Henri Rossier — Courtes méditations

La Délivrance — Psaume 107

H. Rossier — Courtes méditations — n°23

ME 1922 p. 237-240

J’ai souvent médité ce magnifique Psaume au point de vue de son application prophétique, mais je désire le considérer aujourd’hui dans son adaptation aux vérités de l’Évangile, aspect qui n’est pas moins précieux que le premier.

« Célébrez l’Éternel ! car il est bon ; car sa bonté demeure à toujours ». C’est ainsi que ce Psaume commence. Nous touchons ici à l’illusion des hommes au sujet du caractère de Dieu : ils parlent beaucoup du « bon Dieu », mais Dieu n’est pas « le bon Dieu » qu’ils pensent ; il est un Dieu juste qui ne peut pas supporter le péché. Il n’y a que les rachetés qui puissent célébrer sa bonté : « Que les rachetés de l’Éternel le disent », parce que cette bonté s’est montrée dans leur rachat, dans leur délivrance du joug de Satan : « ceux qu’il a rachetés de la main de l’oppresseur » — et dans leur rassemblement : « il les a rassemblés des pays, du levant et du couchant, du nord et de la mer ». Ces trois preuves de la bonté de Dieu ne devraient pas être séparées : Dieu nous rachète et nous délivre pour nous rassembler. Ne pas connaître le rassemblement des rachetés, ou plutôt ne pas l’estimer, c’est ne connaître qu’imparfaitement la bonté de Dieu.

Depuis le v. 4 de ce Psaume, nous trouvons la condition dans laquelle se trouvent les pécheurs avant leur délivrance ; depuis le v. 33 les circonstances qui font suite à cette dernière. La considération de ces choses est très instructive pour nos âmes.

L’état de ceux qui ne sont pas rachetés peut être envisagé à quatre points de vue : Ils sont dans le désert (v. 4-9), en prison (v. 10-16), malades et mourants (v. 17-22) et dans la tourmente (v. 22-23). Tel est l’état de l’homme.

1° Quand une âme que Dieu cherche est réveillée, elle a la conscience de sa solitude. La société des hommes ne lui apporte rien ; aucun d’entre eux ne songe à lui venir en aide ; pas de ressources dans ce chemin désert ; pas de ville pour y habiter, pas de repos dans la société de ses semblables. Puis vient la soif, la faim, la défaillance et pas de secours. C’est la description de l’âme déjà réveillée — car les morts ne sentent ni faim, ni soif — réveillée au sentiment de ses besoins. Mais bientôt le malaise se change en angoisse, l’angoisse en détresse ; alors on « crie à l’Éternel ». Il faut en arriver là pour trouver la délivrance. Dieu a tout dirigé dans ce but ; la réponse ne se fait pas attendre : « Il les délivra de leurs angoisses ». Dans les vers. 7-9 il répond exactement, absolument, surabondamment, aux besoins de l’âme éprouvée dans le désert. Le chemin solitaire se change en un chemin droit qui conduit à un but certain ; le désert, en ville habitable ; l’âme altérée est rassasiée, l’âme affamée remplie de biens. Elle célèbre Dieu pour sa bonté et ses merveilles. Les louanges découlent nécessairement de la connaissance de la grâce.

2° L’âme est environnée de ténèbres ; la mort jette son ombre sur toutes choses ; l’esclavage de Satan se fait sentir dans son horreur. L’âme a conscience que telle est la suite de sa rébellion contre les paroles de Dieu et du mépris avec lequel elle a repoussé ses conseils de grâce. Pauvre captive, ayant le sentiment de son état, elle cherche à en sortir et ne le peut pas ; aucune lumière : elle est loin de Dieu ; elle essaye de marcher, l’obscurité et ses fers l’en empêchent ; elle trébuche et il n’y a pas de secours. L’horreur d’une telle position est mille fois aggravée du fait que, dans ce Psaume, l’âme sent son état et voudrait y échapper, tandis qu’un indifférent ne le sent qu’imparfaitement et est moins accablé par son malheur. La détresse produit le cri et le cri trouve une réponse complète. L’âme est amenée à la lumière ; les liens sont rompus, les portes d’airain, brisées par la victoire de Christ et par sa résurrection ; les barres de fer, mises en pièces ; tous les moyens de réduire sa proie à une captivité nouvelle sont désormais enlevés à l’Ennemi.

3° Voici la maladie qui assaille le pécheur et il touche déjà aux portes de la mort. La mort ! ses iniquités l’ont amené là ! C’est bien plus terrible encore que « l’ombre de la mort » du v. 10. Se trouver avec ses péchés en face de la mort ! On crie ; Dieu délivre ! Sa Parole suffit pour faire connaître une entière délivrance (v. 20). Combien de conversions opérées dans ces circonstances et par ce moyen ! Ceux-là aiment à raconter « les oeuvres » par lesquelles ils ont été délivrés et leur joie s’exhale en louanges !

4° Voici enfin l’heure de la tourmente et du désastre. L’homme a pensé l’affronter par sa sagesse, en éviter les dangers ; il croit avoir construit son navire de manière à dominer les flots agités. La tempête arrive et « toute sa sagesse est réduite à néant » (v. 27). Le jugement est là, pire que la mort elle-même ; « ils montent aux cieux, ils descendent aux abîmes » ; l’épouvante les saisit ; « leur âme se fond de détresse ».

Il y a gradation dans ces quatre cas : l’âme défaille dans le désert, est humiliée dans la prison, a en horreur, devant la mort, tout ce qui la ramène au sentiment de l’existence ; est fondue enfin devant le jugement. Ce malheureux crie ; il est entendu ; le jugement est arrêté ; l’âme est amenée au port désiré, elle a trouvé Dieu comme « le Dieu de bonté ». Elle le célèbre, comme nous l’avons vu au commencement, dans « la congrégation du peuple ». La jouissance de la délivrance et les louanges ne sont complètes que lorsque l’oeuvre de la rédemption nous a amenés à la communion des saints dans l’assemblée.

Les vers. 33 à 43 nous présentent les circonstances à travers lesquelles les rachetés peuvent être appelés à passer. La paix, la joie, le fruit béni, les richesses spirituelles sont là. On ne manque de rien quand on a trouvé la délivrance. Mais voici que surgissent les jours d’épreuve. Les saints sont abaissés, humiliés, méprisés, réduits à un petit nombre. Il faut toute une oeuvre de Dieu envers nous, après la délivrance, pour nous apprendre ce que nous sommes et que Dieu ne peut faire aucun cas de nous. Alors, quand nous sommes arrivés à cette conviction, Dieu nous relève et nous affermit. C’est un sujet de joie pour le coeur renouvelé, et le moyen de réduire au silence toute iniquité dans notre conduite. L’homme sage comprend que ce sont « les bontés de l’Éternel » qui ont fait ces choses !