mère. Pour faire honneur au sauveur
d’Israël ses témoins devaient porter aux yeux de tous les marques de son propre
caractère. Cette vérité est de tous les temps. Si nous ne portons pas ici-bas
le caractère de Christ, caractère d’entière séparation pour Dieu, nous ne
sommes pas les témoins de notre Sauveur. Depuis l’apparition de Christ, le
nazaréat permanent doit caractériser les fidèles, comme il caractérise le
Seigneur. Plus la ruine augmente, plus il est mis en évidence. La 2° épître à
Timothée qui nous présente les temps de la fin, est remplie des caractères du
nazaréat. Au chap. 2: 19, c’est le Nazaréen se retirant de tout contact avec le
péché ; au chap. 2: 21, sa purification pour Dieu ; aux chap. 3: 10,
11, et 4: 5-7, le serviteur de Dieu marchant dans l’oubli de lui-même, dans la
dépendance complète du Seigneur. N’est-ce pas le Nazaréen qui parle en 2 Cor.
4: 7-12 ? Aux chap. 6-7: 1, de cette même épître, nous retrouvons encore le
nazaréat sous ses traits principaux ; aux v. 4-10, l’opprobre et l’oubli
de soi-même ; aux v. 14-15, la séparation de toute association avec le
monde ; au chap. 7: 1, la purification de toute souillure de chair et
d’esprit. On pourrait multiplier les citations. Ce qu’il importe d’établir,
c’est qu’il n’y a pour nous ni marche, ni témoignage, ni service, sans le
nazaréat, c’est-à-dire sans la consécration et la séparation pour Dieu.
Au v. 6, la femme de Manoah raconte à son mari la visite de
l’Ange : « Un homme de Dieu est venu vers moi, et son aspect était comme
l’aspect d’un ange de Dieu, très terrible ; et je ne lui ai pas demandé
d’où il était, et il ne m’a pas fait connaître son nom ». Cette pauvre femme a
peu d’intelligence : elle ne sait ni d’où l’ange vient, ni qui il est, et
ne le lui demande pas, preuve de son peu d’intimité avec Dieu. Loin de la
rassurer, la présence du Dieu des promesses l’effraye, car elle ne voit l’ange
que sous son aspect « très terrible ». Manoah lui-même, homme d’une piété
sincère, a peu de connaissance, mais désire en avoir davantage. Il veut savoir
ce qu’il « doit faire au jeune garçon » (v. 8), puis ce que « le jeune garçon
devra faire » (v. 12). Au lieu de répondre à ses questions, l’Ange de l’Éternel
lui dit : « La femme
se gardera
de tout ce que je lui ai dit. Elle
ne
mangera rien de ce qui sort de la vigne, et elle
ne boira ni vin ni boisson forte, et ne mangera rien d’impur. Elle
prendra garde à tout ce que je lui
ai commandé » (v. 13, 14).
Pourquoi ? C’est que Dieu ne demande pas la connaissance en premier lieu.
Ni celle-ci, ni même une vraie piété, comme celle de Manoah et de sa femme, ne
suffisent pour nous garder au milieu de la ruine. Ce qu’il leur fallait avant la connaissance
, c’était la vraie séparation personnelle
pour Dieu, séparation
qui avait pour modèle et pour mesure le nazaréat de celui qui était près de
paraître.
D’autres vérités, partage des témoins de Christ en un temps de
déclin, nous sont encore révélées ici. « Manoah dit à l’Ange de l’Éternel :
Quel est ton nom… Et l’Ange de l’Éternel lui dit : Pourquoi demandes-tu
mon nom ? Il est merveilleux.
Et
Manoah prit le chevreau et le gâteau, et il les offrit à l’Éternel sur le
rocher. Et il fit une chose merveilleuse,
tandis que Manoah et sa femme regardaient » (v. 17-19). En repassant
l’histoire des différentes périodes de ce livre, nous trouvons qu’à chaque
réveil correspondent certains principes qui le caractérisent. Les temps
d’Othniel, d’Éhud, de Barak, de Gédéon, de Jephthé, présentent chacun quelque
principe nouveau ; mais Dieu réserve aux derniers temps de la ruine des
vérités précieuses entre toutes, cachées jusqu’alors et merveilleuses. Cette
manière d’agir est digne du Dieu d’amour ! Connaissant les difficultés des
siens au milieu de l’infidélité grandissante, et voulant arracher leur coeur à
ce milieu ténébreux, il met en lumière et confie à ses témoins des vérités de
plus en plus glorieuses.
Ces vérités ont le
sacrifice
pour point de départ. Manoah, plus intelligent que Gédéon (conf.
6: 19), prend le chevreau et le gâteau et les offre à l’Éternel sur le rocher.
La croix est le fondement de toute notre connaissance comme enfants de Dieu.
Manoah désirait connaître beaucoup de choses que l’Éternel ne peut lui révéler
avant le sacrifice. Mais ce fondement posé, l’Ange fait une chose merveilleuse,
révélée, sans doute,
d’une manière encore obscure et symbolique aux yeux de ce pauvre résidu qui
attendait un Sauveur. « Il arriva que, comme la flamme montait de dessus l’autel
vers les cieux, l’Ange de l’Éternel monta dans la flamme de l’autel, Manoah et
sa femme regardant » (v. 20). Ils trouvent dans le feu du sacrifice un chemin
nouveau, non frayé jusque-là, chemin du représentant de l’Éternel pour remonter
vers lui, et leurs regards, attachés sur l’Ange, voient une personne glorieuse
dont ils connaissent la demeure, maintenant qu’elle a disparu de devant leurs
yeux. Alors seulement, « Manoah connut que c’était l’Ange de l’Éternel » (v. 21).
Le coeur, les intérêts de ce pauvre résidu, sont en ce moment sortis de ce
monde et prennent le chemin de l’Ange pour monter avec lui dans les cieux. Ces
simples croyants pourront parler désormais d’un chemin
qui conduit dans le ciel, et d’une personne
qui s’y trouve, devenue leur objet, tandis qu’ils sont
encore ici-bas.
Dans cet acte merveilleux, une chose encore était révélée, non
pour Manoah, mais pour nous :
le
caractère futur de ce nazaréat dont l’Ange leur avait parlé. Il est maintenant
céleste, comme nous l’avons dit plus haut. L’Ange en se séparant d’eux, se
sépare dans le ciel. Le Seigneur Jésus, rejeté du monde, a dit : « Je me
sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité »
(Jean 17: 19). Séparé dans les cieux, il nous attire à sa suite, et fixe nos
yeux sur lui-même, afin que nous reproduisions ici-bas le caractère céleste de
Celui que le monde a rejeté. Devant cette révélation, à peine entrevue par eux,
mais qui nous sert d’instruction, les époux « tombèrent sur leurs faces contre
terre » (v. 20). Et nous, n’adorerons-nous pas bien plus, au milieu des ténèbres
grandissantes, le Dieu qui nous a révélé, avec un Christ céleste et glorieux,
notre place en lui, et nous l’a donné comme objet, afin que nous puissions le
reproduire dans ce monde ? De telles bénédictions sont faites pour remplir
nos coeurs de joie et de reconnaissance. Que des chrétiens, cherchant leur
place avec le monde, marchent ici-bas la tête penchée, en voyant l’état de
choses qui les entoure, qu’ils affligent chaque jour leurs âmes, comme faisait
jadis le juste Lot — telle n’est point notre part ; nous ne sommes pas
appelés à jouer le rôle de Lot ici-bas. Notre part est avec Abraham, l’ami de
Dieu. La ruine n’abattait pas son âme. Comme un Nazaréen, il se tenait sur sa
haute montagne, les yeux fixés non sur Sodome, mais sur la cité qui a des fondements.
Jésus a dit de lui : « Abraham… a tressailli de joie de ce qu’il verrait
mon jour ; et il l’a vu, et s’est réjoui » (Jean 8: 56). Ah ! plutôt
que de nous décourager, bénissons Dieu ; rendons-lui grâce du trésor
céleste qu’il nous a donné en Christ.
Comme tant de coeurs chrétiens aujourd’hui, celui de Manoah est rempli de crainte quand il se trouve devant Dieu. « Il dit à sa femme : Nous mourrons certainement, car nous avons vu Dieu » (v. 22). Sa compagne lui est vraiment une aide. Y a-t-il lieu de craindre, dit-elle, quand Dieu a accepté notre offrande ? L’amour de Dieu, montré pour nous à la croix, nous est le sûr garant de tout le reste. « Celui même qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui ? » (Rom. 8: 32)
Nous avons vu ce qu’est le nazaréat. L’histoire de Samson nous
montre que c’est en lui que consiste notre force
spirituelle.
Christ seul a pleinement réalisé son nazaréat, une séparation morale absolue, tout le long de sa vie ici-bas, et le réalise encore dans le ciel où il reste le vrai Nazaréen « séparé des pécheurs ».
Samson, le Nazaréen, n’est guère un type de Christ que dans sa mission (13: 5) ; en réalité, il est plutôt le type du témoignage que rend l’Église de Dieu dans la séparation du monde, la puissance de l’Esprit et la communion avec le Seigneur. L’histoire de cet homme de Dieu, quoique remplie d’actes de puissance, est cependant l’un des plus tristes récits que renferme la Parole. Samson (l’Église aussi formée sur le Christ monté en haut) aurait dû être un vrai représentant de séparation pour Dieu. Hélas ! il n’en fut rien. C’est en le comparant avec celui de Christ, que l’insuffisance du nazaréat de Samson nous frappe.
Christ, le vrai Nazaréen, a rencontré Satan sous deux formes : au désert, comme le serpent rusé et séducteur, et à la fin de sa carrière, comme le lion rugissant qui déchire et dévore.
Au désert, le Seigneur ayant pour armes, contre les séductions
de l’ennemi, la parole et la dépendance complète de Dieu, a remporté la
victoire. Samson rencontre, au commencement de sa carrière, le serpent qui
cherche à le séduire dans la personne d’une fille des Philistins. Il est dit deux
fois qu’elle « plut à ses yeux » (v. 3, 7). Il eut, dès lors, la pensée de s’unir
à cette femme qui appartenait au peuple oppresseur d’Israël. C’est ainsi que
l’individu ou l’Église se manifestent, quand ils sont aux prises avec le
séducteur ; Satan qui n’avait rien en Christ, trouve facilement en nous
des coeurs qui lui répondent. Par les yeux, nos coeurs sont attirés vers
l’objet que Satan nous présente et trouvent du plaisir à l’acquérir. Cela ne
signifie nullement que nous devions
tomber.
Si de tels objets plaisent à nos yeux, la grâce, et la Parole qui nous révèle
cette grâce, peuvent nous garder. Malgré les tendances de son coeur, Samson,
protégé par la grâce providentielle de Dieu, n’a jamais épousé la fille des
Philistins.
Le désir de Samson montrait que la parole de Dieu n’avait pas sa
valeur pour lui. Ses parents, connaissant moins bien que lui les conseils, mais
mieux que lui la parole de Dieu, lui disent : « N’y a-t-il pas de femme
parmi les filles de tes frères, et dans tout mon peuple, que tu ailles prendre
une femme d’entre les Philistins, les incirconcis ? » (v. 3) En effet, la
parole de Dieu était claire à ce sujet : « Tu ne t’allieras point par
mariage » avec ces nations, « tu ne donneras pas ta fille à leur fils, et tu ne
prendras pas leur fille pour ton fils ; car ils détourneraient de moi ton
fils, et il servirait d’autres dieux » (Deut. 7: 3). Pourquoi Samson n’y
prenait-il pas garde ? Christ, le Nazaréen parfait, reconnaissait
l’autorité absolue des Écritures et se nourrissait de chaque parole sortie de
la bouche de Dieu. La Parole n’ayant pas sa valeur pour Samson, il s’engage sur
une pente qui ne peut le mener qu’à une chute. Dans la vie de Samson, trois
femmes marquent les trois étapes qui le conduisent à la perte de son nazaréat.
La première plut à ses yeux
; il
conclut une liaison momentanée
avec
la seconde (16: 1), et il aima
la
troisième (16: 4). Quand son coeur est lié, la dernière heure de son nazaréat a
sonné.
Néanmoins Samson avait des affections pour l’Éternel et pour son peuple. « Son père et sa mère », est-il dit, « ne savaient pas que cela venait de l’Éternel ; car Samson cherchait une occasion de la part des Philistins ». Leur domination lui était odieuse. Il cherchait le moment favorable pour porter le coup destiné à briser le joug appesanti sur les enfants d’Israël. Mais Samson n’était pas une âme simple ; il apportait dans l’oeuvre un coeur partagé. Cherchant à concilier le plaisir de ses yeux avec sa haine contre l’ennemi de son peuple, il tendait la main gauche au monde en voulant le combattre par la droite. Cependant Dieu tient compte de ce qu’il y a pour lui dans ce coeur partagé. « Cela venait de l’Éternel » ; lui, pouvait se servir même des faiblesses de Samson, pour accomplir ses desseins de grâce envers son peuple.
Cette tendance à chercher dans le monde ce qui « plaît à nos
yeux », entraîne Samson en des difficultés sans fin dont la puissance de Dieu
seul peut le délivrer. On trouve bien des cas dans la Parole, où un premier
regard tourné vers le monde
pousse le croyant dans un mal irréparable. Nous avons à veiller à cela avec
crainte et tremblement, car nous ne pouvons dire d’avance quel abîme une seule
convoitise peut ouvrir devant nous. Ce fut le cas d’Adam, de Noé, de Lot, de
David. La grâce peut nous garder, mais ne jouons pas avec elle et ne pensons
pas qu’elle puisse servir de couverture à nos convoitises ou d’excuse à nos
péchés ; appuyons-nous sur elle pour être soutenus et gardés de chute, et
si nous avons été assez malheureux pour abandonner un instant cet appui, revenons
bien vite à elle pour être restaurés et retrouver la communion perdue.
Samson est sur un terrain glissant. Ses yeux sont captivés ; il désire prendre cette fille pour femme, car l’alliance avec le monde suit la convoitise des yeux. Alors il fait un festin (v. 10). Il s’y assied, gardant sans doute extérieurement les marques de son nazaréat, car il ne nous est pas dit qu’il but du vin avec les Philistins, mais ce repas a pour lui une triste issue.
Considérons, avant d’aller plus loin, le récit qui précède le
festin dans l’histoire de Samson. Nous avons dit plus haut que Satan ne se
présente pas seulement à nous comme un serpent, mais aussi comme un lion
rugissant. C’est sous ce caractère que le Seigneur Jésus l’a rencontré en
Gethsémané et à la croix. Rien de plus terrifiant que le rugissement du lion.
Satan chercha à effrayer l’âme sainte de Christ, pour lui faire abandonner ce
sentier divin qui descendait au sacrifice. Dans la puissance du Saint Esprit et
la parfaite dépendance de son Père, le Seigneur lui tint tête au jardin des
Oliviers. À la croix, où il ouvrit sa gueule contre Christ, « comme un lion
déchirant et rugissant » (Ps. 22: 13), le Seigneur, dans « la faiblesse de Dieu »,
vainquit « l’homme fort » et le rendit impuissant par la mort. Satan se présente
aussi sous la même forme aux enfants de Dieu. « Votre adversaire, le diable,
comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui il pourra dévorer »
(1 Pierre 5: 8). S’il ne réussit pas à nous séduire, il cherche à nous
effrayer. C’est avec ce jeune lion, montant à sa rencontre, du pays des
Philistins, que Samson a maintenant à faire. Ici, le nazaréat de Samson se
montre dans toute sa puissance, qui est celle de l’Esprit de Dieu. « Et l’Esprit
de l’Éternel le saisit : et il le déchira, comme on déchire un chevreau, quoiqu’il n’eût rien en sa main
» (v. 6).
Tel est notre rôle vis-à-vis de Satan. Nous ne devons pas user de ménagements
avec lui, car si nous l’épargnons il revient à la charge. Il faut que, dans
notre lutte, nous le déchirions comme on déchire un chevreau. Il ne nous peut
rien du moment que nous le traitons sans crainte, car sans armes, Jésus l’a
déjà vaincu pour nous à la croix.
Plus tard, Samson, descendant par ce chemin, se détourna pour voir le cadavre du lion, y trouva « un essaim d’abeilles et du miel », y goûta en chemin et en donna à ses parents. Le fruit de la victoire de Christ à la croix a mis entre nos mains toutes les bénédictions célestes. Elles se trouvent pour nous dans la dépouille de l’ennemi terrassé. Et si nous-mêmes, remportant sur lui une victoire, désormais facile, nous le traitons en adversaire vaincu, notre âme sera remplie de force et de douceur. Nous pourrons les communiquer à d’autres, mais comme Samson qui mangeait en chemin, notre propre âme sera nourrie la première. Ne traitons jamais Satan en ami ; nous sortirions de son contact vaincus et faibles, remplis d’amertume et mourant de faim.
La victoire de Samson sur le lion de Thimna n’est pas seulement
une preuve de force ; elle est un secret
entre lui et Dieu. Quand ses yeux sont attirés vers la fille des
Philistins, il le raconte à ses parents ; s’agit-il de sa victoire, il ne
la dit à personne. La vie de Samson est remplie à la fois de secrets et d’actes
de puissance. Son nazaréat même était un secret, un lien, inconnu de tous,
entre son âme et l’Éternel. Ce lien est pour nous la communion.
Nous trouvons quatre secrets dans ce chapitre. Samson
n’avait pas révélé ses desseins à ses parents, ni la part que l’Éternel avait
dans ces choses (v. 4) ; il ne leur avait pas fait connaître sa victoire
(v. 6), ni le lieu dont il avait tiré le miel (v. 9), ni son énigme (v. 16).
Tout cela, gardé sans partage entre son âme et Dieu, était pour lui le seul
moyen de suivre une marche de bénédiction au milieu de ce monde.
Revenons au festin de Samson. Il offre son énigme aux Philistins, supposant, avec raison, que ceux-ci n’y comprendraient rien ; en effet, sans le festin, il n’aurait pas été en danger de se trahir. Mais l’ennemi réussit à lui dérober ce qu’il cachait si bien. Le monde agit avec ruse, de manière à nous priver de notre communion avec Dieu. Si nos coeurs, comme celui de Samson, s’attachent en quelque manière à ce que le monde peut nous offrir, nous ne tardons pas à perdre notre communion. L’absence de communion n’implique pas encore l’absence de force ; elle n’est que le chemin qui y conduit ; car, tant que le nazaréat existe, même extérieurement, la force peut ne pas faire défaut. C’est ce que Samson prouva aux Philistins dans l’affaire des trente robes de rechange ; mais cet homme de Dieu eut-il beaucoup de paix et de joie pendant les jours du festin ? Au contraire, il fut aux prises avec les pleurs, les soucis et le tourment (v. 17). Il fut trahi par la femme même qu’il avait choisie. Celui qui se mêle au monde a peine à s’imaginer que ce dernier soit aussi mauvais qu’il l’est en effet. Jamais Samson n’aurait pensé que ses trente compagnons, aidés de sa femme, lui tendissent des pièges pour le dépouiller, car c’était à lui, de fait, qu’appartenaient les robes de rechange. Satan peut nous séparer de la communion du Seigneur, nous rendre malheureux ; il peut encore nous empêcher d’être des témoins ici-bas, mais grâces à Dieu, il ne peut arracher des mains de Christ ce qu’elles retiennent.
Sur ton coeur tu me portes,
Faible et souvent lassé ;
Tes mains douces et fortes
Me tiennent enlacé.
La grâce de Dieu garde Samson des dernières conséquences de sa
faute, et le délivre d’une alliance que Dieu ne pouvait approuver. L’Esprit de
l’Éternel l’ayant saisi, il fait des actions d’éclat. « Et sa colère s’embrasa »
(v. 19). Samson avait un caractère très personnel. Il se laissait diriger, dans
son action, par le sentiment des torts qu’on lui faisait. Toutefois il remporte
la victoire sur les ennemis de l’Éternel, et ne garde rien pour lui de leurs
dépouilles. Elles retournent au monde auquel elles ont été prises. Alors il
abandonne la scène de tant de misère et « monte à la maison de son père », qu’il
n’aurait pas dû quitter pour s’établir
parmi les Philistins. Agissons comme lui. Si, dans nos rapports avec le monde,
nous avons fait quelques pénibles expériences, hâtons-nous de retourner à la
maison du Père, que nous n’aurions jamais dû abandonner, même en pensée, et où
habite Celui dont la communion est la source de notre paix et de notre bonheur
tout le long de notre pèlerinage, jusqu’au moment où nous entrerons pour
toujours dans cette maison, notre habitation éternelle !
Avant d’aller plus loin, je voudrais revenir sur deux ou trois points communs aux chap. 14 et 15, lesquels ne forment ensemble qu’un seul récit.
Le premier de ces points, c’est que Dieu accomplit toujours ses
voies, à travers une foule de circonstances qui sont loin de répondre à ses
pensées. Bien plus, il se sert de ces circonstances mêmes, pour réaliser ses
desseins, qui sont ici la délivrance d’Israël par un instrument formé de Dieu
dans ce but. Voilà qui explique cette parole : « Cela venait de l’Éternel »
(14: 4). Dieu ne fait pas seulement aboutir ses voies par le moyen de choses
qu’il approuve ; il fait concourir nos fautes mêmes, sa discipline,
l’opposition de Satan et du monde, tout en un mot, à amener le résultat final
qu’il veut produire. Nos infidélités ne troublent pas les voies de Dieu ;
on le voit d’une manière remarquable dans toute la vie de Samson, on peut le
constater dans l’histoire de l’Église de Christ. Ces voies de Dieu aboutissent
toutes à la victoire finale et aux bénédictions qui en sont la conséquence.
Qu’il est consolant de le constater ! Bien souvent, à notre confusion, nos
voies à nous
n’aboutissent point,
témoin Samson qui n’épousa pas la fille des Philistins. Continuellement, les
enfants de Dieu, trouvant leur chemin barré avec défense divine d’aller plus
loin, sont obligés de retourner avec humiliation sur leurs pas. D’autres fois,
notre carrière qui aurait dû se prolonger dans la puissance du service (Samson
nous en fournit encore la preuve), est brusquement interrompue, sans retour
possible au point d’où elle avait dévié. Jamais rien de semblable n’arrive dans
les voies de Dieu.
Elles dominent
toutes nos voies. C’est par la mort d’un Samson aveugle que l’Éternel remporte
sa plus grande victoire. Un Moïse, dont la voie est interrompue avant d’entrer
dans le pays de la promesse, est arrivé sur la sainte montagne dans la gloire
même de Christ.
Le second point, c’est que, tout mélangés que fussent les motifs de Samson, « il cherchait une occasion » dans un temps de ruine (14: 4). Et pourquoi ? Pour délivrer Israël en frappant l’ennemi qui l’avait asservi. Que ce motif-là soit aussi le nôtre. « Saisissant l’occasion », dit l’apôtre, « parce que les jours sont mauvais » (Éph. 5: 16). Puissions-nous, Nazaréens nous-mêmes, avoir le coeur rempli de tendre pitié pour nos frères retenus sous le joug du monde, et chercher l’occasion de déployer, avec l’amour, l’énergie de l’Esprit pour les en délivrer. Ces deux chapitres illustrent, d’une manière frappante, le fait que Samson cherchait une occasion de la part des Philistins et l’intensité de son désir la lui fait trouver, quand les lâches et les indifférents, rencontrant un obstacle sur leur chemin, seraient retournés en arrière.
Une troisième expression revient souvent dans ces
chapitres : « L’Esprit de l’Éternel le saisit » (13: 25 ; 14: 6,
19 ; 15:14). Quand nous voyons ces mots, nous pouvons être certains que le
combat est entièrement selon Dieu et sans mélange. Nous aussi, nous pouvons
remporter de telles victoires, sans être dépendants pour cela, d’une action
temporaire du Saint Esprit qui nous saisirait du dehors, mais parce que nous
avons été scellés
du Saint Esprit et
de puissance, en vertu de la rédemption. Toutefois, il est important de
remarquer que nous ne pouvons mesurer la valeur morale
d’un homme de Dieu à la grandeur de son don. Il n’y a pas
dans l’Écriture d’homme plus fort que Samson, ni d’homme plus faible
moralement. Le Nouveau Testament nous donne un exemple semblable dans
l’assemblée de Corinthe, à laquelle il ne manquait aucun don de puissance et
qui, cependant, supportait toute sorte de mal moral dans son sein. Samson était
un Nazaréen que l’Esprit de Dieu saisissait souvent, mais aussi un homme dont
le coeur, n’ayant jamais été jugé, ne s’était pas mis d’accord avec le don
qu’il exerçait. Du commencement à la fin de sa carrière, il n’hésite pas une
fois à suivre le chemin de ses convoitises. Il va, sans combat, où son coeur le
mène. Malgré la puissance de l’Esprit, c’est un homme charnel. Sa douceur est
charnelle, quand il va visiter sa femme avec un chevreau ; sa colère,
charnelle, quand le monde lui propose en échange de celle qu’il convoite
ardemment, une autre femme qui n’a pas de valeur pour lui. C’est ainsi, du
reste, que le monde nous traite toujours, à notre dam et à notre honte, quand
nous avons désiré quelque chose de lui. Ce qu’il donne à l’enfant de Dieu,
après lui avoir fait tant de belles promesses, n’a aucune valeur pour ce
dernier et ne peut le satisfaire. J’ai dit : la colère de Samson est
charnelle. L’Esprit de l’Éternel ne le saisit pas dans l’entreprise des 300
chacals. Il veut « faire du mal
» aux
Philistins, en les frappant dans leurs circonstances extérieures et emploie à
cet effet des ruses qui ne semblent être nullement dans la pensée de Dieu. Les
Philistins irrités montent et brûlent au feu sa femme, leur complice, et son
père.
Samson trouve dans leur vengeance (v. 7), une nouvelle occasion pour faire l’oeuvre de Dieu. Nous y rencontrons encore bien du mélange : « Certes je me vengerai de vous », et il n’est pas ajouté que l’Esprit de l’Éternel le saisit ; mais s’il ne se montre pas ouvertement, Dieu est derrière la scène. C’est, quoi qu’il en soit, une délivrance pour le peuple. « Et il descendit, et habita dans une caverne du rocher d’Étam ». Il fallait s’y attendre. Le croyant, quand il prend le parti de Dieu contre le monde, se trouve isolé. Samson comprend cela. Les témoins de Christ en un temps de ruine, sont mis de côté, hélas ! par le peuple de Dieu lui-même.
Les 3000 de Juda, que le témoignage de Samson trouble dans la
quiétude de leur esclavage, consentent à aider le monde qui veut se débarrasser
de lui. Aux difficultés de ce témoignage, aux risques qu’il leur fait courir,
ils préfèrent le joug des Philistins. On ne trouve pas d’état moral plus
abaissé que celui-là dans tout le livre des Juges. Israël ne crie plus même à
l’Éternel, il ne veut pas
être
délivré. L’homme de Dieu, son propre libérateur, l’embarrasse. Les Philistins
disent : « Nous voulons lui faire comme il nous a fait » (v. 10) . Juda
dit : « Que nous
as-tu
fait ? » (v. 11). S’identifiant avec l’ennemi qui l’asservit, Juda n’est
plus Juda, et échange moralement son nom contre celui des Philistins. La
communion avec eux est complète ; tous deux sont l’ennemi
du témoignage ; mais Juda est bien pire, lui qui
préfère l’esclavage à la libre puissance de l’Esprit divin, dont Samson est l’instrument.
Samson se laisse lier par eux ; c’est aussi l’histoire de la chrétienté. Le peuple de Dieu a fait au Saint Esprit ce que Juda fit à Samson. Sa puissance les gêne ; ils ne veulent pas de la liberté que l’Esprit leur apporte. Ils entravent son action et le lient avec leurs méthodes nouvelles, semblables aux cordes neuves dont Juda liait son libérateur, tout en lui disant : « Certainement nous ne te tuerons pas ». Samson aurait pu faire tout autre chose que ce qu’il a fait ; ces misérables entraves, il l’a bien prouvé plus tard, n’étaient que des toiles d’araignées pour lui. L’homme fort se moquait de leurs cordes neuves, mais il consent à se laisser lier. Quelle responsabilité pour ces 3000 de Juda qui appréciaient si peu le don que Dieu leur avait fait ! Quelle honte pour eux ! Certes, la honte n’est pas pour Samson. Si quelque chose jette un opprobre mérité sur les chrétiens liés au monde, c’est l’entrave mise à la libre action du Saint Esprit parmi eux, parce qu’elle les gêne et qu’ils ne savent qu’en faire.
Mais, au moment donné, la puissance de l’Esprit brise toutes les entraves. « L’Esprit de l’Éternel le saisit ; et les cordes qui étaient à ses bras devinrent comme de l’étoupe qui brûle au feu, et ses liens coulèrent de dessus ses mains » (v. 14). Alors Dieu se sert d’un ossement qui traînait sur les champs, d’une misérable mâchoire d’âne, pour remporter une victoire signalée, et ce lieu est appelé Ramath-Lékhi, du nom de l’instrument méprisable employé dans ce combat. Entre les mains de l’Esprit de Dieu, nous sommes de pareils instruments, mais il plaît au Seigneur d’associer nos noms à sa victoire, comme si la mâchoire d’âne avait fait « un monceau, deux monceaux ».
Après sa victoire, Samson « eut une très grande soif » (v. 18). L’activité du croyant n’est pas tout ; le combat ne désaltère pas. Il fallait à Samson quelque chose qui répondît à ses besoins personnels, sinon, dit-il, « je mourrais de soif et je tomberais entre les mains des incirconcis ». Si nous ne voulons perdre le fruit du combat, il nous faut employer la parole de Dieu pour nous rafraîchir et non pas seulement pour la lutte. Dans son extrémité, Samson crie à l’Éternel qui lui fait trouver une source rafraîchissante sortant d’un rocher fendu par la main de Dieu. Le rocher, partout et toujours, c’est Christ. « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ». Retournons à Christ après le combat ; sa Parole nous rafraîchira. Samson a conscience des dangers qui suivent immédiatement la victoire. Le fait que Dieu « a donné par la main de son serviteur une grande délivrance », devient l’occasion de nous faire tomber personnellement « entre les mains des incirconcis », si notre âme ne cherche pas immédiatement son refuge, son rafraîchissement et sa force auprès des eaux de la grâce, dont Christ est le distributeur. Dans ce jour béni, Samson réalisa ces deux choses, une grande activité dans le combat pour les autres et à l’égard de lui-même une humble dépendance de Dieu pour profiter des ressources qui sont en Christ.
La première partie de l’histoire de Samson se termine par ces mots : « Et Samson jugea Israël, aux jours des Philistins, vingt ans » (v. 20). Elle contient, malgré tous les manquements que nous avons signalés, l’approbation de Dieu sur la carrière publique de son serviteur. Le chapitre qui suit nous montre la perte de son nazaréat.
Nous entrons dans une nouvelle période de l’histoire de Samson,
caractérisée par la perte de son nazaréat et par sa restauration. Le v. 31 de
notre chapitre, comparé au v. 20 du chap 15, marque extérieurement cette
division. Au chap. 15, Dieu avait préservé son serviteur, malgré lui, d’un
engagement définitif avec une femme qui servait d’autres dieux. Mais cela ne
redresse pas la pente naturelle de son coeur, et le v. 1 de ce chapitre nous
montre où cette pente le mène. Il avait recherché le monde idolâtre, il
recherche maintenant le monde souillé
,
et ne craint pas de s’associer momentanément avec lui. Une disposition mondaine
non jugée nous conduit nécessairement à des chutes plus graves. C’est ainsi
que, dans l’histoire de l’Église, Pergame conduit à Thyatire. Cette liaison
n’est que passagère et Samson n’y perd point sa force, car le secret subsiste
encore entre lui et Dieu. Guetté toute la nuit, à la porte de la ville, par ses
mortels ennemis, il se leva de son sommeil, « saisit les battants de la porte…
et les deux poteaux, les arracha avec la barre, les mit sur ses épaules, et les
porta au sommet de la montagne qui est en face de Hébron » (v. 3). Plus d’une
fois, l’histoire de Samson nous rappelle celle de Christ ; telle sa
victoire sur le lion de Thimna, tel aussi l’exploit des portes de Gaza. Comme
Samson, le Seigneur se réveillant du sommeil de la mort, a réduit à néant les
desseins de l’ennemi, en brisant les portes de sa terrible forteresse. Il a
emmené en captivité ce qui nous retenait captifs et, monté en haut, il a dressé
les trophées de sa victoire. La mort, la citadelle de Satan, n’ayant pas de
portes pour nous retenir, est devenue pour nous un passage ; aucun verrou
n’a pu y emprisonner Christ, aucune puissance ne peut nous y garder. La
« montagne qui est vis-à-vis de Hébron », le lieu de l’homme ressuscité qui fait
face au lieu de la mort (*), nous en est un
sûr garant.
(*) Nous avons fait remarquer ailleurs que Hébron est sans exception, dans l’Écriture, le lieu de la mort. (Méditations sur Josué).
Nous l’avons dit plus d’une fois, il n’est pas un homme de Dieu qui ne soit appelé à reproduire, et ne reproduise, en effet, quelques traits de la personne du Sauveur. Ah ! qu’il eût été beau de voir Samson être une digne image de Christ dans sa victoire sur la mort, comme il l’avait été dans sa victoire sur le lion déchirant ! D’où sortait cet homme fort avec les portes de Gaza sur ses épaules ? Pour qui combattait-il ? Qui l’avait donc placé dans cette extrémité ? Dans toutes ces choses, son histoire forme le plus absolu contraste avec celle de notre adorable Sauveur.
Écoutons un récit plus humiliant encore (v. 4-21). Samson, qui
n’avait contracté qu’une alliance passagère avec le mal, va plus loin. La fille
des Philistins avait plu à ses yeux ; la femme de Gaza l’avait attiré pour
un moment dans ses filets ; Delila s’empare
de ses affections. « Il aima
une femme dans la vallée de Sorek » (v. 4).
C’est là qu’aboutit le chemin de l’enfant de Dieu, qui cultive au lieu de les
juger les premiers mouvements de son coeur naturel. Malgré tout, Samson avait
gardé jusque-là ses relations intimes et secrètes avec Dieu. Il possédait une
chose que le monde ne pouvait comprendre et à la source de laquelle il était
incapable de remonter. Sa force restait une énigme pour ses ennemis ; sans
doute, ils en voyaient les effets, mais dirigés contre eux, et cela les rendait
d’autant plus avides à lui arracher le secret de cette force pour trouver des
armes contre le serviteur de l’Éternel. Sans doute aussi, sa longue chevelure,
livrée que tous n’avaient pas, était une profession publique de séparation pour
Dieu. Mais, à moins que son secret ne fût trahi, il ne pouvait venir à la
pensée du monde que cette figure de dépendance et d’oubli de soi fût pour le
Nazaréen une source de force.
Samson aima Delila. Le voilà en communion avec cette femme, et
Dieu ne peut s’accommoder d’une communion partagée. Il est impossible que nous
menions de concert nos affections pour le monde et pour Dieu. « Nul serviteur ne
peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il
s’attachera à l’un et méprisera l’autre » (Luc 16: 13). En aimant Delila, Samson
faisait profession de haïr Dieu et de le mépriser, quand même, de fait, il lui
appartenait. Cette femme s’empare de lui de plus en plus : « Comment
dis-tu : Je t’aime, — et ton coeur n’est pas avec moi ? » (v. 15). Dès
lors son coeur
est pris. Il ne
tardera pas à lui livrer le dernier mot de son secret. Trois fois les sept
cordelettes fraîches, et les cordes neuves, et le fil à tisser, n’ont pu
dompter la puissance de l’Esprit. Dieu soutenait encore son pauvre serviteur
infidèle, mais son secret livré, le signe de sa dépendance enlevé, le lien de communion
qui unissait son âme à Dieu aboli, que lui reste-t-il ? Toute sa force
s’est évanouie. Les expériences passées des délivrances de Dieu, malgré ses
chaînes morales, ne servent qu’à le tromper et l’endormir. Trois fois il
s’était dégagé en des moments critiques. Pourquoi pas une quatrième ? Le
coeur aveuglé se dit : « Je m’en irai comme les autres fois, et je me
dégagerai ». Mais avec la communion perdue, l’intelligence des pensées de Dieu
fait entièrement défaut : « Il ne savait pas que l’Éternel s’était retiré
de lui » (v. 20).
Ce n’est point que Samson fût bien à l’aise sous le joug de
Delila. « Elle le tourmentait par ses paroles tous les jours et le pressait », et
« son âme en fut ennuyée jusqu’à la mort » (v. 16). Voilà tout ce qu’il avait
trouvé dans les choses qui l’attiraient le plus. Il aurait bien voulu refuser,
mais il n’en était déjà plus capable. Un homme du monde peut trouver sa joie
dans le monde, un croyant jamais. Au fond, le coeur de Samson était dans une
mesure avec Dieu et l’Israël de Dieu. De là ce combat, cette lutte, cet ennui,
cette misère. Notre conscience parle et ne nous laisse pas de repos réel ;
notre joie est empoisonnée. Il fait enfin le dernier pas, et « lui déclare tout
ce qui était dans son coeur » (v. 17). Après cela vient le sommeil
: « Elle l’endormit sur ses genoux » (v. 19). L’âme perd
tout sentiment de ses relations avec Dieu, et tombe dans un lourd sommeil sous
l’atmosphère épaisse de la corruption. Alors l’ennemi embusqué, épiant ce
moment, s’avance, enchaîne, aveugle l’homme puissant et se sert de lui comme du
plus misérable des esclaves. Sort, hélas ! pire que le sommeil !
Samson n’est plus qu’un pauvre esclave aveugle, jouet des ennemis de l’Éternel.
Il ne faut pas s’y tromper ; l’ennemi en veut plus encore à Dieu qu’à Samson,
car le Nazaréen vaincu devient le témoin de la victoire apparente du faux dieu
Dagon, sur le vrai Dieu. Le manque de réalité des chrétiens est l’arme la plus
puissante du monde contre Christ. En méprisant le croyant infidèle, c’est Lui
que le monde trouve moyen de mépriser.
Grâces à Dieu, l’histoire du dernier des juges ne se termine pas par cette défaite. Dieu veut avoir la victoire finale en dépit de l’infidélité de ses témoins. Samson retrouve son nazaréat dans cette condition d’amère humiliation. « Et les cheveux de sa tête commencèrent à croître, après qu’il eut été rasé » (v. 22). Samson n’était pas un homme de prière. Dans toute son histoire, on ne l’entend s’adresser à Dieu que deux fois (15: 18 ; 16: 28). Ici, tandis que les ennemis fêtent leur triomphe, Samson crie à l’Éternel. J’apprécie chez un homme de Dieu une fin de vie plus brillante que son commencement. Ce n’est pas, sans doute, ce qu’il y a de plus élevé. Le chemin de Christ, l’homme parfait, était un sentier uni d’une égalité absolue, dans les mille circonstances diverses par lesquelles il eut à passer. C’est ainsi que nous le voyons marcher au Ps. 16 et dans les évangiles. Et néanmoins, finir comme Samson, dont la vie présenta tant de contrastes, finir comme Jacob, dont la carrière toute de plans et de ruses humaines, se termine par la vision glorieuse de l’avenir d’Israël et par l’adoration qui reconnaît en Joseph le type du Messie promis ; finir ainsi, c’est encore meilleur que de clore sa carrière comme Salomon, dans l’idolâtrie, après un règne magnifique de sagesse et de puissance. Oui, la fin de Samson fut une victoire éclatante. « Les morts qu’il fit mourir dans sa mort, furent plus nombreux que ceux qu’il avait fait mourir pendant sa vie » (v. 30).
Que cette histoire nous enseigne. Soyons de ceux qui n’ont besoin, pour faire l’expérience d’eux-mêmes, ni d’un mauvais commencement, ni d’une mauvaise fin. Paul, un homme sujet aux mêmes infirmités que nous, évita l’un et l’autre, quoique sa marche mît au jour plus d’une faiblesse. Apprenons à régler nos pas sur ceux de notre impeccable modèle ; c’était la force de l’apôtre et ce sera la nôtre. Alors Dieu dira de nous : « Ils marchent de force en force, ils paraissent devant Dieu en Sion » (Ps. 84: 7).
Les chap. 17 à 21 sont comme un appendice du livre des Juges,
appendice de toute importance pour compléter le tableau moral du déclin
d’Israël, mais qui, par sa date, prend place avant le début proprement dit de
notre livre et remonte aux derniers temps de Josué et des anciens qui le
suivirent. Il importait de montrer que, si d’un côté le déclin était graduel,
de l’autre la ruine était immédiate et irrémédiable, dès le moment où Dieu
avait confié aux mains de son peuple le devoir de garder les bénédictions
premières. Il importait ensuite, comme nous le verrons plus tard, d’établir que
la fin de Dieu
n’est pas la ruine,
mais la restauration d’un peuple qui pût demeurer en unité devant lui, après
que les châtiments auraient eu leur cours. Il importait encore de montrer les
rapports de la sacrificature avec la ruine, et comment elle s’y associe et y
contribue. Tous ces grands sujets, et bien d’autres encore, se trouvent
condensés dans les chapitres dont nous allons nous occuper. Leur date nous est
donnée par trois passages. Je les cite pour ceux que la structure
du livre intéresse et pour ne pas être obligé d’y
revenir. Le premier de ces passages est au chap. 18: 1. Nous voyons au chap.
19: v. 47, de Josué, que la tribu de Dan s’empara de Laïs (*), à l’époque où les douze tribus étaient appelées
à conquérir leur héritage. Dans le second passage, au v. 12 du chap. 18,
« Mahané-Dan » reçoit son nom de l’expédition de Dan, tandis qu’au commencement
de l’histoire de Samson (chap. 13: 25), c’est un lieu déjà connu. Enfin, au
chap. 20: 28, « Phinées, fils d’Éléazar, fils d’Aaron, se tenait devant l’arche
en ces jours » ; d’où l’on doit conclure que ces jours suivirent
immédiatement ce qui nous est rapporté en Josué 24: 33.
(*) Le Léshem de Josué n’est autre que le Laïs du chap. 18 des Juges.
Ces détails établis, nous trouvons aux chapitres 17 et 18 le tableau de la corruption religieuse d’Israël, encore en possession des bénédictions premières. Ce tableau n’offre pas un endroit où le coeur puisse se reposer au sein de la ruine et quand, à la lumière de la Parole, nous l’aurons passée en revue, nous comprendrons que notre unique refuge dans cet affreux débordement du mal, c’est Dieu seul.
Ces chapitres se lient ensemble par une phrase caractéristique, répétée à quatre reprises. « En ces jours-là, il n’y avait pas de roi en Israël ; chacun faisait ce qui était bon à ses yeux » (17: 6 ; 21: 25). « En ces jours-là, il n’y avait pas de roi en Israël » (18: 1 ; 19: 1).
Ainsi, l’état du peuple en ces mauvais jours est dépeint par
deux faits. D’abord : « Il n’y avait pas de roi en Israël ». Le temps
n’était pas encore où Israël demanderait : « Établis sur nous un roi pour
nous juger, comme toutes les nations
»
(1 Sam. 8: 5). Jusqu’ici, le peuple avait eu l’Éternel pour roi ;
maintenant, Dieu était oublié ou laissé de côté, quoique la royauté selon le
mode des nations ne fût pas encore établie. Le peuple avait abandonné le système
du gouvernement divin, sans avoir encore proclamé sans réserve celui du
gouvernement du monde. Ce fait caractérise aussi la chrétienté de nos jours.
En second lieu : « Chacun faisait ce qui était bon à ses
yeux ». On avait, comme aujourd’hui, le
règne de la liberté de conscience
. Chacun prétendait avoir pour règle les
« lumières de sa conscience », tandis que la vraie lumière de la parole de Dieu
était laissée de côté et qu’on n’en parlait plus. Combien ces temps différaient
d’avec ceux de Josué, où la Parole était l’unique guide et l’unique autorité
d’Israël, en tout ce qu’il entreprenait (Josué 1: 7-9. Voyez entre autres chap.
3 ; 4: 6 ; 8: 30-35, etc). Or, en réalité, la conscience, malgré sa
valeur immense pour l’homme, n’est pas un guide, mais un juge, ce qui est tout
autre chose. Ce juge qu’il n’écoute pas, l’homme prétend l’honorer en le
choisissant pour guide. Mais comment le conduira-t-elle, cette conscience qui
peut être endormie, endurcie, cautérisée ? Ces chapitres nous montrent où
elle conduisit les Israélites, lorsque chacun faisait ce qui était bon à ses
yeux. L’idolâtrie avait poussé racine à côté de quelques formes religieuses qui
restaient encore. On se laissait aller aux mouvements de son coeur pourvu que
l’on crût bien faire, et l’on se précipitait dans d’affreuses iniquités. « Ils
croient bien faire », c’est aujourd’hui, comme jadis, le mot d’ordre qui
sanctionne même l’apostasie du christianisme.
L’oubli complet des ordonnances de la parole de Dieu caractérise Michée, cet homme de la montagne d’Éphraïm, et sa mère. L’un dérobe, quand la loi avait dit : « Tu ne déroberas point » (Ex. 20: 15), et sa conscience ne parle pas quand il avoue ce fait. La mère consacre de sa main l’argent à l’Éternel pour son fils, « afin d’en faire une image taillée, et une image de fonte » (v. 3), alors qu’il était dit : « Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face. Tu ne te feras point d’image taillée » (Ex. 20: 3, 4). Chose pire que la simple idolâtrie, elle joignait l’Éternel à ses idoles, et sa conscience ne lui disait rien. Elle s’était fait un culte à sa façon, auquel son fils coupable s’associe pleinement. Le culte du monde religieux d’aujourd’hui n’en diffère pas autant qu’il pourrait paraître, car le nom de l’Éternel s’y mélange aux objets des convoitises du coeur de l’homme, à toutes ces choses dont il est dit : « Enfants, gardez-vous des idoles » (1 Jean 5: 21). L’art, la musique, l’or et l’argent et les choses précieuses, ornent ce qu’on appelle le culte de Dieu ; tandis que les hommes y donnent place à ce que le monde estime et convoite, aux richesses, à l’influence, à la sagesse humaine.
« Michée eut une maison de dieux, et il fit un éphod et des théraphim », associant les faux dieux à l’éphod, forme sans valeur du culte judaïque, séparée du sacrificateur qui la portait. Puis il « consacra l’un de ses fils, et celui-ci fut son sacrificateur » (v. 5). Plus que jamais la parole de Dieu était oubliée. Son fils était sans droit à la sacrificature, Michée sans droit pour le consacrer.
Un fait nouveau surgit. Un lévite de Juda, ayant comme tel des
rapports avec la maison de l’Éternel, mais aucun droit à la sacrificature,
passe par aventure, cherchant un lieu de séjour. Michée s’empare de cet homme
qui lui apporte une apparence de
succession religieuse.
« Demeure avec moi, et tu seras pour moi un père et
un sacrificateur, et je te donnerai dix pièces d’argent par an, et un
habillement complet, et ton entretien » (v. 10). Michée est en progrès ; il
établit
chez lui un lévite
authentique, valant pour lui mieux que son fils, il l’entretient
et le paie.
C’est
un clergé constitué sur les mêmes principes que tous les clergés de nos jours.
Remarquons en passant comment Dieu nous raconte ces choses. Il ne blâme pas, ne
s’indigne pas ; il énumère les faits et les place devant nous. Ceux qui
sont spirituels distinguent ce que Dieu blâme ou ce qu’il approuve, et
apprennent à être aussi étrangers que Dieu lui-même à tous les principes dont
ce chapitre nous fait le triste tableau. L’homme charnel reste dans son
aveuglement. Michée, en faisant ce qui était bon à ses yeux, pensait se
concilier la faveur de l’Éternel ! « Et Michée dit : Maintenant je
connais que l’Éternel me fera du bien, puisque j’ai un lévite pour
sacrificateur » (v. 13).
Ce chapitre nous présente les rapports de l’une des tribus avec le système religieux dont nous avons vu l’établissement au chap. 17. Dan s’était montré la plus faible des tribus d’Israël. Repoussé dans la montagne par les Amoréens (1: 34), et manquant de foi pour s’emparer de son héritage, il envoie cinq hommes en reconnaissance pour lui chercher la part qui lui manquait encore. Laïs, ville tranquille et prospère, était située à l’extrémité nord de Canaan, éloignée des Sidoniens auxquels elle se rattachait, et sans commerce avec personne. Cette ville offre à Dan une conquête sans gloire, mais lui présente en outre tout ce que le coeur naturel peut désirer. « C’est un lieu », disent les envoyés, « où rien ne manque de tout ce qui est sur la terre » (v. 10). À part la perversité, Laïs, comme Sodome avant sa destruction, ressemblait à un jardin de l’Éternel ; conquête digne d’un Lot et non d’un Abraham, qui tente la tribu de Dan affaiblie et relâchée. Dan avait un combat à livrer, une victoire à gagner dans ses propres limites, sur l’Amoréen de la vallée ; ce combat lui coûte trop cher ; il lui préfère une conquête sans péril, remportée au bout de la terre, loin des yeux des témoins de l’Éternel, et de l’endroit où se trouve l’ennemi réel, laissé, sans mot dire, en possession du vrai héritage de Dan.
En route, ces cinq hommes rencontrent le lévite dans la maison
de Michée et lui demandent : « Qui t’a amené ici, et que fais-tu par ici,
et qu’as-tu ici ? » (v. 3). Ces questions auraient dû ouvrir les yeux du
lévite, si des questions en étaient capables. Que pouvait-il répondre, en
effet ? Sa volonté l’avait amené,
car
il cherchait à s’établir ; il faisait
ce que Michée lui avait dit de faire ; il avait
de l’argent, une paye. Autant de caractères du clergé, qui
peut subsister entièrement sans Dieu, dépendre des hommes et travailler en vue
d’un salaire.
« Et ils lui dirent : Nous te prions, interroge Dieu, afin que nous sachions si notre chemin par lequel nous allons prospérera » (v. 5). C’est auprès d’un tel homme que les hommes cherchent une direction pour leur marche, aussi reçoivent-ils la réponse qu’ils désirent : « Allez en paix, le chemin où vous marchez est devant l’Éternel ». (v. 6). À cette fausse prétention d’être l’oracle du peuple, il faut mêler le nom de l’Éternel, sous peine de n’être pas le clergé.
Plus tard, la tribu de Dan revenant en armes, son premier soin
est de s’emparer en passant des dieux de Michée et d’accaparer son
sacrificateur. Ils font miroiter devant ses yeux l’avancement qu’il aura :
« Vaut-il mieux pour toi d’être sacrificateur de la maison d’un homme seul, ou
d’être sacrificateur d’une tribu et d’une famille en Israël ? » (v. 19). Il
est appelé à une position plus influente et plus lucrative. La volonté de Dieu
n’entre pour rien dans les pensées du sacrificateur. Son coeur se réjouit
d’être appelé à un nouveau poste (v. 20) ; prenant « l’éphod, et les
théraphim, et l’image taillée, il s’en alla au milieu du peuple » (v. 20). Il
emporte avec lui ses idoles, et c’est avec celui que les hommes appellent « leur
sacrificateur », que l’idolâtrie prend au milieu de Dan un caractère officiel.
Michée court après les ravisseurs : « Vous avez pris », leur dit-il, « mes dieux que j’ai faits, et le sacrificateur, et vous vous en êtes allés ; et que me reste-t-il ? » (v. 24). Quelle parole ! On lui avait pris sa religion et son clergé, et il ne lui restait rien ! Un homme de foi n’aurait pu ressentir la perte de ces choses ; il lui serait resté Dieu lui-même, sa Parole, la sacrificature de Dieu, et la maison de Dieu à Silo.
Les fils de Dan vont leur chemin, frappent Laïs, s’emparent de la ville, et « l’appellent du nom de Dan, d’après le nom de Dan, leur père ». (v. 29). Le nom de Dan a plus d’importance pour eux que le nom de l’Éternel. Tel est, en quelques mots, le sombre tableau de l’histoire religieuse d’Israël.
Les chap. 17-18 nous ont présenté l’état religieux d’Israël et l’influence exercée sur lui par la classe pseudo-sacerdotale. Cette soi-disant sacrificature, religieusement corrompue, entretenait dans le peuple la corruption religieuse. Si les scènes qui commencent au chap. 17, appartiennent, comme nous l’avons vu, au temps qui précède les juges, leur transposition était nécessaire pour établir à nos yeux, comme en un tableau, la gradation solennelle du mal en Israël. C’est un peu la marche suivie par l’Esprit de Dieu dans l’évangile de Luc, où les faits sont groupés hors de leur date, pour donner une impression d’ensemble à certaines vérités morales.
Samson, le dernier des juges, invoquait encore l’Éternel en certaines circonstances mémorables de sa vie, le lévite de Juda ne l’invoque plus que sur la tête de ses images et de ses théraphim ; le lévite d’Éphraïm, dont nous allons considérer l’histoire, ne l’invoque, hélas ! plus du tout. L’Éternel semble ne plus exister pour lui ; cependant cet homme est un lévite et fait partie d’une race mise à part pour le service de l’Éternel, de la sacrificature et de la maison de Dieu.
Au chap. 19, nous trouvons les rapports du lévite d’Éphraïm, non
plus avec l’état religieux
mais avec
l’état moral
du peuple. Ce dernier
est pire encore que le premier. La femme que le lévite avait prise, le quitte
après lui avoir été infidèle. Il court après elle, comme son coeur le mène et,
faisant ce qui lui semble bon, s’unit à cette femme prostituée. Cela satisfait
le père de cette dernière, qui voit dans l’action du lévite la réhabilitation
de sa fille. Hélas ! cet acte est aussi, sans qu’il s’en doute, la
justification du mal et une sanction de la souillure, d’autant plus grave
qu’elle a pour garant le caractère sacré de cet homme. Le père retient son
beau-fils, car plus il reste, plus la réhabilitation devient publique et
éclatante. Le monde nous montre son amabilité dans la proportion où nous
servons ses intérêts ; l’alliance avec la famille de Dieu ne lui est point
contraire. Le lévite se laisse attarder dans ce chemin. N’ayant pas Dieu et
n’ayant que sa conscience pour se diriger, il se laisse influencer par
d’autres, manque l’occasion et tombe dans le malheur.
Cet homme qui s’allie à une prostituée ne voudrait pas entrer
chez les Jébusiens. Il en est parfois ainsi du chrétien. Il craint de
s’associer extérieurement au monde, tandis que chez lui les sources intérieures
sont impures. On peut être très strict quant à sa marche publique, très relâché
quant à la sainteté individuelle. « Nous ne nous détournerons pas vers une ville
des étrangers, qui n’est pas des fils
d’Israël
» (v. 12).
Le lévite est
plus attaché à son peuple qu’à l’Éternel, ou plutôt ce dernier n’entre pas même
en ligne de compte. Fuyant les Jébusiens par orgueil national plus que par
piété, il semblerait à l’entendre que ce qui vient d’Israël ne peut être que
bon, alors qu’Israël a déjà outrageusement abandonné l’Éternel. Ces principes
n’ont pas changé et caractérisent autant notre ruine que celle de l’ancien
peuple. On vante n’importe quelle secte de la chrétienté en contraste avec les
nations idolâtres, quand déjà la chrétienté elle-même est devenue le repaire de
toute corruption morale et religieuse. Le lévite va s’apercevoir qu’il n’est
pas reçu au milieu d’un peuple auquel Dieu avait recommandé expressément de ne
pas délaisser le lévite (Deut. 12: 19). La profession corrompue n’offre pas
d’abri au serviteur de l’Éternel (je ne parle pas ici du caractère moral de cet
homme). On voit au v. 18, les sentiments que de pareils procédés font naître
dans le coeur du lévite. « J’ai à faire avec la maison de l’Éternel, et il n’y a
personne qui me reçoive dans sa maison ». Un étranger isolé, qui séjourne au
milieu de la corruption de Guibha et en a conscience, comme Lot de celle de
Sodome, car il dit : « Mais ne passe pas la nuit sur la place » (v. 20),
reçoit le voyageur dans sa maison. Alors une chose affreuse arrive. Les
passions impures des hommes qui portent le nom de l’Éternel égalent en horreur
celles de la ville maudite. De telles choses ont lieu en Israël, bien pires que
l’histoire de Lot, car, comme les mouches mortes font puer le parfum, la
corruption du peuple de Dieu est la pire des corruptions. Aussi ne voyons-nous
pas des anges intervenant pour délivrer le juste. L’hôte du lévite parle comme
Lot à la porte, acceptant un mal pour en éviter un pire. C’est nécessairement
le principe d’action des croyants qui demeurent au milieu du monde. Dieu
préserve cet homme de voir sa maison souillée par ces infâmes, mais lui
ne voyait pas d’autre chemin. Le
lévite livre sa femme à l’opprobre. Cette issue pouvait être évitée par un
appel à Dieu, par le souvenir de sa protection aux jours d’autrefois. Ne
pouvait-il pas, comme jadis, frapper ce peuple d’aveuglement ? Mais nul
cri d’angoisse ne monte vers lui ; du coeur du lévite à l’Éternel il n’y a
pas de chemin.
La misérable femme, revenue de sa prostitution première, sans repentance ni travail de conscience, meurt des épouvantables suites de ce qu’elle avait convoité jadis. Dieu laisse le mal s’accomplir, mais, comme les chapitres suivants nous l’apprendront, de ce mal atroce il va tirer sa gloire.
La parole de Dieu nous présente deux grands sujets. D’une part, ce qu’est Dieu ; de l’autre, ce qu’est l’homme. Jamais Dieu ne cherche à voiler la condition de l’homme, car s’il le faisait, il ne serait pas le Dieu qui est lumière, et sa Parole serait faussée dans ses deux éléments. Quant à l’homme, Dieu nous le dépeint indifférent, aimable ou religieux selon la nature, violent ou corrompu, égoïste toujours, hypocrite, impie, apostat ; sans loi, sous la loi, sous la grâce, et cela dans toutes les circonstances et à tous les degrés — comme aussi Dieu nous montre le travail de la grâce, sous toutes ses formes et à tous ses degrés, dans le coeur de l’homme. Nous obtenons ainsi un tableau divin de notre état, et nous sommes forcés de conclure que nous sommes sans ressource en nous-mêmes, et qu’il n’y a de ressource que dans le coeur de Dieu.
À la suite du crime de Guibha, de l’extrême nord à l’extrême
sud, toutes les tribus se rassemblent « comme
un seul homme,
vers l’Éternel, à Mitspa » (v. 1). Il semble manquer bien peu
à cette unanime protestation contre le mal. Nous trouvons du zèle
pour s’en enquérir et s’en
purifier, et le sentiment de la solidarité
d’Israël qui, plus tard, sous Debora, Gédéon et Jephthé, fera défaut. La
réunion, l’action et les sentiments des onze tribus offrent surtout une belle
apparence d’unité
(v. 1, 8, 11), car
la plus petite tribu, et bien plus une tribu coupable, seule manquait. Le centre
de l’unité du peuple était
reconnu, car c’est « vers l’Éternel » qu’ils se rassemblent à Mitspa, « devant
l’Éternel » qu’ils montent à Béthel. Que manquait-il donc à Israël ? Une
chose, « le premier amour ». Le
premier amour s’adresse à la fois à Dieu et aux frères. Envers Dieu,
cet amour s’était refroidi. Israël écoute, délibère,
décide, puis consulte Dieu (v. 18). Au lieu de commencer par la parole de Dieu,
il finit par elle.
Elle n’est pas absente, mais n’occupe plus la première place. C’est une marque
de l’abandon du premier amour. « Celui qui a mes commandements et qui les garde,
c’est celui-là qui m’aime ». « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole » (Jean
14: 21, 23). « C’est ici l’amour de Dieu, que nous gardions ses commandements »
(1 Jean 5: 3). Une autre marque, c’est que la honte
infligée à Israël (v. 6, 10, 13) touche plus les coeurs que
le déshonneur fait à Dieu. Combien souvent, dans toute discipline d’assemblée,
une telle tendance se fait jour ! C’est que Dieu n’a plus, dans nos
coeurs, la place qu’il devrait occuper.
L’abandon du premier amour se montre aussi dans notre manière
d’agir envers nos frères.
Les
rapports avec Dieu et avec les frères sont, du reste, intimement liés. « Celui
qui aime Dieu, aime aussi son frère » (1 Jean 4: 21). Israël voit en Benjamin un
ennemi, et, malgré la belle apparence d’unité, ne considère pas le péché d’une
tribu comme celui de tout le peuple. Ils disent : « Quel est ce mal qui est
arrivé au milieu de vous
? » (v.
12,) non pas de nous
. Quelle
différence entre cet amour et celui qui nous est décrit en 1 Cor. 13:
4-7 ! Le zèle ne manquait pas, mais ne remédie jamais à l’abandon du
premier amour. « Tu ne peux supporter les méchants » d’Apoc. 2: 2, se retrouve
ici, mais comme plus tard à Éphèse, le Seigneur pouvait dire à son peuple :
« J’ai quelque chose contre toi ». Ils ajoutent : « Que nous ôtions le mal du
milieu d’Israël » (v. 13), mais où étaient les affections fraternelles ?
C’est toujours, du reste, en tout temps, le danger de la discipline, aussi les
Corinthiens sont-ils exhortés à ratifier leur amour envers celui qui était
tombé, après que la discipline avait eu son cours. Si le peuple, s’adressant à
Benjamin, dit « vous » au lieu de « nous », le « nous » d’autre part usurpe la place :
« Livrez-nous
ces hommes… afin que nous
les fassions mourir et que nous
ôtions le mal du milieu d’Israël »
(v. 13). L’abandon du premier amour ouvre la porte à l’importance personnelle.
Que dirons-nous de Benjamin ? Il avait gravement péché en
supportant le mal dans son sein. La remontrance d’Israël, au lieu de
l’humilier, le pousse à un acte des plus graves : Il sort « en guerre
contre les fils d’Israël » (v. 14), puis à un acte plus grave encore : il
s’allie avec le mal. Benjamin se rassemble à Guibha, dénombre Guibha, se range
en bataille devant Guibha, sort de Guibha (v. 14, 15, 20, 21). Son manque
d’humiliation a une terrible conséquence ; non seulement il ne juge pas le
mal, mais arrive nécessairement, fatalement, à l’excuser, en prenant parti avec
le méchant contre le peuple de Dieu. Il se donne bien, il est vrai, l’apparence
d’être « sans
les hommes de Guibha »
(v. 15), mais il les dénombre et profite de leurs 700 guerriers d’élite. Dans
cette armée, les « gauchers » sont aussi nombreux que l’élite de Guibha,
faiblesse qui devient force au service de l’Éternel, quand c’est un Éhud qui
combat. Ici, les gauchers sont habiles contre l’Éternel ; leur main qui
devrait être apte à la défense, se trouve forte à l’attaque et trompe ceux qui
leur font face.
Tous les préliminaires épuisés, Israël interroge Dieu (v. 18). Que Juda monte le premier, répond Celui qui veut discipliner Israël. Vingt-deux mille hommes de Juda mordent la poussière. Quelle grâce de Dieu dans cette défaite ! Israël doit apprendre qu’il ne peut y avoir de vainqueur, ni de vaincu, dans les combats entre frères, mais que tous doivent être vaincus pour que l’Éternel triomphe à la fin. Dieu se sert aussi de la défaite pour restaurer son peuple bien-aimé. Israël sort fortifié d’un combat qui lui a coûté ses forces vives, car il en sort jugé à fond par Dieu lui-même. Lorsque leurs vingt-deux mille sont tombés, les fils d’Israël se fortifient (v. 22). Voyez quels fruits porte pour eux le châtiment : 1° Il les fait rechercher la présence de l’Éternel à Béthel. 2° Au lieu de l’indignation humaine, les voici maintenant affligés d’une affliction selon Dieu, et leurs pleurs en sont la preuve. 3° L’affliction n’est point passagère, car ils pleurent jusqu’au soir. 4° Ils apprennent à dépendre plus réellement de la parole de Dieu, et ne disent plus : « Qui de nous montera le premier ? » mais : « M’approcherai-je de nouveau ? » 5° Enfin l’affection renaît pour le frère en chute, car ils disent : « les fils de Benjamin, mon frère » (v. 23). Résultat digne de Dieu ! Ce n’est pas la victoire, c’est la défaite qui produit ces choses, fruits bénis de la discipline, et cependant d’autres fruits restent encore à produire. « Montez contre lui », dit l’Éternel.
Une seconde défaite étend morts 18.000 hommes d’Israël. Alors l°
« Tous
les fils d’Israël et tout
le peuple montèrent et vinrent à
Béthel ». Aucun ne manque : ils sont unanimes pour chercher l’Éternel. 2°
Au lieu de pleurer jusqu’au soir, « ils pleurèrent et demeurèrent là devant
l’Éternel ». L’affliction s’approfondit et s’exprime d’une manière plus durable
devant Dieu. 3° Et ils « jeûnèrent ce jour-là jusqu’au soir ». C’est plus que
l’affliction ; c’est l’humiliation, le jugement de la chair et la
repentance. 4° « Et ils offrirent des holocaustes et des sacrifices de
prospérités devant l’Éternel ». Ils retrouvent ces deux choses d’une valeur
infinie, l’appréciation du sacrifice et la communion. La dépendance de la
parole de Dieu et la réalisation de sa présence acquièrent, sous la discipline
de Dieu, une tout autre valeur. Le peuple a conscience de se trouver devant
Dieu lui-même assis sur l’arche entre les chérubins, et s’approche de lui par
un sacrificateur vivant qui intercède pour Israël. 6° Enfin la volonté propre
est complètement brisée : « Sortirai-je… ou cesserai-je ? » (v.
26-28). Quelle restauration ! Et ce qui l’a amenée, c’est un mal
horrible ; non pas que Dieu abaisse le niveau du mal, mais l’intérêt qu’il
porte à son peuple se sert même du mal pour le bénir. Désormais, Dieu peut
bénir et promettre la victoire.
Alors a lieu la bataille où Israël restauré, faisant encore l’expérience de sa faiblesse et de son incapacité, remporte la victoire, mais perd une tribu presque entière. Benjamin est défait par le peuple humilié qui se montre plus faible que lui. C’est le principe de toute discipline dans l’assemblée. Sans amour, sans dépendance de Dieu et de sa Parole, sans jugement de soi-même, la discipline sera toujours fautive. Ce n’est qu’à de telles conditions que l’assemblée pourra se purifier du vieux levain.
La restauration d’Israël a pour conséquence le refus absolu de
toute alliance avec le mal. « Et les hommes d’Israël jurèrent à Mitspa,
disant : Nul de nous ne donnera sa fille pour femme à Benjamin » (v. 1).
Quand les âmes, en un temps de ruine, retrouvent, sous l’action de la grâce,
les affections premières pour le Seigneur, elles ne deviennent jamais,
souvenons-nous-en, plus tolérantes pour le mal. Plus la communion avec Dieu est
intime, plus elle nous sépare du mal. Cette séparation n’émousse point les
affections du coeur des fidèles à l’égard de leurs frères ; on le voit
ici. Pour la troisième fois, le peuple monte à Béthel. Ce lieu qu’il a retrouvé
lui devient indispensable. La défaite l’y avait poussé ; la victoire lui
en fait reprendre le chemin. « Et ils demeurèrent là jusqu’au soir devant Dieu ».
Lors de la visite précédente, « ils pleurèrent
et demeurèrent
devant l’Éternel » ; ici, la première
chose est de demeurer. « Mon coeur a dit pour toi :
Cherchez ma face. Je chercherai ta face, ô Éternel ! » Est-ce notre
bonheur, au milieu du mal et des tristesses du jour actuel, de chercher la face
du Seigneur et de demeurer jusqu’au soir devant lui ? Les larmes viennent
ensuite, et quelles larmes ! « Ils élevèrent leur voix et pleurèrent amèrement ».
Pour la première fois,
sentant toute l’amertume de la plaie, ils disent : « Éternel, Dieu
d’Israël, pourquoi ceci est-il arrivé en Israël, qu’il manque aujourd’hui à
Israël une tribu ? » Ils ne disent pas : Le mal est ôté, nous sommes
enfin en repos et tranquilles. L’amertume est en raison des affections
retrouvées pour l’Éternel et les frères. La brèche est faite, il manque une
tribu ; le corps sent la douleur de cette amputation. Le Dieu d’Israël est
déshonoré, lui qui avait devant les yeux, dans son tabernacle, la table d’or
avec les douze pains de proposition. Israël ne pense plus à son déshonneur
comme avant son humiliation. Les pleurs d’amertume sont répandus devant
l’Éternel, et c’est quand l’unité semble à tout jamais perdue, que sa
réalisation morale se trouve dans le coeur du peuple. Aux yeux de l’Éternel,
elle est davantage la vraie unité, que l’unité apparente du peuple déchu au
commencement du chap. 20.
Les premiers rayons du matin voient Israël à l’oeuvre pour bâtir un autel. Le peuple peut dire avec le psalmiste : « Je te cherche au point du jour ». L’humiliation, la ruine, n’empêchent pas le culte. Quelle grâce qu’il reste un autel de l’Éternel au milieu de cet état de choses ! Trois faits ont précédé ce culte et y ont conduit : la séparation résolue de tout le mal, la recherche de la présence de Dieu, la ruine profondément sentie et reconnue. C’est là qu’ils offrent des holocaustes et des sacrifices de prospérités : là que le coeur comprend ce qu’est le sacrifice de Christ pour Dieu, et la part que Dieu nous y donne avec lui.
Toutes ces bénédictions retrouvées sur le chemin de
l’humiliation, sont le point de départ du jugement de Jabès de Galaad. Ce
dernier n’était pas monté vers l’Éternel dans la congrégation à Mitspa. C’était
à la fois l’indifférence au jugement du mal qui avait déshonoré Dieu au milieu
d’Israël, et le mépris de l’unité du peuple établie de Dieu, et que l’attitude
des onze tribus humiliées avait affirmée d’une manière éclatante. Les gens de
Jabès disaient, sans doute : Cela ne nous regarde pas. Que de fois nous
avons entendu ces paroles de nos jours ! Leur état était pire que celui du
méchant lui-même. Pour un pareil refus, il n’y a pas de merci ; mais avant
d’exécuter le jugement, c’est la
miséricorde qu’Israël se plaît à méditer. « Et les fils d’Israël se repentirent
à l’égard de Benjamin, leur frère, et ils dirent : Une tribu a été
aujourd’hui retranchée d’Israël.
Que ferons-nous pour ceux qui restent, pour qu’ils aient des femmes, vu que nous avons juré par l’Éternel de ne pas leur donner de nos filles ? » (v. 6-7). Bien plus, le jugement ne sert qu’à exercer cette miséricorde, car le retranchement de Jabès a pour but la restauration de Benjamin. Voilà ce qu’Israël avait retiré de ce long et douloureux conflit. Bienheureux celui qui y apprend de telles choses et qui sait concilier la « parfaite haine » pour le mal, avec un amour sans mélange pour ses frères. Les 400 vierges de Jabès sont données pour femmes au pauvre résidu de Benjamin.
Cela ne suffit pas encore ; il faut que la plaie soit entièrement bandée. L’amour est ingénieux pour la guérir. Il suggère à Israël un moyen d’aider ses frères, sans renier ses obligations envers Dieu et sans abaisser le niveau de la séparation du mal. Israël se laisse piller par Benjamin à Silo (v. 17-21), pour ainsi dire sous le regard de l’Éternel. Abandonnant le rôle de vainqueur et consentant à être le vaincu, il laisse le dernier mot à son frère si cruellement éprouvé par la discipline.
« Et s’il arrive », disent-ils, « que leurs pères ou leurs frères
viennent nous quereller, nous leur dirons : Usez de grâce envers nous à
leur sujet, car nous n’avons pas reçu chacun sa femme par la guerre » (v. 22).
Israël ne dit pas : Ils
n’ont
pas reçu, mais « nous
n’avons pas
reçu ». Cette parole qui dénote leur délicatesse et leur tendresse pour
Benjamin, comme elle diffère de cette autre parole : « Quel est ce mal qui
est arrivé au milieu de vous
? »
(20: 12). Israël ne sépare plus sa cause de celle de ses frères. Cette unité du
peuple, formée par Dieu lui-même, a retrouvé toute son importance aux yeux des
fidèles en ces jours fâcheux du déclin.
Puisse-t-il en être de même pour nous, mes frères ! Si les hommes, si des chrétiens même, estiment peu la divine unité de l’Église, ou, quand ils doivent en avouer la perte extérieure, cherchent à lui substituer de pauvres replâtrages, et se contentent d’apparences d’unité qui ne trompent pas même ceux qui les recommandent ; si les hommes, en un mot, établissent des alliances entre leurs sectes diverses, alliances par lesquelles ils justifient la ruine en la constatant ; détournons-nous de semblables choses ; humilions-nous de la ruine de l’Église, sans nous y conformer ; proclamons hautement qu’il « y a un seul corps et un seul Esprit » ; appliquons-nous « à garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Éph. 4: 3-4) ; refusons toute communion avec le mal moral et religieux du jour ; et par-dessus toutes ces choses, revêtons-nous « de l’amour, qui est le lien de la perfection » (Col. 3: 14).
Tel est l’enseignement de ce livre des Juges. Il se termine par la répétition solennelle de ce qui caractérise les « mauvais jours ». « En ces jours-là, il n’y avait pas de roi en Israël ; chacun faisait ce qui était bon à ses yeux » (v. 25). Dieu ne change pas cet état déplorable ; il le constate ; mais il détourne les siens des clartés confuses d’une conscience qui, tout en les jugeant, ne les a jamais guidés, et il les ramène à la lumière éclatante de sa Parole infaillible, capable de les conduire, de les édifier et de leur donner un héritage avec tous les sanctifiés. (Conf. Actes 20: 32). « À la loi et au témoignage, », telle est notre sauvegarde en un temps de ruine ! (És. 8: 19).