La FOI de Jonathan et la RELIGION de Saül — 1 Samuel 14
H. Rossier — Courtes méditations — n°13
ME 1922 p. 89-92
Ce chapitre nous présente le
contraste entre la foi
de Jonathan et la religion
de Saül et nous montre la valeur qu’il
faut attribuer à l’une et à l’autre. Le sujet ayant été traité autrefois dans
les « Méditations sur le premier livre de Samuel », nous le reprenons ici sous
forme d’aphorismes, en vue de le compléter.
La foi agit sans prendre conseil des hommes charnels,
entièrement
en dehors d’eux et à leur insu. Elle ne confie ses desseins qu’à ceux qui
possèdent la même foi (v. 1-3).
La foi cherche
l’occasion de servir le peuple de Dieu ; elle tient le
monde pour ennemi de Dieu et entièrement séparé, par son incirconcision, du
peuple de l’Éternel (v. 4).
La foi est humble.
Elle a conscience de l’indignité
et de la culpabilité de l’homme, conscience de la ruine du peuple de Dieu.
L’homme de foi se sent indigne d’être secouru autrement que par la grâce ;
il dit : « Peut-être » ; mais, d’autre part, il s’appuie sur la
puissance de Dieu pour sauver « avec peu ou beaucoup de gens », c’est-à-dire par
les moyens qui conviennent à Celui-ci. Dans le sentiment de sa petitesse,
l’homme de foi désire être un instrument de bénédiction et s’offre à Dieu pour
cela (v. 6).
La foi de Jonathan trouve un écho
dans le coeur du jeune homme qui
porte ses armes, homme de foi lui-même, humble et inconnu, car nous ignorons
jusqu’à son nom. Ce jeune homme s’associe à la foi de son maître, comme Timothée
à celle de Paul, car dès l’enfance, par la connaissance des saintes lettres,
Timothée « portait les armes » de l’apôtre. Ce « jeune homme » de Jonathan estime
hautement celui qui possède de telles armes, et il en connaît l’usage. Sa foi
s’associe à l’homme qui n’a pas d’autre but que la gloire de l’Eternel et le
salut du peuple (v. 7).
La foi ne se cache pas ;
elle ne craint pas le témoignage de Dieu, mais se montre en public
aux adversaires (v. 8).
La foi ne retourne jamais en arrière,
mais il y a des occasions où il lui
faut savoir attendre
et rester sur
place. C’est la patience de la foi. Le signe pour agir provient d’un appel
direct de Dieu, par quelque canal qu’il nous parvienne (v. 9-10).
La foi s’associe toujours avec le peuple de Dieu, tout entier
; elle n’accepte pas d’être appelée
d’un autre nom que celui d’Israël
, ni par le monde religieux, ni par le
monde ennemi (voyez 13:3 ; 14:11-12). Les ennemis de Dieu tombent devant
la foi, toujours associée à la parole de Dieu (les armes de Jonathan) qui les
juge (v. 13).
Un homme de foi seul
a plus de force que toutes les organisations
dans lesquelles le monde
croit concentrer sa force pour servir Dieu. Jamais ces organisations
n’acquerront le salut au peuple de Dieu.
Les armes du monde ne servent à ceux qui les possèdent qu’à s’entretuer (v. 16). Les armes d’une profession sans vie ne lui servent de rien ; les armes de la foi sont seules efficaces.
Ce que le monde appelle sa
religion
n’a rien de commun avec la foi.
Une telle assertion peut
paraître téméraire, mais ce chapitre de Samuel, comme tant d’autres, vient la
confirmer d’une manière absolue.
Extérieurement, tout l’avantage religieux est non pas du côté de Jonathan, mais du côté de Saül. Sans doute, l’Ennemi a privé tous ces Hébreux de leurs armes, comme il réussit de plus en plus à priver la chrétienté de la parole de Dieu ; cependant, pour sauver les apparences, elles existent encore, aussi bien entre les mains de Saül, qu’entre celles de Jonathan. La différence entre le professant, Saül, et l’homme de foi, Jonathan, c’est que le premier ne fait pas usage de ses armes et que le second a un compagnon de sa foi pour les porter. Il en est ainsi de la chrétienté.
La parole de Dieu n’est donc
pas absente de ce que nous appelons la religion,
mais elle est inefficace. La masse du peuple, ne la connaissant pas, ne
peut en faire usage.
Saül a la masse du peuple et
tout le reste de l’armée avec lui. Jonathan a un seul homme. Saül a le
sacrificateur avec lui, mais ce dernier n’est pas l’objet du choix de l’Éternel
(voyez 2:34-35). Le sacrificateur est ici l’homme
officiel
. Il porte
l’éphod ; il est censé être le seul qui puisse connaître la pensée de Dieu
et l’interroger pour le peuple ; le seul qui puisse faire approcher
l’arche, signe de la présence de Dieu et de son habitation au milieu
d’Israël ; le seul qui, par le sacrifice sur l’autel, permette au peuple
de s’approcher de Dieu — mais Dieu ne répond
pas
. Celui qui
siège entre les Chérubins est avec Jonathan. Sans la foi, la possession des
signes extérieurs de la présence de Dieu avec son peuple ne donne aucune
confiance à l’âme quand le danger se présente. Le tumulte va croissant, les
formes religieuses ne servent plus de rien, Saül dit : « Retire ta main »,
et se passe de ces vaines formalités : La victoire est attribuée à celui
qui n’a pas perdu son temps à ces choses. Mais, de fait, il n’y a pas
de victoire, quoique l’homme puisse
affirmer le contraire : Le monde ne le voit pas, mais Dieu voit et sait
que, dans le combat dont il est ici question, il a donné la victoire à la foi
de deux faibles hommes.
Le monde religieux s’attribue
toujours le succès comme le démontre une occasion précédente où Jonathan avait
eu le seul rôle (13:3-4). Il invoque le même Dieu que l’homme de foi, mais,
quand il s’agit de victoire, au lieu d’attribuer le succès à la foi, il ne
l’attribue qu’à lui-même et ne cherche que son propre avantage. Il dit :
« Jusqu’à ce que je me sois vengé
de mes ennemis
» (14:24).
Saül croit remédier à son incrédulité par le serment téméraire qu’il fait prêter au peuple. Vaine formalité qui n’a pour résultat que de rendre Saül responsable de la violation de ce serment et met en danger la vie de l’homme de foi qui seul avait remporté la victoire.
En résumé, tout l’imposant
appareil religieux qui est avec Saül est frappé
de la stérilité la plus complète
.
Saül ne se sert pas de ses armes ; son armée n’en a pas ;
l’arche n’est pas même utilisée ; le sacrifice n’est pas offert ; la
sacrificature n’est d’aucun profit ; le serment ôte au peuple toute sa
force ; l’autel, par lequel on s’approche de Dieu, n’a d’autre réponse que
le jugement. Cette religion, au lieu d’exalter Jonathan, le sauveur d’Israël,
prononce son arrêt de mort !