MÉDITATIONS sur le LIVRE DE JOSUÉ

par Henri Rossier


Première édition : 1884


Table des matières :

1 - CHAPITRE 1

1.1 - Le Conducteur

1.2 - Le pays et ses limites.

1.3 - Qualités morales nécessaires pour entrer en Canaan.

1.4 - Ceux qui entrent en Canaan.

2 - CHAPITRE 2 : Rahab

3 - CHAPITRE 3 : Le Jourdain

4 - CHAPITRE 4 : Les douze pierres en Guilgal

4.1 - Les douze pierres sur la rive

4.2 - Les douze pierres au milieu du Jourdain

5 - CHAPITRE 5 : La circoncision

5.1 - Guilgal

5.2 - La nourriture de Canaan

5.3 - Le chef de l’armée de l’Éternel

6 - CHAPITRE 6 : Jéricho

7 - CHAPITRE 7 : Aï et l’interdit

8 - CHAPITRE 8 : Moyens et procédés du relèvement

8.1 - Moyens et procédés du relèvement

8.2 - Résultats de la discipline

9 - CHAPITRE 9 : Le piège de Gabaon

10 - CHAPITRE 10 : La victoire de Gabaon

11 - CHAPITRE 11 : La victoire de Hatsor

11.1 - Hatsor

11.2 - Les Anakim

12 - CHAPITRE 12 : Énumération des rois vaincus

13 - CHAPITRES 13-19 : Division du pays

13.1 - Division du pays

13.2 - La part de Lévi

14 - CHAPITRE 14 : La persévérance de Caleb

15 - CHAPITRES 20-21 : Les villes de refuge

16 - CHAPITRE 22 : L’autel de Hed

17 - CHAPITRE 23 : Dernières instructions de Josué

18 - CHAPITRE 24 : La grâce opposée à la loi


1 - CHAPITRE 1

Le livre de Josué nous présente, en type, le sujet de l’épître aux Éphésiens. La traversée du désert était arrivée à son terme. Il s’agissait maintenant, pour l’assemblée d’Israël, de passer le Jourdain sous la conduite d’un nouveau guide, et de prendre possession du pays de la promesse en dépossédant les ennemis qui l’habitaient. Il en est de même pour nous. Notre Canaan, ce sont les lieux célestes, où nous entrons dans la puissance de l’Esprit de Dieu qui nous unit avec un Christ mort et ressuscité, et nous fait asseoir en lui dans la gloire, jouissant par anticipation de cette gloire qu’il s’est acquise, dans laquelle il veut nous introduire, et que nous aurons bientôt avec lui. Mais, en attendant, nous avons à livrer le combat de la foi contre les malices spirituelles qui sont dans les lieux célestes, pour nous approprier chaque pouce du terrain que Dieu nous a donné en héritage. La différence entre le type et la réalité, c’est qu’Israël avait terminé la marche du désert avant d’entrer en Canaan, tandis que, pour nous, le désert et Canaan subsistent ensemble. La bénédiction n’en est que plus étendue.

Si le désert nous apprend que nous avons encore besoin d’être « humiliés et éprouvés pour connaître ce qui est en nos coeurs », en réponse à nos infirmités nous y faisons la délicieuse expérience des ressources divines au milieu de cette terre altérée et sans eau : Dieu ouvrant sa main pour nous nourrir de manne, nous désaltérer de l’eau du rocher, et nous faire goûter les ressources inépuisables de sa grâce, car rien n’a manqué à son peuple : « Ton vêtement ne s’est point usé sur toi, et ton pied ne s’est point enflé pendant ces quarante ans » (Deut. 8: 4). Mais nous nous trouvons en outre, au même temps, si ce n’est au même moment, dans les pâturages herbeux et les eaux paisibles d’une riche contrée dont nous goûtons les prémices ; nous pouvons nous asseoir en paix à la table dressée au delà du Jourdain, et savourer les mets de cette table, en jouissant d’un Christ céleste, assis dans la gloire, à la droite de Dieu.

1.1 - Le Conducteur

Au moment où commence cette nouvelle étape de l’histoire d’Israël, Josué est appelé à prendre la conduite du peuple. Cet homme remarquable apparaît pour la première fois en Ex. 17, lors du combat contre Amalek, et cette apparition nous donne la clef de son caractère typique. Tandis que Moïse, type en cet endroit de l’autorité divine, intimement associée à la sacrificature céleste et à la justice de Christ, se tenait en haut sur la montagne pendant le combat, il y avait en bas, dans la plaine, un homme, associé au peuple qu’il conduisait, un homme « en qui est l’Esprit », comme dit l’Éternel à Moïse (Nomb. 27: 18), et qui dirigeait la bataille de l’Éternel. Ce Josué, c’est Christ ; mais Christ en nous, ou parmi nous ici-bas, dans la puissance du Saint Esprit. Désormais, comme Moïse conducteur avait été inséparable d’Israël au désert, il en sera de même pour Josué conducteur du peuple en Canaan. Il est dit de ce dernier : un homme « qui sorte devant eux et entre devant eux, et qui les fasse sortir et les fasse entrer ; et que l’assemblée de l’Éternel ne soit pas comme un troupeau qui n’a pas de berger… et tu mettras sur lui de ta gloire, afin que toute l’assemblée des fils d’Israël l’écoute » (Nombres 27: 17, 20).

1.2 - Le pays et ses limites.

Au v. 2, il est fait mention du Jourdain, barrière qui séparait le peuple de la terre promise. Pour entrer en Canaan, il fallait le passer sous la conduite de Josué. Leur héritage était un pur don de la grâce de Dieu : « Le pays que je leur donne à eux, les fils d’Israël ». Il était à eux de la part de l’Éternel, mais il s’agissait pour le peuple, non seulement de possession, mais d’entrée en possession : « Tout lieu que foulera la plante de votre pied, je vous l’ai donné » (v. 3). Or nous aussi, nous avons spirituellement toutes ces choses. La pure grâce de Dieu nous a donné le ciel, mais nous ne pouvons y entrer qu’en ayant passé à travers la mort et la résurrection avec Christ, et par la puissance de son Esprit. Enfin c’est en nous occupant de ces choses, en y entrant d’une manière diligente et personnelle, que nous saisissons chacune de nos bénédictions, et que nous en éprouvons la réalité céleste. En un mot, le chrétien doit se les approprier par la foi pour en jouir, autrement il serait comme un pauvre roi malade et vivant à l’étranger, qui n’a jamais voyagé dans son royaume.

Au v. 5, nous rencontrons un autre trait important qui caractérise le pays. L’ennemi s’y trouve ; il y a des obstacles ; partout où nous poserons le pied un adversaire surgira. Nous voyons ici clairement, comme on l’a remarqué si souvent, que Canaan n’est pas le ciel tel que nous le trouvons par la mort corporelle, mais le ciel dans lequel se trouve l’ennemi, le ciel, scène du combat actuel du chrétien. Mais, précieuse promesse : « Personne ne tiendra devant toi », dit l’Éternel à Josué, « tous les jours de ta vie », c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il ait établi le peuple en possession définitive du pays. Et quelle sécurité pour le peuple dans cette promesse ! À peine, dit Dieu, tu rencontreras l’ennemi sur ton chemin, qu’il se dispersera. — Victoire ! aurait pu s’écrier le peuple ; Satan ne peut tenir devant nous ! — Pauvre Israël, tu le verras bientôt devant Aï : tu n’es qu’un jouet pour la puissance de Satan, tu n’as point de force pour lui résister. Mais ta puissance est en Christ : « Personne ne tiendra devant toi », dit l’Éternel à Josué, tandis que la promesse était faite au peuple, au v. 3 : « Je vous l’ai donné ».

Remarquez un autre point ; au v. 4, Dieu leur donne la description exacte des limites de Canaan. Quelles sont ces limites ? Plus étendues que le peuple ne les atteindra jamais, si ce n’est quand la gloire millénaire les lui donnera. Il en est de même pour nous. Les lieux célestes sont notre conquête actuelle, partout où notre pied se pose ; mais mesurerons-nous jamais toute l’étendue de notre héritage ? « Nous connaissons en partie » maintenant, mais le jour vient où ce qui est parfait sera venu et où ce qui est en partie aura sa fin. « Alors je connaîtrai à fond comme aussi j’ai été connu ».

Les limites du pays étaient un grand désert, une grande montagne, un grand fleuve et une grande mer. Voilà ce que l’on trouvait en dehors de ce pays fertile, ce sur quoi le peuple ne pouvait ni ne devait poser son pied. Ne trouvons nous pas là le monde avec tous ses caractères moraux, son aridité, sa puissance, sa prospérité, son agitation ? Quant à son aridité, Israël l’avait traversée, mais pour faire l’expérience qu’il n’y avait là aucune ressource pour lui, et que seul le pain du ciel pouvait le nourrir à travers ces solitudes. Tel est, bien-aimés, le caractère des choses qui ne sont pas à nous. Mais à nous est Canaan, le ciel ; Canaan avec ses combats, sans doute, mais avec ses victoires : Canaan avec Josué, et avec « l’Ange de l’Éternel » ; Canaan, avec la paisible jouissance des possessions infinies, se résumant et se concentrant autour et dans la personne d’un Christ ressuscité, assis dans la gloire !

1.3 - Qualités morales nécessaires pour entrer en Canaan.

Au v. 6, nous trouvons l’énergie spirituelle, ce que l’apôtre Pierre appelle « la vertu ». La foi les faisait poser partout la plante de leur pied, la vertu devait être ajoutée à la foi. Mais remarquez encore que cette énergie ne se trouve pas en nous ; elle est en Josué pour le peuple, elle est en Christ pour nous. « Fortifie-toi et sois ferme, car toi, tu feras hériter à ce peuple le pays que j’ai juré à leurs pères de leur donner ». « Bienheureux l’homme dont la force est en toi… ils marchent de force en force ». Ce principe est de toute importance. Combien de chrétiens cherchent à découvrir la force en eux-mêmes, à se sentir forts pour combattre. Leur recherche, si elle ne conduit pas au découragement, n’aboutit qu’au contentement de soi-même, ce qui ne vaut pas davantage. La puissance n’est pas là, elle est en Christ, mais en Christ pour nous. Et pourquoi nous est-elle donnée ? Serait-ce pour nous faire grands à nos propres yeux, ou pour nous glorifier ? Loin de là ; c’est pour nous introduire dans le chemin de l’obéissance (v. 7). Ce sont les petits enfants qui apprennent à obéir. La force nous rend petits ; elle fait un atome de l’homme, afin que la puissance de Christ soit exaltée. Nous trouvons un bel exemple de cette vérité au chap. 6 du livre des Juges. « L’ange de l’Éternel apparut à Gédéon et lui dit : L’Éternel est avec toi, fort et vaillant homme ». Ces deux choses se lient intimement. « Va avec cette force que tu as », lui dit l’Éternel en le regardant. Le voilà immédiatement frappé du sentiment de son néant : « Son millier était le plus pauvre en Manassé et lui le plus petit dans la maison de son père ». Et l’Éternel lui dit : « Moi je serai avec toi … ».

L’obéissance se règle toujours sur la parole de Dieu. Dieu donne la force à Josué, pour prendre garde, dit-il, « à faire selon toute la loi de Moïse ». Mais, avec l’énergie spirituelle nécessaire pour obéir, il faut plus. Il ajoute au v. 8 : « Que ce livre de la loi ne s’éloigne pas de ta bouche, et médite-le jour et nuit, afin que tu prennes garde à faire selon tout ce qui y est écrit ». Il faut donc, outre l’énergie divine, un soin diligent à s’approprier les pensées de Dieu. Il dit  : Médite-la afin de lui obéir. Est-ce bien là notre but quand nous étudions la Parole ? Souvent nous aimons à la lire pour nous instruire, et l’instruction est bonne ; d’autres fois pour enseigner les autres, chose excellente en son lieu ; mais, je le répète, la lisons-nous d’habitude dans le but d’y obéir diligemment ? S’il en était ainsi, comme cela changerait tout le cours de la vie des chrétiens !

Il ajoute : « Médite-la jour et nuit ». Il y a des chrétiens qui lisent un chapitre (hélas ! un verset peut-être) chaque matin, comme une sorte d’amulette qui doit les garder pendant la journée. Est-ce méditer la Parole jour et nuit ? Et nos occupations ? direz-vous. Mais je demande : Est-ce que, tout au travers de vos occupations, la Parole vous nourrit de la part de Dieu, pour la jouissance de vos âmes, et pour vous guider dans le chemin de Christ ? Voilà le moyen de « réussir dans nos voies et de prospérer ».

Au v. 9, nous trouvons un dernier principe : « Ne t’ai-je pas commandé : Fortifie-toi et sois ferme ? » Quelle puissance la certitude de la pensée de Dieu nous donne ! Toute indécision dans la marche, toute épouvante, toute crainte devant l’ennemi, se sont enfuies. Satan ne nous peut rien. Dieu ne nous a-t-il pas commandé ? Tels sont donc les principes qui doivent gouverner le coeur pour jouir des choses célestes et pour combattre les combats de l’Éternel. Il est précieux de les voir établis tout au commencement de ce livre, avant qu’Israël ait fait un seul pas, de manière à lui mettre en mains les armes bien fourbies avec lesquelles il remportera la victoire.

1.4 - Ceux qui entrent en Canaan.

Après nous avoir présenté le conducteur, le pays, et les qualités morales qu’il faut pour y entrer, la Parole nous parle (v. 10-18) de ceux qui sont appelés à en prendre possession. C’est le peuple, et aussi les Rubénites, les Gadites et la demi-tribu de Manassé. Ces derniers ne refusent pas d’entrer, comme l’avait fait autrefois la génération précédente alors que les espions faisaient fondre leurs coeurs. Ils s’associent au contraire à leurs frères et sont au premier rang pour combattre, mais non pour se mettre en possession du pays. Leur territoire est en deçà du Jourdain. Ce qui le leur avait fait choisir, c’étaient leurs circonstances ; ils avaient beaucoup de bétail ; le pays était propre à tenir du bétail, s’adaptait à de telles circonstances (Nombres 32: 1). Il en est de même d’une foule de chrétiens, et l’on pourrait dire qu’aujourd’hui ce sont plutôt les neuf tribus et demie qui ont élu leur domicile en deçà du Jourdain. Ce qui fait le fond de la vie chrétienne pour la plupart des croyants, ce sont les circonstances de la vie, les besoins de chaque jour, l’abondance ou la disette, les enclos pour leurs troupeaux, ou les villes pour leurs familles. (Nomb. 32: 16). Or ces chrétiens ne manquent pas de foi proprement : ils font au contraire l’expérience que le Seigneur peut entrer en grâce dans toutes leurs circonstances, s’y adapter ; et qu’il le fait, lui qui est descendu pour apporter la bénédiction divine sur cette terre. Ils n’ont pas un christianisme mondain, mais terrestre. Israël était un type du christianisme mondain, quand il refusait de monter à la « montagne des Amoréens ». « Ne serait-il pas bon pour nous de retourner en Égypte ? Et ils se dirent l’un à l’autre : Établissons un chef et retournons en Égypte » (Nomb. 14: 3, 4), aussi leurs corps tombèrent dans le désert. Les deux tribus et demie sont le type de ceux qui rabaissent le christianisme à une vie de foi pour les circonstances terrestres qu’ils traversent, de ceux qui font leur chose de ces dernières. « Ils avaient beaucoup de bétail ». Moïse en est indigné d’abord, mais il les supporte ensuite, voyant que, si leur foi était faible, c’était cependant la foi, et que ces attaches terrestres ne les séparaient pas de leurs frères.

Bien-aimés, cette tendance à rabaisser le christianisme s’étale complaisamment, comme doctrine, de nos jours. Avec beaucoup de prétentions à la puissance, on connaît peu de chose au-delà d’un Christ auquel on se confie pour la conduite des détails grands ou petits de la vie journalière. On connaît Christ comme Berger ; on peut dire : « Ton bâton et ta houlette sont ceux qui me consolent » ; mais, même sous ce caractère, combien l’étendue de ses ressources est peu appréciée ! S’il nous conduit dans ce monde, ce n’est pas là qu’il nous fait reposer. Les « verts pâturages » et les « eaux paisibles » ne sont, ni l’herbe, ni les enclos, ni les villes du pays de Galaad, mais les gras pâturages du pays de la promesse.

Il est bon de se confier en lui pour toutes choses, et que Dieu nous garde de chercher à amoindrir cette confiance chez les saints ; mais savourons ici-bas le bonheur d’entrer là où se trouve un Christ glorifié, d’être attirés hors du monde, arrachés à cette scène, pour être introduits, morts et ressuscités avec lui, dans la Canaan céleste. Là, ce n’est plus « beaucoup de bétail » qui est le motif de la marche ; il suffit, non d’arranger sa vie plus ou moins fidèlement d’après ce qu’on possède ; mais, ayant tout laissé derrière soi — soi-même avec les « affaires de la vie » — au fond du fleuve de la mort, il s’agit de combattre pour prendre possession de tous nos privilèges en Christ, de les réaliser par la foi, et d’en jouir par la puissance de l’Esprit.

Notez bien qu’il faut, bon gré, mal gré, que tous passent le Jourdain. Nos frères combattent avec nous contre l’incrédulité, contre la puissance de Satan qui déploie son efficace dans le monde ; mais la mort et la résurrection n’est pour eux qu’un fait (elle l’est pour tous), non une réalisation. Il faut que l’âme la réalise pour prendre possession du pays.

2 - CHAPITRE 2 : Rahab

Dans la seconde partie du chap. 1, nous avons vu deux classes de personnes appelées à traverser le Jourdain pour entrer dans le pays de la promesse, type des lieux célestes : le peuple, et les deux tribus et demie dont le caractère moral n’est pas à la hauteur de leur vocation, mais qui prennent part au combat pour assurer à Israël la possession de son héritage. Rahab et sa maison nous présentent une troisième classe de personnes : les gentils, partageant par la foi, en commun avec l’ancien peuple de Dieu, la jouissance des promesses. Rahab la prostituée était gentile ; elle appartenait par sa naissance à cette vaste classe dont parle l’épître aux Éphésiens : « Vous, autrefois les nations dans la chair, qui étiez appelés incirconcision par ce qui est appelé la circoncision faite de main dans la chair, vous étiez en ce temps-là sans Christ, sans droit de cité en Israël, et étrangers aux alliances de la promesse, n’ayant pas d’espérance, et étant sans Dieu dans le monde » ; et de plus, Rahab était une personne dégradée parmi les gentils eux-mêmes.

Mais la parole de Dieu vient à elle : « Nous avons entendu », dit-elle aux espions. C’était une parole qui établissait la grâce et la délivrance pour les uns, le jugement pour les autres. La foi en cette parole la range immédiatement, dans sa conscience, sous le poids du jugement : « Nous l’avons entendu et notre coeur s’est fondu » (v. 11). Comme son peuple, elle est remplie de crainte, mais tandis que celui-ci avait perdu tout courage, cette crainte pour elle était le commencement de la sagesse, car elle est la crainte de l’Éternel. La crainte la fait regarder à Dieu. Immédiatement elle acquiert une certitude (je sais, v. 9), c’est que ce Dieu est un Dieu de grâce pour son peuple. Elle cherchera donc sa ressource en ce Dieu qui est la ressource des siens. La foi n’est pas l’imagination humaine qui aime à se tromper et qui voit les choses sous le jour qui lui plaît. Ce n’est pas l’esprit humain échafaudant ses conclusions sur des possibilités ou des probabilités ; elle dit simplement : « Je sais », parce qu’elle a entendu ce que l’Éternel a fait.

Rahab regarde à Dieu. Elle est sous la menace du jugement, mais elle voit que Dieu s’intéresse à son peuple. Elle se dit : Pour que Dieu me soit favorable, il faut que je sois avec ce peuple. Aussi, quand les espions se présentent, Rahab, par la foi, les reçoit « en paix » (Héb. 11:31) ; et tandis que le monde les cherche partout pour se débarrasser du témoignage de Dieu, elle les estime et les met en sûreté, car ils sont pour elle le moyen employé de Dieu qui la fera échapper au jugement futur. De leur conservation dépend sa délivrance ; non seulement elle croit au Dieu d’Israël, mais, comme l’a dit quelqu’un, « elle s’identifie avec l’Israël de Dieu ». — Sa foi reçoit une réponse immédiate. Elle n’a pas besoin, pour en acquérir la certitude, de voir Jéricho environnée de l’armée de l’Éternel. Ce ne serait pas la foi. Celle-ci est l’assurance des choses qu’on espère et la conviction de celles qu’on ne voit point. Remarquez combien la réponse est complète et digne de Dieu. Elle avait dit : « Jurez-moi… que vous sauverez nos âmes de la mort ». Les messagers répondent : « Nos vies payeront pour vous ». Sa foi trouve en d’autres (nous, en Christ) le garant par substitution que la mort ne l’atteindra pas.

Ce n’est pas tout. Un cordon de fil écarlate, symbole sans apparence de la mort d’un être qui aurait pu dire : « Je suis un ver et non pas un homme », lui suffit comme gage et sauvegarde. Comme le sang de l’agneau pascal, mis sur la porte de la maison, éloignait le jugement de l’ange exterminateur, ainsi le cordon écarlate, suspendu à la fenêtre d’une maison qui « était sur la muraille », va garantir la maison et tous ceux qui s’y trouvent, quand la muraille elle-même s’écroulera au bruit des trompettes de Jéhovah.

Encore un point : Ce sont des témoins vivants qui sont les garants que la mort est la sauvegarde de Rahab. Il en est de même pour nous : Christ est le témoin vivant devant Dieu de l’efficace parfaite, en rédemption, de son sang versé à la croix pour nous. « Non avec le sang de boucs et de veaux, mais avec son propre sang, il est entré une fois pour toutes dans les lieux saints, ayant obtenu une rédemption éternelle ».

Cher lecteur, quelle belle foi que celle de Rabah ! Elle n’attend pas, selon la recommandation des espions, que le peuple « soit entré dans le pays » (v. 18), pour lier le cordon à sa fenêtre ; à peine sont-ils partis, elle se hâte de l’y mettre. Elle témoigne ainsi de ce qu’elle a cru ; sa foi ne tarde pas, elle parle désormais hautement ; de sa fenêtre elle proclame Christ, et l’efficace de son oeuvre pour sauver la plus misérable des pécheresses.

Enfin, Rahab est non seulement un exemple de foi, mais aussi un exemple des oeuvres de foi. « Et pareillement, Rahab aussi, la prostituée, n’a-t-elle pas été justifiée par les oeuvres, ayant reçu les messagers et les ayant mis dehors par un autre chemin ? » (Jacques 2: 25). Il est impossible que la foi aille sans les oeuvres. Il y a des oeuvres mortes, celles qui ne sont pas le produit de la foi ; et il y a une foi morte, celle qui ne produit pas les oeuvres. Mais les oeuvres de Rahab ne peuvent être que le fruit de la foi. Offrir son fils en holocauste comme fit Abraham, ou trahir sa patrie, briser un vase précieux pour dilapider son seul bien, un parfum de grand prix, ce sont des actes que le sens humain réprouve, et dont le monde blâme ou punit les auteurs ; mais ce qui les rend approuvés de Dieu, c’est que la foi en est le mobile, une foi qui sacrifie tout pour Dieu et qui abandonne tout pour son peuple.

Aussi Rahab a trouvé sa récompense : une place d’honneur lui est réservée au nombre de celles qui, parmi le peuple terrestre de Dieu, forment la lignée du Messie (Matt. 1: 5).

3 - CHAPITRE 3 : Le Jourdain

Les deux chapitres préliminaires dont nous venons de nous occuper, nous amènent au corps même du récit. Pour entrer en Canaan, il fallait qu’Israël passât le Jourdain. Qu’est-ce donc que le Jourdain ? Jusqu’ici la délivrance du peuple depuis l’Égypte est caractérisée par deux grands événements : la Pâque et la mer Rouge. Il est bon d’en saisir la signification, pour comprendre celle d’un troisième grand événement, c’est-à-dire de la traversée du Jourdain. Chacun de ces trois faits est un symbole de la croix de Christ, mais la croix est si riche, si variée et si infinie d’aspects, qu’il faut tous ces types et bien d’autres, pour que nous puissions en saisir la profondeur et l’étendue.

À la Pâque, nous trouvons la croix de Christ qui nous met à l’abri du jugement de Dieu. « Je passerai par le pays d’Égypte, cette nuit-là, dit l’Éternel, et je frapperai tout premier-né dans le pays d’Égypte, depuis l’homme jusqu’aux bêtes ; et j’exercerai des jugements sur tous les dieux de l’Égypte » (Ex. 12: 12). Or Israël lui-même ne pouvait être mis à l’abri que par le sang de l’agneau pascal, placé entre le peuple pécheur et un Dieu juge qui était contre lui. C’est l’expiation. Le sang arrête Dieu, pour ainsi dire, le tient dehors, et nous met ainsi en sûreté au-dedans : « Je verrai le sang et je passerai par-dessus vous ». Seulement, n’oublions pas que c’est l’amour de Dieu qui pourvoit à un sacrifice capable de rencontrer son propre jugement. L’amour épargne ainsi le peuple qui, de lui-même, ne pouvait pas plus que les Égyptiens éviter le Juge.

La Pâque nous présente encore une autre vérité. Le sang était celui de l’agneau pascal entièrement rôti au feu, type de Christ qui a subi de la manière la plus complète, extérieurement et dans les profondeurs de son être, le jugement de Dieu pour nous et à notre place. Tandis qu’ils étaient à l’abri par le sang, les Israélites et les croyants d’entre eux surtout trouvaient pour leur coeur un aliment : ils se nourrissaient de lui dans sa mort, avec un sentiment profond de l’amertume du péché (les herbes amères), mais d’un péché complètement expié.

À la mer Rouge, nous trouvons un second aspect de la croix de Christ : c’est la rédemption : « Tu as conduit par ta bonté ce peuple que tu as racheté » (Ex. 15: 13). Or, s’il nous délivre et nous rachète, Dieu est donc pour nous, au lieu d’être contre nous ? En effet, il dit : « L’Éternel combattra pour vous et vous, vous demeurerez tranquilles » (Ex. 14: 14). La Pâque arrêtait Dieu lui-même comme juge et mettait Israël en sûreté ; à la mer Rouge, Dieu intervient comme Sauveur (15: 2) en faveur de son peuple. Celui-ci n’a rien à faire que d’assister à la délivrance. « Tenez-vous là, et voyez la délivrance de l’Éternel » (Ex. 14: 13). À la Rédemption, Dieu prend pour ainsi dire contre lui les ennemis qui étaient contre nous, et que nous étions entièrement impuissants à combattre. Dans ce moment solennel, quelle situation terrible et critique que celle du peuple de Dieu ! L’ennemi voulait ressaisir sa proie, il poursuivait Israël, l’épée dans les reins, l’acculant à une mer infranchissable. Il en est de même des pécheurs. La puissance de Satan les pousse vers la mort, et la mort est le jugement de Dieu. « Il est réservé aux hommes de mourir une fois, — et après cela le jugement ». Or il faut que l’âme ait affaire avec ce dernier, directement, personnellement, qu’elle se trouve placée en contact immédiat avec la mort qui en est l’expression. Aucun moyen d’échapper. Le peuple était sans armes contre l’ennemi, sans ressource contre la mort. C’est à cette extrémité que Dieu intervient. La verge de l’autorité judiciaire, dans la main de Moise, est étendue, non sur Israël, mais, en sa faveur, sur la mer. La mort devient un chemin au lieu d’être un gouffre pour le peuple. Ils peuvent la traverser à pied sec ; chemin nouveau, heure solennelle, quand tout un peuple passait entre ces murailles liquides élevées à droite et à gauche sous l’action du « vent d’Orient », entre ces masses qui, au lieu de l’engloutir, lui formaient un rempart ! La solennité de la scène était restée, l’horreur en avait passé pour toujours. Nous trouvons dans cette scène le type de la mort et du jugement supportés par un autre. Pour nous le Seigneur s’est présenté. « Tu m’as jeté dans l’abîme, dans le coeur des mers, et le courant m’a entouré ; toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi ». « Les eaux m’ont environné jusqu’à l’âme » (Jonas 2: 4, 6). Cette horreur de la mort, Christ l’a portée tout entière, et seul il l’a sentie dans les profondeurs infinies de son âme sainte :


Ton regard infini sonda l’immense abîme,

Et ton coeur infini, sous ce poids d’un moment,

Porta l’éternité de notre châtiment.


Oui, le peuple traverse la mer à pied sec. Le jugement ne trouve rien en eux, parce qu’il s’est épuisé dans la mort et pour nous, sur la personne de Christ à la croix.

Ils passent sains et saufs sur l’autre bord. En cela nous trouvons le type, non de la mort seulement, mais aussi de la résurrection de Christ pour nous.

C’est l’enseignement que nous présente la mer Rouge. L’armée de l’adversaire est détruite, il trouve son tombeau là où nous avons trouvé un chemin. Toute frayeur est passée ; nous pouvons nous tenir en paix sur l’autre rive, dans la puissance d’une vie de résurrection qui a traversé la mort.

C’est la foi qui donne part à cette bénédiction.

« Par la foi, ils traversèrent la mer Rouge comme une terre sèche, ce que les Égyptiens ayant essayé, ils furent engloutis » Héb. 11: 29). Tandis que la foi la traverse, le monde qui essaie par lui-même de rencontrer la mort et le jugement sera englouti.

Après avoir considéré la signification de la mer Rouge, comme type de la mort et de la résurrection de Christ pour nous, demandons-nous maintenant quelle est l’étendue de la délivrance qui y est opérée en faveur du peuple. Cette délivrance, c’est le salut, simple mot, mais pour nos coeurs d’une importance sans pareille ! Il y a, dans le salut, un côté négatif et un côté positif. Le premier, c’est la destruction de l’Ennemi, de tout son pouvoir et de toutes les conséquences de ce pouvoir. La grâce, dans la personne de Christ, par la mort, y est entrée à notre place. C’est « la grâce qui apporte le salut ». Ainsi, la puissance de Satan, le monde, le péché, la mort, la colère et le jugement sont vaincus, anéantis pour la foi, dans la croix de Christ. Mais cette oeuvre bénie nous donne une bénédiction positive, « Tu as conduit par ta bonté ce peuple que tu as racheté ; tu l’as guidé par ta force jusqu’à la demeure de ta sainteté » (Ex. 15: 13). « Je vous ai portés sur des ailes d’aigle, et vous ai amenés à moi » (Ex. 19: 4). « Christ a souffert une fois pour les péchés, le juste pour les injustes, afin qu’il nous amenât à Dieu » (1 Pierre 3: 18). « Par lui, nous avons, les uns et les autres, accès auprès du Père, par un seul Esprit » (Éph. 2: 18). Ô bénédiction infinie ! Le peuple est non seulement échappé, il est arrivé par un chemin vivant qui l’a porté jusqu’au terme, en la présence de Dieu lui-même, d’un Dieu qui, pour nous chrétiens, est le Père. « Voyez de quel amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés enfants de Dieu » (1 Jean 3: 1). Entonnons avec Israël, mais sur une note plus élevée, le cantique de la délivrance ! Plus de séparation, plus de distance, le but est atteint ; le but c’est Dieu lui-même, celui que, par l’Esprit, nous appelons : « Abba, Père ! » Et dans toute cette oeuvre, quelle était la part d’action d’Israël, quelle est la nôtre ? Nulle absolument. Le salut nous est apporté par la libre grâce d’un Dieu qui n’exige pas, qui ne revendique pas ses droits sur nous, mais qui trouve sa satisfaction à être un donateur souverain, un donateur éternel.

Revenons maintenant au Jourdain. L’expiation était faite à la Pâque ; à la mer Rouge, la rédemption était accomplie, le salut acquis ; mais il s’agit ici d’autre chose. Il faut que le peuple soit dans un certain état pour entrer en possession du pays de Canaan.

Entre la mer Rouge et le Jourdain, Israël avait traversé le désert. Ce voyage embrasse deux parts distinctes. Dans la première, jusqu’au Sinaï, c’était la grâce qui conduisait le peuple, cette même grâce qui l’avait racheté d’Égypte ; aussi lui fait-elle faire l’expérience des ressources de Christ, à travers toutes ses infirmités. Dans la seconde, depuis Sinaï, Israël se trouve sous le régime de la loi. C’est alors qu’il est « éprouvé pour connaître ce qui était dans son coeur ». L’épreuve démontra qu’il était charnel, vendu au péché ; qu’il n’avait aucune puissance ; que sa volonté était inimitié contre Dieu, qu’elle refusait d’obéir à la loi de Dieu, et enfin se rebellait de la manière la plus positive quand il s’agissait d’occuper la montagne des Amoréens et d’entrer en possession des promesses. L’état d’Israël était un obstacle absolu qui lui fermait les portes de Canaan. Lorsqu’il arrive au bout de son expérience dans la chair, voici le Jourdain, un fleuve débordant, qui s’oppose à toute marche du peuple en avant. La mer Rouge l’empêchait de sortir d’Égypte, le Jourdain l’empêche d’entrer en Canaan. Essayer de le passer, c’est la fin du peuple ; c’est être englouti. Nous trouvons là un nouveau type de la mort. C’est la fin de l’homme dans la chair, et du même coup la fin de la puissance de Satan. Comment pourrions-nous y résister, nous qui n’avons aucune force ? Elle nous sépare à tout jamais de la jouissance des promesses. « Misérable homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? » Mais la grâce de Dieu y a pourvu. L’arche conduira le peuple ; elle ne lui fera pas seulement connaître le chemin par lequel il devra marcher, car il n’avait point ci-devant passé par ce chemin (3: 4) ; elle l’associera avec elle-même pour le traverser. Les sacrificateurs, représentants du peuple, devaient charger sur eux l’arche de l’alliance, et passer devant Israël (v. 6). C’était bien l’arche de l’alliance du Seigneur de toute la terre qui devait passer devant eux (v. 11), au travers du Jourdain, mais non pas sans eux. L’arche gardait sa prééminence : « Il y aura entre vous et elle une distance de la mesure d’environ deux mille coudées » (*) (v. 4) ; mais les yeux du peuple fixés sur elle (v. 3). apercevaient en même temps les sacrificateurs de la race de Lévi qui la portaient. Aussitôt les plantes des pieds des sacrificateurs se furent-elles posées dans les eaux du Jourdain, que ces eaux furent « coupées », et leur cours suspendu. Une puissance se trouvait là, victorieuse de la puissance de la mort, et associant Israël à sa victoire.

(*) Un peu plus d’un kilomètre.

Chers lecteurs, s’il en fut ainsi pour Israël, à combien plus forte raison pour nous. Tout ce que nous étions dans la chair a trouvé fin à la croix de Christ. Nous pouvons dire : Je suis mort au péché, mort à la loi ; je suis crucifié avec Christ. Mes yeux fixés sur l’arche, sur Christ, voient finir en lui, au milieu du fleuve de la mort, ma personnalité comme fils d’Adam ; mais en lui aussi, une puissance victorieuse, qui est devenue mienne, m’introduit dans la vie de résurrection de Christ, au-delà de la mort, en pleine jouissance des choses que cette vie possède. « Je ne vis plus moi, mais Christ vit en moi ». Sans doute la mort elle-même n’est pas encore engloutie. « Il arriva que comme les sacrificateurs qui portaient l’arche de l’alliance de l’Éternel montèrent du milieu du Jourdain… les eaux du Jourdain retournèrent en leur lieu et coulèrent par-dessus tous ses bords comme auparavant » (4: 18). Mais quand « ce mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : La mort a été engloutie en victoire » (1 Cor. 15: 54). Alors la position de Christ au-delà de tout ce qui pouvait nous retenir, deviendra aussi la nôtre quant à nos corps. Mais avant l’accomplissement de ces choses, nous pouvons déjà dire : « Grâces à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ » (1 Cor. 15: 57).

Nous trouvons donc au Jourdain, d’une manière particulière, la mort à ce que nous sommes dans notre ancien état, et le commencement d’un nouvel état, dans la puissance de la vie avec Christ, avec lequel nous sommes ressuscités. Cette mort et cette résurrection nous introduisent actuellement dans toutes les bénédictions célestes. Ce que nous venons de dire nous explique pourquoi nous ne trouvons pas ici les ennemis, comme à la mer Rouge. Au Jourdain, les Israélites ne sont point poursuivis par le Pharaon, ni par son armée ; mais ils vont avoir à combattre un ennemi qui est devant eux, et dont le rôle ne commence qu’après la traversée du fleuve.

Maintenant ils vont entrer dans une série d’expériences nouvelles. Celle du désert de Sinaï était l’expérience du vieil homme, du péché dans la chair ; puis vient, en type, au Jourdain, la connaissance acquise par la foi, que nous avons été transportés de notre association adamique dans une association nouvelle avec un Christ mort et ressuscité ; enfin, en Canaan, nous trouvons les expériences du nouvel homme, non pas sans faiblesses et sans chutes, si l’on n’est pas vigilant, mais avec une puissance à notre disposition, dont nous pouvons user toujours, pour être « forts dans la bataille », ou pour tenir contre les ruses subtiles de l’ennemi.

4 - CHAPITRE 4 : Les douze pierres en Guilgal

4.1 - Les douze pierres sur la rive

Nous avons vu dans le chapitre précédent, que la foi en Christ nous apprenait (après une expérience souvent aussi longue que les quarante années du désert pour Israël) la délivrance de notre ancien état et notre introduction dans un nouvel état en Christ. L’âme, depuis longtemps travaillée, apprend enfin, — et c’est Dieu qui le révèle à la foi, — que ce qu’elle cherchait inutilement à atteindre ne reste pas à faire, mais est un fait actuel, un fait accompli en Christ pour la foi.

Je me suis longtemps étonné de l’extrême simplicité d’expression que la découverte de ce fait capital produit en Rom. 7, tandis qu’il a fallu tout le cours du chapitre pour définir les expériences de l’âme avant la délivrance. De plus, l’expression désespérée d’une position sans issue fait place, sans transition, à celle de la reconnaissance et de la joie : « Je rends grâces à Dieu, par Jésus Christ notre Seigneur ». La raison maintenant m’en paraît bien simple. Quand l’âme fait cette découverte, elle apprend que la délivrance qu’elle était incapable d’atteindre, Dieu l’avait déjà opérée par Christ et en Lui. Ce n’est plus une chose à accomplir ; c’est un fait accompli, que l’âme découvre et s’approprie, comme étant préparé depuis longtemps pour la foi. Alors, dans le calme et la paix qui remplissent son âme, le croyant peut dire : Désormais je suis mort, parce que je suis en Christ ; mort avec Christ ; mort au péché, à la loi, au monde ; et je vis, non pas moi, mais Christ vit en moi (Gal. 2: 19, 20 ; Rom. 6: 10 , Col. 2: 20 ; Gal. 6: 14).

C’est une vérité qui n’est pas du domaine de l’intelligence, que le raisonnement n’explique pas, qui n’est pas retenue par la mémoire. Que de fois j’ai vu des âmes chercher à s’emparer, pour ainsi dire, de l’affranchissement par de tels efforts ! Qu’arrivait-il ? Lorsque après bien du travail d’esprit, elles croyaient s’être rendu compte de la portée de l’affranchissement, il suffisait d’une nuit pour dissiper ce qu’elles croyaient tenir, comme il arrive aux feuilles mortes qu’un souffle balaye du soir au matin.

Ah ! c’est que l’affranchissement ne peut s’acquérir d’un bond. Nous ne le trouvons qu’à la suite de notre expérience en la chair, et sans cette expérience l’affranchissement n’est pas connu, pas plus qu’il n’y avait de Jourdain, pour Israël, avant le désert. L’affranchissement lui-même n’est pas une expérience, mais un état saisi par la foi. Il n’est expérimental que dans ce sens, que je me vois en Christ, au lieu de saisir, comme à la rédemption, une oeuvre accomplie en dehors de moi.

Telle est la signification du Jourdain pour nous. Mais Dieu veut que nous ayons continuellement sous les yeux le mémorial de cette victoire. Josué commande aux représentants des douze tribus de prendre douze pierres au milieu du Jourdain, du lieu où les sacrificateurs s’arrêtèrent de pied ferme. Ces pierres devaient être un signe parmi les enfants d’Israël. Elles devaient être posées au lieu où le peuple passerait sa première nuit dans la terre de Canaan. Ce lieu fut Guilgal. Que signifiaient ces pierres ? Elles représentaient les douze tribus, le peuple arraché de la mort, par l’arche qui s’était tenue au lieu même duquel il fallait être délivré, et qui avait « suspendu les eaux du Jourdain », pour qu’Israël franchît le fleuve. Mais elles devenaient un monument à l’entrée même de Canaan, en Guilgal, dans un endroit où (nous le verrons plus tard) le peuple avait à revenir toujours ; elles étaient un signe destiné à être désormais constamment sous leurs yeux et sous les yeux de leurs enfants.

Chers lecteurs chrétiens, comme Israël, nous sommes ces trophées de la victoire remportée sur les eaux impétueuses du fleuve. Christ s’est placé dans la mort, parce que nous y étions. « Si un est mort pour tous, tous donc sont morts » (2 Cor. 5: 14) ; mais c’est afin que nous fussions sortis de la mort et amenés à une vie nouvelle dans sa propre résurrection. Lorsque « nous étions morts dans nos fautes, il nous a vivifiés ensemble avec Christ… et nous a ressuscités ensemble » (Éph. 2: 5).

Mais nous avons au delà du Jourdain, le monument de cette oeuvre mémorable, établi là en permanence pour servir d’aliment à la foi d’Israël, monument que le peuple retrouvera toujours à l’entrée de Canaan. Pour nous, c’est Christ, objet de notre foi, le premier-né d’entre les morts, ressuscité et entré dans les lieux célestes, mais un Christ qui nous représente là et nous associe à lui, comme il s’est associé à nous dans la mort.

Or Dieu veut que le Christ, placé ainsi devant nos yeux, produise en nous un effet moral correspondant ; que notre conscience soit engagée d’une manière durable par cette contemplation. « Ces pierres serviront de mémorial aux fils d’Israël pour toujours ». C’est aussi cela pour nous avec un effet intérieur qui l’accompagne. Le croyant ressuscité avec Christ porte sur lui le caractère ineffaçable de sa mort. Si telle est ma place en Christ, puis-je vivre encore aux choses que j’ai délaissées, que Christ a laissées au fond du Jourdain ? « En ce qu’il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché ; mais en ce qu’il vit, il vit à Dieu ». Jusque-là, c’est le mémorial. « De même vous aussi, tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus » (Rom. 6: 10, 11). Voilà l’effet moral.

Les douze pierres en Guilgal sont donc, non seulement notre mort et notre résurrection avec Christ, — le Jourdain signifiait cela ; mais le mémorial de cette mort et de cette résurrection, vu en Christ ressuscité et entré dans la gloire. Ce monument nous rappelle ce que nous devons être désormais. Au Jourdain, Dieu nous déclare morts, et c’est la part de tout le peuple ; tout chrétien est mort et ressuscité avec Christ. En Guilgal, c’en est la réalisation morale. Tous avaient passé le Jourdain, mais beaucoup d’entre eux étaient peut-être assez indifférents pour ne pas s’enquérir du monument de Guilgal, de ces pierres parlantes qui disaient au peuple : « Tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus

4.2 - Les douze pierres au milieu du Jourdain

Si les douze pierres en Guilgal parlaient à la conscience d’Israël, un autre monument élevé au milieu du Jourdain parlait sérieusement à son coeur. Ces pierres, quels yeux pouvaient les voir, tandis que les eaux qui coulaient par-dessus tous les rivages les avaient recouvertes ? Elles ne pouvaient être connues que de la foi. Elles n’étaient pas le symbole d’une vie de résurrection, qui avait traversé la mort et en portait les insignes et le caractère ; elles étaient essentiellement le monument de la mort. Les pierres en Guilgal sont le monument de l’introduction par Christ dans nos privilèges, privilèges dans lesquels nous n’entrons qu’après avoir passé par la mort avec lui. Mais quand je pense aux pierres dans le Jourdain, mon coeur est en communion avec Lui dans la mort. Je retourne m’asseoir, pour ainsi dire, au bord du fleuve de la mort et je dis : Voilà ma place ; c’est là que j’étais ; c’est là qu’il est entré pour moi. Il m’a délivré du péché, de mon vieil homme ; il l’a laissé avec sa vie au fond du Jourdain ; les eaux profondes m’ont enseveli, mais dans la personne de Christ. Qu’est-ce qui t’obligeait, Sauveur bien-aimé, à prendre cette place ? Toi seul avais le droit de ne jamais l’occuper ; toi seul, ayant laissé ta vie, avais le droit de la reprendre. Mais ton amour pour moi t’a fait entrer dans la mort. Aucun autre motif, si ce n’est encore la gloire du Dieu que j’avais déshonoré, n’a pu t’y faire descendre. Tu as non seulement victorieusement arrêté pour moi les eaux du Jourdain, en livrant seul le combat, « jusqu’à ce que tout ce que l’Éternel avait commandé… fût exécuté » (v. 10) et que ton peuple tout entier fût passé ; mais ces eaux elles-mêmes ont passé sur toi. Je vois dans ce monument ce que la mort a été pour ton âme sainte ; j’y retrouve le souvenir de l’amertume intime de cette coupe que tu as bue ! Les douze pierres « sont là jusqu’à ce jour » (v. 9). Le monument reste, la croix demeure, témoignage éternel d’un amour que j’ai appris à connaître là, témoignage aussi de la seule place où Dieu pût mettre tout ce qui est de mon vieil homme !

En rapport avec ces choses, remarquez encore ce qui nous est présenté au v. 18. « Il arriva que, comme les sacrificateurs qui portaient l’arche de l’alliance de l’Éternel montèrent du milieu du Jourdain, et que les plantes des pieds des sacrificateurs se retirèrent sur le sec, les eaux du Jourdain retournèrent en leur lieu, et coulèrent par-dessus tous ses bords comme auparavant ». La sentence est exécutée, le vieil homme condamné, la condamnation passée, la mort vaincue — mais la mort reste. Ce qui était autrefois un obstacle pour entrer, obstacle annulé par l’arche qui nous a frayé le chemin, devient après notre passage ce qui nous sépare, non seulement de la lointaine Égypte et du désert de Sinaï, mais de nous-mêmes. Chers amis, sommes-nous satisfaits d’en avoir fini avec l’homme, avec nous-mêmes ? S’il en est autrement, il n’y a pas pour nous de jouissance durable dans le pays de Canaan.

Les deux tribus et demie (v. 12-13) ont bien passé le Jourdain avec leurs frères, en équipage de guerre, pour combattre, mais deux choses leur restaient inconnues : la valeur du pays de Canaan et la valeur de la mort. Le fleuve ne les a pas arrêtées, lorsqu’elles rejoignirent leurs femmes, leurs enfants et leurs troupeaux qui les attendaient à l’autre bord. Le pays « d’en deçà » avait une attraction pour elles, tandis que le peuple, jouissant en paix de Canaan, voyait avec joie, dans le Jourdain, la barrière qui le séparait de tout ce qui, désormais, n’avait aucune valeur à ses yeux.

« En ce jour-là, l’Éternel éleva Josué aux yeux de tout Israël, et ils le craignirent comme ils avaient craint Moïse, tous les jours de sa vie » (v. 14). Il en est ainsi de Christ. La gloire du Père l’a haut élevé comme Sauveur, devant nos yeux, en vertu de son oeuvre accomplie. Le résultat de cette oeuvre, c’est l’introduction des saints avec lui dans la jouissance actuelle et dans la possession future de la gloire. C’est son titre de gloire et son honneur à jamais !

Mais le Seigneur possédera d’autres couronnes encore. Il arrivera pour lui, le jour dont Salomon a joui en type, et dont il est dit : « Et Salomon s’assit sur le trône de l’Éternel, comme roi à la place de David, son père, et il prospéra ; et tout Israël lui obéit. Et aussi tous les chefs et les hommes forts, et aussi tous les fils du roi David, se soumirent au roi Salomon. Et l’Éternel agrandit Salomon, à un très haut degré aux yeux de tout Israël, et lui donna une majesté royale, telle qu’aucun roi avant lui n’en avait eu en Israël » (1 Chron. 29: 23-25). Il régnera ; son peuple d’Israël lui sera soumis, et même ceux qu’il daigne appeler ses frères, courberont le genou devant lui, heureux et reconnaissant hautement, avec joie, dans la gloire, en sa présence, qu’il est le Seigneur, comme ils l’ont reconnu ici-bas, pendant les jours de son rejet et de son absence.

Nous trouvons en 2 Chron. 32: 23, une autre gloire future de Christ. Sous Ézéchias, après la délivrance d’Israël par le jugement des nations, dans la personne de l’Assyrien, il est dit : « Et beaucoup de gens apportèrent des offrandes à l’Éternel, à Jérusalem, et des choses précieuses à Ézéchias, roi de Juda ; et après cela, il fut élevé, aux yeux de toutes les nations ». Les nations lui seront soumises.

Enfin, il est dit en Phil. 2: 9-11 : « C’est pourquoi Dieu l’a haut élevé et lui a donné un nom au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus, se ploie tout genou des êtres célestes et terrestres et infernaux, et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père ». Le ciel, la terre et l’enfer se courberont devant Celui qui s’est abaissé jusqu’à la mort de la croix !

5 - CHAPITRE 5 : La circoncision

Nous avons trouvé, au chap. 1, les principes moraux requis pour prendre possession de Canaan ; nous avons vu au chap. 2 que, lorsqu’il s’agit des lieux célestes, Dieu sort des limites d’Israël et qu’on y entre sur le principe de la foi. Les chap. 3 et 4 nous ont présenté le secret pour y entrer. Au chapitre 5, nous apprenons un autre secret, celui de la victoire. Aussi ce chapitre commence-t-il (v. 1) par les ennemis. Tous les rois des Cananéens et des Amoréens défilent, pour ainsi dire, sous nos yeux, mais la puissance qu’ils tiennent de Satan a déjà été brisée au Jourdain, à la mort, dans la personne de leur prince. Malgré cela, ils sont trop forts pour le pauvre peuple d’Israël. Mais Dieu va le mettre en état de remporter la victoire sur les ennemis. Comment cela ? Il dépouille son peuple de toutes les armes et ressources que celui-ci trouverait en lui-même. La chair ne peut entrer dans le combat, Dieu la juge, la met de côté ; c’est ce que signifie la circoncision. La circoncision, c’est « le dépouillement du corps de la chair » en Christ. C’est un fait accompli pour tout croyant, aussi bien que le Jourdain est une chose accomplie pour chacun de nous, que nous en réalisions ou non la portée.

L’enseignement de Col. 2: 9-15, sur ce point, est très clair et de toute beauté : « En lui, dit l’apôtre, habite toute la plénitude de la déité corporellement ». Tout est en Christ, rien ne lui manque. Mais, au v. 10, c’est nous qui avons tout en lui ; rien ne nous manque : « Vous êtes accomplis en lui » ; on ne peut donc aller chercher quelque chose hors de lui pour nous l’ajouter. Vient maintenant la circoncision : « En qui aussi vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’a pas été faite de main, dans le dépouillement du corps de la chair, par la circoncision du Christ ». Non seulement, dit l’apôtre, il n’y a rien à ajouter, mais il ne reste rien à retrancher à ceux qui sont en Lui. Le corps de la chair est jugé, vous en êtes dépouillés ; c’est un fait accompli, c’est la circoncision du Christ. Au v. 12, nous trouvons que cette fin du vieil homme qui a lieu pour nous dans la mort de Christ, devient personnelle chez le chrétien : « Étant ensevelis avec lui dans le baptême, dans lequel aussi vous avez été ressuscités ensemble par la foi en l’opération de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts ». Ce passage embrasse la chose dans son étendue, et correspond aux deux vérités représentées par le Jourdain. C’est la mort et la résurrection avec Christ. Voici donc deux grandes vérités établies : nous sommes accomplis devant Dieu en Christ, et parfaitement délivrés de tout ce que nous sommes en nous-mêmes (*).

(*) Aux vers. 13-15, nous remontons à la Pâque et à la mer Rouge ; nous sommes délivrés de tout ce qui peut être invoqué ou suscité contre nous.

L’épître aux Philippiens (chap. 3: 3) établit le contraste entre la circoncision faite de main, et la vraie circoncision, celle du Christ. « Nous sommes la circoncision », dit l’apôtre, « nous qui rendons culte par l’Esprit de Dieu ». Jamais la circoncision charnelle sous la loi n’avait fait cela. Il fallait en avoir fini avec la chair pour rendre culte par l’Esprit. Puis il ajoute : « Et qui nous glorifions dans le Christ Jésus ». La chair, même religieuse, ne se glorifie jamais qu’en elle-même (*). Enfin l’apôtre conclut en disant : « Et qui n’avons aucune confiance en la chair ». Voilà ce qu’est la vraie circoncision. C’est la mise de côté par le jugement, dans la croix de Christ, de ce que la Parole appelle « la chair », en sorte que désormais nous ne puissions plus avoir aucune confiance en elle. Vérité de toute importance à connaître ! Lorsqu’il s’agit du combat, comme pour le peuple d’Israël, il faut que le stigmate de la mort de la chair soit sur nous. Remarquez-le, chers lecteurs, il ne s’agit pas ici d’essayer d’en finir avec nous-mêmes, ni de chercher à nous dépouiller : c’est un dépouillement accompli à la croix, « le péché dans la chair » condamné, un fait que la foi saisit, et qui devient une réalité pratique en ce que la conscience éprouve et reçoit ce jugement. Il fallait que le charbon brûlant touchât les lèvres d’Ésaïe, et quand même le feu judiciaire de l’autel avait épuisé sur la victime jusqu’au dernier atome de son pouvoir, et qu’il ne lui restait en son lieu que la puissance purificatrice, la douleur étant passée, cependant le prophète devait être mis en contact avec lui, symbole de l’expérience faite par notre conscience du jugement divin.

(*) Vous en trouvez la preuve en Col. 2: 21-23. Les ordonnances, commandements et enseignements des hommes, peuvent bien avoir une apparence de sagesse… en ce qu’elles n’épargnent pas le corps, mais elles sont pour la satisfaction de la chair.

5.1 - Guilgal

« Et l’Éternel dit à Josué : Aujourd’hui, j’ai roulé de dessus vous l’opprobre de l’Égypte ». À la mer Rouge, ils avaient été délivrés de l’esclavage de Satan et du péché ; ici, pour la première fois, ils en avaient fini, par le jugement, avec l’esclavage de la chair. Mais l’esprit de Dieu ajoute : « Et on appela le nom de ce lieu-là Guilgal jusqu’à ce jour ». C’est ici que se place une seconde grande vérité. J’ai dit que la circoncision, le jugement, le retranchement de la chair, est un fait accompli en Christ ; mais elle se présente en outre sous une face essentiellement pratique. Elle ne peut être considérée purement comme doctrine. L’endroit de la circoncision, c’était Guilgal. Si ce lieu était le point de départ de l’armée de l’Éternel, avant qu’elle eût remporté aucune victoire, il devenait le lieu de rassemblement après la victoire (10:15), et le point de départ pour aller en remporter de nouvelles. Le jugement de la chair était à demeure. Le peuple devait s’y appliquer sans cesse ; autrement la chair travaillerait à ressaisir ce qu’elle avait perdu, et jamais la première victoire ne serait suivie d’une seconde. En plus d’une occasion, nous retrouverons Guilgal dans le courant de ce livre : qu’il nous suffise de retenir maintenant que, si la circoncision signifie le dépouillement du « corps de la chair », Guilgal est la « mortification de nos membres qui sont sur la terre ». C’est ce que nous enseigne Col. 3: 5-8, en contraste avec 2 :11. Bien-aimés, ceci est une réalité journalière. Chaque victoire nous ouvre de nouveaux horizons sur le pays de la promesse. Sans combat, il n’y a pas moyen de mettre la main sur aucune de nos bénédictions, mais sans Guilgal il n’y a aucune victoire ! Qu’est-ce qui nous est le plus précieux ? Canaan avec ses combats, ou bien nos membres sur la terre ? Préférons-nous la satisfaction passagère des convoitises de la chair à la pénible tâche de retourner à Guilgal ? Ah ! dans ce cas, l’humiliation, le châtiment, viendront nous apprendre à retrouver ce chemin, si du moins nous n’avons pas perdu à tout jamais le secret de la force dans les amertumes, les larmes, et la ruine irrémédiable de la défaite !

5.2 - La nourriture de Canaan

Le dépouillement de la chair par le jugement opéré à la croix, et la réalisation de ce jugement dans la pratique, sont les premières conditions indispensables pour la bataille. Ni le casque de Saül, ni sa cuirasse, ni son épée, ne pouvaient être d’aucune utilité à David pour marcher au combat contre le Philistin ; il fallait qu’il les « ôtât de dessus soi » (1 Sam. 17: 39).

Mais il est une autre ressource. Avant de se lever pour combattre, Israël doit s’asseoir à la table de Dieu. Il faut être nourri pour résister aux fatigues de la guerre ; la force positive est là. Nourri de quoi ? De Christ. Il est la source de la force. Si le peuple manque d’aliments, il ne marchera pas à la victoire. Quelle chose bénie que d’entrer dans le combat avec des coeurs nourris de Christ ! Si c’est avec un coeur vide de Lui qu’on avance contre l’ennemi, on peut certainement s’attendre à être vaincu. Dans le cas inverse, comme nous le verrons au chapitre suivant, le combat n’a rien d’effrayant. Que Dieu nous donne à chacun de faire cette expérience. N’attendons pas à demain ; nous pourrions être appelés à combattre ce soir même. Nourrissons-nous de Christ aujourd’hui, demain, à chaque instant, pour être prêts, au premier signal, à nous lever pour marcher à la victoire.

Oui, bien-aimés, notre nourriture, c’est une personne, c’est Christ ; ce ne sont ni des vérités, ni des privilèges ; c’est lui-même. Il nous est présenté ici comme notre aliment, sous trois aspects différents : la Pâque, le blé du pays, la manne.

Cette Pâque de Canaan est la même fête que le peuple avait célébrée en Égypte, et cependant combien elles différaient l’une de l’autre. Là, c’était un peuple ayant conscience de sa culpabilité, hâté de fuir, protégé par le sang de l’agneau pascal au milieu des ténèbres et du jugement ; ici, c’est un peuple arrivé au but, entré en Canaan, délivré des dernières traces de l’opprobre d’Égypte, un peuple ressuscité qui a traversé la mort, mais qui revient s’asseoir en pleine paix, au point de départ, au fondement même de toutes ses bénédictions, autour du mémorial d’un Christ mourant sur la croix pour nous. La Pâque en Canaan correspond à ce que la Cène représente pour les chrétiens ; et, remarquez-le, elle est une nourriture permanente. Notre Cène ne cessera pas dans la gloire, seulement elle n’y sera plus le souvenir de la mort du Seigneur célébré en son absence ; et nous n’aurons pas non plus besoin d’une image matérielle pour nous le rappeler ; nous verrons, au milieu du trône, l’Agneau lui-même comme immolé, Lui, centre visible de la nouvelle création fondée sur la croix, point d’appui et pivot des bénédictions éternelles, objet que les myriades de myriades contemplent et adorent dans un culte universel !

Mais il est un autre mets, pour ainsi dire, du repas céleste. « Dès le lendemain de la Pâque, ils mangèrent du vieux blé du pays, des pains sans levain et du grain rôti en ce même jour-là » (v. 11). Dieu leur donnait une nourriture qu’ils n’avaient point connue en Égypte ; le vieux blé du pays de Canaan, un Christ céleste, glorieux, mais un Christ homme, qui avait traversé ce monde souillé par le péché, dans une humanité sans tache, comme le pain était sans levain ; qui, dans cette même humanité, avait traversé le feu du jugement, comme le grain rôti ; et qui était entré en résurrection dans la gloire, pour s’asseoir comme homme à la droite de Dieu. Or cet homme est là pour nous. Il n’est pas seulement notre avocat devant le Père, mais, dans sa personne, il a introduit l’homme dans la gloire. La place est préparée pour l’homme dans le troisième ciel. L’homme, en Christ, est entré dans la pleine jouissance des béatitudes célestes. Je considère cet homme, et je dis : Voilà ma place ! Je suis en lui, un homme en Christ, ayant déjà la même vie que lui, la vie éternelle, la vie de l’homme ressuscité d’entre les morts ; — je suis uni à lui, assis en lui dans les lieux célestes, jouissant de cette infinie bénédiction par le Saint Esprit, la puissance même qui m’y fait entrer. Adorable Sauveur ! Pour moi tu es descendu ; tu as été pour moi sur la croix ; tu es entré dans la gloire, et tu m’y as introduit dans ta personne, avant de m’y introduire semblable à toi, avec toi, pour l’éternité ! Contempler un tel Christ, quelle joie glorieuse et quelle puissance ! « Nous tous, contemplant, à face découverte, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit » (2 Cor. 3: 18). Vous trouvez dans ce passage le résultat du fait que l’on se nourrit du blé du pays. L’âme formée sur lui, sur un Christ céleste, est capable de reproduire les traits de cet objet béni. Telle est notre part, telle fut la part d’Etienne, le fidèle martyr. Nous voyons en lui un homme sur la terre, plein de l’Esprit Saint comme fruit de l’oeuvre parfaite de Christ, un croyant dans son caractère normal, au milieu des choses les plus faites pour lui faire perdre ce caractère, répondant parfaitement au but pour lequel Dieu l’a placé ici-bas. L’Esprit en lui, sans entraves, l’attache à un objet dans le ciel (son coeur n’ayant aucun objet sur la terre, et l’Esprit n’étant pas obligé de combattre en lui pour le placer à la hauteur d’un Christ céleste), afin de le former ici-bas sur ce modèle. Les traits de l’homme glorieux dans le ciel deviennent en lui ceux de l’homme parfait sur la terre : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit » ; « Seigneur, ne leur impute point ce péché ». Voilà un exemple qui nous montre ce que c’est « d’être transformés à la même image de gloire en gloire ». Ce n’est pas une chose mystique, ou un produit vague de l’imagination humaine ; c’est dans notre vie journalière, dans nos actes, dans nos paroles, par l’amour, l’intercession, la patience, la dépendance, que nous reproduisons en grâce les traits du Christ glorieux que nous contemplons. En est-il ainsi pour nous, chrétiens, dans ces jours-ci ? Nos coeurs sont-ils tellement nourris de lui, que les hommes puissent le remarquer dans notre vie ? Ceux qui nous entourent peuvent-ils voir, comme pour Etienne ou pour Moïse, les rayons de la gloire de Christ sur nos visages ? Ce n’est pas à nous de le savoir. En ce cas, nous aurions déjà perdu de vue l’objet céleste pour porter les yeux sur nous-mêmes. Moïse était le seul dans le camp d’Israël à ignorer que son visage resplendît.

« Et la manne cessa dès le lendemain » (v. 12). Israël n’en mangea plus ; la manne était la nourriture du désert, un Christ descendu du ciel au milieu de nos circonstances, pour nous encourager dans les difficultés de la route. Au contraire d’Israël, nous, chrétiens, nous avons le privilège d’avoir en même temps (non pas au même moment peut-être) Christ comme nourriture à tous égards. Mais la manne n’est pas une nourriture permanente ; elle s’applique au voyage. Sans doute, elle est indispensable et si précieuse, que le souvenir en reste toujours devant Dieu dans la cruche d’or, et restera toujours devant nous quand nous aurons la manne cachée ; seulement, comme nourriture, elle est transitoire ; le voyage aura son terme. Mais le blé du pays sera, comme la Pâque, notre nourriture permanente et éternelle non plus pour que nous soyons, comme ici-bas, transformés par degrés à son image ; mais alors que nous lui serons conformes (Phil. 3: 21) ; que « nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est » (1 Jean 3: 2).

5.3 - Le chef de l’armée de l’Éternel

Le combat va commencer, et le général d’armée n’a pas encore paru. Il se révèle au dernier moment, mais juste au moment nécessaire, « comme Josué était près de Jéricho ». La foi peut compter sur lui pour l’instant du besoin ; les préparatifs pour combattre sont, comme nous l’avons vu, Guilgal et le repas céleste ; la puissance, le plan, l’ordre, le moment de la bataille, tout cela, et plus encore, est de la responsabilité du chef de l’armée. Celui qui n’a pas été à Guilgal ne peut comprendre une pareille manière de combattre. Il introduit dans la bataille ses propres combinaisons, engage le combat ou trop tôt ou trop tard, se jette en avant sans le chef de l’armée de l’Éternel, combat dans une fausse direction ; il tombe, il est vaincu, ne peut enregistrer que des défaites. Notez comment ce représentant de l’Éternel, cet ange de Jéhovah, dont l’Ancien Testament nous parle si souvent ; — l’Éternel lui-même sous ce caractère mystérieux, car il est dit de lui (Ex. 23: 21) : « Mon nom est en lui » ; notez avec quelle merveilleuse grâce il se prête aux circonstances de son peuple. D’autres l’ont fait remarquer : il se montre avec Israël comme libérateur à la mer Rouge, comme voyageur dans le désert, comme Chef d’armée en Canaan, puis plus tard, quand le royaume est établi, il demeure en paix au milieu d’eux. Admirable condescendance que la sienne, mais aussi quelle assurance elle donne à nos âmes ! Ici, nous le voyons avec son « épée nue dans sa main ». C’est cette épée qui portera les coups. Il n’en faut pas d’autre à Israël.

Trois fois l’ange de l’Éternel, ayant l’épée nue en sa main, intervient dans l’histoire du peuple. La première fois, c’est pour le préserver des dangers qui le menacent, quand Balaam, en chemin pour maudire Israël, rencontre ce messager qui lui fait obstacle (Nomb. 22: 23) ; la seconde fois, dans notre chapitre, c’est pour combattre avec Israël et lui donner la victoire ; la troisième, hélas ! c’est pour juger le peuple qui avait péché dans la personne de son roi (1 Chron. 21: 16).

Nous aussi, bien-aimés, nous pouvons avoir affaire à l’ange de ces trois manières. Que de fois, sans même que nous nous en doutions, il fait face à l’ennemi qui cherche à nous accuser et à nous maudire ; que de fois il nous associe, en grâce, au combat contre les puissances des ténèbres qui sont dans les lieux célestes ; que de fois aussi, enfin, il se révèle à nous comme à David, ayant son épée nue, tournée contre la ville de Dieu, c’est-à-dire comme Celui qui est pour les siens un feu consumant, qui les châtie et les humilie, mais pour remettre ensuite son épée dans le fourreau et les restaurer à la fin.

Cela même est consolant, malgré tout ; mais une chose terrible pour l’homme, c’est d’être rencontré, comme Balaam, par l’ange avec l’épée nue, parce qu’il vendait au diable, l’accusateur des saints, pour une récompense, le don qu’il avait reçu de Dieu. Un tel chemin est celui d’un réprouvé qui ne connaît pas Dieu ; mais combien de vrais chrétiens, hélas ! dans nos jours de ruine, s’associent en quelque manière au chemin de Balaam, à une hostilité contre le peuple de Dieu, vêtue de la robe du prophète, et qui se met au service du monde pour faire l’oeuvre de l’Ennemi !

« Et Josué alla vers lui et lui dit : Es-tu pour nous ou pour nos ennemis ? » Il est impossible de rester neutre dans le combat. Nous devrions tous le comprendre, comme Josué. « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » (Marc 9: 40). « Et le chef de l’armée de l’Éternel dit à Josué : Ôte ta sandale de ton pied, car le lieu sur lequel tu te tiens est saint. Et Josué fit ainsi ». Celui qui se révèle à Josué comme chef de l’armée, revendique aussi son caractère de sainteté. Impossible, quand on est appelé à combattre sous ce Conducteur divin, de rester associé, personnellement, ou comme peuple de Dieu, avec le mal ou la souillure dans la marche. C’est en partie pour avoir méconnu ce principe, que le peuple fut vaincu devant Aï. Garder un mal non jugé dans notre coeur, nous expose au jugement de Dieu, et nous livre sans défense aux mains de l’ennemi ; il en est de même pour le mal dans l’assemblée. Si Dieu est saint en rédemption, comme il le montra à Moïse au buisson (Ex. 3: 5), — et où a-t-il montré sa sainteté d’une manière plus éclatante, — souvenons-nous qu’il n’est pas moins saint dans le combat, et que nous ne pouvons y entrer qu’après avoir délié nos souliers de nos pieds.

6 - CHAPITRE 6 : Jéricho

Le peuple est enfin arrivé en présence de l’obstacle terrible, dressé devant lui pour l’empêcher de prendre possession de Canaan. Il n’est rien que l’ennemi haïsse davantage que de nous voir entrer dans nos privilèges et prendre une position céleste. Il sait bien que des êtres célestes lui échappent et lui ravissent ses biens. Aussi son premier effort est-il de mettre obstacle à notre marche en avant. Vous trouvez cela dans l’histoire de chaque chrétien. Je ne dis pas que la chose arrive toujours lors de la conversion, mais elle a toujours lieu lorsqu’il s’agit d’entrer dans le chemin du combat pour réaliser notre vocation céleste. Le premier objet que nous rencontrons, c’est l’obstacle dressé par Satan, une forteresse en apparence imprenable. Impossible d’y entrer, impossible d’en sortir (v. 1). Il y a bien là de quoi nous effrayer et nous faire retourner en arrière ; et c’est précisément la visée de l’adversaire, ce à quoi, hélas ! il réussit trop souvent. Aucun de nous, dis-je, ne peut éviter de rencontrer une fois sa forteresse de Jéricho. Il n’est pas besoin d’énumérer ici les difficultés de chaque âme ; elles sont très diverses ; mais elles se résument toutes dans ce mot : l’obstacle. Si je vais de l’avant, qu’arrivera-t-il ? Je perdrai ma position ; ma carrière sera brisée ; mes amis m’abandonneront ; mes parents ne le supporteront jamais ; il me faudra quitter tous ceux que j’aime, me séparer de chrétiens au milieu desquels j’ai trouvé de la bénédiction… Tel est l’aspect fréquent que revêtent pour l’âme les hautes murailles de Jéricho. Ah ! combien de chrétiens perdent courage avant de combattre, et s’en retournent.

Mais l’âme préparée par Dieu ne recule pas devant les difficultés. Elle sait qu’elle possède un moyen de les vaincre, et en use. Moyen tout simple, moyen unique, car il n’y en a pas d’autre : c’est la foi. « Par la foi, les murs de Jéricho tombèrent, après qu’on en eut fait le tour sept jours durant » (Héb. 11: 30). La foi, c’est la simple confiance en un autre, dans le Seigneur ; c’est en même temps l’absence complète de confiance en nous-mêmes, car ces deux choses sont inséparables. La foi suffit pour faire tomber l’obstacle. Qu’importe si les murailles s’élèvent jusqu’au ciel ? Que sont-elles pour la foi ? La foi compte sur la puissance de Dieu. C’est là, chers amis, le premier grand caractère de la foi. « Afin », dit l’apôtre, « que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » (1 Cor. 2: 5). La chose nécessaire pour le combat, c’est une puissance absolument divine ; elle seule peut renverser l’obstacle, c’est sur elle uniquement que la foi repose.

Voyez maintenant comment cette puissance, quand elle fait appel à la foi, est jalouse de ne rien laisser subsister qui puisse avoir l’apparence de la sagesse humaine. Le choix des armes ou des moyens de combattre ne leur est pas donné par le chef de l’armée de l’Éternel qui parle avec Josué. Ils n’ont à faire aucun plan, aucun arrangement ; ils n’ont pas à se concerter pour trouver les moyens de remporter la victoire. Dieu lui-même a tout ordonné. Or la foi se soumet à l’ordre établi de Dieu, se sert des moyens qu’il indique, n’en invente pas. Il faut des sociétés, des comités, des synodes, de l’argent, etc., etc., dit-on. Il les faut à l’homme ; il ne faut rien de semblable à la foi. Dieu a des moyens à lui… Mais pourquoi, dira-t-on, ne simplifie-t-il pas le chemin ? Pourquoi toutes ces complications ? pourquoi faire chaque jour le tour de la ville, et sept fois le septième jour, et ce cortège, et l’arche, et les trompettes… pourquoi ? Chers lecteurs, la foi ne demande pas pourquoi. Elle ne raisonne pas sur les moyens de Dieu ; elle les accepte, y entre, et remporte la victoire au lieu d’être battue par l’ennemi. Il en fut ainsi à la Pâque ; il en fut de même à la mer Rouge. Direz-vous : la foi est donc stupide ? Non ; elle se soumet d’abord et comprend ensuite. La foi vous dira pourquoi les sept jours, et l’arche, et le cortège, et les trompettes, et les cris de joie, mais elle ne vous le dira qu’après s’être soumise. Si elle voulait comprendre avant de se soumettre, elle serait l’intelligence et non la foi.

Mais encore : la foi marche en avant, dans la dépendance de Dieu qui dit : « J’ai livré en ta main Jéricho, et son roi et ses hommes vaillants ». Puis elle est mise à l’épreuve. Il faut de la patience ; le peuple doit marcher ainsi pendant six jours. Il faut ensuite que la patience ait son oeuvre parfaite : « Le septième jour, vous ferez le tour de la ville sept fois ».

Remarquez ensuite d’autres caractères bénis de cette foi de grand prix. Elle nous associe avec Christ, nous donne part et communion avec lui. Dieu range son peuple autour de l’arche dans le combat. Ce n’était plus, comme au Jourdain, l’arche précédant le peuple, mais ici les hommes armés vont devant l’arche avec les sacrificateurs ; et l’arrière-garde ferme la marche.

Mais cette association avec Christ n’a jamais pour but, ni pour résultat, d’exalter l’homme ou de lui donner de l’importance  ; elle exalte Christ et le met en avant. L’arche elle-même formait le corps d’armée proprement dit, le centre indispensable, la force de résistance ; et toute l’attitude du peuple autour d’elle le proclamait hautement. Sans elle, ni combat, ni victoire.

La foi rend toujours témoignage à Christ. « Les sept sacrificateurs qui portaient les sept trompettes retentissantes devant l’arche de l’Éternel,… sonnaient des trompettes ». C’était un parfait témoignage rendu à la puissance de l’arche en présence de l’ennemi.

La foi est zélée pour exalter Christ et lui rendre témoignage, zélée pour le service qui est en même temps le combat. « Josué se leva de bonne heure le matin » (v. 12) ; « ils se levèrent de bonne heure au lever de l’aurore » (v. 15). Remarquons ici comment le zèle de l’un provoque et encourage le zèle des autres. Nous y reviendrons. Mais en somme, nous voyons que Dieu, tout en nous associant avec Christ, est Celui seul qui remporte la victoire. À quoi auraient servi des armes ou des machines de guerre contre la forteresse de Jéricho ? À rien. C’est Dieu qui fait tout. Il veut que la puissance et la victoire soient entièrement de lui, et sans mélange de l’importance de l’homme. Généralement, quand il s’agit de livrer bataille, les chrétiens admettent bien que la puissance soit de Dieu, mais ils ne consentent pas à ne pas y mêler quelque chose de « soi » ; et le résultat, c’est que le succès n’est pas la victoire complète, comme à Jéricho. Dieu revendiquait cet honneur pour lui ; non qu’il refusât d’employer des instruments humains, mais il fallait que ce fût lui qui les employât, afin que l’homme ne pût s’élever à ses propres yeux. Considérez la manière d’agir de Dieu ! Il choisit des instruments sans force et sans valeur en eux-mêmes, ou bien, s’ils ont quelque valeur aux yeux des hommes, il commence par les briser, comme il le fit pour Saul de Tarse ; puis il dit : Cet homme m’est un vase d’élection. Maintenant tu peux m’être utile !

Nous l’avons remarqué plus haut : le procédé des chrétiens dans le combat est trop souvent l’opposé de celui de Dieu. Ils mettent en avant leurs moyens et leurs ressources : « Nous avons trouvé une excellente méthode ; nous nous sommes organisés d’une bonne manière ; nous avons formé un corps remarquable d’évangélistes ; nous expédions nos émissaires dans les cinq parties du monde ». Chers amis, je n’invente pas ; ces choses, vous pouvez les entendre et les lire tous les jours ; vous, moi, nous les avons peut-être dites autrefois nous-mêmes. Si nous considérons l’oeuvre humaine, nous y trouverons toujours ce déplorable mélange.

Quand Israël aurait dit : « Fort bien ; que la puissance soit de Dieu ; mais concertons-nous pour trouver les moyens de renverser les murs de Jéricho », qu’auraient-ils vu le septième jour ? Qu’il ne tombait pas une seule pierre de la muraille !

Mais ici, la puissance de l’ennemi croule ; le peuple met à l’interdit la ville maudite. De plus, sa foi, son activité en témoignage et sa victoire, mettent en liberté d’autres âmes. Tel sera toujours le résultat, lorsque nous serons engagés dans le combat de l’Éternel. Rahab, encore prisonnière, est délivrée, introduite au milieu du peuple de Dieu, et peut désormais jouir des mêmes privilèges que les vainqueurs.

Remarquez encore un détail. La foi ne fait aucun compromis avec le monde, n’en reçoit et n’en prend rien. Dieu défend au peuple de toucher aux choses de Jéricho ; ce serait de l’interdit. L’Éternel, lui, peut revendiquer ces choses pour se glorifier par elles ; elles lui appartiennent, mais non pas aux enfants d’Israël, qui ne peuvent y toucher que pour les mettre « dans le trésor de l’Éternel ».

Tel est, chers lecteurs, le combat de la foi. Que Dieu nous donne de repasser ces choses dans nos coeurs, afin que nous ne soyons pas vaincus dans notre lutte avec l’Ennemi !

7 - CHAPITRE 7 : Aï et l’interdit

Nous venons de considérer le brillant tableau d’une victoire divine remportée sur Satan par la foi. Après une telle conquête, Israël va, sans doute, marcher de victoire en victoire. Point du tout, le chap. 7 s’ouvre en enregistrant une défaite. Une petite ville, un obstacle insignifiant comparé à Jéricho, et « peu de gens » suffisent pour mettre en fuite trois mille hommes d’Israël et pour faire fondre comme de l’eau le coeur du peuple tout entier.

Il y a des secrets de la défaite, comme il y a des secrets de la victoire. Et d’abord, le premier danger pour le croyant se trouve dans la victoire elle-même. Après l’avoir remportée, dans une véritable dépendance de Dieu, l’âme, en présence des résultats, s’en attribue volontiers quelque chose, et dès lors le combat prochain est déjà perdu d’avance. Voyez ici le cas de Josué : « Josué envoya de Jéricho des hommes vers Aï » (v. 2). Il répète ce qu’il avait fait au chap. 2: 1, à l’égard du pays et de Jéricho. Alors c’était le chemin de Dieu, maintenant le même acte devient le chemin de l’homme et de la chair. Les espions étaient rentrés de leur reconnaissance à Jéricho, en disant : « Oui, l’Éternel a livré tout le pays en nos mains ». Pourquoi alors envoyer de nouveaux émissaires ? Il y avait, en quelque mesure, oubli de la dépendance de Dieu et confiance dans les moyens de l’homme. De plus, Josué les envoya « de Jéricho », qui n’est pas le vrai point de départ ; il oublie Guilgal où l’on apprenait ce qu’est la chair, ou peut-être ne sait-il pas encore que c’est le lieu où il faut retourner ? Josué a trouvé dans la victoire une occasion d’avoir confiance en la chair. Lui qui avait été jusqu’ici le type de Christ en Esprit, agissant dans le croyant pour le mettre en possession de ses privilèges, descend au niveau d’un homme du peuple. Josué type disparaît pour faire place à Josué homme. N’en est-il pas souvent ainsi de nous ? Dans sa mesure, chaque croyant est une image de Christ, une lettre destinée à le faire connaître. Dès que nous oublions Guilgal, cette image disparaît, pour faire place au vieil homme que nous avons négligé de juger.

Mais le peuple ? Hélas ! il suit l’exemple de son chef. Les hommes envoyés par Josué, « retournèrent vers lui, et lui dirent : Que tout le peuple ne monte point ; que deux mille ou trois mille hommes environ montent, et ils frapperont Aï. Ne fatigue pas tout le peuple en l’envoyant là, car ils sont peu nombreux » (v. 3). Ils ont la plus entière confiance en eux-mêmes. « Ils frapperont Aï ». Qu’est-ce pour nous, pour nos gens de guerre ? N’avons-nous pas montré à Jéricho ce que nous sommes ? Dangereuse confiance ! Mais il n’y a pas seulement ce manque de dépendance de Dieu, cette confiance en soi, fruit d’une chair non jugée ; il y a autre chose : des objets du butin, cachés à tous les yeux, sont enfouis dans la terre, au fond d’une tente ; il y a de l’interdit.

Dieu avait maudit la ville de Jéricho ; tout ce qui lui appartenait était sous la malédiction ; nul n’osait en retenir, de peur de devenir interdit lui-même, et de mettre le camp d’Israël en interdit (6: 18). Un seul homme avait désobéi. Cet homme, écoutant la convoitise, avait détourné des choses maudites. Lequel d’entre nous, chers lecteurs, n’a pas cela dans son coeur ? Mais cet homme avait suivi la pente naturelle ; il avait commencé où nous commençons tous, où le premier homme a commencé : « J’ai vu » (v. 21). « Et la femme vit… » est-il dit en Gen. 3: 6. Il avait des yeux qui savaient discerner les belles choses parmi le butin. Ses yeux étaient l’avenue de son coeur ; mais point de sentinelle pour veiller, nul « qui vive » qui pût retentir en cas d’attaque. Par les yeux, l’interdit s’empare du coeur et y excite la convoitise : « Je les ai convoités ». La convoitise ayant conçu engendre le pêché : « Je les ai pris ». Le beau manteau du pays de Babylone qui pouvait parer l’orgueil de la vie, l’argent et l’or qui pouvaient satisfaire toutes les convoitises, deviennent la proie d’Acan ; ah ! mais plutôt, ces choses ont fait de lui leur proie ! — Chaîne fatale et satanique, reliant le monde au coeur naturel de l’homme, afin de faire de lui la proie du prince du monde !

Remarquez maintenant comment le péché d’un seul homme agit sur tout Israël (v. 1). « Mais les fils d’Israël commirent un crime au sujet de l’anathème… et la colère de l’Éternel s’embrasa contre les fils d’Israël ». Le peuple aurait pu dire : « Est-ce que cela nous regarde ? Comment aurions-nous pu connaître une chose cachée ? Et, ne la connaissant pas, comment en serions-nous responsables ? » À tout cela, nous répondons que Dieu a toujours devant les yeux l’unité de son peuple. Il en considère les individus comme membres d’un seul tout, et solidaires les uns des autres. La souffrance, le péché de l’un, est la souffrance, le péché de tous. S’il en est ainsi d’Israël, à bien plus forte raison de nous, l’Église de Christ, un corps uni par le Saint Esprit à la Tête qui est dans le ciel. Mais ensuite, si leurs âmes avaient été en bon état, Dieu aurait manifesté parmi eux le mal caché. La puissance du Saint Esprit, non contristé dans l’assemblée, met au jour tout ce qui déshonore Christ parmi les siens. S’il n’en fut pas ainsi pour Israël, c’est qu’il y avait quelque chose à juger chez le peuple et son conducteur. Le mal caché d’Acan est le moyen de faire ressortir le mal caché du coeur du peuple. Lorsque l’assemblée est en bon état, quoique toujours solidaire du péché d’un seul, elle est avertie par le Saint Esprit, et se trouve en demeure d’ôter le mal du milieu d’elle et, selon le cas, d’ôter le méchant (*). Il en fut ainsi au commencement de l’Église, dans le cas de l’interdit d’Ananias et de Sapphira ; la puissance de l’Esprit de Dieu découvrit aussitôt et jugea le mal. Mais ici, en Israël, les coeurs avaient à être amenés, par le jugement d’eux-mêmes, à porter le péché d’un seul comme étant le péché de tous devant Dieu. En est-il de même pour nous, dans ce temps de ruine ? Le péché dans l’Église, nous a-t-il touchés ? Sommes-nous solidaires, dans notre pensée, de toute la corruption introduite ? Ou bien, voyant ces décombres, avons-nous assez de confiance en nous-mêmes, pour penser que nous ferons mieux que les autres, et que la ruine de l’Église n’est pas de notre fait ? Si nos coeurs ne sont pas habitués à prendre cette position devant Dieu, nous ne sommes que des sectaires. Mais, bien plus, une défaite éclatante viendra rappeler nos coeurs à l’humilité qui convient à ceux qui auraient dû se tenir à Guilgal. Voyez comme Dieu juge autrement que nos misérables coeurs. Il dit : « Israël a péché ; et même ils ont transgressé mon alliance que je leur avais commandée ; et même ils ont pris de l’anathème ; et même ils ont volé, et même ils ont menti, et ils l’ont aussi mis dans leur bagage » (v. 11).

(*) Il est ainsi nommé en Deut. 13: 5 ; 19: 19 ; 21: 18-21 ; 24: 7. (Cf. 1 Cor. 5: 13). Il faut remarquer que les cas où un homme est qualifié de méchant, ne sont point tous spécifiés dans la Parole. Elle ne fait point mention du meurtrier, etc. Le jugement est laissé à la spiritualité de l’assemblée.

Nous voyons le châtiment du peuple aux versets 5 et 6 ; trois mille hommes d’Israël s’enfuient devant ceux d’Aï, et pour trente-six d’entre eux qui tombèrent, le coeur du peuple se fond comme de l’eau. Ils sont anéantis ; toute force, toute énergie leur manque ; la peur s’est emparée de leurs âmes, leur courage avait été charnel. Ce peuple si fier de sa victoire est tombé au niveau des Amoréens, dont le « coeur se fondait » en entendant parler du passage du Jourdain (5: 1). Triste expérience que celle-là, mais expérience nécessaire. Vous avez oublié Guilgal ; Satan va se charger de vous apprendre, à travers les larmes de la défaite, la dose de force que vos coeurs naturels contiennent, et quelle confiance vous pouvez mettre en la chair. Ah ! si vous aviez été avec Dieu, vous auriez été préservés d’une défaite ! C’est ce que nous montre, d’une manière remarquable, l’expérience de l’apôtre Paul. Il avait été victorieusement ravi jusqu’au troisième ciel, dans le paradis, et là il avait entendu des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à l’homme d’exprimer. Mais, redescendu sur la terre, il lui fut donné une écharde dans la chair, un ange de Satan pour le souffleter. La chair était en lui ; elle se serait élevée. Dieu la prévient, et empêche son serviteur bien-aimé de s’enorgueillir. Le danger était grand. Eût-il écouté sa chair, que de choses flatteuses il pouvait s’adresser à la suite de cette merveilleuse vision, compromettant ainsi non seulement sa paix, mais son apostolat et sa course même. Mais Dieu prend soin de son serviteur et lui donne le correctif nécessaire afin que le cours de ses victoires ne soit pas interrompu. Paul apprend par l’écharde, que la chair, même la meilleure, ne vaut rien. Cette écharde est le Guilgal de Paul. Dieu lui dit : Qu’importe ton infirmité, ton écharde pour la chair : reste à Guilgal, c’est précisément ce qu’il te faut ; ainsi la puissance sera mienne, tout entière, et remportera la victoire ; et quant à toi, ma grâce te suffira. Position de souffrance et d’humiliation pour Paul, mais position de bénédiction merveilleuse ! Il était avec Dieu, en communion avec le Seigneur ; l’ange de Satan n’est que le moyen de le maintenir à Guilgal ; non pas celui de l’y ramener par une défaite.

Et Josué, l’homme de Dieu ? Hélas ! il déchire ses vêtements et se jette le visage contre terre devant l’arche de l’Éternel (v. 6). Où était-elle donc dans le combat contre Aï, cette arche devant laquelle étaient tombés les murs de Jéricho ? Le coeur pieux de Josué en reconnaît la valeur ; mais il ne sait que faire ; il ignore l’interdit et s’exhale en regrets, non point en regrets de ce qu’il a fait, ni de ce que le peuple a fait, mais, hélas ! en regrets de ce que Dieu a fait lui-même, quand il leur fit passer le Jourdain ! « Que nous fussions demeurés au-delà du Jourdain ! » dit-il. Comme ces paroles montrent bien ce qu’est le coeur de l’homme ! Cet endroit béni est le seul que Josué eût voulu fuir.

Le ton de sa requête révèle de la faiblesse. Ce qui occupe ses pensées, c’est avant tout Israël, le nom d’Israël ; puis ce sont les Cananéens, le monde. « Israël a tourné le dos devant ses ennemis ». « Le Cananéen et tous les habitants du pays l’entendront » ; « ils retrancheront notre nom de dessus la terre ». Puis, tout à la fin : « Que feras-tu pour ton grand nom ? » (v. 8, 9). L’exemple que nous offre l’histoire de Moïse est bien différent (Ex. 32: 11-13). Ce fidèle serviteur avait été sur la montagne de Dieu. Cette position fait que Dieu lui révèle le mal qui s’est passé dans le camp ; le péché du peuple ne reste pas caché aux yeux de Moïse ; il le connaît avant de descendre de la montagne. Pense-t-il à la honte d’Israël ? Non ; il s’occupe du nom de l’Éternel, de ce qui convient à ce nom. Il reconnaît les droits de la sainteté de Dieu offensée. Quant aux nations, il ne s’inquiète que de ceci  : Dieu sera-t-il glorifié vis-à-vis des Égyptiens, par la défaite de son peuple ? Quant à Israël, il fait appel à la grâce de Dieu, à la seule chose qui glorifie le nom de l’Éternel en présence d’Israël coupable. Moïse intercède pour le peuple, car il n’a pas besoin, comme Josué, de retrouver pour lui-même la communion perdue ; aussi est-il écouté. Josué, au contraire, est précisément dans la position où il ne devrait pas être. « Lève-toi », lui dit l’Éternel, « pourquoi te jettes-tu ainsi sur ta face ? » (v. 10). S’humilier de son impuissance n’était pas tout. Il était temps d’agir. Nous trouvons le contraire en Juges 20, où Israël aurait dû s’humilier d’abord, puis agir. Misérable chair ! Quel désordre elle introduit dans les choses de Dieu ! Toujours hors du courant de Ses pensées, quand elle n’est pas en hostilité ouverte avec lui ! Puissions-nous répéter avec l’apôtre : « Nous qui n’avons aucune confiance en la chair ». Josué devait agir ; il fallait que le méchant fût ôté du milieu d’eux.

Les enfants d’Israël avaient bientôt oublié la présence de l’Éternel qui seul pouvait les éclairer, en découvrant le péché au milieu d’eux ; Josué, lui-même, avait été pris en quelque mesure dans ce piège de Satan, et enveloppé dans l’affaiblissement du peuple. S’il avait réalisé personnellement la position prise au chap. 5, quand il « ôtait sa sandale de son pied », il aurait compris qu’il fallait que le peuple fût saint, afin que le Dieu saint pût marcher avec lui. Mais Josué se jette sur son visage, fait presque un reproche à Dieu de sa grâce : « Pourquoi donc as-tu fait passer le Jourdain à ce peuple ? » et oublie de parler de sa sainteté. Il n’était pas, pour le moment du moins, dans le courant des pensées de Dieu. Dieu le lui fait sentir. Aucune de ses pensées n’était à sa place. Quand l’interdit entre dans le témoignage de Dieu, la chose à faire est de nous sanctifier et d’ôter le mal du milieu de nous. Il ne s’agit pas ici de puissance, mais de sainteté et d’obéissance. Dieu dit à Josué : « Lève-toi, sanctifie le peuple ». Se sanctifier, c’est se séparer de tout mal pour Dieu. Il est impossible que Dieu marche avec nous sans la sainteté.

Chers lecteurs, c’est une des vérités les plus importantes pour le temps actuel. Ce qui doit nous caractériser maintenant, c’est, comme pour Philadelphie, la communion avec le « Saint et le Véritable ». Remarquez que je ne parle ici que d’un cas ordinaire de retranchement, et non d’un cas de discipline compliqué par l’incapacité de l’assemblée pour juger le mal. Mais, direz-vous, vous négligez l’humiliation ? Non ; la vraie humiliation dans un cas de retranchement, accompagne l’action. Il fallait qu’Israël, soit le peuple, soit chacun individuellement, fût passé en revue par l’oeil scrutateur de l’Éternel lui-même (v. 14-15) leur conscience était ainsi réveillée, le moi jugé chacun prenait sa place en présence du jugement. Il en fut de même lors du retranchement du méchant de Corinthe. « La tristesse qui est selon Dieu » avait opéré chez les Corinthiens « une repentance à salut dont on n’a pas de regret ». L’humiliation avait été produite par la tristesse, mais cette même tristesse avait produit l’activité et le zèle pour purifier du mal l’assemblée de Dieu, en sorte que la vraie humiliation et l’action avaient marché de pair. « Car voici, ce fait même que vous avez été attristés selon Dieu, quel empressement il a produit en vous, mais quelles excuses, mais quelle indignation, mais quelle crainte, mais quel ardent désir, mais quel zèle, mais quelle vengeance » (2 Cor. 7: 10-11)

Revenons à la sainteté. Au ch. 5, Josué nous présente la sainteté individuelle, au chap. 7, il s’agit de sainteté collective. Il fallait que le peuple ôtât l’interdit qui était entré au sein de l’assemblée, afin qu’Israël ne fût pas souillé, et n’eût pas lui-même le caractère d’interdit. Il est rare de trouver parmi les chers enfants de Dieu l’intelligence de ces deux faces de la sainteté pratique. La plupart du temps, les chrétiens recherchent la première, une sainteté individuelle, mais ils n’estiment la seconde d’aucune importance. J’ai pris souvent un exemple pour montrer que la sainteté individuelle n’est jamais complètement comprise, si l’on ne réalise pas la sainteté collective : Mon fils est d’un caractère irréprochable. Tout le monde parle de lui et de ses vertus. On l’estime dans la ville ; de toutes parts on me dit : « Quel bon fils vous avez ! » Or ce fils, qui du reste ne s’enivre pas, va tous les jours passer la soirée au cabaret, en compagnie d’ivrognes, au lieu de rester dans la maison de son père, pour s’asseoir à la table de famille. Puis-je l’appeler un bon fils ?

En 2 Cor. 6: 16 à 7: 1, nous trouvons la liaison intime entre ces deux faces de la sainteté. Dieu commence par la sainteté collective. « Vous êtes le temple du Dieu vivant » (v. 16). « Le temple de Dieu est saint », est-il dit en 1 Cor. 3: 17 ; c’est la sainteté de position. Quelle convenance entre lui et les idoles ? « C’est pourquoi sortez du milieu d’eux et soyez séparés » (v. 17) ; c’est la sainteté pratique collective. Puis il ajoute (7: 1) : « Ayant donc ces promesses, bien-aimés, purifions-nous nous-mêmes de toute souillure de chair et d’esprit, achevant la sainteté dans la crainte de Dieu ». C’est la sainteté individuelle, inséparable de la sainteté collective et des promesses qui lui sont faites.

Mais la sainteté collective n’est pas comprise parmi les enfants de Dieu, qui voudraient, hélas ! traverser le monde en ne s’inquiétant pas des autres chrétiens. La solidarité du peuple de Dieu leur est une chose inconnue. On entend souvent dire : « Oh ! moi, je ne me préoccupe pas des autres ; je me trouve seul avec mon Dieu ; je prends la cène pour moi », etc. Ah ! ce n’est pas ainsi que Dieu nous considère. Je le répète : il nous voit tous ensemble comme formant un seul corps, uni par le Saint Esprit à son Fils glorifié. Le péché, la souffrance d’un membre, est le péché, la souffrance du corps. Un mot en passant sur cette parole que l’on trouve si souvent dans la bouche des chrétiens : « Je prends la cène pour moi ». Que répond l’Ecriture ? « Nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain » (1 Cor. 10: 17). Quels sont les « plusieurs » avec qui vous professez être un seul corps ? Pour excuser votre alliance avec le monde à la table du Seigneur, vous prenez, dites-vous, la cène pour vous seul ; et vous ne voyez pas que vous professez être un seul corps avec les meurtriers de votre Sauveur, car c’est le monde qui l’a crucifié !

Remarquez encore un point. Dieu dit : « Sanctifiez-vous pour demain » (v. 13). Ce n’est pas au moment de l’action qu’il faut se sanctifier, mais nous sommes appelés à le faire d’avance. D’où vient si souvent notre incapacité de juger le mal, d’agir pour Dieu ? De ce que nous ne nous sommes pas sanctifiés le jour précédent. D’où vient qu’au culte les coeurs, si souvent, sont froids, les lèvres muettes pour la louange ? De ce que nous n’avons pas obéi à la Parole : « Sanctifiez-vous pour demain ». Il en est de même en 1 Cor. 5. L’apôtre avait bien la puissance, mais non pas les Corinthiens. Eux devaient simplement obéir, en ôtant le vieux levain pour être une nouvelle pâte ; il leur fallait ôter le méchant du milieu d’eux. — Acan avait participé à ce qui était sous la malédiction divine ; il devait être simplement retranché, et il le fut dans la vallée d’Acor.

Mais, chose merveilleuse, nous lisons en Osée 2: 15, cette parole consolante touchant Israël : « Je lui donnerai… la vallée d’Acor pour une porte d’espérance ». Or, bien-aimés, il en est toujours ainsi. La bénédiction nous est donnée sur le seuil même du jugement. C’est en ce lieu que l’âme, lors de sa conversion, trouve la porte d’espérance, c’est là qu’elle rencontre Christ. C’est ensuite dans la discipline que le croyant trouve le lieu d’espérance et de joie. Ce sera là, dans cette vallée, où le jugement de Dieu a été prononcé contre lui, que le peuple d’Israël trouvera la bénédiction de Dieu ; ce fut là que Josué trouva le relèvement de son âme, pour marcher désormais avec Dieu et conduire le peuple à la victoire.

8 - CHAPITRE 8 : Moyens et procédés du relèvement

8.1 - Moyens et procédés du relèvement

Le méchant venait d’être ôté de l’assemblée d’Israël, mais, par la présence du mal au milieu d’eux, Dieu leur avait fait découvrir leur confiance en eux-mêmes. Souvent des cas pareils se présentent, lorsqu’une assemblée est satisfaite d’elle-même. Elle se vante de son état, de ses bénédictions, de son accroissement… ! Israël fit de même ; le peuple eut confiance, non pas en Dieu, mais en sa victoire, et cette confiance devint le chemin de la défaite. Israël dut être jugé, puis il lui fallut se purifier du mal. Mais le jugement de soi-même et la sanctification pratique ne sont pas encore la restauration de l’âme. Il faut que la communion avec Dieu, interrompue par le péché, soit rétablie.

Ici, je désire placer une remarque qui me paraît importante. Au chap. 6, Dieu manifeste devant Jéricho sa puissance avec Israël, en victoire sur l’ennemi. Cette même puissance se manifeste aussi dans la vie du chrétien. Il se peut qu’on jouisse de cette force divine, des victoires qu’elle apporte… et peut-être on ne connaît réellement encore ni Dieu, ni soi-même. Josué aurait dû le connaître, lui qui avait fait personnellement la rencontre de l’ange. Le chef de l’armée de l’Éternel s’était révélé à lui, ayant l’épée nue en sa main, la puissance prête pour le combat, et comme étant le Saint. Puis, en compagnie du peuple, Josué avait vu cette puissance à l’oeuvre devant Jéricho. Mais il fallait que sa conscience entrât en rapport avec la sainteté de Dieu ; il n’avait pas encore l’idée de ce que cette sainteté exigeait du peuple pour la marche. La colère de l’Éternel (7: 1) doit se révéler à Israël et à son conducteur, pour qu’ils apprennent que la sainteté de Dieu ne peut tolérer l’interdit. Connaître Dieu en puissance, nous laisse encore bien des choses à apprendre pour posséder la vraie, la pleine connaissance de Dieu. D’autre part, il pourrait sembler que, lorsqu’on a passé par Guilgal, on doit en avoir fini avec soi-même. En réalité, on n’en a fini avec soi-même qu’autant que l’on se tient à Guilgal. Comme le peuple se connaissait peu, après la victoire de Jéricho ! Lorsque Dieu avait pris mille peines pour lui prouver que tout était de Lui dans cette victoire, quelle suffisance, quel oubli que de s’en aller sans Dieu au-devant de l’ennemi !

Le résultat en est du recul, du travail, et quand ils reprennent l’offensive, toute sorte d’embarras. Il faut que le peuple remonte un chemin pénible, semé de complications, un chemin qui met en lumière à ses yeux sa propre faiblesse, déjà manifestée, aux yeux de l’ennemi, par sa défaite. Il faut qu’ils retournent en arrière, obligés de recommencer l’expérience d’eux-mêmes ; mais cette expérience, la grâce va la leur donner avec Christ, et non plus avec Satan.

Remarquez, au chap. 8, combien tout devient compliqué, quand on n’a pas suivi le simple chemin de la foi. L’âme humiliée se retrouve avec Dieu, et Dieu peut marcher avec elle ; mais les conséquences du chemin de la chair se font sentir. Dieu s’en servira pour la bénédiction finale ; mais, je le répète, le chemin n’a plus la simplicité du sentier primitif de la foi, chemin très simple, car le croyant suit l’ordre de Dieu dans une humble dépendance de sa Parole, et la victoire est à lui. Ainsi en fut-il autour de Jéricho. Devant Aï, la même puissance qui avait fait tomber les murs de la ville maudite, se trouve, il est vrai, avec Israël et n’a pas changé ; mais l’armée doit faire des manoeuvres : elle se sépare en deux corps, cinq mille hommes se mettent en embuscade, le reste du peuple attire les défenseurs d’Aï hors de leur forteresse.

Au chap. 7, les espions avaient dit dans leur rapport : « Ils sont peu nombreux ; que deux mille ou trois mille hommes environ montent ». Et maintenant, il fallait que trente mille hommes vaillants, choisis d’entre eux, montassent contre Aï. Quelle humiliation ! comme cela rabaissait Israël dans sa propre estime ! Il fallait monter de nuit ; les uns devaient se cacher, les autres feindre de fuir devant l’ennemi. Comment se glorifier de cela ?

Mais on me dira : Vous nous avez montré qu’à Jéricho il n’était pas question de moyens humains, et voici maintenant toutes sortes de combinaisons pour vaincre l’ennemi. Je réponds : S’il vous suffit d’employer des moyens qui mettent en lumière votre incapacité, qui impriment à l’homme le cachet de son entière faiblesse, qui l’humilient, en sorte qu’il n’ait d’autres ressources que de fuir devant l’ennemi, à la bonne heure. Mais vous le voudriez, que vous ne le pourriez pas. En réalité, cher lecteur, ce ne sont pas plus qu’à Jéricho des moyens humains ; la différence est que les dispositions devant Jéricho, Dieu les avait ordonnées, afin qu’Israël connût Sa puissance, tandis qu’à Aï, il les ordonnait pour que le peuple apprît à connaître sa propre faiblesse.

Mais, je le répète, dans l’un et l’autre cas, la puissance de Dieu n’a pas changé. C’est elle qui, devant Aï, donne la victoire à Israël ; Josué était là, Josué avec le javelot en sa main. Sur l’ordre de l’Éternel, « Josué étendit vers la ville le javelot qui était en sa main » (v. 18). « Et Josué ne retira point sa main, qu’il avait étendue avec le javelot, jusqu’à ce qu’on eût entièrement détruit tous les habitants d’Aï » (v. 26). Elle était restée étendue tout le long du combat !

On entend souvent répéter : « Qu’importent les divisions ? N’avons-nous pas tous le même but ? Ne combattons-nous pas tous pour le même Seigneur, quoique sous des drapeaux différents ? » Est-ce donc ce que nous enseignent ces chapitres ? Non ; une grande vérité y domine. Le peuple n’est qu’un ; un dans sa victoire, un dans sa faute, un dans sa défaite, un dans le jugement du mal, un dans sa restauration. Les pauvres enfants de Dieu sont dispersés et divisés, et ils se contentent de dire : « Qu’est-ce que cela fait ? » Frères, dans quel but Christ est-il donc mort ? N’est-ce pas « pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés ? » (Jean 11: 52). Est-ce Dieu qui les disperse, après les avoir rassemblés ? Non, c’est le loup qui disperse les brebis (Jean 10: 12). Et nous dirions : Qu’importe … ?

La diversité n’est pas la division ; mais elle se montre dans l’unité. L’embuscade prend Aï et y met le feu. Les vingt-cinq mille hommes fuient devant l’ennemi, puis se retournent contre lui avertis par la fumée de la ville. Au moment où ils combattent, l’embuscade sort de la ville pour prendre part à la bataille (v. 22), puis tous ensemble se tournent vers Aï et la frappent au tranchant de l’épée (v. 24). Il y a donc diversité d’action et de service, mais c’est une action commune. Le corps est un ; les diverses parties sont reliées ensemble, et ce qui les relie, c’est Josué avec son javelot. Si l’on ne tient pas compte de cette unité, on est défait dans la bataille.

1 Cor. 12 nous montre la diversité liée à l’unité dans l’Église. « Or il y a diversité de dons de grâce, mais le même Esprit ; et il y a diversité de services, et le même Seigneur ; et il y a diversité d’opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous » (v. 4-6). « Car de même que le corps est un, et qu’il a plusieurs membres » (c’est la diversité dans l’unité), « mais que tous les membres du corps, quoiqu’ils soient plusieurs, sont un seul corps » (c’est l’unité dans la diversité), « ainsi aussi est le Christ ». Nous sommes unis en un seul corps — le Christ — et cependant chaque enfant de Dieu a sa fonction et sa tâche, que nul ne peut remplir que lui. À chacun est confié un service différent ; je ne puis faire le vôtre, ni vous le mien.

Maintenant Israël a retrouvé la communion avec Dieu. Dans toute cette scène, la présence de Josué caractérise d’une manière très bénie toute l’activité du peuple. S’agit-il d’entrer en guerre : « Josué se leva avec tout le peuple » (v. 3). S’agit-il des préparatifs du combat — « Josué passa cette nuit au milieu du peuple » (v. 9). S’agit-il de se mettre en marche : « Josué s’avança cette nuit-là au milieu de la vallée » (v. 13). S’agit-il d’attirer l’ennemi : « Josué et tout Israël… s’enfuirent par le chemin du désert » (v. 15). S’agit-il de le battre : « Josué et tout Israël… frappèrent les hommes d’Aï » (v. 21). S’agit-il enfin de la victoire définitive : « Josué ne retira point sa main… qu’on n’eût entièrement détruit tous les habitants d’Aï » (v. 26).

La défaite d’Aï eut pour résultat d’apprendre aux Israélites à mieux connaître à la fois leurs propres coeurs et le caractère du Dieu qui les conduisait. Avant de considérer les résultats pratiques de cette leçon que Dieu avait donnée à son peuple en le disciplinant, je désire faire un rapprochement entre les chap. 7 et 8 de Josué et les chap. 20 et 21 des Juges. C’est un fait connu que la fin du livre des Juges, depuis le chap. 17, ne suit pas l’ordre chronologique (cf. 20:28), mais nous offre un tableau de ce qui s’est passé avant que Dieu suscitât des juges, un tableau de l’histoire d’Israël immédiatement après la mort de Josué. Le déclin avait été rapide et complet ; l’idolâtrie et la corruption morale régnaient partout. Au commencement et à la fin de ces chapitres, nous trouvons cette formule : « Chacun faisait ce qui était bon à ses yeux ». Plus de dépendance de Dieu, de sa Parole : la mesure du bien et du mal, c’était la conscience de l’homme. Chacun se dirigeait d’après sa propre conscience ; la conscience était la mesure de la marche.

Ce tableau diffère-t-il beaucoup de celui de la chrétienté ? Que s’est-il passé après le départ des apôtres ? Le déclin a-t-il été moins subit, moins complet ? Sans parler des principes corrompus du papisme, la chrétienté protestante éclairée, met-elle en avant la Parole, ou bien la conscience comme règle de conduite ? Prêche-t-elle la soumission à la parole de Dieu, ou bien la liberté de conscience est-elle son mot d’ordre ? Et quel est le résultat, lorsque l’on prend sa conscience pour guide ? La confusion la plus absolue. Chacun ne tarde pas à se conduire d’après son propre jugement. Mais un péché horrible avait eu lieu à Guibha. Ce n’est pas l’interdit, la faute cachée, comme en Josué 7 ; c’est un péché commis à la face de Dieu et des hommes. Le misérable Lévite publie lui-même sa honte, il n’est pas une des tribus d’Israël qui n’en soit instruite (Juges 19: 29). Qu’est-ce que le peuple va faire ? Eh bien ! comme pour le péché d’Acan, Dieu se servira du péché de Guibha pour mettre à nu l’état moral d’Israël, pour l’humilier et réveiller chez lui la conscience de ce qui est dû à Dieu. Seulement ici, l’état moral des tribus est beaucoup plus bas et plus grave qu’il ne l’était devant Aï. Ils sont indignés, mais du tort qui leur a été fait ; la pensée du tort fait à Dieu est absolument absente de leur esprit. Ils parlent de « l’infamie que Guibha a commise en Israël », de la « méchante action que l’on a commise parmi ceux » de la tribu de Benjamin ; mais pas le moindre mot de la honte jetée sur le nom de l’Éternel. Comme cela prouve le déclin, et qu’elle est différente la parole de Phinées aux deux tribus et demie (Josué 22: 16) : « Quel est ce crime que vous avez commis contre le Dieu d’Israël ? »

À ce premier symptôme du déclin s’en lie un second ; ils avaient abandonné ce qu’on pourrait appeler le premier amour. Le Seigneur n’était plus devant les yeux, l’affection pour lui avait diminué, et par conséquent aussi l’affection pour ce qui était né de lui. Ils oublient que Benjamin est leur frère. « Qui de nous montera le premier pour livrer bataille aux fils de Benjamin ? » (Juges 20: 18). Ces derniers, de leur côté, « ne voulurent pas écouter la voix de leurs frères, les fils d’Israël » (v. 13).

Un troisième symptôme, c’est l’oubli de l’unité du peuple. Remarquez que les onze tribus formaient en apparence une unité magnifique ; elle était presque aussi belle que lorsque Israël se purifia d’Acan et fut restauré devant Aï. Ah ! cependant ce n’était plus l’unité de Dieu ! Le peuple avait beau être « réuni, comme un seul homme » (v. 1), ou « se lever, comme un seul homme » (v. 8), ou s’unir contre Guibha, « comme un seul homme » (v. 11), Benjamin manquait à l’unité d’Israël, et Dieu n’en reconnaît qu’une. Bien-aimés, ces anneaux du déclin se rivent l’un à l’autre ; oubli de la présence de Dieu, abandon du premier amour, mépris de l’unité, malgré les meilleures apparences.

Benjamin n’était-il donc pas coupable ? Oui, infiniment coupable. On voit chez lui, dès le début, le parti pris de ne pas juger le mal. Averti d’un crime patent, aussi bien que les autres tribus (19: 29), ayant connaissance que l’assemblée des fils d’Israël était en voie de juger le mal, averti enfin, bien que ce fût dans un esprit charnel, qu’il eût à s’en purifier, il se refuse à tout devoir. Il renie l’unité d’Israël en établissant le principe de l’indépendance, et loin de se purifier du crime de Guibha, il s’y associe avec l’inutile et misérable semblant de faire une différence (20: 15). Benjamin devait être jugé, mais l’état du peuple tout entier était si mauvais, qu’il rendait le jugement impossible selon Dieu et qu’il lui fallait passer lui-même par le crible, avant de pouvoir réellement se purifier du crime de Guibha. Qu’aurait dû faire Israël, s’il avait eu un sens droit des choses ? S’humilier d’abord en présence de l’Éternel, consulter l’Éternel, et puis agir. Au lieu de cela, que font-ils ? Ils commencent par se consulter, pauvre résultat de l’oubli de la présence de Dieu ; ils prennent des mesures ; ils décident très scripturairement « d’ôter le mal du milieu d’Israël », mais en oubliant complètement qu’eux-mêmes sont atteints par le mal, que Benjamin, c’est eux-mêmes. Après avoir pris tous leurs arrangements, et dénombré leurs guerriers, « ils montèrent à Béthel et interrogèrent Dieu » (v. 18). C’est, hélas ! l’esprit du déclin ; c’est ce que l’on trouve partout dans la chrétienté, et souvent chez de chers enfants de Dieu, ce que, même généralement, on érige en principe. Nous nous proposons quelque chose qui semble bon, puis au moment de l’exécution de nos plans, souvent après avoir tout arrangé, nous demandons à Dieu de nous bénir.

Le résultat de cet oubli complet des principes divins, c’est que, dans la première journée, vingt-deux mille hommes d’Israël sont mis par terre. Alors les enfants d’Israël remontent vers l’Éternel en pleurant ; c’est la douleur, et non plus l’indignation charnelle, qui remplit leurs coeurs. Ils appellent Benjamin leur frère. L’amour perdu, l’esprit de solidarité, se réveillent. Puis ils se rangent encore en bataille et perdent dix-huit mille hommes. Pourquoi cette seconde défaite ? Dieu, dans sa bonté, voulait produire un résultat complet. La douleur n’était pas tout, ni la proclamation des liens qui les unissaient ; il fallait un jugement complet de soi-même, la repentance devant Dieu ; il fallait remonter le chemin du déclin jusqu’à retrouver la présence de l’Éternel et sa communion perdue. Aussi est-il dit : « Et tous les fils d’Israël, et tout le peuple, montèrent et vinrent à Béthel, et pleurèrent, et demeurèrent là devant l’Éternel et jeûnèrent ce jour-là jusqu’au soir, et ils offrirent des holocaustes et des sacrifices de prospérités devant l’Éternel » (v. 26). Désormais, nous voyons se dérouler une scène qui offre une très grande analogie avec celle de Aï. Il faut qu’Israël mette une embuscade (v. 29), fuie devant Benjamin (v. 32), que trente hommes encore, après toutes leurs pertes, soient blessés à mort, que le feu soit mis dans la ville pour servir de signal. Israël, entièrement jugé, et rentré en communion avec Dieu, peut désormais rencontrer le pénible devoir de juger le profane Benjamin ; mais alors que de sanglots, que de larmes, à la suite de la victoire ! (21: 2). Comme elle était différente cette scène, de celle de Jéricho, où « le peuple jetant un grand cri, la muraille tomba sous elle-même » ! (Jos. 6: 20). C’est qu’il s’agissait ici de leurs frères, d’une tribu presque retranchée par le jugement. Après cela Dieu, dans sa grâce, et au milieu de bien des complications amenées par la hâte charnelle des décisions premières d’Israël, Dieu, dis-je, rétablit le grappillage de Benjamin.

Mais il est un parti dans l’assemblée d’Israël, qui est traité plus sévèrement par le peuple restauré que ne le fut Benjamin lui-même. Jabès de Galaad n’était pas venu au camp, à l’assemblée (21: 8). C’était une indifférence hautement proclamée, une neutralité qui ne tenait aucun compte du mal, bien pire encore que la colère charnelle avec laquelle Benjamin s’était révolté, en méprisant une décision de l’assemblée, et qui lui avait fait prendre les armes contre ses frères, en s’associant au mal. Jabès dut être exterminé à la façon de l’interdit.

8.2 - Résultats de la discipline

Revenons à Josué et au peuple. Israël venait d’apprendre, dans le sentier de l’humiliation, qu’il ne pouvait avoir aucune confiance en lui-même. Cette expérience porte immédiatement ses fruits. Que ce soit désormais la Parole qui dirige le peuple ! Pour éviter de nouvelles chutes, il n’a qu’à se confier en ce guide parfait. Les versets 27-35 nous montrent Josué et le peuple obéissant au commandement de l’Éternel (v. 27, 31, 33, 35), et dépendant de ce qui est écrit au livre de la loi (v. 31, 34). L’humiliation a pour effet de rappeler au coeur d’Israël et de son conducteur les prescriptions du chap. 27 du Deutéronome. Bien plus, le supplice du roi d’Aï montre que les détails de la conduite de Josué sont formés sur la Parole : « Comme le soleil se couchait, Josué commanda et on descendit de l’arbre son cadavre » (cf. Deut. 21: 22-23). Pour l’homme, ce détail serait sans importance, mais un coeur nourri de la Parole ne pouvait le négliger. L’eût-il négligé, Josué serait retombé dans la même faute qui avait appelé le châtiment sur le peuple ; il n’aurait pas tenu compte de la sainteté de Dieu. « Son cadavre », est-il dit en Deut. 21: 23, « ne passera pas la nuit sur le bois,… car celui qui est pendu est malédiction de Dieu ; et tu ne rendras pas impure la terre que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage ». Et encore (Nomb. 35: 34) : « Vous ne rendrez pas impur le pays où vous demeurez, au milieu duquel j’habite ; car moi, l’Éternel, j’habite au milieu des fils d’Israël ». En un mot, le Dieu saint ne pouvait demeurer avec la souillure, leçon bénie, enseignée à Josué par le chef de l’armée devant Jéricho, apprise au milieu des larmes en la vallée d’Acor, et librement réalisée au jour de la victoire par une conscience exercée à l’école de Dieu.

Le jugement du roi d’Aï nous présente encore une autre leçon. Ce n’est pas sans motif que Deut. 21: 18-23, relie sans interruption les deux faits contenus dans les chap. 7 et 8 de Josué, le retranchement du méchant et le jugement de l’ennemi. Pratiquement, il en est toujours ainsi. Il faut que l’assemblée ôte le mal du milieu d’elle, avant de pouvoir combattre et réduire au silence le mal du dehors. Si le mal est toléré dans l’assemblée, vous ne trouverez jamais cette décision et cette fermeté qui traitent l’ennemi sans transiger, comme un ennemi, en le mettant d’emblée à la seule place que Dieu lui assigne, et dont il est dit : « Celui qui est pendu est malédiction de Dieu ».

Enfin, j’ai été frappé d’une autre coïncidence dans les versets de Josué que nous étudions. La potence du roi d’Aï était la place du jugement et de la malédiction de l’ennemi d’Israël. Mais voici le peuple obligé de se tenir lui-même sur la montagne d’Ébal, où la malédiction de Dieu est prononcée contre lui ! Cette conclusion terrible de la loi, à laquelle Israël ne pouvait échapper, Dieu l’a réduite à néant par la croix de Christ (*). La malédiction prononcée en Ébal sur l’homme responsable, Christ l’a portée sur la croix pour nous en racheter. Sur la potence d’Aï, Israël pouvait voir, en type, l’ennemi par excellence, le diable, défait et anéanti, et c’est ce que nous voyons dans la croix de Christ ; mais nous pouvons y voir aussi, comme nous venons de le remarquer, toute la malédiction qui pesait sur nous en Ébal, passée à tout jamais dans la réalité du jugement de Celui qui a pris cette place pour nous. En Gal. 3: 10, 13, nous retrouvons la même relation bénie entre Ébal et la croix : « Car il est écrit (Deut. 27: 26) : Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites dans le livre de la loi pour les faire ». Ces paroles terminaient les malédictions d’Ébal, mais l’apôtre ajoute : « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit est quiconque est pendu au bois ». Voilà le supplice d’Aï.

(*) Notons que l’autel ordonné pour cette circonstance fut établi sur la montagne d’Ébal, non sur celle de Garizim. L’autel sur Ébal faisait, pour ainsi dire, contrepoids en grâce à la malédiction.

Autre résultat de la discipline : Israël humilié est en état de rendre culte. « Alors Josué bâtit un autel à l’Éternel, le Dieu d’Israël, sur la montagne d’Ébal… et ils offrirent dessus des holocaustes à l’Éternel et sacrifièrent des sacrifices de prospérités ». Il en est de même pour nous : sans le jugement de nous-mêmes, pas de communion ; sans communion, pas de culte. L’autel en Ébal était la provision en grâce pour la malédiction que la loi prononce sur les transgresseurs. À l’autel, nous trouvons la propitiation, base de tout culte vrai, mais ici, en présence d’un peuple menacé de malédiction, s’il n’obéit. Notre culte à nous, a la croix pour point de départ et pour centre, la croix qui a mis fin à notre malédiction et ne fait rayonner sur nous que la pleine lumière de la grâce divine.

Mais cette grâce elle-même n’affaiblit point la responsabilité des chers enfants de Dieu. Il est des conditions sous lesquelles on prend possession du pays. Un double de la loi de Moïse devait être écrit sur de grandes pierres dressées et enduites de chaux (Deut. 27: 2, 3 ; Jos. 8: 32). Cette même loi fut lue tout haut « devant toute l’assemblée d’Israël » (v. 35). N’oublions pas que Jésus Christ est à la fois pour nous Sauveur et Seigneur : Celui qui nous a fait grâce et Celui qui a tous les droits sur nous. La connaissance de sa grâce remplit nos bouches de louanges dans le culte ; le sentiment de notre responsabilité nous engage à poursuivre dans la sainteté et la vérité, à combattre le bon combat, à prendre possession du bon pays de la promesse !

9 - CHAPITRE 9 : Le piège de Gabaon

À mesure que nous avançons dans l’étude de nos chapitres, nous apprenons à connaître l’ennemi sous de nouveaux aspects. Satan sait faire la guerre ; il sait disposer des batteries, attaquer de face, écraser sous le nombre, mais aussi il sait user de détours, tromper par des ruses, attirer dans le piège. Jéricho était l’obstacle qui tombe devant la foi ; mais Satan ne se décourage pas ; il s’adresse, comme nous l’avons vu, aux convoitises, et l’interdit entre dans le camp d’Israël ; il occupe les âmes de leur victoire, et la confiance en soi s’empare du coeur. Israël oublie l’armure complète de Dieu, et va se jeter de lui-même dans les filets de l’ennemi. Mais cette victoire de Satan est l’école de Dieu pour les justes. Ils perdent leur confiance en eux-mêmes, comprennent ce qu’exige la sainteté de Dieu, cherchent dans la Parole leur sauvegarde, arrivent enfin au sentiment de leur responsabilité qu’ils avaient, semble-t-il, bien peu connue auparavant.

Au chap. 9, nous trouvons plus spécialement « les artifices du diable », et c’est contre eux que la Parole nous prémunit expressément. Pour tenir ferme, il nous faut être revêtus « de toute l’armure de Dieu ; être fortifiés dans le Seigneur et dans la puissance de sa force ». L’épître aux Éphésiens, comme les premiers chapitres de Josué, nous présente la puissance de Dieu sous des faces diverses. Au chap. 1: 19, sa puissance envers nous correspond à ce que nous trouvons en type dans le passage du Jourdain. Au chap. 3: 16, 20, sa puissance en nous correspond à la table divine de Josué 5. Enfin, au chap. 6: 10, nous trouvons sa puissance avec nous et toutes les pièces de l’armure, correspondant au conflit avec la puissance du mal, tel que les chapitres suivants de Josué nous le présentent. Nous avons déjà vu quels vases Dieu emploie pour se glorifier dans ce combat. Ce sont des êtres si faibles qu’ils ne peuvent absolument que dépendre de Lui. J’ai dit souvent que Dieu prend deux sortes d’instruments pour accomplir son oeuvre : d’abord des instruments sans aucune valeur propre : Dieu a choisi les choses folles, faibles, viles de ce monde, et celles qui sont méprisées, « et celles qui ne sont pas » (1 Cor. 1: 27, 28). Peut-on accentuer davantage le néant des êtres que Dieu daigne employer ? Mais Dieu prend aussi des instruments de grande valeur aux yeux des hommes et à leurs propres yeux. Saul de Tarse était un homme considéré, instruit, religieux, énergique, consciencieux ;… en apparence il ne lui manquait rien pour que Dieu pût l’utiliser. Eh bien ! Dieu le saisit, le jette sur le chemin de Damas et brise le vase en morceaux, pour ainsi dire. Alors il dit : Je puis l’employer maintenant.

La conscience de notre nullité comme instruments, nous tient dans une dépendance continuelle de la main qui se sert de nous ; et c’est le chemin de la puissance. Il en fut ainsi devant Jéricho ; mais le peuple avait encore à apprendre que, sans la dépendance, il devenait la proie de Satan. En terminant la description des pièces de l’armure, l’apôtre ajoute (Éphésiens 6: 18) : « Priant par toutes sortes de prières et de supplications en tout temps, par l’Esprit, et veillant à cela avec toute persévérance ». La prière est l’expression de la dépendance ; la prière continuelle, persévérante, exprime une dépendance habituelle. Or la faute capitale des Israélites, au chap. 9, c’est qu’ils n’interrogèrent « point la bouche de l’Éternel » (v. 14). Nous avons vu, à la fin du chapitre précédent, quelle importance la Parole avait reprise à leurs yeux ; mais voici qu’ils oublient de parler à Dieu pour entrer en communion avec lui au sujet de ses pensées. Remarquez comment Satan réussit à leur faire perdre le sentiment de leur dépendance. Il les intimide par un spectacle effrayant : l’inimitié du monde, une confédération de rois assemblés pour la guerre (v. 1, 2). Il commence par arrêter leurs yeux sur cette puissance formidable prête à les écraser, puis, sans transition, pour ainsi dire, il leur offre sa ressource : les habitants de Gabaon viennent au camp de Guilgal. Israël n’y était pas préparé, ; il n’avait pas toute l’armure de Dieu. Ceux qui conduisaient le peuple ne se rendirent pas compte de ce que les simples entrevirent, au moins pour un moment (v. 6 et 7). Il en est souvent ainsi ; l’humilité va avec l’oeil simple et c’est à celui-ci qu’appartient la vraie intelligence selon Dieu. « Traitez alliance avec nous », disent les Gabaonites. Quelle bonne occasion pour Israël ! « Vous avez l’ennemi devant vous », leur souffle Satan, « voici un excellent moyen de le vaincre ». Ces gens venaient avec toutes sortes de bonnes intentions, recherchant l’alliance du peuple de Dieu et reconnaissant hautement sa suprématie morale et spirituelle. « Nous sommes tes serviteurs », disent-ils à Josué (v. 8), chose bien faite pour le disposer favorablement. Enfin ils proclamaient la puissance du Dieu d’Israël, et ce qu’il avait fait en Égypte et au désert. Pas un mot, il est vrai, de ce qu’il avait fait en Canaan ; Satan se trahirait s’il venait à parler des lieux célestes et de leurs combats. Vous le voyez, les Gabaonites ont un caractère des plus marqués, des convictions religieuses accentuées, Oui, mais ils sont des Cananéens déguisés, le monde sous les dehors de la piété, le monde religieux. Israël avait été gardé jusque-là de rechercher aucun secours humain, mais comment résister à ceux qui professent avoir le même but, les mêmes aspirations ? Une alliance n’est-elle pas une chose légitime ? Nous reconnaissons l’Éternel comme vous ; vos serviteurs pourront vous donner leur concours au besoin. — Ah ! comme les enfants d’Israël se doutaient peu, en ce moment, que les Gabaonites étaient ces mêmes Cananéens qu’ils étaient appelés à exterminer du pays de la promesse ! Ils tombent dans les filets de l’ennemi ; ils avaient négligé de consulter l’Éternel ; ils prennent, en signe de communion, des provisions de ces hommes (*). L’alliance est conclue ; le monde est introduit au milieu de l’assemblée d’Israël. Quel artifice diabolique ! Satan offre au peuple un moyen de vaincre l’ennemi, le monde, et ce moyen, c’est d’introduire le monde dans le camp ! Satan se proposant pour se vaincre lui-même ! Il savait bien que, du moment que la porte serait ouverte à cet élément, toute autre entreprise lui serait facile.

(*) Lisez au verset 14 : « Les hommes (d’Israël) prirent de leurs provisions ».

Ces choses ne nous rappellent-elles pas l’histoire de l’Église ? Les âmes des chrétiens étaient déjà séduites, du temps des apôtres, par les beaux semblants d’une religion terrestre et mondaine, qui cherchait à pénétrer et faisait perdre de vue la position, les intérêts, le but céleste, et entraînait les coeurs vers l’alliance avec un monde qui avait crucifié Christ. Satan a gagné la partie. Il dresse son trône au milieu de l’Église, et l’apôtre a dû dire à la fin : « Parmi vous, là où Satan habite » (Apoc. 2: 13). Désormais, hélas ! le combat n’est plus seulement avec les ennemis du dehors ; il s’agit de tenir contre la puissance du mal dans l’Église. Mais la grâce de Dieu est avec Israël ; et si ce chapitre nous montre l’entrée du mal dans l’assemblée, nous n’en voyons pas le développement. Dieu nous délivre de certaines conséquences de notre péché, et en laisse subsister d’autres. Le peuple de Dieu eut à faire cette triste expérience, que les Gabaonites devaient rester au milieu d’eux, comme un témoignage perpétuel de leur faute. Après avoir commencé à murmurer contre les principaux, les enfants d’Israël sont amenés à une appréciation plus juste de leur devoir. Ils n’avaient qu’une chose à faire : supporter parmi eux les Gabaonites, mais en les maintenant à la place de la malédiction. « Vous êtes maudits », leur dit Josué (v. 23). Israël ne pouvait les considérer que comme une race maudite. Le jugement du roi d’Aï était prononcé sur eux, non pas exécuté, et en attendant ils n’étaient préservés que par le nom de l’Éternel. Israël ne pouvait les toucher ; il devait supporter son humiliation, mais en évitant désormais toute communion avec ceux qu’il laissait sous le poids de la malédiction divine.

Il en est de même pour nous dans l’Église ; nous avons à subir les conséquences de notre infidélité, l’humiliation du mal qui est entré dans la maison de Dieu. Mais si nous sommes fidèles, tout en supportant ces conséquences, nous pourrons distinguer ce qui est de Dieu, de ce qui porte seulement son nom. C’est la Parole qui distingue le mélange et nous le révèle, et la foi laisse le monde religieux sous la malédiction, tout en usant de grâce à son égard.

En 2 Sam. 21, nous trouvons la fin de l’histoire des Gabaonites. Nous y voyons clairement que le but de Dieu n’était nullement de les ôter de la place qu’ils avaient usurpée dans l’assemblée d’Israël. Saül, animé d’un zèle ardent pour l’assemblée, mais nullement pour Dieu, car il demeurait étranger à ses pensées, les avait exterminés. Des années se passent, et voici qu’une plaie fond tout à coup sur Israël. David recherche la face de l’Éternel, et s’enquiert de la cause de cette calamité. « C’est », lui est-il répondu, « à cause de Saül et de sa maison de sang, parce qu’il a fait mourir les Gabaonites ». La chair qui a introduit le mal, n’a rien de plus pressé que de s’en débarrasser. Le chemin de Dieu est tout autre ; il faut que ses enfants sentent le mal, et c’est ainsi que se manifeste leur communion avec Lui dans un jour mauvais. En Ézéch. 9: 4, l’Éternel ordonne à l’ange de marquer au front les hommes qui gémissent et qui soupirent à cause de toutes les abominations qui se commettent au dedans de Jérusalem. Ceux qui sentaient le mal étaient expressément abrités du destructeur.

Chers lecteurs, il en est de même pour nous, en ces jours de la fin. Il ne s’agit pas de prendre l’épée et d’exterminer le mal, mais de gémir et de soupirer, et de dire : « Le mal est mien ». Nous ne pouvons purifier la place ; il ne nous reste qu’à nous humilier, tout en nous purifiant nous-mêmes des vases à déshonneur. Voilà ce qu’un chrétien mondain n’apprend jamais ; la présence du monde dans l’Église ne l’humilie pas ; il la défend ; il estime qu’il est impossible de distinguer les Gabaonites des enfants d’Israël, et bien loin de les prononcer maudits, de ne leur reconnaître aucune part à l’heureuse liberté des enfants de Dieu et de les déclarer étrangers à son peuple (cf. Deut. 29: 11), il serait plutôt tenté de se faire leur serviteur et de couper le bois pour la maison de leur Dieu !

Les sept fils de Saül furent mis en croix et devinrent eux-mêmes malédiction à cause de cet acte sanguinaire qui prétendait purifier l’assemblée en exterminant les Gabaonites. Combien l’histoire de l’Église n’offre-t-elle pas de cas semblables ? L’extermination des hérétiques vrais ou supposés n’était autre chose que le crime de Saül. Le crime sera jugé sur ceux qui l’ont commis.

Que Dieu nous donne de dépendre continuellement de lui, afin de pouvoir résister aux embûches du diable. Ce chapitre ne nous donne qu’une de ses ruses, mais si nous avons l’oeil ouvert, nous nous apercevrons que tous ses artifices ont pour but de nous faire perdre de vue les choses célestes et de rabaisser notre christianisme à n’être plus que ce que le monde peut partager avec nous.

10 - CHAPITRE 10 : La victoire de Gabaon

Avant d’entrer dans ce nouveau sujet, je désire faire une ou deux remarques incidentes. Plus je repasse ces premiers chapitres de Josué, plus je suis frappé du rôle que Satan y joue. Il a des combinaisons de circonstances pour atteindre son but ; par elles, il mène les hommes sans qu’ils s’en doutent ; il leur souffle des résolutions qu’ils croient prises par leur libre arbitre, et, trop souvent hélas ! il arrive à son but, en employant même des enfants de Dieu qui ont eu la folie de l’écouter. Au milieu de toute cette formidable activité, il se cache, et aucun symptôme extraordinaire ne laisse même soupçonner sa présence ; si peu apparente, en somme, que le monde nie même l’existence de Satan. Qu’a-t-il à faire, dit-on, avec des circonstances si naturelles, avec les ambitions, les disputes, les combats de deux peuples ?

Puis, après tout, qui a raison dans cette lutte ? De quel côté est le bon droit ? Quel est l’agresseur ? Où trouve-t-on l’esprit de cruauté, d’extermination et les embûches ? Pesons les faits, soyons équitables, décidons… J’écoute, je pèse et me décide pour les Cananéens contre Israël, pour Satan contre Dieu. L’ennemi a réussi, par les faits eux-mêmes, à me cacher Dieu. Mais la Parole fait exactement le contraire ; elle me révèle Dieu, me le fait connaître dans sa plénitude en Christ. Il apporte dans sa personne la bonté, la vérité, la lumière, la justice, la sainteté parfaites ; aussitôt Satan est mis à nu ; ses desseins, ses ruses sont exposés au grand jour ; l’âme, connaissant Dieu, n’a plus de difficultés pour juger du bien et du mal dans ce monde ; la lumière manifeste toutes choses.

Mais Satan ne se tient pas pour battu. Il s’attaque pour tromper les âmes à ceux mêmes qui mettent Dieu en avant et sont les porteurs de son témoignage. Après avoir fait chez eux son oeuvre corruptrice, il dit : Ces gens sont-ils donc meilleurs que les autres ? Ils parlent de séparation : voyez Acan, les Gabaonites ; d’humilité : voyez leur confiance en eux-mêmes, leur orgueil spirituel. Ces arguments trouvent accès dans les âmes, à qui l’ennemi réussit à faire rejeter Dieu.

Une autre remarque se rattache à celle-ci. Satan a deux grands moyens pour corrompre les enfants de Dieu. Le premier, c’est l’interdit, le monde introduit dans le coeur. Mais ce mal étant jugé, et le coeur humilié, l’ennemi ne se tient pas pour battu. Son second moyen, c’est l’alliance avec Gabaon, le monde introduit dans la marche. Dans toute notre carrière chrétienne, nous avons à nous garder de ces deux embûches, et toujours de nouveau cette double question se pose : le Seigneur suffit-il à mon coeur, ou chercherai-je l’attraction des choses que le monde me propose ? Y a-t-il moyen pour nous de rester chrétiens, rien que chrétiens dans notre marche, d’être complètement séparés du monde, même du monde religieux, de ne pas lui donner la main, de n’entrer dans aucune association quelconque avec lui ? Avec ces deux pièges, Satan a parfaitement réussi à entraîner les rachetés et y réussit encore chaque jour. L’Église a commencé par l’interdit ; l’histoire d’Ananias et de Sapphira est celle de sa première chute — ensuite, elle est entrée en alliance avec le monde. Pour ne parler que des principes de cette alliance, ils se montraient déjà du vivant de l’apôtre. Ce dernier les dénonce dans la première épître aux Corinthiens. Ils auraient aimé à attirer les sages pour faire triompher le christianisme ; leurs motifs étaient les motifs du monde ; ils étaient charnels. Tels sont les principes de Gabaon au milieu de l’assemblée de Dieu

Israël a reconnu sa faute de Gabaon, l’a confessée par ses actes ; il en porte l’humiliation permanente, et, comme nous l’avons vu, il est approuvé de Dieu en cela. Mais Satan n’est pas au bout de ses artifices. Une nouvelle confédération de rois s’organise, dirigée cette fois contre Gabaon et non pas contre Israël. Les Gabaonites envoient vers Josué à Guilgal, en disant : « Ne retire pas tes mains de tes serviteurs ». Israël montera-t-il ? Quoiqu’il fasse, il est environné de dangers. Ne pas monter, laisser exterminer Gabaon par d’autres, c’est un excellent moyen de se débarrasser des conséquences de sa faute ; mais que devient l’humiliation ? Où serait la droiture envers Dieu et envers les hommes ? Monter, c’est avoir l’air d’accepter définitivement l’alliance avec le monde. Satan est coutumier de pareils dilemmes. Que de fois il les a mis en travers du chemin de l’homme par excellence qui fut parfait en toutes choses ! Comment nous tirer de la difficulté ? Par la simple dépendance de Dieu réalisée à l’école de Guilgal. La leçon du piège de Gabaon est apprise, Satan est déjoué.

Toutefois, nous en avons déjà parlé au courant de ces chapitres, le fait seul d’être à Guilgal ne préserve pas Israël. Les Gabaonites avaient trouvé Josué et les hommes d’Israël au camp de Guilgal (9: 6), lorsqu’ils étaient montés pour leur tendre le piège dont nous avons vu le résultat. Ce qui manque souvent, c’est l’application pratique de la croix de Christ à tous les détails de notre vie dans la chair. « Mortifiez donc vos membres qui sont sur la terre ». Il faut, non seulement se tenir à Guilgal (v. 6), mais monter de Guilgal (v. 7) et retourner à Guilgal (v. 15). La circoncision et Guilgal sont deux choses inséparables. La première ne suffit pas à elle seule pour nous garantir de chutes ; Guilgal, sans la circoncision, ne serait bon qu’à faire des moines, car l’homme naturel lui-même peut s’y complaire pour s’en glorifier (Col. 2: 20-23).

Mais, comme nous l’avons dit, ce jugement de soi produit la dépendance qui se montre dans d’heureuses communications avec Dieu, lesquelles l’âme n’avait jamais connues auparavant à ce degré. L’Éternel parle à Josué (v. 8) ; Josué parle à l’Éternel (v. 12), et l’Éternel lui répond (v. 14). L’encouragement, la puissance et la victoire, sont les fruits bénis de cette dépendance qui tient notre âme en relation habituelle avec Lui. Ah ! maintenant, l’Éternel n’était plus obligé de prendre parti contre eux, comme à Aï, et pouvait combattre pour eux (v. 11-14). Aussi les voyons-nous remporter la victoire la plus signalée que la Parole ait jamais enregistrée. « Il n’y a point eu de jour comme celui-là, ni avant ni après » (v. 14), un jour qui dura vingt-quatre heures, afin de permettre au peuple de glaner jusqu’au dernier fruit de sa victoire. Le Dieu de la terre et du ciel, le Dieu de toute la création, déclare hautement ainsi, qu’Israël est l’objet de sa faveur spéciale : ce peuple battu devant Aï, trompé par Gabaon, et duquel la conduite aurait pu lasser la patience même de Dieu, mais un peuple jugé, humilié, ayant des coeurs brisés, que « Dieu ne méprise point ». Et ce Dieu « écoute la voix d’un homme ! » Chers lecteurs, nous sommes tous dans cette même condition. Si faible qu’on soit, on peut s’adresser à lui par l’Esprit de Christ et monter jusqu’aux suprêmes demandes. Rien n’était trop élevé pour Josué ; il connaissait le coeur de l’Éternel et savait quelle place y tenait son peuple ; il pouvait demander qu’il mit les cieux, le soleil et la lune, au service de ses bien-aimés !

Dès lors Israël marche de victoire en victoire ; point d’arrêt (v. 19) ; il faut défaire les ennemis jusqu’au dernier. Les cinq rois sont pris et pendus à cinq arbres ; une expérience précédente aide Josué à discerner son chemin, parce qu’elle a été faite avec Dieu. Josué a l’habitude de ce qui convient à la sainteté de Dieu (v. 26, 27). Rempli de courage par la parole de Dieu (v. 8), il encourage lui-même le peuple (v. 25) ; Makkéda, Libna, Lakis, Guézer, Églon, Hébron, Debir, sont leurs étapes victorieuses ; ils prennent possession de leur héritage, et puis « ils s’en retournent au camp de Guilgal » (v. 43).

11 - CHAPITRE 11 : La victoire de Hatsor

11.1 - Hatsor

Arrivés à la description du combat final qui ouvre définitivement toute la Palestine à Israël, rappelons-nous que la possession de Canaan est le grand sujet du livre de Josué, et que le pays de la promesse répond pour nous aux lieux célestes. Mais, au milieu des choses qu’ils contiennent, nous avons une possession spéciale qui est Christ. Nous sommes « bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ ». Dieu veut que nos coeurs s’approprient les richesses de Celui dans lequel nous sommes, et qu’ils entrent dans ces choses, en sorte qu’elles deviennent nôtres. Je ne parle pas d’y entrer par l’intelligence ; celle-ci peut en quelque façon les saisir, mais jamais d’une manière durable. Tout ce qui n’a pas été saisi par la foi s’écoule entre nos mains comme de l’eau. Il faut que nos affections soient à ces choses pour qu’elles soient réellement notre propriété, et avant tout, il faut un objet aux affections, car, hors de Christ, les choses célestes elles-mêmes ne rempliraient pas nos coeurs. Voilà pourquoi il est dit : « Cherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu ».

Tel est le grand sujet du livre de Josué, mais un autre sujet s’y rapporte. Lorsque Dieu place les choses célestes devant nos âmes, Satan cherche, par tous les moyens, à nous empêcher d’en jouir. De là le combat ouvert ou caché que nous avons à soutenir, et dont l’issue est fatalement une défaite, dès que Satan réussit à détourner nos regards de Christ pour les porter sur le monde, sur « les choses de la terre », ou sur nous-mêmes. Entre les chap. 1 et 11 du livre de Josué, vous rencontrez tous ces genres d’attraction. Mais Dieu se sert de ces expériences, quand le coeur est net et droit devant lui, pour nous apprendre davantage à nous défier de nous-mêmes et à nous confier en lui, et pour nous amener finalement à prendre sur la terre cette position élevée, la seule grande, celle d’un chrétien qui marche humblement dans ce monde, ayant son coeur et ses affections dans le ciel.

Au chap. 11, nous voyons une dernière confédération réunie à celle du chap. 9 (celle du chap. 10 ayant été détruite), pour constituer une armée formidable, « un peuple nombreux, en multitude, comme le sable qui est sur le bord de la mer » (v. 4) ; Satan cherche maintenant à écraser Israël sous le nombre. C’est l’inimitié ouverte, avouée, du monde contre le peuple de Dieu. Il ne s’agit plus d’artifices, mais d’une lutte en rase campagne, et c’est ce que nous rencontrerons toujours, lorsque, dans un esprit d’humble dépendance et d’obéissance à la Parole, nous aurons déjoué les ruses de l’ennemi ; il soulèvera le monde contre nous. Les hommes s’allient pour faire la guerre à Dieu, quand leur inimitié contre Dieu est à son paroxysme. D’ordinaire ils s’allient dans le but d’améliorer, de réformer le monde ; de là toutes les sociétés politiques, philanthropiques, religieuses, qui veulent civiliser, instruire, moraliser leurs semblables. Combien peu les hommes, hélas ! même les chrétiens, se doutent que toute cette activité, en apparence louable, n’est que l’opposition cachée contre Dieu, sa Parole et ses desseins de grâce. Dieu ne cherche pas à améliorer l’homme ; il mentirait à sa Parole qui le déclare perdu sans ressource ; or, si cette vérité humiliante, mais fondamentale, n’est pas acceptée, il n’est besoin ni de salut, ni de rédemption par le sang de Christ. En somme, les meilleures alliances des hommes ne sont au fond que la guerre déguisée de l’homme naturel contre Dieu. Dans notre chapitre, nous trouvons la guerre ouverte contre Lui, mais dans la personne de ses saints. Les temps de la fin manifesteront cette inimitié de l’homme parvenue à sa dernière maturité, lorsque le résidu fidèle d’Israël sera le point de mire du monde, ameuté par Satan contre le témoignage de Dieu. La présente confédération a un chef ; un centre de ralliement, la grande ville de Hatsor qui « était la capitale de tous ces royaumes » ; une armée innombrable, une quantité de chevaux et de chariots. Le monde entier, avec toutes ses forces, est ligué contre Israël. En principe, ces choses se répètent pour nous aujourd’hui. Il est dit que « tout ce qui est né de Dieu est victorieux du monde ; et c’est ici la victoire qui a vaincu le monde, savoir notre foi » (1 Jean 5: 4). Il est dit (1 Jean 2: 14) : « Vous êtes forts, et la parole de Dieu demeure en vous, et vous avez vaincu le méchant », c’est-à-dire le prince du monde. Nous remarquons dans ces deux passages que les armes de notre guerre sont : la foi et la Parole. C’était par la Parole que ces « jeunes gens », semblables à Christ au désert, avaient vaincu Satan. Ici la même vérité reparaît. Dès la fin du chap. 8, la parole de Dieu avait pris sa place dans le coeur et les pensées de Josué et du peuple. Au chap. 10, ils lui gardent cette place (v. 27, 40) ; au chap. 11, elle est devenue comme l’habitude de leur conduite en toutes choses. « Josué leur fit comme l’Éternel lui avait dit » (v. 9). « Il les détruisit entièrement, comme Moïse, serviteur de l’Éternel, l’avait commandé » (v. 12). Nous lisons encore : « Comme l’Éternel l’avait commandé à Moïse, son serviteur, ainsi Moïse commanda à Josué, et ainsi fit Josué ; il n’omit rien de tout ce que l’Éternel avait commandé à Moïse » (v. 15). « Il les détruisit entièrement… comme l’Éternel l’avait commandé à Moïse » (v. 20). Sur cela, il est à remarquer que Josué ne se contente pas d’obéir à un commandement spécial, comme on le voit au v. 9, et comme il le fit tant de fois auparavant, ni de laisser à d’autres le soin d’accomplir tout ce que Moïse avait commandé (8: 35), mais cet homme de Dieu, parvenu au terme de sa grande carrière, n’avait rien omis de tout ce que l’Éternel avait commandé à Moïse. La Parole tout entière, telle qu’elle lui avait été communiquée alors, était l’objet de son attention scrupuleuse et dirigeait sa marche. Quelle puissance cela donne ! Au chap. 8, la Parole formait le coeur et les pensées de Josué ; ici, cette épée de l’Esprit arme son bras. Satan ne peut rien contre elle.

Remarquez comment, à cette école de la parole de Dieu, on est enseigné à juger toutes les ressources de la puissance humaine. Ce ne sont, le fidèle le discerne, que des objets du jugement ; il ne saurait qu’en faire. Selon la parole de Dieu, « il coupa les jarrets à leurs chevaux, et brûla au feu leurs chars » (v. 9). Puis « on brûla Hatsor par le feu » (v. 11, 13). La capitale du monde ne peut en aucune manière devenir un centre pour Israël. La chose reste toujours vraie, qu’il s’agisse de Hatsor, de Rome, ou de Babylone ; et si Babylone n’est pas encore brûlée au feu, qu’elle soit telle pour notre esprit. Tous les principes de ce monde, ce qui le gouverne, ce qui constitue son centre d’attraction, doit être pour nous une chose jugée, à laquelle nous n’ayons aucune part, comme Israël n’en avait aucune à Hatsor. Les autres villes subsistent ; Israël en pille le butin, affirmant ainsi, en accord avec la parole de Dieu, son droit à la prise de possession pleine et entière de Canaan. Mais la victoire était grande et l’action fut complète : « Ils n’y laissèrent rien de ce qui respirait » (v. 14). L’épée avait exercé son jugement de destruction, comme l’Éternel l’avait commandé. Au spirituel, c’est fidélité pour le croyant de placer l’homme entièrement, sans merci, sous l’épée du jugement. De l’homme, rien ne doit subsister dans la terre de la promesse.

Ah ! si cela durait, ce serait beau et digne de Dieu. Nous verrons bientôt que cela ne dura pas.

11.2 - Les Anakim

Satan est défait, sa dernière armée détruite, ses villes prises ; que reste-t-il encore ? Israël trouve sur son chemin les sujets d’effroi qui l’avaient fait tomber au commencement : ces Anakim qui avaient fait fondre son coeur et l’avaient empêché de monter hardiment pour posséder le pays. Les espions disaient alors au peuple pour décrier Canaan : « Nous y avons vu les géants, fils d’Anak, qui est de la race des géants, et nous étions à nos yeux comme des sauterelles, et nous étions de même à leurs yeux » (Nomb. 13: 34). Mais quelle impression pouvaient produire les enfants d’Anak sur l’esprit de celui qui marche en avant avec la parole de Dieu ? La victoire est à lui. « Josué vint… et retrancha les Anakim ». Et leurs villes, « des villes grandes et murées jusqu’aux cieux » (Deut. 9: 1). « Josué les détruisit entièrement avec leurs villes » (v. 21).

Josué recevait la Parole ; il comptait sur la promesse de Dieu : « L’Éternel, ton Dieu, c’est lui qui passe devant toi, un feu consumant ; c’est lui qui les détruira, et lui qui les abattra devant toi » (Deut. 9: 3). Ah ! comme nos craintes et nos frayeurs d’autrefois paraissent petites et mesquines, quand nous marchons avec Dieu. Qu’est-ce qu’un homme de « six coudées et un empan », avec une « cotte de mailles de 5000 sicles d’airain », devant le « Dieu souverain, créateur des cieux et de la terre, dominateur de toute la terre », devant qui toutes choses seront abaissées, et qui abaissera toutes choses devant les siens ? Le Dieu de paix brisera bientôt Satan lui-même sous nos pieds ! (Rom. 16: 20).

12 - CHAPITRE 12 : Énumération des rois vaincus

Avec ce chapitre, nous entrons dans la seconde partie du livre. La première, chap. 1-11, nous a entretenus des victoires de Josué (type de Christ dans la puissance de l’Esprit au milieu des siens), procurant à Israël l’entrée en possession des choses promises. Dans le cours de ses victoires, l’armée de l’Éternel (et Josué lui-même, envisagé non plus comme type, mais comme homme sujet à l’infirmité) a fait sans doute bien des expériences de sa faiblesse, et ces expériences ne peuvent manquer, du moment que nous entrons en scène comme instruments de la puissance divine. Mais le point capital présenté dans le livre de Josué, c’est la grâce donnant la victoire à Israël pour l’établir en Canaan, et non pas la responsabilité du peuple une fois établi. Ce côté de l’histoire d’Israël commence plutôt avec les Juges ; aussi quel contraste entre ces deux livres ! Quelle fraîcheur et quelle force dans celui de Josué, où la puissance de l’Esprit de Christ agit librement dans des vases faibles, mais remplis de cette puissance ; quel déclin soudain et complet dans les Juges, quand une génération se lève, qui n’avait pas connu Josué, et qui était livrée à sa responsabilité pour garder ce que Dieu lui avait confié ! L’histoire de l’Église nous offre les mêmes phénomènes. Lisez la première épître aux Thessaloniciens, puis passez à la lecture des sept églises de l’Apocalypse, et vous avez la différence entre l’oeuvre parfaite, établie de Dieu au commencement, oeuvre de puissance qui répand autour d’elle tout le parfum de son origine, et l’oeuvre confiée aux mains de l’homme et devenue comme telle l’objet du jugement de Dieu.

Le chap. 11 se termine par ces mots : « Et le pays se reposa de la guerre » (v. 23). Après la victoire, la paix ; il en est toujours ainsi. Dieu ne nous donne pas seulement la victoire ; il nous fait jouir de ses fruits. Si nous avons marché fidèlement sous la conduite de l’Esprit, dans le chemin du combat, nous trouvons au bout la jouissance paisible de nos biens célestes, cette récompense spirituelle de la fidélité, que nous présentent en type les chapitres qui vont nous occuper. Ce qui se réalisait pour le peuple tout entier (voyez aussi chap. 21: 44), se réalise de même pour le croyant individuellement. Il est dit après la victoire de Caleb (chap. 14: 15) : « Et le pays se reposa de la guerre ». Bien-aimés, la lutte dans laquelle vous êtes engagés, vous décourage-t-elle ? Seriez-vous tentés de jeter bas les armes ? Dites-vous : C’est trop pour moi ? — N’avez-vous pas compris que la lutte a pour but de vous conduire à ce moment béni, où Dieu dira : « Et le pays se reposa de la guerre ? »

La seconde partie du livre (chap. 12-24) traite du partage du pays. Après la victoire, la possession. Mais de quelle manière le peuple entrera-t-il en jouissance de son héritage ? Là encore, nous le verrons bientôt, apparaît chez le peuple, à côté de la grâce de Dieu qui donne la jouissance de ses dons, la même faiblesse qu’il avait manifestée dans le combat.

Le chap. 12 est la récapitulation des victoires d’Israël. Trente-trois rois, dont deux au delà du Jourdain, sont tombés devant le chef de l’armée de l’Éternel. Dieu tient compte à son peuple des victoires qu’il lui a données. Tout ce que la grâce a produit en nous, tout ce que la foi a conquis, le Seigneur l’attribue à la foi.

Autre vérité : il n’énumère nos victoires que lorsque le combat est terminé. Tant qu’il n’a pas atteint le but, le croyant ne doit pas être occupé de ses progrès. L’apôtre dit : « Oubliant les choses qui sont derrière ». La course n’est pas le moment pour s’y arrêter ; tout regard porté en arrière, tandis qu’il avait à tendre avec effort en avant, était pour l’apôtre, non seulement du temps perdu, mais une chose positivement mauvaise, en ce qu’elle divisait les pensées, les affections et le but du coeur, et empêchait le croyant de « faire une seule chose » (Phil. 3: 13, 14).

Ah ! quand le but sera atteint, il sera temps d’énumérer nos victoires, et Dieu ne nous en laissera pas le soin ; lui-même les comptera. Courons, en attendant, pour atteindre Christ ; combattons pour remporter le prix. La fin du combat est proche. D’autres déjà nous ont devancés. Puissions-nous dire comme eux : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi ».

13 - CHAPITRES 13-19 : Division du pays

13.1 - Division du pays

Je mentionnerai ce chapitre 13 avec les chap. 15-19, réservant le chap. 14 pour sujet d’une méditation spéciale.

Tous les ennemis sont vaincus, mais tous ne sont pas exterminés. Il y en aura toujours jusqu’à la venue du Seigneur. « Le dernier ennemi qui sera aboli, c’est la mort » (1 Cor. 15: 26). Mais il s’agit pour Israël de les déposséder ; tant qu’ils possèdent quelque chose, la jouissance du peuple de Dieu n’est pas complète, et de plus, ce dernier garde, au milieu de lui, une occasion permanente de chute. Si l’ennemi n’est pas anéanti, il ne tardera pas à relever la tête et à séduire le peuple, quand il ne peut le combattre. Tel fut, en effet, le piège des Israélites établis en paix dans leur terre. Il est dit des deux tribus et demie : « Mais les fils d’Israël ne dépossédèrent pas les Gueshuriens et les Maacathiens, et Gueshur et Maaca habitèrent au milieu d’Israël jusqu’à ce jour » (13: 13). De Juda, il est dit : « Mais les Jébusiens qui habitaient Jérusalem, les fils de Juda ne purent pas les déposséder ; et le Jébusien a habité avec les fils de Juda à Jérusalem jusqu’à ce jour » (15: 63). Et d’Éphraïm : « Mais ils ne dépossédèrent pas le Cananéen, qui habitait à Guézer ; c’est pourquoi le Cananéen a habité au milieu d’Éphraïm jusqu’à ce jour ; et il a été asservi au tribut » (16: 10). Enfin de Manassé : « Mais les fils de Manassé ne purent pas déposséder les habitants de ces villes-là ; et le Cananéen voulut habiter dans ce pays » (17 : 12) (*). Il put y avoir, comme nous le voyons dans ces passages, plus ou moins de fidélité déployée pour rendre les Cananéens inoffensifs, mais pas une seule tribu ne fut à la hauteur de son appel. Qu’en résulta-t-il ? Tous les principes mondains qu’Israël avait combattus, ne tardèrent pas, sous cette influence, à pénétrer au milieu de lui. Nous voyons dans les prophètes que les convoitises, la confiance en leurs propres forces, la recherche d’alliances avec les nations, faisaient partie de toute l’existence du peuple. Mais de plus, l’idolâtrie des Cananéens les envahit comme une gangrène, et ils finirent par se prostituer à tous les dieux des gentils. La corruption, le mensonge, l’injustice, le mépris de Dieu, la violence, la rébellion ouverte, toutes les choses, en un mot, qui constituaient « l’iniquité des Amoréens », et pour lesquelles le jugement de Dieu les avait atteints, devinrent la triste portion du peuple de l’Éternel. Enfin, Israël lui-même, chose horrible, remplace et devient, pour ainsi dire, cette armée des Cananéens que Satan menait à l’assaut contre l’Éternel — il rejette et crucifie le Christ, le Fils de Dieu !

(*) Comparez aussi Juges 1: 17-36.

L’Éternel use envers eux de longue patience ; il leur envoie des appels pressants, des jugements partiels suivis de délivrances momentanées et de nouveaux appels. « Qu’y avait-il encore à faire pour sa vigne qu’il n’ait pas fait pour elle ? » Mais enfin le jugement définitif tombe sur eux. Ils sont transportés au delà de Babylone ; ils sont dispersés parmi les nations. Mais voici une autre chose, une chose merveilleuse. Si l’homme responsable est arrivé à la fin de son histoire, laquelle se termine par le jugement, Dieu n’est pas arrivé au bout de ses ressources. « Les dons et l’appel de Dieu sont sans repentir ». Pour pouvoir les bénir, Dieu les amènera à lui dans une condition toute nouvelle ; il les fera participer au bienfait de la nouvelle naissance, selon ce qui est écrit : « J’ôterai de leur chair le coeur de pierre et je leur donnerai un coeur de chair ». Il agira sur leurs consciences pour les ramener ; il écrira ses lois dans leurs coeurs ; il leur donnera la connaissance du pardon des péchés, et de la relation bénie avec lui-même dans laquelle il veut les faire entrer. Alors sont retrouvées d’une manière mille fois plus bénie toutes les bénédictions perdues. C’est ce dont Osée 14 nous offre le touchant tableau, où l’on voit qu’Israël, après être retourné à l’Éternel en lui demandant les bénédictions de la nouvelle alliance, s’écriera : « Pardonne toute iniquité, et accepte ce qui est bon, et nous te rendrons les sacrifices de nos lèvres » (v. 2). Le Résidu rejette toute alliance avec le monde, toute confiance dans la force de l’homme, tout faux dieu, et dans son isolement, il apprend à connaître la miséricorde de Dieu d’où dépend toute bénédiction pour lui : « L’Assyrie ne nous sauvera pas ; nous ne monterons pas sur des chevaux, et nous ne dirons plus : Notre Dieu, à l’oeuvre de nos mains ; car auprès de toi, l’orphelin trouve la miséricorde ».

Remarquez encore, dans ces chapitres, les soins minutieux que prend l’Esprit de Dieu pour définir la place et les limites de chaque tribu, afin que toutes en prennent connaissance et se rendent un compte exact de leur part d’héritage. Il en est de même pour les individus maintenant. Dieu a donné à chacun de nous une place définie et une fonction dans le corps de Christ. Chaque membre de Christ est tenu d’en avoir le sens et d’agir en conséquence, afin que cette énergie de vie qui découle de la tête dans les membres, trouve dans ceux-ci des instruments bien disposés pour son oeuvre et y contribuant tous ensemble, d’une commune impulsion : « Le chef, le Christ, duquel tout le corps, bien ajusté et lié ensemble par chaque jointure du fournissement, produit, selon l’opération de chaque partie dans sa mesure, l’accroissement du corps pour l’édification de lui-même en amour » (Éph. 4: 16).

13.2 - La part de Lévi

Remarquez enfin la portion de la tribu de Lévi (13: 14, 33). Selon l’ordre de l’Éternel, ni Aaron (Nomb. 18: 20), ni les sacrificateurs, ni toute la tribu de Lévi (Deut. 18: 1), ne pouvaient avoir d’héritage en Israël. Leur héritage était, d’une part, « l’Éternel, le Dieu d’Israël », de l’autre, « les sacrifices de l’Éternel, faits par feu ». Il en est de même pour nous, chrétiens, son peuple céleste. Nous n’avons aucune part ici-bas ; mais notre privilège est de nous tenir devant Dieu, de le servir ; bien plus, de le posséder lui-même, d’avoir communion avec lui, dans les lieux saints, avec le Père et avec le Fils qui est auprès de lui. Mais notre part dans le Fils est aussi les « sacrifices faits par feu à l’Éternel », c’est-à-dire Christ, selon toute la perfection de son oeuvre et de sa personne devant Dieu ; Christ, homme parfait, gâteau de fleur de farine, oint d’huile et couvert d’encens ; Christ, victime, holocauste, sacrifice pour le péché, tout ce en quoi Dieu trouve éternellement ses délices. Nous avons communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.

Christ, lui-même, notre modèle, le lévite sans tache, le serviteur parfait, fit les mêmes expériences bénies pendant sa carrière ici-bas. Ses yeux se portent-ils sur la terre, il dit : « L’Éternel est la portion de mon héritage et de ma coupe » ; se portent-ils sur le ciel, il ajoute : « Les cordeaux sont tombés pour moi en des lieux agréables ; oui, un bel héritage m’est échu » (Ps. 16: 5, 6).

Enfin, bien-aimés, ce qui est notre part actuelle est en même temps notre part future ; pour les sacrificateurs de la tribu de Lévi, cette bénédiction se réalisera aussi, quand Israël jouira en paix de la gloire millénaire sous le règne du Messie. En parlant de ce temps béni, le prophète Ézéchiel (44: 28-30) nous dit : « Et mon service leur sera pour héritage : moi, je suis leur héritage ; et vous ne leur donnerez pas de possession en Israël : moi, je suis leur possession » ; et il continue en montrant que les offrandes de l’Éternel seront leur portion dans ce temps glorieux.

Ouvrez maintenant les chap. 4 et 5 de l’Apocalypse. Cette scène céleste ne nous parle-t-elle pas des mêmes choses ? La communion parfaite avec Dieu, et avec l’Agneau, sera la part de notre héritage éternellement !

14 - CHAPITRE 14 : La persévérance de Caleb

Je désire m’arrêter un peu sur ce chapitre, à cause de son importance pratique. Caleb est le type de la persévérance de la foi. Le chap. 13 des Nombres mentionne pour la première fois son nom (v. 7), lorsque Moïse envoie du désert de Paran un homme de chaque tribu pour reconnaître le pays. Parmi ces douze hommes se trouvaient Caleb, fils de Jephunné, et Osée, fils de Nun, que Moïse nomma Josué (v. 9, 17).

Dès ce moment on trouve le nom de Caleb si intimement lié à celui de Josué (voyez Nomb. 14: 30, 38 ; 26: 65 ; 34: 17-19 ; Deut. 1: 36-38 ; Jos. 14: 13), que l’on peut dire qu’il en est inséparable. Ils reconnaissent ensemble le pays, marchent ensemble par le désert, entrent ensemble en Canaan. Sans doute, ils sont unis par leur caractère particulier d’hommes de foi, mais je trouve une autre raison bénie à cette association que la Parole nous signale. Josué est un type de Christ, de Jésus, Sauveur, faisant entrer son peuple dans le repos du pays de la promesse, et Caleb marche en sa compagnie. Le grand nom de Josué abrite, pour ainsi dire, celui de Caleb, et lui imprime son caractère. Ces deux hommes ont une même pensée, une même foi, une même confiance, un même courage, un même point de départ, une même marche, une même persévérance, un même but. En est-il ainsi de nous, cher lecteur ? Sommes-nous tellement associés à Christ, qu’on ne puisse prononcer notre nom sans le sien, et que toute notre existence tire sa valeur du fait que nous sommes devenus, par grâce, compagnons du Seigneur Jésus ?

Au chap. 13 des Nombres, les douze hommes envoyés par Moïse vinrent jusqu’à Hébron, puis passèrent de là au torrent d’Eshcol d’où ils rapportèrent les magnifiques produits de la terre de Canaan, pour prouver l’excellence de ce pays. Mais ce n’est pas, comme on pourrait le penser, Eshcol qui a captivé les yeux et le coeur de Caleb ; sa foi lui a fait trouver quelque chose de mieux. Hébron, où il a mis le pied, lui est donné (Chap. 14: 9). Dès lors il portera ce nom sur son coeur pendant quarante-cinq ans, jusqu’au jour où, paraissant devant Josué, il réclamera cette « montagne dont l’Éternel a parlé », cet Hébron, pour sa possession perpétuelle.

Ce lieu même ne laissait pas d’avoir une grande célébrité. Pour les yeux de la chair, à la vérité, il ne pouvait inspirer que de l’effroi. Les formidables Anakim y demeuraient, ces géants dont le nom seul avait fait fondre le coeur du peuple. Mais quel souvenir puissant offrait à l’âme de Caleb ce lieu de la sépulture des pères. La place qui représentait de si grands souvenirs, devenait la récompense de cet homme de Dieu. Ce fut là qu’Abraham, le père du peuple, choisit sa résidence (Genèse 13: 18), lorsque Lot eut préféré les villes de la plaine ; là qu’il bâtit un autel à l’Éternel et qu’il reçut la promesse de Dieu (Gen. 18: 1) ; mais Hébron est avant tout, d’une manière prééminente, la place de la mort. Il le fut premièrement pour Abraham. Ce fut là que Sara mourut (Gen. 23: 2), là qu’elle fut ensevelie et que fut enterré Abraham (Gen. 25: 10), puis Isaac (Gen. 35: 27-29), puis Jacob et les patriarches.

Oui, Hébron est bien le lieu du sépulcre, l’endroit de la mort ; la fin de l’homme. Mais qu’y a-t-il là qui puisse attirer ? Rien, s’il s’agit de l’homme naturel ; tout, s’il s’agit de la foi. Hébron est une place spéciale où le croyant trouve la fin de lui-même ; c’est la croix de Christ. Mais encore : c’est de là que Joseph se met en route pour aller à la recherche de ses frères (Gen. 37: 14). Plus tard (Jos. 21) Hébron devient une ville de refuge et la propriété des Lévites. Puis c’est le point de départ de la royauté de David (2 Sam. 2:1-4), car c’est en vertu de sa mort que Jésus a été ressuscité et couronné de gloire, et que le diadème de la royauté sera sur sa tête. C’est enfin là que toutes les tribus d’Israël reconnaissent leur roi et viennent lui faire leur soumission (2 Sam. 5:1).

Cette place n’est-elle pas merveilleuse ? Quelle grande série de bénédictions ! Hébron, lieu de la mort, lieu de refuge, point de départ pour Israël des bénédictions, des promesses, de la royauté et de la gloire, centre de ralliement quand la gloire est venue ; et, avec tout cela, objet permanent du coeur et des affections d’un pauvre pèlerin qui y a trouvé son propre point de départ, et qui y trouve son point d’arrivée, son lieu de repos éternel ! — Ah ! comme ce lieu, le moins fait en apparence pour attirer, avait de prix pour Caleb ! Il le veut pour portion perpétuelle, et notre part éternelle à nous sera de sonder ce qu’exprime cet endroit unique. La foi de Caleb pouvait y saisir, dès l’origine, ce que la foi d’Abraham y avait trouvé . la fin du moi, l’anéantissement de lui-même, les choses vieilles passées ; et voici un homme qui se met en marche, ne comptant nullement sur lui-même, ne pouvant dépendre que de Dieu. Il marche, jusqu’à ce qu’il ait atteint son but, la pleine jouissance des promesses, à l’endroit même où l’homme a trouvé sa fin !

Nous venons de considérer deux points qui caractérisent Caleb. Le premier, c’est que son nom est inséparable de celui de Josué ; le second, qu’un objet spécial a attiré ses affections et s’est tellement emparé de son coeur, qu’il en a conservé le souvenir tout le long de son pèlerinage dans le désert. Or, permettez-moi d’ajouter que nos affections sont toujours en jeu, quand elles ont pour objet un Christ mourant sur la croix, se donnant lui-même pour nous ; tandis qu’un Christ glorieux nous communique l’énergie pour l’atteindre.

Mais il est un troisième point qui caractérise cet homme de foi. Caleb réalise son espérance. Il entre d’abord en visiteur dans le pays de Canaan ; mais c’est là, non pas dans le désert, que sa carrière commence. Quand il entre dans le désert, ses yeux sont pleins de la réalité et de la beauté des choses qu’il a vues et qui deviennent, pendant 45 ans, l’objet de son espérance. Il en est de même pour le Psalmiste. « Ô Dieu ! tu es mon Dieu ; je te cherche au point du jour ; mon âme a soif de toi ; ma chair languit après toi, dans une terre aride et altérée, sans eau, pour voir ta force et ta gloire comme je t’ai contemplé dans le lieu saint » (Ps. 63: 1-2). Cet homme marche à l’exemple de Caleb. Il a vu Dieu dans le sanctuaire ; c’est là qu’il prend son point de départ ; de là il descend sur la terre, plein de la réalité glorieuse des choses divines qui vont soutenir son coeur tout le long du pèlerinage par lequel il veut les atteindre.

Un quatrième point se lie à celui-ci. Le désert a non seulement perdu toute attraction, mais apparaît réellement dans toute sa sécheresse et son horreur, quand l’âme est nourrie de la moelle et de la graisse du sanctuaire. Alors le ciel devient pour nous la mesure de la terre ; et ainsi toute l’apparente valeur des choses visibles disparaît entièrement ; elles ne sont plus pour l’âme que vide, sécheresse et néant.

Revenons maintenant, chers amis, à la persévérance qui forme le caractère dominant de Caleb. Ce caractère n’existerait pas sans les quatre points que nous avons mentionnés. L’attachement à Christ, la connaissance de la valeur infinie de son oeuvre, une espérance réalisée, aucune attache ici-bas, nous permettent de persévérer jusqu’au bout dans le chemin de la foi. — Cette persévérance se lie, dans la vie de Caleb, à trois positions qui sont inséparables l’une de l’autre.

Quand il s’agit de prendre d’avance connaissance du bon pays que Dieu voulait donner à son peuple, il est dit de Caleb qu’il persévéra à suivre l’Éternel (Nomb. 14: 24 ; Deut. 1: 36 ; Jos. 14 : 8-9). Mais il lui faut marcher encore quarante ans dans le désert, et il le fait courageusement ; il persévère, parce qu’il conserve dans son coeur le souvenir des richesses et des trésors de Canaan. Les difficultés du désert ne sont rien pour lui ; il y trouve le soleil, le sable, la fatigue et la soif, et n’en tient aucun compte. Il ne lui arrive pas un instant de chercher quelque chose autour de lui. Sa persévérance est alimentée par son espérance, et l’espérance du croyant n’est pas seulement Canaan d’une manière générale, c’est-à-dire le ciel, — mais Christ.

Il y eut un homme très renommé, dont Dieu ne put dire ces choses. Salomon manqua où Caleb avait persévéré. Le désert avait acquis de la valeur pour ce grand roi. Un moment arriva où Salomon tourna le dos à Dieu, ayant aimé quelque chose dans le désert. Il est dit de lui (1 Rois 11: 6) : « Il ne suivit pas pleinement l’Éternel ». Le monde eut des attraits pour lui, et quelque petits qu’ils fussent au commencement, ils ne tardèrent pas à l’envahir et son royaume fut perdu. Il en fut autrement de Caleb qui gagna son héritage par sa persévérance à suivre l’Éternel.

Mais Caleb persévère encore dans une troisième position, dans la prise de possession en Canaan. Il passe cinq nouvelles années à combattre, puis se sert de ses armes pour s’emparer de sa portion spéciale, de la montagne dont l’Éternel avait parlé. Il entre en pleine possession de son héritage, malgré la puissance formidable de l’ennemi et la frayeur qu’inspiraient les fils d’Anak. Mais, pour Caleb, comme pour nous, c’est un ennemi déjà vaincu, celui qui a la puissance de la mort ; il ne peut nous effrayer. La mort est à nous. Caleb entre, dis-je, en pleine possession de son héritage. Sa persévérance est couronnée de succès. Il est le seul en Israël qui semble avoir dépossédé tous ses ennemis. — Quelle leçon pour nous, bien-aimés. Souvenons-nous que la prise de possession de Caleb est pour nous un fait actuel, et non pas seulement une jouissance future. Avons-nous persévéré dans le combat pour jouir maintenant de nos privilèges ? Que Dieu nous donne de persévérer comme Caleb dans ces trois choses, dans l’espérance, dans la marche et dans le combat.

À la fin de notre chapitre, nous trouvons encore deux caractères qui accompagnent toujours la persévérance. Caleb dit au v. 11 : « Je suis encore aujourd’hui fort comme le jour où Moïse m’envoya ; telle que ma force était alors, telle ma force est maintenant, pour la guerre, et pour sortir et entrer ». Malgré ses quatre-vingt-cinq ans et la fatigue du désert, Caleb n’avait pas perdu un atome de sa force. Comment cela ? C’est qu’il n’avait aucune confiance en lui-même. La leçon d’Hébron était restée gravée dans son coeur. Il dit au v. 12 : « Peut-être que l’Éternel sera avec moi ». Vous direz : il se défiait donc de l’Éternel ? Non, il se défiait de lui-même. Il comprenait que s’il y avait un obstacle à ce que l’Éternel fût avec lui, il ne pouvait venir que de lui-même. Remarquons la liaison de ces deux choses : la réalisation de la force est en proportion de la défiance de soi-même. C’est ainsi que l’on marche de force en force. És. 40: 28-31, nous présente la même vérité d’une manière admirable. « Les jeunes gens, dit-il, seront las et se fatigueront, et les jeunes hommes deviendront chancelants ». Voilà à quoi aboutissent les meilleures forces de l’homme. Mais « le Dieu d’éternité, l’Éternel… ne se lasse pas et ne se fatigue pas ». En lui est notre confiance. Et de plus : « Il donne de la force à celui qui est las, et il augmente l’énergie à celui qui n’a pas de vigueur ». Il communique sa force aux faibles ; il la manifeste dans l’infirmité. Puis il ajoute : « Mais ceux qui s’attendent à l’Éternel renouvelleront leur force ; ils s’élèveront avec des ailes comme des aigles ; ils courront et ne se fatigueront pas, ils marcheront et ne se lasseront pas ». Tel fut le cas de Caleb. Il marchait dans la conscience que sa force était en Dieu, et qu’elle était avec lui, cette force. Qu’il en soit de même pour nous, et puissions-nous aussi planer dans les choses célestes, courir dans l’arène du combat et marcher patiemment, sans nous lasser, dans le chemin qui aboutit à la gloire !

J’ai à parler encore d’un second caractère accessoire de la persévérance. Elle produit la persévérance chez les autres. Par elle, Caleb fut particulièrement béni dans le cercle de sa famille, qui se trouva engagée à sa suite dans le même chemin de la foi. Au chap. 15: 16 (voyez aussi Juges 1: 12-13), il est dit : « Et Caleb dit : À qui frappera Kiriath-Sépher et la prendra, je lui donnerai ma fille Acsa pour femme. Et Othniel, fils de Kenaz, frère de Caleb, la prit, et Caleb lui donna sa fille Acsa pour femme ». Le neveu suit digneruent les traces de l’oncle. Il combat, ayant devant lui un objet qui a du prix à ses yeux, et qu’il veut posséder. Son espérance s’attache à la fille de Caleb. — Et nous, voulons-nous posséder Christ à tout prix ? Au chap. 3 des Juges, Othniel devient le premier juge d’Israël. Après avoir été vainqueur dans le combat pour lui-même, il est suscité pour délivrer les autres, et persévère dans ce nouveau caractère jusqu’au bout.

Acsa, fille de Caleb, est un nouvel exemple de persévérance. Caleb l’avait donnée à Othniel ; elle incite son mari à demander davantage. Il lui faut un champ, et par-dessus des sources d’eau. Elle veut la bénédiction sur le champ qu’elle possède. Pour l’avoir, elle descend de son âne et fait sa requête ; elle persévère dans la prière et les supplications. Aussi reçoit-elle largement ces sources, types des bénédictions spirituelles. Cela aussi, cher lecteur, est d’un enseignement journalier. Quand nous avons en main la Parole, demandons-nous sans relâche à Dieu les « sources d’eau » ? Cette Parole vivante est néanmoins pour beaucoup de chrétiens comme une « terre du midi » toute sèche, dans laquelle leur âme ne trouve aucune subsistance. Si tel est votre cas, avez-vous pris comme Acsa, la place de suppliants pour demander à Dieu les secours spirituels qui peuvent la faire fructifier pour votre âme ? Ne vous donnera-t-il pas une réponse, telle que Caleb la donna à Acsa ?

Avant de quitter le sujet de la persévérance, je voudrais encore toucher un ou deux points importants. Il est dit de Caleb, qu’il « avait pleinenient suivi l’Éternel, le Dieu d’Israël ». Il avait persévéré à la suite de Christ, connu de lui comme le Jéhovah de l’Ancien Testament. Qu’est-ce donc que suivre quelqu’un ? On s’en fait souvent une idée bien inexacte. C’est marcher derrière une personne que nous reconnaissons comme le guide qu’il nous faut. Si l’on a confiance en soi-même, on n’a pas besoin d’un guide. Mais, de plus, marcher derrière le Seigneur implique non seulement la confiance en lui, mais une humble dépendance de lui. Autre point : En suivant quelqu’un, j’ai les yeux fixés sur lui pour l’imiter. Imiter le Seigneur, c’est chercher à le reproduire, à lui ressembler. Dans quelque position que Dieu me place, son but est que je reproduise Christ dans cette position ; Christ, comme l’a dit un frère, dans ses relations, dans son service, dans son témoignage et dans ses souffrances. C’est ce que fit Caleb. Il suivit pleinement, d’une manière complète (je ne dis pas parfaite), l’Éternel son Dieu.

Mais, sur ce point, l’on peut encore demander : à quoi s’applique la persévérance ? Le Nouveau Testament répond largement à cette question. Je ne citerai que quelques passages :

Actes 1: 14 : « Tous ceux-ci persévéraient d’un commun accord dans la prière ». C’était à la prière que la persévérance s’appliquait, et en outre cette persévérance était collective. Ils ne se bornaient pas à fléchir le genou, chacun pour soi, devant le Seigneur, et chacun pour ses propres besoins, mais ils étaient unanimes à prier pour les choses qu’ils ressentaient en commun.

Actes 2: 42. Nous trouvons encore ici la persévérance collective, mais s’appliquant à quatre choses : d’abord, « la doctrine et la communion des apôtres ». Les premiers chrétiens ne se bornaient pas à suivre la doctrine des apôtres, mais ils imitaient l’exemple que les envoyés du Seigneur donnaient dans toute leur vie. — Ensuite « la fraction du pain et les prières » : le mémorial des souffrances de Christ, et les relations de l’âme avec Dieu, s’exprimant dans la dépendance de Lui.

1 Tim. 5: 5. Voici la persévérance individuelle « dans les supplications et dans les prières ». Pourquoi la veuve y persévère-t-elle « nuit et jour ? » Parce que, seule et sans ressources, elle ne peut s’adresser qu’à Dieu. C’est ainsi qu’elle apprend la dépendance.

1 Tim. 4: 16. Nous trouvons ici (lisez soigneusement ce qui précède le passage cité) la persévérance dans toutes les choses qui ont trait à la piété.

2 Tim. 3: 10. Timothée, lui, avait « pleinement suivi » l’apôtre, dans toutes les choses qui avaient caractérisé sa vie tout entière. L’apôtre lui-même (4: 7) avait persévéré jusqu’au bout dans le combat, la course et la foi.

Nous voyons, par ces quelques exemples, que la persévérance s’applique à tous les détails de la vie chrétienne. Puissions-nous la connaître mieux afin qu’au bout de notre carrière, comme Caleb, nous recevions de Dieu lui-même ces paroles d’approbation : « Il a pleinement suivi l’Éternel, le Dieu d’Israël ! »

15 - CHAPITRES 20-21 : Les villes de refuge

En rapport avec ces deux chapitres, je désire vous lire encore Héb. 6: 18-20, passage qui fait une allusion évidente aux villes de refuge, telles que nous les trouvons en Exode 21: 13 ; Nombres 35 ; Deut. 19 ; Josué 20-21 et 1 Chron. 6.

Les types de l’Ancien Testament nous présentent souvent, dans leur application au chrétien, des contrastes plutôt que des rapprochements. Il en est ainsi, comme nous allons le voir, des villes de refuge. Ce serait un rapprochement bien maigre et bien imparfait que de faire, à leur propos, allusion à la croix de Christ. L’application immédiate de ce type, comme le savent sans doute la plupart d’entre nous, est, en effet, plutôt historique et prophétique. Le meurtrier involontaire préfigure Israël, meurtrier de Christ par ignorance. C’est de ce peuple que le Seigneur Jésus dit sur la croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ». Ils n’avaient pas connu le jour de leur visitation. Il en fut de même de Paul : « Miséricorde m’a été faite, parce que j’ai agi dans l’ignorance, dans l’incrédulité » (1 Tim. 1: 13). Mais, dans un autre sens, les Juifs, chefs et peuple, étaient des meurtriers volontaires, rejetant délibérément et avec connaissance de cause, Dieu et son Christ. « Celui-ci est l’héritier », disent-ils, « venez, tuons-le, et possédons son héritage » (Matt. 21: 38). « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » (Luc 19: 14). Or il nous est dit que le meurtrier volontaire devait être mis à mort. Ce jugement, comme plusieurs prophéties relatives aux Juifs, a reçu un accomplissement partiel par la ruine de Jérusalem. Le roi irrité, « ayant envoyé des troupes, a fait périr ces meurtriers-là et brûler leur ville ». Mais ce jugement du meurtrier volontaire, indûment recelé dans la ville de refuge (voyez Deut. 19: 11-12), est, en réalité, encore à venir. Les Juifs, depuis le rejet du Messie, sont gardés durant les temps actuels sous les soins providentiels de Dieu, loin de leur héritage, et, comme l’a dit un autre, « pour ainsi dire, sous les yeux des serviteurs de Dieu qui, comme les Lévites, n’ayant point d’héritage, leur servent de refuge, comprenant leur position, et les reconnaissant comme étant sous la garde de Dieu ». Mais les meurtriers volontaires seront tirés de là pour tomber entre les mains du vengeur. Liés à l’antichrist, ils deviendront les tristes objets du jugement divin.

Quant aux meurtriers involontaires, ils pourront rentrer dans leur portion et dans leur héritage, lors du changement de sacrificature (Jos. 20: 6 ; Nomb. 35: 28) ; c’est-à-dire lorsque la sacrificature de Christ selon le type d’Aaron, aura fait place à la sacrificature éternelle selon l’ordre de Melchisédec. Cette signification connue des villes de refuge, sur laquelle je ne m’arrête qu’en passant, est intéressante à suivre dans ses détails ; mais je reviens au contraste que présente ce type quand on le compare avec la position chrétienne en Héb. 6.

L’Israélite, meurtrier involontaire, type du peuple dans son état actuel, s’enfuyait dans une ville de refuge, avec l’espérance très incertaine d’échapper au vengeur du sang et de pouvoir un jour rentrer dans son héritage. Il était gardé loin de cet héritage jusqu’à ce que le souverain sacrificateur mourût, type, comme nous l’avons dit, de la fin de la sacrificature aaronique de Christ. Même dans la ville de refuge, sa sécurité et sa réintégration étaient encore soumises à toutes sortes de circonstances qui rendaient sa position très précaire. Elles dépendaient : l° du vengeur du sang. L’homicide s’éloignait-il un instant seulement du territoire de la ville, le vengeur aux aguets avait droit de l’atteindre (Nomb. 35: 26-28) ; 2° des anciens de la ville (Josué 20: 4) ; 3° du jugement de l’assemblée (v. 6 ; Nomb. 35: 12, 24, 25) ; 4° du souverain sacrificateur (v. 6), avant lequel l’homicide lui-même pouvait mourir.

N’êtes-vous pas frappés avec moi de l’incertitude des meilleures ressources que la loi pouvait offrir ici aux moins coupables en Israël ?

Voyons maintenant les ressources de la grâce en Héb. 6: 18-20 : Le chrétien, sorti du judaïsme, s’enfuyait aussi de devant le jugement prêt à tomber sur ce peuple, mais non pas avec une espérance incertaine ; il s’enfuyait dans le but de saisir l’espérance proposée. Or cette espérance du chrétien n’est pas de rentrer peut-être une fois dans la jouissance d’un héritage terrestre. Non, cette espérance, nous la saisissons, nous l’avons, elle est l’héritage actuel de nos âmes. Or, si elle n’est pas incertaine, elle n’est pas vague non plus. Notre espérance est personnifiée, pour ainsi dire. C’est un Christ céleste, le grand sujet de l’épître aux Hébreux, un Christ en contraste avec tout ce que la terre pouvait offrir de meilleur, un Christ homme dans la gloire, qui est l’accomplissement de tous les conseils et de toutes les promesses de Dieu. Ce Christ-espérance est une ancre sûre et ferme de l’âme ; notre espérance est solidement amarrée à un roc immuable. Rien d’incertain ; celui qui l’a saisie ne peut être désormais ni ballotté, ni jeté à la dérive des « doctrines diverses et étrangères ». Mais cette espérance fait plus : elle nous introduit actuellement dans la présence même de Dieu, dans le sanctuaire. Elle entre, est-il dit, jusqu’au dedans du voile, où nous trouvons un Jésus qui y est entré comme précurseur pour nous. Déjà nous y entrons en paix, en attendant de recevoir l’héritage assuré que nous posséderons bientôt. Pour entrer, nous n’avons pas besoin, comme le pauvre meurtrier involontaire, que la sacrificature aaronique de Christ ait pris fin, car nous sommes liés d’une manière immuable à Celui qui est « devenu souverain sacrificateur pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédec », et qui l’est en vertu de l’oeuvre qui nous a acquis un salut éternel !

16 - CHAPITRE 22 : L’autel de Hed

Nous retrouvons ici les deux tribus et demie dont nous avons parlé à la fin du premier chapitre. Elles avaient passé en armes devant leurs frères, pour combattre les ennemis de l’Éternel dans le pays de la promesse. Maintenant, elles reçoivent de Josué la permission de retourner dans leur héritage, de l’autre côté du Jourdain. Elles avaient été fidèles aux ordres de Moïse et de Josué, avaient observé le commandement de l’Éternel, et n’avaient point abandonné leurs frères. L’obéissance à des commandements positifs et l’amour fraternel les avaient caractérisées pendant ce long temps, où elles avaient été séparées de la terre de leur possession. En apparence, il n’y avait rien à reprendre en elles, mais, comme nous le trouvons au chap. 1, leur coeur (je ne dis pas leurs pensées) n’était pas aux choses célestes. Leur point de départ était leur bétail ; il était dès lors très naturel de chercher des pâturages pour le nourrir. Immédiatement, dès le début de leur histoire, un premier danger naît de leur position équivoque. Moïse le leur signale (Nomb. 32) : le refus de s’établir au delà du Jourdain pouvait influencer le reste du peuple et lui faire perdre courage, de manière à attirer la colère de l’Éternel sur Israël, comme jadis à la montagne des Amoréens. Par la grâce, ils furent préservés du piège, mais le piège n’en existait pas moins. Un autre danger plus réel encore : leurs principes agissaient sur leurs proches, et ceux-ci en étaient moins à l’abri que le reste des tribus. Jaïr, fils de Manassé, et Nobakh, appellent leurs bourgs et leurs villes de leurs noms, principe entièrement mondain que l’on peut faire remonter à l’origine du monde de Caïn (Nomb. 32: 41-42. Cf. Gen. 4: 17). Ainsi : danger de faire tomber par leur marche des hommes de foi, ou de les rabaisser à leur niveau, au lieu de les élever au niveau céleste ; puis influence mondaine positive sur leurs propres familles, voilà ce qui caractérise leur position.

L’exhortation de Josué (22: 5), nous montre encore clairement le danger d’un christianisme rabaissé. Le vrai nerf de toute la conduite du croyant leur manquait. L’obéissance à des commandements connus et l’amour fraternel ne suffisent pas pour nous maintenir longtemps. La marche, l’obéissance, le dévouement et le service, doivent découler de l’amour et, sans son action, nous sommes comme ces cerceaux que le premier coup de baguette d’un enfant fait marcher, mais qui bien vite s’arrêtent et tombent, si l’impulsion ne se renouvelle pas.

Mais ce n’est pas tout. Quand le chrétien, au lieu de vivre de foi, accepte en quelque mesure les principes du monde pour sa conduite, sa position devient toujours très compliquée, tandis que rien n’est plus simple que la marche de la foi. Comparez Abraham et Lot. La vie du premier fut simple et unie, celle du second fut remplie d’inextricables complications. Et Jacob ? Quelle série d’aventures sans issue dans une existence tourmentée, tandis que son père Isaac vivait simplement avec Dieu. Il en fut ainsi des deux tribus et demie, qui se virent obligées de bâtir des enclos pour leurs troupeaux, d’établir leurs familles en danger dans des villes murées, d’abandonner femmes et enfants pour passer bien des années loin d’eux, sans pouvoir les rendre témoins des merveilles que l’Éternel allait faire en faveur de son peuple. Enfin, voici leurs guerriers qui reçoivent l’autorisation de rentrer dans leurs foyers. Mais ils s’aperçoivent d’une complication nouvelle. Le Jourdain les sépare du reste des tribus. Ils sont inquiets ; ils craignent que le lien de communion entre eux et leurs frères ne soit pas tellement serré que le fleuve ne puisse le délier. Leur position les expose à une division. Ils voient avec inquiétude qu’il pourrait venir un moment où leurs frères les traiteraient en étrangers. Ce danger de la situation les oblige, pour ainsi dire, à établir un témoignage par lequel ils proclament hautement qu’ils servent l’Éternel, comme auparavant (chap. 1: 16-18) leur position douteuse les avait engagés à faire une bruyante profession. Alors ils élèvent un grand autel au bord du Jourdain, sur la limite de leur territoire. Ce témoignage, ils l’établissent selon leur propre sagesse. J’oserai l’appeler une confession de foi, chose en elle-même peut-être parfaitement correcte, comme le fut l’autel de Hed, et à laquelle, pour le moment, il n’y avait rien à dire, mais qui leur donnait l’apparence d’établir un autre centre de rassemblement. Cet autel, destiné dans leur pensée à relier ensemble les parties séparées d’Israël, pouvait être érigé en opposition à celui du tabernacle de Silo. Leur confession de foi pouvait devenir un centre nouveau, et ainsi remplacer le seul vrai centre d’unité, Christ, en le déshonorant. Cet acte, accompli en toute bonne intention, était un acte humain. Leur invention pour maintenir l’unité, leur donne l’apparence de la nier. Nouvelle complication : ils s’exposent à être mal compris, à soulever les autres tribus contre eux et à être exterminés.

Cher lecteur, la chrétienté, dès le début, n’a pas agi autrement ; seulement elle est allée bien plus loin que les deux tribus et demie. Elle s’est réunie autour d’un bon nombre de confessions de foi, plus ou moins correctes, qui ne sont pas Christ, puis, voyant que l’unité lui échappe, elle fait ses confessions de foi de plus en plus élastiques, et ainsi, au lieu de réaliser l’unité, ne réussit qu’à introduire l’incrédulité ouverte au milieu de la profession chrétienne.

Mais cet autel de Hed, nécessité par la mondanité, pourrait être le fruit d’une source cachée plus grave encore ; il pourrait, dans le fait de sa construction, recéler des principes d’indépendance. C’est ce qui était à craindre. Nous voyons que les enfants d’Israël prennent cela extrêmement à coeur. L’indépendance est sur le point de s’introduire, l’unité est en danger, et Phinées, l’exemple du zèle pour Christ, est choisi avec les principaux pour aller prendre connaissance de ce qui se passe sur le Jourdain, et parler aux deux tribus et demie.

Il leur présente trois cas, liés d’une manière intime, dans lesquels Israël tout entier est responsable.

Le premier (v. 20), après la traversée du Jourdain, c’est le péché d’Acan. Il convoita les choses du monde, s’empara de ce que Dieu avait maudit, l’introduisit au milieu de l’assemblée d’Israël en ne tenant aucun compte de la sainteté de Dieu, et attira ainsi le jugement de l’Éternel sur tout le peuple. Le péché d’Acan, c’est la convoitise mondaine, introduisant l’interdit dans l’assemblée. Lors de l’iniquité de Péor (v. 17), il s’agissait d’une chose encore pire, quoique, hélas ! en matière spirituelle les coeurs des chrétiens la comprennent et la haïssent si peu. C’était l’alliance adultère avec le monde religieux, c’est-à-dire idolâtre d’alors, et l’introduction de cette religion du monde au milieu de la congrégation d’Israël, en ne tenant de nouveau aucun compte de la sainteté de Dieu.

Cher lecteur, l’Église a-t-elle fait autre chose ? Acan et Péor ne sont-ils pas les deux principes actuels de son existence ? Mais la ruse satanique de Péor est plus terrible encore que l’interdit d’Acan. Lorsque Balaam, après avoir essayé de séparer l’Éternel du peuple, vit qu’il n’y pouvait réussir, il s’y prit autrement : il essaya, et réussit, à éloigner le peuple et à le séparer de l’Éternel. S’agissait-il des affections de Dieu pour son peuple, Balaam dut proclamer que l’Éternel n’avait point aperçu d’iniquité en Israël ; s’agissait-il de la fidélité de ce dernier, Satan ne réussit que trop bien à le séparer de Dieu ; et ainsi « la colère de l’Éternel s’alluma contre toute l’assemblée d’Israël ».

Le second piège des croyants, c’est donc de penser que le culte de Dieu peut s’allier avec la religion du monde. Ce fut à cette occasion que se montra en premier lieu le zèle de Phinées ; il prit à coeur le déshonneur fait à l’Éternel et purifia l’assemblée de cette souillure.

Maintenant, dans l’affaire de l’autel de Hed, ce même zèle le pousse à se mettre à la brèche. Les « sens exercés, par l’habitude, à discerner le bien et le mal », lui font découvrir le danger. Il sent que ce troisième principe, l’indépendance, serait la ruine du témoignage ; que l’établissement d’un nouvel autel, n’est pas autre chose que le péché de rébellion contre l’Éternel et contre l’assemblée d’Israël (v. 19). Le saint zèle de Phinées conjure le danger, qui néanmoins demeure en principe, mais les intentions du coeur étaient droites, et il n’y eut pas de suites.

Dans la chrétienté, le correctif n’a pas été si heureux. Le mal a-t-il progressé, oui ou non ? Que voyons-nous aujourd’hui ? L’indépendance, principe même du péché, la tendance naturelle de nos coeurs, est affichée hautement comme une qualité et comme un devoir. C’est elle qui, oubliant qu’il n’y a qu’un autel, qu’une table, en établit chaque jour de nouvelles ; c’est elle qui, comme le dit Phinées, « se rebelle aujourd’hui contre l’Éternel » et méprise dans son aveuglement, non seulement l’unité du peuple de Dieu, mais le seul centre d’unité, le Seigneur Jésus lui-même.

Que Dieu nous garde, cher lecteur, de ces trois principes qui attirent le jugement de Dieu sur sa maison : la mondanité, une alliance avec le monde religieux, et l’indépendance, le plus subtil et le plus dangereux de tous, parce que, comme principe du péché, il est à la base de tout le reste.

Rappelons-nous les caractères de Christ exprimés dans l’épître à Philadelphie. Il est « le Saint et le Véritable », et cette église est louée pour le maintien de ce saint nom, et pour la dépendance de la Parole. Ne gardons rien, ni individuellement, ni collectivement, dans nos coeurs ou dans nos pensées, dans notre conduite ou dans notre marche, qui ne soit en rapport avec ces caractères de Christ. Vivons dans la sainteté et dans la dépendance, sans lesquelles il n’y a pas de communion avec lui (*).

(*) Voir encore, du même auteur : L’autel de Hed dans le « Messager Evangélique ». Année 1922.

17 - CHAPITRE 23 : Dernières instructions de Josué

Israël est maintenant en possession de son héritage ; Josué, vieux et fort avancé en âge, est près de s’en aller par le chemin de toute la terre. Quand les soutiens extérieurs de l’ordre divin dans l’assemblée viennent à manquer, et que ceux qui étaient en avant dans le combat ne sont plus, tout manque en apparence ; mais, en réalité, s’il y a la foi, rien ne manque. « L’Éternel, votre Dieu », dit Josué, « est celui qui a combattu pour vous » (v. 3 et 10). Les conducteurs peuvent partir ; « l’issue de leur conduite » est une chose précieuse à considérer ; mais Jésus Christ est le même, hier, aujourd’hui et éternellement. Oui, rien ne manque s’il y a la foi ; et là où elle n’est pas, tout s’écroule, comme cela est arrivé à Israël et à l’Église.

Il s’agissait désormais, pour que le peuple se maintînt à la hauteur de ses privilèges, que cette puissance de l’Esprit, qui, dans la personne de Josué, les avait conduits à la victoire, se réalisât dans leurs âmes et dans leur vie tout entière. « Fortifie-toi et sois ferme », avait-il été dit à Josué, au chap. 1: 6, « car toi tu feras hériter à ce peuple le pays que j’ai juré à leurs pères de leur donner ». Voilà la puissance pour la victoire. Maintenant Josué dit au peuple : « Fortifiez-vous beaucoup » (v. 6). C’est la réalisation dans l’âme.

Or comment cette force spirituelle doit-elle se montrer chez le peuple ? Dans l’obéissance à la Parole écrite : « pour garder » — et celle-ci est inséparable de la pratique — « et pour pratiquer tout ce qui est écrit dans le livre de la loi de Moïse ». Pour obéir ainsi, le peuple avait non seulement la puissance de l’Esprit de Dieu avec lui, mais il avait sous ses yeux un homme, Josué, auquel les mêmes choses avaient été enjointes (1: 7), qui avait suivi jusqu’au bout le chemin de l’obéissance, et qui, comme Paul, pouvait dire : « J’ai gardé la foi ». Mais nous, chers lecteurs, nous avons le vrai Josué, le modèle parfait, le chef et le consommateur de la foi.

Remarquez encore ceci : comme Paul, Josué a pleine conscience des changements qui se préparent ; un nouvel ordre de choses va être introduit par son départ. Ces deux hommes savaient que ce serait le déclin, mais, comme fil conducteur à travers les ruines, comme guide infaillible, ils recommandaient la Parole : « Je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce, etc ». (Actes 20: 32).

Oui, cette Parole a la puissance de nous édifier, de nous donner un héritage, mais avant tout de nous sanctifier. C’est pour l’avoir oubliée qu’Israël est tombé graduellement au niveau des nations idolâtres et de leurs abominations. Voyez, au v. 7, comment la pente est à la fois insensible et glissante ; d’abord on prend place avec les nations : on oublie la séparation du monde ; puis on fait mention du nom de leurs dieux ; les principes qui règlent le monde nous deviennent familiers ; puis nous faisons jurer par eux : nous trouvons naturel que d’autres les reconnaissent ; puis nous les servons, et enfin nous nous prosternons devant eux. Nous sommes devenus nous-mêmes de pauvres esclaves du monde et de son prince ! Quel chemin rétrograde !

Mais, outre l’obéissance à la Parole, Josué indique encore au peuple d’autres moyens de conserver leurs bénédictions. Le second est « l’attachement à l’Éternel » (v. 8) ; il faut que le coeur, que les affections soient attachés à la personne de Christ. Pensez-vous souvent, bien-aimés, à ce verset du Ps. 63 : « Mon âme s’attache à toi pour te suivre, ta droite me soutient » ? Ne sent-on pas là un coeur qui s’est donné tout entier, et qui peut le dire au Seigneur, car ce ne sont pas des sentiments que l’on étale devant le monde. C’est une âme éprise de la beauté de son objet, qui se donne à lui tout entière. Alors elle découvre en lui une force qui l’élève au-dessus de toutes les difficultés et la préserve de tous les dangers : « Ta droite me soutient ». Il en est de même dans notre chapitre ; aux v. 9 et 10, le peuple a fait l’expérience de la force de l’Éternel en s’attachant à Lui. Oh ! puissions-nous, dans nos jours troublés, trouver plus de cet attachement intime des âmes à Christ, — l’état d’un coeur qui ne cherche et ne veut que lui ; qui ne fait pas montre devant le monde de ses sentiments ou de sa consécration à Dieu, d’un coeur qui ne dit pas : « Je suis riche, et je me suis enrichi », mais qui dit à Christ, dans le silence où son oreille toute seule peut entendre nos accents : « Je t’aime, parce que tu m’as aimé le premier », mais aussi pour ton incomparable beauté, ô modèle inimitable, dont j’aimerais pouvoir reproduire quelques traits ! « Mon âme s’attache à toi pour te suivre ».

Le troisième moyen, c’est la vigilance. « Prenez bien garde à vos âmes, pour aimer l’Éternel votre Dieu » (v. 11). Nous avons à veiller sur nos coeurs, à ne pas y tolérer l’entrée, souvent très subtile, des convoitises qui affaiblissent les affections pour le Seigneur, et le remplacent bientôt au-dedans de nous par des objets indignes d’être comparés avec lui, ce qui l’oblige à nous juger (v. 12-16). « Mais fuis les convoitises de la jeunesse », dit l’apôtre. « Soyez sobres, veillez ».

18 - CHAPITRE 24 : La grâce opposée à la loi

Dans ce chapitre, Dieu, par la bouche de son serviteur, récapitule toutes ses voies de grâce envers Israël, depuis l’appel d’Abraham jusqu’à la pleine possession de Canaan. Si le peuple eût été sage, touché de cette miséricorde infatigable et se défiant de lui-même, il eût dit à l’Éternel : Que ta grâce, ta grâce seule, continue à nous garder et à nous conduire. Mais sa folie le fait se tenir aux principes de la loi ; il se confie en lui-même et dit : « Nous servirons l’Éternel ».

Le fait que Dieu termine cette histoire par la manifestation de sa grâce, a aussi de l’importance pour nous. Introduits dans les lieux célestes pour en jouir, c’est de sa grâce que Dieu nous entretient, et par elle qu’il affermit nos coeurs. Mais pour bien la comprendre, il faut que notre état nous soit pleinement révélé. Il en est ainsi des voies de Dieu, car c’est parvenu en Canaan, qu’Israël apprend à connaître pour la première fois (v. 2) l’idolâtrie de ses pères, la ruine totale de la souche dont il était sorti et son éloignement complet de Dieu. Il en est de même pour nous. La ruine du premier homme ne nous apparaît dans son entière réalité que lorsque nous sommes complètement délivrés. Trop peu de chrétiens comprennent cette vérité, hélas ! parce qu’il y en a peu qui jouissent des bénédictions de Canaan, de leur place glorieuse en Christ. Le fils prodigue savait déjà bien des choses, quand il était en chemin pour retourner vers son père ; son péché, son état misérable, ne lui étaient nullement inconnus ; mais, quand il fut introduit dans la maison du père, il entendit pour la première fois ces mots : « Mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ». De même, c’est après notre introduction dans les bénédictions spirituelles, que l’épître aux Éphésiens nous dit : « Lorsque vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés ».

Tout le commencement de notre chapitre nous parle, comme je l’ai dit, des voies de Dieu en grâce envers son peuple terrestre. En Abraham (v. 3), nous trouvons l’élection, l’appel, la foi, et les promesses qui se concentrent sur Isaac. En Jacob et Ésaü (v. 4), nous trouvons le libre choix de la grâce. En Égypte (v. 5), Israël apprend à connaître le pardon ; à la mer Rouge (v. 6), la délivrance. C’est la grâce encore (v. 7) qui le soutient dans le désert, qui lui fait passer le Jourdain (v. 11), qui l’introduit en Canaan (v. 13).

La présence des ennemis ne fait que mettre en lumière la puissante grâce de Dieu en faveur de son peuple. L’Égyptien qui le retenait esclave est jugé ; détruit à la mer Rouge, quand il s’oppose à la délivrance du peuple ; l’Amoréen qui habitait en dehors des limites du Jourdain et cherchait à s’opposer à leur passage, est vaincu ; Balak, l’ennemi subtil qui, par le moyen de Balaam, essaie d’engager Dieu à détourner sa face de son peuple, est rendu confus et doit entendre des bénédictions sortir de la bouche qu’il appelait à maudire. Enfin, toutes les nations fuient devant Israël, comme chassées par les frelons, sans que le peuple ait besoin de son épée et de son arc.

Une grâce si merveilleuse devait engager la nation à suivre l’Éternel. Et nous ? n’avons-nous pas reçu une grâce plus grande encore ? « Dieu a fait connaître ses voies à Moïse et ses actes aux enfants d’Israël ». Leur a-t-il révélé ses conseils ? Non, cela nous était réservé. Dieu nous a fait part de ses desseins les plus secrets, de ses desseins éternels à l’égard de Christ ; il a fait de nous ses confidents ! Quelle grâce !

Mais Israël n’a pas perdu confiance en lui-même. « Nous le servirons », répond-il. Et cependant son histoire était là pour l’instruire.

« Ôtez », dit Josué, « les dieux que vos pères ont servis de l’autre côté du fleuve et en Égypte » (v. 14) ; ces dieux étaient donc parmi eux. Puis, quant à Canaan, il ajoute : « Si vous abandonnez l’Éternel et si vous servez les dieux étrangers ». Ils ne les ôtèrent jamais, ces dieux ! L’idolâtrie remplit toute leur histoire. Dieu les laisse aller, et leur ruine devient complète. Leur seule ressource était la grâce ; ils n’en ont pas voulu, et une grande pierre, image de la loi, reste moralement dressée, en témoignage et en jugement contre eux, jusqu’à ce qu’Israël redevienne un objet de grâce.

En effet, Dieu ne s’arrête pas au jugement. Ses voies rétributives passeront ; toute l’histoire de la responsabilité prendra fin, mais une chose demeure éternellement : LA GRÂCE ; la grâce qui nous a préconnus, prédestinés, appelés, justifiés et glorifiés !